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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 11 octobre 1996

.0955

[Traduction]

La présidente: Nous sommes de retour en public, pour poursuivre la séance.

Nous entendrons ce matin des représentants du groupe Citizens Against Violence. Nous avons avec nous la présidente, Mme Beverley Frey, qui va apparemment faire une présentation et répondre aux questions. Elle est accompagnée de M. Jim Downey, un assistant, de Mme Anita Abbott, qui fait partie du comité du programme, de Mme Tracy Walsh, une victime, qui répondra aussi à nos questions, et de M. John Prystanski, du conseil municipal de Winnipeg, qui répondra lui aussi aux questions.

Je vous remercie d'être venus. Madame Frey, si vous voulez bien commencer, nous allons d'abord entendre votre présentation.

Mme Beverley Frey (présidente, Citizens Against Violence): Merci, madame la présidente.

Le groupe Citizens Against Violence remercie le comité de lui avoir permis de présenter son point de vue. Nous sommes encouragés de voir que vous étudiez la loi et que vous comptez y apporter des changements.

Je dois vous dire pour commencer que notre organisation compte 31 membres, dont 30 ont été victimes de crimes. Nous savons donc personnellement comment un crime peut changer notre vie et celle de notre famille. Mon propre fils a été battu sauvagement par des jeunes d'un gang de rue qui voulaient sa planche à roulettes. Tracy, une de mes collègues qui est ici aujourd'hui, a été enlevée et laissée pour morte. Elle a été battue et connaît la violence.

Voyons un peu quelle est l'ampleur du problème. La police estime que les gangs de rue comptent 800 membres, dont 75 p. 100 sont autochtones, ce qui fait 600. Nous croyons, nous, que ces gangs comptent 2 000 membres dans notre ville, dont 1 500 autochtones. Au moins 50 p. 100 sont des jeunes contrevenants, ce qui signifie, selon les chiffres sur lesquels on se fonde, que 90 ou 225 membres des gangs de jeunes sont violents et sans pitié.

Nous, les victimes de la violence de ces gangs, nous croyons que la Loi sur les jeunes contrevenants avantage les criminels et non les victimes. Cela a empoisonné nos vies et brisé nos coeurs.

Voilà une liste des éléments que nous trouvons injustes dans cette loi.

Puisqu'il y a beaucoup de jeunes autochtones dans les gangs de rue, nous suggérons que les organisations autochtones jouent un rôle important dans la lutte contre le problème. Notre propre système est tellement surchargé qu'il en est inefficace.

Les policiers devraient aussi jouer un rôle plus important au moment de la mise en accusation. Après tout, ce sont nos soldats de première ligne dans cette bataille, et ils ont l'expérience voulue. Pourquoi les laisser de côté et faire appel seulement à des avocats?

La négociation de plaidoyers a augmenté à un point tel que des crimes qui étaient jugés sérieux à l'origine ont été dilués. Les victimes ne sont pas d'accord. Très souvent, les gens qui ont commis un crime grave plaident coupables pour un crime moins grave, et 75 p. 100 d'entre eux sont en probation. Les six garçons qui ont battu mon fils et qui ont tué un autre garçon étaient en probation.

En ce qui concerne la mise en liberté surveillée, nous croyons qu'un an n'est pas suffisant pour donner aux jeunes contrevenants un counselling approprié, puisqu'ils ont déjà purgé les deux tiers de leur peine lorsque le traitement et le counselling commencent. La liberté surveillée est la risée des gangs de rue. Ces jeunes savent qu'il n'y a pas assez de personnel pour les suivre de près, et ils commettent d'autres crimes.

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Nous croyons qu'il n'y a pas de véritables programmes de redressement. Non seulement ils sont volontaires, mais ce sont seulement des programmes d'information, et non de redressement.

Avez-vous songé à surveiller par des moyens électroniques le respect du couvre-feu imposé aux jeunes contrevenants qui ont été reconnus coupables? Ce sont deux mesures qui vont bien ensemble. Et si la surveillance pose un problème sur le plan financier, pourquoi ne pas avoir recours à un groupe bénévole comme le nôtre?

Voici quelques recommandations de deux grands-parents dont le petit-fils appartenait à un gang. Quand il a essayé d'en sortir, il s'est fait tirer dessus et il est maintenant paraplégique pour le reste de ses jours. Sa mère l'a laissé parce qu'elle n'en pouvait plus.

Premièrement, il faut retransformer les établissements pour jeunes en écoles de réforme appliquant une discipline stricte. Le travail devrait être obligatoire, et non facultatif.

Deuxièmement, il serait peut-être possible de laisser certains jeunes non violents dans les établissements pour jeunes, mais les récidivistes et les jeunes violents devraient être envoyés dans un milieu plus strict qui leur offrirait de meilleures chances de réforme; comme ce ne sont pas des criminels endurcis, il ne faut pas les envoyer dans des endroits où ils apprennent à devenir des criminels plus efficaces.

Troisièmement, il ne devrait pas y avoir de cautionnement possible pour les jeunes contrevenants considérés comme ayant de graves problèmes affectifs ou sociaux, ou encore une histoire de récidive.

Tous les jeunes contrevenants qui sont victimes du syndrome d'alcoolisme foetal ou des effets de l'alcoolisme foetal devraient avoir droit à une aide fédérale immédiate. Cette aide devrait être orientée vers les organisations qui s'occupent du problème plutôt que vers les parents. Il s'agit d'un problème présent dans tout le Canada. Plus nous interviendrons tôt, mieux ce sera, et il y aura moins de jeunes violents.

Quatrièmement, il ne devrait pas y avoir de libération ou de probation anticipée pour les pensionnaires des établissements pour jeunes; par ailleurs, ces établissements ne devraient pas être mixtes pour éviter que de jeunes contrevenantes soient recrutées par des garçons détenus avec elles ou par de jeunes souteneurs. Il faut en outre interdire aux gardiens d'avoir des contacts avec les contrevenantes après leur libération. S'ils enfreignaient cette règle, ils seraient automatiquement congédiés. La règle s'appliquerait également au recrutement homosexuel. Ces enfants sont accusés en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, qui est du ressort fédéral.

Cinquièmement, il devrait y avoir de lourdes pénalités pour les jeunes qui ne se présentent pas en cour, qu'ils soient en liberté sous caution ou en probation.

Sixièmement, ces jeunes sont accusés en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, et si les parents doivent payer une amende pour les actes répréhensibles commis par leurs enfants, les jeunes devraient aussi en payer une aux autorités provinciales ou fédérales.

Septièmement, la Loi sur les jeunes contrevenants devrait contenir des dispositions sur les enfants de moins de 12 ans qui commettent des crimes graves comme des incendies criminels, des vols, des viols ou des agressions sexuelles. Il est évident qu'un enfant de moins de 12 ans qui a commis ces crimes horribles a besoin d'une aide psychologique immédiate.

Nous estimons également:

i) que, pour les jeunes de moins de 12 ans, une première infraction devrait entraîner un avertissement aux parents en leur présence;

ii) que la deuxième infraction devrait entraîner une amende pour les parents; un ombudsman pourrait intervenir afin d'aider les parents qui n'ont pas réussi à trouver de l'aide pour répondre à leurs besoins immédiats;

iii) que ces pénalités devraient être annoncées dans les médias au moins un an avant la mise en vigueur de la loi;

iv) que, dans les cas de vols avec violence ayant donné lieu à une agression contre une personne, les parents devraient être avertis s'il s'agit d'une première infraction et que le jeune devrait être envoyé immédiatement à l'école de réforme pour toute infraction ultérieure;

v) qu'aucun cautionnement ni aucun congé ne devraient être accordés sauf si un professionnel qualifié le recommande;

vi) qu'il faudrait abaisser à 10 ans l'âge auquel des accusations peuvent être portées au criminel.

J'ai téléphoné au Dr Schludermann, qui est docteur en psychologie à l'Université du Manitoba. Je lui ai demandé à quel âge on pouvait tenir les enfants responsables de ce qu'ils faisaient. Il m'a suggéré l'âge de 10 ans.

Pour finir, nous croyons aussi que, lorsqu'un jeune contrevenant est condamné à une peine de deux ans au Centre manitobain pour la jeunesse, il devrait y purger sa peine au complet.

Ce que nous déplorons, c'est que les jeunes sont traités avec tellement d'indulgence que la Loi sur les jeunes contrevenants est la risée de tout le monde. Nous comprenons qu'il faut donner aux jeunes toutes les chances possibles de changer, mais si nous n'appliquons pas de mesures plus strictes, nous ne leur accordons pas cette chance. C'est particulièrement vrai à notre époque de compressions budgétaires. Par exemple, le nombre d'agents de probation a été abaissé à trois à Winnipeg. Nous ne voulons pas enseigner à nos jeunes que le crime les mènera au Club Med.

Ce mémoire est respectueusement soumis par le groupe Citizens Against Violence.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci. Monsieur Nunez.

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Mme Frey: Si vous me permettez, madame la présidente, M. Prystanski va présenter quelque chose tout de suite.

La présidente: Je n'ai pas le nom de M. Prystanski sur ma liste.

M. John Prystanski (Citizens Against Violence): Il me semble que mon nom a été donné au comité et que vous avez le texte de ma présentation en main.

La présidente: Vous avez un mémoire?

M. Prystanski: Oui, je l'ai remis à un de vos greffiers ce matin.

La présidente: Quand avez-vous pris ces arrangements-là, monsieur Prystanski?

M. Prystanski: Je m'étais entendu avec le groupe Citizens Against Violence pour faire partie de sa délégation.

La présidente: Vous voulez dire que vous avez pris ces arrangements ce matin?

M. Prystanski: Non.

Mme Frey: Non, son nom était sur cette feuille il y a quelque temps déjà.

La présidente: D'accord, allez-y.

M. Prystanski: Merci.

Bonjour. Au nom des citoyens de Winnipeg, nous tenons à vous remercier d'avoir pris le temps d'entendre nos préoccupations au sujet de la violence chez les jeunes et de ce qui devrait être d'après nous le principe directeur de la réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je représente un quartier du centre-ville depuis sept ans. La violence des gangs de rue se manifeste surtout chez nous, et le revenu familial moyen y est plus bas que dans le reste de la ville.

Les actes de violence que commettent certains jeunes semblent être un mode de vie pour ceux qui croient que le don de la vie n'est qu'une coquille vide et qui n'ont aucun espoir de trouver l'huître dans laquelle se cache la perle de la vie.

Les décideurs de notre ville, de notre province et de notre pays ont une obligation envers les citoyens de Winnipeg: c'est celle d'élaborer une politique qui permette à tous les citoyens de vivre librement, sans risquer d'être terrorisés ou menacés parce que quelqu'un n'a pas eu la chance de réussir autrement que par le crime.

Il y a quatre questions fondamentales qui doivent servir à déterminer l'efficacité de toutes les modifications proposées.

Premièrement, les modifications sont-elles justes pour les victimes? La Loi sur les jeunes contrevenants oublie souvent les victimes de violence. Quelle que soit la peine imposée au jeune contrevenant, la victime doit souvent vivre avec les cicatrices physiques et psychologiques du geste de son agresseur. Il y a des moyens d'atténuer ces cicatrices et de permettre en même temps à la victime d'entreprendre son processus de guérison.

Deuxièmement, est-ce que le public sera plus en sécurité par suite des mesures prises contre le jeune? Nous constatons souvent que les peines imposées aux agresseurs visent à répondre à ce qu'on estime être leurs besoins et nous oublions que le public en général a le droit de vivre en sécurité grâce aux mesures prises par le système judiciaire.

Troisièmement, le jeune contrevenant aura-t-il accès à des possibilités de réadaptation? Le jeune de 13 ans qui n'a jamais pu apprendre de ses erreurs et à qui on montre seulement comment les autres jeunes contrevenants se comportent, de façon négative, apprendra seulement à rester dans la voie du crime.

Quatrièmement, qu'est-ce que nous sommes prêts à faire pour prévenir la criminalité chez les jeunes? Dans notre quête de justice, allons-nous nous contenter de solutions rapides qui ne font que balayer le problème sous le tapis ou si nous allons investir dans les outils qui aideront les jeunes d'aujourd'hui à se convaincre que le crime ne paie pas?

La Loi sur les jeunes contrevenants devrait être modifiée en fonction des principes suivants si nous voulons que les choses changent en profondeur.

La sécurité publique et la responsabilité doivent passer en premier.

Les jeunes doivent assumer la responsabilité de leurs actes. Elle est finie, l'époque où on pouvait dire que les enfants ne savent pas ce qu'ils font.

Pour protéger la société, il faut permettre aux jeunes de se réadapter, et non continuer à les punir.

Quand les jeunes vont en cour, il faut obliger leurs parents ou leurs tuteurs à participer au processus judiciaire ou aux sanctions économiques prises contre les jeunes. La loi doit obliger les parents à assumer leurs responsabilités, à prendre soin de leurs enfants et à les surveiller, par exemple à s'assurer qu'ils ne manquent pas l'école et qu'ils rentrent à la maison le soir avant qu'il fasse noir.

Il n'est pas nécessaire de publier le nom des jeunes contrevenants. Il ne faut surtout pas glorifier leurs activités criminelles.

Il faut plus de possibilités sur le plan des services communautaires... Il faut avoir recours aux comités de justice pour la jeunesse. Il faut montrer aux jeunes qu'ils doivent être responsables de leurs actes et que la collectivité en tiendra compte s'ils corrigent leurs erreurs.

Les jeunes contrevenants doivent aussi être jugés plus tôt, par exemple dans un délai maximum de 90 jours.

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Il faut modifier la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel pour abaisser de 12 à 10 ans l'âge auquel ils s'appliquent.

Il faut faciliter le transfert devant des tribunaux pour adultes des récidivistes endurcis et des jeunes qui ont commis des crimes graves.

Il faut des peines plus sévères pour les récidivistes. Il arrive que certaines personnes soient incapables de coopérer avec la société; la protection du public devient alors la préoccupation prédominante.

Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir laissé le temps de vous présenter mon exposé. J'espère seulement que ces idées vous aideront à rendre notre collectivité beaucoup plus sûre et beaucoup plus agréable pour ses résidents.

La présidente: Merci.

Monsieur Nunez, vous avez 10 minutes.

[Français]

M. Nunez (Bourassa): C'est la première fois que je participe aux consultation du Comité permanent de la justice et des questions juridiques. Le dossier qui m'est confié à la Chambre des communes est celui de l'immigration et de la citoyenneté. Je suis heureux de participer à ces consultations ici à Winnipeg, au Manitoba. J'étais déjà venu ici il y a 17 ans pour participer à un congrès syndical au niveau canadien. J'ai gardé de très bons souvenirs de cette ville que j'aime beaucoup.

Je dois exprimer ma sympathie pour les personnes qui ont été victimes d'actes criminels commis par des jeunes. La loi doit protéger les victimes. Vous avez fait quelques commentaires ou suggestions que je pourrais partager, mais à l'égard desquels j'ai plusieurs réserves.

