[Enregistrement électronique]
Le mercredi 25 septembre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Merci beaucoup.
Nous entamons aujourd'hui une nouvelle étape de nos audiences qui porteront sur un sujet quelque peu différent. Nous commençons notre examen du projet de loi C-23, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Le comité tiendra quatre ou cinq semaines d'audiences sur cette mesure.
Un grand nombre de groupements, de particuliers et d'organismes ont manifesté le désir de venir témoigner devant le comité. Nous nous sommes efforcés d'en inclure le plus grand nombre possible sur notre liste.
Après aujourd'hui et demain, nous procéderons de façon un peu différente en ce sens que nous ferons comparaître quatre ou cinq groupes en même temps. Nous formerons des tables rondes afin de pouvoir entendre le maximum de témoignages.
La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires concerne la réglementation relative à la sécurité nucléaire. La nouvelle loi reflétera explicitement les activités actuelles des autorités chargées de la réglementation sur le plan de la santé, de la sécurité et de la protection de l'environnement. C'est, je crois, la première fois depuis plusieurs dizaines d'années que l'on met à jour les dispositions législatives qui s'appliquent à ce domaine.
J'ai une ou deux choses à signaler avant que nous ne commencions. C'est un sujet très vaste qui suscite beaucoup d'intérêt, mais je rappellerais aux membres du comité que nous sommes ici pour étudier le projet de loi C-23. Nous disposons certainement d'une marge de manoeuvre, mais je demanderais que nous nous concentrions sur notre tâche soit l'examen du projet de loi C-23. Deuxièmement, quand nous en arriverons aux questions, nous procéderons par tours de dix minutes, en commençant par le Bloc, puis le Parti réformiste et ensuite le gouvernement. Nous continuerons ainsi jusqu'à ce que nous n'ayons plus de questions.
J'ai le grand plaisir de recevoir comme premier témoin aujourd'hui la ministre des Ressources naturelles, l'honorable Anne McLellan. Elle va nous faire une déclaration liminaire.
Je crois que vous êtes accompagnée de plusieurs personnes: M. Morrison...
L'honorable Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles): Mme Bishop de la CCEA et John McManus, de la CCEA.
Le président: Très bien, madame la ministre, je vais vous demander de nous faire une déclaration liminaire après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
Mme McLellan: Bonjour. Merci monsieur le président. Je vous remercie de me donner l'occasion de discuter avec le comité du projet de loi C-23, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. C'est pour moi un grand plaisir. J'aime beaucoup venir discuter avec les membres de votre comité. Je suis certaine que la réunion de cet après-midi ne fera pas exception à la règle et c'est donc un grand plaisir pour moi que de me trouver ici encore une fois.
Dans mon allocution, je passerai en revue les principaux éléments du projet de loi et j'aborderai des questions qui ont été soulevées à la deuxième lecture.
[Français]
Avant de commencer, j'aimerais faire quelques observations au sujet de l'importance de l'industrie nucléaire pour le Canada et de sa contribution au mieux-être des Canadiens.
[Traduction]
On estime que le secteur nucléaire canadien emploie plus de 26 000 personnes. Dix mille autres travaillent pour des entreprises qui fournissent des pièces non nucléaires à l'industrie. Beaucoup de ces travailleurs occupent des emplois hautement spécialisés dans le domaine du génie, de la fabrication, de la construction et des services qui découlent des commandes passées par des centrales nucléaires CANDU.
Les centrales nucléaires produisent environ 20 p. 100 de l'électricité canadienne. En Ontario, leur contribution dépasse 60 p. 100. Les facteurs d'efficacité élevée et les faibles coûts de combustible et de fonctionnement font de l'énergie nucléaire une source économique d'électricité. En plus de fournir une part importante de l'électricité canadienne, les centrales nucléaires ont un avantage environnemental majeur: elles ne produisent pas d'émissions de gaz à effet de serre. Si vous avez vu la première page de l'Ottawa Citizen de ce matin, vous savez qu'on se préoccupe de plus en plus, chez nous comme ailleurs, du réchauffement de la planète et des changements climatiques. Si les 20 centrales nucléaires canadiennes étaient remplacées par des installations alimentées avec des combustibles fossiles, cela pourrait doubler les émissions canadiennes de gaz à effet de serre découlant de la production d'électricité. Il s'agit d'une considération importante étant donné l'intérêt accru que suscite le problème du réchauffement de la planète.
Le Canada est le plus grand producteur d'uranium au monde. Il alimente des fournisseurs d'électricité dans de nombreux pays. Chaque année, nous exportons pour environ 500 millions de dollars d'uranium qui sert exclusivement à des fins pacifiques.
En outre, les technologies nucléaires sont largement utilisées en médecine, que ce soit pour traiter le cancer ou pour poser des diagnostics. En fait, un Canadien sur quatre qui se rend à l'hôpital reçoit un diagnostic qui a été établi grâce à la technologie nucléaire. Un organisme de réglementation solide et indépendant est primordial pour le développement sécuritaire de l'électricité nucléaire et d'autres technologies nucléaires.
Le projet de loi C-23 procurera aux Canadiens une législation moderne pour régir l'industrie nucléaire canadienne. L'organisme de réglementation nucléaire sera investi de pouvoirs clairement définis et aura toutes les caractéristiques d'un régime de réglementation moderne.
La Commission de contrôle de l'énergie atomique sera rebaptisée Commission canadienne de sûreté nucléaire. Ce nouveau nom établira une distinction claire avec Énergie atomique du Canada Limitée et éliminera, chez les Canadiens, toute confusion quant aux rôles de ces deux organisations.
Il y a 50 ans, la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique a été établie avant tout pour assurer la sécurité nationale. Aujourd'hui, comme chacun sait, les activités et les responsabilités de la Commission de contrôle de l'énergie atomique dépassent les questions de sécurité nationale. La Commission se consacre en grande partie à faire en sorte que le développement et l'utilisation de l'énergie nucléaire ne posent pas de risque inacceptable pour les Canadiens et l'environnement.
[Français]
Le projet de loi C-23 établit clairement que l'une des responsabilités de la Commission est de veiller à la santé et à la sécurité des travailleurs du secteur nucléaire et du public, ainsi que de protéger l'environnement.
[Traduction]
Le fait d'inclure la protection de l'environnement dans le mandat de la Commission sert de complément à la nécessité de procéder à l'évaluation environnementale aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et appuie la priorité que s'est donnée le gouvernement de promouvoir le développement durable.
Monsieur le président, la Commission conservera son rôle dans les questions de sécurité nationale. Je tiens à ce que ce soit bien clair. L'ensemble de ses activités a changé d'orientation, mais elle continue à jouer un rôle important sur le plan de la sécurité nationale en ce qui concerne l'industrie nucléaire.
Dans ce contexte, la Commission aura le pouvoir de délivrer des licences ou des permis autorisant l'importation et l'exportation de matières et de technologies nucléaires. Elle contrôlera la diffusion d'information concernant les technologies nucléaires et elle aura le pouvoir de mettre en place, au Canada, les mesures que nous avons convenu d'adopter pour assurer le contrôle international de l'énergie nucléaire, particulièrement en ce qui touche la non-prolifération des armes nucléaires et des dispositifs nucléaires explosifs.
Le projet de loi C-23 réglemente de façon plus explicite l'industrie nucléaire. Il le fait en clarifiant les pouvoirs de la Commission en matière de délivrance de licences ou de permis, notamment le pouvoir d'annexer des conditions à ces licences ou à ces permis; en précisant les vastes pouvoirs de réglementation de la Commission; en clarifiant les pouvoirs des inspecteurs et des fonctionnaires désignés et enfin, en spécifiant le pouvoir de la Commission d'appuyer des comités ou des travaux de R-D concernant des questions scientifiques ou réglementaires, de distribuer de l'information nucléaire de même que d'homologuer l'équipement et d'attester la compétence des travailleurs dans l'industrie nucléaire.
Le projet de loi C-23 précisera les pouvoirs de l'organisme fédéral de réglementation et aidera la Commission à faire face aux démarches juridiques visant à contester ses pouvoirs.
La Commission disposera des outils administratifs d'un régime de réglementation moderne. Le nombre de commissaires passera de cinq à sept. Cela permettra à la Commission d'élargir son champ d'expertise et lui donnera plus de souplesse pour constituer des comités afin de tenir des audiences.
La Commission sera un tribunal d'archives ayant le pouvoir de tenir au besoin des audiences publiques formelles ou informelles. Les membres de la Commission pourront siéger à des formations et prendre des décisions au nom de la Commission sur diverses questions soumises aux formations. Grâce à cette marge de manoeuvre, la Commission pourra s'acquitter plus facilement de ses fonctions. Le projet de loi C-23 contient également des dispositions d'appel pour les décisions et les ordres des inspecteurs et des fonctionnaires désignés ainsi que pour les décisions de la Commission.
