[Enregistrement électronique]
Le mardi 5 novembre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Bienvenue à tous. Le Comité permanent des ressources naturelles reprend son étude de la question du développement rural. Nous avons le plaisir de nous trouver à Edmundston, au Nouveau-Brunswick, où nous poursuivons ces consultations nationales, sur le développement rural.
Notre premier témoin, ce matin, est M. Claude Pelletier de l'Office de vente des produits forestiers du Madawaska.
Bienvenue, monsieur Pelletier. Pourriez-vous faire votre déclaration liminaire, avant que nous ne passions aux questions.
[Français]
M. Claude Pelletier (gérant, Office de vente des produits forestiers du Madawaska): Ma présentation est intitulée «Gestion des lots boisés privés au nord-ouest du Nouveau-Brunswick».
La gestion des lots boisés privés au nord-ouest du Nouveau-Brunswick, ce n'est pas quelque chose de récent. Au début, tous les agriculteurs de la région étaient également producteurs de bois car leurs lots boisés faisaient partie intégrante de leur ferme. Cette situation n'a pas beaucoup changé. Même si nous sommes devenus plus spécialisés dans un secteur donné de l'agriculture, nous avons toujours attaché une importance primordiale au secteur de la forêt.
Historiquement, le propriétaire de lot boisé privé voyait cette ressource naturelle qu'il conservait en réserve comme une garantie car en tout temps de l'année, il pouvait échanger au besoin une partie de cette ressource pour de l'argent comptant. Aujourd'hui, cette tendance a quelque peu changé et nous produisons beaucoup plus en fonction de récolter ce que la forêt nous permet. C'est pourquoi les propriétaires de lots boisés du territoire de l'Office de vente des produits forestiers du Madawaska, qui comprend le comté de Madawaska et la paroisse civile de Drummond, comté de Victoria, s'adonnent davantage à l'aménagement de leurs boisés.
Ici, dans le nord-ouest, l'Office de vente des produits forestiers du Madawaska a toujours encouragé les bonnes pratiques d'aménagement forestier depuis qu'il existe, soit depuis juin 1962. Cette organisation de producteurs est établie pour faire la mise en marché des produits forestiers sous l'autorité d'une loi qui lui donne certains pouvoirs qui, lorsqu'ils sont exercés, deviennent obligatoires pour tous les producteurs concernés.
Actuellement, nous avons des marchés adéquats pour tous nos produits forestiers, sauf dans le domaine des bois durs de qualité pâte. Cependant, nous avons la chance d'avoir à la porté de la main des usines de bois de sciage et une usine de pâtes et papier, la Fraser Paper Inc., située en plein centre de notre territoire.
Comme je le disais plus tôt, l'Office de vente des produits forestiers du Madawaska préconise les bonnes pratiques sylvicoles pour tous les propriétaires de lots boisés privés. Dans ce domaine, je dois vous affirmer que nous avons une participation nombreuse, mais qui s'est un peu affaiblie depuis 1995, l'année où le fédéral s'est retiré de l'entente fédérale-provinciale dans le domaine de la forêt, après y avoir participé pendant une période d'un peu plus de 10 ans.
Je sais que nos gouvernements tentent d'économiser par tous les moyens, mais parfois il faut savoir faire la différence entre une dépense et un investissement.
Ici, au Nouveau-Brunswick, nous avons sept plans de mise en marché qui ont livré très efficacement ces programmes sylvicoles. En 1994, dernière année de l'entente fédérale-provinciale, pour ce qui coûtait 1$ dans le champ, on nous octroyait 0,85$ plus les coûts de l'administration.
En 1995, le fédéral se retire et la province reste seule avec le programme et nous octroie ce qui suit: pour ce qui coûte encore 1$ dollar dans le champ, on nous donne 0,80$ sans les coûts d'administration. On nous permet toutefois de garder 20 p. 100 de ce 0,80$ pour administrer le programme.
En 1996, pour ce qui coûte encore 1$ dans le champ, on nous donne 0,65$ sans les coûts d'administration et on nous permet encore de garder 20 p. 100 de ce 0,65$ pour administrer le programme.
Comme résultat, nos listes d'attente pour participer au programme ont disparu et seuls les plus nantis peuvent se permettre d'adhérer à ce genre de programme d'aménagement forestier sur les lots boisés privés. Nous ne croyons pas que c'est là la meilleure manière d'encourager le développement économique rural.
La solution: Pour remédier au problème et passer au développement économique rural, il faudrait, selon nous, que le ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie du Nouveau-Brunswick cesse sa politique de vendre des parcelles de terrain de la Couronne aux plus offrants, car cette politique encourage la coupe à blanc.
Au contraire, le ministère en question devrait faire faire un plan d'aménagement sur ces parcelles de terrains boisés de la Couronne par ses propres employés, installés dans cinq districts distincts à travers la province et, par la suite, inviter des équipes de bûcherons de la localité à effectuer la coupe selon le plan d'aménagement préétabli et payer par la suite les royautés à la province.
Une autre façon de passer au développement économique rural est de garantir la continuité des programmes sylvicoles sur les lots boisés privés. On estime à 41 000 le nombre de propriétaires de lots boisés privés qui détiennent 30,5 p. 100 de la superficie forestière du Nouveau-Brunswick. De plus, il est à noter que les propriétaires de lots boisés privés fournissent 25 p. 100 des produits forestiers qui sont traités dans l'industrie de transformation du bois.
Investir pour l'avenir: Si nous n'investissons pas dans nos ressources naturelles, notre avenir est voué à la faillite. Lorsque nos ressources forestières seront épuisées, nos industries se verront bien dans l'obligation de fermer leurs portes et nos gouvernements, tant fédéral que provincial, auront beau crier à la création d'emplois, ce sera peine perdue.
Au niveau provincial, nous avons sept plans de mise en marché de produits forestiers, représentant ainsi tous les propriétaires de lots boisés privés de la province. Notre objectif premier est de faire la promotion, le contrôle et la réglementation de la commercialisation des produits forestiers provenant des territoires distincts; d'encourager nos propriétaires à produire et commercialiser des produits forestiers de qualité supérieure; de faire la promotion de bonnes techniques de gestion des terrains boisés; et de collaborer avec toute autre commission locale ou provinciale, dans la province et ailleurs, en vue de réglementer la commercialisation des produits forestiers.
Par le passé, nous avons été l'organisme qui a fait la livraison des programmes sylvicoles qui découlent des ententes fédérales-provinciales. C'est pourquoi nous avons aujourd'hui une équipe très bien formée pour faire la livraison de ce genre de programme d'aménagement forestier sur les lots boisés privés et investir très efficacement au niveau provincial une somme de l'ordre de cinq millions de dollars annuellement.