Pour commencer, j'aimerais demander à Mme Frey pourquoi les chiffres qu'elle cite concernant les jeunes autochtones qui font partie des gangs de rue sont différents de ceux de la police. Vous dites que la police en estime le nombre à 800 et que 75 p. 100 des jeunes contrevenants sont de jeunes autochtones. Quant à vous, vous estimez que les gangs de rue regroupent 2 000 jeunes, dont 1 500 jeunes autochtones. Ce total me semble un peu exagéré. Pourriez-vous me dire d'où proviennent les chiffres que vous avez donnés dans votre présentation?

[Traduction]

Mme Frey: Je pense que les gangs comptent à peu près 2 000 membres dans notre ville. C'est ce qu'on m'a dit.

M. Nunez: Qui vous l'a dit?

Mme Frey: Je ne peux pas vraiment vous le dire pour le moment. Disons seulement que j'ai une source, selon laquelle les gangs comptent 2 000 membres dans notre ville. Quand je parle de «membres de gangs», je veux parler des contrevenants; il y a 2 000 contrevenants, jeunes et adultes. C'est le chiffre qu'on m'a donné.

Voilà comment j'en suis arrivée à ces chiffres. On m'a dit qu'il y avait à peu près 2 000 membres dans les gangs. C'est exactement ce qu'on m'a dit.

M. Prystanski: Premièrement, je voudrais souhaiter la bienvenue à monsieur Nunez, du Québec, et le remercier de sa participation à ce débat très utile dans notre ville.

Ce chiffre, que la police de Winnipeg nous a cité sans hésitation, signifie que la police a identifié environ 900 personnes qui appartiendraient aux gangs de rue, et dont elle connaît le nom et le visage. Les membres de ces gangs avaient au départ huit, neuf ou dix ans et sont maintenant de jeunes adultes, à la fin de l'adolescence et au début de la vingtaine. Les autres chiffres concernent les acolytes que nous leur connaissons.

Quant à savoir si nous connaissons le nom et l'adresse des 50 p. 100 qui restent ou si nous en avons une photo, non. Mais nous savons qu'ils existent. Nous avons des preuves sur environ 900 personnes.

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[Français]

M. Nunez: Comment avez-vous établi ce pourcentage très élevé, de l'ordre de 75 p. 100, de jeunes autochtones dans une ville où ils sont en minorité?

[Traduction]

M. Prystanski: Ce n'est pas un chiffre que nous avons sorti d'un chapeau de magicien. Encore une fois, il est tiré des renseignements statistiques fournis par nos sources policières, qui ont identifié les membres de nos gangs de rue. À Winnipeg, ces gangs se composent surtout d'autochtones. Ce n'est pas quelque chose dont nous sommes très fiers, mais il faut le reconnaître et, si nous voulons que vos audiences servent à quelque chose, nous devons au moins le dire au comité.

[Français]

M. Nunez: En donnant ces chiffres, ne croyez-vous pas que vous contribuez un peu à accroître les préjugés à l'égard de la population autochtone, particulièrement à l'égard des jeunes autochtones? Ça me semble un peu exagéré. Je ne sais pas si vos statistiques sont scientifiques ou pas.

[Traduction]

M. Prystanski: Ce n'est pas notre intention; nous ne voulons pas ajouter au problème. Ce que disent ici les membres du groupe Citizens Against Violence est fondé sur leur propre expérience du problème des gangs de rue à Winnipeg. Mme Frey et nos collègues ont tous connu ce problème personnellement. Nous ne sommes pas très fiers d'en parler, mais si nous n'en parlons pas, nous ne pourrons pas régler le problème. Nous le devons à tous les citoyens de Winnipeg - d'où qu'ils viennent et qui qu'ils soient.

Je pense que la pire injustice sociale dans notre collectivité serait de ne pas reconnaître le problème et d'essayer de le régler de façon uniforme et universelle, alors que nous savons qu'il y a certains problèmes qu'il faut examiner séparément. C'est pourquoi nous demandons, dans nos recommandations, que la Loi sur les jeunes contrevenants soit modifiée de manière à permettre à la communauté autochtone de jouer un plus grand rôle dans les efforts visant à résoudre certains de ces problèmes.

M. Jim Downey (Citizens Against Violence): Madame la présidente, notre groupe n'a aucunement l'intention de se répandre en médisances sur la population autochtone. Nous croyons que les chiffres qu'on nous a donnés, et que nous vous avons indiqués, sont vrais. Cela ne change pas grand-chose qu'il y ait 90 personnes en cause ou 225. Il y a beaucoup d'enfants autochtones qui sont laissés à eux-mêmes dans notre collectivité. Je ne comprends pas pourquoi certains des chefs autochtones ne les prennent pas sous leur aile.

Nous sommes dans la province du Manitoba, qui est un chef de file dans le domaine de l'indépendance des autochtones. Les autochtones se battent pour s'approprier leur justice. Il me semble que la loi devrait donner aux jeunes contrevenants, comme option de remplacement, la chance d'être traités et supervisés par des organisations autochtones. Nous avons toujours échoué dans nos efforts pour nous en occuper. Ces organisations ne pourraient pas faire pire. C'était là notre intention; nous voulions essayer d'amener les chefs autochtones à participer, en particulier sous l'égide du chef Fontaine.

[Français]

M. Nunez: Merci.

.1020

[Traduction]

La présidente: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie de votre présentation.

Nous avons toujours deux préoccupations dans les discussions sur les jeunes contrevenants, et sur la justice en général. Il faut tout d'abord essayer d'empêcher les jeunes de commettre des crimes. Mais il faut aussi voir ce que nous pourrions faire des criminels violents qui constituent une menace pour la société.

Nous sommes allés en Alberta, où nous avons visité un établissement fermé. Les responsables de cet établissement nous ont fourni une liste de leurs détenus qui avaient commis les crimes les plus graves; il y en avait 35 sur 197. Il y avait là au moins six ou sept meurtriers, de même que des détenus condamnés pour homicide involontaire coupable par suite d'une introduction par effraction ayant entraîné la mort de quelqu'un.

À mes yeux, mon rôle au sein du comité consiste à chercher un équilibre raisonnable entre la nécessité de protéger la société, d'une part, et la nécessité de consacrer plus de ressources à la détection précoce et à la prévention pour empêcher que nos jeunes commettent des crimes, qu'ils soient autochtones ou pas. Il faut se pencher sur les moyens de prévention. Mais en même temps, il faut se demander quoi faire des jeunes contrevenants qui sont relâchés dans la société, qui constituent une menace - comme le prouvent leurs actions passées - et qui vont demeurer dangereux s'ils ne sont pas réadaptés convenablement.

Voilà quelques-uns des problèmes que notre comité devra résoudre, et les témoignages que nous entendons vont dans les deux sens. Je me demande parfois si ces témoignages représentent l'équilibre que nous cherchons à atteindre. À mon avis, la protection de la société vient en premier. C'est essentiel. Mais il y a aussi de bonnes raisons de dire que la détection précoce et la prévention constituent les meilleurs moyens de protéger la société: il faut faire en sorte que les jeunes n'aient pas de démêlés avec le système de justice pénale. Donc, il y a du pour et du contre des deux côtés.

Il y a une question qui me préoccupe dans ce dont nous avons discuté hier avec le Procureur général quand il a comparu devant nous. Depuis 1984, il semble que le gouvernement fédéral - qui est directement responsable de la protection de la société en vertu des dispositions constitutionnelles sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement - ait abdiqué ses responsabilités dans ce domaine dans le cas des jeunes de moins de 12 ans. Si un enfant de 10 ou 11 ans commet un acte qui serait autrement considéré comme un crime, ce n'en est pas un, et ce sont les autorités provinciales qui doivent s'en occuper. Mais elles ne le font pas en vertu du droit pénal, parce qu'il n'y a rien dans le droit pénal qui les autorise à agir. Elles doivent par conséquent envisager la question sous l'angle de la protection de l'enfant, qui relève des provinces sur le plan constitutionnel. Je me pose donc de sérieuses questions à cet égard, et c'est pourquoi le parti que je représente préconise d'abaisser l'âge à 10 ans.

Nous avons entendu hier une suggestion de compromis à ce sujet-là. Ce compromis consistait tout simplement à permettre au Procureur général, ou peut-être au procureur de la Couronne par l'entremise du Procureur général, d'invoquer la Loi sur les jeunes contrevenants dans le cas de crimes graves commis par des enfants de 10 ou 11 ans, ou de n'importe quel âge. La Loi sur les jeunes contrevenants s'appliquerait alors à ces enfants. Je pense que c'est une bonne idée. C'est raisonnable, du moins à mon avis.

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Nous entendons le point de vue des victimes non seulement dans les témoignages présentés devant le comité, mais aussi dans les lettres, les pétitions et les appels que nous recevons. Il y a de plus en plus de victimes et chaque fois qu'il y a un meurtre, qu'il ait été commis par un jeune ou par un adulte, leur cercle s'agrandit - les parents, la famille élargie, les amis et associés, et l'ensemble de la population. Les effets s'en font sentir par ricochet dans tout le pays. Et le nombre des victimes augmente sans cesse. Il y a chaque jour des gens qui sont victimes de violence.

Donc, quand j'examine la Loi sur les jeunes contrevenants et que je pense à la responsabilité primordiale de l'État, à savoir la protection de la société, il me semble que la loi contient certaines lacunes. Il y a d'abord la question de l'âge. Je vois ici, dans vos recommandations, que vous ne publieriez pas les noms des jeunes contrevenants, mais certains jeunes contrevenants eux-mêmes nous ont dit qu'il faudrait publier les noms des personnes reconnues coupables de crimes à caractère sexuel afin de protéger les membres de la société.

En tant que parent, il y a deux choses que je peux faire. Je peux faire mon possible pour aider ce jeune contrevenant, ou alors je peux garder mes enfants loin de lui et m'assurer au moins qu'ils seront protégés si le jeune contrevenant était tenté un jour de commencer.

Les jeunes un peu plus âgés qui commettent des meurtres, à 16 ou 17 ans, posent également un problème. Nous avons parlé à quelques-uns des détenus de l'établissement fermé que nous avons visité. Il est très clair que les programmes de réadaptation ne fonctionnent que pour ceux qui le veulent, pour ceux qui cherchent vraiment à modifier leur comportement.

Nous avons envisagé de tenir les parents responsables. Nous avons entendu dire, lors de notre passage dans les Territoires du Nord-Ouest, que 5 p. 100 des enfants étaient accompagnés de leurs parents lorsqu'ils se présentaient devant le tribunal pour adolescents. À mon avis, c'est inacceptable. La loi devrait permettre aux tribunaux d'insister pour que les personnes qui sont responsables des enfants au premier chef - c'est-à-dire les parents - soient obligées d'être au moins présentes pour entendre décrire ce qui s'est passé, ce que l'enfant a fait, à qui il a fait du tort, quels dommages il a causés, et ainsi de suite.

Je recommande aussi - comme on nous l'a suggéré au moins une fois - que l'ancienne infraction qui consistait à contribuer à la délinquance d'un enfant, et qui existait en vertu de la Loi sur les jeunes délinquants, soit remise en vigueur pour que les parents, la police et la société disposent des outils nécessaires pour protéger les enfants contre les adultes ou les personnes plus âgées qui veulent les attirer dans la voie du crime.

J'ai mentionné ces trois, quatre ou cinq modifications que nous pourrions apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Est-ce qu'un d'entre vous aimerait commenter?

M. Prystanski: Premièrement, je ne m'oppose pas à ce que la Loi sur les jeunes contrevenants soit invoquée dans le cas de certains enfants de 10 ans et plus. En fait, je préférerais même que l'âge soit abaissé officiellement à 10 ans parce qu'il y a beaucoup de jeunes aujourd'hui qui pensent - parce qu'ils connaissent de mieux en mieux le monde de la criminalité - qu'on ne peut rien leur faire s'ils n'ont pas 12 ans. Et je n'ai pas l'impression que nous leur rendrions service en faisant des exceptions pour que la Loi sur les jeunes contrevenants s'applique à eux; cela ne ferait qu'augmenter leur prestige. Nous aimerions que l'âge soit abaissé pour que les enfants eux-mêmes sachent qu'ils doivent assumer la responsabilité de leurs actes.

.1030

Pour ce qui est de la publication des noms des jeunes qui commettent des infractions à caractère sexuel, la recommandation que je vous ai présentée aujourd'hui à ce sujet-là porte sur les jeunes qui s'introduisent dans les maisons par effraction et qui commettent d'autres crimes plus graves, dont celui qui est à mon avis un des deux crimes les plus sérieux qui soient, et qui consiste à enlever la vie à quelqu'un. Il ne faut pas faire à ces jeunes le plaisir de les considérer comme des criminels importants. Nous pensons que, quand quelqu'un enlève la vie à une autre personne, c'est le crime ultime. Ces enfants-là cherchent souvent de l'attention qu'ils n'obtiennent pas à la maison. Nous ne devrions pas glorifier leurs actes par la négative.

Quant à savoir si nous devrions publier les noms des jeunes qui commettent des infractions à caractère sexuel, je n'ai pas eu l'occasion personnellement de me pencher beaucoup sur cette question. Heureusement, je n'ai jamais eu à résoudre ce genre de problèmes dans la perspective de notre municipalité.

D'après ce que je sais du comportement des détenus entre eux - même si je n'ai jamais étudié cette question de près - les «skinners», comme on les appelle, sont sévèrement punis par leurs pairs. Est-il possible de réadapter des enfants qui ont commis un crime aussi horrible à un aussi jeune âge? J'espère bien. Et je ne pense pas que je voudrais risquer de les voir s'enfoncer encore plus profondément dans la criminalité et la violence.

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La réadaptation ne fonctionne que si les gens le veulent bien. Je ne crois pas que la majorité des enfants de 10, 12, 14 ou 15 ans commettent des crimes vraiment horribles, mais si on ne leur permet pas de se réformer et si on ne les met dans un environnement où c'est leur seule option, ils ne choisiront jamais de le faire.

Je suppose que la majorité d'entre nous ont des enfants. S'ils ne veulent pas faire le ménage de leur chambre, est-ce que vous les en empêchez? Vous ne leur dites pas: «D'accord, tu n'as pas à le faire. Je vais m'en occuper.» Vous les obligez à faire leur ménage. De la même façon, il faut trouver des moyens de nous assurer que les enfants participent effectivement aux programmes de réadaptation.

Je pense que la plupart des enfants veulent être gentils et qu'ils ont tout simplement besoin des directives nécessaires pour y arriver.

Pour ce qui est de la Loi sur les jeunes délinquants et de la disposition qu'elle contenait au sujet des gens qui contribuent à la délinquance d'un enfant, je pense que c'est une des lacunes sérieuses qui ont résulté du transfert de la Loi sur les jeunes délinquants à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Tout près d'ici, dans mon propre quartier, nous savons qu'il y a des gens qui incitent les jeunes à cambrioler des maisons. Ce sont des enfants de moins de 12 ans, ou en tout cas très jeunes, et nous ne pouvons rien faire contre ces adultes. Ce n'est pas bien parce que les jeunes apprennent des experts, si je puis dire. Ils n'apprennent pas des enseignants, ni des membres utiles de la société. Ces adultes qui encouragent ainsi les enfants à la criminalité devraient être punis parce qu'ils font probablement plus de tort à la collectivité que les enfants eux-mêmes.

