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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 novembre 1996

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[Traduction]

La présidente: Nous sommes de nouveau réunis et nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-27, Loi modifiant le Code criminel (prostitution chez les enfants, tourisme sexuel impliquant des enfants, harcèlement criminel et mutilation d'organes génitaux féminins).

Nous avons aujourd'hui un témoin pour nous parler du tourisme sexuel impliquant des enfants, il s'agit de M. Enrico Esguerra, coordinateur de End Child Prostitution in Asian Tourism Canada, une ONG.

Je vous souhaite la bienvenue. Nous allons écouter votre mémoire après quoi nous aurons plusieurs questions à vous poser.

M. Enrico Esguerra (coordinateur, End Child Prostitution in Asian Tourism Canada): Mon intervention n'aura rien de formel, je n'ai pas de mémoire préparé.

La présidente: C'est parfait.

Mme Torsney (Burlington): C'est ce que nous préférons.

M. Esguerra: ECPAT Canada, qui est le comité canadien dans le cadre de la campagne internationale pour mettre fin à la prostitution chez les enfants dans le tourisme asiatique, a été cri en novembre 1991. C'est une coalition d'Églises canadiennes et de particuliers responsables. C'est un élément de la campagne internationale pour mettre fin à la prostitution des enfants dans le tourisme asiatique, qui a son siège à Bangkok.

Au départ, nous avons cherché à déterminer dans quelle mesure les Canadiens participaient à l'exploitation commerciale sexuelle des enfants. Les objectifs généraux de l'ECPAT étaient d'éduquer et d'informer le public au sujet de ce problème, de recueillir des données relatives à la participation des Canadiens à la prostitution des enfants à l'étranger, et également une action pour réclamer des changements aux lois et politiques canadiennes.

En février 1996, alors que nous nous préparions à la réunion de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, nous avons présenté un mémoire au gouvernement canadien. Dans ce mémoire, nous faisions observer que l'exploitation commerciale sexuelle des enfants continuait à se développer, que c'était devenu une industrie de plusieurs millions de dollars. La campagne internationale pour mettre fin à la prostitution des enfants dans le tourisme asiatique a déclaré que depuis deux décennies le développement de l'exploitation sexuelle des enfants coïncidait avec une croissance rapide du tourisme dans plusieurs pays.

Pour vous donner une idée, d'après les tendances actuelles en Asie, on s'aperçoit qu'on force un nombre croissant de filles très jeunes à s'adonner au commerce sexuel. Au Kampuchea, une étude de l'Association pour le développement des femmes cambodgiennes a démontré que 35 p. 100 des travailleurs sexuels avaient moins de 18 ans et que l'âge minimum de la prostitution chez les filles était tombé de 18 à 19 ans en 1993 à 15 et 16 ans en 1994. D'après certains rapports, des fillettes de 13 ans travaillent dans les bordels de la ville et la vente de filles kampuchéennes à la Thaïlande et au Vietnam pour 150 dollars américains est un phénomène généralisé.

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Le développement du tourisme et la présence des forces de maintien de la paix dans les régions touchées par la guerre ont accru la demande pour des filles plus jeunes. En effet, les clients étrangers tentent de se protéger contre les dangers du VIH et du sida. Au Kampuchea, au Vietnam et au Laos, qui sont sur le point de s'ouvrir plus largement au tourisme, on craint que la pauvreté n'encourage le développement d'une industrie sexuelle touristique impliquant les enfants, comme cela a été le cas dans un pays voisin, la Thaïlande. C'est un risque d'autant plus grand que certains pays réputés pour le tourisme sexuel, comme la Thaïlande, commencent à prendre des mesures contre cette industrie.

Dans ce mémoire que nous avons présenté en février 1996, nous demandions au gouvernement du Canada de ritudier les dispositions du Code criminel relatives à la prostitution des jeunes, et le cas échéant, d'y ajouter des dispositions qui permettraient de poursuivre au Canada des ressortissants canadiens qui se livrent à l'exploitation sexuelle d'enfants à l'étranger.

En août 1996, prenant la parole devant le Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle commerciale des enfants, qui s'est tenu à Stockholm, en Suède, l'honorable Lloyd Axworthy expliquait que nous devons faire comprendre à tous ceux qui laissent faire de telles pratiques, qu'ils seront considérés comme des complices.

