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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 30 octobre 1996

.1009

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité des ressources naturelles procède à une étude des ressources naturelles et du développement rural. Nous sommes heureux de siéger aujourd'hui à Prince-Albert dans le cadre de ces travaux.

Comme la plupart d'entre vous le savent, nous avons commencé nos audiences au printemps dernier, à Ottawa. Nous avons décidé d'entreprendre une phase itinérante qui nous mène à travers le Canada. Nous nous arrêtons dans plusieurs centres de la plupart des provinces et dans les Territoires du Nord-Ouest, de façon à obtenir des renseignements de première main, de la bouche même des personnes qui sont quotidiennement aux prises avec cette question.

Nous allons entendre aujourd'hui une série de témoins. Pour débuter, nous sommes heureux de recevoir M. John Mitchell, de la Chambre de commerce de Prince-Albert.

Monsieur Mitchell, nous vous invitons à faire une déclaration liminaire. Je suis sûr que les députés apprécieront ensuite d'ouvrir un dialogue avec vous sur certaines des questions. Vous avez la parole.

M. John Mitchell (président, Comité des ressources naturelles Prince Albert Chamber of Commerce): Je vous remercie, monsieur le président et honorables députés.

.1010

Notre région comprend trois secteurs d'exploitation des richesses naturelles: l'agriculture, les forêts et les mines. À l'heure actuelle, seule l'exploitation forestière s'est dotée d'une capacité de production à valeur ajoutée, avec du bois d'oeuvre, de la pâte à papier et des papiers fins. Dans le secteur minier, l'or est fondu en lingots. Cependant, tout notre minerai d'uranium est transporté jusqu'en Ontario pour traitement. Notre secteur agricole commence à peine, timidement, à s'intéresser à la production à valeur ajoutée.

Suite à l'intervention des premières nations, nombre de baux d'exploitation contiennent des quotas d'embauche et prévoient de privilégier les entreprises sous-traitantes du Nord. Prince-Albert possède les établissements d'enseignement pour assurer que les personnes motivées peuvent recevoir la formation requise pour travailler dans ces industries. Les Autochtones travaillant dans l'industrie doivent être productifs, et non pas représenter simplement un autre palier de gouvernement et une charge fiscale supplémentaire.

Il y a eu de tout temps des migrations de populations en quête d'une vie meilleure ou fuyant des régimes oppressifs. Nous connaissons actuellement des déplacements de population motivés par les possibilités de travail, l'accès à l'éducation, les soins de santé et le logement. Nous ne pensons pas qu'il appartienne au gouvernement d'intervenir dans ce processus.

La meilleure chose que le gouvernement fédéral puisse faire pour le développement des petites entreprises est de continuer à assurer des taux d'intérêts stables, l'accès au crédit et le démantèlement graduel des barrières au mouvement interprovincial des biens et de la main-d'oeuvre et faciliter le transfert entre générations des entreprises familiales. De telles politiques, jointes à un allégement de la fiscalité pesant sur les petites entreprises, notamment celles ayant un chiffre d'affaires annuel inférieur à 200 000 $, encourageraient la création d'emplois dans les petites villes de notre pays.

Le temps n'est plus où les gouvernements pouvaient intervenir directement dans la création d'emplois, vu leur endettement et leur déficit budgétaire. La création d'emplois est la responsabilité des entrepreneurs, et non du contribuable canadien.

Voilà ce que je tenais à vous dire, respectueusement, au nom de la Prince Albert Chamber of Commerce.

Le président: Je vous remercie, monsieur Mitchell.

Je vais inviter les députés à poser quelques questions.

Monsieur Asselin, voulez-vous commencer?

[Français]

M. Asselin (Charlevoix): Le gouvernement fédéral a mis en place un programme d'infrastructures qui a eu pour effet d'aider les municipalités dans un partenariat fédéral, provincial et municipal. Il a également eu pour effet de créer des emplois. Est-ce que la Chambre de commerce est d'accord que le gouvernement fasse un autre programme d'infrastructures qui aurait aussi pour effet de créer des emplois?

J'aimerais également que vous me renseigniez sur l'éducation, la formation et la disponibilité de la main-d'oeuvre dans cette province.

[Traduction]

M. Mitchell: Je vous remercie, monsieur Asselin.

Le programme d'infrastructure a bien fonctionné à certains égards. Dans d'autres, du point de vue de la Chambre de commerce, il a dévié par rapport à ses objectifs d'origine. Il a servi à construire des complexes sportifs et d'autres choses qui n'ont pas grand-chose à voir avec l'infrastructure. Lorsque les gens d'affaires pensent à l'infrastructure, ils songent à des routes, des égouts, l'adduction d'eau, c'est-à-dire les équipements fondamentaux d'une ville, et non pas à des équipes de hockey et de basket-ball.

En réponse à la deuxième partie de votre question, nous estimons que l'époque où les pouvoirs publics pouvaient intervenir dans la création d'emplois est révolue. Il faut instaurer un climat économique où les entreprises puissent croître et être compétitives, où les marchandises peuvent circuler librement d'un bout à l'autre du pays et du Nord au Sud. Les pouvoirs publics doivent s'occuper de la santé, de l'éducation, de la sécurité publique, des affaires internationales, de l'immigration - ce genre de choses. La création d'emplois, comme le maintien artificiel de villes ou de régions à activité unique, n'est plus une fonction des gouvernements.

Pour ce qui est de nos établissements d'enseignement, nous avons dans notre ville le Saskatchewan Institute of Applied Science & Technology, sur le campus de Woodland. C'est un établissement excellent qui offre un vaste éventail de cours de formation en exploitation forestière et minière et en administration d'entreprise. Il dispense de nombreux cours qui préparent les étudiants à travailler dans le monde moderne. Le département des ressources humaines a mis en place maints programmes pour aider les gens à pousser plus loin leur éducation dans notre région.

.1015

[Français]

M. Asselin: Est-ce que vous pensez que le gouvernement fédéral devrait investir davantage en recherche et développement et faciliter la fabrication en région de produits devant être exportés sur le marché international, ou tout simplement subventionner directement l'entreprise?

[Traduction]

M. Mitchell: Je ne suis pas en faveur de subventions fédérales aux entreprises. Mais je pense certainement que les activités de recherche et de développement, si elles sont viables et régionales, peuvent contribuer à la croissance économique, particulièrement si elles rapportent des devises. Je ne vois rien de répréhensible dans des incitations données par le gouvernement, sous forme d'allégements fiscaux ou par d'autres moyens, mais nous ne sommes pas en faveur de versements directs.

M. Asselin: D'accord.

Le président: Monsieur Chatters.

M. Chatters (Athabasca): C'est une optique intéressante.

À votre avis, lorsqu'on regarde le dernier programme d'infrastructure et puisque le gouvernement envisage apparemment d'en lancer un autre pour stimuler la création d'emplois, est-ce que les 6 milliards de dollars qui ont été investis dans le programme d'infrastructure auraient créé davantage d'emplois permanents à long terme si l'argent avait été utilisé pour offrir des réductions d'impôt aux petites entreprises, ou bien serait-il plus efficace sur le plan de la création d'emplois de lancer un autre programme d'infrastructure?

M. Mitchell: Je pense qu'il aurait été plus efficace de canaliser ces sommes, même pour moitié seulement, vers les petites entreprises du pays. C'est le secteur de la petite entreprise qui connaît la croissance la plus rapide dans l'économie canadienne. Il fait certainement partie de ceux qui connaissent une bonne croissance en Saskatchewan. Les entreprises familiales ou d'envergure locale sont très dynamiques.

Il faut leur faciliter la tâche, non pas en leur versant des prébendes ni rien du genre, mais, comme je l'ai dit, celles ayant un chiffre d'affaires inférieur à 200 000 $ par an, montant très faible comparé à d'autres entreprises... cela aiderait les petites entreprises des petites villes à se développer. Une fois qu'elles franchiraient ce seuil magique, elles paieraient leur part comme tout le monde. Nous ne pensons pas qu'il puisse encore y avoir, ou doive y avoir, des gens qui ne paient pas leur part dans ce pays.

M. Chatters: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Wood.

M. Wood (Nipissing): Monsieur Mitchell, je sais que vous en avez très brièvement parlé il y a quelques minutes, mais nous demandons presque à tous nos témoins quelles seraient leurs priorités. Il serait intéressant de savoir ce que la chambre de commerce a à dire à ce sujet, et ce que vous en pensez.

Que pourrait faire de mieux le gouvernement fédéral pour stimuler l'économie rurale? À votre avis, serait-ce d'offrir des stimulants fiscaux - je sais que vous en avez parlé il y a quelques instants - ou un programme d'infrastructure, ou peut-être la réduction du fardeau réglementaire? Devrions-nous concentrer nos efforts dans un domaine en particulier?

M. Mitchell: Lorsque je regarde ce qui s'est passé ici, dans la province, le gouvernement a allégé le fardeau fiscal des petites et moyennes entreprises. Il a mis en place de petites incitations au démarrage de petites entreprises. Nous avons les administrations régionales de développement économique, qui offrent des conseils et une formation aux jeunes entrepreneurs.

.1020

Développement des ressources humaines a parrainé de nombreux programmes de formation. J'ai eu le plaisir de participer à la conception d'un programme de formation de chefs d'entreprise pour le Saskatchewan Institute of Applied Arts and Sciences. La première promotion complète sortira en février 1997. Nous espérons que l'on pourra alléger le fardeau réglementaire et fiscal des entreprises qui démarrent, dans leur prime enfance, les cinq premières années, jusqu'à ce qu'elles atteignent quelque seuil magique d'activité économique, et je pense que ces entreprises nouvelles créeraient probablement beaucoup plus d'emplois dans ces localités, qu'elles disposeraient du temps nécessaire pour prendre pied et voir où elles vont. Les premières années d'une petite entreprise sont habituellement les plus critiques.

M. Wood: Une autre question. Est-ce que chez vous l'on tire parti du Programme de diversification de l'économie de l'Ouest? Je suis du nord de l'Ontario, et je ne suis donc pas au courant. Si c'est le cas, à votre avis ce programme est-il utile ou plutôt une gêne, ou bien y a-t-il un chevauchement, ou bien y a-t-il quelque façon dont nous pourrions restructurer ce fonds de façon à faciliter le développement rural? Pensez-vous que ce soit un bon programme? J'aimerais connaître votre point de vue.

M. Mitchell: Je n'ai jamais été en faveur, et ne le serai probablement jamais, de fonds comme celui-ci, où le gouvernement fédéral et, en fin de compte, le contribuable canadien, versent de l'argent pour subventionner les entreprises. Je suis un peu de l'ancienne école.

M. Wood: Mais cela a maintenant changé, n'est-ce pas? Je ne pense pas que l'on verse encore des subventions. Je pense que ce sont maintenant des prêts.

M. Mitchell: Si ce sont des prêts remboursables et administrés de manière financièrement saine - en d'autres termes, selon les mêmes critères qu'utiliserait une banque - il n'y a probablement pas grand-chose à redire. Mais je suis beaucoup plus en faveur d'un allégement des fardeaux réglementaire et fiscal dans la phase de démarrage d'une entreprise plutôt que de la soutenir artificiellement, surtout avec l'argent du contribuable.

M. Wood: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Monsieur Serré.

M. Serré (Timiskaming - French River): Je vous remercie, monsieur le président. Ayant parlé à quelques personnes hier soir et écouté votre exposé ici, il me semble que l'économie de Prince- Albert est très dynamique en ce moment. En est-il ainsi?

M. Mitchell: L'économie de la ville, au cours des quatre ou cinq dernières années, est réellement repartie, grâce surtout à Weyerhaeuser, qui est un gros employeur et qui a ouvert ici une usine de production de papier fin. Le prix du bois d'oeuvre a également beaucoup augmenté, ce qui a engendré beaucoup d'emplois et d'activité économique dans la région.

L'économie agricole est enfin sortie du marasme et injecte davantage d'argent dans l'économie locale, et nous sommes en train de devenir un réel centre régional, tant sur le plan de l'éducation, avec le Saskatchewan Institute of Applied Arts and Sciences, qu'avec nos installations hospitalières, le centre médical régional qui a été créé. Nous devenons donc une espèce de moyeu, un centre de commerce et de services, de soins de santé et d'enseignement, desservant le Nord, l'autre moitié de la province, en quelque sorte.

M. Serré: Presque tous les témoins que nous avons entendus jusqu'à présent à Yellowknife et Fort McMurray ont estimé que l'une des plus grosses entraves au développement économique rural est l'absence de main-d'oeuvre qualifiée. Or, vous semblez dire que ce n'est pas un problème ici du tout. Dans votre mémoire, vous dites posséder l'infrastructure éducative voulue. Pensez-vous qu'il y ait un problème au niveau de l'acquisition des compétences requises par l'économie nouvelle vague?

M. Mitchell: Non, je ne pense pas. Je pense réellement que le campus Woodlands est à la pointe de ce qu'il faut enseigner pour créer une main-d'oeuvre productive et hautement qualifiée. Je connais plusieurs diplômés ayant suivi la formation en gestion, marketing et administration d'entreprise qui ont trouvé des emplois dans de grandes banques canadiennes. Ils se débrouillent très bien. Je pense que les jeunes qui sortent du campus Woodlands sont bien équipés pour occuper leur place dans le vrai monde.

.1025

M. Serré: Si vous étiez membre de ce comité, que conseilleriez-vous au gouvernement de faire en priorité, à votre retour à Ottawa, pour faciliter le développement de l'économie rurale de ce pays?

M. Mitchell: Pour aider la petite entreprise, j'inciterais M. Martin à maintenir sa politique de stabilisation des taux d'intérêts et de facilité d'accès au crédit. Je pense qu'il faudrait viser également le démantèlement des barrières qui entravent le commerce et les flux de main-d'oeuvre interprovinciaux... En d'autres termes, faire qu'il soit plus facile pour les Canadiens de travailler au Canada. Savez-vous qu'il me serait probablement plus facile de travailler à l'étranger que dans une autre province? Nous devons faire preuve de maturité et démonter quantité de barrières artificielles dans notre pays, et supprimer les obstacles à la circulation tant de la main-d'oeuvre que des biens.

M. Serré: Monsieur le président, les réponses du témoin reviennent à dire que nous faisons un relativement bon travail, à condition de maintenir le cap.

Je n'ai pas d'autres questions. Merci beaucoup.

Le président: J'ai pris note, monsieur Serré.

Madame Cowling.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Mitchell, ma question porte sur la population de Prince-Albert. Vous avez dit que la ville est le centre de services pour la région. Quelle est la population de Prince-Albert? De quel espace géographique êtes-vous le pôle?

M. Mitchell: La population de la ville elle-même est de 30 000 à 36 000 personnes, de cet ordre-là. Notre espace commercial comprend sans doute 125 000 habitants.

Il est curieux de noter qu'avec le développement de la structure commerciale de la ville, l'ouverture du Wal-Mart, du Superstore, d'un nouveau grand Safeway, avec le campus Woodland du SIAST et certains de nos concessionnaires de voiture très dynamiques, nous attirons maintenant des gens du nord-ouest du Manitoba et, à l'ouest, presque des confins de la province. Bien entendu, beaucoup de gens du nord de la Saskatchewan viennent ici faire leurs courses et suivre des cours.

Mme Cowling: Cela m'amène à ma question suivante, concernant les environs, qui sont probablement de très petites localités. Je me demande quel est l'avenir de ces petites localités si Prince- Albert devient un grand pôle. Quel est leur avenir, comment vont- elles survivre?

M. Mitchell: Dans la perspective historique, les villages connaîtront peut-être le sort des petites fermes écossaises et des petits élevages de moutons anglais. Certaines choses sont économiquement viables et d'autres ne le sont pas. Elles laissent peut-être un bon souvenir, et ces petits villages pittoresques des Prairies sont très jolis, mais en tant qu'unités économiques, ils ne fonctionnent tout simplement plus. Voilà la dure et froide réalité du monde.

Mme Cowling: Nous avons entendu un certain nombre de témoins autochtones qui étaient très préoccupés par l'absence d'assise économique. Vous dites que les Autochtones travaillant dans l'industrie doivent être productifs et ne pas représenter simplement un autre palier de gouvernement et davantage d'impôts. Avez-vous des idées sur ce que nous devrions faire, en tant que comité et en tant que gouvernement, à cet égard?

M. Mitchell: Je pense que nombre des accords de location- gestion que le gouvernement de la Saskatchewan a négociés dans le Nord prévoient des préférences d'embauche et de sous-traitance. Cameco et Cogema, que je connais bien, appliquent de telles préférences. Nous avons les installations voulues pour former cette main-d'oeuvre.

Nous n'avons pas les moyens d'avoir un palier de gouvernement supplémentaire dans ce pays. Nous en avons déjà beaucoup trop. Il faudrait plutôt les réduire. Il serait contraire à l'intérêt du développement économique d'instaurer un palier de gouvernement de plus, avec les impôts et toutes les ramifications qui l'accompagnent.

.1030

M. Wood: Suite à la question de ma collègue, Mme Cowling, est- ce que les grands employeurs de la région s'efforcent de former des Autochtones pour travailler chez eux? Vous avez mentionné Weyerhaeuser. Je ne sais pas combien de personnes Weyerhaeuser emploie.

M. Mitchell: Environ 1 250.

M. Wood: Cette compagnie s'efforce-t-elle de mettre sur pied un programme de formation d'Autochtones afin d'en embaucher? Certains de nos témoins d'hier et de la veille ont dit qu'ils appliquent des programmes pour tenter d'intégrer des Autochtones dans leur main-d'oeuvre. Est-ce que cela se fait ici?

M. Mitchell: Oui, et avec pas mal de succès. Weyerhaeuser a négocié des accords commerciaux avec des bandes autochtones à Montreal, ainsi qu'à Montreal Lake et d'autres bandes importantes du Nord, et cela fonctionne assez bien.

M. Wood: C'est très bien. Je vous remercie.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, Bob.

Monsieur Mitchell, j'ai plusieurs questions à vous poser.

M. Mitchell: Certainement.

Le président: J'aimerais d'abord avoir votre opinion. Est-ce que les politiques que doit poursuivre le gouvernement pour aider les petites entreprises, mettons, du centre-ville de Toronto sont les mêmes que celles qui vont aider les petites entreprises de la Saskatchewan, en particulier du Saskatchewan rural?

M. Mitchell: Eh bien, elles sont probablement assez proches.

Les entreprises, aujourd'hui, ne sont plus comme il y a 50 ans. Vous ne pouvez plus fonctionner à la va-comme-je-te-pousse. Tout a pris une envergure nationale, internationale, interprovinciale. Il y a des règlements à respecter. De ce fait, une petite entreprise qui démarre à Toronto, si elle a peut-être davantage de fardeau bureaucratique étant donné les particularités de l'agglomération de Toronto, n'est guère dans une situation différente d'une petite entreprise qui démarre en Saskatchewan. À l'évidence, il vous faut un marché pour ce que vous produisez ou vendez, et vous devez respecter tous les règlements appropriés - fédéraux, provinciaux, municipaux et autres.

Avec la formation dont doivent disposer les entrepreneurs aujourd'hui - et la plupart des programmes de formation de chef d'entreprise sont pas mal normalisés d'un bout à l'autre du pays - non, je ne pense pas qu'il y ait de grosse différence, réellement. Il y a peut-être une petite différence au niveau des compétences et il peut y avoir quelques difficultés d'ordre linguistique, mais non, je ne pense pas.

Le président: Vous avez parlé de l'accès aux capitaux, de l'accès au crédit comme l'un des domaines où le gouvernement fédéral devrait faire en sorte de créer un environnement favorable aux entreprises. Pourriez-vous indiquer de façon un peu plus précise ce que le gouvernement devrait faire, à votre sens?

M. Mitchell: Le Crédit agricole fait un assez bon travail sur le plan des cessions intergénérationnelles de petites entreprises et du crédit aux jeunes agriculteurs etc.

Je ne sais pas trop ce qu'il faudrait faire précisément. C'est à décider de concert par le Comité des finances du gouvernement, les milieux financiers, les banques etc. Mais il devrait exister quelque mécanisme pour offrir une aide financière aux petits entrepreneurs qui démarrent.

Nous avons vu quelques exemples.

Il y avait une petite entreprise qui marchait très bien à Prince-Albert, et le moment était venu de la transmettre au fils. Malheureusement, ce dernier, qui avait travaillé dans le monde des affaires pendant pas mal d'années, ne pouvait payer le prix réel du bâtiment, de l'entreprise et de tous les équipements. Elle a donc fini par être vendue à une multinationale, et le fils travaille pour cette multinationale. S'il avait existé quelque mécanisme pour qu'il trouve un financement à long terme à des taux d'intérêts raisonnables, comme ils le sont en ce moment, il aurait pu acheter l'entreprise, laquelle serait restée une entreprise familiale.

Un autre cas était un magasin à rayons multiples appartenant à un particulier, qui avait très bonne réputation et qui est malheureusement tombé dans le même piège. À cause du prix du bâtiment et de tous les stocks, le prix était beaucoup trop cher pour que les enfants de la famille puissent l'acheter, et le magasin a été repris par une chaîne.

Le président: Est-ce que la Banque de développement du Canada est active à Prince-Albert?

M. Mitchell: Oui. Depuis pas mal d'années. Nous recevons ses représentants chaque année, lors de la journée de la petite entreprise de la chambre de commerce, et je suis sûr que certains de nos membres traitent activement avec elle.

.1035

Le président: Connaissez-vous le ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest, ou DEO, et ses activités? Est-ce qu'il vient en aide aux petites entreprises, ici, à Prince-Albert?

M. Mitchell: Je ne suis pas vraiment au courant. Ma spécialité, à la chambre de commerce, est le secteur des ressources naturelles, principalement l'agriculture, les forêts et les mines. Je n'ai pas vraiment prêté attention au financement.

Le président de notre comité des finances pourrait probablement vous en dire plus. Il se nomme Trevor Ives et il va comparaître plus tard dans la journée, mais en une autre capacité. Il comparaîtra au nom de la Prince Albert Development Corporation, mais il est également le président du comité des finances de la Chambre de commerce.

Le président: Je lui poserai certainement ces questions.

Vous avez parlé dans votre mémoire du fait qu'il n'y a guère d'activités à valeur ajoutée, à l'exception du secteur forestier. Vous avez mentionné que votre minerai d'uranium est expédié en Ontario pour traitement et que vous commencez à peine à transformer les produits agricoles.

Voyez-vous un rôle pour le gouvernement pour ce qui est de faciliter et de promouvoir la transformation en aval de vos ressources naturelles?

M. Mitchell: Pour en revenir à la recherche-développement, s'il y avait des débouchés avérés à l'étranger, mettons, qui nous rapportent des devises pour nos produits agricoles... C'est l'agriculture qui est vraiment en retard lorsqu'il s'agit d'entrer dans le XXIe siècle. Ce serait vraiment bien que les choses bougent et qu'il y ait quelque incitation pour cela, telle qu'un allégement fiscal échelonné ou quelque chose du genre.

J'en reviens à ce que je disais, à savoir que je ne tiens pas réellement à ce que Paul Martin rédige un chèque à quelqu'un au nom du gouvernement, mais je serais d'accord pour que l'entreprise qui établit des débouchés internationaux bénéficie d'un allégement fiscal sur l'équipement industriel requis ou peut-être d'un abattement de charges sociales.

Le président: Pensez-vous qu'il soit approprié que le gouvernement s'occupe de fournir une infrastructure de télécommunications, afin que vos petites entreprises puissent se brancher sur l'autoroute informatique?

M. Mitchell: Non.

Le président: Le ministère de l'Industrie a récemment effectué un investissement majeur pour créer ce qui est, je crois, le plus gros site Internet du Canada, du nom de Strategis. Ce site offre, je crois, quelque 560 000 pages d'information utile aux petites entreprises. Manifestement, cela a coûté quelque chose. Pensez-vous que ce soit un rôle approprié?

M. Mitchell: Est-ce vraiment le moment pour le gouvernement et ses ministères de concurrencer le secteur privé? Je suis sûr qu'il y avait probablement une société privée, quelque part au Canada, qui faisait un travail similaire.

Il y a un rôle pour le gouvernement et il y a un rôle pour le secteur privé, et la frontière entre les deux s'est effacée dans les années 1960 et 1970. Nous sommes devenus un pays où l'on attendait tout de l'État. Il faut renverser cette tendance et recommencer à faire certaines choses par nous-mêmes. Nous ne devons plus attendre du gouvernement du Canada et de nos compatriotes contribuables qu'ils volent au secours des entreprises.

Le président: De manière générale, je pense que la plupart - et sans doute la plupart des Canadiens - sont d'accord avec vous, mais j'ai une préoccupation à exprimer, en tant qu'habitant d'une région rurale du pays. Dans les grandes agglomérations, il y a certains services que le secteur privé peut fournir et va fournir car il y trouve profit. Ces mêmes services, auxquels les Canadiens ruraux ont tout autant droit que les citadins, ne peuvent être fournis de façon profitable dans les campagnes, car la densité de population y est insuffisante ou les distances trop grandes.

J'utiliserai l'exemple de Postes Canada, qui en est probablement un très bon. Une société privée peut acheminer le courrier dans les limites de Toronto et probablement entre Montréal, Toronto et Vancouver de façon profitable. Mais c'est une toute autre question que de savoir si elle peut transporter le courrier de façon profitable entre deux localités rurales de Saskatchewan ou entre Gravenhurst, où j'habite, et North Bay, où habite M. Wood. Cela nous amène à ceci: est-il approprié que le gouvernement intervienne pour fournir ces services dans les campagnes canadiennes? Le secteur privé ne le fera pas, car il n'y trouvera pas de profit.

.1040

M. Mitchell: Bien entendu, il n'y a rien de répréhensible à ce que l'État achemine le courrier, ce qui est un service essentiel. La Poste a une histoire de 200 ans, qui a commencé avec la Poste de Sa Majesté. Mais on peut débattre de la question de savoir s'il faut que l'État se lance dans le monde merveilleux de la haute technologie et offre ces services à chaque localité rurale du Canada, et si ces localités en ont besoin ou peuvent s'en servir.

Le président: Prenons un exemple intermédiaire.

Il est très peu probable qu'un radiodiffuseur commercial veuille assurer le service par satellite dans le nord du Canada, au nord du 60e parallèle. C'est pourquoi la SRC offre le seul service de télévision et de radio que les gens au nord du 60e parallèle puissent recevoir. Est-ce une dépense publique appropriée pour une région rurale ou isolée?

M. Mitchell: Oui. Je me suis trouvé coincé dans le Nord, aussi je...

Le président: Vous dites que, de façon générale, il faut s'en remettre au secteur privé, mais il y a des cas où le gouvernement doit fournir des services aux régions rurales du Canada, car il ne serait pas profitable pour le...

M. Mitchell: C'est la géographie du pays qui le veut.

Le président: Très bien.

J'apprécie que vous soyez venu témoigner et ayez pris le temps de répondre à nos questions. J'ai bien aimé notre dialogue, et je suis sûr que c'est le cas des autres membres du comité aussi. Nous apprécions votre contribution à notre étude.

Merci beaucoup.

M. Mitchell: Je vous remercie, monsieur le président.

M. Chatters: Je n'ai qu'une question. Envisageriez-vous jamais de devenir candidat du Parti réformiste?

M. Mitchell: Ce que j'ai fait qui se rapprochait le plus de la politique a été de présider notre bien-aimée chambre de commerce, et cela m'a suffi.

Le président: Voilà qui est parlé comme un vrai politicien.

Merci beaucoup, monsieur Mitchell.

Nous sommes un peu en avance sur notre horaire. Nous allons faire une courte pause-café en attendant l'arrivée des témoins suivants.

.1042

.1045

Le président: Nous allons reprendre la séance.

M. Chatters va devoir garder ses questions jusqu'à la fin.

J'ai le plaisir de saluer M. Ketilson, du Saskatchewan Wheat Pool. Merci beaucoup d'être venu. Je crois savoir que vous avez quelques brèves remarques liminaires, et nous aurons ensuite une période de questions.

M. Neil Ketilson (coordonnateur, Responsible Stewardship Program, Saskatchewan Wheat Pool): Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à remercier le comité de son invitation à comparaître.

Je dois aussi exprimer les regrets du président du Saskatchewan Wheat Pool, M. Larsen. Il n'a pu venir, étant pris par d'autres engagements. C'est un homme extrêmement occupé avec les affaires internes du Wheat Pool, en ce moment. Notre assemblée annuelle se tient en novembre et il va d'une réunion régionale à l'autre pour vérifier que tout se passe bien. J'imagine que vous pouvez vous mettre à sa place.

J'ai été un peu parachuté ici, je suppose. Je n'ai appris que je comparaîtrais que vendredi après-midi, et je ne suis peut-être pas aussi préparé que je l'aurais voulu.

Nous sommes intéressés à divers titres au développement rural et aux problèmes écologiques. Ayant lu le document d'information de M. Cole sur les ressources naturelles et le développement rural, il m'est apparu que ce que vous recherchez, en fait, c'est un plan de développement durable.

Je suis responsable de la politique et de la planification environnementales au sein du Saskatchewan Wheat Pool et mes antécédents se situent dans le domaine de l'écologie. J'appartiens également au monde de l'agriculture - j'ai vécu ici toute ma vie - et comme la plupart des autres habitants de la province, je possède une petite terre. Je connais donc assez bien la campagne et le secteur agricole de la Saskatchewan.

Je peux vous donner mon point de vue personnel sur bon nombre des questions que vous voudrez poser. Si vous souhaitez des réponses techniques, nous pouvons vous répondre par écrit ultérieurement.

J'aimerais faire un survol, selon mon optique, des éléments fondamentaux de ce que j'appellerais un système ou plan de développement durable, et de certains des éléments clés qui pourraient faire partie de ce type de processus.

Il serait peut-être également bon que je vous dise quelques mots sur le Saskatchewan Wheat Pool. Nous sommes une coopérative qui constitue la plus grande entreprise de Saskatchewan. Elle a été fondée dans les années 1920. Nous sommes principalement une entreprise de manutention de grain et de distribution de fournitures agricoles, bien que nous nous soyons diversifiés dans quantité d'autres activités commerciales.

Notre structure coopérative comprend quelque 500 comités dans les petites localités de la Saskatchewan, c'est-à-dire que nous somme implantés dans toute la province. Il y a 126 délégués, qui élisent un conseil d'administration de 16 membres. Ce dernier siège pendant une semaine par mois, pour traiter des politiques et intérêts commerciaux de l'organisation. Nous avons à coeur les intérêts de nos membres, mais avons en même temps une orientation très commerciale, ce qui nous amène à changer de casquette très souvent, bien qu'en fait ces différentes casquettes se ressemblent finalement pas mal.

Parmi nos autres activités commerciales, je citerai WCFL, un système de fabrication et de distribution d'engrais qui dessert tout l'ouest du Canada; une usine d'assemblage d'herbicide à Winnipeg; une société d'édition, avec le Western Producer, dont nous sommes propriétaires; une usine de malt à Biggar qui traite un volume important d'orge de brasserie que nous transformons en malt et vendons dans le monde entier; une société de manutention de bétail appelée Heartland Livestock Services; un parc d'engraissement et une usine d'éthanol à Lanigan, cette dernière toute neuve et exploitée en association avec Mohawk Oil et un groupe d'investisseurs, lesquels exploitent le parc d'engraissement d'environ 10 000 têtes de bétail; une société de fournitures pour cultures biologiques, Philom Bios, à Saskatoon; une société de commercialisation d'aliments naturels du nom de Bioriginal Food and Science Corp.; une division nationale de conditionnement alimentaire, CSP Foods, dont le territoire va de Colombie-Britannique jusqu'à Moncton; une société de broyage et de transformation d'oléagineux, CanAmera Foods, que vous connaissez peut-être et qui produit une énorme quantité de canola; nous sommes partiellement propriétaires de Robin Donuts et de Northcote Fruits, à Thunder Bay. Au total, nous sommes un groupe diversifié qui possède des intérêts dans plus de 20 sociétés de tout l'ouest du Canada et à l'échelle nationale.

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Si je vous dis tout cela, c'est simplement pour vous montrer que nous sommes prêts à entrer dans le XXIe siècle et que nous, dans le secteur agricole, diversifions et faisons de la valeur ajoutée au mieux de nos capacités. Nous progressons du mieux que nous pouvons.

En tant qu'organisation, nous avons également pris des engagements très formels sur le front de l'environnement, par le biais de la structure de délégations au conseil d'administration. Nous avons un système de gestion environnementale dont je peux vous parler très longuement si cela vous intéresse.

Nous avons une politique de développement rural qui passe par le relais des administrations de développement économique rural. Nous avons un représentant siégeant dans chacune de ces administrations régionales, et nous proposons les types d'activités économiques qui nos paraissent viables et auxquelles nous pouvons collaborer.

Pour ce qui est des types d'investissements réalisés, le Saskatchewan Wheat Pool lui-même injecte probablement aux environs de 40 millions de dollars dans le Saskatchewan rural, par le biais de son plan de développement, rien que par le biais de notre infrastructure elle-même. Nous considérons cela comme un effort majeur en soi.

Nous nous occupons beaucoup de recherche-développement. Nous dépensons beaucoup dans toute la province pour la phytogénétique - c'est-à-dire la sélection et l'amélioration de variétés végétales - et ce genre de choses pour accroître les rendements et mieux préserver l'environnement, en quelque sorte.

Pour ce qui est de l'état actuel des choses et des problèmes clés, selon mon optique, selon l'optique écologique, j'estime que les 60 millions d'acres de la Saskatchewan... Il faut bien voir la dimension de cette province. Nous avons environ 45 millions d'acres de terres cultivables, dont plus de 30 millions sont cultivés chaque année.

Nous ne sommes pas une société industrielle. Sur le plan environnemental, nous sommes largement perçus comme d'une propreté immaculée. Nous pensons que ce sera pour nous un gros avantage à l'avenir. Nous produisons des récoltes de haute qualité. Nous avons mis en place d'excellents processus pour cela, et je pense que nous avons lieu d'en être reconnaissants.

