[Enregistrement électronique]
Le mardi 3 décembre 1996
[Traduction]
La présidente: Nous reprenons.
Cette séance est consacrée au projet de loi C-55, loi modifiant le Code criminel (délinquants présentant un risque élevé de récidive), la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur les casiers judiciaires, la Loi sur les prisons et les maisons de correction et la Loi sur le ministère du Solliciteur général. Il y a aussi le projet de loi C-254, loi d'initiative parlementaire de Mme Meredith modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et le Code criminel.
Nous accueillons comme témoin ce matin l'honorable Allan Rock, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Bonjour. Je crois que vous avez une déclaration. S'il y a répétition de ce qui s'est passé tout à l'heure, je suis certaine qu'il y aura beaucoup de questions.
[Français]
L'honorable Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Merci, madame la présidente. Tout d'abord, je voudrais remercier tous les membres du comité pour l'occasion qui m'est donnée de me présenter aujourd'hui et de discuter du projet de loi C-55.
Avec ce projet de loi, le gouvernement a proposé de nouvelles mesures à l'égard des délinquants à risque élevé. Les mesures visent à renforcer le régime de service correctionnel et de détermination de la peine à l'endroit des personnes qui sont grandement susceptibles de commettre à nouveau une infraction violente.
Ce projet de loi est l'aboutissement d'au moins trois ans de travaux d'un groupe de travail sur les délinquants violents à risque élevé et de pourparlers continus entre les ministres provinciaux et le ministre fédéral responsables de l'orientation de la justice.
Le projet de loi C-55 est aussi le produit d'une consultation en profondeur et complète des individus, des associations et des organismes concernés.
[Traduction]
Madame la présidente, le projet de loi contient quatre éléments essentiels que je tiens à vous exposer. Le premier propose de nouvelles dispositions visant à améliorer la procédure concernant les délinquants dangereux. Le deuxième propose la création d'une nouvelle catégorie de délinquant à contrôler. Le troisième introduit de nouveaux motifs de contraintes judiciaires imposées aux délinquants susceptibles de commettre des sévices graves. Le quatrième propose des modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour faciliter la remise en liberté des délinquants à faible risque de récidive.
Je me permettrais pour commencer par vous signaler que ces dispositions visant les délinquants dangereux sont uniques dans leur genre. La Cour suprême du Canada les a déclarées constitutionnelles. Les modifications que nous proposons ont pour but d'améliorer ces dispositions mais n'en modifient pas l'esprit fondamental. Ces modifications sont les suivantes.
Premièrement, lorsqu'un délinquant aura été déclaré dangereux, le tribunal devra imposer obligatoirement une peine d'emprisonnement à durée indéterminée, il n'aura plus désormais la latitude d'imposer une peine à durée déterminée. Il nous semble logique que si le procureur général de la province accepte de déposer une telle demande de déclaration, compte tenu des dépens et du temps que cela prend, et que le tribunal reconnaît que l'intéressé appartient bel et bien à cette catégorie exceptionnelle, la seule option soit l'incarcération pour une période indéterminée. Si le tribunal souhaite imposer une période déterminée, il ne manque pas d'autres options à sa disposition.
Deuxièmement, nous supprimons ou nous proposons de supprimer la nécessité d'avoir deux avis d'experts-psychiatres. Nous la remplaçons par ce que nous considérons être une procédure d'évaluation améliorée, supprimant la nécessité artificielle de la déposition de deux psychiatres ce qui parfois pose un gros problème dans les petites collectivités où il n'y a qu'un seul psychiatre légiste et qui d'ailleurs dépose toujours pour les deux parties.
Troisièmement, nous proposons de repousser la date de la première révision de peine des délinquants dangereux à sept ans après la sentence de mise sous garde par opposition aux trois actuellement pour aligner cette première révision sur les délais pour les autres délinquants violents incarcérés en vertu du Code criminel.
[Français]
Quatrièmement, le projet de loi propose la création d'un créneau dans lequel la demande doit être faite par le procureur à la cour. En vertu du paragraphe 753(2) proposé dans le projet de loi, le ministère public aura jusqu'à six mois après la déclaration de culpabilité pour présenter sa requête.
La requête devra être fondée sur «des éléments de preuve pertinents qui n'étaient pas normalement accessibles au moment de l'imposition».
Le ministère public doit aussi donner avis, au moment où est prononcée la déclaration de culpabilité, de son intention de présenter éventuellement cette requête.
[Traduction]
C'est l'expérience qui nous dicte la création de ce créneau. Il est arrivé qu'après que la nouvelle d'une condamnation soit publiée dans les médias d'autres témoins proposent des preuves supplémentaires. À condition que la Couronne donne avis de la date de déclaration de culpabilité, il y aura ce délai de six mois pour faire cette demande.
Le deuxième élément du projet de loi C-55 concerne la création de la catégorie des délinquants à contrôler. J'observe, madame la présidente, qu'en droit criminel, à l'heure actuelle, c'est tout ou rien. Soit la Couronne avec l'accord du procureur général de la province persuade le tribunal qu'un prévenu est un délinquant dangereux afin de le faire incarcérer pour une période indéterminée ou le prévenu est incarcéré pour une période déterminée et à l'échéance de sa peine les autorités n'ont plus aucune prise sur lui.
Naturellement et à juste titre, les critères d'appartenance à la catégorie de délinquants dangereux sont élevés et exigeants. À 90 p. 100 les demandes de déclaration de délinquant dangereux qui aboutissent concernent les délinquants sexuels. Les délinquants sexuels récidivistes appartiennent à la catégorie du droit criminel qui présente le plus de risques et qui posent le plus de problèmes. La création de cette catégorie de délinquant à contrôler a pour bout d'offrir un moyen supplémentaire de maîtriser ce risque. La création de cette catégorie est une recommandation du groupe de travail fédéral-provincial-territorial qui a pratiquement consacré trois ans à l'examen de cet aspect de la loi. Pour l'essentiel, cette catégorie de délinquant à contrôler comblera une lacune en offrant une option de sentence pour ceux qui n'entrent pas dans la catégorie des délinquants dangereux et qui présentent quand même un risque élevé de récidive, beaucoup plus élevé que celui de la population carcérale générale.
Dans notre proposition, les délits pouvant aboutir à des déclarations de délinquant à contrôler englobe tous les crimes sexuels et impliquent des comportements répétitifs. La différence essentielle entre le délinquant dangereux et le délinquant à contrôler peut résider dans le degré de brutalité et la perspective dans le cas de ce dernier de la possibilité d'un contrôle et d'un traitement étalé dans le temps.
La nouvelle procédure d'évaluation du risque contenu dans le projet de loi C-55 servira à la fois pour les demandes de déclaration de délinquant dangereux et de délinquant à contrôler et aidera grandement à déterminer le genre et le niveau de risque présenté par ces criminels.
[Français]
Je n'entrerai pas dans les détails des conditions qui seront imposées aux délinquants qui seront contrôlés. Il me suffira de dire que je m'attends à ce que la surveillance assurée par le Service correctionnel du Canada, en conjonction avec la Commission nationale des libérations conditionnelles, soit plus intense et rapprochée que dans les cas habituels de libération conditionnelle et probablement plus coûteuse.
[Traduction]
Il me reste deux petits points à ajouter avant de passer à l'élément suivant du projet de loi, madame la présidente. Premièrement, vous remarquerez que le paragraphe 753.3 du projet de loi C-55 propose qu'un défaut de conformité à une ordonnance de surveillance constitue un acte criminel et soit passible d'un emprisonnement maximal de dix ans. Deuxièmement, la période de surveillance de longue durée ne commence qu'une fois la peine du délinquant complètement purgée. Donc, par exemple, un délinquant sexuel est condamné à huit ans de prison, il doit servir ces huit ans, y compris le temps de libération conditionnelle, avant que la période de surveillance ne commence.
Permettez-moi de passer au troisième élément du projet de loi, la contrainte judiciaire, et permettez-moi tout d'abord de remettre cette proposition en contexte car des voix se sont élevées contre cet aspect du projet de loi C-55.
Comme vous ne l'ignorez pas, madame la présidente, il existe depuis des temps immémoriaux une juridiction de common law fondée sur le pouvoir inhérent des tribunaux à requérir un engagement de bonne conduite, dûment signé et accompagné de conditions dont le non-respect sera jugé délictueux.
Cette juridiction ou ce pouvoir des tribunaux n'a jamais dépendu de la perpétration d'un délit par la personne concernée. Elle se fonde plutôt sur l'obligation et le pouvoir des tribunaux d'assurer la paix civile et lorsqu'ils ont la conviction qu'un individu est une menace pour cette paix d'intervenir dans sa vie, de lui faire promettre de se bien conduire et de le punir s'il n'obtempère pas.
En 1954 la Cour suprême du Canada dans l'affaire MacKenzie contre Martin a eu l'occasion de faire l'historique de ce pouvoir. Le juge Rand faisait cet historique dans sa décision et rappelait ce qu'il qualifiait de «exercice immémorial de cette juridiction spéciale». Il examinait la première ordonnance de bonne conduite promulguée la première année du règne d'Édouard III en 1327. Il faisait également allusion à la Loi plus connue sur les juges de paix promulguée en 1361. Je veux simplement dire qu'il s'agit d'un pouvoir ancien possédé par les tribunaux dans toute société civile et organisée non pas pour sanctionner un crime mais plutôt, objectif encore plus important, pour préserver l'ordre public.