Nous, de l'ECPAT, accueillons donc favorablement le projet de loi C-27, et en particulier les dispositions relatives aux délits du tourisme sexuel et à la prostitution des jeunes de moins de 18 ans. Nous pensons que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction, et qu'il contribuera à la campagne mondiale pour l'éradication de la prostitution des enfants. Toutefois, nous conservons certaines préoccupations.

Premièrement, bien que ces dispositions aient été rédigées dans un but bien précis, nous avons remarqué tout de suite qu'on avait tendance à axer ces dispositions uniquement sur les Canadiens qui se rendent à l'étranger et qui cherchent à obtenir ou qui obtiennent les services sexuels d'enfants en échange d'une rémunération. Mais qu'en est-il de tous ces Canadiens qui obtiennent les services sexuels d'enfants sans vraiment leur donner d'argent?

Nos partenaires en Asie nous ont fait part de deux exemples dont j'aimerais parler aux membres de ce comité.

Le groupe CPAT au Cambodge a commencé à s'inquiéter des activités d'un Canadien français et nous a demandé de contacter des groupes dans d'autres pays pour voir si l'organisation de cet homme était connue.

Il s'agit d'un docteur, un psychiatre de Montréal, qui dirige une fondation ayant pour but d'aider les jeunes qui vivent dans la rue dans divers pays d'Asie. Il a écrit plusieurs livres. Cette fondation semble avoir une vocation chrétienne, et elle trouve des parents d'accueil et des parrains pour les enfants qui vivent dans la rue. Elle a des activités aux Philippines et dans le nord de la Thaïlande, et son siège social se trouve au Canada. Apparemment, ce sont des bénévoles étrangers qui dirigent des foyers d'accueil pour les enfants de la rue. Dans ces foyers, ce médecin a adopté plusieurs jeunes garçons. Certains d'entre eux prétendent qu'ils ont participé à des activités sexuelles avec lui. Cette personne est revenue au Canada en août l'année dernière.

Voilà donc un cas où on n'a pas versé d'argent en échange de services sexuels.

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L'autre Canadien, et je crois que Paul Watson en a parlé dans le Toronto Star, c'est Jean-Guy Heureux. Cet homme d'affaires canadien de 43 ans a été arrêté chez lui, soupçonné de pédophilie. On a trouvé chez lui trois jeunes adolescentes toutes nues. Dans sa propre usine, où il fabrique des poupées de papier mâché, et autres articles, il fait travailler des enfants. En même temps, les filles disent qu'elles sont devenues de véritables esclaves sexuelles de Heureux. Ces jeunes victimes avaient 13 et 14 ans.

Que faire dans de telles circonstances?

Deuxièmement, est-ce que les dispositions relatives au tourisme sexuel impliquant des enfants et la prostitution des enfants de moins de 18 ans sont suffisantes lorsqu'il s'agit des Forces armées canadiennes en mission de la paix? C'est une autre question que nous aimerions poser.

Enfin, qu'en est-il de l'application? Il serait peut-être bon de préciser quelle procédure et quelles méthodes seront mises en place pour appliquer la loi.

À ce sujet, si ce projet de loi est un jour adopté, quels mécanismes permettront de suivre les différents incidents, de suivre l'application des dispositions? Comment pouvons-nous, en notre qualité d'organisme non gouvernemental, collaborer avec les organismes et les institutions du gouvernement?

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Madame Gagnon.

[Français]

Mme Gagnon (Québec): Je vous remercie d'être venu présenter votre témoignage au nom d'un organisme qui oeuvre au sein d'une population concernée par cette problématique.

Vous avez soulevé un point intéressant ce matin. Le projet de loi présenté par le ministre ne prévoit pas les cas considérés comme des abus sexuels. On ne prévoit que les cas où il y aura un échange de faveurs sexuelles contre une rétribution. Le projet de loi ne couvre donc pas les cas d'abus sexuel. Je me demande s'il serait possible d'inclure dans ce projet de loi tous les cas d'abus sexuels sans rétribution.

Ce matin, une personne est venue témoigner d'un cas très particulier. Une dame a dit que son fils ne pouvait poursuivre une personne parce qu'il n'avait par reçu d'argent pour des services sexuels.