Parmi les problèmes clés auxquels nous devons nous attaquer sur le front écologique figure la conservation des sols. Nous avons accompli des progrès majeurs à cet égard au cours des dernières années. Je pense que nous avons réussi à équilibrer la quantité d'azote ajoutée à la terre et celle extraite chaque année par les cultures. Je pense que nous avons accompli des progrès majeurs à cet égard et continuerons à le faire.

La qualité de l'eau devient davantage un problème, sous l'influence de facteurs externes. Je crois savoir que la qualité de l'eau est un important problème en Ontario; nous commençons donc à nous pencher sur cet aspect ici, afin de nous assurer que nous ne dégradons pas la qualité de l'eau, ni celle de surface ni celle des nappes phréatiques.

La biodiversité est un autre problème soulevé au niveau national et nous nous y attaquons au niveau provincial.

L'utilisation des intrants agricoles, c'est-à-dire engrais et produits chimiques, est un autre sujet... Il faut bien voir que nous, en Saskatchewan, sommes des utilisateurs de faible intensité. Nous consommons beaucoup moins de ces intrants que dans d'autres régions du monde et il faudrait que cela se sache car on nous met dans le même sac que tous les autres, sur le plan des perceptions C'est donc un problème.

Du point de vue économique et social, l'agriculture est l'activité la plus importante dans cette province. Nous sommes à la merci des marchés internationaux, et c'est incontournable. Nous diversifions et recherchons des solutions et des moyens d'accroître la valeur de nos produits par la transformation. Mais vous savez bien que toutes les autres régions agricoles du monde font exactement la même chose, et nous faisons ce que nous pouvons.

.1055

L'exode rural est une préoccupation en Saskatchewan. En écoutant le témoin précédent, je me suis demandé comment vous définissez l'adjectif «rural». Toute la Saskatchewan est rurale, si vous la comparez à Toronto. Je pense que vous devez réfléchir à cela dans le contexte des politiques et programmes à mettre en place. C'est une grosse difficulté au niveau des petites villes. Elles ont un gros problème de dépopulation, de vieillissement de la population. Il y a des parties de la province où vous ne trouvez plus personne qui soit apte au travail ou disposé à travailler. Il y a même une réelle pénurie de main-d'oeuvre dans le nord-est de la Saskatchewan.

Pour ce qui est des éléments indispensables à un système viable, parmi les besoins fondamentaux figure la valeur ajoutée. Nous pouvons produire toutes sortes de produits dans cette province. La technologie existe, c'est l'élément le plus facile à mettre en place. La plus grande difficulté réside dans les débouchés, la conquête de débouchés stables.

À notre sens, le développement doit être impulsé de la base. Vous ne pouvez faire venir quelqu'un de l'extérieur pour gérer les activités à court terme et espérer réussir. Les entreprises qui marchent sont celles lancées au niveau local.

Nous devons être en mesure d'utiliser la technologie - et dans le secteur agricole, je songe en particulier à la biotechnologie. Les pouvoirs publics peuvent faire beaucoup pour accélérer ce processus, en prenant toutes les précautions voulues mais en veillant à ce que la mise en oeuvre des technologies ne tarde pas indéfiniment.

L'éducation et le recyclage sont, bien entendu, un ingrédient fondamental de tout processus de développement rural viable.

Le Canada rural a également besoin du maintien et de l'amélioration d'infrastructures telles que les transports et les communications. Je vous fais simplement remarquer - et vous le savez probablement déjà - que les frais dont se décharge le gouvernement fédéral se retrouvent dans les budgets provinciaux, et de là aboutissent très rapidement dans les budgets municipaux. C'est une entrave au progrès et à la prospérité économique des ruraux. En outre, nous tenons pour acquise une bonne partie de l'infrastructure. Nos parents et grands-parents ont construit la Saskatchewan - toutes les routes et tout le reste de l'infrastructure. Or, ces dernières années, l'effort n'a pas été maintenu et on commence à voir la détérioration. Il faut enrayer cette tendance et l'inverser.

La recherche-développement est également un élément très important. Du point de vue fédéral, en tout cas sur le front écologique, je pense qu'il faut surmonter un certain nombre de perceptions erronées. Il faut pour cela se doter d'indicateurs environnementaux, afin que l'on puisse déterminer si nous progressons ou reculons. Cela n'a pas encore été fait et doit l'être.

Là-dessus, monsieur le président, je suis disposé à répondre aux questions. Comme je l'ai dit, j'aurais préféré que M. Larsen soit là pour y répondre lui-même - et je suis sûr qu'il regrette lui aussi - mais je ferai de mon mieux.

Le président: Je vous remercie, monsieur Ketilson.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: Vous nous avez beaucoup parlé d'environnement. Vous semblez très informé en matière environnementale. J'aimerais connaître les principales difficultés d'application des normes environnementales ici, en Saskatchewan. Est-ce que vous sentez qu'il existe des chevauchements et des dédoublements entre le fédéral et le provincial?

[Traduction]

M. Ketilson: Par «normes», j'imagine que vous entendez les règlements, n'est-ce pas?

M. Asselin: Oui.

M. Ketilson: Une bonne partie des règlements qui nous régissent sont provinciaux. Le gouvernement fédéral figure dans le tableau avec le processus des évaluations environnementales, la réglementation du transport des matières dangereuses, ce genre de règlements que nous appliquons. Au niveau de notre organisation, ils ne nous posent guère de difficulté. D'ailleurs, l'agriculture est exemptée de bon nombre de ces règlements, si bien qu'ils ne représentent pas un problème pour nous.

.1100

Au palier provincial, l'un des grands projets que nous avons réalisés, par exemple, au titre de l'Environmental Assessment Act, était les nouveaux entrepôts de pesticides. Ils relèvent de la réglementation sur les substances dangereuses. C'est un programme national réalisé en conjonction avec l'industrie. L'industrie établissait les normes et le gouvernement les approuvait. Nous avons trouvé que c'était une excellente façon de faire les choses.

Cela nous a coûté assez cher, car nous avons dû réaménager nos entrepôts. Nous avions plus de 400 petits entrepôts de pesticides dispersés dans la province. Nous en avons aujourd'hui beaucoup moins, à cause du coût. Nous avons dû centraliser notre système d'entreposage, à un coût de plus de 10 millions de dollars.

Mais nous y avons vu une mesure positive. Nous avons dû dépenser cette somme, mais c'était une dépense ponctuelle et nous ne pensons pas devoir recommencer d'ici longtemps.

Des normes industrielles régissant l'entreposage des engrais sont imminentes, et ce sera la prochaine grosse source de dépenses que nous entrevoyons.

Pour ce qui est des règlements environnementaux eux-mêmes, applicables à notre coopérative et aux agriculteurs, nous ne les jugeons pas excessifs à l'heure actuelle.

M. Asselin: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Chatters.

M. Chatters: Je vous remercie, monsieur le président.

Je pense qu'aucune autre province canadienne n'a plus conscience de l'exode de ses jeunes, qui partent ailleurs travailler dans le secteur pétrolier. Pendant les dix années où j'ai travaillé dans ce secteur, plus de 80 p. 100 des jeunes que j'ai vus venaient de Saskatchewan; tout le monde venait de Saskatchewan.

À votre avis, dans quelle mesure est-il possible ou opportun que le gouvernement fédéral, ou d'ailleurs même le gouvernement provincial, utilise l'argent du contribuable pour tenter de préserver les petites villes de la Saskatchewan, pour tenter d'enrayer l'évolution naturelle que représente la migration de la population vers les agglomérations plus grandes, là où il existe une assise économique créatrice d'emplois.

Est-ce une chose raisonnable pour les gouvernements que d'essayer de maintenir en vie artificiellement ces petites localités rurales ou bien faut-il les laisser sombrer, devenir une chose du passé? C'est une question dangereuse.

M. Ketilson: C'est une excellente question à poser à M. Larsen. Je vais cependant tenter d'y répondre.

Vous avez raison. La plupart des jeunes partaient travailler dans les champs pétrolifères en Alberta; je l'ai fait moi-même, ayant travaillé sur l'oléoduc. Certains reviennent, mais beaucoup ne rentrent jamais.

Permettez-moi de vous donner un exemple de ce qui se passe actuellement dans la Saskatchewan rurale. Dans la région de Humboldt-St. Brieux, dans la localité de St. Brieux même, il y a une usine de sarcleuses et autres machines agricoles de la firme Bourgault. Elle emploie plus de 600, 700 ou 800 personnes. Elle a extrêmement du mal à trouver la main-d'oeuvre dont elle a besoin. Je ne suis pas certain que le gouvernement devrait nécessairement la subventionner, mais je pense qu'il faut veiller à ce qu'il existe une infrastructure telle que les gens acceptent d'aller vivre là-bas.

Pour moi, le développement viable doit réunir des conditions environnementales, mais aussi sociales et économiques, et je pense que les dirigeants de St. Brieux vous diront que les gens ne veulent pas venir s'installer chez eux parce qu'ils n'y trouvent pas les mêmes avantages sociaux que dans les centres plus grands. Le réseau routier, les hôpitaux, les écoles et toutes ces choses sont tout aussi importants pour un habitant des campagnes de la Saskatchewan que de Toronto. Avec toutes les coupures intervenues, les gens commencent à se demander s'ils ont intérêt à s'établir là-bas. C'est donc difficile.

.1105

À mon point de vue personnel, et aussi du point de vue de l'agriculture, l'exode rural a déjà et continuera d'avoir de graves répercussions. Je ne sais pas ce que nous ferons lorsque tous les exploitants âgés de 65 et 70 ans vont prendre leur retraite, car il n'y aura plus personne pour donner un coup de main avec la récolte. Il y a de moins en moins de familles. C'est un problème.

J'ai éludé votre question.

M. Chatters: Tout à fait.

M. Ketilson: Je ne pense pas que quiconque vous dise d'aller dépenser des masses d'argent pour soutenir quelque chose artificiellement, car aussitôt que vous arrêterez, l'écroulement viendra quand même.

Les tendances sont là. La taille des exploitations augmente sensiblement. Une exploitation de 2 000 acres n'est pas quelque chose d'inhabituel chez nos membres. On commence à voir des exploitations de 5 000 et 8 000 et 10 000 acres. Voilà la tendance. Dans dix ans, nous en serons rendus là.

M. Chatters: Il me semble, particulièrement dans le secteur des ressources naturelles, et je songe probablement davantage à l'exploitation minière qu'à l'agriculture... en tant qu'agriculteur, je reconnais que l'agriculture est une ressource naturelle, mais c'est un peu comme dans le film Field of Dreams: si vous construisez quelque chose, les gens viendront. Si une industrie démarre pour exploiter une richesse naturelle dans un endroit donné, s'il y a des emplois à des salaires attrayants, les gens viendront. Vous ne pouvez déplacer la ressource naturelle pour la rapprocher de la main-d'oeuvre; vous devez attirer la main-d'oeuvre là où se trouve la ressource. C'est logique.

M. Ketilson: Je suis d'accord.

L'agriculture a énormément changé au niveau de l'exploitation. Beaucoup de gens, un peu partout au Canada, ne seraient plus opposés à travailler comme ouvrier agricole aujourd'hui. Ce n'est plus le travail pénible que c'était jadis, vous ne l'ignorez pas. En fait, il exige de grandes aptitudes. Confier une moissonneuse-batteuse de 250 000 $ à quelqu'un n'est pas une décision prise à la légère, et vous ne prenez pas le premier qui se présente.

M. Chatters: Évidemment, le salaire n'est pas attrayant. C'est généralement le problème.

M. Ketilson: C'est vrai. Et c'est saisonnier. Mais les gros exploitants paient aujourd'hui des salaires raisonnables. Ils équivalent facilement au salaire d'un soudeur ou d'un ouvrier de Saskatoon.

Le président: Monsieur Bélair.

M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Je vous remercie, monsieur le président.

Votre exposé était très intéressant. Vous avez une bonne vision d'ensemble de vos nombreuses entreprises. Si je lis entre les lignes, les campagnes sont prospères. Mais vous n'avez pas fait allusion une seule fois aux subventions pour le transport du grain de l'Ouest. Je suppose que la diminution des subventions a dû avoir des répercussions chez vous. Pourriez-vous nous dire comment vous avez réagi à cela? Puisque vous ne l'avez pas mentionné, je suppose que cela a été relativement facile.

M. Ketilson: Je ne voulais pas aborder ce sujet.

M. Bélair: Vous n'y êtes pas obligé.

M. Ketilson: Ça va, je vais le faire.

La subvention pour le transport, l'ancien tarif du Nid-de-Corbeau, est chose révolue, et j'ai pensé qu'il valait mieux ne pas en parler. Mais sa disparition a certainement représenté une grosse ponction d'argent dans la campagne de la Saskatchewan. Elle a coûté probablement plus de 20 $ la tonne. Si vous multipliez ce chiffre par le nombre de tonnes, cela fait 800 millions ou 900 millions de dollars, une somme énorme pour cette province.

Cette perte a été un peu amortie par la hausse relativement récente du cours des céréales. C'est pourquoi vous n'entendez pas en ce moment les cris d'angoisse qui vont retentir lorsque les prix baisseront de nouveau.

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Si vous regardez les prévisions de paiement de la Commission canadienne du blé pour les céréales, le blé, par exemple, est tombé à environ 215 $ la tonne aujourd'hui, comparé à 280 $ encore en juillet et août. Le cours du grain a donc déjà baissé de 70 $. Si vous combinez cette baisse avec le coût accru du transport, cela aura un effet très sensible.

Je suppose qu'il est impossible de revenir en arrière. Vous le pouvez peut-être, et si vous le pouvez, j'aimerais que vous le fassiez.

La majorité des gens par ici ont essayé de s'adapter de leur mieux. Je pense que c'est loin d'être fini. J'ai l'impression que cela va accélérer le rythme du changement et la tendance à la diminution du nombre des exploitations, à la dépopulation des campagnes de la Saskatchewan. Ce seront là les conséquences.

M. Bélair: Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées que M. Chatters. Est-ce que, au sein du Saskatchewan Wheat Pool, on trouve le même assemblage d'éléments dans les petites localités qu'ailleurs? Bien entendu, dans les villes plus grandes comme Prince-Albert, ce n'est pas un problème - toutes les activités sont centrées ici - mais qu'en est-il des petites localités? Sont-elles actionnaires du Wheat Pool? De quelle manière participent-elles?

M. Ketilson: La coopérative elle-même a évolué. Nous sommes maintenant une coopérative dont les actions sont cotées en bourse, la plus grosse du Canada. Nos actions ont été introduites à la bourse de Toronto fin avril 1996. Nous avons donc maintenant deux types d'actionnaires. Nous avons les actionnaires de catégorie A, qui sont les cultivateurs. Vous pouvez devenir membre de l'organisation contre une cotisation de 25 $, et vous bénéficiez alors des droits et privilèges du membre, dont le droit de vote.

Ces quelque 500 localités de toute la Saskatchewan élisent ce que nous appelons des «délégués». La province est divisée en 16 districts et chacun de ces districts a cinq délégués environ. Ces délégués élisent ensuite un représentant au conseil d'administration, lequel siège chaque mois pour arrêter les politiques et administrer les intérêts commerciaux de l'organisation.

Donc, le cultivateur de la Saskatchewan... Nous avons probablement, en moyenne, trois réunions publiques par an du Wheat Pool dans chacune de ces localités. Le contact est très bon. Nous avons un excellent réseau pour la dissémination et le retour d'information. Il y en aura toujours qui estimeront ne pas être écoutés ou qui se plaindront de ce que l'organisation ne fait pas ce qu'ils demandent, mais je suis sûr que vous avez l'habitude vous-mêmes de ce genre de doléances. Mais nous sommes gérés comme une coopérative, et chacun des membres a voix au chapitre. S'ils ont des positions à exprimer, ils le font.

M. Bélair: Quel est l'actif total du Wheat Pool, et combien a-t-il d'employés?

M. Ketilson: Nous avons environ 3 000 employés au Wheat Pool lui-même. Si vous y englobez les sociétés associées et tout cela, c'est plus de 5 000, mais je ne suis pas sûr du chiffre exact.

Nous avons réalisé environ 48 millions de dollars de profit net l'an dernier, pour un chiffre d'affaires de 3 milliards de dollars. Pour ce qui est de notre actif, il est de 500 à 600 millions de dollars.

Nous ne sommes pas un géant du négoce du grain, mais dans cette province nous sommes une organisation de premier plan.

M. Bélair: C'est juste. Je vous remercie.

Le président: Madame Cowling.

.1115

Mme Cowling: Monsieur Ketilson, si l'on regarde la Saskatchewan à l'orée du XXIe siècle, vous avez parlé dans votre exposé de valeur ajoutée et de diversification. Vu que la majorité du revenu provincial vient encore du secteur céréalier, il faut préserver une infrastructure pour transporter ce produit jusqu'au marché.

Que pouvons-nous faire, en tant que gouvernement, pour renforcer et exploiter les atouts de la Saskatchewan rurale et de toutes les régions rurales du pays, pour les aider à effectuer la transition? Comme vous l'avez indiqué, avec les modifications de la LTGO, cela ne va pas se faire de façon immédiate, mais il faut opérer rapidement la transition vers la valeur ajoutée et la diversification, de façon à avoir un relais lorsque ces frais supplémentaires feront sentir leurs effets. Que peut-on faire pour accélérer le mouvement, de façon à être prêt à absorber ces coûts supplémentaires lorsqu'ils interviendront, coûts qui pourraient autrement dévaster le secteur avant qu'il n'ait le temps de s'adapter? Que pouvez-vous faire pour nous aider à aller dans ce sens?

M. Ketilson: C'est une question extrêmement difficile. Il n'y a pas de solution facile.

Le Saskatchewan Wheat Pool reçoit probablement entre quatre et cinq propositions commerciales différentes chaque jour, que nous examinons pour voir dans quelle mesure elles sont raisonnables et réalisables.

Je vais vous donner quelques exemples. Nous nous penchons sur la transformation du blé dur en pâtes alimentaires depuis cinq ou six ans et, très franchement, nous ne trouvons pas de débouché sûr sur lequel nous pourrions compter si nous construisions une usine de transformation pour fabriquer des pâtes alimentaires. Le plus gros obstacle, c'est de trouver un débouché. Ce n'est pas la fabrication, qui est la partie facile. C'est trouver un marché et un marché sur lequel on puisse compter. Voilà le premier point.

Une des choses auxquelles nous réfléchissons en ce moment et qui pourrait vous intéresser, c'est de faire de la valeur ajoutée par le biais de la production porcine. Le modèle que nous envisageons est la création de porcheries de grande envergure, avec le concours d'investisseurs locaux. Nous serions partenaires dans ce type d'entreprise.

C'est le rôle que je vois pour le Saskatchewan Wheat Pool, c'est-à-dire non pas nécessairement celui de propriétaire et d'exploitant unique, mais de partenaire avec des personnes, des groupes de la localité concernée. C'est un peu le même modèle que le parc d'engraissement-usine d'éthanol Pound-Maker à Lanigan.

Mme Cowling: Bon nombre de nos jeunes ont fui les régions rurales de ce pays et veulent maintenant revenir. Le gouvernement fédéral devrait-il offrir des incitations pour aider les régions du pays qui sont défavorisées par la géographie? Faudrait-il amener l'autoroute de l'information jusque dans chaque campagne du pays pour y faciliter l'installation des gens, de façon à revitaliser ainsi certains de ces petits centres?

M. Ketilson: Très franchement, je ne sais pas. À ma connaissance, il est possible d'accéder aujourd'hui à l'Internet depuis la Saskatchewan rurale. Le problème est le coût. La liaison est beaucoup plus coûteuse à partir de la campagne qu'à partir de Saskatoon, mettons. Ce n'est pas tant un problème d'accès physique, c'est plutôt un problème de coût et de disposition des gens à payer de tels montants.

.1120

L'une des choses à faire est de mieux faire comprendre le coût de la vie chez nous aux gens qui habitent à Toronto et ont sur le dos une hypothèque de 300 000 $. Chez nous, vous pouvez avoir une maison avec une hypothèque de 40 000 $ seulement. Cela, en soi, serait déjà utile.

Envisagez le recours à des outils du genre allégements fiscaux et crédits d'impôt pour investissement, pour favoriser les entreprises locales. Je pense que c'est très efficace. On a utilisé ces outils dans d'autres domaines. Je pense qu'ils pourraient contribuer aux économies rurales et aider ces collectivités à démarrer.

Mme Cowling: Ce sera ma dernière question. Vivant dans une région rurale du Manitoba, très proche de la frontière de la Saskatchewan, bon nombre de nos centres de service sont distants de 50 ou 75 milles. Ce n'est pas grave pour certaines choses mais, par exemple, si vous travaillez dans un champ et que vous vous cassez le bras ou que vous avez un accident et que vous devez vous rendre dans un hôpital à 75 ou 100 milles de distance... Que peut-on faire pour améliorer ce service et rapprocher ces services des habitants des campagnes?

Nous avons un groupe de parlementaires ruraux qui sont confrontés à ces problèmes chaque jour. Nous avons besoin des conseils de témoins comme vous.

M. Ketilson: Les services de santé, les services d'ambulance et ce genre de choses sont un problème majeur. À mon avis personnel, je pense que les ruraux de la Saskatchewan devraient avoir un accès aussi facile à ces services qu'un habitant de Toronto ou de la région Toronto-Ottawa, c'est-à-dire un accès à ces services dans les cinq ou dix minutes, en cas d'urgence.

Énormément de gens en Saskatchewan souffrent de graves séquelles résultant de l'absence de services d'urgence en cas d'accident... Il faudrait des lignes 911 et davantage de services d'ambulance aériens. Il est inutile d'espérer que l'on va avoir un service d'ambulance dans chacune de ces petites villes, mais on pourrait peut-être créer une infrastructure pour fournir ces services de manière différente.

Si nous avons le temps, monsieur le président, j'aimerais vous raconter une petite anecdote. Ma femme et moi étions en Suisse et nous avons été les premiers à arriver sur les lieux d'un accident. C'était intéressant. L'une des personnes était évanouie et avait la jambe cassée. L'ambulance est arrivée en moins de cinq minutes. L'homme était couché sur la route, pendant qu'on soignait et chargeait dans l'ambulance deux autres blessés, et nous nous demandions pourquoi. Environ 30 secondes après, une ambulance est arrivée et a chargé l'homme et l'a emporté. C'était un service étonnant de rapidité. Je suis sûr que cet homme a été soigné bien avant que les autres personnes arrivent à l'hôpital.

Le président: Monsieur Wood, votre dernière question.

M. Wood: Je voulais parler de plusieurs choses... ou plutôt je voulais vous demander de parler de plusieurs choses.

Tout d'abord, vous avez mentionné votre plan de développement. J'aimerais en savoir un peu plus. Vous avez parlé à plusieurs reprises de valeur ajoutée, et c'est manifestement quelque chose qu'il faut faire dans le Canada rural. J'aimerais simplement savoir comment vous venez en aide à vos membres par le biais de votre plan de développement.

Comme vous le savez, la plupart de ces agriculteurs sont des gens ordinaires qui ont peut-être des idées, mais qui ne sauraient pas comment rédiger un plan d'entreprise. C'est admirable que de mettre des capitaux à la disposition de petites entreprises, mais comment faut-il faire pour y accéder? J'aimerais savoir par quelles étapes vos membres doivent passer. Qu'avez-vous fait ou que prévoyez-vous de faire pour simplifier le processus, pour aider vos membres à trouver des capitaux et à se lancer, comme vous disiez, dans la production porcine ou d'autres projets? Comment cela se passe-t-il? Concluez-vous un partenariat avec eux, afin qu'ils puissent trouver du crédit dans une banque, en sus de vos crédits propres? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Ketilson: Il y a différents instruments, selon le groupe concerné. Certains veulent constituer une société à responsabilité limitée. D'autres préfèrent constituer une coopérative et font ce que l'on appelle maintenant les coopératives de nouvelle génération. C'est une entreprise commerciale où la participation est limitée au nombre de membres initial.

.1125

Ce que nous avons fait et ce que nous prévoyons de faire dans le cas de ces projets, c'est que l'initiative doit venir de la base. Nous avons constaté que cela ne fonctionne pas si nous arrivons avec un projet tout fait pour dire: «Voilà ce qu'il faut faire, mettons-nous au travail».

M. Wood: Donc, le type se présente chez vous pour dire: «Voilà ce que je veux faire», et vous prenez le relais.

M. Ketilson: Exactement. Par exemple, dans le cas des porcheries, nous publions un communiqué de presse et informons les membres, par nos divers organes d'information, leur faisant savoir que nous sommes pas mal intéressés par cette nouvelle initiative et voulons l'entreprendre sérieusement.

À ce stade, nous avons déjà fait le travail préparatoire en ce qui concerne les questions environnementales à régler, les mécanismes financiers, l'exploitation, la mise en marché, les débouchés et tout ce genre de choses. Nous avons des membres de notre personnel qui font cela régulièrement.

Nous avons un plan d'entreprise type, que nous communiquons à quiconque se montre intéressé. Nous essayons d'établir un partenariat dans la localité, avec un investissement de la part des autres partenaires. Nous-mêmes avons une participation financière, de préférence aussi réduite que possible, et c'est ainsi que le projet se réalise. Voilà le mécanisme.

Les choses ne se passent pas toujours de cette façon. Parfois, une autre grande entreprise a un débouché et vient nous voir pour dire: «Nous voulons établir une usine de maltage quelque part. Avez-vous une idée?». Nous regardons alors où se trouve la matière première, nous choisissons un endroit et consultons les autorités municipales. Ensuite, nous nous lançons.

M. Wood: Vous apportez donc une partie du capital pour réaliser le projet?

M. Ketilson: Oui.

M. Wood: Avez-vous un représentant au conseil d'administration de cette société, pour surveiller l'utilisation faite de votre argent?

M. Ketilson: Oui, nous sommes très attentifs à cela. Dans chacune des organisations et autres compagnies, nous avons au conseil d'administration des spécialistes et(ou) quelques membres élus. Tout dépend de la société et des compétences requises.

Nous avons également des vérificateurs internes et toutes sortes de spécialistes qui peuvent faire des suggestions et des recommandations. Ils passent en revue les plans d'entreprise et ce genre de choses, et font le travail analytique.

M. Wood: Peut-on dire que cela fait partie des plans à long terme de votre coopérative sur le plan de la production à valeur ajoutée? Est-ce quelque chose de réfléchi et de délibéré, que vous mettez en oeuvre de façon à éviter l'exode de la population, assurer sur place un revenu et un travail viable? Est-ce une priorité?

M. Ketilson: Oui, c'est une très grande priorité. Ce n'est pas quelque chose d'entièrement nouveau. Nous faisons cela depuis une quinzaine d'années.

Vous pouvez faire le tour de la province et voir toutes sortes d'activités que nous avons entreprises, comme le parc d'engraissement/usine d'éthanol à Lanigan, l'usine de maltage à Biggar, CanAmera Foods, et les usines de broyage d'oléagineux à Nipawin, Altona et un peu partout.

Nous faisons de la valeur ajoutée depuis longtemps, partout où cela est viable.

M. Wood: Vous avez dit craindre l'exode de la main-d'oeuvre, des gens qualifiés. Est-ce que vous aurez de la difficulté à trouver de la main-d'oeuvre qualifiée pour ces entreprises à valeur ajoutée?

M. Ketilson: Nous n'avons pas eu de problème pour trouver des gens qualifiés, mais je connais des entreprises...

Il y a une petite industrie réellement intéressante dans le nord-est de la Saskatchewan. À Annaheim, vous trouvez Doepker Industries, qui fabrique des remorques à céréales qui sont vendues dans tout l'ouest du Canada. Englefeld, six milles plus loin, fabrique autre chose. Watson, encore six milles plus loin, fabrique autre chose encore. St. Brieux fabrique une gamme de matériel agricole. Toutes ces industries emploient beaucoup de monde et il y a, en fait, une pénurie de main-d'oeuvre dans cette région. Il n'y a pas assez de gens qui acceptent d'aller vivre dans cette région.

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Il n'y a personne désireux de travailler qui est sans emploi là-bas.

Le président: Merci infiniment, monsieur Ketilson. Vous avez fait un excellent travail. Je pense que votre président peut être fier de votre travail ici, aujourd'hui.

Je vais inviter à prendre place nos prochains témoins, qui représentent le Saskatchewan Labour Force Development Board.

Soyez les bienvenus, monsieur Orynik et monsieur Pura. Nous vous invitons à faire quelques remarques liminaires. Nous donnerons ensuite la parole aux députés afin qu'ils vous posent leurs questions.

M. Roman Orynik (représentant patronal, Saskatchewan Labour Force Development Board): Je vous remercie de votre invitation à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je me nomme Roman Orynik et je suis l'un des représentants patronaux au sein du Saskatchewan Labour Force Development Board. Je suis accompagné de Conrad Pura, l'un des représentants syndicaux.

À titre d'information, le Saskatchewan Labour Force Development Board a été créé à l'initiative du gouvernement fédéral, en 1994. Il représente un groupe consultatif véritablement positif et indépendant sur les politiques en matière de main- d'oeuvre. Il est coprésidé par un délégué patronal et un délégué syndical. Il comporte des représentants des milieux de l'enseignement et de la formation professionnelle, des premières nations, des Métis, des femmes, des handicapés, des minorités visibles et des agriculteurs. C'est réellement un groupe représentatif de toute la population de la Saskatchewan. Nous avons cette année le gouvernement provincial comme partenaire financier et nous travaillons activement à l'élaboration d'une stratégie de formation professionnelle pour la province.

Le conseil a pour mission de promouvoir, au moyen de partenariats et dans le respect de l'équité, le bon développement de la main-d'oeuvre de la Saskatchewan. Le conseil estime que les besoins en matière de formation sont directement liés au développement économique. Notre rôle est d'inciter à une plus grande cohérence dans ces deux systèmes.

Le conseil a dégagé un consensus sur un grand nombre de questions intéressant le marché du travail. Tout récemment, il s'est prononcé en faveur d'une approche sectorielle de la formation professionnelle. Nombre de secteurs émergents et en expansion ne sont pas bien desservis par les programmes de formation de la province.

Les quatre grands thèmes que j'aimerais aborder aujourd'hui sont le climat en vue d'un changement fondamental; le déplacement de la prise de décisions et de la responsabilité vers les niveaux régionaux et locaux; le besoin croissant d'une approche conjointe du développement des collectivités, de l'économie et de la main-d'oeuvre; et la nécessité de l'innovation et de la cohérence.

Si nous voulons faire avancer notre économie sur la voie de la croissance, il nous faut instaurer une culture de l'apprentissage de façon à pouvoir exploiter les technologies déjà existantes et celles qui vont émerger à l'avenir. Pour que cette technologie soit au service d'une économie provinciale axée sur les richesses naturelles, il nous faudra investir dans la recherche et développer le savoir-faire de l'infrastructure organisationnelle et technologique de la province. Il nous faudra apprendre de nouvelles façons de travailler, de nouvelles façons de valoriser nos ressources et de nouvelles méthodes qui nous permettent de produire de manière plus efficiente que nos concurrents du monde entier.

Bon nombre des industries secondaires dont l'économie de la Saskatchewan a besoin restent encore à développer. L'information et les télécommunications seront le moteur fondamental de l'économie, particulièrement dans l'économie axée sur l'entreprise de l'avenir.

Les fabricants d'équipements de la province sont dans une situation de croissance favorable. De nouveaux produits liés à l'agriculture et d'autres industries d'exploitation des ressources naturelles engendreront une demande d'ingénierie, de production technique et de conception de logiciels. Un changement radical de la façon dont nous abordons aujourd'hui la technologie déterminera si nous serons sur une route secondaire ou une voie rapide de l'autoroute de l'information.

Le gouvernement fédéral a été à l'origine de nombreux partenariats sectoriels au niveau national. Le conseil estime qu'une approche provinciale ou régionale est également nécessaire. Nous devons soutenir nos secteurs économiques au moyen de connaissances en matière de formation, de technologie dans les universités, de recherche-développement portant sur les systèmes de travail, de nouvelles approches du travail, du développement économique et de l'application de la technologie.

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Le leadership en matière de coopération en milieu de travail et d'initiatives sectorielles englobant des partenariats entre employés, employeurs, pouvoirs publics et établissements d'enseignement, sera le catalyseur qui facilitera l'adaptation du marché du travail dont nous avons besoin pour réussir à l'avenir.

Le taux d'échecs des jeunes dans notre système éducatif actuel nous montre que des changements profonds sont nécessaires. Le labyrinthe actuel des réseaux informels ne facilitera pas plus à l'avenir l'accès des Autochtones à l'emploi qu'il ne l'a fait par le passé. Des programmes d'enseignement revus et corrigés, des options d'apprentissage englobant des stages en milieu de travail, et davantage d'orientation de carrière, à un plus jeune âge, sont impératifs si nous voulons ouvrir de meilleures perspectives à nos jeunes. Je pense que seules des perspectives d'emploi intéressantes sauront retenir nos jeunes en Saskatchewan, au lieu qu'ils émigrent vers d'autres provinces. Il faudra des incitations pour amener les employés à acquérir les qualifications qui sont indispensables à notre réussite économique future.

Les enquêtes internationales d'alphabétisme des adultes nous montrent que nos élèves possèdent moins de connaissances de base que ceux de nos concurrents dans le monde, et c'est inquiétant.

Les éducateurs réagissent aux besoins de l'industrie, mais il faut faire davantage en vue de produire les diplômés requis par les nouvelles technologies actuelles et futures. C'est particulièrement vrai dans les campagnes. Il faut fonder de nouvelles alliances et les pouvoirs publics doivent favoriser ces partenariats au moyen d'allégements fiscaux, si l'on veut obtenir le genre de résultats et le genre de développement de la main-d'oeuvre dont nous aurons besoin.

