[Enregistrement électronique]
Le jeudi 31 octobre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
[Difficultés techniques]
C'est important de pouvoir se rendre dans les localités rurales du Canada pour y discuter avec les gens qui font quotidiennement face à ce problème et pour connaître quelles tâches et recommandations ils veulent confier au gouvernement, ce qu'ils souhaiteraient nous voir entreprendre pour aider le développement rural et tout ce que cela implique.
Je suis heureux d'accueillir ce matin comme premier témoin, Barbara Steinwandt du Manitoba Women's Institute.
Madame Steinwandt, nous vous remercions de vous être rendue jusqu'ici et d'avoir été aussi souple sur la question de l'horaire.
Mme Barbara Steinwandt (présidente, Manitoba Women's Institute): Au nom du Manitoba Women's Institute, je veux vous remercier de nous permettre de participer à cette série de consultations.
Marlene nous a demandé si nous souhaitions comparaître devant le comité pour lui faire part d'une perspective féminine. C'est donc ce que nous nous sommes efforcées de faire en rédigeant notre mémoire. Comme je suis présidente de cet organisme depuis deux mois seulement, c'est une première pour moi aujourd'hui. J'espère donc que vous serez indulgents.
Je veux d'abord vous présenter notre organisation. Le Manitoba Women's Institute est un organisme bénévole populaire fondé en 1910 dans le but d'éduquer les femmes et les familles dans divers domaines dont l'agriculture, la santé, l'économie domestique et les activités culturelles. Notre organisme est apolitique, non sectaire et sans but lucratif. Il est régi par une loi expresse de l'Assemblée législative du Manitoba et relève du ministère provincial de l'Agriculture.
Je vous lis notre mandat: «Le Manitoba Women's Institute est un organisme féminin centré sur l'épanouissement personnel, la famille et l'action communautaire, à l'échelle tant locale qu'internationale». Notre organisme est membre de la Fédération des instituts féminins du Canada et de l'Union mondiale des femmes rurales.
Nous avons plus de 860 membres répartis dans 58 sections locales qui se trouvent partout dans la province. Depuis peu, les femmes peuvent devenir membres à titre personnel de l'organisation provinciale. Parmi nos membres, 95 p. 100 vivent dans des zones rurales, dont 36 p. 100 dans une ferme.
Étant donné nos liens avec le milieu agricole et nos engagements passés dans les dossiers ruraux, nous nous intéressons naturellement à tout développement qui aura une incidence sur le Manitoba rural. Nous, les femmes, nous avons tendance à considérer le développement communautaire ou l'essor économique du point de vue de sa moralité en tenant compte de ses répercussions non seulement sur l'agriculture mais sur l'ensemble de la collectivité.
Je veux répéter certaines des observations que nous avons exposées dans un mémoire présenté récemment à la réunion de la table ronde sur le financement des infrastructures et de l'adaptation, parce qu'elles sont tout à fait pertinentes dans le secteur des ressources naturelles. Nous avons notamment fait observer que le financement des infrastructures était essentiel pour les zones rurales manitobaines si l'on veut qu'elles profitent des possibilités économiques que recèlent nos richesses naturelles. Par infrastructures, j'entends les routes, les gazoducs et aqueducs. De plus, les moyens améliorés dans les secteurs des télécommunications et de l'enseignement à distance auront une incidence marquée sur les ruraux.
De nos jours, les conjoints des exploitants agricoles - ce sont surtout des femmes - sont plus instruits que leurs prédécesseurs. Leur éducation alliée à leur expérience leur permet de se servir davantage des télécommunications modernes. Les agricultrices d'aujourd'hui sont plus susceptibles d'être formées dans une profession nouvelle, d'avoir la compétence pour occuper un plus large éventail d'emplois, de préférer un emploi de longue durée et d'avoir un plus grand esprit d'entreprise. Les programmes de formation et d'emploi devraient refléter ces réalités et être plus adaptables.
On pourrait surmonter les obstacles au perfectionnement des agricultrices en offrant des cours par téléenseignement. Étudier à la maison évite d'avoir à payer des frais de transport et de garderie qui nuisent généralement à l'accessibilité de la formation et du recyclage traditionnels... [Difficultés techniques]... des régions rurales du Canada ont beaucoup de talent pour l'artisanat.
À l'heure actuelle, lorsque les nouvelles technologies sont disponibles, artistes et artisans peuvent communiquer entre eux et coopérer à la réalisation et à la mise en marché d'oeuvres d'art typiquement canadiennes qui utilisent bien souvent nos richesses naturelles.
En pratique, là où il y a une infrastructure, les femmes font de plus en plus de télétravail à domicile pour les sociétés de cartes de crédit, les services de location de voitures, etc.
Il faut signaler - je pense que c'est extrêmement important - que les résidents ruraux sont en train d'adopter progressivement les niveaux de vie, les attentes et les valeurs des citadins et c'est pourquoi ils ont un travail en dehors de la ferme afin de réaliser leurs objectifs économiques, personnels et familiaux. Dans notre société, les gens se déplacent beaucoup et ce n'est pas parce qu'on vit dans une région rurale qu'on ne peut pas faire partie d'un milieu urbanisé. Nous savons ce qu'il y a en ville et nous voulons la même chose.
Le Manitoba Women's Institute est conscient de la tendance à une production primaire à valeur ajoutée de nos ressources ou denrées. Si les résidents ruraux veulent tirer profit de ces débouchés, il faut faire le nécessaire pour leur offrir l'instruction et la formation qui leur permettront de comprendre parfaitement le concept et la portée de la valeur ajoutée. Quand ils auront acquis cette connaissance, les attitudes changeront d'elles-mêmes et les ruraux verront peut-être alors les avantages de la valeur ajoutée.
Tout en découvrant les multiples possibilités d'ajouter de la valeur à une ressource donnée, les collectivités ne doivent pas oublier que ce type de développement économique ne les rendra pas nécessairement moins tributaires d'une seule industrie ou d'une seule ressource et ne les mettra pas non plus à l'abri de la nature cyclique des industries primaires. Par exemple, une localité dont la production céréalière est importante décide de lancer une industrie à valeur ajoutée utilisant son orge et met sur pied une mini-brasserie. C'est un procédé à valeur ajoutée. Mais il faut absolument savoir qu'à toutes fins utiles, cette entreprise continue de dépendre de la production de l'orge. Par conséquent, elle est à la merci de la disponibilité de l'orge et soumise à la fluctuation des prix de cette denrée. Autrement dit, les brasseries suivent le même cycle que la production de l'orge. Alors, avons-nous vraiment réglé notre problème?
Quand on songe à de telles initiatives de développement économique, il faut s'efforcer de trouver un équilibre. Il importe tout autant que les projets de développement rural répondent aux besoins locaux et soient réalisés sur place de manière à faciliter leur compréhension et leur accessibilité par les consommateurs locaux.
À mesure que l'on prend conscience de l'apport économique des procédés à valeur ajoutée comme la mouture, la boulangerie et les conserves, le rôle des femmes est de plus en plus reconnu dans le secteur des spécialités, ce qui favorise la croissance d'industries artisanales dans toutes les localités rurales. En 1994, le Rural Development Institute de Brandon University a publié le Agricultural and Rural Restructuring Group Working Paper Number 7, le septième rapport du groupe de travail sur la restructuration agricole et rurale, dont un chapitre portait sur l'apport des femmes à l'agriculture. Même si ce document vise l'agriculture, nombre des observations qui y sont exposées s'appliquent à toutes les industries primaires.
Dans le rapport, on peut lire notamment que les institutions et réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans le maintien et le renforcement des activités agricoles. L'auteur y explique que les institutions de soutien social:
- sont une mine de ressources pour le développement communautaire et l'amélioration de la
qualité de vie. Elles constituent aussi un ingrédient important de la capacité d'adaptation d'une
collectivité aux changements économiques et sociaux plus généraux. Étant donné l'incertitude
qui règne actuellement et l'évolution que l'on connaît, c'est particulièrement important que les
gens sachent comment se renseigner, s'organiser et mobiliser les ressources pour qu'une
adaptation créative se fasse.
Dans un rapport intitulé Déclin ou renaissance: l'agriculture et la ruralité au Canada à la croisée des chemins, qu'il a produit pour la Fédération canadienne de l'agriculture, Bruno Jean énonce les trois lignes directrices que doit suivre toute politique de développement rural: reconnaître la nécessité d'avoir une vraie politique de développement rural qui ne soit pas un simple appendice de la politique agricole; concevoir une politique de développement rural qui redéfinisse les relations entre les villes et les régions rurales; et établir une politique négociée avec les partenaires régionaux afin qu'elle reflète adéquatement la situation locale particulière.
Un dernier extrait de ce rapport se lit comme suit:
- Une partie de la solution aux complications du développement rural au Canada se trouve donc
en ville.
- Autrement dit, il faut être prêt à subventionner les services ruraux au besoin pour que tout le
pays soit meilleur.
Je vous remercie.
Le président: Merci.
M. Asselin sera le premier à poser des questions.
[Français]
M. Asselin (Charlevoix): Je vous souhaite la bienvenue au comité. Je suis un député du Bloc québécois. Je représente une circonscription de la province de Québec. Nous sommes aujourd'hui au Manitoba, bien sûr, avec Mme Cowling qui travaille au Comité des ressources naturelles.
Je sais que Mme Cowling, qui représente cette belle partie du Manitoba, fait du très bon travail depuis près de trois ans pour défendre les intérêts des gens de sa communauté, et elle vous a invités ce matin à comparaître devant le comité. Ce comité est très préoccupé par le développement rural.
J'ai l'occasion, pendant cette tournée, de remplacer le député de Matapédia - Matane qui siège au Comité permanent, et j'aimerais avoir de plus amples informations afin d'améliorer l'éducation dans cette partie rurale du Manitoba. Est-ce que vous avez les infrastructures nécessaires et adéquates pour que les jeunes, qui vont assurer notre relève, aient une éducation qui tienne compte de la haute technologie à venir?
D'autre part, la main-d'oeuvre reçoit-elle la formation professionnelle dont elle a besoin ici, en région, afin que vous puissiez avoir des emplois durables, des emplois de haute technologie ou des emplois dans les métiers traditionnels?
J'aimerais également savoir si les femmes du Manitoba s'intéressent à la formation professionnelle dans les métiers non traditionnels, qui étaient auparavant réservés aux hommes. On sait qu'il y a des femmes qui s'impliquent de plus en plus dans les métiers non traditionnels.
Je voudrais aussi savoir, pour faire un lien entre toutes ces informations, si on exploite les ressources au maximum ici, au Manitoba.
En terminant, permettez-moi, monsieur le président, de demander à madame ce qu'elle attend du gouvernement fédéral, afin que le comité puisse mettre dans son rapport des recommandations qui permettront d'améliorer la qualité de vie et l'emploi durable au Manitoba. Merci.
[Traduction]
Mme Steinwandt: Seigneur! C'est toute une question.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'éducation, je dois commencer par vous dire que je suis une citadine de naissance et j'ai vécu à Montréal, à Ottawa et à Halifax. J'ai adopté plus tard un mode de vie rural. J'estime donc être en mesure de comparer pour déterminer si l'on répond aux besoins en éducation. Il n'y a pas longtemps que des cours sont offerts par télé-enseignement depuis notre collège communautaire à Dauphin. Je pense que c'est la solution idéale. L'enseignement à distance est extrêmement important si l'on veut que les jeunes des diverses localités soient bien préparés.
Ce n'est pas toujours facile ni simple. Ça coûte très cher pour un parent rural de faire instruire ses enfants à Winnipeg ou à Brandon ou de les installer à la ville. Ce n'est pas toujours facile quand on travaille dans une industrie primaire comme l'agriculture. Il y a énormément d'avantages à l'enseignement à distance et il faut opter pour cette solution. Je trouve que ça ressort clairement dans notre rapport et dans l'exposé que je viens de faire. Et cela vaut non seulement pour les jeunes mais aussi pour les agriculteurs qui veulent améliorer leurs connaissances en mercatique. C'est beaucoup plus facile pour eux, surtout ceux qui sont dans l'élevage du bétail, de pouvoir tout faire ça à la maison.
Bien entendu, les femmes veulent avoir les compétences requises pour occuper les emplois plus techniques que l'on trouve aujourd'hui. Celles qui ne le font pas vont stagner. Pour qu'elles progressent, il faut que les cours, les technologies et l'infrastructure soient disponibles.
[Français]
M. Asselin: Vous nous avez dit que les jeunes étaient dirigés vers Winnipeg pour obtenir certains diplômes scolaires. Je suppose que c'est au niveau collégial. Je voudrais savoir si les jeunes qui se rendent dans les grands centres pour recevoir une formation ou une éducation spécialisée ont tendance à demeurer dans les grands centres urbains. S'ils ne reviennent pas ici, en région, on peut imaginer que cet exode constitue une menace pour l'agriculture. En effet, si un agriculteur ne peut compter sur quelqu'un de la famille pour lui succéder, cela peut poser un problème sérieux.
[Traduction]
Mme Steinwandt: Oui, c'est une grande inquiétude, mais ce qui se passe, si j'en juge d'après notre localité à nous, c'est que les jeunes vont effectivement étudier en ville. Je crois que Marlene peut d'ailleurs vous le confirmer. Nous habitons toutes les deux la même localité. Nous habitons à sept milles environ l'une de l'autre.
Évidemment, bien des jeunes ne reviennent pas à la campagne à cause de tout ce qu'ils trouvent à la ville. Mais à un moment donné, ils commencent à penser à élever une famille et recherchent un mode de vie familial sécurisant pour leurs enfants. C'est alors qu'ils sont attirés par les localités rurales où ils retournent pour profiter du mode de vie, de l'esprit d'entraide qui règne dans beaucoup de communautés rurales et aussi du sentiment d'appartenance qu'on ne ressent pas forcément en ville.
Oui, c'est vrai que nous perdons des jeunes et on peut le comprendre étant donné tous les agréments de la ville. Cependant, les jeunes ont tendance à revenir au début de la trentaine.
[Français]
M. Asselin: Je voudrais prendre l'exemple d'un jeune qui va à la ville pour faire des études d'ingénieur ou d'architecte et vous demander s'il y aura du travail pour lui au Manitoba lorsqu'il y reviendra après ses études. En fait, ils sont tentés de rester dans les grands centres, où il est plus facile de trouver du travail. C'est une chose difficile à contrôler.
[Traduction]
Mme Steinwandt: J'imagine que, dans les grands centres, c'est logique qu'il y ait plus de travail, mais pourquoi ne pas ouvrir des succursales de grandes entreprises? Il faudrait sans doute réfléchir à cette possibilité.
Les grandes entreprises de cette région pourraient envisager d'ouvrir des succursales dans les localités plus petites, pas nécessairement rurales, mais des petites villes comme Brandon où ils peuvent rejoindre les résidents ruraux.
M. Chatters (Athabasca): Dans votre mémoire, vous avez abordé plusieurs domaines dans lesquels il faut faire quelque chose, d'après vous. Ce sont entre autres l'éducation et la formation de la main-d'oeuvre, les routes, les gazoducs, l'infrastructure et enfin, les programmes sociaux.
Dans cette liste, on ne trouve que des champs de compétence qui sont surtout ou exclusivement provinciaux en vertu de la Constitution. Pourtant, comme le gouvernement fédéral se charge de percevoir les impôts au Canada, on constate qu'il y a beaucoup de chevauchements et de dédoublements dans la prestation de tous ces services. Une grande confusion règne au sujet de l'attribution de ces compétences.
À votre avis, de qui devrait relever l'exécution du nouveau programme qui découlera de notre étude ou de la démarche du gouvernement fédéral? Est-ce que vous pensez que le gouvernement fédéral pourrait l'exécuter directement dans le cadre d'un programme de réfection de l'infrastructure ou d'un programme de formation de la main-d'oeuvre ou pencheriez-vous plutôt pour un projet réalisé par un organisme local, municipal ou provincial? Comment envisagez-vous les choses?
Mme Steinwandt: Pour qu'une initiative soit vraiment efficace, il faudrait probablement songer sérieusement à instaurer un partenariat entre les divers ordres de gouvernement.
En préparant l'exposé que j'ai présenté, j'ai passé un peu de temps avec la directrice de l'ARAP pour notre région et j'ai discuté de certains des concepts avec elle afin de mieux comprendre toute cette démarche. Vous comprendrez messieurs que je suis présidente de l'institut depuis deux mois seulement. Et je commence à me mettre au courant de toutes ces affaires.
J'ai donc rencontré la directrice régionale pour en discuter. Il est ressorti de la consultation que le développement rural peut réussir dans la mesure où l'on part de la base même. Il faut mettre à contribution les gens de la base. Il ne faut pas que tout parte du sommet de la pyramide et il doit y avoir des échanges. Le partenariat est sans doute la meilleure formule pour y parvenir.
Je suis désolée de ne pas avoir l'expertise qui me permettrait de vous dire précisément comment procéder. Il faut établir un dialogue. Je pense que c'est fondamental. Les résidents des localités rurales et les responsables au gouvernement local doivent travailler de concert avec vous jusqu'au bout et, ainsi, on arrivera à la réussite.
M. Chatters: Vous avez mentionné l'ARAP. Naturellement, d'un bout à l'autre de l'Ouest canadien, des comités de développement économique sont constitués à l'échelle régionale et municipale. Ils ont pour mandat de trouver des moyens de faciliter le développement économique. Cela demeure très local.
Vous parlez de l'ARAP qui est simplement un organisme fédéral exécutant des programmes directement dans la communauté. Trouvez-vous le modèle efficace? À votre avis, a-t-on besoin de tout regrouper les programmes et services à un guichet unique dont s'occuperait un organisme local comme celui dont vous parlez?
Mme Steinwandt: Si vous cherchez un moyen de faire disparaître le chevauchement qui paraît manifeste, même à mes yeux à moi... C'est vrai qu'il y en a. Il y a des programmes fédéraux et provinciaux qui visent essentiellement la même chose, mais on ne sait pas vraiment lequel il faut choisir. Il y a donc effectivement chevauchement des services. Si l'on tentait d'améliorer la prestation des services et de la rendre plus efficace, alors peut-être serait-il préférable de tout regrouper, mais ça ne signifie pas que tout doit être regroupé au niveau fédéral.
Je pense même à notre propre organisme. Parfois, les gens à la base ne réagissent pas positivement si tout vient d'en haut. Ils ont l'impression de se faire imposer quelque chose. Il faut donc une forme de partenariat ou une concertation qui amène les gens à travailler ensemble. Voilà la solution.
M. Chatters: Une dernière question. À notre réunion d'hier, le président de notre comité a expliqué qu'il y avait plusieurs modèles de prestation possibles. L'un entre autres consisterait simplement à verser les fonds fédéraux aux autorités locales en leur imposant la transparence et l'obligation de rendre des comptes. Croyez-vous que ce soit le mode de prestation à privilégier?
Mme Steinwandt: Le financement est évidemment essentiel, mais il faut aussi des lignes directrices. Malgré tout l'argent du monde, si l'on n'a pas d'idées, pas de directives et pas de formation ni d'informations, on n'arrivera à rien.
Je n'ai peut-être pas compris votre question.
M. Chatters: Comment un programme administré localement peut-il répondre aux besoins locaux s'il faut suivre des lignes directrices imposées par le fédéral?
Mme Steinwandt: On consulte les gens à la base pour connaître leur point de vue. D'après ce que je peux comprendre, c'est précisément le but de votre démarche. Il faut consulter les gens à la base.
Le président suppléant (M. Bélair): Madame Cowling.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.
Barbara, que voulez-vous que notre comité retienne de votre intervention au moment où il énoncera ses recommandations? Quelles priorités le comité doit-il absolument conserver d'après vous?
Mme Steinwandt: Je pense à une chose tellement essentielle. Je ne sais plus si je vous parle au nom de notre organisme ou en mon nom personnel, moi qui suis une résidente rurale. Je réfléchis au mouvement enclenché par Keystone Agricultural Producers dans le but de faire produire des messages publicitaires télévisés montrant les avantages de l'agriculture et son importance dans notre vie et dans l'économie en général.
Comme je suis née en ville et que j'y ai grandi, je connais les deux côtés de la médaille. Je sais que quand je vivais en ville, je n'avais pas nécessairement une très haute opinion des résidents ruraux. Maintenant que je suis dans l'autre camp, je me dis qu'il faut éduquer les citadins afin de leur faire apprécier la valeur des régions rurales pour le pays tout entier. On peut opter pour une campagne publicitaire ou pour des vignettes comme celles que l'on montre à la télévision; le moyen importe peu, c'est de le faire qui compte.
Montrer aux résidents ruraux les avantages de la vie rurale, c'est une chose puisque nous les connaissons et que nous en connaissons aussi les inconvénients. Mais c'est une toute autre histoire que d'apprendre aux citadins que tout ce pays n'existerait pas sans ce qui se passe à l'extérieur des limites des villes.
Mme Cowling: Monsieur le président, le témoin veut probablement dire que nous devrions encourager la croissance économique du Canada rural, ce qui m'amène à ma prochaine question: qui devrait s'en charger? Des organismes comme le vôtre ou des résidents ruraux? Est-ce que d'autres ordres de gouvernement devraient s'en occuper?
Mme Steinwandt: Je répète, Marlene, que ce devrait être un partenariat. C'est bien beau que nous, les résidents ruraux, nous racontions notre histoire à tout le monde, mais nous avons besoin d'aide pour faire le nécessaire. Faut-il seulement une aide financière ou a-t-on besoin aussi de l'assistance d'experts pour nous montrer comment faire? Probablement un peu des deux.
Je suis même convaincue que si certains citadins savaient ce qu'est vraiment le mode de vie rural, ils voudraient se joindre à nous. Messieurs et Marlene, je pense que c'est sans doute un élément important du développement économique rural.
Mme Cowling: Merci.
Le président: Monsieur Serré.
M. Serré (Timiskaming - French River): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre exposé. Il était concis, précis, et renfermait des recommandations elles-mêmes précises. Bien franchement, à mon avis, vous avez présenté l'un des meilleurs exposés jusqu'à présent.
Dans votre mémoire, vous dites que le financement des infrastructures est essentiel pour le Manitoba rural et pour toutes les régions rurales du Canada, je suppose. Seriez-vous pour un nouveau programme d'infrastructures ou pour la prolongation du programme national en cours? Dans l'affirmative, avez-vous des suggestions à faire ou des modifications à proposer au sujet de la façon dont le programme est exécuté?
Mme Steinwandt: Je suis incapable de vous répondre, mais je voudrais quand même faire une observation, si vous permettez.
La localité où j'habite n'a des lignes téléphoniques privées que depuis décembre. Je vis là-bas depuis 20 ans. Quand on a une ligne partagée, inutile de penser à utiliser un télécopieur, le câble ou même un réseau informatique. Ma ligne est privée depuis décembre seulement.
Quand je raconte à ma parenté en ville que j'ai obtenu une ligne privée seulement... Le service était offert mais à un prix inabordable. Bien franchement, étant donné la situation financière de notre exploitation agricole, nous n'avions absolument pas les moyens de payer ce tarif annuel faramineux pour une ligne privée.
Je sais que je ne réponds probablement pas à votre question, mais ce que je veux dire, c'est que les services nous sont offerts petit à petit. J'habite à 13 milles de la ville de Grand View où la câblodistribution est disponible. Nous, 13 milles plus loin, nous n'y avons pas droit. Voilà le genre d'infrastructure... Ce n'est pas que je tienne à avoir 13 chaînes de télévision. Ce n'est pas ça le but. L'histoire, c'est qu'il y a d'autres services vitaux qui sont offerts et accessibles quand il y a la câblodistribution dans une localité.
J'espère que ça vous aide un peu.
M. Serré: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Wood.
M. Wood (Nipissing): Merci, monsieur le président. Dans votre exposé, vous avez parlé de la valeur ajoutée comme d'un outil de développement économique. À votre avis, est-ce que les travailleurs et les entrepreneurs des régions rurales ont les compétences nécessaires pour faire de la transformation à valeur ajoutée sur une grande échelle? Vous avez mentionné deux ou trois possibilités. D'après vous, y a-t-il dans les régions rurales du Canada l'expertise voulue pour réaliser de tels projets?
Mme Steinwandt: Ça s'en vient, monsieur Wood, mais en y réfléchissant, je me demande si je sais vraiment ce qu'est la valeur ajoutée. On a une idée de ce que c'est en apparence. On sait plus ou moins ce que ça veut dire. La valeur ajoutée, c'est transformer le blé que nous produisons au lieu de l'expédier tel quel. Je me demande toutefois si les gens savent ce qu'il faut faire pour obtenir une valeur ajoutée. Est-ce que nous comprenons vraiment tout le concept - et je pense que nous soulignons cet aspect dans notre mémoire - et tout ce que ça implique?
Au volant de ma voiture en me rendant ici ce matin, je réfléchissais justement à cette question. Dans la région de Russell, une jeune femme, Linda Pizzey, a lancé une entreprise de mouture. Comme elle produisait du lin, elle a eu la perspicacité de penser que si elle faisait moudre ce lin pour en faire de la farine, elle gagnerait des revenus d'appoint tout en restant à la ferme. Je me suis dit que ce serait merveilleux si quelqu'un comme Linda, qui est passée par là, était choisie comme consultante pour aller expliquer dans les diverses localités l'idée qu'elle a eue et ce qu'elle a fait pour la réaliser.
C'est bien beau d'être au courant de cette possibilité, mais ça ne veut pas dire qu'on saurait la concrétiser. Je ne suis pas certaine qu'on ait déjà tout ce qu'il faut, mais ça viendra et je pense...
M. Wood: Il faut un moyen quelconque pour diffuser le message.
Mme Steinwandt: Je suis d'accord. Je sais que l'on a beaucoup écrit sur le sujet, mais en discuter avec quelqu'un qui l'a fait, qui a réussi et qui sait comment s'y prendre, c'est bien mieux que de s'asseoir pour lire de la documentation sur le sujet.
M. Wood: Croyez-vous que le gouvernement devrait être en mesure d'offrir à des femmes comme Linda des stimulants fiscaux ou d'autres mesures comparables pour encourager leurs aspirations entrepreneuriales? Croyez-vous que le gouvernement pourrait lancer un programme qui encouragerait les gens comme cette dame dont vous parlez à agir, parce que je pense que c'est ce qu'il faut aux localités rurales. Il va falloir que les gens tirent parti de leur situation et pensent à tout ce qu'ils pourraient fabriquer ou vendre pour réaliser ce que vous dites.
Mme Steinwandt: Je pense que ça fait partie intégrante de la solution. En me prenant comme exemple, si je voulais lancer une entreprise pour ajouter de la valeur à notre production, je ne saurais pas où m'adresser pour obtenir des renseignements et pour apprendre comment procéder. C'est peut-être de ça dont on a besoin. Il faudrait transmettre le savoir-faire, que ce soit en offrant des mesures fiscales ou en retenant les services de personnes qui, comme Mme Pizzey, ont réussi - elle n'est pas la seule, il y a d'autres femmes et des hommes aussi - pour faire le tour des localités pendant une année et organiser des ateliers ou encore des séances d'information sur les ressources disponibles et tout le reste.