Monsieur le président, permettez-moi de souligner les nouvelles dispositions que prévoit cette loi. Le projet de loi C-23 confère à la Commission le pouvoir d'ordonner à des entreprises ou à des tiers, si nécessaire, de nettoyer des sites contaminés et de permettre aux tiers qui exécutent les travaux d'assainissement de récupérer leurs coûts.
La Commission aura le pouvoir d'exiger le versement d'une garantie financière au sujet des activités de déclassement comme condition d'émission d'une licence ou d'un permis. Cela évitera que les gouvernements deviennent les «propriétaires de dernier recours».
La Commission aura le pouvoir de facturer ses services, y compris d'exiger des droits de licence ou de permis pour les activités réglementées.
Les amendes imposées pour les infractions associées aux licences et aux permis pourront atteindre jusqu'à 1 million de dollars. À l'heure actuelle, elles ne peuvent pas dépasser 10 000$ ce qui, comme chacun sait, représente à peine plus qu'une mesure vexatoire pour les titulaires de permis qui disposent de gros moyens. Les sociétés d'État fédérales et provinciales telles qu'EACL et les services publics provinciaux qui possèdent des installations nucléaires seront assujettis à cette loi.
Le projet de loi C-23 contient aussi des dispositions qui inciteront les gouvernements fédéral et provinciaux à accélérer leurs efforts pour réduire ou éliminer le double emploi et les chevauchements dans la réglementation de l'industrie nucléaire. C'est un aspect très important compte tenu de l'engagement général et permanent du gouvernement à apporter une réforme de la réglementation et à améliorer son efficacité. Je sais d'ailleurs que votre comité s'est déjà intéressé à cette question.
Le projet de loi C-23 permettra au gouvernement d'incorporer des règlements provinciaux dans la législation fédérale et de déléguer l'administration de ces règlements aux provinces concernées. Un mécanisme similaire a été établi dans les récents amendements au Code canadien du travail relativement à des questions liées au travail ainsi qu'à la santé et à la sécurité dans les installations nucléaires.
Le projet de loi C-23 permettra aussi à des responsables provinciaux d'être nommés inspecteurs et fonctionnaires désignés de la Commission et d'assumer des responsabilités fédérales en tant qu'agents de la Commission.
Pour conclure sur les objectifs de ce projet de loi, j'aimerais signaler que, bien que le projet de loi C-23 institue EACL en tant que société d'État, il ne touche aucunement au mandat et au fonctionnement d'EACL qui sont stipulés dans la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique.
L'une des conséquences du projet de loi est qu'EACL et la nouvelle Commission seront régies par des lois distinctes, ce qui représente sans doute un progrès aux yeux de tout le monde.
Monsieur le président, j'aimerais maintenant faire quelques brefs commentaires sur certaines des questions qui ont été soulevées au cours du débat en deuxième lecture sur ce projet de loi.
Premièrement, en ce qui concerne la suggestion d'inclure une disposition obligeant la Commission à consulter l'industrie et au sujet des changements aux droits de licence ou de permis, je tiens à souligner que ces droits sont établis par voie de règlement. Ils sont donc publiés dans la Gazette du Canada avant d'être promulgués. De plus, les titulaires de permis ont la possibilité de faire des commentaires, lesquels sont souvent reflétés dans la réglementation finale qui est approuvée par le Cabinet.
Ce processus de consultation publique est une étape importante qui garantit que les règlements tiennent compte des besoins et des préoccupations de l'industrie et de la population canadiennes. Par exemple, plusieurs changements ont été apportés en 1996 aux règlements sur les droits pour le recouvrement des coûts de la CCEA à la suite des commentaires formulés par des entreprises de l'industrie nucléaire, en particulier celles qui se servent de jauges portatives pour faire des inspections radiologiques.
Les dispositions du projet de loi C-23 garantiront que les droits de licence ou de permis n'excèdent pas une estimation raisonnable de ce qu'il en coûte pour réglementer l'activité visée par la licence ou le permis. Une autre suggestion concernait l'inclusion d'un renvoi à l'analyse coûts-avantages. Le gouvernement a discuté de la question avec des associations de l'industrie, et les parties se sont entendues pour dire qu'il n'est pas indiqué d'inclure une telle disposition dans la loi pour l'instant. La CCEA travaille en collaboration avec des représentants de l'industrie pour déterminer à quel moment et de quelle façon l'analyse coûts-avantages devrait être utilisée.
En ce qui concerne l'indépendance des commissaires de la CCEA, la loi proposée la renforce. En effet, dorénavant, les commissaires ne seront plus nommés «à titre amovible», mais pour une période déterminée, et ils ne pourront être limogés que pour des motifs valables. De plus, le pouvoir du gouvernement de fixer des objectifs stratégiques généraux pour la Commission sera conféré au gouverneur en conseil et non au ministre.
Enfin, permettez-moi de dire quelques mots quant à la souplesse que la loi proposée apporte en ce qui a trait à la collaboration fédérale-provinciale. Les mécanismes d'interdélégation du projet de loi C-23 accordent un maximum de souplesse dans le cadre du régime actuel de réglementation nucléaire fédérale. Nous travaillons de concert avec la province de la Saskatchewan pour cerner les cas de double emploi et de chevauchement dans la réglementation des mines et des usines d'uranium et pour trouver des moyens de les éliminer.
Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de rencontrer, à Yellowknife, mon homologue de la Saskatchewan, Eldon Lautermilch, le ministre de l'Énergie et des Mines. Nous avons abordé directement la question du chevauchement et du double emploi dans le contexte de ce projet de loi. Je lui ai promis de continuer à travailler en collaboration étroite avec lui et le gouvernement de la Saskatchewan dans le contexte de la nouvelle loi, si cette mesure est adoptée sous sa forme actuelle, afin d'éviter les chevauchements et le double emploi dans toute la mesure du possible.
Je crois que mon collègue a été rassuré par cette promesse et l'engagement que j'ai pris, au nom de mon ministère, à poursuivre ces discussions avec la Saskatchewan. Je sais que c'est une question délicate. Les discussions n'ont pas toujours progressé rapidement, mais je suis convaincue que nous pourrons parvenir, avec la Saskatchewan, à une entente avantageuse pour tout le monde.
Au cours du débat en deuxième lecture, il a aussi été question de modifier la Loi sur la responsabilité nucléaire. Il s'agit d'un dossier distinct, mais le gouvernement reconnaît qu'il suscite des préoccupations légitimes et mon ministère est en train de revoir cette loi. Le gouvernement a l'intention d'actualiser la Loi sur la responsabilité nucléaire afin d'améliorer les mécanismes d'indemnisation, de minimiser les responsabilités du gouvernement fédéral et de régler certains problèmes techniques que pose la loi.
Monsieur le président, je suis heureuse de constater que tous les partis ont appuyé le projet de loi en deuxième lecture. Le comité conviendra, j'en suis persuadé, que le projet de loi C-23 établira un organisme de réglementation solide et autonome pour une industrie qui rapporte de nombreux avantages à tous les Canadiens. Nous avions besoin d'une telle loi depuis longtemps. La loi que vous révisez n'avait pratiquement pas changé depuis près de... John, 50 ans?
M. John McManus (conseiller spécial du Secrétaire général, Commission de contrôle de l'énergie atomique): Depuis 1946.
Mme McLellan: Nous célébrons donc le 50e anniversaire de la loi qui établissait la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Toutes les personnes ici présentes savent que la réglementation a évolué. Le monde s'est transformé de façon spectaculaire sur le plan de l'énergie nucléaire et des préoccupations entourant l'industrie nucléaire. Il est temps, je crois, que nous saisissions tous l'occasion de réviser cette loi très importante.
Je vais suivre vos délibérations et je suis certainement prête à répondre à vos questions aujourd'hui. Merci beaucoup monsieur le président.
Le président: Merci, madame la ministre.
Nous allons commencer par les questions du Bloc. Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies (Abitibi): Il nous fait toujours plaisir de vous recevoir, madame la ministre. La loi qui régit l'énergie nucléaire au Canada a sûrement besoin d'être changée, tout particulièrement avec les changements survenus au cours des 50 dernières années.
Ce projet de loi pourra être relativement controversé puisque l'énergie atomique est en soi un secteur très controversé. Vous disiez au départ que l'industrie générait beaucoup d'emplois ici, au Canada. Beaucoup d'investissements ont été faits, tout particulièrement ici, en Ontario, où l'on compte une vingtaine de centrales nucléaires.
On peut s'interroger quand même sur le rendement de ces centrales, surtout en fonction des coûts que peut entraîner l'élimination des déchets nucléaires. Une des questions que le public se pose en général lorsqu'il s'agit d'énergie nucléaire est de savoir s'il sera consulté. Considérez-vous que ce serait le ministère des Ressources naturelles, par l'entremise de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, qui devrait contrôler les audiences publiques lors de l'établissement d'une centrale nucléaire ou d'une usine qui traite des produits atomiques?
