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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 28 octobre 1996

.1033

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bélair): La séance est ouverte. Bonjour, mesdames, messieurs et chers collègues. Nous sommes heureux de pouvoir entendre aujourd'hui à Yellowknife ce que nos témoins ont à déclarer dans l'intérêt de leur communauté ainsi que de cette très belle région du Canada.

Sans plus de cérémonie, je vais demander à M. Schmidt, directeur de la Inuvialuit Regional Corporation, de prendre place.

Chaque témoin dispose d'une demi-heure de temps de parole. Les deux premiers mémoires étant relativement longs, il faudrait probablement consacrer toute la demi-heure à leur lecture. Je laisse aux témoins le soin de décider s'ils veulent ou non se contenter de donner un résumé de leurs documents, afin de permettre aux membres du comité d'avoir le temps de leur poser des questions, d'autant plus que la plupart d'entre nous ne connaissent pas très bien cette région.

Vous avez la parole, monsieur.

M. Patrick Schmidt (gérant, Inuvialuit Regional Corporation): Merci, monsieur le président. Je vous lirai un résumé du mémoire qui vous a été remis.

Mesdames et messieurs les membres permanents et associés du comité et du personnel de recherche, la Inuvialuit Regional Corporation tient à remercier le Comité permanent de l'avoir invitée à venir exprimer les aspirations et les préoccupations des Inuvialuit au sujet des ressources naturelles et du développement économique rural.

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Je compte aborder à grands traits au cours de mon exposé les points suivants: l'entente sur les revendications territoriales des Inuvialuit sur le plan de la gestion des ressources naturelles et des mesures économiques, les conditions économiques dans la zone de peuplement, les ressources naturelles des Inuvialuit, les obstacles au développement économique de la région, et les initiatives que pourrait prendre le gouvernement au niveau de la politique pour nous aider à surmonter ces handicaps.

Les Inuvialuit sont des Inuit de l'Arctique de l'Ouest, et habitent les six localités d'Inuvik, Aklavik, Tuktoyaktuk, Sachs Harbour, Paulatuk et Holman. La population totale est d'environ 5 000.

Pour réellement discuter du développement économique rural ou du développement des ressources naturelles, il faut commencer par se faire une idée des institutions et des établissements publics chargés de la réglementation associée à l'entente sur les revendications territoriales de 1984. Cette entente porte sur les mécanismes de gestion de la nature et des territoires, les titres de propriété, la compensation financière et les mesures économiques concernant les Inuvialuit. L'objectif premier de l'entente était de préserver l'identité culturelle et les valeurs inuvialuit face à l'évolution de la société nordique, de permettre aux Inuvialuit de devenir des intervenants à part entière dans l'économie et la société nordique et nationale, et de protéger la faune sauvage, l'environnement et la productivité biologique de l'Arctique.

Essentiellement, l'entente accordait aux Inuvialuit 35 000 milles carrés de terre, avec des droits souterrains sur 5 000 milles carrés, et 170 millions de dédommagement, mettait en oeuvre une série de contrôles environnementaux, et prévoyait un mécanisme de gestion conjointe des ressources fauniques au sein de la zone de peuplement inuvialuit.

L'accord comprenait également une composante à caractère économique pour tenter de répondre aux objectifs que les Inuvialuit se sont engagés à poursuivre en matière de développement économique, c'est-à-dire leur participation pleine et entière à l'économie du nord du Canada, et leur intégration dans la société canadienne en s'appuyant sur un degré d'autosuffisance adéquat et le développement d'un solide tissu économique.

Le gouvernement s'engage dans l'accord à assumer certaines responsabilités telles que la planification économique, l'accès aux programmes gouvernementaux et la notification des activités des Inuvialuit au sein de la région. Ces obligations sont importantes du point de vue des Inuvialuit, compte tenu des conditions économiques.

L'activité économique au sein de la zone de peuplement a connu une alternance de forte expansion et de récession, qu'elle ait été due au piégeage, à la chasse à la baleine, à l'exploitation pétrolière, à la présence des militaires et à l'administration gouvernementale aujourd'hui en plein déclin. Un grand nombre d'Inuvialuit se tournent aujourd'hui vers les organismes chargés de l'application de l'entente sur les revendications territoriales pour les sortir du marasme économique actuel.

Par suite du ralentissement de l'économie, les conditions sont très mauvaises. En dépit de la grande portée de l'entente territoriale, la zone de peuplement inuvialuit reste l'une de celles qui sont les plus défavorisées du Canada au plan économique. Le chômage parmi les Inuvialuit des six localités va de 32 à 59 p. 100, le taux de chômage général qui s'applique aux Autochtones dépassant 40 p. 100 chez les Inuvialuit. Un grand nombre d'entre eux sont inscrits à l'aide sociale. Au sein des six localités, les bénéficiaires de l'aide sociale représentent de 10 à 25 p. 100 de la population. L'économie est de plus freinée par la cherté de la vie, ce qui entrave les investissements locaux. Le coût de la vie dans le peuplement est de 1,65 à 2,1 fois plus élevé qu'à Edmonton. Le prix des produits alimentaires est de 20 à 80 p. 100 plus élevé qu'à Yellowknife. Mis à part le coût de la vie, le transport et les communications sont aussi plus chers et de qualité inférieure. En outre, le coût de l'électricité est quatre fois plus élevé qu'à Calgary, par exemple.

Comme vous pouvez le constater, il existe des obstacles significatifs à la croissance économique. Cet état de chose est regrettable compte tenu du potentiel énorme que représentent les ressources fauniques de la région, entre autres des peaux et des fourrures parmi les meilleures du monde, notamment celles des rats musqués et des renards, le plus important contingent de boeuf musqué, et le contrôle du gibier pour la chasse sportive dans la région.

Mises à part les ressources fauniques, le pétrole de la région du delta de Beaufort représente un potentiel énorme. On estime que le delta du Mackenzie et la mer de Beaufort recèlent 1,112 million de mètres cubes de pétrole et 1,918 milliard de mètres cubes de gaz. Par comparaison, le gisement pétrolier de Norman Wells, qui est le moteur économique de cette localité et qui est en exploitation depuis plusieurs dizaines d'années, produit approximativement 10 000 mètres cubes de pétrole par an pour les marchés du Sud. Malheureusement, on escompte que le coût élevé d'extraction de ce pétrole entravera probablement toute perspective de développement pétrolier dans la région au cours des dix à quinze prochaines années.

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Le tourisme recèle beaucoup de potentiel dans la région du peuplement, compte tenu de la beauté naturelle des paysages et du pittoresque de la culture des Inuvialuit et des Gwich'in.

L'exploitation minière est perçue comme une super panacée pour le Sud, mais le potentiel dans la région du peuplement est actuellement limité. En outre, compte tenu du coût élevé des transports, il faudra probablement attendre quelque temps avant qu'il y ait une mine dans la région du peuplement.

Enfin, il y a les ressources culturelles. Elles ne sont pas généralement reconnues comme une ressource naturelle ordinaire, mais la capacité des Inuvialuit de vivre de la terre doit être considérée comme une ressource naturelle importante.

Pourquoi ces ressources ne sont-elles pas développées? Il existe à cela d'énormes obstacles. L'obstacle numéro un est l'absence de gestionnaires expérimentés et de travailleurs qualifiés dans la région. Le niveau de scolarisation au sein de la population autochtone des Territoires du Nord-Ouest, y compris chez les Inuvialuit, est le facteur négatif qui entrave le plus le développement. Alors que la moyenne nationale des adolescents de 15 à 18 ans qui fréquentent l'école secondaire est de 85 p. 100, elle est de 16 p. 100 inférieure dans les Territoires du Nord-Ouest où elle se situe à 69 p. 100. En ce qui concerne la population inuvialuit, la situation est encore pire. On estime que les Inuvialuit connaissent le taux de chômage le plus élevé du pays. Il leur sera impossible de créer une économie nordique concurrentielle sans que des améliorations radicales soient apportées au cours des prochaines décennies en matière de scolarisation.

Pour ce qui est des transports, ils sont généralement intermittents et coûteux. Les vols, dans la région du peuplement, peuvent coûter jusqu'à 700$.

Comme je l'ai mentionné précédemment, le coût de l'énergie est parfois quatre fois plus élevé qu'à Calgary.

Pour les entrepreneurs de la région, le marché est restreint. Il y a seulement environ 10 000 personnes à qui un entrepreneur peut vendre un produit. De plus, l'accès aux marchés du Sud est également limité.

L'un des facteurs clés du développement des ressources du peuplement est l'insuffisance de la R-D qui est canalisée vers le Nord. On y fait de la R-D, mais elle n'est pas induite par des organismes situés dans le Nord. Ce sont souvent des universités du Sud qui ont la mission de déterminer et d'effectuer les recherches.

L'accès à l'information nécessaire à la planification stratégique est très limité. Dans le Sud, on peut toujours se rendre dans une bibliothèque de Statistique Canada ou dans un centre de services aux entreprises, mais dans la région d'Inuvik, cela n'existe pas.

Que devrait faire le gouvernement pour atteindre ses objectifs? La première chose qui vient à l'esprit, je suppose, est développer l'éducation. Il faut se concentrer sur les programmes de gestion pluriannuels, sur les programmes de formation professionnelle pluriannuels, directement liés aux perspectives d'emploi dans la région. Trop souvent, les programmes de formation et d'éducation ne durent que pendant une seule année financière, alors que le développement des capacités humaines prend parfois plusieurs années.

Il faut se concentrer sur une pédagogie du développement des affaires pertinente à la culture et au milieu nordique. Il faut se concentrer sur la formation d'une main-d'oeuvre compétitive à l'échelle globale plutôt qu'à l'échelle régionale ou territoriale. Établir des programmes de formation ou d'éducation sans points de repère globaux aboutit à enraciner une attitude protectionniste au sein de la population, à restreindre sa mobilité et à retarder encore plus le développement.

La deuxième priorité est que le gouvernement assure un meilleur accès à l'information. C'est un élément critique sur le plan de la planification ou du développement des affaires.

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La troisième priorité est d'établir une règle ou de décider que, dans le domaine de la R-D concernant les ressources naturelles, il faut qu'il y ait des programmes induits par le Nord. Il y a un grand nombre de produits qui bénéficieraient de telles recherches, mais c'est coûteux. L'absence d'universités et d'établissements scolaires où l'on peut faire des recherches dans le Nord entrave ce genre de démarche.

Enfin, il est important que le gouvernement fasse des pressions pour assurer que les infrastructures de transport actuelles sont préservées. Il est beaucoup question en ce moment de fermer la route de Dempster, qui est le principal axe routier vers la région inuvialuit. Il est essentiel que cela ne se concrétise pas.

L'entente sur les revendications territoriales prévoit que les Inuvialuit auront un grand contrôle sur les ressources de la région. La mise en valeur de ces ressources naturelles exigera que le gouvernement élabore des politiques favorables à l'exploitation de ces leviers de la croissance économique.

Je vous remercie une fois encore d'avoir permis aux Inuvialuit de vous présenter cet exposé.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin (Charlevoix): Je dois d'abord remercier le témoin qui vient de nous faire un exposé. Il nous a très bien démontré la problématique au niveau de l'éducation et de la formation de la main-d'oeuvre qui pourrait faire en sorte que l'on se retrouve avec une main-d'oeuvre peu qualifiée et très dispendieuse et des emplois qui ne sont pas développés.

Pourriez-vous m'expliquer clairement la problématique de base et me dire comment le gouvernement fédéral pourrait vous aider en matière d'éducation? Je crois que le gouvernement fédéral pourrait peut-être vous aider à résoudre cette problématique, mais en commençant par la base. Comment devrait-on axer l'éducation, la formation de la main-d'oeuvre et la formation professionnelle afin de développer des emplois durables en milieu rural?

[Traduction]

M. Schmidt: L'établissement qui dessert la région est le collège Aurora. Il fait partie d'un réseau qui s'étend aux territoires de l'Ouest. Le collège Aurora est le premier établissement à offrir un programme conçu à l'intention des Inuvialuit, et il doit en être félicité. Malheureusement, le seul cours qui ne soit pas proposé sur une base annuelle est le cours de leadership récréatif.

Si l'on pouvait assurer des ressources financières stables à un établissement comme le collège Aurora pour garantir que d'une année à l'autre, on offre un programme éducatif dans le cadre d'une stratégie quinquennale, je pense que ce serait une première mesure critique pour ce genre de développement. Il faut aussi avoir, parallèlement, une vision pédagogique nordique pour mettre au point les cours de formation. La plupart des programmes scolaires sont importés du Sud et mal adaptés au Nord. Il est crucial que les Inuvialuit aient leur mot à dire pour définir la façon dont les cours sont donnés, et qu'ils puissent élaborer un programme d'enseignement qui facilite leur instruction.

[Français]

M. Asselin: Le témoin nous a parlé de la présence de ressources importantes au niveau du développement minier et pétrolier dans les Territoires du Nord-Ouest. La problématique, c'est que les gouvernements n'ont pas investi leur argent à la bonne place afin de développer des emplois durables et de développer la région des Territoires du Nord-Ouest.

Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait axer ses efforts financiers principalement sur la recherche et par la suite développer un marché international de ressources minières ou pétrolières pour vendre ces ressources que renferme la région?

[Traduction]

M. Schmidt: Pour ce qui est du développement de marchés, je ne saurais dire. Il faut prendre en compte la nature des produits que contrôlent actuellement les Inuvialuit - par exemple, le pétrole: étant donné la dimension internationale de cette matière première, il n'est pas possible d'ignorer le fait que le pétrole est à 20$ ou 40$ le baril. Si telle est la demande internationale, il faut faire avec. Je ne crois pas que le gouvernement fédéral puisse y changer quoi que ce soit.

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Ce que l'on pourrait changer, cependant, c'est la R-D sur l'extraction des ressources qui se trouvent en sous-sol. Le problème de développement qui se pose dans la région inuvialuit n'a rien à voir avec l'insuffisance des ressources, mais plutôt avec leur extraction.

Voici un autre exemple concernant la recherche: on dénombre 85 000 boeufs musqués sur l'île Banks. Depuis des années, les Inuvialuit investissent pour essayer de développer cette ressource. Il faut élaborer une stratégie de développement concrète du produit. C'est coûteux, mais cela sauverait toute la communauté. Cette stratégie pourrait être axée sur la vente des morceaux de choix sous forme de viande séchée ou de la laine des boeufs musqués qui est très riche en cachemire.

Les produits sont là. Il faut que leurs prix s'alignent sur les prix mondiaux, mais la recherche en vue de réduire les coûts de production est essentielle.

Le président suppléant (M. Bélair): Madame Cowling.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Bonjour, monsieur Schmidt. J'ai beaucoup apprécié votre exposé.

Comme vous le savez, au niveau du gouvernement fédéral nous voulons créer un environnement favorable à la croissance économique et à la création d'emplois et il nous a également fallu établir des priorités. Nous voici dans le Nord; alors, pouvez-vous dire au comité si vous souhaitez envoyer un message clair à notre gouvernement, et lequel. S'il vous fallait établir des priorités pour le Nord - vous avez mentionné qu'il existe des obstacles à la croissance et je ne sais quoi encore - si vous vouliez faire comprendre au comité ce que nous devrions faire en tant que gouvernement, quelle serait, selon vous, la priorité des priorités?

M. Schmidt: Vous me demandez de donner une seule priorité, alors que la R-D, les services d'information et l'éducation sont inextricablement liés. Il n'est pas possible d'avoir de la R-D et rien au plan du développement de l'éducation. Si l'on veut que les Inuvialuit deviennent des chercheurs, il va falloir développer le secteur de l'éducation.

Je dirais néanmoins que l'éducation est probablement la priorité numéro un pour le développement économique des Inuvialuit. Pour que les crédits appropriés soient canalisés vers ce secteur, la dotation globale est probablement ce qui convient le mieux, car avec un financement lié à un programme spécifique, il devient difficile pour les Inuvialuit de mettre en place des programmes de formation et d'éducation.

Je vous citerais l'exemple du Parc national Aulavik, dans la région du peuplement. Les Inuvialuit aimeraient former des guides qui emmèneraient les touristes sur le fleuve. Cela pourrait employer chaque année cinq ou six Inuvialuit, ce qui est un nombre élevé compte tenu de la taille de la population. Les programmes gouvernementaux ne reconnaissent pas actuellement qu'il peut falloir de trois à cinq ans avant qu'un guide puisse être pleinement qualifié, et que pour ce faire, le guide devra peut-être travailler dans une société ou pour une autre compagnie de guides sur une base tout à fait informelle pendant plusieurs années.

Mme Cowling: J'ai une autre question qui porte sur l'éducation. On constate actuellement au Canada que l'autoroute de l'information met la technologie à la portée des campagnes. Je voudrais savoir ce que vous pensez de l'accès à ce genre de chose et si vous croyez que c'est possible dans le Nord.

M. Schmidt: Inuvik a aujourd'hui accès à l'Internet. De fait, on y enregistre le taux de développement le plus rapide du territoire. Il reste qu'il faut reconnaître que les technologies de l'information ont leurs propres limites. Elles peuvent s'avérer coûteuses.

Essayez d'entrer dans le site de Statistique Canada et vous verrez. C'est difficile de manoeuvrer, c'est difficile de trouver ce que l'on cherche, et c'est coûteux car il faut payer pour avoir accès. Ce n'est pas la même chose que d'entrer dans une vraie bibliothèque. Il y a une différence. Je peux peut-être localiser des renseignements sur l'autoroute de l'information, mais il peut s'avérer difficile de les obtenir concrètement.

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En revanche, voici un exemple de ce que nous avons réalisé dans notre région. Nous avons balayé électroniquement sur un CD toute la bibliothèque du ministère du Développement économique et du Tourisme et nous avons distribué le CD dans toutes nos localités. C'est très important. Elles ont toutes sur CD les 2 000 documents, disponibles immédiatement, en entier. Il ne s'agit pas d'un index des documents qui se trouvent dans une bibliothèque du Sud et qu'il faudrait commander.

Comme vous le savez sans doute parfaitement, il arrive que l'on fasse des recherches qui prennent des heures dans une bibliothèque. Il arrive parfois que l'on ne sache pas exactement ce que l'on cherche et que l'on se trouve soudain ce que l'on voulait après avoir fouillé dans la documentation. L'autoroute électronique n'offre pas toujours cette possibilité, et il faut le reconnaître.

Le président: Monsieur Wood.

M. Wood (Nipissing): Merci, monsieur le président.

Monsieur Schmidt, vous avez parlé de certains entrepreneurs de votre région.

Je pense que très souvent - et dites-moi si je me trompe - ils rencontrent beaucoup de problèmes. Ils s'adressent à un organisme de financement, et la première chose qu'on leur demande est de montrer leur plan d'entreprise. La plupart sont intimidés, car ils ne s'attendaient pas à cela et ils font demi-tour et n'en parlent plus.

Pour les petites entreprises, je suppose que disposer de capital, c'est fantastique; d'ailleurs, dans de nombreux cas, le besoin est là. Je le disais, les chefs d'entreprise ne savent pas comment s'y prendre pour s'en procurer.

En qualité de gérant de la corporation régionale, qu'avez-vous fait ou que planifiez-vous de faire pour simplifier le processus au bénéfice des hommes d'affaires de votre région et leur donner accès au capital pour qu'ils puissent développer leur propre entreprise? Collaborez-vous vraiment étroitement avec ces gens-là?

M. Schmidt: Très étroitement. De fait, à la Inuvialuit Regional Corporation, ma principale fonction est d'aider les entrepreneurs en puissance, et généralement, on sait lorsqu'ils franchissent la porte s'ils possèdent les compétences nécessaires pour atteindre leur but.

Après avoir travaillé avec le gouvernement par l'intermédiaire d'organismes comme Entreprise autochtone Canada, nous sommes très bien introduits pour leur donner accès au capital. Donc, quand un entrepreneur vient me voir, je m'assois avec lui et l'on passe parfois une semaine à élaborer ensemble, un plan d'entreprise. Une fois en possession de ce plan, l'entrepreneur en puissance tentera d'obtenir une aide financière, sous forme de subventions ou de prêts.

M. Wood: À quoi cela aboutit-il? Quel est leur taux de réussite?

M. Schmidt: En réalité, il est très élevé. Je dirais qu'il se situe à plus de 70 p. 100.

M. Wood: Les perspectives de développement économique sont-elles affectées par les politiques environnementales fédérales ou les revendications territoriales des Autochtones?

M. Schmidt: Pour ce qui est de la région de peuplement des Inuvialuit, je dirais que si tel est le cas, cela vient surtout de la façon dont on voit les choses dans le Sud du Canada. Les Inuvialuit ont conclu la première entente sur les revendications territoriales globales au Canada, et ils ont démontré d'étonnantes qualités d'initiative au plan du développement des ressources.

Les Inuvialuit vont faire un effort concerté pour s'assurer que les ressources de leur région sont exploitées. Parallèlement, parce que les revendications se multiplient ici, dans la région du Sud, par exemple, celles des Dogrib, un grand nombre de sociétés canadiennes du Sud considèrent que de s'impliquer avec un groupe qui présente des revendications territoriales équivaut à s'embourber dans les formalités administratives. Je ne pense pas que ce soit le cas avec les Inuvialuit. Ils ont leurs procédures de contrôle environnemental, mais cela n'empêchera pas la mise en oeuvre d'un projet qui n'est pas nuisible à l'environnement

M. Wood: Vous avez parlé de l'alternance de forte expansion et de récession économique. J'aimerais parler de tourisme pour deux secondes - et vous venez juste d'effleurer la question de la défense de l'environnement. Comment cela marche-t-il au sein de votre groupe? La politique de protection de l'environnement pose-t-elle un problème à l'industrie touristique? Ses activités vont-elles à l'encontre de certains des intérêts de votre groupe? Y a-t-il des frictions entre les deux?

M. Schmidt: Des conseils locaux sont en place - on les appelle les comités de chasseurs et de trappeurs - dans chaque localité. Ils autorisent les guides à accompagner des touristes dans la nature. Dans le cas de la chasse sportive, par exemple, c'est le comité local qui accrédite le guide qui accompagne le chasseur.

Il y a donc un certain lien et il n'y a pas de friction. Quand il y en a, c'est que le comité des chasseurs et des trappeurs a une bonne raison de refuser qu'un guide particulier accompagne des gens qui font de l'écotourisme. C'est une industrie en développement qu'il est fascinant de voir progresser. L'avantage du tourisme est qu'il répartit réellement la richesse au sein de la communauté inuvialuit.

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M. Wood: Donc ces guides font des sorties et contrôlent les choses eux-mêmes, n'est-ce pas?

M. Schmidt: Oui. Plusieurs cours à l'intention des guides, enseignés dans les territoires, sont suivis en ce moment par les Inuvialuit.

M. Serré (Timiskaming - French River): En lisant votre mémoire, j'ai constaté que la grande majorité des emplois dans cette région sont induits par les ressources, plus précisément par le milieu naturel. On constate que la chasse des animaux à fourrure induit 30 p. 100 des emplois, et si l'on ajoute les emplois liés au tourisme par le biais de la pêche et de la chasse, vous semblez être extrêmement dépendants du milieu naturel.

Comme vous l'avez mentionné à quelques reprises dans votre mémoire, il existe un mouvement mondial contre le trappage, contre la chasse des animaux à fourrure, contre la chasse, et maintenant, contre la pêche. Malheureusement, ce mouvement semble avoir gagné certaines de nos grandes villes canadiennes. Le gouvernement fédéral a tenté de le maîtriser au sein de la CEE, et nous exerçons beaucoup de pressions à cet égard, mais il ne semble pas que nous aboutissions à grand chose. Pensez-vous qu'il serait utile que les communautés autochtones, non seulement de cette région mais de tous les pays, collaborent activement avec la CEE pour tenter de contrer le mouvement?

M. Schmidt: Tout à fait. C'est quelque chose qui est déjà en route. On a lancé plusieurs campagnes dans les Territoires du Nord-Ouest. L'ancien premier ministre des Territoires est un ardent défenseur de l'industrie de la fourrure. Malheureusement, les sommes consacrées à la lutte contre le lobby anti-fourrure sont limitées par rapport aux ressources d'une entité aussi vaste que la communauté économique européenne. Comment peut-on se mesurer à une aussi grande organisation, où les célébrités condamnent le port de fourrures?

Je trouve la situation au Canada à la fois intéressante et très ironique. L'automobile est un produit très nocif qui est aujourd'hui omniprésent dans le monde entier. L'automobile n'existe que depuis 100 ans, mais si vous demandez aux gens de s'en passer, ils vous répondront: «Pas question». L'industrie de la fourrure fait partie de l'économie canadienne depuis 400 ans. Elle est beaucoup plus ancrée dans la culture autochtone. Mais il est très difficile de vendre nos fourrures en Europe et c'est coûteux. Le gouvernement fédéral pourrait peut-être nous accorder un soutien quelconque ou exercer des pressions plus fortes sur l'Europe pour assurer la résurrection de l'industrie. J'ai bon espoir; cette année est la première où le prix des fourrures a recommencé à augmenter.

M. Serré: J'ai une brève question: pensez-vous que la nouvelle réglementation sur le contrôle des armes à feu constitue un obstacle au développement économique des territoires?

M. Schmidt: Je ne sais pas vraiment. Je dirais que oui, en ce qui concerne le trappeur et le chasseur moyen. Ils ont vécu avec des armes pendant des années, et de leur imposer subitement une réglementation est injuste.

M. Serré: Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Schmidt, avez-vous quelque chose à ajouter pour conclure?

M. Schmidt: Eh bien, non. Je vous remercie de votre attention.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci à vous également.

Je donne la parole à M. McLeod, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

On me dit qu'en fait, vous êtes M. Singer. Êtes-vous baryton ou ténor?

M. Gary Singer (directeur, Planification stratégique, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ): Je suis ténor... baryton. C'est à cause du temps.

Le président suppléant (M. Bélair): Vous avez la parole, monsieur.

M. Singer: Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître. Je me contenterai de résumer les points saillants du mémoire, plutôt que d'en faire la lecture. Je préfère pouvoir répondre aux questions et approfondir certains des problèmes au fur et à mesure.

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Je commencerai par un survol de la situation économique. Comme l'a laissé entendre M. Schmidt, les Territoires du Nord-Ouest connaissent en alternance de fortes expansions économiques suivies de récessions. Dans les années 80, nous avions le taux de croissance le plus rapide, mais cette dernière n'était pas répartie également parmi les communautés. On créait des emplois dans les principaux centres. Par exemple, entre 1986 et 1991, 55 p. 100 de la croissance de la population était concentrée dans les cinq plus grandes localités des Territoires du Nord-Ouest. Les 40 autres localités, dont la population était inférieure à 750 habitants, représentaient seulement 20 p. 100 de la croissance pendant la même période; cela reflète de la nature des emplois qui étaient créés et la concentration économique dans les plus grands centres où se trouvaient les marchés.

Même si le rythme de croissance de notre population continue d'être parmi les plus forts du Canada, la création d'emplois a ralenti. Entre 1986 et 1994, l'économie a créé plus de 6 000 nouveaux emplois, mais il en manquait 2 000 pour correspondre à l'augmentation de la main-d'oeuvre qui se chiffrait à près de 8 000. Le chômage a donc augmenté et pourrait dépasser les 20 p. 100 à la fin du siècle s'il n'y a pas de nouveaux investissements et de nouvelles créations d'emplois. Comme l'a déclaré M. Schmidt, il y a des localités où ce pourcentage est dépassé de beaucoup - particulièrement dans les petites localités.

Dans le passé, les gens avaient l'habitude de venir dans les Territoires du Nord-Ouest pour chercher du travail; aujourd'hui, ceux qui s'en vont sont plus nombreux. Même si l'économie a ralenti, de plus en plus de gens souhaitent avoir un emploi salarié. On constate donc un glissement de l'économie traditionnelle vers une économie à base de salaire. Le taux de participation est passé de 58 à 70 p. 100 au cours des dernières années, et la majeure partie de cette augmentation est attribuable à la population autochtone.

Dans les années 70 et 80, la plupart des nouveaux emplois étaient créés dans les secteurs minier et gouvernemental. Au cours des cinq dernières années, ces deux secteurs ont créé relativement peu d'emplois. On espère que le nouveau projet BHP inversera la tendance dans le secteur minier. L'austérité reste de mise dans le secteur gouvernemental. Je pense que le secteur minier offre le potentiel le plus intéressant en matière de création d'emplois et d'investissement à une échelle qui influera fortement sur le chômage.

Les autres ressources naturelles - la pêche, les fourrures, les espèces sauvages - occupent une place peu importante au plan économique. Toutefois, on attribue une valeur à l'exploitation de ces ressources, au piégeage et à l'utilisation commerciale et domestique de la viande de gibier et du poisson; cette valeur atteint près de 50 millions de dollars, et elle est donc pratiquement équivalente à celle de l'industrie touristique au plan économique. Bien que, monétairement, elle ne paraisse pas peser très lourd, cette activité reflète un mode de vie qui a une valeur cachée que nous reconnaissons et à laquelle nous souscrivons.

Comme on l'a mentionné, le piégeage a beaucoup souffert. Les ventes de fourrure sont tombées de 6 millions de dollars en 1986 à juste un peu plus d'un million de dollars en 1993-1994. Nous avons participé à des initiatives communes avec le gouvernement fédéral pour riposter à l'embargo envisagé par la CEE, et une collaboration additionnelle à cet égard serait bénéfique.

En ce qui concerne les mécanismes susceptibles de faciliter la croissance, les Territoires du Nord-Ouest disposent d'une infrastructure limitée, et cela restreint l'accès aux ressources. Il existe un nombre important de gisements minéraux au nord de Yellowknife mais aucun axe ne permet d'y avoir accès. Des localités telles que Pine Point, qui était une ville à industrie unique, ont maintenant disparu. Il en est resté une infrastructure importante qui continue d'être utile pour les localités qui ont survécu, telles que Hay River, et pour les territoires de l'Ouest, car elle permet d'assurer les transbordements rail-péniche.

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En ce qui concerne le développement des ressources renouvelables dans le domaine de la foresterie, de la pêche et de la capture des animaux, des programmes comme l'Entente-cadre de développement Canada-Territoires du Nord-Ouest ont été très utiles pour mettre en place des infrastructures - des docks ou l'abattoir de Hay River, par exemple - qui n'auraient pu être financées par le secteur privé. Cela a également permis de mener quelques recherches, notamment d'établir un inventaire des ressources dont l'utilisation peut être durable et de faire des plans à cet égard.

Ce genre d'accord nous aiderait donc grandement à poursuivre le développement dans ces secteurs.

Nous nous sommes rendu compte qu'il y avait un problème d'accès aux terres et aux territoires revendiqués. L'aboutissement des revendications a donné aux groupes autochtones la possibilité de participer au développement en tant que partenaires, et l'on a pu ainsi régler bien des détails relatifs à l'exploration et la mise en valeur.

En outre, en ce qui a trait à la déconcentration des pouvoirs et à l'exploitation du pétrole et du gaz, nous avons repris les responsabilités que le gouvernement fédéral nous a déléguées. Nous pourrons ainsi encourager la mise en valeur responsable de nos ressources au bénéfice des habitants du Nord et du Canada tout entier. Nous considérons qu'il s'agit d'une initiative importante pour nous aider à prendre le contrôle de nos ressources et à les exploiter de la façon la plus avantageuse. C'est un peu la même chose dans le cas de la déconcentration des responsabilités fédérales en matière de pêche.

En ce qui concerne la question de la valeur ajoutée, depuis toujours, les projets à grande échelle ont toujours eu tendance à provoquer une augmentation des importations parallèlement au boom économique. L'exploration dans la mer de Beaufort, par exemple, a généré des millions de dollars, mais quand on examine les comptes on constate une expansion aussi forte des importations. La valeur ajoutée a donc été très faible, et les effets, assez localisés. Les récents accords d'intervention économique - avec BHP, par exemple - visent à maximiser à la fois les éventuelles retombées commerciales et l'emploi.

Pour ce qui est des marchés publics, nous appliquons une politique d'incitatifs à l'intention des entreprises. Nous proposons aux entreprises du Nord des incitatifs à la production pour stimuler leur activité. Cette politique s'est avérée efficace puisque le secteur des services s'est développé dans les territoires, mais nous devons pouvoir compter sur l'exploitation des minerais pour soutenir la croissance.

L'éducation et la formation ont également été mentionnées. Il s'agit d'un élément clé. Notre ministère de l'Éducation, de la Culture et de la Formation mettra de l'avant dans un proche avenir un plan de développement de la main-d'oeuvre. Il couvre tout l'éventail de l'éducation, de celle qui est dispensée en milieu scolaire à l'acquisition de qualifications, particulièrement celles qui correspondent aux débouchés dans le secteur de l'exploitation minière, et tient compte aussi des réformes relatives au soutien du revenu qui concernent les prestataires de l'aide sociale, et visent leur réintégration dans la population active.

Au fil des ans, nous avons fait des efforts concertés pour que les petites localités disposent de capital. Nous disposons d'un réseau de plus de 30 agents chargés du développement économique des localités, par exemple, qui aident les gens qui ne savent pas toujours comment s'y prendre à élaborer des plans d'entreprise. Nous sommes allés un peu plus loin et avons transféré plus de la moitié de ces agents dans les localités mêmes de manière à ce qu'ils puissent travailler sur place, pour la localité et non à titre de fonctionnaires, à la promotion du développement économique. Nous pensons que cette délégation des pouvoirs au niveau local est importante.

.1115

Pour ce qui est de l'accès aux marchés internationaux et aux entreprises internationales présentes sur le marché canadien, vous avez mentionné l'autoroute de l'information. Le gouvernement territorial a lancé une initiative qui aboutira, dans les trois prochaines années, à la mise en place d'une liaison numérique dans chaque localité des territoires. Le projet a été mis en branle par des ministères tels que le ministère de l'Éducation, de la Culture et de la Formation et le ministère de la Santé, et a pour but de faciliter l'apprentissage à distance, le diagnostic des malades, etc.. Cependant, les avantages qui en découlent pour les entreprises locales qui auront ainsi accès à l'Internet seront aussi très réels.

Au plan du commerce en général, je pense que, dans le passé, notre approche s'appuyait sur le portage de nos initiatives commerciales par celles du gouvernement fédéral, ou des actions communes dans le cas de l'embargo sur les fourrures. Dans le domaine du tourisme, par exemple, nous ne possédons pas des ressources comparables à celles du gouvernement fédéral qui assurent une présence internationale. Nous avons donc l'intention de poursuivre ce genre de partenariat.

Au plan de l'aménagement rural, nous avons récemment pris en charge le programme fédéral Développement des collectivités dans les Territoires du Nord-Ouest. Jusqu'ici, seules quatre régions en ont bénéficié, alors que nous en avons huit. Nous devons maintenant trouver le moyen de financer à l'interne les quatre autres, mais l'approche s'est avérée excellente pour obtenir la participation des localités, planifier à l'échelle régionale et démultiplier les fonds disponibles. Le problème venait en partie du fait que les groupes autochtones avaient leur propre caisse et nous avions la nôtre. Nous pouvons maintenant regrouper les fonds et avoir une approche commune pour établir des priorités dans la région. Pour nous, c'est un changement important et positif.

Je pense avoir fait le tour des principaux points du mémoire. Je vais réserver les 15 dernières minutes aux questions que vous pourriez avoir.

[Français]

Le président suppléant (M. Bélair): Nous débuterons par l'Opposition. Monsieur Asselin.

M. Asselin: Vous et le témoin qui vous a précédé affirmez que les Territoires du Nord-Ouest renferment des ressources importantes qui ne sont pas exploitées faute de recherche, d'infrastructures et de main-d'oeuvre. Bref, la ressource est là, mais elle n'est pas exploitée.

Les habitants s'exilent vers les grands centres. Vous avez mentionné que 5 000 personnes avaient quitté les Territoires du Nord-Ouest au cours de l'année.

