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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 mai 1996

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[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons une étude sur les ressources naturelles et le développement économique rural. Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui Bill Reimer et Peter Apedaile, de la Fondation canadienne sur la restructuration rurale.

Merci beaucoup, messieurs. Je crois comprendre que vous avez un exposé à nous présenter, après quoi les membres du comité auront la possibilité de vous poser des questions. Je sais que vous voulez utiliser le rétroprojecteur. Soyez bien à l'aise, allez-y.

M. Bill Reimer (président, Fondation canadienne sur la restructuration rurale): Nous sommes très heureux que vous nous ayez invités à venir témoigner devant votre comité. Il est vraiment très agréable de pouvoir apporter notre contribution à l'élaboration d'une politique rurale pour le Canada.

Nous vous félicitons également d'avoir évité l'approche traditionnelle selon laquelle, jusqu'à présent, le débat a toujours porté sur les secteurs, et de débattre de la politique en abordant plutôt des questions d'ordre plus général. À notre avis, le Canada rural, ce n'est pas l'agriculture, les forêts, les pêches ou les mines. Cela comprend tous ces secteurs et beaucoup plus encore. Par conséquent, pour comprendre le Canada rural, il est nécessaire de tenir compte de nombreux aspects et d'avoir la participation de gens provenant de divers domaines, de diverses régions du pays, de divers niveaux d'autorité, et qui ont des styles de vie différents. Cela est important pour la revitalisation rurale, et c'est une préoccupation qui est au coeur de notre organisation.

La Fondation canadienne sur la restructuration rurale est un organisme qui réunit des universitaires, des fonctionnaires, des gens d'affaires, des activistes communautaires et des gens qui habitent dans les régions rurales. Nous sommes un organisme de charité politiquement indépendant dont l'objectif consiste à améliorer les conditions économiques et sociales des Canadiens des régions rurales grâce à la recherche et à l'éducation permanentes.

Nous ne prétendons pas qu'il n'y a qu'une seule façon de résoudre les problèmes du Canada rural, car nous savons que les réponses ne seront pas simples et qu'il n'y a pas qu'une seule solution. Le Canada rural est complexe, et pour cette raison seulement nos politiques et stratégies doivent également être complexes.

Les préoccupations et les points de vue que nous vous présentons ici aujourd'hui sont le résultat d'au moins huit années de recherche, de réunions et de discussions entre les membres et les associés de notre fondation. Vous retrouverez certaines de ces préoccupations et certains de ces points de vue dans la documentation que nous avons apportée avec nous. J'ai apporté quelques exemplaires avec moi.

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Un document qui pourrait vous intéresser, c'est Toward a Rural Policy for Canada, que nous avons préparé à la suite de l'exposé que nous avons présenté devant le Comité de l'agriculture. Un autre document auquel nous avons participé s'intitule Rural Canada: A Profile, il a été produit avec l'aide du ministère du Développement des ressources humaines. Un autre document que nous utilisons, et qui est très intéressant du point de vue des positions que nous adoptons, est un document qui a été produit par la Commission européenne et qui s'intitule Europe 2000.

Dans la documentation que nous vous avons distribuée, vous trouverez notre bulletin ainsi que de l'information concernant notre fondation, pour vous donner une idée du contexte dans lequel nous fonctionnons.

Vous avez en outre devant vous un document qui explique les points de vue les plus importants que nous avons adoptés. Nous prendrons quelques minutes maintenant pour faire ressortir les points principaux de ce document. Je soulignerai certaines des principales caractéristiques du Canada rural qui établissent le contexte de notre politique et de nos suggestions de stratégie. M. Apedaile poursuivra avec de plus amples détails concernant ces questions avant que nous abordions avec vous de façon générale les conséquences de nos recommandations.

Je vais commencer par vous donner certaines des principales caractéristiques du Canada rural. Environ 34 p. 100 de la main-d'oeuvre active canadienne travaille et vit dans le Canada rural. Par ailleurs, la contribution du Canada rural au produit intérieur brut s'élève à 184 milliards de dollars, dont une bonne partie provient d'un nombre relativement peu élevé d'entreprises.

Le Canada rural devient de plus en plus complexe, tant sur le plan économique que sur le plan social. Cela signifie que l'approche traditionnelle pour la gestion et l'analyse a de moins en moins d'utilité. Nous ne pouvons diviser le Canada rural en secteurs ou régions ou ministères et nous attendre à pouvoir reconstruire un tout. C'est pourquoi notre fondation fait valoir qu'il faut une politique rurale globale, une politique intégrée dès le départ.

Le Canada rural est par ailleurs de plus en plus spécialisé. C'est le cas des activités économiques, mais cela est également vrai en ce qui a trait aux aspects beaucoup plus sociaux. Les gens que l'on rencontre à l'église ne sont plus les mêmes que ceux que l'on rencontre au travail ou au terrain de base-ball, au cinéma ou au centre commercial local.

En outre, le Canada rural connaît une période d'instabilité unique. Les fluctuations de revenu et de richesse sont encore plus accentuées que dans les régions urbaines. Les régions rurales sont beaucoup plus sensibles aux conditions météorologiques, aux marchés, et plus particulièrement aux diverses politiques gouvernementales.

Un aspect important, c'est que le Canada rural est de plus en plus marginalisé. Les Canadiens des régions rurales vivent bien loin des décisions en matière d'établissement des prix et ont moins d'influence dans les centres de pouvoir, que ce soit aux paliers provincial, fédéral, et encore plus particulièrement mondial.

Le Canada rural reflète des intérêts plus divers. On peut le constater dans les écarts régionaux, mais cela se reflète encore de façon plus importante au moins dans trois différents groupes sociaux et économiques. Un premier groupe est orienté vers les marchés mondiaux et le commerce mondial. Il comprend le plus petit pourcentage de la population et le plus grand pourcentage de rendement économique rural. Un deuxième groupe est orienté vers les marchés nationaux, les produits de créneaux, et les activités de services. Ce groupe comprend le plus grand pourcentage de la population. Un troisième groupe est largement marginalisé, tant sur le plan économique que sur le plan social. Ce groupe comprend les Canadiens des régions rurales qui luttent contre l'appauvrissement et la rareté des emplois.

La diversité que nous retrouvons dans le Canada rural doit être reconnue dans toutes les délibérations portant sur les politiques. Pour cette raison, nous faisons valoir que la médiation entre divers intérêts doit être au centre de notre stratégie rurale. À cet effet, nous proposons l'établissement d'un genre de conseil consultatif du Canada rural, dont nous exposons le mandat dans le document que vous avez devant vous.

Nous faisons en outre valoir que la représentation des intérêts ruraux doit se faire en tenant compte d'une politique rurale globale, comme nous l'avons proposé. Pour cette raison, nous proposons la création d'un poste de défenseur ministériel pour le Canada rural. Cela permettrait d'assurer l'adoption d'une approche globale aux problèmes ruraux, approche qui est nécessaire si on veut régler avec succès les problèmes auxquels nous devons faire face.

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L'un des principaux objectifs du conseil et du défenseur ministériel serait de mettre en place et de surveiller une stratégie de développement rural global pour le Canada. Notre fondation a fait des progrès à cet égard, et je vais maintenant donner la parole à M. Apedaile, qui vous expliquera plus en détail certains des éléments de notre travail.

M. Peter Apedaile (ancien président, Fondation canadienne sur la restructuration rurale): Nous avons organisé cette partie de notre exposé en quatre ou cinq étapes.

Sur la première diapositive vous pouvez voir les trois principales questions de macro-politique auxquelles nous devons nous attaquer si nous voulons que quoi que ce soit d'autre puisse fonctionner. Cela n'est pas nouveau. Ce sont des choses qui ont fait partie de l'histoire du Canada.