[Traduction]
Mme McLellan: Mme Bishop, M. McManus ou M. Morrison ont peut-être quelque chose à dire à ce sujet, mais selon moi, la Commission de contrôle de l'énergie atomique est l'organisme compétent pour examiner les questions de permis et de réglementation. À mon avis, il faut confier cela à un groupe d'experts qui comprennent les problèmes de santé et de sécurité qui entourent, par exemple, la construction d'une centrale nucléaire. Nous avons certainement besoin d'experts indépendants pour examiner les inquiétudes tout à fait légitimes des citoyens et des collectivités qui se trouvent à proximité des futures installations... Les intéressés doivent pouvoir faire connaître leurs préoccupations à cet organisme impartial qui les évaluera en tenant compte des normes les plus élevées qui soient. Telle est la réputation dont jouit la Commission de contrôle de l'énergie atomique.
D'autres auront peut-être quelque chose à ajouter, mais en tant qu'élue politique, je trouve non seulement logique, mais également rassurant de savoir qu'un organisme de la compétence de la Commission de contrôle de l'énergie atomique évalue ce genre de demandes, octroie les permis et détermine les conditions d'octroi de ces permis.
[Français]
M. Deshaies: Madame la ministre, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a déjà, à ma connaissance, un droit de regard sur l'évaluation lors de la construction d'une centrale nucléaire ou d'une usine qui traite des produits nucléaires. Y aura-t-il alors un dédoublement ou si vous aurez autorité? Je pense qu'il est important qu'on identifie clairement l'autorité responsable dans le projet de loi pour qu'il n'y ait pas de dédoublement, pour qu'un seul des deux organismes intervienne. Sinon, nous ferions deux études l'une après l'autre. Dès le départ, surtout après 50 ans, il est important que le prochain projet de loi soit le plus clair possible à cet égard.
[Traduction]
Mme McLellan: Je suis d'accord avec vous. Vous constaterez qu'il y a une bonne harmonisation entre la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et la nouvelle Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Agnes, je vais vous laisser répondre directement à cela.
Mme Agnes Bishop (présidente et directrice générale, Commission de contrôle de l'énergie atomique): Nous sommes certainement d'accord pour dire qu'une nouvelle centrale nucléaire ne devrait pas faire l'objet de deux évaluations environnementales distinctes. En fait, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale s'applique à la Commission. Il n'est pas question de dédoubler ce genre d'évaluation environnementale et ce n'est pas non plus ce que fait ce projet de loi. Néanmoins, après la première évaluation qui établit si une centrale répond aux exigences environnementales, n'oubliez pas qu'il faut assurer une gestion permanente et notamment la sécurité de l'environnement et cela jusqu'à ce que la centrale soit déclassée. C'est à la Commission qu'il revient de veiller à ce que cette gestion soit satisfaisante.
Par conséquent, il n'y a pas de dédoublement et nous travaillons dans le cadre de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Le président: Monsieur Canuel.
[Français]
M. Canuel (Matapédia - Matane): Bonjour, madame la ministre. Pouvez-vous nous expliquer de façon précise comment la nouvelle commission pourrait recourir à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires en vue de réduire les redondances et les chevauchements avec la réglementation des provinces?
Votre texte précise que les installations nucléaires sont réparties au Canada comme suit: 7 centrales nucléaires, 22 réacteurs de puissance, etc. Vous parliez plus tôt de 26 000 emplois. Comment ces emplois sont-ils répartis entre le Québec et l'Ontario?
[Traduction]
Mme McLellan: Peut-être pourriez-vous m'apporter une précision, monsieur Canuel. Dans votre première question, vous parliez de redondance, de chevauchement et du pouvoir de réglementation. Vous avez fait allusion à l'élimination des services fournis par les provinces. Pouvez-vous me donner des exemples d'activités auxquelles les provinces et la Commission de contrôle de l'énergie atomique se livrent parallèlement dans ce domaine?
[Français]
M. Canuel: Quel rôle la commission pourrait-elle jouer? N'irait-on pas un peu à l'encontre d'une certaine réglementation des provinces? Y a-t-il une possibilité de chevauchement entre la commission et certaines réglementations des provinces? Je souhaiterais vous entendre dire qu'il n'existe pas de tels chevauchements.
[Traduction]
Mme McLellan: Je vais vous répondre dans les grandes lignes et je demanderai ensuite à Agnes ou à John de vous donner des exemples précis.
En fait, il y a très peu de chevauchements et de dédoublements dans ce domaine étant donné que les provinces, y compris le Québec, n'ont jamais contesté le pouvoir de réglementation exclusif du gouvernement fédéral sur l'industrie nucléaire. Par conséquent, sauf pour certaines questions de santé et de sécurité au travail, pour lesquelles nous avons sans doute réussi à régler le problème des chevauchements et des dédoublements avec les provinces, de même que certaines questions qui préoccupent le gouvernement de la Saskatchewan à l'égard de la réglementation de l'extraction de l'uranium, il y a très peu de chevauchements et de dédoublements. Nous allons certainement continuer à travailler avec les provinces dans le cadre de la structure de réglementation existante, laquelle reconnaît la compétence du gouvernement fédéral en matière de réglementation, pour éviter tout autre exemple de chevauchement et de dédoublement.
Je vais céder la parole à Agnes au cas où elle aurait quelque chose à ajouter.
Mme Bishop: Ce qu'il y a d'important dans cette loi c'est qu'elle nous permet de négocier avec les provinces qui sont prêtes à examiner s'il n'y a pas des chevauchements ou des dédoublements dans certains domaines. Nous ne voulons pas de dédoublement. Nous voulons coopérer et travailler avec les provinces pour déterminer s'il existe des dédoublements et mettre en place un système unique.
Pour vous donner un exemple de ce que nous avons déjà accompli, cette loi nous permet d'octroyer nos permis en tenant compte de la réglementation provinciale si bien que nous n'avons pas deux types de règlements différents. C'est extrêmement important.
Si cette loi est adoptée, nous pourrons également nommer des inspecteurs provinciaux si cela nous paraît souhaitable. Par conséquent, pour répondre à la question que vous avez soulevée, cette loi est importante en ce sens qu'elle nous permet de négocier ce genre de choses.
Nous avons également fait en sorte que certaines questions touchant les relations de travail tombent sous le coup de la réglementation provinciale, car il n'était pas normal que dans les centrales nucléaires, par exemple, un groupe de travailleurs relève de la loi provinciale et un autre de la loi fédérale. C'est le genre de situation que nous voulons éviter en ce qui touche les questions de travail.
[Français]
M. Canuel: Pourrait-il s'agir uniquement de fonctionnaires provinciaux qui relèvent directement du provincial? Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il ne serait pas normal d'avoir recours à un fonctionnaires du gouvernement fédéral qui serait suivi d'un fonctionnaire du provincial. Pourquoi ne seraient-ce pas uniquement des personnes qui relèveraient du gouvernement provincial à ce moment-là?
[Traduction]
Mme Bishop: Nous pouvons négocier à n'importe quel niveau. En principe, nous pourrions dire que les inspecteurs relèveront du gouvernement provincial, mais qu'ils seront assujettis à la réglementation fédérale.
[Français]
M. Canuel: Autrement dit, vous n'avez pas suffisamment confiance en ceux qui travaillent directement pour la province et vous croyez devoir les superviser? Il faut recourir à des employés des deux paliers pour faire sensiblement le même travail. Je voudrais bien obtenir une réponse, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Nous reviendrons à vous au prochain tour. Nous avons dépassé le temps prévu et je désire donner la parole à M. Ringma.
M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Merci, monsieur le président.
Moi aussi, je me réjouis de la présence de la ministre cet après- midi. J'aurais une ou deux questions à lui poser au sujet des responsabilités de son ministère.
D'après ce que j'ai entendu cet après-midi, j'ai l'impression que la nouvelle Commission, la Commission de sûreté nucléaire, s'acquittera de son mandat en tenant compte des réactions du public, surtout en Ontario où, comme vous l'avez mentionné vous- même, 60 p. 100 de l'énergie est de source nucléaire, ce qui représente un pourcentage assez élevé.
Mme McLellan: En effet.
M. Ringma: Je voudrais donc faire le lien avec le dossier de Churchill Falls, sans parler de contrats ou de questions de ce genre, mais simplement pour dire que la demande d'électricité augmente en Ontario. En même temps, je suppose que le public oppose une certaine résistance à toute augmentation de la production d'énergie nucléaire. Il serait donc raisonnable d'envisager de vendre à l'Ontario l'électricité de Churchill Falls étant donné que c'est de l'énergie hydro-électrique plutôt que nucléaire.
