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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er octobre 1996

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[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte. Aujourd'hui, nous continuons notre examen du projet de loi C-23, Loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui les représentants de deux groupes:MM. Murray Stewart et Colin Hunt de l'Association nucléaire canadienne, et MM. Frost et MacKay de la Corporation Cameco. Je vous souhaite la bienvenue.

Nous vous demandons à chacun de faire votre exposé et ensuite les membres du comité vous interrogeront.

Monsieur Frost, si je comprends bien, c'est vous qui allez commencer.

M. Stan Frost (vice-président, Environnement et sûreté, Corporation Cameco): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée de vous présenter notre point de vue sur le projet de loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire. M. McKay et moi-même représentons ici trois entreprises, Cameco Corporation, Cogema Resources Inc. et Cigar Lake Mining Corporation, ainsi que la Saskatchewan Mining Association dont ces trois entreprises sont membres.

Puisque nous allons faire une seule présentation au lieu de deux présentations distinctes de 10 minutes, l'une par les sociétés minières et l'autre par la SMA, nous osons espérer que vous ne verrez aucun inconvénient à ce que nous prenions quinze minutes pour notre exposé.

Cameco, Cogema et Cigar Lake, pour le compte de diverses coentreprises, exploite toutes les mines d'uranium actuelles et proposées en Saskatchewan. Vous trouverez aux pages 1 et 2 de notre mémoire la liste des propriétaires des coentreprises.

Les mines de Key Lake, Rabbit Lake et Cluff Lake sont en exploitation. Celle de McLean Lake est en construction et celles de Cigar Lake et McArthur River font l'objet d'audiences environnementales, le début de la production étant prévu dans environ trois ans. Cameco et Cogema exploitent également des mines à l'étranger. Il s'agit des deux plus importants producteurs d'uranium au monde.

L'industrie de l'extraction du minerai d'uranium de la Saskatchewan contribue largement à l'économie canadienne. Nous représentons environ le tiers de la production mondiale d'uranium et, par suite de la fermeture récente de la dernière mine à Elliot Lake, toute la production canadienne. Nous produisons environ trois fois autant d'uranium que le pays suivant sur la liste des pays producteurs.

Les mines d'uranium en exploitation en Saskatchewan représentent un investissement accumulé, entre 1980 et 1995, de 2,3 milliards de dollars. Presque 2 500 personnes y travaillent, dont de nombreux Autochtones. Dans les mines du Nord, environ 44 p. 100 des employés sont autochtones.

Si les nouveaux projets vont de l'avant, cela représentera un nouvel investissement de plus de1 milliard de dollars au cours des prochaines années.

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En 1995, nous avons vendu pour plus de 500 millions de dollars d'uranium. Dans la plupart des cas, il s'agissait de ventes à l'étranger, de sorte que l'uranium contribue largement au maintien de la balance de paiements du Canada.

Il est important pour l'industrie de l'extraction du minerai d'uranium de la Saskatchewan qu'il existe un système de réglementation solide, efficace et équitable dans lequel la population peut avoir confiance. Le remplacement de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, qui est une loi dépassée, par un texte législatif moderne est donc considéré par l'industrie comme une bonne initiative. Toutefois, le système de réglementation doit se caractériser par son efficacité, sa clarté, son uniformité, son équité et des pouvoirs administratifs raisonnablement délimités. À cet égard, le projet de loi C-23 comporte des lacunes. Nous proposons donc dans notre mémoire des moyens d'améliorer le projet de loi.

En ce qui concerne l'efficacité, nous abordons la nécessité de mettre en place une réglementation plus efficace dans les paragraphes de notre mémoire portant sur l'évaluation environnementale et le chevauchement des règlements. Évaluer les conséquences pour l'environnement des projets d'extraction de minerai d'uranium est une responsabilité qui, dans le cadre de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, s'inscrit incontestablement dans le cadre du mandat élargi des compétences spécialisées de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Dans ces circonstances et dans le contexte de la rationalisation de la réglementation au niveau fédéral, nous suggérons dans ce mémoire que l'évaluation environnementale des projets d'extraction d'uranium prenne uniquement pour cadre la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. On pourrait y parvenir sans diluer aucunement la qualité du processus d'évaluation de l'environnement. Une telle rationalisation réduirait l'administration réglementaire superflue et, grâce à une plus grande célérité et efficacité d'exécution, améliorerait la compétitivité du Canada.

Voici un exemple des pratiques non efficientes qui peuvent avoir cours dans le domaine de l'évaluation environnementale. Nous avons présenté un énoncé des incidences environnementales à Rabbit Lake pour l'exploitation de trois nouvelles veines en 1987. En 1988, nous avons reçu l'autorisation et de la province et de la Commission de contrôle de l'énergie atomique d'exploiter deux de ces veines et de mettre à l'essai de nouvelles méthodes d'extraction minière dans le cas de la troisième veine. Toutefois, la chute des marchés d'uranium a rendu ces projets peu rentables jusqu'en 1991. À l'époque, la commission nous a informés qu'à son avis, l'intérêt exprimé par la population à l'égard de ses projets justifiait la tenue d'une audience publique par le Bureau fédéral d'examen des évaluations environnementales avant qu'on ne puisse commencer l'extraction minière à cet endroit.

Nous avons préparé une mise à jour de l'énoncé des incidences environnementales en 1992 et les audiences ont eu lieu en 1993. Après avoir reçu l'autorisation du Bureau d'aller de l'avant, nous avons présenté une demande de licence de production à la CCEA. On nous a alors appris qu'il fallait que le personnel de la commission examine notre demande de licence afin de juger de la nécessité éventuelle de renvoyer celle-ci à un autre groupe d'examen.

Heureusement, ce renvoi n'a pas eu lieu. Toutefois, à notre avis, on devrait éviter ce genre de double et triple enquête si la nouvelle commission est en mesure de tenir ses propres audiences et de régler tous les aspects de la procédure de licence à une audience. Aux pages 6 et 7 de notre mémoire, nous faisons quelques recommandations en vue d'apporter des améliorations à la nouvelle loi dans ce domaine.

La Loi sur le contrôle de l'énergie atomique qui sera remplacée par la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires était à l'origine de la plupart des règlements fédéraux sur la mise en valeur des mines d'uranium. Toutefois, d'autres règlements ont également été pris en application d'une série d'autres textes législatifs tant fédéraux que provinciaux. Il en a résulté une réglementation inopérante et incohérente, caractérisée par des superpositions inutiles et coûteuses. Le projet de loi C-23 offre l'occasion de s'attaquer à ces problèmes. Certaines de ces dispositions vont dans cette direction.

L'industrie est au courant des discussions entre le gouvernement du Canada et celui de la Saskatchewan pour éliminer ces chevauchements. Il faut rédiger le projet de loi C-23 de façon à permettre au gouvernement fédéral de déléguer les pouvoirs aux provinces, dans toute la mesure du possible, si nous voulons que ces discussions aboutissent. Le projet de loi, tel que rédigé, n'atteindra pas cet objectif. En effet, la délégation de pouvoirs y est extrêmement limitée. Nous offrons des solutions à ces problèmes aux pages 8 et 9 de notre mémoire.