Pour une personne politique, une période de quatre ou de dix ans, c'est très long. Cependant, en foresterie, mettre un programme en place et le laisser tomber 10 ans plus tard, c'est du gaspillage. Que faire, alors, pour trouver les sommes d'argent nécessaires et contribuer du même coup au développement économique et rural?
Pour ce qui est de la solution, dans notre province, nous avons le véhicule approprié pour récupérer et acheminer ces cinq millions de dollars annuellement et les investir sur les lots boisés privés du Nouveau-Brunswick.
Le tout pourrait fonctionner comme suit: augmenter en conséquence les droits de royauté sur les terrains de la Couronne pour obtenir ces cinq millions de dollars; acheminer par la suite cet argent aux sept offices de mise en marché qui ont déjà le personnel en place pour faire la livraison d'un programme sylvicole de cette envergure sur les lots boisés privés.
Cette méthode de faire les choses est simple et garantit la continuité d'un programme d'aménagement forestier sur une base permanente.
Qui doit contribuer à cette somme de cinq millions de dollars?
Premièrement, le propriétaire du boisé privé ne devrait pas voir sa contribution dépasser15 p. 100 car, en plus de consacrer ses terrains à la foresterie, il en fait la supervision, maintient un système routier adéquat, participe à la création d'emplois et continue à payer les impôts fonciers sur des terrains dont lui, personnellement, ne verra jamais les bénéfices.
Deuxièmement, l'industrie doit contribuer sa juste part car c'est elle, en réalité, qui en tire les vrais bénéfices.
Troisièmement, le gouvernement, tant fédéral que provincial, doit y contribuer également, car c'est ce dernier qui a le système en place pour récupérer les impôts des particuliers et les taxes de toutes sortes que pourra engendrer un tel programme.
En terminant cette présentation, je recommande fortement à ce comité de se pencher avec objectivité sur cette recommandation qui verra, en quelque sorte, à sauvegarder nos ressources naturelles tout en contribuant au développement économique et rural.
Merci à vous, membres du Comité permanent des ressources naturelles, de m'avoir donné l'occasion d'exprimer le désir de nos propriétaires de lots boisés privés.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pelletier.
Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies (Abitibi): Bonjour, monsieur Pelletier. Je ne suis pas un spécialiste de l'industrie forestière, surtout pas en aménagement forestier. Quel a été, après 10 ans d'efforts, le résultat de l'aménagement du Plan de l'Est chez vous?
M. C. Pelletier: Après 10 ans, on commence à peine à le voir. Ici, dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, on a réussi à faire du reboisement dans les vieux champs qui ne servaient plus à la culture à raison, en moyenne, de 800 000 à un million de semis par année.
M. Deshaies: Ce n'est pas beaucoup.
M. C. Pelletier: Ce n'est pas beaucoup pour notre petit territoire, mais si on prend...
M. Deshaies: Seulement chez vous.
M. C. Pelletier: Seulement chez nous, même pas dans tout le Nouveau-Brunswick.
M. Deshaies: Seulement chez vous; ce n'est pas au niveau du Nouveau-Brunswick.
M. C. Pelletier: Ce n'est pas au niveau de la province, non.
M. Deshaies: Pouvez-vous nous donner des chiffres?
M. C. Pelletier: Au niveau de la province, selon le Plan de l'Est, on sait pourquoi on fait le reboisement. C'est pour s'assurer qu'il y ait une production à régime soutenu, dans le sens qu'on va faire de la cueillette et des plans d'aménagement.
M. Deshaies: Après 10 ans, a-t-on reculé par rapport aux politiques forestières du passé, qui voulaient qu'on coupe sans se préoccuper de l'avenir? Avez-vous pu, pendant 10 ans, rattraper un peu ce qui a été mal fait ou si vous avez l'impression que vous n'avez accompli que le tiers ou la moitié de votre mission?
M. C. Pelletier: Comme je le disais plus tôt, une période de 10 ans, en foresterie, est si courte qu'on voit à peine les résultats. En foresterie, il faut parler en termes de 30 à 35 ans. On fait une plantation et, 35 ans plus tard, on va commencer à faire une coupe sélective. À ce moment-là, on n'a pas du bois qu'on peut mettre sur le marché non plus.
M. Deshaies: Au Québec, il y a une nouvelle politique. Dans ma circonscription, l'Abitibi, nous avons tenté une expérience. Les lots épars des municipalités sont offerts pour des plans sylvicoles. Est-ce que vous avez fait la même chose au Nouveau-Brunswick? Avez-vous beaucoup plus de bois qui provient de lots privés qu'au Québec? Au Québec, il y a très peu de producteurs privés.
M. C. Pelletier: Dans la province, nous avons tout près de 80 000 lots boisés privés appartenant à de petits propriétaires. Pour vous donner une idée de la petitesse des lots dans le territoire que je dessers, la paroisse civile de Drummond, dans le comté de Madawaska, je vous dirai que nous avons approximativement 2 200 petits propriétaires de lots boisés privés.
De ces 2 200 petits propriétaires, un peu plus de 1 500 possèdent seulement 50 acres de terrain et moins. Donc, ces personnes ne vivent pas à 100 p. 100 du revenu de leur forêt, mais c'est un mode de vie chez nous. On coupe un, deux ou trois voyages de bois par année. Normalement, c'est pour défrayer les dépenses des enfants qui vont à l'école ou payer les taxes. Cela fait partie intégrante d'un revenu.
On recommandait à nos jeunes, au lieu d'aller épuiser nos ressources, de faire enregistrer leurs lots boisés dans des programmes d'aménagement. Ils pourraient alors aller chercher peut-être l'équivalent d'un voyage de bois et ainsi améliorer leur forêt.
M. Deshaies: Avez-vous calculé ce que représenterait, sur la valeur du bois, les cinq millions de dollars? Est-ce que ce serait une taxe de 5 ou 10 p. 100 pour l'industrie du bois?
M. C. Pelletier: Ce ne serait pas une taxe...
M. Deshaies: Mais indirectement?
M. C. Pelletier: ...mais le véhicule donnerait une certaine garantie. Cela pourrait représenter, au Nouveau-Brunswick, environ 40 millions de dollars. Donc, 12 p. 100 de 40 millions de dollars représenteraient près de 5 millions de dollars. Mais ce n'est pas 12 p. 100 que l'industrie aurait à payer. C'est plutôt le véhicule qui garantirait le programme et, par la suite, la part du propriétaire ne devrait pas dépasser 15 p. 100, parce cela implique beaucoup d'autres choses.