C'est donc un projet de loi qui me tient à coeur. Je vous remercie pour l'appui que vous m'avez apporté au début. Nous sommes tous contents que le ministre dépose un projet de loi. Je pense cependant qu'il y aurait peut-être intérêt à le bonifier et c'est la raison pour laquelle vous êtes ici aujourd'hui. Nous comptons sur vous pour nous éclairer. Quels seraient les meilleurs amendements à apporter au projet de loi?

Comme plusieurs personnes que nous avons entendues cette semaine, j'aimerais aussi voir dans le projet de loi un article qui préciserait de façon plus particulière la responsabilité criminelle d'autres acteurs comme les agences de tourisme, les agences de publicité et les transporteurs. On sait très bien que ces derniers contribuent de façon directe à l'augmentation du tourisme sexuel à l'étranger. Il faudrait donc que cela soit précisé dans ce projet de loi.

Je sais qu'il y a d'autres dispositions prévues dans la loi, mais on voudrait que cela soit plus clair dans ce cas précis. Je pense qu'il est nécessaire d'inclure dans ce projet de loi une disposition pour responsabiliser les acteurs que je vous ai mentionnés.

Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il y a une lacune dans ce projet de loi? Est-ce que vous seriez favorables à l'ajout d'un article dans ce projet de loi?

[Traduction]

M. Esguerra: Deux choses. Premièrement, je suis d'accord avec ce que vous dites, madame Gagnon.

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Premièrement, quand nous parlons d'un exploitant sexuel, à l'ECPAT, nous ne pensons pas seulement à une personne qui obtient les services sexuels d'un enfant ou d'une femme, mais bien à tous ceux qui sont impliqués dans l'ensemble du processus, les proxénètes, les propriétaires de bordels et les protecteurs, comme les représentants du gouvernement et la police. Il faut penser aussi aux agents de voyage peu scrupuleux et aux agences de tourisme qui organisent des voyages organisés sexuels. Nous savons qu'il y en a à Toronto. Peut-être le projet de loi pourrait-il apporter plus de précisions sur ces questions-là.

Deuxièmement, nous avons discuté avec des amis du réseau ECPAT que nous avons rencontré à Stockholm de la possibilité d'étendre la portée du projet de loi à toutes les formes d'agression sexuelle.

Un autre cas a été mentionné dans un article du Toronto Star, celui d'un Canadien, Benjamin Dennis. Il a été accusé d'agression sexuelle contre deux jeunes garçons de 12 et 14 ans au Sri Lanka. Dans ce cas particulier, les enfants ont été envoyés dans un centre de réhabilitation pendant que Benjamin Dennis était libéré. Il a dû payer une amende équivalent à quelque 50 $ canadiens.

C'était un cas évident d'agression sexuelle et il n'y avait pas eu échange d'argent contre des faveurs sexuelles. Je le répète, que faut-il faire en pareils cas?

[Français]

Mme Gagnon: Je voudrais juste ajouter que, si le projet de loi vise effectivement à réduire et à contrer la pratique des abus sexuels, rétribués ou non rétribués, c'est sûrement positif. Il faudrait donc modifier le projet de loi proposé par le ministre.

[Traduction]

M. Esguerra: Oui.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney: Je tiens à préciser que si les voyages organisés sexuels ne figurent pas dans ce projet de loi, c'est qu'on en parle déjà dans le Code criminel, et qu'une répétition serait inutile. Cela figure déjà aux paragraphes a) et g) de l'article 212(1).

Pour ceux que cela intéresse, je cite:

Autrement dit, c'est déjà prévu. La question s'est posée également lorsque nous étions à Stockholm. Certaines personnes s'inquiétaient de ce que cela ne figure pas dans le projet de loi. En fait, il y a des domaines où nous sommes en avance, et d'autres où ce n'est pas le cas.

Quant à l'ECPAT, vos réseaux vous permettent souvent d'obtenir des informations qui sont utiles pour l'application. Vous avez demandé comment les ONG pourraient travailler en collaboration avec le gouvernement. Je pense que nous n'avons plus à faire nos preuves dans ce domaine, nous essayons de faciliter cette collaboration le plus possible. Dans ce cas particulier, cela a certes bien fonctionné.

Certaines personnes ont pensé que les ressources risquaient de poser un problème, mais c'est un argument qui me semble un peu faux. Dans certains cas, cela ne fait aucun doute, ce sont des groupes comme le vôtre qui font le travail. Tout est préparé d'avance avant d'être déposé entre les mains des responsables gouvernementaux qui répondent: nous ne pouvons rien faire, la loi n'a pas encore été adoptée.