Il faudrait montrer comment établir un plan d'entreprise, par exemple. Combien de personnes savent vraiment comment effectuer une étude de faisabilité et élaborer un plan d'entreprise? Je pense que les gens ont souvent l'idée de lancer une entreprise. La première chose à faire, c'est de déterminer s'il y a un marché ou non pour votre affaire. S'il n'y en a pas, inutile de perdre son temps.
Je ne pense pas que les gens sachent comment effectuer des études de faisabilité, comment établir des plans d'entreprise, quoi faire ensuite. Il faut commencer par une recherche. Je pense que c'est vraiment capital. Il faut renseigner les gens mais, malheureusement, j'ignore comment. C'est un besoin criant.
M. Wood: Merci.
M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Dans la foulée de M. Wood, je voudrais vous poser des questions plus précises. Vous venez de parler de plan d'entreprise et de services de consultation; tout cela est déjà offert par le ministère de la Diversification de l'Ouest et par la Société du crédit agricole. Ma question est donc très simple: vous êtes-vous prévalue de ces deux programmes?
Mme Steinwandt: Non, pas personnellement puisque je suis employée...
M. Bélair: Mais êtes-vous au courant de ces subventions? Vous parliez de...
Mme Steinwandt: Non. Bien franchement, je ne crois pas être au courant et c'est sans doute ça le problème. Ces services existent.
M. Bélair: Oui, ils existent.
Mme Steinwandt: Mais est-ce que les gens le savent? Est-ce que ces services sont vraiment mis à la disposition des gens?
Ceux qui font affaire avec la Société du crédit agricole le savent parce qu'ils se rendent dans ses bureaux. Mais ceux qui n'ont pas affaire à la Société du crédit agricole ni au ministère de la Diversification de l'Ouest, sauraient-ils qu'ils peuvent commencer par là?
M. Bélair: C'est pourtant vrai.
Mme Steinwandt: Peut-être, mais il faut diffuser les informations afin que les gens sachent ce qui est disponible et où le trouver.
M. Bélair: Il y a manifestement un problème de communication.
Mme Steinwandt: Je le crois.
M. Bélair: Merci.
Le président: Merci beaucoup, Barbara. Nous avons vivement apprécié votre témoignage. À en juger d'après le grand nombre de questions qui vous ont été posées, vous avez piqué leur intérêt. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps et la peine de venir en auto jusqu'ici.
Le président: S'il vous plaît, nous allons reprendre.
Nous avons le plaisir d'accueillir comme témoin Ron Clement et Rob Bruce-Barron du Groupe Russell.
Messieurs, bienvenue. Veuillez présenter votre exposé. Ensuite, nous vous poserons des questions.
M. Rob Bruce-Barron (Groupe Russell): Merci. Bonjour, mesdames et messieurs. Nous sommes contents de pouvoir vous présenter notre mémoire.
Nous allons vous entretenir du développement du tourisme biorégional comme moyen de mieux équilibrer les économies plus diversifiées des régions rurales et éloignées. Les deux ne sont pas nécessairement identiques. Vous pouvez voir à l'écran des mots clés sur lesquels nous voulons attirer votre attention avant que Ron vous expose certains développements survenus au cours des17 derniers mois.
Il y a d'abord le tourisme biorégional - notez-le soigneusement car c'est assez nouveau - et durable. On parle énormément de durabilité depuis trois ou quatre ans, mais, malheureusement, sans vraiment en comprendre le sens.
Nous allons profiter des dix minutes qui nous sont allouées pour vous donner une brève définition du tourisme puis de la région biogéographique et enfin du développement du tourisme biorégional, avant de vous expliquer ce qui s'est passé dans la région de Russell et dans les régions biogéographiques au cours des 17 derniers mois.
Nous vous l'avons dit, le tourisme contribue à diversifier et à équilibrer les économies. Comprenez bien que nous abordons le sujet sous l'angle du développement économique communautaire. Nous n'avons pas opté pour le tourisme arbitrairement.
Les autres mots clés sont «initiatives touristiques choisies». Je suis certain que ceux d'entre vous qui ont des préoccupations politiques seront très heureux d'entendre l'explication. Il s'agit d'initiatives conjuguant voyage et tourisme. Comme vous pouvez le voir, les voyageurs qui se rendent dans une localité y vont pour toutes sortes de raisons: les vacances, les affaires, des raisons personnelles, en passant seulement, des réunions, voir des amis et de la famille. Cela vous donne une petite idée de ce que la localité recherche.
Le tourisme communautaire peut être défini comme un regroupement de commerces, d'attractions et de ressources qui ont collectivement le pouvoir d'attirer les gens à certains endroits et, donc, de générer ainsi la vente continue de biens et de services à ces mêmes touristes.
Le principe de base de l'écotourisme, c'est que le plus d'argent possible non seulement est amené dans la communauté mais y reste et il faut absolument en tenir compte quand on établit les politiques.
Pour ceux d'entre vous qui n'auraient jamais entendu les mots «biorégional», «biorégion» ou «région biogéographique», ce sont des termes plus nouveaux que la durabilité mais tout aussi réels et il y a d'ailleurs un lien entre eux: la terre, les plantes et les animaux, les sources, les rivières, les lacs, l'eau souterraine et les océans, l'air, la famille, les amis et les voisins, la collectivité, les traditions autochtones et indigènes, les systèmes indigènes de production et le commerce.
La ligne de partage des eaux est déterminante et presque toujours le catalyseur des initiatives biorégionales. Si l'on regarde l'endroit où Russell est bien installée, pour ne prendre qu'une des localités biorégionales dont nous allons parler, on voit qu'on encercle presque le parc national du Mont-Riding. La corrélation, l'interdépendance et l'intégration sont primordiales.
Le développement du tourisme biorégional: autrement dit, des localités indépendantes - et nous insistons là-dessus - qui ont des atouts complémentaires. Celles qui n'ont pas d'attraction touristique - je fais abstraction du développement économique communautaire - n'en font pas partie. Nous commençons donc par analyser les possibilités, puisque toutes les localités n'ont pas des attraits touristiques, inutile de se le cacher. C'est la triste réalité à l'étape de la sélection.
Les localités qui ont des atouts ou des ressources complémentaires doivent élaborer leurs propres stratégies et plans d'action. Notre entreprise leur apporte le soutien dont elles ont besoin pour y parvenir, mais ça doit venir d'elles. Elles passent scrupuleusement en revue ce qu'elles ont pour éviter absolument tout dédoublement de produit, car cela risque de diluer l'économie. Ça ne diversifie pas l'économie et ça ne l'équilibre pas non plus; ça la dilue. Donc, nous choisissons les forces avec elles - c'est une démarche exhaustive - puis, une fois les atouts définis, on commence à élaborer les stratégies et plans d'action.
L'étape suivante est cruciale pour le développement économique communautaire rural et le tourisme, car c'est à ce stade que commence l'interdépendance des deux. Que l'on soit citadin ou rural - je viens d'une famille agricole de la Nouvelle-Zélande et nous étions neuf - tout le monde comprend les problèmes que pose parfois l'esprit de clocher qui oppose des localités voisines. Nous avons trouvé une formule pour rassembler patiemment et sûrement des agglomérations qui, sans un tel catalyseur, ne coopéreraient pas entre elles. Nous avons constaté des résultats étonnants quand elles ont commencé à travailler constructivement en corrélation et que les effets se sont répercutés sur l'ensemble de la région et même à l'extérieur de celle-ci. S'il y a une biorégion adjacente pourquoi ne ressentirait-elle pas cet effet? Nous avons d'ailleurs pu observer une réaction en chaîne.
Le développement durable, c'est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins. Autrement dit, c'est un développement qui durera éternellement pour les générations de l'avenir et tout ce qui recoupe ça d'une façon constructive et sensée est accepté.
Je vais maintenant vous raconter ce qui s'est passé dans la biorégion depuis 17 mois. Nous avons commencé par un forum que Ron et la chambre de commerce ont organisé à Russell. On m'a demandé à partir de quel moment on pourrait parler de Russell en particulier, mais j'ai répondu qu'il serait préférable de ne pas le faire puisque l'ensemble de la région a beaucoup plus à offrir. J'ai lancé un ballon d'essai sur la méthode biorégionale qui a été approuvé, puis nous avons tenu ce forum de deux jours qui a eu un vif succès. Par la suite, nous avons inclus dans cette biorégion Binscarth, Birtle, Inglis, Roblin, Rossburn, Russell et Foxwarren.
Dans les 17 mois qui se sont écoulés depuis mai 1995, c'est-à-dire depuis le forum, l'association du tourisme biorégional d'Assiniboine-Birdtail a été formée et ce n'est pas une association fantôme - parce que, franchement, beaucoup d'associations qui existent actuellement au Canada sont dépassées. Les membres de l'association se rencontrent au besoin, là où c'est nécessaire, pour parler de leur interdépendance, pour discuter constructivement, ouvertement et globalement de ce qu'ils sont en train de faire; ils essaient leurs idées sur les autres membres.
Par conséquent, au bout du compte - pour écourter l'histoire - au moment où ils seront prêts pour la mise en marché en tant que biorégion, ce qui ne devrait pas tarder... Je précise en passant qu'il faut être fin prêt pour la clientèle avant de songer à la commercialisation. Donc, une fois que tout sera bien prêt, ils pourront procéder à la mise en marché à moindre frais grâce à un nantissement commun. Autrement dit, si vous voulez des précisions, ils détiendront chacun leurs biens donnés en garantie, mais il y aura un nantissement collectif pour toute la biorégion, ce qui est un moyen de répartir les coûts. C'est complémentaire et très rentable.
Je vous raconte maintenant ce que chaque localité a fait. Binscarth vient de terminer un excellent projet concernant le parc à... J'en suis particulièrement content parce que c'était surtout un projet d'actualisation suivant les principes du développement durable que vous connaissez certainement.
À Birtle, il y a un groupe très actif qui s'appelle Into the Future. C'est une association communautaire qui incite les gens à venir vivre dans la localité et à utiliser les terrains et les immeubles. Là où les immeubles tombaient en décrépitude, le taux d'utilisation des terrains et des immeubles est maintenant plus élevé.
À Inglis, les silos-élévateurs viennent d'être désignés bâtiments du patrimoine. C'est le plus bel ensemble de silos-élévateurs à grain de l'ouest du Canada et donc, croyons-nous, de tout le pays. Il y a beaucoup de travaux à faire, mais ça vaut certainement la peine. Le groupe s'occupe aussi activement d'améliorer le vieux terrain de camping Asessippi qui a une grande importance culturelle et même historique. Il y a aussi un truc vraiment épatant qui prend rapidement la vedette: un centre de protection de la nature avec arboretum et sentiers.
Roblin, le lac des Prairies, a évolué plus lentement, mais la ville commence à se réveiller. Voilà un autre élément du précepte. On ne peut pas dicter aux gens ce qu'ils doivent faire; on peut seulement les influencer pour qu'ils avancent à leur propre rythme. Personnellement, nous croyons que tout effort destiné à accélérer arbitrairement le rythme de développement des localités autochtones et non autochtones est péché mortel.
Il est évident que la proximité du Mont-Duck est un atout que Roblin sous-exploite en ce moment, mais d'après ce que nous avons entendu plus tôt cette semaine, ça va changer bientôt.
À Rossburn, il y a une promotion pour inviter les entreprises à venir s'établir et pour vanter la qualité de vie des retraités à cet endroit. La municipalité fait beaucoup de travail dans ce domaine.
Russell se trouve à côté du parc provincial Asessippi, un atout dont elle peut profiter. Beaucoup de travaux ont été faits sur le sentier Russell qui relie évidemment toute la biorégion jusqu'à Grandview.
Étant donné la situation géographique de la région, nous avons fait de l'histoire, du patrimoine et de la culture de Russell un atout. Cette ville est appelée la capitale des conteurs du Canada. Comme projet-pilote, nous allons faire un village de Noël sur une très petite échelle dont le clou sera l'arbre de Noël de l'unité canadienne qui se trouvera au beau milieu de la rue, au haut de la flèche de l'immeuble de la Banque Royale.
En passant, c'est prévu pour toutes les régions, mais à Russell, ce sera vraiment l'attraction principale qui incitera les gens à quitter la route et à faire un arrêt quel que soit le moment de l'année. Nous avons aussi travaillé avec les gens du parc national du Mont-Riding afin de les aider à passer de la planification opérationnelle à une opportunité commercialisable. Là encore, ce n'est pas nous d'un côté et eux de l'autre; nous travaillons en étroite collaboration.
Foxwarren est une toute petite localité qui est en train de projeter un très joli village de colons. La ville est déterminée non seulement à le réaliser - et c'est ainsi que les musées pullulent au Manitoba et au Canada - , mais aussi à le commercialiser et à en tirer des produits dérivés. C'est ça la clé.
En outre, il y a trois autres localités-dortoirs que nous n'avons pas encore réussi à convaincre bien qu'elles soient compatibles. Ce sont St-Lazare, une localité canadienne-française et métisse, Shoal Lake et Waywayseecappo, une localité autochtone voisine de Russell. Cela vous donne une petite idée de ce qui s'est fait en développement biorégional.
Ron fait partie de cette collectivité et c'est lui qui a pris l'initiative du projet. N'hésitez pas à nous poser toutes les questions qui vous viendront à l'esprit.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Asselin.
[Français]
M. Asselin: J'aimerais vous dire qu'au gouvernement fédéral, on a des programmes qui peuvent s'appliquer dans certaines provinces, mais qui ne s'appliquent pas nécessairement dans d'autres provinces.
J'aimerais savoir si vous seriez intéressés à ce que le gouvernement modifie l'application de ces programmes en les transférant aux provinces ou aux territoires, où il y aurait, d'après moi, une meilleure concertation dans l'application de ces programmes. Ainsi, les priorités seraient mieux établies. Est-ce que les communautés, entre autres les communautés autochtones, devraient être consultées avant l'application ou la mise en place d'un tel programme?
Le gouvernement fédéral a de moins en moins d'argent à distribuer, mais il faut dire, par contre, qu'il est préoccupé par le développement de l'emploi. Par conséquent, s'il y a davantage de consultations avec les communautés ou les provinces, il me semble que les budgets pourront être mieux répartis afin de créer des emplois et de développer l'industrie touristique, qui est une de vos préoccupations majeures.
J'aimerais savoir, cependant, si vous disposez d'infrastructures d'accueil adéquates qui permettent d'accueillir et de loger le touriste et si vous disposez d'un programme de formation de guides touristiques qui pourraient faire visiter les communautés autochtones sur le territoire que vous desservez en tant que région touristique. Merci.
[Traduction]
M. Bruce-Barron: Je vais revenir au développement économique communautaire puisque c'est la clé de voûte. Le tourisme n'est qu'une dimension du développement économique communautaire et c'est pourquoi je ne commence pas par là habituellement. Lorsqu'il y a des richesses naturelles, on commence par la concertation. Ça peut vous paraître évident, mais ça ne l'est pas. Étant donné tous les jeux politiques des chefs et des conseils des localités autochtones... En passant, Canzeal a fait affaire avec 46 localités autochtones dans tout le pays jusqu'à présent. Je suis donc content que vous en parliez.
Nous nous occupons aussi de 17 à 20 localités inuit dans le Nord. Quand on établit les besoins, il faut, avant d'en arriver à la capacité d'accueil, trouver des services de soutien. Par exemple, il arrive souvent qu'une fois terminée l'analyse des débouchés servant à découvrir s'il y a vraiment un marché pour le tourisme ou pour un nouveau magasin - quand il est question de développement économique - il est très difficile de trouver du financement pour entreprendre la planification stratégique et l'établissement des plans d'entreprise. Le problème, c'est qu'on exige ces documents avant d'accepter de vous prêter de l'argent.
Bien entendu, cela ne vaut pas seulement pour les peuples autochtones mais pour tout le monde. À mon avis, il faut vraiment corriger cet aspect et cette attitude, parce que si l'on n'apporte pas une aide financière continue à de telles initiatives, ça ne sert à rien de faire cette première étape qui donne un espoir aux gens alors que la mise en oeuvre du projet sera en fait incertaine. On peut en dire autant pour la formation. Pourtant, les réalisations sont de plus en plus possibles dans les localités autochtones grâce à certains organismes provinciaux et nationaux, y compris le MTEC au Manitoba. J'ai moi-même participé à la fondation du MTEC dans ce but précis.
En ce qui concerne la formation, la difficulté, c'est sa diversification. Il y a aussi la formation elle-même, non seulement au début d'une initiative, mais aussi par la suite pour préparer les gens à toute la mercatique, que ce soit pour le développement économique ou pour le tourisme dans le cadre du développement économique. Il faut presque que ces programmes de formation et de préparation soient conçus sur mesure. Il faut s'assurer qu'ils se poursuivront jusqu'à la mise en marché.
La biorégion ici est particulièrement bien dotée au point de vue hébergement touristique. On ne peut pas en dire autant d'une région voisine mais plus au nord comme celle de Churchill où toutes les chambres sont réservées deux ans à l'avance.
Je suis un praticien, pas un théoricien. Je ne me contente pas de concevoir des produits. Je me rends sur les marchés internationaux et les marchés canadiens mêmes. Je sais donc que la biorégion ici est assez bien desservie. Dans les biorégions adjacentes à partir de Dauphin, dans le coin de Gilbert Plains, Ethelbert, Dauphin et Riding Mountain, il y a de merveilleux atouts potentiels. Nous sommes très bien dotés en couloirs et circuits touristiques, ainsi qu'en sorties.
[Français]
M. Asselin: Monsieur le président, est-ce que vous avez l'impression que cette région-ci du Canada subit une discrimination par rapport à d'autres régions? Si c'est effectivement le cas, qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour changer cela et améliorer la qualité de vie?
[Traduction]
M. Bruce-Barron: Non, je n'ai vraiment pas l'impression que notre région est victime de discrimination. Je travaille à l'échelle nationale et internationale. Je trouve qu'il y a des éléments à améliorer et je vous ai donné comme exemple les mécanismes d'aide financière. Dans le secteur du développement économique ou du tourisme, je ne trouve pas qu'on verse de l'argent les yeux fermés à certaines personnes sous prétexte qu'elles sont autochtones ou qu'elles ne le sont pas.
Dans toutes ces initiatives, je crois qu'il faut choisir très judicieusement les atouts à mettre en valeur et il est criminel de ne pas le faire parce que, franchement, dans le domaine où je travaille, cela revient à inciter les gens à poser des gestes assimilables à un génocide. Non, je ne crois pas que nous soyons victimes d'une discrimination fondamentale.
M. Ron Clement (Groupe Russell): Monsieur le président, je voudrais faire un commentaire au sujet des observations de M. Asselin et de ses premières questions.
En ce qui concerne le financement, nous recherchons des associés prêts à investir et pas seulement de l'argent. Nous avons besoin d'investisseurs. M. Rob Bruce-Barron vous a exposé la dimension mercatique du tourisme, en l'occurrence le tourisme biorégional. Nous serions heureux d'en traiter.
En terminant, je voulais vous dire deux mots au sujet de la localité dont je viens, la ville de Russell. Vous avez posé plusieurs question, une notamment au sujet des services de soutien et une autre concernant la formation. Russell est une petite localité rurale située à 100 milles au nord de Brandon et à 210 milles au nord-ouest de Winnipeg. Étant donné notre emplacement et surtout le fait que nous nous trouvions sur la route de Yellowhead, qui est un itinéraire parallèle à la Transcanadienne dans l'ouest du Canada, notre localité a opté pour une attitude assez proactive envers sa propre existence.
Grâce à cette attitude proactive, un groupe de gens d'affaires de notre localité ont décidé il y a 25 ou 30 ans qu'il n'y avait sur place aucun endroit pour bien manger et dormir ou pour servir d'étape. Ils ont donc mis leurs ressources humaines et financières en commun pour construire ce qui s'appelle aujourd'hui Russell Inn, une auberge qui compte actuellement 70 chambres et qui est une vraie réussite.
Quand j'étais président de la chambre de commerce, il y a trois ans, on a commencé à se dire que peut-être le tourisme serait le moyen de stabiliser notre industrie agroalimentaire extrêmement diversifiée. J'ai donc demandé au directeur de l'auberge Russell Inn, Daymon Gillis, quelle était l'importance du tourisme pour lui. Il m'a simplement répondu que, sans tourisme, l'hôtel n'existerait pas. Je lui ai demandé combien d'employés il avait il y a 14 ans, quand il est arrivé à Russell. Il a dit dix. Je lui ai demandé combien il en avait aujourd'hui et il m'a répondu qu'il avait98 employés à temps plein et à temps partiel. On envisage d'agrandir l'hôtel en 1997. Il y aura alors de 140 à 150 chambres et il faudra augmenter le personnel jusqu'à environ 140 employés. Aujourd'hui, 30 p. 100 du chiffre d'affaires provient de conférences et de petits congrès. Dès que l'hôtel sera agrandi, il pourra accueillir des groupes beaucoup plus nombreux.
Ainsi, un segment important de l'économie de notre localité assurera d'excellents emplois pour faire contrepoids à l'importance de l'agriculture. La diversification de l'agriculture est très importante pour nos localités rurales, mais on se rend bien compte que, d'une année à l'autre, il faut de moins en moins de personnes pour produire autant sinon plus de biens et de services dans l'agroalimentaire.
Nous avons donc cette infrastructure, mais nous avons besoin d'autres choses pour l'étayer. Nous avons trouvé ce moyen de passer par le développement économique communautaire pour trouver la stabilité économique.
Personnellement, je suis dans le secteur des services financiers où l'on dit toujours que la clé d'un programme d'investissement réussi, c'est la diversification et l'équilibre. On peut en dire tout autant des localités rurales. Elles ont besoin de diversification et d'équilibre. Nous avons déjà la diversification qui est très intensive dans le secteur de l'agriculture, mais nous avons aussi besoin d'une économie équilibrée pour stabiliser les profits et la santé financière des commerces et du milieu d'affaires de notre localité.
À mon avis, il est très important de suivre le mouvement. Vous avez demandé si nous avions les services de soutien nécessaires. Nous en avons au sens où nous pouvons héberger les gens qui viennent dans notre ville. Mais une fois que l'agrandissement de l'hôtel sera terminé, on changera de catégorie. Nous allons attirer chez nous des groupes beaucoup plus nombreux. Nous avons la chance d'avoir des gens d'affaires proactifs.
De plus, pour la formation, il y a le Collège communautaire Assiniboine, un collège régional situé à Brandon, qui a aussi des campus excentriques, notamment à Russell où il s'appelle le Parkland Southwest Campus. Le collège a aussi un établissement à Neepawa, à l'est du parc national du Mont-Riding, et un autre à Dauphin, au nord du mont Riding. Nous avons donc des professionnels compétents et les établissements voulus pour offrir le type de formation dont on a parlé.
Le président: Merci, monsieur Clement. M. Chatters est le suivant.
M. Chatters: Je suis peut-être le seul ici à être un peu perdu, mais je ne saisis pas très bien qui vous êtes ni quel groupe vous représentez. J'aurais besoin de précisions à ce sujet. Je présume que vous représentez un regroupement local qui s'occupe de développement économique, mais je n'arrive pas à établir vos liens.
M. Bruce-Barron: Je suis le consultant qu'ils ont engagé pour étudier le moyen de revitaliser leur économie.
M. Chatters: Vous êtes donc un salarié de ce groupe.
M. Bruce-Barron: Nous avons un contrat. Mon entreprise, Canzeal, a un contrat avec le groupe.
M. Chatters: Bien, et vous, vous représentez le groupe qui s'occupe du développement économique local.
M. Clement: Ma fonction officielle dans la localité, c'est président du comité du tourisme de la chambre de commerce de Russell et de la région. Au niveau régional, je suis président de l'association naissante du tourisme biorégional d'Assiniboine-Birdtail, qui englobe les deux localités de la région.
M. Chatters: Vous êtes financés par qui?
M. Clement: Nous nous autofinançons entièrement. L'un des problèmes en ce moment, c'est que le tourisme est foncièrement dirigé par les gouvernements, qu'ils soient municipaux, provinciaux ou fédéral; tout vient d'en haut. Les préceptes de notre association de tourisme biorégional exigent un engagement populaire. Autrement dit, chaque localité doit voir à faire sa propre planification et à élaborer ses propres initiatives stratégiques, mais ensuite, les diverses localités se regroupent pour faire une mise en marché régionale. Autrement dit, tout est axé sur la commercialisation et il n'y a aucune bureaucratie lourde.
M. Chatters: Vous ne recevez donc aucune subvention gouvernementale.
M. Clement: Pour le moment, non. Les localités chercheront du financement chacune de leur côté, selon leurs préférences. Les détails concernant le financement et les dépenses seront réglés par chaque localité individuellement parce qu'il y aura un programme bien ficelé pour chacune afin de mettre sa spécificité en valeur pour le marché.
À l'intérieur de la biorégion, toutes ces localités indépendantes vont se réunir dans une démarche consultative afin d'explorer leurs interdépendances et harmoniser leurs activités. Ensuite, on concevra un programme de commercialisation pour l'ensemble de la région et on le présentera au marché sous son meilleur jour.
À mesure que le projet avancera et qu'on se rapprochera de l'étape de la mise en marché, les diverses localités devront trouver le financement nécessaire. Or, les sources de financement varieront d'une localité à l'autre.
M. Chatters: Bien. Je comprends un peu mieux maintenant.
Nous sommes des députés fédéraux représentant le gouvernement fédéral. Or, le tourisme est un champ de compétence provincial. Alors, qu'attendez-vous du gouvernement fédéral?
M. Clement: Nous, je crois que nous avons besoin de... Voulez-vous répondre, Rob?
M. Bruce-Barron: Vous pourriez donner des détails sur l'arbre de l'unité et sur le développement de l'infrastructure.
M. Clement: Oui. Dans notre municipalité, nous nous concentrons sur l'arbre de l'unité nationale du Canada. Nous allons inviter toutes les provinces et territoires canadiens à nous envoyer des ornements avec lesquels nous le décorerons. C'est relié à l'histoire, au patrimoine et à la culture dans les activités que nous planifions pour souligner cet événement afin de célébrer ce que nous sommes. Nous allons présenter ça au marché comme un élément exceptionnel de notre concept de village de conteurs, 12 mois par année.
M. Chatters: En terminant, ce n'est pas que ce soit pertinent, mais étant moi-même consultant, je vous ai écouté présenter votre exposé avec un très vif intérêt. Je voudrais donc savoir, par curiosité, ce qui dans votre formation et dans votre expérience vous permet de faire de la consultation dans le secteur de l'écotourisme?
M. Bruce-Barron: Pour commencer, j'ai la compétence pour le faire parce que je suis un homme d'affaires. Je me suis lancé en affaires à l'âge de 19 ans, quand j'étais à l'université...
M. Chatters: Et qu'est-ce que vous faisiez?
M. Bruce-Barron: ... à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. J'ai fait toute une série d'apprentissages. J'ai commencé dans les beaux-arts. Canzeal existe au Canada depuis 17 ans. Au début, l'entreprise faisait des contrats pour des congrès populaires et des bureaux de tourisme et maintenant, je siège à quatre comités consultatifs sur la mise en marché auprès de la CCT, pour le Canada, les Amériques, la région Asie-Pacifique et pour l'Europe.