Cette juridiction de common law a été transposée dès la fin du XIXe siècle dans notre Code criminel et elle figure aujourd'hui à l'article 810 qui est plus généralement consacré à l'ordre public. C'est fort de ce pouvoir que le gouvernement fédéral a introduit le paragraphe 810.1. Le paragraphe 810.1 franchissait un pas de plus et toujours dans le cadre de l'exercice de la juridiction des tribunaux leur permettant de requérir de certaines gens qu'ils respectent certaines conditions pour ne pas troubler l'ordre public.
Le paragraphe 810.1 stipule que si un juge de cour provinciale est convaincu pour des motifs raisonnables que quelqu'un risque d'agresser sexuellement des enfants, il peut ordonner à l'individu en question de signer un engagement et de se plier aux conditions fixées par lui, y compris, par exemple, de ne pas avoir de contact avec des enfants de moins de 14 ans, de ne pas s'approcher des parcs, des piscines, des centres de garderie, des cours d'école. Et, madame la présidente, la Couronne n'aura à démontrer raisonnablement que la justification de cette crainte n'est fondée que sur des probabilités. Il n'y entre aucune notion criminelle de doute raisonnable mais une simple notion civile de probabilité.
Après sa promulgation, le paragraphe 810.1 a été invoqué dans l'affaire d'un dénommé Wray Boudreo. Le tribunal avait été convaincu qu'il était raisonnable de craindre qu'il agresse sexuellement des enfants. Le tribunal a rendu une ordonnance en vertu du paragraphe 810.1 qui a été suivie d'une demande de suspension puis d'une annulation du paragraphe incriminé comme étant contraire à la Charte. On a fait valoir que quelqu'un pouvait être puni avant même d'avoir commis un crime. La Charte lui donnait le droit de se promener comme tout le monde partout où bon lui semblait et la décision du tribunal était une atteinte à ce droit. C'était là une intrusion inutile et injustifiée dans la liberté personnelle de Wray Boudreo. Comme aucun crime n'avait été commis, cette ordonnance punitive était inacceptable.
Le jugement de cette affaire a été rendu en janvier de cette année et nous en avons tenu compte dans les dispositions du paragraphe 810.2 du projet de loi C-55. Permettez-moi de citer un paragraphe de la décision du juge Then de la Cour de division générale de l'Ontario. Il se trouve à la page 372 des rapports d'audience de l'Ontario. Il juge de l'argument selon lequel une telle ordonnance de contrainte est une atteinte à un droit conféré par la Charte et est inacceptable. Il dit:
- Cette analyse historique et multijuridictionnelle des engagements de bonne conduite et de leur
nécessité m'incite à conclure qu'exercer un pouvoir préventif provoqué par la probabilité d'un
délit n'est pas contraire aux principes fondamentaux de notre droit. Les nombreux précédents
de pouvoirs judiciaires préventifs montrent qu'ils sont intégrés au tissu de notre droit même
dans les cas où aucun délit n'a été démontré. Le raisonnement est clair: lorsque la perpétuation
raisonnablement certaine d'un délit peut-être empêchée, il peut être de l'intérêt du délinquant
en puissance, de sa victime potentielle et de la société de prévenir le délit. C'est tout
particulièrement vrai quand les mesures préventives employées sont moins astreignantes que le
châtiment qui pourrait résulter d'une inculpation. En conséquence, je n'estime pas que ces
restrictions limitées de liberté justifiées par des risques de délit, à condition qu'elles soient
énoncées, sont contraires à nos principes fondamentaux de justice.
Ce n'est qu'un simple aperçu de ce jugement de près de 70 pages au bout desquelles le juge arrive à la conclusion que ce pouvoir ancien n'est pas punitif. Nous ne punissons pas quelqu'un. Plutôt, le tribunal exerce un pouvoir préventif pour éviter qu'un crime ne soit commis.
Comme le dit le juge, si la crainte est raisonnablement justifiée, il est même préférable pour le délinquant de subir cette intrusion minime au niveau de sa liberté plutôt que ce qui risquerait de lui arriver s'il était inculpé du délit.
C'est fort de cette juridiction, existant depuis des temps immémoriaux, et des enseignements tirés de cette décision relative au paragraphe 810.1 que nous présentons la proposition du paragraphe 810.2 dans le projet de loi C-55. Il vise les pires sévices corporels n'ayant pas entraîné la mort. Par définition, c'est la notion de menaces très graves pour le public. Il me semble et il semble au gouvernement qu'une mesure préventive de ce genre, soigneusement structurée, est indispensable.
Je vous invite à réfléchir à la chose suivante. Si cette notion de catégorie de délinquants à contrôler vous semble intéressante, si vous reconnaissez qu'elle comble une lacune de la loi actuelle, qu'elle peut protéger nos familles et nos enfants, qu'elle permet d'atteindre un objectif louable et valable - et d'après moi cela ne fait aucun doute - mais que vous vous dites en même temps qu'on ne peut imposer cette classification de délinquants à contrôler à ceux qui sont déjà en prison, la question se pose alors de savoir que faire de ceux qui arrivent à la fin de leur peine? Ils sont en fin de garantie et ils auraient très bien pu être candidats à cette catégorie de délinquants à contrôler mais nous ne pouvons revenir en arrière et leur coller cette étiquette.
Il nous faut un mécanisme pour ces personnes qui présentent un risque élevé et pour lesquelles aucun mécanisme n'est disponible. J'estime que le projet, paragraphe 810.2 nous le fournit.
Je vous demande d'examiner les éléments essentiels de la proposition de paragraphe 810.2. Certains disent que ce paragraphe va beaucoup trop loin, qu'il piétine les droits conférés par la Charte. Mais regardez-le bien. Pour commencer, il est limité aux crimes les plus graves aux seuls crimes énumérés à l'article 752 du code. Hormis le meurtre, ce sont les crimes violents les plus graves. Deuxièmement, c'est à la Couronne de démontrer de manière convaincante que la menace est réelle. Troisièmement, toute demande de ce genre ne peut être faite qu'avec l'accord du procureur général. Et quatrièmement, cette déclaration ne peut être faite qu'après une audience judiciaire en bonne et due forme, et c'est au tribunal de se prononcer.
Il est aussi question de surveillance électronique mais seulement comme une des conditions possibles dans l'ordonnance rendue par le tribunal et cette condition est évidemment discrétionnaire. Il est peu vraisemblable qu'un juge impose cette condition de surveillance sauf dans les cas les plus graves.
Je considère donc cette proposition valable, mesurée et raisonnablement justifiée pour la sécurité de la collectivité.
Soyons clairs. J'ai écouté avec attention les critiques de cette proposition depuis le dépôt du projet de loi C-55 et j'ai tout particulièrement noté qu'une partie de ces critiques viennent de gens avec lesquels nous sommes d'habitude d'accord sur les questions de ce genre.
Je sais aussi pertinemment que le juge Then dans la décision Boudreo nous met en garde contre tout excès et insiste sur la nécessité de rédiger avec très grande prudence toute mesure législative à caractère préventif.
Permettez-moi donc de vous faire les suggestions suivantes que j'aimerais que vous considériez en relation avec les éléments essentiels de cette proposition de contrainte judiciaire.
Premièrement, qui peut faire l'objet d'une telle ordonnance? Qui pourrait être contraint de cette manière en vertu de la proposition de paragraphe 810.1?
Je vous demande d'examiner la possibilité de limiter l'application du paragraphe 810.2 proposé à ceux qui ont déjà été condamnés pour crimes violents. En même temps, ce n'est pas mon approche préférée. Je la cite simplement pour que vous y réfléchissiez.
Je crains qu'en limitant son application à ceux qui ont déjà été condamnés, nous ne soyons accusés de dire que ceux qui ont déjà été condamnés une fois sont plus susceptibles de récidiver pour cette seule raison. Je crains qu'on ne nous accuse du péché de double punition interdit par l'alinéa 11(h) de la Charte. Je crains que cela ne donne un air plus punitif que préventif au paragraphe 810.2 proposé en liant son application aux antécédents. Je vous demande d'y réfléchir.
J'ai une autre suggestion qui d'après moi semble préférable: limiter l'application du paragraphe 810.2 à ceux qui ont des antécédents de comportement violent. Et dans ce cas l'accent ne serait pas forcément mis sur les condamnations passées bien qu'elles puissent être la preuve d'un passé violent. L'accent serait plutôt mis sur le comportement. Ce pourrait être moins vraisemblablement considéré comme la création d'une catégorie de personnes fondée uniquement sur leur condamnation criminelle. Ce pourrait être considéré comme n'étant pas aussi punitif.
Une condamnation serait un élément pertinent mais non pas une condition suffisante pour invoquer ce paragraphe. La Couronne aurait la possibilité d'exposer un passé violent pour inciter le juge à conclure qu'il existe des motifs raisonnables de craindre que cette personne commettra un des délits énumérés à l'article 752.
Une troisième solution à laquelle je vous invite à réfléchir est d'appliquer le genre de méthodologie utilisée actuellement à l'article 518 du code, et de créer une espèce de liste de facteurs que le tribunal pourrait prendre en compte pour déterminer si une ordonnance en vertu du paragraphe 810.2 s'impose, des facteurs concernant les antécédents, les comportements violents passés et toutes les autres circonstances liées à la demande, si bien que tous ces facteurs seraient regroupés sans en faire des conditions suffisantes. Je vous invite à étudier le modèle de l'article 518 du Code criminel et à déterminer s'il pourrait être transposé de manière utile et constructive.
Ce sont trois solutions possibles qui permettraient de mieux calibrer le paragraphe 810.2 pour qu'il ne s'applique qu'à la population qu'il vise.