Premièrement, pour produire de façon concurrentielle et avoir une place sur le marché mondial, il y a un coût environnemental et social. Nous ne pouvons tenir compte de façon unilatérale de ces éléments dans nos coûts de production sans désavantager nos entreprises rurales sur le marché mondial. Par conséquent, nous devons travailler activement à l'échelle internationale dans nos négociations commerciales et avec les Affaires étrangères pour que ces éléments soient inclus dans les coûts de production. L'autre solution, naturellement, consiste à continuer de subventionner ces coûts à même les impôts du contribuable, ce qui n'est pas vraiment une solution durable à long terme.

La deuxième grande question de politique, c'est de mettre en place un programme d'investissement à long terme en matière de récupération environnementale, et nous dirions même peut-être en matière de récupération sociale, pour ce qui est des Canadiens pauvres marginalisés qui habitent dans les régions rurales. J'ai établi un parallèle entre nos Canadiens pauvres qui habitent dans les régions rurales et une forêt qui a subi une coupe à blanc. Il faut faire beaucoup de travail avec eux pour leur redonner le sentiment qu'ils sont utiles à la société. Cela ne veut pas dire les transformer en producteurs de gadgets, mais plutôt essayer le plus possible de faire en sorte que ce ne soit plus un groupe dépendant, appauvri.

La troisième grande question de politique concerne les marchés. Les marchés ne sont pas tous concurrentiels, particulièrement en ce qui a trait aux frais de transaction. Au Canada, depuis le début de notre histoire, nous essayons de faire face aux frais de transaction, c'est-à-dire le transport, la manutention, la commercialisation, les services de courtage, les assurances, la paperasse et les communications qui sont nécessaires pour faire des affaires avec le reste du monde et le reste du Canada urbain. De plus en plus, les organisations qui fournissent les frais de transaction, que ce soient des câblodistributeurs ou des sociétés de transport, si on leur donne la chance d'extraire une rente de monopole, le feront sans doute. C'est normal.

J'aimerais maintenant vous parler de certaines politiques visant 70 p. 100 ou la majorité des Canadiens des régions rurales. Ce sont des idées qui sont ressorties de nos discussions. Nous ne préconisons pas nécessairement ces politiques; nous disons tout simplement qu'il faudrait peut-être en discuter. Vous les trouverez peut-être intéressantes ou utiles.

Peu importe de quel type d'entreprise rurale il s'agit. «PME» signifie petite et moyenne entreprise. Lorsqu'on cible les petites entreprises dans le Canada rural, on ne veut pas tout simplement leur donner de l'argent, des programmes de formation, ou tout autre type de programme de diversification ou d'incitatif, sans faire de distinction. Nous avons fait pas mal de recherches qui montrent qu'il est important que les entreprises mettent l'accent sur le commerce, c'est-à-dire qu'elles commercialisent leurs produits au-delà des limites rurales locales, dans d'autres provinces, ailleurs au pays et naturellement dans le cadre de l'ALENA, et même plus loin.

La deuxième question est celle des services professionnels. On n'aborde presque jamais la question des avocats, des comptables et des autres services professionnels lorsqu'on parle de politique rurale, mais des recherches que nous avons faites révèlent que parmi tous les groupes de notre économie rurale, ce sont eux qui ont le plus l'esprit de clocher. Ils desservent presque toujours le reste des entreprises rurales au Canada. Donc, lorsqu'un fabricant de boîtes de camion va voir son avocat pour lui parler de la possibilité d'expédier son produit au Montana, son avocat lui répond que ce marché fait plutôt peur et qu'il ne connaît pas tellement la loi américaine, etc., de sorte que cela pourrait vraiment mal tourner. Donc, le fabricant en question s'en retourne chez lui et ne songe plus à vendre des boîtes de camion au Montana.

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Donc, à notre avis, il serait peut-être intéressant d'examiner les services professionnels.

La troisième question est celle des exploitations agricoles, qui, au Canada, produisent beaucoup plus que des produits alimentaires. Elles assurent au pays la sécurité alimentaire et en outre elles gèrent le territoire et prennent soin de l'environnement grâce à une bonne intendance.

Les marchés ne tiennent pas compte de ce qu'il en coûte aux agriculteurs pour fournir ces services dans l'intérêt national. On devrait donc peut-être tenir compte des soi-disant biens et services publics, ou de ces éléments qui ne font pas partie du marché, lorsque l'on parle du revenu agricole. Cela permettrait à l'agriculture de compter beaucoup moins sur les subventions et toutes sortes de mesures de protection à la frontière.

La dernière question est celle de l'infrastructure. Nous craignons que pour les Canadiens des régions rurales les prix et l'accès aux marchés urbains et au marché mondial ne soient en pente raide. Cela signifie qu'ils sont désavantagés sur le plan et des prix et de l'accès par rapport aux Canadiens des régions urbaines.

Cela semble être particulièrement vrai en ce qui concerne la technologie de l'information. Qu'il s'agisse de l'accès à l'Internet, au téléphone, au télécopieur ou à toute autre technologie de l'information beaucoup plus perfectionnée qui pointe à l'horizon, les Canadiens des régions rurales paient davantage pour ces services, et les obtiennent plus tard, et les services ne sont pas aussi pratiques ou fiables qu'ils le sont pour les Canadiens des régions urbaines.

Il y a quelques autres points qui sont intéressants à cet égard en ce qui concerne la première feuille que je viens de vous expliquer. Premièrement, les organismes bénévoles sont tout aussi importants dans les régions rurales qu'ils le sont dans les régions urbaines. Il faut les encourager, les récompenser et les renforcer.

Depuis la guerre, c'est-à-dire depuis 45 ou 50 ans, l'État a pris en charge le travail que les organismes bénévoles faisaient auparavant. Nos collectivités ont perdu bon nombre des compétences de base des organismes et des services ruraux. Le potentiel est toujours là, mais il faut réinvestir dans ces organismes.

Nous pensons qu'il est intéressant de mettre l'accent sur la spécialisation plus que sur la diversification. En rédigeant cela, ou en soulevant cette question, nous nous rendons compte que depuis 10 ans la diversification de l'économie rurale est très à la mode. La diversification est surtout un moyen de supprimer l'incertitude. C'est un moyen de minimiser l'incertitude et le risque. Par contre, dans une économie rurale, la spécialisation est un bon moyen de développer les revenus, la richesse, la compétitivité et la productivité. C'est une distinction que nous ne devons pas perdre de vue.

En troisième lieu, on parle souvent du besoin de financement. Dieu sait qu'au cours de notre histoire nous avons imaginé toutes sortes d'institutions financières pour compléter le rôle des banques. Nous avons la Société du crédit agricole. Il y a des organismes spéciaux de financement dans chaque province, et, en Alberta, c'est à l'origine de la direction du Trésor.

À notre avis, le problème du Canada rural n'est pas tant un problème de financement qu'un problème de climat d'investissement. Les Canadiens des régions rurales eux-mêmes placent leurs économies ailleurs, par l'entremise du système bancaire. En effet, ils considèrent que leur économie rurale présente trop de risques et n'offre pas un rendement potentiel suffisant. Bref, c'est beaucoup plus un problème d'investissement qu'un problème financier.

J'en viens au quatrième élément. L'idée de trouver un marché suffisant pour les nombreux produits spécialisés offerts par cette majorité importante d'entreprises rurales, familiales et domestiques nous intéresse.

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La formule française AOC, qui vise à assurer la qualité du vin, est un système dont nous pourrions nous inspirer dans les régions rurales. L'appellation d'origine contrôlée est un concept qui permet de donner une identité bien précise à la production rurale avant de la mettre en marché sous forme générique. La mise en marché peut également se faire selon les divers marchés, et grâce à cette différenciation, il est possible d'augmenter les bénéfices.