M. Chatters: Qu'est-ce que la CCT?
M. Bruce-Barron: La Commission canadienne du tourisme.
M. Chatters: Bien.
M. Bruce-Barron: Voilà pourquoi j'ai lancé le mot «infrastructure» à Ron. L'une des grandes difficultés qu'éprouve la CCT en ce moment... Je suis néanmoins convaincu que, dans cinq ans au plus tard, nous ferons l'envie du monde entier. J'en suis vraiment persuadé et c'est pourquoi je collabore avec la Commission. L'une des principales difficultés, ce sont les petites entreprises. Comment peuvent-elles arriver à se joindre à cette démarche du point de vue de la mercatique?
Je ne vous ennuierai pas en vous énumérant tous les pays dans lesquels je me rends chaque année - y compris le Canada - non seulement pour développer un produit mais pour le commercialiser. Je suis un spécialiste complet de la commercialisation; je ne suis pas un vendeur, mais la vente est un aspect de la mise en marché.
Pour répondre à votre question, je crois avoir une longue expérience pratique qui est reconnue au Canada et même à l'étranger.
Ce qui est tout à fait problématique pour les petites entreprises et les petites localités de tout le Canada, du moins pour certaines, c'est l'affectation de l'infrastructure.
Évidemment, quand on parle des valeurs fondamentales du développement durable et de l'écotourisme, la capacité d'une localité - comme je l'ai dit plus tôt quand j'ai laissé tomber ce trésor de sagesse - de retenir chez elle une grande partie de l'argent dépensé n'est pas sans incidences.
Je pense qu'il faudrait accorder plus d'attention à ce qui se passe dans le secteur du tourisme au Canada en comparant avec ce qui se passe à l'étranger - et c'est tout à fait désintéressé de ma part. Le modèle japonais est intéressant parce que c'est un pays qui, à certains égards, est maintenant vertical dans plusieurs pays.
M. Chatters: Merci, monsieur le président.
M. Clement: Si vous permettez, je voudrais faire un bref commentaire à ce sujet.
J'ai rencontré Rob à un forum rural qui se tenait à Brandon il y a plusieurs années. Il parlait de tourisme et de son importance pour le développement durable dans les localités autochtones. Ma famille a un contrat avec une réserve agricole depuis 45 ans. J'ai constaté qu'il était particulièrement sensible aux Autochtones, surtout pour quelqu'un qui ne l'est pas. C'était l'une des personnes les plus sensibles que j'avais jamais rencontrée. D'une chose à l'autre, j'ai appris par la suite qu'il était consultant auprès de 46 organisations différentes de premières nations au Canada.
Si nous avons cultivé une telle relation dans les régions rurales, c'est parce que j'ai constaté ici que les gens qui s'occupaient du tourisme n'avaient pas les connaissances voulues et se contentaient donc de tourner en rond comme un chien qui court après sa queue. Bref, on avançait à pas de tortue.
Rob a montré qu'il possédait les connaissances et l'optique commerciale qui sont le complément de la compréhension et des sentiments que mon engagement m'a fait acquérir. L'industrie touristique doit se développer suivant des considérations commerciales mais dans le cadre de politiques appropriées.
Grâce à notre forum sur le tourisme et à nos engagements ultérieurs dans notre milieu d'affaires à Russell, nous nous sommes occupés d'établir cette politique cadre appropriée. Les projets touristiques partent de la base, de la collectivité. Dans dix ans, quand l'industrie aura mûri... Ce serait sans doute exagéré d'affirmer que les diverses facettes de notre industrie touristique auront une importance économique aussi grande pour nos petites localités que l'agroalimentaire sous toutes ses formes, mais je crois néanmoins que, dans certaines localités, il y aura rivalité. Nous aurons un avantage double et non plus unique comme en ce moment.
M. Chatters: L'idée est intéressante parce que trop souvent, les offices du tourisme ne forment qu'une bureaucratie de plus qui ne change rien en pratique. C'est un concept intéressant auquel j'aimerais réfléchir.
M. Clement: Ces bureaucraties finissent toujours par sombrer dans une lutte de pouvoir...
M. Chatters: En effet.
M. Clement: ... tandis qu'avec ce concept, les luttes de pouvoir qui pourraient survenir se dérouleront au sein d'une localité en particulier, pas à la grandeur de la région. Toutes les agglomérations, petites et grandes, sont sur un pied d'égalité.
M. Bruce-Barron: La différence, c'est que dans le secteur privé, ceux qui ne font pas leur travail sont vite démasqués.
M. Chatters: C'est vrai.
M. Clement: Mais ce qu'il faudra faire ici maintenant...
Le président: Si vous permettez, je vais devoir donner la parole à un autre député parce que le temps file.
Monsieur Wood.
M. Wood: Merci, monsieur le président.
J'essaie toujours de comprendre. À l'heure actuelle, vous êtes consultant auprès d'un certain nombre de localités. Chacune dépense une somme donnée pour organiser ses propres affaires. Par la suite, il y aura une campagne de commercialisation globale du tourisme, que vous allez concevoir pour toute la région...
M. Bruce-Barron: C'est ça.
M. Wood: ... et ensuite on espère qu'à cause de l'argent que ça implique... Tout le monde contribue au financement. J'ignore comment ça marche au Manitoba, mais dans ma municipalité, on a droit, pour le tourisme, au financement de contrepartie des organismes fédéraux et provinciaux. Tout le monde semble pouvoir travailler ensemble. Le ministère de la Diversification de l'Ouest doit bien avoir une composante tourisme. Pourrez-vous obtenir des subventions fédérales par l'entremise de cet organisme une fois que les projets auront démarré?
M. Bruce-Barron: On peut effectivement se prévaloir de certaines composantes du ministère de la Diversification de l'Ouest. Toutefois, vous n'êtes peut-être pas au courant de ce que l'honorable Jon Gerrard...
M. Wood: Oui.
M. Bruce-Barron: ... a annoncé à Winnipeg il y a deux ou trois mois. Les règles ont changé. Je ne dis pas que je suis contre les nouvelles règles, mais dorénavant, ce seront des emprunts qu'il faudra rembourser.
M. Wood: Je sais.
M. Bruce-Barron: Disons que c'est indirectement relié à votre question sur un accès économique au marché. Premièrement, c'est une combinaison de plusieurs choses qui permet de profiter des économies d'échelle. Deuxièmement, quand on développe une biorégion, il faut constamment s'assurer de l'existence d'un marché. Autrement dit, il faut se demander quel est le produit et s'il y a un marché pour ce produit. Si la réponse est affirmative, le produit est intégré au programme. De plus, il faut déterminer où se trouve ce marché.
Alors, dans le cas de la biorégion qui nous intéresse, c'est merveilleux parce qu'une partie de l'équation, c'est le corridor commercial du centre de l'Amérique du Nord, qui est de plus en plus achalandé. C'est dans ce corridor que le comptage de la circulation obtient les résultats les plus élevés en Amérique du Nord.
Nous englobons maintenant la route de Yellowhead ce qui nous permet d'interagir avec l'association de tourisme de Yellowhead et de pénétrer tous ces marchés à moindre frais en s'alliant à d'autres. Tout cela fait partie de la mercatique.
M. Wood: Vous êtes manifestement dans le domaine depuis longtemps et je veux profiter un peu de votre expertise. Il est évident que le tourisme sera la solution de l'avenir pour nombre de petites agglomérations qui ont beaucoup à offrir. Croyez-vous que ce sera la tendance parmi les localités de se regrouper pour promouvoir ensemble leur région? Est-ce bien difficile pour la plupart des localités de trouver et d'aménager elles-mêmes des attractions touristiques viables à long terme? Devraient-elles envisager un regroupement comme celui sur lequel vous travaillez actuellement avec le Groupe Russell?
M. Bruce-Barron: On peut examiner la situation du tourisme dans le monde puis se pencher ensuite sur la situation au Canada et dans les régions.
Tout d'abord, je dois avouer qu'on exagère un peu l'importance de l'histoire, du patrimoine et de la culture au Canada. J'estime qu'il y a un peu d'excès.
Néanmoins, à l'étranger, on s'intéresse beaucoup à ce que j'appellerai la culture communautaire. Je vais partir de là. Cependant, il faut être certain d'avoir quelque chose à proposer. C'est pour cette raison que j'ai fait ma petite remarque lapidaire sur les musées tout à l'heure. Il y a de superbes petits musées dans tout le Manitoba et le Canada, mais franchement, à peine la moitié d'entre eux attirent des visiteurs. On n'ouvre pas un musée pour le plaisir, pas plus qu'on se lance dans le tourisme sans rien pouvoir offrir aux visiteurs.
Les musées sont un peu dans une catégorie à part parce que, à mon avis, c'est le meilleur endroit par où commencer quand je veux connaître la culture populaire d'une biorégion. Pourtant, ce n'est pas ce que font la plupart des gens.
Sur le marché, il y a une demande pour certains produits choisis, et elle sera réelle. C'est un problème quand on établit les corridors et les routes qui sillonnent un pays. On peut voir des noms magnifiques. Je vais vous en donner un exemple du Manitoba. Il y a Redcoat Trail et ça existe pour vrai et c'est authentique. Franchement, pour ce qui est du développement économique communautaire, de l'histoire, du patrimoine et de la culture intacts, on a mis énormément de temps à découvrir les réels atouts authentiques le long de ce corridor.
Le sentier Yellowhead a le même problème. On a un nom accrocheur, joli et d'origine, etc. Malheureusement, il faut que le tourisme et le développement économique communautaire soient compatibles avec l'authenticité, sinon les gens n'y croiront pas et ils passeront sans s'arrêter.
La consultation et la concertation sont les étapes les plus difficiles de la démarche et aussi les plus longues. C'est pourquoi j'ai dit tout à l'heure ne pas être d'avis qu'il faille imposer aux gens un rythme qui ne leur convient pas. Je crois qu'il est préférable d'exposer les choses et d'attendre que les gens les comprennent.
C'est vrai, c'est plus difficile et ça prend plus de temps. Évidemment, une fois le mouvement enclenché, on peut avoir des problèmes d'ordre inverse. Tout le monde veut prendre le train en marche.
M. Wood: Merci.
Le président: Merci, Bob.
Je voudrais moi-même vous poser deux ou trois questions. Je voudrais aussi faire quelques commentaires.
Je représente une circonscription de l'Ontario où au moins un emploi sur deux dépend directement du tourisme. Dans notre région à nous, chaque million de dollars neufs investi dans le tourisme crée 39 années-personnes. C'est une industrie vitale. Étant originaire d'une région rurale très différente de celle où nous nous trouvons parce qu'il n'y a pas de base agricole, elle compte vraiment énormément pour nous.
Habituellement, Dave et moi sommes d'accord, mais pas cette fois car, à mon avis, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle très important dans le tourisme. La Commission canadienne du tourisme a notamment pour mandat d'attirer des touristes étrangers. Elle doit aussi essayer d'encourager les Canadiens qui ont l'intention de voyager à l'étranger de faire plutôt du tourisme au Canada.
Dave a tout à fait raison de dire que c'est un champ de compétence provincial à l'intérieur d'une province. C'est pourquoi le gouvernement fédéral n'encourage pas les Manitobains à voyager dans le nord de l'Ontario ou vice versa. Il encourage toutefois les habitants du Minnesota à venir visiter le Canada. Il a donc toujours joué un rôle assez actif. La Commission canadienne du tourisme, outre ses attributions en marketing, joue un rôle important dans la recherche-développement pour aider les exploitants d'entreprises touristiques à accéder aux marchés étrangers et à choisir la programmation la plus susceptible de favoriser le tourisme.
Ainsi, pour reprendre ma région comme exemple, on a appris que les Allemands aimaient venir au Canada l'hiver pour aller à la campagne faire de la motoneige, du ski alpin, de la raquette, de la pêche sur la glace, etc. Ça donne aux gens de ma région des idées de mise en marché.
Je voulais vous poser des questions très précises sur le rôle du gouvernement fédéral. Certains ont exprimé des réserves au sujet de la Commission canadienne du tourisme qui serait capable de former des partenariats avec de très grandes entreprises comme Canadien Pacifique, Air Canada, VIA Rail et autres, mais qui aurait du mal à se mettre au niveau des organisations que l'on retrouve habituellement dans les zones rurales au Canada.
Qu'est-ce que vous avez constaté, vous? Si c'est vrai, avez-vous des suggestions particulières à faire sur la manière dont la Commission canadienne du tourisme pourrait aider mieux les PME rurales?
M. Bruce-Barron: Premièrement, cette impression est tout à fait correcte, mais je m'empresse d'ajouter quelque chose. J'ai travaillé toute ma vie dans l'entreprise privée et j'ai énormément de respect pour les fonctionnaires qui travaillent encore à la Commission canadienne du tourisme. Ce sont les meilleurs dans le monde entier et, croyez-moi, j'ai fait affaire avec des gens partout dans le monde depuis 20 ans. Il faut donc situer ma réponse en contexte. Franchement, je crois qu'ils sont obligés bien souvent de former les partenaires du secteur privé représentés aux comités consultatifs.
Je ne veux pas paraître irrévérencieux, mais il y a effectivement beaucoup de monde dans le secteur privé qui a besoin d'apprendre comment les choses se passent au gouvernement. Tout ça s'apprend.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je représente de nombreuses entreprises de tout le Canada sur les marchés intérieurs et internationaux. C'est évident que c'est plus rentable. Quand on se rend à une foire commerciale à Osaka, au Japon, la semaine nous coûte environ 10 000 $. Si les entreprises plus petites ne trouvent pas un moyen d'amortir le coût, on n'arrivera jamais à régler ce qui est perçu comme le principal problème par les quatre comités auxquels je siège comme je vous l'ai dit tout à l'heure. On continuera d'affirmer qu'il n'y a aucun produit bien développé et presque pas de variété dans ce qui est offert au Canada.
Cela se répercute sur le marché. Nous nous éloignons de nos principaux marchés étrangers qui sont les États-Unis, le Japon, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Ces touristes n'en sont plus à leur première visite; ils ont déjà vu la côte Ouest, Toronto, les chutes Niagara et Anne-aux-Pignons-verts.
Depuis trois ans, on a constaté que ces touristes avaient tendance à rechercher d'autres destinations intéressantes. C'est là qu'entrent en scène l'histoire, le patrimoine et la culture - notre équation de l'écotourisme - et l'équation faune et nature sauvage. C'est la clientèle des petits voyagistes.
Alors, si ces voyagistes dépensent de l'argent pour aller à l'ITB à Berlin, à diverses foires aux États-Unis et ailleurs comme au Royaume-Uni, au BIT à Milan, à Osaka et à Tokyo - moi, je vais à toutes ces foires - comment auront-ils les moyens de faire de la publicité? Faut-il laisser tomber les foires commerciales et les foires de consommateurs pour faire de la publicité? C'est l'alternative qui s'offre à ces voyagistes.
Ça, c'est quand ça va mal. Heureusement, tous les comités dont je fais partie sont parfaitement au courant du problème. Il y en a quatre, y compris le nouveau comité européen que j'ai présidé temporairement. Il nous a fallu une année pour réveiller tout le monde.
Vous savez, moi-même, je ne suis pas très important et pourtant, ils m'ont mis au nombre de ces gros bonnets. La semaine dernière, j'étais à Jasper à propos du tourisme canadien et je peux vous dire qu'ils écoutent. Ils étaient très ouverts à des méthodes de développement des programmes de commercialisation permettant d'inclure les PME. Vous savez, dans ces milieux-là, on m'appelle la souris qui rugit ou quelque chose du genre, et même si je suis un ardent défenseur des petites entreprises dans le développement du tourisme, je dois dire bien franchement qu'il faudra attendre encore au moins deux ans avant d'obtenir des résultats.
Le président: Il faudrait certainement orienter la politique gouvernementale dans cette direction.
M. Bruce-Barron: Certainement.
Le président: Je veux poser une question à M. Clement au sujet de l'infrastructure. Croyez-vous acceptable de bâtir une infrastructure touristique avec l'argent du fédéral ou du provincial?
M. Clement: Les gens de chez moi vous répondront sans doute par la négative de prime abord. Mais personnellement, je pencherais plutôt pour une réponse affirmative. Je crois que cela s'impose.
Faire des affaires et mettre sur pied des entreprises, c'est financièrement très risqué dans les régions rurales. Toutes les banques à charte sont en train de se retirer progressivement des campagnes. Elles cèdent la place aux caisses populaires qui doivent prendre la relève. D'ici dix ans, au train où vont les choses, les caisses populaires domineront le marché. Elles le font déjà dans ma municipalité. Donc, les risques sont élevés et les bailleurs de fonds se retirent.
Il faut absolument conjuguer capitaux publics et capitaux privés. Il se pourrait que, dans certains cas, le financement vienne exclusivement du gouvernement, mais ce serait décidé cas par cas. Si l'on pouvait conjuguer les deux sources de financement, surtout pour les projets régionaux importants qui favoriseraient la prospérité des petites entreprises locales... Autrement dit, ces projets seraient la cheville ouvrière autour de laquelle s'articuleraient les petites entreprises de l'endroit. Grâce aux avantages à long terme qui en seraient tirés, nos localités atteindraient la stabilité économique. Je crois donc que le secteur public a un rôle à jouer.
Le président: Ce qui s'est passé de vraiment particulier dans ma circonscription, c'est un projet de construction de sentiers pour motoneiges. Dans ma région, il y a une trentaine de localités mais aucune n'avait vraiment les moyens d'aménager un réseau de pistes de plusieurs centaines de kilomètres de long sans une participation quelconque du secteur public. Le gouvernement de l'Ontario a donc investi une somme considérable dans le projet et ce réseau constitue une infrastructure permettant aux gens d'aller dans des endroits où ils n'avaient jamais pu aller auparavant, l'hiver. Ils arrivent à ces destinations sur leur motoneige avec pour tout bagage, ou presque, leur porte-monnaie. Ça a vraiment donné un coup de pouce à la création d'une industrie touristique quatre saisons, alors qu'auparavant il n'y avait des touristes que pendant une saison ou une saison et demie. Pour moi, c'est ça une infrastructure. Pour la construction d'un hôtel, je trouve franchement que le financement privé est préférable aux subventions gouvernementales.
M. Clement: Je pensais à ce genre de... Quand j'ai dit que je vous répondais par l'affirmative, je pensais plutôt à des installations pour des événements spéciaux. Dans notre région, il y a un centre de ski un peu controversé qui est en train d'être aménagé. D'ailleurs, il y a un litige en instance avec le gouvernement fédéral. Je crois que la cause va être gagnée et quand tout sera réglé, les critiques d'hier deviendront des partisans. Mais comme nous vivons dans un milieu plutôt conservateur en matière économique, il faut qu'un organisme fasse ses preuves.
En général, les régions rurales ne reçoivent pas d'aide pour faire ce genre de planification stratégique et d'aménagement. C'est le genre de projet dont je voulais parler. Ensuite, l'entreprise privée peut construire l'hôtel et les autres services nécessaires pour que ça marche.
Mais il y a une chose qui ressortira de ce projet, une fois qu'il aura été réalisé, et sur laquelle il faudra se pencher: c'est la preuve pour les gens d'ici qu'un bon alliage de fonds privés et de fonds publics permet de construire d'importantes installations durables autour desquelles l'entreprise privée... C'est ce qui va donner au Russell Inn l'impulsion d'agrandir l'établissement pour le doter de 150 chambres tout en montrant au gouvernement du Manitoba qu'il doit modifier sa politique - ce qui se répercutera sur les accords fédéraux - afin de planifier l'aménagement de certains endroits stratégiques. Du moins, c'est ce que j'espère.
Le président: Il va falloir accélérer. Il est déjà 10 h 30.
Monsieur Bruce-Barron.
M. Bruce-Barron: J'ajouterais que ce que vous avez laissé entendre au sujet de l'Ontario est tout à fait exact. La clé, c'est effectivement l'infrastructure. Si l'on choisit le village de conteurs comme catalyseur de la biorégion à cause de sa spécificité et de son authenticité, je pense que ça, c'est important.
Je veux faire une dernière observation. En parlant de vos marchés et des avantages du tourisme intérieur... Bien des gens ne se rendent pas compte que 58 p. 100 des touristes au Canada sont des Canadiens. Ils ne savent pas non plus que 24,1 p. 100 des touristes sont américains et que c'est un secteur en pleine expansion. On parle beaucoup de l'Europe, mais malgré que je sois bien branché sur ce marché, seulement 8,1 p. 100 de tous les touristes, jusqu'à présent, viennent de l'Allemagne. Quand il est question des marchés-cibles, je crois que ça vaut la peine de le souligner.
Le président: Merci beaucoup.
M. Clement: Monsieur le président, si vous me le permettez, je voudrais faire une dernière intervention. Quelqu'un a demandé ce que le gouvernement fédéral pouvait faire pour ces secteurs. Il faut au sein du ministère de la Diversification de l'Ouest un mécanisme permettant de financer directement certaines petites grappes de localités qui sont dans notre biorégion. Nous devons pouvoir établir des liens directs avec le MDEO pour obtenir un financement permanent au lieu d'être obligés de passer par des programmes comme celui du développement des collectivités qui contrôle tout d'en haut. Il faut une approche plus directe afin que les initiatives populaires proposées par les localités puissent établir ces liens sans passer par un intermédiaire.
Le président: Merci beaucoup, messieurs. Nous vous sommes reconnaissants. Nous allons faire une pause de cinq minutes.
Le président: Le témoin suivant est Bernice Palaniuk. Vous représentez le Swan Valley Forest Capital of Canada Committee.
Mme Bernice Palaniuk (présidente, Swan Valley Forest Capital of Canada Committee): Oui, c'est exact.
Le président: Bienvenue. Nous vous remercions d'avoir pris le temps et la peine de venir nous rencontrer aujourd'hui. Je vous demanderais de prendre place à la table pour faire votre déclaration d'ouverture et ensuite les membres du comité vous poseront des questions.
Mme Palaniuk: Je suppose qu'on m'autorise à rester debout. Je ne m'étais pas rendu compte du genre d'exposé que nous étions censés présenter. Le mien sera sans doute un peu long. J'ai appris ce matin seulement de combien de temps je disposerais. Je vous prie donc de m'excuser si je prends un peu plus de temps que prévu.
Je m'appelle Bernice Palaniuk. Monsieur le président, messieurs les membres du comité, Marlene Cowling, notre députée fédérale, bienvenue à Swan River.
Je vous remercie de m'avoir permis de venir vous présenter notre mémoire cet après-midi. Une bonne partie de mon exposé porte plutôt sur les ressources humaines. Je vais laisser les spécialistes s'occuper des données et des chiffres concernant les ressources naturelles.
Je suis dans les affaires. Je préside le Swan Valley Forest Capital of Canada Committee. J'appartiens à la quatrième génération des Olfrey qui vivent dans la vallée et, à ce titre, je suis très préoccupée par la durabilité de nos richesses naturelles et par le développement et la croissance économique ruraux. Swan Valley sera la Capitale forestière du Canada en 1998, une première pour le Manitoba.
Je vais vous tracer l'historique de ce titre de Capitale forestière du Canada. C'est un prix qui a été créé en 1979 par l'Association forestière canadienne. Il est remis annuellement à une localité canadienne qui se démarque parce qu'elle a à coeur les ressources forestières, qu'elle en dépend et qu'elle reconnaît cette interdépendance. Toute l'année durant, nous allons fêter ce titre de capitale forestière.
L'un de nos principaux objectifs sera l'éducation, à commencer par des programmes conçus pour le cours de gestion de l'environnement donné à l'école secondaire régionale de Swan Valley, une école unique en son genre au Manitoba. Il ne se donne pas beaucoup de cours en gestion de l'environnement dans la province.
Nous rêvons qu'un jour, nos enfants puissent connaître et comprendre qu'ils sont les régisseurs suprêmes des bienfaits de la nature. Le titre de capitale forestière du Canada de 1998 va nous rapprocher un peu de la concrétisation de ce rêve.
Entre autres legs, nous entendons faire une donation au projet du Club Rotary, Pathway to Life. Nous espérons dédier à la population de Swan Valley cet espace vert lors de son inauguration en 1998, année de notre centenaire.
Nous formons aussi le dessein d'aménager un endroit pour les élèves de la classe de gestion de l'environnement de Swan Valley afin de leur donner la possibilité de créer un arboretum où ils pourront planter des arbres et observer les divers stades de leur croissance.
Ces nombreux acres de terrain dont la Spruce Products Ltd. de Swan River nous fera don, espérons-nous, seront aménagés en sentiers d'interprétation, donnant ainsi aux élèves, aux résidents et aux touristes l'occasion de s'instruire.
Nous avons besoin d'argent pour réaliser plusieurs des projets que nous voulons léguer à notre collectivité afin qu'elle en jouisse longtemps après la fin de l'année des célébrations du titre de capitale forestière du Canada de 1998.
Depuis sept ans, il y a un événement annuel pour célébrer les trésors de notre forêt. C'est la foire organisée par la Loggers and Haulers Association, où l'on peut voir plus de 100 exposants, des présentations sur la forêt modèle et sur la gestion des ressources naturelles, des kiosques de l'association des trappeurs du Manitoba et de nombreuses compagnies forestières qui montrent les technologies modernes dont on se sert pour gérer l'exploitation des forêts; il y a aussi des démonstrations.
En 1996, plus de 4 000 personnes ont visité notre exposition. Le soir, il y avait un banquet pour l'attribution de prix aux bûcherons et débardeurs. Nous avons vendu plus de 600 billets en trois heures. Quelle réalisation pour une ville de moins de 5 000 habitants!
Pour être nommée capitale forestière du Canada, une localité doit présenter une lettre d'intention à son association forestière provinciale. Évidemment, dans notre cas, c'est la Manitoba Forestry Association. La candidature doit être soumise par écrit à l'Association forestière canadienne au plus tard le 1er janvier, deux ans avant l'année pendant laquelle le titre sera détenu.
Soyez sans crainte, je n'ai pas l'intention de vous lire tout ce cahier qui étaye notre candidature. Il fait plus de 100 pages. Nous l'avons présenté à l'Association forestière canadienne.
L'étape suivante est celle de la présentation en personne. Nous avions soumis notre candidature pour l'année 1997 puisque la cérémonie aura lieu à Winnipeg, au Manitoba, mais nous n'avons pas été choisis. C'est Grand Prairie, Alberta, qui a été nommée pour cette année-là. Pour nous, une localité rurale, la difficulté ne fait que nous encourager à travailler encore plus fort pour obtenir le titre l'année suivante, en 1998.
Les difficultés ne sont pas étrangères aux localités rurales. Quand j'ai fouillé l'histoire de Swan Valley, j'ai ressenti l'esprit d'aventure, la détermination, les luttes et l'adversité. L'année 1998 est celle du centenaire de notre «village de toile», situé à quelques milles en dehors de Swan River. En 1889, le Canadien National qui étendait ses voies ferrées vers le nord a ouvert la vallée de la rivière Swan à la colonisation. Les gens se sont précipités pour défricher la terre et cultiver ce sol vierge. Les familles qui avaient un besoin criant d'améliorer leur sort ont subi bien des épreuves.