Si cela peut se justifier, il me semble que le ministère ou la ministre pourrait étudier la situation, laisser de côté pour l'instant le différend Québec-Terre-Neuve et voir s'il n'y a pas lieu d'envisager cette solution pour protéger les intérêts de l'Ontario et peut-être servir en même temps ceux de Terre-Neuve. Peut-être faudrait-il songer à entamer des discussions pour voir s'il n'est pas possible de conclure une entente entre Terre-Neuve et l'Ontario.
Mme McLellan: Je tiens d'abord à dire qu'à l'heure actuelle il y a une capacité d'approvisionnement excédentaire au Canada. Nous produisons plus d'électricité que nous n'en utilisons. Les États- Unis ont d'ailleurs également une capacité excédentaire et cela pour plusieurs raisons. Même si nous connaissons une croissance économique et que nous prévoyons une croissance encore plus forte à l'avenir, en raison de certains facteurs comme l'efficacité énergétique, les préoccupations que suscitent l'infrastructure industrielle, les questions comme le réchauffement de la planète, on prend actuellement toutes sortes de mesures pour réduire les besoins d'énergie et utiliser l'énergie de façon plus efficace.
Par conséquent, nous avons actuellement une capacité excédentaire et il ne s'agit donc pas d'accroître la capacité de génération de l'Ontario ou d'ailleurs. Nous avons vu qu'au Québec, si le projet Grande Baleine a été abandonné, c'est notamment parce qu'il n'y avait pas de marché pour cette énergie.
Nous avons une capacité énergétique considérable, mais nos approvisionnements sont excédentaires. Vous faites une suggestion intéressante en disant qu'à l'avenir Terre-Neuve pourrait, si j'ai bien compris, acheminer son électricité, en utilisant les lignes de transmission du Québec, vers le nord-est des États-Unis ou, selon votre exemple, vers l'Ontario, même si le nord-est des États-Unis serait un marché beaucoup plus probable pour cette électricité.
En fait, l'accès aux lignes de transmission est un sujet de discussion permanent entre les provinces et j'ai trouvé très encourageant de voir le premier ministre du Québec indiquer, le week-end dernier, que sa province serait prête à discuter de cette question avec Terre-Neuve et d'autres provinces comme l'Ontario.
D'un bout à l'autre du pays on discute actuellement du transport de l'électricité vers les marchés extérieurs en empruntant les lignes de transmission des autres provinces. Avec la restructuration des marchés du Canada et des États-Unis, l'électricité va être déréglementée en grande partie. Elle sera soumise aux lois du marché tout comme le pétrole et le gaz et des provinces comme Terre-Neuve la transporteront vers de nouveaux marchés en traversant d'autres provinces.
Les déclarations du premier ministre du Québec m'ont paru encourageantes. En fait, la semaine dernière à Yellowknife, le sous-ministre de l'Énergie nous a dit directement, au ministre de l'Énergie de Terre-Neuve et à moi-même, que son gouvernement était prêt à discuter n'importe quand de l'accès aux lignes de transmission.
Je trouve donc encourageant que les deux parties soient prêtes à entamer immédiatement ces discussions.
Le président: Si vous me permettez de vous interrompre un instant, comme je l'ai dit au départ...
Mme McLellan: Ma réponse était trop longue, je m'en excuse.
Le président: Ce n'est pas cela. J'ai apprécié la réponse. Je vous laisse beaucoup de latitude, mais nous ne devons pas nous écarter du sujet.
Notre sujet d'aujourd'hui est le projet de loi C-23. Nous pouvons avoir à nous en écarter un peu - et je vais vous laisser faire - , mais il doit y avoir un lien avec le projet de loi à l'étude. Je demanderais à tous les membres du comité d'en tenir compte pour poser leurs questions.
Monsieur Ringma.
M. Ringma: Je dois avouer, monsieur le président, que je me sers d'un précédent établi dans un autre comité. Je fais partie du Comité mixte permanent des langues officielles où cette question a justement été soulevée. Elle avait été abordée parce qu'un ministre était là et qu'on voulait profiter de sa présence. Je vous remercie donc de cette réponse.
Mme McLellan: En fait, j'en suis contente.
M. Ringma: J'ajouterais que la situation que vous décrivez s'applique également à ma province, la Colombie-Britannique...
Mme McLellan: Oui.
M. Ringma: ...où notre énergie est entièrement hydro- électrique...
Mme McLellan: Et en fait vous...
M. Ringma: ...et nous nous tournons vers les États-Unis et peut-être même vers l'Alberta.
Mme McLellan: Il y a au Canada deux provinces qui sont, je crois, plus avancées que les autres en ce qui concerne la restructuration des marchés de l'électricité. Il s'agit de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.
M. Ringma: Le corollaire de la première question qui découle de votre réponse - et là encore c'est une observation plutôt qu'une question - est peut-être qu'on cherchera à réduire le nombre de centrales nucléaires en Ontario au fur et à mesure qu'elles vieilliront et que ce vieillissement deviendra visible aux yeux du public. Ce dernier demandera peut-être qu'on remplace cette capacité par l'excédent d'énergie qui se trouve ailleurs.
Je vais maintenant mettre la présidence à l'épreuve plutôt que la ministre, car je crois qu'elle sera heureuse de répondre.
Je voudrais aborder la question du cyclotron, du centre de recherche sur le cyclotron supraconducteur de...
Mme McLellan: TASC, à Chalk River?
M. Ringma: Oui, à Chalk River. J'en reviens encore une fois à ce que vous avez dit, madame la ministre, au sujet du chevauchement entre les provinces.
TASC est, nous dit-on, l'une des quatre ou cinq installations de ce genre qui existent dans le monde. Mais nous avons également TRIUMF en Colombie-Britannique et je crois qu'il y a également d'autres équivalents en Saskatchewan et ailleurs.
D'après ce que j'ai lu... la ministre n'a pas voulu parler aux gens de TASC - j'ignore si c'est vrai ou non, mais j'aimerais savoir ce que la ministre pense du chevauchement ou de ce qu'il y a lieu de faire dans ce cas. Quels chevauchements pouvez-vous éviter dans ce genre d'installations?
Mme McLellan: Vous soulevez là des questions intéressantes. Premièrement, parlons des chevauchements. M. Morrison pourra compléter ma réponse. J'ai l'impression et même la conviction qu'il y a très peu de chevauchements et de dédoublements entre ces projets scientifiques.
Plusieurs projets de ce genre sont en cours au Canada. Néanmoins, pour ce qui est du programme de recherche que poursuit TASC à Chalk River par rapport à ce qui se passe à Saskatoon, ce sont là deux projets de recherche très différents dont chacun a des mérites particuliers. Il n'y a donc pas de chevauchement à proprement parler.
Vous soulevez là une question très complexe. Tout le monde sait, bien sûr, que le financement de TASC prendra fin le 31 mars 1997. Cela s'inscrit dans la restructuration de EACL, Énergie atomique du Canada Limitée, une société d'État dont la principale fonction consiste à vendre des réacteurs CANDU sur le marché d'exportation.
Quand ce mandat a été redéfini et que nous avons soumis EACL à un examen des programmes, la contribution directe des contribuables canadiens à cette société d'État a été réduite de 40 p. 100. Ces réductions doivent être effectuées sur une période de deux ans et demi à trois ans. Par conséquent, la contribution directe tombe de 172 millions à 100 millions.
Cela représente un ajustement assez difficile compte tenu du fait que la principale activité d'EACL est la vente de réacteurs CANDU sur le marché d'exportation. EACL a décidé de ne plus financer de projets de recherche fondamentale qui ne soutiennent pas directement son activité commerciale principale qui est la vente de réacteurs CANDU.
Je tiens à préciser que cette décision n'a pas été facile à prendre. Les recherches réalisées par les chercheurs de TASC sont de très haut calibre. Ce n'est pas de gaieté de coeur que l'on révise ainsi les priorités gouvernementales ou que, dans ce cas-ci, EACL a révisé ses priorités compte tenu du mandat que le gouvernement lui a confié.
Et je suis prête à en discuter. Mon personnel politique et mes collaborateurs ont rencontréM. Hardy, le directeur de TASC. Ils se sont rencontrés ici et ailleurs pour tenter de trouver une autre source de financement ou un autre endroit pour poursuivre au moins une partie des activités de TASC. Je dois avouer que ces discussions n'ont pas été très fructueuses jusqu'ici.
Nous continuons à examiner la possibilité d'un investissement du secteur privé dans certains éléments des recherches qu'effectue actuellement TASC. Je suis prête à envisager n'importe quel genre de participation du secteur privé, mais ce dernier n'a pas manifesté beaucoup d'intérêt non plus.
Je dirais donc qu'EACL se trouve devant un choix difficile: quelles sont ses priorités compte tenu de sa mission principale? Les programmes scientifiques qu'elle va donc poursuivre sont ceux qui sont directement reliés aux réacteurs CANDU.
