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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 octobre 1996

.1105

[Traduction]

Le président: Nous avons le plaisir de nous réunir aujourd'hui à Fort McMurray. Conformément à l'article 108(2) du règlement, le Comité des ressources naturelles de la Chambre des communes procède à une étude sur les ressources naturelles et le développement rural.

Comme la plupart d'entre vous le savent, nous avons commencé cette étude au printemps dernier et nous avons eu alors l'occasion d'entendre des témoins à Ottawa. Nous avons jugé important, dans le cadre de cette procédure, d'aller nous déplacer dans les régions rurales du Canada pour parler directement aux gens qui traitent quotidiennement de cette question afin qu'ils nous fassent part de leurs connaissances.

Nous cherchons de manière générale à savoir quelles sont à votre avis les différentes politiques ou les orientations que pourrait suivre le gouvernement fédéral pour promouvoir le développement rural.

Comme je viens de vous le dire, c'est un plaisir pour nous d'être aujourd'hui à Fort McMurray et d'entendre notre premier témoin, Philip Lechambre, de Syncrude.

Monsieur Lechambre, je vous demanderai tout d'abord de nous présenter votre exposé. Je suis sûr qu'ensuite les membres du comité voudront vous poser quelques questions.

Philip Lechambre (chef, Services des finances, vice-président, Affaires commerciales et corporatives, Syncrude): Merci, monsieur le président. Bienvenus à Fort McMurray. Vous faites la connaissance de notre hiver. J'espère que vous n'avez pas été trop effrayé par la tempête de neige à l'aéroport.

Je crois savoir qu'un peu plus tard dans la journée vous allez rendre visite aux installations de Syncrude et je m'abstiendrai donc ce matin de vous décrire en détail notre exploitation. Vous aurez tout à fait l'occasion de vous rendre compte par vous-mêmes. Je crois comprendre aussi que le maire de Wood Buffalo va faire quelques commentaires en ce qui a trait à la collaboration entre les différents intervenants dans la région.

Plus précisément, je vais vous montrer pour quelles raisons à notre avis l'industrie des sables bitumineux de notre région semble être un modèle de développement rural axé sur la collaboration pour le plus grand bien de tous les intervenants. Je ferai ensuite un certain nombre de commentaires et de recommandations.

Pour vous donner une idée de ce que représente notre entreprise - et vous le trouverez dans la brochure que nous vous avons distribuée - je dirai que les retombées économiques de notre exploitation sont assez significatives pour notre région, sans parler des autres régions du Canada.

Nous produisons quelque 75 millions de barils de pétrole brut, soit 12 p. 100 de l'offre canadienne. À l'heure actuelle, notre budget d'équipement et d'exploitation est d'environ 1,2 milliard de dollars par an et, sur cette somme, 275 millions de dollars correspondent à notre liste de paie locale, dont 100 millions de dollars sont versés à titre d'impôts sur la masse salariale. Les redevances que nous versons à la province se sont élevées en moyenne à 150 millions de dollars par an au cours des cinq dernières années et elles ont été encore plus élevées en dernier lieu. Les impôts fédéraux et provinciaux sur le revenu des sociétés se sont élevés en moyenne à 100 millions de dollars. Voilà qui vous donne une idée du montant des recettes qu'en retirent les gouvernements.

Cette année, nous venons de lancer la première tranche de 500 millions de dollars sur les deux milliards de dollars de notre programme Syncrude 21, qui est un programme d'expansion de notre capacité de production dans cette région.

Vous avez certainement dû voir, en lisant les articles de journaux, que des projets d'exploitation des sables bitumineux d'un montant de six milliards de dollars, soit ont été annoncés, soit sont en cours de construction, soit en sont au stade de la conception technique. J'ai présenté un résumé de ces projets dans la documentation que vous avez devant vous.

Du point de vue du développement local, il est clair que nous sommes en faveur d'une économie locale forte. D'ailleurs, le siège social de Syncrude Canada est situé à Fort McMurray.

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Nous nous sommes aussi engagés à assurer le développement des entreprises locales et autochtones et nous incitons tous nos sous-traitants et tous nos fournisseurs à en faire de même. Pour vous donner simplement une idée, 31 p. 100 de notre budget d'exploitation en 1995 - soit 188 millions de dollars - est allé à des entreprises locales. Nous travaillons avec environ 300 d'entre elles. Entre 20 et 30 de ces 300 entreprises sont des entreprises autochtones avec lesquelles nous avons passé des contrats à un moment ou à un autre.

Le tableau de la page 4 est assez chargé et très détaillé, mais je pense qu'il est bon d'y consacrer quelques minutes. Il devrait véritablement vous permettre de vous faire une meilleure idée des répercussions économiques globales.

Nous employons directement un effectif de quelque 3 600 personnes. Toutes habitent Fort McMurray, à l'exception de quelque 90 d'entre elles qui se trouvent dans notre centre de recherche d'Edmonton. Le salaire annuel moyen de nos employés est de plus de 60 000$ par an. Cela s'explique par le fait que notre exploitation relève de la haute technologie et fait appel à un personnel très qualifié. Nos employés étant tenus d'exécuter différentes tâches, ils sont polyvalents et formés à plusieurs métiers. Nous nous attendons fortement à ce qu'ils fassent de la formation permanente et à ce qu'ils continuent à apprendre sur le lieu de leur emploi et, compte tenu du fait que leurs qualifications sont très demandées sur le marché, ils bénéficient de salaires élevés, ce qui là encore représente une bonne contribution pour l'économie locale.

L'équivalent en effectif représenté par nos sous-traitants fait monter le total à environ 4 600 personnes. Nous avons un millier de sous-traitants supplémentaires qui travaillent sur place à un moment donné. Donc, lorsqu'on tient compte à la fois des retombées directes et indirectes, nous procurons chaque année quelque 13 600 emplois dans l'ensemble du pays. Depuis le début de notre exploitation, nous avons fourni 270 000 années-personnes d'emploi.

En raison de l'importance que nous accordons à la formation professionnelle, nous consacrons chaque année entre cinq et sept pour cent de notre masse salariale à l'éducation et à la formation. Notre technique elle-même évolue, elle modifie la nature des emplois et la configuration de nos installations. C'est là aussi une caractéristique très importante de notre entreprise.

Nous pouvons voir à la page 5 que nous avons plus de 600 femmes dans notre effectif. Cela représente environ 16 p. 100 de nos employés, et 400 d'entre elles sont dans des corps de métier non traditionnels. Vous verrez, lors de votre visite de cet après-midi, qu'environ un quart de nos opérateurs de machinerie lourde sont des femmes et que par conséquent une bonne part des femmes qui font partie de nos effectifs travaillent dans les secteurs de la machinerie lourde, de l'exploitation et de l'entretien.

C'est la même chose pour nos employés autochtones. Directement, et en comptant nos sous-traitants, nous employons plus de 600 Autochtones. Cela fait de nous le principal employeur d'Autochtones du secteur privé au Canada, et ce chiffre représente quelque 13 p. 100 de nos effectifs. L'année dernière, nous avons dépensé 55 millions de dollars dans le cadre des contrats passés avec des entreprises autochtones et (ou) en salaires et en avantages sociaux versés aux employés autochtones, ce qui fait que nous apportons une contribution significative à l'économie des collectivités autochtones de la région. Dans la région de Wood Buffalo, nous travaillons avec 11 groupes autochtones différents - cinq groupes d'Indiens inscrits et six groupes métis - et par conséquent nous nous efforçons surtout auprès des groupements autochtones de favoriser le développement communautaire, de faire progresser l'emploi et de mettre en place de solides entreprises dans chacune des collectivités pour qu'elles puissent devenir autosuffisantes à long terme.

Nous avons développé au fil des années un certain nombre de partenariats en matière d'éducation. Le plus récent et le plus significatif d'entre eux s'intitule Carrières - Les prochaines générations. C'est un programme qui a été mis sur pied par l'intermédiaire de la Chambre d'exploitation des ressources de l'Alberta. Nous nous efforçons ici de créer des postes et d'éveiller l'intérêt pour la formation technique et les métiers spécialisés dans notre province, surtout compte tenu du fait qu'il y a de nombreux projets de mise en valeur des ressources qui sont en cours au Canada, notamment en Alberta. Il y aura une pénurie de gens de métier dans un proche avenir et nous jugeons important de favoriser la formation dans ce secteur, surtout lorsqu'on connaît la situation difficile des jeunes et le risque de montée du chômage si l'on ne fait rien dans le domaine de l'éducation.

Nous avons en quelque sorte un programme en trois étapes. On commence en 7e année avec des simulations d'emploi et des partenariats qui nous mettent en contact avec les écoles secondaires locales. Le but est d'intéresser les élèves à la formation spécialisée, à la technologie et aux sciences. On passe ensuite au niveau des écoles secondaires au programme d'apprentissage agréé que nous avons élaboré en collaboration avec le ministère de l'Éducation de l'Alberta. Ce programme s'adresse aux élèves de 10e à 12e années qui s'intéressent aux métiers spécialisés, et ces derniers acquièrent effectivement une expérience professionnelle dans nos locaux, de sorte qu'ils possèdent, à la sortie de l'école secondaire, l'équivalent d'une première année d'apprentissage dans un métier spécialisé.

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Nous poursuivons ensuite l'opération au niveau du Collège Keyano avec le programme d'apprentissage coopératif dans les métiers spécialisés, qui est lui encore tout à fait original. C'est un programme qui vient d'être mis au point et qui donne aux élèves de l'école secondaire un emploi dans les entreprises locales après leur sortie de l'école sans qu'ils soient astreints à faire un métier en particulier qui leur assure un emploi au bout du compte. Ces élèves sont en mesure de travailler pendant les trois années qui suivent puis, au bout du compte, ils obtiennent leur certificat de spécialisation dès leur sortie de l'école secondaire.

Voici donc les trois volets importants de la promotion des métiers spécialisés.

Nous avons aussi un certain nombre d'autres partenariats avec le Collège Keyano. Le Centre de formation industrielle du Collège Keyano a été ouvert ces dernières années et c'est là que se trouve notre centre de formation de l'entreprise Syncrude. Il y a aussi le département de formation commerciale du collège, l'Athabasca University ainsi qu'un centre de formation en informatique qui s'y trouvent eux aussi. C'est un programme de collaboration entre la région, l'industrie et l'établissement d'enseignement qui a deux ans d'âge et qui nous a permis d'obtenir d'excellents résultats.

On voit maintenant à la page 7 qu'à l'intérieur de ce centre nous nous sommes dotés d'un centre de communication en collaboration avec Keyano et Telus Corporation. Nous avons mis en commun nos ressources et nos compétences et nous les mettons sur le plan local à la disposition, non seulement de l'industrie ou du collège, mais aussi à tout groupement communautaire ou régional qui souhaite tenir des réunions par vidéoconférence. Cela nous a aidé à réduire nos coûts d'organisation et à renforcer l'efficacité des réunions.

Nous avons aussi apporté une contribution très importante à la collectivité sur le plan de l'environnement en améliorant en permanence nos résultats dans ce domaine. C'est très visible et c'est un objectif important, pour nous et pour d'autres intervenants dans la région. Ainsi, nous avons affirmé notre soutien au programme volontaire de lutte contre le changement climatique, qui s'efforce de stabiliser en l'an 2000 les émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990. Nous sommes l'un des tout premiers signataires de ce programme et nous avons déposé notre deuxième plan d'intervention. Nous nous y engageons à réduire en 2001 nos émissions de CO2 de 23 p. 100 par unité de production. Nous allons investir plus d'un milliard de dollars au cours des sept prochaines années dans des équipements techniques de la prochaine génération, qui ont un rendement énergétique de 50 p. 100 supérieur à celui que vous verrez fonctionner aujourd'hui dans notre usine. On en retirera donc des avantages à la fois sur le plan écologique et sur le plan économique.

Nous avons d'autres projets de collaboration en cours, ainsi le projet pilote de la communauté autochtone de Fort McKay concernant les bisons des bois. Nous avons élevé des bisons des bois sur des terrains miniers réaménagés - vous le verrez lors de votre visite cet après-midi - et nous avons désormais 120 têtes de bétail, dont une grande partie est née sur le site. Vous verrez que ces animaux se sentent tout à fait comme chez eux dans leur habitat naturel. Nous espérons pouvoir transformer dans quelques années ce projet en une exploitation commerciale possédée et exploitée entièrement par la communauté autochtone.

Nous avons collaboré avec la municipalité régionale dans d'autres secteurs de l'écologie. Ainsi, nous procédons à une étude de santé pour l'ensemble de la région pour ce qui est des effets des gaz dégagés dans l'atmosphère par les usines. Il s'agit d'une collaboration fédérale-provinciale-locale à laquelle participent l'industrie ainsi que tous les ministères de la Santé aux trois niveaux. Ce sera une étude de pointe des effets que peuvent avoir éventuellement les émissions de gaz dans notre région et des mesures complémentaires que l'on pourrait éventuellement prendre.

Le comité de coordination de la qualité de l'air dans la région, qui se penche sur les questions de qualité de l'atmosphère dans la région, est une autre des grandes activités menées au plan local. Pour vous donner une petite idée des progrès que nous continuons à faire dans ce domaine, sachez que Syncrude et Suncor ont à eux deux réduit des deux tiers les émissions de SO2 dans notre région par rapport à ce qu'elles étaient antérieurement, tout en augmentant de 60 p. 100 leur production au cours de la même période. Voilà le genre d'engagement que nous prenons pour l'avenir.

Cela m'amène à vous faire un certain nombre de recommandations concernant ce que pourrait faire le gouvernement fédéral pour appuyer le développement rural, la première d'entre elles étant de poursuivre la mise en application des recommandations du groupe d'étude national sur les sables bitumineux. À ce propos, je tiens à remercier tous les députés et tous les partis du soutien qu'ils nous ont accordé, ainsi que la ministre Anne McLellan pour l'appui qu'elle a apporté au groupe d'étude sur les sables bitumineux, notamment dans le domaine de la fiscalité - ce qui a mis tous les intervenants de l'industrie sur un pied d'égalité et a apporté une certaine stabilité dans ce secteur.

Il y a aussi l'engagement pris par les gouvernements fédéral et provincial pour supprimer les règlements faisant double emploi entre les deux paliers de gouvernement. Ce sont là deux éléments déterminants pour la croissance de l'industrie. Nous vous incitons à maintenir en place cette fiscalité, qui offre une certaine stabilité à long terme, parce que c'est ce qui explique l'annonce de nouveaux investissements.

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L'annonce récente de l'étude visant à équilibrer les règles du jeu pour l'ensemble de la fiscalité est la seule chose qui nous préoccupe dans ce domaine. Nous aimerions que l'on s'assure du bien-fondé et de la justesse de cette analyse en tenant compte des perspectives à long terme des projets d'exploitation des sables bitumineux et des énormes investissements que réclament au départ nos projets. Il va falloir mettre en place d'énormes équipements. Cela représente des centaines de millions et même des milliards de dollars qui ne procurent un rendement qu'à très long terme. Notre fiscalité actuelle en tient compte et nous espérons qu'on ne l'oubliera pas lors des révisions futures.

Telle qu'elle est structurée à l'heure actuelle, notre fiscalité encourage par ailleurs les investissements dans tous les projets écologiques et il est tout aussi important qu'à l'avenir on favorise les projets qui débouchent sur des améliorations sur le plan de l'environnement et du rendement énergétique. C'est le cas à l'heure actuelle et nous n'aimerions pas que l'on perde cet avantage.

Il y a un autre domaine dans lequel le gouvernement fédéral peut apporter son appui, c'est au niveau des partenariats avec les établissements d'enseignement locaux et provinciaux, notamment pour ce qui est de la fourniture des programmes locaux. J'en ai mentionné quelques-uns dans mon exposé. Nous considérons cependant qu'il est important de favoriser la formation permanente de la totalité de nos effectifs, et non pas simplement des 30 p. 100 qui ont un diplôme universitaire, mais celle de l'ensemble de notre personnel, surtout le personnel technique et spécialisé. Il faut donc s'assurer entre autres qu'il y ait une main-d'oeuvre qualifiée et mobile au Canada étant donné le nombre de projets en cours dans les ressources naturelles. Dans la seule province de l'Alberta, s'ajoutent aux sables bitumineux d'autres projets pétrochimiques, sylvicoles et agricoles auxquels on a donné le feu vert et qui vont se monter à 17 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. Voilà qui va donc accroître encore la demande dans le secteur de l'enseignement spécialisé, technique et scientifique de notre pays.

Nous considérons que le maintien de l'appui accordé par Ressources humaines Canada est important dans ce domaine. Ce ministère participe au programme Carrières - Les prochaines générations. Il siège au comité directeur. Nous aimerions évidemment que ça se poursuive. Des propositions sont avancées pour savoir quelle infrastructure il faudrait mettre en place pour appuyer tout cela. L'industrie s'engage à fournir des emplois et nous injectons des millions de dollars dans ce programme. Nous considérons qu'il faut que les deux paliers de gouvernement s'assurent que les filières d'enseignement et que les programmes de soutien à la formation sont bien là pour que tout se passe harmonieusement.

Il convient aussi, à notre avis, de familiariser davantage tous nos employés avec la vie de l'entreprise. C'est une tâche que nous avons entreprise chez nous pour aider nos employés à mieux comprendre les notions de frais d'exploitation, de pertes et de profit, et de marge d'autofinancement. Il est important pour toutes les entreprises, petites et grandes, que les gens comprennent mieux cela, parce que c'est dans la mesure où les entreprises seront prospères que l'on pourra faire progresser l'emploi et assurer la croissance des économies nationales et provinciales, ce qui entraînera, bien entendu, une augmentation correspondante des recettes fiscales.

Enfin, il faut à notre avis que le gouvernement fédéral fasse diligence pour résoudre les revendications territoriales autochtones, dont un certain nombre se trouvent dans notre région. Ainsi, il y a une revendication en cours à Fort McKay depuis un certain nombre d'années. Il convient de régler le problème. La mise en place de projets harmonieux et bien conçus dans le secteur des sables bitumineux ainsi que dans l'ensemble de notre région en sera facilitée.

Je vais ajouter un mot au sujet des programmes d'infrastructure, qui ne figurent pas à la page 9. Nous considérons que ces programmes devraient être axés très précisément sur des objectifs bien déterminés tels que projets de développement économique ou programmes d'éducation. S'il me fallait prendre un ou deux exemples dans notre région, compte tenu de tous les projets de mise en valeur des sables bitumineux qui sont prévus, je dirai tout d'abord que nous aurons besoin de réparer nos routes et d'en construire d'autres. Il s'agirait là cependant d'un programme d'infrastructure bien ciblé qui tiendrait compte des priorités de développement économique de la région et non simplement de l'existence de fonds disponibles.

De même, dans le secteur de l'enseignement, autre élément essentiel dont j'ai beaucoup parlé, il faut aussi mettre en place des infrastructures pour appuyer les programmes d'enseignement. L'infrastructure de la connaissance, si vous me passez l'expression, tout ce qui a trait aux installations de vidéoconférence, le branchement en réseaux des ordinateurs personnels, les logiciels, toutes ces choses ont une grande importance pour la fourniture actuelle des programmes locaux. Nous avons fait un certain nombre de choses dans notre région pour appuyer ce secteur et nous estimons que nous continuerons à avoir besoin à l'avenir de l'appui des deux paliers de gouvernement.

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Pour conclure, nous considérons que la compétitivité du Canada et son niveau de vie dépendent en dernière analyse de sa capacité à procurer de l'emploi et des possibilités d'éducation à l'ensemble des Canadiens. Nous avons beaucoup de chance dans notre région parce que nous disposons de la ressource des sables bitumineux. Des changements de politique récents ont favorisé la mise en valeur de cette ressource. Nous avons les techniques, les gens et les compétences nécessaires pour que tous ces projets voient le jour.

Les programmes d'investissement que nous avons prévus vont procurer d'importantes retombées sociales et économiques. Si l'on travaille davantage dans les domaines de l'enseignement et de la formation et si l'on s'attache à renforcer l'infrastructure, nous estimons que notre région aura toutes les chances de progresser et d'assurer son développement rural.

Voilà qui met fin à mon exposé.

Le président: Merci, nous avons apprécié votre exposé. Je donne la parole à M. Asselin, qui va vous poser quelques questions.

[Français]

M. Asselin (Charlevoix): D'abord, je vous souhaite la bienvenue au comité et vous remercie de l'excellent exposé que vous avez fait sur la formation de la main-d'oeuvre. Vous êtes un employeur très important au développement rural de cette région.

Votre entreprise a sûrement une politique d'embauche. Je voudrais que vous m'expliquiez si vous avez des critères au niveau du recrutement du personnel. Vous dites que vous employez un certain pourcentage d'autochtones et également de femmes qui exercent des métiers non traditionnels, entre autres des opérateurs. J'aimerais savoir si, chez vous, vous vous êtes dotés d'une politique interne de recrutement et de formation du personnel ou si vous recherchez du personnel qui est déjà qualifié et expérimenté.

En terminant, j'aimerais savoir le montant que l'entreprise investit annuellement pour former sa propre main-d'oeuvre.

[Traduction]

M. Lechambre: Sur le plan de l'embauche, notre politique consiste à la base à engager la personne la mieux qualifiée pour faire le travail. De plus, dans le cadre de notre programme autochtone, nous avons ciblé des secteurs très précis de formation et de perfectionnement des Autochtones et nous avons collaboré avec les communautés à la recherche d'employés potentiels.

Nous avons appuyé certains programmes d'enseignement en accordant des bourses visant, par exemple, à obtenir une scolarité équivalant à la 12e année; en collaborant par exemple avec le Collège Keyano - qui a mis à la disposition des communautés autochtones des programmes d'équivalence dont ces dernières ont pu tirer parti. Dans le secteur autochtone, nous avons des objectifs précis que nous essayons de réaliser chaque année.

Notre but est en fin de compte de faire en sorte que le pourcentage d'employés qui travaillent à Syncrude soit représentatif du pourcentage d'Autochtones de la région, ce qui est probablement de l'ordre de 13 p. 100. Lorsqu'un employé autochtone quitte Syncrude, notre politique est de le remplacer par un Autochtone. De plus, nous continuerons à mettre en oeuvre des programmes d'embauche et de sensibilisation jusqu'à ce que nous soyons parvenus à un pourcentage de 13 à 14 p. 100 de nos effectifs, et nous espérons qu'à ce moment-là l'embauche pourra reprendre son cours normal.

Dans les autres secteurs de l'entreprise, y compris en ce qui a trait aux femmes qui suivent des carrières non traditionnelles, la concurrence se fait en fonction du mérite et l'on engage l'employé le mieux qualifié.

Dans le secteur de l'enseignement et de la formation, nous consacrons entre cinq et sept pour cent de notre masse salariale à la formation, à l'enseignement et au perfectionnement sur le lieu de l'emploi. Un pourcentage de sept pour cent représente un montant de l'ordre de 18 millions de dollars. C'est bien plus élevé que la moyenne nationale qui, je crois, continue à se situer autour de deux pour cent pour l'ensemble de l'industrie au Canada, même si une étude récente du BCNI a révélé, il me semble, que l'on approchait des quatre pour cent pour l'ensemble des entreprises ayant fait l'objet de son enquête.

J'espère que j'ai répondu à toutes vos questions.

[Français]

M. Asselin: Très bien.

[Traduction]

Le président: Monsieur Serré.