Le dernier élément de cette liste, c'est l'éducation permanente.

Il y a également des questions stratégiques relatives aux éléments mondialisés de l'économie rurale. Comme vous le pensez bien, cela intéresse particulièrement le secteur des ressources.

Nous devons avant tout chercher à positionner ce secteur pour le rendre plus concurrentiel. Autrement dit, améliorer la recherche et le développement. Dans une entreprise à technologie moyenne, la règle veut qu'on réinvestisse environ 2 p. 100 du produit brut, des ventes brutes, dans la recherche et le développement.

Nous nous sommes donc fondés sur cette règle et l'avons appliquée à l'économie rurale du Canada. Autrement dit, 2 p. 100 de 184 milliards de dollars, cela donne environ 3,6 milliards de dollars. D'après ce qu'on voit ici, la moitié de cette somme devrait servir à la recherche en matière de productivité pour rendre les régions rurales plus concurrentielles. L'autre moitié devrait être consacrée à la recherche sur la récupération pour rendre l'économie rurale plus durable sur le plan de l'environnement et sur le plan social.

À l'heure actuelle, même en additionnant la recherche et le développement des secteurs privé et public, on n'atteint même pas la norme moyenne dans une entreprise normale. Nous ne demandons pas à l'État de s'occuper de cet aspect-là. Cela ne ferait que poursuivre la discussion. Nous n'avons pas de chiffres précis en ce qui concerne la recherche et le développement parce que nous n'arrivons pas à en calculer les différents facteurs dans le cas des régions rurales.

Je passe très vite à un autre sujet, celui de la promotion du commerce. Voilà un domaine où nous nous débrouillons déjà très bien. J'ai travaillé en Orient et en Chine pendant de nombreuses années, et je peux vous dire que les Canadiens ont la réputation dans le monde entier de venir discuter et de repartir sans avoir conclu une affaire.

On ne peut pas dire la même chose de nos concurrents. Lorsqu'ils vont en Chine, ils lient des liens d'affaires et signent des contrats. J'ai passé de nombreuses années en Chine, et je peux vous dire que nous avons la réputation de beaucoup parler et de n'aboutir à rien.

Réviser les règles qui régissent les nouvelles entreprises. Nous n'en avons pas discuté, mais à notre avis cela mérite d'être approfondi. Au Canada, que ce soit au niveau provincial ou au niveau fédéral, les règlements ont souvent pour effet de limiter les possibilités des nouvelles entreprises. Dans notre économie concurrentielle mondialisée, il est important d'encourager les nouvelles entreprises.

Prévenir la fuite de la rente économique. Dès que nous recherchons des capitaux propres étrangers, nous prêtons le flanc à un exode des rentes économiques. Il faut donc faire attention dès que l'on cherche dans les régions rurales du Canada des participants étrangers aux capitaux propres, de crainte de ne savoir où se dirigeront les rentes économiques.

Prenons par exemple la faiblesse des droits de coupe et les accords de gestion forestière favorables qui font en sorte que les rentes économiques vont entre les mains des participants étrangers aux capitaux propres. A long terme, cela signifierait sans doute la faillite.

Enfin, encourager les régions rurales du Canada, c'est-à-dire le Canada rural dans ce qu'il a d'intégré, de compétitif, de matériel, à réinvestir en amont, c'est-à-dire du côté de l'approvisionnement. Encourager aussi des régions rurales à investir en aval, dans les secteurs de la transformation et de la valeur ajoutée. Autrement dit, réinvestir dans les collectivités. Il faut donc aider les petites entreprises à se lancer en affaires, en leur fournissant les intrants, à intégrer le contrôle de la qualité dans leurs opérations et à se familiariser avec la procédure de l'Organisation internationale de normalisation, à laquelle on ne peut désormais échapper si l'on veut faire du commerce à l'échelle internationale.

Monsieur le président, au bas de la diapositive vous verrez que ceux qui sont les plus marginalisés ont besoin de notre aide. Nous devons leur proposer de faire des affaires différemment en appliquant d'abord des règles et des pratiques qui aillent les chercher.

Prenez le cas, par exemple, d'une femme qui va à sa succursale bancaire de Drumheller pour demander un prêt afin de lancer une nouvelle entreprise. Or, cette femme est obligée de demander à son mari de se porter garant du prêt. Voilà une pratique qui est limitative et contribue à garder les gens marginalisés.

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Éducation, éducation, éducation.

On parle de la mobilisation comme d'une bonne solution de rechange aux filets de sécurité. Cette analogie du filet de sécurité nous vient du cirque et de numéros de trapèze, et nous savons que les filets de sécurité sont suspendus, même pour les numéros des meilleurs trapézistes. Maintenant que nous avons l'expérience des filets de sécurité, nous pouvons peut-être nous demander s'ils sont toujours justifiés.

On pourrait appliquer la notion de l'observation intégrale à l'aide aux pauvres, et conclure avec ceux qui dépendent de l'assistance de l'État une sorte de contrat en vertu duquel ils s'intéresseraient de plus près à leur propre éducation et participeraient au système universel de soins de santé. Au Mexique, à titre d'expérience, on vient de lancer une carte à mémoire destinée aux plus démunis d'entre les pauvres. D'après un rapport que publiait récemment l'Economist, l'expérience de la carte à mémoire est couronnée du succès, car les pauvres des régions rurales semblent corriger leurs habitudes et se lancer dans des activités de valorisation de soi, autrement dit ils commencent à exercer un certain pouvoir sur leur vie.

Enfin, mettre l'accent sur les gens, et non pas sur les lieux. C'est évidemment difficile pour vous, puisque vous êtes des gens qui sont élus par d'autres pour représenter des lieux. C'est donc un compromis difficile pour vous. Toutefois, au lieu de mettre autant l'accent dans une région sur la politique rurale, il vaudrait peut-être mieux mettre l'accent sur ses habitants.

Comment payer pour cette réorientation? Manifestement, nous ne pouvons proposer quoi que ce soit qui coûte quelque chose aux contribuables. Nous allons vous soumettre quatre idées. Tout d'abord, que diriez-vous d'un contrat rural en vertu duquel le pays tout entier rétribuerait les habitants des régions rurales en fonction de ce qu'ils font pour l'environnement, pour réduire la pollution, pour entretenir les agréments du paysage, etc? Les habitants des régions rurales peuvent vendre les attraits de leurs régions par le truchement du tourisme, mais le tourisme ne tient pas compte de tous les coûts d'entretien de ces attraits.

Le précédent existe déjà. Je crois savoir qu'une région métropolitaine aux États-Unis a conclu un contrat en ce sens pour entretenir les activités de développement rural qui l'entourent.

Je vous propose maintenant une deuxième idée, celle d'une taxe sur les supermarchés. On pourrait peut-être songer à prélever une taxe d'un dixième p. 100 sur le chiffre d'affaires des supermarchés, taxe qui servirait à financer le développement rural.

Il existe beaucoup de précédents aux États-Unis pour ce qui est de notre troisième idée: nous proposons de donner aux services publics le mandat de mettre en valeur les régions rurales, pour que le gouvernement se retire de ce secteur.

Notre dernière suggestion, pour laquelle vous trouverez des précédents en Europe, c'est d'en confier le mandat aux banques. J'ai d'ailleurs déjà pris part en France à certains de ces projets, qui ont été couronnés de succès. En effet, les banques sont obligées par là d'assumer une bien plus grande part de leur responsabilité sociale, responsabilité qui semble parfois inexistante pour beaucoup de Canadiens.