Malheureusement, TASC ne sera plus financé à compter du 31 mars 1997 à moins que nous ne trouvions d'autres sources de financement. Je suis certainement prête à poursuivre ces discussions.
Le président: Merci, madame la ministre.
M. Ringma: Je remercie la présidence de m'avoir laissé soulever la question et je remercie la ministre d'avoir bien voulu y répondre.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed (Halton - Peel): Monsieur le président, pourriez-vous me dire, avant de commencer, si je peux revenir sur le préambule de la déclaration de la ministre sans sortir du sujet?
Le président: Non, si vous parlez du préambule de sa déclaration, vous ne serez pas hors sujet.
Je tiens à assurer à tous les membres du comité que j'essaie de leur laisser le maximum de latitude pour leurs questions étant donné la présence de la ministre. Mais je vous rappelle qu'il faut faire le lien avec le projet de loi C-23, surtout quand nous entendrons d'autres témoins.
M. Reed: Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, j'avais dix ans quand a été adoptée la première loi de contrôle.
Mme McLellan: Je n'étais même pas née.
M. Reed: Non, je sais que vous n'étiez pas née. Je veux seulement vous rappeler que je suis assez vieux pour me souvenir qu'à l'époque, on prétendait que l'énergie nucléaire serait si bon marché que les factures d'électricité seraient pratiquement nulles.
Je constate que votre préambule reflète un besoin de continuer à défendre l'énergie nucléaire. J'ignore qui a rédigé votre déclaration, mais je crois nécessaire de mentionner une ou deux choses.
Premièrement, vous dites que l'énergie nucléaire est économique. Pour l'établir, le comité devrait peut-être avoir en sa possession le coût réel au kilowatt de la production de la centrale de Darlington.
Ce serait très utile, car c'est aux environs de 13c. le kilowatt-heure en supposant que la centrale durera 40 ans. Nous n'avons pas encore vu une seule centrale nucléaire durer plus de 20 ans sans devoir être entièrement rénovée et cela à un coût généralement plus élevé que le coût de construction initial.
Par conséquent, lorsqu'on prétend que l'énergie nucléaire est une source d'énergie économique... cela sent un peu la propagande.
Mme McLellan: Puis-je répondre à cela?
M. Reed: Oui.
Mme McLellan: Vous soulevez là une question très intéressante. M. Morrison possède je crois des données confirmant que l'énergie nucléaire peut être économique.
Prenons l'exemple de Wolsong 1 en Corée du Sud. Comme vous le savez sans doute, les Coréens sont très efficaces quand il s'agit de la rentabilité et du coût au kilowatt-heure.
Je suis allée en Corée du Sud en mai. Il y a là-bas un bon exemple de réacteur nucléaire qui produit de l'électricité à bon marché et de façon efficace et concurrentielle. Il ne faut peut- être pas confondre la gestion d'Hydro Ontario et la question plus générale de la rentabilité de l'énergie nucléaire.
Ce n'est pas à moi de parler de l'efficacité de la gestion d'Hydro Ontario. De toute évidence, le président du conseil d'administration et le président d'Hydro Ontario se sont dit tous les deux très inquiets de la façon dont l'actif nucléaire d'Hydro Ontario avait été géré et administré depuis quelques années. C'est pourquoi je crois qu'ils ont entrepris un examen approfondi des activités nucléaires d'Hydro Ontario.
Vous avez peut-être donc raison, Julian. Vous êtes sans doute dans le vrai quant au manque d'efficacité de la génération d'énergie nucléaire à Hydro Ontario.
Mais cela ne veut pas dire qu'en soi l'énergie nucléaire ne peut pas être économique et concurrentielle. Wolsong 1 est un exemple que je vous suggère d'examiner.
M. Reed: Excellente idée. Allons à Wolsong pour voir quel en est le coût total.
Mme McLellan: Monsieur Morrison, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Bob Morrison (directeur général, Direction de l'uranium et de l'Énergie nucléaire, ministère des Ressources naturelles): Nous pouvons fournir ces données pour Hydro Ontario. Darlington est une centrale coûteuse et l'électricité qu'elle produit revient assez cher.
En moyenne, les centrales nucléaires d'Hydro Ontario sont assez rentables. L'électricité produite n'est pas concurrentielle par rapport à celle des deux provinces voisines soit le Manitoba ou le Québec, étant donné que le Canada a la chance d'avoir de l'hydro-électricité à très bon marché... comme c'est le cas également en Colombie-Britannique et au Labrador grâce à Churchill Falls. C'est donc l'électricité la moins chère au monde. L'Ontario a des coûts plus élevés par rapport aux provinces voisines.
Pour ce qui est de vendre notre électricité sur le marché américain, elle est assez concurrentielle et une fois que vous avez construit une centrale, son exploitation et le combustible nucléaire ne coûtent pas grand-chose. Par conséquent, les ventes peu importantes qu'Hydro Ontario fait sur le marché américain sont à des prix très concurrentiels.
M. Reed: Si vous pouvez obtenir le même genre de financement qu'Hydro Ontario, c'est vrai. Mais pour des intérêts privés qui construiraient une centrale, il faudrait tenir compte du coût total c'est-à-dire les immobilisations et le reste. Je peux vous dire que ce ne serait pas concurrentiel.
M. Morrison: C'est sans doute un investissement capitalistique. Pour l'énergie hydro-électrique comme pour l'énergie nucléaire, vous avez de gros frais de démarrage. Si ces centrales dépassent largement leur durée de vie, vous pouvez économiser en cours de route. Et il est vrai que les investisseurs privés ne sont pas prêts à attendre aussi longtemps.
Par conséquent, dans le climat actuel, les petites centrales à gaz sont sans doute plus concurrentielles pour les investisseurs privés, mais il est avantageux d'investir d'aussi gros capitaux dans un projet capitalistique qui a une longue durée de vie, comme c'est le cas au Québec, au Manitoba et dans les autres provinces qui produisent de l'hydro-électricité.
M. Reed: Je m'écarterai du sujet pour comparer l'exploitation d'une centrale hydro-électrique et d'une centrale nucléaire, mais le fait est que les centrales hydro-électrique durent plus de 100 ans tandis que la longévité des centrales nucléaires ne dépassent pas 20 ans.
Mme McLellan: Non. Ce n'est pas tout à fait...
M. Reed: Votre déclaration contenait une autre affirmation qui comparait le nucléaire au charbon.
M. Morrison: C'est exact. Telle est l'autre solution qu'Hydro Ontario aurait envisagée lorsqu'elle a pris sa décision dans les années soixante-dix.
M. Reed: Mais la comparaison n'a pas été faite avec d'autres centrales hydro-électriques.
M. Morrison: L'Ontario ne pensait pas avoir cette possibilité.
M. Reed: Si on pouvait prouver à Hydro Ontario qu'elle s'est trompée, comme cela a été démontré depuis, l'option hydro- électrique devrait entrer en ligne de compte. Vous ne pouvez pas écarter cette possibilité. Ce n'est pas polluant. Cela ne libère pas de gaz dans l'atmosphère. Vous n'avez pas non plus le problème des déchets nucléaires. C'est un des arguments, mais il n'est pas invoqué. Dans leurs propres publications, les Nations Unies présentent l'énergie hydro-électrique comme la solution de choix dans le monde.
M. Morrison: L'eau est une merveilleuse source d'énergie et elle fournit 60 p. 100 de l'électricité canadienne. Elle n'a pas de problème à satisfaire aux évaluations environnementales et ne se heurte pas à...
Mme McLellan: Parlez-en à certains de nos amis du Québec.
M. Morrison: ...l'opposition locale. Mais pour l'Ontario, c'est une question d'éloignement par rapport à une source d'énergie hydro-électrique. L'Ontario a épuisé ses vastes ressources hydrauliques et la province devrait s'adresser au Manitoba ou au Québec, ce qui représente de très longues lignes de transmission. C'est certainement une possibilité.
M. Reed: C'est un point de vue qui est...
Le président: Merci.
Monsieur Thalheimer, j'espère que vous avez une question.
M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires va contrôler la sécurité nucléaire au Canada. Comment appliquez-vous cette loi à la Roumanie où nous installons un CANDU? Comment contrôlons-nous les choses à l'étranger?
Mme McLellan: Je vais demander à Mme Bishop de vous fournir une réponse détaillée, mais chaque fois qu'EACL et ses partenaires du secteur privé participent à la construction de centrales nucléaires... la CCEA intervient un certain temps avant que quelqu'un n'appuie sur le commutateur, surtout dans les pays en développement où la formation des hommes et des femmes...
Tout d'abord, si vous vous lancez dans l'énergie nucléaire, vous avez besoin d'une réglementation s'apparentant, de préférence, un peu à la nôtre pour assurer les plus hautes normes de santé et de sécurité. Souvent, les pays en développement et les pays du tiers monde n'ont aucune infrastructure de ce genre. Par conséquent, en tant que promoteurs conscients de nos responsabilités, nous veillons à travailler avec les collectivités locales et les organismes gouvernementaux de ces pays pour les aider à adopter une réglementation s'apparentant à la nôtre.