M. Serré (Timiskaming - French River): Merci, monsieur le président.

Laissez-moi tout d'abord vous féliciter de votre exposé et du travail que vous avez réalisé jusqu'à présent. Je suis très impressionné par les résultats que vous avez obtenus pour ce qui est de faire participer la collectivité, de mettre en oeuvre des partenariats avec les différents intervenants, d'assurer la formation de la main-d'oeuvre, etc.

Je viens d'une circonscription rurale, et comme j'ai vu de nombreuses villes dominées par une seule industrie mettre la clé sur la porte et disparaître complètement, il me semble que le problème auquel nous faisons face c'est qu'une fois que ces projets ne sont plus là on se retrouve avec une collectivité qui se meurt. On a proposé de faire éventuellement ce que l'on a fait en Alberta avec le fonds du patrimoine.

Tout d'abord, est-ce que votre entreprise fait quelque chose pour diversifier l'économie? En second lieu, que proposez-vous pour garantir qu'une fois que ce projet aura cessé d'exister, dans 20, 25, 30 ans ou quelque chose comme ça, on continuera à avoir une collectivité florissante dans la région?

.1130

M. Lechambre: Pour ce qui est de la longévité de notre projet, les réserves qui se trouvent sur place sont suffisantes pour assurer la production de pétrole brut canadien pendant 400 ans. Donc, dans la mesure où il y aura encore une demande de pétrole brut et de ses dérivés, nous serons là. C'est l'un des avantages de cette région.

Si l'on tient compte simplement des concessions que possède actuellement notre entreprise, nous avons pour plus de 80 années d'approvisionnement et nous pouvons prolonger ce délai en mettant en valeur d'autres concessions que nous ne détenons pas à l'heure actuelle. Il en est de même pour les autres entreprises de la région. Il s'agit donc de perspectives à très long terme.

Outre le pétrole et les sables bitumineux, il est possible d'extraire certains minéraux - titane, zirconium et même certaines quantités d'or. Il y a un certain nombre de sociétés minières qui s'y intéressent à l'heure actuelle. Il y aurait là un potentiel de retombées industrielles pour la région. Il n'y a pour l'instant aucun projet commercial, mais il se fait à l'heure actuelle de nombreux travaux d'exploration.

Notre entreprise ne fait rien précisément en dehors de ces deux secteurs, parce que son champ d'activité est le pétrole, et éventuellement les minéraux à long terme.

Il y a une autre partie de votre question que j'ai oubliée.

M. Serré: Ce n'est peut-être pas propre à votre entreprise, mais de manière générale, avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions faire en sorte que les villes dominées par une seule industrie dans les régions rurales du Canada poursuivent leur développement économique une fois qu'un projet ou qu'une mine en particulier ont cessé d'exister?

M. Lechambre: Il y a aussi un certain nombre d'aménagements forestiers dans notre région et une partie du travail de remise en état de nos secteurs miniers consiste à les reboiser en bois d'oeuvre de qualité commerciale. C'est là une autre possibilité de développement à long terme, une fois que nous aurons fini d'extraire le pétrole du sable, et vous verrez certains travaux de remise en état de ce type lors de votre visite.

En passant, sachez que quelque 4 000 personnes viennent visiter chaque année nos installations. Le tourisme est le deuxième secteur d'activité de notre entreprise, en fait. Le tourisme s'est véritablement développé dans notre région.

Quant au projet concernant les bisons, l'élevage commercial des bisons ou d'autres têtes de bétail semble très prometteur et il y a là aussi une possibilité de développement économique.

Étant donné les perspectives à long terme qu'offrent les sables bitumineux et l'existence de ces autres projets susceptibles d'être mis en oeuvre par l'industrie, je pense que notre région sera en bonne posture pendant longtemps.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Monsieur le président, étant donné que nous manquons de temps, je vais remettre ma question à plus tard et je la poserai lors de notre visite. Je tiens simplement à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui; ce fut très intéressant.

Le président: Merci. En ma qualité de président, je vais toutefois dépasser le temps qui nous est imparti et poser rapidement une question.

Vous avez parlé du programme d'infrastructure et vous avez fait observer qu'il fallait qu'il soit davantage axé sur les besoins. Je me demande si votre entreprise accepterait d'être associé à un programme d'infrastructure?

M. Lechambre: J'imagine que tout dépendrait du programme, évidemment, mais dans le secteur de l'enseignement, par exemple, nous participons déjà. Nous avons consacré d'importantes ressources en argent et en personnel au programme Carrières - Les prochaines générations, au centre de formation de l'industrie et à la mise en place de certains cours dans le secteur de l'enseignement. Nous avons déjà consacré des millions de dollars à ce genre de choses parce que nous considérons que le rôle de l'industrie est de venir à la table de négociation, d'offrir des possibilités d'emploi et de verser une partie de ces fonds dès le départ. Parallèlement, nous versons des sommes non négligeables au titre des redevances et des impôts, tant au niveau fédéral que provincial, dont une partie devrait être consacrée à toutes ces choses. Il doit donc y avoir un certain équilibre en la matière, mais effectivement, si un programme était axé sur des objectifs précis et s'il répondait aux besoins de notre industrie, nous serions prêts à y participer.

Le président: Très bien. Je vous remercie. Nous attendons avec impatience de visiter vos installations cet après-midi et nous avons apprécié votre témoignage. Il était très détaillé et a été très bien compris. Je vous remercie.

M. Lechambre: Merci.

Le président: Nous allons maintenant entendre notre deuxième témoin, son honneur le maire Guy Boutillier de la Municipalité régionale de Wood Buffalo.

M. Guy Boutillier (maire de la Municipalité régionale de Wood Buffalo): Merci. J'ai aussi à mes côtés ce matin Jim Carberry, maire adjoint.

Le président: Merci. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Boutillier: Merci, et bienvenue dans notre municipalité. Je vous remercie de nous avoir amené ce temps magnifique. Je peux quand même vous dire qu'il faisait 25o Celsius la veille de votre arrivée et que nous avons joué au golf.

Le président: Je vous crois sur parole.

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M. Boutillier: Il ne faut pas oublier que ça vient d'un politicien.

Des voix: Oh, oh!

M. Boutillier: C'est en fait avec plaisir que le maire adjoint et moi-même sommes venus représenter ici les 10 conseillers de la municipalité régionale laquelle, vous ne le savez peut-être pas, est la plus étendue en Amérique du Nord puisqu'elle couvre près de 70 000 kilomètres carrés.

Nous sommes venus ici vous parler de ce que nous avons fait, du point où nous en sommes et des buts que nous nous sommes fixés. Nous avons un certain nombre de recommandations à faire à votre comité en tenant compte de notre expérience passée et de ce que nous pouvons faire pour l'avenir.

Je laisserai à votre comité un état des perspectives économiques de notre collectivité et de notre région pour qu'il puisse le consulter.

Notre municipalité régionale est étendue et diversifiée. Elle a été créée il y a de nombreuses années et elle regroupe 11 localités de la région. L'une des plus vieilles de l'Alberta, celle de Fort Chipewyan, fait partie de la municipalité régionale. J'ai entendu dire qu'un plus tard dans la matinée, Lawrence Courtoreille, qui est aussi membre du conseil régional, va lui aussi présenter un exposé.

Regardez autour de vous, vous verrez toute la diversité que l'on retrouve dans notre région, les collectivités et l'industrie travaillant de concert. Nous sommes très fiers des partenariats que nous avons constitués avec l'industrie. Je tiens à signaler en particulier deux entreprises, Syncrude Canada et Suncor, pour la qualité du travail qu'elles ont réalisé au sein de leurs collectivités en contribuant au développement de cette région et en faisant participer à la fois les collectivités urbaines et rurales.

L'une des questions qui nous paraissent la plus importante pour l'avenir, à mesure que l'industrie va poursuivre son développement en faisant participer la collectivité, c'est qu'il faudra absolument continuer à développer des partenariats avec le gouvernement et l'industrie ainsi qu'avec d'autres établissements tels que les universités et les collèges.

Des travaux ont été faits dans ce sens parce que nous considérons à la base qu'à mesure que nous avancerons sur la voie de la prospérité économique et régionale, l'un des éléments clés et le fondement de notre succès à l'avenir sera la formation de notre population. Que ce soit dans cette zone urbaine ou dans les campagnes, nous avons fait un certain nombre d'expériences différentes.

Nous appuyons résolument et nous apprécions tout particulièrement l'excellent travail réalisé par Syncrude Canada, ses associés dans le domaine de l'enseignement ainsi que Suncor, pour essayer de tirer parti des perspectives offertes par l'avenir. Une fois que nous connaîtrons toutes les possibilités offertes, nous pourrons commencer à mettre en place une formation pour l'avenir en sachant quelles sont les qualifications dont on a besoin.

Je considère qu'il faut que les gouvernements, les entreprises et les milieux universitaires continuent à renforcer leur partenariat. Il faut aussi que ce partenariat ait lieu aux trois paliers de gouvernement: fédéral, provincial et régional-municipal.

Le maire adjoint, M. Carberry, va maintenant vous dire quelques mots au sujet d'un certain nombre de partenariats que nous continuons à renforcer.

M. Jim Carberry (maire adjoint de la Municipalité régionale de Wood Buffalo): Comme vous l'a indiqué le maire, notre conseil est composé à la fois d'Autochtones et de non-Autochtones qui travaillent ensemble et qui font de leur mieux pour s'assurer que la population est représentée. Nous essayons de nous doter de capacités dans les zones périphériques afin que les gens qui y habitent aient la possibilité de prendre part utilement aux projets en cours. C'est très important pour nous.

Dans l'Edmonton Journal de ce matin, il y avait un article sur le fossé qui s'élargit entre les nantis et les démunis. À Fort McMurray, la population est assez riche. Dans les zones périphériques, il n'y a pas autant de richesses ni autant de services.

Nous en sommes bien conscients et c'est pourquoi, comme l'a signalé le maire, nous nous efforçons de faire tout notre possible avec les autres intervenants de la région - et vous entendrez le témoignage de certains d'entre eux - pour continuer à accroître notre capacité dans les zones périphériques afin que ces gens ne restent pas à la traîne.

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M. Boutillier: Toujours sur ce même point, je pense qu'il faut constituer des partenariats avec les autres paliers de gouvernement et nous efforcer ensemble d'améliorer certaines choses comme les moyens de transport ou les infrastructures. Le programme d'infrastructure lancé par le gouvernement fédéral a eu une influence très positive dans notre région en permettant au gouvernement fédéral, aux provinces et aux collectivités d'apporter leur contribution dans ce secteur. Je dois ajouter que de nombreuses participations communautaires ont été lancées non seulement à l'initiative du secteur du financement municipal, mais aussi des groupes communautaires, qui ont bien voulu investir du temps et de l'énergie dans des projets bien déterminés. Nous sommes très satisfaits de cette démarche et nous appuierons résolument, bien entendu, tout ce qui pourra être fait dans ce sens à l'avenir - et plus particulièrement dans les collectivités rurales, dois-je ajouter.

Le conseil régional accorde une grande priorité à l'infrastructure des collectivités rurales. Pensez que dans cette région on peut habiter une maison qui vaut un demi-million de dollars alors que pas plus de cinq ou dix kilomètres plus loin, il y a des maisons qui ne bénéficient toujours pas en fait des services essentiels comme l'adduction d'eau ou le tout-à-l'égout. Il y a un an et demi, le conseil régional s'est engagé à faire en sorte que tout le monde bénéficie des services essentiels de base, quelle que soit la région où l'on habite. Dans notre région, c'est un engagement que nous allons certainement respecter, et nous en sommes très fiers. Nous pensons que le programme d'infrastructure, qui permet de constituer des partenariats avec divers secteurs - provincial, fédéral et industriel selon les besoins - va profiter à la fois à la collectivité et à la région et nous appuyons ce genre d'initiative.

Ce que veut aujourd'hui la municipalité, c'est que l'on continue à insister sur l'importance de l'infrastructure, tout particulièrement dans les localités rurales. Il reste de toute évidence des disparités économiques au détriment des localités rurales mais, comme l'un des chefs l'a mentionné par le passé, je dirai que si Fort McMurray se porte bien, les localités rurales se porteront bien elles aussi car elles bénéficieront de ces retombées économiques.

Nous voulons nous efforcer de donner aux gens la possibilité de travailler grâce à leur formation et de relever les défis qui se présentent dans la région. Lors du prochain millénaire, nous pensons que c'est la formation de nos jeunes qui va ouvrir de nouveaux débouchés. Il s'agit alors de savoir si notre population urbaine et rurale va avoir une formation, des qualifications et une expérience suffisante pour pouvoir saisir ces possibilités. C'est cela qui nous intéresse. Nous considérons que grâce aux partenariats avec Syncrude et à la collaboration avec les établissements d'enseignement et les groupements communautaires, nous pourrons jouer un rôle très important au tournant du siècle.

Pour vous donner rapidement quelques détails, nous avons ici une rivière tout à fait navigable qui s'appelle la rivière Athabasca. Elle se dirige vers le Nord, bien entendu, et elle traverse tous les Territoires du Nord-Ouest. Elle est considérée comme la principale route, si je peux m'exprimer ainsi, qui raccorde les 11 localités de la région, qui s'étend jusqu'à Fort Chipewyan et Fitzgerald.

Ce dont nous avons peur, si l'on réduit les crédits disponibles, c'est que l'on ne puisse pas continuer à draguer la rivière Athabasca et que notre voie d'eau doive être fermée. Que peuvent penser les habitants d'une localité lorsque leur maire apprend que la voie qui les raccorde avec l'extérieur va être fermée et que les 1,5 million à 2 millions de dollars qui ont été dépensés au cours des 20 années précédentes ne seront plus là? D'ailleurs, c'est là tout simplement l'un des résultats de la politique du gouvernement, qui se dégage de ses responsabilités en décentralisant.

Cette voie, à notre avis, ne relève pas simplement des responsabilités de la municipalité. Nous prenons très au sérieux notre responsabilité lorsqu'il s'agit de raccorder les 11 localités de notre municipalité régionale, mais fermer cette voie? Elle nous apparaît comme étant une voie importante lorsqu'on se préoccupe de la sécurité des voyages sur la rivière Athabasca.

J'ajouterai aussi - et notre maire adjoint pourra peut-être vous en dire un mot - que la route d'hiver n'est qu'un mode de transport saisonnier.

M. Carberry: Merci, monsieur le maire.

Tout d'abord, sur la question du dragage, la municipalité - ainsi que les chefs - ont effectivement rencontré l'honorable David Anderson à Ottawa il y a six semaines. Nous lui avons bien fait savoir, et il en a convenu, qu'il n'y avait pas eu de consultation au sujet de la suppression du dragage. On nous a simplement communiqué la décision. Nous lui avons dit que nous comprenons la nécessité des compressions budgétaires, mais que nous nous attendions à être consultés et que nous aimerions avoir une réponse au sujet de certaines propositions que nous avons faites.

Jusqu'à présent, soit six semaines plus tard, nous n'avons pas encore reçu de réponse. Nous aimerions avoir une réponse pour que nous puissions planifier l'avenir. Si le tourisme prend véritablement son essor dans le Nord et s'il doit aider les localités, notamment celles de Fort McKay et de Fort Chipewyan, cette rivière revêt une grande importance. On n'a pas encore renoncé au tourisme dans cette région. Les gens peuvent véritablement le développer, mais ils ont besoin pour cela de la rivière et de la possibilité de la maintenir en état.

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Quant à la route d'hiver, elle a été tracée au départ par les habitants de Fort Chipewyan il y a une dizaine d'années. Ils l'ont fait de leur propre chef, sans aide gouvernementale. Ils ont payé un bouteur, ils ont obtenu l'autorisation des trappeurs et ils ont construit la route. Voilà qui témoigne de la valeur qu'ils lui accordent. Aujourd'hui, il en coûte à cette municipalité quelque 600 000$ par an pour la maintenir simplement ouverte pendant les quatre ou cinq mois d'hiver afin de permettre aux habitants d'aller faire leurs courses, de dépenser leur argent à Fort McMurray, de payer des prix raisonnables. Allez rendre visite à Fort Chipewyan et regardez le prix du lait ou des pommes de terre comparativement à ce que l'on paie ici, et vous serez bien surpris.

Cette route est donc très importante pour l'avenir, mais vous savez tous que les routes sont chères. Ce que vous dit le maire, cependant, c'est qu'il faut tenir compte de tout l'argent - les impôts, les redevances, etc. - qui quitte la région comparativement à ce qui nous revient ensuite pour nous aider à développer des infrastructures dont la plupart des régions du Sud disposent et que nous n'avons pas. J'aimerais que vous en soyez conscients.

M. Boutillier: Une dernière remarque pour ce qui est d'encourager la collaboration, on renforce les liens pas seulement en rapprochant les gens mais aussi en construisant des routes. Nous croyons que c'est fondamental en raison de la taille même de notre municipalité régionale. Il s'agit de près d'un huitième de la superficie de la province de l'Alberta. Elle a une taille imposante, et pourtant elle relève des responsabilités de la municipalité régionale. Nous sommes en fait convaincus que cette responsabilité devrait être partagée et que ce n'est pas très différent de ce que fut notre rêve national de raccorder toutes les régions du pays par le chemin de fer ou par la route transcanadienne. Nous considérons que si l'on veut que nos collectivités rurales se développent et profitent des possibilités économiques qui s'offrent, il nous faut les raccorder. Elles l'étaient auparavant et on nous dit maintenant que nous ne bénéficierons pas du soutien nous permettant de maintenir ce raccordement avec les territoires de notre municipalité régionale qui se trouvent au Nord.

Il est essentiel que ce raccordement soit maintenu. Il profitera en fin de compte à la population et permettra de tirer pleinement parti des possibilités économiques qui s'offriront grâce au réseau que nous sommes en train de mettre en place. J'ajouterai aussi que grâce à ce développement on pourra aider à poursuivre le développement de ressources naturelles comme celle des forêts. S'il y a donc tout naturellement des synergies qui amènent des industries à travailler ici à partir du moment où l'on construit des routes, lorsque ces industries voient des avantages à cette situation et lorsque c'est une bonne chose pour notre collectivité, nous considérons que tout le monde y gagne et que cela mérite certainement d'être étudié davantage.

Je tiens aussi à saisir l'occasion qui nous est donnée ce matin de remercier notre député, Dave Chatters, qui a fait preuve d'une grande diligence pour nous aider au niveau fédéral. Je veux aussi remercier Anne McLellan pour le travail qu'elle a fait sur certaines questions que nous avons abordées ici.

Je tiens aussi à affirmer que nous sommes heureux d'avoir ici l'occasion de nous réunir tous ensemble, le gouvernement fédéral, la province et notre municipalité régionale. Bien souvent la municipalité - le maire, le maire adjoint et le conseil municipal - se réunissent avec les responsables de la province, et nous rencontrons ensuite le gouvernement fédéral. Il est bien agréable de pouvoir réunir tout ce monde sous un même toit à l'occasion afin d'évoquer toutes ces choses si importantes qui touchent notre municipalité.

Je conclurai simplement en disant que bien entendu notre maire adjoint habite cette région depuis plus de 30 ans. Il a vécu dans le Nord et je peux dire que c'est en tirant parti de sa longue expérience qu'il nous parle de tous les projets que l'on peut envisager et mettre en oeuvre dans le Nord. J'espère bien que vous accorderez par conséquent encore plus de valeur au témoignage de quelqu'un qui a vécu dans le Nord - y compris à Fort Chipewyan - pendant de nombreuses années.

Le président: Merci.

Je pense que je vais commencer par M. Chatters, puis je passerai la parole à M. Asselin et àM. Wood.

M. Chatters (Athabasca): Je n'ai pas vraiment de question à poser. J'appartiens à cette collectivité et je suis très au courant de ce qui s'y passe. Toutefois, après avoir entendu les exposés d'hier, je crois que le reste du Canada a de véritables leçons à tirer de ce qui se passe ici, notamment en ce qui a trait au partenariat avec l'industrie qui a lieu ici dans le secteur de l'enseignement à Fort McMurray.

Comme nous l'avons entendu à maintes reprises hier, le principal obstacle qui s'oppose plus particulièrement à la participation des Autochtones à la mise en valeur des ressources naturelles dans le Nord est le manque de scolarité. Je considère que Syncrude et Suncor, grâce à leur programme de partenariats avec les écoles primaires et le Collège Keyano, font un énorme travail pour lever cet obstacle. Je pense qu'il faut que le comité prenne bien note de ce qui se passe dans ce secteur.

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Ce n'est pas moi qui présente l'exposé de ce matin, mais je voudrais moi aussi demander à mes collègues de nous aider à obtenir une certaine forme de réponse du ministre des Transports sur cette question du dragage. Nous avons véritablement besoin de ce programme, qui doit nous permettre d'avancer. Je pense que la simple politesse voudrait que l'on obtienne une réponse le plus rapidement possible.

Le président: Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: Ma question s'adresse à M. le maire. Monsieur le maire, votre municipalité ou les municipalités rurales environnantes dépendent-elles exclusivement de l'exploitation des sables bitumineux, entre autres par la Syncrude? Qu'arriverait-il si demain les sables bitumineux et la compagnie Syncrude faisaient l'objet d'une très grosse compétition sur le marché, que la rentabilité n'était plus là et que la compagnie Syncrude décidait de fermer ses portes?

Je pense, monsieur le maire, à l'exploitation minière au Québec, sur la Côte-Nord. On se rappellera que l'amiante était très populaire à Asbestos ou en Abitibi. Aujourd'hui, les mines sont fermées et les travailleurs et les travailleuses ont dû quitter ces régions.

Je pense aussi à la Côte-Nord, dans la région de Sept-Îles. Gagnonville, aujourd'hui, est fermée. La ville de Gagnon a été démolie. Les écoles, les hôpitaux et toutes les maisons ont été démolies parce que les travailleurs ont dû quitter Gagnonville, parce que la mine de fer fermait.

Il y a Schefferville également et aussi la ville de Sept-Îles qui, à cause de l'expansion de l'industrie minière, soit le fer, s'était dotée d'une infrastructure pour recevoir une population de 50 000 habitants. Aujourd'hui, dix ans après la fermeture, Sept-Îles ne compte qu'une population de 20 000 habitants. C'est très coûteux pour une municipalité et très inquiétant pour les élus municipaux.

Donc, êtes-vous vraiment dépendants de l'exploitation des sables bitumineux par la compagnie Syncrude? Qu'arriverait-il, demain matin, si Syncrude fermait à cause de l'Iraq ou de différentes exploitations dans d'autres pays?

[Traduction]

M. Boutillier: On a toujours appris aux politiciens à ne jamais répondre aux questions qui présentent une situation hypothétique, mais je vais cependant m'efforcer de le faire.

Tout d'abord, je pense que l'essentiel dans le cas de Syncrude et de Suncor, c'est que ces projets sont économiquement viables. Je suis tout à fait confiant que Syncrude et Suncor ne vont pas fermer.

Laissez-moi vous en donner les raisons. Elles ont adapté leur mode de fonctionnement pour être concurrentiels. En juin, le premier ministre était ici accompagné de divers intervenants liés à des intérêts privés dans l'ensemble du pays. Ce qui sera déterminant pour l'avenir de Syncrude et de Suncor, ce sont les investissements du secteur privé et c'est ce qui a lieu à l'heure actuelle. Cela n'est pas dû à des mesures incitatives artificielles du gouvernement. C'est dû uniquement au fait qu'à l'heure actuelle Syncrude et Suncor sont très compétitifs. Elles ont adapté leur exploitation afin qu'elle puisse durer à l'avenir.