Est-ce que les Territoires du Nord-Ouest ont pu profiter du programme d'infrastructures mis sur pied par le gouvernement actuel dans le cadre d'ententes fédérales, provinciales et municipales? Je présume qu'ici, dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a peu ou pas de municipalités de 100 000 habitants. Est-ce que le gouvernement fédéral pourrait avoir un programme d'infrastructures fédérales-provinciales?

Comme le précise l'ordre du jour, vous représentez en quelque sorte le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et vous nous avez parlé de votre planification stratégique. Est-ce que les Territoires du Nord-Ouest sont prêts à investir des sommes importantes en partenariat avec le gouvernement fédéral? Si le gouvernement fédéral affectait des sommes précises pour les régions des Territoires du Nord-Ouest, est-ce que le gouvernement représentant les Territoires serait prêt à investir des sous pour doter les régions d'infrastructures qui donneraient accès aux ressources? Ou me dites-vous que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest n'a pas les deniers nécessaires? Quelles sont vos attentes face au gouvernement fédéral?

.1120

Pouvez-vous me dire si au cours des dernières années, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a fait des représentations auprès du gouvernement fédéral pour lui expliquer la problématique existant dans les Territoires du Nord-Ouest et les difficultés particulières que vous pouvez rencontrer et, si oui, avez-vous eu des réponses? Est-ce que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est satisfait de l'implication ou de la participation du gouvernement fédéral afin que les Territoires du Nord-Ouest puissent se développer comme toute autre région au Canada?

[Traduction]

M. Singer: Tout d'abord, nous avons participé à des négociations avec le gouvernement fédéral en vue de définir une approche commune en matière d'infrastructures de transport; cela pourrait inclure les groupes autochtones, et s'inscrire dans le cadre des revendications territoriales. Cela suscite beaucoup d'intérêt et c'est aussi là que l'on peut trouver des capitaux permanents.

Le point de départ des négociations et de l'approche commune est que nous n'avons pas suffisamment de capitaux pour mettre en place l'infrastructure que nous le jugeons nécessaire, mais nous pensons aussi que les avantages qui découleraient de ce développement, compte tenu des fuites économiques, sont aussi bénéfiques à l'Ontario et au Québec qu'aux territoires quand on considère d'où vient l'équipement et où la plupart des retombées aboutissent.

L'idée maîtresse est d'essayer de garder ici certaines des retombées, mais la réalité économique est que nous ne fabriquons pas d'équipement lourd. Nous ne fabriquons pas beaucoup de ce dont on a besoin pour aménager les infrastructures.

Par conséquent, nous demandons une aide fédérale puisqu'il en va de l'intérêt général du Canada, pas uniquement de celui des Territoires du Nord-Ouest.

Le président suppléant (M. Bélair): Le député nous a demandé, entre autres, si vous vous étiez prévalu de l'ancien programme d'infrastructure.

M. Singer: Oui, effectivement. Je pense qu'il était plus axé sur l'échelon local. Je ne me suis pas occupé de près de ce programme. Notre ministère des Transports serait probablement mieux placé pour répondre à vos questions en détail. Je ne peux que vous fournir des renseignements généraux à ce sujet.

Nous aimerions, pour le moins, obtenir du gouvernement fédéral un soutien pour cette approche commune. Je ne peux pas dire quelle pourrait être l'importance de notre contribution. Selon les objectifs que nous nous sommes fixés, nous voulons avoir éliminé le déficit quand la division se fera. L'argent est rare au sein du gouvernement territorial, alors que les perspectives économiques restent ce qu'elles sont. C'est la raison pour laquelle nous tentons d'obtenir que le gouvernement fédéral participe.

Il ne m'est pas possible de vous donner un pourcentage exact de ce que nous sommes disposés à contribuer, mais je sais que nous proposons une approche commune, dans le cadre de tout nouveau programme d'infrastructure, et par le biais d'un partenariat.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Chatters, étant donné que vous avez manqué la première partie, souhaitez-vous sauter votre tour?

M. Chatters (Athabasca): Oui. Il faut que je me rattrape.

Le président suppléant (M. Bélair): Parfait. Monsieur Wood.

M. Wood: J'ai quelques questions rapides. La diversification de l'économie rurale aux dépens de l'expansion des activités d'extraction des ressources naturelles est-elle une priorité de votre gouvernement?

M. Singer: Pour ce qui est d'appuyer le fonctionnement économique traditionnel axé sur les ressources renouvelables, oui. Nous avons récemment fusionné le ministère du Développement économique et le ministère des Ressources renouvelables et des Ressources énergétiques, minières et pétrolières, pour avoir une perspective plus globale du développement afin de parvenir à une croissance équilibrée. Cette fusion a été inspirée, en partie, par le désir de promouvoir une croissance équilibrée, compte tenu de la valeur économique de l'exploitation des ressources renouvelables et du mode de vie qui l'accompagne.

.1125

M. Wood: Vous avez mentionné dans votre présentation que vous disposiez de capital pour les entrepreneurs. Votre gouvernement encourage cette politique. Quel type de contrôle exercez-vous là-dessus? Les gens s'en prévalent-ils?

M. Singer: Oui. Nous avons souvent trop de demandes. Nous disposons d'un portefeuille de fonds - un fonds d'emprunt, un fonds de participation. L'ancien accord de développement économique était aussi totalement souscrit. Il s'agissait d'un accord quinquennal de 50 millions de dollars s'étalant de 1991 à 1996.

La demande de capital est donc réelle. Mais le secteur tertiaire a pris de l'expansion et c'est nous qui avons fourni le capital nécessaire. Il n'est pas possible de continuer dans cette voie sans créer de nouvelles richesses à partir des ressources minérales.

M. Wood: Quel est votre taux de réussite?

M. Singer: Pour ce qui est du fonds de participation, il est très élevé du fait que nous sommes un des donateurs parmi un grand nombre de sources de financement. Pour ce qui est du fonds d'emprunt, nous approchons des 20 p. 100 pour les défauts de paiement ou les prêts en difficulté, par exemple. Je ne sais pas, il faudrait que je vérifie, mais ce sont des capitaux de risque, et nous mettons l'accent sur le développement dans les petites localités.

Nous fonctionnons dans le cadre d'une stratégie élaborée en 1990 qui classait les localités en plusieurs catégories - 1, 2 et 3 - la troisième correspondant aux plus petites ou aux endroits disposant de peu de capitaux. Les fonds d'emprunt ou de participation ont été structurés de manière à être plus accessibles aux petites localités dont les besoins en immobilisations, par exemple, sont moindres, en reconnaissance des plus grandes difficultés auxquelles elles font face du fait de leur marché restreint. Dans plusieurs endroits tels que Yellowknife, l'accès au financement commercial traditionnel est plus facile, les marchés sont en place, etc.. Nous avons par conséquent essayé de canaliser l'argent vers les localités de catégories 2 et 3.

Le président suppléant (M. Bélair): Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Monsieur Singer, l'établissement de partenariats solides avec tous les niveaux de gouvernement a été une de nos préoccupations en tant que gouvernement. Le programme d'infrastructure est un bon exemple en la matière. Je reviens là-dessus parce que vous avez mentionné le tourisme.

Le précédent programme d'infrastructure était centré sur les routes, les égouts et les adductions d'eau. Or, comme on nous a parlé de tourisme à au moins deux reprises ce matin, je me demande si cette activité devrait être au centre d'un éventuel futur programme d'infrastructure du gouvernement fédéral. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.

M. Singer: Il y a en priorité la mise en valeur des ressources minérales, qui est la véritable locomotive économique. L'aspect tourisme, qui est, selon moi, un élément de diversification majeur, représente certainement aussi un secteur important qu'il faut aider. Nous possédons d'énormes richesses touristiques. C'est une industrie en expansion, nos moyens en ce domaine se développent, et l'on pourrait certainement faire encore plus. Je pense donc qu'il serait profitable d'accorder un peu plus d'importance à ce secteur.

Toutefois, les équipements collectifs, les routes, etc. restent le principal moteur économique susceptible d'avoir une incidence significative sur notre taux de chômage.

Mme Cowling: En somme, votre réponse est que vous seriez d'accord pour que le tourisme soit l'un des critères.

M. Singer: Le tourisme est important, effectivement.

Mme Cowling: Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): Il nous reste encore suffisamment de temps pour une brève question.

Monsieur Serré.

M. Serré: Je ne fais peut-être que poser la même question que le précédent témoin. Pourriez-vous me dire brièvement quels sont les principaux obstacles au développement économique rural dans les territoires? Quelle devrait être la priorité numéro un du gouvernement fédéral?

M. Singer: Je dirais que la mise en valeur des richesses minérales offre le plus fort potentiel sur le plan de la création d'emplois dans l'immédiat. Notre ministère de l'Éducation s'adapte à cet objectif en offrant tout un éventail de cours de spécialisation, et procède à un inventaire des compétences requises. Mais le secteur minéral est primordial.

.1130

Cela ne veut pas dire qu'il faut ignorer d'autres éléments tels que le tourisme ou l'utilisation des ressources naturelles, leur utilisation traditionnelle, notamment. C'est important. Je le répète, c'est la raison pour laquelle nous avons fusionné les ministères responsables. Tous ces éléments sont importants.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Singer, pourriez-vous nous parler de l'Initiative minière de Whitehorse? S'est-elle avérée profitable de votre point de vue?

M. Singer: Je ne connais pas très bien le secteur des activités énergétiques du ministère. Comme je l'ai dit, nous venons tout juste de fusionner, et, je ne suis donc pas encore très au courant de cet aspect des choses.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci de votre présentation.

M. Singer: Je vous remercie de l'attention que vous m'avez accordée.

Le président suppléant (M. Bélair): Nous allons maintenant écouter M. Bob Brooks, directeur général de la Chambre de commerce des Territoires du Nord-Ouest.

Bonjour, monsieur. Vous avez la parole.

M. Bob Brooks (directeur général, Chambre de commerce des Territoires du Nord-Ouest): Je tiens à vous remercier de donner à la Chambre de commerce des Territoires du Nord-Ouest la possibilité de faire entendre son point de vue. Initialement, le président de la Chambre devait venir lui-même, mais il a eu un empêchement.

En guise d'introduction, je rappellerai que la Chambre de commerce des Territoires du Nord-Ouest est un organisme commercial pan-territorial qui représente les entreprises depuis 1973. Nous avons pour membres les 12 Chambres de commerce des Territoires du Nord-Ouest, soit 100 p. 100 des Chambres de commerce existantes dans les territoires. Nous sommes les seuls au Canada à pouvoir nous enorgueillir d'une adhésion à 100 p. 100.

En plus des innombrables sociétés internationales, nationales et pan-territoriales qui sont membres associés, nous comptons parmi cette catégorie d'adhérents plus de 1 000 entreprises implantées d'un bout à l'autre du territoire et dans chacune de ses régions.

La progression du développement des ressources rurales dans les Territoires du Nord-Ouest est essentielle à notre viabilité économique à l'orée du XXIe siècle. Nos efforts dans le sens d'une plus grande autonomie économique nous entraînent directement vers le secteur des ressources naturelles, particulièrement en ces temps de coupures gouvernementales.

Nous considérons la mise en valeur des ressources comme une occasion de régler un grand nombre des problèmes de développement économique des Territoires du Nord-Ouest et de contribuer à la richesse du Canada et des Territoires du Nord-Ouest.

Les Territoires du Nord-Ouest ont une masse continentale égale à environ un tiers du Canada. Dans la région la plus rude du pays, dont la population est d'un peu plus de 60 000 habitants, l'industrie des ressources naturelles est cruciale. Vu qu'il s'agit du plus grand employeur des Territoires du Nord-Ouest, tout ce que peut entreprendre le gouvernement du Canada au niveau des politiques ou des réglementations a une incidence directe sur l'économie du Nord.

Nous avons formulé quelques recommandations. Pour ce qui est de l'Accord du Nord - vous le savez certainement - le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest participe à des discussions avec le gouvernement fédéral depuis plusieurs années, pour essayer de rapatrier notre propre accord du nord.

Le gouvernement du Canada nous incite régulièrement à devenir autosuffisants, et refuse en même temps de nous accorder le contrôle de nos propres ressources qui nous permettrait justement d'y parvenir. Si nous avions notre propre accord du nord, cela aiderait les industries à être actives dans les Territoires du Nord-Ouest, car il y aurait moins de niveaux de bureaucratie gouvernementale à satisfaire pour faire des affaires, et plus de marge de manoeuvre pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest au plan de l'orientation des capitaux quand les circonstances s'y prêteront.

Au regard des recommandations découlant des revendications territoriales, la Chambre de commerce des Territoires du Nord-Ouest a toujours été résolument en faveur d'une entente avec les peuples autochtones des Territoires du Nord-Ouest concernant les revendications territoriales non résolues. S'il y a quoi que ce soit que votre comité puisse faire pour encourager le règlement équitable et rapide de ces revendications, cela contribuerait à créer une conjoncture favorable où toutes les parties prenantes connaîtraient les règles, et où les promoteurs intéressés par l'exploitation des ressources pourraient s'adresser directement aux propriétaires des terres pour parvenir à une entente.

.1135

Dans l'économie d'aujourd'hui, on ne peut plus se permettre de manquer de dynamisme. Il faut faire le maximum pour créer les conditions d'un développement responsable des ressources qui profite aux propriétaires, aux entreprises, et à la population des Territoires du Nord-Ouest ainsi qu'à celle du Canada.

Nous avons une recommandation au sujet des infrastructures. Dans un contexte rural, l'exploitation des ressources naturelles génère un besoin d'infrastructures, mais celles-ci ne peuvent être mises en place sans subventions. On a développé le Sud grâce à l'établissement d'un réseau de transport autour duquel on a bâti. Dans le Nord, le territoire à desservir est immense et il y a peu de moyens pour y parvenir.

Il y a différentes façons dont le gouvernement du Canada pourrait faciliter la création des liens nécessaires à la réalisation du développement. Les entreprises, les municipalités, et les gouvernements sont prêts à partager les coûts. Toutefois, rien de tout cela ne débouchera sans la coopération et l'appui du gouvernement fédéral.

Les emplois et les économies qui sont créés ont énormément d'importance, et produisent des recettes fiscales pour les gouvernements territorial et fédéral, sans parler des économies d'assurance-chômage que cela entraîne.

Le développement des secteurs de l'éducation et de la formation est essentiel à la prospérité de notre économie nordique. Vu les nouvelles technologies auxquelles recourent aujourd'hui les entreprises et les industries, la main-d'oeuvre doit savoir lire et écrire, être instruite, et fonctionner avec les nouvelles technologies si elle veut profiter des débouchés. Le secteur privé est prêt à faire sa part pour assurer que la formation est adaptée et à la page. Les quotas et les attentes en matière d'emploi sont souvent faussés si l'on s'en tient uniquement aux chiffres, particulièrement quand il s'agit d'une région où le taux d'analphabétisme est élevé.

Il est essentiel que les organes gouvernementaux coopèrent et facilitent la formation, par le système scolaire, d'une main-d'oeuvre efficace. Nous encourageons le comité à se pencher sur les flux de financement de notre système éducatif pour s'assurer qu'il correspond aux réalités d'aujourd'hui.

Comme vous le savez, on doit diviser les Territoires du Nord-Ouest en avril 1999. Cette initiative, entre autres conséquences, fera un trou dans la main-d'oeuvre du fait que plusieurs emplois gouvernementaux seront transférés au Nunavut et que l'administration réduira ses activités. En outre, l'immobilisme économique actuel a entraîné un ralentissement dans beaucoup d'industries. L'industrie des ressources naturelles représente l'une des réponses à la problématique des Territoires du Nord-Ouest: elle contribuera à renforcer l'économie du Nord et à nous préparer pour l'avenir.

En résumé, les Territoires du Nord-Ouest, comme toutes les autres régions du Canada, tentent de trouver des moyens de développer leur économie. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons la chance de posséder une industrie des ressources naturelles qui recèle un énorme potentiel de croissance et de développement. Votre comité peut contribuer à la prospérité des Territoires du Nord-Ouest. Je vous demande de nous aider.

Mme Cowling a posé une question tout à l'heure au sujet des priorités dans le domaine touristique. J'aimerais, si vous me le permettez, dire aussi quelques mots à sujet.

Le tourisme dans les Territoires du Nord-Ouest est une ressource pratiquement inexploitée. Cette industrie a un potentiel énorme, et elle fait naître beaucoup d'espoir du fait qu'elle est encore relativement sous-développée. C'est une industrie que soutiennent les Autochtones, une industrie dont le développement peut être à la fois responsable et traditionaliste, et qui peut aussi être plus diversifiée dans d'autres localités; c'est donc une industrie qui recèle beaucoup de potentiel.

Toutefois, tout en appuyant l'industrie touristique, nous accordons la priorité au développement des infrastructures routières. Nous nous sommes rendu compte qu'en construisant les infrastructures nécessaires, le développement suivra tout naturellement. Quand on construit une route, cela attire les gens et des industries s'installent à proximité.

Je l'ai dit, l'une des priorités est la construction de routes et le développement des infrastructures. Si on relie, disons, neuf ou dix sites miniers, en allant aussi loin que Coppermine ou au moins, Lupin, il devient possible de mettre aussi ces sites miniers à contribution. Chacun peut payer une petite part; le gouvernement fédéral, le gouvernement territorial, et même les administrations municipales et les gouvernements régionaux, tout comme les entreprises qui ont des activités dans ces régions. Vous savez peut-être que les entreprises construisent déjà régulièrement elles-mêmes les routes d'hiver, ce qui fait que ce ne serait pas trop pénible pour elles de contribuer à la construction d'une route permanente.

.1140

[Français]

M. Asselin: Vous venez de nous confirmer qu'il y a effectivement un problème au niveau des infrastructures qui donnent accès aux ressources et vous avez également mentionné que les Territoires du Nord-Ouest font face à un problème de développement. Selon vous, est-ce que le gouvernement fédéral devrait subventionner directement l'entreprise ou s'occuper lui-même de la recherche et du développement, principalement du développement de l'exportation vers le marché international?

[Traduction]

M. Brooks: Je suis heureux que vous ayez posé cette question. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral doive faire quoi que ce soit lui-même. Le gouvernement fédéral devrait coopérer avec l'industrie à l'élaboration des programmes.

Pour l'industrie, ce qui compte, comme vous le savez, ce sont les résultats comptables. Si une activité n'est pas rentable ou bénéficiaire, elle ne s'y aventure pas. Si le gouvernement fédéral fonctionnait isolément, il pourrait choisir une activité que l'industrie ne considère pas rentable ou dans laquelle elle n'est pas prête à s'engager. Il serait plus pertinent qu'il fournisse des aides, qu'il assure les liaisons, qu'il ouvre les portes.

Nous avons aussi des activités internationales. À cause de notre situation, nous transigeons avec la Russie et le Groenland, et nous avons découvert que les liens politiques et l'importance politique que ces autres pays accordent à leurs représentants... Par exemple, en ce qui concerne la Russie, si nous n'avions pas l'autorisation du gouvernement du Canada, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, les Russes n'envisageraient même pas de discuter avec les entreprises des Territoires du Nord-Ouest.

Il y a donc beaucoup de rôles que le gouvernement du Canada pourrait assumer. Dans la plupart des cas, il s'agit d'ouvrir des portes. Oui, vous avez les capacités de recherche qui pourraient orienter et faciliter les choses. Je suppose que, quand tout est dit, rien ne devrait être fait isolément.

[Français]

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Asselin, vous avez d'autres questions?

[Traduction]

Monsieur Chatters.

M. Chatters: J'ai trouvé intéressante votre recommandation relative à l'éducation et à la formation. J'ai travaillé dans les Territoires du Nord-Ouest pendant de nombreuses années, et j'ai essayé d'intéresser les Autochtones à ce genre de programme de développement, mais je ne pense pas que l'expérience se soit avérée particulièrement positive pour beaucoup d'entre eux.

J'ai lu ce matin dans l'avion, un article du Globe and Mail sur une famille autochtone impliquée dans la plus récente ruée minérale au Québec, la mise en valeur d'un gisement de nickel et de cuivre. Ces gens-là rejettent catégoriquement l'exploitation minière à cause de ses conséquences sur leur mode de vie traditionnel. Ils ne sont pas intéressés par la mise en valeur de ces richesses, non pas pour des raisons relatives aux revendications territoriales, mais à cause de la destruction du mode de vie autochtone que cela entraîne.

L'attitude est-elle la même dans les Territoires du Nord-Ouest? Pas parmi les leaders, mais à la base - la population autochtone des Territoires du Nord-Ouest approuve-t-elle la mise en valeur à grande échelle des ressources et des minerais? Que devons-nous faire pour les aider à devenir parties prenantes de telles opérations? On les tenait relativement à l'écart de tout cela quand j'étais ici, et ce n'était pas une situation très enviable.

M. Brooks: Aujourd'hui, ici, la situation est très différente de ce qu'elle était il y a tout juste un an ou deux. D'abord, on peut dire que le comité a bien choisi son moment. Dans cette région des Territoires du Nord-Ouest, on vient juste de terminer l'examen en matière d'environnement de la BHP. À cette occasion nous avons pu entendre plusieurs groupes autochtones, plusieurs associations de gens d'affaires, en fait tous ceux qui souhaitaient s'exprimer devant nous. Concernant les inquiétudes des Autochtones, la grande majorité de ceux qui ont fait des présentations se sont déclarés en faveur d'une mise en valeur responsable. Leur préoccupation était telle qu'ils se disaient prêts à appuyer l'exploitation des ressources uniquement s'il pouvait en découler des avantages directs pour les habitants des Territoires du Nord-Ouest. Ils n'étaient plus en faveur des opérations de développement éphémères. Ils ne voulaient aussi appuyer que les projets où il était possible de négocier directement un accord d'intervention économique avec les sociétés d'exploitation de ressources.

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Il s'en est suivi, comme vous le savez, que BHP a dû négocier des accords d'intervention économique avec tous les groupes autochtones concernés ou qui habitent dans la région de North Slave. De fait, le plus récent, qui a été passé avec les Dogrib, a été publié pas plus tard que la semaine dernière, et il est dit qu'ils l'appuient maintenant à cause de cet accord.

Il y a peut-être encore un ou deux récalcitrants. En tout cas, il y aura toujours quelqu'un qui ne veut pas entendre parler de mise en valeur. Mais même ceux qui ont exprimé une certaine inquiétude au sujet du développement... ils ont dit craindre que la communauté n'en tire pas d'avantages, qu'on allait les tenir à l'écart.

Or, nous venons de prendre connaissance des impacts socio-économiques que vient de publier le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, où l'on retrouve foncièrement toutes les promesses que BHP avait faites au cours des audiences. Nous en sommes très heureux.

Les Autochtones ont mentionné qu'ils préféreraient le développement du tourisme. Nous avons donc essayé de trouver un moyen par lequel la mise en valeur des ressources minérales valoriserait les perspectives touristiques dans leurs localités. Nous pensons donc avoir pris en compte la majorité de ces problèmes.

L'autre scénario auquel je faisais allusion est celui-ci: il y a deux ans, un grand nombre des localités des Territoires du Nord-Ouest étaient financées à 95-99 p. 100 par le gouvernement des Territoires. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Par exemple, tout juste d'avoir une réunion avec le président de la Chambre de commerce de Keewatin. Il nous a déclaré que sa localité était tributaire à 95 p. 100 du gouvernement pour toutes ses activités commerciales. À cause des récentes coupures que le gouvernement fédéral a imposées aux territoires, récemment répercutées par des coupures imposées par le gouvernement territorial aux localités, et dans les différents programmes que cela pouvait toucher, les gens réalisent soudain que le gouvernement ne va plus verser d'argent et qu'ils vont devoir s'efforcer de créer eux-mêmes de la richesse. L'année dernière, ils auraient pu dire: «le gouvernement nous a donné l'argent, alors pourquoi faire pencher la balance ou faire des vagues?» Aujourd'hui ils déclarent vouloir trouver des moyens de rendre le développement possible.

En ce qui concerne le tourisme, nous pensons que son développement peut venir de la mise en valeur des richesses.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Wood.

M. Wood: Merci, monsieur le président.

Vous le savez, nous sommes ici pour tenter de trouver un moyen de stimuler l'économie rurale. Je suppose que tout le monde va poser la même question, et c'est probablement mon tour.

Monsieur Brooks, selon la Chambre de commerce, que peut faire de mieux le gouvernement fédéral pour stimuler l'économie rurale? Pensez-vous qu'il devrait agir au niveau des incitatifs fiscaux, de l'amélioration des infrastructures, ou de la réduction du fardeau réglementaire? Devrions-nous nous concentrer sur un domaine particulier?

M. Brooks: En réponse à votre dernière question, je dirais que je ne pense pas que vous devriez vous concentrer sur un domaine particulier. Nous avons, je pense, totalement appuyé le dernier programme d'infrastructure que vous aviez mis en place, le un tiers, un tiers, un tiers. Dans le cas qui nous occupe, la mise en valeur des richesses, je pense qu'il faudrait aller encore plus loin et impliquer les compagnies, les grandes entreprises et les sociétés d'aménagement, qui s'intéressent également au développement de ces secteurs. Je pense qu'elles pourraient aussi jouer un rôle important. Je suis convaincu que le gouvernement fédéral peut aider de cette façon en créant des programmes qui non seulement procureront du travail à nos populations, mais leur donneront la formation professionnelle qui leur permettra de tirer parti de ces débouchés.

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Vous avez peut-être entendu dire, ou vous savez peut-être, que dans les Territoires du Nord-Ouest, le taux d'analphabétisme est élevé. Je crains que le nombre d'emplois créés n'ait guère d'importance si nous n'avons pas l'éducation suffisante pour les occuper. À quoi cela servirait-il? Quoi qu'il arrive, nous n'en sortirions pas gagnants.

Les compagnies se sont déjà engagées à collaborer avec le ministère de l'Éducation des Territoires du Nord-Ouest pour l'aider à mettre en place des programmes éducatifs qui répondent aux besoins prévisibles en matière d'emplois. Elles s'assureront qu'une formation adéquate est offerte à ces populations.

Une initiative appelée Partenariat de mobilisation communautaire est en cours. Elle a été lancée par BHP au cours des dernières audiences, et elle consiste foncièrement à faire en sorte que, dans tous les secteurs concernés, on s'intéresse à la façon de préparer les jeunes, les habitants des localités qui ne sont pas actifs ou ceux qui aimeraient entrer dans cette industrie, à occuper les emplois disponibles. Nous collaborons avec BHP et le ministère de l'Éducation pour essayer de mettre sur pied des programmes qui réduiront le taux d'analphabétisme et qui rendront les emplois plus directement pertinents.

M. Serré: Pour en revenir à l'Accord du Nord, dont vous avez parlé, pourriez-vous me dire exactement ce que vous attendez de cet accord et pourquoi rien n'est fait.

M. Brooks: Je pense que la raison pour laquelle rien ne bouge - c'est mon avis personnel - , c'est que le gouvernement fédéral a détenu le contrôle des ressources pendant si longtemps qu'il ne souhaite pas réellement l'abandonner. En outre, je ne sais pas s'il va maintenant bénéficier de l'appui des autres provinces à cause de l'activité récente dans le Nord.

Si les discussions sur l'Accord du Nord avaient été prises plus au sérieux il y a trois ans, il y aurait eu beaucoup moins de contestation. Mais maintenant qu'il y a des possibilités de mise en valeur des minerais et que l'argent pourrait revenir directement aux provinces plutôt qu'indirectement, je pense que cet accord susciterait plus d'intérêt qu'il a trois ans. On en a discuté il y a trois ou quatre ans, mais ce n'était pas une priorité à l'époque. Le dossier est devenu prioritaire notamment du fait qu'aujourd'hui, on se prépare à diviser les territoires et que l'on essaie d'obtenir plus de garanties pour les deux territoires.

M. Serré: Ce que vous envisagez, c'est obtenir le contrôle total des ressources naturelles - comme ce serait le cas dans une province.

M. Brooks: Foncièrement, le contrôle qu'exercent les provinces sur leurs ressources.

Le président suppléant (M. Bélair): Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

J'aimerais faire quelques observations précises à propos de la consolidation des atouts des Territoires du Nord-Ouest, particulièrement en ce qui concerne le secteur des ressources naturelles.

Ma question tourne autour des petites entreprises et de l'esprit d'entreprise, de la création d'emplois et de la croissance dans cette région. Je me demande si vos jeunes ont la mentalité des pionniers qui devrait leur permettre de créer des emplois et de devenir des entrepreneurs en ayant recours à leurs propres ressources. Est-ce le cas, et que pouvons-nous faire pour favoriser cela au sein de la population des Territoires du Nord-Ouest?

M. Brooks: Je commencerais par dire que j'habite les Territoires du Nord-Ouest depuis 16 ans, et que mes fonctions m'ont amené à visiter pratiquement toutes les localités des territoires. J'ai découvert, dans le passé, un système de valeurs différent, dans lequel les membres des communautés n'accordaient pas beaucoup de valeur à l'esprit d'entreprise. Toutefois, au cours des cinq dernières années, et au fur et à mesure que le XXIe siècle devient réalité dans ces localités, grâce aux nouvelles techniques de télécommunication et autres, je constate que les jeunes se montrent de plus en plus intéressés.

On peut se rendre compte que grâce à l'école, les jeunes s'intéressent au monde qui les entoure. Comme vous le savez, n'importe quel enfant de 10 ans peut naviguer aujourd'hui sur l'Internet, alors que moi, j'ai bien du mal. Je constate que grâce aux nouvelles technologies, les jeunes des petites localités et des plus grands centres montrent un intérêt naturel. Tant et aussi longtemps que nous pourrons rendre les choses intéressantes et pertinentes, nous contribuerons à les faire progresser.

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Il existe un programme appelé Jeunes entreprises du Canada dans lequel le monde des affaires est déjà impliqué. Vous en avez peut-être entendu parler. Il vise à intéresser les enfants à l'esprit d'entreprise ou au fonctionnement des entreprises.

Je pense que des programmes de ce type doivent continuer d'exister et bénéficier du soutien nécessaire. Selon moi, le facteur le plus important qui est susceptible de faire progresser ces jeunes et de maintenir leur intérêt c'est l'école. Je pense que le système éducatif doit être soutenu par le milieu des affaires et en tout cas, par le gouvernement du Canada, de par tous les moyens qui peuvent maintenir l'intérêt des jeunes et leur montrer que ce serait bien mieux d'avoir de l'argent pour aller au cinéma au lieu d'être obligés de rester en marge en se disant qu'ils auraient aimé pouvoir y aller. C'est un moyen d'y parvenir. À mon avis une collaboration entre le milieu de l'enseignement et le secteur industriel serait certainement la meilleure façon d'impliquer les jeunes et de les intéresser.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: Ma question est un complément à celle de Mme la députée. Je ne connais pas le degré de scolarisation actuel dans les Territoires du Nord-Ouest. J'aimerais d'abord savoir si vous avez des infrastructures scolaires pour donner une bonne éducation et un degré de scolarisation assez avancé afin que les gens puissent accéder au marché du travail.

Les gens peuvent-ils avoir accès à des centres de formation pour apprendre des métiers afin de percer dans l'industrie ou auprès des entreprises? On sait que le jeune qui doit quitter les Territoires du Nord-Ouest et se rendre vers Edmonton ou Vancouver pour aller chercher un niveau d'instruction plus avancé a peu de chances de revenir dans les Territoires du Nord-Ouest. Il va probablement rester dans les grands centres, ce qui a un effet d'entraînement, parce qu'avec le temps les parents suivent les jeunes qui ont décidé de s'installer dans les grands centres.

Est-ce que vous avez des infrastructures adéquates pour donner la formation et l'enseignement nécessaires? Est-ce que l'industrie et les entreprises donnent de la formation à leur main-d'oeuvre?

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Brooks.

M. Brooks: Merci. L'infrastructure est en place. Elle existe dans la mesure où nous offrons un programme d'étude qui nous permet en premier lieu d'amener les enfants au niveau nécessaire pour entrer au collège. L'infrastructure existe même si, dans certaines localités, la qualité n'est pas suffisante ou que le manque de crédits aura des effets néfastes dans certaines localités qui font face à de graves difficultés. Toutefois, globalement, l'infrastructure est en place pour permettre une scolarisation générale.

En outre, le collège de l'Arctique et le collège Aurora commencent à... Le milieu des affaires et la communauté industrielle ont poussé le collège de l'Arctique et le collège Aurora à offrir des cours plus axés sur les activités minières. Il s'agit principalement de collèges pour adultes. Les cours sont suivis soit par correspondance, soit dans des salles de classe installées dans les diverses localités.

L'infrastructure est donc en place. Le problème, c'est l'évolution du système de valeurs. Elle n'est pas tout à fait assez rapide, selon nous.

Certains ne seront pas en mesure de profiter des nouveaux emplois qui seront créés, à moins que l'on nous aide à les encourager à participer à ces programmes, et que l'on s'assure que ceux qui vont être proposés ou mis en place sont suffisamment financés pour être pertinents. L'industrie aura donc certainement un rôle à jouer pour garantir le bien-fondé du programme d'enseignement.

Il me semble qu'avec toutes les autres compressions effectuées par le gouvernement - nous venons juste d'apprendre que de nouvelles coupures vont être annoncées dans le domaine de l'éducation - on pourrait avoir un problème. Les gens ne vont pas être en mesure de tirer parti des choses que nous préconisons. Il existe déjà un mouvement favorable à la mise en place au collège de l'Arctique d'un programme scolaire beaucoup plus axé sur le développement industriel.

.1200

Il a été question de créer un complexe collégial dans les Territoires du Nord-Ouest. Habituellement, dans le cas des universités, on commence par avoir un programme, un domaine d'expertise particulier, qui se développe petit à petit jusqu'à ce que cela se transforme en collège ou en université. Nous pensons que cela pourrait certainement arriver ici.

Les ressources naturelles sont l'un des atouts majeurs des Territoires du Nord-Ouest. Elles sont diverses. On ne parle pas seulement d'or ou de diamant, il y a aussi le gaz naturel et de nombreux minéraux. Nous maîtrisons les technologies nordiques et parce que nous les utilisons et du fait que la région est si vaste, il nous semble que ce serait certainement l'endroit idéal pour les enseigner non seulement à d'autres habitants des Territoires du Nord-Ouest et du reste du Canada, mais aux habitants des régions circumpolaires qui exploitent des mines, en Russie et au Groenland. Ils pourraient être formés ici. C'est quelque chose que nous avons à leur offrir.

Avec l'apparition de ces nouveaux minéraux dans les Territoires du Nord-Ouest... Au fait, ce ne sont pas les minéraux qui sont nouveaux; c'est simplement que nous disposons de nouvelles technologies qui nous permettent de les découvrir ou de les exploiter de façon rentable. Il existe actuellement, selon moi, une merveilleuse opportunité de mettre en place une infrastructure scolaire qui permettrait que tous ces projets se réalisent.

Le président suppléant (M. Bélair): Je vous remercie, monsieur Brooks. C'était très intéressant. Poursuivez vos efforts avec toutes ces chambres de commerce. C'est un véritable exploit si l'on considère l'étendue du territoire.

M. Brooks: Effectivement. Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): Nous allons maintenant entendre M. O'Neill. Je vous donne la parole, monsieur O'Neill.

M. Greg O'Neill (gérant des opérations, Fonds de développement des coopératives des Territoires du Nord-Ouest): Merci. Je suis très heureux d'avoir été invité à m'exprimer devant le comité.

Je représente le mouvement coopératif des Territoires du Nord-Ouest. Il est un peu surprenant que ce soit moi qui sois ici pour le représenter. Habituellement, on aurait délégué un administrateur pour parler au nom des membres, mais aucun d'entre eux n'a pu se libérer. Le préavis qui nous a été donné pour préparer cette présentation était très court. Bill Lyall, notre président, est au lac Baker pour une réunion sur les revendications territoriales du Nunavut, ce qui explique son absence. Il faudra donc vous contenter du remplaçant.