Le gouvernement de la province de la Saskatchewan s'intéresse de très près au secteur de l'uranium, lui imposant une réglementation par des ententes de baux de surface par lesquels les exploitants de mines s'engagent à se conformer à certains règlements provinciaux. Ainsi, il faut se procurer des licences et fédérales et provinciales et divers organismes fédéraux et provinciaux dont les sphères de compétence chevauchent effectuent des inspections. Du point de vue du contribuable et de l'exploitant, c'est manifestement inefficace.

Nous expliquons la nécessité d'une plus grande certitude au chapitre «Régime équitable d'autorisation» de notre mémoire, où il est question également de l'octroi des licences et des procédures d'appel.

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En vertu du régime d'autorisation décrit dans le projet de loi C-23, il est toujours possible que des décisions qui ont déjà été prises soient révisées, et que des permis et licences soient suspendus, modifiés ou révoqués dans des circonstances que le projet de loi ne précise pas. Un tel système laisse planer tant d'incertitudes que cela peut être un obstacle à l'investissement et à la planification des activités.

En vertu du paragraphe 43(3), la commission peut, de sa propre initiative, réviser la décision qu'elle a prise ou l'ordonnance qu'elle a rendue, la décision ou l'ordre d'un fonctionnaire désigné ou d'un inspecteur, ou les conditions d'une licence ou d'un permis. Nous relevons d'autres problèmes aux pages 15 et 16 de notre mémoire et y offrons d'éventuelles solutions.

Le projet de loi C-23 décrit un système multiniveaux complexe de procédures, de rapports, d'examens et d'appels. Pour s'assurer que ce processus se déroule dans les délais raisonnables, il est essentiel de fixer des échéances pour ces diverses étapes. À l'heure actuelle, le projet de loi est muet à ce sujet. Nous reprenons cette question aux pages 14 et 15 du mémoire.

Bien qu'il n'en soit pas expressément question dans le mémoire, la question des licences préoccupe les détenteurs de celles-ci. La CCEA a l'habitude d'émettre des licences pour une période de deux ans. La plupart des autres pays grands producteurs d'uranium émettent des licences pour la durée du projet ou renouvellent la licence pour une période prolongée après une courte période initiale visant à démontrer une exploitation responsable du site. Si la licence n'était pas renouvelée pour une mine en production, cela aurait de très graves conséquences pour l'exploitant.

À tous les exercices visant à démontrer notre diligence raisonnable avant une émission d'actions chez Cameco, je suis toujours interrogé très attentivement par l'avocat des preneurs fermes qui s'inquiètent de la durée de nos licences. Cela ne peut qu'avoir une grande incidence sur le prix de nos actions et sur notre capacité à financer de nouveaux projets. Vu tous les pouvoirs accordés à la nouvelle commission par le projet loi C-23, il n'y a aucune raison de ne pas accorder des licences pour la durée du projet.

Dans le mémoire, notamment à la rubrique «Régime d'autorisation équitable», nous proposons de limiter les pouvoirs administratifs des inspecteurs et des fonctionnaires désignés en imposant des critères de procédures et de limites raisonnables.

Le projet de loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires confère aux inspecteurs et aux fonctionnaires désignés des pouvoirs énormes d'ingérence et d'investigation. Le projet de loi leur accorde également l'autorité d'exiger n'importe quelle mesure de la part des titulaires de licence, même les plus arbitraires ou inadaptées. Ces dispositions vont bien au-delà des mesures comparables que l'on retrouve dans d'autres lois fédérales et, dans le contexte de l'extraction et du traitement de l'uranium, elles sont excessives et inacceptables.

Le but des auteurs du projet de loi C-23 en y intégrant de telles dispositions était peut-être d'accorder aux inspecteurs et aux fonctionnaires désignés un ensemble de pouvoirs de réglementation suffisants pour s'appliquer à tous les types d'installations nucléaires, y compris celles présentant des problèmes de réglementation beaucoup plus grands que l'extraction ou le traitement de l'uranium. Toutefois, quel que soit le motif, il est important que l'on introduise un plus juste équilibre dans la législation, ne serait-ce que pour éviter de créer un climat inutilement difficile. On trouvera à cet égard des propositions aux pages 10 à 14 de notre mémoire.

À la rubrique «Questions financières», nous faisons ressortir les lacunes sur le plan de l'uniformité et de ce qui est raisonnable. Le projet de loi C-23 autorise la Commission canadienne de sûreté nucléaire à exiger du titulaire d'une licence le versement d'une garantie financière sans en délimiter l'objet. De fait, les pouvoirs de la commission en la matière ne sont aucunement limités par les dispositions du projet de loi et elle pourrait exiger le versement d'une garantie financière qui ferait double emploi avec celle qui aurait été versée à des gouvernements provinciaux.

Aux pages 16 et 17 de notre mémoire, nous faisons valoir que la garantie financière dans le cas d'une mine d'uranium ou d'une usine de traitement ne devrait s'appliquer qu'aux obligations de déclassement des installations. La commission ne devrait pas avoir le pouvoir d'exiger qu'une telle garantie soit versée à un gouvernement provincial.

Les lois de la Saskatchewan prévoient des garanties financières pour le déclassement non seulement des mines d'uranium, mais aussi de toutes les mines. Puisque l'exploitation minière de l'uranium en Saskatchewan se fait sur les terres de la Couronne, qui finiront par revenir à la province, une seule garantie financière qui satisfasse aux exigences provinciales devrait suffire.

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Le projet de loi C-23 prévoit le financement de l'organisme de réglementation par le biais du recouvrement des coûts. Selon ce système, on fait assumer directement à l'industrie le coût des activités de réglementation de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, par le biais d'un barème de droits exigeant le versement de sommes importantes au moment où l'on dépose une demande de licence ou de renouvellement d'une licence. Par exemple, il nous faudrait payer2,2 millions de dollars pour une demande de nouvelle mine à ciel ouvert ou souterraine avec une zone de confinement des résidus de traitement.

L'industrie de l'extraction du minerai d'uranium de la Saskatchewan ne s'oppose pas au versement de droits raisonnables, mais estime qu'en fixant le montant des droits en fonction des coûts des activités de réglementation, on encourage l'organisme qui en est chargé à multiplier ses initiatives alors que cela ne se justifie pas. Par conséquent, nous proposons aux pages 17 et 18 que si l'on conserve un système de financement par recouvrement des coûts, afin de mieux structurer le système, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires fixe le maximum des droits que peut exiger la commission à la moitié du coût des activités de réglementation qui se justifient.

Du point de vue de l'industrie de l'extraction de l'uranium de la Saskatchewan, cette proposition est tout à fait raisonnable, étant donné que l'industrie elle-même a adopté volontairement de saines pratiques en matière d'écologie et de radioprotection, et considère que le système de réglementation a globalement pour objet de garantir à la population que l'industrie agit de manière responsable.

Au cours des prochaines décennies, on s'attend à une vive concurrence de la part de pays intéressés à donner de l'expansion à leurs mines d'uranium, soit l'Australie et les États-Unis, qui prévoient augmenter leur production ou exploiter de nouvelles mines. Pour que le Canada demeure dans le peloton de tête, la réglementation doit être raisonnable, juste et, sur tous les plans, compétitive à l'échelle internationale. Elle doit également être propre à susciter parmi la population un climat de confiance.

