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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 novembre 1996

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[Traduction]

La présidente: Nous continuons l'étude du projet de loi C-27. Aujourd'hui, nous accueillons une représentante du ministère des Enfants et de la Famille du gouvernement de la Colombie- Britannique, Cherry Kingsley, qui est coordonnatrice du Projet d'implication de la jeunesse, et dont nous avons déjà beaucoup entendu parler.

Le saviez-vous, Cherry?

Mme Cherry Kingsley (coordonnatrice, Projet d'implication de la jeunesse, ministère des Enfants et de la Famille, gouvernement de la Colombie-Britannique): Non, je n'étais pas au courant. J'espère que l'on vous a parlé de moi en bien.

La présidente: Oui, nous vous connaissons très bien.

Nous accueillons également Megan Lewis, présidente de l'organisme qui s'appelle Prostitution, Education, Empowerment and Resource Society.

Je vous souhaite à toutes deux la bienvenue. Nous sommes prêts à entendre vos exposés et ensuite, nous vous poserons des questions.

Mme Kingsley: Je tiens à vous remercier de nous avoir invitées à comparaître devant vous et à présenter ce qui, j'espère, sera un tour d'horizon utile de la question de la prostitution chez les enfants.

Je pense que l'on vous a remis à tous un résumé. Ce n'est pas un mémoire complet, juste un résumé de ce dont je veux vous parler aujourd'hui. Je sais que nous avons pris du retard et au cas où je n'aurais pas le temps d'aborder tous les sujets dont je veux parler, je tiens à ce que vous ayez un résumé. Je vous enverrai un document qui vous donnera des informations supplémentaires la semaine prochaine.

On vous a également remis un rapport préliminaire élaboré récemment à la suite de consultations étendues avec des personnes qui fournissent des services sexuels à Victoria. Environ 75 entrevues ont eu lieu, d'à peu près trois heures chacune. Nous allons pouvoir en tirer une foule d'informations. Ce document est un rapport préliminaire que je voulais remettre aux gens.

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Je travaille maintenant pour le ministère, où je coordonne la participation des jeunes à la mise en place de politiques, de programmes et de services, ainsi qu'à la restructuration de l'aide sociale à l'enfance qui a été lancée en Colombie-Britannique. J'essaie de faire participer et collaborer à ce projet des jeunes qui vivent dans la rue, qui fournissent des services sexuels, des jeunes Autochtones, des jeunes qui ont été placés en tutelle, un grand nombre de jeunes qu'il est difficile d'atteindre, qui sont marginalisés et qui courent de grands risques. J'essaie de les faire participer et collaborer au processus de restructuration de l'aide sociale à l'enfance. Voilà ce que je fais maintenant.

Mais en fait, je viens d'une famille où les mauvais traitements étaient monnaie courante. J'ai connu, au sein de ma famille, la violence, les abus sexuels, l'alcoolisme et la négligence. J'ai vécu avec ma mère et mon beau-père jusqu'à l'âge de 10 ans. Ma mère est une Autochtone, de la nation Secwepemc - plus connue sous le nom de Shuswap - un peuple établi autour du lac Alkali, en Colombie-Britannique. Celui que j'appelle mon beau- père est apparu dans ma vie quand j'avais deux ans, et je suppose que, dans le fond, c'est mon père. J'ai vécu avec mes parents jusqu'à l'âge de dix ans et j'ai ensuite été confiée à l'État. J'ai été placée dans des foyers d'accueil pendant deux ou trois ans avant d'être mise sous tutelle permanente du gouvernement et ce, jusqu'à l'âge de 18 ans. Je n'ai pas toujours vécu dans des foyers d'accueil, mais là où le gouvernement avait décidé de me placer. Toujours est-il que j'ai été pupille du gouvernement jusqu'à l'âge de 18 ans.

Au cours de cette période, j'ai vécu dans vingt endroits différents. À l'âge de 14 ans, j'ai découvert la drogue, la vie dans la rue et la prostitution. J'ai commencé à me prostituer à 14 ans. J'ai été mise sur le trottoir, comme on dit, par un souteneur de 19 ans. À l'époque, j'étais en foyer à Calgary et il m'a emmenée à Vancouver. Je ne connaissais personne à Vancouver. Je ne connaissais pas la ville. Cela lui a permis de m'isoler complètement et de faire en sorte que je reste avec lui. Je ne connaissais personne; je ne connaissais pas la ville. En outre, étant donné que l'on considère la prostitution comme un crime ou une déviance, il était hors de question que j'aille demander de l'aide à la police. Ce garçon était extrêmement violent, comme certains des clients, d'ailleurs. J'avais l'impression que c'était moi la criminelle, et je n'avais donc pas le sentiment que je pouvais m'adresser à la police ou à qui que ce soit pour demander de l'aide, ni que le système judiciaire pouvait m'être d'aucun secours à ce moment-là. Ce n'était pas ce que je ressentais.

Voilà comment j'ai commencé à faire ce métier.

Je voudrais parler un peu de mon expérience et de celle de mes amis, parce que j'ai été prostituée entre l'âge de 14 et de 22 ans. Ensuite, j'aimerais parler des obligations du Canada vis-à-vis certaines questions qui se posent à l'échelle nationale et du rôle qu'il devrait jouer sur la scène internationale, selon moi. En gros, mes remarques ont trait au projet de loi C-27, mais je pense qu'elles vont au-delà.

Ensuite, Megan fera son exposé et après cela, nous pourrons répondre aux questions, si tout le monde est d'accord.

Je pense que les gens qui se font exploiter sont conditionnés en ce sens. Quand on cherche à voir quelles mesures de prévention on peut prendre contre l'exploitation sexuelle des enfants, je crois qu'il faut s'intéresser aux mauvais traitements, aux abus sexuels, à la négligence, à la pauvreté dont sont victimes les enfants. De mon point de vue, tous ces éléments sont des facteurs qui conditionnent les enfants. Dans ma famille, je n'ai pas été victime d'abus sexuel; mais ma soeur l'a été. J'ai été battue, maltraitée, tout le temps. On n'a enfermée dans des placards, au sous-sol, des choses comme ça. C'était vraiment horrible; c'était atroce. La façon dont j'envisageais les choses, c'était que mon beau-père aimait vraiment ma soeur et me haïssait. Pour moi, l'abus sexuel était une sorte d'amour.

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Ensuite, après l'âge de 14 ans, quand je suis devenue prostituée, je n'allais peut-être pas jusqu'à penser que tous ces gens-là m'aimaient ou quelque chose comme ça, mais je ne voyais pas de mal à ce que je faisais. Je ne sais pas comment expliquer. Je n'irai pas jusqu'à dire que la prostitution est synonyme de liberté d'action, mais j'avais l'impression que pour la première fois de ma vie, j'avais mon mot à dire sur ce qui arrivait à mon corps. Je pouvais négocier avec les gens ce qui allait arriver. De plus, cela me rapportait de l'argent, et jusque là, les gens qui m'avaient fait du mal ne m'avaient jamais donné d'argent, si bien que d'un certain côté, j'avais l'impression d'avoir fait quelques progrès par rapport à ce qui se passait auparavant. J'avais l'impression que, puisque de toute façon j'allais être maltraitée, il y avait là au moins un moyen de contrôler ce qui m'arrivait et d'avoir de l'argent. De cette façon, je pouvais gagner au moins un petit peu d'indépendance et de pouvoir.