Je pense que votre question est excellente. Elle a été posée il y a quelque cinq ou six ans à Syncrude comme à Suncor. Aujourd'hui, pour éviter cette situation, ces entreprises sont très compétitives. Le pétrole brut texan de l'Ouest va être vendu entre 20$ et 24$ même si son prix est établi à environ 18$ dans les budgets du gouvernement provincial. Ce sont les coûts de ces entreprises qui ont donné l'impulsion économique pour attirer les investissements. Le coût de production d'un baril se situe aujourd'hui à 13$. Je préciserai qu'il y a 15 ans, le coût du baril était de plus de 30$.

Ce ne sont pas des mesures incitatives artificielles du gouvernement qui attirent les investissements du secteur privé. Je pense que les investissements du secteur privé sont la clé de notre succès. Par conséquent, je considère effectivement que nous sommes très dépendants de ces deux entreprises. Syncrude est l'un des plus gros employeurs de l'Alberta. Les effets se font donc sentir dans notre localité.

Je suis heureux toutefois qu'il y ait une diversification. Aujourd'hui, notre industrie forestière se développe. Nous avons de nombreuses entreprises complémentaires qui commencent à se développer. C'est donc encourageant et nous renforçons notre assise économique. Syncrude et Suncor jouent un grand rôle dans notre région, mais je suis fier de pouvoir dire que ces entreprises ne se comportent pas comme des monopoles. Elles contribuent de manière très positive à la vie de notre collectivité, ce qui est une très bonne chose.

Je crois que notre difficulté au Canada, à l'heure actuelle, c'est que notre population n'est tout simplement pas suffisamment nombreuse. Dans notre municipalité régionale, nous n'avons qu'un peu plus de 40 000 habitants alors que notre municipalité est plus étendue que les provinces de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard mises ensemble. Voilà à quel point notre municipalité est étendue. Notre population n'est donc pas suffisamment nombreuse pour que nous puissions continuer à développer la richesse de nos ressources.

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J'espère qu'à l'avenir, grâce au maintien du développement des ressources naturelles, nous continuerons à avoir une population qui augmente et à renforcer notre assise économique pour pouvoir continuer à diversifier notre économie et à ne pas dépendre uniquement des sables bitumineux. Je ne vais toutefois pas me plaindre de dépendre des sables bitumineux, car le bon côté de cette ressource naturelle, c'est qu'elle sera encore là dans 300 ans, ce qui est de très bon augure pour l'avenir de notre région. Nous avons effectivement de l'énergie, celle de notre population et celle de notre sous-sol.

Le président: Merci. Nous passons maintenant à M. Wood.

M. Wood (Nipissing): Merci, monsieur le président. Je voudrais évoquer ce dont a parléM. Carberry au sujet du dragage. Je ne suis pas très au courant de la question, mais j'ai eu l'occasion d'en parler avec M. Chatters hier. J'ai l'impression qu'il y a une certaine frustration pour ce qui est des relations avec le ministère des Transports.

Quelles étaient certaines des propositions? Vous les avez vaguement évoquées, monsieur Carberry. Pourriez-vous nous en préciser une ou deux?

M. Carberry: Lorsque nous avons parlé au ministre, nous lui avons bien dit que nous reconnaissions qu'il était nécessaire d'être efficace et rentable et que nous n'allions pas nous plaindre que le gouvernement fédéral aille investir pas mal d'argent dans la construction d'une route d'hiver dans le nord de la Saskatchewan une fois que l'on aurait mis fin au service de barges.

Nous avons demandé qu'on nous accorde un délai de six mois pour nous permettre d'évaluer la situation concernant l'état de la barge elle-même, les bouées et l'ensemble du matériel et, en second lieu, pour que nous puissions nous pencher avec les dirigeants de la communauté du Fort Chipewyan sur les différentes solutions qui s'offraient à nous en matière d'aménagement routier et concernant la possibilité ou non de nous associer au secteur privé pour prendre en charge le service de dragage.

Troisièmement, nous avons demandé au gouvernement fédéral de prévoir une subvention de 10 000$ pour nous permettre de procéder à ces évaluations et de faire des déplacements indispensables entre notre localité et celle de Fort Chipewyan, par exemple, afin que ce projet puisse être mené à bien.

Toutefois, l'essentiel ce ne sont pas ces 10 000$. Si l'on pouvait nous donner satisfaction sur les deux premiers points, nous serions tout disposés à payer nous-mêmes. Voilà donc pour l'essentiel ce que nous avons demandé.

M. Wood: Vous avez donc effectivement proposé un certain partage des coûts.

M. Carberry: Oui, en effet. Nous avions en fait besoin de temps pour procéder à une évaluation avant de décider si nous allions faire une offre de reprise de la drague. Nous ne voulions pas acheter les yeux fermés, si vous voulez.

M. Wood: Dans quelle mesure est-il donc important pour vous d'avoir une réponse?

M. Carberry: Il est très important pour nous d'avoir une réponse, non seulement pour nous, mais pour la localité de Fort Chipewyan, parce que s'il n'y a pas de dragage, il n'y a pas de barges. Sans les barges, les gens devront transporter par la route d'hiver tout ce dont ils auront besoin pour construire des maisons ou autre chose. Voilà pourquoi ils ont besoin de savoir à l'avance.

Ils ont aussi besoin d'une réponse à la question du financement, surtout les bandes. S'il leur faut construire des maisons et s'ils ont besoin de matériaux de construction pour 15 maisons, cela représente beaucoup d'argent. Si c'est le ministère des Affaires indiennes qui doit leur donner l'argent, vous savez que cet argent n'arrivera pas avant avril ou mai prochain, de sorte qu'il leur faudra probablement se pencher sur toute cette question du financement et du transport des matériaux jusque là-bas. Le gros problème, c'est que cela va nuire non seulement au développement de Fort Chipewyan, mais aussi au développement de l'industrie touristique dans la région.

M. Wood: Quels sont les montants d'argent en jeu? Vous avez parlé de 1,2 million de dollars sur trois ans. C'est bien ça? Ce sont vos chiffres?

M. Carberry: Pour la barge?

M. Wood: Vous avez mentionné le chiffre de un million de dollars pour le dragage. S'agissait-il de...?

M. Carberry: Le dragage se montait à environ un million de dollars par an entre notre localité et le lac Athabasca. Toutefois, nos gens - je vous parle des administrateurs de la ville et des services des transports - estiment que nous pouvons le faire pour une somme bien moindre.

Il nous faut toutefois savoir dans quel état est la drague. Autrement dit, s'il doit nous en coûter 500 000$ pour remettre en état la drague elle-même, nous avons besoin de le savoir assez rapidement de façon à pouvoir oeuvrer de concert avec certaines personnes qui s'intéressent au transport par barge et qui pourraient envisager un partenariat avec la municipalité, une sorte d'entreprise en association qui permettrait d'effectuer le dragage de la rivière et de maintenir la voie d'eau ouverte.

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M. Wood: Est-ce que vous connaissez des gens qui sont intéressés?

M. Carberry: Oui, nous avons des gens qui sont intéressés. Ils voudraient toutefois savoir quelle est la situation financière avant d'investir leur argent.

M. Wood: J'aimerais poser rapidement une question au maire, même si je crois en connaître déjà la réponse. Quelle est la meilleure façon pour le gouvernement fédéral de stimuler l'économie, à votre avis? Nous posons cette question à de nombreux témoins pour avoir une idée de ce que peut faire avant toute chose le gouvernement fédéral pour stimuler l'économie. Monsieur le maire, quelle serait votre grande priorité?

M. Boutillier: L'histoire nous enseigne beaucoup de choses et je dirais que le mieux à faire est de promouvoir les entreprises et de favoriser un environnement susceptible d'attirer les investissements du secteur privé. Il se trouve qu'en juin on s'est engagé au sein de notre collectivité à investir six milliards de dollars - ce sont des milliards et non pas des millions - six milliards dans notre économie et dans cette région de l'Alberta au titre de l'exploitation des sables bitumineux... Je pense que le gouvernement fédéral, grâce au régime fiscal qui a été arrêté entre le gouvernement fédéral et celui de la province, nous donne le meilleur exemple qui soit d'une collaboration entre gouvernements pour favoriser un environnement susceptible d'attirer les investissements du secteur privé. Nous appuyons cette initiative. Nous ne sommes pas en faveur de mesures incitatives artificielles prises par les gouvernements pour financer des projets qui ne correspondent pas véritablement à une demande du marché.

Je peux vous dire aujourd'hui que l'annonce faite en juin, alors que le premier ministre et l'ensemble des associés et des parties prenantes se trouvaient ici sur place, a été un parfait exemple de collaboration des gouvernements pour créer un tel environnement. Veuillez faire savoir à tous les responsables d'Ottawa à quel point nous l'avons apprécié. C'est un véritable succès - ce qui signifie que vous n'en entendrez pas beaucoup parler à l'avenir.

Le président: Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Monsieur Carberry, vous avez mentionné avoir passé un certain nombre d'années dans le Nord. L'un des éléments que nous avons relevé dans cette étude, c'est le dépeuplement accentué des régions rurales. Pouvez-vous nous décrire la situation pour que nous puissions comprendre ce qui se passe réellement dans le Nord? Est-ce qu'il y a eu une cause de dépeuplement?

M. Carberry: Je constate avec intérêt que vous n'avez pas pu voir dès le départ à mon accent que je venais du nord de l'Irlande. L'Irlande, le nord de l'Irlande, voit migrer quelque 30 000 jeunes chaque année, des jeunes ayant un bon niveau d'instruction, parce qu'il n'y a pas de débouchés. Dans les localités périphériques du Nord, la même chose se passe en fait. Les jeunes Autochtones, plus particulièrement, ont de plus en plus d'instruction, et comme il y a très peu de possibilités de travail au sein de leur propre collectivité, ils font ce que font tous les jeunes, ils vont à Fort McMurray et ailleurs pour gagner leur vie. Cela va de pair avec l'enseignement. Si l'on donne de l'instruction aux jeunes, ils s'en vont et cherchent à mettre à profit leurs connaissances.

J'ai habité Fort Chipewyan de 1969 à 1976. Pendant toute cette période, de nombreux élèves sont sortis avec un diplôme de l'école secondaire. La plupart de ces diplômés habitent ici et travaillent à Syncrude ou à Suncor. Ils ont une famille. La plupart de ceux qui habitent Janvier et Conklin, dans la partie Sud, viennent faire leurs études secondaires à Fort McMurray, et la grande majorité d'entre eux y trouvent de l'emploi, ou trouvent de l'emploi dans les usines et viennent s'établir ici même à Fort McMurray. Ces localités ont donc elles aussi des difficultés à se développer à partir du moment où leurs éléments les plus brillants partent pour ne plus revenir.

Il est indéniable que la population des localités autochtones, tout particulièrement dans cette région, est en baisse, et je pense que ça va se poursuivre jusqu'à un certain point. D'un certain point de vue, nous sommes ici dans une localité pétrolière, dans laquelle les gens qui n'aiment pas le rythme trépidant de Fort McMurray, ceux qui gagnent beaucoup d'argent à Syncrude et à Suncor, ont... comment peut-on appeler cela...?

M. Boutillier: Ils bénéficient d'un cadre rural qui se trouve à proximité de notre localité. On vit comme à la campagne tout en étant près de la ville.

M. Carberry: Cette population augmente.

Le président: Merci beaucoup, messieurs. Nous avons bien apprécié votre témoignage et l'hospitalité qui nous a été offerte au sein de votre collectivité.

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Le président: Nos prochains témoins représentent Suncor. Bonjour et bienvenus. Nous allons vous demander de présenter tout d'abord un exposé et nous passerons ensuite aux questions que vous poseront les membres du comité.

M. Terrance J. Bachynski (directeur, Autorisations des projets, Suncor Inc.): Bonjour. Ken Hart, notre vice-président des ressources humaines, devait être ici ce matin, mais il m'a contacté la semaine dernière pour me dire qu'il était retenu ailleurs. Il m'a demandé de venir à sa place pour représenter Suncor. Je travaille à Suncor et je suis le directeur du développement durable de cette entreprise. Je m'occupe avant tout des projets d'expansion de notre exploitation des sables bitumineux que met en oeuvre actuellement notre entreprise.

Je vais vous faire une présentation au rétroprojecteur, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Excusez-moi, mais j'ai un rhume et si la voix me manque, ce ne sera pas en raison de la nervosité, d'une gêne ou de toute autre difficulté de ce type. C'est d'un handicap physique dont je souffre ce matin et je vous prie de m'en excuser à l'avance.

Pour l'essentiel, je suis venu vous dire ici ce matin ce que faisait dès à présent Suncor dans le cadre de ses projets d'expansion et quels en sont les effets sur la localité de Fort McMurray et sur la Municipalité régionale de Wood Buffalo dans son ensemble. Je vais vous parler aussi d'un certain nombre de projets que nous avons entrepris pour inciter les entreprises locales et les entreprises autochtones à lancer des travaux et à procurer de l'emploi dans notre région, ainsi de ce que nous faisons auprès des collectivités autochtones pour encourager le développement au sein de ces collectivités et pour qu'elles conservent leurs forces vives.

Jim Carberry a mentionné tout à l'heure le phénomène qui fait que l'on incite les collectivités rurales et les collectivités autochtones à instruire leurs jeunes et à leur donner des qualifications. Nous appuyons ce genre d'initiatives, mais il en résulte que les éléments dynamiques de ces collectivités - ceux qui ont un bon niveau d'instruction, qui ont un esprit d'entreprise ou qui ont des intérêts sur un plan ou sur un autre - finissent par partir.

Nous nous efforçons donc, entre autres, de trouver les moyens de maintenir ces éléments dynamiques au sein des collectivités. Nombre d'entre eux ont l'impression de perdre quelque chose lorsqu'ils quittent leur collectivité. Ils éprouvent une certaine ambivalence. Ils aiment leur mode de vie traditionnel et l'héritage dont ils sont dépositaires lorsqu'ils vivent au sein de leur collectivité, mais ils aiment aussi respirer le parfum de la culture nord-américaine et être en contact avec tout ce que peuvent leur offrir des grands centres urbains comme Fort McMurray, Edmonton, Calgary ou autre. Je vous dirai un peu plus tard comment nous essayons de maintenir un certain équilibre et de tenir compte de tous ces impératifs.

Vous avez probablement déjà entendu dire par des témoins devant ce comité ou par d'autres personnes que la région de Fort McMurray enregistre à l'heure actuelle une grande activité. Le maire Guy vous a parlé des annonces qui ont été faites l'été passé et aux termes desquelles pas moins de six milliards de dollars, je crois que c'est le chiffre qu'il a avancé, vont être investis dans l'industrie des sables bitumineux au cours des prochaines années. C'est une très grosse somme qui représente une grande activité. Au moment où nous nous parlons, il se passe bien des choses pour ce qui est des projets d'expansion de Suncor comme de Syncrude.

On voit dans ces diapositives ce que représentent ces plans d'expansion. Il y aura un surcroît d'activité, mais cela n'entraînera pas une explosion démographique ou toute autre chose de ce genre. Cela va en fait procurer une stabilité économique à notre région pendant longtemps.

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Il n'y a pas si longtemps, il y a cinq ans de cela, on envisageait en fait de fermer les installations d'exploitation des sables bitumineux de Suncor au tournant du siècle, lorsque le minerai de nos concessions actuelles serait épuisé. C'est en fait le plan que nous avions adopté en 1990-1991. Passer de cette réalité à ce que nous voyons aujourd'hui, alors que nous sommes en mesure de prendre des engagements à long terme et de développer l'industrie des sables bitumineux, voilà qui constitue un véritable changement de cap. C'est aussi un changement de cap pour notre collectivité.

Les travaux que nous envisageons vont en fait protéger l'emploi de ceux qui travaillent pour notre entreprise à l'heure actuelle. Il y a les 1 700 membres du personnel de Suncor, qu'ils soient permanents ou engagés sous contrat. Cela garantit leur emploi, celui de leurs enfants et celui de leurs petits-enfants. Voilà en fait de quoi il en retourne. Nous allons pouvoir entretenir ce genre de développement et d'activité commerciale à long terme dans notre région.

Donc, nous prévoyons que les projets d'expansion qu'envisage actuellement Suncor comme Syncrude n'entraîneront qu'une légère augmentation de la population. Nous veillons à ce que notre collectivité, notre région et notre infrastructure actuelle soient en mesure d'absorber ce genre de croissance.

Lors des différentes étapes de construction, il y aura beaucoup d'activité. Le personnel va affluer. Nous engageons toujours des travailleurs sous contrat sur notre chantier lorsque nous mettons en route des projets.

Le programme d'extension de notre exploitation, surtout en ce qui concerne notre nouvelle mine exploitée en pente très inclinée et les six projets d'expansion qui sont prévus, va attirer une main-d'oeuvre occasionnelle. Les chiffres fluctuent au cours de la mise en oeuvre des projets, mais au plus fort de la construction nous aurons environ 800 ou 1 000 travailleurs supplémentaires sur notre chantier.

Dans le cadre de l'analyse de ces projets, nous avons examiné l'infrastructure actuelle de Fort McMurray. Nous avons déterminé qu'elle pouvait parfaitement absorber ce genre d'augmentation à court terme. On peut facilement faire face à un changement permanent de cette ampleur au niveau de l'emploi grâce à l'infrastructure existante.

J'ai indiqué tout à l'heure que nous cherchions résolument à créer des débouchés pour les entreprises locales et autochtones. Notre démarche est conforme à ces deux objectifs. Nous essayons de faire en sorte que les travaux que nous nous proposons d'entreprendre soient conçus de manière à optimiser les possibilités offertes aux entreprises locales et autochtones.

Il ne s'agit pas pour nous de garantir un travail aux entreprises locales et autochtones, mais d'optimiser les possibilités qui leur sont offertes. Que vous soyez une entreprise autochtone ou locale, nous disons qu'il vous faut être compétitif sur les prix, sur la qualité et sur la capacité à fournir les services requis. Dans la mesure où une entreprise est compétitive en fonction de ces trois critères et s'il s'agit en plus d'une entreprise locale ou autochtone, elle a une bien plus grande chance d'obtenir le travail que si elle ne réside pas dans la région.

Tous nos principaux sous-traitants - ce sont les maîtres d'oeuvre de nos projets - reçoivent des directives très strictes de Suncor pour ce qui est de donner la préférence aux entreprises locales et autochtones. Nous sommes tout à fait en faveur de cette politique. Nous nous fixons une fourchette de 15 à 20 p. 100 pour un projet donné, ce qui veut dire que 15 à 20 p. 100 des travaux doivent pouvoir être exécutés par des entreprises locales ou autochtones.

Notre dernier grand projet, la désulphurisation des gaz de combustion, nous a coûté 190 millions de dollars. Je pense qu'environ un quart des sommes versées au titre de ce projet l'ont été dans le cadre de contrats passés avec des entreprises locales ou autochtones.

Bien entendu, il y a des choses que l'on ne peut pas faire, comme la construction de gros navires ou autres choses de ce genre. On n'a tout simplement pas la capacité pour le faire sur place. Toutefois, dans la mesure où on peut le faire sur le plan local, nous y sommes très favorables.

Comment parvenons-nous à créer ces débouchés? Nous avons adopté dans les derniers projets une démarche légèrement différente, qui nous paraît tout à fait adaptée.

Au tout début du projet, bien plus tôt qu'avant, nous définissons les travaux qui vont devoir être fournis. Nous procédons ainsi afin que les entreprises locales et autochtones puissent déjà savoir, parfois quatre ans à l'avance, ce qui va être finalement réalisé.

Elles savent ainsi comment va se décomposer le travail. Nous le décomposons en différents blocs qui nous apparaissent logiques. Voilà tel ou tel contrat. Ce contrat va être proposé en 1997. Les appels d'offres sortiront à peu près à cette date. Voilà le genre d'information qui permet aux entreprises de se préparer.

Donc, même aujourd'hui, si ces entreprises nous disent que quelque chose les intéresse mais qu'elles ne sont pas encore prêtes - si c'était proposé aujourd'hui, elles ne pourraient pas s'en charger - elles savent que ce sera dans deux ans et elles savent ce qu'il leur faut faire pour se préparer. Ainsi, elles seront en mesure de soumissionner pour effectuer ce travail. Elles auront autant de chance qu'une autre de l'obtenir.

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Nous estimons que plus tôt elles seront informées, mieux elles seront à même de se préparer à soumissionner pour ce travail, de parler avec les responsables qui peuvent leur dire ce qu'il faut faire et d'être en mesure de tirer parti des possibilités ainsi offertes.

Comme je l'ai déjà dit, nous faisons de même pour les entreprises autochtones en leur faisant parvenir très tôt les spécifications par l'intermédiaire de leurs associations professionnelles, ou directement en nous adressant aux entreprises autochtones elles-mêmes si elles figurent déjà dans notre liste des soumissionnaires et si elles collaborent activement avec nous. Elles reçoivent très tôt cette documentation. Elles savent ce qu'elles ont à faire pour être prêtes à exécuter les travaux. Si elles ont besoin d'aide pour être en mesure de soumissionner, nous sommes toujours tout disposés à les aider. Les gens viennent nous dire que c'est quelque chose qu'ils savent faire mais qu'ils ont simplement besoin d'une aide se préparer. Nous trouvons des moyens de les aider à se préparer à faire ce travail.

Lorsque les circonstances s'y prêtent, nous restons en contact avec les organisations autochtones pour relever les possibilités offertes aux entreprises qui ont pu nous échapper précédemment. Il peut y avoir des situations dans lesquelles on conclut qu'elles sont tout indiquées pour faire ce travail et qu'il faut chercher ensemble à ce que ça se fasse. On leur dit de venir nous voir et qu'on pourra les aider. On se réunit avec l'organisation pour trouver les moyens de faire en sorte qu'elles puissent faire le travail que nous proposons.

Comme je vous l'ai indiqué, nous traitons avec les associations professionnelles. C'est ainsi que nous traitons avec la Northeastern Alberta Aboriginal Business Association. C'est l'un des moyens pour nous d'entrer en relation avec les entreprises autochtones au sein d'une association. Quant aux autres entreprises autochtones, nous traitons directement avec elles.

Voilà donc en ce qui a trait aux activités menées par Suncor sur son chantier, par exemple. Que faisons-nous cependant pour les collectivités dans le secteur du développement? Je l'ai mentionné tout à l'heure.

Nous nous sommes dotés d'une stratégie à long terme pour contrecarrer cette fuite des forces vives de la collectivité qui fait que des personnes ayant un bon niveau d'instruction, celles qui veulent poursuivre certaines carrières, quittent leur localité, ce qui affaiblit celle-ci. Il peut même arriver que dans certains cas cette fuite prive la collectivité de tout avenir.

Comment donc maintenir les forces vives de la collectivité tout en continuant à tenir compte de sa volonté d'être autonome, de se débrouiller toute seule et d'apporter une véritable contribution à la société?

Nous avons au sein de Suncor et en association avec les collectivités autochtones un service très actif des affaires autochtones. Certains l'ont appelé le comité alphabet parce que le sigle du comité de développement des entreprises autochtones est ABCD en anglais. Le comité ABCD de Suncor regroupe quelque 30 à 40 employés de Suncor qui se sont portés volontaires pour faire ce travail.

Ce comité se subdivise en une série de petits comités qui ont entrepris d'oeuvrer en collaboration avec les différentes collectivités autochtones à l'identification des possibilités qui s'offrent dans ces collectivités pour faire démarrer et développer des entreprises susceptibles d'engager des résidents et de résider elles-mêmes dans ces collectivités. Il pourra s'agir ou non d'une entreprise qui appuie les activités de Suncor. Ce sera parfois une entreprise autonome qui se contente de travailler pour cette collectivité.