Les membres du Comité de la Capitale forestière ont consacré bénévolement beaucoup de temps et d'énergie à l'organisation d'un très grand nombre de programmes passionnants qui vont rassembler les familles, les amis et les voisins à tous les mois pour célébrer les richesses et la beauté de notre forêt, non seulement durant l'année où nous porterons le titre mais pendant de nombreuses années à venir.
Dans la documentation que vous nous avez fait parvenir, vous demandiez notamment comment faire pour changer les préjugés qui persistent dans les régions urbaines au sujet du Canada rural. À la réunion de la Commission mondiale des forêts et du développement durable qui a eu lieu à Winnipeg le 1er octobre 1996, j'ai écouté parler avec consternation un monsieur d'un certain âge. Le gros de son exposé portait sur Swan River au Manitoba et il a raconté à la Commission comment les audiences publiques de la Commission de protection de l'environnement du Manitoba sur la Louisiana-Pacific Canada avait partagé une collectivité, la laissant divisée.
J'ai parlé à ce monsieur plus tard. Comme son nom ne me disait rien, je lui ai demandé s'il était un résident de notre localité. Il m'a dit non. Je lui ai demandé s'il avait assisté aux audiences à Swan River. Il m'a dit qu'il n'y était pas, mais que 20 de ses collaborateurs y étaient. Je lui ai dit que je comprenais alors pourquoi il était si mal informé.
J'en veux aux membres d'organisations bien structurées qui se présentent dans nos localités en utilisant des tactiques qui, j'en suis maintenant convaincue, ne peuvent faire autrement que semer la confusion. Ces personnes ne perçoivent pas la déception, la perte d'enthousiasme et le désespoir dans la voix des jeunes. Mais les mères, elles, l'entendent.
Il est possible d'avoir un avenir prospère dans la vallée sans compromettre l'écologie ni la faune. Les habitants de la vallée, grâce à des subventions fédérales, peuvent obtenir des renseignements justes qui leur permettront d'apprécier en toute connaissance de cause le pour et le contre de l'idéologie des fanatiques bien organisés qui abusent de leur pouvoir pour colporter des histoires qui font peur au monde. Les ruraux doivent prendre eux-mêmes leurs décisions, leurs responsabilités et assumer les conséquences de leurs décisions qui touchent toute la collectivité.
Nous ne sommes pas des ignorants. Nous nous rendons bien compte quand des groupes utilisent la coercition pour promouvoir un seul objectif: le leur. La connaissance dissipe la peur. Il faut se renseigner sur nos besoins humains et économiques ruraux et ne jamais céder notre pouvoir de décision. Ça m'insulte quand des gens qui n'ont jamais vécu dans une localité rurale, qui n'ont même jamais mis les pieds à Swan River, ont le culot de présumer qu'ils peuvent parler au nom de ma collectivité.
Votre comité a posé aussi la question suivante: à votre avis, une société de ressources naturelles a-t-elle le devoir social de contribuer financièrement et autrement à l'existence à long terme des localités rurales où elle fait de l'exploitation? Je répondrais oui sans hésiter et je suis fière de dire que certaines industries forestières en sont un exemple.
Spruce Products Ltd., fondée en 1942, fait partie intégrante de l'économie régionale de Swan River depuis plus de 50 ans. C'est une entreprise familiale très engagée dans la collectivité. Elle s'occupe activement de plus de 20 organismes sans but lucratif, dont le centre forestier du Mont-Duck. Ce centre d'interprétation a vu le jour le 31 mai 1987 grâce à la générosité de M. Frank Marvin, ancien président de Spruce Products Ltd. L'immeuble a été baptisé en l'honneur deM. Marvin qui s'est longtemps dévoué au sein de la Manitoba Forestry Association et qui a donné beaucoup de son temps et de son argent à notre vallée.
Il y a une autre entreprise très respectée et dévouée dans notre localité: la Pine Falls Paper Company Limited, autrefois appelée Abitibi-Price Inc. La vallée de la rivière Swan est devenue une source importante de bois à pâte pour l'usine construite à Pine Falls, au Manitoba, en 1929. Le 1er septembre 1994, 467 fiers employés manitobains ont acquis la majorité des actions de la Pine Falls Paper Company. Au fil des ans, le mont Duck et les Porcupine Hills ont fourni environ25 p. 100 - plus de 100 000 mètres cubes - des épinettes et des sapins achetés chaque année dans la région.
L'Association canadienne pour la santé mentale-Swan Valley a énormément bénéficié de la générosité de la Pine Falls Paper Company. Grâce à ce commanditaire éclairé et au temps et à l'argent qu'il lui a donnés, l'ACSM réussit presque à remplir son mandat qui est d'aider les personnes aux prises avec une maladie mentale. Je profite de l'occasion pour remercier la Pine Falls Paper Company de sa compassion, de son respect et surtout de sa sensibilisation de sa compréhension du fait que la maladie mentale peut atteindre n'importe qui, quelles que soient sa race ou sa situation financière.
Il y a une nouvelle entreprise qui fait preuve de civisme, la Louisiana-Pacific Canada. Elle a généreusement contribué au succès de notre candidature au titre de Capitale forestière du Canada, ainsi qu'à la Loggers and Haulers Association. Nombre de ses employés donnent de leur temps et de leur argent pour assurer la croissance économique de notre localité.
La question suivante, c'est croyez-vous que prêter au Canada rural soit intrinsèquement plus risqué que prêter au Canada urbain? J'ai été littéralement suffoquée par la question. Les résidents ruraux - et j'ai fait affaire tant avec des ruraux qu'avec des citadins - sont parmi les personnes les plus énergiques, les plus polyvalentes et les plus débrouillardes avec lesquelles j'ai eu le privilège de travailler. Il faut absolument que le fédéral prête aux entreprises rurales. La croissance économique rurale est la clé de voûte de la stabilité du Canada.
En terminant, je voudrais revenir brièvement - c'est une façon de parler - sur les besoins et les angoisses des résidents de notre localité.
Des études universitaires ou collégiales sont hors de question pour bien des jeunes ruraux. La majorité des familles des finissants du secondaire n'ont tout simplement pas les moyens de payer des études supérieures à leurs enfants. L'avenir est un château en Espagne et la joie de vivre des élèves est anéantie par la perspective d'une existence terne et médiocre. La croissance économique rurale s'impose si l'on veut que nos jeunes aient le sentiment d'avoir un avenir brillant et passionnant devant eux. Lorsque la soif de vivre quitte les jeunes, nous y perdons tous. Nous savons tous que les jeunes sont notre avenir. Les jeunes gens d'aujourd'hui sont les adultes de demain. S'ils se sentent perdus et désespérés à l'aube de leur vie, l'avenir de notre pays s'en ressentira.
Les enfants qui ont le privilège de garder la ferme familiale ou de reprendre une entreprise familiale ne sont plus qu'une minorité aujourd'hui. Il faut redonner à nos jeunes un avenir économique rose et un appétit de vivre. Chaque famille doit prendre la décision éclairée et résolue de soutenir la croissance et l'industrie de sa localité rurale. L'avenir morne auquel nos enfants s'attendent aujourd'hui doit être illuminé dans l'intérêt des adultes de demain.
Comme je m'occupe de la défense des malades mentaux et que j'anime des groupes d'entraide à l'ACSM pour les personnes angoissées, stressées ou en épuisement professionnel, j'ai rencontré personnellement bien des gens - de tous les âges - qui ont l'impression que leur gouvernement a oublié le Manitoba rural. Plus d'une centaine de personnes se sont inscrites à un programme d'entraide cette année. Je les entends raconter qu'elles sont inquiètes, qu'elles craignent pour leur avenir, pour la sécurité de leur emploi, ce qui les empêche de donner des assises solides à leur famille.
Quand on craint pour la sécurité de son emploi, surtout quand cet emploi est le gagne-pain principal, les fondements mêmes de la famille sont ébranlés. C'est toute la famille qui souffre ensemble et les enfants ressentent tout le poids de l'épreuve. La souffrance, le stress et l'anxiété se répercutent sur les enfants. Ils apprennent très rapidement à craindre pour l'avenir. Enseigner à ces enfants préoccupés par les pressions de la vie quotidienne devient au mieux pénible. L'efficacité de l'enseignant et la capacité d'apprentissage de l'enfant sont compromises.
L'épuisement professionnel est bien réel. C'est l'un des troubles dont le nombre de victimes croît le plus rapidement au Canada. Il y a constamment entre 5 et 7 p. 100 de la population du Manitoba qui est atteinte de troubles reliés au stress et à l'angoisse. La dépression clinique peut frapper n'importe qui, quelles que soient sa race et sa situation financière. Environ 15 p. 100 des personnes souffrant d'une dépression clinique se suicideront et la proportion pourrait bien être supérieure parmi les jeunes d'aujourd'hui.
Quiconque est happé par le cycle destructeur de l'épuisement professionnel ou de la dépression est d'autant plus victime que la sécurité de son avenir est menacée. Le stress est décuplé par la prise de conscience du fait qu'il sera assez difficile de modifier ou de choisir l'orientation de sa vie. Ne laissez pas des promoteurs sans aucune vision du développement économique usurper votre pouvoir de privilégier la croissance.
Nous, les Canadiens, nous devons être concurrentiels sur le marché mondial. Préparons nos jeunes à relever ce défi. Les fonds fédéraux qui seront injectés dans notre localité nous permettrons de bien vivre sans quitter notre ville natale. Ainsi, nos enfants pourront prendre la place qui leur est due dans la société, car ils forment la prochaine génération et ils devraient avoir eux aussi le privilège d'élever leurs familles dans l'amour, entourées d'une communauté attentionnée.
Nous, nous apprécions cette dépendance envers la nature et ses trésors infinis. Une gestion saine de nos forêts nous assurera les ressources nécessaires dans le présent tout en nous permettant de laisser un héritage aux générations de demain. Les citoyens ruraux ne doivent pas abandonner leur pouvoir de choisir pour leur vallée un avenir fait de croissance économique et humaine. Quand viendra le moment d'élire un gouvernement, il faudra choisir celui qui a la clairvoyance de considérer les Canadiens ruraux non pas comme un fardeau, mais comme un atout dans lequel ça vaut la peine d'investir.
La forêt boréale est une ressource renouvelable, pas l'avenir de nos enfants.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons passer aux questions et c'est M. Asselin qui va commencer.
[Français]
M. Asselin: J'aimerais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue au comité et vous féliciter pour votre excellent exposé. J'aimerais également vous souhaiter la meilleure des chances en 1998 pour obtenir le prix que vous désirez depuis déjà fort longtemps.
J'ai deux questions à vous poser. On constate de plus en plus que les provinces réclament la responsabilité de l'éducation et de la formation professionnelle afin d'éliminer des chevauchements et des dédoublements qui sont très coûteux.
Pensez-vous que ce soit une bonne idée que les provinces gèrent la formation professionnelle et l'éducation pour nos jeunes? Comme vous l'avez dit, nos jeunes sont notre avenir. Ce sont eux qui vont nous succéder, et il est important que le gouvernement fédéral attribue de l'argent aux provinces, selon le principe du transfert aux provinces, pour que celles-ci puissent gérer adéquatement l'éducation et la formation selon les besoins du milieu. Quel est votre avis?
Deuxièmement, vous nous avez dit dès le début que vous vous occupiez du développement des ressources humaines. Le présent gouvernement vient de faire une réforme de l'assurance-emploi. Il y aura sûrement des effets néfastes dans votre région, comme partout ailleurs, même au Québec. On sait que ceux qui ont des emplois précaires ou des emplois saisonniers auront de plus en plus de difficulté à se qualifier pour l'assurance-emploi. Est-ce que cela aura un effet très négatif pour les gens dans votre domaine, par exemple?
[Traduction]
Mme Palaniuk: Pourriez-vous me rappeler quelle était votre première question, la fin surtout?
[Français]
M. Asselin: Est-ce que le gouvernement fédéral est prêt à faire les transferts d'argent et à laisser gérer par la province l'éducation et la formation de la main-d'oeuvre?
[Traduction]
Mme Palaniuk: Bien des provinces sont pauvres. Celle du Manitoba se situe probablement dans la moyenne. Si elle ne reçoit pas d'argent du gouvernement fédéral, où en trouvera-t-elle? Si l'on se fie au gouvernement provincial... Je vous assure que je ne connais pas grand-chose au gouvernement alors soyez indulgents si je n'utilise pas les bons termes. Que l'argent vienne du fédéral ou du provincial importe peu. Le principal, c'est que nous ayons de l'argent pour faire instruire nos jeunes. Les jeunes des localités rurales ont énormément de mal à poursuivre leurs études.
J'ai deux fils qui ont fait des études à l'extérieur de la municipalité. Il faut les envoyer en ville. Il faut les installer dans un autre logement, les nourrir et les habiller, même si on essaie de le faire à la maison. Ça coûte extrêmement cher, sans compter les frais de scolarité. Ça signifie que ce n'est pas aussi facile que pour les jeunes qui habitent en ville, puisque bon nombre de familles n'ont pas les moyens de faire vivre leurs enfants en dehors de la maison. Il faut absolument des fonds du fédéral.
Quant à votre question sur l'assurance, le Manitoba est en train de réformer les services de santé mentale. Je siège au comité régional avec M. James McRae. Nous sommes en train de reprendre la responsabilité des services en santé mentale destinés aux résidents ruraux parce que nous connaissons leurs besoins et que nous savons comment ils vivent. Quand on est obligé de les envoyer en ville, à Brandon ou à Winnipeg, en voiture de police, ça prouve que le système les victimise une fois de plus. Nous avons donc besoin d'argent.
Je suis désolée. Je ne peux sans doute pas vous en dire plus long sur l'assurance parce que, à mon humble avis, ce n'est pas parce quelqu'un souffre d'une maladie mentale qu'il faut le mettre dans une voiture de police et l'escorter jusqu'à Brandon où il souffrira d'autant plus. Les malades mentaux devraient rester au sein de leur collectivité. Nous pouvons les prendre en charge si l'on nous donne l'argent nécessaire.
[Français]
M. Asselin: Je pense qu'on s'est mal compris. Quand je parlais de l'assurance-emploi, il s'agissait de l'ancienne assurance-chômage.
[Traduction]
Mme Palaniuk: Ah bon!
[Français]
M. Asselin: Vous avez sûrement entendu parler de la réforme Axworthy. On sait que les gens qui ont des emplois précaires ou des emplois saisonniers auront de plus en plus de difficultés à se qualifier pour l'assurance-emploi. On sait aussi qu'un des objectifs du gouvernement fédéral est de s'approprier environ 5 milliards de dollars de la caisse de l'assurance-chômage pour réduire le déficit.
On sait bien que la caisse de l'assurance-chômage est alimentée par les travailleurs et les travailleuses et également par les employeurs. Quelles vont être les conséquences? Les gens qui n'ont pas travaillé suffisamment d'heures ne pourront pas se qualifier pour l'assurance-emploi et devront aller à l'aide sociale. D'autre part, s'il n'y a pas d'emplois et qu'ils n'ont pas droit à l'assurance-chômage, ils devront inévitablement quitter votre région.
On a donc deux conséquences ici, au Manitoba. Tout d'abord, les jeunes quittent la région pour obtenir la formation nécessaire pour intégrer le marché du travail et n'y reviennent pas le plus souvent. Ensuite, les parents quittent la région pour rejoindre les jeunes qui se marient et décident de rester vivre dans les grands centres. Tout ceci cause un effet d'entraînement considérable qui vide les régions rurales.
D'autre part, si les gens ne peuvent se qualifier pour l'assurance-chômage, ils vont aller travailler à l'extérieur et, par conséquent, perdre leur sentiment d'appartenance à leur région.
[Traduction]
Mme Palaniuk: Je comprends ce que vous voulez dire. À propos de l'assurance-emploi, je vous signale que les collectivités rurales sont très diversifiées. En effet, les membres d'une famille qui possède une exploitation agricole exploitent leur quota personnel de coupe et vendent le bois à des entreprises de notre région. Étant donné que la région de Swan River possède de nombreuses ressources, la plupart des gens ne doivent pas s'inscrire au chômage. Bien sûr, dans les secteurs où l'emploi est saisonnier, les gens qui ne travaillent pas assez longtemps n'ont pas droit à l'assurance-emploi ou à l'assurance-chômage.
Si vous consultez vos statistiques, vous constaterez que l'on a beaucoup moins recours à l'assurance-chômage dans les régions rurales que dans les régions urbaines. Dans notre région, un jeune qui n'arrive pas à trouver un emploi ni à obtenir de l'assurance-chômage est très embarrassé d'avoir recours à l'assistance sociale. Dans une petite localité, tout le monde est au courant de vos affaires, et même avant vous. Cela peut-être très embarrassant pour une famille d'assistés sociaux.
Je ne suis pas experte en matière d'assurance mais je connais les conséquences de cette situation sur le plan humain. Je les constate à notre centre d'accueil et au sein de notre groupe d'entraide. Je regrette, mais je ne peux pas vous donner une réponse plus précise que cela.
M. Asselin: Merci.
Le président: Monsieur Chatters.
M. Chatters: Merci, monsieur le président.
Bonjour, madame.
Votre exposé a commencé sur une note très positive. Vous avez parlé de développement forestier et d'autres initiatives de ce genre. Tout cela est très positif. J'approuve ce que vous avez dit au sujet de certains groupes du genre Greenpeace qui viennent de l'extérieur et pensent qu'ils ont pour mission de protéger vos intérêts. Nous avons connu le même problème dans ma région.
Par contre, la deuxième partie de votre exposé, celle où vous avez fait des réflexions extrêmement pessimistes sur l'avenir de nos enfants, m'a un peu dérangé. Je suis fermement convaincu que tous les jeunes du Canada doivent avoir le droit de recevoir le niveau d'éducation qu'ils sont capables d'atteindre. Je crois que nos enfants ont ce droit-là et cette possibilité-là au Canada, pas toujours dans leur ville ou village d'origine, mais je ne suis pas sûr que ce serait vraiment souhaitable, si c'était possible. Je ne pense pas qu'il serait pratique de donner à tous les étudiants des régions rurales du Canada l'occasion d'obtenir un diplôme universitaire sans partir de chez eux. Mes enfants n'ont pas pu le faire. J'ai connu les mêmes problèmes que vous. Nous y avons fait face et nous les avons résolus.
Par contre, je ne suis pas d'accord du tout avec mon collègue lorsqu'il prétend que c'est au gouvernement qu'il incombe de faire des transferts d'argent aux provinces pour leur permettre de fournir les services d'enseignement et de formation dans leurs diverses régions. J'estime que le gouvernement fédéral a la responsabilité de faire en sorte que chaque enfant puisse recevoir cette éducation, mais je me demande si le mécanisme de prestation de ces services ne devrait pas être axé directement sur les étudiants, pour leur donner la possibilité de se renseigner où ils veulent sur les services.
Je crois qu'il est bon de s'assurer que les étudiants sont consciencieux avant de leur donner des récompenses comme des bourses d'étude et des remboursements sur les prêts qu'ils auront contractés pour réussir dans leurs études. C'est une façon bien plus intelligente de fournir les fonds prévus aux étudiants. Je voudrais que vous en parliez un peu.
Vous avez dit pour terminer que l'avenir de nos enfants n'est pas une ressource renouvelable. Cette affirmation m'a étonné. Je pensais que nos enfants étaient notre meilleure ressource renouvelable.
Mme Palaniuk: Pas si leurs perspectives d'avenir sont mauvaises. C'est du moins le cas dans une petite agglomération rurale. Vous vivez peut-être dans une agglomération urbaine ou alors dans une petite agglomération rurale.
M. Chatters: Je vis dans une petite agglomération rurale.
Mme Palaniuk: Nous avons effectivement la possibilité de demander une bourse mais la plupart de ces enfants sont la principale main-d'oeuvre dans l'exploitation agricole ou forestière familiale. Les parents ne peuvent pas renoncer à cette main-d'oeuvre pour permettre à ces enfants de poursuivre des études parce que l'on n'a pas injecté pas suffisamment d'argent dans notre agglomération pour qu'une entreprise puisse marcher toute seule et engager des étrangers. En réalité, ces enfants perdent espoir. Lorsqu'on perd espoir, on perd la capacité de se donner des raisons d'espérer. En outre, la plupart de ces enfants n'ont pas d'enthousiasme pour la vie.
Ma soeur est directrice de l'école Ethelbert et elle a dit que la cérémonie de remise des diplômes aux élèves de la promotion de 1995-1996 n'était pas très gaie. Les diplômés ne manifestaient aucun enthousiasme pour leur avenir, parce que même ceux qui avaient les moyens de poursuivre des études - parce que leur famille en avait les moyens ou parce qu'ils avaient obtenu une bourse - n'étaient de toute façon pas assurés de trouver un emploi. C'est bien beau de mettre des bourses à leur disposition par exemple, encore faut-il leur donner un emploi quand ils ont fini leurs études, parce que c'est cela qui compte finalement.
M. Chatters: Je suis bien d'accord avec vous à ce sujet. Ils craignent de ne pas arriver à trouver un emploi après avoir emprunté 20 000 $...
Mme Palaniuk: C'est exact.
M. Chatters: ... et après avoir passé quatre ou cinq ans aux études. Je comprends bien que ce soit un gros sujet de préoccupation, mais il ne devrait pas exister un seul étudiant au Canada qui ne soit pas au courant de la possibilité de s'instruire et qui ne soit pas enthousiasmé par cette perspective.
J'ai vécu dans une petite exploitation agricole rurale où j'ai eu des responsabilités dès que j'ai été en âge de conduire un tracteur. J'ai toujours estimé, et j'espère que mes parents aussi, qu'une de leurs responsabilités était de m'envoyer à un certain moment faire des études à l'extérieur - au lieu de me forcer à rester à la maison pour conduire le tracteur et de m'empêcher de profiter de ces possibilités - , tout en me donnant l'occasion de revenir un jour si je le voulais.
Mme Palaniuk: C'est exact. Il est fréquent que les jeunes aient la possibilité de faire des études, mais pas de revenir dans une agglomération rurale pour y gagner leur vie. Cette possibilité est tout simplement inexistante.
M. Chatters: Oui, c'est exact.
Mme Palaniuk: La perspective de faire des études devient donc très floue, ce qui modère l'enthousiasme.
M. Chatters: Oui. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci. Monsieur Wood, c'est à votre tour.
M. Wood: Merci, monsieur le président.
Madame Palaniuk, j'ai examiné votre mémoire et j'approuve une bonne partie des solutions que vous proposez pour garder les jeunes dans les agglomérations rurales. Puisque vous êtes présidente du Swan Valley Forest Capital of Canada Committee, je voudrais que vous nous disiez si vous avez envisagé d'essayer de produire quelques produits à valeur ajoutée. Avez-vous eu l'occasion d'examiner la question ou d'y réfléchir ou est-ce que la Spruce Products Ltd. et la Pine Falls Paper Company ont eu l'occasion de le faire? Ont-elles songé à diversifier une partie de leurs activités et à se lancer dans la fabrication de quelques produits à valeur ajoutée dans le secteur des pâtes et papiers ou dans le secteur forestier? Avez-vous fait cela?
Mme Palaniuk: Vous demandez si ces entreprises ont diversifié leurs activités pour transformer les ressources forestières en d'autres types de produits?
M. Wood: Il n'est pas nécessaire qu'elles le fassent déjà, mais je voudrais savoir si elles ont essayé d'utiliser les produits forestiers pour se lancer dans d'autres activités dans le même secteur, comme la fabrication de produits à valeur ajoutée.
Mme Palaniuk: Je laisserai à M. Dick Walker le soin de répondre à cette question. C'est lui l'expert. Je vous ai déjà dit au début de mon exposé que je n'étais pas une experte en matière de ressources forestières. Dick.
M. Wood: Allez-y, monsieur Walker. Ne faites pas le timide.
Bien des agglomérations qui se trouvent dans la même situation que Swan River ont envisagé d'utiliser une partie de leurs rebuts, par exemple. A-t-on envisagé cette possibilité?
Mme Palaniuk: Oui.
M. Dick Walker (président, Spruce Products Ltd., Swan River): Certainement.
Le président: Excusez-moi un instant. Pourriez-vous vous présenter avant de donner votre réponse?
M. Walker: Pardon. Merci. Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous parler brièvement. Je m'appelle Dick Walker et je suis président de la société Spruce Products Ltd. de Swan River.
La diversification est certainement une chose que toutes les entreprises du secteur forestier recherchent assidûment. Nous devons essayer d'utiliser nos ressources de la meilleure façon possible pour pouvoir durer et pour des raisons financières. Nous essayons d'exploiter toutes les possibilités qu'offre un produit. C'est sans aucun doute un aspect que nous ne négligeons pas.
Je vais vous citer un exemple d'une des choses que fait notre compagnie. Je suis certain que c'est fréquent au Québec et en Ontario. Nous transformons les morceaux d'écorce en copeaux à papier pour l'usine Repap de The Pas. Il s'agit en fait d'un sous-produit.
Nous faisons beaucoup ce genre de récupération sur le chantier d'abattage proprement dit. Il s'agit d'utiliser la ressource après en avoir tiré d'autres produits, comme une bille de sciage ou une bille de bois à pâte. Il reste la tête de l'arbre. Habituellement, on l'écarte et elle est considérée comme un déchet. La fabrication de copeaux permet d'en faire un produit rentable. On utilise la ressource et on gagne de l'argent.
Pour ce qui est des activités de base, la fabrication de bois-d'oeuvre, par exemple, Swan River est considéré comme un producteur relativement peu important. Je suppose que tout le Manitoba est considéré comme un assez petit producteur dans l'ensemble du secteur de la production de bois-d'oeuvre et de produits forestiers au Canada. Grâce à Dieu, les États-Unis ne nous jugent pas assez importants pour nous appliquer le tarif. Nous sommes libres à cet égard.
Pour en revenir à ce qui se passe à l'échelle locale, notre entreprise juge bon de diversifier ses investissements dans la collectivité. Nous avons commencé d'importants travaux de transformation à notre scierie le printemps dernier. Nous sommes en train d'y construire un séchoir à bois. Nous investissons un million et demi de dollars dans ce projet. C'est seulement à un mille et demi d'ici. Vous pouvez passer par là en voiture et y jeter un coup d'oeil. C'est au niveau de l'amélioration de ces installations qu'existent les possibilités et cela nous permettra de faire de la transformation à valeur ajoutée.
M. Wood: Cela fera manifestement augmenter considérablement le nombre d'emplois dans votre scierie.
M. Walker: Oui. Cela nous donnera l'occasion de fonctionner plus ou moins toute l'année et d'avoir accès aux marchés toute l'année.