M. Deshaies: D'où viendraient les autres 85 p. 100?
M. C. Pelletier: Une partie viendrait de l'industrie, parce que c'est l'industrie, en premier lieu, qui en est le premier bénéficiaire, et une autre des gouvernements, aux deux paliers, parce que ce sont les gouvernements qui perçoivent les impôts, les taxes, etc..
M. Deshaies: Comment l'industrie verserait-elle cela?
M. C. Pelletier: Par le truchement de redevances sur les terrains de la Couronne. Cela se fait déjà.
M. Deshaies: Vous dites que dans l'industrie sylvicole, un voyage de bois rapporte entre 3 000$ et 4 000$ et que cela aide à défrayer les dépenses pour envoyer un enfant à l'école. Vous dites aussi qu'on cultive 50 acres de façon à ce qu'il y ait encore du bois dans 50 ans. Pour quelqu'un qui possède ces 50 acres, combien de plus un voyage de bois lui rapporterait-il? Cela représenterait-il un tiers de son revenu annuel ou 50 p. 100?
M. C. Pelletier: Cela varie beaucoup. Il serait difficile de le déterminer exactement, parce que le propriétaire typique de lot boisé peut avoir un petit dépanneur du coin et conduire un autobus scolaire tout en produisant entre 40 et 50 cordes de bois annuellement. Je vous parle d'un cas typique de la région.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Deshaies.
Avant de reprendre nos questions, j'aimerais vous signaler que Pierrette Ringuette-Maltais est arrivée. C'est la députée de cette région et c'est elle qui nous reçoit aujourd'hui.
Mme Ringuette-Maltais (Madawaska - Victoria): Merci, monsieur le président. Je voudrais très officiellement souhaiter la bienvenue à votre comité à Madawaska - Victoria. Je dirais que vous êtes sans aucun doute dans la meilleure région du Canada.
Je suis désolée d'être arrivée en retard, mais je me suis fait attraper par Radio-Canada et il n'est pas facile de s'échapper.
M. Pelletier connaît très bien les tenants et aboutissants de la situation économique de notre région.
Peut-être que lorsque M. Pelletier aura terminé, je pourrais vous résumer brièvement où nous en sommes, l'orientation que nous devrions prendre, et en quoi ce comité peut nous aider dans nos entreprises.
Merci.
Le président: Merci, Pierrette. Nous allons passer aux questions, et peut-être que nous pourrons ensuite vous demander de témoigner pendant quelques instants.
Monsieur Ringma.
[Français]
M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Je me demande s'il y a des comparaisons à faire avec l'Europe, s'il y a des leçons à tirer de leur expérience ou pas du tout. J'aimerais que vous essayiez de faire une comparaison avec ce qu'ils font là-bas.
M. C. Pelletier: C'est très difficile. J'ai eu l'occasion, au cours de 1968, de passer un mois avec des propriétaires de lots boisés privés dans les pays scandinaves, en Finlande et surtout en Suède. On ne peut comparer la mentalité des gens des pays scandinaves à celle des gens du Nouveau-Brunswick.
En 1968, j'ai constaté que le même propriétaire de lot boisé privé, en termes de connaissances de son boisé, en terme de connaissances en foresterie, équivalait à l'un des meilleurs ingénieurs forestiers dans la province du Nouveau-Brunswick. Les deux ne se comparent pas.
On parle de régions où l'on fait l'aménagement des lots boisés privés depuis 100 ans de façon méthodique. On coupe l'arbre lorsqu'il est rendu à maturité, et c'est précis. C'est peut-être un idéal à atteindre, mais je ne crois pas qu'on puisse y arriver du jour au lendemain. Il faudra un certain temps pour s'adapter à cela.
M. Ringma: On cherche le vrai rôle du gouvernement, fédéral ou provincial, dans cette industrie. J'ai l'impression que si on laissait les propriétaires de lots boisés privés faire eux-mêmes ce qu'ils veulent, ils pourraient certainement faire un profit.
Vous faites des suggestions. Selon vous, quel est le rôle exact du gouvernement fédéral par rapport à celui du gouvernement provincial?
M. C. Pelletier: Lorsque je parle du gouvernement, j'inclus les deux niveaux.
M. Ringma: J'essaie, s'il y a moyen de le faire, de départager les deux rôles.
M. C. Pelletier: Selon moi, c'est dans un moment de panique qu'on a conclu des ententes fédérale-provinciales créant des programmes ayant trait à la foresterie. Au cours de ces années-là, l'industrie prévoyait qu'il n'y aurait pas assez de bois résineux, de bois mou, pour pallier au creux prévu pour les années deux mille cent.
Donc, on a mis sur pied un programme strictement pour favoriser la pousse du bois mou. C'est ce qui a amené des ententes fédérale-provinciales sur deux périodes successives de cinq ans chacune. Je crois qu'entre les deux périodes, entre la fin de la première et le début de la deuxième, il s'est écoulé un an.
Après 10 ans de ce programme, on a constaté que la technologie changeait. On n'avait pas nécessairement besoin d'arbres de cette grosseur parce que la technologie avait beaucoup changé. On a cru qu'on pourrait passer les années deux milles sans problèmes. On a donc mis fin aux programmes.
Je vous donne un exemple de la façon dont je vois tout cela. Supposons que je veuille me construire une maison de 100 000$. J'ai hâte de l'avoir et, avec 20 000$ dans mes poches, je commence la construction. Cependant, après avoir dépensé ces 20 000$, qui étaient tout mon avoir, je m'aperçois que je n'aurais jamais dû commencer. C'est du gaspillage.
C'est un petit peu de cette façon que je voulais m'exprimer.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Reed.
M. Reed (Halton - Peel): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Pelletier, vous avez fait allusion au problème de la coupe à blanc. Aux États-Unis, il y a beaucoup de forêts privées dont certaines appartiennent à de grosses sociétés. Un des avantages que cela représente pour elles c'est qu'elles peuvent inclure ces propriétés dans leur bilan. Ceci, si elles ont des plantations de 5, 10 ou 20 ans. Elles peuvent leur attribuer une valeur qui figure au bilan.
Cela donne deux résultats. D'une part, cela incite à régénérer la forêt parce que c'est considéré comme un avantage financier. D'autre part, bien sûr, c'est une valeur qui demeure, que le bois soit ou non récolté, c'est toujours reconnu comme une valeur.
Je me demande si ce genre de chose pourrait être important pour les propriétaires ici.
M. C. Pelletier: Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question. Ici, par exemple, c'est différent. Nous ne nous plaignons pas des impôts que nous payons sur nos terrains boisés. Par contre - j'utiliserais cet exemple - si vous assurez votre maison, on considère la valeur de la maison elle-même et non pas de son contenu, n'est-ce pas?
Les terrains boisés privés aux États-Unis appartiennent aux cantons. C'est tout à fait différent, ici au Nouveau-Brunswick. Peut-être que nous pourrions tirer quelques leçons de leur expérience. Je ne sais pas.