Il faut apporter des changements à la réglementation. Il faut éliminer les textes fédéraux et provinciaux qui font double emploi. Il faut réduire le nombre des règlements émis par des ministères fédéraux qui se chevauchent. Il faut trouver un juste équilibre entre les exigences découlant de la réglementation, par exemple en ce qui a trait aux pouvoirs de la nouvelle commission et de ses inspecteurs, et celles de l'industrie concernant l'efficacité, la clarté et l'équité de la réglementation.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-23 comporte des dispositions qui vont dans le sens de ces objectifs. Toutefois, l'industrie estime qu'en ce qui a trait aux dispositions mentionnées ci-dessus, des améliorations peuvent et doivent être apportées dans le meilleur intérêt du Canada. L'industrie de l'extraction du minerai d'uranium de la Saskatchewan, par l'entremise des exploitants qui soumettent le présent mémoire, recommande vivement que l'on effectue ces modifications.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Frost.

Qui va faire la présentation suivante, M. Hunt ou M. Stewart?

M. Murray J. Stewart (président et directeur général, Association nucléaire canadienne): Ce sera moi.

Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour vous faire part de ce que pense l'Association nucléaire canadienne du projet de loi C-23 et afin de vous appuyer et de vous encourager à adopter rapidement ce projet de loi qui touche de près notre industrie.

Bien que certaines de nos associations et compagnies membres présentent des mémoires de leur côté, nous voulons présenter le point de vue d'ensemble de l'industrie sur le projet de loi C-23.

Je suis accompagné ce matin par Colin Hunt, un directeur permanent de l'association qui va m'aider avec les diapositives. Je pense que la plupart des diapositives se trouvent dans la documentation que j'ai distribuée.

L'Association nucléaire canadienne, créée en 1960, regroupe de nombreuses industries et entreprises dont le but commun est de faire la promotion de l'utilisation pacifique de l'énergie et des techniques nucléaires. Elle compte près de 100 sociétés membres de tous les secteurs d'activité, dont des fabricants et des producteurs d'uranium, des universités, des syndicats, des compagnies d'électricité, des banques, des institutions financières. Nous représentons la gamme complète de l'industrie nucléaire au Canada.

L'ANC a présenté un mémoire détaillé sur le projet de loi C-23 que vous avez, je pense, devant vous. Nous appuyons ce projet de loi. Aujourd'hui, j'aimerais surtout vous expliquer pourquoi nous appuyons ce projet de loi et pourquoi celui-ci est essentiel pour notre industrie.

L'industrie nucléaire canadienne a bien servi le Canada. Depuis ses débuts il y a plus de 50 ans avec un premier réacteur nucléaire critique à Chalk River et jusqu'à sa contribution actuelle considérable à l'économie, ce secteur fait la fierté de tous les Canadiens. Il y a plus de 30 000 emplois directs et probablement 100 000 emplois indirects dans l'industrie nucléaire.

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Comme vous l'a dit Stan, de Cameco, le Canada est le chef de file mondial de l'uranium. Notre industrie exporte pour près d'un milliard de dollars en biens et services par année à l'heure actuelle. Le Canada est également le premier producteur et exportateur mondial de radio nucléides servant au traitement des maladies. Nous fournissons actuellement environ 80 p. 100 du cobalt 60 au monde.

Nous générons plus de 700 millions de dollars en impôt fédéral sur les particuliers et en taxes de vente et les retombées de notre secteur sont considérables. Il suffit de penser à la robotique, aux télécommunications, aux logiciels, aux services d'ingénieurs-conseils et à des entreprises comme CAE Electronics.

Au cours des 50 dernières années, l'énergie nucléaire a gagné du terrain et répond maintenant à 7 p. 100 des besoins mondiaux en énergie. À noter que les combustibles fossiles répondent à plus de 90 p. 100 de ces besoins, question de mettre les choses en perspective. Je parle de la consommation totale en énergie. Si l'on songe uniquement à la production d'électricité, l'énergie nucléaire répond à environ 17 p. 100 des besoins mondiaux, ce qui équivaut à la quantité d'électricité produite par les centrales hydroélectriques à l'échelle mondiale. Ces données remontent à il y a environ deux ans, et aujourd'hui, l'énergie nucléaire a surpassé la production hydroélectrique. Aujourd'hui même, des installations représentant plus de 40 000 mégawatts de capacité nucléaire sont en construction dans le monde.

Une production d'énergie nucléoélectrique de 17 p. 100 n'est pas très différente du taux de dépendance globale des Canadiens sur l'énergie nucléaire, bien que l'énergie hydroélectrique au Canada représente un pourcentage beaucoup plus élevé que ce qui est indiqué sur ce tableau.

Comme dans le cas de l'ensemble de l'industrie nucléaire, l'industrie nucléoélectrique a également eu une incidence considérable sur le Canada. Comme vous le savez tous, le Canada profite de tarifs d'électricité parmi les plus faibles du monde industrialisé, et c'est en partie grâce à l'énergie nucléaire.

Grâce à ces centrales nucléaires et au fait qu'on n'y utilise pas de charbon, le Canada n'a pas émis plus d'un milliard de tonnes de dioxyde de carbone, 80 millions de tonnes de cendres et32 millions de tonnes d'anhydride sulfureux. Ces chiffres seraient plus élevés si nous avions utilisé les sources traditionnelles d'énergie. Nous pensons en outre que l'énergie nucléaire gère efficacement ses déchets. Autre remarque publicitaire que vous a peut-être servie l'EACL la semaine dernière, nous pensons que nous possédons l'une des premières technologies de réacteurs nucléaires au monde.

À titre d'illustration, je vais vous montrer cette diapositive. On peut y voir la liste des25 premiers réacteurs nucléaires actuels dans le monde en fonction de leur seule performance - leur capacité de production d'énergie. En tête des 25, il y a cinq CANDU canadiens et l'un que vous montrera Colin est en Corée, un CANDU fourni par le Canada. Nous ne possédons que 5 p. 100 des réacteurs nucléaires au monde, mais plus d'un quart des 25 meilleurs réacteurs au monde viennent du Canada. C'est vraiment une réalisation.

L'évolution ces dernières décennies de notre industrie et le processus réglementaire ont fait du Canada un chef de file dans la gestion de son industrie nucléaire. Le Canada est un des principaux fournisseurs de produits et services nucléaires pacifiques. Le Canada est un chef de file dans les domaines de la réglementation et des exigences en matière de santé et de sécurité et du respect par l'industrie nucléaire de ces normes. Au Canada, nous encourageons les autres pays à suivre notre exemple, notamment en exigeant des ententes bilatérales de coopération nucléaire avec tous les pays auxquels nous fournissons des produits nucléaires. Le projet de loi C-23 doit appuyer cette tradition, ce qui à notre avis est le cas.

Notre association estime que l'objectif premier du projet de loi C-23 doit être de consacrer dans une loi des pratiques réglementaires déjà en vigueur par le biais des règlements d'application. En général, la réglementation de l'industrie nucléaire au Canada fait intervenir un accord sur les principes fondamentaux entre l'organisme de réglementation et le détenteur de permis. Les décisions prises résultent de l'accord de toutes les parties sur les mesures requises ou les normes à appliquer.

À notre avis, il faut maintenir ce processus de réglementation basé sur la performance, ce que fait le projet de loi C-23. Par cette loi, le public canadien pourra se familiariser avec l'étendue et la qualité de la réglementation nucléaire, les pouvoirs attribués à l'organisme de réglementation seront clairement définis pour toutes les parties intéressées et l'organisme de réglementation de l'industrie nucléaire devra s'aligner sur les pratiques réglementaires dans d'autres industries et sur d'autres lois. Voilà pourquoi nous appuyons le projet de loi C-23.