M. Wood: Par conséquent, les travailleurs et les compétences nécessaires existent.
M. Walker: Oui. Prenez par exemple la situation de Repap et de la Pine Falls Paper Company. Elles cherchent continuellement à faire une meilleure utilisation de nos ressources. La société Repap a amélioré la qualité de son papier. La Pine Falls Paper est en train de faire de grandes transformations; elle va même jusqu'à recycler le papier et améliore constamment le produit.
Je sais exactement ce que vous voulez dire quand vous parlez de diversifier. On part du produit que l'on fabrique déjà et on y ajoute quelque chose. Il existe beaucoup de possibilités pour l'avenir dans ce domaine. Au lieu de vendre un deux par quatre de 12 pieds, on peut peut-être le couper en longueurs de cinq pieds ou en plusieurs morceaux et en faire quelque chose.
M. Wood: Je sais que mon collègue réformiste, M. Chatters, m'a taquiné au sujet de cette question, mais je vais la poser encore une fois et je continuerai de la poser. À votre avis, le gouvernement devrait-il offrir des stimulants fiscaux directs ou indirects pour la transformation à forte valeur ajoutée? Pensez-vous que cela serait utile ou que ce serait un obstacle?
M. Walker: C'est ce qu'on fait déjà. Je pense qu'il faut peut-être évaluer chaque processus d'après ses propres mérites. Je voudrais que quelqu'un nous aide financièrement pour le projet que nous sommes en train de réaliser...
Des voix: Oh, oh!
M. Walker: ... parce que nous sommes apparemment livrés à nous-mêmes. Je suis un partisan convaincu de la libre-entreprise et de l'initiative personnelle. Si l'on prépare suffisamment bien un projet, que l'on y investit son argent et que l'on est convaincu de pouvoir aller de l'avant, ce sera une réussite. Ce qui est arrivé souvent avec l'aide ou les subventions gouvernementales ou autres formes d'assistance, c'est que l'objectif principal est d'obtenir d'abord la subvention, en espérant que l'on pourra réussir. Ces projets-là ne sont pas aussi bien conçus qu'ils devraient l'être.
Je ne veux pas paraître totalement négatif et dire que le gouvernement ne devrait pas intervenir de temps en temps, mais c'est ce que je pense, et...
M. Wood: Si le gouvernement fédéral pouvait faire quelque chose pour les régions rurales du Canada, que voudriez-vous qu'il fasse? Quelle est la priorité absolue, d'après vous? Où notre aide pourrait-elle être la plus utile? En investissant dans l'infrastructure ou en stimulant l'économie d'une autre façon?
M. Walker: La création de la capacité d'accroître le nombre d'emplois et la productivité d'un secteur donné est une chose capitale. Je ne sais pas de quoi il pourrait s'agir exactement, mais on pourrait peut-être analyser un secteur pour voir si l'on ne peut pas faire quelque chose pour le soutenir ou le développer... Je crois que ce serait une dépense judicieuse.
M. Wood: Bien. Merci. J'apprécie votre réponse.
Le président: Merci, monsieur Wood.
Madame Cowling, avez-vous une question à poser?
Mme Cowling: Oui, monsieur le président.
Une des réflexions qui ont été faites par un certain nombre de témoins d'un peu partout au pays, c'est que le gouvernement devrait créer un climat favorisant la croissance économique et la création d'emplois. En ce qui concerne les régions rurales, à l'instar de M. Wood, je me demande s'il ne faudrait pas le faire par le biais d'un programme d'infrastructure. À mon avis, le dernier programme d'infrastructure est une initiative qui a été très bien accueillie par l'ensemble de la population. Il a aidé à créer des partenariats entre tous les paliers de gouvernement: fédéral, provincial et municipal.
Qu'en pensez-vous, monsieur Walker? Faudrait-il songer à établir un programme d'infrastructure qui aiderait à continuer à édifier cette infrastructure rurale?
M. Walker: Un tel degré de coopération entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales est souhaitable dans bien des cas. Je vais vous citer un excellent exemple de problème qui s'est posé à Swan River et qui se pose toujours. Il s'agit de la possibilité d'amener le gaz naturel. En ce qui nous concerne personnellement, je signale que notre société a attendu environ quatre ans avant de construire ce séchoir à bois, dans l'espoir que l'on amènerait le gaz naturel à Swan River. Nous comptions sur cette source d'énergie.
J'avoue en toute franchise que nous ne comptons plus là-dessus. Nous avons mis au point notre propre système de chaudières et nous utilisons nos déchets de bois, ce qui est une bonne chose, mais en attendant, nous avons dépensé un demi-million de dollars de plus pour cela.
Je crois que l'infrastructure est importante pour le développement d'une région. Par exemple, amener le gaz naturel à Swan River est une priorité importante. On ne peut même pas déterminer avec exactitude toutes les possibilités qu'un tel programme offrirait. Je pourrais vous citer quatre ou cinq possibilités que cela créerait dans notre région si nous pouvions avoir accès à cette ressource, et pour cela il faut à la fois des fonds et... La municipalité n'a pas les moyens d'amener le gaz naturel. Le gouvernement provincial n'a probablement pas les moyens d'investir suffisamment d'argent là-dedans mais ce serait peut-être possible dans le cadre d'un programme d'infrastructure.
Mme Cowling: Merci.
Le président: Merci beaucoup pour votre témoignage, madame Palaniuk et monsieur Walker. Nous vous sommes reconnaissants de vous être donné la peine d'être là aujourd'hui.
Mme Palaniuk: Je tiens seulement à insister sur le fait que lorsqu'on est bénévole dans un centre d'accueil, on voit régulièrement venir des gens qui n'ont aucun espoir et c'est peut-être ainsi que l'on finit par adopter un peu la même attitude. Où est notre gouvernement pour ces gens-là? Ils errent dans les rues. Personne n'accorde de valeur à leur existence et cela m'attriste profondément de voir que ces gens-là sont considérés comme des rebuts de la société, parce que ce n'est pas vrai. Quand on se donne la peine de discuter avec certaines personnes qui souffrent de maladie mentale et de les écouter vraiment, on se rend compte qu'il s'agit des personnes les plus intelligentes et les plus perspicaces qui soient.
Je suis désolée de terminer sur une note peut-être dure mais la vie est dure pour ces personnes-là. Elles viennent dans notre centre d'accueil pour manger un biscuit et boire une tasse de café et pour rencontrer tout simplement quelqu'un qui a le temps de leur demander si elles ont eu une bonne journée ou si elles ont un manteau chaud pour l'hiver. C'est de là que vient mon enthousiasme. Il vient du coeur. La famille Olfrey et la Palaniuk Holdings Company a eu beaucoup d'entreprises à Swan River et je préférerais parfois de loin travailler avec des malades mentaux qu'avec des sains d'esprit.
Des voix: Oh, oh!
Mme Palaniuk: Je vous remercie infiniment encore une fois. Je vous assure que nous comptons bien remporter le Prix de la capitale forestière du Canada.
Le président: Avant de vous laisser partir, madame Palaniuk, je tiens à vous signaler que le gouvernement fédéral a déposé, pas plus tard que cette semaine, son rapport d'étude sur les Canadiens atteints de handicaps. Ce rapport leur reconnaît le même droit qu'à tous les autres citoyens et il renferme 52 recommandations très précises. Dans le cadre des consultations préparatoires à ce rapport, le groupe d'étude est venu deux fois au Manitoba et il a rencontré des représentants des associations que vous avez mentionnées...
Mme Palaniuk: Merci. Je suis au courant.
Le président: ... et je m'engage aujourd'hui même à faire le nécessaire pour que vous receviez très bientôt un exemplaire de ce rapport par la poste...
Mme Palaniuk: Et vous êtes monsieur A. Mitchell?
Des voix: Oh, oh!
Le président: C'est exact. Merci beaucoup.
Mme Palaniuk: Il n'y a vraiment pas de quoi. Ce fut un plaisir pour moi.
Le président: Je dois maintenant appeler le prochain témoin, le représentant de Porte du Nord, M. Darryl Balasko.
M. Darryl Balasko (responsable des stratégies de marketing, Porte du Nord Internationale): Bonjour. Je suis heureux d'être là. J'en suis vraiment heureux, surtout avec le vol que j'ai eu. Nous avons été un peu secoués. Je suis là malgré tout. J'ai également le privilège d'être arrivé juste avant le repas. Nous serons dérangés par le bruit de la vaisselle.
Je travaille pour un organisme qui s'appelle Porte du Nord Internationale. Notre président n'a malheureusement pas pu venir aujourd'hui. Il était déjà pris. On lui a également conseillé de ne pas prendre l'avion avant deux ou trois semaines. Il a eu un problème dans l'avion qui le ramenait d'Ottawa. Je crois qu'il s'agit de problèmes d'oreilles. Il est bloqué pour deux ou trois semaines. Il vous transmet ses salutations et il apprécie le fait d'avoir été invité.
Je vais vous parler un peu de notre organisation et de notre mission.
Nous sommes un organisme de commercialisation qui travaille pour le port de Churchill. Je vais installer une carte pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas très bien le Nord ou l'ouest du Canada.
Notre organisme a été créé au mois de janvier de cette année par le ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest, l'honorable Lloyd Axworthy, dans le but de commercialiser le port de Churchill. Cette initiative a été prise à la suite d'une recommandation d'un groupe de travail qui avait été créé à cet effet.
Je vais souligner certains des aspects de Porte du Nord Internationale que je connais le mieux et qui sont à mon avis susceptibles de vous intéresser dans le contexte de votre étude sur l'infrastructure des transports. Il existe certains domaines dans lesquels je ne suis pas expert et dont je ne peux pas parler. Je vous parlerai de ceux que je connais.
Pour commencer, je ferai un très bref historique du port de Churchill et vous expliquerai pourquoi j'estime qu'il a de l'avenir, parce que c'est une question que bien des gens posent et poseront encore souvent, j'en suis sûr. À l'origine, Churchill était évidemment un poste de traite de la Compagnie de la Baie d'Hudson. La plupart d'entre vous en ont peut-être déjà entendu parler.
Le port a surtout été utilisé pour la manutention du grain; les céréales représentent 95 p. 100 des exportations. Pour le moment, on achemine également des marchandises vers la région ouest de l'Arctique. L'est de l'Arctique est desservi par le Port de Montréal.
C'est en 1977 que le volume de grain manutentionné par le port de Churchill a atteint son niveau le plus élevé, à savoir 750 000 tonnes. L'année dernière, il n'a été que de 240 000 tonnes. Cette année, nous avons le plaisir d'annoncer une hausse de 30 p. 100, soit plus de 300 000 tonnes. Nous espérons également l'arrivée tardive d'un autre navire, un navire renforcé pour la navigation dans les glaces.
À l'heure actuelle, 25 p. 100 de la superficie des terres céréalières du Canada se trouvent dans ce que l'on appelle la zone d'attraction de Churchill, qui couvre le nord-est de la Saskatchewan et le nord-ouest du Manitoba. Comme je le signalerai plus tard, l'avantage de Churchill est qu'il s'agit d'un port maritime. Des navires transocéaniques y ont accès. Les navires qui viennent dans le port ont en moyenne une capacité de charge de 30 à 35 000 tonnes.
La question des distances avec le continent européen qui entre également en ligne de compte. Lorsque le port de Churchill a été créé, le nord de l'Europe était le principal partenaire commercial. Du point de vue des distances, il était avantagé sur les ports de l'est du pays, c'est-à-dire ceux de Thunder Bay et de Montréal. Maintenant, le nord de l'Europe ne représente évidemment plus pour nous une clientèle aussi importante que le reste du Canada.
Churchill offre certains avantages maintenant que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest a été abrogée et que le tarif du Pas du Nid-de-Corbeau a été supprimé. Je vais vous parler brièvement de l'économie rurale et vous expliquer comment le port de Churchill peut servir les producteurs de la Saskatchewan et du Manitoba, ceux des Prairies en général. Un port comme celui de Churchill présente certains avantages.
Les producteurs qui se trouvent dans la zone d'attraction peuvent réaliser des économies immédiates, à cause du facteur de rajustement. Ce que cela signifie, c'est que le nombre de jours-navires sur l'océan est moins élevé que si l'on passait par le port de Thunder Bay et la tête des Grands Lacs pour acheminer le grain à Montréal, où il devrait être remis en silo puis déversé à nouveau dans des navires transocéaniques. À Churchill, le grain peut être déversé immédiatement dans de tels navires.
Le facteur de rajustement est quelque chose qu'un producteur voit immédiatement. Il est calculé par la Commission canadienne du blé; on détermine combien de temps les navires transocéaniques passent sur l'océan. Le coût à la tonne est réduit de moitié. Le prix que l'on fait payer au producteur à partir du silo-élévateur est d'environ six ou sept dollars la tonne de grain. Dans d'autres ports, cela pourrait coûter de 12 à 13 dollars la tonne. Par conséquent, cela coûte deux fois moins cher grâce au facteur de rajustement.
Par ailleurs, pendant le paiement final, grâce à une utilisation efficace du port de Churchill, la Commission canadienne du blé arrive à économiser de l'argent pour les producteurs qui se trouvent dans la zone d'attraction. Elle économise de l'argent et elle transmet cette économie à tous les producteurs au cours du paiement final. Cela leur permet de recevoir plus d'argent. Je n'entrerai pas dans les détails pour l'instant.
Pour vous donner une idée, cette année, le reste du grain acheminé par le port de Churchill était destiné à l'Afrique orientale, le Brésil, la Colombie, le Mexique ainsi qu'à de nombreux autres pays, y compris ceux du Moyen-Orient. Lorsque la Loi sur le transport du grain de l'Ouest était en vigueur, quand on se basait sur le plein tarif, les tarifs de transport étaient beaucoup moins élevés à Vancouver. Ils avaient tendance à être inférieurs ou analogues à ceux de Thunder Bay.
Ce que je veux dire, c'est que le port de Churchill peut faire économiser beaucoup d'argent aux producteurs. Cet argent devrait rester dans les régions où vivent les producteurs et être recyclé dans l'économie régionale. C'est à espérer du moins.
Je vais maintenant vous parler des avantages économiques et sociaux du chemin de fer. Nous nous occupons du port, mais le chemin de fer est évidemment très important. Sans lui, le port de Churchill serait inexistant.
Le chemin de fer ne se contente pas de desservir le port de Churchill. Il crée de l'emploi dans le nord du Canada et dans toute la région des Prairies. Des gens travaillent sur la ligne qui dessert le port. Le nombre d'employés à plein temps et à temps partiel s'élève à 70 ou 80.
Il ne faut pas oublier non plus la Société des transports du nord Limitée, qui dessert l'est de l'Arctique avec une trentaine ou une quarantaine d'employés. Les Autochtones représentent près de 70 p. 100 des employés qui travaillent pour cette société et pour le port proprement dit. Soixante-sept mille personnes sont établies le long des lignes. Les habitants de 53 agglomérations ne disposent d'aucun autre moyen de transport, sauf le transport aérien.
Cela signifie également qu'une industrie comme celle de la pêche dépend beaucoup de la ligne de chemin de fer. Sans cette ligne pour transporter le poisson dans les deux sens, cette industrie ne serait pas rentable du tout. La ligne de chemin de fer permet aux gens de développer l'économie locale. Elle leur offre des perspectives de développement économique tout en procurant un gagne-pain à ceux qui habitent actuellement le long de la ligne et qui l'utilisent.
Il existe aussi un autre projet dont certaines personnes ne sont peut-être pas au courant. Le projet de station de lancement d'engins spatiaux, à Churchill, offre des perspectives prometteuses pour le nord du Canada, y compris pour le nord du Manitoba et pour la ville proprement dite. C'était un champ de tir aérien. Il a été utilisé jusqu'en 1977, si je ne me trompe. On y a lancé davantage de fusées que n'importe où ailleurs dans le monde. Je trois qu'on en lançait 3 500 par an. Il a la réputation d'être le meilleur champ de tir du monde pour le lancement de fusées.
Étant donné que nous vivons à une époque où les satellites prolifèrent, tout le monde se précipite et par conséquent on rouvre le champ de tir. En fait, on vient de signer une entente avec une société russe qui compte y amener des satellites russes. La station entrera en service au cours des prochaines années. Elle lancera les satellites de plusieurs sociétés, probablement américaines pour la plupart.
L'infrastructure de transport est essentielle pour cette station de lancement d'engins spatiaux. La ligne de chemin de fer est nécessaire pour transporter du matériel lourd comme les fusées. L'aéroport et le port seront évidemment utilisés aussi.
Par conséquent, l'infrastructure de transport revêt une importance capitale pour ce projet qui offre, nous en sommes tous convaincus, des perspectives prometteuses.
Vous avez peut-être entendu parler par ailleurs du tourisme à Churchill. C'est une activité qui prend beaucoup d'ampleur. Il s'agit surtout de tourisme international. J'y suis allé au mois d'août. Parmi mes compagnons de voyage, les seuls autres Canadiens étaient des gens de Montréal; les autres étaient des Américains, des Italiens ou des Espagnols. J'étais vraiment étonné que ces gens-là aient entendu parler de Churchill.
Vous avez peut-être entendu parler des ours polaires et des bélugas, mais la région attire également les ornithologues au printemps.
C'est un secteur dont la croissance est phénoménale et les perspectives sont absolument fantastiques à cet égard. L'année dernière, 10 000 touristes sont venus à Churchill.
C'est incroyable quand on pense qu'il est très difficile d'y avoir accès par chemin de fer. J'ai pris le train à Winnipeg et le voyage a duré 36 heures. Je ne sais pas si vous avez déjà voyagé en wagon-lit, mais un voyage de 36 heures, c'est-à-dire deux nuits, en train représente un voyage pas mal long. À l'aéroport, un seul vol par jour arrive à Churchill mais les gens prennent l'avion pour s'y rendre.
Comme je l'ai dit, 70 p. 100 des touristes viennent de l'étranger. Ce qui est en outre très intéressant, c'est que les touristes qui viennent à Churchill passent également beaucoup de temps dans d'autres régions du Canada, à en juger d'après les résultats d'une enquête à la sortie. Churchill est leur principale destination mais ils s'intéressent au nord du Canada et à ce qu'on appelle l'écotourisme. Le touriste moyen passe 18 jours. Ces touristes ont tendance à être de hauts salariés, qui veulent faire un voyage original.
Le chemin de fer joue également un rôle capital sur le plan touristique. Je ne sais pas si je ferais encore un voyage de 36 heures en train, mais bien des gens estiment que cela fait partie de l'expérience. Je sais que la plupart des Américains auxquels j'ai parlé adorent le train et s'il n'y avait pas eu le train, ils ne seraient pas venus. Cela ne les aurait pas intéressés. La moitié des gens qui vont à Churchill prennent le train de Via Rail.
J'ai parlé d'écotourisme. Vous avez peut-être lu divers articles parus dans le Globe and Mail il n'y a pas plus d'un mois, où l'on disait qu'un très grand nombre de gens recherchent une destination plus originale que le Mexique ou les Caraïbes. Ils recherchent ce que l'on appelle l'écotourisme ou le tourisme historique, qui leur permettent de voir des choses qu'ils ne peuvent pas trouver ailleurs. Le tourisme est littéralement en pleine expansion dans cette région, ce qui crée des débouchés pour tout le nord du Canada. Churchill a encore de la chance de disposer d'une infrastructure de transport suffisante pour acheminer tous ces touristes.
En guise de conclusion, je dirais que la région de Churchill est avantagée sur le plan infrastructurel et j'expliquerai pourquoi il faut essayer de conserver cette infrastructure voire de l'améliorer.
C'est certainement le cas en ce qui concerne les lignes de chemin de fer. Le projet de station de lancement d'engins spatiaux dépend d'un service ferroviaire fiable, au même titre que la région est de l'Arctique, bien sûr. En ce qui concerne le transport des marchandises, les gens comptent sur Churchill pour se procurer les biens de consommation qu'ils désirent, pour le logement et pour les produits pétroliers.
Les producteurs céréaliers des Prairies profitent également des frais d'exportation moins élevés. Les emplois des travailleurs du port - du CN et de VIA Rail - ont tendance à reposer sur les services de transport de voyageurs et de marchandises. Toutes les agglomérations établies le long de la ligne comptent également sur le service-voyageurs que fournit VIA Rail. En outre, comme je l'ai déjà signalé, c'est le seul mode de transport pour les habitants des localités isolées, et il en existe plus de 53.
Bien que nous nous occupions uniquement de Churchill et de la commercialisation de son port, nous sommes enthousiasmés par certaines perspectives de débouchés. Je rappelle que le nord du Canada doit absolument conserver son infrastructure actuelle, surtout dans le domaine des transports.
Merci.
Le président suppléant (M. Bélair): Merci, monsieur Balasko. Voulez-vous aller vous asseoir sur le siège réservé aux témoins? Je vous assure qu'il ne s'agit pas d'un siège éjectable.
[Français]
Des voix: Ah, ah.
Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Asselin.
M. Asselin: Vous êtes venus exposer les avantages de transiger par rapport au Port de Churchill, mais j'aimerais savoir si vous êtes au courant des nouvelles politiques du gouvernement fédéral en matière de transports.
La nouvelle politique du ministère des Transports est d'abord axée sur la privatisation. On sait que le ministère des Transports a décidé de privatiser à peu près toutes les infrastructures, que ce soit au niveau des chemins de fer ou des ports d'attache. Le gouvernement fédéral a également décidé de se retirer des services à la navigation offerts par la Garde côtière. Le gouvernement fédéral s'est également retiré au niveau du dragage et du déglaçage de la Voie maritime, particulièrement sur le Saint-Laurent. En outre, le gouvernement fédéral a décidé d'appliquer une tarification pour tous ceux qui utiliseront la Voie maritime.
Est-ce que le gouvernement fédéral n'est pas en train de nuire à l'économie par des tarifications spécifiques qui auront pour effet de nuire au développement économique du Canada?
[Traduction]
M. Balasko: Dans un certain sens, nous voyons la privatisation des transports, des chemins de fer, des ports et de la Société canadienne des ports d'un oeil favorable. Pour l'instant, la ligne de chemin de fer de Churchill est administrée par le CN. Cependant, cette société est en train de faire des démarches pour vendre cette ligne à un exploitant de lignes sur courtes distances. Les soumissions sont arrivées et nous attendons de voir quelle offre d'achat sera retenue.
Le port est également en voie de privatisation. C'est donc probablement l'exploitant choisi ou une autre société qui l'administrera. Nous ne considérons pas cela comme un obstacle. Le problème en ce qui concerne le port de Churchill, c'est que nous n'avons pas eu ce que l'on peut appeler un transporteur sympathique. Nous nous réjouissons de pouvoir travailler et faire du marketing avec quelqu'un qui veut faire des bénéfices avec le port de Churchill. Nous savons que c'est possible. Comme je l'ai dit, la zone d'attraction est restreinte, mais cela vaut le peine pour les producteurs et pour les habitants du Nord de laisser cette ligne ouverte.
Je dirais que cette perspective nous réjouit.
[Français]
M. Asselin: Bien sûr, vous voyez cela avec l'oeil d'un homme d'affaires, mais je suis inquiet de cette privatisation des quais ou des chemins de fer. Je suis inquiet parce que je sais que ceux qui seront les gestionnaires de ces compagnies privatisées ne penseront qu'à faire de l'argent. On impose des taxes sur la Voie maritime et on privatise les chemins de fer et les ports, et on constate que tout le monde est là pour faire de l'argent et que le consommateur est celui qui va payer. Êtes-vous d'accord pour dire que c'est le consommateur qui va payer la note?
[Traduction]
M. Balasko: Je ne suis pas nécessairement d'accord sur ce point. J'estime qu'il s'agit d'un cas spécial. Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que du point de vue du développement économique rural et du développement du Nord, l'infrastructure de transport revêt une importance capitale pour les habitants de la région des Prairies et du nord du Manitoba.
Malheureusement, dans le cas présent, je ne sais pas si nous avons vraiment le choix. Pour le moment, la privatisation du chemin de fer et la vente de la ligne à un exploitant de lignes sur courtes distances est la seule solution. C'est encore plus évident depuis un an.
Les producteurs utiliseront la ligne si elle leur permet d'économiser de l'argent. C'est cela qui compte. Nous savons qu'ils peuvent économiser de l'argent. La plupart des producteurs le savent également. Le problème, c'est qu'ils hésitent parfois à acheminer des quantités suffisantes de grain vers Churchill. Nous essayons de conclure des marchés avec plusieurs compagnies maritimes internationales qui sont disposées à venir à Churchill; cependant, nous n'avons pas suffisamment de grain. Les gens expédieront leur grain à Churchill pour économiser. Personne n'a pour mission de dépenser son argent. Les consommateurs n'ont pas pour mission de dépenser plus d'argent. Dans ce cas-ci, ils essaient tout simplement de faire la meilleure affaire possible.
[Français]
Le président suppléant (M. Bélair): Une courte question supplémentaire?
[Traduction]
Allez-y, monsieur Chatters.
M. Chatters: Je trouve ce sujet très intéressant. Certains exposés, certaines requêtes et certaines préoccupations ne relèvent pas de la compétence du gouvernement fédéral. Cette question-ci relève directement de lui. Les observations de M. Asselin sont intéressantes. Il doit être très préoccupé par la privatisation et par tout ce qui se passe, parce que c'est la politique qui tue le port de Churchill.
Je crois qu'il existe un potentiel énorme dans cette région. Il se passe des choses formidables mais c'est à cause de la politique gouvernementale que le port de Churchill n'a pas prospéré, c'est le moins que l'on puisse dire. On ne peut pas s'attendre à ce qu'une compagnie de chemin de fer améliore la ligne si la politique gouvernementale ne favorise pas l'utilisation du port de Churchill.
Je possède une demande par écrit de l'Union soviétique concernant la prise de livraison du grain par le port de Churchill. La Commission canadienne du blé a refusé pour des raisons politiques, à cause de la Voie maritime du Saint-Laurent et du Port de Montréal.
Je crois qu'il se passe des choses formidables. J'espère toutefois que le gouvernement s'engagera envers l'exploitant de lignes sur courtes distances qui propose d'exploiter et d'améliorer la ligne, à cesser de faire intervenir des considérations politiques dans l'utilisation que la Commission canadienne du blé fait du port de Churchill. Je crois que cette ligne a beaucoup de potentiel, tant sur le plan touristique qu'en ce qui concerne le transport du grain des Prairies vers le port de Churchill, mais il faut mettre de côté les considérations politiques et laisser agir les forces du marché.
Par conséquent, j'estime que ce sont de bonnes nouvelles. C'est formidable!
Le président suppléant (M. Bélair): Voulez-vous répondre à cela, monsieur Balasko?
M. Balasko: Churchill a beaucoup d'obstacles à surmonter. Il s'agit en partie d'obstacles politiques mais aussi de bien d'autres problèmes. Ce port est situé en bordure de l'océan. Je crois que peu de pays qui possèdent un port de ce genre le laisseraient péricliter, surtout avec l'infrastructure qui existe.