Pour terminer, nous voudrions vous signaler quelques mots clés. D'abord, «revitalisation». Deuxièmement, «mobilisation». Troisièmement, «croissance» et «commerce». Quatrièmement, «équilibre»: équilibre entre, d'une part, le côté productiviste et compétitif de notre économie rurale où excellent beaucoup d'entreprises et de gens et, d'autre part, le côté récupération, qui chapeaute l'environnement et l'aspect social. Enfin, «médiation». En effet, les régions rurales du Canada sont à ce point hétérogènes qu'il est nécessaire de réunir les intérêts si divergents dans une démarche qui permette de faire la médiation entre les programmes parfois contradictoires, pour le plus grand progrès de l'ensemble des régions rurales du Canada.

Le président: Merci beaucoup, messieurs.

Monsieur Canuel.

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[Français]

M. Canuel (Matapédia - Matane): Je remercie le président et l'ancien président de la Fondation de venir nous présenter certaines idées nouvelles. J'aurai d'abord quelques commentaires à faire et, par la suite, une question à vous poser.

Il est urgent qu'on puisse s'asseoir ensemble pour parler du monde rural où je suis né, où j'ai vécu et où je travaille, particulièrement depuis 20 ans. Je vous écoute et je me dis qu'il y a 20 ans, malheureusement, on disait sensiblement la même chose. Pendant ces 20 ans, ce monde rural, au lieu de se ressaisir, est allé presque à sa perte.

Je parle particulièrement de l'Est du Québec. On a fait énormément de choses, dont Opération dignité et, après 10 ans, il faudrait recommencer. Pourquoi? Je ne le sais pas.

Très souvent, les gens nous disent: «Prenez-vous en mains». Mais ils oublient une petite chose: comment faut-il se prendre en mains? C'est le comment qui est important. Il n'est pas suffisant de se le dire, car on sait qu'il faut se prendre en mains.

On sait que l'État se désengage de plus en plus. Il y a quelques années, on avait instauré l'ADER, qui s'appelle aujourd'hui SADC, qui avait pour but d'aider de petits entrepreneurs, des personnes qui voulaient lancer quelque chose d'intéressant. Mais maintenant je m'aperçois que même la SADC est semblable à une banque. Il exige un endossement et il faut presque déposer sa chemise avant qu'il prête. Cet organisme fédéral, quant à moi, sert à très peu de choses. Malheureusement, cet organisme que je considérais excellent a été rendu inefficace à causes des normes.

Dans le monde rural, chez nous, le Plan de l'Est aidait énormément les travailleurs sylvicoles, et on vient de le couper. Vous disiez plus tôt qu'il serait bon qu'il y ait un ministère des Ressources rurales ou de l'Aménagement rural. Cependant, chaque année, on coupe dans le budget du ministère des Ressources naturelles. C'est presque un ministère fantôme. Si l'on crée quelque chose pour le développement rural et que l'on n'accorde pas les fonds nécessaires, c'est complètement inutile.

Quant à la fermeture des bureaux de poste dans les petites paroisses, cela a commencé sous les conservateurs. Vous allez me dire que cela ne représente qu'un employé ou deux, mais dans une petite paroisse, cela représentait plus qu'un ou deux employés; c'était une vie, une vie sociale.

On a déplacé dans les grands centres les bureaux régionaux du ministère des Ressources naturelles. Si je comprends bien, cela veut dire que, même si vous tenez des propos rassurants, les gouvernements, les uns après les autres, veulent faire disparaître les gens du monde rural.

On laissera quelques fermes ici et là. On laissera quelques industriels. Cinq personnes pourront peut-être gérer toutes les terres de la paroisse, et il n'y aura plus de gens dans le monde rural.

Dans certaines paroisses, il y avait 30 producteurs laitiers. Aujourd'hui, il n'en reste plus que deux ou trois. On dit qu'on produit autant, et c'est vrai. C'est un fait. Si on a des quotas de lait, on les remplit, mais les personnes ne sont plus là. Ce sont deux ou trois personnes qui gèrent tout cela.

C'est pour cela que je me dis que les gens du monde rural n'ont plus leur place, n'ont plus leur raison d'être. Ce gouvernement-ci, comme tous les autres, n'a pas la volonté de remédier à cela.

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Vous parliez également de recherche et de développement. Chez nous, à Sainte-Flavie, il y a l'Institut Maurice-Lamontagne. C'est quelque chose d'unique au Canada. Tout le monde en était très fier. Il faut que je dise que c'est M. De Bané, un député libéral, qui a été le promoteur de cet institut, et je lui dis bravo! Cependant, on met la hache là-dedans, on coupe les vivres, et les chercheurs, qui viennent du monde entier, vont évidemment aller dans d'autres centres. Je suis peut-être pessimiste, mais si le gouvernement ne donne pas un grand coup de barre d'ici un an ou deux, presque tous les jeunes s'en iront dans cinq ou dix ans.

On dit qu'avec l'informatique, on peut travailler chez soi. Bien sûr, avec Internet, on a le monde entier à ses pieds, mais il en faut plus. On ne reste pas à travailler tout seul dans un sous-sol. Il faut un environnement satisfaisant. Je m'aperçois que, de plus en plus, cet environnement périclite et se brise en quelque sorte et que nos jeunes ne sont plus intéressés.

Vous avez parlé des banques. Des banques, il y en a partout, même dans le monde rural, dans les petites régions comme les nôtres. Elles font des profits avec les gens du milieu. Même la Fédération des caisses populaires investit un peu chez nous, mais pas suffisamment. Par quels moyens pourrait-on obliger les banques à en redonner un peu aux gens des régions pour qu'ils puissent vivre décemment chez eux?

[Traduction]

M. Apedaile: C'est une question de fond. Ce que nous essayons de vous expliquer, c'est que le développement rural ne se fera pas en obligeant les habitants et les institutions de ces régions rurales à faire quoi que ce soit - même si c'est ce que nous aurions envie de faire parfois.

La proposition de Bill Reimer est intéressante en ce sens: il faudrait réunir à la même table les banques et les autres intervenants des régions rurales, pour que les conseils d'administration des banques soient sensibilisés à ce qu'il faut faire pour faire avancer les régions rurales du Canada.

Les banques de l'ouest du Canada ne sont pas aussi engagées que les banques québécoises dans le développement des régions rurales, si j'ai bien compris votre intervention. À l'heure actuelle, nos banques délaissent plutôt les régions, en n'y laissant que les divisions de la trésorerie et les coopératives de crédit. Il semble qu'il ne soit pas rentable pour une banque de n'avoir que des activités de dépôt.

On assiste actuellement à une restructuration du marché des services financiers, et il vaudrait peut-être la peine de l'étudier et d'en apprendre un peu plus sur la façon dont une économie rurale pourrait fonctionner sans la présence des banques, puisqu'elles semblent se faire de plus en plus rares.

Mais il vaut mieux comprendre cette restructuration plutôt que d'imposer quoi que ce soit.

Le président: Monsieur Thalheimer.

M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): On parle de développement économique des régions rurales, et dès lors que l'on parle d'économie dans une région il faut bien qu'il s'y trouve quelques habitants. Or, on a de la difficulté à garder les habitants des régions rurales, pour des raisons qui sautent aux yeux: les établissements et les services de santé, de même que les maisons d'enseignement, sont plutôt situés dans les grandes localités, et je pourrais donner beaucoup d'autres exemples.

Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous proposez. Devrait-il y avoir moins de localités rurales? Il existe beaucoup de petites localités de 200 ou de 300 habitants un peu partout au Canada, et il est manifeste que les infrastructures nécessaires pour faire vivre ces localités coûtent très cher. On ne peut s'attendre à y trouver des hôpitaux, des écoles et d'autres services nécessaires.