Notre comité de développement des entreprises travaille avec les collectivités pour les aider à définir les possibilités qui sont ainsi offertes et pour que des entreprises puissent être mises sur pied. Il s'assure de leur démarrage et de leur bonne marche par la suite.

Notre politique des affaires autochtones est élaborée en association avec les collectivités autochtones. Nous ne nous contentons pas de nous réunir en petit comité et d'arrêter les projets qui nous paraissent bien sur papier. Nous allons voir les collectivités et nous leur demandons quels sont leurs besoins. Quelles sont les possibilités dont vous essayez de tirer parti compte tenu de la situation à l'intérieur de vos collectivités? Comment adapter ces réalités à notre propre situation pour que nous puissions apporter quelque chose d'utile à nos collectivités et mettre en oeuvre ensemble ces politiques et ces programmes?

Nous avons un programme de développement de l'emploi autochtone. C'est essentiellement un programme s'adressant à des stagiaires. Suncor exige que tous ceux qui travaillent sur notre chantier aient au minimum un niveau d'instruction correspondant à la 12e année. Dans certains cas, c'est un niveau difficile à atteindre pour les Autochtones qui veulent travailler et s'en sortir. Il est difficile de dépasser ce niveau d'instruction pour un certain nombre de raisons.

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Nous avons sur notre chantier 12 places réservées aux Autochtones. Ce sont des emplois de stagiaires. Pendant qu'ils viennent ici faire leur stage, nous leur faisons faire suivre des cours s'ils ont besoin d'améliorer leur niveau d'instruction. Pendant qu'ils occupent cet emploi, ils reçoivent une formation devant leur permettre d'occuper un poste d'exploitation à plein temps. Lorsque des postes d'exploitation deviennent vacants, ils les prennent et ils sont remplacés par de nouveaux stagiaires. Au fur et à mesure, on augmente le nombre de postes à plein temps occupés par des Autochtones à Suncor et on continue à former par roulement 12 stagiaires.

C'est un mécanisme qui est lent. Ce n'est pas la panacée et tout le monde n'a pas un emploi du jour au lendemain, mais vous pouvez comprendre qu'au fil des années il peut avoir des effets non négligeables sur la qualité des emplois offerts aux Autochtones.

Nous reconnaissons que Suncor a l'obligation d'offrir des débouchés aux entreprises locales et autochtones. Nous nous sommes efforcés de structurer la façon dont nous organisons notre entreprise et notre participation au sein des collectivités de manière à optimiser les débouchés offerts aux entreprises locales et autochtones. Nous jugeons aussi important de s'assurer que les gens peuvent poursuivre leurs études de manière à pouvoir saisir les possibilités qu'offre l'exploitation de Suncor. Nous avons démontré que nous étions prêts à travailler en étroite collaboration avec ces collectivités. Ce ne sont pas seulement nos idées qui comptent. Nous devons nous assurer que nous comprenons les leurs, que nous comprenons avant tout leurs besoins et que nous trouvons la façon d'organiser nos activités et nos ressources de manière à répondre le mieux possible à ces besoins pour que tout le monde y gagne.

Voilà qui met fin à mon exposé.

Le président: Merci. Les membres de notre comité vont maintenant vous poser quelques questions. Je vais commencer par M. Asselin.

[Français]

M. Asselin: Les autochtones sont-ils actifs dans la mise en valeur des ressources naturelles ici? Que devraient faire les entreprises du secteur primaire pour former et employer davantage d'autochtones?

[Traduction]

M. Bachynski: Pour ce qui est de savoir si les entreprises autochtones participent activement au développement des ressources naturelles; effectivement, elles y participent activement. Les entreprises autochtones de notre région participent à l'exploitation de Syncrude et de Suncor soit par l'intermédiaire de leur groupement d'entreprises... Elles dispensent des services de soutien. Elles fournissent certains types de travaux qui débouchent sur le développement des ressources naturelles.

À Suncor, par exemple, il y a une entreprise autochtone qui exploite pour notre compte notre carrière de calcaire. Elle est chargée d'extraire le calcaire de la carrière et de le livrer au pied de notre usine de désulphurisation des gaz de combustion, où il sert à désulphuriser les gaz que nous rejetons dans l'atmosphère. C'est une entreprise distincte et autonome qui appuie nos activités. Sans notre installation de désulphurisation des gaz de combustion, nous aurions bien des difficultés à obtenir l'autorisation de poursuivre notre exploitation puisque celle-ci élimine 95 p. 100 du gaz sulfureux dégagé dans l'atmosphère dans le cadre de notre exploitation. Ce n'est là qu'un exemple d'entreprise autochtone directement impliquée dans l'exploitation des ressources naturelles dans notre région.

Je pense que vous m'avez demandé dans votre deuxième question ce que nous pouvions faire pour développer davantage encore l'embauche des Autochtones dans les installations de Suncor et de Syncrude ou dans le secteur de l'exploitation des sables bitumineux. C'était là votre question?

[Français]

M. Asselin: Je vous demandais si les entreprises du milieu, à part Syncrude, forment sur le terrain et emploient plus d'autochtones.

[Traduction]

M. Bachynski: Nous faisons beaucoup de choses dès à présent pour multiplier les possibilités offertes aux Autochtones d'être embauchés par Suncor comme par Syncrude, et je suis sûr que c'est le cas aussi d'ALPAC, même si je ne veux pas parler en son nom. Je suis évidemment davantage au courant de ce qui se passe à Suncor, et aussi à Syncrude.

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Que pouvons-nous faire de plus? Nous pouvons aussi travailler en collaboration étroite avec les collectivités autochtones et trouver un certain équilibre entre la volonté de ces derniers d'occuper un emploi à valeur ajoutée, de faire un travail à valeur ajoutée, et leur désir de conserver leur mode de vie traditionnel qui est le leur au sein de leur collectivité. Cet équilibre est très difficile à trouver parce que bien souvent les deux choses sont antinomiques.

Je ne suis pas sûr qu'il y ait une réponse toute simple à cette question et je ne sais pas jusqu'à quel point, lorsqu'on offre des emplois, lorsque l'on amène les collectivités autochtones à se rendre à la culture d'entreprise en appliquant la formule «faites des études, trouvez un bon emploi», etc. si tout le monde se met à faire cela, on perd le mode de vie traditionnel des collectivités autochtones. Ces collectivités sont différentes. Je pense qu'il est important dans ce cas de trouver des tâches qui maintiennent cet équilibre. Il ne s'agit peut-être pas de travailler directement pour le compte de Suncor, mais d'exercer une activité susceptible d'influer un certain dynamisme au sein de la collectivité elle-même et qui permet à celle-ci d'avoir ses propres entreprises, de gérer des activités qui procurent de bons emplois à sa population et qui peuvent être conciliés avec un mode de vie traditionnel, qu'il est très important de préserver.

[Français]

M. Asselin: Les autochtones qui travaillent chez vous paient-ils des impôts sur leurs revenus?

[Traduction]

M. Bachynski: Je n'ai pas de réponse à vous donner sur ce point. Nous avons besoin ici d'un fiscaliste. Honnêtement, je n'en sais rien. Il y a certainement quelqu'un dans cette salle qui est davantage au courant de la fiscalité qui s'applique aux Autochtones.

M. Serré: Si l'argent est gagné sur la réserve, il n'est pas imposable. S'il l'est en dehors de la réserve, il est imposable.

M. Bachynski: Donc, s'ils travaillent et s'ils gagnent de l'argent sur notre chantier, ce sera imposable. Dans le cas des entreprises que nous essayons d'implanter dans les collectivités, pour qu'elles soient gérées par ces collectivités... l'argent ainsi gagné sera exonéré d'impôt.

M. Chatters: Le groupe d'étude sur les sables bitumineux a prévu la création de 40 000 emplois au cours des 25 prochaines années grâce au nouveau projet d'exploitation des sables bitumineux. Vous semblez donner des chiffres bien moins optimistes dans vos estimations. Qu'est-ce qui explique la différence?

M. Bachynski: En fait, il n'y a absolument pas de différence; aucune incompatibilité. Je dois vous dire que le jour où Jean Chrétien est venu ici annoncer tous ces projets de mise en valeur des sables bitumineux, les 44 000 emplois et les 25 milliards de dollars dont nous avons tant entendu parler par le groupe d'étude, en tant que responsable de notre service de communication et des relations avec tous les intervenants pour le compte de Suncor, j'ai éprouvé bien des craintes parce que tout le monde a compris «44 000 nouveaux emplois à Fort McMurray et 25 milliards de dollars». Il faut bien comprendre cependant que parmi ces 44 000 emplois, il y a celui de l'ouvrier qui travaille sur le quai de chargement d'une usine de Montréal où l'on fabrique des rondelles d'étanchéité en caoutchouc devant équiper les vannes susceptibles d'être utilisées dans l'exploitation des sables bitumineux. Cette personne qui fabrique des rondelles d'étanchéité n'aurait pas son emploi si ce n'était des vannes nécessitées par l'exploitation des sables bitumineux, et c'est pourquoi son emploi est comptabilisé parmi les 44 000 prévus; toutefois, elles travaillent à Montréal.

Ce que nous voyons ici, et j'en ai parlé aujourd'hui, c'est que dans le cadre des projets de croissance que propose dès à présent Suncor, qui envisage l'expansion de nos installations fixes et l'ouverture d'une nouvelle usine, il y aura une progression du nombre d'emplois permanents qui portera sur une centaine de personnes seulement. Ça va commencer en 2005 ou en 2007 et ça concernera une centaine de personnes. Cela nous dit cependant que nous allons préserver le nombre d'emplois que nous avons ici à présent et qu'en raison de l'amélioration des rendements et du progrès technique les emplois vont peut-être évoluer sans que le nombre de personnes employées change véritablement.

Pour répondre à ces préoccupations, nous organisons un roulement des tâches pour que le personnel puisse passer d'un emploi à l'autre; il n'a pas une qualification précise qui fait que lorsqu'un emploi disparaît ce personnel se retrouve sans travail. Nous voulons nous assurer que ces gens conservent leur emploi et qu'à mesure que les techniques évoluent, que nos procédés se transforment, ils acquièrent des qualifications nouvelles sans rester étroitement spécialisés de manière à pouvoir occuper un nouvel emploi.

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Ainsi, nous employons un certain nombre de travailleurs dont la tâche consiste à faire fonctionner les transporteurs à bande dans notre exploitation minière. Dans notre nouveau procédé, nous allons passer des transporteurs à bande au transport hydraulique. Le travail de tous ces gens postés sur les transporteurs à bande va changer. Nous allons offrir des emplois différents exigeant des qualifications différentes pour faire fonctionner du matériel faisant appel aux techniques de transport hydraulique.

Nous voulons avoir une main-d'oeuvre pouvant s'adapter à l'évolution technique en ayant une spécialisation moins poussée qu'elle ne l'était auparavant.

M. Chatters: Merci.

Le président: Je vous remercie. C'est au tour de Mme Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Monsieur Bachynski, j'aimerais vous poser des questions sur les emplois et sur la croissance économique au sein de la collectivité autochtone. Ma question a trait aux femmes autochtones. Sont-elles nombreuses sur votre chantier?

M. Bachynski: Tout dépend de ce que vous entendez par «nombreuses». Nous avons un certain nombre de femmes. Je connais personnellement un certain nombre de femmes autochtones qui travaillent sur notre chantier. Je n'en connais pas le nombre exact, mais il est évident qu'un certain nombre de femmes autochtones travaillent dans les différents secteurs de notre exploitation, que ce soit dans les services administratifs ou dans les services d'exploitation de la mine.

Mme Cowling: Un certain nombre de témoins nous ont parlé aussi hier de la question du tourisme et du maintien de la culture traditionnelle dans un grand nombre de ces collectivités. Je me demande ce que l'on fait pour le maintien de tout ce qui a trait à la culture. Avez-vous pensé à quelque chose en matière de tourisme et d'infrastructure?

M. Bachynski: Le tourisme est un sujet qui revient souvent lorsqu'on parle des possibilités qui s'offrent à cette région. Nous ne tirons pas pleinement parti de ces possibilités et on pourrait en faire plus. C'est un sujet qui a été évoqué lors de nos discussions, c'est certain, mais nous n'avons pas pour l'instant de projet précis visant uniquement à faire progresser le tourisme.

Nous sommes conscients de cette possibilité. Elle surgit le plus souvent lorsque nous parlons de remettre en état nos terrains et de leur donner une affectation définitive. Une fois que l'exploitation minière est terminée et que l'on a remis en état le terrain, un certain nombre de possibilités se présentent pour l'aménagement définitif. On peut prévoir dans certaines zones une forêt commerciale dont une partie peut être axée précisément sur le tourisme.

En fait, nous avons proposé quelque chose, et pratiquement tous les gens à qui j'en ai parlé au cours de la dernière année y sont favorables. J'en ai parlé à Syncrude, j'en ai parlé aux organismes du gouvernement et j'en ai parlé aux intervenants de notre région. Lorsqu'on envisage l'affectation définitive des terrains d'un point de vue régional, on s'aperçoit que de nombreux terrains devront être remis en état à l'avenir à la suite de l'exploitation de Syncrude et de Suncor.

Il faudrait donc nous réunir pour décider quelles doivent être les affectations définitives de ces terrains en prenant l'avis des usagers en bout de chaîne, des collectivités autochtones et des gens qui vont vivre sur ces terrains pour savoir à quoi ils doivent ressembler à l'avenir. Certaines parcelles devront être recouvertes d'une forêt commerciale et d'autres axées précisément sur le tourisme. Il nous faudra tenir compte de ces impératifs lors de la planification et de l'exécution effective des plans de remise en état définitive.

Le président: J'ai moi aussi une question que je voudrais que l'on approfondisse. En écoutant votre exposé, j'ai été très impressionné par le travail de sensibilisation que vous faites auprès des petites entreprises pour leur donner la possibilité de soumissionner et de travailler pour votre entreprise.

Pour ce qui est des fournisseurs de ce que je qualifierais de services professionnels - les comptables, les avocats, les vérificateurs et autres catégories de personnel dont a besoin une grosse exploitation comme la vôtre - est-ce que vous vous adressez ou êtes-vous en mesure de vous adresser à la collectivité locale, ou est-ce que vous traitez avec de gros cabinets de Calgary, d'Edmonton, etc.?

M. Bachynski: La majeure partie de ce travail se fait à l'extérieur de la région. Nous ne recourons pas à des services juridiques locaux; nous faisons appel à des cabinets de Calgary et d'Edmonton. Nous avons des services internes pour ce qui est du contentieux, de la comptabilité et de la fiscalité. La plus grande part du travail se fait au niveau interne.

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Lorsque nous avons besoin de faire appel à l'extérieur, nous avons des vérificateurs comptables qui appartiennent à un cabinet national et nos avocats travaillent dans de grands cabinets. Je n'ai jamais rencontré de situation dans laquelle on ait fait appel à des spécialistes locaux relevant de ces professions libérales.

Le président: Un certain nombre de spécialistes universitaires de cette question dont nous avons entendu le témoignage à Ottawa nous ont dit entre autres qu'il s'agissait là d'un point particulièrement faible du développement rural. Il semble que les grandes entreprises - pas seulement la vôtre, mais plusieurs autres - pourraient favoriser la création de groupements professionnels de ce type dans des régions comme celles-là plutôt que de s'en remettre systématiquement à leur siège social à Edmonton, Calgary, Toronto ou autre. Est-ce que votre entreprise pourrait l'envisager?

M. Bachynski: Je pense que dans notre situation, nous chercherions probablement à engager dans nos propres services ce genre de talent.

L'un des problèmes que nous avons rencontrés dans ce genre de recrutement, c'est qu'il est difficile d'attirer dans les localités éloignées des professionnels ayant les qualifications nécessaires pour faire le travail. Je sais que lorsque je faisais mon droit il y a 17 ou 18 ans, si quelqu'un m'avait dit que j'allais me retrouver 17 ou 18 ans plus tard à Fort McMurray, je lui aurais répondu «C'est où ça?» Je n'aurais jamais pensé me retrouver là. Aujourd'hui, j'y suis, et je ne peux pas imaginer être autre part.

Nous avons constaté que c'était très difficile. Notre service des ressources humaines a bien du mal, dans ses efforts de recrutement, à faire venir des professionnels dans une région éloignée. C'est étrange, parce que je n'ai jamais entendu personne s'en plaindre une fois ici. Bien souvent, une fois qu'ils sont ici, les gens vous disent qu'ils ne voudraient pas être ailleurs.

C'est une collectivité fantastique, un lieu merveilleux. Lorsque vous suivez des cours de droit, d'administration des entreprises, ou pour être comptable agréé, médecin ou dentiste, bien souvent vous n'allez pas vous installer dans une collectivité éloignée, et c'est bien dommage.

C'est une chance, lorsqu'on rencontre une personne ayant les qualifications nécessaires qui vous dit que c'est là qu'elle veut être. On a alors la combinaison parfaite. Je suis prêt à engager immédiatement ce genre de personne.

Le président: Merci beaucoup de votre témoignage. C'était très intéressant. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir répondre à nos questions.

Le comité va faire une pause de cinq minutes. Nous reprendrons notre séance à 10h45.

Je vous remercie.

M. Bachynski: Merci.

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Le président: Merci. Nous reprenons l'audition de nos témoignages.

Nous avons légèrement modifié notre programme. Je vais demander aux représentantes de la Chambre de commerce de Fort McMurray - Carolyn Baikie et Katie Wood - de nous présenter leurs témoignages, et nous passerons ensuite aux questions.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie.

Mme Katie Wood (présidente, Chambre de commerce de Fort McMurray): Merci. Je vous souhaite à tous la bienvenue à Fort McMurray. Il fait un peu froid aujourd'hui. Ce n'est pas la température normale pour cette période de l'année, mais faites-nous confiance; nous allons remonter à trois degrés Celsius pour l'Halloween. Nous vous remercions donc de nous ramener le beau temps.

Le président: Voilà qui est typique des discours d'une vraie chambre de commerce.

Mme Wood: La Chambre de commerce de Fort McMurray s'intéresse tout particulièrement à l'ensemble du développement économique et commercial de notre région. Nous représentons les entreprises et nous sommes partisans de l'équité, de l'égalité des chances et de la croissance durable au sein de notre collectivité. D'ailleurs, tout comme votre comité, nous nous efforçons de déceler et d'écarter les obstacles qui nous empêchent d'atteindre notre potentiel. Je pense que c'est ce que nous avons probablement en commun ici aujourd'hui.

En effet, les objectifs du comité et ceux de la Chambre de commerce de Fort McMurray sont similaires. Nous voulons créer un environnement économique et commercial positif, promouvoir la croissance et la prospérité et améliorer la qualité de vie de nos membres et de nos administrés. En somme, nous cherchons à transformer notre monde, Fort McMurray, le Nord et l'ensemble du Canada en une terre plus prospère, pleine d'espoir et d'avenir.

Nous réussirons mieux à atteindre nos objectifs si nous savons communiquer et coopérer. Vos travaux, votre mandat et votre présence ici aujourd'hui favorisent ce genre de partenariat et nous applaudissons vos efforts.

Je ferai porter mes observations ce matin sur des questions qui nous paraissent d'une grande importance et d'une grande pertinence pour la région de Fort McMurray.

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En tant que visiteurs, vous avez probablement pu constater que Fort McMurray ne correspondait pas tout à fait l'image d'une petite ville dans une région rurale. Même si elle est éloignée, Fort McMurray est en fait une grande ville, d'ailleurs florissante. Notre quartier commercial, par exemple, ne se limite pas au couple classique que constituent le magasin général et le poste d'essence, et les fermes unifamiliales sont remplacées par des lotissements résidentiels où l'on se réfugie, loin du bruit et du vacarme des quartiers industriels et commerciaux.

Nous n'avons pas non plus une économie de type rural. Toutes les localités ont leurs particularités et celles de Fort McMurray, ce sont les sables bitumineux. Nous avons une industrie d'envergure mondiale ici même à notre porte, une industrie qui produit un bon quart du pétrole canadien, une industrie qui revêt une importance nationale, aujourd'hui et dans un avenir prévisible. Cette industrie a des effets significatifs sur le produit national brut de notre province et de l'ensemble de notre pays. Nous ne pensons pas qu'il y ait d'autres collectivités rurales au Canada, quelle que soit la région, qui puissent avoir à elles seules un tel impact économique.

Cherchons-nous par là à écarter Fort McMurray du cadre de votre étude? Non, ce n'est pas ce que nous voulons; nous cherchons simplement à réaffirmer votre point de départ, à savoir que les régions éloignées contribuent effectivement de manière utile et significative au bien-être de la nation, tant au niveau des individus que de la collectivité.

Notre économie, je le répète, dépend très fortement du développement des ressources naturelles et, à cet égard, je crois qu'il nous faut relever les mêmes défis que ceux que rencontrent nombre de collectivités rurales au Canada. Dans la documentation que vous nous avez fournie, le comité a posé le principe de la relance économique des régions rurales du Canada. L'une des tâches du comité est donc de recommander les mesures susceptibles de redonner la santé à cette région. Si c'est le cas, ce n'est pas d'une relance économique dont nous avons besoin ici à Fort McMurray.

Notre économie locale est assez forte et, pour la plupart, nos perspectives économiques sont brillantes. Je qualifierai de bon à excellent le rendement du commerce et de l'industrie dans notre ville. Certes, nombre d'activités nouvelles sont alimentées par l'annonce de gros projets dans l'industrie des sables bitumineux et, dans la mesure où tout ira comme prévu, nous nous attendons à ce que cela se poursuive. De plus, nos projets de diversification dans d'autres secteurs tels que les forêts, le gaz naturel ou le tourisme, ont connu quelques succès, et nous espérons continuer à progresser dans ce sens.

Le grand défi qu'il nous faut donc relever n'est donc pas tant de relancer nos activités, de revenir au point où nous en étions, mais de maintenir notre progression et de tirer parti des nouvelles possibilités qui s'offrent. Lorsque je vois l'ampleur et l'importance des possibilités que Fort McMurray n'a plus qu'à saisir, je crois que notre situation est unique, mais je suis sûr qu'il y a bien d'autres collectivités fortes et en pleine santé au Canada, des collectivités qui veulent atteindre tout leur potentiel plutôt que de chercher tout simplement à reconstruire à partir de bases qui, pour une raison ou pour une autre, se sont écroulées.

Je demanderai par conséquent au comité qu'il fasse porter son étude non seulement sur la relance économique du secteur des ressources naturelles des régions rurales du Canada, mais aussi sur le développement durable. Je vous demanderai d'élargir le cadre de votre étude à l'examen des points forts et des possibilités qui caractérisent les collectivités en pleine croissance et sur le point d'atteindre la prospérité, les collectivités qui offrent la promesse de multiplier et de partager les richesses, les collectivités comme celle de Fort McMurray et de la région environnante.

Lors de ce genre d'audiences, on a tendance à se plaindre et à revendiquer - en présentant une litanie de «Nous voudrions ceci» et de «Vous devriez faire cela». Aussi lassant que puissent parfois être les déclarations de ce genre, il est vrai qu'on ne peut pas aboutir à des solutions efficaces si l'on ne définit pas d'abord le problème. J'espère avoir évité cet écueil en faisant comprendre qu'à Fort McMurray la situation est plutôt bonne. Nous avons de multiples raisons d'être contents et nous envisageons l'avenir de manière positive. Voilà une bonne nouvelle, mais j'espère vous avoir remonté le moral après tous les récits sombres que vous avez dû entendre.