Ce n'est pas contrôler complètement la situation, loin de là, mais tout étant relatif, j'avais l'impression d'avoir fait des progrès. Il est courant que les jeunes qui sont placés subissent des mauvais traitements, et je n'avais jamais ressenti cette impression de pouvoir, de contrôle sur ma vie. Lorsque j'étais à la maison ou que j'étais placée, c'est un sentiment que je n'ai jamais eu, alors qu'à ce moment-là, j'avais l'impression d'avoir gagné un certain pouvoir et un certain contrôle sur mon corps et sur ma vie. J'avais au moins mon mot à dire sur ce qui arrivait, mais de toute façon, j'étais conditionnée à accepter ce genre de traitement. Pour moi, mon corps était une marchandise, quelque chose que j'échangeais non seulement contre de l'argent, mais contre un toit, de la nourriture, et un peu d'affection. Mon corps me servait à me protéger. Je pouvais éviter d'être battue, entre autres. Ce n'était pas purement et simplement un moyen de gagner de l'argent.

On doit considérer, je crois, que l'exploitation est l'échange de nos corps contre tout un tas de choses. De nombreux jeunes, avant de se prostituer, ont fait ce genre d'expérience et ont échangé leur corps contre un logement, de la nourriture, et ainsi de suite avant de commencer à demander de l'argent.

Mes clients étaient surtout des hommes d'affaires. Il y avait des enseignants, des avocats, des banquiers, des hommes d'affaires. C'était des hommes mariés qui avaient des enfants. De vrais piliers de la société. Certaines personnes ont une vision stéréotypée des clients et pensent qu'ils sont visiblement pervers, et qu'ils sont facilement repérables; rien qu'en les voyant, on peut les reconnaître. Mais ce n'est pas vrai. Mes clients étaient des piliers de la société. Beaucoup d'entre eux avaient des emplois respectables et jouaient des rôles qui ne l'étaient pas moins.

Je suis heureuse que l'on accorde aujourd'hui tant d'attention à cette question, car bon nombre d'entre eux ne pensaient pas que ce qu'ils faisaient pouvait être qualifié de mauvais traitements, ils ne pensaient pas qu'ils exploitaient qui que ce soit. Et pourtant, foncièrement, c'était à cela que je servais.

Pour beaucoup de jeunes garçons, c'était un rite qui marquait le passage à l'âge adulte. À 17 ou 18 ans, on se paie une prostituée. C'est la façon de marquer l'entrée dans l'âge adulte et le début de la vie sexuelle adulte. C'est un rite de passage. Je pense que c'est la façon dont c'est présenté dans la société. Il y a eu des fois où un père m'a amené son fils, et c'était comme s'il lui achetait un cadeau. C'est parfois la façon dont cela est présenté.

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Quand j'étais sur le trottoir, j'ai été l'objet d'énormément de violence, de harcèlement, de marginalisation et de haine. Des adolescents entassés dans des voitures passaient devant moi et me jetaient des sous ou des oeufs, tout en m'insultant et en me traitant de «putain».

Bien entendu, la police nous harcelait. Les policiers nous faisaient déménager de certains quartiers résidentiels ou de quartiers d'affaires. Si nous nous tenions près d'un restaurant, ils ne voulaient pas que les gens qui étaient à l'intérieur puissent nous voir. Ils voulaient que nous restions dans les coins sombres, dans les ruelles. Nous étions vraiment en danger dans ces endroits-là, car il était alors beaucoup plus facile de nous faire du mal et de nous battre.

Dans de telles situations, nous devenons beaucoup plus vulnérables. Dans la rue, la violence règne. Il y a la violence qui vient du souteneur, celle qui vient des clients, parfois celle de la police, et celle des gens qui passent en voiture et qui vous jettent tout un tas d'objets.

Parmi mes amis masculins, il y en a beaucoup qui sont victimes d'actes de violence extrême. Les «chasseurs de tapettes» sont très nombreux. Il y a des gens dans les banlieues qui s'entassent dans les voitures et viennent les battre à coups de bâton. On les rejette à deux titres: parce qu'ils sont gais et parce qu'ils sont prostitués. Ils ne bénéficient certainement pas de la protection de la police ou quoi que ce soit. Ils sont conspués par tout le monde, la police et la collectivité. Ils ne bénéficient donc d'aucune protection de la part de qui que ce soit.

L'autre sujet que je voulais aborder est le rôle des souteneurs que j'ai pu observer lorsque je travaillais. Je sais que les gens les considèrent purement et simplement comme des criminels, des gens qui personnifient le mal. C'est vrai. Ils exploitent des êtres très vulnérables, mais cela ne s'arrête pas là.

Les filles travaillent pour un souteneur. Il y a des circuits qui sont plus organisés, des souteneurs qui sont maîtres de différents coins où leurs filles travaillent. Dans ce genre de situation, les filles courent souvent moins le risque de subir des violences de la part de leurs clients, parce qu'en général, elles se protègent mutuellement. Parfois, c'est le souteneur qui surveille ce qui se passe et à qui elles ont affaire. Habituellement, elles ont un endroit où elles vont avec leurs clients, une chambre de motel, ou un appartement qu'elles partagent. Toutes les filles se protègent mutuellement, parce que le souteneur veut qu'elles rapportent.

Ce n'est pas vrai que le souteneur les drogue. Il peut arriver qu'il donne de la drogue aux filles, mais en général, il ne tient pas à ce qu'elles deviennent dépendantes. Il veut qu'elles rapportent de l'argent, et la drogue, ça coûte cher, alors, il préfère en fait qu'elles ne dépensent pas leur argent pour se procurer de la drogue. Il se peut qu'il leur en donne un petit peu, mais foncièrement, il essaie de les empêcher de se droguer, il veille à ce qu'elles restent en bonne santé, leur fait passer des visites médicales régulièrement, et leur achète de beaux vêtements.

Je ne suis restée sous la protection d'un souteneur que pendant la première année. Plus tard, lorsque je me suis mise à mon compte - c'est ce qu'on dit des filles qui n'ont pas de souteneur - j'ai commencé à faire des passes dans les voitures, ou encore dans des parcs ou des parkings sombres. Nous risquions beaucoup plus d'être victimes de violence. Nous n'avions pas nécessairement un endroit où nous pouvions emmener nos clients. Alors, si l'on disparaissait, il n'y avait personne qui pouvait s'en apercevoir, ou alors, peut-être au bout de deux jours, minimum, quelqu'un pouvait s'en rendre compte. Ce n'est pas le genre de situation dans laquelle la disparition de quelqu'un est remarquée tout de suite.

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Les filles qui sont dans cette situation n'ont personne pour les pousser à rester sobres, à ne pas se droguer, à se comporter de façon plus professionnelle. Nous étions beaucoup moins organisées.

Entre l'âge de 15 et de 22 ans, je me suis mise à consommer beaucoup d'héroïne et de cocaïne. Je me suis injectée de la drogue dans les veines pendant longtemps. C'est une des choses qui m'ont piégée dans la prostitution, cela et le sentiment de honte ainsi que la marginalisation.