La deuxième grosse critique dont j'ai le plus entendu parler depuis le dépôt du projet de loi concerne l'idée même de surveillance électronique. Ceux qui critiquent la référence à la surveillance électronique dans ce paragraphe disent que cette technique pourrait être considérée comme une forme de détention ou d'assignation à résidence et que cela pourrait être considéré comme une privation de liberté liée ni à une accusation ni à une inculpation et par conséquent non justifié aux yeux de la loi.
Il se trouve que je ne suis pas d'accord mais je respecte cette crainte et je vous demande de réfléchir à deux propositions qui d'après moi devraient dissiper cette crainte sans nuire à l'objectif essentiel de cette loi, à savoir l'amélioration de la sécurité publique.
Je vous demanderais de réfléchir à la possibilité de stipuler au paragraphe 810.2 que la surveillance électronique ne pourra être utilisée que dans les cas les plus graves, qu'il faudra qu'il y ait une menace particulièrement grave pour la sécurité publique, dans la pratique, un seuil plus élevé de risque pour le public démontré par la Couronne lors de l'audience pour que le juge ait le loisir d'imposer une telle surveillance. Il faudra donc en faire la preuve dans chaque cas.
Par exemple, le paragraphe pourrait dire que le tribunal ne doit pas imposer de surveillance électronique à moins de déterminer, sur la base de preuves irréfutables présentées lors de l'audience, que le défendeur présente une menace sérieuse pour la sécurité du public et que de tels contrôles sont nécessaires pour empêcher la perpétuation de sévices graves à la personne.
Une deuxième possibilité en matière de surveillance électronique que je vous demande d'examiner est de limiter la surveillance à certains types d'intervention électronique. À l'heure actuelle, les prévenus portent un bracelet et s'ils quittent une zone contrôlée, une alarme se déclenche et les autorités peuvent intervenir. Mais la technologie de surveillance électronique évolue rapidement. De nouvelles technologies permettent maintenant aux écoles ou autres installations publiques d'avoir des récepteurs qui les avertissent de l'approche de personnes qui portent des bracelets électroniques. De tels systèmes, lorsqu'ils seront largement disponibles offriront une mesure de protection supplémentaire aux membres vulnérables de la société.
Je vous demande donc d'envisager la possibilité d'une certaine forme passive de surveillance permettant aux personnes une liberté de mouvement. Ce n'est que lorsqu'elles s'approchent d'un certain nombre d'endroits interdits ou de personnes interdites que l'alarme se déclenche. Mais cette approche pose des problèmes pratiques. D'abord il y a l'argent. Il faudrait trouver les ressources pour fabriquer et installer ces systèmes de surveillance passive dans les écoles et les autres institutions. Il y a la possibilité de fausses alarmes. Il y a peut-être la nature encombrante de l'équipement que la personne doit porter. Mais je vous serais reconnaissant d'étudier cette idée et de me dire ce que vous en pensez.
Permettez-moi d'ajouter immédiatement que les suggestions auxquelles je vous ai demandé de réfléchir relativement à la proposition du paragraphe 810.2 ont pour but de répondre aux critiques que j'ai entendues concernant les libertés civiles mais sans pour autant aller à l'encontre de l'objectif sous-jacent de cette mesure législative, la prévention du crime. Je crois que nous pouvons accommoder ces deux objectifs très importants et je vous demande votre aide.
Permettez-moi de terminer par le quatrième élément de ce projet de loi, madame la présidente, la stratégie concernant les délinquants à faible risque de récidive. Le projet de loi C-55 a pour thème essentiel de répondre aux demandes de la société face aux divers niveaux de risque présentés par des catégories différentes de délinquants. Il y a désormais des catégories dans le droit criminel et ce projet de loi les précisera. À un bout de l'éventail il y a le délinquant dangereux qui est incarcéré pour une période indéterminée. Il y a le délinquant à contrôler qui risque très fort de récidiver et que nous contrôlons dans la collectivité à la fin de sa peine de prison. Il y a la simple peine pénitentiaire avec la possibilité d'une détention jusqu'à la fin de la peine ou la libération conditionnelle en fonction des circonstances. Il y a l'incarcération provinciale. Il y a les peines conditionnelles. Il y a la libération sous surveillance. Et enfin, à l'autre bout de l'éventail, pour le délinquant non violent, dont c'est la première condamnation, dans des circonstances appropriées il y a d'autres solutions.
[Français]
À cet égard, le projet de loi C-55 contient une mesure importante concernant les délinquants à faible risque de récidive dans le système pénitentiaire fédéral. Je vous renvoie à l'article 21 du projet de loi dont la modification propose un nouveau programme de semi-liberté pour les détenus sous responsabilité fédérale et auxquels certains critères s'appliquent. Cette modification se traduira par une mise en semi-liberté anticipée des délinquants à faible risque qui profiteront, par conséquent, d'une période de surveillance dans la collectivité plus longue et plus encadrée. Ce groupe de délinquants à faible risque de récidive représente environ 12 p. 100 de la population carcérale fédérale.
Depuis 1992, environ 80 p. 100 des détenus de cette catégorie ont été mis en liberté dans le cadre du programme actuel, et tout indique jusqu'à présent que ces détenus n'ont pas de problèmes dans la collectivité.
[Traduction]
Nous proposons de conserver les ressources correctionnelles limitées dont nous disposons pour les cas où l'incarcération est nécessaire et d'assujettir les délinquants présentant un faible risque de récidive à une surveillance appropriée au sein de la collectivité.
Je m'excuse d'avoir pris un peu plus de temps que je n'en prends d'habitude. J'ai voulu étoffer les solutions que je propose au comité pour répondre aux préoccupations suscitées par certains aspects du projet de loi.
Cette mesure législative a certes une grande portée, mais j'estime que sur le fond, elle offre une combinaison de stratégies qui, à long terme, assureront la sécurité de nos familles et de nos rues.
[Français]
Merci. Je serai très heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Langlois, vous avez dix minutes.
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): Je partagerai mon temps avec M. St-Laurent du fait que j'ai peu de questions ou de commentaires à faire à ce stade-ci.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre exposé, et j'y reviendrai dans quelques instants. Je vous remercie aussi d'avoir amené quelques personnes qui collaborent avec vous. Je vois M. Roy en arrière, ce qui est signe que nous allons avoir une information totale, mais également qu'on ne gagnera pas beaucoup d'amendements au projet de loi. Nous allons donc nous préparer en conséquence.
M. Rock: Monsieur Langlois, il faut parler avec M. Bellehumeur.
M. Langlois: Je crois, monsieur le ministre, que M. Bellehumeur partage mon point de vue. Je dois dire qu'on se rend compte de l'importance des débats lorsqu'on est confronté à des gens de qualité.
Cela étant dit, beaucoup de points du projet de loi C-55 me plaisent, particulièrement le nouvel article 753 que vous voulez inclure et qui va permettre à la Couronne d'avoir un délai de six mois pour demander à la cour de déclarer quelqu'un criminel dangereux.
Effectivement, la Couronne était liée par le fait qu'elle devait faire cette représentation au moment de la sentence, ce qui rendait son travail beaucoup trop stressant et qui pouvait lui permettre ou ne pas lui permettre d'avoir toute l'information pertinente.
Je pense qu'il est tout à fait acceptable de donner à la Couronne le pouvoir de se renseigner sur le statut d'un individu, d'autant plus qu'on a affaire à des personnes qui manifestement vont être condamnées pour des périodes de plus de six mois. Je ne crois donc pas que ce délai soit déraisonnable, et je pense que je suis prêt à vous suivre pour l'article 753.
Maintenant, vous ne m'en voudrez pas trop de vous parler des dispositions qui me plaisent moins. Mais avant, je voudrais en terminer avec les dispositions sur les délinquants à faible risque, c'est-à-dire l'article 21 du projet de loi. Vous parlez de semi-liberté, mais je pense qu'il y a là une volonté de vouloir faire sortir de nos prisons des gens qui font tout simplement de l'occupation des lieux, alors que d'autres personnes beaucoup plus dangereuses devraient y être. Le but est louable.
Parlons maintenant de votre plaidoirie sur l'article 810.2 proposé. Évidemment, les compte rendus du comité et les débats de la Chambre vont tenir compte de ce que vous avez dit. Il faut vous décoder, monsieur le ministre, mais quand vous avez abordé l'article 810.2, vous avez implicitement admis, prima facie, qu'il y avait dans ce paragraphe une violation de la Charte. Vous avez dit: «Oui, il y a violation de la Charte, et maintenant, je vais le démontrer à ce comité.»
Mais dans le fond, ce n'est pas à nous que vous parlez. Vous vous adressez aux tribunaux à travers nous, parce qu'ils vont lire que vous avez démontré au comité que cette violation de la Charte se justifie dans une société libre et démocratique. C'est très habile et je ne vous en veux pas. C'est probablement pour ça que vous avez été nommé ministre de la Justice.
Mais cela me pose un problème. Il est certain que les juges vont lire ce que vous avez dit aujourd'hui et se dire: Le ministre avait mis le comité en garde parce qu'il s'agissait de cas restreints, des cas les plus dangereux jusqu'aux cas de meurtres, et on devra cibler la population pour connaître les gens qui présentent un risque élevé. Vous avez déjà probablement influencé le juge qui aura affaire à une personne qui peut lui sembler à risque.