Je vais commencer par vous parler un peu du mouvement coopératif dans les Territoires du Nord-Ouest. On trouve des coopératives communautaires dans 41 localités des Territoires du Nord-Ouest. Nos membres sont des Inuit, des Dénés, et des non-Autochtones, et nous comptons plus de 11 000 adhérents - près de 12 000 - dont environ 95 p. 100 sont des Inuit et des Dénés.

Il existe aussi deux organismes centraux qui appartiennent aux coopératives communautaires. Il s'agit de la Arctic Co-operatives Limited et du Fonds de développement des coopératives des Territoires du Nord-Ouest. La plupart des 41 coopératives communautaires sont des organismes dont les objets sont multiples.

Une coopérative communautaire peut être impliquée dans une vaste gamme d'activités commerciales: la vente de produits alimentaires au détail, la mercerie, la quincaillerie, l'exploitation d'hôtels, la distribution des produits pétroliers, la télévision par câble, les services postaux, les contrats de construction et l'exploitation d'équipement lourd, la location de propriétés, la production d'objets d'art et d'artisanat, les achats et le marketing, les services aériens, et autres contrats. Nous sommes également impliqués dans la fourniture de services touristiques.

La Arctic Co-operatives Limited (ACL) offre ses services aux coopératives communautaires sur la base des besoins reconnus. La structure d'entraide coopérative s'est développée sur une période de plus de 40 ans. La première coopérative du Nord a été constituée en 1959 à George River, au Québec. On trouve aussi une organisation soeur dans le nord du Québec, appelée la Fédération coopérative du nouveau Québec (FCNQ).

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Avec le temps, les coopératives mises en place par les habitants du Nord se sont rencontrées régulièrement pour recenser leurs besoins communs et pour trouver des solutions à leurs problèmes. En suivant une approche participative et démocratique, les coopératives ont mis en place deux centrales ou coopératives de deuxième rang dont elles sont propriétaires et qu'elles contrôlent, l'ACL et le FDCTN-O.

L'ACL offre des conseils en gestion, des services axés sur l'organisation des ventes, la comptabilité, la commercialisation des objets d'art et artisanaux, l'éducation et la formation, et d'autres appuis techniques, par exemple, pour la préparation de soumissions et d'appels d'offres et l'élaboration de projets.

Le FDCTN-O est le bras financier du coopératisme des Territoires du Nord-Ouest. Il accorde des prêts aux coopératives membres en finançant leur réapprovisionnement annuel. Une fois par an, quand les voies d'eau sont ouvertes, nous avons la possibilité de faire parvenir par barge la majeure partie de ce dont elles ont besoin à la plupart des coopératives locales. Nous accordons des prêts à nos adhérents sous forme de lignes de crédit de fonctionnement. Nous leur accordons aussi des prêts au développement et des prêts de refinancement qui peuvent prendre la forme d'options sur des actions privilégiées. Nos fonds propres s'élèvent à 22 millions de dollars et nous disposons en plus d'une ligne de crédit de fonctionnement de 4 millions de dollars auprès de la Banque de Nouvelle-Écosse.

En tant que système, les coopératives sont partenaires d'une firme de courtage en assurance qui élabore et adapte ses produits et services aux résidents des localités du Nord. Les coopératives sont également partenaires d'un réseau de communication numérique à large bande qui dessert les localités des Territoires du Nord-Ouest avec NorthwesTel et NASCo, un consortium de sociétés de développement autochtones. Nous venons de passer un marché avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour assurer ce service dans tout le Nord. Cette infrastructure donne accès à l'Internet.

Les coopératives des Territoires du Nord-Ouest sont le fruit de la volonté des habitants des localités de se doter des services dont ils ont besoin et d'être partie prenante du commerce dans leur pays. Dans certaines localités, les coopératives sont les seules entreprises, et bien souvent, ce sont les seules entreprises qui appartiennent en propre aux habitants des communautés inuit et dénées.

Comme dans le cas de la plupart des localités rurales du Canada, la survie économique est la principale question qui se pose dans un grand nombre des localités rurales des Territoires du Nord-Ouest. La survie économique peut être définie en termes de viabilité économique, mais elle doit également être perçue en termes de viabilité sociale, d'efficacité politique, et de vitalité culturelle. La survie économique est l'objectif global que nous voulons atteindre.

De quelle façon les coopératives contribuent-elles? Du point de vue de la viabilité économique, les coopératives sont avant tout des entreprises. Elles sont structurées de manière à ce qu'elles appartiennent à 100 p. 100 à la communauté. En conséquence, tous les bénéfices ou toutes les économies réalisés par les coopératives sont conservés par la communauté. Les bénéfices sont répartis entre les membres en fonction de l'utilisation des services offerts.

À l'origine, il n'existait pas d'infrastructure commerciale dans la plupart des localités des Territoires du Nord-Ouest. Celles-ci étaient isolées par la géographie, le climat et d'autres facteurs. Il y avait une exploitation commerciale des ressources naturelles pour ce qui est des fourrures, des produits dérivés de la baleine et autres, mais dans la plupart des cas, les bénéfices réalisés par ces entreprises ne profitaient pas aux habitants des localités.

Un programme de développement économique centré sur la mise en place de coopératives communautaires fut lancé par le gouvernement fédéral dans les années 60. Dans certaines localités, l'activité économique qui, à l'origine, a aidé à promouvoir l'essor de ces coopératives fut la commercialisation des sculptures et, par la suite, des gravures réalisées par des artistes locaux. Les matériaux étaient rares et certains des premiers magasins de détail furent construits avec des matériaux récupérés dans les stations du réseau DEW et dans d'autres installations militaires.

La bande d'atterrissage de Pelly Bay, par exemple, a été construite avec un tracteur Caterpillar abandonné par les travailleurs d'une station du réseau DEW. Les résidents locaux allèrent chercher le tracteur. Il ne marchait pas; ils durent fabriquer des pièces de rechange avec les matériaux dont ils disposaient localement, puis ils réparèrent le tracteur et construisirent la piste d'atterrissage. Elle fut par la suite améliorée par le gouvernement fédéral, mais la structure d'origine avait été construite par les habitants qui, je le répète, s'étaient servis des matériaux qu'ils avaient pu trouver sur place.

.1210

Avec le temps et au fur et à mesure que d'autres possibilités se sont présentées, les coopératives ont étendu leurs activités aux secteurs que j'ai déjà mentionnés. La viabilité économique des coopératives est démontrée par les résultats consolidés de 1995. Les coopératives des Territoires du Nord-Ouest affichaient cette année-là un revenu total de plus de 75 millions de dollars et un bénéfice net d'environ 3,4 millions de dollars. La totalité de leurs actifs s'élève à 64 millions de dollars, les fonds propres représentant environ 20 millions de dollars.

Les coopératives se sont donc avérées depuis plus de 40 ans des entreprises économiques viables dans les Territoires du Nord-Ouest, et c'est la base de leur pérennité. La viabilité économique est indispensable.

La vitalité sociale joue également un grand rôle dans la pérennité. Quand les premières coopératives ont été formées, la plupart des habitants des Territoires du Nord-Ouest n'étaient pas organisés en communautés. Ils étaient nomades et s'adonnaient généralement à la chasse et à la récolte des ressources. Les communautés ont graduellement évolué, au fur et à mesure que se développaient des infrastructures communautaires tels comme soins de santé, les écoles et les logements. Les coopératives ont joué un rôle crucial dans un premier temps, et encore aujourd'hui, pour soutenir la structure sociale de ces communautés.

On peut mesurer la vitalité d'une société par le nombre des organismes démocratiques ou de bienfaisance que l'on y trouve et par la capacité des gens à s'organiser pour régler leurs problèmes. Plus il y a d'organisations et plus l'éventail de leurs activités est large, plus les citoyens participent à la vie communautaire et plus sa vitalité est grande.

Les coopératives sont des institutions stables qui permettent aux citoyens de participer à la prise de décisions qui touchent directement leur vie quotidienne. Par conséquent, au lieu de dépendre de décisions prises en dehors de la localité, grâce à leur adhésion aux coopératives, les locaux peuvent contrôler ce processus. Ils décident quels produits ils consommeront et quels services leur seront fournis par la communauté.

À l'origine, dans de nombreuses localités, la coopérative était la seule organisation existante à laquelle les citoyens pouvaient participer. Les adhérents des coopératives se rencontrent une fois par an et occasionnellement dans le courant de l'année, pour faire la revue des activités de la coopérative, prendre des décisions sur les politiques, faire de gros achats, répartir les dividendes, et passer des résolutions sur les questions d'importance pour la localité.

L'autre aspect qui nous concerne est l'efficacité politique. Les coopératives sont des organismes démocratiques; elles reposent sur le principe du suffrage personnel. Comme je l'ai déjà mentionné, les membres des coopératives se réunissent au moins une fois par an pour faire la revue de leurs activités. Les règlements législatifs exigent qu'il y ait une assemblée annuelle. Ils élisent aussi un conseil d'administration qui se réunit régulièrement au cours de l'année avec la direction. Le conseil est chargé de veiller sur les avoirs des membres. Les administrateurs sont chargés de prendre les décisions stratégiques, d'informer la direction des questions importantes pour la communauté et d'orienter de manière générale le fonctionnement des coopératives. Il s'agit d'une fonction cruciale au sein des coopératives des Territoires du Nord-Ouest.

Au fur et à mesure que les questions relatives à l'autonomie administrative ont pris de l'importance et que les organisations politiques se sont développées, un grand nombre de ceux qui en ont pris la tête ont pu se prévaloir de l'expérience acquise à titre d'administrateurs ou de gérants de coopératives. Les administrateurs de coopératives occupent aujourd'hui des postes de commandement dans les organisations qui s'occupent des revendications territoriales et servent leurs communautés en qualité de membres de l'assemblée législative ou de députés, et à divers titres dans les gouvernements régionaux et locaux. Les administrateurs de l'organisation centrale ont fait valoir les intérêts des habitants du Nord dans de nombreux forums politiques importants - territorialement, nationalement et internationalement. Comme je l'ai dit, il aurait été bien préférable que ce soit un administrateur qui représente les coopératives devant ce comité, mais malheureusement, cela n'a pas été possible.

Pour terminer, il y a une question qui est très importante pour les localités du Nord, particulièrement celles qui possèdent des coopératives, c'est la question de la vitalité culturelle. La vitalité de la culture se manifeste ou peut être mesurée par la solidité des traditions et la capacité d'assimiler les changements. Les coopératives des Territoires du Nord-Ouest ont collaboré avec des peuples de cultures différentes, et la façon dont ces coopératives fonctionnent - en poursuivant des objectifs sociaux et économiques - est en harmonie avec la communauté que nous servons et dont la culture se fonde sur la chaleur humaine et l'entraide.

Plus particulièrement et plus concrètement, les coopératives ont contribué à l'exportation des cultures des Autochtones du Nord, et les ont fait connaître en commercialisant leurs oeuvres d'art et d'artisanat. C'est ainsi que les sculptures et les estampes inuit occupent maintenant une place de choix dans les arts canadiens. Chaque oeuvre est l'expression d'une vision artistique tempérée par l'expérience de la vie dans une culture unique. La commercialisation de ces oeuvres a permis à des traditions qui, autrement, auraient pu disparaître, de survivre

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Les coopératives sont également propriétaires-exploitantes de 20 hôtels dans des localités des Territoires du Nord-Ouest. Notre organisme est probablement le seul qui possède une chaîne d'hôtels dans les Territoires du Nord-Ouest.

Par le biais de son programme Inns North, le mouvement coopératif des Territoires du Nord-Ouest envisage d'offrir des circuits touristiques mettant en valeur les cultures nordiques, tout en respectant le cadre local car ces hôtels, auberges et coopératives appartiennent à nos membres des communautés autochtones.

Ce programme offre aux locaux l'occasion de se documenter sur la culture traditionnelle et de développer leurs compétences. Prenons l'exemple de Cape Dorset - localité où j'ai travaillé il y a une dizaine d'années. On devait avoir la visite d'un bateau de croisière de la National Geographic Society et les locaux voulaient préparer une exposition à cette occasion.

Ils voulaient reconstituer un camp de chasse traditionnel, avec tentes en peaux de phoque et ce genre de chose. Ils commencèrent à rassembler le matériel et les objets, et pendant qu'ils montaient l'exposition, ils se sont rendu compte qu'ils avaient oublié un grand nombre des mots qui désignaient ces objets ou certains des matériaux.

Ils demandèrent le secours des anciens et ceux-ci collaborèrent avec les jeunes pour monter l'exposition. Ce fut également l'occasion de montrer aux jeunes les objets traditionnels utilisés autrefois.

Les coopératives développent également la télévision par câble dans les localités des Territoires du Nord-Ouest. On pourrait craindre que cela menace les cultures traditionnelles, mais les coopératives envisagent de faire beaucoup plus que de se contenter d'importer des émissions de télévision du Sud.

On envisage d'utiliser la télédistribution pour organiser des forums locaux, et de l'intégrer à l'infrastructure utilisée pour les transmissions numériques à large bande dans les Territoires du Nord-Ouest. Une fois en place, le réseau favorisera un dialogue plus vaste et plus riche entre les localités des Territoires du Nord-Ouest et le reste du monde. Et c'est sans doute - j'en parle dans mon mémoire - le seul cas où un groupe autochtone est propriétaire majoritaire d'une infrastructure technologique d'information.

J'aimerais dire quelques mots au sujet des caisses d'épargne.

Le président suppléant (M. Bélair): Avant que vous n'alliez plus loin, j'aimerais vous dire, monsieur, que nous avons réservé une demi-heure à chaque témoin. Vous avez déjà parlé pendant 18 minutes, alors, à vous de décider: vous pouvez poursuivre votre exposé, ce qui ne laissera pas beaucoup de temps pour les questions ou vous pouvez choisir de laisser les membres du comité vous poser des questions.

M. O'Neill: J'aimerais faire encore quelques observations.

Il y a une initiative que les coopératives des Territoires du Nord-Ouest ne sont pas encore parvenues à faire aboutir - la prestation de services financiers aux localités des Territoires du Nord-Ouest. Les coopératives s'efforcent depuis 10 ans de capitaliser le système des caisses d'épargne.

Actuellement il n'y a pas de structure qui permette de faire des dépôts ou des chèques, d'accorder des prêts ou de faire des investissements dans plus de 90 p. 100 des localités des Territoires du Nord-Ouest. En l'absence de tels services, en l'absence de pools locaux de capital, il est très difficile de répertorier et d'ouvrir des possibilités de développement.

Je voudrais citer l'exemple d'une localité et du développement durable qui est possible grâce aux coopératives. Il s'agit de la localité de Pelly Bay, qui se trouve à plus de 1 300 milles au nord-est de Yellowknife, et où habitent environ 400 personnes. C'est une très petite localité, et ses habitants étaient devenus par tradition dépendants de la capture des mammifères marins, principalement les phoques.

Actuellement, la coopérative assure 111 emplois à temps plein et à temps partiel dans une localité qui compte 409 habitants. En plus des services aux consommateurs, la coopérative commercialise des objets d'art et d'artisanat, exploite un hôtel, distribue des produits pétroliers, joue le rôle d'entrepreneur de construction et exploite la machinerie lourde, assure un service de taxi, gère le bureau de poste, est l'agent de la compagnie de téléphone et des compagnies aériennes, exploite un service de transport et est propriétaire de biens locatifs.

En 1976, cette coopérative était techniquement insolvable. Ses résultats étaient déficitaires. En 1977, elle avait des fonds propres de 200 000$. En août 1996, ils s'élevaient à plus de 3 millions de dollars. Un investissement de cette ampleur dans une localité de 400 personnes est probablement sans équivalent. Mais je pense que ce qui est véritablement important, c'est ce qu'ils ont fait de leurs fonds propres. Ils ont établi, à l'intention des anciens de la communauté, un régime de pensions qui repose sur la récupération des fonds propres et des actions détenus par ces anciens. Ils ont acheté une ambulance, et pris plusieurs autres initiatives à l'intention de la communauté. Ainsi, grâce à la coopérative, les habitants ont réellement assuré la pérennité de leur communauté.

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Je vous remercie.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci.

[Français]

Monsieur Asselin.

M. Asselin: Pour qu'une coopérative soit fonctionnelle, elle doit avoir un membership. Mais je ne pense pas que vous pouvez obliger tous les gens des Territoires du Nord-Ouest à adhérer à la coopérative. J'aimerais savoir quels sont les avantages pour les gens qui en sont membres et quels sont les inconvénients pour ceux qui n'en sont pas membres.

Est-ce que le développement ou l'expansion des coopératives ne se fait pas au détriment de ceux qui n'en sont pas membres? Ceux qui n'en sont pas membres ne peuvent sûrement pas bénéficier des mêmes avantages que ceux qui en sont membres. Si, comme vous l'avez expliqué, la coopérative connaît chaque année une croissance, ça pourrait se faire au détriment de ceux qui n'en sont pas membres.

Je pense qu'une coopérative comme la vôtre contribue grandement au développement économique de la région des Territoires du Nord-Ouest et peut également empêcher une augmentation accrue du coût de la vie en contrôlant certaines choses.

J'aimerais qu'on m'explique quels sont les avantages d'être membre et qu'on me dise si l'exploitation de la coopérative ne se fait pas un peu au détriment de ceux qui n'en sont pas membres.

[Traduction]

M. O'Neill: Merci de m'avoir posé la question.

Les avantages dont bénéficient les adhérents des coopératives sont, semble-t-il, illustrés par l'histoire de Pelly Bay. Il y a du travail. Les gens ont accès à des services qui, autrement, ne seraient pas disponibles. Il y a participation à la propriété du commerce de cette localité qui, autrement, n'aurait jamais été réalisée. Il y a la force qui vient de la capacité de fournir collectivement des services locaux plutôt que de dépendre d'une personne, d'un entrepreneur ou d'un étranger à la communauté pour bénéficier de ces biens et de ces services.

L'adhésion aux coopératives est ouverte à tout le monde et elle est libre. Vous avez raison quand vous dites que personne n'est forcé d'être membre d'une coopérative. Il faut comprendre ce qui fait le caractère unique de certaines localités des Territoires du Nord-Ouest. Il est juste de dire que dans un grand nombre de cas, le développement dont elles ont bénéficié grâce aux coopératives ne se serait produit pas autrement.

Un représentant de la Chambre de commerce a parlé des déficiences de connaissances - je n'aime pas utiliser cette expression - ou des problèmes d'analphabétisme. Un grand nombre de facteurs ont entravé et entravent toujours le développement de l'esprit d'entrepreunariat au niveau individuel dans les Territoires du Nord-Ouest. Je pense que l'entrepreunariat dans les coopératives est aussi valide que l'entrepreneuriat individuel. La seule différence, c'est que les choses se font collectivement plutôt qu'individuellement.

Dans les localités où l'on trouve une économie mixte qui comprend des coopératives, des entreprises non coopératives et le gouvernement - un intervenant de premier plan dans les économies locales des Territoires du Nord-Ouest - ceux qui ne sont pas membres peuvent avoir accès aux services par l'entremise d'entreprises non coopératives. En cela, nous avons effectivement une économie mixte. Toutefois, il s'agit de très petites localités. À Pelly Bay, il y a 400 habitants. Certaines localités en ont moins de 300. À Baychimo, aux alentours de Cambridge Bay, je pense qu'il y a en 90 ou 100.

.1225

Le rendement de l'investissement pour un investisseur privé qui voudrait se rendre là-bas et ouvrir une entreprise, et les efforts qui seraient nécessaires, sont absolument prohibitifs. Je ne pense pas que cela se produira un jour. Les coopératives sont probablement le seul moyen de parvenir au développement économique dans certaines de ces petites localités. Dans les localités plus importantes et où il est possible d'avoir une économie mixte et plus diversifiée, investissements privés sont déjà consentis.

[Français]

M. Asselin: Il y a sûrement des coûts d'adhésion à la coopérative. Quand on adhère à une coopérative, c'est pour en retirer des dividendes. Est-ce que tous ceux qui veulent y adhérer peuvent le faire?

[Traduction]

M. O'Neill: Oui.

[Français]

M. Asselin: Sans restrictions?

[Traduction]

M. O'Neill: Oui.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Chatters.

M. Chatters: Comme j'ai été élevé dans la campagne albertaine, je connais très bien le coopératisme. Le mouvement coopératif y était florissant. Je suis parfaitement au courant des avantages et des désavantages du coopératisme. Dans les régions plus septentrionales du Canada, les faiblesses du coopératisme sont rapidement devenues apparentes quand l'esprit d'entreprise... et la concurrence furent introduits.

Je ne sais pas si c'est particulièrement réaliste dans un grand nombre des localités dont vous parlez, tout simplement parce qu'il est peu probable qu'une entreprise ou qu'un entrepreneur aille fournir des services qui feraient concurrence à la coopérative. Mais je pense que le mouvement coopératif est naturel dans les communautés autochtones à cause de la nature collective de la culture. Je considère que c'est manifestement une magnifique façon de fournir ces services, et d'une manière efficace.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci. Je donne maintenant la parole à Mme Cowling.

Mme Cowling: Monsieur O'Neill, à titre d'ancienne directrice de la coopérative locale de ma ville dans le nord-ouest du Manitoba, je voudrais savoir quel message ou quelle priorité vous souhaiteriez que ce comité fasse valoir au nom du mouvement coopératif des Territoires du Nord-Ouest, afin d'améliorer la viabilité et la survie économique de cette région.

M. O'Neill: Nous voulons accomplir principalement deux choses. J'ai abordé la première dans mon exposé, à savoir l'introduction de caisses d'épargne dans les Territoires du Nord-Ouest. Actuellement, nous avons des engagements à hauteur de 3,6 millions de dollars pour la capitalisation d'un système de caisses d'épargne. Notre plan opérationnel prévoit qu'il faudrait une contribution d'approximativement 6 ou 7 millions de dollars en capitaux permanents. Nous utiliserions ces fonds pour créer une caisse de cautionnement qui garantirait les dépôts des membres. Grâce aux intérêts que produirait cet argent, nous pourrions envoyer des agents de développement dans les localités pour aider les habitants à mettre sur pied leur propre caisse d'épargne.

Le deuxième objectif est de dispenser aux gérants et aux habitants des localités une éducation et une formation en gestion des coopératives. À la fin des années 70 et au début des années 80, nous percevions à cette fin une contribution annuelle de ce qui s'appelait alors la division de la main-d'oeuvre - ce qu'on appelle aujourd'hui, je suppose, DRH - de plus d'un million de dollars. À l'époque, 25 de nos gérants étaient des Autochtones. Aujourd'hui, seuls deux d'entre eux le sont. Je ne pense pas que ce soit un pourcentage satisfaisant.

Je crois donc que soutenir l'éducation et la formation est très important. Les temps ont changé, et pour y parvenir, il va falloir s'appuyer sur l'infrastructure scolaire en place. La collaboration de l'industrie et des établissements d'enseignement a été évoquée par la Chambre de commerce, et cela nous intéresse également.

Voilà nos deux souhaits. Le premier est l'éducation et la formation, le second, le développement d'un système de caisses d'épargne.

Mme Cowling: Je crois avoir entendu de précédents témoins dire qu'à cause des progrès technologiques rapides, il va sans doute falloir passer par une période de transition.

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Y avez-vous réfléchi au sein du mouvement coopératif, et pensez-vous qu'il en soit ainsi? Nous progressons assez rapidement, dans le secteur des ressources naturelles, en matière de création d'emplois technologiques. Pensez-vous qu'il faille prévoir une période d'ajustement?

M. O'Neill: Je pense que tout cela va bel et bien arriver. Lentement ou rapidement, cela échappe, me semble-t-il, à notre contrôle. Les coopératives veulent participer au développement des technologies d'information dans les Territoires du Nord-Ouest, et elles l'ont déjà fait. Nous nous sommes lancés. Et grâce à notre contribution, qui va continuer, nous allons donner l'occasion aux habitants des localités de faire l'expérience concrète de cette technologie et d'apprendre par son intermédiaire.

Je viens d'un milieu où l'on apprend en faisant. Je suis originaire des Maritimes, et c'est la façon dont on apprend là-bas. Je pense que le mariage entre ce type d'expérience concrète et pratique et la connaissance théorique s'avérera important.

Le système que nous voulons mettre en place avec nos partenaires sera un bien meilleur instrument pour offrir des perspectives d'éducation à distance que le réseau de transmission numérique à large bande. Nous sommes en plein dedans. Notre priorité numéro un est servir nos membres et leur assurer les emplois qui vont découler de ce partenariat. Car ce sont eux qui, selon nous, doivent bénéficier de ce type de projet.

Mme Cowling: Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci, madame Cowling.

Monsieur O'Neill, c'était très intéressant. Vous réussissez très bien à mettre ce concept en oeuvre, et nous vous souhaitons bonne chance.

M. O'Neill: Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): On vient de m'informer que notre prochain témoin n'est pas arrivé, mais que M. Vaydik, de la Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest, est parmi nous.

Si vous n'y voyez d'inconvénient, mes chers collègues, nous allons inviter M. Vaydik à venir s'asseoir à la table. Quand M. Bevington arrivera - avant 11 h, j'espère - nous écouterons son exposé.

Monsieur Vaydik, vous avez la parole.

M. Mike Vaydik (directeur général, Chambre de commerce des Territoires du Nord-Ouest): Je vous remercie de m'offrir la possibilité de vous parler du cadre stratégique dans lequel s'inscrit le développement économique des Territoires du Nord-Ouest.

On ne peut pas trouver une région plus rurale que la nôtre. Il n'y a que 65 000 habitants sur un territoire de 1,3 million de milles carrés. Yellowknife, Hay River, Fort Smith, Inuvik et Iqaluit sont les cinq plus grandes agglomérations, et à elles toutes, rassemblent plus de la moitié de notre population. Le reste vit dans une cinquantaine de plus petites localités éparpillées entre Grise Fiord, à 76« au nord, et Fort Smith, tout près de la frontière albertaine, sur le 60e parallèle.

Quand il est question de notre avenir économique on parle de ressources restreintes dans la plupart des secteurs. L'agriculture ne peut se développer à cause du climat, et la foresterie, dont le potentiel est limité, est concentrée dans le sud-ouest. Il y a quelques petites entreprises de coupe de bois qui fournissent le marché local, mais la ressource est limitée dans presque tout le territoire et totalement inexistante au nord de la limite de végétation des arbres.

Il existe un certain potentiel dans le domaine pétrolier et gazier, mais les réserves se trouvent dans des régions où les coûts sont élevés, et le bas prix des produits a réduit les activités d'exploration au strict minimum. On fait un peu de prospection gazière actuellement dans la vallée aux Liards. Cela a entraîné la création de quelques emplois et une certaine activité commerciale dans les deux petites localités qui se trouvent à proximité immédiate.

Notre pêche commerciale est limitée par la froideur des eaux nordiques qui est par ailleurs responsable du faible taux de croissance du poisson. Cette industrie a probablement déjà atteint son plein niveau de développement et fait vivre quelques familles à Hay River et Yellowknife.

L'industrie de la fourrure a été pratiquement détruite par le lobby international anti-fourrure. Quelques trappeurs continuent de vendre des peaux à des prix très inférieurs à ce qu'ils étaient il y a dix ans.

Le tourisme se développe lentement et souffre d'une saison très courte et des coûts élevés des transports et des infrastructures. Le tourisme ne présente qu'un potentiel limité en dehors des emplois saisonniers qu'il pourrait générer.

Par conséquent quand on parle de l'avenir économique du Nord, on parle des mines. L'exploitation minière est actuellement une industrie d'un milliard de dollars dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle représente environ 12 p. 100 du produit intérieur brut de la région et environ la moitié de ses exportations. Nos sept mines en exploitation génèrent environ 1 700 emplois directs. Nous calculons qu'environ 3 000 emplois additionnels dépendent de l'industrie minière. Ils se trouvent dans les secteurs de l'exploration, des services miniers, de la construction, du transport, de la restauration, etc..

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Vous avez sans aucun doute entendu parler de l'émoi qu'a provoqué la découverte de diamant dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous attendons impatiemment le feu vert du Cabinet fédéral pour ouvrir la première mine de diamants au Canada. D'une certaine façon, la courte histoire de ce projet illustre tout ce qui va bien et tout ce qui va mal pour notre industrie, et c'est pourquoi je vais tenter de vous en donner un bref aperçu.

Les diamants ont été découverts après 12 ans de prospection par un individu tenace et déterminé. Il a risqué son propre capital et l'investissement de ses rares partenaires, convaincu que ses recherches aboutiraient à la découverte de quelque chose que personne n'avait jamais trouvé au Canada et qui n'avait jamais été trouvé en quantité commercialisable où que ce soit dans l'hémisphère occidental: des diamants.

Ses recherches l'ont amené des monts Mackenzie, à l'ouest, jusqu'à la région du lac de Gras dans les terres stériles. Il est parvenu éventuellement à délimiter une région recelant un bon potentiel, et à intéresser un partenaire principal pour prouver l'existence d'une réserve et développer une mine. La mine est prouvée, planifiée, et prête à être exploitée. Broken Hill Proprietary, le partenaire principal, s'est soumis à l'examen environnemental le plus extensif de l'histoire de toutes les mines canadiennes. Les audiences publiques ont duré des semaines. L'énoncé des incidences environnementales et les documents d'accompagnement, quand ils sont entassés, sont plus hauts que moi, et je mesure 5 pieds 10.

BHP a maintenant investi plus de 200 millions de dollars dans le projet et n'a toujours pas le feu vert pour exploiter la mine. Pour la compagnie, les risques et les frustrations ont été portées à leur comble. La plupart étaient aussi inutiles. L'exploitation minière est une activité risquée, mais la plupart des risques sont d'ordre technique et connus par les sociétés minières et ceux qui investissent dans des projets miniers.

Va-t-on trouver un gisement? Sera-t-il suffisamment important? Les prix seront-ils stables? Quelle est la structure des coûts et qu'est-ce qui l'influence? Sera-t-on compétitifs sur le marché international? Il est difficile de répondre à toutes ces questions, mais ce n'est rien à côté des incertitudes de BHP tout au long du processus qui l'a menée du stade de la découverte initiale au point où le projet en est arrivé aujourd'hui. Du fait que les revendications territoriales n'étaient pas réglées, BHP a été obligée par le gouvernement fédéral de négocier des accords d'intervention économique avec quatre groupes autochtones différents et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

La pression à laquelle a été soumise l'entreprise était énorme. Dans le dernier droit, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a donné 60 jours à la compagnie pour réaliser des progrès notables dans les négociations et conclure des accords qui étaient véritablement du ressort du gouvernement et que ce même gouvernement n'avait pas été capable de négocier en 25 ans. La nature arbitraire de l'expression «progrès notable» souligne l'incertitude à laquelle doit faire face toute entreprise qui s'aventure dans les Territoires du Nord-Ouest.

J'ai récemment assisté à une audience de l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest pour l'octroi d'une concession d'eau à BHP. C'est le dernier et le plus important permis dont a besoin une mine pour pouvoir entrer en exploitation. L'office est un rejeton du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et pourtant, son président a dû interroger les fonctionnaires du ministère de façon répétée et assez longuement pour tenter de déterminer quelles étaient les compétences de l'office au niveau des dépôts de garantie pour la remise en état des terres et l'épuration.

Ce n'est pas une critique du président de l'office; il cherchait simplement à faire le point, pour le bénéfice de ses collègues, sur les compétences de l'office. Il craignait que l'entreprise soit soumise à une double incrimination, pour reprendre ses propres termes. Il existe une certaine confusion au sein même des organismes de réglementation.

Les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans assistaient aux audiences, mais il avait fallu les menacer d'un ordre de comparaître, malgré le rôle clé qu'il joue dans la détermination des effets de la mine sur les poissons. L'hiver dernier, deux sociétés minières - dont BHP - ont été accusées d'infraction, en vertu de la Loi sur la pêche, à cause d'activités menées en conformité à un permis d'utilisation de la terre délivré par un autre ministère fédéral, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Imaginez ce que ressentent les compagnies et notamment, leurs actionnaires, quand ils constatent une telle confusion de la part des organismes de réglementation. La situation est ridicule et elle est devenue incontrôlable.

De quoi l'industrie minière a-t-elle besoin pour jouer son rôle dans le développement économique des Territoires du Nord-Ouest? D'une réforme de la réglementation. Vous remarquerez que je ne parle pas de déréglementation. Nous sommes partisans d'un développement durable écologiquement responsable. Mais nous ne pouvons pas fermer les yeux sur le dédale de règlements mal coordonnés et empiétant les uns sur les autres qui ne contribuent pas à améliorer l'évaluation environnementale. Ils font gaspiller de l'argent aux investisseurs et aux contribuables et accroissent les incertitudes qui entourent tout projet d'exploitation minière.

Une harmonisation des divers organismes est nécessaire. Le projet de BHP a été passé au crible du PEEE, ou processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. Nous avons aujourd'hui l'ACEE, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, et une nouvelle loi que l'on parle de soumettre prochainement au Parlement, la Loi de gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

Nous n'avons pas besoin d'autres instances ou juridictions. Nous avons besoin d'un processus unique qui rassemble toutes les parties prenantes, le promoteur, tous les organismes fédéraux et territoriaux, et tous les intervenants qui sont concernés par le processus.

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La sphère d'influence du projet doit être clairement déterminée. Le processus doit se dérouler dans le cadre d'échéances précises et par étapes bien définies. Il faut que la procédure soit clairement ordonnancée à chaque étape, et que le rôle de tous les organismes soit défini.

Actuellement, trois organismes fédéraux et un organisme territorial ont des responsabilités à divers degrés sur l'eau et les poissons; le ministère des Pêches et Océans, le ministère de l'Environnement, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et la direction de la Protection de l'environnement du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Est-ce raisonnable dans un contexte de compressions et de coupures gouvernementales?

Comme si toutes ces instances ne suffisaient pas, on a demandé à BHP de financer un nouvel organisme environnemental pour surveiller les effets de ses projets. Personne ne peut dire où se situera cet organisme par rapport à ceux qui existent déjà. Si l'on veut un climat de placement stable, il faut des règlements stables et clairs.

Notre deuxième point concerne l'intérêt général. Le gouvernement doit traiter des questions d'intérêt général en dehors du cadre des audiences sur l'environnement. Les revendications territoriales doivent être réglées rapidement et équitablement. Les sociétés minières ne devraient avoir à s'occuper que de ce qu'elles connaissent le mieux - les mines et l'exploitation minière. Le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement pour le projet de BHP a été beaucoup retardé par la discussion de questions qui n'ont rien à voir avec l'environnement.

Troisièmement, nous avons besoin d'une banque d'informations. Il faut que le gouvernement mette en place une banque de données qui renferme des informations générales sur les espèces sauvages, l'environnement, les facteurs socio-économiques, afin que toute partie intéressée puisse déterminer relativement rapidement les coûts et les avantages d'une proposition.

Le quatrième point concerne l'infrastructure. Il faut que le gouvernement collabore avec l'industrie pour favoriser le développement de l'infrastructure nécessaire au développement industriel. Nous sommes dans la région du monde où les coûts sont le plus élevés. Cela est attribuable en bonne part à l'isolement, aux grandes distances et aux coûts de transport. Les biens d'équipement utilisés pour exploiter des mines dans le Nord sont acheminés soit par avion soit par des camions qui empruntent des chemins glacés construits par le secteur privé. On se retrouve avec une structure de coût élevée ce qui influence notre position concurrentielle sur le marché international.

Le Programme de routes d'accès aux ressources naturelles de Diefenbaker, dans les années 50, visait juste, mais sa route n'allait qu'à un peu plus de 40 milles de Yellowknife. Il faut de nouvelles initiatives dans ce domaine et songer également à construire des ports à eaux profondes.