Le conseil est d'avis que la prise de décisions doit être décentralisée afin de la rapprocher de ceux qui connaissent bien la situation et peuvent formuler les stratégies propres à répondre aux besoins locaux. Cependant, en Saskatchewan, il faut se montrer très prudent avec la définition de rural - et cela a déjà été évoqué aujourd'hui. Avec la dépopulation des campagnes, nous sommes aux prises avec une infrastructure inhérente mais lourde qu'il faut refaçonner pour répondre aux besoins d'aujourd'hui et de demain. Il faut passer à un modèle d'évaluation des besoins des collectivités et à un système axé sur les résultats et non sur les processus.

La province est en voie de réduire les chevauchements de structures, de façon à réduire les dépenses de formation et d'éducation. Nous préconisons de suivre la même démarche à l'égard du développement communautaire, économique et de la main-d'oeuvre. Dans certaines parties de la Saskatchewan, on rencontre des administrations économiques régionales, des administrations du tourisme, des comités d'aide au développement des collectivités, des centres de services ruraux et agricoles, des conseils de collèges communautaires et des conseils scolaires - tout un labyrinthe.

Le développement économique des collectivités a été dominé par une approche axée sur le développement des entreprises, mais maints conseils de développement économique se heurtent à des problèmes de développement de la main-d'oeuvre. Le témoin précédent a parlé d'une pénurie de main-d'oeuvre dans une région donnée. Il faut davantage de cohérence et de coordination entre les gouvernements fédéral et provincial afin de régler cette question au niveau régional et communautaire.

Le comité du marché de travail du Nord est un bon exemple d'un tel partenariat qui s'attaque aux problèmes de développement de la main-d'oeuvre dans les secteurs forestiers et miniers du nord de la Saskatchewan. Les gouvernements fédéral et provincial, l'industrie, les établissements de formation travaillent de concert à la solution des problèmes de développement économique, communautaire et de la main-d'oeuvre. Des stratégies et des normes nationales professionnelles et de formation, de même qu'une coordination provinciale, sont nécessaires, mais le contrôle sur les ressources et les priorités doit être placé au niveau local afin d'assurer que la formation est en phase avec le développement économique de la collectivité locale.

Le changement de direction amené par l'austérité budgétaire et la politique gouvernementale a facilité un large recours aux partenariats. Les partenariats répondent à divers objectifs, notamment la coordination des services, la prise de décisions basée sur une diversité de savoirs, le partage des responsabilités et, comme nous en faisons l'expérience à notre conseil, l'appréciation de la diversité. Ce peut également être une façon de s'ouvrir à tous les secteurs de la société et de faire participer la population. C'est particulièrement vrai lorsque des objectifs communs sont poursuivis. Le développement économique communautaire, combiné aux initiatives de développement de la main-d'oeuvre, peut introduire la cohérence dans la prestation des services.

Le conseil vient d'achever une enquête auprès de 100 fabricants exportateurs de la Saskatchewan, dont de nombreux sont implantés dans des localités rurales et n'ont pas accès à des instituts de formation. Ces exportateurs ont du mal à trouver une main-d'oeuvre qualifiée. Pour chaque poste vacant, ils ont cinq postes dont les titulaires ont besoin d'un complément de formation. Il est évident que le recyclage et le perfectionnement des travailleurs doivent se faire sur le lieu du travail. Il faut pour cela recourir à des partenariats de formation sectoriels avec l'industrie, afin de maximiser nos ressources de formation.

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Maintes démarches sectorielles font déjà leur apparition dans la province. L'IPSCO participe à un partenariat avec la sidérurgie, du nom de CSTEC. Le secteur touristique participe également activement depuis quelque temps. Le secteur du film et de la vidéo participe aussi, et celui de la fabrication pour l'exportation vient de terminer une évaluation des besoins. Ce ne sont là que les premiers pas de ces industries.

La technologie doit être mise en oeuvre aux fins de la conception et de l'exécution de la formation, puis aux étapes suivantes. Le développement communautaire passe par de nouveaux partenariats et de nouvelles alliances. Il faut un soutien pour accéder aux compétences nouvelles, aux capitaux-risques et aux moyens de communication. Des centres de service donnant accès à l'Internet, ainsi qu'à une formation en matière d'exportation et de gestion d'entreprise, sont indispensables à la création d'entreprises nouvelles dans la province.

Une nouvelle infrastructure pour une économie fondée sur le savoir aura pour piliers les échanges, les efficiences organisationnelles, les moyens de transport, les communications et l'évaluation des résultats. L'économie du XXIe siècle ne se limitera pas aux routes, aux ponts, aux briques et au mortier. Nous aurons besoin de nouveaux mécanismes d'apprentissage et de nouvelles structures de travail au fur et à mesure que de nouveaux métiers feront leur apparition dans l'économie nouvelle.

Il faut investir stratégiquement et établir des liens plus étroits en vue d'un partage de l'expérience entre éducateurs et chercheurs de nos industries et universités, en vue d'orienter le contenu des programmes et la recherche-développement.

Il faut innover au niveau des mécanismes d'exécution. Cela supposera une expertise en multimédia et en éducation, qui n'existe pas dans le secteur industriel. Il faut innover en faisant appel à l'Internet, à l'enseignement assisté par ordinateur pour le télé- enseignement, et le recours aux programmes provinciaux et nationaux de développement de la formation. C'est particulièrement vrai dans la Saskatchewan rurale, où les instituts de formation ne sont pas nécessairement à proximité de ceux qui ont besoin de leurs services.

Le Saskatchewan Trade and Export Patnership nouvellement formé améliorera le potentiel de conquête de nouveaux débouchés. Nos secteurs des télécommunications et des transports ont besoin de recherche-développement pour nous permettre de mieux répondre à ces demandes du marché.

L'innovation n'exige pas seulement de nouvelles technologies, mais aussi de nouvelles structures d'organisation et de travail, englobant une culture de l'apprentissage.

Le problème persistant de l'exode des jeunes de la province, combiné au vieillissement de la population, annoncent de graves difficultés pour les collectivités et l'industrie de la Saskatchewan. Il faut accroître les perspectives d'emploi de nos jeunes qualifiés et instruits, en organisant des stages de travail, l'alternance travail-études, des programmes d'internat et d'apprentissage, des échanges de personnel éducatif et le partage du matériel, de même qu'en imaginant de nouvelles méthodes de répartition du travail.

Si l'on veut que nos collectivités rurales restent viables, il faudra explorer de nombreuses options d'innovation dans les entreprises. Le dilemme du chômage est alimenté par l'existence de villes à activité économique unique. Grâce à la technologie et à la créativité propres aux Prairies, notre collectivité devrait pouvoir survivre dans une économie du savoir.

La recherche-développement en agriculture a engendré à Saskatoon une importante industrie biotechnologique. La création de débouchés accroîtra la stabilité économique. Si nous donnons à nos jeunes diplômés des universités et instituts techniques la possibilité d'acquérir une expérience de travail, nous sèmerons les graines de l'innovation et de l'opportunité.

Votre gouvernement pourrait encourager cette activité au moyen de modèles de partenariat tels que le Programme du mérite de transfert technique, qui met en relation le savoir-faire des universités et instituts techniques, par l'intermédiaire de leurs personnels et diplômés, avec le secteur industriel.

Des subventions sont offertes aux partenariats qui mettent en commun expérience, matériel et diplômés en vue de projets spécifiques visant à améliorer des produits et créer des efficiences en matière de communication et de systèmes de travail. Il faut parfaire l'Accord sur le commerce intérieur, notamment en matière de reconnaissance des diplômes et qualifications par toutes les provinces. Il existe de bons programmes d'internat dans certaines provinces qu'il faudrait reproduire en Saskatchewan.

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Il faut mieux relier les universités, les instituts, les gouvernements et l'industrie. Les centres de service sectoriels, utilisés avec succès en Europe et au Japon, sont un instrument utile à cet égard, de même que la coopération inter-entreprise sous forme de services tels que programmes d'enseignement partagé et laboratoires informatiques portatifs.

Il faut des incitations pour encourager l'innovation au niveau des structures de travail et d'organisation, et en particulier: distribution du travail, nouvelles technologies de production, de communication et d'information; conception et exécution de l'apprentissage et de la formation, en vue de l'enseignement à distance et l'apprentissage indépendant; enfin, nouvelles technologies d'exportation et de commercialisation.

Il faut innover dans le domaine de l'utilisation et du développement de notre main-d'oeuvre et dans celui de la création de nouveaux débouchés. Nous avons besoin de nouveaux systèmes d'information sur le marché du travail qui tiennent compte de la complexité des secteurs et ne se contentent pas de fournir des chiffres.

Il existe des perspectives de renforcer la cohésion nationale autour du développement économique. Les approches sectorielles permettent davantage de collaboration nationale en matière de développement des échanges et de la recherche. Nous avons besoin de nouvelles approches du développement communautaire, économique et de la main-d'oeuvre afin d'être à même de doter l'économie nouvelle de la main-d'oeuvre qualifiée dont elle a besoin.

Je suis prêt à répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Chatters.

M. Chatters: Tout d'abord, ayant écouté votre exposé et lu votre mémoire, j'ai souligné différentes parties. Je n'ai retiré qu'une très vague idée de ce dont vous parlez.

Pour commencer, j'aimerais peut-être que vous nous disiez ce que fait exactement votre organisation, comment elle est financée et ce qu'elle fait de concret. Ce serait un début. J'aimerais ensuite que vous expliquiez ce que signifient certaines de vos phrases. Par exemple, je ne vois pas ce que vous entendez par ceci:

M. Orynik: Tout d'abord, le conseil est un partenariat qui couvre tous les différents secteurs de la province. Il y a une représentation du patronat et des syndicats. La représentation patronale couvre une grande diversité d'entreprises.

Par exemple, je représente les entreprises de Prince-Albert et de la région avoisinante au sein du conseil. J'exprime les préoccupations patronales en matière de développement de la main- d'oeuvre, c'est-à-dire les besoins de formation de ces entreprises. Comme je l'ai indiqué, le conseil comprend également des représentants des Autochtones, des minorités marginalisées et autres groupes défavorisés.

Notre financement, jusqu'à cette année, venait du gouvernement fédéral. À partir de cette année, nos fonds proviennent en partie du gouvernement fédéral, en partie du gouvernement provincial, et en grande partie aussi de l'apport en nature des membres siégeant au conseil. Cet apport prend la forme du travail qu'ils font et du temps qu'ils contribuent aux activités du conseil.

M. Chatters: Quel est votre budget?

M. Orynik: Il est de l'ordre de 100 000 $ à 125 000 $ par an.

M. Chatters: Que faites-vous précisément avec ce montant?

M. Orynik: Nous stimulons d'autres partenariats et travaux. L'un des exemples est le groupe des fabricants exportateurs. Nous avons effectué une enquête à son sujet l'an dernier.

Par le biais du Saskatchewan Labour Force Development Board, nous avons pu commander un sondage auprès de 100 entreprises exportatrices de la province pour déterminer leurs besoins de formation. Ont-elles actuellement suffisamment d'employés qualifiés? Quels sont leurs besoins et dans quels domaines? Comment ce groupe de 100 entreprises pourrait-il collaborer, avec le concours du Labour Force Development Board, pour satisfaire les besoins et échanger leur expérience? Il s'agit donc davantage d'un mécanisme pour rassembler des groupes afin qu'ils partagent leurs connaissances et utilisent plus efficacement les ressources disponibles.

M. Chatters: Vous êtes donc essentiellement un organisme de collecte de données, qui rassemble des gens et les renseigne sur des aspects tels que les besoins en matière de main-d'oeuvre.

M. Orynik: C'est juste. C'est un élément. Un autre est de conseiller les gouvernements, tant au palier provincial que fédéral, sur le plan du développement de la main-d'oeuvre.

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Par exemple, le gouvernement de la Saskatchewan élabore actuellement la nouvelle stratégie de formation professionnelle. Le Saskatchewan Labour Force Development Board conseille très activement le gouvernement provincial quant à la stratégie propre à répondre aux besoins de la population et de l'industrie de la Saskatchewan.

M. Chatters: Je saisis un peu mieux ce que vous faites.

Quelques éclaircissements maintenant concernant une phrase que j'ai lue: vous faites état de l'échec des Autochtones dans notre système éducatif actuel, et de la nécessité de modifier ce système.

De façon générale, pour réussir dans le monde d'aujourd'hui, il faut être familiarisé avec la haute technologie... il faut avoir le genre d'éducation actuellement dispensée. C'est généralement ces compétences-là que recherche l'industrie. Comment envisagez-vous de modifier le système éducatif pour permettre aux Autochtones de mieux y réussir, plutôt que de modifier les attitudes des Autochtones à l'égard de l'éducation telle qu'elle existe aujourd'hui?

M. Orynik: J'aimerais bien connaître la solution. Je ne l'ai pas, et si j'avais la solution, quelqu'un d'autre l'aurait sans doute trouvée il y a bien des années déjà.

C'est un dilemme pour l'industrie et aussi pour les responsables autochtones. Comment peuvent-ils préparer leur population, leurs membres, au XXIe siècle?

M. Chatters: Je suis inquiet de voir les exemples que j'ai vus, lorsque les bandes autochtones ont pris le contrôle de l'enseignement chez elles, où elles mettent l'accent sur le retour à leur propre culture et à leur langue ancestrale - ce genre de choses. Ce ne sont pas là le genre de compétences, le type d'éducation, qui vont permettre à ces jeunes de réussir dans le monde industrialisé d'aujourd'hui.

C'est une préoccupation, et j'espère que votre organisation la partage, si votre rôle est de conseiller les gouvernements sur ce qu'il conviendrait de faire pour permettre aux Autochtones de participer pleinement à l'économie.

M. Conrad Pura (représentant syndical, Saskatchewan Labour Force Development Board): Puis-je répondre à cela?

Nous avons au conseil un représentant de la FSIN. Cette dernière a engagé un spécialiste en formation. La fédération commence à travailler sur un plan quinquennal, dont elle vous parlera peut-être si elle va comparaître devant vous plus tard dans la journée.

Notre rôle à cet égard consiste à prendre connaissance du plan, donner nos impressions et en faciliter l'exécution si nous considérons que ce plan est bon pour l'ensemble de la population de la Saskatchewan et en phase avec la stratégie de formation provinciale etc. C'est quelque chose que notre conseil encouragera, si nous pensons que c'est utile, en le présentant aux différents paliers de gouvernement, etc.

M. Chatters: Pour terminer, sur le budget de 125 000 $, quel pourcentage provient des pouvoirs publics et quel pourcentage de l'industrie?

M. Orynik: Le financement principal du conseil, les 100 000 $ ou 125 000 $ dollars, viennent des gouvernements fédéral et provincial. Je ne me souviens pas à combien se chiffre la contribution en nature de l'industrie et des partenaires, mais je crois qu'elle excède ce montant, du point de vue du temps et peut- être...

M. Pura: Oui, tous les membres du conseil sont parrainés par l'organisation qu'ils représentent, c'est-à-dire qu'il y a très peu de frais, hormis dans le cas des représentants de groupes qui n'ont pas de source de financement eux-mêmes, comme les minorités visibles etc., dont il faut couvrir les frais de voyage et ce genre de choses. Pour ma part, je représente le Syndicat des employés publics de la Saskatchewan, et c'est le syndicat qui couvre mes frais de participation aux travaux du conseil.

M. Chatters: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: Parlons d'abord de l'industrie. La grosse industrie, comme la petite entreprise, essaie de chercher une main-d'oeuvre qualifiée et compétente parce qu'aujourd'hui, l'industrie connaît de plus en plus de concurrence. Elle se doit d'être de plus en plus rentable. On sait également qu'une main-d'oeuvre qualifiée est compétente.

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Pour être qualifiés et compétents, les jeunes d'aujourd'hui qui sortent de l'école pour intégrer le marché du travail doivent avoir reçu une formation professionnelle adéquate. Également, le jeune qui arrive sur le marché du travail est un jeune sans expérience.

Ici, en Saskatchewan, principalement dans votre domaine, est-ce que vous formez le jeune pour qu'il soit en mesure d'intégrer le marché du travail et d'obtenir un emploi durable, et est-ce que vous faites une étude des besoins?

Si vous avez chaque année dans la région un surplus d'électriciens qui sont à la recherche d'emploi, est-ce que vous continuez à former des électriciens ou si vous faites une étude des besoins par rapport à la demande? La formation que vous donnez à votre main-d'oeuvre correspond-elle à la demande? En d'autres termes, j'espère que vous ne créez pas d'attentes chez le jeune qui, après sa formation, se retrouve sans emploi.

[Traduction]

M. Pura: Je peux répondre.

Dans ma «vraie vie», je travaille pour un collège régional dans une région rurale de la Saskatchewan. La province compte huit collèges régionaux ruraux. Il y a également le SIAST - le Saskatchewan Institute of Applied Science and Technology - et les universités, puis quelques instituts de formation privés.

La difficulté par le passé, considérée comme source de différents problèmes dans les provinces, a été de fixer dans le système éducatif les spécialistes requis pour répondre aux besoins du marché du travail. Il est relativement facile de dire «cessez de former des électriciens» mais vous perdez alors les spécialistes capables de former des électriciens dont vous risquez d'avoir besoin ultérieurement.

Ce que le conseil encourage donc, c'est une approche sectorielle de la formation, avec la participation de tous les partenaires, à savoir le patronat et les employés, les paliers de gouvernement et les éducateurs, de façon à identifier de manière plus cohérente les besoins du marché du travail et les besoins de formation futurs, pour tenter d'encourager les jeunes à participer au marché du travail et à acquérir l'expérience pratique dont ils ont besoin, et aussi de façon à pouvoir mieux anticiper les pénuries de main-d'oeuvre futures dans certains secteurs de l'économie.

Par exemple, je siège dans un groupe qui se réunit dans le cadre du Programme Canada-Saskatchewan des initiatives stratégiques - le programme des initiatives relatives au marché du travail. Nous venons de commander une étude du marché du travail de la Saskatchewan, par secteur. Ce sera une étude très complète qui durera un an, le rapport étant attendu pour l'automne prochain.

Ces données nous aideront à mieux cerner les besoins en main- d'oeuvre et à établir certains de ces partenariats en amenant les syndicats des secteurs à collaborer entre eux, et les dirigeants patronaux des secteurs à collaborer entre eux, puis en les rassemblant par groupes de concentration et en les amenant à se réunir pour définir et exprimer leurs besoins collectifs, c'est-à- dire en allant plus loin qu'en leur envoyant un questionnaire ou en les contactant par téléphone. Cela permettra de déterminer certains de ces besoins.

Par le passé, nous prenions les données nationales du SPPC et du BIMA, les divisions par le pourcentage provincial de cette industrie, et disions que c'étaient là nos besoins de main-d'oeuvre des trois, cinq ou dix prochaines années. Ainsi que le diraient les chercheurs et d'autres, ce n'est pas réellement une très bonne façon d'élaborer une stratégie provinciale de formation professionnelle.

Je pense donc que nous sommes en train de recourir à de meilleures méthodes. Il faudrait faire plus pour faciliter ces différentes activités et encourager ces secteurs locaux à se concerter et collaborer.

[Français]

M. Asselin: J'aimerais savoir s'il existe dans votre centre de formation du perfectionnement pour adultes. On sait que la technologie d'aujourd'hui évolue d'année en année, principalement dans le marché automobile. Le mécanicien qui travaille dans une entreprise ou dans un poste de service et qui voudrait se perfectionner trouvera-t-il dans votre province des centres de perfectionnement professionnel?

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[Traduction]

M. Pura: Oui, nous le faisons. Par exemple, dans le domaine automobile, le SIAST, l'un des instituts techniques de Saskatoon, a un centre de formation en techniques automobiles qui collabore avec les représentants de l'industrie au sein d'organismes représentatifs, pour déterminer les besoins en matière d'enseignement. Les étudiants suivent la formation de mécanicien automobile avec du matériel et des méthodes provenant des ateliers et garages où ils vont travailler ensuite. GM fournit des véhicules et du matériel pour cela, etc.

Actuellement, ce programme n'est offert que dans un seul établissement. Mais s'il y a une grosse demande pour ce type de formation et s'il est économiquement viable de le relocaliser vers la campagne, il pourra être dispensé par le système des collèges régionaux ou directement chez les divers employeurs.

[Français]

M. Asselin: Est-ce que vous avez de plus en plus de femmes qui intègrent la formation professionnelle dans les métiers non traditionnels? Je prends un exemple dans le monde de la construction. On y retrouve aujourd'hui des femmes qui sont soudeurs ou électriciens. Il y a 15 à 20 ans, ces métiers étaient réservés à l'homme. Les femmes intègrent de plus en plus aujourd'hui ces métiers qu'on appelle non traditionnels. Ici, en Saskatchewan, principalement dans la formation professionnelle, vous offrez une formation autant aux femmes qu'aux hommes.

[Traduction]

M. Orynik: Je ne peux répondre pour une profession ou un secteur en particulier, tel que le bâtiment. Mais, d'après ce que j'ai pu voir personnellement au cours des dix dernières années, dans mes activités autres que mon rôle au conseil, dans mon travail quotidien, je vois davantage de femmes faire des métiers où on ne les aurait pas vues il y a dix ou 15 ans.

Le Labour Force Development Board encourage cette évolution des mentalités et offre des possibilités de formation meilleures, non seulement aux femmes mais à tous les groupes défavorisés de la société, qu'il s'agisse de minorités raciales, d'Autochtones ou de personnes handicapées. C'est quelque chose que nous encourageons, et nous favorisons également une évolution des attitudes chez les employeurs et les enseignants. Donc, de manière générale, oui, nous constatons une tendance vers une plus grande présence de ces groupes dans la population active qu'il y a 15 ou 20 ans.

Le président: Je vous remercie.

Madame Cowling.

Mme Cowling: Je vous remercie, monsieur le président.

Je me réfère à la page 2 de votre mémoire, la prise de décisions à l'échelon local. Vous dites qu'il y a toute une pléthore d'organismes de développement, et vous en avez nommé un certain nombre. À l'orée du XXIe siècle, à un moment où nous devons rationaliser notre système pour l'adapter au XXIe siècle, pensez- vous qu'il y ait duplication des services en matière de développement économique rural et qu'il faudrait peut-être opter pour la méthode du guichet unique aux fins de la prestation de ces services?

M. Pura: Je suis d'accord avec vous. Nous en avons parlé au conseil. Le gouvernement provincial élabore sa nouvelle stratégie de formation. Nous essayons d'assembler davantage de parties intéressées et de partenaires autour d'une même table ou dans un même cadre, au lieu que toute une série de réunions différentes se déroulent en même temps. C'est une nette tendance. Nous l'encourageons à tous les niveaux, non seulement au niveau des régions rurales mais à tous les niveaux de la province.

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Mme Cowling: Une autre de vos expressions, et je vais la répéter, était «des perspectives attrayantes qui vont inciter les jeunes à rester en Saskatchewan». Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là?

M. Orynik: Si je suis un jeune qui vient juste de sortir de l'école secondaire et si ma seule perspective d'emploi est de travailler chez McDonald's, est-ce que je trouve cela une perspective attrayante? Je ne pense pas. Je vais chercher quelque chose de mieux, quelque chose de plus attrayant pour moi, selon ce que je juge attrayant. Ce peut être un attrait financier, ce peut être un attrait intellectuel, une possibilité d'apprendre.

Voilà ce que je veux dire par là. Si nous pouvons offrir des perspectives que ces jeunes trouvent attrayantes, ils resteront en Saskatchewan et n'auront pas besoin d'aller s'exiler.

Mme Cowling: Notre gouvernement devrait-il encourager ou stimuler la formation sur le tas, l'internat? Par exemple, dans certaines des régions où vous connaissez une pénurie de main- d'oeuvre, devrions-nous encourager des programmes ou offrir des programmes de ce type?

M. Pura: Oui.

M. Orynik: Oui, et peu importe qu'ils soient le fait du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. Ce qu'il faut, c'est trouver la bonne méthode. Je pense que la stratégie de formation de la Saskatchewan prévoit la bonne méthode, mais il y a aussi un rôle pour le gouvernement fédéral à jouer, sur le plan des normes nationales et de la transférabilité des compétences. Nous ne voulons pas former quelqu'un en Saskatchewan qui puisse travailler uniquement dans cette province. Nous voulons former ici des gens qui puissent travailler partout au Canada, et si nous avons un besoin de main-d'oeuvre en Saskatchewan, des gens de tout le Canada doivent pouvoir venir chez nous combler ce besoin. Il faut considérer toutes sortes de niveaux différents.

Mme Cowling: Du fait que bon nombre des débouchés sont à l'étranger, envisageriez-vous des partenariats avec d'autres pays pour assurer cette formation?

M. Orynik: Si nous pouvons en conclure avec un pays qui peut nous apporter quelque chose, je pense que ce serait bénéfique, oui.

Le président: Monsieur Serré.

M. Serré: Je vous remercie, monsieur le président.

Il me semble que nous avons formé par le passé des quantités de gens pour des emplois non existants. Je songe à un cas en particulier. Une mine a fermé dans ma circonscription, mettant à pied environ 250 personnes. On a dispensé une formation de chauffeur de camion à 75 de ces personnes et peut-être trois ou quatre seulement exercent aujourd'hui ce métier. Les autres ont décidé qu'ils n'aimaient pas cela, pour une raison ou pour une autre. Pourtant, il existe des centaines de milliers d'emplois qui restent vacants, faute de main-d'oeuvre qualifiée.

J'ai écouté hier l'exposé de Syncrude. Il me semble que les programmes qui sont davantage conçus par l'industrie réussissent mieux. Êtes-vous d'accord? Et quel rôle le gouvernement fédéral pourrait-il jouer à l'égard de ce type de programmes? Quel serait notre rôle?

M. Pura: Nous nous sommes nous-mêmes posé la question: former, oui, mais pourquoi? Former pour de vrais emplois, pour des emplois à long terme ou pour dispenser des compétences transférables; c'est le genre de questions que nous nous posons. C'est vrai - et nous l'avons constaté même en Saskatchewan - que la formation, lorsqu'elle est conçue par l'industrie, et surtout lorsque l'industrie y participe, donne de meilleurs résultats. Ces programmes sont davantage adaptés à ce qui est requis dans le milieu de travail etc. Mais en Saskatchewan, où 90 p. 100 des employeurs sont de petites entreprises, ces dernières ont des besoins très particuliers.

La province a lancé quelques programmes ces dernières années pour faciliter la formation sur le tas et la formation au sein d'industries et d'entreprises spécifiques, avec quelque succès, mais ce qui se passe lorsque cette entreprise ou cette organisation change, c'est que ces travailleurs se retrouvent sans rien. C'est tout comme s'ils avaient suivi un autre type de formation.

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Nous venons d'achever récemment une évaluation de ce programme et nous allons donc pouvoir en tirer les enseignements.

Pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral, je pense qu'il peut continuer à encourager les partenariats entre employeurs, employés, syndicats et patronats en vue d'identifier les besoins de formation, afin de ne pas former dans le vide mais pour répondre aux besoins du marché du travail. C'est indispensable, avec la diminution des ressources. On ne peut former continuellement pour des emplois qui n'existent pas.

Il faut également encourager la mobilité au sein du marché du travail, enseigner les compétences dont les travailleurs ont besoin pour être mobiles, aller chercher du travail dans une autre région de la province ou du pays. Mais cela pose alors pour nous, en Saskatchewan, le problème du manque de main-d'oeuvre qualifiée, si ces travailleurs s'en vont. Il faut donc encourager en même temps les travailleurs à rester en Saskatchewan et encourager ceux d'autres provinces à venir s'établir chez nous. Je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle à cet égard.

M. Serré: Quelle forme prendrait cet encouragement ou ces incitations? Avez-vous une idée de la manière de s'y prendre?

M. Pura: Nous avons envisagé divers stimulants fiscaux pour inciter les employeurs à embaucher et garder diverses catégories d'employés - pas des subventions salariales, car celles-ci ne semblent pas être la solution. Le conseil a examiné diverses options, en particulier les programmes qui existent au Québec pour encourager les employeurs à embaucher. On peut également les encourager par ce moyen à recruter au sein des divers groupes sous- représentés dans la main-d'oeuvre: les femmes, les jeunes, ce genre de groupes. Certains programmes appliqués à l'échelle nationale et dans d'autres provinces pourraient être envisagés en Saskatchewan, de façon à y encourager la participation.

Le président: Monsieur Bélair.

M. Bélair: J'ai l'impression que les écoles primaires et secondaires, le système éducatif actuel, ne sont pas conçues de manière réaliste, de façon à préparer les jeunes à travailler. Qu'en pensez-vous?

M. Orynik: Peut-être pas toujours. Tout dépend de l'élève et de ce qu'il compte faire.

On semble privilégier - et c'est mon avis - la poursuite des études dans le cadre universitaire, on semble pousser les jeunes à la fin du secondaire à fréquenter les universités ou quelque autre établissement d'enseignement technique, alors qu'on ne fait pas grand-chose pour combler certaines des pénuries de main-d'oeuvre qui existent sur le marché du travail actuel. On n'incite pas les jeunes à suivre des programmes d'apprentissage, des métiers manuels, ce genre de choses.

Il y a deux volets au problème. On a parlé tout à l'heure de la nécessité d'une meilleure information sur le marché du travail, afin que les élèves sortant de l'école secondaire sachent où se situeront les emplois à l'avenir, afin de s'y préparer. Nous, au conseil, pensons que l'information donnée aux écoles secondaires, au système secondaire, ne suffit pas à donner à ces élèves la possibilité de faire leur choix en connaissance de cause.

Personnellement, je pense que nous ne faisons pas assez pour ces élèves qui n'ont aucun désir de poursuivre des études universitaires. Ils sont souvent oubliés.

L'on a commencé à faire un certain nombre de choses, notamment des stages de travail pour les élèves du secondaire, dans le cadre de partenariats de formation. Il y en a notamment un ici, à Prince- Albert, où des élèves du secondaire passent du temps dans les entreprises de la ville pour acquérir une expérience de travail. Cela leur donne une meilleure base. C'est là le genre de choses dont le conseil est très partisan.

Le président: Monsieur Chatters.

M. Chatters: Je suis dérouté par certaines des questions de mes collègues d'en face, en ce sens qu'ils semblent rechercher un rôle pour le gouvernement fédéral en matière de formation professionnelle, au moment même où le gouvernement fédéral se défait de ses responsabilités dans ce domaine. C'est certainement ce qui a été fait dans ma province et au Québec: le gouvernement fédéral s'est retiré de la formation professionnelle. N'êtes-vous pas en faveur de cela? Ne pensez-vous pas que ce soit la bonne direction à prendre?

.1215

M. Pura: Quelques membres de notre conseil sont actuellement en route pour Toronto, pour assister à une réunion sur le marché du travail, où bon nombre de ces éléments seront abordés: ce qui se fait dans les autres provinces et comment préserver quelques normes nationales tout en incorporant chez nous le genre d'activités que certaines provinces ont prises en main.

Je n'ai qu'une expérience limitée, mais la Saskatchewan a toujours attendu de voir ce qui se fait ailleurs avant d'arrêter ses propres stratégies et plans. Cette fois-ci, le gouvernement provincial fait preuve d'initiative en concevant une stratégie de formation propre. Il reste à finir ce travail avant de pouvoir déterminer de quelle façon le gouvernement fédéral peut continuer à participer à ce programme.

D'après ce que nous avons entendu dire, le gouvernement fédéral va certainement continuer à jouer un rôle dans la province, par le biais de sa participation aux conseils des Sentiers de l'avenir, au programme Développement des collectivités, des crédits de Diversification de l'économie de l'Ouest, etc. Il existe quantité de mécanismes par lesquels le gouvernement fédéral continuera à intervenir dans l'éducation et la formation professionnelle dans notre province.

Le conseil était en faveur de la décentralisation de ces services vers le niveau local ou provincial. Nous l'avons indiqué dans notre exposé tout à l'heure, en disant que nous sommes partisans de la participation communautaire, locale et régionale à la prise de décisions. C'est donc un mouvement que nous encourageons et appuyons.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: Selon l'exposé que vous faites, je suis convaincu que vous appréciez que le gouvernement provincial de la Saskatchewan établisse des programmes. Par contre, vous avez besoin du fédéral pour le financement.

[Traduction]

M. Pura: Traditionnellement, en Saskatchewan, le gouvernement fédéral a financé une bonne partie de l'éducation. Il a fallu du temps avant que la province réalise qu'il lui faut jouer un plus grand rôle, notamment sur le plan financier, dans les programmes de formation professionnelle de la province.

Ce n'était pas le cas par le passé. Notre système éducatif a été constitué autour des crédits du programme Planification de l'emploi mis sur pied il y a huit ou dix ans. Pendant longtemps rien d'autre n'a été fait que de rechercher des crédits fédéraux pour développer notre système. Il faut aujourd'hui injecter davantage de fonds provinciaux dans le système.

Mais, bien entendu, comme dans toutes les provinces et à tous les paliers de gouvernement, les ressources manquent. C'est pourquoi le gouvernement essaie d'élaborer une stratégie qui soit à la fois économique et efficace.

Le président: Je vais résumer les témoignages en faisant une remarque sur ce que M. Chatters et M. Asselin viennent de relever.

Notre discussion d'aujourd'hui porte sur le développement rural. L'un des aspects que vous avez très bien fait ressortir, c'est que la collectivité locale est la mieux capable de prendre ces décisions, et c'est particulièrement important sur le plan de la formation professionnelle et de l'éducation.

L'idée que ces partenariats doivent être conclus à l'intérieur de la province, au lieu d'être formés ou proposés par un bureaucrate à Ottawa, est importante. C'est un élément important d'une stratégie nationale, qui prévoit, face à ce besoin, la dévolution de la formation professionnelle au niveau provincial.

Cette dévolution s'accompagne de crédits substantiels, dont le montant est le sujet de négociations entre le gouvernement fédéral et les diverses provinces. Mais ce n'est pas comme si le gouvernement fédéral abandonnait toute responsabilité en la matière. Ce n'est pas le cas. Il reconnaît simplement ce que nous- mêmes, dans ce comité, avons reconnu et ce que vous avez dit vous- mêmes dans votre témoignage, à savoir qu'il est opportun de prendre les décisions en matière de formation professionnelle et d'éducation au niveau de la collectivité, qu'il s'agisse de la collectivité provinciale ou de la collectivité rurale.