Il ne fait aucun doute que des améliorations sont nécessaires. Nous ne savons pas encore d'où viendra l'argent nécessaire. Notre mission est de commercialiser le port mais elle consiste également à trouver une solution pour assurer la survie du port dans l'immédiat. Vous n'êtes probablement pas sans savoir que de nombreuses études ont été faites à son sujet. Les citoyens en ont assez de ces études et affichent un certain cynisme. Je ne leur reproche pas. Le gouvernement fédéral a investi beaucoup d'argent dans des études sur Churchill. Nous essayons de trouver une solution dans l'immédiat. Nous savons que c'est indispensable et qu'à longue échéance, la solution n'est pas d'accorder des subventions gouvernementales supplémentaires.
M. Chatters: Avez-vous l'impression que le gouvernement s'intéresse davantage qu'autrefois à l'avenir du port de Churchill?
M. Balasko: J'ai l'impression que l'on veut trouver une solution dans l'immédiat. Je n'entrevois plus d'obstacles d'ordre politique. Le gouvernement ne dit pas qu'il veut essayer de nous donner une chance supplémentaire mais que notre cas est en fait désespéré. Je constate que l'on s'efforce de trouver une solution d'une nature ou d'une autre. Le gouvernement a été bon à notre égard en ce sens qu'il nous a au moins offert certaines chances. La Commission canadienne du blé aussi. Elle a fait de son mieux, mais elle se heurte à bien des obstacles également.
C'est pourquoi nous attendons de voir qui exploitera la ligne ferroviaire et si nous aurons affaire à ce que l'on peut appeler un transporteur sympathique.
M. Chatters: Merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Bélair): Merci, monsieur Chatters. Monsieur Wood, c'est à votre tour.
M. Wood: Quand révélera-t-on l'identité de l'exploitant ou du soumissionnaire? Vous n'avez pas soumissionné, je suppose?
M. Balasko: Non. Notre mission consiste strictement à commercialiser les ports. Nous n'avons pas participé aux négociations concernant l'achat de la ligne. Nous n'avons pas vraiment les moyens de l'acheter.
M. Wood: Est-ce que les soumissionnaires choisis sont obligés de passer par votre agence?
M. Balasko: Non. Ils peuvent avoir leur propre service de commercialisation. Il nous reste des crédits encore pour un an, après quoi nous disparaîtrons. Notre raison d'être était uniquement d'avoir deux ans pour augmenter les volumes, pour montrer que le port de Churchill peut subsister et de passer le flambeau à quelqu'un d'autre. Notre mission sera terminée l'année prochaine.
M. Wood: Avez-vous réussi jusqu'à présent? Avez-vous atteint votre objectif?
M. Balasko: Je le pense, parce que cette année, le volume de blé acheminé par le port a augmenté de 30 p. 100 par rapport à l'année dernière, bien que ce soit encore insuffisant. Le port continue à faire du déficit. Nous avons toutefois communiqué avec plusieurs compagnies maritimes internationales. Nous avons reçu une lettre d'intention d'une compagnie danoise qui est prête à assurer un service de transport par conteneurs.
Nous essayons d'obtenir des contrats pour le transport de légumineuses à grain comme les pois et les lentilles par le port de Churchill. Nous avons une fois de plus des problèmes avec le transporteur dans ce cas-ci, mais tous les autres intervenants sont prêts. Comme je l'ai dit, nous avons reçu une lettre d'intention d'une compagnie maritime danoise qui est prête à envoyer 11 navires par an pour le transport par conteneurs.
Nous avons également parlé à la Russie de la possibilité de faire venir du minerai dans le nord du Manitoba; il s'agirait éventuellement de troquer du blé contre du minerai. Cette transaction serait également intéressante pour l'économie de notre région parce que l'on peut faire de la transformation à valeur ajoutée. Nous avons la Compagnie minière et métallurgique de la Baie d'Hudson et la Société Inco. On peut importer le minerai et le transformer au Canada. Bien sûr, pour le moment, la Russie n'importe pas de blé du Canada.
M. Wood: Les chiffres concernant les emplois qui seront créés par la station de lancement d'engins spatiaux sont passablement élevés. Sont-ils réalistes pour la période de démarrage? Combien d'emplois resteront à Churchill, lorsque les travaux seront terminés et que la station sera opérationnelle?
M. Balasko: Ces chiffres ont été communiqués par Akjuit Aerospace, qui est l'entreprise chargée du projet. On peut les considérer avec un certain scepticisme mais ce sont les chiffres qu'elle a fournis. Il s'agit d'une société privée et ce sont les chiffres qu'elle nous a communiqués.
M. Wood: A-t-elle reçu des fonds du gouvernement fédéral?
M. Balasko: En toute honnêteté, je n'en suis pas sûr. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question au pied levé.
M. Wood: Mais ce sont les chiffres qu'elle a communiqués?
M. Balasko: C'est bien cela. Nous n'avons pas beaucoup entendu parler d'elle dernièrement, mais le ministre Axworthy a annoncé tout récemment l'entente avec la Russie concernant le lancement de satellites à cet endroit. Il s'agit d'engins de très haute technologie et ce sont en fait les satellites les moins coûteux qui existent actuellement dans le monde, parce que la Russie a mis de côté tous ses jouets de guerre et possède maintenant toute cette technologie.
M. Wood: À votre avis et d'après votre organisme, est-il difficile pour des localités comme Churchill de développer une industrie touristique viable et durable?
M. Balasko: Comme je l'ai déjà dit, l'écotourisme et ce que l'on appelle le tourisme historique ont actuellement énormément de succès. Cette vogue aura peut-être évidemment disparu dans une dizaine d'années pour être remplacée par une autre. Cependant, d'après ce que j'ai pu constater de mes propres yeux, les touristes qui vont là étaient absolument enchantés; 95 p. 100 d'entre eux ont dit qu'ils feraient un autre voyage sinon à Churchill, du moins dans le nord du Canada, et qu'ils recommanderaient à d'autres personnes d'y aller.
Il s'agit de dirigeants d'entreprises venant des quatre coins du monde. Ils ont les moyens. Ce n'est pas bon marché d'aller à Churchill pour le moment. Ces gens-là veulent faire de la publicité.
C'est une culture différente. C'est un endroit différent, même de ce à quoi on est habitué ici. Pourtant, il ne faut que deux heures en avion pour y aller. C'est une région tout à fait différente de celle-ci. Même pour un Canadien du sud du pays, c'est un tout autre monde. Je crois que la perspective de faire un voyage là-bas enthousiasme beaucoup de monde.
Le problème, c'est que l'on n'a pas encore fait de marketing - c'est ce que nous faisons également - et que les gens doivent trouver l'endroit par leurs propres moyens. C'est un problème.
M. Wood: Et pour y aller en train, cela prend 36 heures ou quelque chose comme cela?
M. Balasko: Le voyage en train à partir de Winnipeg dure 36 heures, mais bien des gens vont jusqu'à Thompson en avion et à partir de là, le voyage en train ne dure que 11 ou 12 heures.
M. Wood: Fait-on également du marketing pour les voyages en train?
M. Balasko: VIA Rail n'a pas fait grand-chose non plus. Beaucoup de gens s'en plaignent.
Le président suppléant (M. Bélair): Madame Cowling.
Mme Cowling: Je suis allée au port de Churchill y a une dizaine de jours - c'était mon premier voyage là-bas - avec les réalisateurs de l'émission Country Canada. Par conséquent, on pourra voir une émission...
M. Balasko: Dimanche.
Mme Cowling: ... qui racontera l'histoire du port de Churchill aux Canadiens.
Ma question porte sur les mythes qui entourent le port de Churchill et sur la façon dont il a été subventionné. Monsieur Balasko, vous pourriez peut-être donner plus de précisions au sujet de votre mandat, à l'agence de commercialisation; vous pourriez peut-être expliquer quel est l'objectif visé et quelles sont les possibilités d'arriver à créer une certaine croissance économique et des emplois pour les habitants des régions rurales.
M. Balasko: L'infrastructure qui existe actuellement à Churchill, c'est-à-dire le chemin de fer, l'aéroport et le port, procure un emploi à beaucoup de gens mais donne aussi à la population l'impression que l'on a des raisons de croire qu'il existe encore une chance de développement économique. Une ligne de chemin de fer offre un potentiel de développement économique à toutes les agglomérations qu'elle dessert.
Notre mission consiste uniquement à accroître le volume de marchandises pour montrer que le port de Churchill est rentable. Notre organisme n'existe que depuis un an. Il nous reste un an pour nous acquitter de notre mission. Il nous reste encore une saison. Nous avons déjà montré que nous pouvons réussir. Nous nous sommes heurtés à un certain nombre d'obstacles indépendants de notre volonté, mais je crois que nous sommes arrivés à les surmonter.
L'année prochaine pourrait être une année décisive au cours de laquelle un certain nombre d'autres activités comme un service de transport par conteneurs ou des échanges avec la Russie ou Cuba, pourront se produire à Churchill. Nous sommes donc emballés à ce sujet.
Il existe également la possibilité de faire de la transformation à valeur ajoutée. J'ai notamment parlé de la possibilité d'échanges commerciaux bilatéraux avec la Russie. Des matières premières qui pourront être transformées dans les collectivités rurales peuvent être importées, et le produit fini pourra être expédié dans les autres régions du pays ou aux États-Unis.
Mme Cowling: Monsieur le président, je signale que nous avons commencé notre tournée à Yellowknife et que nous avons écouté beaucoup de témoins originaires de localités rurales du Nord. Je pense qu'un élément nouveau pour les gens qui sont assis autour de cette table est le slogan «du nord du Canada vers le sud du Canada». Je n'avais encore jamais entendu cela, parce que je n'étais jamais allée dans le Nord, je suppose. Est-ce une formule que vous avez trouvée vous-même, dans le cadre de votre mandat?
M. Balasko: Comme vous l'avez signalé, il existe un certain nombre de mythes au sujet de Churchill et du nord du Canada comme celui que la baie d'Hudson est bloquée par les glaces 11 mois par an, ce qui n'est pas vrai. En réalité, on est actuellement en train de charger des navires de grain à cet endroit. Il est vrai qu'à cette époque de l'année, il faut des navires renforcés pour la navigation dans les glaces. Il existe beaucoup de navires de ce genre en Russie, et ce sont les meilleurs du monde, mais nous avons de la difficulté à les faire venir ici. Les obstacles politiques abondent dans les deux pays.
Toutes sortes de mythes, que nous essayons de détruire, circulent également dans les milieux maritimes internationaux et même dans les milieux officiels canadiens. Premièrement, on prétend que le service ferroviaire n'est pas suffisant pour le transport de marchandises, ce qui est faux. Deuxièmement, on dit que le port est bloqué par les glaces, ce qui est faux également. Notre premier navire a quitté à la mi-juillet cette année. L'année dernière, notre dernier navire a quitté le port le25 novembre. Nous pouvons expédier des marchandises pendant toute la saison. Certains mythes existent donc effectivement.
Les gens entendent parler de Churchill et disent qu'ils devraient y aller un jour. C'est bien beau, mais cette région fait partie du Canada et c'est intéressant de voir comment les gens vivent.
Mme Cowling: Merci.
Le président suppléant (M. Bélair): Monsieur Serré.
M. Serré: Je crois que nous sommes en retard.
Vous nous avez cité beaucoup de chiffres. Vous avez dit que le grain représente environ95 p. 100 du volume de marchandises.
M. Balasko: C'est exact.
M. Serré: Nous ne parlerons pas des cinq autres pour cent pour l'instant. Vous avez dit que, côté volume, votre meilleure saison a été celle de 1977, où il a atteint 750 000 tonnes.
M. Balasko: C'est exact.
M. Serré: Cette année, vous estimez qu'il sera de 300 000 tonnes.
M. Balasko: Nous espérons une dernière cargaison qui le porterait à 325 000 tonnes.
M. Serré: Premièrement, je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi le volume a baissé à ce point depuis 1977. Deuxièmement, vous avez dit qu'un navire marchand peut transporter une cargaison d'environ 35 000 tonnes.
M. Balasko: Vers l'Arctique de l'Est.
M. Serré: Cela représente à peu près neuf ou dix conteneurs. Expliquez pourquoi le volume a considérablement diminué. Un port peut-il être rentable avec dix cargaisons par an?
M. Balasko: Non, nous ne le pensons pas. Nous savons que nous devons faire augmenter le volume. En 1977, la Russie était le principal acheteur de céréales canadiennes. Nous savons tous évidemment ce qui s'est passé en Union soviétique, puis en Russie. Ce pays n'a plus aucun crédit auprès de la Commission canadienne du blé. Celle-ci refuse de continuer à lui vendre du blé. Pour expédier en Russie, le plus court chemin est à partir de Churchill, en passant par la région polaire. Ce qui s'est passé en Union soviétique et ce qui se passe maintenant en Russie fait beaucoup de tort à Churchill. C'est pourquoi le volume a diminué.
Monsieur Serré, parliez-vous de l'Arctique de l'Est où l'on expédie des produits pétroliers? Est-ce l'autre question?
M. Serré: Vous avez répondu à mon autre question dans votre première réponse, mais est-ce que cela peut être rentable?
M. Balasko: Non, nous ne le pensons pas et c'est pour cela que nous sommes là.
Le président suppléant (M. Bélair): Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Balasko.
M. Balasko: Merci.
Le président suppléant (M. Bélair): Certains de nos collègues sont absents. Étant donné que nous sommes un peu en retard, il serait peut-être préférable de se servir à manger et de continuer à discuter, si vous êtes tous d'accord. Faisons une pause de cinq minutes pour nous servir à manger.
Le président suppléant (M. Bélair): Mesdames et messieurs, je crois que nous avions décidé de poursuivre. Je demande à M. Jeff Stepaniuk, professeur au Collège communautaire Keewatin, de s'avancer.
Allez-y, monsieur Stepaniuk.
M. Jeff Stepaniuk (professeur, programme de gestion des ressources naturelles, Collège communautaire Keewatin): Bonjour. Je représente le Collège communautaire Keewatin qui se trouve à The Pas, localité située au nord de Swan River, à environ deux heures et demie de route, lorsque les conditions sont bonnes.
J'ai de doubles excuses à vous présenter. M. Sam Shaw a été dans l'impossibilité de venir aujourd'hui et je n'ai pas pu arriver pour 10 h 30. Les routes sont très difficiles.
Je me base sur quelques notes que Sam m'a remises en main propre. J'ai sept sujets différents à aborder: la technologie est une arme à double tranchant; comment accroître la valeur ajoutée à la production primaire des collectivités rurales; l'infrastructure rurale a-t-elle de l'importance; comment améliorer la gestion, la récolte et la répartition des ressources naturelles; l'accès au capital constitue-t-il un problème pour les régions rurales du Manitoba; et le renouveau rural commence-t-il et s'arrête-t-il chez nous.
Je vais vous situer le contexte. C'est dans le nord de la province que le taux de chômage est le plus élevé. Dans les localités industrielles du Nord, et plus particulièrement à Thompson et à The Pas, il atteint 14 p. 100 alors que la moyenne est d'environ 6 p. 100 dans le Sud. Le taux de chômage est encore plus élevé dans les localités autochtones où il atteint environ 40 p. 100, puis dans les collectivités relevant du ministère des Affaires du Nord, où il est d'environ 30 p. 100.
J'ai tiré quelques-unes des observations qui suivent aussi rapidement qu'il était humainement possible de le faire du rapport de la Commission sur le développement économique du nord du Manitoba, préparé sous la direction de Tom Henley.
Dans le Nord, les obstacles au développement économique sont l'éloignement des grands centres, les frais de transport pour les entreprises qui exploitent une seule ressource naturelle, la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et - un problème qui me touche de plus près - le nombre insuffisant d'établissements d'enseignement.
Alors que tous les frais - les frais de récolte, de logement, de nourriture, par exemple - ont augmenté, le prix des ressources naturelles primaires comme le poisson et la matière ligneuse, est resté relativement stable et a par conséquent diminué, si l'on tient compte de l'inflation.
Le premier sujet dont je vais vous entretenir est celui de la technologie. Dans la plupart des localités isolées du Nord, l'inforoute est pratiquement aussi accessible qu'une route asphaltée. Nous possédons les ordinateurs, mais ils ne servent pas à grand-chose là où l'analphabétisme sévit. C'est pourquoi des groupements communautaires et des établissements comme le Collège communautaire Keewatin peuvent en fait établir un lien avec ces gens-là. C'est absolument capital.
Le gouvernement doit participer de façon plus active à la recherche et au développement. Je ne sais pas si c'est une question qui relève du gouvernement provincial ou du gouvernement fédéral, mais on compte trop sur l'entreprise privée dans ce domaine et ceux qui ont mis un système ou un produit au point ne sont pas incités à communiquer les renseignements à d'autres personnes. Beaucoup finissent par réinventer la roue et bien des projets se ressemblent parce que les résultats des recherches antérieures n'ont jamais été publiés. Il est très difficile d'obtenir les renseignements.
Le deuxième sujet que j'aborderai est le suivant: comment accroître la valeur ajoutée à la production primaire? Je crois que les possibilités sont illimitées. Ce qui manque, ce sont les personnes dynamiques capables de faire bouger les choses. Les collectivités du Nord, et surtout les collectivités autochtones, ont peut-être du travail à faire pour faire changer les perceptions et les attentes des habitants de ces régions. Toutes celles qui ont réussi dans des entreprises de grande envergure ont généralement fait venir des spécialistes de l'extérieur pour diriger les travailleurs locaux, leur montrer comment faire, voire les former.
J'ai entendu des rumeurs contradictoires au sujet des pratiques d'approvisionnement des entreprises rurales. Certains hôtels pavillonnaires achètent tout et engagent leur personnel dans la région. D'autres, qui possèdent des pistes d'atterrissage, font venir tout par avion. Dans ma région, on voit défiler des convois entiers de camionnettes de camping en provenance des États-Unis. Les Américains viennent peut-être la première fois par avion et logent dans ces hôtels, puis, la fois suivante, ils reviennent avec la camionnette de camping contenant tout le nécessaire et passent très peu de temps dans la province. Cela peut durer plusieurs années. Je ne sais pas comment on pourrait faire pour essayer de trouver un moyen d'accroître les dépenses secondaires voire tertiaires, dans le Nord en particulier.
On a envisagé à maintes reprises diverses possibilités en ce qui concerne le poisson non transformé. Le problème, c'est que le produit brut doit se vendre à un prix suffisamment bas pour que la transformation à valeur ajoutée soit possible, mais le prix du poisson est trop bas pour ces pêcheurs. Les stocks de doré, de meunier noir et de corégone baissent considérablement. C'est très difficile, financièrement parlant.
Je crois que le nord du Manitoba offre un nombre particulièrement élevé de possibilités en matière d'écotourisme ou de forfaits touristiques. Il suffit de voir ce que le Polar Bear Express a fait pour Churchill. On pourrait peut-être organiser un circuit en autocar dans le nord du Manitoba, en prévoyant éventuellement des arrêts à The Pas, à Flin Flon et à Thompson, en faisant coïncider les dates avec celle du festival d'hiver des trappeurs et avec celle du festival de la truite de Flin Flon, à Pisew Falls. Prenez la région du parc de Grass River, qui est une région située entièrement chez nous et qui n'a pas encore été développée sur le plan touristique, alors que l'écotourisme a grand besoin d'un coup de pouce.
Je crois que c'est principalement une question d'organisation et peut-être de publicité. Ce sont les personnes âgées qui ont le temps et l'argent nécessaires à notre époque, et ce serait peut-être un très bon débouché.
L'infrastructure rurale a-t-elle de l'importance? J'estime que l'absence d'infrastructure peut constituer un problème majeur, surtout pour des localités comme Red Sucker Lake et Pukatawagan Lake, où les marchandises lourdes, les matériaux de construction, les combustibles et carburants et autres produits doivent être transportés par des chemins d'hiver et par chemin de fer. Certains hivers, lorsque le lac commence à geler ou au printemps, pendant le dégel, ces localités doivent faire venir les biens essentiels par avion, à un prix astronomique. À moins que l'on ne procède à des développements majeurs, je ne crois pas que les entreprises privées seront incitées à construire les routes nécessaires.
Et même dans ce cas-là, les pouvoirs publics devraient avoir la responsabilité de contribuer au financement de cette infrastructure. Même si cela a provoqué certaines inquiétudes ou une certaine prise de conscience dans certaines localités situées le long de ces lignes, je ne suis pas sûr que les gens se rendent compte de ce qui pourrait se passer, surtout dans les localités éloignées, où la voie ferrée est le seul lien avec le Sud.
Comment peut-on améliorer la gestion, la récolte et la répartition des ressources naturelles? À mon avis, le développement durable est essentiel. La gestion de nos ressources axée sur la période de quatre ans qui correspond à la durée du mandat du parti au pouvoir est une aberration. Je voudrais que l'on allonge cette période. Un trop grand nombre de projets sont uniquement à court terme, sans tenir compte du fait qu'un développement rationnel, peut-être à une échelle plus modeste, ou qu'un développement lent, contribuera à s'assurer que les ressources sont accessibles à d'autres personnes. Au lieu d'intensifier la récolte des ressources naturelles, vous pourriez peut-être envisager de faire une utilisation plus rationnelle et plus durable de celles dont nous disposons déjà.
Le gigantisme n'est pas nécessairement préférable. Il ne fait aucun doute que la plupart des entreprises d'exploitation des richesses naturelles ne tiennent pas compte des marchés régionaux de la province et qu'elles sont à la recherche du Saint-Graal sur les marchés internationaux, où elles font concurrence aux grandes entreprises. Il faut prospecter les débouchés intérieurs et améliorer notre publicité.
L'accès aux marchés internationaux a toujours été difficile. Les organismes de commercialisation à comptoir unique, comme l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, offrent un avantage, mais on aura toujours des difficultés avec les gens qui veulent être indépendants, surtout dans certaines petites localités du Nord; par conséquent, certains changements sont nécessaires. Depuis quelques années, on constate un certain assouplissement et l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce octroie un plus grand nombre de permis spéciaux de négociant aux entrepreneurs. Cependant, d'après ce que j'ai pu constater ou lire, il faut rehausser l'image du Canada sur le marché international.
En ce qui concerne le secteur halieutique, la transformation à valeur ajoutée a toujours été le point de mire des efforts, dans les principaux centres de pêche commerciale. On estime que la collectivité locale doit profiter de la transformation et de la commercialisation du poisson, au lieu de passer par une seule agence comme l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce. Je sais que la commission fédérale a examiné la question à fond dernièrement et que l'on a accordé à la localité d'Island Lake la permission de vendre ses produits à l'extérieur, à titre d'essai. Cela contribuera peut-être à améliorer la situation. Le développement communautaire est la poutre maîtresse des localités du Nord, mais il faut l'envisager dans une perspective élargie.
En ce qui concerne les possibilités de forfaits touristiques, le témoin qui a parlé juste avant moi a mentionné l'écotourisme. L'artisanat, l'utilisation secondaire et tertiaire de nos ressources naturelles, les produits finis permettraient de faire circuler l'argent plus longtemps dans notre région. Alors que l'on hésitera certainement à accorder des subventions, j'estime que l'octroi de fonds à ces petites collectivités nous ferait économiser certains frais. Sinon, la santé physique et mentale de bien des ruraux se détériorera et nous finirons par dépenser davantage en frais médicaux.
L'accès au capital constitue-t-il un problème pour les régions rurales du Manitoba? Certainement. Les mégaprojets sont séduisants, mais ils ont tendance à ne pas être durables. Que fait-on une fois que la construction d'un barrage est terminée? Je crois que les projets de petite envergure peuvent être très intéressants à certains égards et que dans le contexte de la planification rurale, un grand nombre de petits projets peuvent constituer un ensemble formidable. C'est peut-être encore une fois une question de publicité.
Je crois que nous avons besoin de plus de publicité et de centres et programmes ruraux d'aide aux entreprises, d'un centre à guichet unique en quelque sorte. Le développement économique rural est devenu une grosse affaire. Il existe des centaines et des centaines de comités de planification et de coordonnateurs ainsi qu'une multitude de programmes. Alors que l'on engouffre des sommes considérables dans plusieurs de ces programmes, il n'y a pratiquement jamais de suivi ni de réussite éclatante.
Je pense notamment au fonds de mise en valeur des pêcheries. Chaque année, les responsables publient un résumé des investissements qui ont été faits par le fonds pour connaître la réaction du public. Par conséquent, une certaine réglementation ou une certaine coordination serait peut-être bonne. Je ne sais pas si le gouvernement pourrait nous aider à cet égard également.
Le développement local basé sur une participation locale importante est probablement la meilleure formule. Je pense qu'une approche concertée peut aider les habitants de la région à avoir accès à divers programmes dont la plupart sont axés sur le principe du financement couplé. En outre, les projets de financement axés sur des objectifs généraux communs ont plus de chance d'aboutir. Les diverses régions rurales de la province, même dans le Nord, sont confrontées à des problèmes différents et par conséquent, la normalisation de votre part risque d'être infructueuse. Une certaine souplesse est nécessaire. Cependant, des normes peuvent être établies dans certains domaines, notamment en ce qui concerne l'identification des renseignements nécessaires voire des groupes d'intérêts.
Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer à vous citer d'autres exemples. J'ai été tellement bousculé.
Je pense que le Manitoba rural a besoin d'avoir accès à l'éducation permanente et de prendre conscience des enjeux. Les programmes offerts par des établissements comme le Collège communautaire Keewatin sont essentiels. Nous offrons des services locaux de formation, en utilisant les ressources locales. Le fait d'offrir des stages d'apprentissage parallèlement au cours nous aide à faire acquérir à nos étudiants les compétences exigées par l'industrie. La formation spécialisée devient de plus en plus exigeante. Cependant, une certaine coordination est nécessaire pour instaurer les programmes scolaires dont l'industrie a besoin.
Tout cours de formation offert dans les régions rurales du Manitoba doit tenir compte du fait que la plupart des emplois disponibles sont saisonniers et qu'il ne s'agit pas d'emplois à horaire régulier. La plupart du temps, ils se trouvent dans les secteurs d'activité traditionnelle: le piégeage, la chasse, la pêche. On pourrait établir l'horaire des cours, des séminaires voire des séances d'information en tenant compte de cette réalité. Les cours par correspondance ou les cours du soir sur la création d'une petite entreprise seraient un atout formidable parce que ce n'est pas tout le monde dans le Nord qui est branché sur Internet. Encore une fois, il faut établir le contact avec la population.
Cependant, on a beau organiser tous les cours que l'on veut, cela ne servira à rien si la population n'est pas au courant de leur existence. Il existe de nombreux cours et programmes à tous les paliers de gouvernement mais il faut généralement se mettre en rapport soi-même avec les ministères concernés pour savoir ce qui existe. Les administrations régionales, les sociétés de développement des collectivités et les centres d'aide aux entreprises offrent de l'aide, mais j'ai constaté que la plupart des gens ne sont même pas au courant des programmes qui existent.
Comment peut-on améliorer les politiques fédérales? Je crois qu'un deuxième programme fédéral d'infrastructure axé sur les routes ou sur les lignes de chemin de fer de Churchill serait fantastique. Ce serait bien de pouvoir obtenir de l'aide financière au développement et de faire en sorte que des projets de modeste envergure soient admissibles. On pourrait peut-être également accorder des subventions, des prêts à faible taux d'intérêt ou instaurer un autre système de financement, en créant des fonds d'investissement ou en émettant des obligations spéciales pour la croissance. Je ne sais pas très bien si cela fonctionnerait.