Ce que je voulais dire, c'est que lorsque le gouvernement vend, par appel d'offres, des terrains qui appartiennent à l'État, cela coûte tellement cher pour un terrain boisé que celui qui l'achète est obligé de tout couper pour récupérer son argent. Ce n'est pas normal.
Par ailleurs, si le gouvernement veut se débarrasser de certaines terres de la Couronne, il pourrait demander un plan de gestion qui serait réalisé par l'administration, puis inviter les exploitants de bois de la région à couper en respectant ce plan. Je crois que ce serait préférable.
Je ne montre personne du doigt parce que j'ai constaté qu'en général quand on montre quelqu'un du doigt, il y a trois autres doigts qui vous montrent vous.
M. Reed: Ce problème de la tentation de la coupe à blanc sévit dans le Canada tout entier. Je sais qu'en Ontario, c'est la même chose. Je me demandais s'il n'y aurait pas de nouveaux moyens ou des méthodes novatrices à envisager pour dissuader les gens de procéder à cette coupe à blanc. Autrement dit, vous êtes propriétaire du terrain et les arbres ont une certaine valeur, mais on pourrait déclarer qu'ils ont une certaine valeur debout aussi bien que coupés.
M. C. Pelletier: Dans certains cas, la coupe à blanc est prescrite dans le plan de gestion. Je suis sûr que vous avez entendu parler du problème que nous avons eu ici au Nouveau-Brunswick il y a deux ans avec les chablis de la Montagne de Noël. Cette forêt avait été coupée il y a 20 ou 25 ans. C'était essentiellement du sapin trop vieux et tout le monde s'attendait à une catastrophe - des chablis, la tordeuse ou un incendie.
M. Reed: Merci. Cela précise au moins un peu le genre de problèmes que vous avez ici.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.
Le 20 août, si je ne m'abuse, Doug Youg qui était alors ministre du Développement des ressources humaines avait réservé 6 millions de dollars à même le fonds d'emplois de transition auquel la province avait ajouté le même montant pour un total de 12 millions de dollars sur une période de trois ans pour les programmes de sylviculture que voulaient entreprendre les propriétaires de terrains boisés.
Pourriez-vous, monsieur Pelletier, indiquer au comité en quoi cela vous a aidés durant cette période de transition et ce que cela a représenté pour les programmes de sylviculture de la région?
M. C. Pelletier: Pierrette sourit; je me demande pourquoi.
L'intention était bonne. L'argent a été envoyé à la province et c'était à la province d'administrer ces 6 millions de dollars, à raison de 2 millions par an pendant trois ans.
Pour ce qui est du programme que nous avons à l'heure actuelle, comme je l'ai indiqué dans mon rapport, en 1994, lorsque l'entente fédérale-provinciale sur les forêts a été adoptée, pour un emploi qui coûte 1$ sur le terrain, nous recevions 85c. plus les frais d'administration.
En 1995, le gouvernement provincial y a mis 3 millions, sans participation du gouvernement fédéral. Ils ont dit que pour les cinq prochaines années... En 1995, pour quelque chose qui coûtait 1$ sur le terrain, le gouvernement provincial nous fournissait 80c. et pas de frais d'administration. Mais ils ont dit, vous pouvez prendre 20 p. 100 de ces 80c. pour vos frais d'administration. En 1996, c'était tombé à 65c. Nous demandions alors au gouvernement fédéral d'ajouter un peu d'argent pour que cela représente au moins 80 à 85 p. 100. Lorsque le gouvernement fédéral a envoyé de l'argent, plutôt que de reporter cela à 80 ou 85 p. 100, le gouvernement provincial a décidé d'utiliser cet argent pour poursuivre le programme à 65 p. 100. Il prétend que plus l'on peut dépenser de dollars à 65c. plus l'on fera de reboisement, d'améliorations, etc..
Cette année, par exemple, plutôt que d'aider les petits propriétaires de terrains boisés, ceux qui administrent ce programme s'occupent des gros propriétaires, des avocats et des médecins qui ont des terrains boisés, qui n'ont pas besoin de cet argent. Peut-être que leur terrain boisé a besoin de quelques soins ou qu'on y mette des jeunes arbres, mais ce n'est pas vraiment le genre de personnes qu'il faut aider. Nous avions autrement une liste de noms un an à l'avance et maintenant, ils disent non, ce n'est plus possible; cela coûte trop cher.
J'espère tout de même pouvoir faire quelque chose d'ici à l'année prochaine.
Mme Cowling: Donc, cette aide financière vous a quand même quelque peu aidés dans cette transition.
M. C. Pelletier: Oui. Toute assistance financière aide, mais cela peut aussi finir par nous ruiner si ce n'est pas suffisant.
Comme je l'ai signalé, si vous voulez construire une maison de 100 000$ et que vous n'avez que 20 000$, et que vous voulez tellement avoir cette maison que vous commencez la construction de toute façon et que vous arrêtez lorsque vous n'avez plus d'argent, c'est du gaspillage.
Mme Cowling: Je vois.
Le président: Monsieur Pelletier, si j'ai bien compris ce que vous avez dit - et je sais bien des choses, mais je ne suis pas expert forestier - si des montants suffisants ne sont pas investis dans le programme de sylviculture, vous croyez que les propriétaires de boisés privés cesseront tout effort, couperont ce qui peut être exploité, et que le secteur disparaîtra simplement. Est-ce que c'est ce que vous dites?
M. C. Pelletier: Oui.
Le président: Combien y a-t-il de propriétaires de boisés dans cette région du Nouveau-Brunswick?
M. C. Pelletier: Au Nouveau-Brunswick?
Le président: Oui. Les propriétaires de boisés privés.
M. C. Pelletier: Il y a 41 000 propriétaires de boisés.
Le président: Il s'agit simplement de particuliers dont tout le revenu ou, c'est plus souvent le cas, une partie du revenu provient de l'exploitation du boisé. Habituellement ils ont un autre emploi.
M. C. Pelletier: Dans ma région, environ 90 p. 100 des propriétaires de boisés ne tirent qu'une partie de leur revenu annuel de l'exploitation du boisé.
Le président: Avez-vous fait des calculs pour déterminer l'impact du deuxième emploi sur l'existence des propriétaires de boisés privés? Combien d'emplois indirects sont créés grâce aux scieries et autres activités dans le domaine de la foresterie? Avez-vous des chiffres?
M. C. Pelletier: Je n'en ai pas sous la main, mais quelqu'un avait des statistiques sur le... Je ne sais pas si vous avez vu le code de pratique des propriétaires de boisés privés. L'avez-vous vu?
Le président: Non.