Je vous remercie infiniment de votre témoignage. Nous apprécions le temps que vous nous avez consacré. Je sais que nous vous avons retenus un peu plus longtemps que prévu. Nous apprécions votre témoignage. Merci.

M. Orynik: Je vous remercie.

M. Pura: Merci beaucoup.

Le président: Je vais maintenant passer à la Prince Albert Development Corporation. Je crois que M. Trevor Ives est là.

.1220

Monsieur Ives, soyez le bienvenu. Je vous invite à faire une déclaration liminaire et donnerai ensuite la parole aux membres du comité afin qu'ils posent leurs questions.

M. Trevor Ives (directeur général, Prince Albert Development Corporation): Je vous remercie. Je suis désolé de n'avoir pas de copie de mon texte à distribuer. Je ne savais pas que c'était attendu.

Monsieur le président et membres du comité, bonjour. Je suis le directeur général et directeur financier de la Prince Albert Development Corporation. Je tiens à vous remercier de votre invitation à comparaître et à vous entretenir de notre société et de certaines de ses activités, notamment sur le plan du développement rural.

Je commencerai par vous dire quelques mots sur la Prince Albert Development Corporation et ses origines, avant de parler de façon plus détaillée de l'activité de certaines de nos divisions opérationnelles et des défis et difficultés que représente pour nous le fonctionnement en régions rurales et géographiquement isolées etc.

La Prince Albert Development Corporation a été fondée en 1985. C'est une société privée ayant son siège dans la réserve indienne de Wahpeton, juste au nord de Prince-Albert. Elle est la propriété, à parts égales, des membres des 12 premières nations qui forment le Prince Albert Grand Council. Les premières nations actionnaires sont: Black Lake; Hatchet Lake; la bande de Lac La Ronge; la première nation de Sturgeon Lake; la nation crie de Red Earth; la nation crie de Shoal Lake; Fond du Lac; la nation crie de Peter Ballantyne; la nation crie de James Smith; la nation crie de Cumberland House; la nation dakota de Wahpeton et la nation crie de Montreal Lake.

Géographiquement, les actionnaires couvrent une région qui commence juste au sud de Prince-Albert et qui va jusqu'à la frontière nord de la Saskatchewan et, à l'est, à la frontière entre la Saskatchewan et le Manitoba. La Prince Albert Development Corporation exploite actuellement un certain nombre d'entreprises dans son territoire géographique, dont certaines régions extrêmement isolées et accessibles uniquement par avion. Nous sommes actifs dans différents secteurs de l'économie, notamment l'hôtellerie et la restauration, avec principalement l'hôtel Prince Albert Inn - et je vous remercie d'ailleurs de l'avoir choisi pour tenir vos audiences - et le North Star Restaurant and Lounge.

Nous sommes actifs également dans la gestion d'immeubles, étant propriétaires de trois bâtiments commerciaux dans la région de Prince-Albert et dans la construction, par le biais d'une coentreprise avec PCL Construction de Regina. Nous exploitons aussi un service de placement, par l'intermédiaire de notre division des services d'emploi du Nord, située à La Ronge, Saskatchewan - je vous en parlerai plus en détail plus tard - et, enfin, des services de sécurité et de conciergerie. C'est dans ce domaine que nous avons démarré il y a une dizaine d'années.

Il est à signaler que les activités de la Prince Albert Development Corporation, en dépit de leur diversité, présentent un certain nombre de points communs. Toutes nos entreprises sont à forte intensité de main-d'oeuvre et beaucoup offrent des emplois et des ouvertures à des débutants. Toutes nos divisions opérationnelles sont financièrement autonomes et ne touchent aucune subvention de fonctionnement ni du gouvernement fédéral ni de la province. Toutes nos divisions opérationnelles appartiennent à 100 p. 100 à la Prince Albert Development Corporation et sont gérées entièrement par elle, à l'exception, bien entendu, de notre coentreprise avec PCL.

Toutes nos divisions opérationnelles ont pour mission d'offrir des possibilités d'emploi à nos actionnaires autochtones. Toutes nos divisions opérationnelles sont directement ou indirectement dépendantes des grandes industries d'exploitation des richesses naturelles telles que l'exploitation forestière et l'extraction minière. De ce fait, la stabilité économique dans ces deux secteurs ne peut qu'être favorable à notre société.

Voilà un bref tour d'horizon de nos différentes activités et j'aimerais maintenant consacrer quelque temps à deux en particulier, à cause de leur importance et du fait qu'elles sont en rapport avec le sujet d'étude du comité.

Premièrement, notre division des services de sécurité et de conciergerie, a été, comme je l'ai indiqué, notre point de départ il y a une dizaine d'années. Mais la Prince Albert Development Corporation a noué une relation de travail durable avec nombre d'entreprises d'extraction de l'uranium dans le nord de la province.

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Nous offrons, en particulier, des services de sécurité et de conciergerie à la Cameco Corporation et à Cogema Resources, depuis 1986. Nous continuons à assurer les services de sécurité au site minier de Key Lake de Cameco Corporation, ainsi qu'à son siège à Saskatoon.

Notre société offre les mêmes services à la mine d'uranium de Cluff Lake, à la mine d'uranium de McLean Lake et en d'autres lieux.

En outre, nous fournissons les services de sécurité de conciergerie à l'usine de pâte à papier de Millar Western, à Meadow Lake.

Non seulement ces contrats nous ont-ils permis de construire une entreprise économiquement viable dans le Nord, mais ils nous ont permis également d'offrir des emplois à des centaines d'habitants du Nord au cours des dix dernières années.

Conformément à notre mission et aux engagements pris envers les compagnies minières et forestières, nous nous efforçons de recruter dans les régions géographiques les plus directement concernées par ces activités d'exploitation des richesses naturelles. Ces embauches sous contrat complètent notre effectif total, qui dépasse 200 personnes à l'heure actuelle pour l'ensemble des régions.

Comme je l'ai indiqué, Northern Employment Services est un complément de notre division des services de sécurité et de conciergerie. En effet, à l'automne 1995, la Prince Albert Development Corporation, avec l'aide d'une des compagnies minières, a fondé une nouvelle division commerciale à La Ronge, Saskatchewan, sous le nom de Northern Employment Services.

Cette dernière est, par contrat, le centre de recrutement et de placement d'ouvriers de la construction et d'ouvriers qualifiés pour l'entrepreneur principal et les sous-traitants du chantier de McLean Lake, qui est le projet le plus récent d'exploitation de l'uranium dans le nord de la Saskatchewan.

À cette fin, NES a dressé un inventaire des gens de métier dans tout le Nord. De façon à offrir des perspectives d'emploi aux résidents du Nord, les ouvertures sont classées par régions géographiques, les premiers appelés étant les habitants les plus proches de la mine.

Une fois qu'ils sont embauchés, NES offre un soutien en milieu de travail à ses ouvriers, pour faciliter leur intégration dans la main-d'oeuvre. Nombre de ces postes sont au niveau débutant et sont le premier emploi des intéressés. Nous avons des membres de notre personnel en poste à La Ronge et à la mine d'uranium, qui tous sont des résidents du Nord.

Depuis la première embauche d'ouvriers du bâtiment en septembre 1995, nous avons recruté pour le chantier de la mine plus de 160 personnes, chiffre impressionnant. Pendant ce bref laps de temps, jusqu'en septembre 1996, ce qui fait environ un an, plus précisément 13 mois, ces emplois ont généré plus de 165 000 heures de travail pour des résidents du nord de la Saskatchewan.

Cette initiative traduit bien la volonté de l'industrie de l'uranium de faire des entreprises et habitants du Nord les premiers bénéficiaires des avantages économiques et sociaux de l'exploitation minière dans le nord de la province.

Comme je l'ai indiqué, la Prince Albert Development Corporation est également présente dans le secteur du bâtiment par le biais d'une coentreprise avec PCL Construction, du nom de PADC/PCL Maxam. Le but de cette société est de poursuivre stratégiquement une large gamme de chantiers de construction dans toute la province et elle a réussi à obtenir celui de l'usine d'uranium de McLean Lake.

Dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, comme je l'ai indiqué, nous sommes les propriétaires et les exploitants de l'hôtel Prince Albert Inn et du North Star Restaurant and Lounge, lequel est situé dans l'enceinte du Northern Lights Casino de Prince-Albert.

La Prince Albert Development Corporation s'est développée au point d'avoir un effectif de 200 employés qui, comme vous le pensez bien, représentent notre atout le plus précieux.

Maintenant que je vous ai présenté la société, j'aimerais signaler certaines des difficultés que nous rencontrons, non seulement dans notre activité actuelle, mais à la poursuite de l'une de nos missions, à savoir l'expansion de nos activités et la recherche de nouvelles perspectives.

J'ai mis en lumière trois ou quatre éléments différents. Je ne m'y attarderai pas, car vous voudrez peut-être me poser des questions, mais je les signale en tant que sujets d'importance pour nous, à titre d'entrepreneurs.

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Tout d'abord, la législation du travail. Je sais bien que celle-ci est principalement du ressort provincial, mais elle représente toujours un élément important pour les activités à forte intensité de main-d'oeuvre comme le sont la plupart des nôtres et toujours un facteur de premier plan dans l'optique du développement économique futur. La législation et la réglementation dans des domaines tels que les normes de travail, l'hygiène et la sécurité professionnelles, les accidents du travail, les cotisations d'assurance-chômage et les cotisations au Régime de pensions du Canada, la législation sur la syndicalisation, représentent tous des contraintes extrêmement coûteuses pour les employeurs dans les industries de services. Toutes ces règles font qu'il est très difficile de maîtriser les coûts salariaux et représentent assurément une entrave à la création d'emplois, à mon avis.

Éducation et formation professionnelle.

Comme nous l'avons indiqué, nous faisons un effort particulier pour tenter de recruter dans les localités rurales concernées par l'exploitation des richesses naturelles. Or, en tentant de recruter localement des gardiens de sécurité ou des ouvriers du bâtiment dans le nord de la Saskatchewan, nous avons toujours du mal à trouver des candidats ayant la formation et l'instruction voulues. De ce fait, nombre des habitants de ces régions rurales n'ont pas accès aux emplois qui peuvent exister à proximité, et nous-mêmes, en tant qu'employeurs, tendons à aller recruter dans une région où existe cette main-d'oeuvre qualifiée.

L'employeur ne peut toujours absorber le coût de la formation. De ce fait, les membres des collectivités locales sont souvent laissés pour compte. Si la formation professionnelle était plus étroitement liée aux besoins de l'industrie, aux perspectives d'emplois susceptibles d'apparaître dans ces régions rurales, ces emplois appartiendraient aux collectivités locales, car je pense que la plupart des employeurs préfèrent embaucher localement plutôt que de faire venir leur main-d'oeuvre d'ailleurs.

Un autre de nos problèmes que nous rencontrons dans les régions rurales de la Saskatchewan, c'est qu'une fois que nous embauchons des employés au niveau de débutant dans des postes de gardien ou d'ouvrier du bâtiment, le taux de roulement est plutôt élevé. Ces personnes tendent à quitter leur localité d'origine pour travailler en ville ou en dehors de la province. Le taux de rotation est donc très élevé et c'est un peu frustrant du point de vue de l'employeur. Beaucoup de ces employés nous disent qu'ils partent pour des raisons salariales ou fiscales. C'est certainement un problème.

Par ailleurs en région rurale ou dans le nord de la province, il est toujours difficile de trouver des capitaux pour réaliser les projets, tels que la construction d'installations nouvelles ou de nouveaux bâtiments. C'est dû à une combinaison de facteurs, depuis l'attitude des établissements de crédit jusqu'aux coûts d'exploitation qui sont plus élevés dans les campagnes que dans la plupart des villes. C'est une difficulté.

Je vais peut-être m'en tenir là, monsieur le président. Cela vous donne une idée de ce que fait notre compagnie et de certaines des difficultés que nous rencontrons.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: J'aimerais savoir si, en Saskatchewan, il existe une corporation de développement industriel et touristique. On sait qu'au Québec, il y en a dans plusieurs municipalités, entre autres dans mon comté.

Qu'est-ce qu'une corporation de développement industriel et touristique fait? D'abord, elle fait la promotion de son milieu, des richesses ou des ressources qu'il y a à exploiter afin de recruter des investisseurs qui viendront s'implanter en région rurale. Elle veut démontrer également à ces futurs investisseurs que, dans un système de partenariat, notamment avec les municipalités, leurs travailleurs vont être logés et auront tous les services nécessaires.

.1235

La corporation du développement industriel et touristique de chez nous a aussi un deuxième rôle à jouer, à savoir aider les petites et moyennes entreprises, parce qu'on sait que les grosses industries ont besoin des petites entreprises adjacentes. On sait également que la grosse industrie confie en sous-traitance plusieurs de ses travaux à de petites entreprises.

La corporation aide ces petites entreprises en leur donnant du travail et en leur donnant des possibilités de se développer. On va jusqu'à rédiger leurs plans d'affaire et, comme on dit en québécois, à les mettre vraiment sur la carte dans leur milieu rural ou urbain. Est-ce qu'une chose semblable existe ici, en Saskatchewan?

[Traduction]

M. Ives: Votre remarque est intéressante. Les grosses entreprises qui en engendrent de plus petites, par la sous- traitance... C'est exactement comme cela que nous-mêmes avons démarré. Comme je l'ai dit, c'était par le biais des services de sécurité et de conciergerie, il y a une dizaine d'années.

Mais plus particulièrement, en ce qui concerne une société ou un groupe qui offre des services de planification d'entreprise, un soutien ou une aide au démarrage d'entreprise, je dirais deux choses. Premièrement, la Prince Albert Development Corporation fait un certain travail de ce type pour ses actionnaires. Comme je l'ai dit, nous sommes une société privée appartenant à ces 12 premières nations, et nous mettons notre savoir-faire commercial ou nos ressources à leur disposition, pour les aider au niveau local, au niveau communautaire. Nous assurons donc cette fonction, mais au profit d'un groupe cible donné, nos actionnaires.

Pour la province dans son ensemble, ou la ville de Prince- Albert en particulier... Un certain nombre de groupes différents cherchent à accomplir cet objectif. La REDA, la Regional Economic Development Authority, cherche à remplir ce créneau, la promotion de la région, pour tenter d'attirer des industries. Elle travaille en collaboration avec la ville de Prince-Albert, pour attirer dans la ville de nouvelles industries. La REDA offre également des services de planification aux très petites entreprises. La Chambre de commerce au conseil d'administration de laquelle je siège, offre également certaines ressources aux nouveaux arrivants et aux petites entreprises locales etc.

Donc, plusieurs groupes différents cherchent à combler ce vide. D'ailleurs, la question de savoir qui devrait faire quoi, pour remplir cette fonction le plus efficacement possible, est actuellement un sujet de débat local. Plusieurs groupes cherchent à combler ce vide, mais un nouvel arrivant à Prince-Albert ne trouvera pas de service à guichet unique, si je puis utiliser cette expression.

Le président: Monsieur Chatters.

M. Chatters: Votre société a-t-elle pour mission de dégager des profits pour ses actionnaires? Est-ce là votre mission première, ou est-ce surtout de créer des emplois pour ces bandes?

M. Ives: Les deux. Je pense que l'exploitation d'une entreprise profitable va créer des emplois à long terme. La clé est qu'une entreprise prospère crée des perspectives d'emplois à long terme.

M. Chatters: Vous avez donc réussi, et vous reversez des dividendes à vos actionnaires?

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M. Ives: Oui, et nous cherchons également à ouvrir des perspectives d'emplois, comme je l'ai indiqué.

M. Chatters: Une autre doléance dont on nous a constamment parlé au cours des trois derniers jours, ce sont les obstacles qui empêchent les Autochtones de réussir dans les affaires. Combien d'Autochtones occupent des postes de cadre au sein de votre organisation?

M. Ives: Des postes de cadre? La majorité. Mon prédécesseur était autochtone. Bon nombre des directeurs de division sont autochtones. C'est une question de temps, je pense. Comme je l'ai dit, nous existons depuis dix ans maintenant, et il y a eu une transition graduelle - une évolution positive au fil du temps.

C'est quelque chose que nous nous efforçons toujours de faire. Ma fonction consiste manifestement à faire en sorte de perdre mon emploi, en formant des Autochtones pour me remplacer. C'est l'un des objectifs de la société: offrir ces possibilités et développer des compétences qui soient transférables et pas seulement utilisables chez nous. Si quelqu'un travaille pour nous, ou travaille dans notre hôtel, que ce soit dans un poste de cadre ou dans un autre, cette personne devrait acquérir un ensemble de compétences qui puissent être transférables à l'hôtel de l'autre côté de la rue, ou à un hôtel de Saskatoon ou de La Ronge. C'est certainement l'un de nos objectifs, oui.

M. Chatters: Notre témoin précédent représentait une organisation financée par les pouvoirs publics, en vue de conseiller les gouvernements et l'industrie quant aux initiatives à prendre pour adapter la formation professionnelle, afin qu'elle donne de meilleurs résultats. Lorsque je lui ai demandé quelles modifications du système éducatif il préconise pour permettre aux Autochtones de mieux réussir, il a haussé les épaules et répondu qu'il n'avait pas d'idées à ce sujet. Pourtant, son organisation a pour mandat express de conseiller le gouvernement à ce sujet. Avez- vous des idées quant aux changements que les gouvernements pourraient apporter pour permettre aux Autochtones de mieux réussir ou bien est-ce simplement, comme vous l'avez dit, une question de temps?

Le temps passe et on voit les ressources naturelles être mises en valeur et exploitées, mais dans une large mesure les Autochtones n'en profitent pas à cause de l'obstacle de l'éducation. Il faut accélérer le processus du changement afin de leur donner leur chance, et pas seulement pour occuper les emplois de bas niveau, ceux d'agents de sécurité et le reste. On a dit tout à l'heure que le travail chez McDonald's n'est pas très épanouissant. Le travail de gardien de sécurité ne l'est pas toujours non plus. Il y a un désir de trouver des emplois plus épanouissants, mais le système éducatif ne semble pas donner aux Autochtones la clé de la réussite. Que faut-il faire?

M. Ives: C'est une question très difficile. Lorsque j'ai parlé du temps, ce n'était pas pour signifier qu'il n'y a rien à faire et qu'il faut attendre que le problème se règle tout seul, avec le temps. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Si vous regardez la démographie de la Saskatchewan, en l'an 2000 les Autochtones représenteront plus de la moitié de la province. Or, ils ne vont certainement pas occuper la moitié des emplois, et c'est un problème. À mes yeux, c'est un problème.

Il ne fait aucun doute que les mines, l'exploitation forestière, etc., créent des emplois. Encore une fois, je pense que la plupart des entreprises ou des industries partagent cet avis, s'il y a possibilité de recruter des locaux, ils le feront, mais ils ne vont pas sacrifier 50 p. 100 de la productivité, 50 p. 100 des qualifications qu'ils recherchent, pour cela. Vous entendez les employeurs, nous-mêmes compris, aller répétant qu'ils donnent la préférence à l'embauche d'Autochtones, que c'est leur mandat, que s'il y a des Autochtones qualifiés, ils les embauchent tout de suite.

M. Chatters: Le problème en est-il surtout un de mentalité, d'attitude à l'égard de l'acquisition de ces qualifications professionnelles... il ne s'agit pas tellement des qualifications professionnelles, car l'industrie peut les fournir. Je pense qu'il faut surtout l'alphabétisme de base, une instruction de base avant de songer même à une formation professionnelle.

.1245

M. Ives: C'est en partie un problème lié à l'infrastructure.

Il y a quelques semaines, nous avons reçu quelques CV. Nous cherchions un superviseur de sécurité. Les superviseurs de sécurité doivent posséder certaines qualifications de base, comme posséder un permis de conduire. Nous essayons d'en recruter un dans le nord de la Saskatchewan, où il n'y a quasiment pas de routes. La plupart des gens n'ont pas de permis de conduire et n'ont pas les moyens d'en obtenir un là-haut. Ils doivent venir suivre les cours de conduite à Prince-Albert et y passer leur permis de conduire avant que nous puissions les employer.

M. Chatters: S'il n'y a pas de routes, pourquoi vous faut-il un permis de conduire?

Une voix: Oh, oh!

M. Ives: Ils n'en ont pas besoin là où ils vivent, mais ils en ont besoin pour travailler. Dans les mines, ils doivent patrouiller le périmètre etc.

M. Chatters: Oui, je sais.

M. Ives: Et il y a là un cercle vicieux.

Votre remarque sur l'alphabétisme est judicieuse: nous avons embauché un homme, le mois dernier, qui remplissait tous les critères. Il a présenté un CV. Nous pensions qu'il l'avait rédigé lui-même. Nous l'avons embauché comme gardien de sécurité, et lorsque le moment est arrivé pour lui de rédiger son premier rapport d'incident, nous nous sommes aperçus qu'il ne savait pas écrire. Nous avons dû le congédier. Cette personne a donc vu s'échapper cet emploi.

Ce sont des emplois raisonnablement bien rémunérés. Ce sont de bons emplois, assortis de qualifications transférables. Ces gens se trouvent parfois relégués par manque d'instruction de base. Mais ce n'est pas vrai dans tous les cas.

M. Chatters: Je suis d'accord. Je pense que 99 p. 100 de ces gens sont tout à fait capables d'acquérir les qualifications professionnelles, mais avant de pouvoir les leur donner, elles doivent avoir une instruction de base.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Monsieur Wood.

M. Wood: J'ai plusieurs questions. J'aimerais aborder l'aspect formation. Je veux savoir comment cela fonctionne. Vous avez mentionné un chef de la sécurité, quelqu'un qui ne savait pas lire.

Peut-être faites-vous déjà cela. Peut-être investissez-vous déjà dans ces gens en disant au monsieur qui veut devenir agent de sécurité: «Tout d'abord, il vous faut un permis de conduire. Nous allons vous en obtenir un. Nous vous aiderons à le passer. Nous paierons pour cela. Nous allons vous former». Vous faites la même chose avec cette autre dame qui a un problème d'apprentissage. Vous lui dites: «Nous allons vous aider à acquérir ce savoir, mais en retour vous vous engagez à travailler pour nous de trois à cinq ans, dans un bon poste».

Prenons le Prince Albert Inn. Si un Autochtone veut se lancer dans la gestion hôtelière, est-ce que vous prélèveriez une partie du profit que vous réalisez dans d'autres organisations pour le réinvestir dans cette personne, en échange de l'engagement de cette dernière à travailler dans la gestion hôtelière pendant trois à cinq ans, ou à vous rembourser ou quelque chose du genre? Faites- vous cela?

M. Ives: Nous le faisons. Un candidat réellement bon est facile à repérer. Si la volonté, le dynamisme et l'esprit d'initiative sont là, nous n'hésitons aucunement à prélever certains de nos profits et à les réinvestir dans cette personne.

C'est beaucoup plus facile à faire dans l'hôtel. L'effectif est beaucoup plus important. Vous pouvez passer beaucoup plus de temps à former la personne sur le tas. Vous pouvez lui faire suivre des cours de gestion hôtelière etc. Absolument. Nous ne leur demandons pas nécessairement de signer un contrat ou un engagement disant que la personne doit travailler pour nous pendant trois ans. Nous en discutons, mais il n'y a rien de formel. Mais il ne fait aucun doute que ce processus de formation, cet investissement dans notre personnel, fait que nos employés sont notre première richesse. Nous avons formé d'excellents employés.

C'est un peu différent, parfois, lorsque nous avons à exécuter des obligations contractuelles spécifiques. Vous avez mentionné le garde de sécurité. Prenons-le comme exemple. Notre marge bénéficiaire dans ce domaine est très mince. Notre marge bénéficiaire est un pourcentage appliqué aux salaires. Nous avons un contrat pour x dollars, nous embauchons de gardes et des superviseurs, leur donnons un uniforme, leur donnons la formation et essayons de dégager une marge pour couvrir les frais d'administration entre les deux taux. En exécutant ces obligations contractuelles, qui toutes sont situées dans des lieux isolés, il est difficile de dispenser une formation sur le tas. Il faudrait presque un lieu de formation...

.1250

M. Wood: Pourquoi ne prévoyez-vous pas un budget pour cela et ne leur offrez-vous pas la possibilité d'aller suivre un cours spécialisé dans un collège communautaire: vous les subventionnez pour cela, vous les formez, mais vous disposeriez ensuite d'un bassin de gens disponibles et vous n'auriez pas ce problème.

M. Ives: Nous le faisons une année sur deux. Encore une fois, ce n'est pas quelque chose que l'on peut faire individuellement, pour un seul candidat...

M. Wood: Non.

M. Ives: ...mais nous recrutons un groupe de 12 ou 15 et nous leur faisons suivre le cours.

M. Wood: Est-ce que vous en partagez le coût avec...?

M. Ives: J'allais dire qu'il est facile de partager le coût de ce type de cours avec le gouvernement ou avec d'autres industries. Nous faisons cela actuellement, mais nous constatons... Cela nous ramène au taux de roulement. Je ne sais pas comment y remédier, mais nous les recrutons et les formons, et ensuite quelqu'un d'autre les embauche. Évidemment, on ne peut empêcher personne d'avancer dans la vie et de suivre son intérêt. Cela fait partie du jeu. Si quelqu'un trouve un meilleur emploi, on lui souhaite bonne chance.

Mais oui, effectivement, nous organisons et participons à ces programmes de formation à coût partagé. Dans le domaine de la sécurité, c'est sur une base collective plutôt qu'individuelle. Dans le cas d'un hôtel, on essaie de trouver un candidat réellement prometteur et de le former à titre individuel.

M. Wood: J'ai une dernière question rapide sur un sujet que vous avez effleuré. Quels sont certains des obstacles qui empêchent les Canadiens autochtones de trouver suffisamment de capitaux pour investir? Que faudrait-il faire pour lever certaines de ces barrières?

M. Ives: Il faut se montrer innovateur et créatif. Il est difficile de lever des capitaux pour des équipements qui vont être situés dans une réserve, par exemple, surtout si vous utilisez des instruments conventionnels - emprunts et actions, ce genre de choses. Il y a une réticence générale - et je ne pense pas que ce soit nécessairement limité aux premières nations ou aux réserves - qui fait qu'il est plus difficile de trouver des capitaux pour les régions rurales que les villes. Bon nombre des projets qui vont être réalisés dans une région rurale sont très spécialisés et liés à cette collectivité, à cette ressource, à ce savoir-faire précis et ils doivent faire vivre toute cette collectivité. C'est difficile à faire.

Nous avons envisagé des possibilités partout, depuis la construction d'une scierie jusqu'à un projet en rapport avec le commerce de la fourrure dans le Nord. Il est difficile de trouver des capitaux pour faire démarrer ces projets car ils tendent à comporter un peu plus de risques - je ne le nie pas. Je ne sais donc pas quelle est la solution; c'est un problème difficile.

M. Wood: Je vous remercie.

Le président: Avant de passer au témoin suivant, j'aimerais explorer ce sujet plus avant avec vous, suite à la question de M. Wood. Vous dites, en substance, que l'une des difficultés qui fait que votre société a du mal à trouver des capitaux est l'existence d'un risque inhérent plus grand dans les projets entrepris. Ai-je bien saisi?

M. Ives: Un risque réel ou apparent plus grand, oui.

Le président: Il y a une grande différence entre les deux. À votre avis, est-ce réel ou apparent?

M. Ives: Encore une fois, tout dépend du projet considéré, mais il ne fait pas de doute que le risque perçu est plus grand.

Le président: La raison pour laquelle je soulève cet aspect, c'est que devant ce comité et devant le Comité de l'industrie - auquel je siège également - les grandes banques du pays ont affirmé qu'il n'y a pas de différence de risque et qu'elles ne traitent pas différemment le Canada rural et le Canada urbain. Personnellement, j'ai beaucoup de mal à croire ce témoignage...

M. Ives: Moi aussi.

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Le président: ...mais je suis curieux d'une chose. Vous êtes dans les affaires, vous empruntez, ou bien vos entreprises empruntent. Est-ce que, à votre avis, les prêteurs privés considèrent ce que vous faites comme plus risqué que ce qui se fait à Toronto, ou à Regina ou Vancouver?

M. Ives: À mon avis, oui, absolument. C'est pourquoi j'ai ajouté la nuance: «risque perçu». Si j'étais banquier, j'imagine que je ne viendrais pas non plus devant votre comité pour dire que je trouve que le risque est plus grand dans le Canada rural. Donc, à mon sens, les établissements de crédit commerciaux trouvent plus risqués les prêts concernant un projet dans le Canada rural.

Le président: Pensez-vous que ce serait un rôle approprié pour le gouvernement que d'égaliser le terrain de jeu?

M. Ives: Je pense que la réponse est oui. Le terrain de jeu, si on lui en donne l'occasion, s'égalisera de lui-même. Rien ne remet les pendules à l'heure comme la réussite. Si on pouvait brandir suffisamment d'exemples de réussites, je pense que le terrain de jeu s'égaliserait de lui-même. Mais avant de parvenir à ce stade - peut-être.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ives. J'apprécie l'effort que vous avez fait pour nous présenter un type particulier de modèle dont nous pourrons nous inspirer dans notre étude. Merci de votre temps et de votre témoignage.

M. Ives: Je vous remercie de votre invitation. Je l'apprécie.

Une voix: En tant qu'ancien banquier, vous êtes probablement mieux placé que quiconque pour répondre à votre question.

Le président: Mais, heureusement, dans ce rôle-ci, je pose les questions; je ne suis pas obligé d'apporter aussi les réponses.

Nous allons maintenant entendre nos derniers témoins avant la pause-déjeuner. Il s'agit de représentants du Saskatchewan Council for Community Development. Je pense qu'ils sont arrivés et je les inviterai par conséquent à venir s'asseoir à la table.

Bienvenue. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus. Vous pourriez peut-être nous présenter les personnes qui composent la délégation et faire quelques remarques liminaires, après quoi les membres du comité pourront vous poser leurs questions.

Mme Linda Pipke (directrice exécutive, Saskatchewan Council for Community Development): Formidable! Merci beaucoup. Je suis pour ma part très reconnaissante de l'occasion qui m'a été ici donnée de venir comparaître devant vous.

M'accompagnent aujourd'hui plusieurs membres de l'exécutif du Saskatchewan Council for Community Development. Je pense qu'ils ont tous des antécédents très intéressants sur lesquels vous voudrez les interroger abondamment. M'accompagnent donc Mitch Ozeroff, qui est le président du Saskatachewan Council for Community Development, et qui est également membre du conseil d'administration du Saskatchewan Wheat Pool; Joan Corneil, qui est membre de notre exécutif ainsi que représentante de la Saskatchewan Economic Developers Association; et Louis Hradecki, notre vice- président et représentant de l'Association of Rural Development Corporations de la province. Comme vous pourrez le constater, ils ont une vaste expérience du développement économique.

Nous aimerions commencer par faire quelques remarques liminaires. Joan aimerait elle aussi vous dire quelques mots, et l'on verra par la suite.

Comme je l'ai déjà dit, le conseil tient à vous remercier de l'occasion qui lui est ici donnée de comparaître devant le comité. Nous espérons pouvoir vous sensibiliser aux préoccupations et aux problèmes auxquels se trouvent confrontés les Canadiens des régions rurales, tout particulièrement en Saskatchewan, étant donné que vous êtes ici avec nous aujourd'hui. Nous sommes très heureux d'apprendre que le gouvernement a pris un engagement envers le renouvellement économique du Canada. Il est de la plus haute importance que le gouvernement oeuvre aux côtés des Canadiens ruraux pour trouver des solutions susceptibles de déboucher sur la prospérité économique et sur des bienfaits qui assureront aux différentes localités du pays une économie saine et durable.

J'ai, afin de nous situer un peu pour vous, apporté avec moi un document que l'on va vous distribuer et qui donne certains renseignements de base sur ce qu'est le conseil. En gros, le conseil a été créé en 1992 par plusieurs organisations qui s'intéressaient aux localités et au développement communautaire rural. Lors de la réunion au cours de laquelle le conseil a pris forme, il est devenu clair qu'il était très important de maintenir des liens de communication relativement à toutes les initiatives de développement communautaire et, deuxièmement, de jouer un rôle important pour favoriser la prise en charge de la communauté par elle-même et le développement de la province.

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L'idée que des associations, institutions et organismes collaborent volontairement ensemble pour appuyer le développement communautaire cadre avec la philosophie du développement de bas en haut. En effet, le développement de bas en haut, en vertu duquel ce sont les communautés locales qui prennent l'initiative et qui prennent en main leur avenir, est essentiel à la réussite du développement rural et régional.

Ceux et celles qui ont participé aux discussions qui ont eu lieu lors de cette réunion initiale étaient fermement convaincus qu'il fallait créer un nouveau groupe multi-organisationnel doté d'un mandat clair et des ressources nécessaires pour progresser dans ces différents domaines. Notre vision est celle de communautés qui collaborent ensemble en vue du développement d'un environnement social riche, de possibilités économiques optimales et d'une qualité de vie élevée. Notre but, en tant qu'organisation, est d'être le catalyseur pour l'habilitation et le développement communautaires. Nous avons entre autres pour objets de réunir et de distribuer des renseignements sur la responsabilisation et le développement des collectivités en Saskatchewan; de cerner des défis et des possibilités de développement qui soient communs aux différents intervenants; et d'élaborer et de promouvoir des mesures de collaboration appropriées, des approches novatrices ainsi que des options et des partenariats pour le développement communautaire.

Nous espérons, dans le cadre du plan de travail élaboré pour l'année à venir, mieux sensibiliser les gens au développement communautaire grâce à l'Internet, à des pages d'accueil et à des liens clés avec d'autres sites de renseignements sur le développement communautaire, et encourager les gens à se servir de ces outils comme moyens pour expliquer à d'autres nos réussites à l'échelle de la province. De cette façon, d'autres en prendront connaissance et pourront y glaner des renseignements et des ressources sur ce qui se passe, sur ce qui fonctionne et sur les combinaisons qui pourraient donner des résultats dans leurs propres communautés rurales.