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Le président: Pouvez-vous attendre un instant? Nous avons des problèmes de traduction.

Nous allons nous arrêter brièvement, pendant que nous tirons cela au clair.

Ah c'est réparé. Veuillez continuer, monsieur Stewart, et accepter mes excuses.

M. Stewart: Dans notre mémoire, nous énumérons toutefois plusieurs points que nous vous demandons de considérer soit dans la version définitive du projet de loi, ou dans la réglementation qui en découlera.

De notre point de vue, il semble nécessaire d'indiquer à la fin de l'article 32 que les inspecteurs seront autorisés à prendre toute autre mesure raisonnable en conformité avec les normes acceptées de la commission. Il ne semble pas que la commission puisse être tenue responsable d'une manière quelconque des dommages aux installations ou des blessures personnelles lorsque des ordres donnés par un inspecteur se révèlent erronés lors d'un appel à la commission. Nous aimerions avoir l'assurance que les pouvoirs de perquisition et de saisie sont conformes aux autres lois fédérales et ne créent pas de précédent.

Le projet de loi prévoit un processus d'appel, et nous nous en réjouissons. Toutefois, nous aimerions voir le processus d'appel assorti de délais. En outre, il n'est pas précisé dans le projet de loi qui est ou qui peut prétendre être la partie directement lésée. En l'absence d'une définition claire, le processus d'appel laisse le détenteur de permis à la merci d'appels vexatoires. Nous recommandons donc de définir clairement qui peut interjeter appel ainsi que les fardeaux de preuve et l'attribution des frais.

Le projet de loi ne garantit pas au détenteur de permis que, s'il se conforme aux exigences de la Commission, son permis lui sera octroyé ou sera renouvelé. Il n'est pas non plus garanti que le permis ne sera pas révoqué même si le détenteur se conforme aux exigences réglementaires.

Étant donné l'éventail des moyens disciplinaires à la disposition des autorités et les renseignements que les détenteurs de permis doivent communiquer, on peut se demander pourquoi ces derniers sont obligés de renouveler leur permis tous les deux ans comme par le passé. En Allemagne, par exemple, le permis des installations nucléaires est de durée indéterminée et demeure en vigueur tant que le détenteur peut démontrer qu'il se conforme aux exigences du permis.

L'ANC convient de la nécessité d'un processus public d'évaluation environnementale et d'un régime de réglementation et d'octroi de permis efficace pour les installations nucléaires. Pour éviter les lenteurs, augmenter l'efficacité et réduire les coûts, on devrait réunir le processus d'octroi de permis des nouvelles installations et le processus d'évaluation environnementale en une seule audience.

Il semblerait que la commission puisse invoquer d'autres lois, en particulier la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, dans le processus d'octroi de permis. Nous aimerions donc obtenir l'assurance que le projet de loi confère à la commission tous les pouvoirs nécessaires pour procéder à une audience d'évaluation environnementale dans le cadre du processus d'octroi du permis pour les nouvelles installations en tenant compte des dispositions législatives des ministères provinciaux et des autres ministères fédéraux.

L'ACN tient à faire part au comité de ses réserves à l'égard du principe de la récupération des coûts de la réglementation auprès des détenteurs de permis. Le gouvernement fédéral a adopté une politique de récupération des coûts de la réglementation auprès des détenteurs de permis sous prétexte que ceux qui en bénéficient doivent en payer les coûts. Sans nous opposer à ce principe, nous tenons à faire remarquer qu'il est erroné de penser que seul le détenteur de permis bénéficie de la réglementation. Les activités du détenteur de permis créent des emplois, augmentent les recettes fiscales des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux, stimulent les exportations et produisent des retombées économiques qui, comme je l'ai déjà mentionné, sont souvent de plus grande portée que les activités mêmes du détenteur de permis. Manifestement, les groupes qui bénéficient des activités des détenteurs de permis sont beaucoup plus nombreux que le groupe des détenteurs de permis.

Quoi qu'il en soit, si l'on maintient le recouvrement des coûts, il faudrait modifier le projet de loi afin de s'assurer que les détenteurs de permis disposent d'une tribune leur permettant de contester la base de calcul et la répartition des coûts. Il faut, en modifiant le projet de loi, s'assurer que la commission ne pourra pas augmenter les exigences réglementaires et autres et accroître ses effectifs ou ses frais généraux alors que les coûts en seront totalement assumés par les détenteurs de permis.

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L'ANC saluerait plus volontiers ce projet de loi si la commission était obligée d'analyser les coûts et les avantages de ses recommandations réglementaires ou de consulter des comités dûment constitués avant d'adopter de nouveaux règlements.

Il serait bon que le comité puisse indiquer le niveau de protection des Canadiens que doit assurer la réglementation en fonction des conséquences potentielles des activités de l'industrie nucléaire. De cette façon, la commission disposerait d'une ligne directrice claire concernant l'élaboration de nouveaux règlements. Nous incitons le comité à recommander l'adoption d'une politique d'analyse coûts-avantages par la commission avant la promulgation de la nouvelle loi.

En conclusion, l'ANC considère que la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires proposée est une bonne loi dans l'ensemble. Nous estimons que ce projet de loi constitue une mise à jour utile et nécessaire de la Loi sur le contrôle de l'énergie nucléaire. À notre avis, nul besoin de modifier le projet de loi dans ses principes fondamentaux. Nous exhortons les membres du comité à examiner le projet de loi en détail et les députés du Parlement à l'adopter rapidement.

Je vous remercie de votre attention; Colin et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stewart. Nous allons commencer la période de questions avec M. Canuel, du Bloc québécois, qui dispose de dix minutes.

[Français]

M. Canuel (Matapédia - Matane): Vous avez soulevé plusieurs inquiétudes et vous avez présenté des recommandations fort pertinentes. Quant à moi, vous avez une oreille attentive.

Je voudrais revenir sur le premier mémoire que vous avez présenté. En passant, je vous remercie de l'avoir présenté en français et en anglais. J'ai en main un exemplaire de la version française. À la page 8 de cette version, vous parlez de chevauchements réglementaires. Au paragraphe qui suit, vous parlez de coordination fédérale-provinciale et donnez certains exemples. Auriez-vous d'autres exemples à porter à ma connaissance relativement aux chevauchements? Est-ce qu'il serait trop tôt pour dire que les provinces seraient en mesure d'assumer l'entière responsabilité? Vous parlez de votre province. Je sais qu'il y a également des discussions au Québec et qu'on serait en faveur que la province en prenne l'entière responsabilité. De plus, on disait dans le Discours du Trône que les mines et les forêts devaient être reconnues comme étant totalement de compétence provinciale.

Mes deux questions se résument ainsi: pourriez-vous m'apporter quelques autres exemples de chevauchements et est-ce qu'on ne devrait pas donner l'entière responsabilité de ces domaines aux provinces? Si certaines provinces ne sont pas aptes à faire toute la coordination, je comprendrai, mais je pense qu'il y a plusieurs provinces qui sont aptes à faire cette coordination. Pourquoi ne la leur remettrait-on pas? Merci.

[Traduction]

M. Frost: Je pense que votre dernière phrase représente parfaitement notre point de vue. Lorsque la province est compétente pour faire ce travail et qu'elle souhaite le faire, la loi devrait l'y autoriser.