Nous devons également former les gens qui feront appliquer la réglementation et procéderont aux inspections. Vous soulevez là une bonne question, car les pays comme la Roumanie n'ont pas nécessairement du personnel possédant la formation voulue pour assurer les normes de santé et de sécurité les plus élevées et c'est pourquoi la CCEA accomplit une bonne partie de son travail à l'étranger.
M. Thalheimer: Telle est ma question: comment pouvons-nous appliquer cette loi en Roumanie? J'ai vu à la télévision ce qui s'y passe et je ne voudrais certainement pas aller là-bas. Pourtant notre réacteur s'y trouve.
Mme McLellan: Je suppose que vous ne ferez pas de promotion pour le tourisme roumain.
M. Thalheimer: Ma question est la suivante: comment cette loi s'applique-t-elle à nos réacteurs qui se trouvent à l'étranger?
Mme Bishop: Bien entendu, nous ne pouvons pas imposer une loi canadienne à un autre pays.
M. Thalheimer: Exactement.
Mme Bishop: Néanmoins, comme organisme de réglementation, nous pouvons aider les organismes de réglementation des autres pays lorsqu'ils nous demandent notre aide sur le plan de la formation. C'est ce que la ministre vient de dire au sujet de pays dotés de réacteurs CANDU et plus particulièrement la nouvelle génération de CANDU... la Corée et la Roumanie, par exemple, nous ont demandé de les aider à former le personnel de leurs organismes de réglementation. Ces derniers se sont adressés à nous parce que nous possédons de l'expérience dans ce domaine. Nous travaillons en collaboration très étroite avec eux, parfois pendant des années. Ils envoient leur personnel en stage de formation au Canada et parfois nous envoyons des employés de la Commission sur place, pendant la construction du réacteur, pour qu'ils travaillent directement avec l'organisme de réglementation.
Nous recevons également de nombreuses demandes de pays qui n'ont pas de réacteur CANDU et qui veulent une formation en ce qui concerne les politiques de réglementation, l'établissement d'organismes de réglementation de même que les aspects techniques. Nous apportons donc une contribution au niveau international.
Le président: Merci. M. Bélair est le suivant.
Mme McLellan: Monsieur le président, M. Morrison voudrait ajouter quelque chose en réponse à la question de M. Thalheimer.
M. Morrison: Je voulais seulement ajouter qu'il y a beaucoup de coopération internationale dans ce domaine. Il y a une convention internationale sur la sécurité nucléaire. Tout cela s'est fait sous la présidence de M. Domaratzki, qui était le responsable de la sécurité nucléaire à la Commission de contrôle de l'énergie atomique pendant des années. Il est maintenant directeur général adjoint de l'Agence internationale de l'énergie atomique, à Vienne. Il y a beaucoup de coopération et les Canadiens ont beaucoup de poids dans ce genre de discussion. Par conséquent, non seulement nous avons assuré la formation directe du personnel des organismes de réglementation étrangers qui sont venus apprendre à réglementer le système CANDU, mais nos méthodes, et sans doute aussi cette loi, sont probablement des modèles à suivre pour les autres pays.
Le président: Merci. Monsieur Bélair.
[Français]
M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Mon collègue, Peter, s'est engagé un peu beaucoup dans la voie des questions que je voulais poser et j'aimerais poursuivre. Tout d'abord, madame la ministre, dans votre exposé d'ouverture, vous avez dit que le Canada exportait quelque 500 millions de dollars d'uranium par année partout dans le monde. Dans combien de pays?
[Traduction]
Mme McLellan: Il y en a plusieurs.
Monsieur Morrison, vous pourriez citer les principaux à M. Bélair.
[Français]
M. Bélair: Donnez-moi un chiffre approximatif.
[Traduction]
M. Morrison: Environ dix, 12 ou 15. Nous exportons de l'uranium vers pratiquement tous les pays industrialisés qui ont un programme d'énergie nucléaire.
[Français]
M. Bélair: Monsieur Morrison, vous avez fait allusion tout à l'heure à des ententes. Est-ce que des ententes préalables sont conclues avant que cet uranium ne soit acheminé?
[Traduction]
M. Morrison: Absolument. Nous signons une entente de coopération bilatérale très stricte avec chaque pays vers lequel nous exportons de l'équipement, de la technologie ou du matériel nucléaire. La Commission de contrôle de l'énergie atomique administre ces ententes.
[Français]
M. Bélair: Ces ententes prévoient-elles un processus de vérification sur place?
[Traduction]
M. Morrison: Oui, mais il s'agit d'un processus international. Une fois qu'une entente est conclue...
M. Bélair: Oui, mais plus précisément?
M. Morrison: C'est un régime de vérification internationale que nous soutenons par l'entremise de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Lorsque nous concluons une entente de coopération nucléaire avec un autre pays, nous insistons pour qu'il accepte un régime complet de garanties internationales.
[Français]
M. Bélair: À la lumière de ce qu'on vient de dire, les nouveaux commissaires auront-ils le pouvoir de dire oui ou non? Comment cela fonctionnera-t-il? Se rapportera-t-on à Mme la ministre?
[Traduction]
M. Morrison: Je pense que la Commission devrait se prononcer. Les ententes que nous concluons sont approuvées par le Cabinet et ces ententes de coopération nucléaire sont donc conclues de gouvernement à gouvernement après avoir été examinées à fond et après...
M. Bélair: Après avoir été acceptées par la Commission.
M. Morrison: La Commission formule une recommandation en ce sens, oui.
M. Bélair: D'accord.
Ma dernière question concerne l'exploitation des centrales nucléaires. Je me reporte au document B. Les pages ne sont pas numérotées, mais c'est la cinquième page où cette loi est présentée par rapport à d'autres lois.
Avons-nous le même document?
Mme McLellan: Non, je n'en suis pas certaine.
M. Bélair: La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, aperçu général de la loi. Avez-vous ce document B?
Mme McLellan: Page 5, Rapport avec d'autres lois.
M. Bélair: Au deuxième paragraphe on peut lire ceci:
- À l'heure actuelle la Commission examine les recommandations des comités d'examen de la
Loi canadienne sur l'évaluation environnementale dans le cadre de son processus d'octroi de
permis et réglemente toutes les étapes de l'élaboration, de la construction et de l'exploitation
des installations nucléaires en collaboration avec d'autres organismes de réglementation.
Mme McLellan: C'est une question très complexe.
M. Bélair: Qu'allons-nous faire? Cela fait toujours peur au public canadien.
Mme McLellan: Avec toute la recherche scientifique qui a lieu dans le monde pour entreposer les déchets nucléaires et s'en débarrasser, j'aimerais qu'on ait trouvé une solution concrète qui nous débarrasserait des déchets nucléaires une fois pour toutes. Mais nous n'en sommes pas là, même si les recherches se poursuivent au Canada et ailleurs pour reculer les limites de notre compréhension et de notre capacité d'entreposage à long terme et d'élimination des déchets nucléaires.
Cela dit, le gouvernement fédéral est parfaitement conscient de son obligation de s'attaquer au problème. En fait, le vérificateur général a vivement reproché au gouvernement, il y a deux ou trois ans, de ne pas avoir mis sur pied une politique globale à l'égard des différentes sortes de déchets nucléaires, que ces déchets soient antérieurs à la réglementation, à faible niveau ou à niveau élevé de radioactivité. Nous l'avons fait et il s'agit de la politique à laquelle faisait allusion la déclaration de juillet. Si les membres du comité n'ont pas reçu ce document, M. Morrison se fera certainement un plaisir de le leur fournir. C'est une politique que l'ensemble du Cabinet a approuvée il y a quelques mois et qui décrit la façon dont notre gouvernement travaillera en collaboration avec ses partenaires, avec les provinces dans certains cas, les grandes compagnies d'électricité, le secteur privé dans de nombreux cas, pour résoudre le problème des déchets nucléaires.
Nous réalisons des progrès. Nous faisons le ménage dans un dossier dont les répercussions sont parfois difficiles à évaluer et dont les coûts peuvent être exorbitants. Le vérificateur général a cité quelques chiffres globaux quant aux coûts que les divers types de déchets nucléaires représentent pour notre pays. Aux États-Unis, ces coûts se chiffrent en billions de dollars. C'est ce qu'ils devront débourser pour régler leur problème de déchets nucléaires.
Nous en sommes très conscients de la situation. Nous travaillons tant chez nous que sur la scène internationale, avec nos partenaires du monde entier, pour améliorer notre capacité d'entreposer les déchets nucléaires à long terme et de nous en débarrasser.