M. C. Pelletier: Vous y trouvez toutes sortes de renseignements qui pourraient peut-être répondre à vos questions.
Le président: Merci. On m'a dit que des témoins que nous entendrons cet après-midi pourraient nous fournir de plus amples renseignements. Andrew Clark sera des nôtres et je lui poserai peut-être la question.
Tout compte fait, vous dites qu'une bonne partie du succès que connaît la région rurale du Nouveau-Brunswick est attribuable à la saine exploitation des boisés privés et que, si ces boisés n'étaient plus exploités, il y aurait une perte marquée de revenus et d'activité économique au Nouveau-Brunswick.
M. C. Pelletier: Dans cette région, nous vendions... Nous négociions avec l'industrie locale la vente de quelque 55 000 à 60 000 cordes de bois d'oeuvre. Ça c'était il y a 10 ou 15 ans, entre 1980 et 1985, lorsque de graves dommages avaient été causés par les tordeuses des bourgeons.
Après avoir vendu ce bois endommagé, nous nous sommes demandé, comme office de commercialisation, ce qu'on pouvait continuer à offrir au marché. Nous avons conclu qu'il serait bon d'essayer de mettre plus de 35 000 cordes sur le marché. Nous vendions un peu plus que la croissance annuelle, et ce que nous essayions de faire c'était de gérer nos forêts particulières et de vendre au moins l'équivalent de la croissance annuelle. En procédant à des coupes d'éclaircie et à des travaux sylvicoles, nous pourrons obtenir un quart, une moitié, trois quarts de corde par acre ou peut-être même une corde entière par acre de croissance. Cela est possible si nous procédons à des coupes d'éclaircie et certains travaux sylvicoles.
Je crois qu'il s'agit là d'un bon investissement et si nous pouvons encourager d'autres propriétaires de boisés à faire la même chose, ils se rendront compte de la différence. Peut-être décideront-ils de le faire d'eux-mêmes un jour.
J'ai parlé à un propriétaire de boisés qui avait aussi une plantation de cinq ans. Je lui ai dit que ça valait quelque chose. Il m'a regardé et m'a dit que ça ne valait rien. Cela valait quelque chose pour quelqu'un mais pas pour lui. Il a dit qu'il avait près de 60 ans et que s'il voulait acheter ou vendre, il préférerait acheter un boisé où on retrouve un peuplement mixte parce que dans ces circonstances il pourrait vendre un peu de bois, ce qui lui permettrait d'avoir de l'argent pour le boisé. Il a dit que s'il avait la plantation... Il a dit que ce bois ne lui serait utile que dans 50 ans, et qu'en attendant il devrait financer le boisé et payer les impôts connexes. Pour lui cela représente un coût. J'ai soudainement compris comment d'autres personnes percevaient la situation. Il avait raison.
Le président: Madame Cowling, vous vouliez poser une autre question?
Mme Cowling: Simplement pour poursuivre dans la même veine. Notre comité étudie le renouveau du Canada rural, sa viabilité économique et la possibilité de créer un climat qui permettra d'assurer la création d'emplois et la croissance... Quand j'essaie d'imaginer ce que sera le sort des propriétaires de boisés privés dans 30 ou 35 ans... Je me demande si vous avez tenu compte dans cette période de transition - parce qu'on change la façon dont on fait les choses au Canada - de l'élément valeur ajoutée du boisé privé. Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question?
M. C. Pelletier: Oui, mais nos ressources sont limitées. Je vais vous donner un bon exemple.
Certaines industries voudraient que le prix de notre produit sur le marché soit lié à leur prix de vente, et dans certains cas je m'oppose à cette proposition parce qu'il s'agit de deux marchés complètement différents.
À titre de producteur, si je produis un peu de bois à pâte sur mon boisé, je n'ai qu'un endroit où la vendre: Fraser Inc. Je ne suis pas sur le marché international. Je n'ai donc pas l'occasion de l'envoyer par wagon ferroviaire aux États-Unis. Ce n'est pas approprié. Nous parlons donc de deux marchés complètement différents.
Nous préférons avoir un prix stable pendant toute l'année que d'avoir des fluctuations marquées des prix. Dans certains cas, certains de nos propriétaires de boisés ou - j'hésite à parler d'entrepreneurs - des coupeurs de bois achètent parfois des droits de coupe. Ils veulent acheter le droit de coupe de leur voisin, mais le prix est si élevé qu'ils ne peuvent pas se le permettre. L'année dernière le prix du bois de colombage a grimpé de 160$ la corde, et le type est allé voir son voisin et a dit qu'il pouvait maintenant payer le prix nécessaire pour le droit de coupe. Lorsqu'il a commencé à couper les arbres, le prix a chuté à 120$ en deux mois. Qu'a-t-il fait? Il a essayé de récupérer son argent. Il a tout coupé. Ce n'est donc pas une bonne politique.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pelletier. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu nous parler de certains des défis particuliers auxquels vous êtes confronté à titre de propriétaire de boisé privé. Nous vous en sommes fort reconnaissants.
M. C. Pelletier: Merci beaucoup d'avoir écouté ce que j'avais à dire. Je n'ai pas toutes les solutions aux problèmes, mais j'espère que je pourrai participer à la recherche de solutions.
Le président: Je tiens d'ailleurs à vous remercier des suggestions que vous avez formulées.
Avant de passer à notre prochain témoin, je demanderai à Pierrette de dire quelques mots.
Mme Ringuette-Maltais: Merci beaucoup. J'espère que je m'en tiendrai à quelques brefs commentaires parce que j'ai beaucoup de choses à dire. J'espère que vous ne quitterez pas la salle avant que j'aie fini.
Le président: J'ai souvent rêvé à la Chambre d'avoir l'occasion de vous interrompre.
Mme Ringuette-Maltais: Ce comité doit étudier l'importance du rôle que peuvent jouer le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux au chapitre des ressources naturelles.
J'ai fait partie d'un comité semblable, un comité de la province du Nouveau-Brunswick qui en 1989 a visité toute la province, a rencontré les offices de commercialisation, et a procédé à une enquête et à des recherches détaillées. La seule solution qui s'offre au chapitre des propriétaires de boisés au Nouveau-Brunswick est la création d'offices de commercialisation; grâce à eux nous pouvons assurer un niveau minimum de service et les propriétaires de boisés peuvent avoir voix au chapitre.
Comme Claude l'a dit un peu plus tôt, nous n'avons pas encore terminé nos efforts d'éducation auprès des propriétaires de boisés privés et du secteur forestier dans les communautés frontalières - le problème se pose probablement dans la région de Campbellton également. Nous importons beaucoup de bois du Québec et des États-Unis pour permettre à notre secteur manufacturier de rester à flot. La participation du gouvernement fédéral est donc très importante. Si nous devons étudier la survie et la prospérité du Canada rural, il faut se tourner d'abord vers les économies de base- ce que nous appelons les six soeurs - et le secteur des forêts en représente un élément fondamental.