Il y a une chose que j'ai trouvée très dure lorsque j'ai quitté la profession, c'est que les gens ne vous aiment pas, tout simplement. Si vous avez été prostituée, les femmes sont vraiment méchantes avec vous. Elles ne vous aiment pas. Quant aux hommes, soit ils veulent continuer à vous exploiter, soit ils ne vous aiment pas non plus. C'est simple, les gens ne vous aiment pas.

Les parents ne veulent pas que vous fréquentiez la même école que leurs enfants. Les gens ne veulent pas vraiment que vous habitiez leur quartier. Ils voudraient seulement que vous restiez où vous êtes, que vous cessiez de vous prostituer, que vous cessiez de vous droguer, mais surtout que vous restiez là où vous êtes. Ils nous construisent des logements qui ne sont pas conformes aux normes, des foyers d'accueil, des refuges ou des établissements où l'on accueille toutes sortes de gens, pas seulement des professionnels du sexe.

On ne répond donc d'aucune façon à nos besoins spécifiques, on ne s'occupe pas des problèmes qui nous touchent, comme la dépendance vis-à-vis de la drogue, et nous n'avons pas accès à des services de counselling. C'est une autre question que je vais aborder.

J'ai trouvé cela si difficile d'abandonner cette profession, à cause de la dépendance, à cause du déshonneur qui s'attache au fait d'avoir été là où j'ai été, et ce que j'ai été, à cause de la marginalisation, à cause du fait que je n'ai aucune compétence professionnelle.

Je ne savais vraiment pas quoi faire dans la vie. J'ai fini par me prostituer. Certains de mes amis disent en plaisantant que je n'ai jamais quitté la profession, de toute façon; je joue simplement un rôle différent. Maintenant, je passe mon temps à consulter mes amis et à leur demander ce que l'on devrait faire. Ensuite, je vais parler à des gens pour leur dire ce qui devrait être fait.

Je voulais simplement vous donner un bref aperçu de certaines de mes expériences, de certaines des questions que je me suis posées, de ce que j'ai vu et de ce que j'ai ressenti. Je voudrais passer aux recommandations que j'ai à proposer, et au rôle que, selon moi, le Canada devrait jouer idéalement au plan national et international.

Premièrement, je voudrais parler des modifications que l'on pourrait apporter au Code criminel afin de traduire l'idée que les enfants sont des victimes. Dans toute transaction où l'on échange des services sexuels contre de l'argent, un logement ou de la nourriture, les enfants sont exploités, les enfants sont des victimes... et cela devrait être reflété dans le Code criminel, par le biais du projet de loi C-27.

Je ne sais pas si l'on a pensé à cela, ou si l'on a envisagé de régler la question, mais à l'heure actuelle, les enfants sont encore traités comme des criminels. Le racolage est toujours un acte criminel. La prostitution elle-même ne l'est pas, mais le racolage, le proxénétisme et ainsi de suite... le fait reste que les jeunes sont toujours traités comme des criminels. On trouve à l'heure actuelle des jeunes enfermés dans des centres de détention pour jeunes contrevenants parce qu'ils ont été reconnus coupables de ce crime. Ils ont subi un procès pour racolage et c'est pour cette raison qu'ils font de la prison.

Si en fait ce sont des victimes, alors, il faut refléter cela dans le Code criminel. Quand on est victime de voies de fait, on n'est pas traité comme un criminel, et l'on ne devrait pas agir ainsi envers des enfants qui se retrouvent dans ces mêmes circonstances, et certainement pas les mettre en prison. Je pense donc qu'il faut faire la différence et établir clairement qui sont les véritables criminels dans ce genre de situation.

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Il faut, sans aucun doute, poursuivre en premier lieu les gens qui tirent profit de cette industrie. Les premiers à qui l'on pense sont les souteneurs, ainsi que les propriétaires d'agences d'hôtesses ou de salons de massage. Il y a beaucoup de bars où travaillent les prostituées qui font partie de l'industrie. Il y a les propriétaires de motels et d'hôtels qui «ferment les yeux» et qui font partie de cette industrie. Il faut aussi s'en occuper.

Ces établissements font payer les jeunes pour tout. Ils font de gros profits à leurs dépens. Mais les jeunes les fréquentent parce qu'ils restent ainsi, pour ainsi dire, invisibles, loin des regards indiscrets.

Quand on parle de prostitution ou d'exploitation sexuelle, l'image qui nous vient à l'esprit est celle des prostituées qui font le trottoir. Mais dans le cas des jeunes, il faut en fait qu'ils restent la plupart du temps en dehors de la voie publique, à moins qu'ils puissent paraître plus âgés qu'ils ne le sont. Ceux qui ont l'air jeune travaillent plutôt dans des bars, dans des hôtels ou dans des restaurants.

Je me souviens que lorsque j'ai commencé, avant même de me retrouver dans la rue, les quelques premières fois où j'ai trouvé des clients, c'était dans des restaurants où je savais que je pouvais travailler. C'était les propriétaires qui me trouvaient mes clients.

Ce genre d'agissement doit être reconnu et traité dans le Code criminel. La justice ne doit pas ignorer les propriétaires de tous ces endroits où des enfants sont exploités et qui en tirent profit.

L'autre question à laquelle on doit s'intéresser est celle des mauvais traitements qui précèdent l'exploitation, par exemple, les abus sexuels, la violence physique, la négligence. À mon avis, la justice devrait vraiment s'intéresser à ces problèmes. Il faut qu'ils puissent être traités dans le cadre du système judiciaire, car c'est tout cela qui conditionne... c'est tout cela qui crée l'environnement, la communauté et la société où l'on fait violence aux enfants, où l'on maltraite sexuellement des enfants. C'est là que tout commence; c'est là où tout se passe véritablement. En effet, si l'on ne traite pas de ces questions par le biais du système judiciaire, ceux et celles qui exploitent leurs propres enfants vont en exploiter d'autres. Ils vont aller acheter ou louer des enfants ou je ne sais quoi encore.

Une communauté qui tolère que des enfants deviennent des victimes au sein de leur propre famille, ou qui ferme les yeux, va certainement être plus portée à tolérer également l'exploitation sexuelle des enfants. Il faut donc aussi inciter les communautés à s'intéresser à ces problèmes de façon plus concrète. Bien entendu, il faut créer des services pour réhabiliter les enfants... leur donner plus facilement accès à des services de counselling, les accueillir dans des refuges, afin de les aider à se remettre de tout ce qui leur est arrivé avant qu'ils commencent à exercer cette profession et qui les a conditionnés à le faire.

D'après les rares recherches qui ont été faites, nous savons que 99 p. 100 des gens qui font ce métier ont été victimes de mauvais traitements. Cela ne veut pas dire que tous les gens qui ont subi des mauvais traitements se prostituent, mais presque toutes les prostituées ont été maltraitées. C'est cela, leurs antécédents. Ça, nous le savons.

Il faut établir une politique quelconque. Il faut fixer une limite quelque part, décréter quelque chose qu'il soit facile de se rappeler, quelque chose qui frappe, comme le niveau de tolérance zéro en ce qui concerne la violence contre les femmes. Parce que cette politique existe, parce que ce principe moral ou autre a été établi, la police peut intervenir. Les policiers ne sont pas obligés d'obtenir le consentement de la femme. Ils peuvent porter des accusations eux-mêmes. Ils peuvent arrêter l'homme.