La présidente: Merci.

M. Downey: Madame la présidente, pour répondre plus précisément à la question de M. Ramsay, vous verrez aux paragraphes 7a) et b) de la page 2, dans les recommandations formulées par des grands-parents, qu'il y a deux suggestions très précises. La première vise à retransformer les établissements pour jeunes en écoles de réforme - appelez-les comme vous voudrez - appliquant une discipline stricte. Au paragraphe b), les grands-parents qui ont été victimes d'un gang et dont le petit-fils est handicapé pour la vie suggèrent que les jeunes qui ne sont pas des récidivistes soient envoyés dans des écoles moins strictes, mais que les membres des gangs de rue qui sont violents et qui récidivent soient envoyés dans des établissements appelés «écoles de réforme», comme il en existait autrefois.

Madame la présidente, j'aimerais souligner encore une petite chose à tous les membres du comité. Nous sommes des citoyens, et nous avons comme point commun d'avoir été victimes de violence. Ce n'est pas nous qui avons rédigé la loi. Nous sommes vos clients, si vous voulez. Nous sommes les usagers. C'est nous qui sommes visés par les avantages de la loi, et par ses lacunes, et j'espère bien que les membres du comité vont demander à certaines personnes de notre groupe comment on se sent quand on est une victime.

Vous ne rencontrerez pas beaucoup de gens comme Tracy, qui est assise au bout de la table. Vous devriez entendre son histoire. C'est par des histoires comme celle-là que vos usagers essaient de vous dire ce qu'il faut changer, améliorer ou renforcer dans la loi.

Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Maloney, vous avez 10 minutes.

M. Maloney (Erie): Monsieur Prystanski, à la deuxième page de votre mémoire, sous la première rubrique, qui porte sur la justice pour les victimes, vous indiquez que la Loi sur les jeunes contrevenants oublie souvent les victimes de violence. Vous dites aussi qu'il y a des moyens d'atténuer les effets de cette violence tout en laissant aux victimes la possibilité d'entreprendre un processus de guérison. Pouvez-vous me dire de quels moyens vous parlez exactement?

M. Prystanski: D'après notre expérience, les victimes ne savent pas quand les criminels seront traduits devant les tribunaux à moins de faire des recherches longues et complexes. Autrement, elles ne savent pas quand les jeunes passent en cour et quelle peine leur est imposée.

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Il arrive souvent que, même devant les tribunaux, ces jeunes profèrent de nouvelles menaces contre les victimes de leurs actes violents, que ce soit verbalement ou au moins physiquement, par leur langage corporel. Nous ne pouvons pas permettre ce genre de choses. Si la victime d'un acte de violence se présente au tribunal pour savoir quelle est la peine imposée à son agresseur, ou du moins pour voir comment le système judiciaire règle le problème, les jeunes font souvent des commentaires physiques et verbaux très négatifs et méprisants. Ce n'est pas acceptable.

Quand ces jeunes commettent un crime, combien de fois est-ce qu'ils dédommagent leur victime? Évidemment, il y a des crimes pour lesquels l'agresseur ne peut pas dédommager sa victime, mais c'est possible dans bien des cas. Par exemple, combien y a-t-il d'enfants qui ont volé 20, 30 ou 40 voitures et à qui il n'arrive rien quand ils vont en cour? Il n'y a aucun contact entre le contrevenant et sa victime, pour permettre au contrevenant de s'excuser ou de dédommager sa victime, et d'établir des liens avec elle.

Très souvent, le jeune contrevenant ne se rend pas compte des effets négatifs de ses actes sur la victime. Il joue un rôle auprès de ses pairs. Il essaie de se redonner confiance en lui-même aux dépens de quelqu'un d'autre.

M. Maloney: Est-ce que quelqu'un voudrait commenter cette affirmation? Madame Frey.

Mme Frey: Je suis tout à fait d'accord avec John.

Certains de ces jeunes vont jusqu'à faire des menaces au téléphone. Ou encore, ils demandent par exemple à un autre jeune qui sort du Centre manitobain de la jeunesse de se rendre à l'école où va votre fils et de lui dire: «J'ai un message pour toi de la part de qui tu sais, que je viens de voir au Centre manitobain de la jeunesse. Il m'a dit qu'il y avait une balle qui t'attendait et une autre qui attendait ta mère quand il sortirait.»

Quand on reçoit des menaces comme celle-là, même devant les tribunaux...

J'ai déjà assisté à un procès pour meurtre. Tous les membres du gang étaient assis là à regarder la pauvre victime et sa famille, et ils lui ont ensuite fait des menaces. C'est extrêmement déplorable, ce qui se passe dans les tribunaux.

Il faut certainement faire quelque chose. Je vous parle du fond du coeur. Quand il y a des garçons et des filles qui sont tellement méchants que rien n'a d'effet sur eux...

Ils se fichent de tout. J'ai quelques objets ici, et ce n'est rien comparé à ce qu'a la police. Ceci est une plume; mais c'est aussi un couteau. Ces enfants-là s'en fichent, tout simplement. C'est pourquoi je vous demande d'essayer de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants pour aider au moins les victimes, parce qu'il n'y a vraiment pas grand-chose pour elles dans cette loi. Je vous implore donc d'essayer de vous mettre à la place des victimes.

Tracy voudrait vous dire quelque chose. Je pense que vous devez dire quelque chose, Tracy.

Mme Tracy Walsh (Citizens Against Violence): Je suis ici en tant que victime. Cela s'est passé il y a près de 17 ans. Le crime n'a pas été commis par un jeune contrevenant, mais je sais ce que c'est d'être une victime, dans le système judiciaire.

J'ai passé 15 ans et demi de ma vie à essayer de faire enfermer mon agresseur. Je souffre de problèmes psychologiques et affectifs. Je suis incapable de travailler. J'ai des problèmes de santé. Je souffre beaucoup par suite d'un crime qui a été commis contre moi il y a bien des années.

Dans le cas des jeunes contrevenants, qui commettent des crimes à un très jeune âge, il faut vraiment changer les choses, par exemple abaisser l'âge d'application de la loi.

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Le fils de Bev a été battu sauvagement. Ce sont des choses qui marquent pour toujours. Cela ne s'oublie tout simplement pas. On en a pour la vie. C'est nous qui sommes condamnés à perpétuité pour un crime que nous n'avons pas commis.

Donc, il faut vraiment apporter des changements parce que les victimes souffrent de bien des façons.

M. Maloney: Nous avons entendu les membres d'autres délégations nous dire que la médiation entre les agresseurs et les victimes a souvent un effet positif sur l'agresseur, tout autant qu'un effet thérapeutique sur la victime. Que pensez-vous de cette idée?

Mme Frey: Je ne pense vraiment pas que ce soit le cas, et Tracy non plus, j'imagine.

Le père d'un des garçons qui ont battu mon fils a dit à ses enfants qu'ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent tant qu'ils ne se font pas prendre. Je ne veux pas rencontrer cet homme-là. Je ne veux pas lui parler parce que, pour moi, ce n'est pas un parent. Ces jeunes ont vraiment endommagé le visage de mon fils. Son oeil ne sera plus jamais le même, jamais.

Il y a des gens dans notre groupe dont le fils a été assassiné. Il y a des enfants qui ont été mutilés pour la vie; il y a des paraplégiques. Ces mères, ces pères et ces grands-parents vivent un véritable enfer. Ils sont très fâchés de ce qui se passe dans les villes.

Je ne veux pas m'asseoir avec les gens qui ont fait cela à mon fils.

Je ne sais pas si vous voudriez parler à votre agresseur, Tracy?

Mme Walsh: Non, absolument pas.

M. Maloney: Monsieur Prystanski, nous avons entendu hier une idée intéressante, à savoir que les gouvernements de tous les niveaux - fédéral, provincial et municipal - devraient être enrôlés dans cette guerre contre la criminalité juvénile. Y a-t-il à la ville de Winnipeg une volonté politique de commencer ou de continuer à financer des programmes qui iraient dans le sens de la réadaptation et de la prévention dont M. Ramsay a parlé?

M. Prystanski: Je dirais que oui. Quand on regarde certains des problèmes que notre ville connaît actuellement, comme toutes les autres villes d'ailleurs, nous devons en faire plus avec moins parce que nous devons effectuer des compressions budgétaires pour lutter contre le déficit. Pourtant, dans notre ville, le financement du service de police a la priorité absolue parce que nous voulons nous assurer que nos citoyens vivent en sécurité; en deuxième place, nous essayons aussi d'organiser des activités auxquelles les jeunes peuvent participer. Donc, nous tenons d'une main la cravache et de l'autre une option positive qui permet à ces jeunes de faire quelque chose.

Il y a une volonté en ce sens, et nous sommes tout à fait prêts à travailler avec votre comité pour vous faire part des programmes que nous pourrions mettre sur pied ou des idées que nous pourrions avoir, qu'il s'agisse de programmes existants ou expérimentaux.

M. Maloney: Quand vous avez commencé à répondre, vous avez dit que les victimes ne savaient pas quand leur agresseur passait en cour, et vous avez aussi parlé du problème des renvois, par exemple. Est-ce que c'est la police qui s'occupe de ce genre de choses dans votre municipalité, ou si c'est le bureau du procureur de la Couronne? Est-ce que la police pourrait tenir les victimes mieux informées de ce qui se passe en cour?

M. Prystanski: La ville de Winnipeg offre des services aux victimes. Nous essayons de les aider à long terme. Pour ce qui est de les tenir informées du sort de leur agresseur, je ne sais pas si cela relève d'un service en particulier, mais l'information devrait être plus facilement accessible pour tous ceux qui sont en cause.

Par exemple, lorsqu'un agresseur commet un crime, la victime devrait en être automatiquement avertie. À mon avis, cela devrait se faire par l'entremise du système judiciaire, puisque c'est lui qui fixe les dates de comparution. C'est lui qui, dans bien des cas, finance les avocats qui représentent les agresseurs. C'est lui qui sait le plus souvent à quelle étape les causes en sont rendues.

Mme Walsh: Je sais d'expérience que les victimes sont seulement convoquées comme témoins, que ce soit dans les tribunaux pour adolescents ou pour adultes. J'ai passé 15 ans et demi de ma vie dans le système pour adultes, et je n'étais rien d'autre qu'un témoin qu'on pouvait convoquer au besoin.

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On m'a dit que l'affaire ne me regardait pas, que cela n'avait rien à voir avec moi, même si j'ai été battue, violée et laissée pour morte dans un fossé. Il n'y a pas beaucoup de communication entre la Couronne, la police, et la victime ou le témoin. Il est arrivé que je sois avertie de la date d'une comparution ou d'un appel la veille seulement.

Je pense donc qu'il y a vraiment un manque de communication; les victimes ne sont pas suffisamment informées. On ne nous parle même pas des négociations de plaidoyers, par exemple; on procède sans nous puisque nous ne sommes que des témoins.

La présidente: Je voudrais préciser certaines choses. Il y a dans votre mémoire certains renseignements qui ne me semblent pas très précis ou qui sont en contradiction avec ce que nous avons vu ailleurs.

Vous dites à la première page que les policiers devraient jouer un rôle plus important au moment de la mise en accusation. Vous dites: «Pourquoi les laisser de côté et faire appel seulement à des avocats?» Il me semble pourtant que c'est la police qui porte des accusations, partout au Canada, pas la Couronne ni les avocats. Que voulez-vous dire?

Mme Frey: Oui, c'est la police qui porte des accusations. Ce que nous disons, c'est qu'à notre avis, les policiers devraient intervenir davantage auprès des jeunes plutôt que d'appeler tout de suite les avocats de l'aide juridique et de leur dire ce qu'ils sont censés faire. Je pense que les policiers pourraient réagir beaucoup mieux puisqu'ils sont sur la ligne de front, qu'ils connaissent ces jeunes et qu'ils savent ce qu'ils font. Ils pourraient leur demander ce qu'ils font là ou pourquoi ils ont fait quelque chose d'aussi stupide. Je pense que ce serait plus efficace que de faire appel tout de suite aux avocats et d'enclencher tout de suite le processus de relations entre avocat et client, comme c'est le cas actuellement.

La présidente: Au paragraphe 7a), à la page 2, vous avez présenté la recommandation suivante:

Nous avons visité hier le Centre manitobain pour la jeunesse. Sauf en Alberta, peut-être, nous n'avons vu nulle part ailleurs au Canada une discipline plus stricte dans un établissement pour les jeunes. On nous a parlé de «discipline stricte», et nous en avons vu. Le centre fonctionne comme un camp militaire, surtout auprès des jeunes hommes et même dans un contexte urbain. Avez-vous des renseignements différents?

Mme Frey: Nous avons rencontré en cour, il y a quelques semaines, quelqu'un qui avait demandé une libération anticipée. Avant la fin de l'année, il avait tué quelqu'un. Je ne sais pas combien de mois il avait purgé à l'origine pour cet incident, mais il avait demandé une libération anticipée. On nous a dit que nous devions nous présenter devant le tribunal parce qu'il allait demander une libération anticipée. Il voulait être gardé en milieu ouvert pour pouvoir faire ce qu'il voulait.

Nous avons dû aller en cour trois fois, je pense, pour nous assurer que ce garçon resterait au Centre manitobain de la jeunesse. Il ne suivait pas son programme de traitement pour l'alcoolisme et la toxicomanie. Il allait aux séances seulement quand il en avait envie. Je pense qu'il avait à l'occasion quelques tâches à faire à la cuisine. Tout est facultatif, rien n'est obligatoire.

À mon avis, si vous avez un problème de drogue ou d'alcool et que vous avez tué quelqu'un, vous devriez être obligé de vous présenter au programme de traitement tous les jours sans faute pendant les deux prochaines années. Voilà ce que je pense de ces jeunes.

La présidente: D'après ce que nous avons observé et ce qu'on nous a dit au Centre manitobain de la jeunesse... J'essaie simplement de clarifier les choses parce que cela me préoccupe. Vous ne voulez pas avoir une information inexacte, et nous non plus. Je suppose que ce devrait être réconfortant pour vous si ce que nous avons vu est vrai. Vous devriez trouver cela rassurant. On nous a dit très clairement qu'il n'y a pas moyen d'y échapper quand un jeune est inscrit à un programme de traitement pour alcoolisme ou toxicomanie: il doit y assister. Les jeunes contrevenants qui étaient là-bas et que nous avons interrogés nous ont dit que c'était effectivement le cas; qu'ils ne pouvaient pas y échapper comme dans le système pour adultes, où il est possible de rester dans sa cellule si on le veut.