Mais - je dis bien «mais» - rien n'est acquis d'avance. Il reste tout de même des défis, des difficultés et des entraves au progrès. L'industrie des sables bitumineux les appelle «leviers de développement». Les connaissances, la volonté et les autres facteurs permettant éventuellement d'augmenter la production sont là, mais un certain nombre de conditions ne sont pas encore réunies. Il manque notamment un programme permanent de développement scientifique et technologique, les bases d'un développement durable et un plan dynamique de commercialisation.

Un levier important est le régime fiscal adopté aux niveaux provincial et fédéral. Peu après la mise en place de ce levier, le secteur a annoncé quelque six millions de dollars de nouveaux investissements. Ces projets, auxquels devraient s'ajouter les quelque 20 milliards de dollars d'investissements prévus, aboutiront sur les 25 prochaines années à la création de 44 000 emplois permanents au Canada.

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Ce n'est pas dire que les sables bitumineux auraient stagné si la main-d'oeuvre n'avait pas suivi. Cela ne se serait probablement pas produit. L'expansion aurait tout de même eu lieu, mais sans doute deux ou trois fois moins vite, les avantages qu'en retirerait l'ensemble du pays étant réduits en conséquence. Cela aurait représenté pour nous un échec. Nous y aurions vu un échec au niveau de l'effort, au niveau de la vision, au niveau de la coopération qu'exige la réalisation de notre potentiel et un échec devant la tâche commune qui consiste à oeuvrer pour le bien du pays tout entier.

Donc, si, à Fort McMurray, notre avenir est plutôt bien engagé, l'échec n'est pas exclu. Il se pourrait tout de même que nous n'atteignions pas notre plein potentiel. Nous avons, en tant que communauté, nos propres leviers de développement. Je les évoquerai brièvement, avant de répondre à vos questions.

Vous évoquez, dans votre plan de travail, les insuffisances du réseau de transport. À Fort McMurray, nous sommes désavantagés par notre éloignement, ainsi que par une infrastructure qui répond déjà difficilement à nos besoins en matière de transport et qui ne saurait donc suffire à la demande accrue que nous prévoyons en ce domaine.

Vous n'ignorez pas l'importance cruciale des routes pour le développement économique et l'essor d'une région. Les routes sont la principale voie d'acheminement des marchandises, des services et des personnes, les résidents aussi bien que les touristes.

L'année dernière, nous avons subi dans notre région toute une série de graves feux de forêt qui ont isolé cette ville du reste du monde. Je vous prie de croire qu'il ne faisait pas bon vivre ici au mois de juin de l'année dernière. Il n'existe qu'une seule route d'accès. Les incendies nous ont vraiment fait prendre conscience de notre éloignement. Dans ces cas d'urgence, rares il est vrai, ça fait peur mais, au quotidien, cela représente tout de même un énorme handicap économique.

C'est pourquoi nous demandons l'extension du réseau routier. Je sais que cela est lié à la nécessité de maîtriser les dépenses, mais il faut tenir compte non seulement de ce que ça coûtera, mais également de ce que ça rapportera. Les avantages à long terme sont tellement évidents, que la construction et l'amélioration des systèmes de transport nécessaires à l'extraction et au transport des ressources naturelles doivent être considérées non pas comme une dépense mais comme un investissement. Il s'agit d'investir dans le secteur et dans la création d'emplois, ainsi que dans la santé et dans l'avenir de la communauté tout entière et d'investir aussi dans les communautés que nous desservons.

Une grande partie du pétrole et du gaz produits dans la région de Fort McMurray est transportée par oléoduc. L'industrie des sables bitumineux considère l'expansion de ce système comme un des leviers de développement et les efforts en ce sens vont être entrepris au cours des prochaines années.

Mais, pour transporter les ressources naturelles, le chemin de fer est, lui aussi, un moyen viable et nécessaire et il le restera au moins pendant les cinq prochaines années. La clé du développement et de la prospérité des sables bitumineux c'est, dans le court et dans le moyen terme, l'extension des lignes de chemin de fer actuelles vers le sud, jusqu'à la rivière Clearwater, et vers le nord, jusqu'aux grands projets de forage prévus par de grandes entreprises de ce secteur.

Le chemin de fer sera également l'un des principaux moyens de transport pour les produits d'autres ressources naturelles. Le soufre, le coke de pétrole, les minéraux et les produits forestiers, par exemple, constituent un pan essentiel de nos efforts en vue de diversifier l'économie locale. Aujourd'hui, comme demain, notre santé économique dépend des liens tissés par notre système de transport, ainsi que, de manière plus générale, du développement d'une industrie tout entière qui sera source d'avantages pour tous les habitants du Canada.

Mes collègues ont souligné ce matin l'importance du transport fluvial sur la rivière Athabasca. Vers le nord, cette rivière relie des communautés et des bourgades éloignées et, vers le sud-ouest, les parcs nationaux. Cette rivière sert encore au transport. Des péniches continuent à acheminer de la nourriture, du pétrole, du gaz, des vêtements et d'autres marchandises vers le nord à des populations qui dépendent de cette voie de communication pour obtenir tout ce dont elles ont besoin.

La Garde côtière canadienne entretient la rivière, assurant sa navigabilité par des opérations de dragage. Mais ces services dont dépendent les communautés éloignées du nord pour rester en contact avec le monde extérieur, doivent être supprimés l'année prochaine. Si cela se produit, il y a, à nos yeux, peu de chances que des intérêts privés reprennent le rôle qu'a joué jusqu'ici la Garde côtière. Avant longtemps, les bancs de sable et autres dangers rendront la rivière impraticable. Ce sera la fin d'une tradition mais, chose plus importante encore, ce sera la fin d'un service essentiel dont seront désormais privées des gens qui comptaient dessus.

J'exhorte donc le comité de demander au gouvernement fédéral de réexaminer les conséquences de sa décision, de peser soigneusement les économies que semble devoir lui procurer la suppression du service assuré par la Garde côtière, à l'aune des coûts humains qu'entraînerait la fermeture de la rivière Athabasca au transport alors que, dans de nombreux cas, c'est la seule voie d'accès viable.

Votre plan reconnaît que, souvent, les communautés éloignées manquent de main-d'oeuvre qualifiée. C'est bien le cas ici et, sans la mise en oeuvre de nouveaux moyens, la situation ne s'améliorera vraisemblablement pas. C'est un fait qu'au fur et à mesure qu'entrent en activité les projets d'exploitation pétrolière, gazière et forestière, nous prévoyons une insuffisance de la main-d'oeuvre. Paradoxalement, alors que le taux de chômage est relativement élevé dans l'ensemble du Canada, il se pourrait qu'à Fort McMurray, en matière d'emplois, l'offre dépasse la demande en raison d'une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.

.1300

À l'échelle locale, les milieux de l'industrie et de l'éducation se sont concertés pour tenter d'améliorer la situation. Le collège Keyano et Syncrude se sont associés pour créer ici un centre de formation industrielle. Le programme de génie minier de l'Université de l'Alberta à Edmonton s'est vu récemment affecter des crédits supplémentaires et nous espérons que les nouveaux diplômés viendront renforcer la main-d'oeuvre locale. Mais, compte tenu de l'ampleur de l'expansion économique et industrielle que nous prévoyons pour les années à venir, il est peu probable que nous parviendrons à satisfaire les besoins en ressources humaines si l'on ne crée pas de nouveaux partenariats entre les diverses parties prenantes, c'est-à-dire les gouvernements, les établissements d'enseignement, les étudiants et les divers secteurs industriels. Pour réussir, nous avons besoin d'un effort collectif et général.

J'ai parlé il y a un instant de la Garde côtière, et ce qu'il y a de triste dans tout cela c'est que ce n'est pas le seul service fédéral que l'on ait décidé de supprimer dans notre région. Je sais que nous traversons une période difficile qui contraint à réduire les dépenses et à faire baisser le déficit, et il se peut que, dans de nombreux domaines, il y ait des services fédéraux effectivement superflus ou superfétatoires. Mais Fort McMurray est en plein essor. Il est tout à fait illogique de supprimer les services alors que les besoins augmentent. Environnement Canada, par exemple, a fermé son bureau il n'y a pas longtemps, d'une manière tout à fait contraire à nos besoins et à notre désir d'édifier les partenariats indispensables et de soutenir, dans notre région, un développement durable. Le ministère du Développement des Ressources humaines a déménagé vers le sud la plupart des services s'adressant aux sans-emploi. Ainsi, toutes les demandes sont maintenant traitées à Edmonton. C'est vraiment incommode pour les intéressés.

Je ne fais que vous citer quelques exemples. Disons, de manière générale, que le gouvernement fédéral est en train de réduire sa présence et son activité dans notre ville. Rien ne peut remplacer les services et les activités essentiels qu'on est en train de nous retirer. Le fait que notre ville n'ait qu'une seule approche routière nous donne déjà l'impression de vivre dans un coin perdu, c'est dire qu'une réduction de la présence et des services fédéraux serait un grave obstacle à nos chances de développement.

J'aimerais, enfin, évoquer une autre question à laquelle le comité fait allusion dans son plan de travail, à savoir la tendance des communautés rurales à compter uniquement sur les ressources naturelles et à s'exposer ainsi aux aléas d'une conjoncture économique sur laquelle ils n'ont que peu de prise. Nous voudrions avoir davantage de certitude et davantage de stabilité. Pour l'obtenir, Fort McMurray tente déjà de repérer des possibilités de développement économique autres que les sables bitumineux et nous avons déjà remporté de francs succès dans le domaine forestier ainsi qu'en matière de services destinés à l'industrie du pétrole et du gaz. Mais, même si nous ne voulons pas toujours le reconnaître, nous continuons à dépendre largement d'une seule activité, le pétrole.

Il n'appartient pas au gouvernement de choisir qui va gagner et qui va perdre, pas plus qu'il n'est souhaitable de voir subventionner sous une forme ou une autre des produits qui devraient pouvoir réussir par leurs propres moyens. Les sables bitumineux, par exemple, dont la viabilité économique est avérée, vont se développer grâce aux investissements privés et à une réglementation qui favorise ce développement au lieu de le décourager.

Au lieu d'aide financière, il y a, comme votre comité l'a relevé, un certain nombre de rôles que le gouvernement peut légitimement jouer pour favoriser un meilleur développement commercial et communautaire - entre autres, les investissements en matière d'infrastructure, la recherche et développement, l'éducation. J'aimerais, à cela, ajouter un partenariat en vue d'explorer les activités qui permettraient de dégager des plus-values dans le domaine des ressources naturelles. Cela nous aiderait à diversifier les économies locales et à réduire l'impact des baisses de conjoncture.

Je dis, pour me résumer, que Fort McMurray n'a pas besoin de renouvellement économique. Nous disposons d'une industrie de tout premier ordre, d'une industrie promise à une très forte expansion et dont les retombées bienfaisantes vont être ressenties par l'ensemble du pays pendant de nombreuses années. Nous comptons sur nos points forts pour nous développer et nous demandons au gouvernement fédéral de nous aider à surmonter les obstacles à ce développement, obstacles qui empêchent de profiter d'occasions dont les perspectives dépassent de loin les limites de notre municipalité.

Pour mettre en place un des principaux leviers du développement de Fort McMurray, pour assurer une condition essentielle de notre prospérité future, il nous faut un réseau de transport moderne et efficace, c'est-à-dire des routes, des chemins de fer et des aménagements fluviaux mieux adaptés, non seulement à nos besoins d'aujourd'hui, mais également à l'accroissement de la demande qui va se manifester. L'actuelle infrastructure est soit insuffisante soit en mauvais état. Si l'on ne se penche pas sur ce problème essentiel, on mettra en péril les chances de développement économique, non seulement de cette région mais de l'ensemble du Canada.

Il nous faut travailler de concert si nous voulons avoir une main-d'oeuvre éduquée et performante, et il nous faut réexaminer, ensemble, la présence du gouvernement fédéral, et le rôle qu'il joue dans notre ville, qu'il s'agisse de la Garde côtière ou des services de protection de l'environnement. Il nous faut créer, entre toutes les parties prenantes, des partenariats favorisant la diversification de notre économie afin d'assurer la prospérité de notre avenir. Les mesures qui s'imposent dans ces divers domaines sont la clé du développement de Fort McMurray.

Je vous remercie.

.1305

Le président: Je passe maintenant la parole à monsieur Asselin qui a quelques questions à vous poser.

[Français]

M. Asselin: Merci, madame la présidente de la Chambre de commerce. Comme vous le savez, madame la présidente, de même que les gens qui vous accompagnent, le Comité permanent des ressources naturelles a décidé de passer une semaine dans les Territoires du Nord-Ouest. Hier, nous étions à Yellowknife et aujourd'hui nous sommes à Fort McMurray afin de vous consulter et de connaître vos préoccupations.

Ce matin, j'aimerais savoir si la Chambre de commerce est satisfaite du gouvernement actuel en ce qui a trait à sa politique et aux promesses du Livre rouge en matière de développement rural. Avez-vous l'impression que le gouvernement actuel est vraiment préoccupé par le développement rural et qu'il encourage les entreprises à se développer et à former une main-d'oeuvre compétente afin que, dans votre région, on soit compétitif pour sauvegarder les emplois et continuer à développer ce secteur qui est très important?

[Traduction]

Mme Wood: Vous demandez si nous sommes satisfaits de la manière dont le gouvernement administre aujourd'hui notre communauté. Je crois que tout gouvernement peut mieux faire.

Il est clair que le secteur privé fait tout ce qu'il peut pour favoriser la création de partenariats avec les établissements d'enseignement. Il existe ici un centre de formation industrielle. Des programmes conjoints y sont offerts avec la collaboration de Syncrude et de Suncor.

Le gouvernement devrait sans doute participer plus activement à l'éducation de la jeunesse, non seulement des jeunes Autochtones, mais des jeunes de cette... Il faut que nos jeunes sachent toute l'importance que nous accordons à leur avenir à Fort McMurray, puisque l'avenir c'est eux. Outre les moyens d'éducation qui permettraient à la communauté de former les jeunes et de les préparer à la vie active...

Je ne sais pas si vous savez comment fonctionnent Syncrude et de Suncor, mais nos entreprises dépendent des corps de métier. Ce sont eux qui font fonctionner Syncrude et Suncor. Les ouvriers spécialisés ont atteint la quarantaine ou la cinquantaine et songent déjà à leur retraite. Il nous faut donc créer les conditions permettant aux jeunes d'assurer la relève. Que nous puissions obtenir cela par l'intermédiaire du gouvernement, c'est-à-dire, j'imagine, dans le cadre de l'enseignement... Je crois que notre système éducatif devrait être quelque peu transformé afin que l'on puisse donner à ces jeunes...

Syncrude et Suncor, je le répète, ont fait ce qu'il fallait pour assurer le succès de ce programme conjoint, mais le gouvernement doit prendre une part plus active et faire connaître aux jeunes les occasions qui lui sont offertes. Ils n'ont pas à chercher ailleurs. Ils n'ont pas à quitter leur communauté car leur avenir est ici, à Syncrude, à Suncor, dans l'industrie forestière, gazière et minière que ces entreprises tentent actuellement de développer. Si le gouvernement nous accordait davantage de moyens en matière d'éducation, la communauté pourrait prendre son envol.

[Français]

M. Asselin: L'exode des jeunes dans votre région est-il tout simplement relié à l'éducation? Il me semble que c'est un endroit prospère en ce qui a trait à la main-d'oeuvre, aux emplois durables. Si vous subissez un exode accru des jeunes, est-ce vraiment relié à l'éducation? Les jeunes se déplacent vers les grands centres, pour ne plus revenir en région.

[Traduction]

Mme Wood: Oui, dans une certaine mesure. Pendant longtemps, Fort McMurray piétinait. C'est le gouvernement qui nous a amené ces chances de développement en prenant un certain nombre d'initiatives, dont Alsands en 1979. Nos jeunes avaient misé sur cela, mais on nous l'a supprimé. OSLO, un autre projet, a été lancé en 1980. Le gouvernement y était tout à fait acquis, et rien ne devait s'y opposer mais, tout d'un coup, on l'a supprimé. Les jeunes n'avaient plus aucune perspective d'avenir et ils ont dû aller chercher ailleurs.

.1310

Maintenant, étant donné l'annonce faite au mois de juin, je disais à un des membres de votre comité que Fort McMurray n'a jamais paru aussi actif, aussi vivant qu'il ne l'a été ces trois derniers mois. Tout cela est dû à l'initiative du secteur privé et il me semble bon qu'il en soit ainsi. C'est bon pour l'ensemble de la communauté.

Nos jeunes sont conscients. Ils savent que cela leur ouvre des perspectives d'avenir à Fort McMurray même et qu'ils n'ont pas ainsi à chercher ailleurs.

En ce qui concerne la jeunesse, le problème ne se pose pas seulement pour les corps de métier, mais également pour les professions libérales; c'est-à-dire les avocats, les médecins et les dentistes. Il nous en faut ici. Nous en manquons gravement. Pour recevoir ce genre de formation, nos jeunes doivent aller ailleurs. Ils peuvent suivre, au collège Keyano, un programme de passage, mais ils n'ont pas la possibilité de recevoir, ici à Fort McMurray, ce genre de formation.

Une fois qu'ils ont quitté, ils sont exposés à ce qui se passe ailleurs et peuvent avoir le sentiment que la vie y est peut-être plus variée qu'à Fort McMurray. Je reconnais qu'ils n'ont pas nécessairement tort, mais il fait bon grandir à Fort McMurray. On y est bien pour élever ses enfants et nos enfants y seront bien pour élever les leurs. Si nous pouvions donc leur assurer, ici même, la formation nécessaire, si nous pouvions, sur place, assurer leur avenir, notre population aurait la chance de se développer et nous pourrions retenir les jeunes ici.

M. Tim Walsh (directeur, Chambre de commerce de Fort McMurray): Vous nous avez demandé si nous qui habitons des régions excentrées, avions parfois le sentiment d'être négligés par le gouvernement fédéral. Je crois qu'il y a des fois où les habitants des zones rurales ont effectivement cette impression.

Nous avons évoqué la question du transport fluvial et du jalonnement de la rivière. Cette question revêt pour nous une très grande importance.

Pour situer un peu le problème, je précise qu'il y a plusieurs semaines, j'ai pris part à une conférence organisée à Québec, une conférence sur l'immobilier. Nous étions le deuxième groupe à être accueilli dans le magnifique et tout nouveau centre des congrès. On m'a dit que le gouvernement fédéral avait subventionné la construction de ce centre et je n'ai rien à redire à cela étant donné que la beauté de cette ville en fait un site privilégié pour l'organisation de conférences. J'ai alors pensé à notre propre région. Vous m'avez parlé de la nécessité d'une diversification. Et bien, le tourisme est une des activités que nous tentons de développer ici.

On a parlé du dragage de la rivière, mais la Garde côtière assure également le jalonnement du fleuve. En l'absence de bouées, on ne peut pas emprunter la rivière. Or, il est question, pour le gouvernement fédéral, de retirer la Garde côtière et de supprimer le service de dragage. Nous n'avons que 40 000 habitants dans la région et il est clair que nous n'avons pas les moyens d'assumer nous-mêmes les coûts de ce service. C'est, pourtant, un service d'une extrême importance et nous estimons qu'il appartient au gouvernement fédéral de l'assurer.

Ainsi, lorsque nous nous sentons négligés, c'est dans ce sens-là. Nous avons parfois l'impression que vous n'êtes pas conscients de l'importance que certains de ces problèmes ont pour nous, les habitants du Nord.

M. Chatters: Comme vous l'avez dit dans votre exposé, et je suis tout à fait d'accord avec vous, il ne s'agit pas tellement ici de contribuer au développement économique de la localité puisqu'il est évident que cette partie de l'Alberta, cette partie du Canada, a pas mal réussi, qu'elle est vivante et dynamique. Mais nous songeons également à des communautés qui font leurs premiers pas dans le développement de gisements importants - je pense à Voisey Bay et à BHP Diamonds - ainsi qu'à des communautés qui sont en très nette perte de vitesse en raison de l'épuisement des ressources ou la fermeture des exploitations.

Si nous nous sommes rendus ici à Fort McMurray, c'est, justement, pour mieux comprendre quelles sont les mesures qui se révèlent efficaces et quels sont les aspects de notre action que nous pourrions améliorer dans ces autres localités. Il s'agit, par exemple, de ce qui se passe dans les communautés autochtones, de la situation des peuples autochtones et de la question de savoir s'il leur est possible de conserver un mode de vie traditionnel dans une région où le revenu moyen par habitant est de 60 000$ par an et où les gens sont branchés sur l'Internet et captent la télévision par satellite. C'est ce genre de choses qu'il s'agit, de cela et de la manière dont les divers éléments s'enchevêtrent mais aussi du danger qu'il y a à fonder tous ses espoirs sur une seule industrie. Voilà, en quelques mots, les leçons qu'il y a à tirer de ce qui se passe à Fort McMurray; quels sont vos efforts en vue d'instituer un partenariat permettant d'instruire les gens et de créer, dans les industries installées ici, les emplois qu'ils ne trouvent pas encore en raison du défaut d'instruction et de moyens de formation, comme vous le disiez d'ailleurs vous-même. Voilà les choses importantes qu'il nous faut apprendre à Fort McMurray, et c'est cela qui donne tout son sens à notre présence ici.

Mme Carolyn Baikie (directrice exécutive, Chambre de commerce de Fort McMurray): Permettez-moi, monsieur Chatters, d'ajouter quelque chose à ce que vous venez de dire.

.1315

Vous avez entendu, aujourd'hui, les exposés que vous ont présentés Syncrude et Suncor. À la Chambre de commerce, nous sommes conscients d'avoir progressé. Nous sommes, si vous voulez, un modèle de tout ce qui peut être fait lorsque l'industrie et le commerce oeuvrent de concert. C'est tout à fait ce qui s'est passé dans cette région.

Au cours des six ou huit derniers mois, l'industrie a commencé à oeuvrer de concert avec notre organisation commerciale autochtone, avec l'association de la construction ainsi qu'avec la Chambre de commerce afin de créer des passerelles et d'élaborer des stratégies communes. Il n'y a pas beaucoup d'autres endroits où l'on trouve ce type de partenariat, ce type de concertation.

Cette capacité de travailler en commun est rare et notre partenariat avec les entreprises nous a permis de beaucoup progresser. Il y a ici quelque chose d'unique dans la manière dont les organisations commerciales ont décidé d'agir en commun. Jusqu'ici, elles hésitaient à s'asseoir autour d'une même table, craignant de perdre une partie de leur autonomie, de se voir interpeller sur leur mission. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Nous avons en cela de nombreux motifs de fierté.

Le président: Je vous remercie. Je passe d'abord la parole à Ben.

M. Serré: Merci, monsieur le président.

Vous dites, dans votre exposé, que parmi les rôles que le gouvernement est légitimement appelé à jouer pour contribuer au développement des économies rurales, il y a la mise en place d'un partenariat et, comme vous nous l'avez dit, «d'explorer les types d'activité permettant de dégager des plus-values dans le domaine des ressources naturelles». Pourriez-vous nous donner davantage de précisions? Quel type de partenariat envisagez-vous? Pourriez-vous nous fournir des exemples précis de produits à valeur ajoutée que vous envisagez?

Mme Baikie: Oui. En ce qui concerne les ressources de la région, dans les secteurs pétroliers, gaziers et forestiers, la recherche et développement jouent un rôle essentiel. Je sais que les entreprises ont également un rôle à jouer, mais les communautés rurales telles que la nôtre ont besoin de l'aide de tous les paliers de gouvernement. Aujourd'hui, en vous parlant, nous nous adressons au gouvernement fédéral. Je suis convaincue que lorsque les divers paliers de gouvernement se pencheront sur la question des plus-values qu'il serait possible de développer ici, ils s'apercevront que ce sont les manufactures qui manquent.