En ce qui concerne les exemples de chevauchement, on peut parler des inspections. Les inspecteurs de la Commission de contrôle de l'énergie atomique visitent nos sites tous les mois. Nous recevons également les inspecteurs du ministère de l'Environnement de la Saskatchewan tous les mois. Ceux du ministère du Travail de la Saskatchewan viennent environ toutes les six semaines.

Récemment, nous avons accueilli les premières inspections de Travail Canada. Certains organismes environnementaux, comme Pêches et Océans et Environnement Canada, nous rendent également visite à l'occasion. Nous nous retrouvons avec quatre organismes différents qui s'intéressent aux questions d'environnement sur nos sites, et trois organismes différents qui s'intéressent aux questions de santé et sécurité et travail. Aucun de ces organismes ne s'intéresse à un sujet spécifique, et tous ont des intérêts qui se recoupent. Nous constatons que notre personnel responsable des questions d'environnement et de sécurité est occupé la plupart du temps par les visites des inspecteurs sur nos sites.

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Nous avons des permis de la province et de la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Dans certains cas, ces permis comportent des dates de renouvellement différentes. Ils ont des termes ou des durées de validité différents. À l'occasion, ils peuvent nous imposer des exigences différentes.

Par exemple, les exigences des limites d'émission d'effluents qui apparaissent sur certains de nos permis se recoupent sans être identiques, ce qui nous complique passablement la vie en ce qui concerne la surveillance et le contrôle des rejets d'effluents.

Il existe un grand nombre de zones de chevauchement.

[Français]

M. Canuel: Monsieur le président, je voudrais ajouter ce qui suit. Si je comprends bien, il y a énormément de pertes d'argent et ces gens-là arrivent arrivent presque en même temps avec des points de vue un peu différents. Je viens de comprendre. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ringma.

M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Je vous remercie de votre exposé.

En écoutant le témoignage d'aujourd'hui et ceux des deux dernières journées, je me suis imaginé que j'avais la responsabilité du dossier du projet de loi C-23. Je me suis demandé comment il fallait traiter ce dossier. Évidemment, la première chose à faire est de consulter les organismes comme la CCEA, et je suppose que cela a été fait. Il faut consulter l'industrie, lui demander ce qu'elle en pense. Autrement dit, je devrais consulter tous ceux qui ont un rôle à jouer dans ce domaine.

Je voudrais vous poser la question suivante, qui pourrait également être adressée au comité: dans quelle mesure avez-vous été consultés sur les détails du projet de loi C-23? Les deux groupes de témoins ont dit qu'il allait dans la bonne direction. Nous sommes tous d'accord, mais si je considère les détails des pouvoirs de réglementation, la question des inspecteurs, etc... En particulier, j'ai pris connaissance du texte de votre exposé, monsieur Frost, et je vois que ce sont des aspects qui ont beaucoup d'influence. Il est presque abusif que des inspecteurs aient eu leur mot à dire sur ce que devait être le contenu du projet de loi C-23.

Après ce long préambule, je voudrais vous poser la question principale: dans quelle mesure avez-vous été consultés sur l'élaboration du projet de loi C-23?

Je me demande si je pose la bonne question, ou la mauvaise.

Le président: Qui veut répondre?

M. Stewart: Je pourrais peut-être céder tout d'abord la parole à M. Hunt. C'est lui qui s'est occupé de l'évolution du processus avec l'ANC, la CCEA et les autres intervenants au cours des dernières années.

M. Colin Hunt (directeur des publications, Association nucléaire canadienne): Il n'existe sans doute pas de niveau de consultation suffisant pour contenter tout le monde. Mais au-delà de cette mise en garde, la CCEA fait de la consultation. Elle consulte longuement l'industrie avant toute décision importante. Elle est bien informée du point de vue de l'industrie.

De façon générale, je pense à ce sujet que la CCEA est bien souvent plus sensible aux points de vue des intervenants - et j'inclus dans ce mot l'industrie ainsi qu'un grand nombre d'autres groupes - que bon nombre d'autres organismes de réglementation étrangers, dont certains tiennent bien peu compte du point de vue de l'industrie. D'autres tiennent peu compte du point de vue des intervenants autres que l'industrie. De façon générale, je peux dire que la CCEA a un assez bon dossier.

M. Ringma: Je déduis de votre réponse qu'à votre avis, ce projet de loi est le rejeton de la CCEA plutôt que celui du ministère des Ressources naturelles.

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M. Stewart: Comment faut-il répondre à cette question? Je pense en fait que cette mesure législative traduit bien la façon dont la situation a évolué depuis des années grâce à la coopération entre toutes les parties intéressées. Comme je l'ai dit, elle consacre au plan législatif les bons résultats obtenus. Je crois que le système canadien fonctionne très bien. C'est un modèle pour le monde entier, et c'est ce qu'on retrouve dans la loi. Nous avons quelques points de contentieux, mais de façon générale, la loi consacre bien l'évolution de la situation des bons résultats obtenus.

M. Hunt: Je voudrais ajouter quelque chose. Nous sommes une industrie réglementée dans la mesure où tous les aspects de notre activité sont régis par des règlements d'application de la législation fédérale. Par conséquent, pour que notre industrie fonctionne, nous avons besoin d'une autorité de réglementation efficace et puissante, qui bénéficie de la confiance des décideurs, comme vous, et de l'ensemble des Canadiens. Dans ce sens, il n'est pas étonnant que cette mesure législative traduise dans une large mesure les préoccupations et les intérêts de l'autorité de réglementation.

M. Ringma: Je suis sûr que nous avons tous le même objectif, qui est de faire en sorte que le projet de loi C-23 soit aussi bon que possible et qu'il respecte les intérêts de l'industrie, de toutes les personnes concernées et de l'ensemble des Canadiens. Voilà ce dont j'ai voulu m'assurer par mes questions; il faut qu'à l'issu de cet exercice, nous puissions dire en toute confiance que nous avons fait tout en notre possible pour prendre tous les points de vue en considération.

Je vous remercie, voilà qui nous ouvre des perspectives intéressantes.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ringma.

Julian.

M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.

Monsieur Stewart, j'ai regardé cette brochure ainsi que les acétates qui ont été projetés à l'écran, et je pense qu'ils ne figurent pas tous dans la brochure. Est-ce qu'ils devraient s'y trouver?

M. Stewart: Il y en a quelques-uns dans la brochure, que je n'ai pas montrés.

M. Reed: Mais vous en avez aussi montré quelques-uns qui ne figurent pas dans la brochure. C'est ce que je voulais dire.

M. Stewart: Je l'ai fait par inadvertance. Il y en a un qui ne figure pas dans la brochure et qui se trouve je crois sur une feuille distincte, c'est l'image des drapeaux.

M. Reed: Oui.

M. Stewart: Je vais vous faire faire des copies de l'image des drapeaux.

M. Reed: C'est parfait.

À ce sujet, je voudrais savoir si vous avez un dossier de toutes les centrales en service au Canada, et non pas uniquement des quatre meilleures. Je vois bien que vous essayez ici de promouvoir les ventes, et comme toujours, l'association fait dans ce domaine un travail extraordinaire. Mais c'est comme si on disait que la centrale trois de Niagara Falls fournit ses 8 000 heures de fonctionnement chaque année depuis 85 ans, et qu'elle est donc, sans doute, la centrale la plus efficace au monde. Pourriez-vous nous donner un aperçu plus équilibré du rendement de ces centrales?