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Il y a quelqu'un qui n'a pas les bons renseignements, d'un côté ou de l'autre. Je peux vous assurer qu'il n'y a personne autour de la table qui aurait voulu d'un régime beaucoup plus strict que celui que nous avons vu là-bas.

L'autre question que je voudrais vous poser porte sur la page 3, où vous dites qu'il est évident qu'un enfant de moins de 12 ans ayant commis des crimes horribles a besoin d'une aide psychologique immédiate et que c'est une raison qui justifierait l'abaissement de l'âge. Je ne me souviens plus où j'ai lu cela ce matin - c'était peut-être dans le Sun - , mais le directeur du service d'aide à l'enfance était interviewé. Nous avons demandé hier quelle était la position des services d'aide à l'enfance à ce sujet-là. Vous ne savez peut-être pas qu'en Ontario, au Québec et dans d'autres régions du pays, contrairement à ce qui se passe au Manitoba, la Loi sur la protection de l'enfance contient des dispositions qui permettent au gouvernement provincial ou à la société d'aide à l'enfance, ou quel que soit le nom de l'organisme responsable, d'intervenir si un enfant se comporte d'une façon qui pourrait être considérée comme criminelle s'il était assez vieux pour être mis en accusation. Mais ce n'est pas le cas au Manitoba.

Voici l'article, dans le Sun:

Dans d'autres provinces, l'expression «besoin de protection» s'applique aux enfants qui ont commis des actes criminels. Vous serez peut-être contente de le savoir. Est-ce que vous trouveriez réconfortant de savoir que les services d'aide à l'enfance pourraient intervenir?

Mme Anita Abbott (présidente du comité du programme, Citizens Against Violence): Je pense qu'ils peuvent intervenir, mais qu'ils choisissent de ne pas le faire alors qu'ils le devraient.

J'ai moi-même un beau-fils qui a 13 ans. Nous nous sommes battus avec acharnement contre sa mère, contre le système scolaire et contre tout le monde pour lui obtenir l'aide dont il a besoin. Il a des problèmes et nous ne voulons pas qu'il se retrouve dans l'engrenage. Nous nous battons avec acharnement pour avoir de l'aide. Et on veut ensuite imposer des amendes aux parents parce qu'ils ne sont pas là pour leurs enfants.

S'il y a quelque chose dans la loi, je ne suis certainement pas au courant. Personne ne m'a rien dit.

La présidente: Il y a des lois au Manitoba, mais elles ne permettent pas expressément aux services d'aide à l'enfance ou à qui que ce soit d'autre d'intervenir lorsque des enfants on un comportement criminel. Je vous signale simplement que c'est quelque chose que vous devriez savoir, c'est tout.

M. Downey: Puis-je vous poser quelques questions?

La présidente: Bien sûr.

M. Downey: Premièrement, j'ai ici toute une série de révisions apportées en 1994-1995. Cela m'a beaucoup impressionné. Cela signifie que votre comité et ceux qui l'ont précédé ont examiné la loi et qu'ils l'ont modifiée; c'est un processus continu. J'attends avec impatience les révisions de 1996. Mais si vous regardez à la page 3, vous constaterez que les grands-parents demandent que les pénalités soient annoncées dans les médias pendant un an avant que la loi soit mise en vigueur.

Il me semble que c'est une bonne idée. C'est un élément dissuasif, je l'admets. Quelles que soient les pénalités imposées, elles devraient être annoncées régulièrement dans les journaux pour que l'effet dissuasif puisse se faire sentir. Mais il faut que ce soit clair. Par exemple, qu'est-ce que cela signifie quand on dit que les contrevenants devraient réparer par des moyens autres que la détention, dans la mesure du possible, les torts causés à leurs victimes et à l'ensemble de la société. C'est vous qui le dites, pas moi. Je ne sais pas ce que cela veut dire.

La présidente: Permettez-moi de vous éclairer sur deux points. Premièrement, le parti qui a formé le gouvernement s'était engagé pendant la campagne électorale à apporter immédiatement certains changements bien précis à la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce sont les changements qui ont été adoptés en 1994. Cela s'est fait presque instantanément.

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Ce parti avait également promis au cours de la campagne de réviser l'ensemble de la loi, et nous tenons cette promesse maintenant que nous sommes au gouvernement. C'est ce que nous faisons actuellement. Cette tâche a été confiée au comité de la justice. Donc, c'est ce que nous sommes en train de faire.

M. Downey: Est-ce que cela signifie que les victimes peuvent poursuivre la personne qui a commis le crime?

La présidente: Je vous ai expliqué seulement le premier point.

Le deuxième point dont vous avez parlé concerne une déclaration de principes contenue dans la Loi sur les jeunes contrevenants, qui a été rédigée en 1982 et qui est entrée en vigueur en 1984.

On vient de me corriger: les modifications que nous avons apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants ont été adoptées plutôt en décembre 1995.

Quoi qu'il en soit, la Loi sur les jeunes contrevenants a été conçue pour rendre les jeunes plus responsables de leurs actes. La Loi sur les jeunes délinquants, dans l'ancien système, était plus paternaliste. Mais les gens étaient d'avis qu'il fallait faire subir aux jeunes les conséquences de ce qu'ils avaient fait. C'est l'objectif premier de la Loi sur les jeunes contrevenants. Le public n'a jamais été aussi sensibilisé qu'il aurait dû l'être à cet aspect de la loi.

Cela dit, les législateurs ont aussi essayé de tenir compte des jeunes qui commettent un crime pour la première fois et qui ont leurs premiers contacts avec le système, en leur permettant d'assumer leurs responsabilités grâce à diverses solutions de rechange à l'incarcération plutôt qu'en les envoyant directement en prison. Donc, le genre de choses dont vous parlez s'applique aux crimes sans violence; il s'agit de permettre aux jeunes de rester dans la collectivité pour qu'ils rencontrent les gens à qui ils ont fait du tort, comme l'a suggéré M. Prystanski, et pour qu'ils puissent comprendre le tort qu'ils ont causé. Je pense que c'est de cela qu'il est question ici. Cela fait partie des principes directeurs de la loi.

Je vous remercie d'être venus. Nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant quelques minutes pour que nos témoins suivants puissent prendre place.

Merci beaucoup.

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La présidente: Est-ce que notre prochain témoin pourrait s'approcher, s'il vous plaît?

Nous sommes de retour avec des représentants de la Society for the Restoration of the Lash, the Work-House, and Capital Punishment. Nous avons avec nous M. Caulfield, si je ne me trompe. C'est exact?

M. Joseph N. Caulfield (porte-parole, Society for the Restoration of the Lash, the Work-House, and Capital Punishment): Oui.

La présidente: Il dit qu'il est le porte-parole de ce groupe.

Avez-vous une présentation à faire, monsieur Caulfield, ou si vous voulez simplement répondre aux questions?

M. Caulfield: J'ai une présentation à faire.

La présidente: D'accord, allez-y.

M. Caulfield: Je vais commencer par un simple mot. Si vous vous rappelez ce mot, vous pourrez prévenir toute la criminalité et tous les problèmes sociaux que notre société connaît aujourd'hui. Ce mot dont vous devez vous souvenir, c'est le «travail», t-r-a-v-a-i-l. Seul le travail peut permettre de prévenir les problèmes sociaux, et la désorganisation et l'éclatement des familles.

Le gouvernement allemand a réalisé il y a quelques années une étude qui a été reprise en partie par le gouvernement canadien. Cette étude prouvait sans l'ombre d'un doute qu'une société dont les membres sont oisifs connaît inévitablement des problèmes sociaux. Si la société peut créer de l'emploi et donner du travail aux chômeurs, pour qu'il n'y ait plus d'oisifs, il n'y aura à peu près plus de problèmes sociaux comparativement à une société qui laisse tout simplement ses membres libres de ne rien faire.

Par exemple, Roosevelt est arrivé à la présidence des États-Unis pendant la Crise. Les problèmes sociaux aux États-Unis et dans l'ensemble du monde occidental n'auraient pas pu être pires. C'est alors qu'il a établi la WPA, la Works Progress Administration.

Je suis un immigrant. Je suis né et j'ai grandi à Seattle, dans l'État de Washington. Il y a à Seattle un endroit qu'on appelle le parc Woodland; quand on regarde sur la pelouse, on peut voir une plaque d'un pied carré portant l'inscription «WPA 1933».

Mon cousin, qui était écrivain et qui a pris sa retraite aujourd'hui après avoir été rédacteur au journal Seattle Times, a été chômeur dans sa jeunesse. Il a travaillé pour la WPA. Et la famille est fière aujourd'hui du travail qu'il a accompli à cette époque de chômage et d'oisiveté, parce qu'il n'est pas resté sans rien faire. Il a contribué à créer, pour la ville de Seattle, ce parc magnifique qui sert encore aujourd'hui.

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Seul le travail apporte le respect de soi. On ne peut pas se respecter soi-même simplement en consultant un psychologue, un travailleur social ou un psychiatre. On se respecte en travaillant. L'oisiveté, le manque de travail, engendre l'alcoolisme, la consommation et le trafic de stupéfiants, la criminalité, la maladie mentale, la maladie, les batailles et le divorce. Le travail est la meilleure thérapie.

Beaucoup de projets de travail provinciaux pourraient être créés au Manitoba et dans toutes les provinces du Canada pour des postes de concierges et de préposés à l'entretien, d'assistants professeurs et d'assistants travailleurs sociaux, ainsi que de répétiteurs. Nous avons des gens qui touchent de l'aide sociale alors qu'ils ont un diplôme collégial. Ils pourraient aider les professeurs. Ils pourraient être utiles de bien des façons, et pourtant, ils touchent de l'aide sociale. Nous gaspillons des ressources précieuses.

Nous savons que, quand une personne atteinte d'un handicap mental va travailler chaque jour dans un milieu supervisé, elle est en bien meilleure santé - et sa famille aussi - que si elle restait à la maison à ne rien faire. C'est la même chose pour les gens qui n'ont aucune compétence particulière et qui n'ont pas beaucoup étudié, quel que soit leur niveau de scolarité, et quel que soit même leur niveau de retard mental. Les gens doivent avoir du travail.

Vous, les députés, vous êtes les parents de notre pays. Vous êtes en mesure de servir de pères et de mères à notre nation. Vous créez les lois qui nous régissent. Si un parent constate que son enfant n'a rien à faire, qu'il fait des bêtises et qu'il se retrouve dans le pétrin, est-ce que ce parent, s'il est responsable, ne lui dira pas: «Jeannot, j'ai un emploi pour toi»? Il ne permettra pas à son enfant de rester sans rien faire.

Nous ne sommes pas des enfants. Nous sommes tous des adultes ici. La plupart des Canadiens sont des adultes. Mais quand il y a des adultes qui ne font rien, le gouvernement ne devrait pas leur donner de l'argent sans rien exiger en retour. C'est dégradant. Il devrait leur donner du travail; les obliger à travailler, et non leur verser de l'aide sociale.

Les parents qui en sont capables financièrement, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas eux-mêmes bénéficiaires de l'aide sociale, devraient soutenir leurs enfants jusqu'à l'âge de 30 ans. L'État, le gouvernement, ne devrait pas leur donner de l'argent sans leur demander quelque chose en retour.

L'Armée du Salut et les Frères huttériens pourraient fournir du travail à bien des gens qui touchent actuellement de l'aide sociale.

Parlant d'aide sociale, il y a un groupe que nous avions l'habitude d'appeler les «pauvres méritants», par opposition aux autres pauvres, c'est-à-dire les alcooliques, les toxicomanes, les trafiquants de drogues et les prostituées - tous ceux qui, à cause de circonstances économiques ou par choix personnel, sont poussés sur le chemin du crime ou sur la glace très mince qui y mène.

Nous pourrions en faire plus pour aider les pauvres méritants si nous le voulions. La solution, évidemment, c'est le travail.

L'oisiveté engendre de nos jours de plus en plus de problèmes liés à l'inhalation de solvants et au syndrome d'alcoolisme foetal. L'industrie des sciences du comportement - celle des psychiatres, des psychologues et des travailleurs sociaux - est une de celles qui connaît la croissance la plus rapide. Ces gens-là ont leur place, mais nous nous en passions dans la société d'autrefois, et c'était parfois mieux.

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Alors, est-ce que la psychologie et toutes les autres sciences du comportement humain ont vraiment résolu nos problèmes? J'en doute. Ce qu'elles ont résolu, c'est leurs propres difficultés économiques parce que les gens qui exercent ces professions sont très bien traités, qu'ils font de gros salaires sans trop se forcer et que personne n'essaie jamais de voir si le travail qu'elles font donne des résultats positifs, et de savoir combien de criminels sont réadaptés après leur séjour en prison et combien récidivent.

Les foyers nourriciers représentent une des industries les plus prospères dans la communauté autochtone. Au Manitoba, aucun des enfants autochtones qui pourraient être adoptés légalement ne l'est parce que la communauté autochtone ne peut pas les accueillir. Les autochtones peuvent à peine s'occuper des enfants qu'ils ont déjà. Il n'est pas bon qu'un enfant vive indéfiniment dans un foyer de groupe ou dans un foyer nourricier. Cela crée des psychopathes, des criminels.

Quand j'étais travailleur social au pénitencier de la Colombie-Britannique, en 1967, plus de 90 p. 100 des détenus qui nous arrivaient avaient vécu dans toute une série de foyers nourriciers où ils n'étaient pas heureux. Tant que les enfants seront trimballés d'une maison à l'autre sans jamais avoir de parents stables et aimants, nous allons avoir toujours plus de criminalité.

À l'heure actuelle, notre réseau de foyers nourriciers peut en fait se comparer à une mère négligente. Une bonne mère ne permettrait pas que ses enfants se fassent trimballer de maison en maison, qu'ils vivent dans cinq ou parfois même 25 foyers nourriciers différents au cours de leur vie.

Nous avons dans notre collectivité des ressources inutilisées qui pourraient nous permettre de prévenir la criminalité. Dans le centre-ville de Winnipeg - comme dans la plupart des centres-villes - il y a des écoles publiques dotées de bons gymnases et de bons ateliers. Les jeunes, garçons et filles, aiment beaucoup aller au gymnase et à l'atelier, mais à Winnipeg, ils ne peuvent pas le faire parce que le district scolaire ne veut pas risquer de voir les gymnases ou les outils, dans ces ateliers, endommagés par les gens du milieu. Ils ne font pas confiance aux gens des services des loisirs. C'est leur propriété, et ils la protègent. Par conséquent, les jeunes n'ont pas accès aux loisirs ou aux ateliers qui les empêcheraient de se mettre dans le pétrin, alors qu'ils passent leurs soirées assis devant ces locaux. Ces ateliers pourraient devenir des ateliers communautaires, ouverts tous les soirs et le matin.

Certaines écoles de Winnipeg offrent un dîner gratuit. Nous devrions également mettre à l'essai les soupers gratuits. Nous devons reconnaître que nous avons au centre-ville une population négligente et essayer de faire tout notre possible pour aider les enfants de ces quartiers.