Notre cinquième point se rapporte aux sciences de la terre. L'industrie minière a besoin que le gouvernement fédéral s'engage fermement dans ce domaine. L'exploration, au Canada, a toujours reposé sur les travaux des géologues du gouvernement.

Les sociétés d'exploration sont attirées dans les régions qui ont été cartographiées car cela leur permet de faire l'impasse sur les endroits qui présentent un potentiel médiocre.

Voisey Bay est un exemple récent de découverte minière provoquée par un rapport géologique du gouvernement. Les récentes coupures dans le financement de la recherche, la réduction du nombre d'heures de travail et de l'accès aux bibliothèques des sciences de la terre sont matières à préoccupation et n'augurent pas bien pour notre industrie. Il faut que le gouvernement se décide à mener à bien le projet de créer la base de données géologiques informatisée que l'on attend depuis longtemps.

Notre sixième point est l'éducation. Tout le monde, dans le Nord, bénéficierait d'un renforcement systématique de l'éducation, dans les écoles et d'autres établissements, et de la part de tous les niveaux de gouvernement. Notre gouvernement territorial dépendant si largement des paiements de transfert fédéraux, cela vous concerne à titre de parlementaires fédéraux.

La triste réalité des entreprises minières du passé est que la population nordique y était sous-représentée, particulièrement les Autochtones. Cela vient du fait que la population a le plus faible niveau d'éducation élémentaire du pays. L'industrie s'efforce de collaborer avec les éducateurs pour tenter de remédier à cette situation. Il faut que nous puissions compter sur le gouvernement pour faire sa part en matière de financement. Notre industrie est à haute technologie et nous exportons notre savoir-faire à travers le monde. L'éducation revêt une importance critique pour notre secteur et pour nos employés.

Le septième point concerne l'accès. On a besoin de beaucoup d'espace pour chercher des minéraux. Seul un affleurement minier sur 1 000 atteint le stade de l'exploitation.

Il existe actuellement dans le pays un mouvement en faveur de la mise en réserve de vastes superficies dans le Nord qui deviendraient des parcs. Nous ne sommes pas contre la préservation des sites naturels importants. Nous nous inquiétons simplement des rumeurs concernant la taille et le nombre des réserves qu'on propose de créer dans le Nord.

Dix-huit pour cent de la superficie des Territoires du Nord-Ouest sont déjà occupés par des parcs nationaux territoriaux, des réserves naturelles, des sanctuaires de la flore et de la faune sauvages, ou des zones d'affectation spéciale. La réserve de gibier Thflon, à elle seule, est plus vaste que la Nouvelle-Écosse. Toute activité économique de quelque nature que ce soit y est interdite, y compris l'exploration. Je ne prétends pas qu'on pourrait y trouver une mine, mais il faut faire attention lorsqu'on soustrait des parties du territoire à l'exploration.

En Nouvelle-Écosse, cohabitent une industrie minière au chiffre d'affaires de 700 millions de dollars et une industrie touristique de 680 millions de dollars. Malheureusement, l'exploitation minière ne se prête pas un aménagement régional du territoire. Les mines sont où elles sont et pas nécessairement où l'on souhaiterait qu'elles soient. Le territoire autour de Voisey Bay avait été exploré pendant de nombreuses années avant que l'on y découvre récemment l'un des plus importants gisements de nickel du monde. Imaginez la perte pour le pays, particulièrement pour une province défavorisée, si la région avait été transformée en parc.

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Nous comprenons qu'il faille préserver des zones d'intérêt particulier. Nous demandons simplement à être consultés et à avoir certaines garanties que l'on peut se livrer à l'exploration minière en dehors de ces zones d'affectation spéciale. Il faut mettre en place un système d'utilisations multiples des terres permettant la poursuite de l'exploitation minière dans les Territoires du Nord-Ouest. C'est un mode d'exploitation temporaire des terres et toutes les mines, anciennes et actuelles, n'occupent que trois millièmes de la superficie des Territoires du Nord-Ouest.

Nous avons été très surpris d'entendre le premier ministre annoncer la création d'une réserve naturelle sur l'île Bathurst. Cette région a une importance géologique et recèle un potentiel intéressant. Il existe un processus pour déterminer le potentiel minéral d'une région avant d'en faire un parc, et nous aimerions qu'il soit respecté avant que d'autres initiatives soient prises en vue de créer ce parc.

Pour conclure, j'aimerais dire quelques mots au sujet de la devise de la Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest qui est «proudly mining, digging Canada out of debt». Nous pensons que nous pouvons faire notre part pour attirer les investissements et permettre au Canada de jouer un rôle dans l'économie mondiale. Je vous remercie de m'avoir laissé vous signaler certaines des mesures que vous pourriez prendre pour nous aider.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci, monsieur Vaydik.

[Français]

Monsieur Asselin.

M. Asselin: J'aimerais connaître les interventions que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a faites dans le projet de BHP comparativement à celles qu'a effectuées le gouvernement fédéral. Vous mentionniez qu'il y avait des problèmes de chevauchement et de dédoublement qui entravaient l'exploitation de cette mine de diamants, entre autres au niveau des pêches, de l'environnement, des ressources naturelles et peut-être de plusieurs autres secteurs.

Est-ce que l'exportation de toute la matière qu'on pourrait extraire des mines des Territoires du Nord-Ouest est garantie aux termes de l'ALENA?

[Traduction]

M. Vaydik: J'ai essayé de le faire voir, l'industrie minière est une activité internationale. La nôtre se situe dans le contexte du marché mondial et est sujette aux fluctuations de ces conditions. Nous ne sommes jamais totalement sûrs de la façon dont le marché risque d'évoluer.

Par exemple, les Territoires du Nord-Ouest possèdent l'un des plus importants gisements de tungstène du monde. La mine Cantung, dans l'ouest des Territoires du Nord-Ouest, a produit du tungstène en toute tranquillité pendant de nombreuses années, acquitté ses impôts et fourni du travail aux habitants. Le gisement n'est pas encore épuisé, il en est loin. Mais on a découvert du tungstène en Chine, et vu les très bas salaires dans ce pays, la Chine a pu alimenter à elle seule la totalité du marché mondial. Pratiquement plus personne d'autre ne produit du tungstène de nos jours.

[Français]

M. Asselin: En examinant les difficultés que vous rencontrez lors de négociations ou d'ententes entre les ministères pour l'exploitation minière du projet BHP entre autres, le gouvernement fédéral ne vous apparaît-il pas comme un irritant dans les décisions que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest voudrait prendre pour l'exploitation de cette mine-là?

[Traduction]

M. Vaydik: Je pense que le mot «irritant» est trop fort. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest souhaite que la responsabilité des terres, des eaux, des mines, des forêts et de toutes les ressources naturelles de la région lui soit déléguée de manière à ce qu'il puisse éventuellement assumer des responsabilités semblables à celles qu'exercent les provinces. Naturellement, les habitants des Territoires du Nord-Ouest sont un peu gênés que les décisions qui, normalement, devraient être prises sur place le soient prises à Ottawa. De façon générale, le gouvernement et la population souhaiteraient que les centres de décision soient un jour rapatriés dans les Territoires du Nord-Ouest.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Chatters.

.1250

M. Chatters: Pour en revenir au projet de mine de diamants de BPH, pourquoi s'est-il avéré si difficile d'obtenir l'approbation du gouvernement fédéral? Pourquoi le projet a-t-il eu tant de mal à prendre son essor, malgré toutes les parties prenantes? Mon expérience dans le développement des sables bitumineux indique en tout cas que lorsque toutes les parties prenantes sont en faveur d'un projet et qu'elles l'appuient, celui-ci peut progresser relativement rapidement; le processus d'approbation peut aller assez vite et la mine peut être exploitée. Pourquoi les choses ont-elles tant traîné dans cas de la mine BHP? Y a-t-il des parties prenantes qui restent opposées à l'ouverture de la mine aujourd'hui?

M. Vaydik: Je pense que l'élément clé de l'opposition de certains à l'ouverture de la mine était l'absence d'une entente sur les revendications territoriales. Dans le Nord, nous souhaitons tous ardemment le règlement des revendications territoriales afin de pouvoir passer aux choses sérieuses avec les ayants droit, plutôt que d'avoir à nous débattre dans l'incertitude. Nous ne savons pas à quoi les revendications vont aboutir, et le gouvernement est obligé de jouer un double rôle, de protéger les intérêts autochtones et gérer un ministère chargé du développement du Nord. Il lui est donc très difficile de définir sa position. Le fait que le règlement des revendications territoriales est toujours en suspens est à la base des problèmes que l'on rencontre pratiquement chaque fois qu'il faut prendre une décision sur un projet de cette nature.

M. Chatters: Ce n'est pas réaliste car de nouvelles revendications territoriales font surface tous les jours. Cela se répète perpétuellement. La baie Voisey est un exemple typique à cet égard. Partout où l'on découvre un gisement minéral important, on se retrouve face à des revendications territoriales. Je ne pense donc pas qu'il soit réaliste de dire que le gouvernement fédéral doit s'atteler à la tâche et régler rapidement et équitablement les revendications territoriales. C'est un processus qui n'est pas prêt de finir.

M. Vaydik: Mais cela dure depuis 25 ans. Dans le Nord, ce n'est pas uniquement le milieu des affaires mais aussi la population qui souhaite que l'on en arrive à des solutions au niveau des revendications territoriales.

Je peux vous donner des exemples de régions où les revendications territoriales ont été réglées. Dans la région des Gwich'in, dans la région des Inuvialuit et, à un certain degré, dans le Nunavut, qui est sur le point de prendre forme, il est beaucoup plus facile de faire des affaires. Nous savons quelles sont les règles, et nous savons qui sont nos interlocuteurs. Les gens eux-mêmes ont un intérêt dans le développement de leur région, car ils sont propriétaires d'une partie des ressources. Ils sont parties prenantes de la mise en valeur.

C'est donc dans les régions où les revendications n'ont pas été réglées - et nous pensons qu'elles peuvent l'être - que la situation est frustrante.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Serré.

M. Serré: Bienvenue, monsieur Vaydik. Je pense que nous nous sommes déjà rencontrés à Radio-Canada à Toronto. J'ai une impression de déjà vu. Je me rappelle que nous nous sommes rencontrés là bas.

Comme vous le savez, je suis actif dans l'industrie minière depuis un certain temps déjà. Les préoccupations que vous exprimez dans votre mémoire et les obstacles au développement économique et à l'exploitation minière que vous évoquez sont réels. J'en ai entendu parler une centaine de fois sans doute ces dernières années. Je pense toutefois que nous progressons rapidement vers une solution. Nous sommes parfaitement au courant de l'Initiative minière de Whitehorse, dont certaines dispositions sont mises en oeuvre en ce moment même.

Notre comité a également rédigé un rapport sur la rationalisation des règlements qui s'appliquent à l'exploitation minière. Il devrait être déposé sous peu. Nous venons tout juste de le terminer. Si ces recommandations sont mises en oeuvre, on aura fait beaucoup de chemin pour répondre à certaines des préoccupations que vous évoquez. Toutefois, je vous suggère de vous en procurer un exemplaire dès qu'il sera déposé et de faire en sorte que votre organisme donne suite aux recommandations en communiquant avec les membres du Cabinet et le gouvernement lui-même. C'est une chose de déposer un rapport, mais il faut aussi y donner suite.

Ma question est brève. Dans le cas de BHP, quelles sont les dernières conditions auxquelles cette compagnie doit se soumettre avant de pouvoir aller de l'avant? L'entreprise n'attend-elle plus que l'approbation du Cabinet, l'obtention de permis ou quoi?

M. Vaydik: Je pense qu'il ne reste plus qu'à obtenir la concession d'eau. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a fait savoir que s'il était convaincu que les autres négociations avaient fait des progrès notables, il signerait la concession d'eau.

Les audiences de la semaine dernière étaient les dernières audiences publiques. Il va encore y avoir une audience du Comité consultatif technique. Autant que nous puissions le déterminer, toutes les négociations ont progressé de manière significative à une seule exception, celles avec la bande indienne des Dénés de Yellowknife dont les revendications territoriales restent en suspens. Il s'agit des Autochtones qui vivent à Yellowknife et qui revendiquent une partie du territoire où se trouve BHP. On n'a toujours pas accepté d'accorder la concession. Je ne sais pas très bien où nous en sommes aujourd'hui.

Le président suppléant (M. Bélair): Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

.1255

Il y a une question que j'ai posée à beaucoup d'autres témoins et que j'aimerais vous poser à votre tour. Si vous souhaitiez que le comité transmette un message et l'inclue dabs son rapport, quel serait ce message - votre message clair et pertinent? Quelle est la priorité en ce qui vous concerne et en ce qui concerne l'organisme vous représentez?

M. Vaydik: Je crois fermement qu'il faut réformer la réglementation; comme l'indiquait M. Serré, votre comité s'en occupe déjà. Il m'est manifestement difficile de dire, avant d'avoir eu votre rapport, s'il sera adapté aux besoins du Nord. Avec la création de tous ces groupes de revendication, qui veulent tous avoir leur propre organisme de gestion pour superviser et réglementer le développement, je ne suis pas très optimiste quant aux chances de votre comité de parvenir à concilier tous ces intérêts concurrents, et à établir des conditions raisonnables permettant à une entreprise de mener des activités dans ce que nous appelons actuellement les Territoires du Nord-Ouest. C'est une gageure. Je pense que les habitants du Nord doivent s'entendre pour parvenir à certains arrangements, et je suppose que cela est lié à la déconcentration de certaines responsabilités appartenant au gouvernement fédéral.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Wood.

M. Wood: J'ai quelques questions. Premièrement, quand les entreprises axées sur l'exploitation des ressources naturelles paient pour leur infrastructure, que ce soit la construction de routes ou quelque chose d'autre, dans le cadre de leurs projets de développement, selon vous, le gouvernement devrait-il leur accorder des avantages financiers ou fiscaux?

M. Vaydik: Ce serait raisonnable. Prenons par exemple la mine de Pine Point, qui n'est plus en exploitation, mais qui avait justifié la construction de la ligne de chemin de fer du Grand Lac des Esclaves: cette ligne, qui fut construite par le CN, alors société d'État, continue, bien après la fermeture de la mine, à desservir l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. Aujourd'hui pour desservir les mines en exploitation dans la province des Esclaves, on a un chemin de glace. Ouvert de janvier à avril tous les ans, il est construit par une entreprise privée de camionnage qui l'entretien pour pouvoir transporter les marchandises jusqu'à la mine. L'entreprise en assume le coût et le facture aux compagnies qui empruntent la route. Il n'y a aucune participation gouvernementale.

Peut-être qu'à cause des avantages que ces mines peuvent éventuellement apporter à la population des Territoires du Nord-Ouest, il faudrait prévoir des formes d'abattement pour l'amortissement de ces coûts.

M. Wood: Vous avez fait allusion, je crois, au manque de personnel qualifié pour travailler dans les mines. Je voudrais savoir si votre organisme a pensé s'allier aux sociétés minières pour mettre en place des programmes de formation qui aideraient les gens à acquérir les qualifications voulues. Je sais que certains pays d'outre-mer collaborent avec des sociétés minières canadiennes pour éduquer et former des locaux. Je me demande si on a envisagé la possibilité de former les Autochtones et les non-Autochtones de manière à disposer d'une main-d'oeuvre sur place au moment où ces mines entreront en exploitation et de façon à ouvrir cette perspective d'emploi. Des pourparlers ont-ils eu lieu à cet égard?

M. Vaydik: Oui. Je siège à un comité de l'industrie avec le ministre de l'Éducation, de la Culture et de la Formation des Territoires du Nord-Ouest, ainsi que plusieurs cadres supérieurs de diverses sociétés minières. Nous essayons d'aider le ministère de l'Éducation et le collège Aurora, qui est notre principal centre de formation dans le Nord, à préparer les populations nordiques - particulièrement les Autochtones, car ils connaissent le taux de chômage le plus élevé et le niveau d'instruction le plus faible - et nous oeuvrons sur plusieurs fronts dans le but de nous attaquer à ce problème.

La mine BHP, à elle seule, emploiera 860 personnes quand elle entrera en activité. À l'heure actuelle, on ne peut pas s'attendre à ce que guère plus que la moitié soit des gens du Nord. Nous connaissons pourtant toujours un taux de chômage très élevé dans le Nord. Le défi est donc d'essayer de combler le fossé.

M. Wood: Quand la mine est-elle censée entrer en activité?

M. Vaydik: En 1998.

M. Wood: Il vous reste donc deux ans pour former les gens.

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M. Vaydik: Oui. Il n'y a pas de problème dans le cas de certains métiers, mais il y en a qui exigent une formation plus longue. À vrai dire, dans bien des localités, on ne trouve pas beaucoup de candidats qui aient le niveau nécessaire pour recevoir une formation professionnelle.

Nous offrons donc un programme de rattrapage et un programme d'apprentissage de l'autonomie fonctionnelle destiné aux gens qui ne sont pas préparés à vivre dans un camp - ils ont toujours vécu dans leur communauté d'origine - et à faire face au stress et aux nouvelles façons de fonctionner qu'il faut connaître.

Dans le passé, nos mines et le gouvernement ont travaillé de concert pour préparer ces populations à occuper de tels emplois, avec un certain succès, d'ailleurs. Mais à une échelle insuffisante. C'est pourquoi nous continuons de nous attaquer à la tâche.

Le président suppléant (M. Bélair): Sur ce, je vous remercie de votre exposé, monsieur Vaydik. Il était très intéressant. Le rapport auquel nous travaillons actuellement vous intéressera énormément. Le comité l'a terminé et les recherchistes y mettent la dernière main. Il sera publié incessamment.

Je demande maintenant à M. Bevington, le président de l'Association des municipalités des Territoires du Nord-Ouest, de bien vouloir s'avancer.

Vous avez la parole, monsieur Bevington.

M. Dennis Bevington (président, Association des municipalités des Territoires du Nord-Ouest): Merci, monsieur le président.

Je suis ici pour vous présenter le mémoire de l'Association des municipalités des Territoires du Nord-Ouest. Je tiens à remercier le Comité permanent des ressources naturelles de son invitation.

Afin de mettre nos préoccupations et nos intérêts en perspective, permettez-moi de vous donner quelques renseignements sur notre association.

En septembre 1967, les notables municipaux de quatre communautés se sont réunis pour former une association dont le but était de promouvoir l'échange d'informations entre les municipalités des Territoires du Nord-Ouest, et de constituer un front commun pour la réalisation de certains objectifs municipaux. Depuis 1967, l'Association des municipalités des Territoires du Nord-Ouest a progressé au point de compter aujourd'hui 47 municipalités adhérentes. L'adhésion à l'association se fait sur une base volontaire. Toutefois, nous sommes fiers de dire que toutes les municipalités des Territoires du Nord-Ouest satisfaisant aux critères d'admission sont membres de l'association, et qu'elles représentent environ 90 p. 100 de la population.

Nos localités peuvent être qualifiées, à un degré ou à un autre, de rurales et d'éloignées. Dans une large mesure, il s'agit de localités dont la situation géographique et le rapport avec la terre par le biais de la chasse, du piégeage et de la pêche ont bien servi les besoins du commerce de la fourrure dans le passé.

L'origine de quelques localités - Yellowknife, Norman Wells - est liée à l'industrie extractive. Pour de nombreuses autres, ce sont des considérations liées à la défense ou à la souveraineté du Canada. Les activités des économies rurales classiques - l'agriculture, la foresterie, la petite fabrication - sont encore balbutiantes dans la plupart des cas.

L'histoire et la géographie nous ont donné des localités où il y a aujourd'hui de sérieuses lacunes économiques et un fort degré de dépendance à l'égard de l'énergie importée, des stocks alimentaires et autres produits essentiels à la survie. Les moyens de transport sont précaires et prennent du temps. Le coût de la vie minimum dans les localités les mieux desservies est de 40 à 50 p. 100 supérieur à ce qu'il est dans des centres urbains comme Edmonton et Ottawa.

Les tâches des localités pour surmonter les réalités de cet ordre peuvent être classées en deux catégories: premièrement, réduire le coût de la vie minimum à un niveau que les habitants des localités peuvent absorber; deuxièmement, accroître la participation des localités à l'exploitation des ressources naturelles, renouvelables et non renouvelables, pour générer une activité économique réelle et à long terme. Dans ces deux sphères, les partenariats entre le gouvernement fédéral, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et les gouvernements locaux - dans mon esprit, tant publics qu'autochtones, pourraient être des instruments novateurs susceptibles de provoquer un changement profond des réalités.

Le gouvernement fédéral a joué et continuera de jouer un rôle important de plusieurs façons. Le développement des communautés pourrait être amélioré par l'introduction de politiques de transport nationales, le règlement des revendications autochtones, l'élaboration de stratégies pour la conservation et le développement de sources d'énergie renouvelable, l'appui aux industries extractives de ressources durables dans le Nord, la décentralisation des ressources et des terres, et le soutien de programmes de recherche axés sur le Nord.

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest s'est embarqué l'an passé dans un processus de décentralisation que la plupart des municipalités jugent positif. Les localités disposent d'une plus grande autonomie pour fournir un vaste éventail de services - logement, services sociaux et sanitaires, éducation, travaux publics, développement économique, transport, services d'intérêt public - et l'on constate de plus en plus souvent qu'une meilleure utilisation des ressources qui se font rares est possible grâce à ce processus.

Le contrôle direct d'un plus large éventail de services au niveau local pourrait aboutir à une prestation innovatrice et efficace. Pour l'avenir prévisible, nos localités doivent se préparer à changer et à progresser. Relever le défi que représente la prise en main de leur propre avenir est la première responsabilité des localités du Nord.

L'Association des municipalités des Territoires du Nord-Ouest s'efforce depuis des années d'exprimer par divers moyens les préoccupations de ses membres. Bien que nous ayons centré nos efforts dans une large mesure sur l'amélioration de la fonction municipale dans les Territoires du Nord-Ouest, le développement et l'économie des localités font l'objet de débats, de résolutions et de directives. Nous soumettons par conséquent avec confiance plusieurs dossiers précis à l'attention du comité.

J'ai des propositions à leur sujet. Je vais me contenter de les résumer autant que faire se peut, pour avancer plus vite.

.1305

Le tourisme est important pour nous. C'est un produit typique qui est bien reçu à travers le monde et qui est commercialisable sur le marché mondial, mais le savoir-faire technique et les ressources financières de nos localités présentent de sérieuses lacunes. Nous ne disposons pas véritablement de ce qu'il faudrait avoir pour tirer parti des perspectives qu'offre, sur le marché mondial, le genre de produit touristique que l'on retrouve dans les localités.

J'insiste pour dire que je suis le porte-parole des communautés. Pour que le tourisme prenne de l'importance, pour que les localités se lancent dans cette activité, il faut qu'elles soient parties prenantes. Il ne peut s'agir de perspectives qui ne concernent pas la communauté. Une localité doit pouvoir bénéficier du tourisme. Personne n'aurait véritablement avantage à contribuer à l'accroissement du nombre de visiteurs s'il n'y avait pas de retombées économiques directes pour la localité sur le plan de l'emploi et de l'activité économique.

Le transport - il en a été un peu question dans la présentation de M. Vaydik - est une composante importante du coût de la vie dans le Nord. La majorité des localités ne possèdent pas de réseau routier. Mis à part le transport par barge et le transport maritime pendant les mois d'été, un grand nombre de localités dépendent des lignes aériennes régionales pour assurer le transport des passagers et des marchandises. Même avec la déréglementation, ce mode de transport coûteux contribue de façon significative au coût élevé de la vie. Le prix par passager et par mille exigé par les principales lignes aériennes à destination de nos localités les plus peuplées est le double de la moyenne nationale.

La dernière fois que je me suis renseigné, le tarif moyen de Canadian Airlines était d'environ 17¢ par passager et par mille, en calculant à partir de leurs résultats annuels. Même pour une localité telle que Fort Smith, à 500 milles au nord d'Edmonton, on constate que le tarif aérien le moins cher se situe dans les parages de 30¢ par passager et par mille. Quiconque a l'expérience des voyages en avion sait que le temps froid fait économiser du carburant. On fait les choses plus simplement dans les aéroports du Nord. Pourquoi le coût de ces services de transport est-il tellement plus élevé dans le Nord? Je pense que cela s'explique un peu par la déréglementation, mais je ne m'étendrai pas là-dessus pour l'instant.

L'état actuel du réseau routier des Territoires du Nord-Ouest rend plus difficile le transport par camion et fait augmenter le coût des marchandises dans les localités, peu importe qu'elles soient situées à proximité ou loin du réseau routier. Cette situation a également un impact négatif sur l'industrie touristique. Les routes ont grand besoin d'être remises en état. Cela revêt une grande importance pour nous tous.

D'autant plus qu'il faut aussi prendre en compte le développement de nouvelles activités minières dans le Nord. Pour avoir une chance de prospérer, nous devons moderniser les réseaux routiers territoriaux et interprovinciaux pour faciliter une circulation plus dense et encourager le développement du Nord.

Toute politique sur le réseau routier national devrait reconnaître la nécessité de moderniser le réseau routier du Nord. Les provinces voisines se montrent souvent réticentes à lancer des projets d'amélioration des routes sur leur territoire, quand cela sert des intérêts hors province. Les problèmes interjuridictionnels doivent être arbitrés par le gouvernement fédéral. Nous en avons un exemple en ce moment avec la route de Dempster, et nous l'avons vu pendant des années avec la route de l'Alaska. Tout cela parce que dans de nombreuses régions nous avons des difficultés à faire la jonction avec les provinces. Celles-ci défendent leurs intérêts, et on ne peut leur en vouloir pour cela, mais les routes revêtent un intérêt national - les routes interjuridictionnelles et les routes du Nord - et je pense que cela doit être reconnu clairement par le gouvernement fédéral. La question ne peut être confiée aux provinces. Il s'agit d'un dossier d'intérêt national.

Passons à Postes Canada. Nous avons continuellement des problèmes avec la Société canadienne des postes. Dans de nombreuses localités du Nord, le bureau de poste local est géré par le conseil municipal qui a des difficultés à faire face aux coûts que représente la prestation du service et à obtenir une rémunération de la part de Postes Canada pour les services qu'il assure. Nous le signalons comme un problème important pour certaines de nos localités. Il s'agit d'un lien crucial que nous voudrions voir améliorer.

J'aimerais maintenant aborder la question de la taxe sur les produits et services. Nous ne voulons pas que l'on apporte des changements à cette taxe qui se répercutent sur les administrations municipales. Nous nous joignons à notre organisation-mère, la Fédération canadienne des municipalités, et à d'autres associations d'un bout à l'autre du pays, pour dire que le gouvernement fédéral, quand il envisage l'élaboration d'une nouvelle taxe, doit tenir compte des conséquences que cela pourrait avoir à notre niveau. L'Alberta nous appuierait probablement sans réserve là-dessus. Nous ne voulons pas d'une TPS qui accroîtrait notre fardeau fiscal.

L'absence de manufactures et l'isolement des Territoires du Nord-Ouest signifient que la majorité des produits consommés doivent être importés du Sud du Canada. Cela oblige les consommateurs du Nord à payer beaucoup plus cher pratiquement tous les produits et services. Les taxes à la consommation représentent un fardeau financier beaucoup plus important dans ces régions où les coûts sont, au départ, déjà plus élevés, ce qui est foncièrement injuste à l'égard de la plupart des localités rurales du pays, particulièrement dans les Territoires du Nord-Ouest.

J'ai ici une comparaison du coût de la vie et vous pouvez constater que dans la plupart des localités, il est de 40 à 90 p. 100 supérieur à ce qu'il est dans les villes du Sud. Essentiellement, nous sommes donc taxés deux fois plus sur notre consommation à cause de la structure foncière de la taxe à la consommation.

C'est un fait que devrait garder à l'esprit tout comité qui s'intéresse aux localités rurales et éloignées. La taxe à la consommation fait problème en ce qui nous concerne. Il s'agit d'un fardeau supplémentaire inutile pour les localités rurales, un fardeau qui n'affecte pas les plus grandes agglomérations.

Le gouvernement fédéral doit considérer l'impact d'une taxe de vente nationale sur les niveaux de gouvernement. Actuellement, avec la TPS, les gouvernements municipaux récupèrent 57 p. 100 de la TPS qu'ils acquittent. Il ne faudrait pas imposer aux administrations municipales un fardeau fiscal plus élevé dans le cadre d'une taxe harmonisée fédérale-provinciale. Tout mécanisme de dégrèvement fiscal existant devrait être préservé.

L'extraction minière dans le Nord: dans les Territoires du Nord-Ouest, l'industrie minière aura des incidences sociales différentes selon les régions des Territoires du Nord-Ouest. Les habitants d'une région où se trouve un projet de développement devraient être une source privilégiée d'information pour déterminer l'incidence sur leur localité. C'est le sujet d'une résolution adoptée par notre association.

.1315

L'exploitation minière a été un élément moteur dans un grand nombre de municipalités du Nord. Les notables municipaux considèrent que la croissance économique générée par l'économie nordique devrait rester dans le Nord. Il est crucial que les localités soient directement impliquées dans l'industrie minière qui est une source importante de croissance économique.

La mise en chantier de nouvelles mines doit s'accompagner d'accords socio-économiques du même type que ceux qui ont été conclus récemment entre BHP et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Ce type d'accord doit être un document auquel le gouvernement fédéral, qui est actuellement la principale autorité foncière dans les Territoires du Nord-Ouest, apporte tout son soutien.

J'ai aussi pas mal de points sur la planification énergétique dans les communautés.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Bevington, je constate que vous avez encore beaucoup à dire. Je vous laisse le soin de décider si vous voulez aller jusqu'au bout de votre présentation ou réserver du temps pour les questions.

M. Bevington: Disons rapidement que sur le sujet de la planification énergétique, nous avons une annexe sur le coût local de l'énergie: il est extrêmement élevé. Nous sommes victimes d'un système qui a été mis en place il y a de très nombreuses années et qui n'encourage pas l'efficacité énergétique. Il ne prend pas en compte les énergies renouvelables. Nous avons besoin de changer toute notre perspective en la matière.

Nous avons beaucoup de progrès à accomplir. De nos jours, il y a dans le secteur privé beaucoup d'investisseurs qui s'intéressent aux énergies renouvelables, et à la conservation énergétique. Il faut que le gouvernement fédéral continue d'appuyer ce genre d'initiative par des allégements fiscaux dans le domaine de l'énergie renouvelable. Il est très important pour le Nord de posséder un régime fiscal qui offre les mêmes allégements fiscaux aux producteurs d'énergies renouvelables et à ceux qui produisent des combustibles fossiles non renouvelables. On peut prévoir que de telles initiatives favoriseront le développement et beaucoup de retombées positives pour nos localités.

J'aimerais aussi entendre ce que vous avez à dire. Je conclus donc mon exposé et je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: Je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue et vous assurer qu'à la Chambre des communes, à Ottawa, il y a beaucoup d'ex-maires de municipalités et beaucoup d'ex-conseillers municipaux qui occupent les fonctions de députés, de secrétaires parlementaires ou de ministres. J'ai moi-même été conseiller municipal à la ville de Baie-Comeau pendant 14 ans et M. le président peut vous le confirmer. Plusieurs maires de grandes villes veulent accéder à un palier supérieur de gouvernement. Je suppose que c'est pour venir en aide aux municipalités.

Puisque vous représentez un ensemble de municipalités des Territoires du Nord-Ouest, j'aimerais savoir ce que vous pensez du programme d'infrastructures actuel. Le programme touche les paliers fédéral, territorial et municipal. Est-ce que le gouvernement fédéral devrait reporter de façon intelligente le projet mis sur pied pour venir en aide aux municipalités? Nous savons que les municipalités font de plus en plus de concertation et de privatisation et qu'elles établissent des objectifs prioritaires. Les sous sont de plus en plus rares dans les municipalités, tout comme dans les Territoires du Nord-Ouest et au gouvernement fédéral, ce qui amène les municipalités à se concerter et à accorder la priorité à certains dossiers. Est-ce que le gouvernement fédéral devrait reprendre sans modification le programme d'infrastructures actuel?

.1320

[Traduction]

M. Bevington: Oui, je pense que le programme d'infrastructure peut être poursuivi. Il a fait l'objet de nombreux travaux au sein de la Fédération canadienne des municipalités. Nous avons réalisé une étude assez complète, par l'intermédiaire de l'Université McGill, qui décrit ce qui a été réalisé dans le cadre du programme, et qui n'a rien à voir avec les grands titres des journaux, les loges au Saddledome et ce genre de chose. On a maintenant un assez bon document qui décrit comment l'argent a été dépensé et qui indique où, selon les municipalités, les nouveaux crédits d'infrastructure devraient être investis.

Nous voulons que les municipalités continuent d'être les partenaires privilégiés de tout programme d'infrastructure qui peut voir le jour. Les administrations municipales ont certainement gagné en stature avec le temps. Les municipalités, qui représentaient 15 p. 100 des dépenses gouvernementales dans les années 70, se situent aujourd'hui à près de 30 p. 100. On se rend compte que la croissance des municipalités a été importante au cours des dernières années et l'on ne s'attend pas à ce que la tendance soit différente à l'avenir. La fourniture des services de base continuera d'être une tâche municipale qui ira croissant, et nous voulons bien évidemment que les infrastructures continuent d'être modernisées. Nous vous encourageons à appuyer un programme de ce genre.

[Français]

M. Asselin: Vous mentionniez vous-même que le programme d'infrastructures aide à améliorer la qualité de vie et les services de base à la population que vous desservez en votre qualité de représentant municipal.

Connaissant la problématique dans les Territoires du Nord-Ouest, ne croyez-vous pas que le gouvernement fédéral devrait investir son argent dans le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qui pourrait alors consulter et accorder la priorité à certains dossiers, dont l'amélioration des infrastructures afin de faciliter l'exploitation minière et autres? On sait que les gens qui font de l'exploitation minière, ce sont d'abord vos travailleurs et vos travailleuses qui oeuvrent dans ce domaine. Les Territoires du Nord-Ouest devraient se préoccuper d'investir cet argent en infrastructures routières bien sûr, mais aussi dans le développement régional, ce qui aurait pour effet de créer des emplois. Ne devrions-nous pas plutôt investir en vue de rendre accessible le réseau minier, ce qui se traduirait par une meilleure qualité de vie, moins de chômage et la création d'un plus grand nombre d'emplois, et faciliterait aux citoyens le paiement des infrastructures de base?

[Traduction]

M. Bevington: Comme je l'ai fait remarquer dans mon mémoire, nous avons besoin de deux éléments pour améliorer la situation économique des localités. Nous devons notamment faire baisser le coût de la vie dans nos localités en améliorant les infrastructures, et en changeant nos habitudes de consommation énergétique. Cela représente un coût énorme dans certaines localités: 30 p. 100 du budget est lié à l'énergie dans de nombreuses localités. On recense des cas, dans certaines localités du Nord où la subvention couvrant les coûts d'électricité d'un ensemble de logements publics dépasse 1 200$ par mois.

Cela fait partie des choses que nous devons changer. Au niveau communautaire, de nombreux changements fondamentaux doivent survenir si l'on veut que se développe une économie réaliste. Parallèlement, nous devons nous lancer dans l'extraction minière et entrer dans une économie d'extraction des ressources susceptible de nous aider. Telles sont les deux voies bien définies dans lesquelles nous devons nous engager. Dire que l'on peut tout mettre dans un même panier et que le gouvernement fédéral devrait subventionner l'exploitation minière avant de financer les localités, ou devrait s'attacher à améliorer les infrastructures des exploitations minières avant celles des localités... Je ne sais pas. Selon moi, les localités viennent en premier et les affaires et le commerce, en second. Nous devons commencer par faire en sorte que dans nos localités, les prix de base sont en rapport avec ceux qui sont pratiqués ailleurs au Canada. Ils sont tellement élevés.