En ce qui concerne la création d'un comité fédéral-provincial permanent sur la politique environnementale, j'estime que ce qu'il faut, c'est une coopération et une coordination intergouvernementales plus étroites ou plus constantes. Je pense que certaines grosses entreprises veulent agir de façon responsable, mais les obstacles administratifs sont trop nombreux dans certains cas. Il serait peut-être avantageux pour tout le monde de rationaliser le processus d'une façon ou d'une autre.
Pour le moment, de nombreux organismes engagent les services de firmes de consultants pour atteindre leurs objectifs. Ces firmes ne sont généralement pas au courant de la situation locale et fournissent des décisions qui engageront l'avenir de la collectivité pour des périodes de temps pouvant atteindre une dizaine d'années. Un comité permanent, organisé de façon à fournir un mécanisme de consultation ininterrompu entre les deux paliers de gouvernement, les habitants de la région et l'industrie, permettrait peut-être de créer un cadre de négociation efficace pour essayer de régler tous ces problèmes. Je crois qu'il pourrait contribuer à résoudre un des problèmes inhérents à la gestion des ressources canadiennes, à savoir l'absence de mécanismes d'attribution, aux entreprises ou aux organismes fédéraux-provinciaux, de la part du loyer des ressources qui leur revient.
Voici une suggestion qui mérite d'être prise en considération. Je me dois de signaler que si le gouvernement fédéral n'arrivait pas à faire disparaître la source du conflit, le simple fait qu'il participe et apporte une certaine diversité au niveau politique serait une bonne chose. Cette participation engendrerait un système plus souple et instaurerait une certaine péréquation qui jouerait nécessairement un rôle important dans le partage des recettes provenant des ressources. Je ne suis pas certain que ce serait efficace, mais je crois que l'on pourrait en discuter.
On pourrait par exemple instaurer un système de concessions forestières garanties mais je ne sais pas si c'est une question qui relève également de la responsabilité du gouvernement provincial. La Repap, la grande société de pâtes et papiers dont l'usine est située à The Pas, ne se contente pas d'exporter du bois et de la pâte à l'état brut, c'est un fait, mais force est de constater que ces grandes entreprises sont une panacée en matière de protection de l'environnement et de développement économique.
Il existe de nombreuses petites exploitations et scieries privées. Une qui est située en plein dans cette région est la société Waugh's Woods. Le propriétaire construit des maisons en bois rond mais il n'arrive pas à trouver des pièces de bois de grande taille. Qu'il le veuille ou non, Repap n'est pas en mesure de lui fournir les pièces de bois de taille nécessaire pour construire ses maisons. Je crois que l'on pourrait apporter énormément de valeur ajoutée à son entreprise. Repap peut amener à son usine un arbre de 24 pouces de diamètre mais c'est trop gros pour ses machines et par conséquent, elle ne peut pas fournir ce genre de pièce de bois. Elle finit donc par transformer l'arbre en copeaux et à l'utiliser comme bois à pâte. Il y a certainement moyen d'utiliser nos ressources de façon plus efficace.
La nation crie Opaskwayak a fait dernièrement les manchettes pour avoir bloqué l'accès au Nord. Les petits exploitants ont de la difficulté à avoir accès à ces régions. La société Leptick Sawmills Ltd. de Cranberry Portage éprouve de la difficulté, même si elle fournit le bois de construction à meilleur prix. Je peux acheter une cargaison de deux par quatre de qualité nettement supérieure à un prix plus bas à ces gens-là, mais le bois n'est pas classé ni séché au four. À cause de cela, je ne pourrais pas obtenir une hypothèque sur ma maison. Si l'on instaurait un système d'accréditation pour les petites entreprises de ce genre ou si on supprimait les obstacles auxquels elles font face, la marchandise pourrait être livrée dans la région. Je crois que les retombées seraient énormes et que le coût de construction d'une maison pourrait diminuer.
À mon avis, une partie importante du loyer des ressources pourrait servir à inciter les entreprises à bien les gérer et à les mettre en valeur de façon efficace. Les loyers des grandes entreprises pourraient être supprimés par un moyen fiscal quelconque. Le recours à la péréquation pour le partage des recettes provenant des ressources pourrait contribuer également à accroître l'intégration provinciale ou rurale, voire fédérale. Je crois que cela contribuerait beaucoup à créer un climat plus propice, basé sur le compromis, en particulier dans les petites localités industrielles comme celles que l'on trouve dans le Nord.
J'ai quelques idées à ce sujet. On pourrait notamment créer une sorte de compte fiduciaire. Lorsqu'on envisage un grand projet de développement des ressources d'une durée limitée, un prélèvement direct sur les revenus de l'entreprise, moyennant une exemption fiscale, pourrait être consacré au financement des projets de mise en valeur des ressources ou d'amélioration des collectivités rurales. Il pourrait s'agir en quelque sorte d'un compte de fonds renouvelable que l'entreprise placerait dans une banque de la région. Ce fonds permettrait d'aider les habitants de la région. En période de prospérité, l'entreprise pourrait verser plus d'argent dans le fonds et lorsque les temps sont durs, elle pourrait en retirer. Ce serait en quelque sorte un filet de sécurité pour la collectivité rurale et pour l'entreprise qui serait ainsi récompensée d'avoir mis cet argent de côté.
Par exemple, je ne sais pas quel est le montant de la redevance imposée à Repap au mètre cube. Je n'ai pas eu l'occasion de me renseigner à ce sujet. À supposer qu'on lui fasse payer un droit de coupe d'un dollar le mètre cube et qu'elle vende plus d'un million de mètres cubes de bois, cela pourrait représenter rapidement une somme considérable. Il y aurait un million de dollars dans un compte en banque qui pourrait être transformé en compte de crédit renouvelable. Repap pourrait obtenir une exemption fiscale et contribuerait au financement de la recherche et du développement ruraux, du développement des entreprises et de bien d'autres initiatives.
On pourrait peut-être instaurer un comité qui établirait les conditions de retrait d'argent du compte. Le gouvernement fédéral pourrait peut-être fixer certaines conditions pour éviter que l'on ne retire de l'argent du compte de façon inconsidérée pour financer des activités vouées à l'échec. On pourrait peut-être fixer une limite en décidant par exemple que si la société Repap a versé plus de deux millions de dollars, elle pourrait éventuellement récupérer une partie de ces fonds à un coût inférieur à celui de l'impôt.
Ce système présenterait deux avantages. On disposerait d'une source de financement pour les projets de recherche et d'amélioration des collectivités et il créerait en quelque sorte un compte de réserve pour l'entreprise. On pourrait peut-être préciser dans quel but la société pourrait retirer de l'argent. On pourrait stipuler par exemple que cet argent doit servir à moderniser l'entreprise, à assurer la durabilité de l'usine, ou à financer des programmes sylvicoles.
Je crois qu'en ce qui concerne les ressources forestières, les débouchés se trouvent généralement dans les centres urbains où les gens sont actuellement très conscients des problèmes écologiques. Je crois qu'elles sont reconnues officiellement comme étant durables mais ce serait une bonne chose que les entrepreneurs de notre région, c'est-à-dire les entrepreneurs ruraux, reçoivent de l'aide d'un organisme fédéral pour obtenir une accréditation nationale. Le riz sauvage est une denrée durable et exempte de produits chimiques. Il existe un certain nombre de possibilités optimales pour cette denrée. Je crois qu'en faisant de la publicité axée sur un rendement optimum par opposition à un rendement maximum soutenu, on permettrait aux collectivités rurales de demander à l'Association canadienne de normalisation d'appliquer également le système d'accréditation à l'entrepreneur de The Pas qui met en sac des semences de tournesol, par exemple. Un bon système de contrôle en laboratoire permettrait peut-être de s'assurer que ces gens-là suivraient les lignes directrices nécessaires.
En ce qui concerne l'extraction des ressources et leur commercialisation, je crois que les frais que cette activité entraîne sont élevés dans le Nord. Cette situation est due à divers facteurs liés principalement à l'éloignement des marchés et des producteurs primaires. La suppression récente des programmes d'aide au transport a eu des répercussions sur un certain nombre d'entreprises. Un certain remaniement du régime fiscal permettrait peut-être d'améliorer la situation.
Les effectifs et les budgets de certains des bureaux du ministère des Ressources naturelles ont diminué. Les compressions imposées aux organismes chargés de la gestion des ressources nous empêchent de gérer celles-ci efficacement et de protéger l'intérêt public.
Au Collège communautaire de Keewatin, je donne le cours de technologie de gestion des ressources naturelles. Mes étudiants obtiennent leur diplôme après 18 mois de cours sur les ressources naturelles et ils ne s'attendent pas à ce que l'on crée immédiatement des agences de recrutement pour eux. On les envoie tout simplement dans les chantiers forestiers et pendant une période de cinq à dix ans après leurs études, ils occupent la plupart du temps des emplois d'une période déterminée. C'est difficile. Ceux qui finissent par réussir font montre d'une endurance considérable. Je crois que l'on fait très peu de recherche-développement mais comment pourrait-on améliorer la situation?
Un de mes amis vient de rentrer d'un voyage de chasse à l'antilope au Montana. Il a eu des frais de permis de non-résident, des frais de logement à l'hôtel, des frais de restaurant, des frais d'entreposage en entrepôt frigorifique, des frais de dépeçage du gibier, des frais de congélation, des frais de taxidermie, des frais d'expédition, et j'en passe, tout cela pour revenir avec huit livres de viande séchée et six livres de steak. Il a dépensé plus de 1 400 $ dans un autre pays bien qu'il ait utilisé son propre véhicule. Il existe par conséquent un moyen de mettre en valeur notre territoire, nos ressources fauniques ou nos autres ressources.
Enfin, en ce qui concerne l'éducation - et c'est pour cela que je suis là - , je crois qu'il faut promouvoir l'éducation du public et la participation à la gestion des ressources naturelles. Étant donné que la demande s'accroît, je crois que cela revêt une importance de plus en plus cruciale. Étant enseignant, j'estime que dans le Nord en général, et dans notre localité en particulier, c'est surtout au niveau de l'éducation que le bât blesse. Rien que pour faire les 12 années d'études nécessaires pour pouvoir s'inscrire au cours... Le collège est situé à The Pas. Près de 99 p. 100 de mes étudiants viennent du Sud, parce que les jeunes du Nord n'arrivent pas à remplir cette condition d'admission. Dans une classe de 25 ou 50 élèves, il n'y en a peut-être qu'un qui vient de The Pas. C'est beaucoup trop peu.
Je crois qu'il faut prévoir un certain contrôle au moment de l'arrivée au collège, de façon à s'assurer que les étudiants possèdent les facultés d'apprentissage de base, parce que trop peu de gens ont reçu une formation préalable. Il conviendrait peut-être de nous octroyer davantage de fonds pour nous permettre de porter la durée du programme à trois ans. Au cours de la première année, on pourrait aider les étudiants à s'adapter de façon très progressive et leur dispenser un enseignement technique au lieu de leur imposer des mathématiques et de la statistique. Certains d'entre eux ne savent pas encore utiliser un ordinateur mais on s'attend à ce qu'ils préparent des rapports destinés au gouvernement. C'est très difficile pour eux; je pense que leurs efforts sont voués à l'échec.
Le président: Excusez-moi. Pourriez-vous conclure? Vous empiétez sur notre temps.
M. Stepaniuk: Bien.
Je crois qu'en matière d'éducation, on se trouve actuellement face à un dilemme. Nous voulons augmenter le nombre d'inscriptions et peut-être organiser un séjour plus long au collège. Ce sont certaines collectivités isolées qui nous posent des problèmes. Il serait peut-être nécessaire de trouver un moyen de financer des projets qui nous permettraient de nous déplacer avec une batterie de microscopes pour sensibiliser les populations locales. C'est difficile pour l'instant, mais je pense que la sensibilisation aux bienfaits de l'éducation est la solution.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Asselin, avez-vous des questions à poser?
[Français]
M. Asselin: Je vous souhaite la bienvenue au comité. D'après votre description, il me semble qu'il y a un problème sérieux qui va de l'éducation à la main-d'oeuvre en passant par l'exploitation et même l'exportation.
Selon vous, est-ce que le gouvernement fédéral, compte tenu de l'argent dont il dispose, devrait axer ses efforts exclusivement, car il faut commencer quelque part, sur la recherche et le développement en matière d'exportation et d'exploitation? Si l'industrie, qu'il s'agisse des pêches ou des forêts, ne peut accroître l'exportation de sa matière première vers le marché local ou international, cela empêche l'expansion des entreprises. Cela empêche aussi le développement de petites entreprises concernées par la consommation de la matière première.
Vous avez aussi mentionné que le gouvernement fédéral avait mis sur pied des programmes qui n'ont pas été efficaces parce qu'il y a eu beaucoup de gaspillage. De quelle façon le gouvernement pourrait-il agir afin d'améliorer ces programmes et d'éliminer le gaspillage des fonds publics, compte tenu de l'argent dont il dispose?
[Traduction]
M. Stepaniuk: Je crois que l'on utiliserait les fonds de façon beaucoup plus efficace en les investissant, comme je l'ai dit à quelques reprises, dans des programmes de sensibilisation. La population n'est tout simplement pas au courant des programmes qui existent, peu importe que l'on dispose de l'argent nécessaire ou non. On pourrait peut-être organiser une tournée, s'il le faut, ou produire un vidéo qui pourrait être diffusé par les petites entreprises ou par les administrations rurales, ou directement par le collège, pour mettre les gens au courant des efforts que nous faisons ou des programmes que nous mettons à leur disposition.
[Français]
M. Asselin: Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: J'ai une toute petite question à vous poser. Un des éléments qui ressort de votre exposé, c'est que vous n'êtes pas au courant des programmes offerts par le gouvernement fédéral. Vous éprouvez de la difficulté à faire la différence entre les programmes fédéraux, provinciaux ou territoriaux. Comment peut-on aider les ruraux comme vous à être mieux au courant des programmes disponibles? Il existe un certain nombre de programmes qui vous sont destinés mais, de toute évidence, le message ne parvient pas aux habitants des régions rurales. Que pouvons-nous faire pour améliorer la situation et vous communiquer ces renseignements afin de vous permettre de participer au processus?
M. Stepaniuk: Ce serait une bonne chose d'établir un bureau local et de nous fournir peut-être de la documentation. Mais au lieu de se contenter de nous envoyer des dépliants qui ne seraient pas distribués et qui finiraient par ramasser la poussière quelque part, on pourrait peut-être nous envoyer un représentant du gouvernement en nous mettant abondamment au courant de sa venue. J'ai été prévenu très peu de temps à l'avance de la tenue de cette audience. Comme je l'ai dit, j'ai eu une journée et demie pour me préparer.
Ce serait bien qu'on vienne nous faire un exposé. On pourrait peut-être nous rendre visite chaque année, pour nous mettre au courant des nouveautés ou on pourrait charger un membre de la collectivité d'aller dans les écoles, peu importe que ce soit une charge supplémentaire ou non pour cette personne. Il n'existe que six écoles à The Pas. À Keewatin, j'essayais désespérément de trouver des problèmes à vous signaler mais je n'ai pas pu obtenir l'aide des membres de la collectivité qui étaient à mon avis susceptibles de m'être le plus utiles. Ils n'étaient pas très au courant non plus.
Peu importe qu'il faille passer par l'administration municipale ou non. À mon avis, il faut commencer d'abord par éduquer la population. Certains groupes d'étudiants voudraient commencer à réaliser des projets concrets et ils pourraient le faire si on leur fournissait les fonds nécessaires. Compte tenu du temps qu'il faut pour étudier une demande de fonds, ils auraient déjà obtenu leur diplôme et auraient donc manqué le coche à l'arrivée d'une réponse.
On pourrait peut-être instaurer un système de financement rapide pour des groupes comme des groupes d'étudiants intéressés, les cadets et les élèves du niveau collégial, de façon à leur permettre de demander des fonds et d'obtenir éventuellement une réponse dans le courant de l'été, par télécopieur, d'obtenir une réponse dans un délai de trois semaines, pour soutenir leur intérêt. Il est très difficile de maintenir l'intérêt d'élèves dont l'âge fluctue entre 18 ans, quand ils viennent de terminer leurs études secondaires, et 35 ans.
J'ai des élèves dont le niveau d'instruction varie considérablement. Certains ont terminé leur 12e année d'étude dans le sud du Manitoba avec une moyenne qui commence à 50 p. 100, alors que d'autres ont déjà fait quatre années d'études d'universitaires. Il est difficile d'intéresser tout le monde dans ce genre de groupe. J'ai quelques élèves qui aimeraient beaucoup faire quelque chose pour la collectivité. C'est uniquement une question de financement. Ils n'arrivent pas à communiquer assez rapidement avec quelqu'un.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stepaniuk. Je sais que vous avez fait un long voyage pour venir ici. Nous vous remercions de vos efforts et de votre exposé.
J'appelle le témoin suivant, Mme Donna Campbell, qui représente le Collège communautaire Assiniboine. Bonjour, madame.
Mme Donna Campbell (coordonnatrice du marketing, programme de développement rural, Collège communautaire Assiniboine): Merci.
Le président: Nous vous demandons de faire un exposé liminaire, puis certains d'entre nous vous poseront des questions.
Mme Campbell: Bien.
J'ai récemment obtenu mon diplôme en développement rural au Collège communautaire Assiniboine. Le programme de développement rural porte sur les problèmes de diversification et de renouvellement rural au Canada. Comme nous le savons tous, le dépeuplement des régions rurales est important depuis le début des années 40. Ce phénomène s'accompagne d'une diminution du nombre d'exploitations agricoles de taille moyenne et d'un besoin sans cesse croissant d'emplois.
Les collectivités rurales commencent à s'apercevoir que pour pouvoir continuer à prospérer dans le présent contexte de la mondialisation, un certain développement est nécessaire. Le programme de développement rural, qui a été créé en 1992-1993, a pour but de former les personnes désireuses de vivre et de travailler dans les localités rurales pour aider celles-ci à se développer et à créer des richesses. Ce programme vise principalement à faire intervenir les considérations d'ordre social, d'ordre économique et d'ordre écologique dans les projets de développement. Le développement devient durable lorsque ces trois conditions sont réunies.
Il ne s'agit pas nécessairement de développement de grande envergure, de mégaprojets; je parle plutôt de projets modestes et efficaces. Il existe par exemple à Russell une société appelée Borderland Ventures. Un groupe d'agriculteurs de la région ont uni leurs efforts et sont en train d'aménager une fabrique d'éthanol qui emploiera une vingtaine de personnes et utilisera une ressource renouvelable comme le blé. Par conséquent, ces agriculteurs créent des emplois, fournissent aux agriculteurs un débouché local pour leur blé et ajoutent de la valeur au produit au lieu de l'exporter tel quel. Ce scénario crée des richesses dans la collectivité.
Le programme de développement rural permet aux étudiants d'acquérir les compétences et les connaissances de base nécessaires pour retourner s'établir dans les régions rurales; il leur permet en outre d'acquérir des compétences en développement régional et en entrepreneuriat. Nous sommes ceux qui font bouger les choses.
Comme vous pouvez le constater d'après ce qui est indiqué au verso de la brochure sur le développement rural que je vous ai remise, les personnes inscrites étudient diverses matières. Grâce à cette variété, les compétences sont transférables. Les intéressés ne sont pas coincés dans des activités qui risquent de péricliter.
Le programme de développement rural tient également compte du fait que le développement ne peut être normalisé, parce que chaque collectivité a un caractère unique. C'est d'ailleurs ce qui fait que le Canada est un pays formidable.
Le programme de développement rural est basé sur le principe que le développement doit se faire au sein de la collectivité, ce qui accroît son autonomie en responsabilisant la population et augmente sa capacité de planifier, concevoir, contrôler, gérer et évaluer les initiatives.
Le développement doit être durable, diversifié et global, ce qui veut dire qu'il faut faire intervenir les aspects sociaux, économiques, écologiques et culturels de la collectivité. Le développement doit être général et profiter à l'ensemble de la collectivité plutôt qu'à certains individus seulement. Il doit être motivé par le sous-développement et la marginalisation et avoir des incidences à moyen et à long terme au lieu d'être un expédient.
Veuillez passer à la page 2 du guide de l'étudiant. Le caractère original de ce programme réside également dans le mode d'application du programme d'étude, qui repose à la fois sur des méthodes traditionnelles et non traditionnelles, avec une formation pratique axée sur des projets. Comme vous pouvez le constater, de septembre à décembre, les élèves suivent des cours en classe. Puis de janvier à août, ils font des stages dans la collectivité et vont participer à la réalisation de projets de développement locaux au sein d'organismes comme la chambre de commerce. De mai à août, le programme prévoit une alternance entre le travail et les études. Ce cycle recommence au cours de la deuxième année.
Certains de nos diplômés ont très bien réussi. Le programme existe depuis environ quatre ans. Les participants viennent de milieux professionnels très variés. Parmi nos élèves, nous avons notamment des agents de développement économique, des consultants, des entrepreneurs qui créent leur propre agence de publicité et des travailleurs communautaires qui ont travaillé dans des pays comme le Zaïre.
Je me suis arrangé pour que mon exposé soit relativement court pour que vous puissiez me poser des questions.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Asselin.
[Français]
M. Asselin: Je vous félicite pour l'exposé que vous venez de nous faire. Cela m'amène à vous poser une petite question au sujet du schéma de la page 2, que je trouve très intéressant. Vous expliquez que l'étudiant ou la personne qui décide de se spécialiser dans un métier quelconque apprend la technique de septembre à décembre, puis met en pratique ce qu'il a appris de janvier à août.
Je voudrais savoir si vous avez suffisamment de postes à offrir entre les mois de janvier et août, et ensuite si les entreprises répondent d'une façon satisfaisante à la demande de tous les étudiants.
Je voudrais aussi vous demander si les étudiants qui font ces stages, du mois de janvier au mois d'août, sont rémunérés.
[Traduction]
Mme Campbell: Le nombre maximum de participants est de 15 par année. Les stages communautaires ont lieu de janvier jusqu'à la fin d'avril. À ce moment-là, le nombre d'entreprises disposées à accepter des étudiants est suffisant. Pour l'instant, ceux-ci ne sont pas rémunérés pour leurs services, mais de mai à août, lorsque la période d'alternance travail-études commence, ils sont rémunérés par les entreprises qui les engagent pour leur stage d'été.
[Français]
M. Asselin: Est-ce que le taux de réussite est élevé? Est-ce qu'un élève qui est allé faire un stage non rémunéré dans une entreprise a plus de chances de demeurer sur le marché du travail dans la même entreprise?
[Traduction]
Mme Campbell: C'est arrivé dans certaines régions. Personnellement, j'ai travaillé pour un organisme à but non lucratif, le parc national du Mont-Riding. Au cours des deux dernières années, j'ai été gérante du service réseau du parc. Je ne fais pas partie du conseil d'administration. La direction voudrait maintenant me réengager comme directrice des services administratifs. Par conséquent, nos étudiants ont l'occasion de trouver un emploi au sein de ces organismes.
Le principal obstacle, surtout au Manitoba, est notre nature conservatrice. Nous ne sommes pas des fonceurs. Dans l'est du Manitoba, le développement communautaire a été une grande réussite. Il existe dans cette région des personnes qui font partie de sociétés de développement des collectivités.
Par contre, l'ouest de la province est légèrement en retard à cet égard. Les collectivités commencent à se rendre compte du besoin d'agir pour créer des débouchés intéressants. Nous avons placé dernièrement trois diplômés - pas cette année, mais l'année précédente - dans l'est de la Saskatchewan. Par conséquent, on fait également quelque chose pour le développement dans ces régions.
[Français]
M. Asselin: Vous nous dites qu'ici les gens sont assez conservateurs, mais est-ce que quelqu'un qui passe par votre école est assuré d'avoir un emploi à la fin de la période scolaire?
[Traduction]
Mme Campbell: Cette possibilité existe. Nous avons fait du porte-à-porte pour trouver des emplois. Très peu de gens sont au courant du programme. J'estime que le collège n'a pas fait suffisamment de marketing. Les collectivités ignorent l'existence d'experts qui peuvent les aider à lancer leur entreprise.
Nous devons aller sur place pour nous faire connaître et faire bouger les choses, comme je l'ai déjà signalé. Nous devons aller secouer les gens et les faire changer d'attitude au sujet du développement. Nous devons nous faire connaître de cette façon.
Le président: Merci.
Monsieur Chatters.
M. Chatters: C'est un programme très intéressant. Après avoir lu la documentation et avoir écouté votre exposé, ma première impression est qu'il doit s'agir d'un programme extrêmement intensif pour arriver à former aussi vite des diplômés ayant les compétences nécessaires pour s'attaquer à une tâche aussi gigantesque que le développement rural.
Nous tenons des audiences dans tout le pays à la recherche de solutions. En deux ans, vous formez des diplômés qui sont censés connaître les solutions aux problèmes de la collectivité. J'aimerais savoir quel est votre taux de réussite. Combien d'étudiants arrivent à trouver un emploi dans le domaine dans lequel ils ont été formés et y réussissent? Quel est le taux d'abandon en cours d'études?
Mme Campbell: En ce qui concerne les étudiants de ma promotion, le programme a commencé en 1994 et nous avons été diplômés en 1996. Deux d'entre nous ont abandonné en cours de route, au cours des quatre premiers mois. Tous les autres sont restés.
En ce qui concerne le taux de réussite des diplômés, il semble qu'il faille environ un an pour qu'ils trouvent un poste dans le domaine du développement ou pour qu'ils trouvent leur propre créneau à titre d'indépendants, si c'est ce que vous voulez savoir.
Comme je l'ai déjà signalé, trois de nos diplômés ont décroché un emploi dans l'est de la Saskatchewan au cours des six derniers mois. Ce sont des diplômés de la promotion 1995.
M. Chatters: Exigez-vous que les candidats aient des origines rurales ou cette considération entre-t-elle en ligne de compte?
Mme Campbell: Non. Tous ces principes peuvent également être appliqués dans les centres urbains. Notre programme n'est pas uniquement axé sur les régions rurales. Sa principale raison d'être est toutefois le développement rural.
M. Chatters: Quelle est la différence entre votre programme et le programme d'études commerciales de nos universités? D'une certaine façon, vous formez le même genre de diplômés, sauf qu'il s'agit d'un programme d'une durée de deux ans alors qu'à l'université, ces études durent quatre ans. Vous essayez en gros de leur donner le même genre de formation.
Mme Campbell: Effectivement. Au cours de l'année qui vient de s'écouler, j'étais membre de la direction de l'association des étudiants du Collège communautaire Assiniboine et notre présidente était une étudiante en administration des affaires. Elle m'a dit que si elle avait été au courant de l'existence du programme, c'est celui qu'elle aurait choisi.
Même si nos cours de base sont semblables, le programme apprend aux étudiants à aborder le problème du développement dans une perspective différente. Au lieu de l'aborder uniquement sous l'angle économique, nous l'examinons également dans une perspective sociale et écologique. Ce sont les trois pierres angulaires de notre programme. Je dirais que la démarche est différente.