Claude et Marlene ont mentionné tout à l'heure les fonds de transition. Nous voulons promouvoir l'emploi dans le secteur forestier, car ce secteur existe essentiellement dans les régions rurales du Canada - et du Nouveau-Brunswick. Malheureusement, les offices de commercialisation sont les créateurs de la loi au Nouveau-Brunswick, et ils ont un accord. De concert avec certains collègues de la province, j'ai écrit au ministre provincial pour lui demander d'examiner l'accord conclu avec les offices de commercialisation afin de créer les emplois dont nous avons besoin immédiatement et à l'avenir.
Bob, vous avez manifesté de l'intérêt quand Claude a déclaré que l'argent n'est pas une panacée. Toutefois, il faut commencer à inculquer aux propriétaires de boisés privés l'idée que leurs activités permettent de créer des emplois maintenant et, qui plus est, de s'assurer que ces emplois sont durables. Ainsi, notre produit sera diversifié et aura de la valeur ajoutée.
J'avoue que, jusqu'ici, les habitants du Nouveau-Brunswick sont extrêmement timides quant à ce qu'ils pourraient produire, et quant à la manière dont ils pourraient commercialiser leurs produits ici et ailleurs... Par exemple, en ce qui concerne les fonds de capital de risque que nous avons au Canada, qu'ils soient privés ou publics, les Néo-Brunswickois n'en prennent même pas 1 p. 100. À mon avis, outre la timidité dont nous faisons preuve à l'égard des marchés, c'est un autre domaine où j'espère que le fédéral... Étant donné que les provinces ne veulent pas que le gouvernement fédéral intervienne dans l'économie de base des régions rurales du Canada - et bien des régions rurales du Québec sont dans la même situation que nous - nous perdons d'éventuels marchés d'exportation. Le Nouveau-Brunswick ne peut pas s'en sortir tout seul, que ce soit dans le secteur forestier, agricole ou minier.
Je vis à Ottawa depuis trois ans, et je vois maintenant les possibilités que la fédération offre aux provinces en ce qui concerne les contacts et les exportations. J'ai été députée provinciale ici pendant six ans, et je pensais que nous nous débrouillions très bien, mais ce n'était pas le cas. J'espère que le comité va recommander le maintien de la participation, des normes et du système de commercialisation du fédéral dans les domaines forestier, agricole, minier, etc.. Nous ne pouvons pas le faire tout seuls. Le Nouveau-Brunswick, l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique non plus.
Ce sera pour nous la seule façon de survivre et peut-être de prospérer. Je pense qu'Équipe Canada a démontré que nous sommes un pays commerçant et que nous devons mettre en commun tous nos efforts et notre énergie. Le Canada rural ne survivra que si nous pouvons au moins maintenir la présence fédérale dans ces six secteurs économiques. Les forêts, l'agriculture et les mines sont des secteurs essentiels pour la survie et la prospérité du Nouveau-Brunswick.
Je crois que dans la famille canadienne, si quelqu'un a besoin d'un coup de pouce, la prospérité qui en découle profite à tous les membres de la famille. J'ai peut-être assez parlé pour le moment.
Monsieur le président, je vous remercie de votre attention.
J'ai une autre observation à faire. La coupe à blanc était nécessaire au Nouveau-Brunswick à cause de la tordeuse des bourgeons, mais ce n'est plus le cas et il faut l'éliminer. Je pense que Claude et tous les membres de son office de commercialisation en conviennent. Parfois, nous devons nous réveiller et nous rendre compte que le statu quo n'est pas nécessairement la meilleure façon de procéder, et je pense que, dans sa circonscription, Bob est confronté à de nombreux problèmes concernant la coupe à blanc. À mon avis, c'est une pratique que nous devons supprimer. Une forêt n'est pas un champ. On ne peut la percevoir de la même façon.
Le président: Merci, Pierrette. Resterez-vous encore un peu?
Mme Ringuette-Maltais: Il faudra que je parte à 11 heures, car certains de mes collègues ne seront pas à la Chambre aujourd'hui pour participer à de nombreux votes. Par conséquent, les collègues qui ne siègent pas à des comités doivent être présents à la Chambre pour voter. Je partirai à 11 heures pour prendre le vol de midi à destination d'Ottawa, et je penserai à vous en votant.
Le président: Merci d'être venue.
Passons maintenant au témoin suivant, M. John Higham, de l'Université Mount Allison.
Je vais demander à M. Reed de me remplacer, car je dois m'absenter pour un moment.
Le président suppléant (M. Reed): Monsieur Higham, veuillez présenter votre déclaration liminaire. Je suis certain que vous connaissez la procédure. Après votre déclaration, les membres du comité vous poseront des questions. Vous avez la parole.
M. John Higham (directeur, Rural and Small Town Programme, Université Mount Allison): Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invité. Bienvenue au Nouveau-Brunswick. On vous a dit que vous étiez dans la meilleure partie du pays, mais vous êtes aussi dans la région la plus rurale. Je pense qu'il est important de le souligner, et c'est pour cela que le Rural and Small Town Programme est basé ici.
J'ai déjà envoyé des informations sur le programme même. Avez-vous eu l'occasion d'en prendre connaissance?
Le président suppléant (M. Reed): Non.
M. Higham: Je vais peut-être vous en parler pendant deux minutes.
Comme son nom l'indique, notre programme de recherche et d'étude porte essentiellement sur les régions rurales et les petites villes du Canada. Le programme a été créé en 1984 dans le cadre d'une subvention fédérale de recherche accordée à l'Université Mount Allison. Depuis lors, nous sommes passés graduellement des questions relatives au logement et à la planification dans les régions rurales du pays à l'étude de l'environnement complexe dans lequel les régions rurales et les petites villes fonctionnent maintenant.
La subvention de recherche initiale a été retirée il y a près d'un an à cause de certains changements survenus à la SCHL. Nous fonctionnons maintenant dans le cadre d'une structure de financement différente. Nous recherchons les fonds nous-mêmes, nous avons modifié notre perspective, nous avons trouvé divers partenaires un peu partout au pays, et nous essayons d'établir des groupes de travail pour étudier les questions auxquelles les régions rurales et les petites villes du Canada sont actuellement confrontées. En particulier, nous nous concentrons sur les initiatives d'entraide communautaire. Notre recherche vise à trouver des moyens de donner aux individus les outils ou les aptitudes leur permettant de régler les problèmes, et nous espérons ainsi atteindre d'autres régions rurales et petites villes.