Pouvez-vous développer cet aspect? Vous venez de mentionner deux cas particuliers, et dans ces deux cas, si la loi avait été changée, vous auriez pu faire quelque chose.

M. Esguerra: À titre d'exemple, il nous arrive effectivement de recevoir des requêtes de partenaires d'Asie, nous demandant d'agir d'urgence. Dans certains cas nous ne savons pas quoi faire.

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C'est une question des ressources, mais cela exige également des mécanismes de consultation et des échanges d'information réguliers. Ces cas particuliers exigeraient l'intervention des organismes de police ou du ministère de la Justice et, de cette façon-là, dès que des informations nous parviennent, nous pourrions les transmettre aux autorités concernées.

Mme Torsney: D'autres personnes ont critiqué ce projet de loi en disant que cela ne nous regardait pas. Qu'en fait, c'était le problème de pays comme le Sri Lanka, la Thaïlande et le Cambodge qui permettent ce genre de pratiques. Qu'ils mettent de l'ordre dans leurs propres lois. Il y a des membres de ce comité qui ont discuté de cet aspect-là.

Que répondez-vous à ces gens-là?

M. Esguerra: Dans ces pays-là, les Philippines, le Sri Lanka, Taïwan et beaucoup d'autres pays d'Asie, les pays qui accueillent des touristes, des lois plus sévères prévoyant des peines plus sévères ont déjà été adoptées pour faire face à ces problèmes. Aux Philippines on envisage même d'imposer la peine de mort pour de tels délits.

Donc, ce n'est pas que ces pays-là ne font rien. Il faut également situer la discussion dans un contexte plus large, et s'interroger sur les relations qui existent entre ces pays mal développés et les pays du Nord ou de l'Ouest, peu importe comment on les désigne.

Vous dites qu'ils doivent mettre de l'ordre dans leurs lois, mais ils ont déjà des lois. Cela dit, il faut reconnaître que la corruption et les bureaucrates qui sont impliqués dans ce genre de choses, tout cela est également problématique.

Mme Torsney: Comme en Belgique et ailleurs.

M. Esguerra: Oui.

Comme on l'a fait observer dans la déclaration et dans la programmation du congrès mondial, il faut qu'il y ait coopération au niveau international parmi les organismes gouvernementaux, mais également parmi les organismes policiers. INTERPOL travaille très activement avec l'ECPAT sur ce problème.

Mme Torsney: Merci.

La présidente: Monsieur Rideout.

M. Rideout (Moncton): Une question très courte. Vous avez donné deux exemples, puis vous avez parlé des forces de maintien de la paix. Avez-vous des détails à nous donner sur ce que vous vouliez dire?

M. Esguerra: Dans le sud-est asiatique, il y a eu des cas d'abus sexuels contre des femmes et des enfants, des cas qui mettaient en cause les forces de maintien de la paix des Nations Unies. Cela remonte à deux ou trois ans.

M. Rideout: Est-ce que la disposition que nous avons sous les yeux servira à quelque chose dans de tels cas?

M. Esguerra: C'est la question que je posais, je me demandais si cette disposition englobait également les forces de maintien de la paix.

M. Rideout: D'accord, j'ai compris.

Mme Torsney: Je vais vous donner un exemple; un des délégués a cité un cas qui s'est produit au Mozambique, il s'agissait de l'armée italienne. Le commandant des Nations Unies, un Italien également, a essayé de régler le problème, et le commandant des forces armées a répondu que s'ils étaient là, c'était uniquement à titre de personnel des Nations Unies, et que peu lui importait qu'il soit Italien. Autrement dit, il n'avait de comptes à rendre qu'à Rome, et on devait laisser tomber.

Il y a eu d'autres cas en Angola, dans d'autres régions d'Afrique, et également au Sri Lanka. La population est au courant. On voit les filles très jeunes à bord des camions avec les bérets bleus, mais la population a peur. À qui faut-il se plaindre quand les forces de maintien de la paix sont censées être là pour vous aider? Que peut-on faire, leur dire qu'ils ont commis un crime contre vos enfants? C'est très difficile.

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M. Rideout: Ce n'est pas une loi contre ce genre de choses, n'est-ce pas?