D'autre part, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale est en train d'effectuer une évaluation environnementale pour établir si des déchets nucléaires peuvent être entreposés dans le bouclier canadien.
M. Bélair: Il y avait un article à ce sujet dans le Time il n'y a pas si longtemps.
Mme McLellan: L'Agence se livre actuellement à cet examen et nous attendons tous impatiemment son résultat. Cela nous en apprendra beaucoup sur l'avenir de l'entreposage à long terme.
M. Bélair: L'Agence a-t-elle un délai pour présenter ses recommandations?
Mme McLellan: Nous espérons qu'elle présentera son rapport au milieu de 1997.
C'est bien cela, monsieur Morrison?
M. Morrison: C'est exact.
Le président: Merci, monsieur Bélair.
[Français]
M. Deshaies: Monsieur le président, j'aurais encore une question. Vous avez le devoir, comme ministre, de faire la promotion des richesses naturelles, autant des mines que de l'énergie nucléaire. Il me semble qu'il y a une marge entre promouvoir l'énergie nucléaire et faire valoir votre talent de vendeuse de réacteurs CANDU dans d'autres pays et être responsable, en votre qualité de ministre, de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Ne serait-il pas préférable, pour l'image publique, que vous sépariez la Commission de contrôle de l'énergie atomique, que vous divisiez la recherche et le contrôle? Vous pourriez laisser à la ministre de l'Environnement le soin d'assumer cette partie qui ne relève pas indirectement de l'utilisation des ressources naturelles, mais plutôt du contrôle, et qui est liée beaucoup plus à l'environnement qu'à l'utilisation de l'uranium.
[Traduction]
Mme McLellan: Comme Mme Bishop l'a expliqué je crois - je vais lui céder la parole dans un instant - il y a là plusieurs composantes. L'évaluation environnementale qui est couverte dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale représente certainement un élément important de tout nouveau projet touchant le secteur des ressources en général, qu'il s'agisse d'une centrale nucléaire, d'une mine ou d'autre chose. Il y a une évaluation environnementale au niveau fédéral ou provincial ou dans certains cas une évaluation conjointe.
[Français]
M. Deshaies: Mais, madame la ministre,...
[Traduction]
Mme McLellan: Je regrette, mais je viens de perdre le fil de mes idées.
[Français]
M. Deshaies: Est-ce que vous sentez...
[Traduction]
Mme McLellan: Oui, l'évaluation environnementale est une des composantes d'un projet, mais comme Mme Bishop l'a expliqué, une centrale nucléaire, par exemple, soulève des questions de permis et de réglementation. Ce n'est pas à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale de s'en charger. En fait, cette fonction incombe davantage à un organisme de réglementation distinct et discret spécialisé dans le domaine de l'énergie nucléaire.
[Français]
M. Deshaies: Justement, puisque l'étude environnementale n'est qu'un élément de l'ensemble du dossier, il y a quand même une contradiction à être en même temps le vendeur d'un produit et celui qui contrôle cette même industrie. Cela ne vous empêche peut-être pas de bien faire votre travail dans l'ensemble du dossier, mais je me dis que peut-être, pour l'image publique, la ou le ministre de l'Environnement, selon le titulaire du poste, serait peut-être un meilleur défenseur des intérêts du public au point de vue de la réglementation que le ministre qui a le devoir de faire la promotion de l'industrie.
[Traduction]
Mme McLellan En fait, je me porte à la défense de l'environnement, car je n'irais jamais suggérer à qui que ce soit de générer de l'électricité sans tenir compte des conséquences environnementales de ce choix ainsi que de ses coûts environnementaux, économiques et sociaux. Nous avons des organismes quasi judiciaires indépendants chargés d'évaluer les coûts et avantages environnementaux ainsi que les autres préoccupations sur le plan de la santé et de la sécurité.
Permettez-moi de préciser mon rôle. Personne n'ira croire, je l'espère, que je cherche à promouvoir l'industrie nucléaire. Quand je visite d'autres pays comme la Chine et la Corée du Sud où les besoins d'énergie augmentent énormément d'une année à l'autre, dans des proportions que nous ne pouvons plus imaginer, soit de 11, 12 ou 13 p. 100, je parle de la technologie canadienne, tout comme mes collègues John Manley ou Art Eggleton parlent de la technologie canadienne lorsqu'ils voyagent à l'étranger.
Il existe d'autres formes de réacteurs, mais le réacteur à eau lourde CANDU est un exemple de technologie canadienne que nous croyons sûre, fiable et rentable dans la plupart des cas. Nous en sommes fiers et nous souhaitons qu'un marché comme la Chine songe à l'adopter.
Mais nous travaillons dans ce sens. Que nous vendions des logiciels d'ordinateur, la technologie reliée aux réacteurs nucléaires, la technologie minière canadienne ou encore la technologie des forages horizontaux aux Chinois, nous leur vendons les compétences canadiennes qui font notre fierté, notre technologie. C'est ensuite au pays intéressé de décider si l'énergie nucléaire a sa place dans le contexte qui lui est propre.
Voilà comment je conçois mon rôle. Si vous me reprochez mon mercantilisme, je m'en excuse.
[Français]
M. Deshaies: Je ne veux pas du tout vous en accuser. Je disais qu'après ces 50 ans, il serait peut-être opportun de refaire les structures et de séparer les deux parties de la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Mais ce n'est qu'une observation puisque nous n'attendrons pas nécessairement 50 ans avant de modifier cette loi.
[Traduction]
Mme McLellan: C'est une excellente observation. Je répète ce que j'ai dit dans ma déclaration liminaire à savoir qu'une des choses que nous voulons faire et que réalise ce projet de loi c'est la séparation de l'organisme de réglementation connu actuellement comme la CCEA de la société d'État commerciale qu'est EACL, Énergie atomique du Canada Limitée, qui a pour mission de vendre des réacteurs CANDU et de promouvoir ses ventes au Canada comme dans le monde entier.
Vous avez donc raison de dire que cela sème la confusion dans l'esprit du public. Il confond les deux et comment peut-on à la fois vendre et assurer une réglementation? Excellente observation.
En fait, dans le projet de loi C-23, nous faisons clairement valoir que l'organisme de réglementation a un nouveau nom et des fonctions clairement définies. La société d'État qu'est EACL sera mandatée par une loi différente.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Chatters, vous aviez une question.
M. Chatters (Athabasca): Merci, monsieur le président.
J'ai une brève question à vous poser à la suite de votre déclaration liminaire et de ce que vous avez dit au sujet des gaz à effet de serre produits par la génération d'électricité à partir de combustibles fossiles.
Je voudrais vous demander quelle est votre position quant au coût de l'élimination des déchets nucléaires vis-à-vis des compagnies qui ont produit la majorité de ces déchets soit les compagnies d'électricité de l'Ontario, du Québec et du Nouveau- Brunswick. Le coût de l'élimination des déchets nucléaires est-il englobé dans le coût de l'électricité...
Mme McLellan: Oui.
M. Chatters: ...et pensez-vous que c'est aux compagnies qui ont produit ces déchets qu'il incombe d'assumer ce coût?
Mme McLellan: Notre gouvernement a adopté le principe du paiement par le pollueur. Par conséquent, les compagnies d'électricité comme Hydro Ontario et Hydro-Québec, qui produisent des déchets nucléaires, doivent assumer la totalité du coût de l'entreposage à long terme et de l'élimination des déchets.
En fait, monsieur Morrison, je pense que, la plupart du temps, c'est inclus dans la tarification?
M. Morrison: En effet.
M. Chatters: À compter de quand? Quand ces compagnies commencent-elles à assumer cette responsabilité et où le contribuable intervient-il...? Le contribuable doit assumer certaines responsabilités vis-à-vis d'une partie des déchets accumulés, du moins d'après ce que j'ai compris.
M. Morrison: Le contribuable est responsable d'une partie des déchets produits par les réacteurs de recherche d'EACL, qui est une société d'État, mais la majeure partie des déchets nucléaires du Canada proviennent des compagnies d'électricité qui en sont entièrement responsables, dès le départ.
Mme McLellan: Monsieur Morrison, n'y a-t-il pas aussi des déchets d'avant la réglementation qui ont été laissés par les mines?
M. Morrison: La plupart ont un faible niveau de radioactivité.
Mme McLellan: C'est exact.
Vous ne vous intéressez qu'aux déchets qui ont un haut niveau de radioactivité?
M. Chatters: C'est qui inquiète le plus le public.
Mme McLellan: D'accord. Car il y a aussi les déchets laissés par des compagnies qui n'existent plus.
M. Chatters: Il y en a dans ma circonscription.
Mme McLellan: Exactement. Vous devez bien connaître le problème. Nous nous en occupons et c'est une responsabilité...
M. Chatters: Qui échoit au contribuable.
Mme McLellan: ...que nous prenons très au sérieux.
Le président: M. Ringma a une question très brève, mais pertinente.