Nous oeuvrons par ailleurs à un répertoire de ressources que nous sommes en train de mettre au point en vue de distribuer des renseignements - surtout documentation écrite et audio-visuelle - dont disposent déjà nos organisations membres et en assurer l'accès aux personnes intéressées partout dans la province. Nous sommes également actifs dans le cadre d'une initiative d'élaboration de processus aux côtés de plusieurs organisations et groupes provinciaux et régionaux, ce dans le but de favoriser la collaboration et la coopération.

L'un des groupes avec lesquels nous avons travaillé tout récemment est la GRC, pour toute la Saskatchewan. Ensemble, nous nous sommes penchés sur la question de savoir comment nous pourrions travailler conjointement à l'élaboration d'un processus permettant d'oeuvrer avec les collectivités, surtout lorsqu'il s'agit de décider de l'endroit où de nouvelles installations doivent être construites. Lorsque différents villages se font concurrence à l'intérieur des détachements, comment faire pour travailler avec les gens? Comment cela s'intègre-t-il dans la démarche policière, axée sur la communauté, qui est en vigueur à l'heure actuelle? Nous espérons que ce sera un modèle qui pourra être utilisé à l'échelle du pays. Voilà donc un exemple des genres de choses dont nous nous occupons.

Nous oeuvrons également à l'élaboration d'une proposition dans le cadre du Fonds canadien d'adaptation et de développement rural ou FCADR. Il s'agit d'un programme fédéral dont certains d'entre vous sont peut-être au courant et qui a été lancé par Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Nous avons été les fers de lance de l'organisation d'un groupe de travail réunissant de nombreux groupes de producteurs ainsi que des groupes de développement de la province, ce afin de mettre au point une proposition qui a déjà été soumise verbalement. Nous ne l'avons pas encore couchée sur papier, mais d'après ce qu'on nous a rapporté, elle aurait déjà été très favorablement accueillie. Rien n'a cependant encore été annoncé.

Pour vous situer un petit peu les choses, comptent parmi nos membres la Centrale des caisses de crédit, les Coopératives fédérées et la Saskatchewan Wheat Pool. Au gouvernement fédéral, il y a Agriculture et Agro-alimentaire Canada; l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, ou ARAP; et Diversification économique de l'Ouest Canada. En Saskatchewan, c'est le ministère du Développement économique qui est en train de jouer le principal rôle. Il y a également d'autres ministères qui participent, ainsi qu'un gouvernement municipal, Agriculture and Food et l'unité de développement communautaire des services sociaux, qui est un nouveau membre. À l'échelle municipale, il y a la Saskatchewan Association of Rural Municipalities; la Saskatchewan Urban Municipalities Association; les Saskatchewan Housing Authorities; et le West Central Municipal Government Committee.

Joan pourra vous fournir davantage de précisions là-dessus si cela vous intéresse.

Pour ce qui est de la participation des Autochtones, il y a la nation métisse de la Saskatchewan. Nous déployons également des efforts pour encourager la Federation of Saskatchewan Indian Nations à se joindre à nous. Il n'y a pas encore de leurs représentants à notre table, mais les discussions se poursuivent, et nous espérons pouvoir bientôt les accueillir autour de notre table.

Nous avons également un volet éducation qui regroupe nombre de collèges régionaux, le Centre for the Study of Co-operatives, l'institut technique - ou SIAST, comme on l'appelle en Saskatchewan - ainsi que la division de la diffusion de l'université de la Saskatchewan.

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Il y a également un très important volet non gouvernemental qui comprend: le Catholic Rural Life Ministry; différents services de santé de district; le Syndicat national des cultivateurs; la Prince Albert Regional Economic Development Authority; la Sagehill Development Corporation; les services de santé de la province ou SAHO; et certains des groupes que j'ai mentionnés et qui sont représentés ici aujourd'hui. Comptent également parmi nos membres la Saskatchewan Parks and Recreation Association; la SWAN ou Saskatchewan Women's Agricultural Network, qui comparaît un peu plus tard dans la journée; et certaines sociétés d'aide au développement des collectivités.

Au cours de l'année écoulée, nous avons offert de courts ateliers mettant en vedette les réussites et les moyens à mettre en oeuvre pour maximiser le potentiel des différentes localités. Nous en avons organisé quelque 225, ce qui n'est pas énorme, mais vu l'intérêt croissant qu'ils suscitent, chaque atelier réunit plus de participants que le précédent. Les gens y ont très favorablement réagi. Cette semaine - cela commence demain et prendra fin samedi - nous tenons une conférence interprovinciale appelée Prairie Forum, à laquelle quelque 260 personnes se sont déjà inscrites, et qui a pour objet d'examiner les moyens durables de préparer les communautés rurales pour l'avenir.

Voilà donc un rapide survol de certaines des activités auxquelles s'adonne le conseil. J'aimerais maintenant attirer votre attention sur une ou deux choses en particulier.

Le conseil s'intéresse au développement communautaire, y compris, comme je l'ai déjà mentionné, l'aspect économique, mais également les aspects sociaux et environnementaux... Ces trois domaines pourraient être considérés comme étant des cercles concentriques, et là où ils se rencontrent, l'on trouve le développement communautaire, intégrant la totalité de la communauté telle que nous la percevons.

Nous espérons que tout développement économique qui se fera et qui a pour effet positif de promouvoir la croissance sur le plan activités économiques, création d'emplois et afflux d'argent vers les localités, offrira également aux gens des moyens positifs de se développer et d'acquérir de nouvelles compétences, mais sans, ce faisant, mettre en péril l'environnement. Il importe de tenir compte des trois volets.

Dans certaines provinces, on a utilisé ce que l'on appelle des vérifications environnementales en matière de développement économique pour déterminer quelle incidence les activités pourraient avoir sur l'environnement. Je sais qu'à une époque le Saskatchewan Health Council avait recommandé ce qu'il appelait une vérification communautaire, en vertu de laquelle les nouvelles propositions et activités, par exemple activités de développement économique, devaient subir, avant leur approbation, une vérification selon un ensemble de critères devant servir à déterminer leur incidence potentielle sur d'autres éléments de la communauté.

Il importe de combattre la mentalité «oeillères», que l'on retrouve parfois au sein du gouvernement, lorsqu'il n'y a pas de mécanisme de vérification de l'incidence de politiques ou de programmes avant leur mise en oeuvre ou d'examen de programmes existants.

Il est impératif qu'il y ait collaboration intersectorielle et interministérielle. Je sais qu'au niveau de la province, certains des ministères y travaillent, mais il est de plus en plus clair que chaque ministère doit comprendre ce que font les autres et quels liens existent entre eux. Il nous faut également veiller à ce que les différents services se rencontrent à l'avance, si les initiatives de l'un vont avoir une forte incidence sur l'autre.

En guise d'exemple, il y a plusieurs années, dans le Canada rural, le concept ou la politique suivi par Agriculture et Agroalimentaire Canada voulait que plus c'était gros meilleur c'était. Je me demande parfois quel examen préalable on avait fait, car ce que les campagnes ont en fait vécu c'est un dépeuplement, une augmentation des superficies détenues par le même propriétaire, une augmentation de l'achat de matériel et une multiplication des emprunts obtenus pour ce faire. Or, voici qu'aujourd'hui de nombreuses localités connaissent des difficultés car elles n'ont pas l'infrastructure suffisante ou bien il n'y a plus assez d'enfants et de jeunes pour alimenter les écoles, les hôpitaux ou les centres commerciaux, qui sont plus que de simples dépanneurs.

Il est de plus en plus difficile pour les régions rurales d'attirer des employés, en l'absence de services de base. On a récemment entendu parler dans les nouvelles de Bourgault, une entreprise agricole, qui a du mal à attirer des soudeurs dans une petite région rurale. Cette compagnie fabrique des séries partielles d'articles. Certains candidats potentiels ne voulaient pas quitter la ville ou les régions urbaines, craignant qu'ils ne trouvent pas en région rurale les services qu'ils veulent.

Une autre nécessité naissante est la suivante: il nous faut comprendre ce que sont la coopération et le travail d'équipe. Il nous faut repenser toute notre notion de communauté; ce n'est pas qu'une communauté doit gagner et qu'une autre doit perdre. Il nous faut plutôt chercher à l'échelle des différentes régions des solutions qui soient bénéfiques à tous.

Il nous faut apprendre à nos dirigeants la nécessité de comprendre ce que peut donner la collaboration, d'être sensible aux autres et d'établir des relations avec des intervenants multiples. Il nous faut aider les gens à maîtriser les processus afin qu'ils soient en mesure d'en concevoir qui soient humains et qui soient en même temps efficaces. Il nous faut cultiver des leaders qui aient ces talents très particuliers et qui puissent, par conséquent, gérer des relations d'interdépendance multipartites.

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Il est également primordial de placer le processus décisionnel en contexte et d'être sensible aux liens qui existent entre la communauté et le bien-être de celle-ci, plutôt qu'aux seuls motifs individualistes. La capacité d'examiner les problèmes d'une façon holistique doit être favorisée et l'acquisition de cette capacité doit faire partie des programmes scolaires à tous les niveaux.

Il nous faut également inclure dans le système éducatif, à tous les niveaux, tout le concept de la création de richesses et de ce que cela signifie d'être un entrepreneur. Il nous faut changer notre façon de penser de façon à ne plus compter qu'il y aura un emploi pour nous dès que l'on aura terminé ses études, mais plutôt à savoir trouver des possibilités de développement, savoir appuyer et élaborer des projets et des partenariats novateurs, et savoir comment renforcer le leadership.

Nous avons, dans le cadre de l'élaboration de notre proposition en vertu du Fonds canadien d'adaptation et de développement rural, examiné un certain nombre de domaines prioritaires clés.

Je vous ai fourni, en tant que document d'appoint, un graphique que vous trouverez peut-être intéressant. Il montre certains des programmes qui sont en vigueur en Saskatchewan, précisant pour chacun d'eux le ministère qui en est responsable, ce qu'il recouvre, le type de financement assuré et le nombre d'années qui se sont écoulées depuis sa création. Cela découle du travail que nous avons fait pour repérer les lacunes et déterminer les changements à apporter.

Deux questions prioritaires sur lesquelles nous nous sommes penchés sont les suivantes: les affaires et le développement économique, englobant toute la gamme, du secteur manufacturier et de la transformation à valeur ajoutée jusqu'aux services ruraux axés sur les exportations; et le tourisme et l'écotourisme axés sur l'agriculture ou le mode de vie rural. Il y a donc ici un certain nombre d'éléments qui se retrouvent dans ce dont vous discutez.

Il semble que les gens aient surtout besoin d'aide pour les études de marché, les évaluations de faisabilité, l'élaboration de plans d'entreprise, le soutien technique... questions que vous avez déjà inscrites sur votre liste.

Nous nous sommes penchés sur le financement d'initiatives stratégiques ainsi que de projets et de travaux de recherche. Les groupes industriels doivent pouvoir participer à la définition, à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'initiatives dans les secteurs prioritaires. Il faudra - et ce sera le cas - qu'ils réagissent aux orientations gouvernementales afin d'éviter le chevauchement.

Dans le domaine du développement des ressources humaines, nous pensons qu'il existe certaines lacunes ou en tout cas qu'il faudrait favoriser l'établissement d'alliances stratégiques et l'autonomie. Il faut de l'aide dans tous les secteurs, du travail communautaire à la planification stratégique, en passant par la durabilité communautaire, la formation en leadership pour les jeunes, la formation d'entrepreneur, l'élaboration de plans d'entreprises communautaires et la gestion. Toutes ces préoccupations ont fait surface. Je reçois des appels de responsables de différentes communautés qui demandent: «Comment faire pour travailler ensemble? Quel processus nous faut-il utiliser? Comment devons-nous faire pour démarrer? Comment faut-il faire pour que les choses débouchent? Nous savons qu'il nous faut faire quelque chose, mais comment nous y prendre?»

Pour ce qui est de la formation, j'aimerais faire un bref commentaire sur un autre aspect sur lequel vous êtes en train de vous renseigner. Il est selon nous impératif que les habitants des régions rurales aient accès à la formation via des cours par correspondance, des transmissions par satellite, des cours audio- visuels que l'on peut recevoir à la maison - et tout cela est en évolution constante - , avec accès à des tuteurs.

Neuf collèges régionaux cernent les besoins locaux en matière de formation et travaillent aux côtés d'instituts techniques accrédités pour offrir des cours de formation avec crédits en région rurale. Les gens doivent vivre et se former en même temps, alors il faut que ces programmes soient offerts près de leur lieu de résidence.

Il faut qu'il y ait transférabilité de compétences entre emplois et entre employeurs. Il faut qu'il y ait une évaluation préalable des aptitudes et de l'expérience acquise sur le tas, et il faut également que les employeurs offrent une formation sur place.

Il faudrait également envisager des programmes d'apprentissage pouvant être certifiés par des compagnons détachés ou itinérants, car en région rurale il n'y a pas toujours à proximité un compagnon avec lequel suivre un programme d'apprentissage. Il existe d'autres façons de faire, et il nous faut veiller à ce que le système soit mis à jour.

Il faudrait bien sûr également qu'il y ait transférabilité de tous les certificats entre provinces. Il ne devrait pas exister d'obstacle à l'intérieur de notre pays. Il faudrait, enfin, mettre l'accent sur les compétences clés.

Il nous faut renverser l'attitude négative qui persiste et parler de nos réussites, offrir des possibilités aux gens et apprendre comment des personnes semblables à nous ont fait pour réussir.

Je vais maintenant céder la parole à Joan, qui voudra peut- être répondre à certaines questions. Je sais qu'elle a énormément de données, mais elle va s'efforcer de s'en tenir au sujet qui nous occupe ici, et nous verrons bien par la suite.

Merci.

Mme Joan Corneil (membre de l'exécutif, Saskatchewan Council for Community Development): Je vais commencer par vous fournir quelques renseignements sur ce que je fais.

Je travaille pour une société de développement rural qui a pour nom la Bear Hills Rural Development Corporation, située à Biggar, en Saskatchewan. Elle recouvre cinq municipalités rurales et six petits villages et bourgs dans la région.

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C'est à partir de ce bureau que nous administrons la REDA de la région centrale de l'Ouest. Cette REDA englobe 13 municipalités et chapeaute quatre entités de développement économique.

L'autre groupe auquel je siège et pour lequel je travaille est lui aussi membre du Saskatchewan Council for Community Development: il s'agit du West Central Municipal Government Committee. C'est une organisation tout à fait unique qui regroupe l'ensemble des conseillers municipaux, maires et administrateurs urbains et ruraux. Je siège au sous-comité des transports, alors lorsque j'ai lu l'une de vos questions portant sur l'infrastructure... Je m'y connais très bien et je suis bien renseignée sur ce que nous faisons dans notre région.

J'ai été très intéressée par ce qu'a dit le représentant de PA qui était assis ici. Je suis d'accord avec lui sur nombre de questions. Je partage également certaines des opinions qu'a exprimées Linda.

La Saskatchewan est une province très peu peuplée. Comme vous pourrez le déduire de ce que j'ai dit au sujet du travail que je fais, nous ne sommes pas très nombreux à faire tout le travail qu'il y a, alors nous nous faisons envoyer de-ci de-là. La chambre locale de Biggar est elle aussi dirigée à partir de mon bureau, tout comme c'est le cas du groupe responsable du tourisme, et nous avons 50 clients. Nous préparons des plans d'entreprise. Nous exécutons des études de faisabilité. Nous accompagnons nos clients lorsqu'ils se présentent à la banque avec leurs états financiers et nous les aidons à essayer d'obtenir des capitaux.

L'accès à des capitaux dans la Saskatchewan rurale est chose difficile. C'est une perception qui veut que les valeurs foncières... Les banques investissent dans l'immobilier. Elles veulent qu'il y ait du bois ou du ciment ou autre. C'est cela qu'elles achètent. C'est cela qu'elles veulent pouvoir récupérer si les choses tournent mal. La réalité est que dans les régions rurales de la Saskatchewan il n'y a pas un gros marché pour des entrepôts de 600 000 pieds carrés. Il nous faut nous pencher sur ces situations et travailler avec les banques.

Peut-être qu'il nous faut commencer petit. Comme l'a dit Linda, le «méga» ce n'est peut-être pas bon. J'utilise toujours l'analogie de J.L. Kraft. Il n'a pas débuté avec une fromagerie; il a fait ses premiers pas dans sa cuisine. Mais si la Kraft General Foods venait en Saskatchewan, les gens de Biggar ouvriraient grands les bras eux aussi et l'accueilleraient. Le «méga» est donc une bonne chose.

C'est bien d'être petit, car le potentiel de devenir «méga» est toujours là. C'est ce que nous espérons faire dans notre province. Je suis native de Biggar, et c'est là que se trouve Prairie Malt. Si vous ne connaissez pas Prairie Malt, je vous dirais que cette compagnie comptera très bientôt parmi les plus grosses entreprises de maltage au monde. Les grues sont là; la construction est en cours.

À Biggar, d'où je viens, nous avons également une merveilleuse serre qui est à la fine pointe de la technologie, et dont le liquidateur est en train de s'occuper à l'heure actuelle. Cette réalité est la même partout, mais dans une petite localité, cela se voit davantage. Si une serre de ce genre n'avait pas réussi à Saskatoon ou à Regina, elle aurait tout simplement disparu, mais dans une localité comme Biggar, c'est une quarantaine d'emplois et beaucoup de retombées qui s'en vont. Par exemple, du camionnage. Il y a énormément de retombées dans une région rurale.

Non seulement je vis et je travaille à Biggar, mais j'ai travaillé pour le gouvernement provincial. Je couvrais 59 municipalités rurales dans le coin sud-est de la province. Biggar est situé à environ une heure à l'ouest de Saskatoon. J'ai donc eu l'occasion de voir une grosse partie de la province. J'ai travaillé un peu partout dans la province. J'ai travaillé avec beaucoup de ruraux. Nous avons de vrais leaders dans nos campagnes. Bon nombre de nos représentants municipaux élus sont des leaders. Ce sont eux qui font bouger les choses et ce seront eux qui provoqueront des changements.

Que se passe-t-il? Encore une fois, la réalité dans les régions rurales de la Saskatchewan est que les réductions des paiements de transfert versés par le gouvernement fédéral ont amené des réductions dans les paiements de transfert versés par le gouvernement provincial aux municipalités.

Il s'est néanmoins passé quelque chose dans les régions rurales de la Saskatchewan: les gens sont de plus en plus sensibles au développement économique et aux bienfaits qui en découlent. Cela s'opère très lentement. Cela ne va pas se faire du jour au lendemain. On y travaille toujours. Il s'agit d'un nouveau phénomène dans les régions rurales de la Saskatchewan. Les villes de Saskatoon, de Regina, de Swift Current, de Moose Jaw et de Weyburn avaient déjà des bureaux et des comités de développement économique et y travaillaient depuis de nombreuses années. Ils allaient prospecter et faisaient venir des gens. Notre gouvernement provincial déploie énormément d'efforts pour attirer de grosses industries dans les centres les plus importants.

Dans les régions rurales de la Saskatchewan, c'est un nouveau phénomène, et cela ne fait que commencer. Le gouvernement commence à peine à voir que les régions rurales de la province présentent certains avantages. À une époque, on commençait à se demander si le gouvernement n'était pas en train de se dire qu'il vaudrait mieux que l'on ferme toutes les petites localités et que l'on aille tous s'installer en ville. Et ils ont créé les administrations de développement économique régional et ils ont prévu une certaine souplesse dans la façon dont nous développons notre organisation. Notre modèle est unique. J'ignore si c'est un modèle pour le reste du monde, mais c'est un modèle pour notre région. Il fonctionne pour nous.

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Ce que je tiens à dire au comité ici réuni est que les programmes gouvernementaux nous viennent d'en haut. Quelqu'un les tire de... [Difficultés techniques]

Le ministre, dans sa sagesse, nous a autorisés à monter ce que nous voulions et il nous a donné trois personnes au ministère. Celles-ci ont fait un travail formidable pour nous. Nous ne gaspillons pas d'argent ni de temps et nous allons avoir un bon outil dont nos municipalités pourront se servir.

Elles pourront regarder cela et décider pour elles-mêmes quelles routes devraient être améliorées pour être conformes aux normes pour le camionnage, au lieu de gaspiller de l'argent à construire des routes qui n'aboutiront nulle part.

Nous nous penchons également sur la rationalisation des lignes ferroviaires, sur les fermetures d'élévateurs, sur l'agrandissement du secteur de la transformation alimentaire dans notre région, etc. La Prairie Malt amène à elle seule par camion plus d'orge dans notre région que ce qui transite par un terminal intérieur. Cela ne ressort pas dans les statistiques du gouvernement car il ne s'agit pas d'une céréale qui relève du système d'élévateurs. L'orge arrive et repart par camion, ou alors par train.

Voilà donc quelques renseignements de base. Je vais m'arrêter là et je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions. J'ai parcouru votre liste de questions et j'ai rédigé un petit mémoire. Je vous le ferai peut-être parvenir par la poste car je l'ai de nouveau barbouillé de notes.

Il s'agit d'une directive de la Saskatchewan Economic Developers Association, dont les membres sont au nombre de 150. On y trouve des bénévoles, des représentants de collectivités et des professionnels. Nous devons sans cesse composer avec les différents programmes élaborés par la hiérarchie gouvernementale en vue de favoriser le développement économique dans les régions rurales de la Saskatchewan.

En réalité, cela crée beaucoup de confusion avec les représentants élus. J'ai déjà vu des gens baisser les bras et dire: «Oh non, pas encore!».

Une solution très simple est d'aller en région et de faire une analyse des besoins. J'ai un fils qui s'occupe d'installer des logiciels dans de grosses sociétés. Il installe le programme parce que c'est leur programme. Il y va et il y fait d'abord une analyse des besoins de la compagnie pour déterminer ce qu'il lui faut. Si la compagnie va dépenser 30 000 $ à 60 000 $, autant mettre en place ce qui fonctionnera pour elle.

Voilà ce à quoi se trouvent confrontées nos municipalités à l'heure actuelle. Le développement économique étant toujours quelque peu flou dans les régions rurales de la Saskatchewan, nos représentants élus et nos conseillers municipaux se trouvent confrontés à des coupures dans les paiements de transfert. Ils jettent un coup d'oeil et ils demandent: «Qu'est-ce qui est le plus facile à couper?». La chose la plus facile à couper est forcément celle qui est la moins bien comprise. À l'heure actuelle, c'est le développement économique qui est le moins bien compris à cause de la confusion qui entoure les différents programmes et les différents ministères gouvernementaux. Chaque ministère doit, en vertu de son mandat, s'occuper de développement économique, même si ce n'est que 10 p. 100 du temps. Cela se passe dans notre province et je suis certaine que cela se passe également au niveau du gouvernement fédéral.

Le président: Merci.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: Je dois vous féliciter tout d'abord du travail que vous faites pour votre communauté et aussi du nombre de bénévoles engagés dans votre organisation.

Madame disait que son fils, avant d'investir 60 000 $ dans un logiciel, devait s'assurer que le logiciel répondait aux besoins. C'est la même chose à Ottawa. Le gouvernement fédéral a décidé de former un comité qui est le Comité permanent des ressources naturelles. Celui-ci a pour mandat d'étudier la problématique du développement rural.

Depuis plusieurs mois, le Comité des ressources naturelles a entendu à Ottawa différents groupes, différentes associations et même différents individus qui sont venus nous dire leurs préoccupations et la façon dont le gouvernement devrait se pencher sur le sérieux problème du développement rural.

Pendant les deux prochaines semaines, le comité se déplacera. Cette semaine, le groupe est allé à Yellowknife, à Fort McMurray et il est ici aujourd'hui. Toute la semaine, le comité va se déplacer dans l'Ouest et, la semaine prochaine, il y aura un autre comité pour l'est. Nous sommes conscients que les organismes comme le vôtre travaillent très fort au développement, mais nous sommes surtout venus entendre ce que nous devrions faire pour qu'avec les mêmes députés et le même argent, on soit plus efficace afin que le développement rural soit plus rentable chez vous.

Nous ne sommes pas en vacances, je tiens à vous le préciser. Ce n'est pas une tournée de vacances. Les députés qui se déplacent pour venir vous voir sont des députés préoccupés par le développement rural qui espèrent que le premier ministre et les ministres s'en préoccuperont aussi. Si nous nous préoccupons du développement, eux aussi devraient s'en préoccuper.

.1325

À la suite de cette consultation, le comité devra rédiger un rapport qui devrait contenir des recommandations pour le gouvernement qui déboucheront sur un plan d'action. Sinon, on ne ferait pas notre devoir. À notre retour à Ottawa, après la consultation, après vos témoignages, on va avoir des devoirs à faire pour respecter l'échéancier, rédiger le rapport et faire des recommandations qui déboucheront sur un plan d'action.

J'aimerais que vous me donniez trois éléments, par ordre de priorité, qui pourraient aider au développement régional et rural, qui permettraient de créer des emplois durables, d'éliminer le chômage et l'aide sociale et d'exploiter les ressources existantes.

[Traduction]

Mme Corneil: Vos observations m'ont beaucoup fait plaisir. Je devine que vous n'avez pas la solution dans votre poche arrière, ce qui me ravit.

Je vais vous raconter une petite histoire qui remonte à l'époque où je travaillais avec un bénéficiaire d'aide sociale qui voulait monter une entreprise. J'adore utiliser des analogies. Nous avons parlé de la nécessité de tenir compte des besoins particuliers des régions: ce sera sans doute là un élément clé dans la durabilité du développement rural de la province.

Un client qui possédait les compétences, la volonté et les aptitudes nécessaires est venu me voir. Il était au chômage à cause de la suppression d'emplois un peu partout au pays. Il s'est recyclé dans la réparation de systèmes de climatisation et de réfrigération. Il était bénéficiaire d'aide sociale. Il savait que, selon les statistiques, au bout de deux ans, il n'allait plus être employable. Il a demandé s'il n'y avait pas moyen pour notre organisation de l'aider et je lui ai dit que oui.

Nous l'avons aidé à obtenir le financement nécessaire pour acheter tout le matériel dont il allait avoir besoin dans son activité choisie. Il lui fallait essayer de s'établir une clientèle. Ce n'était pas si difficile. Les clients étaient là. Son problème, en tant que chef de famille monoparentale, était de savoir comment faire pour nourrir son fils en attendant que son activité commence à payer.

Nous nous sommes adressés aux responsables des services sociaux en leur proposant un arrangement. Nous leur avons dit que nous contrôlerions l'argent qui rentrerait et qui sortirait, et que nous travaillerions avec lui. Nous avons fourni l'argent. Nous avons dit: «Envisageons un partenariat et voyons ce qu'il gagne pour s'assurer qu'il ne perd pas son indemnité de vie chère, afin qu'il puisse nourrir son enfant, se nourrir lui-même et aller travailler.»

Il m'a fallu un an pour trouver quelqu'un qui convienne que si l'on aidait ce type à sortir du réseau des services sociaux, il allait contribuer au système avec les impôts qu'il paierait et finirait sans doute par offrir de l'emploi à quelqu'un d'autre. On n'allait rien y perdre. On aurait pu le livrer à jamais aux services sociaux.

.1330

Ce fut la même chose avec deux dentistes qui sont arrivés du Salvador. C'étaient des réfugiés politiques qui avaient besoin de leur certification et cela allait leur coûter 5 000 $ chacun. Il y avait une famille de quatre. Il s'agissait de deux dentistes, de deux professionnels, dont l'un était professeur d'université.

Il nous a presque fallu prendre les responsables des services sociaux par la gorge pour obtenir d'eux qu'ils acceptent ne serait- ce que d'aider ces gens-là. Ils auraient préféré que cette famille de quatre continue de dépendre des services sociaux.

Vous parlez, entre autres choses, de priorités. Ce que je recommande c'est que lors de l'élaboration de vos programmes vous laissiez une fenêtre ouverte afin que, lorsque vous vous rendez dans ces régions, celles-ci puissent expliciter leurs propres besoins et concevoir le programme autour d'eux.

Le programme Développement des collectivités compte sans doute parmi les programmes fédéraux les mieux connus. Malheureusement, il ne couvre pas notre province.

Je viens d'Assiniboia, dans la région de Moose Jaw, qui a tout récemment été intégrée au programme Développement des collectivités.

J'habite Biggar. Ma société de développement rural n'est pas complètement couverte par une région visée dans le programme Développement des collectivités.

Nous ne savons jamais trop ce qui se passe. Lorsqu'il est question de faire un relevé, nous sommes intégrés aux chiffres. Lorsqu'il est question de financement, nous sommes à la limite. Certains de mes clients n'y ont même pas accès.

Voilà donc ce qui se passe lorsque vous élaborez un programme qui est générique: il ne correspond pas à tout. Il nous faut vraiment adapter les programmes aux régions visées. La seule façon de savoir ce qu'il faut c'est de faire appel à des gens qui savent ce que c'est de gérer une entreprise, d'avoir des enfants dans des écoles rurales, de travailler dans des hôpitaux ruraux et de consacrer le gros de leur temps libre à du bénévolat pour que leur communauté survive. C'est avec ces gens-là qu'il vous faut vous asseoir et discuter de ce dont ils ont besoin. Ce programme générique appuierait-il le développement économique rural dans votre région? Il est peut-être très bien adapté à certaines localités, mais pas à toutes.

Nous étions candidats au Régime canadien d'investissement communautaire. Nous avions été inscrits à la liste courte et devions préparer un plan d'entreprise. J'avais trouvé que notre plan était bon. Des gens merveilleux nous ont aidés avec cela.

Nous n'avons pas été acceptés. C'était parce que nous n'avions pas - c'est ce qu'on m'a dit - 100 industries par lesquelles faire transiter de l'argent à 20 p. 100 au moins par an.

La réalité est qu'en Saskatchewan, s'il y a 100 industries, ça n'est pas rural. Vous ne trouverez pas 100 industries en région rurale saskatchewannaise. Vous trouverez 100 industries dans les villes de Swift Current, Saskatoon ou Regina.

La ville de Swift Current a réussi à obtenir du financement en vertu du Régime canadien d'investissement communautaire. En ce qui nous concerne, cela nous aurait permis de soutenir plusieurs de nos industries. En ce qui concerne Swift Current, la situation demeurera sans doute la même.

Mais en Saskatchewan, Swift Current n'est pas considéré comme étant en région rurale. Ce serait peut-être le cas ailleurs au Canada, mais pas en Saskatchewan.

Mme Pipke: Vous aurez deviné que Joan est très passionnée et qu'elle travaille très fort là-dessus, et c'est bon d'entendre ce qu'elle à dire. Mais je sais que Mitch veut ajouter quelque chose.

M. Mitch Ozeroff (président, Saskatchewan Council for Economic Development): Tout d'abord, je suis moi aussi heureux d'avoir ici devant nous un groupe de personnes qui parcourent le pays au nom du gouvernement fédéral en vue de résoudre ce problème, qui est un problème de taille.

Je suis ici en tant que représentant du SCCD. Je représente également l'une des plus grosses sinon la plus grosse coopérative au Canada, qui appartient à des agriculteurs saskatchewannais et qui regroupe des agriculteurs.

Je pense qu'ici en Saskatchewan nous obtenons les meilleurs résultats lorsque la petite entreprise, la grosse entreprise et les coopératives travaillent ensemble pour organiser et gérer l'économie de la province. Dès que nous voulons changer quelque chose et intervenir dans un élément de la progression, c'est là que surgit un problème.

L'autre problème que nous avons - et il ne faudrait pas l'oublier - est celui de la duplication. J'ai entendu quelqu'un dire récemment qu'au Canada la duplication nous coûte environ 8 milliards de dollars par an.

Lorsqu'on parle réduction des coûts, cela n'est pas synonyme de réduction des services. Ce n'est pas cela qu'il faudrait envisager. Nous devrions réduire la duplication.

Une ville ou une région ira à Hong Kong ou à Tokyo, par exemple, pour y ouvrir un bureau. Puis le gouvernement provincial fait la même chose. Puis c'est au tour du gouvernement fédéral, puis à quelqu'un d'autre encore. Tout d'un coup, il y a quatre, cinq ou six bureaux qui font la même chose et vendent le même produit ou le même service. Je pense que c'est à cela qu'il faut faire attention.

Les trois paliers de gouvernement - soit les paliers municipal, provincial et fédéral - doivent se regrouper. Il nous faut fixer un objectif pour le Canada et ne pas en changer sur un coup de tête.

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N'oublions pas que le Japon a un objectif ou une vision qui s'inscrit dans une période de 200 ans. Quelqu'un a un jour demandé à un Japonais âgé: «Qui sera ici dans 200 ans pour savoir si vous avez suivi la piste tracée?». Il a répondu: «Peu importe. Quelqu'un sera ici. Quelqu'un sera en train de surveiller». Si l'objectif ne colle plus, vous le modifiez, vous l'infléchissez, vous faites quelque chose. Le problème est que tout le monde parle et tout le monde a opté pour un objectif.

J'imagine que le monsieur du Québec parle de ce qui se passe ici. Nous avons également parlé à M. Pellerin de l'UPA. M. Pellerin et son groupe sont venus ici en juin dernier pour parler du même genre d'objectifs. C'est quelque chose qu'il nous faut commencer à faire. Il nous faut éliminer la duplication.

Il nous faut également parler davantage et cesser d'être les Canadiens et les Saskatchewannais modestes que nous sommes. Il y a beaucoup de choses que nous faisons bien, mais nous ne le disons pas. Nous ne le montrons même pas. On ne peut pas faire cela: toujours être triste et dire qu'on critique tout le temps. On ne critique pas tout le temps; on est en avance par rapport au reste du monde. Réfléchissons à cela. Voyons ce que les Nations Unies ont tout récemment dit au sujet de la Saskatchewan et du Canada. C'est le meilleur endroit au monde où vivre. Je suis d'accord, mais il reste encore beaucoup à faire, cela n'a pas de doute. Mais il nous faut faire cela dans un contexte où tout le monde choisit le même objectif et personne n'en change suivant les caprices - disons-le - de la politique.