M. Stewart: Je n'ai pas les données par-devers moi, mais nous avons des chiffres pour chacune de ces centrales, et je peux vous assurer qu'elles figurent toutes, indiscutablement, dans la moitié supérieure. On en trouve peut-être une dans le bas du graphique, pour différentes raisons, mais il y a 21 centrales au Canada, et elles fonctionnent toutes très bien depuis leur lancement. Elles peuvent subir des perturbations et connaître des fermetures en cours d'année pour des opérations d'entretien ou de retubage, mais je vous ai donné ici des chiffres exacts, correspondant à la durée d'utilisation de chaque centrale. On aurait pu aussi m'accuser de sélectionner les meilleures années, ou les données les plus récentes.

M. Reed: Oui, c'est comme la Bible: on y trouve ce qu'on veut y trouver.

M. Stewart: J'ai été aussi objectif que possible, même si vous voyez l'entête d'EACL sur le document.

M. Reed: Nous aimerions voir la page manquante, qui nous donnerait un point de vue équilibré.

M. Stewart: Je vous la ferai parvenir. Vous aurez toutes les pages.

M. Reed: Je dois dire que j'ai aussi beaucoup apprécié votre commentaire sur les autres énergies - s'il fallait remplacer le nucléaire par du charbon, par exemple, que ferait-on du dioxyde de carbone et des cendres, comme vous l'avez dit, et du dioxyde de soufre?

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Cela m'amène à la question plus épineuse des déchets fortement irradiés qui résultent de la fission nucléaire et qui s'accumulent. En 1978, quand je faisais partie du Comité spécial d'Hydro Ontario, on m'a amené à Whiteshell pour me montrer des travaux de recherche sur un site d'entreposage ou de stockage à long terme de déchets fortement irradiés. Apparemment, les travaux étaient déjà assez avancés à l'époque. On nous a dit que la construction devait débuter deux ans plus tard, mais il y a eu une levée de boucliers. Vous êtes beaucoup plus jeune que moi, mais je me souviens de cette levée de boucliers, au moment où Hydro Ontario et EACL étudiaient des formations rocheuses dans le nord de l'Ontario; elles sont arrivées au mont Moriah, je crois, à Madoc, et il y a eu une montée d'opposition politique.

Ce que je veux dire, c'est que cette technologie est censée exister depuis un certain temps, mais elle n'a pas encore été mise au point ni utilisée. De ce fait, les déchets fortement irradiés continuent à s'accumuler, même s'ils sont entreposés en toute sécurité...

M. Stewart: Merci.

M. Reed: ... du moins tant que le site d'entreposage reste sûr, tant qu'un fou ne va pas lancer une grenade dans l'un des bassins d'entreposage.

À votre avis, quand cela va-t-il se faire? Est-ce qu'on va décider un jour de transporter tous ces déchets dans un site de stockage permanent?

M. Stewart: Je vous répondrai sans prendre de risque en vous disant que nous attendons une issue très positive des audiences qui se déroulent actuellement sur les déchets fortement irradiés, et qui doivent se poursuivre encore une autre semaine en novembre. Nous espérons que tout ira bien. Ensuite, on pourra passer à la sélection du site, c'est-à-dire à la phase trois, au début de l'année prochaine. C'est prévu, je crois, pour janvier ou février. Nous essayons, dans la mesure du possible, d'accélérer le processus, étant donné que les études de génie civil de cette option remontent maintenant à une quinzaine d'années. Il semble que l'option soit viable, et si tout se passe bien, elle devrait permettre d'assurer le stockage à long terme.

Mais je suis d'accord avec vous; actuellement, les déchets sont stockés en sécurité dans les centrales nucléaires et ailleurs, et dans certains cas, ils pourraient y rester encore pendant des années. La compagnie d'électricité du Nouveau-Brunswick a opté pour un stockage à sec à long terme, mais pas définitif.

M. Reed: Nous partons cependant d'une hypothèse angoissante, à savoir que ces déchets sont produits au sein d'une société stable. Les autres sociétés du monde ne sont pas toutes aussi stables que le Canada, et même ici, nous avons constaté avec horreur qu'on trouve toujours quelques individus à la santé mentale précaire qui peuvent provoquer des catastrophes. Je pense que jusqu'à maintenant, nous avons eu de la chance. Avec la prolifération des déchets, on assiste à une prolifération des risques.

Je ne conteste pas la façon dont les déchets sont entreposés. Je ne voudrais pas passer pour un anti-nucléaire, car ce n'est pas mon cas, mais je me pose certaines questions concernant nos hypothèses de départ. À mon avis, il y a lieu de s'en préoccuper. Nous avons, il est vrai, une technologie qui protège intégralement la population... à moins que quelqu'un de mal intentionné ne s'en mêle.

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M. Stewart: Colin a peut-être un commentaire à faire, mais je pense que c'est là l'un des avantages de l'actuelle proposition concernant les déchets fortement irradiés. Ils seront stockés sous terre en toute sécurité. Ils seront scellés dans ce qui deviendra, en fait, une tombe inaccessible. C'est la formule retenue, c'est pourquoi on a opté pour le stockage dans un site géologique à grande profondeur.

M. Reed: Le comité ou le gouvernement peuvent-ils intervenir en faveur de cette option? Y a-t-il quelque chose à faire pour que cette option devienne une réalité?

M. Stewart: Je pense que c'est déjà une réalité. J'espère qu'elle va se concrétiser. Nous espérons qu'on en viendra à une approche tout à fait définitive, que les membres du comité prendront une décision définitive pour dire que l'option est valable et qu'on peut passer au choix du site. Si tel n'est pas le cas, il faut souhaiter que l'on énoncera les problèmes à régler avant de passer au choix d'un site.

Je reconnais avec vous que les choses ont assez traîné. C'est la dernière pierre de l'édifice du cycle du combustible nucléaire, et nous souhaitons, tout comme vous, que l'on trouve une solution ultime.

M. Hunt: Il y a d'autres facteurs à considérer en réponse à la question que vous soulevez.

En ce qui concerne le stockage des déchets, force est d'affirmer que l'énergie nucléaire est la seule technologie thermique qui assume la responsabilité de tous ses déchets. On aurait tort de négliger cet élément, car en fait, la consommation des combustibles fossiles à l'échelle mondiale - en particulier le charbon, mais c'est également vrai, dans une certaine mesure, de tous les combustibles fossiles - libère dans l'environnement une quantité de radionucléides bien supérieure à celle que produit l'industrie nucléaire. Cette dernière est responsable de tous les radionucléides qu'elle produit; c'est là l'une des conditions de ses permis d'exploitation.

Nous devons assumer la responsabilité de tous nos déchets radioactifs, et nous devons trouver des méthodes appropriées pour les entreposer. Nous devons également constituer des réserves en prévision de leur élimination définitive. Pour répondre à votre question, il est bien établi, depuis plusieurs décennies, que l'élimination de ces matières signifie qu'elles vont être stockées d'une manière telle qu'on n'aura pas besoin d'une société stable ou d'une quelconque structure politique permanente pour s'en occuper. En fait, c'est là l'essence même de la formule de stockage des déchets élaborée par EACL, et qui fait actuellement l'objet d'une étude.

Je vous répondrai donc qu'on doit effectivement se préoccuper de toutes ces questions. Je considère que l'industrie nucléaire devrait servir de modèle à tous les autres secteurs industriels pour la gestion de ses déchets, dont elle assume l'entière responsabilité.