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Pour mettre en valeur notre économie et nos ressources naturelles, dans un pays où les distances sont énormes, ne vaudrait-il pas mieux favoriser la présence de grandes localités plus espacées les unes des autres, par exemple de 300 kilomètres, plutôt que d'encourager la présence de toutes sortes de petites localités qui ont du mal à survivre si elles n'ont pas les infrastructures nécessaires pour contrer l'exode de leurs habitants? Pour avoir du développement économique, il nous faut des habitants dans les régions, et ces habitants y résident déjà ou seront encouragés à s'y installer.

Êtes-vous en train de prôner qu'on réduise la taille des villes et de prôner le retour à la terre, dans de plus petites localités qui sont néanmoins suffisamment importantes pour justifier la présence d'hôpitaux, d'écoles et d'autres services? Ou êtes-vous plutôt en train de prôner l'exode des habitants des petites localités vers des localités plus imposantes, d'une population d'au moins100 000 habitants, qui offrent de bonnes écoles et de bons hôpitaux, etc.? Comment régler ce problème?

On parle beaucoup de l'exode rural. C'est sûr qu'il existe, puisque les régions rurales n'offrent rien. Pour aller voir le médecin, vous devez courir à Saskatoon ou à Vancouver. Pour faire des études, vous devez aussi vous déplacer, car les petites localités n'offrent rien.

Comment régler ce dilemme?

M. Reimer: D'abord, laissez-moi signaler que nous ne préconisons aucune solution particulière et que nous ne recommandons aucun chiffre idéal pour une population, et nous ne disons pas non plus que les localités devraient être situées à tel ou tel endroit, etc. Nous ne nous considérons pas comme un groupe de pression en ce sens.

Toutefois, nous reconnaissons que le problème existe. Nous sommes sensibles au lien qui existe entre la taille de la population, d'une part, et la viabilité des régions rurales, d'autre part. À cet égard, j'aimerais signaler une ou deux choses.

D'abord, nous suggérons d'explorer des façons de rendre plus visible la valeur de ces localités, au-delà de la simple base économique: on pourrait, par exemple, inscrire dans la structure économique quelques mécanismes qui permettraient de mettre en lumière les caractéristiques sociales et environnementales de ces localités. Une fois que cela aura été fait, et que la structure des localités aura changé, les gens pourront alors décider où ils veulent vivre, comment ils peuvent vivre et quel niveau de vie ils peuvent espérer atteindre dans ces régions; en fait, cela aura par ricochet une incidence sur la dimension de la localité.

Deuxièmement, ce que nous proposons, c'est de réunir à la même table les intéressés pour qu'ils tentent ensemble de résoudre les problèmes de dimension de la localité, de démographie, etc. Pour l'instant, il faut que les intéressés cessent de montrer leur esprit de clocher, qui parfois sonne le glas des localités.

Nous n'avons rien de spécifique à vous suggérer quant à la façon d'y parvenir. Nous vous suggérons plutôt d'explorer des façons de discuter des problèmes que vous soulevez dans une tribune où peuvent s'exprimer tous les intéressés.

M. Thalheimer: Mais à moins que l'on n'installe les services dans les petites localités, ce seront les localités qui se déplaceront vers ces services. Autrement dit, les gens quitteront la campagne pour aller vers les services que sont les hôpitaux, ou les écoles, par exemple.

À l'ère de la technologie spatiale, ces localités rurales grandissent grâce au secteur des services, etc., qui a de bonnes raisons de s'y installer. En effet, la technologie permet aux entreprises d'avoir des bureaux dans le centre-ville de Toronto et d'envoyer les services à la campagne. Mais pour que les localités rurales puissent recevoir les services, il leur faut l'infrastructure, les égouts, les aqueducs... Autrement dit, il faut construire toute la ville. Mais, récemment, on a vu les économies des localités rurales survivre grâce à l'apport des gens en provenance des centres urbains.

C'est ce qui se fait déjà dans le secteur des mines et des forêts dans ma région. Prenez la localité de Timmins. Une entreprise a organisé des camps de travail et envoie par avion pour sept jours des travailleurs à Detour Lake, qu'elle ramène ensuite à Timmins. Le reste de la famille continue à habiter dans la localité plus importante, où se trouvent les services tels que les hôpitaux, mais la compagnie envoie des gens travailler 300 kilomètres plus loin.

M. Apedaile: Laissez-moi ajouter quelque chose à ce qu'a dit Bill Reimer. La recherche que nous avons fait faire, et particulièrement celle qu'a faite Jack Stabler pour le Manitoba, l'Alberta, et le reste de l'ouest du Canada, démontre que les localités de la Saskatchewan sont en phase de consolidation.

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C'est surtout dû à des poussées commerciales. La commercialisation ou consolidation des services commerciaux et la réaction des populations rurales devant ces services obligent les entreprises à concentrer leurs efforts dans des localités plus imposantes.

En réponse à votre question, le gouvernement ou quelque autre grand organe de réglementation ne peut vraiment décider pour la population où celle-ci ira habiter demain et la façon dont elle veut organiser sa vie. L'important, c'est que ni les règlements ni les bureaucraties ne soient un frein pour la façon dont les gens veulent se réorganiser et ne se transforment en fardeau supplémentaire pour ceux qui ont déjà à subir les coûts de la réorganisation.

J'ai étudié personnellement le cas des fermetures de silos dans les Prairies. Les silos à grain sont une institution majeure dans toutes les petites localités. Notre recherche a démontré clairement - l'expérience le prouve d'ailleurs - que la fermeture d'un silo dans une localité rurale des Prairies ne change rien à l'endroit où la population décide de vivre. La fermeture se fait surtout sentir dans l'assiette fiscale.

La restructuration des municipalités rurales et la réorganisation de l'assiette fiscale nous obligent à nous positionner de façon stratégique pour mieux faire face à l'avenir; je ne parle pas uniquement de l'économie rurale dans le sens flou qu'on lui prête ici à Ottawa, mais des individus qui choisiront de rester et de lancer leur entreprise, d'investir et d'assumer des risques financiers, comme gérer une équipe de base-ball ou un club de curling. D'après ce qu'on a vu jusqu'ici, les fermetures de silos n'ont pas eu les conséquences catastrophiques et dramatiques qu'on avait prévues.

En ce qui concerne le coût des services, c'est l'accès qui est important. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que prétendent bien des gens, à savoir qu'il est possible d'exploiter une entreprise aussi bien à partir de la campagne que de la ville, grâce à la technologie de l'information. Si nous en avons fait mention sur la diapositive, c'est que nos informations nous ont appris que la technologie de l'information n'est pas aussi accessible à tous qu'on veut bien le faire croire, qu'elle coûte plus cher et qu'elle peut faire défaut plus facilement et présenter plus de pépins à la campagne qu'en ville.

Quand on parle de déréglementer les communications pour encourager l'expansion rapide de cette technologie de l'information, on parle surtout des régions métropolitaines, là où ça rapporte, alors que cette technologie coûte plus cher dans les régions rurales.

Je suis moi-même branché sur Internet à Edmonton: les 20 premières heures de communication me coûtent 20$ par mois, plus 1$ pour toute heure supplémentaire. À Willingdon, mon abonnement à Internet me coûte aussi 20$ par mois. Toutefois, cet abonnement ne me rapporte que quatre heures, et toute heure supplémentaire me coûte 2$. Et vous appelez ça avoir le même accès à la technologie?

Le président: Madame Cowling.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): D'abord, je veux remercier les témoins de leur exposé, qui est fort bien documenté.