Le président: Merci.

Nous accusons un léger retard, alors je demanderai aux députés de poser des questions très précises et aux membres du panel de répondre de façon très succincte.

Monsieur Chatters.

M. Chatters: C'est beaucoup demander. Je ne sais trop par où commencer.

Au cours des trois années écoulées depuis que je suis devenu député au niveau fédéral, j'ai vu nombre de tentatives faites par le gouvernement fédéral par le biais de programmes tels Les chemins de la réussite et des programmes de valorisation communautaire... Une quantité énorme d'argent est dépensé dans les communautés au nom du développement économique. Or, j'ai un vrai problème, car l'on s'attend à ce que j'approuve ces programmes, mais l'on n'en fait aucune évaluation à leur conclusion. Il n'y a aucune attente de réussite, ni aucune exigence que le projet soit interrompu s'il ne réussit pas. La bureaucratie fédérale concernée semble juger que le but premier est de préserver les postes à l'intérieur de la bureaucratie et non pas d'assurer la réussite du programme.

Au cours des trois dernières journées d'audience, l'on n'a cessé de nous parler de la nécessité de remettre la responsabilité des programmes de ce genre au niveau municipal - participation directe des gouvernements municipaux - , or, j'entends mes collègues d'en face continuer de chercher des moyens pour que le gouvernement fédéral participe à la prestation de ces services dans les régions rurales du pays. Ce qu'il nous faut entendre, ce sont des moyens de faire fonctionner ces programmes, d'en rendre les responsables redevables pour l'argent des contribuables qui leur est versé, et la meilleure façon pour le gouvernement fédéral de participer, mais pas forcément en préservant la bureaucratie fédérale pour que le système fonctionne.

Je ne pense pas pouvoir dire les choses plus succinctement. Je pourrais m'étaler longuement sur le sujet.

Mme Corneil: Le RCIC a permis cela. Dans le cadre de ce programme, on disait aux collectivités, on a x dollars qui aideront vos industries à avoir accès à du capital-risque, mais c'est à vous de nous dire comment vous pourrez utiliser cet argent dans votre région.

Vous avez un modèle, et votre programme Développement des collectivités est peut-être semblable. Il vous faut expliquer vos attentes aux collectivités, car il y aura là un énorme fossé. Il y aura les désirs et les besoins des collectivités et l'argent du gouvernement, et il y aura de part et d'autre, entre les deux, certaines attentes.

Le gouvernement doit par conséquent expliquer aux municipalités - et si vous voulez parler aux municipalités, je pense que c'est une excellente idée - ce à quoi il s'attend en échange de cet argent, mais il ne doit pas forcément imposer des lignes directrices genre: nous nous attendons à ce que votre collectivité croisse et s'épanouisse.

C'est aussi simple que cela. À l'heure actuelle, c'est un mandat pour chaque localité de la province.

M. Chatters: L'évaluation de ce programme s'appuie sur la réussite du programme au niveau communautaire.

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Mme Corneil: Selon ce dont la communauté pense avoir besoin.

Mme Pipke: J'aimerais ajouter quelque chose qui viendra compléter ce que vient de dire Joan. C'est là l'une des clés, et cela nous ramène à la question que vous avez posée tout à l'heure au sujet des trois éléments. J'ignore si nous les avons classés en ordre de priorité, mais l'un des autres éléments, en plus de réagir aux besoins de la communauté et de satisfaire ses besoins, est, je pense, le travail qui doit être fait en matière d'élaboration de politiques intersectorielles. Il faut que tout cela soit relié entre les différents ministères, aux niveaux fédéral et provincial. Il va être important de faire cela au niveau fédéral, afin que ce soit davantage faisable au niveau provincial. Vous avez peut-être des mécanismes en matière de comités, etc, mais il faut que chacun vienne compléter l'autre, construire à partir de ce que font les autres. Cela nous ramène à la question de la duplication, dont Mitch a parlé.

Je sais que certaines provinces n'ont pas ce que nous avons - le conseil pour le développement communautaire comme point de rencontre d'un grand nombre d'organisations au niveau de la province - et qu'il y existe davantage de services à guichet unique ou d'aiguillage. Il pourrait y avoir une liaison très utile entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pour appuyer un tel mécanisme au niveau de chaque province, quel que soit le type d'organisation choisi, car ce serait une façon de continuer de mettre l'accent sur la communauté et d'assurer la rétroaction. En un sens, cela oblige à échanger avec autrui sur ce qui se passe au sein de diverses organisations et sur la façon dont elles s'y prennent pour parler ensemble de développement communautaire et rural.

Cela existe à l'heure actuelle en Saskatchewan. Nous pensons qu'il s'agit là d'un moyen efficace de mener à bien ce genre de choses. Je pense qu'il faudrait encourager cela.

M. Ozeroff: Pour enchaîner sur ce qu'a dit Linda, notre organisation est en partie financée par des groupes tel The Co- Operators, ainsi que par des ministères provinciaux et le gouvernement fédéral. Sans cette aide, il nous serait impossible de fonctionner, car il nous faut du personnel. Si vous devez compter sur des gens comme nous pour gérer l'organisation... Nous avons tous et chacun une vie personnelle et nos propres entreprises à gérer, et c'est impossible.

Donc, là encore, j'espère qu'au moins les trois paliers de gouvernement - et le SARM et le SUMA comptent parmi nos membres - ne choisiront pas d'ignorer qu'il nous faut continuer de recevoir de l'aide financière. Je parle sans ambages, mais c'est là la réalité.

Le président: Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur la question de la duplication des services et de la nécessité d'un système adapté alors que nous nous trouvons au seuil du XXIe siècle. J'aimerais savoir comment vous réagiriez à un système de guichet unique pour les services offerts aux communautés rurales.

Deuxièmement, nous avons à Ottawa entendu de nombreux groupes, dont la FCA ou Fédération canadienne de l'agriculture. Sa recommandation était que l'on réunisse tous les éléments du secteur fondé sur les ressources naturelles sous un seul et même organisme, qui serait dirigé par un ministre ou un secrétariat responsable des questions rurales. J'aimerais connaître votre réaction à cette idée et, si vous pensez que ce serait une bonne chose, quel devrait être le mandat du responsable?

M. Louis Hradecki (membre de l'exécutif, Saskatchewan Council for Community Development): Je vais tout d'abord vous expliquer mes antécédents. Je suis un petit entrepreneur, un petit agriculteur.

Bienvenue à Prince Albert. Je ne sais trop comment, l'hiver est arrivé avec nous, et notre récolte est toujours dans les champs.

Je suis bénévole. Je travaille bénévolement pour cette organisation. Je siège également à l'exécutif de la Prince Albert Regional Economic Development Association, qui considère la REDA comme étant une initiative provinciale.

En ce qui me concerne, l'un des problèmes pour moi est qu'un grand nombre de programmes ont été créés et il y a des réunions et des séances de formation qui sont tenues un petit peu partout dans la province. Nous autres, petits entrepreneurs, n'avons tout simplement pas le temps de participer à toutes ces choses. C'est nous qui sommes visés, mais nous n'en profitons pas, car nous n'avons ni le temps ni l'argent nécessaires pour y aller.

Nous avons tenté une approche à guichet unique ici avec la REDA de Prince Albert. Nous avons monté un centre de ressources. Il se trouve dans l'édifice fédéral de la ville de Prince Albert. Il se trouvait au centre de ressources un expert-conseil pour la petite entreprise, un secrétariat et un directeur exécutif, qui était directeur exécutif de la REDA.

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Voici un exemple de résultats positifs: en travaillant avec Développement des ressources humaines Canada, nous avons également été amenés à collaborer aux séances de formation et à tout le reste.

Cela commence à porter fruit. Nous avons un consultant pour la petite entreprise, qui compte maintenant 30 ou 40 clients et qui s'occupe de plans d'entreprise et tout le reste.

Un grave problème est survenu récemment. Faute de financement municipal et du financement de contrepartie des différents paliers de gouvernement, nous n'avons pas pu garder notre directeur exécutif.

Lorsque vous éliminez du personnel dans chaque REDA ou dans chaque région d'une province et que vous vous en remettez à de seuls bénévoles, vous êtes finis. Vous ne pouvez pas continuer. Il nous faut disposer au moins d'un certain financement pour maintenir ces postes et permettre à ces gens d'explorer toutes les possibilités.

L'approche guichet unique est formidable. Au fur et à mesure que les gens apprennent qu'il y a un centre de ressources dans la région qui dispose de toutes sortes de renseignements etc., que l'on installe des ordinateurs, qu'on se branche sur l'Internet et que l'on aide les gens... par exemple, nous offrons une heure gratuite de conseils à nos clients, après quoi ils doivent payer le service. Il nous faut imposer des frais tout simplement pour maintenir le service. Nous avons souvent bien du mal à survivre.

En réponse à une question au sujet des programmes fédéraux qui nous viennent d'en haut, les gens de la campagne et les petits entrepreneurs et les autres... Si un programme nous est offert, nous l'apprécions énormément, car nous avons le sentiment... J'ai le sentiment que c'est mon travail ici, alors je tiens à veiller à ce que le programme soit là et à ce qu'il donne de bons résultats. C'est ainsi que nous travaillons.

Dans la ville de Prince Albert, par exemple... Il y a énormément de ressources forestières, un peu d'activité minière, etc. Au fur et à mesure que l'on progresse avec ce concept de REDA et avec le centre de ressources, l'on constatera qu'il nous faudra peut-être déménager cela là où il y a... Peut-être qu'il nous faudra installer cela au campus Woodland du collège régional, encore une fois afin de faire venir les personnes compétentes, des conseillers en affaires, peut-être, et l'on pourra peut-être envisager l'établissement d'un atelier afin de pouvoir créer des prototypes et d'autres choses du genre. Au bout du compte, c'est là que nous aimerions être. Si vous allez à Prince Albert et dans la région, vous voulez explorer les possibilités en matière d'activité, vous voulez avoir toutes les ressources au même endroit.

Avec cela, avec la forêt... c'est non seulement une forêt, c'est également une ressource naturelle. Il y a la cueillette de champignons et de baies, qui sont des activités qui découlent des incendies qu'il y a eu l'an dernier. Et cela amène encore autre chose. C'est un guichet unique.

Nous ne pouvons pas tout faire. Il n'y a pas assez de fonds. C'est tout ce que nous demandons, car un grand nombre des programmes s'appuient sur des fonds de contrepartie. Il est facile de dire: «Trouvez-vous des fonds de contrepartie. On vous donnera de l'argent pour le directeur exécutif si vous trouvez quelqu'un qui vous versera autant».

On s'adresse aux municipalités rurales ainsi qu'aux villes et aux villages, et ceux-ci nous disent qu'ils ne peuvent pas nous aider parce qu'ils sont à bout de souffle. Alors voilà. Et l'on continue de se répéter: «Si l'on ne parvient pas à obtenir des fonds de contrepartie pour ce bureau, alors on sera obligé de le fermer et l'on ne pourra plus rien demander». Et tout d'un coup cela nous échappe et nous ne sommes plus en mesure de continuer de servir ces gens.

Mme Pipke: Si vous me permettez, j'aimerais faire un bref commentaire qui se rattache à ce que vous venez de dire, Marlene. Je pense que le mécanisme de guichet unique est très important, surtout au niveau fédéral.

Nous avons besoin de ce cadre. La FCA a recommandé... Je pense que son président a dit que le secteur national des ressources est un joueur clé là-dedans. Le seul avertissement que je donnerais serait le suivant: veillez à ce que cela englobe tous ceux qui vont en subir les conséquences, au lieu de limiter cela à un tout petit groupe très serré.

En ce qui concerne nos membres, nous avons constaté qu'étant donné que la formation s'y rattache, il est utile qu'ils soient à la table, aux côtés de gens d'affaires, de gens qui s'occupent de la dimension humaine des choses, de la santé, du social, etc.

Donc, oui, c'est important, mais le groupe en place doit avoir une vision holistique des choses.

Mme Corneil: J'aimerais moi aussi faire une observation: je pense que vos homologues provinciaux devraient eux aussi envisager l'approche à guichet unique. Comme je l'ai déjà dit, chaque ministère a un mandat en matière de développement économique et ils trébuchent les uns sur les autres en reproduisant leurs programmes. Voilà ce qui se passe.

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Le président: Monsieur Wood.

M. Wood: En ce qui concerne les observations de Joan sur le programme RCIC, il est vraiment dommage que Biggar n'ait pas été choisi ou n'ait pas pu participer. Il me semble que Swift Current et Canmore sont les seules localités de l'Ouest qui aient été retenues. Ma localité a eu de la chance; elle a fait l'objet d'un des projets pilotes, et ayant entendu ce qu'a dit Joan, je pense que nous avons bien de la chance d'avoir été choisis.

Il est manifeste que des changements ont balayé le Canada rural au cours des dix ou 15 dernières années, et cela s'est sans doute passé sous le nez du gouvernement fédéral et des autres gouvernements. Leurs priorités étaient sans doute ailleurs; ils étaient peut-être préoccupés par d'autres questions, comme par exemple les problèmes financiers. Il semble que l'on ait repris un certain contrôle là-dessus, mais pas sur tout.

Comment la nature de tout cela a-t-elle changé au fil des ans? Comment pouvons-nous rattraper? Il est évident que nous avons laissé aller les choses; cela est manifeste partout.

Mme Corneil: Je vais essayer de ne pas... [Inaudible - Éditeur]

M. Wood: Non, non, allez-y. C'est très bien; c'est formidable. À vrai dire, cela fait du bien de voir quelqu'un qui est animé par une telle passion.

Mme Corneil: Je peux vous donner une réponse très succincte. Ayant travaillé à l'intérieur du système du gouvernement provincial, je peux vous dire que dans de nombreux cas, les représentants élus se font tout simplement dire ce que les bureaucrates pensent qu'ils veulent entendre, et non pas ce qu'ils devraient savoir.

M. Wood: C'est vrai.

Mme Corneil: Très souvent, ils jetteront un coup d'oeil sur quelque chose et ils y réagiront. C'est de cela que vous parlez. Au lieu de prendre les devants, comme le groupe ici présent le fait, d'avoir une attitude pro-active, d'examiner les choses, de constater ce qui ne va pas et de dire: «Corrigeons cela», ils se présentent et disent: «Oups, il y a un problème». Ils pondent un programme, et celui-ci n'est peut-être pas adapté. Je m'énerve de nouveau.

Selon moi, ce qu'il faudrait, c'est que tous le paliers de gouvernement, jusqu'au niveau municipal, adoptent une attitude pro- active, et une vision, et se tournent vers l'avenir. Au lieu de réagir à une situation, ils devraient intervenir avant qu'elle ne survienne.

M. Ozeroff: J'ai tendance à penser moi aussi qu'on ne peut pas être trop critique de ce qu'on fait au Canada. Je ne veux défendre personne et il y a bien sûr quantité de choses que nous aurions pu mieux faire, qui devraient être faites, etc.

J'ai eu l'occasion, il y a quelques années, d'assister aux American State rural development councils à Washington, et si vous entendiez parler de certains des problèmes qu'ils ont... Ils parlaient de créer un groupe de pompiers dans le Mississippi, et je n'en croyais pas mes oreilles. Nous sommes au XXe siècle, bon sang. Un vieux monsieur m'a dit: «Dans le Mississippi, le matériel dont nous disposons pour lutter contre les incendies se résume à un boyau d'un demi-pouce et à un sceau d'eau».

Ils parlent de lancer des projets d'égouts et de traitement des eaux dans le Missouri. Alors ne soyons pas trop critiques envers nous-mêmes. Il y a beaucoup d'endroits ailleurs dans le monde qui n'ont pas ce que nous avons.

Je suis d'accord avec vous pour dire que nous pouvons faire beaucoup de choses, que nous pouvons faire beaucoup mieux. La question de la duplication est, je pense, très importante.

M. Wood: Vous autres oeuvrez dans le domaine depuis longtemps. Selon vous, quelles approches en matière de développement rural réussissent - et je songe ici à des approches à partir desquelles nous pourrions bâtir quelque chose, en bifurquant peut-être un petit peu, mais en nous en servant en tant qu'assises?

Mme Corneil: En vérité, la rural development corporation... ce programme fonctionnait très bien et était en train d'évoluer pour devenir quelque chose de très différent. Les collectivités commençaient à apprendre avec qui elles pouvaient jouer et où elles pouvaient travailler. Puis un nouveau gouvernement est arrivé, il y a eu un nouveau programme, et les choses sont plutôt... Dans cette province, il ne s'est jamais rien fait lorsqu'un nouveau parti est arrivé au pouvoir.

Je ne suis pas convaincue que dans cette province-ci cela n'aurait pas fonctionné. On n'a pas mis en place ce qu'il fallait pour qu'il y ait des chances de réussir. Je disais toujours de ce programme que ce n'était pas un programme de cinq ans financé par le gouvernement mais un programme de 80 ans, et que le gouvernement aidait les municipalités à faire leurs tout premiers pas et à se renseigner sur le processus de développement économique. Nos REDA vont peut-être évoluer en ce sens, bien sûr. Elles n'ont que deux ans; elles commencent à peine à marcher.

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Ces genres de programmes... et je pense que Louis l'a souligné. Ne me comprenez pas mal. Je suis moi-même née sur une ferme. Je fais ce travail - et, soit dit en passant, je suis très bien payée - parce que c'est ma passion. J'ai une famille qui aimerait que je reste sur la ferme et que je passe tout mon temps sur le tracteur.

Je crois dans cette province. Je crois dans nos capacités. J'aimerais voir ériger autour de cette province un mur en brique, et nous n'en laisserions rien sortir à moins que ce ne soit dans un emballage. Nous vous garderions en otages. Il vous faudrait payer pour notre eau, nos terres, notre uranium, tout, un point c'est tout.

Pour en revenir à ce qu'on disait, si quelque chose fonctionne bien, pourquoi y changer quoi que ce soit? Je peux concevoir une situation où l'on interviendrait pour adapter cela à une vision du futur, mais c'est ce qui se passe très souvent lorsqu'un gouvernement met en place un programme. Il lui faut y mettre sa marque. Au lieu d'améliorer ce que nous avons, nous avons tendance à construire quelque chose de nouveau.

M. Wood: Louis, aimeriez-vous dire quelque chose?

M. Hradecki: Oui. Il y a beaucoup d'avantages du côté fédéral également. À brûle-pourpoint, il y aurait... L'Administration du rétablissement agricole des Prairies fait un excellent travail. Depuis quelque temps, dans notre région, c'est elle qui mène le bal pour ce qui est de la participation du gouvernement fédéral au développement économique. Le simple fait qu'elle parraine, par exemple, la cueillette de baies sauvages, et tout le reste, toutes ces conférences... Elle a également mis à contribution ses compétences relativement aux centres de ski. Le ministère fonctionne aujourd'hui très bien car il va au-delà de ce que nous avions imaginé pour l'ARAP.

En ce qui concerne l'Entente d'association Canada-Saskatchewan sur le développement rural, l'entente de communication fédérale- provinciale sur le financement partiel, qui vise nombre de projets, fonctionne bien.

Même avec Développement des ressources humaines Canada, qui a commencé à parrainer des séances de formation pour les jeunes entrepreneurs et d'autres choses du genre, l'on vise les personnes à risque élevé, les assistés sociaux et les chômeurs qui pourront peut-être ainsi se lancer dans quelque chose.

Voilà donc des programmes qui fonctionnent. Tout simplement, il faut continuer.

Beaucoup de choses se déroulent de cette façon. Cela ne fonctionne pas pendant un an, ou bien ils font du travail pendant un an ou deux et ils disent que cela ne va pas fonctionner et qu'il leur faut plus de temps. Les régions rurales de la Saskatchewan et du reste du pays sont en déclin. Depuis combien de temps les campagnes saskatchewannaises sont-elles en déclin? Nous n'allons pas sauver les régions rurales de la province du jour au lendemain. Reconstruire est un processus à long terme.

M. Wood: Linda, aimeriez-vous dire quelque chose?

Mme Pipke: Oui, j'aimerais soulever quelques points clés. Ce que j'ai entendu répéter maintes et maintes fois, et c'est peut- être votre cas également, c'est que l'essentiel c'est d'avoir accès aux dollars. C'est également une question d'accès à l'information et aux ressources.

L'une des ressources clés, ce sont les gens. Ce que Louis, Joan et Mitch ont dit, et ce que m'ont dit plusieurs de nos organisations membres, c'est qu'il est très important d'avoir une personne ou de pouvoir communiquer avec plusieurs personnes qui ont des idées et qui ont tout simplement besoin d'un petit coup de main pour élaborer leur plan d'entreprise ou obtenir de l'argent.

Une fois cette partie du processus approuvée, la personne va peut-être rencontrer un hic et buter sur quelque chose, auquel cas elle a besoin de quelqu'un pour travailler avec elle, pour l'aider, pour qu'elle puisse aller plus loin, mettre en application son idée ou son concept de façon à ce que cela puisse croître et fleurir. Il lui faut ce contact humain qui la touche, qui la rattache, qui assure les liens. C'est vraiment un élément clé pour faire déboucher un grand nombre de choses. C'est à ce niveau-là que l'on connaît des problèmes: il faut avoir ce contact. Et comment faire? Comment conserver ce genre de choses? Ce sont ces aspects-là que je voulais mentionner.

M. Wood: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Wood.

Je vais poser une question très directe et essayer d'obtenir de vous une opinion au sujet des choix que le gouvernement doit faire. Comme c'est le cas de tous les pouvoirs publics aujourd'hui - et je pense que cela a toujours été le cas, même si nous ne l'avons pas toujours reconnu - , il y a une quantité limitée de ressources, et il y a des choix à faire sur la meilleure utilisation possible de ces ressources.

De façon générale, pour le gouvernement fédéral, pour nous qui sommes aux prises avec la question du développement et du développement rural en particulier, il y a en réalité quatre catégories générales pour lesquelles nous pouvons faire des progrès. Je vais vous les énumérer et vous demander quel serait selon vous le meilleur chemin à emprunter.

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Premièrement, vous prenez votre ressource, votre argent ou autre, et vous la céder à un agent de livraison, sans condition. Vous pouvez dire: «Tenez. Faites ce que vous pensez devoir faire, de votre mieux, en fonction de ce qui est selon vous nécessaire dans votre domaine».

La deuxième méthode - qui est une variante - est d'avoir un programme national qui s'appuie sur un ensemble de critères, mais dans le cadre duquel la livraison se fait à l'échelle locale. Par exemple, le programme Développement des collectivités est un programme national, mais ce sont des comités locaux qui décident des différents types de services à offrir au niveau local.

Troisièmement, vous pouvez avoir un programme national qui est exécuté à l'échelle nationale et dans le cadre duquel il n'y a pas beaucoup de participation locale. C'est un type de programmation «à taille unique».

Ou bien, vous pouvez prendre vos ressources financières en tant que gouvernement et ne rien faire de ce qui précède. Vous pouvez vous occuper tout simplement des questions macro et essayer de créer un climat dans le cadre duquel il est à souhaiter que les choses viendront tout naturellement.

Laquelle de ces démarches est selon vous la plus appropriée?

M. Ozeroff: Si vous permettez que je revienne sur les questions de M. Wood, vous pouvez examiner ce qu'a fait la SCCD en Saskatchewan. Il a, je pense, été reconnu que l'Ontario, le Québec et la Saskatchewan ont jusqu'ici été les seules provinces à s'être dotées d'organisations du genre.

Nous avons réussi à réunir dans une seule et même salle 34 ou 35 organisations membres - coopératives, trois ou quatre paliers de gouvernement, grosses entreprises, petites entreprises, groupes religieux, etc. Nous avons réussi à nous asseoir autour d'une table comme celle-ci et à parler, et nous avons pu essayer de réaliser ou de visualiser quels étaient les problèmes des autres groupes.

Il y a par ailleurs une certaine expérience dans ce domaine. Certains des intervenants ont réussi. Peut-être que je chante mes propres louanges, mais les coopératives réussissent, non pas par chance, mais bien à cause de planification d'objectifs, etc.

Le président: Mais quelle démarche devrait selon vous choisir le gouvernement?

M. Ozeroff: La quatrième. Les gouvernements sont là pour écouter. Je pense que c'est cela que disent les gens de ce groupe. Donnez aux gens la chance de parler et de vous dire à vous, les gens du gouvernement, ce qu'il faut. Élaborons tous un plan, une vision et un objectif, non pas pour deux mois ou cinq ans, mais pour une période bien plus longue encore.

Mme Corneil: L'une des options que vous n'avez pas mentionnées était celle de donner des ressources à une collectivité et de laisser celle-ci planifier et rendre compte de la façon dont ces ressources sont utilisées.

Le président: C'est là la première option que j'ai mentionnée.

Mme Corneil: Vous avez dit sans conditions.

M. Chatters: Vous n'avez pas inclus l'imputabilité.

Mme Corneil: Non, en effet. Il doit y avoir imputabilité en échange de ces dollars. C'est mon argent, en tant que contribuable.

Le président: Ce serait là la deuxième option: un programme avec exécution à l'échelle locale.

M. Wood: Avec imputabilité.

Mme Corneil: Définitivement, avec imputabilité.

M. Ozeroff: Si vous êtes assis autour de la table, ou si des personnes qui représentent les gouvernements et les différents groupes sont assises autour de la table, alors on peut parler d'imputabilité et de planification.

Le président: Très bien.

M. Hradecki: Donnez-nous les fonds et l'imputabilité, mais donnez-nous un cadre temporel de plus d'un an ou deux. Nous donnerons les résultats, mais nous ne pouvons pas le faire en l'espace d'un an ou deux. Donnez-nous un mandat de cinq ans, afin que nous soyons en mesure de vous montrer ce que nous sommes capables de faire. C'est cela qu'il faudra. Ne nous coupez pas les vivres au bout d'un an en disant: «Après un an, on coupera tout, ou quelque chose, quelque part».

Nous rendrons compte de chaque cent que nous aurons dépensé, tout comme les groupes que nous avons côtoyés autour de la table, mais ne commencez pas à exercer des pressions sur nous la deuxième année en nous disant que nous n'avons pas produit grand-chose et que vous allez par conséquent nous écarter. Donnez-nous un peu plus de temps.

M. Chatters: Les gouvernements ne peuvent vous donner qu'un mandat de quatre ans, car c'est là la durée du leur.

Des voix: Oh, oh!

M. Chatters: C'est peut-être un problème...

Le président: Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants à tous d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Vos témoignages ont fait ressortir plusieurs concepts sur lesquels il nous faudra nous pencher et je suis certain que les membres du comité vous en sont reconnaissants.

Nous allons maintenant nous arrêter pour le déjeuner.

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Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

Bonjour, monsieur Smith, et merci de votre patience. Nous accusons du retard depuis le début de la journée.

Nous vous invitons à faire votre déclaration liminaire après quoi nous passerons aux questions des députés.

M. Stephen Smith (vice-président et gérant des terres boisées, Weyerhaeuser Saskatchewan Limited): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Stephen Smith et je suis vice-président et gérant des terres boisées pour Weyerhaeuser Saskatchewan Limited.

Weyerhaeuser est une compagnie forestière qui possède une usine de pâtes et papiers ici à Prince Albert ainsi qu'une scierie de bois d'oeuvre à Big River, qui est situé à 90 kilomètres au nord-ouest de Prince Albert. Nous avons également une usine chimique dans la banlieue nord de Saskatoon.

Mon rôle en tant que gérant des terres boisées est de fournir la matière brute - billots et copeaux - à la scierie et à l'usine de pâtes et papiers de Prince Albert. Je suis responsable, principalement, de la construction de routes, de la plantation d'arbres, de l'abattage, du camionnage... toutes opérations forestières qui occupent un vaste territoire forestier situé au nord de Prince Albert.

Je vous ai fourni une trousse d'information. Il ne s'agit pas tant d'un mémoire ou d'un exposé, que d'un survol de notre compagnie et de ses activités. Vous y trouverez néanmoins une petite liste des éléments que j'aimerais aborder avec vous.

Je vous renverrai à un exposé qui a déjà été fait devant le comité et qui remonte, je pense, au mois de juin de cette année. Il s'agit d'un exposé qui a été fait par Mme Lise Lachapelle, présidente de l'Association canadienne des pâtes et papiers. Notre compagnie en est membre. Mme Lachapelle a parlé de quelque 300 collectivités qui dépendent du secteur forestier. Comptent parmi ces collectivités qu'a évoquées Mme Lachapelle Prince Albert, Big River et beaucoup d'autres localités du Nord.

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L'importance de Weyerhaeuser pour la Saskatchewan est clairement exposée dans le feuillet d'information économique qui se trouve à l'arrière du document qui vous a été remis. Je ne vais pas passer en revue tous ces chiffres, mais j'aimerais néanmoins souligner que nous employons environ 1 300 personnes en Saskatchewan et que nous avons une masse salariale de plus de 80 millions de dollars.

Nous menons à bien l'ensemble de nos opérations forestières, dont je suis responsable, avec un groupe de petites entreprises, de sous-traitants indépendants, qui construisent des routes pour nous, abattent des arbres et les transportent jusqu'aux scieries. Près de 100 sous-traitants ou petites entreprises font ce travail pour nous. Voilà qui nous différencie des camps de bûcherons d'autrefois, qui ont disparu de la Saskatchewan au cours des 15 dernières années.

Qu'il suffise de dire que Weyerhaeuser est sans doute le plus important employeur de Prince Albert et du nord de la Saskatchewan. Même si nous ne faisons pas le décompte des personnes qui oeuvrent aux côtés de nos sous-traitants, nous pensons qu'entre 300 et 350 personnes vivent de la forêt.

En ce qui concerne la représentation de membres des premières nations et d'autres peuples autochtones, d'après le sondage que nous avons effectué au printemps, plus de 100 Autochtones travaillent à temps plein pour nous ou nos sous-traitants. Cela représente à peu près le tiers des effectifs des sous-traitants et ne comprend pas les travailleurs saisonniers qui s'occupent de la plantation et de l'émondage des arbres, activités qui se déroulent pendant les mois d'été. Pour plus de 50 p. 100 de ce travail, quelque 200 personnes sont employées pour de courtes périodes de temps.

Nous comptons à l'avenir multiplier les possibilités dans nos opérations forestières pour les entrepreneurs et les entreprises locaux, autochtones, communautaires et des premières nations. Nous nous efforçons d'équilibrer cela avec la nécessité de maintenir une main-d'oeuvre contractuelle chevronnée, viable et à long terme. Par conséquent, nous nous efforçons de maintenir les entreprises à long terme existantes tout en encourageant de nouvelles entreprises à intégrer les rangs de nos collaborateurs.

J'aimerais faire une observation au sujet du secteur manufacturier à valeur ajoutée. En 1987, Weyerhaeuser a construit une fabrique de papier fin ici à Prince Albert, ce qui a procuré à la ville quelque 400 emplois et près de 500 millions de dollars en nouveaux investissements. Peu après, soit en 1990, nous avons construit une coupeuse en feuilles, qui prend les gros rouleaux de papier et qui les découpe en feuilles de 8,5 par 11 et de 11 par 17. Les petits paquets de papier que vous trouvez dans les papeteries ou à côté des photocopieuses sont le produit à valeur ajoutée que nous produisons à Prince Albert.

J'aimerais faire trois observations en réponse à certaines des questions qui sont posées dans la documentation qui m'a été envoyée en prévision de la réunion. Interprétez-les comme étant des recommandations, des observations en vue d'améliorations ou autres.

La première observation que j'aimerais faire concerne le processus d'évaluation environnementale. Dans notre industrie, et plus particulièrement dans ma société, nous continuons d'être confrontés à des compétences parallèles et qui se chevauchent en matière d'évaluations environnementales, étant donné les processus d'évaluation environnementale fédéraux et leurs pendants provinciaux. Cela amène selon nous confusion, frustration et, dans bien des cas, coûts inutiles, à cause de la duplication. Dans la mesure où l'objectif est d'appuyer l'investissement dans les régions rurales du Canada, il importe de défaire certains de ces noeuds bureaucratiques. Je comprends que certaines initiatives ont été prises en vue d'assurer une harmonisation, mais si ma mémoire est bonne, cela fait six ou sept ans déjà que l'on entend parler de cela.

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La deuxième observation que j'aimerais faire au sujet des améliorations est que notre industrie doit avoir accès aux marchés. Nous fabriquons le produit ici. Nous ajoutons maintenant de la valeur et créons des produits finis ici. Il nous faut avoir accès aux marchés et cela nécessite une bonne et solide infrastructure, sur le plan routes, voies ferrées et liens de communication.

Je dirais, pour être plus précis, qu'il nous faut un corridor de transport Nord-Sud. La province est assez bien servie sur le plan routes est-ouest, mais elle est mal servie en matière de transport Nord-Sud.

J'ai mentionné plus tôt les rames de papier que nous vendons. Le secteur du papier est très différent de celui des pâtes à papier. La pâte est vendue en très grosses quantités et est expédiée par chemin de fer, par bateau, etc., à destination de pays étrangers ou d'autres fabricants de papier.

Pour ce qui est du papier, plus votre production tend vers la forme que veut le consommateur final, plus il s'agit de petites quantités qui sont destinées à de très nombreux endroits. Plus de la moitié du papier produit par notre usine est transporté par camion. Il est destiné au centre et à l'ouest des États-Unis ainsi qu'à l'est du Canada.

Il n'y aucun moyen d'accéder rapidement à Chicago, Denver ou la Californie sans faire un long crochet vers l'Ouest ou vers l'Est pour retrouver une importante grand route allant vers le Sud. Vous confirmerez cela avec les gens d'ici qui passent l'hiver en Arizona. Ils se dirigent toujours vers l'Est ou vers l'Ouest avant de trouver une route principale.

Toujours au sujet de la question de l'accès aux marchés, il nous faut maintenir la tendance vers une réduction des tarifs sur les produits finis.