Nous avons besoin d'un couvre-feu dans le centre de toutes nos villes. J'ai fait du taxi cet été. Une nuit, j'ai fait monter trois jeunes filles, qui paraissaient avoir entre 12 et 14 ans. Elles m'ont dit où elles voulaient aller. Elles cherchaient des garçons, à trois heures du matin. La plus jeune m'a dit: «J'ai seulement 10 ans.» Et quel genre de garçons ont-elles trouvés? Des adolescents et des jeunes hommes dans la vingtaine. D'où viennent donc toutes ces grossesses inattendues? Devinez un peu. Jusqu'à ce que nous imposions un couvre-feu au centre-ville dans nos principales villes, nous allons avoir de plus en plus de criminalité.

Quand je suis arrivé à Winnipeg en 1969, j'ai d'abord travaillé dans le centre-ville comme travailleur social. Et j'y travaille encore.

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Il y a là un important complexe de logements subventionnés, le groupe d'habitations Lord Selkirk. Certains travailleurs sociaux ont soulevé des questions honnêtes, par exemple ce qu'il fallait faire au sujet des prostituées. Mais les travailleurs sociaux plus anciens leur ont dit de ne pas s'inquiéter des prostituées, parce que ce n'était pas un problème de service social, mais bien un problème policier et qu'il fallait donner du temps à la police. Pourtant, les prostituées sont encore là aujourd'hui, 20, 25 ou 30 ans plus tard. Notre nouveau chef de police pourra peut-être résoudre le problème, mais laissez-moi vous dire que les prostituées mineures ne se tiennent plus sur le même coin de rue qu'avant. Elles sont parties, et je peux vous dire où. Je ne sais pas combien de temps il faudra pour que les détectives les trouvent, mais elles étaient encore là la semaine dernière.

Pourquoi est-ce que nous permettons à des prostituées de rôder autour de notre plus grand ensemble d'habitations sociales, le groupe d'habitations Lord Selkirk, qui compte une forte population de jeunes enfants et qui regroupe les familles monoparentales les plus négligentes de la ville? Les enseignants disent qu'ils peuvent parfois voir les prostituées pendant la journée par les fenêtres de l'école. N'importe quel chauffeur de taxi, n'importe quel policier peut les voir là presque tous les soirs. Les choses ont changé depuis une semaine ou deux, mais pour combien de temps? Dieu seul le sait.

C'est une situation qui dure depuis 20 ou 30 ans. La prostitution est tolérée dans les quartiers où vivent des familles, dans la mesure où ce sont des familles pauvres. Cela n'arriverait jamais à Tuxedo Park. Les conseillers municipaux de Winnipeg n'imposeront jamais de couvre-feu parce qu'ils n'en veulent pas pour leurs enfants, à Tuxedo, qui sont bien sages et qui n'en ont pas besoin. Nous en avons besoin seulement dans le centre-ville, mais ils ne veulent pas nous l'accorder parce qu'ils s'en fichent.

Il y a malheureusement dans nos prisons des personnes qui sont handicapées, qui sont analphabètes, qui ne savent pas vraiment ce qui se passe. Nos prisons devraient être transformées en lieux d'apprentissage. J'ai passé deux mois il y a quelques étés à l'établissement correctionnel de Headingley; il y avait là une enseignante bénévole, une jeune femme d'environ 25 ans, de la Société John Howard. Elle apprenait aux détenus à lire, mais elle n'avait jamais suivi de formation particulière. Elle faisait de son mieux, mais elle ne réussissait pas à faire son travail. Heureusement, elle avait tellement une belle personnalité qu'elle faisait du bien simplement en étant là. Les hommes l'appréciaient beaucoup. Nous avons besoin d'enseignants qui sont formés pour apprendre à lire à des gens comme ceux-là, et qui savent comment appliquer la méthode phonétique. Pourquoi est-ce que Pierre, Jean ou Jacques ne sait pas lire? Parce qu'il n'a jamais pu apprendre à déchiffrer les mots. Ce n'est pas tous les élèves qui en sont capables. Alors, il faut lui enseigner à lire par la méthode phonétique. Si nous avions des professeurs compétents dans nos établissements, dans nos prisons, nous aurions beaucoup plus de succès dans nos efforts de réadaptation.

Nous devrions publier les noms des auteurs de tous les types de crimes, peut-être pas la première fois, mais en tout cas la deuxième. Et les criminels violents devraient être traités différemment des autres criminels. Nous devrions publier leurs noms dès la première fois. Et il faut remettre la fessée disciplinaire à l'honneur dans nos foyers. Il faut ramener dans les écoles la notion de châtiment corporel raisonnable.

Quand j'étais instructeur d'atelier, je donnais le choix à mes gars: ils pouvaient recevoir un, deux ou trois coups de baguette dans la salle de peinture après m'avoir dit avec quelle sorte de bois ils voulaient être frappés, ou alors ils pouvaient se rendre au bureau du vice-principal. C'était leur choix. Ils choisissaient toujours les coups de baguette plutôt que de devoir aller rencontrer le vice-principal. Nous n'avions pas de travailleurs sociaux et de psychologues scolaires à cette époque-là, nous avions seulement des vice-principaux, et je remercie le bon Dieu aujourd'hui que nous n'en ayons pas eu parce que les choses ont encore empiré depuis qu'il y a plus de psychologues et de travailleurs sociaux dans certaines écoles. Elles sont en plein chaos. J'ai fait suffisamment de remplacements dans les écoles du centre-ville de Winnipeg pour le savoir.

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Quand un criminel violent arrive en prison pour la première fois, il devrait recevoir 7, 14 ou 21 coups de fouet toutes les deux semaines. Ce serait sa façon de payer pour son crime. Si Clifford Olson avait reçu des coups de fouet lorsqu'il est entré en prison la première fois, il serait peut-être libre aujourd'hui, et ses victimes seraient peut-être vivantes. Mais notre système de justice est tellement mou qu'il n'y a pas de véritable châtiment. Personne ne souffre vraiment. Mais on n'arrive à rien sans souffrir. Si nous voulons réformer les gens et les inciter à changer, nous devons leur infliger une douleur acceptable. Nous devrons envisager de faire des expériences dans les établissements qui sont prêts à essayer le fouet, les travaux forcés et la peine capitale.

La présidente: Excusez-moi, allez-vous parler encore longtemps ou si vous allez laisser au comité...

M. Caulfield: Il me reste combien de temps?

La présidente: Ce sera fini quand je vous le dirai. Je me demande simplement si vous allez continuer encore longtemps. Si vous pouviez...

M. Caulfield: Il me semblait que j'avais une vingtaine de minutes.

La présidente: Vous parlez depuis une demi-heure, monsieur, et il y a peut-être des membres du comité...

M. Caulfield: D'accord, je vais résumer.

La présidente: Merci.

M. Caulfield: Merci.

Il faut en revenir à ce que nos grands-parents savaient, à savoir qu'un véritable châtiment fait mal. Dans les prisons, ceux qui en feront l'expérience... Cela doit se faire sur une base expérimentale parce que cela va à l'encontre des théories de tous les professionnels qui ont intérêt à rester là parce qu'ils font de bons salaires. Si on faisait des expériences et qu'on se rendait compte que le fouet, les travaux forcés et la peine capitale fonctionnent, ces gens-là se retrouveraient sans emploi. Est-ce qu'ils vont voter pour? Bien sûr que non.

Quand nous parlons de «travaux forcés», nous voulons dire que les détenus de toutes les prisons devraient faire entre huit et douze heures de durs travaux six jours par semaine. Si les gens savaient qu'ils allaient se faire fouetter toutes les deux semaines chaque fois qu'ils iraient en prison, et qu'ils allaient travailler six jours par semaine, est-ce qu'ils voudraient retourner? Non, beaucoup d'entre eux ne voudraient certainement pas retourner. En ce moment, la prison est un palace.

Merci.

La présidente: Avez-vous des questions? Monsieur Nunez.

[Français]

M. Nunez: Je vous remercie de votre présentation. Je vous le dis tout de suite, je ne partage pas vos recommandations relatives aux méthodes fortes. Je viens du Chili, un pays qui a connu un dictature et où les militaires préconisaient beaucoup des mécanismes et méthodes auxquels vous faites allusion aujourd'hui, dont le couvre-feu et la peine capitale. C'était une période très noire de l'histoire. Il y a eu des assassinats, des disparitions et des violations des droits de la personne commis par l'État, par les gens au pouvoir.

À mon avis, les méthodes que vous proposez ici ne conviennent pas à une société démocratique comme le Canada. Connaissez-vous un seul pays au monde où, dans les grandes villes, il y ait un couvre-feu? Avez-vous vécu dans un autre pays que le Canada ou les États-Unis? Connaissez-vous une ville dans une société démocratique, et non pas dans un pays en dictature, où il existe un couvre-feu? C'est ma première question.

[Traduction]

La présidente: Excusez-moi un instant, monsieur Caulfield. Qui est la personne qui vient de se joindre à vous?

M. Caulfield: Il va présenter un exposé avec moi. Je suis incapable de prononcer le nom de famille de Rufus. Pourriez-vous prononcer votre nom de famille pour madame, Rufus?

M. Olufemi Ilelaboye (coprésident, Christian Counselling Services Inc.): Ilelaboye.

.1135

La présidente: Monsieur Caulfield, nous devons procéder dans l'ordre. Nous avons refusé des gens parce que nous n'avions pas le temps de les entendre. Nous vous avions donné une heure, et je n'apprécie pas de me faire imposer des témoins supplémentaires.

M. Caulfield: Ce n'est pas un témoin supplémentaire. Il est seulement arrivé en retard. Il était sur notre liste originale.

La présidente: Nous n'avons pas son nom sur notre liste.

M. Caulfield: Il était inscrit sur la liste que j'ai fournie par téléphone.

La présidente: Eh bien, il ne figure pas sur notre liste.

C'est bon. Allez-y, monsieur Ilelaboye.

M. Caulfield: Savez-vous où il y a des couvre-feux actuellement dans le monde? Parlez-nous du couvre-feu au Nigeria.

M. Ilelaboye: Bonjour. Je suis désolé d'être en retard. J'étais pris par une réunion.

La présidente: Ce que veut M. Nunez, il me semble, c'est une liste de pays démocratiques, où il existe un régime parlementaire ou républicain, et qui ont imposé un couvre-feu. Ce qui se passe au Nigeria ne nous intéresse pas vraiment.

M. Caulfield: Le Nigeria est-il une démocratie?

M. Ilelaboye: Paramilitaire.

La présidente: C'est une dictature militaire.

M. Caulfield: Mais je sais qu'il y a un couvre-feu à Minneapolis et dans une dizaine de villes américaines, même s'il n'y en a pas encore au Canada.

[Français]

M. Nunez: Je ne connais pas cet exemple aux États-Unis. Les États-Unis sont un pays très, très démocratique.

Vous avez toutefois soulevé un élément qui me paraît important concernant le travail. Je pense que le chômage est un facteur important dans le taux de criminalité. C'est un problème au Canada. La pauvreté engendre la criminalité. C'est à la base qu'on doit solutionner les problèmes sociaux et familiaux et par le fait même contribuer à la solution du problème de la criminalité.

Il y a également d'autres facteurs, dont l'intolérance et le racisme dont certains groupes de la société sont victimes. Par exemple, dans certaines villes canadiennes, quand les Blancs font preuve de racisme envers les Noirs, ces derniers réagissent et sont amenés à commettre des actes criminels. Quel rôle attribuez-vous à l'intolérance ou au racisme qui est présent dans certaines villes canadiennes et qui, malheureusement, augmente considérablement?

[Traduction]

M. Caulfield: Pouvez-vous leur parler du racisme au Canada?

M. Ilelaboye: Je vais commencer par vous raconter ce qui s'est passé quand je suis arrivé au Canada en 1975. J'ai obtenu un poste au Service correctionnel du Canada à Regina. J'ai été embauché comme gardien. Une des choses que je trouvais frustrantes dans le système judiciaire, quand je suis arrivé ici, c'est le fait que...

Je ne sais pas si vous avez entendu parler des deux hommes qui avaient tué un fermier en 1975. Ces hommes avaient été placés en isolement cellulaire, et j'étais chargé de les surveiller.

À ce moment-là, probablement parce que je ne connaissais pas très bien le fonctionnement du système judiciaire ici, j'ai eu un problème avec ces deux hommes. Pendant le déjeuner, un d'entre eux a versé du café chaud sur moi. Cela m'a rendu vraiment furieux. Mais le surintendant de la prison m'a dit que c'est moi qui étais censé me montrer responsable et que je devais encaisser.

L'affaire s'est rendue jusqu'au ministre de la Justice de l'époque parce que je n'étais pas prêt à accepter ce genre de traitement. Les gens de la GRC sont venus et, plutôt que de faire quelque chose au sujet de ces deux hommes, c'est l'innocent - comme je me considérais à l'époque - qui a été puni, en réalité. J'ai dû quitter mon emploi. Littéralement, j'ai pris ma veste et je suis parti parce que je ne pouvais pas supporter les abus dans les prisons.

.1140

Je leur ai dit à l'époque que je n'étais pas un détenu, que c'était moi qui étais innocent et qu'ils devaient s'en rendre compte. Depuis ce temps-là, je m'intéresse beaucoup à la justice et au système judiciaire, et à la façon dont les détenus sont traités au Canada.

Je me suis finalement retrouvé à Winnipeg et je suis devenu chauffeur de taxi. Je suis maintenant directeur adjoint d'une des compagnies de taxi de la ville. J'ai vu beaucoup de violence au cours des sept dernières années. Trois de nos chauffeurs ont été tués, et beaucoup d'autres ont été agressés physiquement.

J'ai aussi été victime d'une bande de jeunes. Je me suis fait frapper à la tête et j'ai dû avoir sept points de suture. Mais quand l'affaire a été portée devant le tribunal, on m'a répondu tout simplement que ces jeunes avaient été condamnés avec sursis à cause de leur âge. On m'a dit que le tribunal ne pouvait certainement pas faire grand-chose.

Ma voiture a été très endommagée et j'ai dû payer les réparations de ma poche. Je n'avais aucun recours qui m'aurait permis d'obtenir une compensation financière pour les dommages causés à ma propriété ou pour les souffrances que j'avais endurées.

C'est un peu frustrant quand on voit ce genre de choses. La plupart du temps, on laisse passer, mais on voit des cas de ce genre tous les jours dans mon industrie. C'est la profession que j'ai choisie. Je travaille très fort pour vivre et j'ai toujours été un bon citoyen; il faudra donc faire quelque chose au sujet des bandes de jeunes, en particulier, dans notre ville.

C'est à des gens éminents comme vous qu'il revient de s'assurer que des changements seront effectivement apportés et que les innocents ne seront plus la cible des criminels. C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui.

La présidente: Monsieur Nunez.

[Français]

M. Nunez: Notre comité étudie trois questions principales: la délinquance juvénile, le système de justice pour les jeunes et la Loi sur les jeunes contrevenants. À part la méthode forte que vous préconisez, les mesures drastiques, le fouet, les punitions corporelles, la douleur, la peine capitale et le travail forcé, proposez-vous des modifications précises à la loi ou au système judiciaire que nous examinons ici? Comme vous le savez, la peine capitale est un autre problème, tout comme le travail forcé.