Je voudrais informer les témoins que nous sommes ici un comité tripartite. Je représente moi-même un comté de l'Ouest, et je trouve sidérant que le Parti réformiste soit absent et ne puisse nous aider à formuler une politique au nom de ceux qu'il représente, à la lumière de l'information présentée. Beaucoup des députés réformistes viennent de l'ouest du Canada, tout comme moi. Je tenais à faire cette précision.

Vous avez mentionné que les régions rurales du Canada contribuent au PIB à raison de184 milliards de dollars. Cette somme inclut-elle les retombées économiques et les emplois créés dans les centres urbains grâce aux régions rurales? Dans la négative, il faudrait apporter les corrections nécessaires, puisque de nombreuses entreprises des centres urbains n'existent que grâce aux régions rurales.

Mon autre question reprend celle de mon collègue au sujet des investissements. Vous avez dit qu'au lieu de regarder la question sous l'angle du filet de sécurité, on devrait plutôt parler d'une approche holistique, d'une mobilisation complète de l'être humain. Pourriez-vous nous donner quelques explications là-dessus? C'est une notion que je connais peu, et vos explications pourront éclairer notre comité.

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J'en arrive à ma dernière question. Croyez-vous que les régions urbaines du Canada soient prêtes à intervenir pour revitaliser les régions rurales?

M. Apedaile: Commençons par les 184 milliards de dollars: ce chiffre est estimatif, car si compétents que soient les gens de Statistique Canada, il est très difficile de leur faire ventiler les chiffres en fonction des régions rurales et urbaines. Nous avons donc utilisé une méthode brute: nous avons divisé le PIB du Canada, qui est de plus de 500 milliards de dollars, en fonction du nombre de travailleurs canadiens qui ont une résidence rurale. Le nombre de ruraux qui habitent dans les régions rurales inclut ceux qui font la navette pour aller travailler dans des régions urbaines. Diviser ainsi le PIB donne sans doute un chiffre quelque peu gonflé, mais pas trop, nous l'espérons.

Pour répondre plus précisément à votre question, nous n'avons pas tenté d'intégrer l'effet multiplicateur aux régions urbaines du Canada. Mais je puis vous dire que, d'après une étude que j'ai faite à un moment donné sur l'investissement touristique en Alberta, l'effet de multiplication local était d'environ 1,15. Autrement dit, chaque dollar investi par un skieur dans ses loisirs apportait à la localité 15c. de plus. Dans la région d'Edmonton, cet investissement rapportait en gros un dollar de plus. En Ontario, c'était environ 1,25$.

C'est donc un point très valable. L'effet multiplicateur est assez minime pour le moment, et nous estimons qu'on pourrait l'accroître. Des choses qui se passent dans le Canada rural ont vraiment une plus grande incidence dans les villes du Canada.

Mme Cowling: Alors la contribution de 184 milliards de dollars ne reflète pas... Prenons comme exemple le ministère des Ressources naturelles, et en particulier toute la partie des sciences et de la technologie de ce ministère, qui existe réellement en fonction du Canada rural: le secteur minier, le secteur forestier. Au Manitoba, la Commission canadienne du blé ne serait pas là si ce n'était du fait que des agriculteurs canadiens produisent des céréales dans les Prairies. La contribution des Canadiens dans les régions rurales, tout ce qu'ils font pour le pays, est donc sous-estimée.

Pensez-vous que c'est une affirmation juste?

M. Apedaile: Je ne vous contredis pas.

M. Reimer: Je pourrais répondre à la deuxième de vos questions, au sujet de l'approche holistique que nous suggérons et de la recherche de solutions de rechange au programme de soutien du revenu, au filet de sécurité. C'est une discussion qui se poursuit au sein de notre groupe, comme c'est probablement le cas au sein du vôtre: comment résoudre les problèmes de cette nature, et plus particulièrement le troisième groupe sur lequel nous avons mis l'accent, c'est-à-dire ceux qui sont marginalisés, ceux qui le deviennent et ceux qui l'ont été.

Nous avons mis beaucoup plus l'accent sur l'élément éducation. Comme vous l'avez remarqué dans les exposés, nous mettions l'accent sur l'éducation, mais en faisant consciemment une distinction avec l'idée de la formation professionnelle, par exemple. Nous voulions explorer des options qui permettraient d'offrir l'équivalent de ce qu'on appelle actuellement des programmes de soutien du revenu, mais dans un contexte où l'objectif serait - nous utilisons nous-mêmes le terme «mobiliser» - de permettre aux gens d'aller dans des secteurs où ils ne sont pas actuellement.

Nous mettons l'accent sur l'éducation plutôt que sur la formation professionnelle, par exemple, à cause de la complexité du Canada rural, parce qu'il faudra dans la plupart des cas que les gens passent par différents types d'occupations, différents types de carrières, en réalité, et une formation visant des emplois spécifiques ne permet pas ce genre de souplesse.

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D'autre part, l'enseignement des techniques élémentaires, des techniques traditionnelles, des connaissances pratiques, et même l'alphabétisation... ce sont des types de formation qui ouvrent une foule de possibilités à court terme et à long terme. Nous voulons mettre l'accent sur la flexibilité à long terme lorsque nous parlons de solutions pour ce troisième groupe, par exemple - cela vaut même pour n'importe quel groupe, mais nous mettons l'accent sur le troisième groupe.

En favorisant une approche holistique, nous cherchons donc en réalité à montrer l'importance d'une stratégie offrant la flexibilité à long terme.

M. Apedaile: L'éducation permet aux gens de faire des choix et de profiter des possibilités qui se présentent. La formation peut devenir un vrai carcan. Je pense que personne n'est assez clairvoyant pour deviner où il pourra trouver un emploi, même après neuf mois de formation, mais une personne instruite peut toujours évaluer le marché, les possibilités, jeter un coup d'oeil alentour et déterminer quoi faire.

Mme Cowling: Pensez-vous que les citadins canadiens sont prêts?

M. Apedaile: Je pense qu'ils sont très bien disposés et qu'ils sont bienveillants, en ce qui concerne les questions rurales, et je pense qu'ils sont prêts à envisager la possibilité d'assumer leur part du fardeau. Ils apprécient vraiment les plaisirs de la vie rurale.

Le président: Madame Hickey.

Mme Hickey (St. John's-Est): Il est intéressant que vous ayez soulevé la question de l'éducation. Je viens de passer trois semaines difficiles à discuter avec des enfants de toutes les régions du pays d'éducation et de la transition de l'école au marché du travail.

Vous parliez de formation, et je pense que vous devriez probablement songer à la possibilité d'inclure la formation plus tôt à l'école, au lieu de plus tard, laissant les intéressés se préoccuper de savoir si la formation sera utile à la fin des neuf mois, parce que cela ajoutera un élément d'apprentissage à l'école. Je ne sais pas comment on pourrait intégrer cela au système scolaire, mais il y a peut-être moyen de le faire.

Au lieu de donner des ressources financières, qui sont essentiellement limitées, aux jeunes chômeurs des régions rurales, ne serait-il pas préférable pour eux que le gouvernement envisage une forme d'encouragement fiscal? Il y a une autre chose que j'ai entendue au cours de mes déplacements dans les régions du pays; on a suggéré de trouver un moyen de réduire le fardeau des entreprises, afin que les jeunes des régions rurales du pays aient la possibilité de trouver un emploi, car ces emplois n'existent pas actuellement.

M. Apedaile: Nous n'avons pas fait de recherche à ce sujet. Nous n'avons pas de renseignements sur cette question parce que nous n'en avons pas cherché. Les chefs de petites entreprises estiment généralement qu'ils paient trop d'impôt, et dans toute société on discute certainement toujours de la question de savoir qui paie les impôts et qui doit payer pour les services publics. Nous n'avons cependant pas étudié cette question. Je suis désolé. Cette réponse peut sembler être une dérobade, et c'en est une en quelque sorte, mais je ne connais tout simplement pas la réponse.