Le président: Merci.

Madame Cowling.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je voudrais remercier les témoins pour la qualité de leurs exposés.

Comme vous le savez, notre gouvernement s'est engagé à favoriser la croissance économique et la création d'emplois; je voudrais revenir sur l'un des acétates. Vous avez dit que l'industrie nucléaire a bien servi les intérêts du Canada, avec ses 30 000 emplois directs en haute technologie.

Je voudrais poser une question à M. Frost. Le Canada est le premier exportateur mondial d'uranium, avec des ventes d'un milliard de dollars; combien y a-t-il d'emplois dans ce secteur?

M. Frost: J'ai indiqué dans notre mémoire, je crois, que les mines d'uranium de la Saskatchewan comptent environ 2 500 emplois, mais elles créent également un certain nombre d'emplois indirects. De nombreux fournisseurs de biens et services de Saskatchewan dépendent directement de notre industrie.

Par ailleurs, nous nous sommes efforcés de favoriser la création d'entreprises autochtones dans le nord de la Saskatchewan, comme la Northern Resource Trucking Ltd., une société que nous avons pratiquement mise au monde. Nous avons favorisé la rencontre entre une bande indienne et une société de camionnage, en nous engageant à leur confier nos services de camionnage par contrat s'ils réussissaient à constituer une entité commerciale. Nous ne voulons pas constituer d'entreprise qui dépende intégralement de nous. Nous voulons des entreprises stables, qui pourront poursuivre leurs activités quand les mines auront cessé les leurs. Nous avons réussi à quelques reprises, notamment avec la Northern Resource Trucking.

Il y a donc de nombreux emplois secondaires qui sont créés grâce à notre industrie.

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Mme Cowling: C'est parfait.

L'un de vos acétates concerne la procédure d'appel; vous y signalez diverses questions que vous aimeriez voir réglées. Vous parlez des délais. Que recommandez-vous à ce sujet?

Toujours à propos de la procédure d'appel, vous demandez qui est disponible et qui est responsable. Alors c'est la question que je vous pose: qui devrait être disponible et qui devrait être responsable en matière de procédure d'appel? Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

M. Hunt: En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, voulez-vous savoir qui devrait être autorisé à interjeter appel?

Mme Cowling: Oui.

M. Hunt: L'industrie a sans doute un parti pris à ce sujet, et vous souhaitez sans doute un point de vue plus large, plus conforme à l'intérêt général. Je pense cependant qu'on résoudrait bon nombre de ces problèmes en donnant une définition précise de certains termes utilisés dans la loi. C'est notamment le cas de la notion de «personne directement concernée». Il faudrait en donner une définition précise indiquant si le critère est géographique ou lié au travail, par exemple, car sur les questions environnementales, il n'est pas rare que des personnes habitant à plusieurs centaines de milles se disent directement concernées par un phénomène, qu'il soit réel ou non. On ferait ainsi disparaître une bonne partie des interrogations que suscite cette procédure d'appel.

Par rapport à cette question, le problème des délais est relativement moins grave. N'étant pas avocat ni expert en réglementation, nous ne pouvons pas recommander de délai précis. Cependant, nous souhaiterions que l'on envisage la possibilité d'en fixer.

M. Harold MacKay (Cameco Corporation): À notre avis, la question des délais est importante, mais il suffirait sans doute de préciser dans la loi que les délais de ces différentes procédures d'appel seront prescrits par règlement. On saurait ainsi que des règlements vont fixer ultérieurement les délais d'appel. Il serait abusif de vouloir que ces délais soient fixés définitivement par la loi, fussent-ils de 15, de 30 ou de 60 jours. Ce qui nous préoccupe, c'est l'absence d'indications précises portant que les appels doivent être interjetés dans des délais prescrits par règlement; ce serait donc la solution.

Mme Cowling: Merci.

Le président: Merci, madame Cowling.

En tant que président, j'aimerais vous poser moi-même quelques questions.

Vous avez exprimé des préoccupations sur la question des garanties, notamment parce qu'elles peuvent s'étendre au-delà du déclassement. Par la suite, vous dites craindre que ces exigences fassent double emploi avec celles des provinces.

Je voudrais vous poser quelques questions sur ce dernier point. Pensez-vous qu'il convient de laisser au gouvernement fédéral le pouvoir d'imposer une mesure qui va au-delà de ce que demande la province s'il estime qu'elle n'a pas exigé une garantie suffisante en matière de dépollution ou de déclassement d'une mine?

Deuxièmement - et je crois avoir vu cela dans le mémoire, mais je l'ai peut-être mal interprété - vous semblez indiquer que certaines installations peuvent nécessiter des garanties allant au-delà du déclassement, mais que ça n'est pas nécessairement le cas d'une mine d'uranium. Prenons l'exemple d'un bassin de résidus de traitement qui, pendant la période d'exploitation de la mine, commencerait à fuir et provoquerait une contamination en aval. Je ne sais pas si c'est possible, mais peut-être pourrait-on se servir du permis pour exiger que la compagnie ait les ressources financières nécessaires pour réparer cette fuite pendant la durée de l'exploitation.

J'aimerais avoir votre avis sur ces deux points.

M. Frost: En ce qui concerne la deuxième question, les compagnies minières évitent généralement ce genre de problème par une bonne conception des installations, qui doivent être situées au bon endroit. On ne place pas une installation de résidus dans un secteur où une fuite risquerait de provoquer de la pollution en aval.

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Je peux me prononcer pour toutes les compagnies du nord de la Saskatchewan; elles ont toutes des baux portant sur d'assez grandes surfaces. Il faut choisir un secteur approprié pour les bassins de résidus de traitement, qui doivent être construits avec l'approbation de l'autorité de réglementation. Les compagnies et l'autorité de réglementation sont conscientes de ce genre de risque, et nous nous efforçons de l'éviter.

En ce qui concerne la dépollution pendant l'exploitation, s'il se produit un incident dans un bassin de résidus, on a affaire à des matières qui sont parfaitement connues dans l'industrie. La technologie n'est pas nouvelle. L'un des avantages des matières radioactives, c'est qu'elles sont très faciles à détecter grâce aux instruments dont on dispose; il est donc facile de les trouver et de procéder à la décontamination. Je ne pense pas que cela pose un problème sérieux.

En ce qui concerne les garanties financières, les préoccupations des gouvernements et des organismes de réglementation concernant les mines d'uranium portent sur la période qui suit l'exploitation, notamment le déclassement et l'abandon. Il est arrivé que des compagnies abandonnent le site sans l'avoir décontaminé correctement, mais en vertu de la législation actuelle, ce genre de situation ne peut plus se produire. J'ai signalé que la Saskatchewan impose des exigences de déclassement pour toutes les exploitations minières, y compris pour la potasse, le charbon, l'uranium, l'or et les autres minéraux. La situation n'est donc pas spécifique aux mines d'uranium.

Je peux vous en parler d'après l'expérience de la Saskatchewan. Je pense qu'on a évalué avec compétence les besoins du déclassement, et qu'on a prévu les garanties financières nécessaires. Dans la mesure où la province, qui reste en définitif propriétaire des terrains, est satisfaite du plan de déclassement et des garanties financières qu'il comporte, il est inutile que la CCEA vienne s'en mêler.