[Traduction]

M. Caulfield: Je suis d'accord avec le témoin qui vous a dit hier qu'il ne fallait pas imposer de limite d'âge. La loi devrait s'appliquer à tout le monde, en fonction du crime commis.

Si un jeune contrevenant est capable de commettre un meurtre qualifié, il devrait être jugé coupable et condamné à la peine capitale, même s'il n'a que 12, 11 ou 10 ans. Tant que nous ne prendrons pas les choses au sérieux, nous verrons la criminalité augmenter. Et nous devons aussi nous débarrasser des gens qui ont des intérêts dans le domaine et des obstacles que cela impose.

Par exemple, nous qualifions les familles les plus faibles, dans notre société, de familles présentant de multiples problèmes. Mais les aidants causent la moitié du problème. Par exemple, un agent de probation vient à la maison s'il y a un enfant en probation. Il y a aussi un travaillant des services d'aide à l'enfance et à la famille qui s'occupe des autres enfants. Il y a le service d'aide sociale qui paie le loyer. Il y a l'infirmière de l'école et Dieu sait combien d'autres personnes qui entrent et qui sortent de la maison pour aider la famille. Mais il n'y a personne qui organise les choses et qui décide que la famille devrait prendre une orientation plutôt qu'une autre. La famille est donc tiraillée dans toutes sortes de directions différentes parce que les différents conseillers ont des philosophies différentes, des méthodes différentes et des approches différentes.

Nous devrions mettre fin à l'accumulation bureaucratique d'organismes. Si le principal problème d'une famille se situe dans le domaine correctionnel et judiciaire, il faudrait que l'agent de probation soit considéré comme le travailleur social principal et qu'il ait une formation complète. Il devrait avoir une maîtrise ou au moins un doctorat en travail social. Tous les autres intervenants devraient sortir de la cuisine, parce que trop de chefs guettent la sauce et sèment la confusion chez le client.

.1145

M. Nunez: Merci.

La présidente: Monsieur Ramsay, vous avez des questions?

M. Ramsay: Oui, quelques-unes seulement, madame la présidente.

Au sujet du principe des couvre-feux, nous en avons déjà eu au Canada. J'ai parlé récemment au maire de Coronation, une petite ville de ma circonscription. Les gens là-bas ont décidé de rétablir le couvre-feu à 23 heures pour les enfants en bas d'un certain âge. J'en ai parlé aussi à M. Kirkby, un député de la Saskatchewan. Il m'a dit, si je me souviens bien, que la ville de Prince Albert envisage également d'imposer un couvre-feu. Il y a toutes sortes de tentatives pour prévenir la criminalité juvénile. Donc, je vais suivre avec intérêt les résultats qu'auront le retour à des principes qui fonctionnaient dans le passé.

J'ai passé un certain nombre d'années à la GRC, et il y avait un couvre-feu dans la plupart des petites villes où j'ai travaillé. Je ne sais pas comment un couvre-feu pourrait s'appliquer dans une ville comme celle-ci, mais à mon avis, il s'agit d'une tentative sérieuse de la part des autorités pour tenir compte des préoccupations des membres de la collectivité, et pour donner aux parents et à la police les outils nécessaires à la prévention de la criminalité juvénile.

Je voudrais vous poser une question sur ce que vous avez dit au sujet de l'oisiveté. Comment est-ce que vous supprimeriez l'oisiveté?

M. Caulfield: Nous supprimerions l'oisiveté exactement comme nous le faisons dans le cas des personnes souffrant de retard mental. Nous fournirions aux gens un milieu de travail et nous leur montrerions la pointeuse. Que ce soit en prison ou dans la société libre, les gens devraient travailler de huit à douze heures aux travaux forcés, en prison, ou de quatre à six ou à huit heures dans la collectivité. Si une femme a des enfants à l'école, elle peut consacrer quatre heures de son temps à aider le professeur ou à surveiller le repas des écoliers. Il y a beaucoup de possibilités. Il n'y a aucune excuse à l'oisiveté, parce que c'est la mère de tous les vices.

M. Ramsay: Que pensez-vous, par conséquent, du travail obligatoire pour les bénéficiaires de l'aide sociale? Premièrement, est-ce que vous élimineriez l'aide sociale?

M. Caulfield: Je changerais complètement les régimes d'aide sociale et d'assurance-chômage pour imposer le travail obligatoire.

M. Ramsay: Donc, les gens qui recevraient de l'aide devraient faire quelque chose en échange.

M. Caulfield: Absolument. Je leur verserais seulement trois mois de prestations d'assurance-chômage au maximum, pour qu'ils se trouvent eux-mêmes un emploi. S'ils n'étaient pas capables d'en trouver un, ils n'auraient pas droit à l'aide sociale, seulement au travail obligatoire.

M. Ramsay: D'accord. Alors, vous pensez que la politique d'aide sociale des provinces et du gouvernement fédéral contribue au taux de criminalité au Canada?

M. Caulfield: Toute l'industrie des services sociaux est organisée de façon tellement brouillonne, tellement irréfléchie, tellement embrouillée qu'elle contribue à la destruction des gens qu'elle essaie d'aider; c'est triste à dire.

M. Ramsay: Mais pouvons-nous en conclure, d'après ce que vous nous dites, que les services sociaux et l'aide accordée aux adultes contribuent à la criminalité au Canada?

M. Caulfield: Absolument. Les familles ne peuvent pas vivre seulement de l'aide sociale; elles doivent donc envisager le travail au noir, la prostitution, le trafic de narcotiques ou l'usage de drogues.

Je suis né bénéficiaire de l'aide sociale et je le suis demeuré jusqu'à ma sortie de l'école secondaire. Ma mère travaillait et elle gagnait tous les mois autant d'argent que ce que nous touchions de l'aide sociale. Si elle s'était fait prendre, elle aurait été jetée en prison. Un jour, une travailleuse sociale est venue chez nous et a dit à ma mère: «Madame Caulfield, je ne comprends vraiment pas comment vous y arrivez». Elle se demandait comment ma mère réussissait aussi bien à faire vivre notre famille. Cette femme avait dit à ma mère qu'elle allait prendre sa retraite et qu'une nouvelle travailleuse sociale viendrait la voir. Ma mère lui a donc dit: «Je travaille.» Et la travailleuse sociale lui a répondu: «Madame Caulfield, si j'étais à votre place, je ferais exactement la même chose.»

.1150

Dans le réseau des services sociaux, la moitié des travailleurs sociaux savent qu'un client sur trois, ou sur dix, a des revenus non déclarés. Le problème, c'est quand ces revenus proviennent de la prostitution et du trafic de narcotiques. C'est là qu'il y a vraiment une augmentation.

Mais le principal problème, dans le domaine des services sociaux, ce n'est pas cela: ce sont les tribunaux secrets, les tribunaux de la famille administrés par les provinces. Ils sont source d'injustice. Aucun média ne peut y pénétrer. Aucune famille ne peut y aller. On retire les enfants des familles. Les travailleurs sociaux leur font des promesses qu'ils rompent ensuite devant le tribunal de la famille. Personne ne peut en entendre parler; c'est un tribunal secret. Je suis désolé de devoir le dire, mais c'est comparable au nazisme.

La présidente: Monsieur Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Monsieur Caulfield, si j'ai bien compris, vous êtes un ministre du culte.

M. Caulfield: Oui.

M. Gallaway: Vous êtes membre du Calvary Temple, n'est-ce pas?

M. Caulfield: Non, c'est simplement que j'aime bien les sermons du pasteur Barber; je le regarde tous les dimanches. Je suis membre de la Broadway First Baptist Church.

M. Gallaway: D'accord. Vous êtes aussi le père de Joe Caulfield.

M. Caulfield: Non, de Michael et Pammy Caulfield. C'est moi, Joe.

M. Gallaway: D'accord. L'honorable Rosemary Vodrey a reçu une lettre ouverte au sujet de vos souvenirs de Headingley.

M. Caulfield: Oui.

M. Gallaway: C'est vous qui l'avez écrite?

M. Caulfield: Oui.

M. Gallaway: Vous êtes allé en prison?

M. Caulfield: Oui.

M. Gallaway: Puisque vos opinions sont consignées dans le compte rendu, je voudrais vous poser quelques questions au sujet des documents que vous avez distribués.

Vous nous avez raconté un certain nombre d'anecdotes, y compris au sujet de l'expérience de votre mère avec l'aide sociale et de votre opinion sur la question. Si je comprends bien, les recommandations que vous nous avez présentées ce matin sont fondées sur votre interprétation de la Bible, n'est-ce pas?

M. Caulfield: C'est exact.

M. Gallaway: Votre interprétation de la Bible ne coïncide peut-être pas avec celle de certaines autres personnes. Est-ce que c'est possible?

M. Caulfield: Oui, il y a une interprétation plus libérale que la mienne. C'est parce que la société libérale a converti la plupart des Églises, plutôt que l'inverse.

M. Gallaway: En fait, vous parlez de nous délivrer du mal. Les méthodes que vous suggérez pour y arriver et pour régler les problèmes de notre société sont donc strictement conformes à votre interprétation personnelle de la Bible?

M. Caulfield: Eh bien, qu'est-ce qu'on peut dire d'autre au sujet du travail? La Bible dit que, si un homme ne travaille pas, il ne devrait pas manger.

M. Gallaway: C'est votre interprétation, d'accord.

Vous appuyez aussi dans vos écrits - parce que je suppose que ce sont vos écrits - un parti politique en particulier, n'est-ce pas?

M. Caulfield: Nous devons nous demander quel est le parti politique le plus proche de la tradition judéo-chrétienne; c'est ce que j'ai dit. Je pense que ce principe s'applique à tous les partis politiques. Ils devraient être le plus près possible de la tradition de toutes les religions du monde, qui disent la même chose au sujet de la famille et de la justice.

M. Gallaway: C'est intéressant. Nous avons entendu hier deux ministres de l'Église unie, qui avaient un point de vue diamétralement opposé au vôtre sur la situation au Manitoba et la Loi sur les jeunes contrevenants. Comment conciliez-vous cela?

M. Caulfield: La plupart des ministres de l'Église unie sont des gens très bons, qui ont un point de vue très libéral comparativement à l'interprétation que la plupart des ministres évangéliques font de la Bible. C'est très simple. Je comprends le point de vue libéral. Je conviens que c'est une philosophie très attrayante dans la société et en théologie, mais cela ne fonctionne tout simplement pas.

M. Gallaway: Quand vous étiez en prison - d'après ce que je peux voir dans cette lettre ouverte - , vous avez écrit une lettre au Procureur général. Vous invoquez diverses raisons pour justifier ce que vous avez fait quand vous avez été reconnu coupable d'avoir acheté et vendu des bébés. Je ne sais pas si c'est un chef d'accusation prévu dans le Code criminel; je ne sais pas comment cela s'appelle. Mais vous ne manifestez vraiment aucun remords d'avoir commis cet acte criminel. À votre avis, étiez-vous vraiment coupable d'un acte criminel?

M. Caulfield: Oui, j'étais coupable d'un acte criminel. J'ai été reconnu coupable et j'ai passé deux mois à l'établissement correctionnel de Headingley.

M. Gallaway: Avez-vous des remords de l'avoir fait?

.1155

M. Caulfield: Absolument pas. Le gouvernement est en train de modifier la Loi sur la protection de l'enfance; j'espère donc que ce que j'ai fait ne sera plus illégal. Ce n'est pas illégal en Alberta, en Colombie-Britannique ni en Californie.

Il ne devrait pas être illégal ici non plus de donner à une femme un billet d'autobus tous les mois pendant sa grossesse ou de payer son téléphone, que l'aide sociale ne lui paie pas. L'aide sociale ne lui paie pas ses billets d'autobus et ne lui donne pas 100 $ si elle déménage. L'aide sociale ne couvre pas ses frais de déménagement. Donc, je lui ai donné l'argent dont elle avait besoin pour elle-même et pour ses deux enfants d'âge préscolaire; il s'agissait d'une somme de 462 $. Le juge a décidé, à cause des préjugés qu'avaient à l'époque certains avocats de la famille, que j'avais acheté et vendu son bébé. J'ai fait valoir qu'un bébé, cela se vend 10 000 $ et plus, mais le juge m'a dit que ce n'était pas une question d'argent; c'est parce que je lui avais donné quelque chose.

Je l'avais présentée au couple à qui elle voulait confier son bébé en adoption. C'est un couple luthérien comme elle. Donc, elle est contente. Le bébé est heureux, tout le monde est heureux. J'ai vécu une bonne expérience en prison; donc je suis heureux moi aussi. J'ai passé de bonnes vacances là-bas.

M. Gallaway: Autrement dit, vous avez enfreint la loi puisque vous avez été reconnu coupable...

M. Caulfield: C'est exact, je l'ai fait.

M. Gallaway: Vous croyez que vous n'avez rien fait de mal, étant donné votre interprétation de la loi ou de la Bible, n'est-ce pas?

M. Caulfield: C'est comme cela que les lois changent de temps en temps; c'est quand les gens y contreviennent.

M. Gallaway: D'accord. Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

La présidente: J'ai lu quelques-uns de vos documents, que je trouve choquants. En particulier, je ne peux pas rester là sans protester quand quelqu'un emploie le mot «shyster», que ce soit en public ou en privé.

M. Caulfield: Je vous assure qu'il y a pire.

La présidente: Oui. Je préfère croire que vous ignorez tout simplement...

M. Caulfield: Probablement.

La présidente: ... la signification de ce terme.

M. Caulfield: Je ne la connais pas.

La présidente: C'est un terme antisémite.

M. Caulfield: Je ne m'en étais pas rendu compte.

La présidente: C'est offensant. Et quand le terme est employé au sujet d'un éminent citoyen juif de la ville, c'est encore plus offensant. Vous voudrez peut-être corriger votre texte.

M. Caulfield: Je m'excuse. Je vais le corriger. Je n'ai jamais voulu me montrer antisémite. Je respecte Moïse et tout le peuple issu de cette tradition. Je me considère comme un Juif qui a simplement une opinion un peu différente du Juif moyen au sujet du Messie. Je considère que tous les Chrétiens sont des Juifs.

La présidente: Est-ce que le ministère des Services sociaux appuie votre publicité? Est-ce qu'il vous a demandé de publier cette annonce ou si vous l'avez simplement copiée dans un journal?

M. Caulfield: Je l'ai simplement copiée. C'est du domaine public.

La présidente: Je vois. Est-ce que les gens du ministère savent que vous vous servez de...

M. Caulfield: Oh, bien sûr! Je leur ai montré le texte, depuis le temps... Bien sûr qu'ils sont au courant.

La présidente: Est-ce qu'ils vous ont permis de vous servir de cette annonce dans votre...

M. Caulfield: Je ne leur ai jamais demandé. C'est du domaine public.

La présidente: Est-ce qu'ils s'y sont déjà opposés?