Mme Hickey: Vous voudrez peut-être étudier cette question, car elle suscite beaucoup d'intérêt dans l'ensemble du pays, et c'est une question importante. Vous voudrez peut-être en tenir compte.

Le président: Monsieur Bélair.

[Français]

M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Tout d'abord, je dois dire que je souscris largement aux propos de mon collègue du Bloc québécois. Il a peint un portrait assez pessimiste du Canada rural, mais je pense que c'est un portrait réaliste.

Avec toutes les coupures, les gouvernements fédéral et provinciaux semblent délaisser le Canada rural. Selon moi, d'ici cinq ou dix ans, une certaine anarchie régnera, cela jusqu'à ce que les plus grosses compagnies aient monopolisé les marchés et les entreprises.

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La technologie de pointe a eu beaucoup à voir avec la perte d'emplois. Les gens déménageaient vers les centres urbains pour se trouver de l'emploi. Ce qui est de plus en plus inquiétant - ma collègue de Terre-Neuve vient tout juste d'en parler - , c'est l'exode des jeunes vers les centres urbains, pas nécessairement à cause d'un manque d'instruction ou d'un manque de spécialisation dans des métiers spécifiques, mais simplement parce qu'il n'y a pas d'emplois. C'est extrêmement inquiétant à long terme.

Je ne suis pas d'accord avec vous que la population rurale augmente. Ce n'est sûrement pas le cas chez nous. Cependant, vous n'avez pas parlé de développement régional. Vous n'avez pas fait de commentaires sur les programmes actuels qui ont pour but d'aider le Canada rural, mais vous avez parlé de cette surtaxe avec les supermarchés qui, selon moi, serait très mal vue et très mal acceptée.

Qu'est-ce que le gouvernement fédéral devrait faire de plus? Il faut tout d'abord encourager nos jeunes à ouvrir des petites entreprises, à rester chez nous afin que nos régions puissent en profiter, ce qui assurerait notre survie à long terme.

J'ai lu rapidement votre document et votre description d'un Canada rural 3. Dans plusieurs régions du pays, c'est en effet une question de survie. Mais il faut que les gens recommencent à penser plus positivement et il faut s'assurer qu'à long terme, ce que nous avons actuellement puisse fructifier afin d'assurer aux gens des emplois permanents et une qualité de vie décente, pour employer les mots de mon collègue du Bloc.

Nous savons tous que dans le Canada rural, les gens ont du mal à survivre. Ils ne jouissent pas nécessairement de la qualité de vie qu'on connaît dans les centres urbains. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus, messieurs.

[Traduction]

M. Reimer: Vous avez abordé un certain nombre de points, et je les trouve extrêmement importants. Comme nous l'avons dit, il y a des questions auxquelles nous ne pouvons pas donner de réponse. Nous pouvons faire des commentaires sur certaines des discussions que nous avons eues et certaines des questions sur lesquelles nous nous sommes concentrés.

Vous avez mentionné les programmes de développement régional et les programmes qui existent actuellement. L'une des choses que nous aimerions faire, justement, c'est d'examiner les nombreux programmes instaurés par le gouvernement au cours des 50 dernières années. Il y a eu un grand nombre de types de programmes différents. Les renseignements concernant ces programmes ou leurs résultats sont certainement du domaine public, mais on en a très peu analysé ou examiné d'une manière qui nous permettrait d'évaluer l'utilité relative des divers programmes.

À notre avis, c'est une occasion formidable d'examiner ces programmes et de voir ce que nous avons fait dans le passé, ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné, quels ont été les résultats et ce que nous devrions éviter à l'avenir. Nous sommes très conscients des difficultés qu'il y a à obtenir des renseignements dans ce domaine et à faire l'analyse qui nous permettrait d'évaluer certains de ces programmes.

Vouliez-vous faire des commentaires?

M. Apedaile: La question de la qualité de vie porte toujours à controverse parce qu'il y a beaucoup de personnes qui affirment que les gens doivent rester dans les régions rurales. Dans les hameaux isolés de Terre-Neuve, par exemple, on me répète sans cesse que des gens retournent vivre dans des endroits où l'économie est assez pauvre, mais ils ont habituellement l'assurance d'un revenu régulier, évidemment. Ils préfèrent la qualité de vie offerte dans un hameau isolé à celle qu'ils ont connue à Toronto ou à Fort McMurray.

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La qualité de vie est en effet un élément subjectif. Cela fait partie du libre choix que les gens ont ou devraient avoir quant à l'endroit où ils veulent vivre.

Il y a une question beaucoup plus difficile, qui est celle de savoir qui paie pour cette qualité de vie et si les activités économiques auxquelles les gens se livrent sont rémunérées comme il se doit. C'est la même vieille question. On nous présente continuellement des cas d'inégalité entre les sexes, des cas où un homme et une femme font le même travail. L'homme est payé à un certain niveau qui est plus élevé que le salaire de la femme. Tant que l'homme et la femme ne savent pas vraiment ce que l'autre gagne, les choses vont assez bien. La comparaison est assez facile à faire. Mais lorsqu'il s'agit de comparer les revenus au centre-ville de Montréal avec ceux de l'Anse-aux-Meadows, à Terre-Neuve, ou d'un autre endroit semblable, la comparaison est alors plus difficile, parce qu'il y a cette question de la qualité de vie.

L'un de nos principaux arguments, monsieur Bélair, c'est que les Canadiens des régions rurales, quoi qu'ils fassent d'autre, sont les véritables gardiens des plaisirs de la vie rurale, dont des centaines de milliers de citadins peuvent jouir sans qu'il leur en coûte un sou. Leur en faire payer le coût au moyen du régime fiscal est non seulement inefficace, à notre avis, mais cela peut aussi mener à toutes sortes de distorsions économiques. Alors pourquoi ne pas chercher un moyen quelconque pour faire payer l'intérêt national que servent les gens des régions rurales? On ne pourra certainement pas le faire sur le marché, parce qu'il ne s'agit pas de choses qui sont vendues et achetées. Elles ont cependant de la valeur. Je pense que les résidents des régions rurales et urbaines seraient prêts à se rencontrer pour négocier le prix à payer pour ces choses que les gens des régions rurales font à leurs propres frais.

M. Reimer: Les parcs nationaux en sont un exemple. Ils reconnaissent la contribution des gens des régions rurales.

M. Bélair: Dans votre exposé vous n'avez pas une seule fois utilisé le mot «transports». Vous n'ignorez sûrement pas que les transports sont un problème important dans les régions rurales, car même si nous pouvons créer des produits à valeur ajoutée - en effet nous pouvons produire presque tout ce qu'on nous demande - dès qu'on y ajoute les coûts de transport les prix de ces produits deviennent prohibitifs. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Apedaile: J'ai eu une réunion très intéressante avec un certain M. Tremblay, qui, si je ne m'abuse, était de Saint-Clément, près de Rimouski. Ce monsieur est l'entrepreneur parfait. Il fait face à ce même problème, et à beaucoup d'autres difficultés d'une entreprise travaillant dans une petite collectivité. Il est arrivé à les surmonter en confiant le camionnage à des sous-traitants locaux, et il réussit maintenant à percer sur le marché américain. Il organise des petits déjeuners avec d'autres gens d'affaires pour parler de nouvelles idées qu'on peut lancer aux États-Unis, et des moyens de régler les problèmes de courtage et de transport.

Avec les informations nécessaires je crois qu'on peut résoudre ces problèmes.