Mais je pense que le débat va être fait, ou devra être fait, devant les tribunaux. Est-ce que l'article 810.2 se justifie dans une société libre et démocratique? Vous faisiez allusion vous-même tout à l'heure au mandat de paix dont une revue a été faite dans l'arrêt MacKenzie de 1954 dont vous parliez tout à l'heure. Vous avez également mentionné l'existence de dispositions préventives qui n'avaient pas l'envergure de 810.2, mais qui étaient connues depuis le roi Édouard III, disiez-vous. Je pensais que ça remontait à Saint-Édouard le confesseur, mais disons qu'on va faire un compromis pour Édouard III.
C'est vrai, le mandat de paix a toujours existé. Quand j'étais à la faculté de droit, on passait d'ailleurs, avec nos professeurs d'institutions juridiques, beaucoup de temps à discuter de la pertinence du mandat de paix et des racines qu'il possédait même dans le droit coutumier, avant la codification chez nous en 1892, et que nous avons conservé.
Je ne vois pas la nécessité de s'écarter davantage de la notion du mandat de paix tel qu'il existe. Pourquoi le mandat de paix ne pourrait-il pas continuer à être utilisé? Je pense qu'il a fait ses preuves.
L'article 810.2 présente un sérieux problème. C'est qu'on pourrait se retrouver avec le même juge. Vous me direz qu'il pourrait se récuser, mais si vous me dites ça, vous n'avez pas répondu à ma question.
Supposons qu'un juge vienne de prononcer un verdict d'acquittement à l'endroit de quelqu'un et, d'autre part, soit saisi la semaine suivante d'une requête du procureur général en vertu de l'article 810.2. Ayant entendu la preuve lors du premier procès, il aurait acquitté l'accusé sur la notion de doute raisonnable, mais devrait maintenant se prononcer sur une prépondérance de preuve et dire: Monsieur, je vous ai acquitté parce que je n'avais pas de preuve hors de tout doute raisonnable de votre culpabilité, mais maintenant, sur la prépondérance de la preuve, j'émets une ordonnance en vertu de 810.2. On voit là que deux critères différents s'appliqueront.
J'ai beaucoup de difficulté, monsieur le ministre, à accepter ce critère-là. À moins qu'un verdict de culpabilité ne soit rendu, il est évident que cette disposition, à moins qu'on ait recours à la clause dérogatoire - et je ne pense pas que ce soit l'intention de votre gouvernement d'y avoir recours - , va manifestement faire l'objet de contestations. Je pense que l'invitation que vous nous avez faite de la circonscrire et de voir si on ne peut pas la baliser davantage est louable en soi, mais je ne pense pas qu'on puisse éviter un débat judiciaire.
Personnellement, sur le fond et politiquement, il ne m'apparaît pas acceptable de prévoir l'emprisonnement de personnes qui, à la limite, viennent tout juste d'être acquittées.
Voilà les principaux commentaires que j'avais à faire sur votre projet de loi, monsieur le ministre.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Rock.
[Français]
M. Rock: Merci, madame la présidente. Je voudrais remercier M. Langlois pour ses propos élogieux concernant certaines parties de ce projet de loi.
Mais en ce qui concerne l'article 810.2, je voudrais dire tout d'abord que je suis convaincu que le projet de loi, comme tel, est valide et constitutionnel. Je suis certain qu'il est nécessaire pour moi, comme procureur général et comme ministre de la Justice, de signer un certificat pour chaque projet de loi déposé par le gouvernement devant la Chambre des communes, certificat disant que j'ai conclu que le projet de loi est valide selon la Constitution du Canada. J'ai d'ailleurs signé un tel certificat pour le projet de loi C-55.
Alors, je rejette l'affirmation faite par M. Langlois qu'une certaine partie de ce projet de loi n'est pas valide. Ce n'est pas le cas, selon moi. Je pense que c'est constitutionnel.
Mais comme je l'ai dit, j'ai entendu les critiques, les soucis, l'inquiétude exprimée par certains, et j'ai suggéré des approches au comité pour répondre à ces soucis.
Concernant les questions particulières que M. Langlois a posées, à savoir premièrement si on a vraiment besoin de cet article 810.2, personnellement, je pense que oui, parce que nous avons en général la juridiction d'avoir une telle ordonnance.
[Traduction]
De toute façon, il est possible de recourir à l'engagement de ne pas troubler l'ordre public.
[Français]
L'ancien gouvernement a élaboré l'article 810.1 pour ceux qui peuvent commettre des crimes sexuels contre les enfants.
[Traduction]
C'est une approche spécifique.
[Français]
Un cadre a été créé par le gouvernement pour traiter ceux qui sont dans cette catégorie.
[Traduction]
Cette disposition vise précisément les enfants de moins de 14 ans et peut donner lieu à des ordonnances spécifiques.
[Français]
Mais nous avons encore une autre catégorie, à savoir
[Traduction]
ceux que nous qualifions de contrevenants «à contrôler» n'ont peut-être pas encore commis de crime ou un autre crime, mais dont nous savons, à la suite d'une évaluation, qu'ils sont susceptibles de le faire. D'ailleurs, il s'agit des crimes parmi les plus sérieux. Nous élargissons un pouvoir existant et nous l'utilisons spécifiquement à l'endroit de personnes qui risquent de causer du tort à la société. À mon avis, sans cette disposition, nous nous privons, en matière de droit pénal, d'un pouvoir préventif que nous pouvons et que nous devrions avoir.
[Français]
Enfin, je ne considère pas que la clause nonobstant de la Constitution est nécessaire dans ce cas. Ce n'est pas nécessaire. Nous pouvons ensemble préparer un article absolument valide et constitutionnel.
[Traduction]
Avec votre aide, nous pouvons apaiser les inquiétudes qui ont été exprimées.
Enfin, je voudrais revenir sur l'intervention de M. Langlois au sujet des deux normes différentes. Il est exact qu'une personne pourrait être acquittée d'une accusation ressortissant à l'article 752 le lundi et, le mercredi ou le jeudi, faire l'objet d'une ordonnance aux termes du paragraphe 810.2 proposé.
Il s'agit de deux approches différentes. Dans un premier cas, il faut déterminer si la personne peut être reconnue coupable d'un crime et, en l'occurrence, l'État doit en apporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable. Cela, c'est sa tâche du lundi. Il n'a peut-être pas réussi mais il se pourrait qu'au cours du procès il ait présenté des preuves, peut-être à la suite d'une entente, qui montrent qu'on a de bonnes raisons de craindre que la personne en question commette l'un de ces crimes. Par conséquent, le mercredi, on pourrait imposer une ordonnance en vertu de critères différents. Le mercredi, il n'y a pas lieu de se demander si la personne est coupable d'un crime. Cela a été déterminé le lundi. Le mercredi, il s'agit de savoir si le tribunal a des motifs raisonnables de croire qu'il y a lieu d'imposer à la personne en question certaines mesures de contrôle proportionnelles au risque qu'elle présente pour autrui.
En l'occurrence, il s'agit de la prépondérance de la preuve ressortissant au droit civil car les conséquences ne sont pas les mêmes pour l'accusé. Ce dernier n'aura ni casier judiciaire ni peine d'emprisonnement. Sa liberté sera restreinte dans une certaine mesure, mais dans une mesure proportionnelle à la protection d'autrui. Comme M. Ramsay vous le dira, nous devons aussi nous préoccuper de la victime.
Nous devons prendre en compte tous ces facteurs et essayer de faire la part des choses. Je ne vois pas de contradiction entre ces deux normes différentes, ces deux occasions différentes ou ces deux objectifs différents. Ils sont tous deux valables. Je pense qu'ils peuvent coexister. Voilà ma réponse à M. Langlois.
La présidente: Merci, monsieur le ministre.
Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur les quatre éléments que vous avez mentionnés, en commençant par la demande de déclaration de délinquant dangereux. À cet égard, vous avez précisé que l'on avait élargi la période à six mois.
Qu'allez-vous faire dans les cas où une personne aura déjà reçu sa peine et qu'elle en a fait appel, de telle sorte qu'elle doit passer 30 jours dans un centre de détention préventive en attendant la décision relative à l'appel. Si je ne m'abuse, le processus normal exige que cette personne passe également deux mois dans un centre d'évaluation pour déterminer quel établissement pénitentiaire convient le mieux à ses besoins. Autrement dit, trois mois se seront écoulés avant que la personne soit véritablement évaluée. Vos six mois deviennent donc trois mois.
Pensez-vous honnêtement qu'une période de trois mois soit suffisante pour protéger la société de personnes qui ont commis des crimes odieux, qui ont prouvé par leurs actions qu'elles présentent un danger pour la société et que l'on devrait chercher à déclarer délinquants dangereux?
M. Rock: Je pense qu'il importe de distinguer deux choses. Tout d'abord, l'évaluation. D'après le projet de loi C-55, l'évaluation aura lieu avant que la Couronne ne décide s'il y a lieu de demander que le délinquant soit considéré "dangereux" ou "à contrôler". Il y a donc en premier lieu la mise en accusation, la détermination de la culpabilité et ensuite, l'évaluation. Et c'est uniquement à la suite de cette évaluation que la Couronne décide s'il y a lieu de demander que la personne en question soit considérée comme un délinquant dangereux ou à contrôler.
Mme Meredith: Si l'évaluation a lieu avant que la Couronne ne décide de présenter une demande de déclaration de délinquant dangereux, pourquoi ne pas présenter cette demande au moment de la détermination de la peine? Pourquoi cette période de six mois?