M. Caulfield: Jamais.

La présidente: Merci.

M. Caulfield: Je pense avoir aidé le ministère à trouver de bons foyers nourriciers. C'est une des choses que nous pouvons faire pour aider à lutter contre la criminalité: trouver de bons foyers nourriciers où les gens ne font pas cela pour l'argent, mais pour les enfants. Il devrait y avoir seulement deux enfants par foyer plutôt que des foyers nourriciers surpeuplés.

La présidente: Merci. Ce sera tout.

M. Caulfield: Merci à tous.

La présidente: Nous allons suspendre la séance jusqu'à ce que nos prochains témoins soient prêts.

.1158

.1206

La présidente: Nous sommes de retour, avec M. Marcel Harvisty. Est-ce que j'ai bien prononcé votre nom de famille?

M. Marcel Hardisty (Programme du processus holistique de réconciliation): C'est «Hardisty».

La présidente: Votre nom était mal épelé sur notre liste. Je m'excuse. Nous avons donc avec nous M. Marcel Hardisty, du Programme du processus holistique de réconciliation. Vous êtes le bienvenu.

Voulez-vous faire un exposé préliminaire? Cela nous aiderait.

M. Hardisty: Au sujet de moi-même?

La présidente: Oui, et peut-être aussi au sujet de votre organisation et du travail que vous faites.

M. Hardisty: Tout d'abord, je dois vous dire que c'est un honneur d'être ici. Je vous apporte les salutations de nos anciens, de nos mères, de nos grands-mères et de nos enfants. Je vous apporte aussi les salutations des gens qui servent notre communauté de l'intérieur, et également de l'extérieur. Nous travaillons tous ensemble pour essayer de bâtir une communauté saine et sûre.

J'appartiens au clan du Castor de la nation des Ojibways, les Anishnabeks. Mon nom traditionnel est Kewatinokapau, ce qui signifie «homme debout au Nord», et je participe à la vie de ma communauté depuis une vingtaine d'années, depuis mon jeune âge. J'ai participé à la vie politique, et aussi à la vie sociale et spirituelle; je suis donc assez bien connu dans mon milieu. Je sais ce qui s'y passe, sur le plan politique et autrement. J'ai travaillé dans tous les domaines pour pouvoir comprendre les problèmes que mon peuple a à résoudre. Tous les systèmes en place ont un effet sur nos familles. J'ai choisi de m'engager dans mon milieu et d'apprendre à connaître les différents systèmes qui existent à l'extérieur de ma communauté pour pouvoir mieux la servir. Voilà donc qui je suis.

Nous appelons le travail que nous faisons une approche ou un processus. Comme la plupart des gens préfèrent employer le terme «projet», nous appellerons cela un projet, mais pour nous, c'est un processus, une approche que nous avons baptisée «processus holistique de réconciliation». C'est un processus qui consiste à s'approprier les problèmes et les solutions. Il découle de la vision du monde du peuple anishnabek.

Pour vous aider à comprendre, je vais devoir vous l'illustrer sur papier. C'est pourquoi j'ai demandé un tableau-papier. Tout ce que nous faisons, selon cette approche, vise à rétablir l'équilibre. Je veux vous en parler un peu et vous montrer, sur le tableau, ce que j'entends par «équilibre». J'aimerais donc avoir quelques minutes. On m'a dit que j'avais 20 minutes. Habituellement, cette présentation prend de deux à quatre heures; je vais donc devoir comprimer beaucoup d'information en quelques minutes.

.1210

La présidente: Vous n'êtes pas vraiment limité. Prenez le temps qu'il vous faut. Le problème, c'est que nous avons d'autres témoins qui attendent et que mes collègues voudront sûrement vous poser des questions. Il nous reste environ 45 ou 50 minutes. Je vais me taire pour que vous puissiez continuer.

M. Hardisty: Je vais commencer par vous décrire la philosophie anishnabek et par vous expliquer d'où elle vient, d'accord?

La présidente: D'accord.

M. Hardisty: Nos anciens ou nos grands-parents nous racontent l'histoire suivante au sujet de la création originelle. Il y a notre Mère la Terre, et aussi la Lune et le Soleil, qui ont entre eux des liens sacrés. Ensuite, sur la Terre, il y a les montagnes et les pierres, les premières choses qui ont été créées. Il y a aussi les arbres, les végétaux, les oiseaux, les créatures à quatre pattes, l'eau et l'air. Ce sont les premiers éléments à avoir été créés. L'être humain est venu par la suite, la femme représentant notre Mère la Terre et l'homme représentant l'air. Il y a aussi entre eux un lien sacré.

Au moment de cette création, nous avons reçu des instructions sur la façon de vivre en harmonie avec les autres créatures et de maintenir des liens avec le reste de la création. Nous avons reçu des enseignements. Dans ma langue, il y a trois ou quatre mots pour décrire tout cela. Mais quand je le traduis, j'ai besoin d'au moins sept mots. Il y a donc sept enseignements: le partage, la générosité, le respect, l'affection, la force, l'humilité et l'honnêteté.

Ce sont les sept principes que nous devons apprendre pour pouvoir vivre en harmonie avec le reste de la création. Nos anciens nous enseignent que nous sommes la créature la plus précieuse, mais aussi la plus dépendante. Tout le reste peut vivre sans l'être humain. Les végétaux, les animaux, l'air et l'eau vont toujours exister et n'ont pas besoin de nous. C'est plutôt l'inverse. C'est nous qui sommes entièrement dépendants du reste de la création.

Donc, on nous a enseigné que pour exister, pour survivre, nous devons mettre en pratique les sept principes portant sur nos rapports avec le reste de la création et sur l'utilisation que nous en faisons. On nous a dit aussi qu'il était très important de mettre ces enseignements en pratique dans nos relations. Si nous ne respectons pas ces enseignements, ce sera le chaos, la destruction et, pour finir, la mort.

Nous constatons aujourd'hui toutes sortes de problèmes environnementaux. Certaines espèces animales et végétales sont presque disparues parce que les industries ou les gouvernements n'ont pas respecté ces principes. Quand les représentants politiques prennent leurs décisions, ils ne pensent pas à ce genre de choses. Et c'est aujourd'hui le chaos, la destruction, et un jour, ce sera la mort. C'est déjà fait pour certaines espèces de plantes et d'animaux.

C'est en fonction de cette philosophie que nous avons commencé à examiner quels étaient les problèmes dans notre communauté. Nous avons beaucoup de comportements dysfonctionnels, beaucoup de violence, beaucoup de crimes contres les femmes, les enfants, et aussi les hommes, jeunes et vieux. Il y a un véritable problème de dysfonctionnement dans notre collectivité.

Voilà donc quels sont les principes directeurs du travail que nous effectuons dans le cadre du processus holistique de réconciliation.

.1215

Quand je parle de rétablir l'équilibre, c'est parce que nos anciens nous ont dit qu'en tant qu'être humain, chacun de nous avait sa propre identité mentale, affective, spirituelle et physique. Nous commençons aujourd'hui à comprendre l'ensemble du processus de colonisation et les effets de la Loi sur les Indiens et des pensionnats. En réalité, tout cela a eu pour conséquence de détruire l'identité spirituelle et affective des gens. Nous avons beaucoup de gens qui fonctionnent seulement à 50 p. 100. Ils existent physiquement et tout va bien mentalement. Nous pouvions apprendre ce que vous nous montriez, mais nous ne pouvions pas vivre nos émotions et notre spiritualité. Donc, grâce au travail que nous effectuons dans le cadre du processus holistique de réconciliation, nous cherchons à retrouver la compréhension de notre place dans la création et des liens que nous devrions avoir avec les autres membres de la famille humaine.

Avant les bouleversements qu'ont amenés la Loi sur les Indiens et les pensionnats, nos anciens nous apprenaient cette philosophie dès notre naissance, avant même que nous ayons atteint le premier quart de notre vie, c'est-à-dire avant la puberté. Cette philosophie et ces enseignements, c'est ce qui représente la justice; c'est là que se trouve l'équilibre; c'est grâce à cela que nous avons des individus, des familles et des communautés en bonne santé.

C'est cette philosophie que nous essayons de rétablir dans nos communautés et dans nos familles, et nous essayons d'aider les gens à grandir mentalement, affectivement, spirituellement et physiquement. Pour y arriver, nous devons travailler en collaboration avec les systèmes en place dans notre société, avec les lois, avec le système judiciaire, avec les travailleurs sociaux, avec les écoles. Nous travaillons avec toutes les ressources dont nous disposons, parce que c'est pour cela qu'elles sont là. Nous croyons que les institutions sont créées pour répondre aux besoins des gens et pour améliorer leur qualité de vie. C'est l'essence même du processus holistique de réconciliation.

Nous avons des liens suivis avec le ministère de la Justice du Manitoba. Nous avons un protocole qui porte sur les crimes violents, qu'ils soient de nature sexuelle, verbale ou affective. Nous avons un processus qui nous permet d'intervenir et d'offrir un traitement. Nous offrons une solution de rechange à l'incarcération.

Nous avons également une autre façon de préparer les rapports présentenciels. C'est le processus de détermination de la peine. Nous croyons que la communauté doit assumer la responsabilité des problèmes et prendre en main les solutions à ces problèmes avec l'appui et l'aide de toutes les ressources existantes, à l'intérieur et à l'extérieur de la communauté.

Jusqu'ici, nous avons reçu une aide financière des ministères de la Justice du Manitoba et du Canada dans le cadre d'un projet pilote de trois ans. Nous sommes actuellement en négociation pour prolonger cette aide financière.

Si vous avez des questions, je vais essayer d'y répondre.

La présidente: Merci. Monsieur Nunez.

.1220

[Français]

M. Nunez: Je vous remercie de votre exposé très intéressant.

J'aimerais que vous nous parliez tout d'abord de la gravité de la criminalité chez les autochtones. Ce matin, des témoins nous disaient qu'ici, à Winnipeg, 75 p. 100 des criminels de rue étaient des autochtones. La police estime le nombre de criminels de rue à 800, tandis que certains témoins qui ont comparu ce matin l'estiment à 2 000. Est-ce que la criminalité en général, plus particulièrement chez les jeunes, est un problème grave dans votre communauté?

[Traduction]

M. Hardisty: Je pense que c'est le résultat final. Les jeunes autochtones ne savent pas qui ils sont. Les systèmes dont j'ai parlé - celui des pensionnats et celui de la Loi sur les Indiens - ont tellement bien réussi à convaincre nos gens que nos façons de faire n'étaient pas bonnes que nous avons du mal aujourd'hui à accepter les principes, les convictions et les valeurs de nos ancêtres. Pourtant, c'est ce qui va garantir notre survie.

Les jeunes de Winnipeg font partie des gangs de rue parce qu'ils ne savent pas qui ils sont. Ils ne voient pas l'avenir avec optimisme. Dans ma communauté, les jeunes sont tout aussi susceptibles de se joindre à ces gangs. Souvent, leurs parents et leurs grands-parents ont cru les missionnaires qui leur disaient qu'ils devaient oublier leur langue, leurs convictions, leurs valeurs, leurs cérémonies et leurs rituels parce que tout cela était mal. Les missionnaires ont vraiment réussi à convaincre nos ancêtres.

Aujourd'hui, même si c'est difficile, nous essayons d'enseigner à nos jeunes les bons principes dont je vous ai parlé, les sept enseignements, et de leur montrer comment incorporer ces principes dans leur vie quotidienne, comment devenir sains et productifs sur les plans individuel, familial et social.

Mais beaucoup de nos gens ont encore peur. Dans toutes les communautés autochtones du Canada, vous trouverez probablement au moins quatre dénominations religieuses différentes, sinon plus. Les choses mêmes qui devaient nous rassembler, qui devaient créer un environnement sain, et nous amener à aimer et à partager, sont justement celles qui nous détruisent: c'est la religion, la politique et toutes les institutions qui prétendent être là pour rendre justice à notre communauté et pour améliorer notre qualité de vie. Mais c'est le contraire que nous constatons. Tout craque.

Si nous voulons lutter contre la violence, nous devons commencer à la maison, dans nos propres communautés. Il y a des gens qui sont venus dans ma communauté pour essayer de recruter dans leur gang nos jeunes gens les plus robustes. C'est toujours difficile pour nous de continuer à convaincre nos jeunes qu'ils ne doivent pas se laisser attirer dans ce genre de choses, qu'ils ont mieux à faire et qu'ils peuvent apprendre autre chose pour avoir une vie meilleure.

[Français]

M. Nunez: Cette estimation voulant que 75 p. 100 de ces jeunes criminels proviennent de communautés autochtones est-elle exagérée? Pour ma part, je le crois. Vous n'êtes pas si nombreux et ne représentez pas la majorité de la population.

.1225

[Traduction]

M. Hardisty: C'est peut-être exagéré, mais il y a aussi de jeunes détenus autochtones qui m'ont dit: «C'est dommage de devoir apprendre qui je suis en prison. C'est la première fois que j'entends parler de ces principes, de ces bons enseignements, de ce que cela signifie d'être Anishnabe. Je trouve dommage d'avoir dû en entendre parler en prison.»

Dans notre communauté, il est encore difficile de pratiquer certaines cérémonies ouvertement, ou même d'organiser un pow-wow et d'inviter les jeunes hommes et les jeunes femmes à participer à une fête sociale qui les rend heureux. C'est difficile parce que les personnes âgées regardent encore ce genre de choses de travers. Elles croient encore que c'est mal. C'est dommage.

[Français]

M. Nunez: Pourriez-vous nous expliquer un peu le programme que vous avez mentionné plus tôt sur la lutte contre la violence physique, sexuelle, verbale et émotive? Comment faites-vous ce travail? En quoi consiste ce programme?

Pourriez-vous ensuite nous expliquer les mesures de rechange à l'incarcération que vous proposez?

[Traduction]

M. Hardisty: Nous répondons à la violence sous ses différentes formes en en parlant. Nous disons: «Voici ce qui se passe; nous savons que cela se passe ici.» Comme nous sommes tous parents, nous n'avons rien à cacher. Nous savons tous qu'il y a de la violence. Cela se passe ouvertement, à cause des activités corrompues de certains politiciens de notre communauté.

Certaines personnes qui occupent des positions de pouvoir et de confiance abusent de leur autorité. Nous encourageons les jeunes à commencer à dire: «Cela suffit. Ce n'est pas bien. Nous devons changer cela.»

Plus nous aurons de séances ouvertes - ce que nous appelons des cercles - , plus nous pourrons parler de notre souffrance et exprimer la douleur qui découle de la violence verbale et affective, ou des actes de manipulation et d'intimidation contre les jeunes et les épouses, et plus les gens vont commencer à se sentir assez en sécurité pour parler de ces choses sans craindre les gens qui leur font subir ces abus.

Plus nous parlons de ce genre de problèmes, plus c'est facile, et nous commençons alors à comprendre pourquoi nous sommes tellement dysfonctionnels, pourquoi nos systèmes communautaires ne fonctionnent pas, pourquoi le système scolaire ne prépare pas nos jeunes selon leurs capacités et pourquoi les églises et les religions ne réussissent pas à créer de bons Chrétiens.