M. Ringma: Elle est très brève et concerne les déchets à haut niveau de radioactivité.
Vos fonctionnaires ou vous-même avez-vous entendu parler d'une proposition sérieuse qui consiste à se débarrasser de ces déchets très radioactifs dans des fissures de l'écorce terrestre ouvrant sur les entrailles de la terre? Cela porte un nom. En avez-vous entendu parler?
M. Morrison: La subduction.
M. Ringma: Oui, la subduction. Si vous en avez entendu parler, pourriez-vous me dire rapidement ce que vous en pensez?
M. Morrison: Nous avons échangé de la correspondance à ce sujet. Nous l'avons transmise aux experts d'Énergie atomique du Canada Limitée qui estiment que le Canada devrait concentrer ses ressources limitées sur ce concept que le groupe d'examen de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale étudie actuellement. Ils sont, je crois, parvenus à la conclusion que l'autre concept devait être abandonné.
M. Ringma: Ce n'est pas une solution qu'ils envisageraient très sérieusement. Pourriez-vous m'indiquer le nom du groupe de votre bureau qui effectue cet examen?
Mme McLellan: Oui.
M. Ringma: Je vous téléphonerai demain.
Mme McLellan: Certainement.
Le président: Merci.
Madame la ministre, j'aurais une ou deux questions à vous poser directement au sujet du projet de loi C-23.
M. Thalheimer: Pas trop longues, n'est-ce pas?
Le président: Je me suis montré patient pendant que vous posiez tous vos questions.
Pour ce qui est du coût que représente pour les contribuables canadiens la mise en oeuvre des changements proposés dans le projet de loi C-23, la nouvelle réglementation va-t-elle imposer des dépenses supplémentaires?
Mme McLellan: Je demanderais à Mme Bishop ou peut-être à M. McManus de vous répondre, mais... Je suppose qu'il y a toujours des frais indirects ou supplémentaires quand vous modifiez une réglementation. Néanmoins, la majeure partie des coûts supplémentaires que représentent vos activités d'octroi de permis et de réglementation sont entièrement recouvrés.
Mme Bishop: Il y a, selon moi, deux questions à considérer. Premièrement, il y a les coûts permanents et à long terme de la mise en oeuvre et de l'application des règlements.
Le président: L'administration de la CCEA représente en fait certains coûts. L'administration de la nouvelle entité va-t-elle représenter des frais plus élevés?
Mme Bishop: Nous ne nous attendons pas à ce que cette nouvelle loi augmente dans une large mesure les frais d'administration de la Commission. En portant le nombre de commissaires de cinq à sept, elle devrait entraîner des frais supplémentaires d'environ 100 000$, ce qui comprend les frais de déplacement, etc.
Autrement, nous ne prévoyons pas de frais supplémentaires importants en plus des coûts initiaux.
Le président: Cela m'amène à une autre question qui me préoccupe et qui se divise en deux volets. Tout d'abord, si j'ai bien compris ce projet de loi, tous les règlements seront pris par décret. Ils ne seront pas soumis au Parlement et cela se rapporte à tous les frais et tout ce que vous examinerez. Par conséquent, une fois que mes collègues et moi-même aurons adopté cette loi, en tant que parlementaires, nous n'aurons pas de droit de regard... Votre tarification sera établie par décret, ce qui suscite d'autres inquiétudes.
Étant donné que vous recouvrez vos dépenses et que vous ne dépensez pas directement l'argent des impôts, qu'est-ce qui vous empêchera d'imposer 58 règlements en sachant que vous pourrez en recouvrer le coût auprès des usagers? En tant que parlementaire, je n'aurai pas mon mot à dire, car ces règlements seront pris par décret. Deuxièmement, les deniers publics ne seront sans doute pas mis à contribution étant donné que vous aurez fait assumer les coûts par les usagers. Les gens de l'industrie vont commencer à s'inquiéter étant donné l'absence d'examen public et que vous vous contenterez de faire payer les usagers.
Mme McLellan: Permettez-moi de dire une ou deux choses, après quoi Agnes pourra vous répondre.
De prime abord, Andy, je dirais que vous ne connaissez pas très bien la mentalité de compagnies comme Hydro Ontario et Hydro- Québec. Si elles ont l'impression qu'on leur fait payer plus que le montant minimum ou absolument nécessaire, elles vont s'empresser de protester. Elles s'adresseront à leur député local ou à l'instance compétente. On est donc très vigilant chez les clients et dans les provinces où opèrent ces clients.
Deuxièmement, toute augmentation des frais sera publiée dans la Gazette. Cela permettra aux intéressés de faire connaître leur avis. C'est ainsi qu'on procède normalement, que ce soit au ministère de l'Agriculture ou au ministère de la Santé.
Quand je siégeais au comité qui examinait les décrets, nous en recevions un bon nombre qui proposaient des hausses de tarif. Ces hausses étaient annoncées dans la Gazette, on recevait les commentaires du public, lesquels étaient examinés par le ministre, les fonctionnaires du ministère - dans certains cas plusieurs ministères - et notre comité posait des questions, très souvent en ce qui concerne la tarification, sa raison d'être et les critiques reçues après la publication dans la Gazette.
Je trouve donc rassurant que ces tarifs ne soient pas fixés de façon arbitraire, que le public ait son mot à dire et qu'il y ait une bonne reddition des comptes.
Le président: Je soulève la question, madame la ministre, parce que certains des mémoires que nous avons reçus exprimaient des inquiétudes à ce sujet. Et je suppose que cela reviendra souvent.
Mme McLellan: Madame Bishop, avez-vous, vous ou John, quelque chose à ajouter?
Mme Bishop: J'ajouterais seulement ceci. N'oubliez pas que nous ne pouvons pas alourdir constamment la réglementation et la tarification. Nous devons obtenir l'approbation du Conseil du Trésor et nos crédits doivent être approuvés par le Parlement. L'argent que nous récupérons auprès des usagers ne reste pas entre nos mains. Il va au Conseil du Trésor et nous obtenons un crédit annuel.
Le président: Vous pensez que les garanties sont là.
J'ai une autre question concernant l'article 47 du projet de loi. Je vais vous en lire un passage. Voici:
- Par dérogation aux autres dispositions de la présente Loi, la Commission peut, en situation
d'urgence et sans formalité, rendre l'ordonnance qu'elle juge nécessaire... au maintien de la
sécurité nationale.
Mme Bishop: Non, car c'est uniquement en cas d'urgence, et seulement lorsque des mesures immédiates doivent être prises. Autrement, ce serait une question de sécurité.
Vous remarquerez également, dans d'autres articles, que si les circonstances sont différentes vous devez vous soumettre à la procédure habituelle. Mais si nous ne pouvons pas prendre des mesures immédiates en cas d'urgence, nous risquons de nous trouver dans une situation dangereuse sans pouvoir intervenir avant des jours ou des semaines.
Le président: Après coup, quelqu'un qui s'estimerait lésé pourrait-il faire appel?
Mme Bishop: Oui, quelqu'un peut certainement faire appel de la décision prise et c'est ce qui est prévu dans les dispositions relatives aux appels.
Le président: J'ai une dernière question concernant le matériel nucléaire qui se trouve entre les mains de l'armée. Je crois que ce n'est pas prévu dans ce projet de loi.
M. McManus: Le matériel nucléaire qui se trouve dans les systèmes d'armement est exempté. L'armée dispose d'une quantité importante de matériel industriel normal, par exemple pour le réacteur du Collège militaire ou dans les hôpitaux. Tout ce matériel est régi par le système normal de contrôle que gère la Commission. Néanmoins, le matériel qui fait partie du système d'armement est placé sous la responsabilité du ministère de la Défense nationale pendant qu'il se trouve dans ces systèmes.
Le président: Mais seulement pendant qu'il se trouve dans ces systèmes. Par conséquent, si la Défense expédie du matériel nucléaire en faisant appel à un transporteur commercial, ce sera placé sous votre contrôle?
M. McManus: Nous devons établir à partir de quand exactement. En effet, comme la Défense gère ces systèmes d'armement, si ce matériel va et vient dans le cadre du système d'armement en question, il sera placé sous le contrôle de la Défense nationale.
Le président: Si quelqu'un expédie du matériel radioactif des États-Unis vers l'Europe en survolant le territoire canadien, exercerez-vous un contrôle en vertu de ce projet de loi?
M. McManus: Oui, nous avons des dispositions pour le contrôle du matériel nucléaire en transit. Une personne qui désire faire ce genre d'expédition doit nous faire savoir quel type de protections mécaniques et de contenant d'expédition elle utilise et elle doit obtenir notre permission.
Le président: Merci beaucoup, madame la ministre. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir.
Mme McLellan: C'était un plaisir pour moi. J'espère pouvoir revenir bientôt.
Le président: Nous vous accueillerons avec plaisir.
La séance est levée.