D'après moi, les industries qui sont installées ici offrent à cet égard des possibilités. Les déchets miniers pourraient servir à certaines fabrications. En se réunissant autour d'une table et en réfléchissant aux efforts de recherche et de développement qui permettraient de repérer les occasions qui se présentent, on ferait un grand pas sur la voie du développement durable et on se rapprocherait du but qui est de ne plus dépendre entièrement d'une seule industrie. Actuellement, c'est bien notre situation, et il nous faut diversifier notre activité. Il est donc extrêmement important d'explorer les divers moyens d'y parvenir.

Le président: Je vois deux personnes qui ont des questions à vous poser. D'abord, Bob, puis Reg.

M. Wood: Permettez-moi de poursuivre dans la ligne de ce que vient de dire mon collègue. Mme Wood, Mme Baikie, ou M. Walsh, d'après vous, les travailleurs et les entrepreneurs locaux ont-ils les aptitudes nécessaires pour faire passer votre région, dans son ensemble, à des activités à plus grande valeur ajoutée?

M. Walsh: Une chose qui nous préoccupe beaucoup, c'est bien cette certitude d'avoir, justement, à l'avenir, de nombreuses occasions. Fort McMurray éprouve un problème commun au reste du pays: nous avons ici beaucoup de jeunes qui ne savent pas ce qu'ils feront à l'avenir. Nous pensons qu'ils auront effectivement des occasions et nous voulons nous assurer qu'ils pourront ici recevoir l'instruction qui leur permettra d'en bénéficier. Voilà le défi, cela étant particulièrement vrai des corps de métier. Avant, dans les corps de métier, on avait l'apprentissage et le problème, évidemment, c'est qu'aujourd'hui beaucoup de ces places d'apprentis ont disparu. Cela demeurera vrai pour encore plusieurs années.

.1320

Lorsque Syncrude s'est installée dans la région, il nous a fallu faire venir de nombreux ouvriers spécialisés car, tout d'un coup, les besoins ont augmenté. Nous tentons de répondre, par des moyens nouveaux, à l'impératif de la formation technique des jeunes afin de leur ouvrir l'accès aux emplois spécialisés qui vont être créés.

M. Wood: Monsieur le président, une dernière question.

La Chambre de commerce s'est-elle fait une opinion au sujet de l'action gouvernementale? D'après vous, les gouvernements devraient-ils faire des investissements directs dans la fabrication de produits à plus forte valeur ajoutée, peut-être par des incitations fiscales?

M. Walsh: Non, je ne le pense pas. J'estime que le gouvernement pourrait peut-être contribuer à la recherche et au développement afin de nous aider à mieux repérer les possibilités. Pour ce qui est de l'industrie des sables bitumineux, beaucoup de recherche et de développement se fait déjà à Edmonton, et je crois qu'on est, en effet, en train de répertorier les possibilités. De nombreux sous-produits des sables bitumineux pourraient être exploités de manière rentable. Je crois que la recherche et développement permettront de savoir lesquels; au fur et à mesure qu'on le sait, on le fera. Je ne pense pas qu'en ce domaine les subsides fédéraux soient nécessaires.

M. Wood: Comment le gouvernement peut-il encourager les entreprises qui exploitent des ressources naturelles à réinvestir dans les communautés locales? Est-ce possible de le faire?

M. Walsh: Vous l'avez bien fait avec le groupe de travail sur les sables bitumineux. Les dispositions fiscales alors mises en oeuvre ont certainement contribué à cela. Comme Katie l'a dit dans son intervention, à cet égard, vous avez jusqu'ici oeuvré très utilement.

M. Wood: Merci.

Le président: Monsieur Bélair.

M. Bélair: Merci, monsieur le président. Mon intervention est moins une question qu'un commentaire et une suggestion.

L'un après l'autre, les témoins ont dit que, ici, l'instruction pose un problème durable, tout autant qu'à Yellowknife, ainsi que nous l'avons entendu dire hier. Je tenais simplement à vous faire savoir - et je dois dire, M. Walsh, qu'il est regrettable que vous n'ayez pas saisi l'occasion de vous y rendre - qu'il existe, à environ 100 milles de la ville de Québec, dans la Beauce, un centre de formation unique en son genre. D'après ce qui a été dit ici ce matin, je crois que ce concept pourrait facilement être repris dans le cadre de ce que vous voulez entreprendre.

Dans son exposé de ce matin, Syncrude a dit consacrer à la formation quelque 5 à 7 p. 100 de la masse salariale. Cela fait de 13 à 19 millions de dollars par an. En termes absolus, cela fait beaucoup d'argent consacré au perfectionnement, à la formation et à la création d'emplois.

Je pourrais, si vous le voulez, établir les contacts et vous envoyer de la documentation. Vu un taux de succès extrêmement élevé, on vient même des États-Unis pour visiter ce centre. Le nombre de candidats dépasse le nombre de places disponibles, et les étudiants partagent leur temps entre le travail et l'étude. Cela me semble correspondre exactement à vos besoins.

Donc, Mme Wood, si vous voulez bien me donner votre carte, je vous mettrai en contact avec le député du lieu et, après cela, ce sera à vous de jouer. Je crois qu'il vaudrait la peine d'investir 5 ou 6 000$ dans une visite à ce centre. Cela correspond tout à fait aux besoins que vous avez évoqués.

Merci.

Le président: Merci.

Madame Cowling, c'est à vous de poser la dernière question.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Ma question a trait à l'éducation et à la formation. Je tiens simplement à dire que Mme McLellan, qui, parmi les personnes qui ont été en charge de ce portefeuille, est probablement celle qui a accordé le plus d'importance au développement économique des régions rurales, est un farouche partisan du développement durable.

La science et la technologie ont progressé tellement vite. Captez-vous ici, les programmes d'accès communautaire? Où en êtes-vous au niveau de l'autoroute de l'information? On entend parler de jeunes qui explorent l'Internet, pourriez-vous nous donner votre avis sur le volet technologique de la chose? Avancez-vous rapidement dans ce domaine? Où en est l'autoroute de l'information ici?

.1325

Mme Wood: Je dirais qu'à Fort McMurray un foyer sur deux a un ordinateur. Nous travaillons beaucoup avec le câblodistributeur local qui est en train d'installer un réseau câblé bidirectionnel. Cela nous permettra de nous brancher sur l'Internet par le câble plutôt que par les lignes téléphoniques. Notre système téléphonique actuel est excellent, mais le câble sera sans doute dix fois plus rapide. Ils espèrent pouvoir brancher les usines sur l'Internet. C'est dire qu'en matière de communications et d'autoroute de l'information notre infrastructure est très avancée.

Je ne me rappelle pas de la première partie de votre question. Je crois qu'il y avait autre chose. Avons-nous ici l'infrastructure nécessaire?

Mme Cowling: C'est cela. Je vous demandais si l'infrastructure existait et si elle vous était utile.

Mme Wood: Oui, tout à fait.

Mme Cowling: Ces progrès ont été bien accueillis?

Mme Wood: Vous voulez dire l'Internet?

Mme Cowling: Oui.

Mme Wood: Oui, tout à fait. Je dois vous dire une chose au sujet de Fort McMurray - on vous a peut-être induit en erreur au sujet de la main-d'oeuvre qualifiée. Notre communauté a une main-d'oeuvre extrêmement qualifiée, des gens très éduqués. Syncrude et Suncor ont recruté non seulement des corps de métier, mais également des spécialistes tels que des ingénieurs. Les effectifs de ces entreprises comprennent beaucoup d'ingénieurs. C'est dire que nous avons ici des gens très éduqués qui ne répugnent pas du tout à utiliser l'Internet. Ils ont très bien accueilli cette innovation et cela restera vrai.

M. Walsh: Je tiens à préciser que l'éducation est un domaine hautement prioritaire. Comme elles l'ont dit elles-mêmes, Syncrude et Suncor sont extrêmement actives au sein de partenariats les liant à des établissements d'enseignement. D'ailleurs, le collège Keyano a reçu des récompenses nationales et internationales en raison de ces partenariats qui scellent la coopération entre le secteur industriel et l'enseignement. C'est dire que nous sommes très attachés à la recherche de nouvelles solutions et je vous remercie de votre offre. Nous y donnerons suite. Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie de votre exposé qui a retenu l'attention des membres du comité. C'est pourquoi ils vous ont posé autant de questions. Nous ne manquerons pas de vous faire parvenir notre rapport et nos recommandations.

Nous allons maintenant passer à notre prochain témoin, M. Lawrence Courtoreille, de la Première nation crie Mikisew. Permettez-moi d'abord de nous excuser. Nous avons éprouvé, au niveau de la communication, quelques difficultés à faire connaître à Lawrence l'horaire ainsi que d'autres détails concernant cette séance. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir nous présenter un exposé. Merci beaucoup.

M. Lawrence Courtoreille (président du conseil, Première nation crie Mikisew): Je m'excuse de ne pas avoir rédigé quelque chose mais je peux vous en fournir la raison. J'étais en route pour Saskatoon lorsque j'ai rencontré le maire. Il me dit «Ah, vous êtes inscrit à l'ordre du jour de ce matin.» Je lui ai répondu «Ah, vraiment?»

Quoi qu'il en soit, je tiens à remercier notre député, David Chatters, de nous avoir fait savoir qu'il serait possible de comparaître devant le comité permanent. Nous lui avons répondu que nous étions effectivement intéressés. Mais nous n'avons reçu, après cela, aucune autre communication. Je suis tout de même heureux d'avoir cette occasion puisqu'elle me permet de vous présenter le point de vue des Premières nations.

Permettez-moi, en guise d'introduction, de vous dire que je suis l'actuel président du conseil de la Première nation crie Mikisew, et membre du conseil municipal de Wood Buffalo.

Les discussions portées à ma connaissance, et dont j'ai pu m'entretenir brièvement avec le maire, sont conformes à certaines des préoccupations que, en tant que Première nation, nous éprouvons nous-mêmes. Malheureusement, je n'ai pas préparé d'exposé oral, mais je peux vous donner celui que nous avions fait parvenir au groupe de travail sur les sables bitumineux, avant que M. Martin n'annonce, l'année dernière, son budget instituant un nouveau régime fiscal favorisant le développement des sables bitumineux.

.1330

Si je n'ai aucune difficulté à prononcer cet exposé oral, c'est parce que, depuis de nombreuses années, nous avons l'habitude d'exposer nos idées et de porter à l'attention des gens les préoccupations que les Autochtones éprouvent dans cette région.

On nous a parfois reproché, à nous Autochtones, une attitude hostile au développement, mais le fait est que nous ne nous sommes nullement opposés au développement économique ou au progrès de la communauté et de la région. Ce qui nous préoccupe particulièrement, et nous n'avons pas manqué de le faire savoir... et malheureusement notre souci de préserver l'environnement a été interprété comme une hostilité à l'égard du développement.

En réalité, nous avons dans cette région, et cela depuis de nombreuses années, fait connaître nos préoccupations, particulièrement au gouvernement fédéral car, comme vous le savez, en tant que Première nation, nous avons un lien direct avec lui. Nous sommes particulièrement préoccupés par le faible développement de nos communautés. Comme vous le savez, il y a, en Alberta, ce Fonds du patrimoine, constitué grâce à l'exploitation des sables bitumineux et des gisements de gaz, mais aucune des Premières nations n'a pu en bénéficier. Il s'agissait, pourtant, de favoriser le développement de nos communautés.

En ce qui concerne le programme d'infrastructure annoncé par le gouvernement libéral, là aussi les Premières nations ont été exclues. Le gouvernement fédéral n'a pas mis en place de programme analogue et, dans le cadre des liens qui nous unissent au gouvernement fédéral, nous n'avons accès qu'aux ressources réparties par le ministère des Affaires indiennes.

Nous estimons être en mesure de soutenir toute initiative de développement, et d'y participer, mais je crois également que, pour nous, le plus important, ce qui nous préoccupe le plus, c'est la possibilité de continuer à vivre dans nos communautés aux alentours de Fort McMurray mais en assurant que ces communautés pourront se développer comme nous avons pu, de l'extérieur, voir se développer cette communauté-ci au cours des 30 ou 40 dernières années. Nous avons vu un petit village se transformer en grande ville.

Nous regardons cela depuis longtemps et nous sommes stupéfaits de voir la vitesse à laquelle une communauté peut se développer. Mais, vivant dans une des communautés situées au pourtour du projet d'exploitation des sables bitumineux, à 12 kilomètres de l'usine Syncrude... Ces dernières années, nous sommes enfin parvenus à obtenir l'adduction d'eau et des égouts - oui, de simples services d'adduction de l'eau et un système de tout-à-l'égout, et cela à 12 kilomètres de Syncrude. Il s'agit pourtant de services élémentaires dont devraient pouvoir bénéficier tous les habitants de notre pays, surtout ceux qui habitent à 12 kilomètres d'importants champs d'exploitation.

Nous sommes pris, je pense, entre deux paliers de gouvernement, comme nous l'avons été par le passé. Selon la province, nous relevons du gouvernement fédéral, alors que celui-ci prétend, pour sa part, qu'une partie des impôts perçus dans la région devrait faire retour aux communautés.

Heureusement, les entreprises de ce secteur sont de notre bord. Elles ont posé directement la question: nous vous versons chaque année huit millions de dollars en impôts divers; que faites-vous pour les communautés situées autour de Syncrude, pour les communautés de cette région?

C'est la question essentielle, que nous avons posée à M. Martin et au comité interministériel chargé d'examiner le projet des sables bitumineux. Cette fois-ci, nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation qui a été la nôtre ces trois dernières années; nous voulons dorénavant participer à part entière.

.1335

Malheureusement, lors de l'annonce du projet d'exploitation des sables bitumineux, il n'a pas été tenu compte de nos préoccupations. Or, ces préoccupations-là, les cinq communautés les avaient clairement énoncées.

Nous ne nous attendons pas à ce que le ministère des Affaires indiennes, avec le maigre budget qu'il a à consacrer à la région, puisse, tout d'un coup, accorder des crédits à nos communautés pour améliorer les logements et les conditions d'existence, car, si le ministère faisait cela, il lui faudrait ponctionner les crédits, déjà limités, prévus pour le développement des autres Premières nations.

Ce que nous avons proposé, et que nous continuons de proposer, c'est que le gouvernement fédéral mette de côté une partie de l'argent perçu, dans le cadre du nouveau régime fiscal et des accords conclus avec les entreprises responsables de l'exploitation des sables bitumineux, non seulement pour créer des emplois, mais également pour financer le développement des communautés de la région afin que nous puissions plus aisément participer au développement économique.

Je ne pense pas que ce soit trop demander. Nous demandons simplement, en tant que peuples autochtones installés dans la région depuis de nombreuses années, à partager ce développement.

Je rappelle que, en tant que Premières nations, nous n'avons pas accès au Fonds du patrimoine ou aux autres réserves constituées par la province car nous relevons du gouvernement fédéral. Ce dernier, cependant, n'a rien fait pour doter les Premières nations de l'infrastructure qui donnerait à nos peuples les moyens de vivre avec suffisamment de confort pour pouvoir participer au développement économique de leur région et nous continuons à piétiner.

Au cours des quelques dernières années, depuis les années 80, nous avons effectué de nombreuses études pour tenter d'améliorer les conditions d'existence des communautés autochtones situées aux alentours de Fort McMurray. Notre objectif n'a pas changé.

En ce qui concerne l'emploi et la formation, nous avons fait beaucoup de progrès au cours des 10 à 15 dernières années. Nous constatons une nette amélioration. Certaines de nos communautés commencent déjà à profiter de l'exploitation des sables bitumineux, mais cela est surtout dû aux Premières nations elles-mêmes. En effet, si vous regardez, parmi les Premières nations, celles qui ont réussi dans ce secteur industriel, sont celles qui ont eu les moyens de répondre à certains besoins de leurs communautés en matière d'infrastructure.

Nous avons encore beaucoup de chemin à faire, comme vous l'ont dit tout à l'heure les représentants de la Chambre de commerce. Il va falloir rattraper le temps perdu et régler les problèmes qui se posent en matière de formation et d'emploi.

En tant que Première nation, un nouveau défi nous est apparu du fait que le gouvernement fédéral se décharge, sur la province, de certaines de ses responsabilités. Dans deux ans, le programme de formation et d'emploi du ministère du Développement des Ressources humaines relèvera de la province de l'Alberta. Mais, dans tout cela, où en sont les Premières nations étant donné le lien direct qui les unit au gouvernement fédéral?

Nous savons ce dont le gouvernement provincial est capable lorsqu'il s'agit de réduire les crédits affectés à l'enseignement et à la formation. Si, tout d'un coup, nous ne figurons pas dans le plan d'affectation des crédits prévus pour le développement des ressources humaines dans cette région - je parle de crédits qui ne nous sont pas versés directement par la province en tant que Première nation - comment pouvons-nous nous attendre à un changement d'attitude à l'égard des Premières nations alors que le gouvernement fédéral est prêt à se défaire, au profit de la province, de ses responsabilités en matière de formation et d'emploi?

De la part du gouvernement fédéral, cela fait preuve, à notre égard, de négligence. Nous avons, avec le gouvernement fédéral, un lien direct et nous commençons à nous apercevoir que le gouvernement va se décharger sur la province de beaucoup de ses responsabilités, sans même consulter les Premières nations. L'enseignement technique n'est que la première des responsabilités à être ainsi transférée.

Je sais que le ministre précédent, M. Young, a déjà rencontré les responsables provinciaux pour entamer le processus. Si je le sais, c'est parce que j'ai moi-même prôné et élaboré pour le gouvernement fédéral les nouveaux critères de développement des ressources humaines dans le cadre de la restructuration du programme Les chemins de la réussite. Mais nous n'avons jamais recommandé que le gouvernement fédéral se décharge de cette responsabilité.

.1340

Dans ce document, nous avons également indiqué que la création d'emplois nous permettrait maintenant d'envisager de nouvelles initiatives commerciales. Encore une fois, une telle solution ne peut être envisagée que par les Premières nations qui ont pu bénéficier, dans leurs communautés, de travaux d'infrastructure. Ces communautés peuvent maintenant, au-delà même des nouveaux emplois, songer à des initiatives commerciales. Notre Première nation a su, dans la région, s'assurer un certain développement et s'associer à d'autres au niveau de l'emploi mais aussi au niveau de l'entreprise. La seule chose qui nous manque entièrement ce sont les moyens de formation.

Nous possédons des entreprises, mais beaucoup d'entre elles font principalement appel à une main-d'oeuvre non spécialisée. Nous avons pu créer des emplois, mais nous manquons de moyens pour former des ouvriers spécialisés. Tous nos membres n'ont pas la possibilité de se rendre ou de déménager à Fort McMurray pour suivre des cours au collège Keyano.

Je sais que dans leur Livre rouge, les libéraux parlent de formation en cours d'emploi.M. Chatters sait très bien - je l'ai opposé en tant que candidat libéral lors de la dernière élection fédérale, et nous avons discuté de cela - j'espère que cela se fera très bientôt, car nous aimerions beaucoup pouvoir bénéficier de ce programme. Mais je brûle peut-être les étapes.

Les Premières nations ont perdu beaucoup d'occasions, car bon nombre de programmes introduits au cours des 15 dernières années, des programmes tels que le SCDEA, beaucoup d'occasions économiques telles que le fonds de participation dans les sables bitumineux ont été supprimés. Tous ces programmes ont été adoptés aux dépens des Premières nations lors de la signature du précédent accord Syncrude. À l'époque, la majorité des Premières nations de cette région n'étaient pas en mesure de participer aux programmes de développement, aux programmes économiques ou aux programmes d'infrastructure. Maintenant que nous sommes parvenus à nous engager dans cette voie et que nous voulons accéder au monde de l'entreprise, ce genre de programme a disparu.

J'en viens maintenant au dernier point que nous avons évoqué. Je m'occupe de ce genre de questions depuis longtemps, puisque j'ai été pendant plusieurs années chef adjoint de l'APN et que je suis maintenant chef de ma tribu et je sais que l'une des choses que nous avons examinée et que nous avons proposée au gouvernement fédéral - l'idée se réalisera peut-être - c'est qu'en tant que Première nation nous ne voulons plus dépendre des aumônes.

Le plus facile serait sans doute de s'inscrire au bien-être social, mais ce que nous proposons, comme nous l'avons fait dans notre lettre, c'est de prendre une participation. Je parle là de l'exploitation des sables bitumineux au cours des 25 ou 30 prochaines années. Nous nous sommes dits qu'avec tout ce que nous avions coûté jusque-là, ne pourrions-nous pas parvenir, avec l'aide du gouvernement fédéral, à réunir l'argent nécessaire pour nous rendre acquéreur d'une participation de 5 ou de 10 p. 100 d'une partie de ce projet? Cela nous permettrait de gagner de l'argent et de le réinvestir dans la communauté. Cela n'est pas encore exclu et nous n'avons pas perdu tout espoir d'aboutir.

Voilà les principaux points que je voulais évoquer devant vous. Nous sommes maintenant disposés à conclure un accord de partenariat. Nous sommes également prêts à satisfaire les besoins de nos communautés. Mais il faut que le gouvernement fédéral garantisse que nos intérêts seront sauvegardés, c'est-à-dire les intérêts qui relèvent du gouvernement fédéral, car pour devenir des partenaires à part entière, il va nous falloir de l'aide.

Il se peut très bien que cette région - nous ne sommes ici que cinq petites communautés - se prête particulièrement aux programmes de formation, d'emploi et de création d'entreprises, voire à un programme nous permettant de prendre une participation. Ici, de tels programmes ont de bonnes chances de réussir.

.1345

Sur ce, je tiens, encore une fois, à m'excuser de ne pas avoir préparé d'exposé écrit. J'aimerais, cependant, distribuer les documents que nous avons présentés - pendant tout l'hiver, nous nous sommes livrés à un lobbying intensif pour obtenir de M. Martin qu'il tienne compte de nos préoccupations lors de l'annonce du nouveau dispositif applicable aux sables bitumineux - et nous sommes en outre toujours prêts à discuter. Je me presse un peu car nous venons aujourd'hui d'apprendre que le ministre des Affaires indiennes doit se rendre ici le 17 novembre 1996. Nous aurons donc l'occasion d'exposer à nouveau nos points de vue.

Votre comité doit être au courant de certaines des situations dans lesquelles nous nous trouvons, et du fait que nous ne profitons nullement de l'exploitation des sables bitumineux. Songez au Nord canadien. Tous les projets d'exploitation, qu'il s'agisse de l'or, du pétrole, du bois, de l'eau, de la potasse ou de l'uranium, tout cela se trouve dans le Nord. Or, la majorité des Premières nations habitent, justement, le Nord. Ce sont nos terres et nos ressources qui font la prospérité de populations qui vivent dans une bande de 100 milles à partir de la frontière américaine, puisque c'est là, en effet, qu'habitent la majorité des Canadiens. Or, cette prospérité est le fruit des ressources exploitées sur les terres autochtones, principalement dans le nord du Canada, et elle se fait aux dépens des Autochtones. Nous voulons notre part. Il est temps que nous soyons admis à participer et à profiter aussi de cela.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Courtoreille. En ce qui concerne les documents dont vous nous avez parlé, nous sommes tout à fait disposer à les recevoir.

Si M. Asselin a des questions, je lui passe la parole.