.1325

Le président suppléant (M. Serré): Monsieur Chatters.

M. Chatters: Les municipalités des Territoires du Nord-Ouest ont-elles directement accès à la taxe de 1 p. 100 sur les travailleurs non résidents des Territoires du Nord-Ouest? Cela va-t-il simplement au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour être ensuite distribué sous forme de subventions et ainsi de suite?

M. Bevington: Je pense que cela va directement au gouvernement territorial. L'argent est en grande partie gaspillé en frais d'administration.

M. Chatters: Avez-vous une idée de ce que cela coûterait pour achever la route de la vallée du Mackenzie, et la prolonger de l'endroit où elle s'arrête, au nord de Fort Simpson jusqu'à Tuktoyaktuk?

M. Bevington: Le devis estimatif pour ce genre de construction se situerait dans les 300 000 à 400 000$ le kilomètre pour une route ordinaire.

Le président suppléant (M. Serré): Monsieur Wood.

M. Wood: Merci, monsieur le président.

Monsieur le maire, j'étais justement en train de parcourir votre mémoire et je suis tombé sur quelque chose qui m'a énormément troublé. J'ai remarqué, dans une de vos résolutions, que les administrations municipales ne sont pas représentées au sein des organes qui s'occupent des programmes d'infrastructure municipale.

On y dit que le programme d'infrastructure municipale envisagé, tel qu'il a été récemment décrit par le président du Conseil du Trésor serait géré par un comité de direction où siégeraient deux représentants du gouvernement fédéral et deux représentants du gouvernement provincial, mais aucun représentant des administrations municipales.

Manifestement, vous souhaitez devenir partenaire à part entière en la matière.

M. Bevington: C'est exactement -

M. Wood: Je trouve cela plutôt étrange. Je viens du Nord de l'Ontario. Les municipalités y jouent un rôle très important quand il s'agit de déterminer où sont investis les crédits d'infrastructure. La situation est peut-être différente ici. Je ne sais pas. Vous pourriez peut-être clarifier cela pour moi.

M. Bevington: Cela nous préoccupe énormément à la Fédération canadienne des municipalités. Les ministres des Finances provinciaux se sont rencontrés il y a environ deux ou trois mois, et ont formulé un scénario en vertu duquel les provinces et le fédéral s'impliqueraient plus résolument dans le programme d'infrastructure alors que les municipalités seraient reléguées à l'arrière-plan. La résolution dont vous parlez se rattache directement à cela.

Cela se rapporte au programme qui est envisagé. Dans le dossier des infrastructures, nous souhaitons conserver la relation tripartite qui existe. Il semblerait que les provinces trouvent qu'elles n'ont pas suffisamment leur mot à dire et souhaitent pouvoir se montrer plus présentes. Les infrastructures, les programmes, dans la plupart des cas, cela concerne les localités. Nous voulons pouvoir orienter la façon dont les dollars sont dépensés dans nos localités. C'est un fait.

M. Wood: En tant que dirigeant de l'Association des municipalités des Territoires du Nord-Ouest, pouvez-vous me dire quelles sont les approches, en matière de développement rural, que vous avez trouvées satisfaisantes. Quelles sont celles qui devraient être abandonnées parce qu'elles sont inadéquates? Quelles sont celles qui, selon vous, ont donné des résultats?

M. Bevington: L'aménagement rural dans le Nord a abouti quand il a bénéficié de l'appui direct des localités. Nous en parlons dans la section sur la planification énergétique locale.

Souvent, il est arrivé que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest mette en place des programmes d'efficacité énergétique et de conservation, mais il n'a jamais impliqué directement les localités dans leur élaboration. Nous proposons une forme de planification qui permettrait aux localités d'être directement impliquées.

L'aménagement rural exige la pleine coopération de la communauté concernée. Il réussit rarement sans cela. C'est là où les localités ont été pleinement consultées et ont eu l'entière responsabilité de mener les projets à bien que les projets ont réussi.

.1330

J'ignore combien d'entre vous ont une expérience politique au niveau municipal ou communautaire. Mais je ne doute pas que certains connaissent les frustrations que l'on peut ressentir quand on est obligé d'agir par l'intermédiaire d'autres niveaux gouvernementaux pour atteindre ses objectifs.

Dans ma localité, nous venons de nous entendre avec le gouvernement territorial sur une formule de financement global. Quelle heureuse initiative! La paperasserie a été réduite et nous avons maintenant le plein contrôle des dollars qui sont dépensés dans ma localité.

Nous avons dû toutefois en payer le prix. Nous avons dû signer une entente qui nous accorde moins d'argent que nous aurions peut-être pu obtenir dans le cadre d'un programme où nous n'aurions pas été les seuls à décider. Nous considérons toutefois que la possibilité de gérer les ressources nous-mêmes au sein de la localité, en l'absence de toute directive, nous a été profitable. Il s'agit de notre localité, après tout.

Le président suppléant (M. Serré): Il nous reste deux minutes. J'aimerais donner à Mme Cowling la possibilité de poser une très brève question.

Mme Cowling: Ma question se rapporte au programme d'infrastructure. La réaction des municipalités, d'un bout à l'autre du pays, a été tout à fait positive.

Dans ma localité du Manitoba, le programme d'infrastructure a non seulement créé des emplois dans le cadre des projets, mais a également eu des retombées sur la localité. Je voudrais savoir si c'est la même chose dans les Territoires du Nord-Ouest. Y a-t-il eu des projets d'infrastructure qui, non seulement ont besoin de créer des emplois directs mais ont également eu une incidence sur la communauté tout entière? Les gens ont pu voir qu'il se passait quelque chose de très positif.

M. Bevington: Oui, sans aucun doute. C'est probablement parce qu'on avait éliminé les règlements stricts concernant les égouts et la voirie qui existaient auparavant. Les localités avaient le choix entre un vaste éventail de projets collectifs qui parfois créaient...

Dans les Territoires du Nord-Ouest, les fonds étaient répartis entre les administrations autochtones et les pouvoirs publics. Dans certains cas, les Autochtones ont construit des bureaux. Ils ont installé l'électricité dans les régions en développement. La communauté se concentrait parallèlement sur un large éventail d'activités susceptibles d'améliorer la vie de la localité et de favoriser le tourisme. Je pense que c'est un programme qui a connu beaucoup de succès à cet égard dans notre région.

Le président suppléant (M. Serré): Je voudrais mettre mon grain de sel avant de vous laisser partir. Je suis tout à fait d'accord avec vous que si un nouveau programme d'infrastructure est mis en place, il devrait être induit par les localités. Je suppose que mes collègues seront d'accord avec ça.

Je vous remercie monsieur Bevington.

Je vais maintenant donner la parole à M. Doug Anguish de la Société de développement des Territoires du Nord-Ouest.

Vous pouvez reprendre votre fauteuil, monsieur le président.

Le président suppléant (M. Bélair): Vous avez la parole, monsieur Anguish.

M. Doug Anguish (directeur du marketing, Société de développement des Territoires du Nord-Ouest): Bonjour. Je souhaite remercier le comité, au nom de la Société de développement des Territoires du Nord-Ouest, de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.

Ceux d'entre nous qui habitent les Territoires du Nord-Ouest trouveront parfois que vos emplois du temps chargés ne vous permettent pas de nous accorder l'attention dont nous aimerions être l'objet. Le fait que vous soyez parmi nous aujourd'hui est en quelque sorte une récompense. Nous avons évidemment écouté nos députés, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et les autres organes de représentation.

La Société de développement des Territoires du Nord-Ouest est une société d'État constituée en vertu d'une loi de l'Assemblée législative territoriale. Nous avons pour mandat de créer des emplois et de stimuler le développement économique. Nous sommes directement impliqués dans quelque 36 projets, situés dans 28 localités différentes. Géographiquement, notre activité s'étend de Pangnirtung, à l'est, à Fort McPherson, à l'ouest, et de Taloyoak, au nord à Fort Liard, au sud.

Notre intervention auprès des entreprises se fait au titre d'actionnaire majoritaire dans certains cas, ou au moyen d'une participation au capital, dans d'autres. Nous possédons deux sociétés de gros. L'une se concentre sur la vente de produits alimentaires, alors que l'autre vend des oeuvres d'art et d'artisanat ou de produits manufacturés.

Les entreprises dans lesquelles nous détenons un intérêt emploient environ 1 100 personnes et ont réalisé des ventes d'un peu moins de 7 millions de dollars en 1995. Notre but n'est pas d'être propriétaire, mais de créer, de développer et ensuite, de nous dessaisir.

.1335

Le ministère des Ressources, de la Faune et du Développement économique s'est exprimé plus tôt dans la journée devant votre comité. Nous relevons de l'Assemblée législative territoriale par l'entremise du même ministre, l'honorable Stephen Kakfwi. Notre présentation développera quelques-uns des thèmes qui intéressent particulièrement les compagnies que nous représentons ici aujourd'hui, et touchera certains domaines où nous pensons que le gouvernement fédéral pourrait apporter une assistance non monétaire précieuse.

La majorité de nos sociétés utilisent des ressources naturelles pour créer les produits que nous cherchons à vendre. Il ne s'agit pas de ressources naturelles comme les minéraux ou les forêts. Les ressources naturelles dont je parle sont exploitées à plus petite échelle, mais sont néanmoins précieuses pour la compagnie locale qui a besoin de la pierre pour la tailler; du caribou, du boeuf musqué ou de l'omble chevalier pour les transformer; ou des fourrures pour en faire des vêtements.

Nous avons le plaisir d'être associés avec quatre entreprises de transformation alimentaire, possédant toutes une accréditation fédérale, qui exercent en permanence un contrôle sur la qualité. Kitikmeot Foods, à Cambridge Bay, transforme le caribou, le boeuf musqué et l'omble chevalier. Keewatin Meat and Fish, à Rankin Inlet, transforme le caribou et l'omble chevalier; Pangnirtung Fisheries, à Pangnirtung sur l'île de Baffin, transforme le turbot et l'omble chevalier. Western Arctic Foods, à Hay River, transforme le porc local.

Les trois usines de transformation de viande rouge sont dans une situation concurrentielle désavantageuse lorsqu'elles se conforment à la Loi sur l'inspection des viandes. Nous voudrions recommander que le Parlement adopte rapidement le projet de loi C-60, qui a été déposé à la Chambre des communes le 19 septembre 1996. Le passage de ce projet de loi et les règlements qui en découleront nous donneraient un accès plus équitable aux marchés du sud du Canada, à condition qu'il y ait d'étroites consultations avec le gouvernement et l'industrie des Territoires du Nord-Ouest.

Les sculptures en stéatite de l'Arctique canadien sont aujourd'hui renommées au-delà des frontières. Les sculpteurs inuit traditionnels et aujourd'hui, un grand nombre de sculpteurs dénés tirent un revenu substantiel de leur travail. Il fut un temps où la pierre utilisée par nos sculpteurs locaux se trouvait à proximité de la localité où ils résidaient. Ce n'est plus toujours le cas aujourd'hui. Certaines carrières qui étaient utilisées dans le temps sont maintenant épuisées. Un assez grand nombre des sculptures produites de nos jours dans l'Arctique canadien sont faites de pierre qui peut venir de pays très lointains tels que le Brésil et l'Afrique.

Nous recommandons en l'occurrence que le ministère fédéral des Ressources naturelles prenne des dispositions pour inciter les sociétés minières à partager l'information qu'elles peuvent tirer de leurs carottes de sondage et qui pourrait nous permettre d'exploiter de nouvelles carrières de pierre susceptible d'être sculptée.

Les sociétés avec lesquelles nous sommes associés pourraient naturellement profiter de crédits pour financer le développement et la recherche ou la formation, mais elles bénéficieraient probablement autant d'un système de guichet unique pour l'exportation. La plupart des sociétés avec lesquelles nous sommes associés sont trop petites et beaucoup trop éloignées de leurs marchés pour pouvoir se doter d'un programme de commercialisation efficace. Nous avons contourné cette difficulté dans une certaine mesure en centralisant les initiatives de commercialisation et de vente. Chaque fois que nous découvrons un débouché potentiel à l'exportation, nous nous heurtons habituellement à de nouveaux obstacles au rythme des appels téléphoniques, des télécopies ou des lettres.

Nous recommandons en l'occurrence que si un exportateur en puissance sait ce qu'il veut exporter et connaît la société importatrice, il soit guidé par une seule personne pour franchir toutes les étapes jusqu'à ce que le client reçoive le produit.

Les artistes de l'Arctique travaillent avec plusieurs types de matériaux. L'ivoire et le fanon posent des problèmes particuliers car la plupart des marchés facilement accessibles dans le monde interdisent la vente de ces deux produits. Nous reconnaissons que les États-Unis d'Amérique les ont interdits pour des raisons valables. Nos voisins ne souhaitent pas encourager le massacre des éléphants pour s'approprier leurs défenses, et ils ne veulent pas que l'on chasse les baleines en dehors de tout contrôle, car cela pourrait aboutir à leur extinction. D'un autre côté, nous aimerions qu'il existe certains arrangements pour les habitants de l'Arctique qui vivent en harmonie avec la nature depuis des siècles et n'ont jamais menacé l'existence d'aucune espèce.

En l'occurrence, nous recommandons que le gouvernement fédéral fasse pression sur le gouvernement des États-Unis pour qu'il modifie sa législation, de façon à ce que les oeuvres d'art en ivoire et en fanon soient reconnues comme des importations acceptables à condition qu'il soit certifié que ces matériaux ont été obtenus par les méthodes d'acquisition traditionnelles dans l'Arctique du Canada.

Nous avons volontairement limité notre présentation aujourd'hui et nous espérons qu'elle s'inscrira dans le cadre de vos délibérations. En terminant, j'aimerais vous remercier à nouveau d'avoir eu la délicatesse de venir nous rendre visite dans les Territoires du Nord-Ouest. Je serais heureux d'essayer de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir, au mieux de nos capacités. Merci de m'avoir invité.

.1340

Le président suppléant (M. Bélair): Merci, monsieur Anguish. Votre exposé était effectivement très bon.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: J'aimerais que vous m'expliquiez quelles pourraient être, à court terme, les interventions du gouvernement pour aider les Territoires du Nord-Ouest au niveau économique.

[Traduction]

M. Anguish: Une des choses les plus importantes que vous pouvez faire, c'est ce que vous avez fait aujourd'hui: vous êtes venus en tant que parlementaires dans les Territoires du Nord-Ouest pour écouter vous-mêmes les habitants faire état de leurs préoccupations.

D'après mon expérience, si les élus qui siègent dans un grand centre ne restent pas en contact avec les régions éloignées, ils perdent souvent de vue ce qui est véritablement important pour les gens de leurs circonscriptions. C'est la même chose à Yellowknife, où la majorité de la population vit dans les régions périphériques. Si l'on ne s'y rend pas, on perd contact avec ce qui s'y passe.

En premier lieu, il faut donc écouter, consulter les gens qui vivent dans les territoires. Bien qu'il y ait des ressemblances, un grand nombre de nos problèmes de développement économique rural sont différents de ceux des autres régions rurales du Canada.

En outre, le processus de réglementation est parfois source de difficultés pour nous, et je pense que ce problème peut aussi être surmonté si l'on nous écoute. J'ai mentionné la Loi sur l'inspection des viandes qui nous crée de grandes difficultés. Le règlement est adapté à Montréal, Saskatoon et Vancouver. Mais si l'on veut qu'un inspecteur vienne visiter une usine à Rankin Inlet, cela nous coûte des milliers et des milliers de dollars et par conséquent, augmente d'autant le prix de la viande.

Si l'on se place donc dans la perspective strictement économique de la Société de développement des Territoires du Nord-Ouest, nous souhaitons surtout que l'on nous écoute et que l'on prévoie une aide réglementaire pour tenir compte des particularités de notre région. Nous souhaitons observer les règlements, mais parfois ils représentent un fardeau supplémentaire pour nous.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Chatters.

M. Chatters: En tant que société d'État, vous semblez être impliqués dans le même genre d'initiatives que celles que le mouvement coopératif vient de nous décrire. Vous parlez d'aller dans une localité et de créer une entreprise et ensuite, de vous en dessaisir. Comment vous y prenez-vous? Mettez-vous sur pied des coopératives ou vous vendez-vous l'entreprise au secteur privé? Est-ce ainsi que vous procédez?

M. Anguish: Nous recensons habituellement les opportunités qui se présentent dans les localités périphériques grâce à nos antennes communautaires... nous déterminons s'il existe un besoin. Nous faisons très attention de ne pas doublonner avec quelque chose qui est déjà fait par quelqu'un d'autre, que ce soit une coopérative, l'ancienne Compagnie de la Baie d'Hudson, la Compagnie du Nord-Ouest ou un détaillant, ici même, à Yellowknife. Par exemple, nous ne sommes pas impliqués dans la vente au détail dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous sommes actifs dans le commerce de gros, et ce, volontairement, car nous ne voulons pas concurrencer les entreprises nordiques qui existent déjà.

Quand nous créons une entreprise, elle s'appuie sur une initiative locale, car nous considérons que si une entreprise ne bénéficie pas d'un appui local important, si elle est imposée à une localité, elle n'a guère de chance de réussir. Donc, une fois que l'entreprise a été créée, que le programme de formation est en place et que la capacité de production existe, nous nous en départissons au profit de personnes responsables.

Soyons réalistes, certaines des entreprises auxquelles nous participons ne seront jamais bénéficiaires à cause de leur isolement géographique et de leur environnement. Mais nous pensons qu'il vaut mieux payer des gens pour qu'ils travaillent que de les payer à ne rien faire, et c'est pourquoi nous intervenons également dans de pareilles circonstances. Nous faisons tout pour que les entreprises soient autosuffisantes. Nous tentons de faire en sorte qu'elles soient bénéficiaires de manière à ce qu'un investisseur privé ou une coopérative puisse éventuellement la reprendre.

M. Chatters: Mais ce n'est pas toujours le cas.

M. Anguish: Non. Ce n'est pas toujours le cas. Mais nous agissons en toute connaissance de cause.

Dans notre mandat les deux points les plus importants sont la création d'emplois et la stimulation du développement économique. Par conséquent, dans certains cas - dans tous les cas, au début - nous fournissons une subvention à des entreprises qui sont en exploitation, indépendamment de ce qu'elles sont, et nous nous efforçons de faire en sorte qu'elles se retrouvent dans une position où elles n'auraient jamais été si elles n'avaient pas été subventionnées. Pour être réalistes, disons que certaines de ces entreprises ne seront jamais dans une situation qui poussera les investisseurs à acheter parce qu'ils pourraient gagner de l'argent. Dans ce cas, nous devons nous préoccuper du facteur emploi, de la fierté qui vient du fait d'avoir un emploi et de fabriquer un produit qui va être vendu quelque part dans le monde.

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Le président suppléant (M. Bélair): Merci.

Monsieur Serré.

M. Serré: L'avantage de ces visites, pour les députés, c'est que l'on apprend beaucoup. J'ai appris deux choses ici ce matin qui me stupéfient.

Une est en fait très positive. Je ne comprends pas comment vous pouvez transformer du porc à Hay River et faire en sorte que ce soit économiquement viable. J'aimerais que vous nous en parliez un petit peu tout à l'heure.

Mais l'autre point est plus préoccupant. Vous dites qu'il vous faut importer des pierres du Brésil et d'Afrique. Personnellement, je serais offusqué si j'achetais une sculpture inuit et que je découvrais qu'elle est faite de pierre importée d'Afrique. Je n'arrive pas à comprendre comment, dans un pays comme le nôtre avec des territoires aussi étendus, il ne nous est pas possible de trouver suffisamment de pierre pour réaliser ces sculptures.

Dans ma circonscription, il y a différentes sortes de pierres et des activités minières. Nous avons du granite de très haute qualité de toutes les couleurs. Mais je pense que la pierre devrait venir des territoires. Je n'ai pas de solution, mais que pourrait-on faire pour que cela cesse?

M. Anguish: Je suis content de savoir que vous avez appris quelque chose en venant à Yellowknife. Je suis sûr que le comité s'en souviendra et que ses délibérations nous aideront à trouver des solutions à certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

On trouve dans nos recommandations une suggestion utile. Il y a eu beaucoup de prospection de roches dures dans les Territoires du Nord-Ouest. Or, les sociétés minières hésitent à communiquer des renseignements tirés de leur carotte de sondage. Si vous pouviez intervenir, cela nous aiderait, parce que d'après les carottes de sondage, on peut repérer les endroits où il y a de la pierre qui peut être sculptée.

Je ne veux pas vous laisser l'impression qu'un grand nombre de sculptures sont faites de pierre provenant de l'étranger, mais cela se produit parce que les carrières sont épuisées et que l'on n'a pas trouvé le moyen d'en exploiter d'autres. À l'origine, les carrières étaient mises en exploitation grâce au savoir-faire des Inuit de la localité qui sculptaient depuis de nombreuses années. Les carrières s'épuisent mais ni les habitants ni notre société n'ont les ressources nécessaires pour chercher de nouvelles carrières dans d'autres régions.

Comme nous l'avons dit dans notre recommandation, vous pouvez nous aider en incitant les sociétés minières à nous transmettre, en toute confidentialité, l'information qu'elles détiennent grâce à leurs carottes de sondage prélevées dans les mines de roches dures. Nous pourrions ainsi au moins repérer les régions qui se trouvent à proximité des localités où habitent des sculpteurs, et ils pourraient ouvrir de nouvelles carrières, avec notre aide ou avec l'aide de la société minière, de la localité, et même de la coopérative qui pourrait se trouver dans la localité.

M. Serré: Comment pouvez-vous faire en sorte que la transformation du porc soit rentable à Hay River?

M. Anguish: La production d'oeufs est aussi rentable à Hay River, et si elle l'est, c'est entre autres qu'il n'existe pas de restrictions sur la quantité que l'on peut produire.

La production de lait est rentable à Yellowknife. Vous aurez peut-être du mal à le croire. On a dû m'en convaincre. Je viens, moi aussi, des Prairies et je pensais m'y connaître un peu en agriculture. Je ne pensais pas qu'il était possible de gagner de l'argent en produisant du lait à Yellowknife. D'où vient la nourriture pour les bestiaux? Il faut tout importer. Mais il faut aussi prendre en compte le poids du lait qu'il faudrait importer par rapport au poids des aliments que consomment les vaches qui sont des animaux très efficients puisqu'elles absorbent autant d'eau que de nourriture. On se retrouve finalement capables de produire quelque chose qui est compétitif, en tout cas sur le marché d'ici.

Pour ce qui est du porc, tout notre porc, à l'exception de celui qui est transformé à Hay River est importé de l'extérieur des Territoires du Nord-Ouest. Certaines des données dont je viens de parler s'appliquent également au porc. Il y a un groupe local qui élève les porcs, et ils sont abattus localement. Un des coûts que les producteurs du Sud n'ont pas à assumer contrairement à nous, c'est la visite d'un vétérinaire ou d'un inspecteur des viandes fédéral. Cela augmente nos coûts. Mais même les aliments pour nourrir les porcs sont produits à Hay River même ou pas très loin.

Vous savez sans doute que le Grand Lac des Esclaves démarque la limite forestière du Bouclier canadien. Il y a donc des régions, là-bas, où il est possible de produire des aliments. Par conséquent, même avec le transport jusqu'aux marchés locaux, dans les agglomérations plus importantes, il est rentable, dans une certaine mesure, de produire du porc.

.1350

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Wood.

M. Wood: Merci, monsieur le président.

J'ai quelques questions rapides. Je me demande si vous pourriez développer un peu l'une de vos recommandations. Je relève la phrase: «Chaque fois que nous découvrons un débouché potentiel à l'exportation, nous nous heurtons habituellement à de nouveaux obstacles au rythme des appels téléphoniques, des télécopies ou des lettres.» Pouvez-vous m'en dire plus sur ces obstacles.

M. Anguish: Ils ne sont pas nouveaux, sauf pour nous. Je suppose que ces obstacles existent depuis longtemps. Par exemple, nous avons récemment expédié de l'omble chevalier pour une réception organisée à l'Ambassade du Canada à Tokyo.

Quand on nous a dit au début que l'entreprise concernée s'occuperait généreusement de notre produit et en ferait la promotion - le Japon est un des marchés - nous avons pensé qu'il s'agissait d'une bonne idée. Nous avons préparé un assortiment de poissons qui comprenait de l'omble chevalier fumé à froid. Il y avait aussi des poissons entiers habillés et quelques boîtes-cadeaux contenant des ombles chevaliers stérilisés.

On a rencontré le premier obstacle quand le produit est arrivé de Cambridge Bay à Edmonton où il devait être approuvé par le ministère des Pêches. Rien à dire à ce sujet, le ministère des Pêches approuva la marchandise. Puis on apprit qu'il fallait obtenir l'approbation du pays où le produit était importé, même s'il ne devait pas être commercialisé. Les autorités japonaises devaient être informées des différents processus et des additifs alimentaires qui avaient pu être utilisés. C'est une expérience frustrante, parce que lorsque les distances sont très grandes et que le temps est mesuré, tout ce que nous voulons, en tant que fournisseurs, c'est que le produit parvienne au marché. Le marché, en l'occurrence, étant le Japon.

Si l'on veut expédier de l'omble chevalier au Japon ou en Allemagne, on devrait pouvoir compter sur un organisme du gouvernement fédéral. Je ne sais pas s'il devrait s'agir du ministère de l'Agriculture ou des Affaires étrangères ou d'un autre ministère. Mais on devrait pouvoir téléphoner à quelqu'un à qui l'on aurait confié la responsabilité des Territoires du Nord-Ouest et à qui l'on s'adresserait dès que les premiers contacts ont été pris jusqu'à ce que la marchandise arrive à son destinataire étranger, que ce soit au Japon ou en Allemagne.

Quand on n'est pas habitué à faire des exportations, la frustration vient du fait que l'on pense avoir tout réglé et qu'au dernier moment, un autre obstacle surgit et empêche votre produit d'atteindre sa destination finale.

Selon moi s'il y avait des gens qui étaient désignés pour s'occuper des différentes régions géographiques, cela serait utile. Il serait possible de traiter avec une seule et même personne jusqu'au moment où le produit est effectivement livré.

Que ce soit au ministère des Pêches ou au ministère de l'Agriculture, les fonctionnaires sont très serviables, mais les obstacles sont là, et il me semble que l'on pourrait faire en sorte que toutes les exigences relatives à l'exportation des produits soient traitées à un même guichet. Je sais que nous avons eu affaire au ministère de l'Agriculture. On nous a aidés en nous disant où existaient des marchés éventuels, mais après il a fallu s'adresser au ministère des Pêches. Il se peut aussi que l'on doive s'adresser à une autre direction du ministère de l'Agriculture, parce qu'il s'agit d'un produit carné. Il faut se plier à de nombreuses démarches administratives avant que le produit se rende effectivement à sa destination finale.

M. Wood: Puis-je vous poser une question rapide? Je voudrais surenchérir sur la question de M. Chatters et vous demander de nous dire s'il y a eu des exemples de réussite au sein de votre groupe. Ou dans quelle situation vous avez perdu de l'argent?

M. Anguish: Il n'y a pas beaucoup d'exemples de réussite, s'il s'agit d'amener une entreprise au point où l'on peut s'en départir auprès du secteur privé ou d'une coopérative ou d'une autre entité locale qui l'achèterait. Je me contenterais de dire que nous avons fait des progrès et que nous espérons que cela se produira un jour. Il y a aujourd'hui, selon moi, deux entreprises qui pourraient être mises en vente et intéresser d'éventuels acquéreurs.

J'occupe le poste de directeur du marketing à la Société de développement des Territoires du Nord-Ouest. C'est une nouvelle fonction. On n'avait jamais fait de marketing auparavant. On s'était surtout occupé de mettre en place la structure des entreprises, de former le personnel, et de faire en sorte que les entreprises étaient capables de fabriquer un produit de qualité que l'on pouvait mettre sur le marché. Tout était largement subventionné et on n'envisageait pas de commercialiser le produit.

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Nous nous attachons maintenant principalement à la vente des produits, car on ne se demande plus si les gens peuvent ou non produire; il est évident qu'ils le peuvent. La clef de la réussite est de parvenir à commercialiser ces produits sur les marchés canadiens du Sud. Les autres marchés en puissance sont évidemment les États-Unis, l'Asie et l'Europe, notamment l'Allemagne. Les entreprises n'ont pas été en mesure de s'occuper elles-mêmes de la commercialisation, et il a fallu les regrouper pour mettre en place un programme de marketing.

Il s'agit de produits qui ont un caractère exceptionnel du fait qu'ils viennent de l'Arctique. L'Arctique a un attrait quasi-mystique, un certain charme, si bien que les gens accordent une valeur particulière à un produit du fait qu'il vient de l'Arctique. Je suis convaincu que les entreprises qui fabriquent ces produits peuvent atteindre le seuil de rentabilité, être bénéficiaires, et être revendues éventuellement.

Les entreprises qui ont des problèmes sont celles qui commercialisent des produits homogènes avec lesquels elles tentent d'affronter la concurrence sur les marchés canadiens du Sud. Par exemple, vous importez du tissu, vous y ajoutez de la valeur en en faisant un blazer, ou je ne sais quoi, et vous le réexpédiez sur le marché.

Je doute que ce genre d'entreprise puisse jamais atteindre le seuil de rentabilité, à cause de nos nombreuses disparités de concurrence. Mais si le produit est original, et qu'il peut être commercialisé comme venant de l'Arctique, je pense que ces entreprises peuvent espérer que des investisseurs s'intéressent à elles un jour; sinon, elles pourront devenir la propriété des employés et leur rapporter de l'argent.

Le revers de la médaille est que la plupart de ces entreprises devront continuellement se concerter, et disposer d'un organisme de commercialisation collectif. Vu leur grand nombre, il est plus efficace que cela soit centralisé, et qu'il y ait un seul organisme qui commercialise leurs produits sur les marchés extérieurs.

Le président suppléant (M. Bélair): Espérons que vous ayez raison.

Madame Cowling.

Mme Cowling: Je voudrais parler de la dernière recommandation que vous faites à la page 2. J'ai assisté à une conférence de l'Union interparlementaire à Copenhague, dont le thème était la lutte contre la pauvreté dans le monde. J'ai abordé le sujet en parlant du commerce des fourrures au Canada, des emplois et de la croissance que cela crée ici, et en montrant comment la réglementation de la Communauté européenne contre le commerce des fourrures s'avérait dévastatrice pour nous au Canada.

Je vous parle de cela à cause de votre recommandation... C'est une chose de faire une recommandation, mais c'en est une autre de la mettre en contexte de manière à ce qu'elle n'ait pas d'effet dévastateur pour nous au Canada.

Certains des règlements en vigueur dans ce pays ont pour objet de préserver la qualité de ce que nous produisons ici. Je ne pense pas que pour ce qui est de cette recommandation, vous allez pouvoir le faire aujourd'hui en quelques phrases, mais je me demande si vous ne pourriez pas réfléchir à la question et suggérer au comité des moyens de donner suite à cette recommandation particulière dans un sens qui ne serait pas négatif pour certaines autres industries du Canada, car c'est une recommandation qui a des prolongements internationaux.

M. Anguish: En fait, c'est une question d'ordre commercial, qui porte aussi sur le droit des animaux. Il y a beaucoup de questions connexes, mais je pense que le qualificatif que vous avez appliqué aux produits que j'ai mentionnés spécifiquement... Nous ne sommes pas indifférents au problème que posent le fanon et l'ivoire. L'ivoire que se procurent les Inuit dans le Nord est obtenu par des méthodes traditionnelles qu'ils emploient pour se nourrir. Ces méthodes ne menacent pas la survie des espèces, et ne le feront jamais.

Pour ce qui est du fanon, il s'agit d'un os que l'on trouve dans les baleines boréales, vieilles de plusieurs centaines d'années. Il y a tellement d'huile dans l'os qu'il n'est pas possible de le sculpter à moins qu'il soit vieux de 70, 80, 100 voir 200 ans. Les habitants vont dans la nature les chercher à travers tout l'Arctique au cours des explorations qu'ils font soit en traîneau à chien, en motoneige, ou s'ils ont la chance d'avoir assez d'argent, par avion ou par bateau pendant l'été.

Le fanon qui ne vient pas d'une baleine boréale provient d'animaux qui sont morts de causes naturelles. Il peut s'agir de petites baleines, dont ni l'espèce ni le nombre ne sont menacés. Les animaux sont découpés selon les méthodes traditionnelles de récolte de la nourriture.

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Je pense par conséquent que, dans la mesure où l'on peut montrer aux autres pays, particulièrement aux États-Unis, que cela ne menace aucune espèce et que nos produits sont récoltés par des méthodes traditionnelles, on devrait pouvoir trouver un moyen de faire une exception pour ce genre d'articles. Les grands sculpteurs peuvent bien gagner leur vie, mais un grand nombre d'entre eux utilisent le fanon comme matériau pour atteindre ces marchés.

Pour ce qui est de l'ivoire, il est très prisé par les collectionneurs. Là aussi, une intervention serait très utile, mais je pense que les méthodes de collecte traditionnelles sont la clef.

Mme Cowling: Monsieur le président, pourrait-on demander à M. Anguish de nous fournir quelque chose par écrit pour éclairer cette recommandation, car je pense que nous allons avoir du mal avec cette question. S'il pouvait nous aider, ce serait énormément apprécié.

M. Anguish: Je vous enverrai quelque chose. Nous allons aussi essayer de faire du lobbying aux États-Unis. Je connais quelques hommes politiques américains qui défendront notre cause, je crois. Et je serais naturellement très heureux de vous fournir quelque chose par écrit sur les dispositions qui pourraient être prises pour lever l'interdiction de ces produits.

Le président suppléant (M. Bélair): Sur ce, monsieur Anguish, je vous remercie de votre exposé.

La séance est levée jusqu'à 13 h.

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.1505

Le président suppléant (M. Bélair): Commençons par le commencement. La séance est ouverte. Est-ce que tout le monde a un exemplaire du mémoire?

Très bien. Monsieur Clarkson, vous avez la parole.

M. Peter Clarkson (directeur général, Gwich'in Renewable Resource Board): Bonjour.

Je tiens à remercier le Comité permanent de m'avoir invité à faire un exposé. Notre président, M. Robert Charlie, regrette de ne pouvoir être présent aujourd'hui. Il est en voyage d'affaires cette semaine dans le nord de la Colombie-Britannique et au Yukon et n'a pas pu se libérer pour venir faire cette présentation lui-même.

Pour situer notre organisme, je dirais que le Gwich'in Renewable Resource Board est un conseil de cogestion établi dans le cadre des revendications territoriales des Gwich'in. Essentiellement, ce conseil est chargé d'assurer la gestion de la ressource renouvelable que représente la faune, sur les terres occupées par les Gwich'in - c'est-à-dire la région située au nord de l'endroit où nous nous trouvons, dans le delta du fleuve Mackenzie. Le conseil s'intéresse à tous les aspects des recherches se rapportant à cette ressource renouvelable, ainsi qu'à sa gestion; cela recouvre l'utilisation pour la subsistance des habitants, l'exploitation locale et, éventuellement, l'exportation.

Comme je le disais, le conseil est un organisme de co-gestion, composé à moitié de représentants des Gwich'in et à moitié de représentants des gouvernements. Ces derniers sont délégués par différents ministères chargés, entre autres, de la gestion des ressources renouvelables: Pêches et Océans, Service canadien de la faune, et ministère territorial des Ressources, de la faune et du développement économique.

Le conseil a été établi dans le cadre de l'entente sur les revendications territoriales globales des Gwich'in - une entente semblable à toutes celles qui ont été conclues et qui concernent les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et d'autres régions. Du fait de cette entente, les choses se passent un peu différemment de la façon dont elles se déroulent dans les régions du pays où personne n'a présenté de revendications.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Clarkson, je suis désolé de vous interrompre. En toute justice, je tiens à vous dire, comme je l'ai fait pour tous les témoins qui ont comparu ce matin, que vous disposez d'une demi-heure. Vous avez le choix: vous pouvez utiliser tout le temps qui vous est imparti pour faire votre exposé, ou faire une brève présentation, et répondre aux questions que vous poseront les membres du comité.