M. Rock: Permettez-moi de vous donner un exemple. Supposons qu'une personne soit trouvée coupable d'un crime et que le tribunal a de bonnes raisons de croire qu'il s'agit d'un candidat à la catégorie de délinquant dangereux ou à contrôler, il va dans ce cas ordonner une évaluation. C'est uniquement lorsque cette évaluation lui aura été remise que la Couronne décidera s'il y a lieu d'exiger la déclaration de délinquant dangereux ou à contrôler.
Supposons que la Couronne décide de ne pas prendre de décision tout de suite mais qu'elle donne avis qu'elle pourrait le faire dans les six mois. En l'occurrence, la personne se verrait imposer une peine comme n'importe quel autre délinquant. Or, au cours de cette période de six mois, de nouvelles preuves qui n'étaient pas disponibles au moment de l'audience, font surface. Supposons que les journaux rapportent que cette personne a été condamnée et que quatre autres personnes rapportent qu'elles ont été victimes du même crime aux mains du même délinquant. Il s'agit-là d'une preuve sur laquelle la Couronne peut compter. En l'occurrence, ce créneau de six mois serait à l'avantage de la Couronne qui pourrait prendre des dispositions en se fondant sur ces nouvelles preuves.
Voilà pourquoi il importe de distinguer entre l'évaluation et la période de six mois. Les deux fonctionnent séparément.
Mme Meredith: Mais essentiellement, vous dites que c'est quand même au moment de la détermination de la peine que l'on décide de donner préavis d'une intention de présenter une demande de déclaration ou de la présenter effectivement. Au moment de la détermination de la peine et de l'incarcération, on ignore si le délinquant, à la suite d'une période de surveillance où son comportement aurait été examiné, a démontré qu'il était un délinquant dangereux. Il va quand même passer au travers des mailles du filet.
Vous me dites qu'au moment de la détermination de la peine, soit que le juge donnera avis qu'il souhaite envisager la possibilité d'une demande de déclaration et qu'une évaluation sera effectuée à ce moment-là, soit que la décision ait déjà été prise et que la demande pour déclarer cette personne comme délinquant dangereux sera faite à ce moment-là. On ne tiendra pas compte du fait que l'individu aura manifesté un comportement dangereux qui aura été identifié à la suite de la surveillance exercée à son endroit au cours de la période d'incarcération.
M. Rock: N'oubliez pas qu'à cause du système de repérage, les contrevenants qui sont candidats à ces catégories sont recensés au CIPC à l'intention des procureurs de la Couronne et des agents de police. Grâce au système de repérage établi par le solliciteur général en mars 1995, la façon dont l'information est recueillie et distribuée dans tout le système a été énormément améliorée. Ce n'est pas comme si nous n'avions aucune information au sujet de ces personnes.
D'ordinaire, il s'agit de récidivistes qui ont à leur actif des infractions perpétrées avec violence. Il s'agit là de catégories exceptionnelles, et j'ai du mal à imaginer que seule l'évaluation effectuée une fois qu'ils sont derrière les barreaux permettra de donner lieu à une demande. Je pense que nous en savons déjà long au sujet de ces personnes avant d'en arriver là.
Pour répondre à votre question précise, ce créneau donne à la Couronne six mois pour voir si des renseignements supplémentaires qui n'étaient pas disponibles au moment de la détermination de la peine ne feraient pas surface. Mais je ne voudrais pas que vous pensiez que la période d'évaluation rogne ce créneau. Ce dernier a cours de toute façon.
Mme Meredith: Au sujet de l'information qui permettra à un tribunal de prendre ce genre de décision, va-t-on tenir compte du dossier d'un jeune délinquant si cela devait aider à déterminer que celui-ci a des antécédents montrant un comportement dangereux répétitif et habituel qui pose une menace pour la société?
M. Rock: Si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir si, dans le cas d'une personne de plus de 18 ans qui a un dossier judiciaire à titre de jeune contrevenant, le tribunal tiendra-t-il compte de ce dossier dans sa décision?
Mme Meredith: Oui.
M. Rock: Je pense qu'a la suite de certains changements que nous avons apportés au projet de loi C-37, le dossier d'un jeune contrevenant faisant état d'infractions violentes, et partant, utiles à ce genre de demande, serait pris en compte. Mais il faudrait que je vérifie avant de l'affirmer catégoriquement, madame Meredith.
Mme Meredith: Étant donné que le temps presse, je vais passer à la contrainte judiciaire.
La présidente: Il vous reste environ quatre minutes pour ce tour de table.
Mme Meredith: Merci.
À cet égard, vous avez dit que seuls les contrevenants les plus dangereux seraient considérés et ce, aux termes de l'article 752 du Code criminel.
Je sais que mes collègues du Bloc craignent d'éventuelles atteintes aux libertés individuelles. Pour ma part, après avoir examiné le fonctionnement de la surveillance électronique en Colombie-Britannique, je crains que tout ce que cela donnera, c'est d'avertir les autorités que l'individu en question est loin de l'établissement surveillé. Cela ne l'empêchera pas de commettre de nouveau un crime grave, notamment d'infliger des sévices graves à quelqu'un ou encore de violer ou de tuer. Tout ce que cela nous dira, aux fins de la détermination de la peine, c'est qu'au moment où le crime a été commis, l'individu n'était pas là où il aurait dû être.
Je ne pense pas qu'en soi, cela protège réellement contre un individu qui, par son comportement, a démontré qu'il présentait une menace sérieuse pour la société.
Je ne vois pas comment non plus l'idée de surveiller une école protégera des enfants comme Pamela Cameron qui, alors qu'elle marchait sur la rue principale, a été kidnappée, agressée sexuellement, et assassinée par un délinquant dangereux. Cela ne va pas du tout protéger la société contre de tels individus. Ce genre de surveillance va uniquement alerter les autorités à la présence d'un pédophile probablement - ou confirmer que ce dernier ne se trouvait pas sur les lieux surveillés au moment où un crime a été perpétré. Je ne vois pas comment cela assurera la protection des citoyens.
M. Rock: Je ne prétends pas que la surveillance électronique permettra d'empêcher tous les crimes, ni que les dispositions du projet de loi C-55 rendront impossibles les rapts, les agressions sexuelles ou les meurtres. Tragiquement, il y en aura toujours, quoi que nous fassions.
Tout ce que je dis, c'est que nous pouvons prendre des mesures pour réduire la possibilité que nos enfants soient assassinés par des criminels ou que quelqu'un soit attaqué. Il me semble qu'en toute logique, nous devrions recourir au droit pénal pour contrer les risques. Où se situent ces risques?
Le projet de loi C-55 s'efforce d'établir un régime qui nous permettra de déterminer l'existence d'un risque, à la suite d'une évaluation sérieuse, auquel cas, on pourrait appliquer le droit pénal dans toute sa rigueur pour contrer ce risque et le minimiser. Nous ne pourrons peut-être pas l'oblitérer entièrement, mais du moins le minimiser.
La surveillance électronique n'est pas une panacée. Elle comporte des inconvénients, mais elle a aussi des avantages. Bien utilisée, je pense qu'elle peut être utile. C'est un outil que nous voulons mettre entre les mains des tribunaux qui décideront, au cas par cas, de l'imposer ou non.
Comme je l'ai déjà suggéré, vous voudrez peut-être envisager le recours à une surveillance passive, plutôt qu'à la détention à domicile, si je peux m'exprimer ainsi. En l'occurrence, la personne peut circuler à sa guise, et c'est uniquement lorsqu'elle s'approche d'une zone interdite que l'alarme se déclenche. Vous devez voir ce qu'offre cette technologie et juger si c'est une stratégie plus acceptable.
Vous avez dit que Pamela Cameron avait été kidnappée en pleine rue. Je ne me souviens pas des détails de ce cas, mais il y a effectivement des cas où des délinquants ont passé au travers des mailles du filet. Le projet de loi à l'étude vise précisément à en resserrer les mailles. Dans certains cas, des délinquants n'ont pas été identifiés. Le système de repérage et une meilleure communication entre les procureurs de la couronne et les policiers vise à régler le problème.
Mais il existe aussi des cas où des personnes sans antécédents criminels, sans casier judiciaire faisant état d'infractions et de déviances, ont frappé. Ces gens-là sont libres de leurs mouvements et ils circulent dans la société au même titre que mes enfants. Oui, je m'inquiète, mais il m'est impossible, au moyen d'une mesure législative, d'écarter toute possibilité qu'une personne comme celle-là s'attaque à mon enfant. Nous ne savons tout simplement pas d'où vient la menace.
Nous devons faire ce que nous pouvons - dans les limites du raisonnable, aux termes de la Constitution - pour contrer ce risque. Or, c'est ce que fait ce projet de loi. Il n'est pas parfait. Il ne mettra pas un terme à tous les crimes. Mais je pense... Ainsi, les représentants de l'Association canadienne des policiers l'ont décrit comme la mesure législative de sécurité publique la plus importante depuis vingt ans, et je pense qu'ils ont raison. À mon avis, elle nous permet de nous protéger là où nous sommes les plus vulnérables, c'est-à-dire contre ceux qui présentent le risque le plus élevé de faire du mal à nous ou à nos enfants.
Mme Meredith: Mais lorsqu'on a affaire à des personnes présentant des risques élevés de récidive, le fait de leur imposer le port de bracelets électroniques ne les arrêtera pas, je tiens à vous le dire. En Colombie-Britannique, on a recours à la surveillance électronique pour les voleurs à l'étalage, les petits malfaiteurs, les contrevenants à faibles risques. Je ne vois pas comment vous pouvez imposer cette surveillance à long terme après la détermination de la peine...