Dans toutes les collectivités, on a créé des refuges en s'appuyant sur ce principe. Les tribunaux sont sensibilisés au principe de la tolérance zéro envers la violence contre les femmes, et cela est reflété dans les procédures judiciaires. Il existe des centres de counselling et des centres d'aide aux victimes de viol. Tout ce réseau d'entraide est fondé sur le principe de la tolérance zéro. Je pense donc qu'il faut instaurer quelque chose de semblable à cela en ce qui concerne les enfants, et dire que vis-à-vis l'exploitation des enfants et la violence dont ils sont victimes, on adopte le principe de la tolérance zéro, ou quelque chose comme cela.

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Le problème vient aussi du fait que les gens ne savent pas quand intervenir. Tout le monde a une interprétation différente de ce qu'est la violence, de ce que sont les mauvais traitements, de ce qu'est l'exploitation, et chacun a un niveau de tolérance différent. Si l'on dit tout simplement que rien de tout cela n'est toléré, alors, les gens sauront quand intervenir. Je crois que bien des fois, les enseignants et les médecins, ainsi que les voisins, ne savent pas à quel moment faire quelque chose. Si l'on disait tout simplement que rien de tout cela n'est toléré, je crois que les gens appelleraient les services sociaux ou la police beaucoup plus tôt. Ils sauraient alors où se situe la limite à ne pas dépasser.

En ce qui a trait aux témoignages en cour, à l'heure actuelle, le gros problème qui se pose sur le plan de l'application de la loi, c'est que dans les affaires où une personne est accusée de proxénétisme, la preuve repose presque complètement sur le témoignage des jeunes. Cela pose un réel problème car ces jeunes ont peur, ils ne connaissent pas le système judiciaire, cela les effraie - entre autres. Il faut trouver un système qui ne repose pas uniquement sur le témoignage des jeunes ou, si cela reste le cas, il va falloir les soutenir tout au long du processus, afin qu'il soit plus facile pour eux de témoigner en ces circonstances.

Il faut faire beaucoup plus de recherches. On connaît tellement peu de choses sur toute cette industrie. Nous avons une vision stéréotypée des souteneurs, des victimes, des clients, mais il faut entreprendre de réelles recherches afin de découvrir qui sont tous ces gens-là, de savoir où il y a exploitation, comment cela se passe et ce qui contribue à l'industrie de l'exploitation. Il faut entreprendre de nombreuses recherches. Il faut aussi s'intéresser à la réinsertion des jeunes qui ont pratiqué le métier. Il y a tant de choses que nous devrions approfondir davantage.

On pense que c'est une question qui concerne principalement les femmes, mais en réalité, on trouve beaucoup d'hommes dans la profession. Il y a beaucoup de garçons, et ils ont invisibles parce qu'ils sont marqués de tant de stigmates à cause de leur homosexualité. Le stigmate est double: ils sont homosexuels et ils se prostituent. En outre, il y a toute cette histoire de sida. Ils courent tellement le risque d'attraper le sida, et là encore, c'est quelque chose qui attire l'opprobre. Alors, ils restent vraiment invisibles.

Il faut que nous en sachions plus à leur sujet et que nous les aidions. Pour ce faire, il faut que nous sachions où ils travaillent. Ils ne sont pas aussi nombreux que les femmes sur la voie publique. Il y a peu de chance qu'on les voie arpenter une artère principale. Il y a peu de chance qu'on les voie plantés dehors, là où tout le monde peut les voir. Ils se cachent beaucoup plus que les femmes. Il faut que nous braquions nos projecteurs sur ces endroits sombres où ils travaillent, et que nous fassions des recherches. Il faut donner à certaines personnes les moyens de faire des recherches sur cet aspect de la profession.

Je pense que nous avons besoin de programmes d'entraide. À l'heure actuelle, au Canada, il n'existe aucun programme destiné spécialement à ce segment de la population. Il y a des refuges, mais on y accueille tout le monde, tous ceux et celles qui ont besoin d'un abri, et la plupart du temps, ce sont des endroits où l'on ne peut rester qu'entre sept et trente jours. Ce n'est pas suffisant pour répondre aux besoins de cette population.

Les centres de désintoxication et de traitement de la dépendance ne prennent pas en compte les autres besoins des prostituées. Dans ces endroits-là, on ne répond pas à leurs besoins, on ne cherche pas à savoir si elles ont un problème de protection à régler. Or, il se peut qu'elles aient besoin de beaucoup de protection. Peut-être fuient-elles une agence, un souteneur ou quelque chose d'autre. Dans ces centres, on ne s'occupe pas de ce genre de problème.

Des services de counselling, des centres de santé - il n'y en a nulle part. Il n'existe aucun service conçu spécialement pour ce segment de la population qui a justement des besoins très spécialisés. Il n'y a rien. Il faut que nous mettions sur pied un service qui réponde à ces besoins. Il faut que nous mettions en place un service d'hébergement qui répond aux besoins en matière de formation, de counselling à long terme, un service d'entraide où l'on tiendra compte du fait que les prostituées ont besoin de protection. Je pourrais continuer à parler de cela pendant longtemps, mais il faut vraiment faire quelque chose.

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Il faut que les jeunes nous aident à répertorier toutes les questions qui se posent et à mettre en place des services, des politiques, des lois et des projets qui permettront de s'attaquer à ces problèmes. Il faut qu'ils participent, car ce sont eux les victimes, c'est vrai, mais si on les considère uniquement comme des victimes... En ce qui me concerne, je ne veux pas que l'on me considère uniquement comme une victime. Je veux jouer un rôle plus direct que cela. Je ne veux pas bénéficier passivement d'un service quelconque. Je veux plus de pouvoir que cela.

J'ai toujours été sous le contrôle de quelqu'un. Lorsque je vivais à la maison avec mes parents qui me maltraitaient, lorsque j'étais placée et ensuite, lorsque je vivais dans la rue, j'ai toujours été sous le contrôle de quelqu'un. C'était comme si je n'avais aucun droit sur mon corps. Alors, quel que soit le processus que nous pourrions mettre en place pour régler les problèmes, il faut qu'il permette aux gens concernés de jouer un rôle quelconque, parce que c'est là le problème central - ils n'ont aucun contrôle sur leur corps ni sur leur vie.

Il faut que nous les fassions participer, car nous n'avons pas les réponses aux questions qui se posent. Il semble que nous ne les comprenions pas toutes et que nous ne sachions pas comment nous y prendre pour les régler. Il faut les faire participer. Ce sont eux qui ont les compétences qui nous manquent. Au congrès mondial qui a eu lieu à Stockholm, j'étais la seule personne parmi toutes celles qui ont présenté des exposés à pouvoir faire état d'une expérience concrète. J'ai trouvé cela incroyable. Si l'on en juge par la déclaration et le plan d'action qui ont été publiés à la fin du congrès, il était évident que, parmi ceux qui avaient participé à la rédaction de ces documents, il n'y avait personne qui savait concrètement ce qu'être exploité veut dire.

Il faut se renseigner - et je ne sais pas comment l'on peut s'y prendre pour y parvenir, car cela n'entre pas dans le champ de mes compétences - auprès des souteneurs et des proxénètes. À mon avis, il faut aussi obtenir d'eux des informations. Sans doute pas dans le sens où ils participeraient à l'élaboration de politiques conçues pour contrer leurs agissements, mais je pense qu'il faut toutefois comprendre leur perspective.