Le président: Sur un autre sujet, vous avez parlé des problèmes de délégation et de chevauchement entre la province et le gouvernement fédéral. Comme nous le savons tous, le projet de loi aborde la question de la délégation aux paragraphes 44(6) à 44(11). Ces dispositions semblent répondre aux préoccupations exprimées à ce sujet, puisque le gouvernement fédéral peut, grâce à cette partie de la loi, déléguer ses pouvoirs d'application.

Vous semblez toujours avoir des préoccupations à ce sujet, et je voudrais vous demander de les exprimer de façon très directe.

M. MacKay: Je peux essayer de répondre, monsieur le président. Nos commentaires à ce sujet figurent aux pages 8 et 9 de notre mémoire.

Pour résumer ces préoccupations, il est vrai qu'on trouve dans le projet de loi deux dispositions très limitées qui permettent la délégation. La première permet à la commission d'incorporer la législation ou la réglementation provinciale dans ses propres règlements, auquel cas elle peut ensuite déléguer l'administration de la loi et des règlements à la province, comme l'indique l'article 44. La deuxième disposition permet une délégation des pouvoirs d'inspection.

À notre avis, il y a bien d'autres sujets qui risquent de faire un jour l'objet d'un conflit de compétences entre les paliers de gouvernement. En fait, c'est déjà vrai pour certains d'entre eux. Par exemple, M. Frost a parlé de la double exigence de permis: le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial exigent, par l'intermédiaire de leurs organismes respectifs, l'obtention de permis distincts par des procédures distinctes pour le même projet. Nous proposons qu'à l'avenir, le gouvernement fédéral ou la commission puisse décider de déléguer ce pouvoir à la province.

Mais dans sa formulation actuelle, le projet de loi ne le permet pas.

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Nous proposerions qu'il y ait une disposition assez large qui dirait effectivement que sous réserve des dispositions de la constitution, le gouvernement fédéral ou la commission peut déléguer - je ne sais pas si ce pouvoir de délégation serait donné au gouverneur en conseil ou à la commission - les pouvoirs qui peuvent être délégués, en tout ou en partie, dans le cadre d'accords intergouvernementaux.

Je crois que certains voudraient faire croire que le projet de loi a une portée qu'il n'a pas. Nous avons lu la déclaration du ministre dans laquelle il semblait dire que ce problème de délégation serait réglé ici, mais je crois qu'il y a là une légère exagération. La délégation de pouvoir est possible dans deux secteurs bien précis. Je ne vois pas pourquoi certains s'opposeraient à ce qu'il y ait une disposition habilitante qui permettrait une délégation de pouvoir plus poussée, moyennant un accord intergouvernemental éventuel en ce sens.

Le président: Je ne dirais pas que le fait de pouvoir incorporer par renvoi une loi provinciale pour ensuite accorder une délégation de pouvoir est un pouvoir étroit. Je dirais plutôt que c'est un pouvoir assez vaste, mais c'est une question d'interprétation.

M. MacKay: Ce n'est pas un pouvoir négligeable, mais si vous prenez l'exemple des licences, exemple classique de double emploi et de chevauchement coûteux, ce projet de loi ne prévoit pas ce pouvoir et nous le déplorons.

Le président: Je comprends votre point de vue.

J'aimerais aborder rapidement deux autres points. Les pouvoirs d'inspection - je ne veux pas entrer dans les détails juridiques, je souhaite seulement poser une question. Les inspecteurs s'acquittent à l'heure actuelle de certaines fonctions - vous avez exprimé de sérieuses réserves sur les raids menés en pleine nuit et sur les portes que l'on défonce et autres choses du genre. Ce genre de choses ne se produisent pas réellement.

M. Frost: L'expérience que nous avons eue à nos sites miniers a été relativement bonne. Je dois signaler toutefois que nos sites sont assez isolés et les gens s'y rendent surtout en avion. Ils doivent utiliser notre piste d'atterrissage et doivent au préalable obtenir une autorisation, de sorte qu'il est difficile de nous prendre au dépourvu. Cependant, nous recevons à l'occasion la visite surprise d'un inspecteur qui décide de faire le trajet de 14 heures sur des routes en mauvais état pour se rendre à notre site. Mais comme je l'ai dit, pour l'essentiel les choses se passent assez bien. Ce qui nous déplaît c'est un projet de loi qui tient pour acquis que l'inspecteur agira de façon raisonnable. Nous voudrions que certaines limites soient imposées au pouvoir des inspecteurs.

Il y a une autre loi qui traite d'un danger imminent, si cela inquiète les autorités. Les lois fédérales et provinciales en matière de travail traitent de cette question et il n'est pas nécessaire d'accorder de nouveaux pouvoirs d'interrompre des travaux pour cette raison aux inspecteurs de la Commission canadienne de sûreté nucléaire ou de la Commission de contrôle de l'énergie atomique.

Le président: Je comprends votre inquiétude mais j'essaie de bien saisir une inquiétude qui est plus théorique que réelle en ce sens que vous avez constaté des cas d'abus des pouvoirs d'inspection.

M. Frost: Je me souviens d'un incident où un inspecteur a fait interrompre les opérations de l'une de nos mines souterraines sans motifs valables. Si ma mémoire est fidèle, nous sommes allés au bureau de la CCEA et nous avons réussi à tirer les choses au clair. Le fait est que cet inspecteur n'aurait pas dû interrompre les opérations dans ce cas-là, mais il l'a fait. C'était peut-être un inspecteur moins expérimenté, mais ce genre de chose se produit à l'occasion.

Le président: Enfin, sur la question des coûts, il existe actuellement un système de recouvrement des coûts. Vous suggérez que la moitié des coûts du régime réglementaire soit imputée au trésor, ce qui, sauf erreur de ma part, serait une véritable «manne» financière - si j'ose utiliser ce terme. Cela augmenterait certainement le rendement de votre investissement au détriment de l'ensemble des contribuables. N'est-ce pas exact?

M. Frost: Il y a à peine six ans, les contribuables finançaient la totalité des activités de la CCEA.

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Dans l'état actuel des choses, la Commission de contrôle de l'énergie atomique ou la nouvelle Commission canadienne de sûreté nucléaire peut soutenir qu'elle doit embaucher de nouveaux employés pour certaines activités réglementées et que cela ne coûtera rien puisque le service sera facturé aux titulaires de licence. Il ne s'agit guère d'un frein à la croissance de la réglementation et nous estimons qu'il faudrait prévoir certaines limites.

Le président: Vous ne vous inquiétez pas surtout des coûts. Vous souhaitez surtout que la réglementation mise en place vise en fait un objectif légitime. Si j'ai bien compris, ce ne sont pas surtout les coûts qui vous inquiètent. S'il y a 432 règlements qui s'appliquent à vos activités, vous voulez en fait qu'ils soient tous nécessaires. Vous ne voulez pas que quelqu'un puisse prendre une centaine de nouveaux règlements dans le seul but de se construire un empire, d'accroître les effectifs, etc.

Si je vous ai bien compris, c'est la légitimité des règlements plutôt que leur coût d'application qui vous préoccupe réellement.

M. Frost: C'est effectivement notre principal souci. Les droits de licence nous coûtent plusieurs millions de dollars par année, et ce n'est pas négligeable.

Le président: Merci, messieurs. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer et de la franchise de votre présentation et de vos réponses. Nous tiendrons certainement compte de vos commentaires quand nous ferons l'examen détaillé du projet de loi C-23. Merci.

La séance est levée.

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