Cela vous donne une idée de mon exposé d'aujourd'hui. C'est sous cet angle que je vais le présenter, et je pense qu'il sera assez différent de ce que vous avez déjà entendu. Je pense aussi que notre perspective nous amènera à définir un rôle différent pour le gouvernement fédéral dans les régions rurales du pays, rôle que nous désignons par le mot «habilitation». J'en viendrai à la définition de ce concept, mais voilà essentiellement l'objet de mon propos.
Je ne pense pas qu'il faille vous convaincre que le milieu rural est important, même si bien des gens ne le savent pas. Le comité sait que les Canadiens ont un solide attachement au milieu rural, car il fait partie de notre culture et de notre identité. Cela dit, il n'existe pas vraiment de consensus quant à la définition du milieu rural. Nous tenons pour acquis que tout établissement de moins de 10 000 personnes est considéré comme une petite ville ou une collectivité rurale.
Dans ce sens, jusqu'à 25 p. 100 des Canadiens vivent dans ce genre d'établissement. C'est une partie non négligeable de notre pays. La situation varie beaucoup selon les régions. Nous avons signalé que vous êtes actuellement dans la région la plus rurale. Au Nouveau-Brunswick, près de53 p. 100 de la population vit dans des régions rurales et dans les petites villes. Le pourcentage est à peu près le même en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, mais il est plus élevé dans l'Île-du-Prince-Édouard. Nous sommes au coeur même du monde rural. Il est étonnant de constater que l'Alberta est l'une des provinces les plus urbaines du pays en vertu de ce critère.
D'où l'une de nos principales critiques à l'égard de la politique rurale actuelle. En effet, nous appliquons souvent des solutions urbaines à des problèmes ruraux, ce qui cause des difficultés. De plus, nous n'accordons pas suffisamment d'attention au caractère distinct des régions rurales et des petites villes du Canada, ce qui nous a amenés à énoncer diverses hypothèses sur lesquelles nous avons fondé nos décisions au cours des dernières années.
Pour nous, monde rural signifie population, et les gens vivent dans des collectivités rurales. La viabilité à long terme des régions rurales du Canada dépendra éminemment de la viabilité de ces collectivités. Le monde rural est complexe et il est confronté à des problèmes singuliers, comme vous le reconnaissez dans votre plan de travail. Nous croyons que notre démarche, qui consiste à aider les gens à s'aider eux-mêmes, est le meilleur moyen d'assurer la viabilité à long terme des collectivités rurales.
À cet égard, le gouvernement fédéral a un rôle légitime et important à jouer, mais nous devons reconnaître la validité des critiques que je viens de formuler au sujet des solutions urbaines que l'on impose au monde rural et de la négligence de la spécificité des collectivités rurales.
En plus du mémoire que j'ai présenté, voici un aperçu des problèmes complexes des petits établissements. Je ne veux pas m'éterniser sur le sujet, mais comme tout le monde, ces collectivités subissent les pressions de la mondialisation. À l'instar des secteurs urbains, elles essayent de se brancher sur l'économie mondiale, mais elles subissent également les contrecoups de la restructuration profonde du secteur public - qui touche non seulement les services gouvernementaux, mais aussi tout le secteur bénévole, universitaire, etc.. L'effet combiné de la mondialisation et du changement des structures nationales suscite de nombreux défis.
À titre d'exemple, le changement dans le domaine de l'emploi est dramatique. Dans son édition d'aujourd'hui, le Telegraph Journal a publié un article que vous devriez lire, et qui porte sur les problèmes de la région de l'Atlantique. C'est un article qui occupe une page entière et qui concerne l'avenir économique de l'Atlantique; l'auteur estime qu'en raison des changements dans l'emploi, le secteur primaire aura moins de 7 p. 100 des emplois dans notre région d'ici l'an 2005. Autrement dit, les secteurs traditionnels des ressources naturelles emploieront moins de 7 p. 100 des travailleurs dans cette partie du pays, malgré le fait que la majorité de la population habite dans les régions rurales et les petites villes. Par conséquent, nous devrons faire face à ce changement énorme dans le domaine de l'emploi.
Nous assistons à une augmentation considérable du nombre de micro-entreprises et d'entreprises basées à la maison; j'y reviendrai tout à l'heure.
Vous savez très bien que les paiements de transfert aux gouvernements locaux ont chuté de façon dramatique. L'infrastructure moderne suscite des préoccupations réelles; je pense non seulement aux questions normales que nous nous sommes toujours posées concernant le financement des égouts, de l'eau et des routes, mais aussi des questions sur la construction et le coût de l'infrastructure moderne dont il faut doter les établissements ruraux.
Nous faisons la promotion de la santé communautaire. Les services correctionnels axés sur la collectivité connaissent une croissance rapide. Nous attendons les réactions locales aux réformes touchant l'éducation, les services sociaux et le logement. Un autre domaine présentant un intérêt particulier est l'introduction d'une nouvelle technologie dans une collectivité qui n'est pas aussi réceptive qu'une région urbaine.
Voilà donc quelques exemples des problèmes complexes que doivent résoudre les petites collectivités. Les solutions doivent être fondées sur les atouts de ces dernières. En effet, elles sont moins peuplées, et elles ont moins de ressources financières et humaines, et peut-être plus de ressources naturelles, mais elles doivent fonder leur capacité de réagir à cette série de changements mondiaux et locaux sur leurs atouts naturels. En raison de ces facteurs, il est clair que le défi sera plus difficile à relever pour les régions rurales et les petites villes du Canada que pour les régions urbaines.
Cela dit, nous croyons que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans ce domaine. En effet, il est évident que les mesures prises en faveur du monde rural vont dans le sens de l'intérêt national. Le gouvernement fédéral a divers mandats, pouvoirs, attributions et intérêts dans le monde rural. Les témoins que j'ai entendus les ont évoqués en parlant de la nécessité de créer des emplois, d'avoir une population en santé, de réduire la pauvreté, de bien gouverner et d'avoir une main-d'oeuvre compétitive et instruite. Voilà les intérêts nationaux que défendent 25 p. 100 des Canadiens vivant en milieu rural et visant les mêmes objectifs.
Cependant, nous estimons qu'il est nécessaire de modifier les politiques relatives au monde rural pour encourager les personnes et les familles qui y vivent... à lancer des initiatives et à utiliser leurs atouts personnels afin de rendre leur milieu plus convivial. C'est ce que nous appelons habilitation - créer une structure propice à l'activité et permettant à la population de faire des choix et d'en assumer la responsabilité.
À notre avis, il faut cesser d'être un fournisseur pour devenir un facilitateur. Vous avez souvent entendu évoquer l'image selon laquelle il faut passer du rôle de rameur à celui de capitaine, se concentrer davantage sur l'intérêt national et les objectifs et non pas sur les moyens.