Il faut entreprendre une campagne d'information publique pour que les gens sachent que lorsqu'ils procurent à quelqu'un les services d'une prostituée, lorsqu'ils fournissent les services sexuels d'un enfant, ils commettent un crime. Il y a beaucoup de jeunes gars qui ne savent pas cela; ce n'est pas de cette façon qu'ils envisagent les choses. Beaucoup de gens ne voient pas ce genre d'activité de cette façon. Il faut qu'ils comprennent que c'est un acte criminel. Il faut informer les jeunes; il faut présenter cette industrie sous un jour moins séduisant, car la prostitution exerce toujours une grande fascination.

Il faut appuyer les programmes d'auto-assistance, comme ceux qui sont lancés par des organismes ou des associations d'entraide et de défense. Il n'y en a pas beaucoup, mais il faut assurer un financement de base à ceux qui existent. Ces organismes essaient de survivre, mais ils doivent mettre des projets sur pied ou élaborer des propositions, et ils sont constamment à la recherche de financement. La plupart d'entre nous n'avons pas les ressources nécessaires pour rédiger des propositions, gérer des projets et ainsi de suite. Nous voulons donc simplement nous regrouper et disposer des ressources nécessaires pour créer un groupe d'entraide et nous organiser pour défendre nos droits. Si nous parvenons au stade où nous pouvons concevoir des projets, énoncer des propositions et faire des recherches, alors, nous pourrons transmettre toute cette information à qui de droit; mais nous avons besoin d'un financement de base pour que notre groupe d'entraide puisse survivre.

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Il faut que nous nous engagions vis-à-vis les jeunes eux- mêmes, que nous nous occupions d'instaurer des mesures préventives, de minimiser les risques qu'ils courent lorsqu'ils sont dans la rue, et d'établir un contact avec eux. Nous pouvons essayer de minimiser la violence dont ils sont victimes, de répondre à leurs besoins en matière de santé, à leurs besoins en matière de logement, à la multitude de besoins qu'ils ont lorsqu'ils sont dans la rue. Il faut que nous nous occupions de certaines de ces questions. Et pour y parvenir, il nous faut des services de soutien.

Ensuite, bien entendu, il faut essayer de les sortir de là. Il faut que nous prenions un engagement à long terme vis-à-vis les jeunes qui essaient d'abandonner cette profession. Parfois, ils y retomberont. Ils feront un pas en avant, deux pas en arrière, mais même s'ils rechutent, cela ne devrait pas mettre un terme à notre engagement vis-à-vis eux. Il faut que nous restions près d'eux jusqu'à ce qu'ils abandonnent définitivement ce genre de vie. Telles sont certaines initiatives à envisager à l'échelle nationale.

Sur la scène internationale, nous avons l'obligation d'appliquer la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. C'est un fait. Nous l'avons ratifiée. Nous l'avons signée. Cela veut dire que cela représente ce que nous allons faire, et il faut donc que nous essayions de le faire. Il faut que nous nous assurions que les gens respectent cette convention ici, chez nous, et aussi à l'étranger.

Nous avons besoin de lois sévères pour punir la traite et l'exploitation des enfants. Je suis en faveur de lois qui rendent passibles de poursuites au criminel ceux qui vont à l'étranger, qui achètent les services sexuels d'un enfant et qui reviennent ici en disant qu'en Thaïlande ou ailleurs, c'est tout à fait acceptable. Je suis en faveur de lois qui imposent des peines à ceux qui agissent ainsi. Je pense que c'est important.

Lorsque le Canada engage des négociations commerciales ou économiques avec certains pays, les représentants de notre gouvernement peuvent demander à ces pays... parce que le Canada est relativement en position de force. Lorsque le gouvernement conclut des ententes commerciales avec certains pays, il devrait examiner leurs antécédents, la façon dont ils traitent les enfants, la façon dont ils les protègent contre l'exploitation, etc. Cela peut faire partie de négociations commerciales - en tout cas, c'est ce que je pense.

Il faut que le Canada constitue une base de données. Les criminels ont recours à la technologie de pointe, à l'Internet et à l'informatique pour les aider à commettre leurs crimes. Je pense que nous devons utiliser une technologie au moins aussi performante que celle à laquelle les criminels ont recours. Il faut constituer une base de données qui comprendra un profil des victimes, des souteneurs et des agences et autres, ainsi que des proxénètes qui vendent les services sexuels d'enfants. Il faut que cette base de données comprenne des informations sur les agences, sur les itinéraires et les méthodes suivis par ceux qui s'adonnent à la traite des enfants, et enfin sur les moyens d'aider les jeunes, et sur les organismes qui s'occupent de répondre à leurs besoins. Mais à mon avis, il nous faut une base de données nationale et une base de données internationale. Après cela, nous pourrons échanger des informations avec d'autres pays et nous assurer de leur collaboration.

Le Canada doit apporter son soutien aux conférences et aux congrès qui sont organisés pour étudier la question, ainsi qu'aux recherches qui sont effectuées en ce domaine, et il faut que nous mettions sur pied des projets pilotes. Dans certains pays du tiers monde, les besoins et les questions qui se posent sont différents, et peut-être devrions-nous appuyer certains des projets pilotes qui sont lancés dans ces pays là. Il faut aussi mettre sur pied des projets pilotes ici. Nous devons lancer une campagne d'information publique de grande envergure. À mon avis, il faut établir un comité international chargé de surveiller la mise en oeuvre de...

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À Stockholm, on a rédigé une belle déclaration ainsi qu'un plan d'action. Tout le monde a avalisé et signé ces documents, mais qui va s'assurer qu'ils sont respectés? Il faut établir un organisme international quelconque. Les pays qui sont membres de... Selon moi, ce comité devrait regrouper des gens qui représentent les gouvernements, qui peuvent prendre des décisions et s'engager, mais aussi des gens qui ont une expérience concrète du problème, de façon à ce que les discussions restent réalistes et judicieuses et que le processus ne devienne pas bureaucratique et que ce comité fonctionne et soit utile à ceux qui sont exploités.

Donc, il devrait exister une entité ou un comité quelconque qui serait chargé de s'assurer que l'on constitue une base de données et que l'on applique les lois, à l'échelle internationale et dans les différents États, comme un organisme de contrôle.

En outre, je pense que l'on doit accorder une attention spéciale aux peuples autochtones, partout dans le monde, et notamment ici, au Canada. Les Autochtones semblent particulièrement vulnérables; nous le savons, leur nombre, parmi les gens qui exercent cette profession, est disproportionné. C'est le cas ici, au Canada, mais c'est la même chose dans d'autres pays. Pour une raison quelconque, les Autochtones sont particulièrement menacés par l'exploitation sexuelle. Il faut que nous nous occupions de ce problème, parce que c'est la décennie des peuples autochtones et aussi parce que nous avons une obligation vis-à-vis eux.

Je ne sais pas si j'ai pris trop de temps, mais je vais m'arrêter ici.

La présidente: Merci, Cherry.

Megan Lewis.

Mme Megan Lewis (présidente, Prostitution, Education, Empowerment and Resource Society): Merci.

Je vais être brève car, entre autres choses, je suis encore à l'heure de Victoria. Je ne sais pas si je vais pouvoir tenir encore longtemps.

La présidente: Vous allez tomber dans les pommes d'une minute à l'autre.