Sous ces prétentions superficielles, il y a beaucoup de souffrance. Il faut que cela sorte avant que la guérison puisse se faire. Il faut faire sortir la douleur avant de pouvoir mener une vie saine et productive. C'est comme une blessure. Quand on se coupe, il se forme sur la blessure une croûte qui ne guérit pas tant qu'on ne l'a pas grattée pour laisser le poison s'écouler. C'est ce qui se passe actuellement.

La présidente: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

Monsieur Hardisty, je tiens à vous remercier de votre présentation.

.1230

Le comité a entendu dire bien des fois à peu près ce que vous nous avez dit aujourd'hui au sujet des réponses à nos problèmes, à savoir que les solutions doivent venir de la communauté et que la communauté doit disposer non seulement d'un cadre juridique, mais également des ressources nécessaires. Nous ne pourrons pas vraiment régler nos problèmes - en l'occurrence la criminalité juvénile - tant que nous ne donnerons pas aux communautés les pouvoirs nécessaires pour assumer la responsabilité, comme vous le dites, de la résolution des problèmes.

J'en suis convaincu. Je pense que vous avez raison. En fait, nous avons entendu parler des conseils de détermination de la peine, qui sont issus des communautés autochtones. J'espère bien que nous en entendrons parler encore. Il nous reste une semaine, pendant laquelle nous allons nous rendre en Colombie-Britannique et au Yukon. La méthode des conseils de détermination de la peine est utilisée beaucoup au Yukon, et la dynamique qui s'y installe permet d'assurer la guérison non seulement de la victime, mais aussi de l'auteur du crime, parce que les deux sont blessés. Chaque fois qu'un acte violent est commis, ou n'importe quel autre acte qui cause du tort à quelqu'un, il y a une blessure des deux côtés.

Je suis d'accord avec vous. Ce que j'aimerais savoir, c'est si vous avez des recommandations à faire au comité au sujet des réformes qu'il serait possible d'apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants pour qu'elle réponde mieux, d'après votre point de vue, aux besoins des communautés, et en particulier pour qu'elle leur accorde plus de pouvoir?

M. Hardisty: J'ai une recommandation à faire, mais elle ne porte pas nécessairement sur la Loi sur les jeunes contrevenants elle-même; je pense que ce qu'il faut faire comme réforme, c'est d'adopter une politique sur les services d'aide à l'enfance et à la famille.

Nous avons des idées sur ce que nous pourrions faire pour aider les jeunes à analyser leur situation, pour les aider à comprendre pourquoi ils se sont retrouvés dans le pétrin, mais nous avons toujours des problèmes avec les organismes d'aide à l'enfance et à la famille parce qu'ils doivent respecter certaines directives. Ils se placent habituellement dans une perspective de protection. Il est difficile pour les gens de ces organismes de se départir de leur autorité et de leur pouvoir dans le domaine familial et de partager leurs responsabilités avec les gens du milieu. Il faut changer ce système-là.

Au début des années 80, quand on a mis sur pied des programmes autochtones d'aide à l'enfance et à la famille, l'idée était d'insister sur le rétablissement des valeurs et des principes familiaux. Mais ce n'est pas ce qui est arrivé. On met encore l'accent sur la protection. Or, quand on administre un programme selon cette perspective, on cherche des moyens d'obtenir plus d'argent pour justifier et pour maintenir son programme; il faut donc avoir des enfants à prendre en charge. Par conséquent, la formule de financement doit changer; il ne faut plus se fonder sur le nombre d'enfants dont l'organisme s'occupe, mais plutôt sur le nombre d'enfants avec lesquels il travaille dans des programmes préventifs. Je pense que les services d'aide à l'enfance et à la famille ont trop de pouvoir dans les domaines familial et communautaire.

M. Ramsay: Comment verriez-vous cette réorientation? Je comprends ce que vous dites, à savoir qu'on met surtout l'accent sur la protection et qu'il ne se passe rien par conséquent jusqu'à ce qu'on ait des signes qu'un enfant a besoin de protection. Je comprends aussi que cette institution est jalouse de son autorité et de ses ressources. J'en suis conscient depuis un certain temps. Il me semble à moi aussi que c'est un obstacle qui empêche d'aller vraiment à la racine du problème et de s'attaquer à sa cause profonde.

.1235

Vous avez indiqué sur le tableau-papier que, traditionnellement, les parents inculquaient à leurs enfants la philosophie que vous nous avez décrite avant même qu'ils atteignent la puberté; ils les équipaient ainsi pour aborder l'adolescence et l'âge adulte. Il me semble que ce que vous nous dites au sujet de la réorientation... Nous devons recommencer à insister sur le fait qu'il faut habiliter les membres de la communauté et les familles à s'occuper de cette éducation plutôt que de créer des institutions pour remédier à l'échec auquel on en arrive inévitablement autrement. En d'autres termes, ce qui protège le mieux l'enfant, c'est de lui enseigner de bons principes. C'est ce qui lui permet ensuite de bien se comporter jusque dans l'âge adulte.

Vous avez dit que nous devons changer complètement notre façon de voir les choses et arrêter de nous intéresser à l'enfant seulement lorsqu'il est évident qu'il a besoin de protection, pour nous attacher plutôt à inculquer à l'enfant, avant qu'il soit trop vieux, les principes que vous avez décrits aujourd'hui devant le comité? Est-ce que j'ai bien compris?

M. Hardisty: C'est exact. Dans cette perspective, les services d'aide à l'enfance et à la famille pénalisent toujours les enfants. Ce ne sont pas les enfants qui sont en faute, ce sont les parents, qui n'ont pas les compétences nécessaires pour jouer leur rôle de parents convenablement.

M. Ramsay: J'aimerais vous demander quelque chose. Nous avons parlé du manque de compétences des parents et du manque de programmes conçus pour leur inculquer ces compétences. Avant l'arrivée des Européens, comment les communautés autochtones enseignaient-elles traditionnellement aux enfants à devenir de bons parents?

M. Hardisty: Je vais devoir vous faire un dessin encore une fois sur le tableau-papier.

On nous enseignait que notre vie se divisait en quatre quarts; le premier quart correspondait à la période entre la naissance et la puberté. Pendant le premier quart de la vie, avant la puberté, les enfants passaient la majeure partie de leur temps avec leurs grands-parents, qui étaient déjà dans le dernier quart de leur vie. Ils avaient une longue expérience à partager avec les jeunes.

C'est ainsi que j'ai été élevé. J'ai passé la majeure partie de mon enfance avec mes grands-parents, parce que mes parents - qui en étaient rendus à une autre étape de la vie - devaient subvenir aux besoins de la famille. Ma mère s'occupait de tenir maison. Mon père allait à la chasse et à la pêche pour s'assurer que nous avions de quoi manger. Donc, ce sont mes grands-parents qui m'ont enseigné la vie.

M. Ramsay: Cela m'a fait sourire quand vous avez fait votre dessin, parce que c'est tellement vrai que les gens les mieux placés pour montrer aux enfants à devenir de bons parents sont ceux qui possèdent la plus grande sagesse, c'est-à-dire les grands-parents. Je vous remercie beaucoup de nous l'avoir dit.

La présidente: Monsieur Maloney.

M. Maloney: J'aimerais que nous parlions des détails de votre projet. Combien y a-t-il de gens dans les quatre collectivités que vous desservez?

M. Hardisty: À peu près 1 500 personnes.

M. Maloney: Il y a 263 personnes inscrites au programme; 69 sont des victimes, et 48 sont des agresseurs. Qui sont les autres?

.1240

M. Hardisty: Ce sont les membres des familles élargies. Tout le monde en souffre lorsqu'il y a une victime. La famille de l'agresseur et la famille de la victime en souffrent.

M. Maloney: Sur les 48 agresseurs, est-ce qu'il y en a qui ont récidivé depuis leur inscription au programme? Est-ce qu'ils ont commis d'autres crimes ou d'autres infractions?

M. Hardisty: Il y en a un qui a récidivé.

M. Maloney: Sur les 48, en trois ans?

M. Hardisty: Oui.

M. Maloney: Pensez-vous que ce projet pourrait être appliqué en ville?

M. Hardisty: Je pense que oui.

M. Maloney: Vous dites dans votre mémoire que cette approche permet dans la pratique d'offrir toute une gamme de services. Pourriez-vous nous décrire ces nombreux services qui font partie du programme?

M. Hardisty: Il y a des séances individuelles de résolution des conflits. Il y a du travail de groupe pour les jeunes, garçons et filles, et pour les jeunes hommes et les jeunes femmes. Il y en a aussi pour les hommes plus âgés. Il y a des groupes de soutien, des groupes d'entraide, dans lesquels les gens partagent leur douleur, leurs connaissances et leur expérience.

M. Maloney: Tous les jours?

M. Hardisty: Une fois par semaine.

M. Maloney: Combien d'heures par semaine?

M. Hardisty: Certains des contrevenants qui ont suivi un traitement sont restés pendant toute la période prescrite par le tribunal, c'est-à-dire trois ans, et ils sont encore ici. Certains ont fini leurs trois ans, mais ils reviennent pour obtenir un soutien continu.

M. Maloney: Mais les séances durent combien d'heures par semaine? Si c'est une fois par semaine, c'est pour quelques heures?

M. Hardisty: Oui, deux heures par soir, parfois quatre.

M. Maloney: Les gens ont-ils d'autres contacts au cours de la semaine?

M. Hardisty: Oui, il y a des membres de la communauté. Ils sont toujours intéressés.

M. Maloney: Comment pourrions-nous appliquer ce modèle en milieu urbain, où les tentations sont très nombreuses?

M. Hardisty: Tout le monde connaît d'autres personnes, n'est-ce pas? Il y a aussi les gens qui occupent des postes de responsabilité dans le système judiciaire, le système social ou le système religieux. Tout le monde est relié au système d'une façon ou d'une autre. Donc, les gens le savent. C'est une question de rendre des comptes, d'être prêts à prendre le risque et à confronter les gens quand ils ne marchent pas au pas.

M. Maloney: Est-ce qu'il a déjà été question d'appliquer un système de ce genre dans les villes?

M. Hardisty: On nous demande toujours si cela peut fonctionner ailleurs, par exemple dans les villes. Nous répondons que, si cela fonctionne dans notre communauté, pourquoi pas? Je ne vois pas où serait la difficulté. Les problèmes sont les mêmes dans tout le pays. Aucune race n'est à l'abri de ce genre d'abus et de souffrance. Il doit bien y avoir un moyen de faire fonctionner ce genre de programme. Mais il faut certainement une volonté politique.

Nous avons lancé ce programme dans notre communauté parce que les enfants commençaient à se sentir assez forts et assez sûrs d'eux, et surtout les femmes qui prennent soin des enfants. Il était donc possible de parler de ce qui se passe. Avant que nous commencions ce travail, il était mal vu de parler des Alcooliques anonymes ou de l'alcoolisme. C'était des mots difficiles à dire. Mais maintenant, nous parlons par exemple d'agressions sexuelles et d'inceste. Ce n'est plus intimidant parce que nous savons que notre communauté va s'en trouver mieux. Nous savons que nos membres et nos familles vont s'en trouver mieux, et que nos gens vont devenir des citoyens plus sains et plus productifs.

M. Maloney: Vous jouez un rôle important. Combien y a-t-il d'autres personnes dans votre groupe qui jouent elles aussi un rôle de premier plan?

M. Hardisty: Je sers de porte-parole. Je soutiens nos femmes et nos enfants depuis bien des années. Il y a à peu près 24 personnes fortes qui veulent que cela se produise, et il y a aussi les anciens.

M. Maloney: D'accord.

M. Hardisty: Les gens de ma génération sont chanceux, voyez-vous, parce que l'emprise du gouvernement, de l'Église et de l'école n'est pas tellement forte. J'ai la possibilité de changer les choses autour de moi, parmi les gens de ma génération. À l'époque de mon père et de mes grands-parents, l'Église et les agents des Indiens avaient tellement d'emprise que nous ne pouvions rien faire.

.1245

M. Maloney: Avez-vous des comptes à rendre à des fonctionnaires du ministère de la Justice? Est-ce que vous relevez de quelqu'un?

M. Hardisty: Oui, nous faisons l'objet d'une évaluation. On nous a évalués à mort - je ne sais combien de fois - au cours des 10 dernières années.

M. Maloney: Mais est-ce que la police vous informe régulièrement des résultats de ce que vous faites?

M. Hardisty: Oui, nous travaillons avec la police et avec les gens du système judiciaire. Ils nous posent continuellement des questions. Les procureurs de la Couronne nous demandent comment les choses se passent. Nous travaillons en étroite collaboration avec les gens de la justice, les procureurs de la Couronne et les avocats de la défense. C'est avec eux que nous avons le plus de difficultés, avec les avocats de la défense. La première chose qu'ils disent à leurs clients, c'est de ne rien dire - de ne pas être honnêtes. C'est la première chose qu'ils disent aux gens.

Mais selon notre expérience, quand nous intervenons personnellement auprès des agresseurs, la plupart d'entre eux sont soulagés d'avoir été découverts parce que tout cela va cesser et qu'ils auront peut-être la chance d'obtenir de l'aide pour changer leur comportement.

M. Maloney: Ce programme s'adresse à toute la communauté, pas seulement aux jeunes contrevenants?

M. Hardisty: Il couvre maintenant tous les types d'infractions.

M. Maloney: Merci, madame la présidente.

La présidente: J'ai entendu dire qu'il y avait un article dans le magazine Maclean's au sujet de votre programme.

M. Hardisty: C'est ce qu'on m'a dit ce matin quand je suis arrivé. Je ne le savais pas.

La présidente: En fait, on a écrit beaucoup de choses sur vous, n'est-ce pas? Un livre et...

M. Hardisty: Il y a eu un article sur nous en avril 1995, il me semble, dans le Globe and Mail. Le journal a publié un article sur ce que nous faisions.

La présidente: Donc, l'ensemble de la communauté s'intéresse beaucoup aux programmes comme le vôtre, et depuis longtemps. C'est un grand honneur de vous avoir entendu aujourd'hui. Merci beaucoup.

M. Hardisty: Merci.

La présidente: Avant que nous suspendions nos travaux pendant quelques minutes, je dois vous soumettre une question de procédure.

Nous entendrons maintenant des témoins de la Federation of Saskatchewan Indian Nations. Cal Albright en est le directeur des services correctionnels et des services judiciaires pour la jeunesse. Il est accompagné du directeur des services juridiques, d'un ancien de la communauté et d'un jeune contrevenant. Je voudrais suggérer que nous siégions à huis clos à cause de la présence de ce jeune contrevenant, pour que nous puissions profiter de l'information qu'il voudra bien nous fournir. Il est ici de son plein gré, mais nous devons protéger son anonymat; j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Des voix: D'accord.

[La séance se poursuit à huis clos]

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