Je vois que votre mémoire est assez long et que vous improvisez aussi un peu.

M. Clarkson: Avec un peu de chance, l'exposé durera environ 12 minutes, et le reste du temps pourra être consacré à une discussion qui, pour nous, est la partie la plus productive de ce genre de réunion.

Le président suppléant (M. Bélair): Très bien. Je tenais simplement à m'assurer que vous étiez au courant. Poursuivez.

M. Clarkson: Le reste de l'exposé se fonde sur le document de synthèse que nous avons préparé à l'intention du Comité permanent, et porte sur neuf points que nous jugeons préoccupants et sur nos recommandations. Nous avons relu ce document et tenté de nous en tenir aux sujets desquels notre contribution pourrait s'avérer la plus utile.

Commençons par le Conseil des ressources renouvelables. Il ne fait aucun doute que les Gwich'in voudraient à un développement des ressources naturelles qui soit durable à long terme. En conséquence, ils souhaitent que l'on procède à une analyse critique de ce que l'on a l'intention de faire, de ce que l'on prévoit financer, afin que les projets qui seront mis en oeuvre aient une utilité à long terme.

Je peux vous donner un exemple de la façon dont les choses sont interconnectées: l'exploitation forestière en Alberta et en Colombie-Britannique peut avoir un impact sur d'autres projets de développement des ressources en aval, ce qui, en l'occurrence, signifie qu'il y aura un impact sur le fleuve Mackenzie. Nous espérons que les politiques ou recommandations que pourrait formuler le comité renforceront les règles et règlements qui exigent des évaluations et des examens environnementaux avant la mise en oeuvre de projets.

Deuxièmement, dans toutes les régions rurales du Nord, les ressources renouvelables sont déjà très exploitées. La plupart du temps, il s'agit d'une exploitation locale qui permet aux habitants d'assurer leur subsistance. Cela ne prend pas la forme de mégaprojets, c'est un type d'exploitation qui joue un rôle important dans les économies locales à travers le Nord.

On a, par exemple, capturé l'an dernier, sur les territoires habités par les Gwich'in, plus de 24 000 poissons blancs, 2 500 ombles chevaliers, 1 500 caribous et beaucoup d'autres espèces. Sur le plan de l'économie locale, la valeur de ces prises n'est pas très grande. Toutefois, pour les collectivités, cette activité revêt une grande valeur économique, et pour les gens qui habitent ces localités, une grande valeur sociale. L'on devrait reconnaître cette valeur lorsque l'on envisage des politiques de développement des ressources - qu'elles soient renouvelables ou non.

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Deux ou trois témoins ont déjà parlé aujourd'hui de l'exploitation de la fourrure. Il s'agit, là encore, d'une activité importante dans le Nord - même si ces dernières années elle s'est trouvée un peu ralentie. Cette activité permet aux gens de se diversifier. Dans la région habitée par les Gwich'in, il y a des gens qui continuent de pratiquer le piégeage; ils exploitent aussi d'autres ressources renouvelables.

C'est donc une activité qui reste profitable dans la région; et de notre point de vue, toute politique ou recommandation portant sur le développement des ressources naturelles devrait prendre en compte l'exploitation des fourrures - je suis sûre que cela fait partie du plan d'ensemble - et prévoir des formes d'assistance qui permettraient de promouvoir les activités de ce secteur.

Quant à l'exploitation commerciale des ressources renouvelables, le conseil y est favorable lorsqu'elle s'avère rentable. Vu la signature d'une entente sur les revendications territoriales, il y a des obligations qui doivent être respectées: les bénéficiaires de l'entente doivent toujours pouvoir assurer leur subsistance; les habitants de la région doivent être impliqués dans les prises de décisions, et l'activité doit être profitable. Si ces conditions sont respectées et que les habitants de la région sont en faveur de l'exploitation commerciale des ressources, le conseil ne s'y opposera pas.

Abordons la question de l'intégration et de la coordination de l'exploitation des ressources naturelles dans les régions rurales. Sur le territoire des Gwich'in, on planifie l'intégration des organes de gestion des terrains, de façon à ce que lorsque l'on en arrivera au stade du développement, celui-ci s'intégrera à l'utilisation présente et future des terrains et à l'exploitation d'autres ressources renouvelables - le tout dans le but d'éviter de se retrouver dans une situation conflictuelle improductive où un secteur se bat contre un autre. Procéder ainsi par anticipation nous fera gagner beaucoup de temps, et nous permettra de travailler de façon productive à l'avenir. Les politiques ou recommandations portant sur l'exploitation des ressources devraient spécifier que cette activité doit s'appuyer sur la planification et la gestion.

Comme certains des autres groupes l'ont fait remarquer, la formation et l'éducation sont deux éléments très importants; il faut notamment souligner la nécessité d'assurer une formation adaptée au Nord.

En ce qui a trait à l'infrastructure dont on a besoin pour assurer le développement des régions rurales du Nord, il va sans dire que nous sommes loin des marchés. À l'heure actuelle, l'infrastructure, dans les territoires, est inadéquate, ou peu développée, dans le meilleur des cas. La seule autoroute reliant le delta du Mackenzie au Sud du Canada est mal entretenue, et risque d'être fermée. Cela aurait un impact économique majeur sur le delta, non seulement sur l'économie existante mais aussi sur tout développement futur. Nous espérons que les politiques ou recommandations formulées par ce comité consolideront les infrastructures - et pas le contraire.

Le développement touristique est très étroitement lié aux infrastructures. La région a un gros potentiel touristique; ce secteur se développe mais il faudrait prendre de nouvelles initiatives pour favoriser son expansion. Avec de meilleures infrastructures, il est probable que le tourisme augmenterait.

Nous espérons que tout futur projet de développement des ressources préservera la nature que les gens viennent admirer lorsqu'ils visitent le Nord. Les gens ne viennent pas ici à cause de nos plages ensoleillées. Ils viennent admirer la nature à l'état sauvage, voir notre faune dans son environnement naturel. C'est un atout qui doit être préservé.

Le financement du développement des ressources naturelles, comme le reste, sera facteur important de l'expansion économique future de la région, dans les limites imposées. Nous espérons que l'on fera bon usage des crédits limités que le gouvernement pourra allouer, et que les programmes de financement qui présentent des avantages à long terme - par exemple, les programmes axés sur les infrastructures - seront les premiers à être pris en considération.

On pourrait, par exemple, pour relever le niveau de développement économique des collectivités, décider d'injecter des fonds dans le tourisme pendant les 20 prochaines années. Toutefois, asphalter la route de Dempster se traduira par des retombées mille fois plus importantes qu'investir à tour de bras dans le développement du marché touristique.

Voilà, c'est tout. Je me rends compte que cela est peut-être court, et j'espère ne pas être allé trop vite pour les interprètes.

Le président suppléant (M. Bélair): Ils ont parfois bien du plaisir! Non, ça allait.

Nous allons tout d'abord faire un tour de table. Monsieur Asselin.

.1515

[Français]

M. Asselin: J'aimerais que vous élaboriez sur votre premier point, qui traitait des ressources renouvelables à long terme, par exemple les forêts. Vous dites qu'il serait important que le gouvernement fédéral renforce la réglementation déjà existante. Est-ce que vous pouvez m'expliquer ce que vous entendez par là?

[Traduction]

M. Clarkson: Cela signifie, je suppose, que quel que soit le projet de développement des ressources que l'on envisage, nous nous assurerons que les règlements restent en vigueur et que le gouvernement ne cherche pas à les assouplir ou à en réduire la portée uniquement pour faciliter le développement des ressources naturelles. Si ces ressources existent, c'est qu'elles ont une raison d'être; et nous chercherons à assurer leur conservation.

[Français]

M. Asselin: Ici, dans les Territoires du Nord-Ouest, est-ce qu'il y a de la coupe à blanc et de la plantation pour assurer le renouvellement de la ressource forestière?

[Traduction]

M. Clarkson: Dans la plupart des régions où l'on pratique l'abattage, par exemple, dans le Sud des territoires - dans le bassin de la Liard - je crois qu'il existe des programmes de reforestation. Je ne sais pas si l'on pratique la coupe à blanc dans cette région. C'est assez loin du territoire habité par les Gwich'in. Chez nous, nous ne pratiquons pas la coupe à blanc. Étant donné la configuration de notre peuplement forestier, nous choisissons les arbres qui sont prêts à être abattus. Nous pratiquons la coupe sélective.

[Français]

M. Asselin: L'année dernière, j'ai eu la chance de participer à une délégation de parlementaires Canada-Europe. Lorsqu'on a rencontré les représentants du gouvernement européen, ce dernier menaçait le Canada de ne plus s'approvisionner en fourrures en provenance du Canada parce que l'exploitation des fourrures était faite par piégeage. Actuellement, au moment où on se parle, est-ce que le fait de recourir au piégeage pour exploiter la fourrure vous donne des problèmes au niveau de l'exploitation, principalement du côté du gouvernement européen?

[Traduction]

M. Clarkson: Non, c'est par piégeage que la plupart des trappeurs de chez nous capturent les animaux à fourrure. À cause des interdictions et des règlements, la plupart d'entre eux utilisent maintenant des pièges dans lesquels les animaux meurent rapidement afin de se conformer aux règlements nationaux qui permettent au Canada de vendre des fourrures en Europe. Ils adoptent cette méthode, et le conseil n'est pas inquiet à ce sujet. Ce qui nous préoccupe, c'est d'assurer la pérennité de l'industrie de la fourrure pour que les trappeurs puissent continuer à parcourir nos terres à cette époque de l'année et à capturer les animaux à fourrure. De génération en génération, le piégeage a été une activité durable que les habitants ont gérée de façon responsable - nous espérons que cela continuera.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Chatters.

M. Chatters: Presque tous les témoins que nous avons entendus ce matin ont fait valoir les besoins de la région en matière de formation et d'éducation. On nous a dit que l'infrastructure éducative de base existe mais que le nombre de jeunes - notamment de jeunes Autochtones - qui terminent leurs études élémentaires et secondaires ne progresse toujours pas. Comment pourrait-on motiver ces jeunes et leur démontrer que l'éducation est la clef de tout, même dans le secteur du développement des ressources? La plupart du temps, pour avoir un emploi dans ce secteur, il faut avoir un bon niveau d'instruction, sans parler évidemment des exigences requises pour occuper un emploi spécialisé et très bien payé - un poste d'ingénieur, par exemple. Même pour conduire un engin quelconque, il faut avoir un niveau d'instruction élémentaire. Pourtant on ne réussit pas très bien en la matière. Comment pourrait-on motiver les familles et tous ceux que cela concerne à profiter de ce qui existe et à s'impliquer?

M. Clarkson: Voilà une question importante s'il en est, et à laquelle il est difficile de répondre. Je pense toutefois que plus les programmes de formation seront axés sur le Nord - comme ceux offerts par le collège Aurora depuis cinq ans - plus le taux de réussite sera élevé. Ces deux dernières années, à Inuvik, on a dispensé un programme en technologie des ressources renouvelables qui, vous avez raison, a attiré environ 20 étudiants mais n'a produit que quatre diplômés. Cependant, les deux étudiants Gwich'in qui ont obtenu leur diplôme travaillent - l'un est employé par notre conseil à titre d'agent de formation et l'autre, par les Gwich'in eux-mêmes.

.1520

C'est un début. Je présume que les choses ne vont pas changer du jour au lendemain, mais si nous continuons à faire en sorte que ces programmes soient offerts dans le Nord, il y aura des changements. La situation a commencé à bouger après la signature des ententes sur les revendications territoriales. Les gens se rendent compte aujourd'hui à quel point il est important d'acquérir un bon niveau d'instruction et de posséder des qualifications. Il n'y a toutefois pas très longtemps que nous disposons de l'autorité nécessaire pour prendre des décisions, et c'est petit à petit que les choses vont évoluer.

La population d'origine européenne qui vit dans le Sud a eu plusieurs siècles pour maîtriser ce problème et se doter de bons établissements d'enseignement. Dans le Nord, cela fait seulement dix ans - pas 300 ans que nous nous en occupons.

M. Chatters: Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Je vais aborder la question de l'éducation sous un autre angle; sous l'angle de la communauté elle-même - car je suis convaincue que les peuples du Nord ont une culture unique au monde. Sur le plan de l'éducation, que fait-on pour entretenir et préserver cette culture qui se manifeste par des activités aussi diverses que la sculpture sur pierre, l'art, ou encore l'exploitation de la fourrure? Pouvez-vous me donner des renseignements à ce propos? Je pense que cela mène à ma deuxième question qui a trait au tourisme.

On m'a dit, à midi, que l'an dernier - à Noël - il y avait 100 Japonais au restaurant. Est-ce que les touristes que vous attirez viennent principalement des pays asiatiques de la région du Pacifique? D'où viennent ces touristes? Si nous envisageons un autre programme d'infrastructure, devrions-nous l'orienter vers le tourisme?

M. Clarkson: Il y a deux éléments dans votre question.

L'éducation culturelle et la mise en valeur de la culture sont très importantes pour tous les peuples qui ont présenté des revendications territoriales. Les Gwich'in ont créé un institut culturel qui s'occupe spécifiquement de ce domaine.

Au conseil, dès le début, nous avons lancé un projet destiné à permettre aux Gwich'in de mieux connaître leur environnement en puisant aux sources du savoir traditionnel que possèdent les anciens. Cela nous sert à orienter nos décisions de gestion des ressources fauniques et, éventuellement, lorsque le projet sera mené à bien...

Passons au tourisme. Le conseil ne prend pas d'initiatives axées spécifiquement sur le tourisme. Il faut dire, toutefois, que les touristes qui visitent la région ouest de l'Arctique arrivent en général de Dawson par la route, en empruntant la Dempster. Certains viennent par avion. Nous n'attirons pas autant de visiteurs des pays asiatiques riverains du Pacifique attirés par les aurores boréales que Yellowknife, mais beaucoup de gens visitent notre région en été pour admirer le soleil de minuit, entre autres choses. Leur nombre va croissant, mais il reste relativement faible.

Par exemple, Dawson accueille chaque année plus de 500 000 visiteurs venus par la route, alors qu'à Inuvik, on n'en compte que 8 000. Pourtant les deux villes ne sont qu'à 10 heures l'une de l'autre.

Mme Cowling: Quelle réponse donneriez-vous à la dernière partie de ma question - est-ce que vous recommanderiez que le développement du tourisme soit l'un des objectifs du prochain programme d'infrastructure, au cas où nous en lancerions un?

M. Clarkson: Cela contribuerait certainement au développement économique. Toutefois, de mon point de vue, plutôt que d'investir dans une infrastructure touristique, il vaudrait mieux se concentrer sur des projets à plus long terme... Comme je l'ai dit plus tôt, on peut investir autant qu'on veut dans le tourisme au cours des 20 prochaines années, mais cela n'aura sans doute qu'un impact marginal. En revanche, un projet comme l'asphaltage de la Dempster multiplierait par dix l'activité touristique dès la première année. Les gens vont jusqu'au croisement, à Dawson et jettent un coup d'oeil du côté de la Dempster. Quand il pleut, ils voient un chemin de gravier qui devient de plus en plus étroit, et se disent: «non merci, je préfère retourner en Alaska ou ailleurs.»

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Wood.

.1525

M. Wood: J'aimerais poursuivre dans la ligne des questions posées par Mme Cowling sur le tourisme. Il y a six ou sept ans, j'ai fait partie d'une mission semblable à celle-ci - sauf qu'elle avait pour thème le tourisme. Nous avons voyagé d'un bout à l'autre du pays pour faire une enquête sur le tourisme. Un des plus gros problèmes rencontrés était qu'il existe tant d'associations touristiques qu'il est impossible de savoir laquelle il est préférable de financer pour obtenir les meilleurs résultats. Je parie qu'il y a une association touristique à Dawson, une association touristique à Yellowknife, une association touristique à Inuvik - partout, il y a une association touristique.

Si nous décidons d'aller de l'avant et, comme l'a dit Mme Cowling, de financer un programme d'infrastructure axé sur le tourisme, comment pouvons-nous nous assurer d'en avoir vraiment pour notre argent? Où doit-on investir pour obtenir des résultats? Il y a tellement de petites associations touristiques dont nous pourrions remplir les poches, qu'il serait bon de savoir comment s'y prendre pour que cela marche au cas où nous prendrions une telle décision. Nous avons besoin de conseils, d'idées pour nous guider si nous décidons d'aller de l'avant, car c'est un projet qu'il est très difficile de mener à bien.

M. Clarkson: Je comprends très bien. Pour nuancer un peu les choses, je dirais que c'est une question qui dépasse quelque peu le mandat du conseil en matière de tourisme. En ce qui nous concerne, c'est une activité secondaire; cela se résume à donner notre approbation à des organisateurs de voyages qui nous demandent s'ils peuvent faire visiter certaines régions à leurs clients. Mais d'après mon expérience, et étant donné que ces 10 dernières années j'ai vécu à Inuvik et travaillé dans le secteur touristique, je dirais que si les infrastructures étaient en place pour que les gens puissent venir facilement... Dans bien des localités des Territoires du Nord-Ouest, il n'y a pas d'aéroport; il est donc impossible de s'y rendre ou d'en revenir facilement.

Par ailleurs, il faudrait que le financement soit bien ciblé. Malheureusement, un grand nombre d'activités touristiques ne sont pas viables en elles-mêmes. Il faut qu'elles soient liées à quelque chose d'autre, car la saison n'est tout simplement pas assez longue - et le nombre de visiteurs encore trop restreint. Supposons que quelqu'un achète un bateau pour emmener des gens qui font un voyage organisé faire le tour du delta - il faudrait que le bateau puisse également lui servir pour chasser, pour pêcher et ainsi de suite - et donc être polyvalent. Par conséquent, l'aide devrait prendre deux formes diamétralement opposées: le financement des infrastructures, dans leur ensemble, et une assistance au niveau local.

M. Wood: Pensez-vous que, sur le plan des infrastructures, ce qui doit être fait en premier, c'est asphalter les routes et...

M. Clarkson: Ou créer les infrastructures nécessaires pour que les gens puissent venir dans la région. Cela n'a aucun sens de dépenser pour attirer les voyages organisés en plus grand nombre, acheter des bateaux, et ainsi de suite, si les touristes ne viennent pas. Il faut d'abord faire venir les gens dans le Nord et, si la demande est là, si le marché est là, tout le reste tombera en place.

M. Wood: Mais pour la plupart, les habitants défendent jalousement leurs territoires, n'est-ce pas?

M. Clarkson: Vous voulez dire les habitants des régions ayant fait l'objet de revendications territoriales?

M. Wood: Essentiellement, oui.

M. Clarkson: Ils ne défendent pas plus jalousement leurs territoires que ne le feraient les gens du Sud. Pour beaucoup d'entre eux, depuis l'aboutissement des revendications territoriales, toutes ces activités sont nouvelles. Ils en sont encore au stade initial où l'on définit les avantages économiques dont pourrait bénéficier la population de ces régions. Je pense qu'ils espèrent que n'importe quel développement s'avérera profitable pour les habitants de ces régions.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Asselin, vous pouvez poser une autre question.

[Français]

M. Asselin: Pensez-vous que lors d'un prochain programme de relance d'infrastructures, le gouvernement fédéral devrait continuer à faire affaire avec les municipalités et les provinces ou, dans le cas des Territoires du Nord-Ouest, avoir un programme spécifique pour améliorer le réseau routier, ce qui aurait pour effet d'amener des touristes et de faciliter l'accès à l'exploitation des ressources minières ou autres?

Je ne pense pas que le gouvernement fédéral puisse investir autant d'argent qu'il en a mis pour améliorer les infrastructures de base municipales et en même temps voir à l'amélioration du réseau routier. Si vous aviez un choix à faire, qu'est-ce que vous nous recommanderiez?

[Traduction]

M. Clarkson: Le programme d'infrastructure qui a été mis en oeuvre ces trois ou quatre dernières années a été bien accueilli, et je pense que l'argent a servi à financer de bons projets dans le Nord, car ces infrastructures étaient vraiment nécessaires. Quant à de futurs programmes d'infrastructure, je pense qu'ils devraient être centrés en priorité sur l'implantation des infrastructures de base indispensables, comme les routes et les aéroports. Je me rends compte que les crédits se font rares; toutefois, si les projets pouvaient être lancés dans le cadre de partenariats, et être financés conjointement, peut-être pourrait-on rassembler des fonds plus importants et mettre en place certaines des infrastructures les plus imposantes.

.1530

Sans aucun doute, la vision de Diefenbaker, pour qui la Dempster était «la route des ressources» a coûté beaucoup d'argent. Je pense cependant que depuis qu'elle a été construite, nous, les gens du delta du Mackenzie, nous avons réalisé que cela en valait la peine. Cette route s'est révélée un lien économique avec le reste du Canada.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci, monsieur Clarkson. C'était un très bon exposé, et les points que vous avez soulevés étaient intéressants.

M. Clarkson: Merci de votre accueil. Merci encore.

Le président suppléant (M. Bélair): Je demande maintenant à Gabrielle Decorby et à Daniel Adam, de la Chambre de commerce de Yellowknife de se présenter. Vous avez la parole.

Mme Gabrielle Decorby (présidente, Chambre de commerce de Yellowknife): Merci. Bonjour et bienvenu à Yellowknife. Nous sommes heureux de vous recevoir par cette belle journée. Je suis accompagnée aujourd'hui de Daniel Adam, président du Comité d'expansion des affaires, et de Steven Richards, qui est un ancien président de la Chambre de commerce de Yellowknife et qui s'intéresse tout particulièrement à cette présentation. Je m'appelle Gabrielle Decorby et c'est moi qui suis actuellement présidente de la Chambre de commerce de Yellowknife.

Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui. Si vous voulez explorer la question du développement économique rural, vous ne pouviez choisir une région plus rurale que les Territoires du Nord-Ouest. Par «rural», nous croyons comprendre que vous entendez des régions moins développées sur le plan économique à cause de divers handicaps; par exemple, la faible densité de la population, l'éloignement des marchés, les coûts d'exploitation élevés, l'absence de main-d'oeuvre qualifiée, la difficulté d'accès aux capitaux, des infrastructures sous-développées, etc..

Les Territoires du Nord-Ouest occupent une grande partie de la superficie du Canada, puisqu'ils couvrent - géographiquement parlant - un tiers de la superficie du pays. On y compte 57 000 habitants, dont 21 000 deviendront des résidents du Nunavut en 1999. Le lac Baker est le centre géographique de notre pays. Les Territoires du Nord-Ouest sont, sans conteste, une région rurale et une terre de contrastes. Cette vaste étendue où la nature est encore vierge et à l'état sauvage est le refuge d'une variété d'espèces animales sans pareille, et nos rochers recèlent des ressources naturelles illimitées.

Les contrastes caractérisent aussi les gens du Nord. On note des différences énormes dans leur niveau d'instruction, et il existe ici des problèmes sociaux. C'est une société en pleine évolution, qui laisse souvent indifférents ou perplexes les autres Canadiens - une société à mi-chemin entre les traditions qui sont très anciennes et la culture de l'information dans laquelle baignent les Canadiens du Sud. Mais sans conteste, c'est une région rurale.

Notre économie est non seulement rurale, elle est aussi très précaire. Il lui manque la diversification qui fait la force des économies du Sud. Il y a deux grands secteurs: le gouvernement et les mines. D'autres secteurs y jouent un rôle mineur mais très important; le tourisme, par exemple.

Il faut que notre développement se fasse de façon responsable. Même si nous ne sommes pas ici pour promouvoir l'industrie de l'exploitation minière, je ne peux m'empêcher de me rappeler un auto-collant sur le pare-chocs d'une voiture qui proclamait: «Si ce n'est pas cultivé, cela vient d'une mine». Il y a bien eu quelques tentatives courageuses en agriculture, mais nous ne prévoyons pas que l'agriculture devienne, dans le Nord, un facteur de croissance du PIB. Si bien qu'il ne reste que les mines et le gouvernement.

.1535

Vous nous avez demandé de contribuer à l'élaboration d'un document-cadre de politique économique qui orienterait l'exploitation des ressources naturelles dans les régions rurales du Canada. Afin de réduire les obstacles au développement économique auxquels nous faisons face - parce que nous faisons partie des Canadiens qui vivent dans des régions rurales - nous incitons le comité à prendre les recommandations suivantes en considération.

Monsieur le président, notre premier point porte sur la stabilisation du climat politique. La Loi sur les Territoires du Nord-Ouest prescrit les relations fonctionnelles entre les Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement fédéral. Vous êtes peut-être au courant des pourparlers actuels à propos de notre constitution. Ce n'est pas vraiment la constitution qui est au coeur du débat; nous reconnaissons qu'en qualité de Canadiens, nous en avons déjà une. L'objet du débat est surtout de définir comment la région occidentale des Territoires du Nord-Ouest va être gouvernée. C'est un débat qui porte sur les rôles et responsabilités. Les investisseurs suivent de près son évolution.

J'encourage les membres du comité à examiner les rôles et les responsabilités des deux paliers de gouvernement. La plupart des textes législatifs concernant les ressources et l'environnement sont des lois fédérales. Il n'y a pas d'accord du Nord qui s'applique à nous; par conséquent, le contrôle de nos ressources nous échappe. La question de savoir qui les contrôle est au coeur d'un grand débat qui n'en finit pas. Face à cette situation, les leaders communautaires et ceux qui nous gouvernent sont perplexes, frustrés et déçus. Ce dont il est question, c'est de la propriété des ressources. Réglez les dernières revendications territoriales qui restent en suspens et indiquez clairement à tous et à chacun à qui ces ressources appartiennent, et à quelles conditions.

En ce qui a trait aux rôles et aux responsabilités, nous ne soulignerons jamais assez combien il est nécessaire de clarifier les choses. Imaginez que vous soyez un investisseur sur le point de prendre une décision et que l'on vous décrive les différends que suscitent les questions de compétence et de propriété, ainsi que les péripéties qui vous attendent. L'Amérique du Sud ou les Territoires du Nord-Ouest - où allez-vous décider d'investir?

Le deuxième point que nous souhaitons aborder, monsieur le président, a trait aux infrastructures. Nous estimons sans l'ombre d'un doute que c'est dans ce secteur qu'un gouvernement responsable a un rôle à jouer. Dans le cadre du modèle économique traditionnel que nous connaissons tous, on s'attend à ce que, si le gouvernement fournit les infrastructures routières, énergétiques et de communication, le développement économique suive.

Si vous jetez un coup d'oeil sur notre carte, vous pourrez constater la situation pitoyable dans laquelle nous nous trouvons à cause du manque d'infrastructure. Nous ne suggérons pas d'asphalter les Territoires du Nord-Ouest. Mais tout en protégeant nos atouts naturels, pourquoi ne pourrions-nous pas disposer de certains des moyens que les Canadiens du Sud prennent pour acquis, telles que des routes praticables en toute saison. Sans ces infrastructures de base, les habitants des Territoires du Nord-Ouest sont condamnés à rester dans la dépendance économique.

Pensez à la logistique qu'il faut mettre en place et aux coûts que cela représente lorsqu'on veut avoir accès aux ressources, et que les infrastructures n'existent pas. Si le comité souhaite élaborer un document-cadre de politique pour encourager le développement économique du secteur primaire dans les Territoires du Nord-Ouest, on ne saurait trop insister sur l'importance des infrastructures.

Dans le cadre de ce processus, un élément crucial aiderait les populations nordiques à réduire leur dépendance économique: il faudrait que le Canada insiste pour que l'on rende compte - en toute transparence et de façon détaillée - de la manière dont sont dépensés les dollars provenant du Trésor canadien, afin que les habitants puissent faire des comparaisons réalistes entre les divers projets de développement, et déterminer leur valeur relative avant de prendre des décisions. En qualité de gens d'affaires, nous estimons que gestion et outils d'évaluation vont de pair.

Le troisième sujet que nous voulons aborder, monsieur le président, a trait au système de réglementation. Même si notre système réglementaire est paraît-il, en pleine évolution, de notre point de vue, l'industrie a de bonnes raisons de demander «quelles sont les règles qui s'appliquent cette semaine?» Bien qu'il faille parvenir à un équilibre entre le développement économique - qui est nécessaire - et la protection de notre patrimoine naturel, le fardeau que représente la législation actuelle n'est-il pas prohibitif et ne décourage-t-il pas les investissements?

La Loi sur la gestion des ressources dans la Vallée du Mackenzie doit apparemment être adoptée le mois prochain. Comment l'application de cette loi va-t-elle s'intégrer à celle de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale? Les exploitants vont-ils devoir se conformer aux deux textes législatifs? Qu'arrivera-t-il s'il y a des exigences contradictoires? Les directives concernant les effets transfrontières et cumulatifs sont un exemple de questions à clarifier.

.1540

Nous encourageons le comité à promouvoir des mesures responsables, à définir des règles limpides afin que les intervenants comprennent les règles du jeu et qu'ensuite, rien ne soit modifié.

Notre quatrième point se rapporte à la politique fiscale. Il est difficile de traiter un sujet si complexe dans ce genre de circonstances. Toutefois, nous suggérons respectueusement au comité que, pour encourager les investissements, il se penche sur la question de la cohérence de la politique fiscale. Si le gouvernement fédéral offre aux exploitants des solutions attrayantes sur le plan fiscal et en matière de redevances, nous recommandons qu'il ne change pas d'avis deux ou dix ans plus tard. Nous préconisons également que la transparence et que le gouvernement n'applique pas une politique différente aux divers intervenants. Si l'on n'applique pas les mêmes règles à tous, cela peut donner à l'un un avantage concurrentiel sur l'autre.

Je reconnais qu'il s'agit d'un dossier compliqué. Nous savons bien que les gouvernements qui se succèdent vont changer les régimes fiscaux. Mais dans une économie sous-développée comme celle des Territoires du Nord-Ouest, ces changements contribuent à l'alternance de fortes expansions et de récessions, et à décourager les investissements.

Notre cinquième point, monsieur le président, a trait à l'éducation et à la formation. Voilà un autre secteur où le gouvernement a un rôle traditionnel et important. Les pouvoirs publics, au niveau fédéral et territorial, doivent se charger de l'éducation et de la formation de la main-d'oeuvre. Nous ne dénigrerons pas les efforts passés, mais nous devons toutefois reconnaître que ces efforts doivent être poursuivis.

Quand on examine les données démographiques, on se rend compte que la situation n'est pas brillante. Les notables et les habitants des Territoires du Nord-Ouest doivent veiller à ce que la population atteigne le niveau d'instruction nécessaire pour s'intégrer dans un environnement global. On assurera ainsi notre propre longévité dans le monde du travail.

En plus des sommes globales allouées à l'éducation et à la formation des adultes par les deux paliers de gouvernement, nous encourageons le comité à se préoccuper aussi de l'origine et du cheminement de ce financement. Une partie de l'examen doit être consacrée à l'évaluation de l'efficacité des investissements déjà consentis, après la divulgation des renseignements nécessaires.

Trop d'incidents anecdotiques laissant penser que l'efficacité est limitée, DRHC a procédé à des changements afin que les organismes de terrain aient accès plus facilement aux crédits réservés à la formation; mais le ministère a parallèlement réduit la masse critique; par voie de conséquence, la capacité d'offrir des programmes d'étude pertinents et de qualité s'en est trouvée réduite.

Même si, sur le plan du financement de la formation, le partenariat est une pratique acceptable et nécessaire, et même si les entreprises et l'industrie contribuent volontiers, la participation financière d'une tierce partie est devenue indispensable pour accumuler la masse critique requise. On présume ainsi les questions suivantes résolues: dans quelle mesure le gouvernement est-il prêt à assurer la formation de la main-d'oeuvre? Qui en est responsable? Quel est le moyen le plus efficace d'atteindre notre objectif? Si l'industrie trouve que le fardeau financier est trop lourd, le niveau de ces investissements baissera probablement.

Nous comprenons les efforts consentis pour réduire le déficit - et nous nous en félicitons. Toutefois, nous suggérons que les compressions soient examinées en contexte.

En sixième lieu, nous souhaitons parler du développement économique communautaire. Au fil des ans, le gouvernement fédéral a favorisé diverses initiatives de développement économique. La plus récente était une entente de développement économique sur cinq ans, et qui nécessitait un investissement de 50 millions de dollars, dont 30 p. 100 étaient fournis par le gouvernement territorial. Cette entente visait à assurer les bases de la confiance économique et à financer des secteurs comme l'artisanat, les industries culturelles, ou les projets de développement parrainés par les collectivités, l'agriculture, l'exploitation minière, la pêche, la foresterie et l'exploitation de la faune, le tourisme et la formation.

.1545

On continue d'avoir besoin de tels programmes. Celui que j'ai évoqué a permis de réaliser d'importantes études de faisabilité et favorisé le développement technologique. Cela a certainement permis de jeter les bases du développement économique; pourtant, la profitabilité de ces initiatives est réduite.

Il serait très utile que l'on divulgue tous les renseignements concernant les initiatives lancées dans le passé afin que l'on puisse les analyser objectivement et être ainsi en mesure de déterminer de quelle façon on pourrait en améliorer la profitabilité. Ce genre de programme continue d'être important pour le développement économique communautaire; il faut toutefois établir une distinction entre les initiatives de ce genre et celles qui attirent des investissements dont la profitabilité est substantielle sur le plan de la création d'emplois durables et de l'expansion des entreprises.

Monsieur le président, vous avez d'importants problèmes à régler. Nous soutenons vos efforts pour parvenir à une solution équitable en matière de compressions budgétaires et de réduction du déficit, d'une part, et la nécessité d'accorder à certaines initiatives le soutien du gouvernement fédéral, d'autre part. Si nous devions nous remettre en question, nous chercherions à confirmer les rôles et les responsabilités du gouvernement et à les mettre en parallèle avec les programmes et services existants. Peut-être alors aurions-nous une idée plus claire des postes budgétaires qui devraient être consolidés, réduits ou éliminés.

Nous ne minimisons pas les difficultés que comporte une telle tâche; mais si nous arrivions à faire ce genre d'exercice, la plupart d'entre nous s'entendraient probablement pour dire qu'au minimum - notamment dans un contexte rural - il serait approprié que le gouvernement fédéral s'occupe de développer les infrastructures, d'établir un régime fiscal équitable, de fixer des règles (et de contrôler leur application), de résoudre les questions ayant trait aux revendications territoriales et d'administrer les Territoires du Nord-Ouest et, enfin, d'allouer les fonds nécessaires pour faire en sorte que la population reçoive l'éducation et la formation requises pour s'intégrer à la réalité économique.

L'exploitation des minerais des Territoires du Nord-Ouest est la perspective la plus prometteuse en matière de développement économique durable et responsable. Pour être aussi efficace que possible, il faudrait que le document-cadre de politique économique concernant le secteur des ressources naturelles donne, à ceux qui seraient chargés de l'appliquer, les outils que nous venons de décrire.

Merci de nous avoir donné l'occasion de vous présenter cet exposé. Nos voeux vous accompagnent.

[Français]

M. Asselin: Bienvenue et merci pour la qualité de votre exposé. Vous avez énuméré des points forts et quelques points faibles afin d'éclairer les membres du comité, ce qui nous aidera lors de la rédaction de notre rapport. Est-ce que les points que vous avez énumérés sont présentés par ordre de priorité?

Je note qu'au point un, vous traitez de la stabilisation du climat politique. Je pensais que ça n'existait qu'au Québec, mais ça semble exister à l'autre extrémité du pays, dans les Territoires du Nord-Ouest. Ici, ce n'est sûrement pas pour les mêmes raisons qu'au Québec.