M. Rock: Et bien, ce n'est pas le cas...
Mme Meredith: Sans passer à l'étape suivante, qui consiste à dire qu'il y a des personnes à qui l'on a déjà imposé une peine, qui sont dans nos prisons, qui sont des délinquants dangereux et dont nous savons que le jour où on les libérera, ils présenteront un risque pour les femmes et les enfants dans la société. Si vous acceptez l'idée d'une surveillance à long terme, pourquoi ne pas aller un peu plus loin?
M. Rock: Puis-je répondre à cette question? Je sais que nous avons sans doute dépasser le temps qui nous était alloué.
La présidente: Oui.
M. Rock: Tout d'abord, nous ne proposons pas d'imposer la surveillance électronique aux délinquants à contrôler. Il est question de surveillance électronique à l'article 810.2, qui vise une personne qui n'a peut-être pas encore commis de crime, mais dont on a des motifs raisonnables de croire qu'elle pourrait le faire. Il suffit d'en persuader un juge.
Dans le cas du délinquant à contrôler, le tribunal est autorisé à leur imposer, pour une période maximale de dix ans après sa sortie de prison, toute une gamme de contrôles et de mesures de surveillance, qu'il s'agisse de rendre compte de ses allées et venues à la police régulièrement, de suivre un traitement, de ne pas fréquenter certains endroits ou certaines personnes, etc, selon le cas. Cette ordonnance peut s'appliquer pendant dix ans.
Vous voulez savoir pourquoi nous ne pouvons pas déclarer des personnes qui sont maintenant en prison, pourquoi nous ne pouvons pas arpenter les couloirs du pénitencier de Kingston, fouiller dans les dossiers des détenus qui y sont incarcérés et dire à certains qu'étant donné qu'ils sont susceptibles de récidiver, ils se verront imposer des conditions qui limiteront leur liberté à leur sortie de prison ou qu'ils seront gardés en prison plus longtemps que ne le prévoit leur peine. Eh bien, nous ne pouvons pas faire cela.
En préparation de ma comparution ici aujourd'hui, j'ai relu le projet de loi C-240 dont vous avez saisi la Chambre et qui reflète vos convictions très profondes. Malgré tout le respect et l'admiration que j'ai pour les objectifs que vous essayez d'atteindre, je dois vous dire que je ne pourrais pas certifier que vos propositions sont valables sur le plan constitutionnel. Tous les experts à qui nous avons parlé sont unanimes à ce sujet. Cela n'est tout simplement pas faisable.
Madame la présidente, en mai 1995, le solliciteur général et moi-même avons convoqué, le temps d'un week-end, un colloque sur la façon de traiter les délinquants présentant un risque élevé de récidive. Il y avait là des procureurs de la Couronne, des avocats de la défense, des champions des libertés civiles, des gens qui ont fait leur la démarche du projet de loi C-240, ainsi qu'un expert de l'État de Washington qui a contribué de près à la rédaction de la loi américaine relative aux prédateurs sexuels. Nous avons examiné le projet de loi C-240 et ses éléments, et tous les intervenants sont arrivés à la conclusion qu'il ne franchirait pas l'épreuve constitutionnelle. Il est inutile de l'adopter car il serait aussitôt abrogé.
C'est ce qui nous a incités à examiner d'autres possibilités. Franchement, l'article 810.2 qui est proposé est ressorti de ce processus comme étant une façon légitime et valable de traiter la population carcérale actuelle. Le terme «délinquant à contrôler» est imposé au moment de la détermination de la peine. C'est pour cette raison que nous pouvons le faire. Nous ne pouvons pas l'appliquer de façon rétroactive à ceux qui purgent leur peine parce que cela constitue alors une double punition aux termes de la Charte, ce qui n'est pas permis.
Je crois que nous pouvons répondre aux préoccupations exprimées par Mme Meredith au sujet de la sécurité, préoccupations que je partage dans une large mesure, comme on le propose dans le projet de loi C-55. C'est une façon légale et légitime, et cela améliore la situation actuelle.
La présidente: Merci, madame Meredith. Monsieur DeVillers, 10 minutes.
[Français]
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci, madame la présidente.
Monsieur le ministre, dans vos commentaires, vous avez cité la cause Budreo. C'est une décision de quel tribunal?
M. Rock: De la Cour supérieure de l'Ontario, c'est-à-dire de la Cour de division générale. C'est maintenant devant la Cour d'appel de l'Ontario. J'ai parlé avec les gens de l'Ontario il y a quelques semaines et je pense que l'audience en appel aura lieu dans les semaines à venir.
M. DeVillers: Ma question portait justement sur l'appel, à savoir si la décision va demeurer la même.
M. Rock: C'est vrai. Nous avons reçu le rapport du jugement du juge Then. C'est un document de 70 pages, préparé soigneusement par le juge pendant une période de huit mois, dans lequel on trouve l'histoire de ces articles du Code criminel, avec une analyse de tout ce domaine du droit criminel qui, je pense, est très valable.
Nous avons agi ainsi parce que c'était un engagement de la part du gouvernement. Évidemment, il est possible que la Cour d'appel de l'Ontario, ou même la Cour suprême du Canada, ait une approche différente.
M. DeVillers: Merci.
Ma deuxième question
[Traduction]
concerne le fardeau, la prépondérance des probabilités. Le ministère a-t-il envisagé la possibilité de déplacer le fardeau, un peu comme dans le cas de conduite imprudente aux termes du Code de la route, où la Couronne pourrait présenter une prétention établie prima facie, déplaçant ainsi le fardeau sur l'accusé, ou la personne qui pourrait être déclarée délinquant à contrôler? Cette approche a-t-elle été envisagée?
M. Rock: Parlez-vous du délinquant contrôlé à l'heure actuelle, ou de l'article 810.2 qui est proposé?
M. DeVillers: L'un ou l'autre. A-t-on envisagé ce type d'approche, car j'entends certaines préoccupations au sujet du fardeau conjoint au civil et au criminel.
M. Rock: Non. Permettez-moi d'éclaircir la question. Le fait de déclarer quelqu'un un détenu à contrôler est une forme de pénalité une fois qu'on l'a trouvé coupable d'une infraction. La Couronne doit établir les éléments contenus dans le projet de loi C-55, notamment le risque important, etc.
À l'article 810.2 qui est proposé, il ne s'agit pas de la condamnation pour un crime, comme je l'ai déjà mentionné. Il s'agit d'un fardeau civil, car la personne ne se retrouve pas devant la perspective d'être incarcérée ou punie. En ce sens, la liberté du sujet n'est pas menacée. On parle plutôt de l'exercice d'un pouvoir de prévention, qui fait partie du pouvoir du droit pénal, mais on ne parle pas de condamner et de punir. On a jugé que cette approche correspondait davantage à l'intention visée.
Nous n'avons pas examiné le déplacement du fardeau de la preuve. Je ne me rappelle pas avoir abordé la question, monsieur DeVillers, mais je peux vous dire qu'on est réellement préoccupé par la question du déplacement du fardeau de la preuve étant donné la jurisprudence aux termes de la Charte. Ce n'est que dans certaines situations que le tribunal permet de déplacer le fardeau sur l'accusé ou un citoyen.
Dans le cas de conduite imprudente, il s'agit naturellement d'infractions provinciales, non pas de droit pénal.
M. DeVillers: Quasi criminel.
M. Rock: Mais la vraie différence, c'est que la liberté du sujet n'est pas en danger et qu'il ne risque pas d'avoir un casier judiciaire, quoique pour une infraction provinciale, la liberté du sujet pourrait être compromise.
Dans le cas qui nous intéresse, nous sommes d'avis, en nous fondant sur l'affaire Boudreo, qu'il est possible pour nous d'atteindre notre objectif sans déplacer le fardeau de la preuve.
M. DeVillers: Merci.
La présidente: Merci, monsieur DeVillers.
Il reste environ six minutes, monsieur Discepola.
M. Discepola (Vaudreuil): Merci, madame la présidente.
Monsieur le ministre, je suis d'accord avec certaines de vos observations et je pense que c'est un excellent pas en avant, mais pour répondre à la question de Mme Meredith, j'espère que notre comité accordera une plus grande marge de manoeuvre à la surveillance électronique. Je pense que vous avez intentionnellement choisi le titre plutôt vague de «surveillance électronique», car au fur et à mesure que les technologies progressent, comme vous l'avez dit, il y aura d'autres possibilités. Dieu nous en garde, mais j'imagine que si un jour vous le vouliez, il serait alors possible d'équiper tous les criminels d'un transmetteur et toutes les victimes d'un receveur pour qu'elles puissent être mises en garde lorsqu'elles se trouvent à une certaine distance du criminel.
Comme vous le dites, monsieur le ministre, je pense que cela serait utile si nous pouvions avertir les écoles de ne pas laisser leurs élèves jouer dans la cour de récréation parce qu'il y a un pédophile à proximité. Dans de nombreux cas, les victimes connaissent leurs agresseurs. Un jour, nous aurons la technologie qui nous permettra d'avertir une personne lorsqu'un certain contrevenant se trouve à proximité. Il faut donc se garder une certaine marge de manoeuvre, car nous pourrons ainsi faire des choses assez ingénieuses.
En réponse à sa question, monsieur le ministre, vous avez dit que vous ne pouviez pas revenir en arrière dans la loi, et je comprends pourquoi, mais il y a une question qui m'intéresse. Vous dites que dans la catégorie de délinquants à contrôler, il sera possible d'imposer une période de surveillance additionnelle de dix ans. La période de surveillance n'est pas la question qui me préoccupe; c'est plutôt que lorsqu'un délinquant est sous surveillance, il peut commettre un autre crime.