[Français]

M. Asselin: Merci, monsieur Courtoreille. Hier, à Yellowknife, j'ai posé la question suivante à un témoin. Que doit-on faire pour aider les PME? Que devrait faire le gouvernement fédéral pour aider les PME et l'industrie à créer de nouveaux emplois durables?

Le témoin nous a répondu qu'en premier lieu, il y avait une certaine instabilité du climat politique. J'étais heureux d'apprendre que ce n'était pas seulement au Québec qu'il y avait de l'instabilité. Il y en a aussi à l'autre extrémité du Canada.

Il nous a dit que l'instabilité du climat politique avait pour effet de nuire aux investisseurs, ce qui cause des pertes d'emplois et nuit au développement durable. L'une de leurs principales préoccupations était les délimitations territoriales. Il semble que le gouvernement fédéral ait entrepris ces délimitations territoriales il y a au-delà d'un quart de siècle. En 1996, que fait votre communauté afin d'aider le gouvernement fédéral à régler l'aspect des délimitations territoriales dans le but de rassurer les investisseurs et de les encourager à s'établir dans les Territoires du Nord-Ouest et, par le fait même, à créer des emplois durables?

[Traduction]

M. Courtoreille: Ma réaction immédiate est que la personne qui a répondu ainsi n'était pas un Autochtone.

[Français]

M. Asselin: C'est exact.

[Traduction]

M. Courtoreille: Nous n'éprouvons pas ce problème ici. Il est vrai qu'avec le gouvernement fédéral, il y a un certain nombre de problèmes qui n'ont pas été réglés, notamment en matière de droits issus des traités et en matière de prestations économiques. Il existe également un certain nombre de problèmes en instance à l'égard de nos revendications territoriales. Mais, à mon avis, rien de cela n'a nui au développement de la région. Ce développement se poursuivra même si le Parti québécois ou le Parti réformiste devait demain accéder au pouvoir. Les sables bitumineux continueront à produire, les avantages continueront à aller au sud et, même si l'on instaure une nouvelle politique économique, le travail continuera. Les gens de la région en bénéficieront.

.1350

Je ne pense donc pas que les Autochtones de la région soient un facteur d'instabilité, du moins pas dans cette région-ci. Beaucoup des améliorations dont la région a bénéficié sont dues à la compréhension qui marque les rapports entre les peuples autochtones et de grosses entreprises qui exploitent les richesses naturelles. En examinant certains des problèmes que nous sommes parvenus à régler au cours des quelques dernières années, vous verrez que beaucoup s'est fait en collaboration avec les dirigeants des sociétés qui exploitent les sables bitumineux, Syncrude et Suncor, mais surtout Syncrude qui est particulièrement consciente de la grande importance de ses rapports avec les Premières nations.

Je ne veux pas dire par cela que les revendications territoriales ne sont plus un problème important. L'affaire n'est pas réglée. Nous comprenons que quel que soit le gouvernement au pouvoir - et je crois que Dave m'a entendu dire plusieurs fois que peu importe le gouvernement au pouvoir - nous sommes obligés de traiter avec le ministère de la Justice, sans doute avec des gens qui sont en place depuis l'époque de Diefenbaker et qui estiment encore devoir faire obstacle à toute revendication territoriale et bloquer divers autres dossiers. Les problèmes subsistent. Mais nous espérons les résoudre.

Cela comprend certains problèmes liés aux zones en cours d'exploitation. Une partie de l'instabilité constatée dans cette région provient du fait que le gouvernement fédéral n'a pas dit comment les peuples autochtones seraient appelés à participer à l'exploitation des sables bitumineux. Nous avons déposé de nombreuses demandes, nous avons fait valoir de nombreux arguments et nous continuerons à le faire.

En ce qui concerne les petites entreprises, nous nous attachons toujours à résoudre les problèmes d'infrastructure qui se posent dans nos communautés. Dave, notre député, sait que beaucoup de nos communautés n'ont jamais cessé de rappeler les conditions de logement dans lesquelles vivent la plupart de nos communautés. Mikisew a eu la chance de voir régler ses revendications territoriales en 1986. Nous avons pu utiliser les sommes que nous avons reçues pour en arriver au point où nous en sommes. Malheureusement, beaucoup d'autres Premières nations ne sont pas encore parvenues à régler leurs problèmes d'infrastructure.

Peut-être devrions nous regretter de ne pas bénéficier d'un règlement aussi important que ceux qu'il y a eu à la baie James, dans votre région du pays, mais je suis persuadé que les gens de la baie James éprouvent encore les mêmes problèmes que nous, en ce qui concerne le contrôle du développement de leur région, et la question de savoir si ce contrôle doit appartenir au gouvernement du Québec ou aux habitants de la baie James. Ces problèmes continueront à agiter les Premières nations car, si vous examinez nos traités, vous verrez qu'il y est question de partage des ressources et de partage des richesses de notre pays, y compris au Québec. Or, cela ne s'est pas encore fait, mais nous espérons y parvenir.

Le président: Monsieur Chatters.

M. Chatters: À vrai dire, je ne sais pas où commencer car je connais Lawrence depuis un certain temps et nous avons déjà eu l'occasion de parler de tout cela. Je discute avec Lawrence de la question de savoir si l'exploitation des ressources naturelles profite aux communautés autochtones. Je me suis rendu dans la plupart des communautés autochtones de ma circonscription et, au niveau de l'infrastructure, leurs installations feraient pâlir d'envie beaucoup des communautés se trouvant plus au sud. Pourtant, dans les établissements d'enseignement, le taux d'abandon continue à dépasser 80 p. 100. Cela me semble être un des obstacles à une meilleure participation des peuples autochtones au faire-valoir des ressources et le problème subsiste en dépit des travaux d'infrastructure qui ont été réalisés.

J'aimerais connaître votre point de vue, car je ne pense pas que l'on parvienne jamais à trancher le débat sur une prise de participation directe et la reconnaissance d'un troisième palier de gouvernement au Canada. Il s'agit là d'un débat plus large, qui se poursuit et qui va continuer à se poursuivre, mais le problème immédiat c'est l'éducation et la manière d'y porter remède.

.1355

M. Courtoreille: D'après moi, la meilleure manière de vous répondre est de rappeler que, pour la plus grande partie de notre vie, nous nous sommes trouvés sous le contrôle des agents indiens. L'agent des Affaires indiennes a quitté la région il y a, je crois, moins de 20 ans. Je ne sais pas si c'était l'avis du gouvernement ou si cet avis était, plus généralement, partagé par l'ensemble des peuples non autochtones du Canada quant à la manière dont il y avait lieu de traiter les Indiens, mais c'est un fait que nous étions les pupilles du gouvernement. Cela étant, et que nous ayons été retirés de nos foyers et mis en pension dans des écoles ou que notre vie ait été, de manière générale, contrôlée par un agent des Affaires indiennes, le fait est que ce n'est que depuis 15 ou 20 ans que nous sommes engagés sur la voie de l'autonomie et que nous nous sommes dotés d'une forme de gouvernement afin de pouvoir nous occuper des problèmes qui nous touchent.

Une des premières choses que nous avons faites a été d'essayer de demeurer là où nous étions, et d'écarter l'idée qu'il nous fallait quitter nos communautés et aller vivre à Fort McMurray. En effet, à la fin des années 60, on entendait dire, par exemple que... L'exemple choisi était Fort McKay: «Pourquoi ne pas simplement raser la ville de Fort McKay et emmener tous les Autochtones vivre à Fort McMurray? Nous n'aurions plus alors à nous soucier des programmes d'infrastructure.»

Face à cette attitude, et nous trouvant au sein d'un système où les peuples des Premières nations n'ont jamais eu voix au chapitre alors, pourtant, qu'il s'agissait de se prononcer sur notre propre destin, de nous prononcer sur notre avenir en tant que peuple, lorsque nous avons commencé à édifier notre propre administration et à développer nos propres formes de gouvernement au cours des 15 dernières années, nous avons commencé et nous continuons à nous pencher sur ces problèmes. Nous ne savons pas encore quelle forme de gouvernement nous allons adopter. Dans une certaine mesure, nous ne maîtrisons toujours pas notre propre éducation. Nous n'avons toujours pas la maîtrise du secteur sanitaire bien qu'à Fort Chipewyan nous soyons actuellement en train de négocier un transfert de pouvoir en ce domaine; les trois autres Premières nations n'en ont pas la possibilité.

Nous continuons à tenter de résoudre les problèmes découlant du système scolaire indien, l'alcoolisme, la toxicomanie, les violences familiales. Nous n'avons pas reçu les ressources nécessaires pour nous attaquer à ces problèmes nés de lois et de politiques qui nous ont été imposées non pas par Ottawa mais par le Canada. Les gens pensaient que c'était la solution qui s'imposait à l'égard des peuples autochtones. Et bien, cela a mené à l'échec et nous subissons les conséquences de cette politique désastreuse. Ces conséquences sont, justement, les problèmes dont, Dave, vous nous avez parlé - problèmes en matière d'éducation et de formation.

Hier soir, j'ai participé à une réunion au sein de notre communauté, où nous avons discuté des moyens qui nous permettraient d'atténuer le problème des abandons scolaires, d'aider les jeunes et leurs parents et de nous attaquer aux problèmes disciplinaires. Les problèmes remontent, en effet, à leurs parents, qui sont eux-mêmes issus du système de pensionnat. Je suis un de ces parents-là.

Il s'agit d'intervenir dans le domaine de l'emploi, dans le domaine de l'éducation, en matière d'entretien des habitations, et de se pencher, également, sur les problèmes découlant de la structure familiale et, plus généralement, sur nos problèmes communautaires.

Au cours des quelques dernières années, nous nous sommes adressés à divers organismes gouvernementaux: Donnez-nous les ressources nécessaires pour nous attaquer aux problèmes qu'éprouvent nos communautés. Ne nous donnez pas de quoi construire un centre de désintoxication; donnez-nous l'argent nécessaire pour faire en sorte que les gens n'aient pas à se rendre dans un tel centre. Donnez-nous les ressources nécessaires pour répondre aux besoins en matière d'éducation, au lieu de chercher à vous décharger, sur la province, de vos responsabilités en ce domaine, vous feriez mieux de respecter les obligations que vous imposent les traités, dont l'obligation de pourvoir à notre éducation.

Dave, c'est en grande partie parce qu'il s'agit d'une communauté qui, depuis 15 ou 20 ans, a finalement commencé à se relever. C'est une situation difficile, car nous essayons tout de même d'être de notre temps et de suivre ce qui se passe à l'extérieur, tout en tentant de résoudre nos problèmes internes. Nous ne tentons pas de rejeter sur les autres toute la responsabilité. En grande partie, nous sommes nous-mêmes responsables de ce qui s'est passé, mais nous sommes les seuls à pouvoir résoudre le problème. Mais, si l'on ne nous donne pas les moyens nécessaires, les centres de traitement, par exemple, et si nous n'avons pas les moyens de nous attaquer aux problèmes que l'on peut constater dans nos communautés, aussi bien dans la jeunesse qu'au niveau des structures familiales, nous ne pourrons jamais participer pleinement à la vie de ce pays.

.1400

Le président: Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier de l'exposé que vous avez prononcé devant nous. Le comité est très sensible aux problèmes qu'éprouvent les peuples des Premières nations. J'ai, dans ma propre circonscription, 14 communautés des Premières nations. Je cite, parmi les initiatives qui ont été prises, le programme Bon départ lancé par le gouvernement fédéral à l'intention des enfants âgés de trois à cinq ans dans le but d'assurer aux jeunes et aux parents une bonne santé. Participez-vous à ce programme?

J'aimerais également vous poser la question suivante. Vous avez une culture qui est unique en son genre et vous avez hérité de traditions que vous entendez peut-être développer. Vous nous avez également dit que vous ne participiez pas au programme d'infrastructure. Que devrait faire le gouvernement pour vous aider à tirer parti de vos points forts afin de revivifier votre communauté au plan de l'infrastructure et de la défense de vos traditions culturelles?

M. Courtoreille: La meilleure manière de vous répondre serait dans l'optique de ma communauté et de mon propre point de vue. Ma femme enseigne au programme Bon départ. Elle est également membre du conseil municipal de Wood Buffalo... Nous sommes donc à même de contribuer à ce programme. C'est un début.

Il existe des volumes et des volumes d'études et d'exposés présentés par les Premières nations, non seulement au gouvernement fédéral mais également à l'occasion des audiences de l'AERCB au sujet des solutions qui pourraient être apportées aux problèmes d'infrastructure dans nos communautés.

Je ne veux pas dire que la première chose dont nous ayons besoin soit d'être reconnus en tant que troisième palier de gouvernement, comme Dave le disait tout à l'heure. Nous demandons simplement de reconnaître que nous sommes là et que nous avons des droits qui sont uniques. Il y a lieu de respecter qui nous sommes, de respecter nos origines et de respecter les lieux que nous habitons. Je vais vous parler de cela en partant de l'exemple de la communauté de Fort Chipewyan.

Cela vous montrera qu'on ne tient compte ni de notre communauté, ni de notre région. On dit parfois que le lac Athabasca, et le delta - un des plus grands deltas du monde - sont l'égout dans lequel se déversent la plupart des autres fleuves. Nous avons, donc, la rivière Athabasca et la rivière de la Paix qui se déversent dans le lac Athabasca et sur lequel sont installées 17 ou 18 usines de pâte à papier.

Dans les années 60, un barrage a été construit en Colombie-Britannique, en méconnaissance complète de la situation économique du peuple de la région. Le peuple de ces régions pratique l'autarcie et vit du produit de la pêche et du piégeage. Depuis de nombreuses années, nous demandons au gouvernement fédéral de nous aider à trouver le moyen de nous faire indemniser par la Colombie-Britannique pour les dégâts qu'elle a causés au delta Paix-Athabasca.

Le gouvernement connaît sans doute les chiffres exacts, mais des millions de dollars ont été consacrés à des études, aussi bien du bassin d'une rivière du nord que du delta Paix-Athabasca. Les études se sont succédé sur les moyens de revitaliser cette région unique au monde car, en effet, le parc national de Wood Buffalo est une réserve mondialement reconnue. Or, il est triste de constater que ce parc fait partie de ce delta qui est devenu une zone de déversement pour tous les égouts de la région.

.1405

C'est dire que nous n'avons pas encore réussi. Nous n'en sommes pas encore au point où le gouvernement va venir nous consulter sur les besoins de notre communauté, bien que nous en ayons parlé... qu'il s'agisse du tourisme... Là, le tourisme ouvre de grandes perspectives du point de vue économique. Pour venir ici, il faut une heure et demie d'avion, et quatre heures de voiture sur des routes d'hiver. Sans cela, c'est par la rivière que l'on parvient à Fort Chipewyan.

Nous pourrions développer le tourisme, mais le gouvernement provincial n'a pas cherché à se réunir avec les Premières nations pour discuter de la manière dont nous pourrions participer. Ils envisagent maintenant de créer des zones vertes et des zones protégées, enfin 2 000 zones qu'ils appellent... protégées, ou spéciales. Cela ne tient aucun compte du peuple de la région. Quelqu'un a décidé que c'est une belle région et qu'on devrait la protéger, sans même se soucier de la manière dont les peuples autochtones vivent ici ou de la question de savoir s'ils ne devraient pas avoir voix au chapitre lorsqu'il s'agit de dire où est leur intérêt.

Le tourisme est la seule chose qui nous permettra de bâtir une économie viable. En tant que Première nation, nous avons pris contact avec le gouvernement fédéral et nous espérons pouvoir, dans les quelques semaines qui viennent, annoncer le début de négociations devant aboutir, d'après nous, à l'autonomie. Pourquoi cela? Nous voulons assumer le contrôle du parc national de Wood Buffalo. La région est à nous. Nous voulons pouvoir continuer à gérer ce territoire et nous voulons être le principal intervenant dans la région, qu'il s'agisse de gérer Wood Buffalo ou de saisir l'occasion de développer le tourisme. Voilà une des choses que nous envisageons.

Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir témoigner. Le point de vue que vous nous avez exposé est irremplaçable. Je sais que vous allez partir pour la Saskatchewan et nous sommes heureux que vous ayez pu venir témoigner devant le comité. Nous recevrons avec intérêt toute documentation que vous voudrez bien déposer auprès de nous.

Je tiens maintenant à appeler le témoin suivant, le professeur Edward Chambers, de l'Université de l'Alberta.

M. Edward J. Chambers (Université de l'Alberta): Je vous remercie de m'avoir fourni l'occasion de comparaître devant le comité. Je vous ai distribué un exposé écrit. J'aimerais évoquer certaines des questions qui y sont traitées, puis passer aux questions.

Je suis directeur de deux centres de recherches interdisciplinaires à l'Université de l'Alberta, qui relèvent du Département d'économie rurale, du Département d'économie et du Département des sciences commerciales. Je suis également professeur de sciences commerciales et ancien doyen de cette faculté.

Ce sont de petits centres de recherche. Nous les considérons comme des points de rencontre où les professeurs et les étudiants de troisième cycle peuvent faire porter leurs connaissances sur des problèmes précis d'intérêt général. Il s'agit du Centre d'études commerciales internationales et du Centre de recherche économique de l'Ouest. Nous sommes membres de la Canadian Rural Restructuring Foundation.

Mon exposé d'aujourd'hui portera davantage sur le problème général du développement rural, quoique, très brièvement, j'évoquerai le cas de Fort McMurray, dont on a beaucoup parlé ce matin.

Dans cet exposé, j'avais le dessein d'examiner trois sujets dont certains ont dû être évoqués lors de vos audiences d'Ottawa. Il s'agit, d'abord, du besoin de bien comprendre, au niveau des politiques choisies, ce que chaque communauté rurale a de particulier au niveau de son développement. La seconde question a trait aux communautés rurales qui dépendent de l'exploitation de ressources naturelles. La troisième a trait à l'impact que sont appelées à avoir sur les communautés rurales les nouvelles techniques de communications et les choix effectués en matière de mode de vie.

.1410

En ce qui concerne la spécificité des communautés rurales, une des choses que j'ai voulu souligner dans mon document, c'est que j'espère que votre rapport final fera bien comprendre qu'on saurait, à vrai dire, parler du Canada rural. On ne saurait même pas parler de l'Alberta rurale, de la Colombie-Britannique rurale ou du Nouveau-Brunswick rural.

Ce qu'il faut préciser c'est que, si l'on constate, au Canada, des différences régionales, on relève également des différences régionales au sein de chaque province. Quelles que soient les politiques adoptées, au niveau fédéral ou provincial, il faut que l'on tienne compte de cette différenciation.

En Alberta, certaines communautés rurales dépérissent. On vous a parlé, ce matin, d'une communauté rurale florissante, en plein essor, et, en Alberta, beaucoup d'autres communautés rurales, telles que Brooks, Grande Prairie, Camrose, Cochrane, Canmore et Medicine Hat, sont, effectivement, en plein essor.

Si donc, dans certaines communautés rurales, il s'agit de mettre en oeuvre un processus de revitalisation, dans d'autres communautés rurales de l'Alberta et de la Colombie-Britannique on tente de trouver des politiques et des mesures permettant de faire face à une croissance trop rapide, à des flux de population trop importants, enfin, à des facteurs qui exigent de gros travaux d'infrastructure et qui menacent même la qualité de vie dans ces communautés.

La communauté veut que les résidents participent à la vie locale et se prononcent sur leur avenir. Toute politique va donc dépendre de la manière dont l'avenir est envisagé, mais j'insiste que le plus important, pour ces communautés rurales, c'est bien que la population s'entende sur ses choix et sur ses objectifs.

Il faut concilier la manière d'envisager l'avenir, la participation de la population et la réalité objective. L'analyse lucide et objective du passé et du présent de la communauté en question, ses points forts et de ses points faibles, ce qui la caractérise par rapport aux autres communautés rurales, sont autant de facteurs qui permettront d'envisager l'avenir et de se prononcer sur une stratégie de développement.

Au Canada, nous ne comprenons pas très bien la diversité régionale - je ne parle pas là des différences entre provinces, mais, plutôt, au sein d'une province donnée, ce qui distingue les diverses régions et sous-régions. Nous manquons d'un ensemble cohérent de données concernant les régions et sous-régions des diverses provinces du Canada. La pauvreté de nos données systématiques a nui à la recherche appliquée sur la situation en zone rurale.

Je regrette d'avoir à vous dire - et je développe cet argument dans mon exposé - que lorsqu'on me demande d'étudier les problèmes qu'éprouvent les zones rurales, il m'est beaucoup plus facile de les étudier dans le contexte américain ou dans le contexte européen, que dans celui de notre pays. C'est un fait, et je suis sûr que les autres chercheurs vous diront la même chose si vous leur posez la question.

Aux États-Unis, par exemple, il existe 3 000 sous-régions, administrativement délimitées; il s'agit des comtés. Les organismes du Département du travail et du Département du commerce chargés d'établir des statistiques, et les organismes qui les ont précédés en ce domaine fournissent depuis plus de 100 ans des renseignements systématiques sur ces comtés. Ces données sont revues chaque année et elles permettent de suivre le développement des divers comtés ruraux, ou de plusieurs comtés ensemble. Cela permet d'effectuer un classement des comtés ruraux selon qu'ils se développent de manière satisfaisante ou qu'ils stagnent. Cela permet de bien saisir les fondements de l'économie locale, la structure et les profils socio-économiques de ces diverses régions.

.1415

Ce qu'il nous faudrait, au Canada, c'est une collecte systématique des données et des renseignements concernant les zones infrarégionales dans chaque province du pays. J'ai dit aussi que jusqu'à la mesure annoncée il y a quelques jours, du moins nous l'espérons, au Canada les données qui existent n'étaient pas mises à la disposition des chercheurs. Nous n'avons pas accès aux données réunies par Statistique Canada car le Conseil du Trésor a instauré une politique du recouvrement des coûts obligeant à payer pour les obtenir.

Étant donné qu'il existe, dans chaque province, des sous-régions, il faut reconnaître que, pour les zones rurales, il est absolument nécessaire de combiner les données objectives, la manière dont l'avenir est envisagé, la participation des membres de la communauté et l'élaboration de plans stratégiques.

Permettez-moi de vous dire un mot au sujet des communautés rurales qui dépendent de l'exploitation de ressources naturelles. Au Canada, et cela est vrai du monde entier, la santé d'une communauté rurale dépend essentiellement de la taille et de la nature de son activité exportatrice. Ce que j'ai à dire va faire ressortir l'importance, pour toute communauté rurale, de ce type d'activités. En Alberta, par exemple, la majeure partie des 28 milliards de dollars que la province exporte chaque année en marchandises - c'est ce que nous allons exporter cette année - est, bien sûr, constituée de produits énergétiques et de produits agricoles qui dépendent de l'activité des zones rurales.

Je tiens à souligner, à l'égard des communautés fondées sur l'exploitation de ressources naturelles, combien il est important de protéger la santé du secteur d'exportation. La seconde chose sur laquelle je tiens, encore une fois, à insister, c'est que les communautés fondées sur l'exploitation de richesses naturelles ne relèvent pas d'un modèle unique.

J'estime que la communauté où ont lieu aujourd'hui vos audiences constitue l'exemple d'une communauté rurale qui a remporté un énorme succès fondé sur l'exploitation de ressources naturelles. Il s'agit d'un cas très intéressant car, bien sûr, la ressource naturelle en question se trouvait déjà là, mais il ne faut pas oublier que si cette communauté a si bien réussi, c'est également en raison d'autres facteurs.