Je note aussi que cette situation nuit à vos investisseurs et qu'il semble entre autres y avoir un problème de délimitation territoriale. Quelles démarches ont été entreprises par les Territoires du Nord-Ouest afin de demander au gouvernement fédéral de régler cette affaire une fois pour toutes?

Qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour aider les PME et l'industrie à créer de nouveaux emplois ou des emplois durables ici, dans les Territoires du Nord-Ouest, en matière d'infrastructures, de tourisme, de politique, etc.?

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bélair): Y a-t-il quelqu'un qui souhaite répondre?

Mme Decorby: Nous sommes tous disposés à répondre.

M. Steven Richards (ancien président, Chambre de commerce de Yellowknife): Je serais heureux de répondre à la deuxième partie de cette question.

Le président suppléant (M. Bélair): Oui, il y a deux questions. C'est ce que j'ai dit.

M. Richards: Je n'ai pas entendu la traduction de la première partie. Je ne sais pas quelle était la question du député.

En ce qui concerne sa question sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour aider les petites et moyennes entreprises, la position de la Chambre de commerce n'a pas changé - c'est-à-dire que nous vous encourageons à fournir les infrastructures et à financer la formation dans la tradition de ce qui s'est fait jusqu'ici, tout en permettant à l'industrie et aux entreprises de se développer.

.1550

Un des secteurs où l'intervention du gouvernement fédéral a eu lieu d'assez bons résultats est celui du développement de la technologie. C'est donc le genre de soutien que nous vous encouragerions à continuer de fournir. Pour l'heure, je ne pense pas qu'un soutien direct soit nécessaire. Selon moi, il y a plusieurs programmes qui donnent de bons résultats.

Le président suppléant (M. Bélair): Puis-je vous interrompre?

Mes chers collègues, une très brève question.

Quelqu'un a parlé de l'APECA et déclaré que cela ne vous était pas d'une grande utilité. Pourriez-vous nous donner des précisions? C'est dans le même ordre d'idées. Pardon, pas l'APECA; cela s'applique à l'Est. Je voulais dire le programme de Diversification de l'économie de l'Ouest.

M. Richards: Et l'on a dit que cela ne nous était pas d'une grande utilité, monsieur le président?

Le président suppléant (M. Bélair): Oui, que cela n'était pas très utile aux Territoires du Nord-Ouest.

M. Richards: Je pense que 50 millions de dollars, peu importe la façon dont ils sont dépensés, constitue une contribution substantielle à l'économie. Cela m'a permis de faire des études de faisabilité significatives sur la pêche dans la région de Baffin, de mener des travaux importants dans le secteur de l'exploitation des ressources fauniques et de lancer les projets de développement parrainés par les collectivités, dont les plus petites localités ont certainement profité.

Le président suppléant (M. Bélair): Je suis très heureux de vous l'entendre dire.

M. Richards: Ce que nous voulions dire, monsieur le président, c'est qu'au bout du compte, les résultats sont assez minimes et que, s'il est question d'en avoir vraiment pour son argent, nous souhaitons que ce genre d'investissement ait une profitabilité plus importante, et à plus long terme.

Le président suppléant (M. Bélair): Revenons maintenant à la première question.

[Français]

On n'a pas répondu à la première question. Gérard, aimeriez-vous qu'on y réponde?

M. Asselin: Je pense que madame s'apprête à y répondre.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bélair): Gabrielle, à vous de répondre à la première question.

Mme Decorby: Pourrait-on la répéter, s'il vous plaît?

[Français]

M. Asselin: Je constatais qu'il n'y avait pas juste le Québec qui avait un problème de stabilité politique, et qu'il y avait aussi un problème de délimitation territoriale.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bélair): La stabilité politique.

[Français]

M. Asselin: Je demandais quelles étaient les qualités des représentations faites par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest auprès du gouvernement fédéral afin de régler une fois pour toutes cette lacune qui existe et qui nuit aux investissements.

[Traduction]

Mme Decorby: Cela n'a pas encore été fait, n'est-ce pas?

Le président suppléant (M. Bélair): C'est juste une autre façon de faire de l'auto-promotion, si vous voyez ce que je veux dire? Quoiqu'il en soit, la question est recevable, je suppose, puisque vous y avez fait allusion. Alors, je vous en prie, répondez.

Mme Decorby: Je dirais que rien n'a été fait. Que pour le moment, le gouvernement ne s'est pas occupé de cela.

Si vous me permettez de revenir sur la deuxième question, je tiens à réitérer ce que M. Richards a déclaré - c'est-à-dire que si nous pouvions répertorier les moyens qui permettraient au gouvernement d'aider les entreprises et l'industrie à soutenir le pays, à long terme nous nous retrouverions dans une bien meilleure situation.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci.

Monsieur Chatters.

M. Chatters: Dans votre exposé, lorsque vous parlez des infrastructures, vous déclarez que:

Deuxièmement, j'en reviens à l'éducation et à la formation dont tous les témoins nous ont parlé. Le problème, ce n'est pas tellement l'absence de programmes; c'est que la population locale ne semble pas avoir la volonté ni la motivation d'y participer, et de les utiliser pour réussir. Au niveau de l'éducation élémentaire, le taux d'abandon est inacceptable. Comment pouvons-nous motiver les gens et leur faire comprendre qu'acquérir cette éducation de base est d'une importance absolument critique? Alors, si vous pouviez...

Mme Decorby: J'aimerais répondre d'abord à votre deuxième question. M. Richards répondra ensuite à la première.

.1555

Parlons de la motivation à l'école et au travail. Je suis l'une des rares personnes, à Yellowknife, qui ait vécu ici toute sa vie. Je suis allée à l'école ici, du jardin d'enfant à la douzième année. Je dois dire que sur le plan de l'éthique du travail, bon nombre de gens manquent totalement de motivation. Cela s'explique, en partie, par le fait qu'il existe ici de nombreuses cultures différentes. Par ailleurs, la vie a été trop facile pour certains groupes.

Si nous donnons à nos élèves une éducation élémentaire qui est de même qualité que partout ailleurs, je pense que lorsqu'ils auront terminé leur douzième année, ils seront en mesure de s'intégrer dans une économie qui devient de plus en plus globale. À mon avis, au fil des ans, on a baissé la barre plutôt que de la relever. C'est une première constatation.

D'un autre côté, sur le plan de l'éducation des adultes, là encore, c'est une question de motivation. De nombreux programmes éducatifs sont destinés aux adultes - qu'ils soient mariés ou célibataires, et qu'ils aient des enfants ou non. Tout le monde a ici la possibilité de s'instruire. Enfin de compte, la question se résume à ceci: une fois qu'ils sont livrés à eux-mêmes, une fois que les liens ont été coupés, il y a souvent un problème de motivation. Je ne sais pas si cela vient du fait qu'ils ont eu une vie facile pendant si longtemps que, lorsqu'ils doivent se débrouiller eux-mêmes, cela leur pose un vrai problème.

M. Chatters: Il y avait un autre volet à ma question.

M. Richards: La question que vous avez posée à propos de la transparence concerne peut-être davantage le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest auprès duquel il n'est pas seulement difficile mais impossible d'obtenir des renseignements sur les comptes publics. Nous n'avons pas accès à bon nombre d'évaluations ou de renseignements sur les comptes publics que nous souhaiterions avoir afin de savoir quels programmes et quels services on s'est permis d'offrir.

Il s'agissait donc simplement de souligner que -

M. Chatters: Cela me surprend beaucoup. Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi ces informations ne sont-elles pas disponibles?

M. Richards: C'est la politique du gouvernement de ne pas communiquer certains renseignements.

M. Chatters: Intéressant.

Le président suppléant (M. Bélair): Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Je voudrais reprendre les remarques de Gabrielle à propos de motivation et de l'acquisition d'une bonne éthique de travail. Premièrement, croyez-vous que cela soit du ressort des familles et de la communauté? Pour nous, les parlementaires, il serait très difficile d'élaborer une politique favorisant l'acquisition d'une bonne éthique de travail. La plupart du temps, c'est à la maison et dans la communauté que cela s'acquiert.

Pensez-vous que la famille et la communauté devraient jouer ce rôle, et que les responsables de l'élaboration des politiques devraient de leur côté créer un climat favorable pour que cela se passe ainsi? Dans l'affirmative, que devrait-on faire en priorité pour instaurer ce climat favorable à la croissance économique dans une localité comme Yellowknife?

Mme Decorby: Il est très important qu'il existe une éthique de travail au sein des familles et des communautés. Je peux comprendre la difficulté à laquelle vous vous heurtez étant donné que vous devez considérer la situation d'un point de vue plus global.

.1600

Si nous passions au crible la façon dont nous vivons aujourd'hui, je pense que nous découvririons que, de bien des manières, nous pourrions améliorer notre éthique de travail. C'est une notion inconnue dans bon nombre de familles; il faudrait donc que l'école s'en charge - ce qui est dans l'ordre des choses, selon moi.

Mme Cowling: Si vous me permettez d'en revenir sur ce que j'ai dit à propos de la croissance économique et de ce que nous pourrions faire pour créer un climat propice, j'aimerais signaler un projet lancé par le gouvernement, le programme Bon départ. Je ne sais pas s'il est disponible ici, ni si vous en bénéficiez à Yellowknife. Ce programme a été très bien accueilli dans tout le pays. Il s'adresse aux enfants de trois à cinq ans; l'objectif est d'assurer qu'ils prennent un bon départ au sein de la collectivité.

Revenons à l'idée de créer un climat propice à la croissance économique et à la création d'emplois, de faire en sorte que la communauté soit viable, que son développement soit durable et que ce soit un endroit où il fait bon vivre. J'aimerais que vous précisiez votre pensée à cet égard.

Mme Decorby: Me demandez-vous de parler des moyens qui pourraient devenir...

Mme Cowling: Oui, vous avez évoqué un certain nombre de moyens...

Mme Decorby: Ce qui arrive souvent, c'est que les enfants vont à l'école mais ne réalisent pas à quoi pourra bien leur servir ce qu'ils y apprennent. Ils vont donc à l'école tous les jours, dans bien des cas sans vraiment savoir pourquoi, ni où cela les mènera. Il serait peut-être utile de mieux faire connaître le monde du travail aux enfants afin qu'ils sachent à quoi peuvent aboutir leurs études.

Le président suppléant (M. Bélair): Mes chers collègues, avez-vous des questions à poser?

Monsieur Wood.

M. Wood: Selon la Chambre de commerce, quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer dans le domaine du développement rural? Où jugez-vous que nous avons un rôle à jouer?

M. Richards: Le rôle approprié et le rôle traditionnel - je suppose que je peux répondre brièvement ainsi. Nous estimons que nous devrions tous - ce que font les parlementaires quotidiennement, j'en suis sûr - réexaminer les rôles et responsabilités qui nous incombent. Souvent, ces rôles et responsabilités se délitent et nous ne pouvons plus dire avec certitude où certaines responsabilités commencent et où elles finissent. Je pense que cela est particulièrement vrai dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ajouterais que le rôle joué traditionnellement par le gouvernement fédéral sur le plan des infrastructures et dans le domaine de la formation - ainsi que dans certains autres domaines que nous avons évoqués dans notre mémoire - est le plus important. Il y a, en plus, la réglementation, les liens politiques entre les Territoires du Nord-Ouest et le Canada, et ainsi de suite...

M. Wood: Le problème des chevauchements également, n'est-ce pas?

M. Richards: Oui, car il est vrai qu'il y a des chevauchements de compétences qui sont sources de frictions.

Le président suppléant (M. Bélair): Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole? Une très brève question. Nous n'avons plus le temps.

[Français]

M. Asselin: Monsieur Adam, nous avons rencontré cet après-midi des représentants de la Corporation du développement des Territoires du Nord-Ouest. Je constate que la Chambre de commerce de Yellowknife a aussi un comité qui s'occupe du développement, le Business Development Committee. Est-ce qu'il y a une coordination et quelles sont les actions communes qui sont faites à ce chapitre? Je suppose que vous êtes tous deux préoccupés par le développement. Pourquoi la Chambre de commerce a-t-elle formé un comité alors qu'il existe une corporation?

[Traduction]

M. Daniel Adam (président, Comité d'expansion des affaires, Chambre de commerce de Yellowknife): Je vous remercie de m'avoir posé personnellement cette question.

Je dois dire en premier lieu que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour nous préparer à cette audience, et je m'excuse de ne pas avoir coordonné notre intervention et celle de la corporation. Nous rencontrons très régulièrement ces autres associations et comités, et nous avons déjà... Des représentants de la Chambre des mines et d'autres organismes siègent à mon comité, le Comité d'expansion des affaires de la Chambre de commerce de Yellowknife.

Nous ne savons pas très bien ce que ces organismes ont déclaré dans les exposés qu'ils vous ont présentés. En toute franchise, nous avons été un peu bousculés et nous voulions vous donner le point de vue de la Chambre de commerce de Yellowknife. J'espère qu'il n'y a pas trop de contradictions entre nos déclarations et ce que nos collègues vont ont dit.

.1605

Le président suppléant (M. Bélair): Merci. Je pense que votre exposé est excellent. Vous allez droit au but et il y a dans ce document des informations très intéressantes. Lorsque les recherchistes n'arrêtent pas de prendre des notes, c'est bon signe.

M. Adam: Merci.

M. Richards: Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): De la NWT Arctic Tourism Association, nous accueillons M. Furlong, ou Mme Carmichael, ou les deux. Veuillez vous asseoir.

Vous avez la parole, Monsieur Furlong.

M. Charles Furlong (président, Northwest Territories Arctic Tourism Association): Merci. Je m'appelle Charles Furlong, je suis président de la NWT Arctic Tourism. Arlene Carmichael est membre du conseil de même que Eric Yaxley.

J'aimerais vous faire part de certaines de nos réflexions sur le tourisme et sur la façon dont nous pouvons le mieux - ensemble peut-être - sensibiliser le gouvernement à notre situation ici dans les Territoires du Nord-Ouest. Je vais commencer par vous donner un aperçu économique.

Le tourisme est l'une des principales industries du Canada. Statistique Canada et Tourisme Canada ont récemment créé le Compte satellite du tourisme, d'après lequel le tourisme représenterait actuellement près de 30 milliards de dollars dans l'économie canadienne. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le tourisme est reconnu comme un élément essentiel de l'économie. Il fait entrer des fonds dans l'économie et représente une activité à laquelle toutes les régions et les communautés peuvent participer - et dont elles peuvent tirer profit.

Le nombre total de visites de non-résidents en 1994 s'élevait à plus de 62 000 voyages-personnes. De ce total, plus de 36 000 étaient des touristes. Le tourisme représente plus de 500 emplois à temps plein dans les Territoires du Nord-Ouest. Le taux de chômage de longue durée est plus élevé dans les localités rurales que dans les régions urbaines.

Vous le savez sans doute, les T.N.-O. ont le taux de chômage de longue durée le plus élevé au Canada. Le faible niveau des compétences et de la scolarisation continue d'être un problème. L'infrastructure des communications et des transports est généralement insuffisante, et l'accès au capital est limité. Finalement, il y a lieu de souligner que les initiatives de développement économique communautaires doivent être améliorées.

NWT Arctic Tourism a été créé par des membres de l'industrie en novembre 1995 pour promouvoir le tourisme, et pour soutenir le tourisme communautaire et les exploitants d'entreprises touristiques dans l'ouest des T.N.-O. Des représentants des secteurs de l'industrie, des groupes de revendications territoriales et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest siègent au conseil d'administration.

Dans le cadre de l'Entente de développement économique Canada-Territoires du Nord-Ouest de 1996-1997 (EDE), l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest reçoit 545 920$ à l'appui du tourisme. Soixante p. 100 de ce budget est consacré au tourisme dans l'Ouest des T.N.-O. Ces crédits ont été une composante importante du budget global consacré au tourisme dans l'ensemble des T.N.-O., surtout dans l'Ouest des territoires..

En ce qui concerne les programmes, l'EDE finance actuellement l'administration d'importants programmes de formation touristique, des initiatives de marketing international et des expositions axées sur les voyagistes. En 1997-1998, ces programmes ne seront plus financés en vertu de l'EDE. Si l'on veut maintenir la croissance touristique, il faudra trouver de nouveaux fonds.

.1610

Croissance potentielle: l'Ouest des T.N.-O. est bien positionné pour connaître une forte croissance touristique. Nous sommes un nouveau territoire et une destination privilégiée pour les visiteurs qui cherchent l'aventure dans les grands espaces, ou des produits culturels différents de ce que l'on trouve ailleurs au Canada.

Notre potentiel est important. L'Ouest des T.N.-O. a un commerce d'exportation plus favorable que bien d'autres destinations canadiennes. Cinquante-six cents de chaque dollar dépensé dans l'Ouest des T.N.-O. proviennent de l'extérieur de la région.

Les revenus générés par le tourisme peuvent largement contribuer à assurer et à maintenir l'avenir financier d'un nouveau territoire - dans le respect du style de vie traditionnel de notre peuple, c'est-à-dire en protégeant la terre et ses ressources tout en faisant des affaires.

Planners Derek Murray Consulting Associates ont indiqué que la croissance annuelle pourrait atteindre entre 4 et 20 p. 100 dans nos trois principaux marchés touristiques d'ici 1999, si nous entreprenons une commercialisation dynamique de notre nouveau territoire. Les potentiels de croissance annuelle dans ces marchés sont les suivants: aventure de plein air, 15 à 20 p. 100 d'augmentation; tourisme automobile, 8 p. 100, et pêche et chasse sportives, 4 à 5 p. 100.

Compte tenu des difficultés auxquelles nous faisons face, le tourisme représente un élément important de l'économie du nouveau territoire de l'Ouest. Nous devons soutenir le tourisme communautaire et les exploitants d'entreprises touristiques. NWT Arctic Tourism stimulera la croissance de l'industrie et cherchera de nouveaux moyens de financer la commercialisation et la formation.

NWT Arctic Tourism appuie les engagements du gouvernement en matière de tourisme, qui se sont notamment soldés par la création de la Commission canadienne du tourisme, et l'accroissement correspondant des budgets de 15 à 50 millions de dollars.

Tourisme Canada doit faire en sorte que les programmes bénéficient à toutes les régions du Canada. Mais l'Ouest des T.N.-O. a eu de la difficulté à accepter ces programmes en raison de la petite taille de notre région et de notre population, et de notre aptitude financière limitée pour participer à des programmes de marketing en coopération avec la CCT. La CCT doit accepter la nécessité de soutenir le tourisme dans les petites régions rurales du Canada.

Il faut que nous fassions concurrence à d'autres régions et insister davantage sur le tourisme. La situation de notre industrie est précaire. Le risque augmente à mesure que nous avançons vers la création d'un nouveau territoire en 1999. Les nouveaux gouvernements, la rareté des ressources et des priorités conflictuelles menacent d'affaiblir notre industrie.

Quels sont nos besoins? Nous avons besoin d'être reconnus au plan national en tant que produit dynamique - l'Ouest des T.N.-O. est une destination originale, et en développement. Nous avons besoin de soutien pour nos activités de développement économique et nous avons besoin d'aide pour faire connaître notre produit au plan international.

Nous savons qu'il est nécessaire de perfectionner nos ressources humaines afin de pouvoir disposer d'un produit de qualité sur le marché mondial. D'autres régions ont bénéficié d'un soutien à ce genre pendant plus de 100 ans; par exemple, la création d'une infrastructure routière et ferroviaire dans différentes provinces.

Nous ne pouvons pas nous permettre d'hésiter et de risquer les sommes considérables déjà investies dans l'industrie touristique de l'Ouest des T.N.-O. depuis 50 ans. Nous soutenons le développement d'une infrastructure complémentaire, par exemple la construction d'une route de Wrigley à Tuktoyaktuk et à la mer de Beaufort.

Nous devons améliorer notre commercialisation grâce à des investissements publics, gouvernementaux et privés afin de soutenir une campagne de marketing efficace et durable.

Entre 1989 et 1994, l'investissement moyen annuel dans les territoires était de 2,4 millions de dollars; les planificateurs estiment qu'il faut un investissement minimum de 2,2 millions de dollars pour assurer un programme de marketing efficace et réaliser notre potentiel. Les programmes de commercialisation contribuent à attirer 89 p. 100 des voyages touristiques dans l'Ouest des T.N.-O.

Le rendement d'un investissement de 2,4 millions de dollars a été évalué à 4,4 millions de dollars. En 1996-1997, l'investissement dans le marketing touristique devrait être inférieur à 1 million de dollars. Le niveau de financement ne permettra pas d'obtenir un rendement optimal en termes de revenu et de créations d'emplois dans le Nord.

.1615

Je dirais, enfin, que dans la mesure où les crédits de l'EDE destinés au marketing touristique seront épuisés cette année, nous recommandons au gouvernement fédéral de financer des programmes semblables en partenariat avec NWT Tourism, et que NWT Tourism et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest rencontrent conjointement les représentants du gouvernement fédéral pour obtenir de nouveaux crédits pour le tourisme communautaire et la création de programmes avant mars 1997. Votre soutien assurera le développement d'un nouveau territoire de l'Ouest et permettra que la dernière frontière du Canada soit connue sur le marché international.

J'aimerais en terminant vous remercier au nom de l'association des industries touristiques, de l'occasion qui nous a été donnée de nous exprimer devant le comité permanent. Merci.

Le président suppléant (M. Serré): Merci, monsieur Furlong.

Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose à cette présentation?

[Français]

Monsieur Asselin, vous avez la parole.

M. Asselin: D'abord, vous nous avez sensibilisés, comme tous les témoins l'ont fait depuis ce matin, à l'importance d'infrastructures au niveau du réseau routier qui pourraient permettre aux touristes de se déplacer dans les Territoires du Nord-Ouest et d'avoir accès à votre municipalités et à toutes les ressources, entre autres les mines.

On sait que dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a beaucoup de communautés autochtones. Je voudrais savoir si les autochtones sont actifs dans la mise en valeur des ressources naturelles. Entre autres, est-ce que les autochtones, pour ce qui est de votre dossier, participent au développement touristique? Également, que devraient faire les entreprises du secteur primaire pour former et employer davantage les autochtones, principalement dans le domaine du tourisme?

[Traduction]

M. Furlong: Les communautés autochtones, du Nord au Sud du territoire de l'Ouest, sont parties prenantes au règlement des revendications territoriales et des droits fonciers issus de traités, ainsi qu'à l'autonomie gouvernementale. Cependant, la population reste très attachée à la terre et à ses ressources, et elle se montre appréhensive à l'égard de tout nouveau projet de développement. Les gens veulent y prendre part afin que la terre et les ressources soient protégées. Mais les Autochtones sont prêts, je crois, à envisager le développement touristique de leurs localités; ils en ont besoin.

Il est regrettable que la plupart des communautés autochtones ne tirent pas partie, en général, des ressources au moment où elles sont disponibles. Les crédits de l'EDE ont, par exemple, été disponibles pendant cinq ans ou plus; mais les Autochtones n'en ont pas profité pour développer leurs localités, à court ou à long terme. Le tourisme en offre un exemple, C'est la première fois depuis la création de cette association touristique que l'on assiste à une participation communautaire importante. Il est dommage que nous ne disposions plus de ressources comme les fonds de l'EDE pour aider ces localités à développer leur produit, et le potentiel qui y existe.

Nous disons que le Nord est la dernière frontière; et c'est vrai. Il y a des paysages magnifiques le long du fleuve Mackenzie, dans le delta du Mackenzie et la mer de Beaufort. Les petites localités ont besoin de mettre ce produit en valeur et de parvenir au même style de vie que le reste du Canada. C'est ainsi que je vois les choses.

Le président suppléant (M. Serré): Voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Arlene Carmichael (administratrice, Northwest Territories Arctic Tourism Association): Il a demandé si les Autochtones participaient. Dans notre organisation, plus de 50 p. 100 des administrateurs sont autochtones, et probablement 70 p. 100 de notre marché est autochtone.

M. Eric Yaxley (administrateur, Northwest Territories Arctic Tourism Association): J'ajouterais une précision à propos des chiffres. Il existe un système d'octroi de licences pour les exploitants d'entreprises touristiques dans les Territoires du Nord-Ouest. Dans tout le Nord, plus de 50 p. 100 de ces exploitants sont autochtones, mais dans l'Ouest, ils ne sont que 40 p. 100. Cependant, bon nombre de ces exploitants ont des entreprises de plus petite taille, moins d'équipement et un chiffre d'affaires moins élevé. Ce sont ces exploitants que nous essayons d'aider et de multiplier.

.1620

Le président suppléant (M. Serré): Merci. C'est au tour de M. Chatters.

M. Chatters: Je voudrais savoir quelque chose par curiosité. On a parlé à maintes reprises de la route de Fort Simpson à Tuktoyaktuk et de son utilité. Pourtant, l'axe de transport traditionnel dans les Territoires du Nord-Ouest c'est le fleuve Mackenzie. Traditionnellement, le gouvernement a assuré la capacité de transporter d'énormes quantités de marchandises sur le fleuve pendant l'été, et pendant l'hiver également d'ailleurs. Il semblerait que ce mode de transport ne soit plus privilégié et que, à en croire plusieurs groupes dont nous avons entendu le témoignage, personne ne semble l'envisager comme impossible. On veut une route traditionnelle utilisable en tout temps dans la vallée du Mackenzie. Pourquoi ne pas garder la voie de transport traditionnelle? Pourquoi ne pas l'améliorer?

Il y a 25 ans, lorsque je travaillais dans la vallée du Mackenzie, jusqu'à la mer de Beaufort, un voyagiste exploitait un bateau. Je ne pense pas que cela existe encore. Il y avait un potentiel énorme pour des voyages vers certaines des îles de l'Arctique à partir de Tuktoyaktuk. On pouvait passer une semaine avec les populations traditionnelles - nous les appelions les Esquimaux à l'époque, mais maintenant ce sont les Inuit. Il y avait un potentiel énorme. Les gens aimaient beaucoup cela. Je parlais avec eux sur ce bateau et ils pensaient que tout cela était merveilleux. Ils rentraient chez eux et racontaient à leurs amis à quel point ils avaient passé des vacances différentes et formidables; mais cela ne semble pas vouloir prendre de l'essor. Il semble que l'on s'oriente dans une autre direction.

M. Furlong: Comme tout le reste, le style de vie des gens change. Ils s'habituent aux technologies modernes. La plupart possèdent leur propre véhicule. Toutes ces options existent encore dans ces régions - faire des excursions et toutes ces possibilités merveilleuses - mais le transport sur le fleuve, sur la mer de Beaufort et dans le delta, n'est plus aussi fréquent. Il a souffert du fait que l'industrie a quitté Beaufort et que les expéditions vers les petites localités ont beaucoup diminué. Le style de vie évolue, et nous pensons qu'une route permettrait d'ouvrir les Territoires du Nord-Ouest au tourisme.

À l'heure actuelle, les touristes qui souhaitent voir la mer de Beaufort et le delta peuvent remonter le Mackenzie ou prendre la route vers l'Alaska ou le Yukon. Bien souvent, nous perdons un grand nombre de touristes qui se rendent dans le Yukon en l'Alaska. Si nous avions notre propre route, nous pourrions tenter de récupérer ce potentiel. Cela augmenterait en outre les relations intercommunautaires de Tuktoyaktuk à Fort Smith. Je crois que cela accroîtrait de beaucoup les déplacements dans cette région.

M. Chatters: Mais le fleuve est là et il en coûterait beaucoup moins d'utiliser le fleuve vers l'Arctique que de construire une route. Le prix de cette route est astronomique. Je ne comprends pas pourquoi on abandonne le fleuve en faveur de cette route très onéreuse. Pourquoi n'améliorerions-nous pas ce que nous avons sur le fleuve? Pourquoi n'avons-nous pas demandé au gouvernement de s'engager à nouveau à localiser le chenal et à maintenir ce moyen de transport plutôt que de l'abandonner et d'envisager la construction de cette route? Cela coûte extrêmement cher; trop cher.

M. Furlong: Nous pouvons utiliser le fleuve de mai à septembre, mais pendant le reste de l'année, nous sommes isolés du reste de la région de l'Ouest.

.1625

M. Chatters: Il y a la route, sauf pendant deux mois environ.

M. Furlong: Mais ce n'est pas le seul problème. Comme je l'ai dit, la plupart des gens veulent un lien entre Fort Simpson et Tuktoyaktuk. Nous pensons que le transport sur le fleuve devient de plus en plus coûteux, et que les voies fluviales traditionnelles changent chaque année. Il y a un an, les niveaux étaient très faibles et le transport a été perturbé dans ces régions.

La nouvelle génération - et les autres aussi - estime qu'avant de voir cette route devenir trop coûteuse, ils aimeraient que l'on fasse quelque chose.

M. Chatters: Bien.

Le président suppléant (M. Bélair): J'essayais de situer Tuktoyaktuk et Fort Simpson ici.

M. Furlong: Fort Simpson est juste au milieu du fleuve Mackenzie. Tuktoyaktuk est en haut, au nord de Yellowknife.

Le président suppléant (M. Bélair): Je vois Yellowknife.

M. Furlong: Vers l'ouest à partir de là, vous devriez voir Fort Simpson, Fort Wrigley et Fort Providence. Tuktoyaktuk est sur l'océan, sur une péninsule.

Le président suppléant (M. Bélair): Ce n'est pas la bonne carte. Ce n'est pas là.

Monsieur Wood.

M. Wood: Merci, monsieur le président.

Monsieur Furlong, j'aimerais avoir quelques explications à propos de l'argent en particulier. Vous avez dit que même si le budget a augmenté, vous avez de la difficulté à accéder aux programmes pour obtenir cet argent. Passez-vous par le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest? Comment faites-vous pour obtenir vos crédits? À qui vous adressez-vous?

M. Furlong: Pour le moment, la plupart des crédits viennent du gouvernement territorial. Cela fait partie du développement économique, par le biais des fonds actuels dont dispose l'EDE, qui disparaîtront à la fin de l'exercice 1997. Cela laisse l'industrie du tourisme face à un dilemme car les associations touristiques dépendaient largement des contributions gouvernementales telles que les crédits de l'EDE. Il semble que cette nouvelle association qui, pour la première fois, comprend une représentation communautaire ou rurale, doive trouver d'autres moyens de financement afin de maintenir le niveau d'activité de l'ancienne association touristique.

M. Wood: Quelle est votre priorité? Où se situe le tourisme sur votre liste des priorités? Figure-t-il sur la liste? Cela ne semble pas le cas. Il devrait y être. Y a-t-il un réel engagement à l'égard du tourisme?

M. Yaxley: Monsieur le président, je vais m'efforcer de répondre.

Les crédits ont été réduits dans le cadre des compressions globales du gouvernement des T.N.-O. - ce qui a touché le budget du tourisme, qui est le principal élément du budget de l'association de l'industrie touristique. L'autre principale source de financement était l'EDE, cet accord bilatéral entre le gouvernement fédéral et le gouvernement des T.N.-O. et les associations. Nous ne recevons pas de crédits du Programme de diversification de l'économie de l'Ouest ni de la CCT. C'est un système de coopérative où nous devons fournir des montants de contrepartie. C'est là le problème. Il faut fournir un financement de contrepartie pour participer. Par ailleurs, le montant des fonds de contrepartie permet de contrôler ces programmes. Si les fonds de contrepartie sont moins élevés, il est plus difficile d'orienter ces programmes à l'avantage de la région.

M. Wood: Ce que vous dites, c'est que sans financement, bon nombre de ces localités ne sont pas en mesure de concrétiser un potentiel viable à long terme.

M. Yaxley: Je pense être d'accord avec vous. Le financement est toujours là; c'est simplement que le niveau de financement a diminué, et l'industrie du tourisme estime qu'investir dans l'industrie touristique est un bon investissement.

.1630

M. Wood: Même si le gouvernement canadien souhaite apporter son aide, ce sera très difficile de canaliser les crédits consacrés au tourisme vers les endroits appropriés du pays et vers les bonnes organisations.

Monsieur Furlong, ne pensez-vous pas que la diversification de l'économie, grâce au développement touristique, apporterait une plus grande stabilité économique dans l'ensemble de la région?

M. Furlong: Le potentiel touristique dans notre région est très important. Le tourisme bénéficierait aux localités, à la région et à tous ceux qui y participeraient - hébergement, etc..

M. Wood: Oui, des retombées.

M. Furlong: Il y a beaucoup de retombées possibles. Il est important de noter que la participation des localités à cette nouvelle organisation leur donne de l'influence. Par ailleurs, 80 p. 100 des participants sont autochtones.

L'autre facteur important, ce sont les revendications territoriales. Presque la moitié du territoire de l'Ouest appartient aux Autochtones, suite au règlement des revendications territoriales. D'ici l'an 2000, au moins les deux tiers de toute la partie ouest appartiendra aux communautés autochtones. Il y aura un besoin énorme de coopération et de partenariat entre le gouvernement, l'industrie et les populations locales. La population locale contrôle les organismes qui administrent les revendications territoriales. C'est la raison pour laquelle il faut mettre en place une infrastructure ou une base touristique permettant à tous d'en profiter. Mais les localités, pour le moment, ont besoin de ressources pour élaborer des plans stratégiques à court et à long terme.

M. Wood: Nous devrions peut-être revenir 15 ans en arrière, lorsque nous avions un ministère du Tourisme. Cela fonctionnait très bien, mais il a disparu.

Le président suppléant (M. Bélair): Le temps va nous manquer. J'aimerais donner à Mme Cowling l'occasion de poser une question.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Je suis à la page 10 du document de NWT Arctic Tourism. Je vois qu'il y avait 40 544 touristes en 1989 et 43 208 en 1994. Je suppose que l'on peut faire des projections à partir de ces chiffres. Que prévoyez-vous pour 1997 et 1998? Avez-vous déjà des projections? On constate une augmentation de presque 3 000 touristes. Qu'avez-vous fait en tant que groupe pour maintenir la durabilité de l'initiative touristique en général dans les T.N.-O.?

M. Yaxley: Je vais essayer de répondre aux questions sur les statistiques. Les projections ont souvent été qu'il y aurait une progression de 2 à 3 p. 100 par an. Dans certains cas, il y a eu 5 p. 100 d'augmentation. Plus récemment, le taux de croissance est resté stable par rapport aux régions voisines comme l'Alberta et le Yukon, qui ont pu augmenter la fréquentation ces deux dernières années. Nous pensons qu'ils sont arrivés à ce résultat en consacrant plus d'argent à la commercialisation, l'outil essentiel pour accroître la fréquentation chaque année.

En 1994, nos projections étaient optimistes, mais elles s'appuyaient sur un précédent budget. Avec un budget de marketing révisé, il nous faudrait revoir nos projections. Personnellement, du fait que nous n'avons pas fait de projections officielles, je pense qu'il serait déjà très bien de maintenir la fréquentation actuelle compte tenu du budget dont nous disposons.

Le président suppléant (M. Bélair): Sur ce, je vais vous remercier de votre excellente présentation qui se fait l'écho d'un grand nombre des points de vue exprimés plus tôt aujourd'hui. Lorsque nous aurons rassemblé le tout, nous pourrons élaborer un rapport. Merci beaucoup.

.1635

M. Furlong: Encore une fois, merci de nous avoir consacré votre temps.

Le président suppléant (M. Bélair): De rien.

Je vais maintenant demander à Margaret Gorman et à John Bekale de la Denendeh Development Corporation de se joindre à nous. Êtes-vous madame Gorman?

Mme Margaret Gorman (directrice générale, Denendeh Development Corporation): Oui. M. Bekale n'a pas pu se joindre à moi.

Le président suppléant (M. Bélair): Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous. Vous avez la parole.

Mme Gorman: Merci.