M. Chatters: Il s'agit d'un enseignement plus pratique, plus terre-à-terre que l'enseignement théorique universitaire traditionnel.
Mme Campbell: Absolument. Quatre des étudiants de la première année sont titulaires d'un baccalauréat. Ils estiment que leur formation universitaire ne leur a pas permis d'acquérir les compétences ou l'expérience nécessaires pour aller travailler dans la collectivité.
M. Chatters: Bonne chance. J'ai l'impression qu'il s'agit d'un programme formidable.
Mme Campbell: C'est un fait. J'ai été assistante dentaire pendant dix ans et j'avais l'impression de faire fausse route.
J'ai passé ma jeunesse dans une région rurale et mon retour à la campagne m'a fait acquérir un certain sens pratique et m'a donné une perspective différente sur le développement rural. Grâce à cela, je me suis rendu compte que la durabilité est la solution d'avenir. Nous ne pouvons pas exploiter toutes nos ressources jusqu'à épuisement.
M. Chatters: Si on leur en fournissait l'occasion, 99 p. 100 des gens originaires des régions rurales y retourneraient.
Mme Campbell: Certainement.
Le président: C'est votre droit.
Mme Cowling: Les témoins que nous avons entendus un peu partout dans le Nord - nous sommes allés à Yellowknife, à Fort McMurray et à Prince Albert - nous ont dit qu'il existait un certain nombre d'emplois sur place mais que les postulants ne possèdent pas les compétences nécessaires. Je crois que c'est ce que l'on nous a dit lorsque nous étions à l'usine Syncrude.
Quels sont les critères d'inscription à votre programme? Est-ce qu'un certain nombre de membres des premières nations se trouvent parmi les participants? Nous avons constaté qu'une forte proportion d'entre eux sont au chômage et ne possèdent pas les compétences voulues.
Mme Campbell: Les conditions d'admission ont changé cette année. Avant, il fallait avoir réussi sa 12e année en mathématiques et en anglais, et il fallait rédiger une rédaction de 600 mots. Nous avons jugé que ces conditions constituaient un obstacle pour les élèves de dernière année du cycle secondaire, vu le nombre limité d'inscriptions au cours des années précédentes. Les conditions ont été modifiées cette année et il suffit maintenant d'avoir réussi sa une 12e année en mathématiques et en anglais.
En ce qui concerne les collectivités autochtones, un seul de nos étudiants est autochtone. La haute direction du collège nous a dit de ne pas prendre contact avec des collectivités autochtones parce qu'il existe un autre programme analogue spécialement conçu pour les Autochtones. Par conséquent, un certain chevauchement existe. La seule Autochtone qui participe à notre programme le fait parce qu'elle estime qu'il lui offrira plus de débouchés que l'autre programme conçu spécialement pour les Autochtones.
Mme Cowling: Quelle recommandation nous feriez-vous en ce qui concerne les membres des premières nations et un certain nombre d'habitants des régions rurales du Canada, pour contribuer à améliorer leur niveau d'instruction en vue de leur permettre d'acquérir les outils nécessaires pour occuper les emplois disponibles dans ces régions? Faudrait-il faire participer les milieux d'affaires?
Mme Campbell: Parlez-vous d'un enseignement coopératif au niveau secondaire, avec stages dirigés?
Mme Cowling: Oui.
Mme Campbell: Je crois que ce serait une excellente idée. Je sais que l'on a commencé à appliquer ce genre de programme dans la division scolaire de Souris. On y fait de l'éducation coopérative en plus de l'enseignement traditionnel.
Bien des étudiants qui viennent de terminer leurs études universitaires ne sont pas vraiment enchantés des résultats, parce qu'ils n'ont fait aucun stage pratique qui aurait pu les aider à se rendre compte qu'ils n'étaient pas faits pour ce genre de métier, qu'un autre choix aurait été préférable. Je crois qu'une initiative de ce genre serait très intéressante pour les élèves du cycle secondaire. Il serait intéressant pour eux de pouvoir faire des stages dirigés, de pouvoir aller travailler dans une collectivité et d'apprendre les rudiments du métier avant de poursuivre leurs études.
On a fourni aux collectivités autochtones l'aide et les programmes nécessaires pour améliorer leur niveau d'instruction. Les Autochtones se rendent compte eux-mêmes qu'ils ne sont pas des citoyens de deuxième ordre, mais je crois que tout le monde les traite comme tels.
Une de mes amies est institutrice de première année dans une école située au nord de Sainte-Rose. Depuis cinq ans, un psychiatre fait la tournée des écoles de cette division et humilie les élèves. Mon amie a fini par protester. Elle est allée trouver le directeur et lui a raconté ce qui se passait. Celui-ci a interrogé le psychiatre qui n'a pas nié les faits. Par conséquent, certains professionnels humilient les Autochtones, alors qu'il faudrait s'arranger pour aider ces derniers à acquérir les compétences nécessaires et à mettre leurs capacités en valeur.
Merci.
Le président: Merci. Vous me faites songer au vieux dicton qui dit ceci: donnez un pain à une personne et vous la nourrirez pendant une semaine; apprenez-lui à faire pousser le grain et vous la nourrirez pour le restant de ses jours.
Mme Campbell: Oui, c'est vrai.
Le président: Je pense que c'est précisément l'objectif de ce programme. Vous avez dit qu'il existait depuis environ quatre ans. A-t-il fallu se battre avec acharnement pour persuader la direction de consacrer les ressources nécessaires à la réalisation d'un programme aussi original?
Mme Campbell: La lutte a été dure. L'année dernière, la direction voulait supprimer le programme. Les étudiants de 1re et de 2e année lui ont fait face et ils lui ont fait comprendre que nous étions au courant de ses projets. Nous avons donc affronté la direction, avec l'aide des diplômés, et elle a rétabli le programme tel que je vous l'ai décrit.
Elle ne nous a pas beaucoup appuyés, et son attitude s'est retournée contre elle. Elle s'est rendu compte que l'on formait des gens solides, capables de provoquer des changements à l'échelle locale.
Le président: Est-ce que, à votre connaissance, on retrouve ce programme dans d'autres régions de l'ouest du Canada?
Mme Campbell: Pour autant que je sache, on ne le retrouve nulle part ailleurs au niveau collégial. Je crois qu'il existe dans l'est du pays un programme de niveau universitaire. Selon certaines rumeurs, la Brandon University institue un programme de maîtrise. Il n'en existe toutefois pas d'autre au niveau collégial, à ce que je sache.
Le président: Je crois que l'on forme des diplômés en développement économique à la Waterloo University.
Mme Campbell: C'est vrai.
Le président: Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l'occasion...
Mme Campbell: Merci.
Le président: ... de constater qu'il s'agit d'un programme unique qui pourrait, à mon avis, donner d'excellents résultats dans bien des régions du pays.
Mme Campbell: Certainement. Les possibilités ne manquent pas. Merci beaucoup.
Le président: Je demande au témoin suivant, M. Don Dewar, qui représente le Keystone Agriculture Producers, de s'avancer.
Bonjour, monsieur Dewar. Je vous demanderai de faire un exposé liminaire, puis nous vous poserons des questions.
M. Don Dewar (Keystone Agriculture Producers): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir été invité à venir témoigner pour le compte de Keystone Agriculture Producers.
Keystone Agriculture Producers est la plus grande organisation agricole du Manitoba. Elle représente toutes les catégories de producteurs du Manitoba. Nous sommes fiers de voir parmi vous un de nos ex-vice-présidents.
Keystone Agriculture Producers ou KAP, comme on nous appelle, suit en fait de très près la politique de développement rural et a été le maître d'oeuvre du Manitoba Rural Adaptation Council, créé récemment. Ce conseil regroupe des représentants de l'industrie et du gouvernement qui sont chargés de déterminer les besoins du Manitoba et d'en coordonner le développement.
Je crois que c'est une initiative qui découle des changements qui ont été apportés à la politique des transports et de la prise de conscience de nos besoins. L'objectif de cet organisme est de servir de centre d'information pour les entreprises ou les particuliers désireux de faire démarrer une entreprise ou de diversifier leurs activités, pour faire de la transformation à valeur ajoutée, par exemple. Cela leur permet d'obtenir des réponses à leurs questions, qu'il s'agisse de se renseigner sur des questions d'ordre juridique ou écologique, ou encore sur la présence de ressources comme de la main-d'oeuvre ou de l'eau dans certaines régions.
Ce n'est pas à cause du rôle que nous avons joué dans la création du Manitoba Rural Adaptation Council que j'en parle, mais parce que cette initiative constitue un modèle de collaboration entre l'industrie et les pouvoirs publics, qui vise à renforcer l'économie rurale au Manitoba. L'autre fait qui mérite d'être mentionné, c'est qu'il ne s'agit pas d'une initiative gouvernementale, mais les pouvoirs publics en ont reconnu l'importance et le conseil a reçu une aide considérable du gouvernement fédéral.
Une économie rurale solide passe par une économie sociale saine, dans laquelle il existe des emplois pour les jeunes ainsi qu'une infrastructure maintenue à un bon niveau de qualité. Suite à la diminution du nombre d'exploitations agricoles et d'agriculteurs, les services locaux ont été réduits. Cette situation est due en partie à la mondialisation de l'économie agricole, à la nécessité de réaliser des économies d'échelle dans le secteur de la production agricole et au montant d'argent qu'il reste aux agriculteurs à la fin du cycle de production, argent qui pourrait être investi dans l'économie rurale pour favoriser le développement.
En ce moment, où le coût des intrants agricoles augmente beaucoup plus rapidement que le taux d'inflation, nous sommes confrontés à des frais supplémentaires dus aux programmes de recouvrement des coûts. On a relevé 42 programmes de ce genre qui s'appliquent à l'agriculture. Alors que le recouvrement des coûts des services demandés au gouvernement ou à quelqu'un d'autre peut se comprendre, que faut-il penser des services qui sont offerts sans avoir été réclamés?
Notre organisation estime que les producteurs touchés par ces politiques doivent jouer un rôle actif et non réactif. Je vais vous citer rapidement deux exemples.
Le premier concerne Agriculture Canada, comme on l'appelait à l'époque. Il y a une dizaine d'années, le Programme des semences a fait l'objet d'un examen analogue aux examens qui sont en cours. En réalité, c'est M. Dobson, si je ne me trompe, qui a fait une étude sur le transport. Il a fait cette étude dans le cadre du Programme des semences, il y a dix ans.
Une des conséquences de cette initiative a été une augmentation de 500 p. 100 du coût des inspections des cultures semencières. Depuis lors, l'industrie collabore étroitement à la gestion du programme, avec le gouvernement, du fait que les ressources financières ont progressivement diminué.
Il y a deux ans, lorsque Agriculture et Agro-alimentaire Canada a fait face à d'importantes compressions budgétaires, les producteurs de semences ont subi de fortes augmentations de coûts. Au lieu d'accepter la situation sans rien faire, ils se sont réunis pour discuter des possibilités de fournir les services requis tout en maintenant l'intégrité du système semencier canadien, qui est un objet de convoitise dans le monde entier.
C'est ainsi que vit le jour l'Institut canadien des semences, dont fait partie Agriculture et Agro-alimentaire Canada. Ce sont les producteurs, c'est-à-dire les utilisateurs, qui contrôlent les coûts du programme. Le gouvernement les aide à atteindre leurs objectifs budgétaires, leurs coûts augmentent moins et le programme a été maintenu. C'est un modèle de collaboration.
Le deuxième exemple est un peu plus récent. Il s'agit de la création de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Il s'agit d'un nouvel organisme qui a été créé par l'intermédiaire du ministère de la Santé, et dont l'objectif est de combler le retard accumulé dans le traitement des demandes d'homologation de pesticides ainsi que d'examiner les nouvelles demandes à mesure qu'elles arrivent. Actuellement, le budget de ce programme s'élève à 16 millions de dollars. Il sera porté à 34 millions de dollars et les autorités comptent récupérer 14 millions de dollars de frais. Le nombre d'employés a été porté de 129 à 408. Nous n'avons aucune garantie que le programme sera plus efficace et plus rentable, mais son coût ne semble avoir aucune importance et pourtant c'est un seul groupe de citoyens qui paieront la facture.
Ce sont les entreprises qui font des demandes d'homologation qui paient les frais correspondants mais elles comptent les transmettre à leurs clients, c'est-à-dire aux producteurs. L'esprit de collaboration semble être absent alors que l'on est en train d'édifier un empire administratif aux frais des régions rurales du Canada.
Les producteurs agricoles canadiens ne peuvent pas transmettre leurs frais à quelqu'un d'autre. C'est peut-être difficile à comprendre, mais c'est ainsi.
Il ne fait aucun doute que l'agriculture est une industrie primaire. La technologie et la recherche l'ont aidée à se développer et à prendre de l'expansion tout en nous aidant à devenir de meilleurs intendants de notre territoire.
Il faut maintenir la recherche fondamentale mais la question est de savoir comment répartir les dollars investis dans ce secteur, ce qui l'alimente. KAP estime qu'il doit être alimenté par le consommateur mais dans le cas de la recherche agricole, ce sont en fait les producteurs qui sont les consommateurs.
Quelle recherche faut-il entreprendre à l'heure actuelle pour permettre aux régions rurales du Manitoba d'être concurrentielles dans une dizaine d'années? Étant donné que nous vivons dans un contexte d'austérité budgétaire, il est capital de faire de la recherche utile et d'éviter les dédoublements. Nous devons nous serrer les coudes pour essayer de tirer le meilleur parti possible de ce système, qui accuse une certaine fatigue.
Le développement agricole durable peut être défini comme l'art de faire un heureux compromis entre les avantages et les risques de façon à ce que la production agricole puisse être efficace et à ce que l'approvisionnement en denrées alimentaires saines soit garanti. Les règlements visant à assurer un développement durable doivent être élaborés conjointement par tous les intervenants, oeuvrant de concert pour atteindre les résultats souhaités.
Ceux qui sont chargés de faire la réglementation doivent consulter assidûment ceux auxquels celle-ci s'applique, de façon à encourager le développement au lieu de le décourager. Il faut comparer les risques inhérents à la mise en valeur d'une ressource donnée aux risques ou aux conséquences de l'immobilisme.
Keystone Agricultural Producers continue à encourager tous les paliers de gouvernement et tous les ministères à communiquer pour que les ministères des Ressources naturelles, de l'Agriculture et de l'Environnement poursuivent ensemble des objectifs communs et que la réglementation concernant le développement d'un secteur puisse former un tout. Si des audiences et des demandes sont nécessaires, il faut que le groupe concerné n'ait qu'un seul obstacle à franchir.
En conséquence, Keystone Agricultural Producers fait preuve d'un optimisme prudent à l'égard de la nouvelle loi sur le développement durable du Manitoba. Nous estimons que l'esprit de la loi est bon; espérons seulement qu'elle sera efficace.
Tout en adoptant des politiques favorables à un développement efficace et constructif, il faut maintenir et améliorer l'infrastructure matérielle. On a tenu compte de cette nécessité dans les programmes de construction d'infrastructure et les membres de KAP, ainsi que les autres Manitobains, attendent impatiemment que l'on annonce comment seront répartis les crédits d'infrastructure associés au fonds d'indemnisation pour le transport du grain de l'Ouest.
Dans les régions rurales du Manitoba, l'infrastructure de transport repose principalement sur les voies routières. Il est un fait reconnu que le réseau routier a besoin d'être considérablement amélioré pour pouvoir supporter l'accroissement de la circulation prévu pour l'avenir.
D'où viendront les fonds nécessaires pour financer les grands projets de construction? D'après les chiffres fournis par l'institut des transports de l'Université du Manitoba, 5 p. 100 seulement de la taxe d'accise fédérale sur les carburants automobiles sont réinvestis dans la construction routière, dans la province. À une époque où le principe du paiement par l'utilisateur est à l'honneur, j'estime que le réinvestissement direct, dans le réseau routier, d'une plus grande partie des fonds générés par les automobilistes, se justifie.
L'accès à l'infrastructure des communications mondiale doit être garanti aux habitants des régions rurales. Par exemple, le Manitoba a déjà fait des efforts, ou est en train d'en faire, pour instaurer un réseau téléphonique à ligne unique. Le réseau existe mais les frais d'accès sont parfois énormes.
Enfin, étant donné qu'une sécurité économique accrue est nécessaire en raison des récentes fluctuations du prix des denrées, force m'est de constater que si la production de grain n'a augmenté que de 5 p. 100 en 1996, le prix des céréales a diminué de 20 p. 100 et continue à baisser. Compte tenu de la suppression du principal filet de sécurité dont bénéficiait l'agriculture, nous risquons de devoir réagir à très brève échéance à une grave pénurie de capitaux. Par conséquent, on ne peut trop insister sur la nécessité de collaborer et de communiquer.
Les régions rurales du Manitoba et du Canada ont un excellent potentiel de développement économique et social, et l'on se rend compte que le financement direct est limité. Par conséquent, il faut se tourner vers nos gouvernements pour obtenir indirectement des fonds et orienter des programmes vers les régions qui en ont le plus besoin.
Monsieur le président, je me ferai un plaisir de répondre aux questions que l'on voudrait me poser sur cette politique ou d'autres politiques de Keystone.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Dewar.
Monsieur Asselin.
[Français]
M. Asselin: J'ai quelques soucis parce que le gouvernement fédéral, à Ottawa, pose continuellement des gestes irréfléchis qui peuvent affecter l'industrie agricole, entre autres lorsqu'il a pris la décision de couper les subventions pour le transport du grain dans l'Ouest.
En outre, le gouvernement fédéral a décidé de privatiser les chemins de fer et d'établir une nouvelle tarification pour ceux qui utiliseront la Voie maritime, ce qui aura pour effet d'augmenter les coûts de transport. Si on augmente la tarification du réseau maritime et privatise les chemins de fer, les entreprises privées voudront faire de l'argent, ce qui va entraîner une augmentation des coûts qui sera assumée par le consommateur.
Est-ce que vous pensez que la politique de réglementer, de privatiser ou de couper dans l'aide gouvernementale à l'agriculture nuit au développement rural?
[Traduction]
M. Dewar: Je le crois.
Vous avez dit notamment que cela ferait augmenter les coûts et que ceux-ci seraient transmis au consommateur. Je suppose que vous voulez dire qu'il s'agit en l'occurrence de l'expéditeur et du producteur. En effet, si les frais d'utilisation de la Voie maritime et les frais de transport font partie de mes coûts de production, je finis par les payer et ce sont les compagnies de chemins de fer ou les armateurs, les manutentionnaires de grain qui réalisent des bénéfices et je n'ai plus que les restes. Notre seul espoir est que ces restes soient suffisants pour couvrir les autres frais de production.
Vous voulez savoir si ces compressions ont été nuisibles. Elles ont fait augmenter nos coûts mais ce qui a peut-être été nuisible, c'est qu'elles durent depuis si longtemps qu'elles ont masqué la réalité. C'est au Manitoba que l'éloignement du port est le plus grand et avant que les subventions au transport ne soient réduites, nous bénéficiions des tarifs marchandises les plus bas. Était-ce normal? Je ne crois pas que ce soit un mal, si nous voulons être compétitifs sur le marché mondial. Cela fait mal, mais si la nouvelle réalité est située dans une perspective juste et si elle est bien comprise, je crois que le résultat sera positif.
M. Asselin: Merci.
Le président: Monsieur Chatters.
M. Chatters: Je m'excuse d'avoir manqué votre exposé. J'essayais de récupérer mes bagages et de les faire placer dans une autre camionnette que celle qui se rend à l'aéroport avec mes autres collègues.
Vous avez peut-être déjà répondu à ma question en faisant votre exposé, mais puisque vous représentez bien des agriculteurs du Manitoba, j'aimerais beaucoup connaître vos opinions sur l'avenir de la Commission canadienne du blé et savoir quels changements sont nécessaires ou si vous jugez qu'aucun changement n'est nécessaire.
M. Dewar: C'est un sujet intéressant. Keystone Agriculture Producers est en faveur du système de point de vente unique et je crois personnellement que cela rapporte davantage d'argent à l'ouest du Canada.
Cela dit, je sais et KAP estime que certains changements sont nécessaires, et pas des changements superficiels. Je crois que nous sommes sur la bonne voie. Il est un peu décevant de constater que l'on n'est pas passé à l'action directement après la publication du rapport. Une bonne partie des recommandations correspondent aux requêtes que KAP avait faites, sauf en ce qui concerne le double système de commercialisation, parce que nous n'avons pas encore compris comment la Commission canadienne du blé peut survivre dans un tel contexte.
J'ai exposé notre politique sans vouloir participer au débat.
M. Chatters: C'est bien. Je comprends cela. Cependant, au cours des derniers jours, nous avons beaucoup entendu parler de production à valeur ajoutée dans le secteur agricole. S'il existe une région renommée dans le monde entier pour la production de blé de première qualité ou d'avoine de mouture, par exemple, j'ai l'impression qu'il est difficile d'attirer cette industrie dans votre région si l'on ne peut pas acheter directement le produit au producteur de cette région-là. Qu'est-ce qui peut attirer les acheteurs dans la région où se trouve le produit en question si l'on ne peut pas l'acheter directement au producteur, s'il faut passer par la Commission canadienne du blé? Cela semble contradictoire, mais vous pourriez peut-être dire ce que vous en pensez.
M. Dewar: Je sais que la commission a apporté certains changements à sa politique d'arbitrage de façon à mieux prendre cette réalité en considération, mais je n'ai pas étudié la nouvelle politique qu'elle a adoptée récemment, depuis deux ou trois mois, si je ne me trompe. Je crois qu'il existe des marchés à créneaux. Si cela me coûte trop cher de moudre mon blé au Manitoba parce qu'il a plus de valeur ailleurs, ne devrais-je pas le vendre au plus offrant?
M. Chatters: Absolument. Mais c'est pour cela que l'industrie à valeur ajoutée doit avoir directement accès au producteur, pour avoir la motivation, ou si voulez la prime nécessaire pour vous persuader de vendre à l'industrie locale car c'est ce que vous ferez dans ce cas. Si on l'oblige à acheter par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé et que les prix pratiqués par celle-ci font qu'il est plus intéressant d'exporter ce blé, c'est ce que vous ferez. C'est votre droit, et c'est ainsi que cela devrait fonctionner. Par contre, si l'entreprise qui fait de la transformation à valeur ajoutée avait le droit de communiquer directement avec vous pour vous offrir une prime et utiliser la céréale dans une usine locale, la culture de cette céréale deviendrait rentable.
M. Dewar: Je ne vois pas bien. Si le client doit payer une prime ou s'il peut le faire, cela veut dire que quelqu'un ne paie pas le juste prix.
M. Chatters: Non, vous ne comprenez pas tout à fait.
M. Dewar: Je vendrai au plus offrant.
M. Chatters: Si le client ne doit pas financer les services administratifs de la Commission canadienne du blé et s'il peut vous faire profiter directement de l'économie ainsi réalisée, c'est en fait une prime. Elle fait déjà partie intégrante du système. Le client la verse déjà à l'administration de la Commission canadienne du blé alors qu'il pourrait la verser directement au producteur.
M. Dewar: Si je pousse la discussion plus loin, je dépasserai les limites de mon domaine de compétence.
Le coût serait minime pour la Commission canadienne du blé. C'est un des changements dont nous avons parlé: il s'agit de faire en sorte que la différence entre le prix que l'agriculteur manitobain reçoit pour son blé et celui que la Commission canadienne du blé réclame à un client manitobain reflète les frais de transport réels et non des frais fictifs. Comme vous le savez probablement, au début, les producteurs manitobains étaient payés en fonction de la livraison à Vancouver et si un meunier du Manitoba voulait racheter la marchandise, il payait les frais de transport de Vancouver au Manitoba.
Je sais que c'est le problème que la commission a essayé de régler.
M. Chatters: Dans une certaine mesure.
M. Dewar: C'est là que réside le problème. Il réside dans les frais de transport et dans la méthode d'arbitrage des prix.
M. Chatters: J'aimerais poursuivre la discussion, mais j'accapare le temps qui reste.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
Merci pour votre exposé, monsieur Dewar.
Vous avez signalé que nous entrons dans une ère de changement, au cours de laquelle on apporte des modifications à la Loi sur les transports et on met l'accent sur la valeur ajoutée et la diversification. Voici une des questions qui me viennent à l'esprit. En ce qui concerne le développement rural et l'amélioration de la condition rurale, il semble que la transition soit en train de se produire. Je me demande ce que, au nom de votre organisme, vous recommanderiez au ministre de faire pour permettre aux collectivités rurales de s'adapter au système de la valeur ajoutée. Les prix des céréales sont élevés. Nous savons également qu'il y a de l'avenir. Qu'est-ce qui nous aiderait à nous adapter au système de la valeur ajoutée et à offrir des emplois et des possibilités de croissance économique aux familles d'agriculteurs de la région?
M. Dewar: Je crois que cela fait partie du mandat du Manitoba Rural Adaptation Council. Le gouvernement fédéral est déjà pas mal intervenu par le biais de l'ARAP. Le financement de base doit être fourni par l'intermédiaire du MRAC et je crois que l'idée est excellente pour le Manitoba. C'est pourquoi j'ai dit à la fin de mon exposé qu'il était important de chercher ensemble une solution.
Il ne s'agit pas uniquement de trouver l'argent nécessaire. Nous voulons de l'aide, que ce soit au niveau de l'organisation ou à un autre niveau. Si le MRAC devient effectivement un centre d'information, tout le monde sera là. Ce sera un guichet unique pour les gens qui ont des idées. Je ne tiens pas à faire de la publicité pour une région en particulier, mais si cet organisme découvrait une région qui répond mieux aux besoins, où l'on trouve de la main-d'oeuvre spécialisée ou une bonne source d'approvisionnement en eau, on ne se déplacerait pas autant.
Mme Cowling: Plusieurs témoins ont insisté sur le dédoublement des services au Canada. Je me demande si votre organisation envisagerait un système à guichet unique. Cela permettrait de supprimer une partie de ce dédoublement, surtout en ce qui concerne les ressources naturelles, l'exploitation forestière, l'exploitation minière, les ressources énergétiques et l'agriculture.
M. Dewar: Je voudrais que l'on adopte une approche commune. Il arrive qu'un ministère aborde la question du développement sous un certain angle alors qu'un autre ou qu'un service différent du même palier de gouvernement adopte une autre perspective. Par exemple, Environnement Canada dresse très souvent des obstacles et ce serait une bonne chose qu'il mette de l'ordre dans ses affaires avant de contacter l'entrepreneur ou la personne qui essaie de réaliser un projet.
Mme Cowling: Merci.
M. Dewar: Il est donc important de collaborer.
Le président: Merci, madame Cowling. Merci beaucoup, monsieur Dewar. Nous vous remercions infiniment de nous avoir consacré votre temps et d'avoir fait l'effort de venir aujourd'hui. Je sais que mes collègues l'apprécient également.
M. Dewar: Merci beaucoup.
Le président: La séance est levée. Les délibérations reprendront demain à 9 heures, à Huntsville.