Si j'ai bien compris, dans le cas d'un délinquant à contrôler, il y a toujours comme à l'heure actuelle la détermination de la peine. Si je fais un petit calcul rapide, un délinquant qui est condamné à neuf ans d'incarcération sera toujours admissible à la liberté conditionnelle après trois ans et à la mise en liberté d'office après avoir purgé les deux tiers de la peine. Ensuite, lorsque la pleine sentence de neuf ans s'est écoulée, la période de surveillance commence, n'est-ce pas?
M. Rock: Oui.
M. Discepola: Dans ce cas, après avoir parlé à de nombreux agents chargés de cas et de nombreuses institutions au Canada, j'ai découvert que la période de libération d'office comportait plusieurs lacunes.
Les agents chargés des cas connaissent très bien leurs délinquants, et dans de nombreux cas, j'ai parlé à des agents qui pouvaient presque m'assurer qu'une personne allait commettre une infraction dès qu'elle serait libérée. Mais à cause des limites de la loi et du manque de souplesse, particulièrement en ce qui a trait à la libération d'office, ces personnes sont libérées, même si elles n'ont pas suivi le programme qui leur avait été prescrit.
Pourquoi alors n'est-il pas possible de resserrer les dispositions concernant la libération d'office particulièrement pour les délinquants à risque élevé, donnant ainsi un peu plus de souplesse et de marge de manoeuvre à l'agent chargé des cas, qui plus que toute autre personne connaît très bien le délinquant?
Comme je l'ai dit, les délinquants seront remis en liberté, et seront ensuite sous surveillance pendant un certain nombre d'années, mais à long terme, s'ils sont décidés à commettre un autre crime, cela ne protège pas vraiment le public, tandis que si nous pouvions changer les conditions de la mise en liberté d'office, nous pourrions peut-être empêcher la mise en liberté de certaines personnes qui ne devraient pas être libérées.
M. Rock: Je pense que ce serait une tâche parfaite à confier à quelqu'un comme le secrétaire parlementaire du solliciteur général, par exemple. Je pense que ce serait idéal car, comme vous le savez, le solliciteur général est responsable du service correctionnel et de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
M. Discepola: Si vous me lancez des piques, je peux vous en lancer aussi. Je pense que le problème c'est que très souvent - et c'est une critique que j'ai souvent entendue d'ailleurs - le ministère de la Justice continue son petit bonhomme de chemin et pense aux lois, mais beaucoup trop souvent il ne demande pas leur avis aux agents chargés de cas ou au personnel de première ligne qui doit administrer ces lois. Il devrait le faire.
M. Rock: Je pense que vous avez raison. Une chose dont je suis fier au sujet du projet de loi C-55, monsieur Discepola, c'est de la collaboration entre le solliciteur général et le ministère de la Justice lors de la préparation du projet de loi.
Comme vous le savez, avant que nous puissions obtenir l'approbation du projet de loi au Cabinet, nous avons dû démontrer que nous avions réservé des fonds pour financer la surveillance. Ce n'était pas tout simplement un plan imaginaire. Nous avons réellement évalué le coût de la surveillance pour la population de délinquants que nous jugions qu'il faudrait contrôler. On a réservé ces fonds dans le budget du service correctionnel. Nous nous attendons à ce que cela soit plus coûteux que pour les mises en liberté conditionnelle. Nous nous attendons à ce que ces sommes soient dépensées à compter des cinq à six prochaines années et cela sera très réel.
Je pense que la surveillance dont nous parlons pour la catégorie des délinquants à contrôler sera très efficace. Tout ne sera pas parfait - il y a toujours un facteur humain qui entre en ligne de compte - mais cela sera très efficace.
Je ne veux pas minimiser l'importance de votre argument sur la mise en liberté d'office, et s'il est possible d'améliorer le projet de loi, je serais ravi d'en discuter avec vous.
La présidente: Merci, monsieur Discepola.
Monsieur St-Laurent, avez-vous des questions à poser?
[Français]
M. St-Laurent (Manicouagan): J'aurais peut-être une question, finalement.
D'après ce que vous dites, il y aura une évaluation après une période de sept années au lieu des trois années actuelles. Est-ce que cette évaluation revient au Service correctionnel ou au ministère de la Justice? Je m'explique. Si cela appartient au Service correctionnel, il faudra s'en tenir à ce qui est fait à l'heure actuelle; c'est-à-dire que quelques professionnels verront l'individu pendant 45 minutes tous les deux mois, pendant six mois environ, avant de remettre le rapport, ce qui est une chose très risquée. Ou alors on mettra tout simplement ensemble toutes les ressources actuellement disponibles pour analyser vraiment la situation de l'individu et savoir s'il est susceptible de sortir et s'il est capable ou non de faire face à la société.
Par ressources, j'entends, entre autres, son fameux dossier correctionnel dans lequel on voit non seulement les résultats sur papier, mais aussi des évaluations de comportement en société, de comportement face à des éléments d'agressivité et face à son problème personnel.
Dans l'évaluation qui sera faite, est-ce qu'on devra tenir compte de tous ces éléments-là ou simplement, comme ça se fait peut-être trop à l'heure actuelle, de quelques rapports de professionnels qui ne voient l'individu que partiellement?
M. Rock: Madame la présidente, je ne suis pas tout à fait certain de la réponse. À ma connaissance, l'évaluation sera faite par le Service correctionnel, et non pas par le ministère de la Justice. C'est exactement la même évaluation que maintenant, mais ce sera au bout de sept ans et non pas de trois ans.
Pour les détails de cette évaluation, je voudrais vous suggérer de les demander aux fonctionnaires, particulièrement aux fonctionnaires du ministère du Solliciteur général.
M. St-Laurent: Je vous remercie beaucoup.
M. Rock: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Langlois, vous disposez d'environ trois minutes.
[Français]
M. Langlois: Merci. Si vous me le permettez, nous allons revenir sur l'article 810.2. Vous disiez tout à l'heure dans votre réponse, monsieur le ministre, que vous attestiez de la constitutionnalité de cet article.
Je ne la remettrais pas en cause, mais je pensais que vous plaidiez le cas pour démontrer que l'atteinte à la Charte par l'article 810.2 pouvait se justifier dans une société libre et démocratique comme la nôtre.
Même en supposant cela, je vois un problème dans l'article 810.2, et c'est le quatrième point qui dit que le juge peut infliger au défendeur qui omet ou refuse de contracter l'engagement une peine de prison maximale de 12 mois. Vous savez très bien que si une personne est trouvée coupable en vertu de l'article 810.2, paragraphe (4), en vertu de la Loi sur le casier judiciaire, la personne aura un casier judiciaire.
Donc, en lui administrant une règle par prépondérance de preuve, on part de ce point A pour en arriver au point B, et la personne qui refuse aura, à ce moment-là, un casier judiciaire. Je pense donc qu'il serait peut-être plus sage que l'on considère la personne comme ayant outragé le tribunal, comme c'est le cas, si ma mémoire est fidèle, lorsque l'on émet un mandat de paix.
Je pense que nous aurons l'occasion de jeter un deuxième regard là-dessus, même si votre votre idée semble faite, parce que ce n'est jamais évident. En matière constitutionnelle, tout est débattable.
Vous serait-il possible, monsieur le ministre, de demander aux officiels de votre ministère de transmettre à notre greffier la décision de la division de la Cour suprême de l'Ontario dans l'arrêt Budreo? Cela m'intéresserait beaucoup parce qu'il y a un jugement d'une certaine ampleur qui soulève des questions de droit qui pourraient nous être utiles. Merci.
Je voulais vous demander pourquoi il faudrait donner un casier judiciaire à une personne qui, par ailleurs, n'en aurait pas eu parce qu'elle aurait été acquittée. Je ferais aussi la remarque que la personne pourrait comparaître le lundi et être acquittée parce qu'on l'a jugée sur une preuve qui requérait une preuve au-delà de tout doute raisonnable, et se voir imposer des contraintes en vertu de l'article 810.2 le mercredi, parce que là, on appliquerait le critère de la prépondérance de la preuve.
Si on veut résumer, on pourrait faire tout ça dans la même journée. Le même juge entendrait toute la preuve, et dirait: Maintenant, sur la base d'une preuve hors de tout doute raisonnable, monsieur ou madame, je vous acquitte. Cela étant dit, à la suite des représentations du procureur, séance tenante, sur la base de la prépondérance de la preuve, en vertu de l'article 810.2, il dirait: Je me sens justifié et autorisé de vous imposer des conditions pour vous laisser sortir d'ici. On peut faire tout ça dans la même journée, à la limite.
Vous ne voyez pas un problème? Il y a quelque chose qui me semble clocher. J'ai peut-être mal saisi l'ensemble du débat, mais il y a une chose qui ne marche pas là-dedans. C'est un peu comme dans le cas de la résolution concernant Terre-Neuve. Ça me semblait beau, et facile, mais plus j'étudie le débat sur l'article 17 sur les conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada, plus j'acquiers la conviction qu'une catégorie de personnes constitutionnellement protégées vont perdre leur protection constitutionnelle sans leur consentement. Et plus j'arrive à me convaincre, plus je me dis que mon cheminement se fait. Mais je ne suis pas au bout de mon cheminement. J'écoute le débat.
C'est ce que j'ai dit en Chambre hier, monsieur le ministre. J'en arrive à la conviction que ce sera la première fois, au Canada, que nous légiférerons en matière constitutionnelle pour enlever des droits aux minorités sans leur consentement. On a toujours légiféré pour élargir les choses.