Mme Lewis: Oui, je n'en suis pas loin.

Je suis entrée dans la profession quand j'avais 13 ans. Je vais vous donner un bref compte rendu pour que vous sachiez où je me situe. J'ai travaillé environ trois mois pour un type que j'avais rencontré. Il avait un magasin au centre-ville de Vancouver, et à l'arrière, il avait des filles qui travaillaient pour lui. J'avais 13 ans, mais j'étais loin d'être la plus jeune. Il y avait une gamine qui n'avait pas plus de 11 ans. Après environ trois mois, j'ai décidé que je ne voulais plus travailler pour lui et j'ai arrêté. Heureusement, il n'a pas essayé de me retrouver ou quoi que ce soit. Il n'était pas vraiment violent, en tout cas pas vis-à-vis moi. J'ai donc abandonné, je suis retournée à l'école et j'ai tenté de retrouver le droit chemin, mais j'ai fini par me retrouver à nouveau dans la profession. J'ai travaillé comme ça dans la profession de façon intermittente entre l'âge de 13 ans et l'âge de 24 ans, où j'ai arrêté définitivement.

Depuis deux ans, je travaille avec des gens qui ont pratiqué un métier du sexe. En général, ils ont commencé jeunes et ont travaillé irrégulièrement, avec des hauts et des bas, en laissant tomber pour un temps avant de recommencer à nouveau. Quand on y regarde d'un peu plus près et qu'on demande aux gens ce qui les a poussés à recommencer après avoir essayé de sortir de la profession, on se rend compte qu'il y a entre eux beaucoup de points communs: ils ont très peu d'estime d'eux-mêmes, ils sont conditionnés, ils ne savent pas comment faire face à la vie de façon autonome et ils ont recours au sexe pour oublier ce qu'ils ressentent en quelque sorte, un peu comme les alcooliques. Il semble que ce soit la même chose pour tous.

Il y a d'autres problèmes auxquels ils ne savent pas faire face. Les troubles du comportement alimentaire sont très fréquents, tout comme l'envie de se tuer ou de s'automutiler. Je n'ai jamais rencontré qui que ce soit dans la profession qui ne souffrait de stress post-traumatique. Lorsqu'ils consultent un médecin, c'est en général le diagnostic; des recherches ont déjà été faites là- dessus.

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J'ai travaillé dans la profession jusqu'à l'âge de 24 ans. À 16 ou 17 ans, j'étais déjà toxicomane et alcoolique. J'ai arrêté à 24 ans car j'ai été violée. C'était la troisième fois que je me trouvais dans une situation où je pouvais dire sans aucun doute qu'il s'agissait véritablement d'un viol. Il y a eu d'autres incidents où je n'étais pas si sûre, où les choses étaient un peu plus floues.

Je me suis dit bon, je suis beaucoup trop vieille pour cela. Il faut que j'en sorte tout de suite. C'est ce que j'ai fait et j'ai arrêté la drogue et l'alcool. Cela a été très dur. Ça n'a pas été un petit exploit, mais j'ai eu beaucoup d'aide.

Malgré tout, on ne trouve pas beaucoup de soutien. À moins d'avoir une famille très solide, que j'ai eu la chance d'avoir, on ne trouve pas beaucoup de soutien. Beaucoup de gens ne peuvent pas compter sur leur famille. Beaucoup sont élevés dans des foyers, comme Cherry, et n'ont personne pour les aider à s'en sortir. Un grand nombre n'y parviennent pas. Beaucoup de gens finissent par en mourir.

Les ressources manquent véritablement pour aider les gens à sortir de la profession de façon permanente. On ne fait pas grand chose au niveau de la prévention ou de l'intervention précoce. Si quelqu'un a déjà été conditionné... Comme le disait Cherry, le conditionnement est ce qui fait courir le risque d'être exploité. On ne fait pas grand chose en matière de prévention ou d'intervention précoce auprès des jeunes qui sont conditionnés par les mauvais traitements dont ils font l'objet chez eux ou ailleurs.

L'intervention précoce semble se résumer à placer les gens ou à les mettre en prison. Cela ne semble pas terriblement efficace. Beaucoup de gens finissent quand même par tomber dans la prostitution.

Vous avez tous un exemplaire de mes notes - et c'est tout ce qu'elles sont; ce n'est pas un plan d'ensemble. J'ai quelques recommandations. Cherry et moi avons comparé nos notes, et nous avons constaté que beaucoup de choses se recoupaient. Je ne veux pas répéter une grande partie de ce qu'elle a déjà dit. Toutefois, en ce qui concerne les campagnes d'information et la modification du Code criminel, pour refléter l'idée qu'acheter les services sexuels d'enfants ou de jeunes est un cas de mauvais traitements à enfant, je tiens à dire clairement qu'en l'occurrence, on ne devrait pas utiliser d'euphémismes. Il s'agit bel et bien de mauvais traitements à enfant. C'est de la pédophilie. Il ne s'agit pas d'acheter les services sexuels de mineurs; il s'agit de mauvais traitements à enfant. La société ne comprend pas cela du tout: jeunesse égale beauté, et par conséquent, il n'y a rien de mal à acheter les services sexuels de quelqu'un, même si la personne en question n'a que 13 ou 14 ans.

Pour changer ce genre d'attitude, on peut commencer par lancer des campagnes d'information, des campagnes de presse et modifier le Code criminel, car c'est à cause de ces attitudes que le cycle des mauvais traitements se perpétue.

Au niveau international, Cherry a déjà parlé des banques de données que l'on devrait constituer.

Avez-vous parlé des banques de données?

Mme Kingsley: Oui.

Mme Lewis: Ces banques de données permettront de traquer les gens qui achètent des jeunes et des enfants, de suivre à la trace ceux qui sont achetés et ceux qui les vendent.

Une chose qui est, selon moi, absolument nécessaire, c'est d'adopter une position très ferme à l'égard de la publicité sexuelle dont des enfants, des jeunes ou des jeunes femmes font l'objet, ou encore de la vente d'épouses par correspondance. Il est possible d'acheter au Canada des catalogues remplis de photos de jeunes femmes de différents pays. Il est possible d'acheter des livres où l'on vous dit où et dans quel pays vous pouvez vous rendre pour avoir une vierge - comment s'y prendre, quelles questions poser, comment fonctionne la police là-bas, et ainsi de suite. Des enquêtes de ce genre devraient également être faites par des gens qui se situent du bon côté du droit, de manière à ce que ne soit pas toujours les méchants qui fassent des recherches et qui contrôlent ce qui se passe.

Actuellement, on n'a pas le droit au Canada de faire de la publicité pour les cigarettes, par exemple. Selon moi, on devrait avoir la même attitude à l'égard de la publicité sexuelle dont sont l'objet des enfants ou des jeunes. Cela fait aussi partie du changement des attitudes.

En ce qui concerne les ressources, il y a des initiatives à prendre pour aider les gens à s'en sortir une fois qu'ils ont été piégés. Des trucs comme des lieux sûrs, du counselling, des programmes de réinstallation sont tous importants. Très souvent, les jeunes ne sont pas pris au sérieux lorsqu'ils disent qu'ils ont peur que quelqu'un les vende, mais il n'est pas rare du tout que cette peur soit justifiée.