La dernière remarque que j'aimerais faire concerne les recoupements entre les lois fédérales et provinciales, et je songe tout particulièrement à ce qui s'est passé récemment dans le cas du secteur forestier. Il s'opère des changements du côté de Pêches et Océans avec la Loi sur la protection des eaux navigables et les lois relatives aux espèces en voie d'extinction. Il y a au sujet de ces deux questions une importante dimension territoriale dans les relations entre les différents paliers de gouvernement. Cela se traduit, pour une industrie qui essaie de mener à bien ses affaires, en un effet temps, gens et, dans certains cas, argent supplémentaire, correspondant aux coûts qu'occasionnent les deux ensembles d'obstacles qui sont imposés.

Cela met fin aux observations que je tenais à vous soumettre. Comme je l'ai déjà dit, la documentation qui vous a été fournie traite de certaines de ces questions. Si je suis en mesure de répondre à vos questions, je me ferai un plaisir de le faire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Smith.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Asselin: Je constate que vous faites de l'exploitation forestière et j'aimerais que vous disiez au comité si, pour sauvegarder la ressource forestière pour l'avenir, vous faites autant de plantation que d'exploitation. Si vous exploitez tant d'acres, est-ce que vous plantez l'équivalent? Également, j'aimerais que vous nous disiez si les politiques du gouvernement fédéral en matière de quotas d'exploitation et d'exportation sur le marché international vous satisfont. On sait que c'est régi par le gouvernement fédéral. Pour ce qui est de l'exploitation, je pense que c'est provincial, mais l'exportation sur le marché international est régie par des quotas à l'exportation. Est-ce que ça cause un problème dans l'industrie forestière de votre province?

[Traduction]

M. Smith: Pour répondre à votre première question, qui est, je pense, une question au sujet de la durabilité et de l'activité de plantation par opposition à l'exploitation, je dirais que oui, notre compagnie plante plus d'arbres qu'elle n'en coupe. Nous plantons six millions d'arbres en moyenne chaque année. Selon nos calculs, nous en abattons environ quatre millions.

.1505

Dans cette province et dans nos usines, nous utilisons du tremble. Nous utilisons toutes les essences que l'on trouve dans nos forêts et, de ce fait, nous pensons faire une bonne utilisation des forêts ainsi que de la bonne gestion forestière. Étant donné que le tremble se reproduit naturellement et n'a pas besoin d'être planté, le reboisement des boisés de tremble que nous coupons se fait en l'espace de deux ans.

En ce qui concerne les quotas d'exportation, il me faut avouer mon ignorance des détails de la chose. Je ne sais pas trop où nous en sommes en ce qui concerne les quotas en matière de papier fini ou de produits de pâte à papier. Les quotas relatifs au bois d'oeuvre découlant des récents droits compensateurs n'ont pas eu d'incidence sur nos marchés ici en Saskatchewan.

Le président: Monsieur Chatters.

M. Chatters: Peut-être que l'on s'écarte un petit peu du sujet qui nous occupe ici, mais quelle est votre estimation du délai à prévoir pour une récolte - combien d'années faut-il attendre entre la plantation d'un arbre de semis et sa récolte? - et y a-t-il déjà eu, en Saskatchewan, exploitation d'une zone reboisée?

M. Smith: En ce qui concerne votre question sur le cycle de vie ou la rotation en Saskatchewan, cela varie selon l'essence, mais il faut compter en moyenne 80 ans.

Quant à savoir si l'on a exploité des zones régénérées, ma réponse est oui. Il y a des régions où la forêt s'est régénérée suite à la coupe, au début du siècle. L'une des grosses scieries du Commonwealth britannique était située à Big River, non loin d'ici.

M. Chatters: Mais ce ne sont pas des superficies qui ont été reboisées.

M. Smith: On ne les a pas replantées. C'était une régénération naturelle, survenue après la coupe.

Nos activités ici - nos activités liées à la pâte à papier qui ont commencé ici à Prince Albert - ont vu le jour en 1968, alors nous sommes encore loin d'être prêts à couper les premiers peuplements plantés.

M. Chatters: Vous ne connaissez donc aucune région qui a fait l'objet d'une coupe à blanc, qui a été reboisée et qui est maintenant prête à être exploitée.

M. Smith: Non. Nous avons, certes, certains peuplements qui sont bien avancés, mais il faudra attendre un minimum de 30 ans avant de les couper.

M. Chatters: Merci.

Le président: Monsieur Wood.

M. Wood: Merci, monsieur le président.

Monsieur Smith, j'aimerais que l'on parle un petit peu de produits à valeur ajoutée. Vous avez mentionné votre nouvelle activité qui va un peu dans ce sens. J'aimerais savoir dans quelle mesure vous avez réussi et quel travail de recherche-développement vous faites dans ce domaine. Utilisez-vous l'agence gouvernementale Forintek à Vancouver, à UBC? Intervenez-vous à ce niveau-là? Dans l'affirmative, j'aimerais savoir si vous êtes satisfait?

M. Smith: Nous faisons en effet appel à Forintek ainsi qu'à l'Institut canadien de génie forestier, ou ICGF, qui reçoit un important financement fédéral, tout comme Paprican, à Montréal. Notre société mère est américaine et elle possède une importante capacité de recherche à Tacoma, dans l'État de Washington. Nous bénéficions donc des travaux effectués là-bas comme de ceux faits dans les institutions canadiennes. Il se fait par ailleurs énormément de travail avec nos clients en bout de ligne.

Le gros du papier produit ici à Prince Albert porte l'étiquette Xerox. Nous vendons à Xerox; en fait, nous emballons le papier ici et nous y apposons l'étiquette Xerox. Si vous achetez une rame de papier Xerox, bien souvent ce sera du papier de l'entrepôt de Prince Albert. Nous avons travaillé pendant plus de cinq ans avec Xerox, en tant que client, avant de satisfaire ses critères en matière de qualité et d'uniformité et de pouvoir mettre son nom sur le papier.

M. Wood: Pourriez-vous me donner une idée du nombre d'emplois que vous avez créés au cours des cinq ou six dernières années avec votre production à valeur ajoutée? En avez-vous une idée?

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M. Smith: Environ 400 avec la coupeuse en feuilles et la machine à papier.

M. Wood: Tous les emplois ont été créés dans cette région?

M. Smith: Oui, dans la région de Prince Albert.

M. Wood: Pensez-vous que les pouvoirs publics devraient s'occuper davantage d'incitations à l'investissement directes ou peut-être indirectes dans les activités de transformation à valeur ajoutée?

M. Smith: Je ne pense pas, en ce qui concerne les incitations directes. Je pense qu'il y a peut-être des domaines où le terrain de jeu devrait être aplani pour faciliter la concurrence, et les routes et le transport seraient, je pense, des candidats tout indiqués pour ce genre d'aide.

M. Wood: Afin que l'infrastructure soit améliorée.

M. Smith: Oui.

M. Wood: Bien. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Serré.

M. Serré: Merci, monsieur le président.

Étant donné que votre société mère est américaine, avez-vous élaboré des politiques d'achat particulières visant à favoriser les compagnies locales, ou bien importez-vous des États-Unis le gros de ce qui est nécessaire à vos besoins?

M. Smith: Je n'ai pas le détail là-dessus, et je ne pense pas que cela figure dans la feuille de renseignements non plus. Je vois qu'il est question d'achats d'une valeur de 99 millions de dollars auprès d'importants fournisseurs saskatchewannais, dans le cadre de l'achat de biens et de services. Nous n'avons pas de politique écrite qui stipule que nous devons acheter à l'échelle locale, mais nous avons pour mot d'ordre d'acheter nos biens et services d'abord en Saskatchewan, deuxièmement au Canada et troisièmement ailleurs dans le monde, lorsque cela est possible.

M. Serré: Dans le même ordre d'idées, avez-vous élaboré des politiques de recrutement qui favoriseraient la formation de groupes particuliers, comme par exemple les femmes autochtones?

M. Smith: Non, nous n'avons pas de politiques précises en matière de formation, mais nous avons des pratiques et des politiques de recrutement orientées, et je viens tout juste de recevoir de la Commission des droits de la personne les approbations nécessaires à la diffusion d'annonces précisant que les candidats membres de minorités seront privilégiés dans notre processus de recrutement pour des postes permanents. Cela est assez récent.

Nous avons un programme de bourses universitaires visant les étudiants spécialisés dans un domaine lié aux ressources dans notre zone géographique, ce en vue de les aider à poursuivre leurs études, et nous avons un programme connexe de stages d'été pour les récipiendaires de bourses. Nous accordons par ailleurs le gros de notre financement de soutien - et je ne parle pas ici de la formation - aux communautés situées à l'intérieur ou à proximité des zones forestières que nous exploitons.

M. Serré: Avez-vous du mal à trouver dans les environs immédiats la main-d'oeuvre qualifiée dont vous avez besoin? Dans l'affirmative, vous occupez-vous de recyclage direct en fonction de vos besoins?

M. Smith: Nous ne nous occupons pas de formation industrielle directe. Nous avons quelques difficultés avec les contractuels côté compétences - parfois compétences en matière de gestion et d'entretien de matériel - nécessaires à ces entrepreneurs pour qu'ils réussissent dans leur domaine.

Nous créons des possibilités dans le secteur, mais il y a cette perception qui veut que tant et aussi longtemps qu'une personne possède du matériel et une tronçonneuse, elle réussira comme homme d'affaires. Dans la société d'aujourd'hui, dans laquelle les gens doivent satisfaire tous les critères en matière d'assurance-chômage, de Régime de pensions du Canada, d'assurance- invalidité et de normes de travail, et mener leurs activités conformément à ces critères, nous trouvons que la formation en affaires de ces entrepreneurs est insuffisante.

M. Serré: Que recommanderiez-vous pour corriger ces lacunes?

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M. Smith: Je pense qu'il faudrait une bien meilleure coordination de la formation. À l'heure actuelle, il semble qu'il y ait toute une gamme de possibilités de formation, de financement et d'orientation au niveau provincial par l'intermédiaire des ministères des Affaires indiennes et du Nord.

Je pourrais vous nommer trois ou quatre différents ministères fédéraux et provinciaux qui seraient ravis de parrainer un programme pour ceci ou cela, mais il me semble que cela s'inscrit dans une approche ponctuelle. Il n'y a pas de véritable coordination.

M. Serré: Vous recommanderiez donc une approche plus ciblée et mieux coordonnée.

M. Smith: Tout à fait.

M. Serré: Merci.

Mme Cowling: J'aimerais enchaîner sur ce qui vient d'être dit relativement à la formation. Offrez-vous une formation sur le tas?

M. Smith: Nous offrons une formation sur le tas aux personnes qui sont directement employées par la compagnie. Nous n'en offrons pas aux entrepreneurs qui font du travail pour nous.

Mme Cowling: Vous avez mentionné tout à l'heure que nous avons un couloir est-ouest mais qu'il nous manque un couloir Nord-Sud. Où dans le Nord se trouverait ce corridor? Par où est-ce que vous...?

M. Smith: Je voulais parler d'un corridor pour les produits finis. Ce dont nous parlons, c'est d'un couloir reliant Prince Albert à Saskatoon, à Regina et à d'autres points situés au Sud. J'ignore si vous êtes venus ici par avion ou en véhicule automobile, mais nous n'avons pas de route à chaussée séparée entre ici et Saskatoon. La route n'est pas mauvaise entre Saskatoon et Regina. Et il y a quelques routes secondaires et tertiaires qui passent au sud de la Transcanadienne et qui rejoignent les États- Unis, mais il n'y en a pas qui puisse être empruntée en toute sécurité par des gros camions, aux vitesses qui s'imposent pour être compétitif dans le secteur du camionnage. Les camions se rendent donc à Lethbridge ou à Winnipeg pour ensuite descendre vers le Sud.

Mme Cowling: Si vous cherchiez des marchés d'exportation à partir du Nord, où iriez-vous dans le Nord pour expédier votre produit?

M. Smith: Nous n'expédierions pas vers le Nord. Tout notre produit irait vers le Sud.

Mme Cowling: D'accord.

M. Smith: Ce que je dis, c'est qu'il faudrait une autoroute Nord-Sud, avec Prince Albert à l'extrémité nord.

Mme Cowling: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Smith, j'aimerais enchaîner rapidement sur une question qui a été soulevée parM. Wood et qui a trait à l'entité à valeur ajoutée qui existe ici dans le nord de la Saskatchewan. J'aimerais plus particulièrement examiner le rôle qu'y joue le gouvernement. Si j'ai bien compris, la société est née d'un partenariat entre le gouvernement et le secteur privé, pour ensuite devenir une entité gouvernementale pour, enfin, vous être cédée. Le gouvernement a donc joué un rôle important dans le développement de cette institution.

En 1986, lorsque votre compagnie l'a achetée, si je comprends bien ce document, vous vous êtes engagé en tant que compagnie à consentir un investissement considérable.

M. Smith: Oui.

Le président: La transaction prévoyait-elle entre autres que vous recevriez les avoirs existants à un prix inférieur au prix du marché pour vous récompenser de votre volonté de faire l'investissement?

M. Smith: Je ne faisais pas partie de l'équipe de négociation, mais je ne pense pas qu'il y ait jamais eu d'intention... Je suis certain que les personnes qui y ont participé diraient catégoriquement que nous n'avons pas acheté la scierie au plein prix du marché. Nous avons acheté la scierie à une époque où le marché était faible, à la fin d'une assez longue crise, et à un moment où la plupart des entreprises en activité au Canada avaient beaucoup d'encre rouge sur leurs livres.

Même s'il y a peut-être eu une certaine négociation avec les vendeurs de la scierie, le gouvernement de la Saskatchewan, relativement aux conditions et aux arrangements financiers... la période sur laquelle le gouvernement a été payé pour la scierie.

Le président: En vérité, le gouvernement a financé la transaction et est devenu l'agent de financement.

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M. Smith: Oui, il est devenu la banque ou le détenteur de l'hypothèque. Il a été remboursé en 1989.

Le président: Le gouvernement a donc joué un rôle important et compte pour beaucoup dans l'existence aujourd'hui dans le monde d'une entité de production à valeur ajoutée appartenant à des intérêts privés.

M. Smith: Oui.

Le président: L'une des choses que nous nous sommes efforcés d'examiner tout au long de la journée est le rôle du gouvernement pour favoriser ce genre d'activité à valeur ajoutée. J'essaie de bien cerner le fait que le gouvernement a joué un rôle dans l'établissement de votre compagnie ici.

M. Smith: Il est certainement juste de dire qu'il y a joué un rôle. Quant à savoir si nous aurions fait la même chose s'il n'avait pas été là...

Le président: C'était ma question suivante.

M. Smith: ...je n'ai pas hâte de répondre à cette question.

Le président: Très bien.

Enfin, hier, nous avons discuté avec des représentants de plusieurs sociétés privées qui nous ont décrit des partenariats relativement complexes qu'ils ont avec les localités dans lesquelles ils fonctionnent, et qui visent la formation, le développement rural et le développement économique. Votre société entretient-elle des relations très étroites du genre avec la collectivité et d'autres organisations?

M. Smith: Il me faudrait répondre que non. Nous sommes en train d'examiner certaines relations d'affaires, certains partenariats avec des entreprises communautaires ou certains entrepreneurs oeuvrant dans des domaines bien précis. De nos jours, les gens dans les localités du Nord s'attendent beaucoup à ce que les profits qui reviennent à une société privée comme la nôtre retournent dans la collectivité et soient partagés avec elle. Certains disent même qu'il faudrait qu'il y ait versement par la société de royalties communautaires ou autre chose du genre.

D'autres disent que tant et aussi longtemps que le secteur des ressources crée des emplois dans la localité, cela suffit. Nous avons trois ou quatre localités... Sept de nos 25 entrepreneurs en exploitation forestière appartiennent à la collectivité ou aux premières nations, et(ou) nous les avons aidés financièrement à se lancer en affaires ou avons supprimé certains obstacles pour leur faciliter la tâche.

Je fais attention à ce que je dis ici car certaines des entreprises d'exploitation forestière qui existent depuis plus longtemps n'ont pas bénéficié du genre d'aide que nous offrons maintenant aux nouveaux entrants, et ces derniers sont aujourd'hui en train de les concurrencer. Par conséquent, en même temps que nous essayons d'encourager la création d'entreprises dans la communauté, cela nuit parfois à certains fournisseurs de longue date, des entreprises familiales de deuxième ou troisième génération, qui nous demandent pourquoi nous faisons cela. Elles disent que bien qu'il soit formidable de créer des emplois à l'échelle locale, on est en train de leur enlever le pain de la bouche.

Le président: S'il est question pour vous de planifier une expansion ou une modification dans vos activités, jugeriez-vous opportun pour votre compagnie de discuter avec des sous-traitants locaux potentiels à l'avance afin de leur donner, ou de donner à la collectivité dans son ensemble, la possibilité de fixer leurs plans en fonction de votre expansion?

M. Smith: Oui.

Le président: Vous envisageriez donc ce genre de partenariat. Si j'ai bien compris, votre entreprise est rentable.

M. Smith: Oui.

Le président: En conclusion, j'aimerais dire que l'un de nos défis, non pas en tant que comité, mais en tant que société canadienne, est de reproduire votre réussite en tant qu'entreprise qui a monté des activités à valeur ajoutée dans des régions rurales isolées du pays, réalise des profits, crée des emplois et engendre quantité de retombées. Je vous suis reconnaissant d'avoir pris le temps de venir témoigner devant le comité. Merci encore de votre patience.

M. Smith: Merci beaucoup.

M. Chatters: Monsieur le président, puis-je ajouter une petite chose qui découle de vos questions?

Vous avez mentionné ce désir de voir verser des royalties communautaires, et ce n'est pas la première fois que l'on entend parler de cette idée. Qu'en pensez-vous?

M. Smith: Je n'aime pas cela. J'ai fait des études en foresterie au Nouveau-Brunswick et le message qu'on m'a donné est que ces ressources naturelles appartiennent à tout le monde et pas juste à une région. Dans certaines parties de la province, les forêts font partie des richesses provinciales, et elles sont administrées par divers services, organismes et ministères pour bénéficier à la population dans son ensemble.

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Je pense que ces localités ont le droit de dire qu'elles aimeraient que certains des avantages qui sont retirés des forêts retournent dans les localités. Mais lorsqu'on commence à parler de royalties... je pense que c'est en faisant comme nous faisons que l'on redistribuera l'ensemble des richesses de la province de façon à venir en aide aux régions qui en ont le plus besoin.

M. Chatters: Vous-même et votre entreprise n'appuieriez donc pas le concept d'un troisième ordre de gouvernement qui aurait des droits de propriétaire inhérents en ce qui concerne les ressources de la région.

M. Smith: Je vais louvoyer un peu. Nous sommes en train de nous frayer un chemin avec de nouvelles relations avec les premières nations. Nous reconnaissons très certainement aux premières nations un statut qui est différent de celui d'intervenants ou d'utilisateurs de ressources en ce qui concerne non seulement leurs terres de réserve, mais également les terres traditionnelles les entourant, et que la province appelle terres de la Couronne. Nous ne savons cependant pas encore très bien à quoi correspond ce statut. Nous aimerions que les premières nations bénéficient de nos activités, tout comme en bénéficient les communautés dans les environs.

À certains égards, l'accent est aujourd'hui davantage mis sur les avantages communautaires dans leur ensemble plutôt que sur des distinctions membres des premières nations versus Métis versus non- Autochtones. Tant et aussi longtemps que la communauté en bénéficie, il importe moins que la communauté soit une communauté des premières nations ou une communauté ukrainienne.

M. Chatters: J'ai un peu de mal à cerner la différence que vous voyez entre avantages communautaires et royalties communautaires. Il semble que vous soyez en train de payer, que vous le croyiez ou non.

M. Smith: Il y a l'avantage qui prend la forme d'emplois et autres, tandis que les royalties...

M. Chatters: Les royalties seraient l'avantage.

M. Smith: Oui.

M. Chatters: Très bien. Merci.

M. Smith: Mais pour certaines personnes de l'autre côté, pour ce qui est des frais de cogestion, on ne cesse de s'esquiver.

M. Chatters: Oui, je comprends. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Smith.

J'aimerais maintenant passer au témoin suivant. Il s'agit de Noreen Johns, de la Saskatchewan Women's Agricultural Network.

Bienvenue. Nous vous sommes reconnaissants d'être venue. Si vous le voulez bien, vous pouvez faire votre déclaration liminaire, après quoi les membres du comité vous poseront quelques questions. Allez-y, je vous prie.

Mme Noreen Johns (directrice exécutive, Saskatchewan Women's Agricultural Network): Merci.

J'aimerais tout d'abord remercier le comité d'être venu en Saskatchewan. Cela me fait toujours plaisir lorsque des gens d'Ottawa viennent faire un tour dans notre belle province. Je vous remercie également de nous recevoir.

Étant donné le court délai et le nombre de personnes qui travaillent toujours dans les champs ou qui essaient d'y travailler, nous avons été quelque peu bousculés. Chacun de vous a une copie de notre mémoire. Nous allons le lire, en sautant quelques passages de-ci de-là.

J'aimerais commencer par vous expliquer un petit peu ce que nous sommes. SWAN, le Saskatchewan Women's Agricultural Network, regroupe des agricultrices de partout dans la province. L'organisme a été fondé en 1985 en tant que groupe de soutien et d'éducation. Nous faisons la promotion du développement personnel et organisationnel des agricultrices au moyen de conférences, d'ateliers, d'un bulletin de nouvelles trimestriel et d'initiatives d'encouragement personnel.

Fortes de toutes ces ressources, d'une banque de compétences informelles, d'un grand nombre de femmes formidables et de nos relations de réseau avec d'autres organisations agricoles et de femmes ainsi qu'avec des organismes et des pouvoirs publics, nous sommes allées au-delà de nos aspirations originales visant le soutien et l'éducation, pour être aujourd'hui une voix crédible pour les agricultrices.

Il me faudrait tout d'abord vous dire pour qui est mon parti pris: il est pour l'agriculture. Je vous exhorte en tout premier lieu à reconnaître la nécessité de solides fondations agricoles dans nos localités rurales. L'agriculture contribue 10,5 p. 100 du PIB de notre province. Lorsqu'on tient compte de l'effet en cascade des biens et des services achetés et des retombées à valeur ajoutée ainsi que des salaires qui sont destinés à nos localités, la contribution au PIB passe à 19 p. 100.

Nous pensons que la clé d'une communauté et d'une économie rurales en plein essor c'est une saine agriculture orientée sur la famille et regroupant plus et non pas moins de gens.

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Les tendances que nous avons créées par le passé ont visé des fermes de plus en plus grosses avec des familles de moins en moins nombreuses. Peut-on stopper cette tendance? Peut-on encourager nos jeunes familles à s'adonner à l'agriculture et à vivre dans les régions rurales de la Saskatchewan? Pour ce faire, il faut qu'il y ait une stabilité et une certitude économiques, des programmes de sécurité du revenu agricole adéquats ainsi que des régimes d'assurance-récoltes.

Pendant le trajet pour venir aujourd'hui, j'ai écouté un de nos économistes qui disait que la Saskatchewan est dans le trou de 1 milliard de dollars par rapport à nos attentes pour la récolte de cette année. Étant donné la baisse des prix des cultures et le fait qu'il reste encore beaucoup de marchandises dans les champs, 1 milliard de dollars, c'est beaucoup pour notre secteur.

Il nous faut des revenus agricoles nets adéquats. Il nous faut examiner l'accès aux crédits et aux transferts de terres agricoles ainsi que le contrôle des prix des intrants. Il nous faut un accès à des renseignements ainsi qu'au transfert technologique. Il nous faut des organismes de commercialisation stables ainsi que des initiatives de développement de marchés. SWAN est un fervent défenseur de la Commission canadienne du blé. Il nous faut une infrastructure rurale pour encourager les gens: services, transports et communications.

Dans de nombreux cas, tout le battage entourant la transformation à valeur ajoutée m'inquiète. L'expression elle-même «valeur ajoutée» laisse entendre que le produit brut d'origine est sans valeur. Lorsque l'un des buts du transformateur à valeur ajoutée est d'obtenir des produits bruts bon marché, il est en train de bâtir sur un terrain très mouvant.

J'exhorte les gouvernements à appuyer des initiatives d'origine locale en vertu desquelles la collectivité bénéficie et des profits réalisés et des emplois créés.

Dans de nombreux cas, le soutien gouvernemental peut très bien se limiter à des études de faisabilité, en vue de favoriser un développement d'ensemble planifié par la province, ou à des données sur le marché, sur les sources de capitaux, ou à une intervention en vue de surveiller ou d'encadrer le démarrage d'une initiative de développement à valeur ajoutée.

La plus importante ressource naturelle de notre province ce sont nos ressources humaines. Il importe d'appuyer et de rehausser le développement professionnel et personnel de notre population agricole.

L'agriculture est l'activité la plus dangereuse qui soit. Il y a lieu de s'attarder sur la conception des machines, l'application de pesticides, les niveaux de stress et les attentes en matière de charge de travail. Le gouvernement pourrait intervenir du côté de la réglementation et des licences, appuyer notre ligne téléphonique pour la lutte contre le stress dans les familles agricoles, offrir des services financiers et de soins de santé mentale et élaborer des programmes et des initiatives en matière de sécurité agricole. Le groupe SWAN s'intéresse également de très près à la santé des femmes rurales, aux soins à donner aux enfants ruraux et à la prévention de la violence familiale en milieu rural.

L'une des grosses tragédies humaines dans l'agriculture d'aujourd'hui est l'importance du travail à l'extérieur de la ferme. Un agriculteur qui exploite sa ferme nourrit 90 familles, mais il doit travailler à l'extérieur de son exploitation pour nourrir la sienne. Songez à tous les emplois qu'a déjà l'agriculteur: gestionnaire, ouvrier, comptable, agent de commercialisation et mécanicien. La société demande-t-elle à une autre catégorie d'actifs d'être des super-êtres humains et de prendre des emplois à côté de leur emploi principal? Je peux vous dire que le stress se fait sentir chez nous au niveau de nos relations familiales et de notre travail bénévole, qui est si important pour nos localités rurales.

Passons maintenant à la partie portant sur l'éducation et la formation. Les statistiques montrent que le niveau d'éducation des exploitants agricoles est inférieur à celui de l'ensemble de la population active. Cela m'inquiéterait énormément si je ne savais pas les merveilleuses connaissances et compétences qui sont acquises sur le tas, à l'école de la vie d'agriculteur.

Mais examinons le soutien requis pour l'éducation et la formation professionnelles rurales. C'est l'accès qui est la clé. Les possibilités éducatives pour les ruraux doivent tenir compte des réalités rurales. Pour de nombreux membres de famille rurale, les distances à parcourir, les charges de travail saisonnières et quotidiennes, l'insuffisance de services de garderie et de soutien financier pour la formation, entravent leur participation. Les pratiques actuelles n'aident pas les agricultrices à réintégrer le marché du travail ou à progresser dans leur carrière, et le propre des agriculteurs, qui est de posséder beaucoup d'avoirs mais de ne pas disposer de beaucoup d'argent liquide, a souvent empêché les agricultrices d'accéder à la formation.

Permettez-moi de vous dire maintenant quelques mots au sujet du système d'éducation pour adultes, qui est le plus important dans les régions rurales de la Saskatchewan, soit notre système de huit collèges régionaux. Il ne s'agit pas de tours d'ivoire, ni même de bâtiments. Les gens suivent des cours à distance. Ces collèges offrent des cours à crédits et des cours sans crédit, mettant l'accent sur la formation nécessaire aux communautés rurales en communauté rurale. Ils vont peut-être offrir aux régions rurales de la Saskatchewan ce qu'ont déjà les régions urbaines de la province.

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Voici les domaines pour lesquels il existe une demande en matière de formation: conduite de camion, et ce serait grave de l'oublier, car la demande pour ces cours est incroyable; informatique et utilisation de l'Internet; entrepreneurship, programmes de rattrapage pour aider les femmes à réintégrer le marché du travail et aider nos enfants à faire la transition de l'école aux programmes de formation, puis au marché du travail; planification financière agricole; cours techniques; formation en prévision d'emplois à l'extérieur de la ferme; et, bien sûr, programmes pour les personnes âgées.

Par suite des récentes coupures fédérales du côté de l'éducation et des changements apportés aux programmes d'assurance- chômage et de formation, ces collèges régionaux ruraux subiront au cours des trois prochaines années une réduction de 25 p. 100 du soutien obtenu.

Notre ministre provincial de l'Éducation a récemment publié un document de discussion intitulé «Choices for a Saskatchewan Training Strategy» (choix pour une stratégie de formation pour la Saskatchewan). Ce document esquisse une nouvelle vision ainsi que des principes et des stratégies pour une livraison davantage régionale et axée sur la communauté, faisant intervenir différents partenaires, pour les programmes d'éducation et de services de carrière. Même si cette approche intégrée va amener certains gains d'efficience, le retrait par le gouvernement fédéral d'aide à l'éducation va carrément à l'encontre des plans de renouveau économique pour les régions rurales de la Saskatchewan.

L'accès à de l'information à jour est tout aussi important. Comme vous le savez, des progrès importants ont été faits grâce à l'Internet, mais celui-ci n'est pas encore prêt à remplacer le mot écrit, nos journaux communautaires ou nos émissions-débats de l'heure du midi de CBC. La formation, le coût pour les résidents des régions rurales et le contrôle du contenu sont autant de questions qu'il faut examiner ici.

Le déclin des infrastructures est un grave problème lorsqu'il s'agit d'attirer des activités de développement économique en région rurale. Nos routes, qui se détériorent, et nos écoles et services de soins de santé, qui sont en train d'être consolidés, bien que relevant de la province, se ressentent néanmoins des coupures fédérales. Sans ces services, il sera difficile d'attirer des employés en région rurale et de les garder. La qualité de vie est liée au développement économique.

Les auteurs des politiques gouvernementales doivent reconnaître la nécessité de dépenser plus par tête d'habitant en région rurale et doivent évaluer l'incidence des politiques pour les exploitations agricoles, sur les plans humain et économique. Je donne quelques exemples dans notre document.

Chaque province est dotée d'un réseau ou d'une organisation d'agricultrices semblable à SWAN. Nous nous acharnons tous pour obtenir la reconnaissance des contributions faites par les femmes à l'agriculture et pour promouvoir la participation qu'elles méritent dans le processus de prise de décisions pour notre secteur.

Cela nous consterne de constater les récents développements relativement au Bureau des agricultrices d'Agriculture et Agro- alimentaire Canada et la suppression de l'aide sociale consentie en vertu du Programme d'aide à l'avancement des agricultrices. Nous bénéficiions autrefois d'un certain soutien qui nous aidait à participer à des programmes de leadership et à des consultations comme celle-ci. Cela n'est plus.

Je vais conclure en répétant votre constat que les Canadiens urbains doivent reconnaître que l'activité économique en région rurale contribue à la santé économique d'ensemble du Canada urbain et que le moteur de l'économie rurale continue d'être le secteur des ressources naturelles.

Ma dernière suggestion serait que l'on éduque les consommateurs sur ce qui est vrai et ce qui est faux relativement à la nutrition, à la salubrité des aliments, aux méthodes agricoles, au soutien agricole et à la contribution de l'agriculture à leur bien-être et à la bonne affaire qu'est le panier à provisions canadien.

Dans nombre des domaines que j'ai mentionnés, il y aurait lieu d'avoir une approche intégrée, englobant tous les paliers de gouvernement... le gouvernement fédéral ne devrait pas se décharger de ses responsabilités, mais plutôt entreprendre une définition des rôles et un partage des coûts.

J'ai joint quelques petites choses intéressantes à notre mémoire: un profil statistique des agricultrices saskatchewannaises, pour vous aider à mieux comprendre notre rôle dans l'économie agricole de la Saskatchewan, ainsi qu'un article de journal qui parle de l'esprit communautaire rural et du rôle que devrait jouer le gouvernement pour l'appuyer.

Je vous remercie de votre attention et suis disposée à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Chatters.

M. Chatters: Votre présentation a été très intéressante, et je l'ai très bien sentie. Mon épouse et moi-même sommes dans l'agriculture depuis 30 ans. Je suis de ces agriculteurs qui ont passé le gros de leur temps à chercher des emplois extra-agricoles pour investir dans la ferme, pendant que leur femme restait à la maison et s'occupait de l'exploitation. Je suis donc de votre avis sur bien des choses.

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J'ai un petit peu de mal à voir s'il y a à l'horizon des solutions à ces problèmes, étant donné tout ce qu'il y a comme difficultés dans le secteur agricole. Il me semble qu'au fil des ans, pendant que mon grand-père était agriculteur, pendant que mon père l'était et depuis que moi je le suis, l'objectif d'une part importante des politiques du gouvernement a été de maintenir la pauvreté sur les fermes, là où elle avait sa place. Je ne suis pas convaincu que cela ait beaucoup changé.

Peut-être que, comme vous l'avez dit, la clé est d'éduquer le consommateur, de le sensibiliser aux bonnes affaires qu'il fait avec son panier à provisions. Peut-être qu'au lieu de sans cesse diminuer la part que reçoit l'agriculteur pour ces produits à valeur ajoutée qui se trouvent dans le supermarché, il faudrait tenter de l'augmenter.

Du point de vue développement économique, il est, certes, très difficile pour un gouvernement qui s'appuie sur l'argent des contribuables de revitaliser les petites localités rurales et les petites exploitations familiales. Il semble inévitable que l'on tende vers de plus grosses exploitations et vers la disparition des petites fermes familiales comme la mienne. J'ignore comment l'on pourrait stopper cela. Je serais intéressé d'entendre vos idées là- dessus.

Mme Johns: C'est certainement la tendance. Je sais que du travail a été fait sur le coût des intrants dans le secteur agricole. Cependant, d'après ce que je vois, l'agriculture saskatchewannaise n'a pas été emportée dans la remontée qui a été entamée. Dès qu'il a été question que les prix montent, les coûts des intrants ont augmenté. Selon nous, il n'y avait aucune raison à cela, et tout ce que cela a fait dans bien des cas c'était de saper nos possibilités de nous remettre d'aplomb.