Mme Torsney: Non, mais il faut se demander... à mon avis, cette disposition pourra s'appliquer aux forces de maintien de la paix canadiennes également.

M. Rideout: C'est ce que je pensais.

Mme Torsney: Oui. Nous pouvons montrer l'exemple.

La présidente: Est-ce que des forces de maintien de la paix canadienne ont été impliquées dans ce genre de choses?

Mme Torsney: Non, mais d'autres forces des Nations Unies, certainement.

La présidente: D'accord. Madame Gagnon.

[Français]

Mme Gagnon: On dit que cette mesure-là pourrait être applicable aux militaires. Il me semble que c'est faux parce que ce projet de loi ne prévoit que les cas où il y a rétribution. On sait bien que ce projet de loi ne serait pas applicable dans le cas d'une agression. C'est justement cette lacune que nous soumettons à votre appréciation. Le projet de loi n'est applicable que dans les cas où il s'agit de prostitution moyennant une somme d'argent. S'il s'agit d'un abus sur un enfant, ce projet de loi n'aura pas force de loi.

Il faut que ce projet de loi ait une portée beaucoup plus large. D'ailleurs, je pense qu'en Nouvelle-Zélande, la portée de ce genre de loi est beaucoup plus large puisqu'on parle de toute forme d'agression. C'est d'ailleurs ce que trois ou quatre témoins nous ont demandé. Je ne vois donc pas comment ce projet de loi pourrait être applicable dans le cas d'une agression sexuelle faite par des militaires.

J'aimerais vous poser une autre question. On connaît l'impact de ce genre d'agression sur la vie des enfants. Il ne doit pas être facile de poursuivre quelqu'un en justice. Un des témoins nous a dit que ce projet de loi ne prévoyait pas beaucoup de dispositions. Comment la poursuite peut-elle se faire dans la pratique? Est-ce que le tribunal se déplace et s'en va dans un pays, ou bien si on arrive avec du matériel vidéo? On sait qu'il faut obtenir le témoignage d'enfants abusés. Comment voyez-vous donc l'application d'une telle loi? Pensez-vous que c'est difficile?

[Traduction]

M. Esguerra: J'ai posé la question tout à l'heure à nos amis. Supposons que nous arrêtions un Canadien impliqué dans une telle affaire. Comment allons-nous nous y prendre pour l'enquête et pour le procès? Faut-il faire venir l'enfant au Canada? Dans ce cas, allons-nous le renvoyer après le procès sans nous inquiéter de sa sécurité lorsqu'il rentrera chez lui ou chez elle? Je n'ai pas la réponse.

[Français]

Mme Gagnon: Il y a des pays qui semblent être de connivence, comme vous le disiez. On a vu ce qui s'est passé en Europe dans l'affaire Dutroux. Dans certains pays, c'est un commerce très lucratif. Cela constitue des rentrées d'argent parce qu'il y a des touristes qui vont dépenser et laisser des sommes d'argent au pays. On ferme donc souvent les yeux sur cette pratique. Il existe peut-être des lois, mais est-ce qu'on les met vraiment en application? Comment un enfant pourra-t-il avoir tout l'appui de sa communauté?

Je résume ainsi les observations que certains témoins nous faisaient sur l'application de cette loi. Il est nécessaire qu'il y en ait une. La loi est faite pour être dissuasive. Il n'est pas normal qu'on accepte d'emblée qu'un Canadien aille à l'étranger pour abuser sexuellement d'enfants. Ce n'est pas normal. S'il y avait une loi, il pourrait au moins être poursuivi.

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La loi servirait à corriger cette façon de se conduire. Mais l'application de la loi ne sera pas évidente.

[Traduction]

M. Esguerra: Si nous sommes vraiment sérieux au sujet de ce projet de loi, le gouvernement canadien devrait trouver les ressources nécessaires pour l'appliquer véritablement. Pour commencer, le Canada a signé et ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant qui prévoit que l'enfant a la priorité absolue.

[Français]

Mme Gagnon: Merci.

[Traduction]

La présidente: Pas d'autres questions, collègues?

Je vous remercie beaucoup de votre exposé et de votre aide. Cela va nous aider dans nos délibérations. Nous apprécions beaucoup votre intervention.

M. Esguerra: Merci.

La présidente: La séance est maintenant levée jusqu'à demain, 15 h 30.

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