Cela étant dit, je voudrais vous dire que je ne suis pas accroché à ce point. Je suis prêt à étudier l'argumentation, à l'entendre et à cheminer avec ceux qui voudront bien me faire cheminer, dont vous, monsieur le ministre. Là-dessus, j'aimerais vous écouter à nouveau.
M. Rock: Je n'ai pas l'intention de discuter aujourd'hui de l'article 17 concernant Terre-Neuve, mais j'enverrai une copie de mon discours à la Chambre des communes qui explique que toutes les minorités sont protégées par la modification.
En ce qui concerne le projet de loi C-55, laissez tomber pour le moment la question de la constitutionnalité. J'ai proposé au comité ce matin des approches différentes pour traiter des parties de ce projet de loi qui ont été attaquées par ceux qui considèrent qu'elles ne sont pas constitutionnelles.
Pour traiter de la vraie question que vous avez posée, monsieur Langlois, il est vrai que si quelqu'un ne se comporte pas selon une ordonnance prononcée par la cour, c'est l'emprisonnement d'après cet article.
Mais cela est vrai également pour le présent article 810, c'est-à-dire le mandat de paix, qui est simplement l'engagement à ne pas troubler l'ordre public. Si la personne refuse de promettre d'agir comme le juge l'a ordonné, le juge peut l'envoyer en prison pour une période maximale de 12 mois. C'est la loi du Canada depuis longtemps. Jamais personne n'a contesté le simple engagement de ne pas troubler l'ordre public, et jamais personne n'a suggéré que cet article était contre la Charte ou contre la Constitution du Canada.
C'est la même chose pour l'article 810.1, l'article contesté dans le cas Budreo. En fait, dans l'article 810.1, le Parlement a dit que quiconque viole l'engagement prévu à l'article 810 ou 810.1 est coupable, soit d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de deux ans, soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
On a depuis longtemps, dans la loi du Canada, la règle voulant que si l'on refuse de contracter l'engagement selon la sentence prononcée par le juge dans une telle circonstance, on doit faire face à un emprisonnement.
Nous avons ajouté la même chose dans l'article 810.2, pour être sûrs que les gens vont sérieusement considérer les sentences prononcées par les juges, s'il existe une raison valable pour le procurer général.
[Traduction]
Ce n'est donc pas anormal; ce n'est pas incompatible avec les principes de la justice fondamentale. Le délinquant qui ne se conforme pas à l'ordonnance est passible d'emprisonnement.
J'ajouterai également, madame la présidente, qu'il s'agit de deux choses très différentes. Nous en avons d'ailleurs discuté un peu tout à l'heure. Il faut des preuves permettant d'établir la responsabilité criminelle au-delà du doute raisonnable et de condamner en conséquence, et il faut aussi tenir compte de la prépondérance des probabilités. Il ne s'agit pas de condamner et d'incarcérer, mais plutôt d'amener la personne à se conformer à une ordonnance visant à protéger la sécurité publique. Si cette personne viole l'ordonnance du tribunal, c'est autre chose. C'est un acte criminel que de ne pas se conformer à une ordonnance d'un tribunal. Cette personne est donc passible d'emprisonnement. Mais si l'ordonnance est respectée, il n'y a pas de risque.
La présidente: Merci.
Monsieur Gallaway.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci, madame la présidente. Je serai bref.
Monsieur le ministre, vous avez décrit la gamme des délits et la gamme des peines qui peuvent être imposées. Ce qui m'inquiète, c'est la surveillance électronique. En fait, il y a et il y aura toujours tout un arsenal d'appareils électroniques plus perfectionnés les uns que les autres. Contrairement à Mme Meredith, je ne sais pas comment ces choses-là fonctionnent. Pour moi, c'est un peu comme de conjuguer le Code criminel au contrôle de la circulation aérienne - puisqu'il s'agit de pouvoir retracer ces gens.
Vous avez parlé de risque, de sécurité du public et de protection des enfants. Vous avez également parlé de la Constitution et de la Charte, et vous avez dit qu'à votre avis, l'inclusion de la surveillance électronique dans cet article de la loi ne viole en rien les droits garantis par la Charte des droits. Je vous crois, mais je sais aussi que l'électronique évolue constamment alors que la Constitution demeure immuable.
Dans ce cas-ci, par suite de l'étude que vous avez réalisée, je me demande à partir de quel point la surveillance électronique, quel que soit le nom qu'on lui donne, empiète sur les droits du citoyen en vertu de la Charte.
Nous visons tous le même but; nous voulons améliorer la sécurité publique. Nous voulons être protégés contre ces personnes qui, qu'on le veuille ou non, font partie de notre société. Voici un exemple. Supposons qu'un délinquant soit libéré sous condition. Selon l'ordonnance des libérations conditionnelles, cette personne doit demeurer à son domicile de 23 heures à 6 heures. Cela se fait. J'imagine qu'un jour il suffira de brancher cette personne à un bidule électronique pour pouvoir la localiser en tout temps. Dans un tel cas, les droits garantis par la Charte à cette personne sont-ils violés? Ou bien ces droits ne sont-ils respectés que dans le cas que vous avez décrit? Où se trouve la limite? C'est tout ce que je veux savoir.
M. Rock: On peut difficilement être catégorique, mais ce qu'il faudrait déterminer d'abord, lorsqu'on étudie cette question, c'est si la personne a été condamnée et si elle purge une peine. J'ai rencontré récemment le procureur général de Terre-Neuve. Il m'a expliqué que le système de surveillance électronique des délinquants mis en place dans sa province a permis d'économiser une fortune. Grâce à ce système, il a été possible de sortir des prisons tout un groupe de délinquants reconnus coupables d'actes criminels et condamnés à des peines d'emprisonnement. Il a été possible de les renvoyer chez eux et de les localiser grâce à la surveillance électronique - c'est ce que vous appelez le contrôle de la circulation aérienne. De cette façon, la province n'a pas eu à les loger et à les nourrir, à payer des gardes pour les surveiller, ni a entretenir de locaux pour eux. Et pourtant, ces gens sont punis. Ils doivent rester à leur domicile, selon le cas de chacun.
Je ne crois pas que les droits garantis par la Charte à ces prisonniers soient violés. À tout prendre, leurs droits en sont accrus. On leur permet de rester chez eux, dans le confort de leur foyer. Ils ne sont pas assujettis aux privations imposées dans les prisons ni aux autres dures réalités du milieu carcéral.
Cela dépend donc de qui l'on parle. Si la personne n'a pas été condamnée, s'il s'agit de quelqu'un dont l'affaire est devant les tribunaux et à qui pourrait s'appliquer les dispositions de l'article 810.2, le procureur général peut autoriser la demande et le juge peut ordonner que cette personne porte un appareil de surveillance électronique; dans un tel cas, il faut voir quels sont les droits de cette personne en vertu de la Charte. Là encore, il faut examiner toutes les circonstances.
[Français]
Je n'ai pas convaincu M. Langlois, mais je pense que mon argumentation, compte tenu de toutes les sauvegardes que nous avons incluses, vous a permis de considérer notre projet de loi comme étant valable.
[Traduction]
Et le procureur général approuve la demande. Aussi, cela ne s'applique qu'aux infractions les plus graves - il faut voir l'article 752. C'est à la Couronne que revient le fardeau de la preuve. Un juge rend une décision dans un tribunal - ce n'est pas un juge de paix, mais un juge de la cour provinciale. Compte tenu de tout cela, même s'il existe une crainte raisonnable, j'estime que ce n'est pas violer la Charte des droits que d'imposer ces restrictions, si l'on tient compte des intérêts en cause.
Par contre, madame la présidente, et monsieur Gallaway, j'ai également dit que si certains d'entre vous trouvent cette mesure inacceptable parce qu'elle va à l'encontre de leur interprétation de la Charte et des libertés personnelles, je vous propose d'étudier certaines mesures de rechange, comme peut-être d'indiquer expressément que les dispositions sur la surveillance électronique de ces ordonnances ne s'appliquent qu'aux cas les plus graves, lorsque le tribunal est convaincu qu'une telle mesure est nécessaire pour éviter que soit commis des sévices graves à la personne. Je vous demande d'examiner de telles mesures.
Examinez les types de surveillance qui ne limitent pas les gens à leur domicile. J'ai entendu et j'ai lu que la surveillance électronique, dans son état actuel et tel qu'utilisée à Terre-Neuve, empêche les gens de sortir d'un espace bien défini. C'est pourquoi on prétend que ces gens sont détenus - qu'ils sont privés de liberté sans même avoir été condamnés. Si vous êtes du même avis, évaluez où on en est dans la mise au point d'autres mécanismes de surveillance électronique qui laissent à leurs sujets leur liberté de mouvement, sauf dans certaines zones interdites ou à proximité d'une victime potentielle.
Je ne réponds donc pas à votre question, à savoir, où se trouve la limite entre le respect et la violation des dispositions de la Charte et je n'explique pas non plus dans quelle mesure l'article 1 pourrait empêcher une violation compte tenu des risques que ces délinquants dangereux font courir à la sécurité publique, mais j'ai dit qu'il y a des stratégies de rechange que vous pourriez examiner pour trouver des réponses. Ces stratégies permettent de soulager les inquiétudes des personnes sensibles aux libertés civiles tout en conservant à la loi son objectif fondamental de prévention du crime.
La présidente: Le temps que nous avions réservé au ministre est écoulé. Je vous remercie d'être venu nous rencontrer et de nous avoir apporter des éclaircissements sur ce projet de loi.
M. Rock: Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs du comité.
La présidente: La séance est levée.