M. Bélair: Il a de la chance de vivre près de la frontière des États-Unis. Nous ne sommes pas dans la même situation. Je suis du nord de l'Ontario, près de la baie James, à 600 milles de Toronto. Voilà le genre de problème de transport dont je parle.

M. Apedaile: Dans ce contexte, les couloirs de commerce qui se développent dans toutes les régions de l'Amérique du Nord à la suite de l'ALENA offrent des possibilités très intéressantes. Wes Barrett, du Manitoba, qui s'occupe beaucoup de ces couloirs, nous a fait un exposé à ce sujet. Ces couloirs de commerce sont simplement une nouvelle idée. Les collectivités rurales situées le long de ces couloirs ont accès à des marchés allant jusqu'au Mexique. C'est le cas d'une ville éloignée comme Churchill, qui est située à l'ouest de votre région, mais qui, tout comme vous, a accès à ces couloirs.

Les gens qui s'occupent de ces couloirs ont toutes sortes d'idées innovatrices et imaginatives. Elles sont toutes différentes.

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Le président: Vous avez dit que les investissements, c'est-à-dire les économies, des Canadiens habitant les régions rurales se dirigeaient vers les centres urbains. Certains États américains ont des lois qui obligent les banques communautaires à investir un montant équivalent sous forme de prêts dans leurs collectivités. Pourrait-on faire la même chose dans les régions rurales du Canada?

M. Apedaile: Dans le cadre d'un processus consultatif dont nous parlons, je crois qu'on devrait certainement envisager une telle formule. Les banques canadiennes semblent avoir de la difficulté à accepter qu'en tant qu'institution sociale elles ont des responsabilités.

Je ne crois pas qu'il soit possible d'imposer une telle règle, mais je suis sûr que les banques pourraient élaborer et adopter une telle politique.

Le président: Vous avez donné un très bon exemple de l'accès à l'Internet. D'autres témoins ont signalé qu'on s'inquiète dans les régions rurales du processus de privatisation, que même si la privatisation semble logique dans les centres urbains, car le secteur privé peut y intervenir, il n'en est pas de dans les régions rurales.

Pour ce qui est de l'accès à l'Internet ou aux services de ce genre offerts par Bell, croyez-vous que le gouvernement devrait continuer de réglementer ces secteurs dans les régions rurales?

M. Apedaile: Bill peut répondre à cette question.

D'un point de vue purement personnel, je crois qu'une telle réglementation est toujours nécessaire. Sinon, en raison des principes de recouvrement des coûts, les coûts monteront en flèche.

M. Reimer: Je partage votre opinion à ce sujet. Je crois que cet exemple démontre clairement que dans ces circonstances il n'y a pas une seule solution. Dans le cas des régions rurales, il faut décider quelle formule leur offre les plus grands avantages sociaux, et pourrait profiter aussi aux centres urbains.

Le président: Je pense que vous êtes le quatrième témoin à signaler qu'il faut adopter une formule globale, holistique, qui ne se limite pas à l'agriculture, aux ressources naturelles ou au tourisme. Il y a beaucoup de secteurs d'activité dans les régions rurales. Tout comme d'autres témoins, vous proposez qu'on confie à un ministre la responsabilité des régions rurales, et qu'on crée un conseil consultatif qui relèverait de ce dernier.

Pourriez-vous nous expliquer les avantages qui découleraient d'une telle formule?

M. Reimer: J'ai dit qu'il y a deux avantages. Le conseil permettrait de regrouper divers intérêts et intervenants qui habituellement ne sont pas représentés, mais devraient l'être. Si nous insistons sur la création du conseil, c'est parce qu'on veut que les différents intervenants soient représentés de façon raisonnable.

L'avantage de désigner un ministre, c'est qu'il pourra intégrer toutes les informations reçues. Ayant une optique globale de la situation, il pourra prendre des décisions et agir en conséquence.

Voilà donc les deux avantages principaux que nous voyons à cette formule.

M. Apedaile: Je ne suis pas politicologue, mais j'aimerais juste ajouter que c'est au sein du Conseil des ministres que les divers intérêts sont représentés: le milieu agricole, le secteur des ressources naturelles, de la défense, etc. Dans ce contexte, il y aurait quelqu'un pour représenter les intérêts des régions rurales.

Comme nous l'avons souligné, 70 p. 100 des gens vivant dans les régions rurales ne travaillent pas dans ce secteur d'activité qui contribue tant à notre PIB. Il y a probablement moins de 10 p. 100 qui y participent.

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J'ai expliqué au ministre de l'Agriculture de l'Alberta qu'il faisait partie de la solution de3 p. 100. Il m'a demandé ce que je voulais dire, et je lui ai expliqué que 10 p. 100 des Albertains sont des agriculteurs, mais qu'il ressort de nos recherches que seulement 30 p. 100 de ce nombre gagnent leur vie dans l'agriculture; 30 p. 100 de 10 p. 100 représentent 3 p. 100. Tous les fonds qu'on consacre à l'agriculture et toutes les décisions qu'on prend au Conseil des ministres ne visent que3 p. 100 de la population active de l'Alberta. Je lui ai demandé combien de temps encore il espère survivre en ne représentant que 3 p. 100 de la population. Il m'a dit qu'il y avait réfléchi et qu'il trouvait la question intéressante. C'est pourquoi il faut voir comment les décideurs représentent les intérêts ruraux.

Le président: J'ai une dernière question. Vous avez soulevé un point intéressant, à savoir que les habitants des centres urbains reconnaissent la valeur des régions rurales et la contribution des gens qui y vivent et les conservent. C'est une idée très intéressante pour quelqu'un qui représenteune circonscription située à deux heures au nord de Toronto et qui voit un afflux de quelque60 000 résidents saisonniers chaque année.

J'aimerais savoir ce que vous envisagez comme mécanisme pour reconnaître cette contribution. Vous avez dit que ni le régime fiscal ni les marchés ne seraient appropriés ici. Quels mécanismes préconiseriez-vous pour effectuer, le mot exact me manque, ce transfert ou paiement du Canada urbain au Canada rural? Quel genre de structure faudrait-il établir?

M. Apedaile: Il va sans dire que cette idée provient de notre expérience européenne. Notre association a des liens en Europe et au Japon, et nous suivons ce qu'on fait dans d'autres pays pour s'occuper de ces problèmes. La Commission européenne a décidé tout simplement d'affecter une partie des fonds qu'elle reçoit aux régions rurales, et elle trouve d'ailleurs que cela coûte beaucoup moins cher que de l'affecter à la politique agricole commune.

Personnellement - j'aimerais étudier cette question plus en profondeur - je crois qu'il faudrait négocier des contrats locaux entre les centres métropolitains et les régions rurales périphériques, ce qui aboutirait à un système de cogestion qui permettrait aux citadins de se servir des aménagements, des attraits locaux, etc.

Dans notre système économique, le seul moyen d'obtenir des recettes, c'est de faire quelque chose dont les autres peuvent se servir. Le problème, c'est que les habitants des régions rurales font quelque chose qui est très utile aux utilisateurs, et à l'heure actuelle il n'existe aucun mécanisme pour compenser ceux qui en assument le coût. Je pense qu'un contrat économique ou social entre les centres métropolitains et les régions rurales aurait des chances de réussir. Je crois que c'est ce qu'on a fait à Minot, dans le Dakota du Nord, et j'espère étudier ce cas, ainsi que d'autres exemples de ce genre.

Le président: Merci.

Messieurs, j'aimerais vous remercier d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Votre témoignage était très intéressant. Vous nous avez donné beaucoup de bonnes suggestions que le comité étudiera. Je vous remercie à nouveau.

La séance est levée.

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