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Le stéréotype du maquereau noir en survêtement avec des chaînes d'or au cou, bien qu'il soit parfois conforme à la réalité, n'est pas toujours exact. Beaucoup de souteneurs ont beaucoup plus d'influence et ont le bras beaucoup plus long qu'on l'imagine. Parmi les femmes avec lesquelles je travaille, il y en a quelques- unes que les souteneurs suivent à la trace grâce à leur carte de maladie. Ni vous ni moi ne pouvons en faire autant. On ne peut tout simplement pas avoir accès aux dossiers médicaux de quelqu'un pour savoir si cette personne a ou non utilisé sa carte au cours des six derniers mois; et pourtant je connais quelqu'un à qui c'est arrivé. Cette personne a vérifié en allant plusieurs fois chez un docteur dans une autre ville; elle a alors découvert qu'il y avait des gens qui la recherchaient dans cette ville-là, alors que c'était le seul document à son nom qu'elle y avait utilisé.

Ce ne sont pas des imbéciles, de petits truands; souvent, ils sont très habiles dans la façon dont ils opèrent. Je pense que nous devrions nous montrer aussi ingénieux qu'eux pour concevoir des programmes de réinstallation et les mettre sous surveillance.

Je pense que je vais écourter mon exposé. J'aimerais toutefois ajouter que lorsque nous élaborons des programmes ou des directives destinés aux jeunes qui sont exploités, il est très important que des gens qui ont exercé la profession ou qui ont été exploités y participent, que ce soit au niveau du counselling ou au niveau des politiques. Seuls des ex-prostitués ont été interrogés dans le cadre de l'étude Victoria sur les 75 jeunes, et cela a permis d'obtenir une grande quantité d'informations. Il est important que le concept soit retenu. Cela permet d'aboutir à des programmes et à une utilisation des ressources plus efficaces.

Bref, c'est tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie.

La présidente: Merci, Megan.

Monsieur Ramsay, avez-vous des questions? Vous avez cinq minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Cherry, vous avez déjà comparu une fois devant ce comité n'est-ce pas?

Mme Kingsley: Oui.

M. Ramsay: Cela fait plaisir de vous revoir et de constater que vous tenez bon.

Mme Kingsley: Merci.

M. Ramsay: Je vais à nouveau me reporter à un document qui a été présenté par Kimberly Daum de la Downtown East Side Youth Activities Society. Elle en a tiré un article qui a été publié dans l'Ottawa Citizen du 6 mai 1996. Je suis frappé par le fait qu'elle souligne que ce projet de loi ne s'attaque pas aux gens qu'il faudrait, qu'il devrait s'en prendre en fait aux clients, d'une façon plus énergique. Elle trouve qu'on obtiendra de bien meilleurs résultats en condamnant les consommateurs, et que cela réduira le marché, sauvera des vies et améliorera la qualité de vie des gens qui font ce métier. Elle fait remarquer qu'au cours des huit dernières années, seuls huit hommes ont été poursuivis parce qu'ils avaient eu des rapports sexuels avec des prostituées adolescentes.

Vous avez dit que certains de vos clients, quand vous étiez dans la profession, étaient des piliers de la société. Pensez-vous qu'il s'agisse d'un facteur qui contribue au fait que les clients ne sont pas pris pour cible, ou cela fait-il partie du problème? Est-ce que cela s'ajoute au fait qu'il est difficile pour la police de monter un dossier solide pour obtenir une condamnation en cour?

Mme Kingsley: Oui. Il y a effectivement des problèmes d'application de la loi, et l'un d'entre eux est de porter plainte et d'obtenir une condamnation. Cela repose presque toujours sur le témoignage des jeunes intéressées, qui se font mettre en pièces au tribunal et ce genre de chose. On ne les aide pas beaucoup tout au long du processus, et beaucoup ont trop peur. C'est un des problèmes au niveau de l'application des lois.

L'autre, dont j'ai entendu la police parler, est que dans la loi, il est question d'obtenir les services sexuels d'une personne qui est âgée de moins de 18 ans; la police se demande pourquoi on ne dirait pas dans la loi «de toute personne qui se dit âgée de moins de 18 ans». De cette façon, on pourrait avoir recours à des policiers qui joueraient le rôle d'appâts, et on n'aurait pas à faire prendre de risques à des jeunes. La police aurait aussi de meilleures chances d'arrêter des gens. C'est une solution.

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Oui, ce sont des piliers de la société. Un grand nombre d'entre eux ne reçoivent que des avertissements. J'ai pu constater que s'ils passent et repassent en voiture, la police se contente de leur demander de disparaître ou ne se donne même pas cette peine parce qu'ils... Je ne sais pas. Les gens pensent que c'est nous qui sommes le mal incarné, pas eux, et que d'une certaine façon, nous attirons des gens bien dans nos filets, que nous les éloignons de leur...

Mme Lewis: Nous avons eu des coups de téléphone de femmes qui nous disaient exactement cela.

Mme Kingsley: Oh oui, c'est effectivement l'idée qu'ont les gens.

Il est difficile de faire condamner. Il est difficile de monter un dossier, et c'est pourquoi beaucoup de policiers n'essaient même pas. Il y a deux facteurs, pourquoi la police... La police prétend que la loi est inapplicable, mais cela n'a jamais été vraiment testé. Huit cas pendant toutes ces années. Ils n'ont pas même pas mis le système à l'épreuve pour voir si la loi est effectivement inapplicable, et cela dans une large mesure, à cause des clients, de qui ils sont.

M. Ramsay: Je me rappelle que dans ma province, en Alberta, il y a eu un solliciteur général qui a dû démissionner, car il avait été pris en compagnie d'une enfant prostituée. Il ne fait pas de doute que les lois ne sont pas appliquées, que ce soit parce que c'est difficile de le faire ou pour d'autres raisons.

Dans une partie de ce projet de loi, le projet de loi C-27, on tente d'aborder le problème des figurants utilisés par la police, et qui ont moins de 18 ans ou qui sont plus âgés mais qui paraissent plus jeunes. Il y a un article qui essaie de traiter de cette question, mais je crains qu'il soit difficile de l'appliquer. J'espère que je me trompe, mais néanmoins...

Cherry, la situation, dans votre famille, était difficile, mais je crois comprendre que ce n'est pas le cas pour vous, Megan.

Mme Lewis: Non.

M. Ramsay: Qu'est-ce qui vous a entraînée dans la prostitution?

Mme Lewis: Nous étions pauvres. Mon père venait de perdre son entreprise et de se séparer de ma mère. Il y avait donc d'une part la pauvreté et d'autre part, l'éclatement de la famille. J'étais également aliénée du reste de mes camarades. Je fréquentais une école très huppée, où j'étais souvent prise à partie et ainsi de suite. Je ne pouvais donc pas compter sur un réseau solide de soutien parmi mes camarades quand j'avais cet âge-là. L'occasion s'est présentée et je n'ai pas su faire autrement. Je ne savais même pas s'il s'agissait de quelque chose que je voulais faire ou non. Quelqu'un m'a demandé et je n'ai pas dit non; et j'ai vécu avec les conséquences pendant pas mal de temps.