Peut-être que nous devrions nous pencher sur tous les coûts d'intrants - par exemple, le prix de l'essence. Lorsque nous nous sommes lancés dans l'agriculture en 1975, notre note totale pour l'année ne dépassait pas ce que nous payons aujourd'hui pour une seule livraison. Le gouvernement a sa part de responsabilité là- dedans, étant donné les taxes qu'il perçoit.

Dans tout ce travail d'échange de renseignements, d'éducation, visant à aider les agriculteurs à s'améliorer... nous apprécions tout cela, mais en même temps, vu la façon dont tout cela se passe, on a l'impression que nous sommes tous de mauvais gestionnaires.

Nous ne sommes pas tous de mauvais gestionnaires. Je regrette, mais les deux derniers mois de mauvais temps qu'on a connus n'ont rien du tout à voir avec mes aptitudes en tant que gestionnaire. Dans notre secteur d'activité, bien souvent, on n'a aucun contrôle sur ce que l'on peut et ce que l'on ne peut pas faire. Le temps qu'il fait échappe à notre contrôle.

Nous encourageons vivement M. Goodale à prendre fermement position en faveur de la protection des institutions, tout particulièrement la Commission canadienne du blé, et à nous assurer une certaine stabilité au sein de notre industrie et au sein de nos organismes de commercialisation.

J'aimerais maintenant dire quelques mots au sujet de la transformation à valeur ajoutée dans le contexte de ce que nous, agriculteurs, obtenons en échange de notre produit.

Nous avions une toute nouvelle usine de broyage du canola à Clavet, qui se trouve tout près de là où j'habite. L'usine avait été montée par Cargill, mais elle a fermé depuis. Quel genre de planification a précédé l'implantation de cette usine? Ils disent qu'il n'y a pas assez de produit à traiter. Ils disent que la marge n'est pas suffisante. Ils ont cassé les prix de mon canola. Que cette grosse société vienne ici et soit perçue comme le sauveur de nos récoltes destinées à la vente... ce n'est pas ce qui arrive. Cela n'arrive pas parce qu'ils contrôlent les prix et ce qui se passe de ce côté-là.

Nous n'exerçons aucun contrôle là-dessus, sauf que mon canola a chuté de 1 $ depuis un mois du simple fait que la société ait décidé qu'elle n'avait pas la marge qu'elle voulait.

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M. Chatters: L'on pourrait dire la même chose de l'industrie naissante de l'éthanol, dont nous avons beaucoup entendu parler récemment. L'existence même de cette industrie dépend d'une source bon marché de matière brute. Je pense qu'on en vante trop le mérite auprès du secteur agricole, pour obtenir de lui qu'il produise la matière brute requise. L'industrie repose sur un certain niveau d'approvisionnement en matière brute. Or, le prix du produit brut n'est pas payant pour les producteurs. Cela devrait être mieux compris par ces derniers.

Merci, monsieur le président.

Le président: Vous vous êtes exprimé en bon spécialiste du secteur pétrolier.

M. Chatters: Et du secteur agricole, aussi.

Le président: Madame Cowling.

Mme Cowling: Merci, Noreen, de votre présentation.

J'aimerais que l'on discute de l'éducation. Le comité a entendu des témoins de partout au pays. À quoi aimeriez-vous que nous accordions la priorité lorsque nous quitterons Prince Albert aujourd'hui? Quel est le premier élément que vous aimeriez nous voir retirer de votre présentation et intégrer à nos recommandations?

Mme Johns: Vous avez mentionné l'éducation, et j'aimerais vous en parler dans un instant.

Mais pour ce qui est de mes priorités, ce serait, tout d'abord, d'essayer de garantir un juste prix pour notre produit. Les transformateurs à valeur ajoutée des Prairies ne peuvent pas ignorer que la Saskatchewan est une province exportatrice et qu'elle le sera toujours.

La suppression du tarif du Pas du Nid-de-Corbeau, et tout ce qui s'ensuit, a une forte incidence sur mon revenu net. Ce devait être une bonne chose pour nous, et toutes sortes d'activités à valeur ajoutée allaient venir nous tirer d'affaire, mais, bien franchement, ce n'est pas ce qui s'est passé. C'est bien dommage, mais avec ce qui s'est passé avec le tarif du Pas du Nid-de- Corbeau... l'industrie que nous avons établie a été une industrie de camionnage, et celle-ci a détruit nos routes. Aujourd'hui, il faut augmenter les impôts pour construire cette infrastructure.

Si le grain avait continué d'être transporté par voie ferrée, ce qui était le mode le mieux indiqué et le moins coûteux, au lieu qu'il y ait cette tendance vers la consolidation des élévateurs avec des routes qui ne sont pas en mesure d'accueillir un tel trafic de camions... Si vous aviez pu écouter la radio ici en Saskatchewan au cours des deux derniers mois, vous auriez appris que presque chaque fin de semaine il y a eu un décès sur les routes dans des accidents impliquant des routiers.

Ce n'est pas la faute aux camionneurs; tout simplement, il y a de plus en plus de camions sur les routes et les gens qui conduisent n'ont tout simplement pas l'habitude de partager la route avec un si grand nombre de camions. Toute la question se résume pour moi aux prix et au soutien accordés aux agriculteurs.

Côté éducation, notre groupe est un fervent défenseur de l'éducation rurale dans la communauté, pour la communauté, par la communauté, et fondé sur une évaluation des besoins effectuée dans la communauté.

Personnellement, je ne crois pas dans l'éducation parachutée. Je ne veux pas qu'une personne de Regina qui ne connaît pas du tout le milieu rural vienne me faire un cours. Ne transplantez pas quelque chose de Regina à Zelma pour moi, car c'est un tout autre état d'esprit. Il nous faut veiller à ce que les programmes qui nous sont proposés viennent appuyer les institutions qui resteront dans nos communautés. Nous avons vécu des programmes de formation qui nous ont été parachutés, et ils ne sont plus là.

Peut-être que vous pourrez faire cette même formation par l'intermédiaire de notre réseau de collèges régionaux. Nous avons là des arrangements très particuliers, tout à fait uniques. Ces gens-là restent. Ils assurent un réseau de soutien permanent pour nos services d'éducation.

Or, on a par exemple vu beaucoup d'argent prévu pour de la formation en gestion agricole englouti dans des services de consultation privés parachutés dans les régions rurales de la Saskatchewan, pour ensuite disparaître. Si davantage de soutien était assuré aux institutions qui existent au sein de nos communautés et qui reposent sur elles, avec des comités consultatifs émanant eux aussi de la communauté, alors ces investissements rapporteraient beaucoup plus. Il y aurait un soutien permanent pour les personnes que nous formons.

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M. Wood: Puis-je interrompre? Cela rejoint ce que disaient Marlene et Noreen.

J'aurais une très petite question à vous poser, madame Johns. Votre organisation a-t-elle déjà songé à élaborer un programme comme celui dont vous parliez, qui ne serait pas l'affaire d'un gros centre... vous pourriez peut-être lancer une campagne et monter un petit centre qui fournirait tout aux collèges communautaires? Votre organisation s'occupe-t-elle de ce genre de choses?

Mme Johns: Non. Notre organisation ne s'est pas occupée d'élaboration de programmes, mais nous avons travaillé étroitement...

M. Wood: Envisagerait-elle la chose? Y songerait-elle?

Mme Johns: Je ne suis pas convaincue que nous ayons...

M. Wood: Cela déborderait-il de votre mandat?

Mme Johns: Cela ne déborderait pas de notre mandat, mais je ne suis pas convaincue que nous ayons les compétences ou le temps qu'il faudrait. Si je suis venue seule ici aujourd'hui, c'est que tous les membres de notre conseil d'administration, sans exception, sont soit à une réunion du conseil des soins de santé soit en train de travailler à l'extérieur.

M. Wood: J'écoutais ce que vous disiez tout à l'heure au sujet de la façon dont l'agriculteur et toute sa famille s'occupent de tout. Je suis certain que vous-même et votre époux avez différents rôles à jouer au sein de l'entreprise familiale. Je me demande tout simplement si vous avez raison en ce qui concerne le facteur temps... vous n'avez sans doute pas le temps de le faire.

Mme Johns: Oui. Je pense que nous travaillons très...

M. Wood: Si personne n'a le temps de le faire, comment cela va-t-il être fait? Comment allons-nous mettre en place certains des programmes que vous et votre organisation avez proposés?

Mme Johns: Pour certains des programmes que nous avons montés et qui ont été refusés... en tant que campagnards nous avons oeuvré au sein de comités consultatifs avec nos établissements d'enseignement en vue de leur élaboration. Nous avons travaillé avec le Wascana Institute, qui élabore nos programmes de formation agricole ici pour eux et les fait venir. Nous n'allons pas à Regina pour suivre leurs cours techniques ou leurs cours d'informatique, ou leurs cours de comptabilité informatisée ou de gestion agricole. Ils viennent en région rurale, et nous avons travaillé avec eux à l'établissement et à l'amélioration de ces programmes.

M. Wood: Comment cela fonctionne-t-il? Cela fonctionne-t-il correctement?

Mme Johns: Oui. Le gros problème ici, je pense, encore une fois, est celui du facteur temps. Il leur faut un nombre critique de personnes - huit à 12, selon le cours - pour que le cours puisse être donné. Étant donné qu'on est en région rurale et qu'il s'agit de personnes qui travaillent sur la ferme et à l'extérieur de la ferme, il est très difficile de trouver une heure sur laquelle huit ou 12 personnes peuvent s'entendre pour venir suivre un cours.

Nous avons par ailleurs élaboré un excellent programme d'entrepreneurship à notre collège régional Carlton Trail, qui a été mis à l'essai dans une de nos localités et qui a donné de très bons résultats. Comme je le disais, nous avons fait venir certains experts, mais il y a également des gens locaux qui ont fait partie du programme de formation. Certains des experts sont peut-être repartis chez eux, mais une fois le programme terminé, nous avions toujours notre bureau de collège régional. Les gens pouvaient donc revenir s'ils avaient oublié telle ou telle chose ou avaient besoin d'un peu d'aide supplémentaire pour la comptabilité ou l'informatique. Nous avons pu être là pour les appuyer lorsqu'ils ont lancé leurs nouvelles entreprises. Pour nous, ce soutien local est très important.

M. Wood: Je sais que dans ma région le ministère du Développement des Ressources humaines a parrainé certains de ces programmes. Est-ce la même chose ici?

Mme Johns: Oui, tout à fait.

M. Wood: Bien.

Mme Johns: Une chose que j'ai remarquée et qui me désole est qu'il y a un programme urbain qu'ils essaient de parachuter ici dans les régions rurales de la Saskatchewan. Ils ne le font pas directement par l'intermédiaire des collèges régionaux; ils font faire le travail par un consultant privé. Je pense que ce lien est important.

M. Wood: Cela décourage les gens.

Mme Johns: Cela me décourage, moi.

M. Wood: Je peux comprendre cela.

Le président: Merci, Bob.

J'ai une petite question à vous poser avant qu'on ne vous laisse partir. J'ai peut-être mal compris ou mal interprété ce que vous disiez. Ai-je bien compris que vous n'êtes pas très enthousiasmée par la perspective d'activités à valeur ajoutée ou que vous ne croyez pas que ce soit faisable?

Mme Johns: Bien franchement, je pense qu'il nous faut des activités à valeur ajoutée. Il nous faut une solide base agricole pour cela. Il nous faut un bassin d'agriculteurs critique. Il nous faut construire pour nos localités certains types d'entreprises, les entreprises à activités à valeur ajoutée étant une catégorie importante dans la province.

Mon problème en ce qui concerne la valeur ajoutée est que... Une question a été soulevée de ce côté-là au sujet des matières brutes bon marché... si c'est là l'attente qui sous-tend les activités à valeur ajoutée, alors nous faisons les choses à l'envers. Je pense que les transformateurs à valeur ajoutée doivent être en mesure de payer un prix suffisant pour les produits bruts, de façon à garantir un approvisionnement. Autrement, autant m'approvisionner à l'étranger au lieu d'encourager les activités à valeur ajoutée dans les Prairies.

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Je ne pense pas que la transformation à valeur ajoutée doive se faire sur le dos des agriculteurs. Je pense qu'il nous faut obtenir un juste prix pour nos produits. Nous ne pouvons pas être captifs du secteur local de transformation à valeur ajoutée. Il nous faut maintenir une certaine concurrence, et si cette concurrence pour les marchés étrangers doit se faire aux dépens de nos collectivités rurales, alors c'est un grave problème.

Le président: Votre crainte, donc, est que si une compagnie désireuse d'utiliser votre récolte s'établissait en Saskatchewan, et si vous lui vendiez 100 p. 100 de votre récolte, vous seriez très rapidement captifs de cet acheteur pour ce qui est du prix que celui-ci serait prêt à payer pour obtenir votre produit. Ai-je bien compris?

Mme Johns: Ce pourrait être le cas, selon de la taille de l'entreprise. C'est pourquoi je parle de soutien pour les initiatives d'origine locale.

Demain à Saskatoon, par exemple, il y aura une grosse conférence sur une nouvelle génération de coopératives. Comment pouvons-nous favoriser les initiatives locales? Comment pouvons- nous encourager les agriculteurs à participer? S'ils ne vont pas à un moment donné faire partie du processus à valeur ajoutée ou en retirer certains bienfaits, alors ce n'est pas cela qui va sauver les campagnes saskatchewannaises. Cela ne pourra pas se faire; nous ne pouvons pas continuer de donner notre produit. Par conséquent, si le gouvernement envisageait d'appuyer ce genre d'initiative locale...

L'usine Cargill dont j'ai parlé, qui est arrivée avec une grosse multinationale - un volume énorme et des volumes ailleurs au pays également - et tout d'un coup la production s'arrête... Cela contrôle beaucoup de choses. S'il s'agit d'une création locale à laquelle nous pouvons participer d'une façon ou d'une autre, je n'y vois aucun problème. C'est pourquoi j'appuie les initiatives locales, le soutien gouvernemental pour les initiatives locales, quelle que soit la forme que cela doit prendre.

Je n'aime pas cela lorsque le gouvernement dépense beaucoup d'argent pour promouvoir des grosses sociétés tout simplement parce qu'elles font de la valeur ajoutée. Je suis peut-être sceptique, mais je crains une certaine perte de contrôle lorsque je vois toutes ces multinationales venir ici et tous les profits repartir. Les emplois sont là, oui, mais au bout du compte, ce sont les profits qui sont importants pour ces compagnies, et non pas les localités où elles sont implantées.

Le président: Merci beaucoup, madame Johns. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir ici et de nous avoir fait part de perspectives qui sont légèrement différentes de celles que nous avons entendues au cours des derniers jours. J'apprécie beaucoup.

Mme Johns: Notre groupe est très heureux de participer au développement des régions rurales de la Saskatchewan. Nous sommes des défenseurs de l'agriculture primaire, mais nous ne voulons pas vivre seuls ici; nous aimerions que d'autres se joignent à nous. Merci.

Le président: Très bien. Merci.

J'aimerais maintenant passer au témoin suivant. Il s'agit de David McIlmoyl, de la Kitsaki Development Corporation. Bienvenue.

M. David McIlmoyl (directeur général, Kitsaki Development Corporation): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. J'aimerais commencer par vous remercier de l'occasion qui m'est ici donnée de venir vous rencontrer et de vous exposer certaines de mes idées.

La Kitsaki Development Corporation est le bras du développement économique de la Bande indienne de Lac la Ronge. La Bande indienne de Lac la Ronge est la plus grosse première nation de la Saskatchewan. Elle est installée à côté de la ville de la Ronge, dans la région centre-nord de la Saskatchewan, en bordure du bouclier précambrien. Elle se trouve à environ 235 kilomètres au nord de Prince-Albert. La bande compte quelque 6 300 membres répartis dans six localités éparpillées dans ses 18 différentes réserves.

En 1980, le chef et le conseil de la bande ont mené une initiative visant à faire venir de l'activité économique. Ils avaient en effet remarqué qu'à moins que la bande ne participe directement à un projet, ses membres n'y trouvaient pas de travail. À peu près à la même époque, la Key Lake Mining Corporation creusait sa mine d'uranium à Key Lake. La bande a réussi à lancer une entreprise en coparticipation avec une société de Saskatoon pour fournir toute la roche concassée pour la phase construction de la mine. Il nous a fallu, pour exécuter notre partie du contrat, acheter six camions de transport de gravier.

La Kitsaki Development Corporation a été formée en 1981 lorsqu'on a constaté que la bande indienne ne pouvait pas emprunter l'argent dont elle avait besoin pour acheter les camions parce qu'elle n'était pas une personne devant la loi. Nous avions un contrat, nous avions beaucoup de liquidités, mais la bande ne pouvait pas emprunter d'argent. Nous avons donc décidé de créer la société Kitsaki.

La société Kitsaki a été incorporée en vertu des lois de la province de la Saskatchewan en tant que société à but lucratif. Ses actions sont détenues en fiducie par le chef pour le compte des membres de la bande de Lac la Ronge. Depuis sa création en 1981, Kitsaki a pris de l'ampleur et possède aujourd'hui des actions dans huit sociétés différentes. Cette année, nous afficherons un revenu brut de 33 millions de dollars et nous employons quelque 350 personnes.

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Près de 75 p. 100 de nos revenus bruts sont directement imputables aux services que nous fournissons aux mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan. Les 25 p. 100 restants résultent de la prospérité que cette activité minière a apportée avec elle dans le Nord.

Ces dernières années, Kitsaki a choisi d'autres groupes autochtones - premières nations et Métis - comme associés dans le cadre de certaines de ses activités établies. Cela a permis de mieux distribuer dans le Nord les bienfaits découlant de l'activité minière.

Pendant ses 15 années de croissance dans le nord de la Saskatchewan, la société Kitsaki a vécu les problèmes auxquels se trouvent confrontés d'autres groupes désireux de se lancer en affaires en région éloignée. L'un des premiers problèmes auxquels l'on se trouve confronté dès que l'on veut lancer une affaire dans le nord de la Saskatchewan est l'absence d'infrastructure, par exemple routes, services d'aqueduc et de traitement des eaux, électricité, gaz naturel, moyens de communication, et tous les autres services que la plupart des centres urbains tiennent pour acquis.

Il est très difficile de monter une entreprise si vous n'avez pas accès, mettons, à une source énergétique économique, ce que nombre de localités du Nord n'ont pas. Cela pose moins problème ces jours-ci, mais nous n'avons toujours pas de gaz naturel et d'autres choses du genre. Il est de façon générale beaucoup plus coûteux de mener les affaires quotidiennes d'une entreprise en région éloignée.

Un autre gros problème auquel nous nous sommes trouvés confrontés était le manque d'accès à des capitaux. Il est déjà difficile pour une petite entreprise en région urbaine d'obtenir du financement bancaire, mais essayez d'en obtenir pour agrandir un hôtel, par exemple, dans une région isolée du nord de la Saskatchewan. Le parti pris urbain, et surtout axé sur l'Est, de la plupart des banques canadiennes est tel qu'il est difficile pour une entreprise située à l'extérieur des emplacements urbains acceptés en Saskatchewan d'avoir accès à des prêts, même si elle a les liquidités suffisantes pour rembourser.

Ce manque d'accès à du capital est aggravé par le manque général d'avoirs à la disposition de la plupart des petits entrepreneurs du Nord. Ce manque d'accès aux sources traditionnelles de financement est tel qu'il est difficile, voire impossible, de monter une entreprise dans la plupart des cas. Les programmes gouvernementaux conçus en vue de résoudre ce problème ont disparu ces dernières années, ce qui n'a fait que davantage entraver le processus de développement.

Une autre entrave est liée à la faible population, aux longues distances qui séparent les pochettes de population et à la pauvreté générale des habitants de la région. Lorsqu'on ajoute à cela les plus bas niveaux d'instruction et les compétences professionnelles limitées des résidents, il devient difficile de trouver des travailleurs qualifiés et motivés. Pour monter une entreprise, il faut avoir accès à une main-d'oeuvre de qualité. S'il vous faut dépenser votre argent pour apporter à votre main-d'oeuvre une formation de base avant que celle-ci ne puisse être productive, c'est un coût d'exploitation supplémentaire.

Pour qu'il y ait développement, il faut qu'il y ait possibilités de commercialisation. Or, en région isolée, ces possibilités de marché sont limitées. Dans notre région, nous avons l'exploitation de l'uranium et certaines autres activités minières limitées. Sans l'exploitation de l'uranium, Kitsaki n'aurait pas été possible. L'industrie de l'uranium est très réglementée. De façon générale, c'est là une bonne chose, car un développement non réglementé ne sert que les intérêts de l'entrepreneur. Mais si l'industrie minière est réglementée de façon déraisonnable, elle ira ailleurs et il n'y aura plus de possibilités de développement. Il est très important d'équilibrer la réglementation de l'industrie et les avantages que celle-ci procure à la région, et de faire en sorte que la réglementation soit juste et raisonnable.

Le dernier problème que j'aimerais aborder est tout à fait particulier aux entreprises appartenant à des premières nations. Les membres des premières nations maintiennent qu'ils ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu en vertu de traités et que cela devrait s'étendre également à leurs activités de développement économique. De façon générale, le développement d'entreprises appartenant à des premières nations se trouve confronté à de nombreux obstacles. En reconnaissance de ce problème, il est impératif que l'on tienne compte de la taxation dans son application au développement économique de premières nations. Selon notre expérience, il semble que la Cour suprême du Canada tranche généralement en faveur d'exemptions fiscales pour les membres des premières nations. Puis Revenu Canada élabore des règlements en vue d'essayer d'imposer ces mêmes personnes.

Le développement économique est de ce fait difficile à planifier. La planification fiscale est un élément du développement partout, mais la formalisation des règlements visant le développement économique des premières nations en faveur d'un statut d'exonération de taxes des membres des premières nations et de leurs organisations serait une bonne incitation au développement. Cela ne ferait sans doute pas naître le spectre d'une méga-société des premières nations oeuvrant libre d'impôts, car ces entités ont tendance à consacrer leurs profits à des améliorations sociales pour leurs membres. Ce ne serait pas différent de la situation dans laquelle se trouverait la ville de Saskatoon si elle possédait une société de développement qui était exonérée d'impôt.

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Même si le développement dans les terres les plus reculées du Canada est difficile, cela est néanmoins possible, et le développement peut y être favorisé si les bons mécanismes et le soutien nécessaire sont en place. Les bienfaits qui en découleraient pour le Canada dans son ensemble en valent la peine, étant donné que des citoyens productifs sont préférables à des citoyens qui subsistent grâce aux paiements de transfert.

Le président: Monsieur Chatters.

M. Chatters: Je n'ai pas entendu le gros de la présentation, mais cette question de taxation est certainement très intéressante dans le contexte du développement économique rural. Le gros du développement rural économique qui se fait dans les communautés non autochtones survient à cause de l'assiette fiscale de la communauté, des taxes foncières et autres taxes municipales prélevées auprès de l'industrie. À mon avis, cela a compté pour beaucoup dans l'absence de développement dans les localités rurales et isolées du Nord. L'absence d'assiette fiscale municipale pour appuyer les écoles et tout le reste est en tout cas un problème de taille dans ma circonscription.

Je ne suis pas du tout de votre avis en ce qui concerne la nécessité et l'opportunité de faire partager cette responsabilité à tous les résidents par l'intermédiaire des impôts, en vue d'assurer ces services à la localité. D'après moi, c'est la seule façon d'y parvenir.

M. McIlmoyl: Je songeais sans doute davantage à l'impôt sur le revenu qu'aux taxes municipales, surtout dans le cas des premières nations, qui possèdent des terres attrayantes qui sont réservées pour l'utilisation et la jouissance des Indiens inscrits qui y sont établis et qui relèvent de la Couronne. Si vous n'êtes pas propriétaire de quelque chose, il est difficile de vous imposer des taxes. D'après mon expérience avec les réserves indiennes dans le nord de la Saskatchewan, la plupart des gens comptent sur le bien- être social. Et même s'ils étaient propriétaires de quelque chose, ils n'auraient pas les moyens de payer de taxes.

Je suis d'accord avec vous. L'un des atouts du gouvernement est sa capacité d'obtenir des revenus auprès de ceux qu'il représente. Il est responsable envers ses commettants. L'on ne peut pas réfuter ce principe. Mais malheureusement, le système n'est pas organisé de cette façon, surtout en ce qui concerne les bandes indiennes.

Dans certaines des plus petites communautés incorporées, l'assiette fiscale est si petite que même si chacun payait la taxe imposée, ce qui arrive souvent, il y a si peu d'argent pour assurer les différents services que cela n'est tout simplement pas faisable.

M. Chatters: J'aimerais vous demander votre opinion sur un concept que j'ai pour ma part toujours jugé faisable.

Je songeais non pas à la façon dont les gouvernements fédéral et provinciaux traitent les Autochtones dans le cadre des programmes de financement ou en supprimant de plus en plus de financement global et d'autonomie politique, mais au concept d'un revenu annuel garanti aux Autochtones, et qui serait imposé par leurs propres gouvernements aux niveaux souhaités par le peuple autochtone. De cette façon, non seulement vous feriez quelque chose de concret pour vous attaquer au problème d'absence de richesse à la base, mais vous rendriez leurs gouvernements responsables envers ceux qui les élisent et responsables de la façon dont ces fonds sont dépensés.

M. McIlmoyl: Je trouve ce concept intéressant. Il renferme des principes que j'approuve personnellement, bien que je ne prétende pas parler au nom du chef et des membres du conseil de la bande.

Si un gouvernement n'est pas responsable envers son électorat, que fait-il? Une façon de garantir cette responsabilisation est de prendre l'argent de l'électorat et de le dépenser d'une façon qui lui paraît acceptable. Il s'agit là d'un mécanisme qui permettrait cela. Je pense que cela mérite d'être examiné plus à fond et discuté.

M. Chatters: Merci.

Le président: J'aurais quelques questions à poser. J'aimerais revenir sur des observations que vous avez faites au sujet de l'accès au capital. Cela nous ramène en fait à une conversation que nous avons eue plus tôt dans la journée et au cours de laquelle un témoin a dit que prêter de l'argent en région rurale - dans ce cas-ci dans les campagnes saskatchewannaises - est perçu par les institutions financières comme étant beaucoup plus risqué que de prêter en région urbaine. Je déduis des propos que vous nous avez tenus que vous êtes vous aussi de cet avis.

M. McIlmoyl: Oui. Si Kitsaki, en tant qu'entité, a vu le jour, c'est que nous ne pouvions pas emprunter d'argent auprès des banques. Cela se passait en 1981. Les choses se sont légèrement améliorées depuis, mais nous essayons de nous occuper nous-mêmes de nos affaires. Nous ne demandons pas beaucoup de subventions du gouvernement ou d'autres choses du genre. Nous avons par le passé eu accès à ce genre d'instruments de temps à autre.

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Ces jours-ci, si nous voulons lancer un projet, nous pouvons engager une partie des profits que nous avons réalisés. Nous allons à la banque comme n'importe qui d'autre et essayons d'emprunter l'argent nécessaire.

Il est très difficile d'emprunter de l'argent dans un endroit comme la Ronge, où il y a l'exemple de l'hôtel que j'ai évoqué tout à l'heure. Nous avons un hôtel qui est en exploitation depuis environ six ans. Si j'avais cet hôtel à Regina ou à Saskatoon, j'aurais bien moins de difficultés à emprunter de l'argent.

Nous y faisons des travaux d'agrandissement de 3 millions de dollars. Nous ajoutons 40 chambres, des salles de réunion, des installations de conférence et tout le reste. Nous craignons de ne pas pouvoir emprunter l'argent nécessaire, même si nous disposerons de plus de 25 p. 100 du montant en argent comptant. Nous avons les projections en matière de fluctuations de caisse pour appuyer les travaux, et la valeur estimative de l'immeuble est telle que les 2,5 millions de dollars que nous chercherions sans doute à emprunter ne correspondent qu'à un très petit pourcentage de la valeur totale de l'immeuble.

Parce que c'est un hôtel et parce que c'est en Saskatchewan - et dans une région isolée de la Saskatchewan - nous aurons bien du mal à trouver cet argent, même si, à bien des égards, si l'hôtel était situé ailleurs, nous aurions bien moins de problèmes.

Nous nous trouvons confrontés à ce genre de difficultés avec presque chaque projet que nous tentons lorsqu'il s'agit de faire appel aux banques. Parce que nous avons des antécédents, des revenus, etc., nous avons moins de difficultés que bon nombre d'autres groupes qui cherchent à obtenir du financement auprès des banques.

Lorsque nous nous sommes lancés, nous avions un projet, et nous avons fait le tour de 17 institutions bancaires différentes avant que la Banque de développement du Canada ne nous prête l'argent nécessaire à l'achat. C'était un édifice à la Ronge. C'était une salle de bingo, ce qui était un peu étrange, qui appartenait à un groupe autochtone. Nous avions plein de liquidités et nous avons pu rembourser le prêt plus rapidement que ce qui avait été prévu, mais il nous avait malgré tout fallu nous adresser à 17 institutions financières différentes pour tenter d'obtenir une marge ou autre garantie par notre inventaire et nos comptes à recevoir. C'est très difficile.

Lorsque vous ajoutez à cela le fait que la plupart des petits entrepreneurs du Nord n'ont pas d'avoirs, les banques ne vont pas risquer leur argent, et nombre des programmes qui étaient là pour contrecarrer certains de ces problèmes n'existent plus ou bien ont été de beaucoup réduits. Tout simplement, il est très difficile d'accumuler le capital nécessaire pour se lancer.

Le président: Pensez-vous que le gouvernement a un rôle à jouer pour essayer de niveler le terrain de jeu afin de garantir un accès au capital en région rurale?

M. McIlmoyl: Non, je ne suis pour ma part pas vraiment un défenseur de l'interventionnisme. À long terme, je ne pense pas que cela fonctionne. Si votre entreprise n'est rentable qu'avec l'aide de subventions ou d'interventions gouvernementales ou autres, vous n'avez pas vraiment une entreprise rentable.

Le président: Je ne songeais pas aux subventions. Vous avez mentionné la Banque de développement du Canada, qui est une entité gouvernementale.

M. McIlmoyl: Oui, il pourrait y avoir une telle entité, et je pense que le rôle du gouvernement est de mettre ce genre de choses en place, mais pour ce qui est de la structure particulière qu'il faudrait prévoir, je ne saurais vous le dire. Quoi qu'il en soit, une banque de développement qui a de l'argent qu'elle est prête à risquer ou qui peut être un prêteur de dernier recours ou autre chose du genre... Elle pourrait imposer une prime comme le fait la Banque de développement du Canada. S'il y avait quelque chose du genre, cela serait très certainement utile.

Le gouvernement provincial a une chose qui s'appelle le Fonds de prêts renouvelables du Nord qui fonctionne un peu comme cela mais, encore une fois, il est très petit et vise davantage l'entrepreneur privé, les petites stations-services familiales et d'autres choses du genre.

Lorsqu'on parle de gros contrats avec des sociétés comme la Weyerhaeuser, de M. Smith, ou la Cameco Corporation, il s'agit d'avoir accès à d'importantes sommes d'argent. Nous avons une compagnie de camionnage qui assure le transport de toutes les marchandises en vrac destinées aux mines d'uranium du nord de la Saskatchewan. Cela coûte 110 000 $ pour acheter un camion. La plupart de nos remorques coûtent 250 000 $ pièce. La plupart des programmes qu'il faudrait pour couvrir ce genre de choses n'existent pas encore.

Le président: J'aimerais faire une dernière observation. Vous avez fait une remarque au sujet de règlements régissant l'exploitation de l'uranium, et il est intéressant que le comité vienne tout juste d'adopter un projet de loi qui va modifier la Loi régissant la réglementation. Vous avez dit penser qu'un équilibre s'impose ici. Pensez-vous que cet équilibre ait été atteint, ou bien êtes-vous préoccupé par l'état des choses, dans un sens ou dans l'autre?

M. McIlmoyl: Nous avons à l'heure actuelle une situation dans laquelle certaines nouvelles mines sont en train de comparaître dans le cadre des audiences du panel de l'uranium. Dans le nord de la Saskatchewan, il n'y a pas beaucoup de possibilités de marché. Nous y avons certaines possibilités et nous pouvons y faire certaines choses. Si les mines sont retardées, ce sera ça en moins, côté développement, auquel nous raccrocher.

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Je suis tout à fait en faveur de développement réglementé, mais personnellement, je pense que c'est à l'heure actuelle surréglementé. Je pense qu'ils essaient de compter le nombre d'anges qui peuvent danser sur le bout d'une aiguille. Ils poussent les choses jusqu'à l'infinitésimale... C'est arrivé à un point tel que c'est presque ridicule, car des sociétés minières pourraient être ici, ou en Amérique du Sud ou en Asie. Si cela devient trop coûteux pour elles, elles iront ailleurs. Si elles vont ailleurs que dans le nord de la Saskatchewan, nous restons sans sources de revenu, sans emplois, et les gens réintègrent les rangs des assistés sociaux. Je ne dis cependant pas qu'il faut un développement illimité. Tout simplement, les règles devraient être examinées, rendues raisonnables, et c'est à peu près tout.

Le président: Le recherchiste du comité me dit qu'en plus de notre travail relativement au projet de loi C-23, le comité va sans doute, au cours des deux ou trois prochaines semaines, déposer un rapport sur la réglementation minière dans lequel nous disons précisément cela: c'est-à-dire que si l'on ne met pas au point un processus de réglementation simplifié, l'on chassera l'investissement du Canada ainsi que tout ce qui en découle.

En tout cas, j'aimerais vous remercier, monsieur McIlmoyl, d'avoir pris le temps de venir comparaître devant nous pour témoigner et nous exposer votre façon de voir les choses. Je sais que les membres du comité l'ont apprécié, ainsi que votre patience. Nous accusons un léger retard. Alors merci beaucoup.

M. McIlmoyl: Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.

Le président: Le comité reprend ses travaux demain à Swan River à 8 h 30. La séance est levée.

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