Je vous ai remis un exemplaire d'une brochure sur la Denendeh Development Corporation. Je ferai une brève description de nos activités, mais je tiens à insister surtout dans ma présentation sur le sommet économique autochtone dans l'Ouest de l'Arctique qui s'est tenu le mois dernier, et au cours duquel environ 250 délégués de l'Arctique de l'Ouest, des communautés autochtones et de leurs partenaires dans l'industrie ont abordé plusieurs questions économiques.

Au départ, notre président et président du conseil, le chef Darrel Beaulieu, devait se charger de l'exposé devant le comité. Il nous a fait savoir qu'il avait été appelé à Ottawa. Darrel est un orateur très éloquent et dynamique, mais je vais essayer d'être à la hauteur.

La Denendeh Development Corporation a été créée en 1982 pour tirer profit de la mise en valeur du pétrole et du gaz dans la région de Norman Wells. Elle a formé une coentreprise avec Imperial Oil afin de créer une compagnie de forage appelée la Shehtah Drilling. Pour faciliter cette coentreprise, nous avons établi la société de holding Denendeh Development Corporation et, à l'époque, nous étions également des partenaires de la Société de développement Métis.

Au début, la Denendeh Development Corporation était composée des mêmes membres que la nation dénée. Il y avait en particulier les bandes dans chacune des 30 localités de la vallée du Mackenzie, jusqu'à Inuvik et Aklavik dans le Nord, et Fort Smith dans le Sud.

La société est maintenant restructurée de sorte que ces gens sont toujours nos membres mais la société est tenue en fiducie par chacun des cinq conseils tribaux régionaux ou Premières nations de la vallée du Mackenzie. Vous en trouverez la liste à la première page de la brochure. Il s'agit du NWT Treaty 8 Tribal Council, du Dogrib Treaty 11 Tribal Council, du Gwich'in Tribal Council, de la première nation des Deh Cho et du Sahtu Dene Council. Chacun est propriétaire de la Denendeh Development Corporation, qui est une société sans but lucratif.

En plus des activités de forage dont nous sommes en partie propriétaires à Norman Wells, nous détenons également une participation dans Northland Utilities, une entreprise de distribution de l'électricité. Cette entreprise exerce ses activités à Fort Providence, Hay River, et Yellowknife. Elle achète de l'électricité de la NWT Power Corporation et la redistribue aux habitants.

Nous possédons également 50 p. 100 de l'industrie du financement commercial avec la Société de développement Métis. Il s'agit du Fonds de développement Métis-Déné; nous fournissons des financements aux petites entreprises autochtones. Nous venons de créer une entreprise avec trois autres sociétés de développement. Nous nous considérons comme une société de développement pan-territoriale qui comprend la Yukon Indian Development Corporation, la Inuvialuit Development Corporation, NIC (Nunavut), et la Denendeh Development Corporation.

.1640

Le président suppléant (M. Bélair): Vous nous décrivez une structure ou une organisation très complexe.

Nous aimerions mieux savoir quels ont été vos réussites et vos échecs, et s'il y a eu des compromis qui ont été faits. Et nous aimerions également que vous nous suggériez des moyens d'améliorer ce que vous avez déjà.

Mme Gorman: J'ai fini ma présentation de la Denendeh Development Corporation.

Je voulais commencer par vous donner une idée de notre situation en perspective des commentaires que je voudrais faire. Nous ne sommes pas engagés dans de petites activités. Nous essayons de participer à l'économie en général, là où nous pouvons faire une différence, où nous pouvons créer des industries secondaires. Pour une organisation à but non lucratif qui essaie de faire des bénéfices dans 30 petites localités les problèmes sont très variés - tout comme les solutions.

Au moment de préparer ma présentation, j'ai relu le mandat du comité, et si j'ai du temps, j'espère pouvoir y revenir.

Je suppose que la Chambre de commerce vous a déjà donné beaucoup de statistiques sur le gouvernement territorial et nos différentes ressources. Vous savez qu'il existe un grand nombre de ressources dans le Nord; vous savez qu'il y a un grand potentiel; et vous savez que nous traversons une période de changement. Il y a également des changements qui résultent de l'évolution politique, des revendications territoriales et des nouvelles méthodes de mise en valeur des ressources dans le Nord.

Lors de notre conférence - et j'ai déjà dit qu'il y avait 250 délégués - il y avait également deux autres sociétés de développement, celles des Métis et des Inuvialuit. Nous avons traité de six secteurs économiques: le tourisme, l'extraction minière, le pétrole et le gaz, l'électricité, l'économie traditionnelle et le transport. Nous avons beaucoup appris, mais nous avons également répété beaucoup de choses que les groupes autochtones savent déjà.

Il y a beaucoup été question de l'importance de collaborer plutôt que de se faire concurrence, car c'est la seule façon de réaliser pleinement le développement durable dans le Nord. On y a dit également que c'était la seule façon d'éviter les scénarios d'expansion et de récession que l'on a connus dans le Nord, en développant l'économie en période de forte croissance.

Vous avez probablement entendu parler des mines de diamant et des retombées sur les localités voisines. Ce genre d'entente est une indication de la façon dont les situations évoluent dans le Nord, tout comme la façon d'y faire des affaires.

L'exploration du pétrole et du gaz est un autre domaine. Lorsque les compagnies signent des ententes avec le gouvernement fédéral, ces ententes comprennent une déclaration de principe général relative aux avantages qui en découleront pour les Autochtones; il y a bien entendu les accords sur les revendications territoriales qui comprennent des dispositions sur les préférences à accorder aux sociétés autochtones.

Le président suppléant (M. Bélair): Est-ce que le forage a permis de trouver du pétrole et du gaz?

Mme Gorman: Shehtah Drilling a surtout fait du forage dans la région de Norman Wells. Il y a eu des forages ailleurs, mais c'est là qu'était le gros de nos activités. Nous avons 70 p. 100 d'emplois autochtones dans les puits de forage. Dans ce type d'industrie, l'industrie du pétrole et du gaz, l'activité était intense pendant les années 80, avant de ralentir pendant les années 90. Le genre d'avantages que l'on a retiré de ces activités... La situation a été très médiocre dans les années 90, mais elle redémarre en raison de l'augmentation du coût du pétrole et de l'intérêt accru pour l'exploration dans les régions de Deh Cho et de Sahtu.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci.

Mme Gorman: Préférez-vous que je termine mon exposé ou que je réponde aux questions?

Le président suppléant (M. Bélair): Je voulais simplement que vous développiez un peu ce sujet. Poursuivez.

Mme Gorman: Pendant la conférence, on a insisté sur un certain nombre de points, notamment sur le fait que le gouvernement fédéral doit avancer dans le règlement des droits autochtones en suspens dans chacune des régions des Territoires du Nord-Ouest.

Les Premières nations qui n'ont pas réglé leurs revendications ont demandé instamment que le gouvernement fédéral résolve ces questions le plus rapidement possible afin que l'on puisse mettre les ressources en valeur de façon plus coordonnée, et à plus grande échelle. Les Premières nations trouvent en particulier que les compagnies hésitent à investir dans le Nord car elles n'ont aucune certitude en ce qui concerne la propriété foncière et les règles à observer.

.1645

On a également parlé de la nécessité de former la main-d'oeuvre du Nord. Il faudrait, a-t-on dit, que des établissements de formation soient construits dans le Nord et que la formation s'inscrire dans une perspective de développement durable et de transfert des compétences - en particulier dans le domaine de la gestion.

Il y a aussi été question de la technologie et du transport. J'ai dit que nous avions formé notre compagnie avec trois autres sociétés de développement. Nous avons en fait été un peu plus loin; avons formé une coentreprise avec la compagnie de téléphone et les coopératives de l'Arctique. Nous avons fait une soumission pour le système de communication numérique du gouvernement territorial qui construira l'autoroute de l'information dans le Nord. Nous avons récemment appris que nous avions obtenu ce contrat. C'est un autre exemple de collaboration fructueuse. Nos sociétés autochtones auront non seulement une participation dans cette nouvelle infrastructure, mais elles pourront également élaborer et mettre en oeuvre une politique d'achat donnant la possibilité d'accorder des contrats à des compagnies autochtones locales, en plus d'ouvrir des perspectives en matière de formation et d'emploi.

Comme nous n'avons pas de routes, l'autoroute de l'information devient très importante pour communiquer entre nous, et avec le reste du monde. Elle nous aidera à surmonter les obstacles à la formation. Nous espérons qu'elle s'avérera un véhicule qui sera utilisé pour offrir des programmes de formation dans les localités, non seulement dans le domaine de la technologie mais aussi dans d'autres. Cela nous aiderait également au niveau du marketing, qu'il s'agisse de données sur le pétrole et le gaz, ou sur les activités touristiques ou l'artisanat.

Même si la technologie est une des solutions pour régler les problèmes de transport, on a souvent entendu au cours de la conférence qu'il est absolument indispensable de construire une route dans le Nord pour améliorer les moyens de transports. Tant que le réseau routier sera inadéquat, le coût des biens et des services, et le coût des activités commerciales dans le Nord restera élevé.

Le prix du carburant augmente, et c'est le Nord qui paie le prix le plus élevé - bien que nous possédions d'énormes gisements de pétrole et de gaz. On a également parlé des raisons pour lesquelles ces prix élevés sont bons pour l'économie et la croissance, car ils accroissent l'activité dans les secteurs du pétrole et du gaz; mais ils augmentent également nos coûts d'énergie, ce qui a des conséquences pour tous - des résidents aux hommes d'affaires, en passant par les compagnies minières.

Pendant cette conférence, on a également parlé des organismes sociaux qui recherchent la collaboration du milieu des affaires et de l'industrie. Ils nous ont rappelé l'importance de la scolarisation et la nécessité de faire comprendre aux jeunes l'importance de l'école. Ils nous ont parlé également d'autres problèmes, comme l'alcoolisme et la toxicomanie, la violence familiale et les innombrables effets négatifs d'un développement à grande échelle. Ils ont demandé qu'on les écoute et que l'on collabore avec eux pour lancer une stratégie économique à long terme.

Il a été également question du souhait exprimé par le gouvernement fédéral d'administrer et de contrôler le développement économique. Traditionnellement, le Nord est administré et contrôlé de l'extérieur. Nous avons parlé de ce qui se passe actuellement avec l'autonomie gouvernementale et le transfert des programmes et des services. Bon nombre de délégués ont mentionné qu'ils ont le personnel et les institutions nécessaires pour administrer et contrôler les programmes et les services, et qu'ils se sont dotés de leurs propres entités autonomes en matière de juridiction. Ils ont mentionné que tout cela était nécessaire à la réalisation des objectifs.

.1650

Il a été également question de l'accès au capital. Les gouvernements territoriaux et fédéral ont déjà pris des mesures dans le cadre du Programme de développement des entreprises autochtones, comme la SCDEA et les sociétés autochtones de financement (SAS). Le modèle des SAS est probablement le meilleur dans la mesure où il était le plus proche des communautés, mais il restait des problèmes au niveau communautaire et administratif. Si nous cherchions à établir un nouveau programme pour les communautés, nous nous inspirerions de celui-là. Le modèle privilégié de programme - comme celui-là - est confié aux soins des localités et administré par les organismes autochtones.

Le financement commercial a été un autre thème de discussion. Dans une certaine mesure, on peut dire que ce financement s'est amélioré. Les relations entre les banques et les entrepreneurs autochtones se sont améliorées, quoi qu'il reste encore beaucoup d'incertitudes entourant la propriété foncière, la Loi sur les Indiens et le caractère imprévisible de l'économie. Cela influence les décisions des banques susceptibles de prêter des fonds.

J'ai déjà abordé le dossier du Fonds de développement Métis-Dene dont nous possédons 50 p. 100 des parts. Son but est de prêter aux petites entreprises. Nous détenons un portefeuille de prêts d'environ 2 millions de dollars, mais nous estimons que ce n'est pas suffisant pour répondre aux demandes. Et ce, malgré notre taux de réussite élevé.

Après avoir réalisé une étude il y a environ un an, nous avons déterminé qu'il fallait une base d'investissement d'environ 6 millions de dollars pour que ce fonds et ce portefeuille de prêts jouent véritablement leur rôle. Cela permettrait à la compagnie de consentir des prêts et de maintenir un fonds de roulement. Le taux de rendement de ces prêts en assurerait la bonne marche.

Pour qu'il y ait amélioration de l'accès au capital, il faut que les gouvernements qui consentent des prêts ou des subventions aux entreprises autochtones collaborent avec nos institutions pour contribuer à les mettre sur pied. Nos institutions pourraient alors assumer une bonne part de l'administration et du contrôle, ce qui allégerait les coûts pour le gouvernement.

J'allais prendre une minute pour lire quelques-unes des recommandations de chacune des conférences économiques. Je me rends compte, toutefois, que j'ai pris un peu plus de temps que prévu... Je vais citer quatre ou cinq points importants.

On devrait accorder la priorité d'une part au développement durable et, d'autre part, à la question des cycles d'expansion et de ralentissement. Les industries devraient se charger des initiatives de formation durable. Si l'on veut une économie forte dans le Nord, il est essentiel de construire de nouvelles routes. Une planification de la formation de la main-d'oeuvre et des établissements d'enseignement sont nécessaires. Les politiques et les engagements à l'égard des Autochtones doivent s'inscrire dans le cadre des cultures et des politiques des entreprises. Le contrôle et l'administration doivent demeurer au sein des établissements du Nord qui ont été établis à cette fin.

Il faut également insister sur l'importance de l'économie traditionnelle - notamment la chasse et le piégeage et l'artisanat. Cela n'a pas de prix sur le plan de l'identité culturelle et de la santé. Il s'agit d'éléments fondamentaux. La valeur marchande du remplacement des aliments traditionnels par des aliments achetés au magasin représente 40 millions de dollars par an. Il s'agit d'une industrie assez importante.

Voilà ce que j'avais à vous dire.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: Merci. J'aimerais que vous nous disiez quelles sont vos attentes envers le gouvernement fédéral afin qu'il puisse exercer une action concrète pour aider le développement rural. Nous savons pertinemment que vous avez ici des ressources dans les Territoires du Nord-Ouest, des ressources sous-exploitées, des mines, du pétrole, de même qu'industrie touristique qui ne me semble pas tellement développée.

.1655

Vous semblez aussi avoir dans les Territoires du Nord-Ouest une main-d'oeuvre qui pourrait être formée plus adéquatement et être disponible, afin d'éliminer le chômage et l'aide sociale. Pouvez-vous me donner trois éléments, par ordre de priorité, qui pourraient aider le développement rural dans les Territoires du Nord-Ouest, à la suite d'une action du gouvernement fédéral?

[Traduction]

Mme Gorman: La définition du développement rural pose quelques problèmes. Je regarde le Nord, soit un tiers du Canada. Lorsque je pense au Canada rural, je pense à des routes de campagne et à l'agriculture tandis que le Nord est une vaste région de ressources qui connaît un changement politique rapide.

En ce qui concerne les aspirations du gouvernement fédéral, et les priorités, la première chose est de régler les questions de propriété foncière dans les régions dont les revendications restent en suspens. Puis vient la mise en oeuvre. Les régions dont les revendications ont été réglées connaissent des difficultés sur le plan de la mise en oeuvre et de certains des régimes établis par ces ententes.

C'est la priorité numéro un car cela assurerait la stabilité que les entreprises souhaitent avant d'investir dans le Nord. Cela permettrait également aux localités autochtones de quitter la table des négociations et de développer leur région et leur économie.

La deuxième priorité serait l'accès au capital, au financement. Il faut reconnaître également qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question de développement économique communautaire mais de développement global. Les localités doivent bénéficier d'un financement pour développer le tourisme, travailler avec les sociétés minières, et attirer les investisseurs - sans parler de l'impact social. Elles doivent se développer de la bonne façon.

La troisième priorité serait la formation, une formation planifiée. Tenir compte de ce que sera le marché dans cinq ans, et prévoir ce que les élèves de la septième année pourront obtenir comme emplois à ce moment-là. La formation doit être planifiée pour que nous sachions qu'il existera quelque chose pour eux dans les petites localités et qu'ils n'auront pas à descendre dans le Sud pour trouver du travail, ou suivre une formation technique ou autre.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci. C'est au tour de Monsieur Chatters.

M. Chatters: Je m'intéresse à l'idée du fonds d'emprunt des Métis et Dénés dans les Territoires du Nord-Ouest. Cela a été un problème. Il y a eu beaucoup de discussions sur la façon dont le gouvernement canadien et d'autres, pourraient fournir du capital aux Autochtones. Comment cette organisation est-elle financée? Comment finance-t-elle? Vous avez dit avoir un portefeuille de prêts de 2 millions de dollars. Comment est-il capitalisé?

Un des problèmes, bien entendu - tout au moins dans ma région du Canada - c'est que pour obtenir des fonds à l'intention des Autochtones, il faut pouvoir demander des terres ou une caution. Comment abordez-vous ce problème? Quel est votre taux de réussite?

Mme Gorman: Le Fonds de développement Métis-Déné est une société de crédit autochtone, issue de la SCDEA. Savez-vous ce qu'est la SCDEA, la Société canadienne de développement économique des Autochtones?

M. Chatters: Il est donc capitalisé par le gouvernement fédéral.

Mme Gorman: Oui. Et celui-ci établit également les SAS. C'est ainsi qu'on les appelle dans tout le Canada. La plupart de celles qui existent dans le Sud sont des SAS métis, ou des Premières nations ou issues de traités. Celle du Nord est originale dans la mesure où nous nous sommes associés avec la Société de développement Métis.

.1700

On nous avait promis 4 millions de dollars pour commencer, auquel cas nous aurions pu réussir à en faire éventuellement un fonds de 6 millions de dollars. Toutefois, compte tenu des réductions du financement et de la réorganisation des SAS dans tout le Canada, nous n'avons finalement obtenu que 2 millions de dollars. Nous essayons de faire en sorte que le gouvernement du Canada recapitalise cette somme, car nous avons eu besoin d'avances, et qu'il nous accorde la base des 4 millions de dollars. L'argent a été réaffecté au développement économique.

Nous avons également envisagé de nous associer à la société de crédit d'affaires du gouvernement territorial qui accorde des fonds d'emprunt. Nous avons aussi envisagé la possibilité de reprendre son portefeuille de prêts. Mais cette société fait l'objet d'une restructuration et d'une planification stratégique, et il lui est très difficile de négocier avec nous.

Le taux de réussite est très élevé. Nous avons surtout accordé des prêts à court terme car nous sommes un peu un financier de dernier recours. Si les clients ne peuvent pas obtenir des crédits bancaires ni de sources gouvernementales, ils s'adressent à nous. Nous imposons les mêmes critères de garantie qu'un fournisseur commercial. Nous leur accordons le crédit et ils réussissent. Ils sont en mesure de nous rembourser. Ils évitent que les banques ou les organismes de prêts leur demandent des taux d'intérêts élevés puisqu'ils peuvent faire la preuve qu'ils ont réussi.

M. Chatters: Demandez-vous des garanties, ou accordez-vous vos prêts sans garantie?

Mme Gorman: Nous exigeons des garanties. Si quelqu'un veut créer une entreprise de camionnage et emprunter de l'argent pour acheter le camion, nous demandons une garantie. S'il perd l'entreprise, nous gardons le camion.

M. Chatters: Pourrais-je dire que sur les réserves indiennes, par exemple, on ne peut pas agir de la sorte. Vous ne pouvez pas garder cette garantie, et vous ne pouvez pas en tirer un avantage si l'entreprise fait faillite. Avez-vous ce problème?

Mme Gorman: Il n'y a que deux réserves dans les Territoires du Nord-Ouest et la Loi sur les Indiens ne s'applique pas de la même façon aux communautés du Nord. En fait, elle s'applique de façon intermittente. Dans ce cas-ci, elle ne s'applique pas.

M. Chatters: C'est intéressant.

Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Wood.

M. Wood: J'ai parcouru votre brochure, Mme Gorman. J'ai été frappé par le fait que l'un des grands objectifs de la Corporation est d'élaborer une politique sur l'emploi qui offrirait les meilleures perspectives d'obtention d'un emploi stable et valable aux Dénés et aux Métis.

Comment réussissez-vous à appliquer votre politique sur l'emploi? Cela fonctionne-t-il? La raison pour laquelle je pose cette question c'est que nous avons entendu, ce matin, un représentant de la Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest. Il nous disait que si tout se déroule comme le veut Hoyle Industries, l'entreprise pourrait ouvrir une mine dans un ou deux ans, et employer plus de 800 personnes. Je lui ai demandé s'ils allaient employer des Autochtones. Il a répondu par l'affirmative mais qu'il faudrait les former.

Je me demande si vous pouvez mettre en place des programmes de partage des coûts et de formation avec les entreprises actives dans le Nord, étant entendu qu'un certain nombre d'emplois seront garantis aux Autochtones. Ils pourraient avoir un emploi intéressant et recevoir une formation. Dans le secteur minier ou ailleurs. Ce n'est qu'un exemple. Avez-vous ce genre d'entente.

Mme Gorman: En effet. Mais l'exploration minière se fait à grande échelle et les initiatives sont essentiellement régionales à l'heure actuelle. Les compagnies minières signent des accords d'évaluation des répercussions communautaires avec chacune des régions auxquelles la terre appartient. La Denendeh Development Corporation n'y participe pas car nous ne sommes pas une organisation régionale. Nous appartenons à la région, et il y a eu des conflits entre les différentes régions à propos des terres. Nous avons estimé qu'il était préférable de prendre du recul et de ne participer que si les régions nous le demandaient collectivement.

Dans l'industrie du pétrole et du gaz, avec la Shehtah Drilling, nous avons connu une grande réussite. Nous avons pour politique de donner priorité à la population régionale, puis aux autres Autochtones du Nord. Je pense que le taux d'emploi autochtone à Shehtah Drilling est de 70 p. 100. Cela rapporte quelque 1,5 million de dollars par an en salaire à l'économie du Nord. C'est une somme importante, surtout en ces temps de forages intenses.

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Northland Utilities n'a pas un taux d'emploi autochtone très élevé dans le Nord. Cette entreprise emploie quelque 35 employés dans les Territoires du Nord-Ouest. Cinq d'entre eux sont autochtones. Nous avons eu des discussions avec la compagnie-mère, ATCO Canadian Utilities, pour qu'elle fasse davantage d'efforts sur le plan de l'emploi, de la formation et de l'éducation dans le Nord.

Nous prévoyons également mettre sur pied des programmes qui partent de l'école. Il est question également d'envoyer dans le Sud des jeunes qui souhaitent acquérir une formation dans le domaine des services publics et de l'électricité afin qu'ils puissent travailler dans de grosses compagnies. Nous les rapatrierions ensuite dans le Nord. Mais cela ne donne pas toujours les résultats escomptés. Lorsque des jeunes prennent goût à la grande ville, ils ne veulent pas revenir travailler dans une petite localité. C'est un risque.

L'entreprise compagnie dont j'ai parlé auparavant vient juste d'obtenir un contrat de construction de l'autoroute de l'information dans le Nord... nous l'avons appris il y a une semaine. Nous avons des engagements très solides en matière de politiques d'achat et de formation professionnelle. Nous collaborons avec le collège Aurora et le collège de l'Arctique pour obtenir une formation en information et en technologie.

Certaines localités disposent donc de ces ressources et définissent quels avantages économiques il peut y avoir pour les petites localités. Doivent-elles acheter des sociétés informatiques? Doivent-elles constituer des réserves de main-d'oeuvre pour fournir au [Inaudible - Éditeur] et ce genre de chose? Donc nous ne sommes pas vraiment organisés à ce niveau mais nous avons pris des engagements fermes.

M. Wood: Vous avez dit que vous aviez besoin de subventions pour poursuivre vos activités. Je pense que le gouvernement fédéral a complètement abandonné le principe des subventions. Si vous avez besoin de capital, avez-vous demandé au gouvernement fédéral de participer à certains de vos projets? Si vous avez besoin de financement provisoire, ou si vous avez besoin de n'importe quel financement, avez-vous demandé au gouvernement fédéral de prendre une petite participation dans certains de ces projets?

Mme Gorman: Non, pas que je sache. Je l'ignore. J'aime l'idée du financement par des prêts. Vous dites que le temps des subventions est révolu. Il y a cependant l'exception des organismes sociaux et de leurs projets, mais il s'agit de formes de partenariats, en quelque sorte.

Je pense qu'à long terme, les communautés autochtones qui contrôlent essentiellement totalement les projets qu'elles entreprennent ont l'intention suivante. Lorsqu'elles se lancent dans une coentreprise avec l'industrie, je pense que bon nombre d'entre elles souhaitent une clause stipulant qu'après dix ans ou 20 ans, une fois acquises l'expérience et la formation, elles ont l'option de se retirer.

Le président suppléant (M. Bélair): Merci, madame Gorman. Le prochain témoin est ici. Merci de votre présentation. Nous vous souhaitons bonne chance.

Mme Gorman: Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): J'appelle M. O'Reilly du Canadian Arctic Resources Committee. Bienvenue, monsieur O'Reilly. La parole est à vous.

M. Kevin O'Reilly (directeur de la recherche, Canadian Arctic Resources Committee): Merci beaucoup.

J'aimerais remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant lui aujourd'hui. Je suis désolé. Je n'ai pas de mémoire écrit à vous remettre. J'ai préparé quelques notes très rapidement dont je vais m'inspirer. J'ai appris seulement ce matin que le comité se réunissait, et j'ai demandé au greffier juste avant midi si je pouvais intervenir.

Je m'appelle Kevin O'Reilly et j'habite Yellowknife depuis 11 ans. J'ai occupé des postes dans diverses organisations autochtones, dans des ministères du gouvernement fédéral, des ministères du gouvernement territorial, à la Commission canadienne des affaires polaires et, plus récemment, au Canadian Arctic Resources Committee.

.1710

Le Comité existe depuis environ 25 ans. Nous cherchons à promouvoir la durabilité au sens le plus large dans le Nord, ce qui englobe l'environnement, l'économie et le social. Nous sommes un organisme de défense et de recherche qui compte environ 10 000 membres dans tout le Canada, et nous nous intéressons depuis longtemps à la mise en valeur des mines et des ressources.

Je vais dire quelques mots sur l'information que je vous ai fournie. Premièrement, il y a une brochure générale sur les objectifs du Comité et quelques renseignements sur nos activités. Je vous ai également transmis un exemplaire de notre critique de l'examen environnemental de BHP. Je suis désolé qu'aucun de ces documents ne soit en français.

Il y a également un exemplaire d'un document et d'une lettre de couverture adressés au ministre Irwin sur nos recommandations à propos du projet BHP; copie d'un document de notre directeur général sur le développement durable dans le Nord circumpolaire; une lettre de trois pages adressée à la ministre McLellan qui contient nos commentaires sur un projet de politique nationale relative à l'exploitation des ressources minières au Canada; et enfin, un exemplaire de notre bulletin, Northern Perspectives, qui traite du développement durable dans le Nord.

J'aimerais parler brièvement de la participation du Comité à l'examen de BHP. Je dois dire que nous sommes une des seules organisations non gouvernementales qui ait été présente depuis le début jusqu'aux tous derniers événements. Nous avons proposé que le gouvernement organise un examen environnemental régional portant sur les activités d'exploration et de mise en valeur des ressources minières entre Yellowknife et Coppermine, sur la côte arctique.

Le gouvernement a décidé d'organiser uniquement une évaluation du projet BHP. Nous sommes intervenus aux audiences publiques du début à la fin. J'ai participé à plusieurs présentations et j'ai interrogé le soumissionnaire et bon nombre des organismes gouvernementaux qui ont comparu devant le groupe d'examen environnemental. Plus récemment, j'ai participé à des présentations et posé des questions lors d'audiences de l'Office des eaux.

Le Comité a été associé à un certain nombre d'autres organisations environnementales avant l'examen du projet BHP. Nous avons reçu environ 28 000 à 29 000$ de fonds d'intervention en tant que coalition d'organisations environnementales. Mais finalement, un calcul officieux de notre contribution non financière l'a chiffrée à plus de 200 000$. Lors des audiences du panel d'évaluation environnementale, nous avons fait intervenir des experts qui ont travaillé gratuitement.

J'aimerais dire quelques mots au sujet du projet BHP, car je sais que vous en avez entendu parler aujourd'hui. Ce sera la mine la plus importante jamais exploitée dans les Territoires du Nord-Ouest. Il y aura cinq puits ouverts. Un certain nombre de lacs, 12 au total, seront asséchés et comblés. Cela devrait déclencher d'autres explorations dans les environs de Yellowknife. Actuellement, la compagnie parle d'un projet de 25 ans, mais il y a encore bien d'autres cheminées sur son terrain qu'elle continue d'explorer.

Nous croyons que ce projet comporte des risques environnementaux et socio-économiques graves. Si vous le souhaitez, je serais heureux d'en parler plus longuement.

Qu'avons-nous réellement appris de l'évaluation? Vous avez une copie de la critique que j'ai déjà mentionnée. Nous croyons que le processus d'évaluation environnementale de ce projet a été un échec -

Le président suppléant (M. Serré): Je suis désolé de vous interrompre, mais nous nous éloignons de l'objet et du mandat du comité. Je pense que vous devriez faire votre présentation devant le Comité de l'environnement de la Chambre des communes. Nous nous intéressons au projet BHP, mais notre mandat est d'étudier le développement économique dans le Canada rural. Vous avez parlé des avantages et des inconvénients d'un projet particulier, ce qui nous éloigne du sujet. Si vous le pouvez, j'aimerais que vous nous parliez du développement économique rural.

.1715

M. O'Reilly: Merci.

J'essaie d'utiliser le projet BHP comme une étude de cas peut-être, mais j'aimerais parler un peu des conséquences de ce projet particulier pour le développement économique dans l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. Je sais que vous en avez déjà beaucoup entendu parlé aujourd'hui, mais j'essaie simplement de faire mes observations dans le contexte de ce projet particulier. Alors, si je m'éloigne trop du sujet, rappelez-moi à l'ordre.

On vous a déjà dit qu'il a fallu mettre en place un certain nombre de dispositions supplémentaires pour ce projet, parce qu'on croit que notre réglementation et nos systèmes gouvernementaux ne sont pas suffisants pour le moment devant un développement de ce type. Il existe de meilleurs moyens de traiter des projets comme celui de BHP.

On vous a dit que les gens du Nord veulent contrôler davantage leurs ressources et leur économie; notre Comité soutient cette position depuis longtemps. Pour ce faire, il faut, bien entendu, que la question des revendications territoriales et des droits issus de traités soit réglée rapidement. Malheureusement, cela ne s'est pas produit dans la région où BHP propose de s'établir. Il y a actuellement des revendications territoriales, des règlements et des droits issus de traités conflictuels. Mais en réalité, comme je viens de le dire, il est essentiel que la question des revendications et des droits issus de traités soit réglée rapidement si les gens du Nord veulent contrôler leurs ressources et leur développement économique.

Au cours de l'examen du projet BHP, on a abordé une question qui, je crois, vous concerne directement, c'est le concept de la diversification économique. Je sais que vous le soulignez dans votre document. Mais dans le Nord, le problème, c'est que notre économie n'est pas diversifiée. M. Vaydik en a parlé ce matin. L'exploration minière est la principale activité économique dans cette partie des Territoires du Nord-Ouest.

Le projet BHP, notamment, pêche par l'absence d'une planification stratégique garantissant cette diversification économique. Vous vous rappellerez que l'Alberta s'était dotée d'un fonds du patrimoine pendant les années 1970 et 1980. Cela n'a pas été envisagé dans ce projet ni d'ailleurs dans le cadre des activités qui sont sur le point de démarrer dans la province géologique du lac des Esclaves. C'est une initiative que nous avons fortement préconisée pendant les audiences sur le projet BHP, car il y a là une possibilité d'utiliser le régime fiscal pour créer des revenus destinés à la diversification de l'économie. Malheureusement, nous n'avons pas obtenu de réponse.

Je vais m'arrêter là. Je pense avoir essayé de parler du projet BHP dans le contexte des questions que vous étudiez. Nous aimerions que le Nord ait une économie diversifiée. L'exploration minière a certainement un rôle à jouer à cet égard, mais nous aimerions que les revenus qui sont générés par ces projets servent à appuyer d'autres formes de développement économique.

Merci.

Le président suppléant (M. Serré): Merci, monsieur O'Reilly.

[Français]

Monsieur Asselin, est-ce que vous avez des questions?

M. Asselin: Je voudrais féliciter M. O'Reilly de son intervention. Je pense qu'il faudrait tout simplement relier son court exposé à ce qu'on a entendu pendant toute la journée. Pour ma part, j'ai posé les questions auxquelles je désirais une réponse cet après-midi.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Serré): Monsieur Chatters, vous avez des questions?

M. Chatters: Non.

Le président suppléant (M. Serré): Monsieur Wood.

M. Wood: Vous avez parlé de diversifier l'économie grâce à ce projet. Comment cela? Vous avez été très vague. Peut-être pourriez-vous préciser et nous dire ce que vous pensez lorsque vous parlez de diversification. Sous quelle forme? Vous devez avoir quelques idées.

M. O'Reilly: Certainement. Actuellement, il existe très peu de programmes qui soutiennent directement la récolte des ressources renouvelables - la pêche, la piégeage, la chasse. Il ne serait certainement pas si difficile que cela de récupérer une partie des revenus, non pas de ce projet en particulier, mais du développement des ressources non renouvelables en général, et de la mettre en réserve dans un fonds de diversification, un fonds du patrimoine, comme ce fut le cas en Alberta. Et il ne serait pas difficile d'utiliser une partie de ces fonds pour soutenir d'autres activités de développement économique. Je ne sais pas précisément comment fonctionne le fonds du patrimoine de l'Alberta; de fait, je n'ai pas fait beaucoup de recherches à ce sujet. Mais c'est le genre de mesure que nous proposerions, maintenant que nous sommes sur le point de lancer un grand projet de développement minier dans cette partie des Territoires du Nord-Ouest.

.1720

Les gouvernements fédéral et territoriaux ont les outils nécessaires pour agir. Actuellement, le gouvernement fédéral effectue un examen du régime des redevances minières pour les Territoires du Nord-Ouest. Malheureusement, c'est un examen technique très limité. C'est pourquoi, nous proposons qu'il soit élargi de façon à englober quelque chose comme le Fonds de diversification.

M. Wood: Cela reste donc à l'étape de la planification. Vous n'avez pas décidé si l'on devrait réserver 1 p. 100 ou 0,5 p. 100 -des taxes - ou autre - générées par ces projets. Rien de cela n'a été fait.

M. O'Reilly: Nous n'avons pas fait de recherches détaillées, mais nous allons étudier la question plus à fond. Nous allons probablement préparer un document de travail dans lequel nous décrirons les autres outils que l'on peut utiliser à cette fin, et nous avancerons quelques idées sur les solutions à appliquer dans les Territoires du Nord-Ouest.

M. Wood: Bien, merci.

Le président suppléant (M. Bélair): Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Monsieur O'Reilly, en ce qui concerne la diversification, vous avez dit que vous n'avez encore rien pour le moment. Lorsque vous aurez un document, pourriez-vous le transmettre au comité pour que nous puissions l'utiliser dans notre rapport?

M. O'Reilly: Certainement. Je m'y engage.

Mme Cowling: Très bien.

M. O'Reilly: Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): Y a-t-il d'autres questions, chers collègues? Non? Je vous remercie, M. O'Reilly.

M. O'Reilly: Merci.

Le président suppléant (M. Bélair): Chers collègues, nous avons appelé deux fois aujourd'hui l'autre groupe de témoins. Mais comme ces appels sont restés sans réponse, nous allons lever la séance.

Mais auparavant, je dois vous informer qu'il y a une grosse tempête de neige à Fort McMurray. Le personnel essaie actuellement de savoir exactement si nous pouvons nous y rendre en avion. Sinon, on nous recommandera probablement d'aller jusqu'à Edmonton, d'annuler Fort McMurray et de rejoindre Prince Albert demain après midi. Y a-t-il des questions?

La séance est levée.

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