Mme Kingsley: Puis-je faire une observation? Chaque fois qu'un enfant ou qu'un jeune est marginalisé, il court le risque d'être exploité sous une forme ou sous une autre. Je pense qu'être marginalisé, c'est vivre en dehors de la société, en dehors d'une famille, d'une communauté ou d'une culture. Les trois facteurs entrent en jeu ou seulement l'un d'entre eux. Mais quand les jeunes ont un lien quelconque, ne serait-ce qu'avec l'un de ces trois éléments, ils ne sont pas aussi exposés. Ils ne seront pas vulnérables à toutes ces différentes formes d'exploitation.

Mme Lewis: Cela signifie qu'ils bénéficient d'un soutien, sous une forme ou sous une autre.

Mme Kingsley: Idéalement, il faut les trois: la famille, la communauté, ou la culture. Autrement, c'est la marginalisation, et les jeunes qui sont marginalisés sont exposés à l'exploitation.

M. Ramsay: Je vous remercie.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): Je vous remercie toutes les deux. Une des raisons pour lesquelles nous voulions vous entendre aujourd'hui, c'est que nous oublions parfois ce problème, ou qu'il est difficile de l'envisager dans une autre perspective et du point de vue de la liberté d'action des prostituées et des choix qu'elles font. Ce sont des choses auxquelles, parfois, on ne pense pas.

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Vous avez mentionné deux raisons pour lesquelles les souteneurs ne sont pas une si mauvaise chose; c'est ce que vous avez fait indirectement, même si ce n'était pas votre intention. Une des questions que nous avons à résoudre est celle de la peine minimale obligatoire de cinq ans, sans laisser aucune discrétion aux juges. Ils ne pourront pas dire: «En l'occurrence, vous ne pouvez pas nier que vous jouiez le rôle de souteneur, mais je reconnais que le logement était magnifique et que vous vous occupiez bien d'elle, même si, effectivement, vous préleviez un pourcentage de ses gains ou je ne sais quoi», et prononcer une sentence différente de celle qu'ils appliqueront à un souteneur plus violent et ainsi de suite.

Pensez-vous qu'il devrait y avoir une peine minimale, ou qu'il faudrait donner une marge de manoeuvre aux juges?

Mme Kingsley: Oui, je pense qu'il devrait y avoir un minimum et, à mon avis, on devrait être particulièrement sévère vis-à-vis de ceux qui sont violents, vraiment violents, et aussi ceux qui sont vraiment cruels, ceux qui ne tiennent aucun compte des besoins des femmes, ce genre de chose. En effet, je suis d'accord pour qu'il y ait un minimum.

Mme Torsney: Qu'est-ce que cela devrait être?

Mme Kingsley: Je pense que cinq ans, c'est un bon début. C'est le minimum, n'est-ce pas? Ce n'est donc pas le maximum.

Mme Torsney: Le maximum, c'est 14 ans.

Mme Kingsley: Je suis d'accord avec cela.

Mme Lewis: Comment définit-on actuellement un souteneur?

La présidente: C'est quelqu'un qui vit des produits de la prostitution.

Mme Lewis: Est-ce que cela comprend le petit ami avec qui vous partagez un appartement, ou encore un colocataire, un enfant ou un membre de votre famille?

Mme Kingsley: Pas un enfant. Voulez-vous dire une personne à charge?

Mme Lewis: Oui.

Mme Torsney: Une personne à charge n'entrerait pas dans cette catégorie, mais un membre de votre famille qui vous aurait peut- être offert sa protection ou...

Mme Lewis: Ou qui reçoit des cadeaux.

Mme Torsney: Ou de l'argent; que vous aidez à payer le loyer.

La présidente: C'est l'idée de rétribution.

Mme Kingsley: Avez-vous des objections à ce propos?

Mme Lewis: Cela ne correspond pas à l'idée que j'ai d'un souteneur.

Mme Torsney: Ou encore, disons que deux prostituées vivent ensemble et que l'une d'elles prend les rendez-vous - techniquement parlant, c'est du proxénétisme.

Mme Lewis: Ah bon? Cela change vraiment les rapports de forces. Quand on parle d'un souteneur, on a une image négative, c'est quelqu'un qui est...

Mme Torsney: Grand, brutal.

Mme Lewis: - qui détient le pouvoir dans la relation, qui est celui qui s'occupe de vendre les autres. C'est très différent d'une relation où il y a accord mutuel et équilibre du pouvoir. Alors, il s'agit de deux personnes qui...

Mme Kingsley: Non. Il est question d'enfants.

Mme Torsney: Donc, une personne âgée de 19 ans - disons qu'il s'agit d'une femme - prend des rendez-vous pour son amie qui en a 17, et elles partagent toutes deux le même appartement. Elles paient chacune leur part du loyer, ou peut-être est-ce celle qui se prostitue qui en paie la majeure partie. La plus âgée peut être condamnée à une peine de prison de cinq ans minimum. Si elle est reconnue coupable, elle sera condamnée à une peine de cinq ans minimum, si cette loi est adoptée. Pensez-vous que cette mesure est adéquate ou devrait-il y avoir une plus grande marge de manoeuvre?

Mme Kingsley: Je pense qu'il devrait y avoir une certaine marge de manoeuvre.

M. Ramsay: Il faut qu'il y ait eu violence.

Mme Torsney: L'idée même d'être le souteneur d'un enfant...

La présidente: Je ne veux pas compliquer les choses, mais je pense qu'il faut qu'il y ait eu violence pour que s'applique le minimum de cinq ans.

Mme Kingsley: Oui. Je pense qu'il devrait y avoir une certaine marge de manoeuvre.

Mme Torsney: Certains ont demandé que l'on supprime cette disposition.

La présidente: Je sais, mais il faut qu'il y ait eu violence pour que la peine de cinq ans s'applique.

Mme Torsney: D'accord.

Mme Lewis: Alors, il y a différents niveaux de...

La présidente: Oui.

Mme Torsney: Pourtant, du point de vue de certaines personnes, chaque fois qu'un enfant, quelqu'un qui n'a pas 18 ans, a des rapports avec quelqu'un de plus âgé - il y a violence; c'est faire subir de mauvais traitements à un enfant.

Mme Kingsley: C'est vrai. C'est en effet un cas de mauvais traitements, et il faut reconnaître cela; peu importe qu'il y ait une relation d'amitié entre les deux personnes, c'est de l'exploitation.

Mme Lewis: Si une des personnes est beaucoup plus âgée, alors, oui, il y a également un rapport de forces.

Mme Kingsley: Je connais beaucoup de gens qui font vivre leurs petits amis, et pour moi, c'est un crime.

La présidente: Que ces personnes se prostituent ou non.

Mme Kingsley: Oui.

La présidente: Je tiens à vous remercier toutes deux de nous avoir donné un point de vue qui est unique. Malheureusement, d'un autre côté, il n'est pas si unique que cela, et c'est la raison pour laquelle nous sommes tous rassemblés ici.

Donc, merci d'avoir participé...

Mme Kingsley: Puis-je faire une dernière observation?

La présidente: Bien sûr.

Mme Kingsley: Pourriez-vous recommander à la Chambre des communes que l'on nous accorde un soutien quelconque? Nous avons besoin d'une aide concrète pour nous attaquer à ce problème. Nous avons besoin de ressources. Nous avons besoin de services. Il n'y a rien. Rien, ni personne vers qui nous tourner. Si nous abandonnons, qu'est-ce qui va se passer?

La présidente: Soyez sûre que nous allons transmettre votre requête.

Mme Kingsley: Merci.

La présidente: Merci.

La séance est levée.

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