Les premiers, ce sont les crédits de recherche et de développement consacrés à la ressource naturelle en question. Vous n'avez qu'à comparer le coût unitaire d'un produit pétrolier extrait aujourd'hui par Syncrude et Suncor à ce qu'il en était il y a dix ans. Voilà un exemple concret de la manière dont la recherche appliquée a permis de maintenir la compétitivité de cette communauté. Les acteurs économiques, de concert avec les organismes de recherche subventionnés par le gouvernement, aussi bien en Alberta que dans l'ensemble du pays, ont maintenu leurs efforts en matière de recherche et de développement, aidés en cela par la proximité de l'Université de l'Alberta qui, depuis le début, se situe au premier rang en matière d'exploitation des sables bitumineux. Vos audiences se déroulent dans une communauté qui se situe, et je n'exagère pas, à l'avant-garde mondiale du progrès technique dans le domaine des sables bitumineux.

Mais, vient s'ajouter à la recherche et développement, la volonté et l'engagement des dirigeants des sociétés en question. On ne saurait sous-estimer l'importance de ce facteur.

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Vous constatez, donc, un très intéressant mélange de richesses naturelles, de crédits de recherche et de développement, et de l'engagement de la direction des entreprises en question auprès de la communauté. Voilà ce que cette ville a de particulier; voilà ce qui en fait un modèle en tant que communauté fondée sur l'exploitation de ressources naturelles.

Je ne vais pas en dire beaucoup au sujet de l'agriculture. Je ne suis pas spécialiste de l'économie agricole. J'ai l'impression que l'agriculture de l'ouest du Canada est en pleine mutation en raison d'une restructuration du régime des subventions et de l'impact sur cette région des accords de libre-échange. Pour réussir cette mutation, il va falloir établir de nouvelles priorités en matière de crédits à la recherche et développement agricole, et faire porter nos efforts de recherche sur les problèmes de distribution alimentaire et sur les filières de commercialisation, au-delà même de ce qui se fait actuellement dans ce pays en matière de recherches agroalimentaires et biogénétiques.

En troisième lieu, vous parlez de l'impact que pourraient avoir sur les communautés rurales les nouvelles techniques de communication et les choix qui sont faits en matière de mode de vie. Permettez-moi d'aborder le sujet de la manière suivante. J'estime que ces changements vont être très importants pour de nombreuses communautés rurales. J'entends par cela qu'ils vont accroître les exportations de ces communautés à un degré que le Canada ne saisit pas encore pleinement, bien que l'idée apparaisse évidente aux yeux des autres pays.

Si vous utilisez un indicateur relativement primitif, tel que le nombre d'emplois, vous constatez qu'en Colombie-Britannique et en Alberta, au cours des dix dernières années, la proportion d'emplois situés à l'extérieur des zones métropolitaines - c'est-à-dire en dehors de Vancouver, de Victoria, de Calgary, et d'Edmonton - a en fait augmenté. Cela n'est pas, selon moi, le signe d'un déclin de la société rurale.

Au Manitoba, la proportion se maintient. Ce n'est qu'en Saskatchewan qu'elle a baissé. Mais il ne faut pas non plus oublier l'existence de villes telles que Humboldt en Saskatchewan.

Il faut alors se demander pourquoi il en est ainsi. C'est-à-dire, comment se fait-il que la société rurale parvienne à se maintenir en Alberta et en Colombie-Britannique, où du moins dans de nombreuses régions de ces deux provinces? À mes yeux, il se passe deux choses sur lesquelles nous devrions nous pencher sérieusement, et à l'égard desquelles nous manquons gravement de données.

La première sont les flux migratoires de certaines classes d'âge. Il s'agit d'un phénomène que l'on peut constater. Dans de nombreuses communautés rurales de l'Alberta, la chose est évidente. On en a aussi beaucoup parlé en Colombie-Britannique. Les causes en sont une habitation meilleur marché, des taxes immobilières moins élevées, la proximité de grandes agglomérations, le désir d'échapper aux complications de la vie urbaine et, de plus en plus, selon moi, un meilleur accès aux services de santé en raison des progrès de la technologie.

L'arrivée de personnes d'âge mûr s'accompagne d'un apport financier qui n'a rien à voir avec l'activité de la communauté, et qui vient s'ajouter au produit des exportations. Le revenu de ces nouveaux arrivés est indépendant des circonstances et des conditions économiques existant dans la communauté rurale en question.

Il se peut également que les nouveaux arrivés créent une demande pour de nouveaux types de marchandises, pour des marchandises et des services plus perfectionnés. Cela s'accompagne d'un accroissement des besoins en matière d'infrastructure, besoins dont doit bien évidemment tenir compte la communauté rurale. Mais d'importantes questions se posent au sujet de la composition et de l'étendue de ces nouveaux besoins en matière d'infrastructure, du genre d'emplois que peut susciter la présence de ces nouveaux arrivés, et des liens sociaux et économiques que ces nouveaux résidents plus âgés vont tisser avec le reste de la communauté.

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Le phénomène n'est guère discutable. On le constate dans l'ouest du Canada. Il est général en Colombie-Britannique et en Alberta. Il revêt une grande importance pour les communautés rurales car il s'accompagne d'un flux financier stable. Cela constitue, pour les communautés intéressées, une nouvelle ressource mais, en même temps, cela vient considérablement grossir les besoins de la communauté locale en matière d'équipement.

Le second phénomène qu'il me semble important de comprendre c'est l'installation en zone rurale de sociétés de services destinés aux entreprises. Comment cela est-il possible? C'est possible en raison des nouveaux moyens de communications qui rendent l'activité de ce genre d'entreprises indépendante de leur lieu d'installation.

Vous avez beaucoup entendu parler, et vous entendrez encore beaucoup parler lors de vos audiences de l'activité des industries manufacturières et, d'après ce que j'ai pu entendre, on en a un peu parlé ce matin. Ce qu'il y a de nouveau, c'est que les nouvelles technologies permettent maintenant aux entreprises haut de gamme spécialisées dans les services aux entreprises, de s'installer dans des petites communautés. J'entends par cela les entreprises de services informatiques, de comptabilité, de publicité, les firmes d'architecte et d'ingénierie - enfin tout ce qu'on entend par services aux entreprises. Quel que soit le critère retenu, c'est le secteur le plus dynamique de l'économie canadienne et, de plus en plus, la technologie permet à ces entreprises de services de s'installer dans des communautés rurales.

Ce qui se passe, c'est que la nouvelle technologie des communications, le recours à l'Internet et à tout ce qui l'accompagne, porte probablement les entreprises de services à s'installer dans les zones rurales.

Dans mon exposé écrit, et dans ce que j'ai dit...

Le président: Excusez-moi, je vais devoir vous demander de conclure rapidement, ou alors nous ne poserons pas de questions.

M. Chambers: Je vais conclure brièvement.

J'ai dit simplement qu'il faut bien comprendre ce qui se passe. Ce phénomène aura de très fortes répercussions au niveau des petites communautés car les entreprises de services vont vendre ou exporter leurs produits à partir de ces communautés rurales.

Nous saisissons mal le phénomène, mais il est en train de se produire en Colombie-Britannique et en Alberta et cela aura des effets très profonds sur le développement rural.

Le président: Merci.

Monsieur Chatters.

M. Chatters: En raison du facteur temps, je ne poserai pas de question, mais je suis tout à fait d'accord avec ce qu'il nous a dit.

M. Wood: J'ai une brève question. Pensez-vous qu'à l'avenir de nombreuses petites communautés finiront par disparaître pour être remplacées par des centres régionaux plus viables?

M. Chambers: C'est tout à fait possible. Je pense, effectivement, que certaines petites communautés disparaîtront. D'autres petites communautés prospéreront. Il existe, dans l'ouest du Canada, toutes sortes de petites communautés très prospères et je pense que cela traduit les changements qui sont en train de se produire.

Le président: Je vous remercie. Beaucoup des thèmes que vous avez évoqués, monsieur Chambers, amplifient certains témoignages que nous avons entendus à Ottawa, cela étant particulièrement vrai de ce que vous avez dit au sujet des cohortes plus âgées et des services aux entreprises. Vous avez ainsi contribué à notre étude de plusieurs questions qui vont occuper une place importante parmi les recommandations que nous allons formuler.

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Je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître. Vous nous avez distribué un exposé écrit très détaillé, et je vous en remercie également.

M. Chambers: Merci.

Le président: Je vais maintenant passer la parole à notre dernier témoin. M. Price appartient au ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et du Développement rural du gouvernement de l'Alberta. Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre patience.

M. Keith Price (chef, Direction des initiatives rurales, ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et du Développement rural, gouvernement de l'Alberta): Merci.

Lors d'une réunion organisée il y a peu de temps, on m'a présenté comme un véritable Canadien de l'Ouest, c'est-à-dire quelqu'un qui est né en Saskatchewan, qui gagne sa vie en Alberta et qui se retire en Colombie-Britannique. Songez à l'énorme fardeau que cela impose à la Saskatchewan, qui se charge d'élever et de former de gens qui vont ensuite aller travailler ailleurs, puis qui prendront leur retraite, là encore, ailleurs. Cela nous dit quelque chose au sujet du développement de nos régions rurales.

J'aimerais vous entretenir brièvement de la définition que nous avons retenue de ce concept de développement rural et les principes sur lesquels le gouvernement de l'Alberta se fonde en la matière, ainsi que de la manière dont nous abordons la question. Pour nous, le développement rural n'est pas un programme ou un ensemble de mesures à mettre en oeuvre mais, plutôt, le résultat découlant, dans certaines conditions, de la somme des efforts individuels et collectifs.

Nous nous sommes entendus sur quatre conditions. Nous estimons que la communauté doit partager une vision de l'avenir et que, pour que cette vision parvienne à se réaliser, il faut qu'elle soit agréée au niveau régional, provincial et national. Nous estimons que le gouvernement devrait créer un climat favorable, aussi bien au plan économique, qu'au plan social et réglementaire, pour que ce développement puisse se produire. Il convient également d'équilibrer les priorités sociales, économiques et environnementales. Les collectivités, le gouvernement et le secteur privé doivent unir leurs efforts.

D'après ce qu'on nous a dit ce matin, il en est effectivement ainsi à Fort McMurray, mais ce n'est pas le cas de toutes les communautés. Il nous faut nous pencher sur trois aspects extrêmement importants.

Pour assurer la prospérité économique, il faut, d'après nous, améliorer la compétitivité sur les marchés internationaux. Il nous faut pour cela nous fonder sur la force de la population, des familles et des communautés. On a évoqué, particulièrement aujourd'hui, les besoins en matière d'éducation et de formation technique. Nous sommes tout à fait convaincus que c'est effectivement un des domaines dans lesquels il faut consolider l'acquis de notre population.

Mais, il y a également un autre aspect où de nombreuses communautés constatent des lacunes: je parle là du besoin de former des dirigeants locaux.

Il faut, en outre, assurer la défense de l'environnement.

Voici donc vers quoi tendent nos efforts en matière de développement rural: une réglementation favorisant le développement et la bonne utilisation des points forts et des avantages naturels de l'Alberta; des pratiques et des technologies permettant d'améliorer et de défendre la santé de notre environnement; une information et des ressources permettant aux populations locales de tirer parti de leurs ressources locales, ce qui s'est effectivement produit ici à Fort McMurray; dans les régions rurales, des patrons, des employés et des gérants habiles et motivés, et une infrastructure qui contribue à ce développement; j'ajoute qu'il faut également que tous puissent bénéficier d'une éducation sérieuse et bon marché, tous ces différents facteurs devant contribuer au but recherché, c'est-à-dire accroître la vigueur et la viabilité de nos communautés.

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Pour y parvenir, nous avons cerné ce qui nous semble constituer les besoins prioritaires en matière de développement rural. Nous estimons qu'en Alberta un des principaux facteurs est la liberté d'accès aux marchés mondiaux dans le cadre de divers traités et dispositions réglementaires qu'il faudrait peut-être adapter.

Mais il faut également de l'esprit d'entreprise. S'agissant de formation, nous estimons que les jeunes ont particulièrement besoin d'acquérir l'esprit d'entreprise et les aptitudes que cela suppose. Cela exige, d'après nous, une formation spéciale qu'on ne peut pas nécessairement demander à un professeur de dispenser oralement.

Nous sommes tout à fait favorables à certains programmes tels que «Je veux être millionnaire» et «Jeunes Entreprises», ainsi qu'un certain nombre d'autres programmes qui permettent aux enfants de monter très tôt une petite entreprise, soutenus en cela par une formation complémentaire à l'école. À notre avis, on ne naît pas entrepreneur; un entrepreneur, ça peut et ça doit se former.

Il faut également parachever les travaux d'infrastructure afin de donner à tous accès à l'information électronique. Il est particulièrement important que les zones rurales aient accès aux renseignements concernant les occasions qui se présentent.

Cette question a déjà été posée aujourd'hui, ainsi qu'à une autre réunion qui a eu lieu récemment: Comment prendre connaissance des occasions qui se présentent? Je ne crois pas que cela puisse être fait par le gouvernement. Je crois que les occasions se présentent d'abord à l'esprit des personnes qui vont les mettre en oeuvre, c'est-à-dire à l'esprit des entrepreneurs. Je crois que si nous pouvons donner aux entrepreneurs accès à l'information, ils seront en mesure de découvrir eux-mêmes les occasions qui se présentent.

Il nous faut également une fiscalité qui soit compétitive et qui favorise les investissements et la création d'emplois. N'oublions pas que, à part Fort McMurray, lorsque nous parlons d'entreprises dans les zones rurales, il s'agit de petites entreprises. Du point de vue fiscal, je crois qu'une petite entreprise est une entreprise qui a un chiffre d'affaires de moins de 200 000$. Ce seuil a été fixé il y a déjà longtemps.

D'après moi, en adoptant un autre seuil, nous parviendrions à mieux rentabiliser les petites entreprises et à leur laisser davantage d'argent à réinvestir. Il conviendrait, je crois, de revenir sur ce seuil en tenant compte de l'inflation des quelques dernières années. Même si l'inflation est actuellement faible, il n'en reste pas moins que ce seuil a été fixé il y a longtemps. L'entreprise qui a un chiffre d'affaires de moins de 200 000$ ne devrait pas être considérée comme une petite entreprise mais comme une très petite entreprise.

Il faut également développer des services qui encouragent les gens à habiter dans les zones rurales. D'autres intervenants ont déjà évoqué cet aspect de la question. Si nous voulons encourager les gens à venir s'installer à Fort McMurray, ou à vivre dans des communautés qui sont encore plus petites que Fort McMurray, il faut leur assurer les services nécessaires.

En me rendant ici, hier soir, j'ai parlé à un orthodontiste qui exerce deux jours par semaine à Fort McMurray. Il essaie de trouver quelqu'un qui pourrait reprendre à plein temps son cabinet. Le nombre de ses patients est devenu tellement important, qu'il n'a plus le temps de s'en occuper, mais il ne parvient pas à trouver un autre orthodontiste qui accepterait de venir à Fort McMurray, car les gens ne pensent pas qu'ils trouveront ici les services dont ils ont besoin.

Quel doit être, dans tout cela, le rôle du gouvernement? D'après nous, ce rôle est double. Le gouvernement peut aider les communautés à mieux se représenter l'avenir et les occasions qui se présentent. Comme l'a dit Ted Chambers, peut-être pouvons-nous faire en sorte que l'avenir soit envisagé de manière réaliste. Mais le rôle principal est d'instaurer un climat économique, réglementaire et intellectuel propice et de mettre en place les infrastructures dont les communautés ont besoin pour assurer leur propre développement.

Nous estimons que le développement rural dépend essentiellement des communautés et des petites entreprises, qui sont les mieux à même d'assurer leur propre développement. Il appartient au gouvernement de mettre en place les infrastructures nécessaires, et notamment des politiques et des réglementations adaptées qui favoriseront ce développement.

D'après nous le rôle des provinces et des municipalités est, plus précisément, de mettre en place les équipements et un climat réglementaire propice au développement, c'est-à-dire d'adapter la fiscalité, les règlements de zonage, la réglementation concernant les licences d'exploitation et de développement, autant d'aspects qui, souvent, entravent l'action des petites entreprises. On nous a dit qu'il fallait également simplifier les procédures d'autorisation et éliminer les chevauchements de compétences entre les divers paliers de gouvernement, réduire le coût des formalités administratives et assurer la formation de dirigeants locaux.

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En ce qui concerne le gouvernement fédéral, les grands domaines sont l'impôt sur l'emploi, la solidité du système monétaire, les accords internationaux ouvrant aux entreprises canadiennes l'accès aux marchés internationaux, l'harmonisation et la législation provinciale en matière de commerce, une fiscalité qui récompense l'effort, qui favorise l'épargne, l'investissement et le réinvestissement, la paix, la sécurité et la lutte contre la criminalité.

Un autre attrait de la vie rurale, c'est l'absence de crime, de bruit et de diverses autres nuisances, ainsi qu'un sentiment de sécurité. Mais cela est en train de changer. Le taux de criminalité en zone rurale augmente. C'est très gênant d'avoir à s'inquiéter de sa sécurité ou de la sécurité d'un commerce qui risque constamment d'être cambriolé.

Contribuer aux travaux d'infrastructure. En matière d'infrastructure nationale, il y a des choses que les communautés ne peuvent pas faire et pour lesquelles elles ont besoin de l'aide du gouvernement fédéral.

Supprimer les obstacles réglementaires. Il existe encore, au Canada, des obstacles réglementaires, y compris ceux qui entravent le commerce interprovincial.

Chaque communauté doit élaborer sa propre vision de l'avenir et dresser un plan d'action qui lui est propre car, comme le disait M. Chambers, chaque communauté est un cas d'espèce.

Ce qui est également très important, c'est que les membres de la communauté souscrivent au plan ainsi formulé. On ne peut pas leur imposer. M. Courtoreille a dit quelque chose sur ce point et cela me semble effectivement très important. Il faut que le plan soit mis en oeuvre avec la participation des résidents. Il importe que les plans de développement communautaire soient mis en oeuvre par la communauté elle-même et non pas par un autre palier de gouvernement.

Il faut également reconnaître et soutenir l'action des dirigeants locaux et organiser leur succession. Souvent, une communauté se trouve un dirigeant qui parvient à dynamiser la vie locale mais, à son départ, la communauté va à la dérive. D'après nous, il est possible de participer à la formation de dirigeants, dont il faudra savoir reconnaître les efforts.

Il faut travailler ensemble pour attirer des investissements et non pas se livrer une concurrence acharnée à cet égard. Trop souvent, les localités accordent des concessions en matière d'impôt, ou offrent des terrains à des conditions favorables pour essayer d'attirer des investisseurs. Parfois, elles luttent entre elles pour l'installation d'un hôpital ou d'une école, ou pour la construction d'une patinoire de hockey, alors qu'elles devraient travailler ensemble et se partager ce type d'équipement, ou chercher à attirer de nouveaux habitants au lieu de faire des dépenses inconsidérées pour se doter d'un équipement qui fera l'envie des autres. Nous espérons avoir déjà amorcé un mouvement en ce sens.

Il faut, en outre, réduire les coûts en se mettant à plusieurs pour assurer un service. Cela s'accorde avec ce que je viens de dire. Dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse des services médicaux, du service des incendies, du déneigement des routes ou d'autres choses, on dirait que chaque petite communauté semble vouloir, ou du moins semblait vouloir, son propre camion de pompier, ses propres engins de déneigement. Souvent, l'ampleur des tâches ne le justifie pas et l'équipement, très coûteux, reste en grande partie inutilisé.

Le rôle du secteur privé est le suivant: contribuer à la formation aux emplois spécialisés, et on peut dire que Syncrude et Suncor font en cela ce qu'elles doivent; prospecter de nouveaux marchés pour les productions locales et s'informer sur l'état des besoins; aider les communautés à mettre leurs plans en oeuvre; créer des emplois; réinvestir une partie de leurs bénéfices au sein de la communauté; repérer et exploiter les occasions qui se présentent.

Nous constatons, dans les zones rurales, un certain nombre d'obstacles au développement. Cela n'est pas vrai de toutes les communautés, mais c'est un aspect important du problème.

Un de ces obstacles est le manque d'information sur les occasions qui se présentent. L'accès à l'Internet et à d'autres modes d'information est utile, mais cela exige que les gens consacrent pas mal de temps à la recherche. Citons aussi le fait de ne pas se concentrer sur des objectifs concrets; des infrastructures insuffisantes pour permettre de profiter des occasions qui se présentent; le manque d'équipements sociaux ou d'agréments qui permettraient d'attirer et de conserver de nouveaux résidents; des réglementations et des normes trop restrictives; l'absence d'aptitudes et de savoir-faire. Puis, il y a aussi des obstacles de caractère plus général.

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Nous sommes également convaincus que les sources de développement se trouvent à l'intérieur même des communautés. Peu de petites communautés rurales de l'Alberta vont pouvoir attirer quelque chose comme Syncrude. Ce n'est pas possible. À cet égard, Fort McMurray à quelque chose de tout à fait unique. Dans les petites communautés, le développement sera surtout le fait d'entrepreneurs locaux qui ont passé toute leur vie là. Ce sont eux les moteurs de l'économie.

Prenez l'exemple d'une fleur, d'un bouton de rose disons. Si nous voulons qu'il s'ouvre, qu'il s'épanouisse, ce n'est pas en tirant sur les pétales qu'on y parviendra. Il en va de même d'une communauté ou d'une entreprise. Donnez-lui de la lumière, de l'eau et de l'engrais et elle s'épanouira d'elle-même.

Nous estimons donc que le rôle du gouvernement est de fournir la lumière, l'engrais et l'eau et, ensuite, de laisser les communautés s'épanouir. Nous ne pensons pas que le gouvernement puisse programmer l'épanouissement d'une petite économie, mais nous pensons qu'il peut établir le climat réglementaire et l'infrastructure qui lui permettront de s'épanouir d'elle-même. J'ai déjà dit qu'on ne peut pas forcer le développement d'une personne, d'une récolte ou d'une industrie, mais l'on peut créer un climat propice à la croissance.

Permettez-moi de terminer en citant Ernesto Sirolli. Il y a, à l'heure actuelle, dans votre communauté et dans toute communauté, des gens qui rêvent d'une vie meilleure. Eh bien, la réalisation de ce rêve aura de profondes répercussions sur l'économie de la communauté tout entière. D'après nous, le développement des petites communautés passe par la réalisation des rêves et des ambitions des résidents locaux, ainsi que par leurs efforts et leurs aptitudes. Notre rôle est de soutenir leurs efforts et de mettre en place l'infrastructure qui leur permettra d'agir.

Le président: Monsieur Price, merci. Nous avons maintenant assez de temps pour quelques questions.

Je vois que personne n'a de question à poser. C'est dire que votre exposé a été fort utile.

Je vous remercie des diapositives que vous nous avez fournies et qui montrent les divers aspects du problème, ainsi que certains des obstacles, et des éléments constitutifs d'une bonne stratégie de développement économique en zone rurale. Je vous remercie du témoignage que vous nous avez fourni. Vous serez, je crois, de nouveau parmi nous cet après-midi.

M. Price: Merci, monsieur le président.

Permettez-moi simplement d'ajouter qu'en plus des éléments que je vous ai exposés, nous tentons actuellement d'élaborer des stratégies précises pour mettre tout cela en oeuvre. Malheureusement, nous ne sommes pas encore en état de vous les exposer. J'espère, cependant, pouvoir vous en faire part plus tard, avant que vous ne terminiez vos propres travaux.

Le président: Cela nous serait utile et je vous saurais gré de déposer cela auprès du comité. Merci.

La séance est levée.

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