Comment y parvenir? En faisant cinq choses fondamentales. Premièrement, ne pas avoir peur de dire qu'il y a des intérêts nationaux dans le monde rural. Il faut l'affirmer clairement. Deuxièmement, le défi consiste peut-être à axer cette déclaration sur des résultats. Nous croyons qu'il faut fixer des objectifs intégrés pour que l'intérêt national soit porté à ce niveau afin d'élaborer des énoncés du résultat comme les suivants: promouvoir la santé de la population, créer des emplois ou réduire la pauvreté.
Il sera nécessaire d'établir des indicateurs du progrès. Nous pensons qu'il faudra des indicateurs nationaux et des indicateurs locaux axés sur la collectivité.
Par exemple, le débat que nous avons eu aujourd'hui sur les emplois dans les boisés privés pourrait s'inscrire dans ce contexte. Ce serait peut-être l'un des indicateurs. Le revenu global aussi. Ensuite, il faudrait élaborer les énoncés de résultats, trouver les moyens de mesurer le progrès, et déterminer les normes de rendement que doivent respecter non seulement les organismes gouvernementaux, mais aussi les organisations communautaires locales pour participer à l'intérêt national.
Il ne faut pas nécessairement y aller pas à pas, comme un enfant qui apprend à marcher; il faudrait probablement appliquer ces mesures en même temps.
La troisième mesure est ce que nous appelons l'aide de transition. Le changement est énorme et l'on a besoin d'aide. Il ne faut pas oublier qu'au bout du compte, les gens devront s'aider eux-mêmes; par conséquent, il s'agit de faciliter la recherche de solutions novatrices.
Il y a d'excellentes activités un peu partout au pays. Il faudrait les chercher et les analyser pour déterminer comment elles contribuent à l'intérêt national, et voir comment les collectivités peuvent s'organiser pour les reproduire avec succès ou les adapter à leur situation. Nous devons essayer de trouver de nouvelles possibilités de faire le même genre de choses ailleurs au pays.
De toute évidence, le développement des ressources humaines est nécessaire. Une fois de plus, on en a parlé ce matin en évoquant la nécessité d'éduquer la main-d'oeuvre dans le secteur forestier. Il est nécessaire d'éduquer de diverses manières pour répondre à divers défis.
Je dois aussi ajouter qu'à mon avis, le gouvernement fédéral a clairement l'obligation ou la responsabilité d'intervenir avec la collaboration des Autochtones et des non-Autochtones. La plupart des collectivités autochtones vivent en milieu rural et doivent relever des défis qui ne sont pas tellement différents des nôtres. Le contexte et les réactions sont peut-être différents, mais les Autochtones ont d'autres atouts qu'ils peuvent mettre à contribution. Je pense que les possibilités de collaboration sont phénoménales. Par exemple, ici au Nouveau-Brunswick, plusieurs Premières nations participent maintenant au capital de la société Eagle Forest Products.
La quatrième mesure nous intéresse particulièrement. Nous pensons en effet que vous aurez besoin d'un programme de recherche pour atteindre cet objectif, mais il existe un type de recherche que nous jugeons nécessaire: il faut reconnaître que les solutions doivent être créées et conçues par les personnes qui sont confrontées aux problèmes.
La population locale doit vraiment s'en charger. Le gouvernement, les universitaires et d'autres peuvent influencer ces réactions, mais c'est vraiment à l'échelle locale que cela doit se faire. Nous pensons qu'il est nécessaire de stimuler le choix d'indicateurs communautaires, de reconnaître les possibilités, d'y donner suite, de s'organiser et d'utiliser au mieux les rares ressources du Canada rural.
Notre cinquième et dernier point m'amène à parler des micro-entreprises qui sont, à notre avis, l'élément essentiel, dans l'immédiat, du développement économique rural. Plus de 73 p. 100 de toutes les entreprises au Nouveau-Brunswick font partie de cette catégorie des micro-entreprises que l'on considère, faute d'une autre définition, être les entreprises de moins de cinq employés. Presque les trois quarts des entreprises de cette province font partie de cette catégorie et à l'échelle nationale, je pense que le nombre est encore plus élevé.
Ce que nous disent tout particulièrement les micro-entrepreneurs dans les petites localités, c'est qu'ils sont exclus des programmes d'aide à l'entreprise actuels. Bien que ces programmes soient conçus à l'intention de ce que l'on appelle les petites et moyennes entreprises, le contexte dans lequel celles-ci opèrent est très différent de celui des micro-entreprises dans les petites localités.
Ces entrepreneurs réclament une aide minime, des fonds minimes, des conseils techniques, des conseils personnels sur la façon d'équilibrer leurs responsabilités familiales et professionnelles, des moyens d'évaluer facilement leurs marchés et les moyens d'obtenir des conseils sur l'utilisation appropriée de la technologie et le partage des coûts de celle-ci. Nous pensons que le secteur de la micro-entreprise offre des possibilités énormes pour un investissement minime.
Voilà donc nos cinq points. En résumé, j'espère vous avoir donné un point de vue différent. Je pense qu'il faut aborder beaucoup de ces questions d'un point de vue rural. Les petites localités vont jouer le rôle d'agents de changement dans le Canada rural. Les personnes, les familles et les entreprises qui composent ces localités feront preuve d'innovation. Elles ont le désir et la capacité de relever ces défis.
Je pense qu'il est important de considérer cette optique en examinant le rôle que le gouvernement fédéral peut jouer. Je pense qu'en retenant cette option d'habilitation, il y a moyen de vraiment accroître la contribution que le Canada rural peut faire à l'économie du Canada.
Le président suppléant (M. Reed): Merci beaucoup, monsieur Higham.
Une précision. Avez-vous dit que les micro-entreprises représentaient 72 p. 100 de toutes les entreprises au Nouveau-Brunswick?
M. Higham: Non, j'ai dit 73 p. 100.
Le président suppléant (M. Reed): Merci beaucoup de cette précision.
Monsieur Deshaies, voulez-vous commencer.
M. Deshaies: Comprenez-vous le français? Ce serait une bonne occasion de pratiquer mon anglais.
Dans le nord-ouest du Québec, à l'Université du Québec à Rouyn-Noranda, nous avons une «chaire». Je ne sais pas comment cela se dit en anglais.
Une voix: Chair.
M. Deshaies: Nous avons une chaire des questions rurales. On y a fait des recherches et on s'est rendu compte que pour qu'une petite localité ait une économie viable, il lui fallait une nouvelle école, des services tels qu'un garage, un petit détaillant, etc.. On a ensuite démontré qu'il serait alors possible d'avoir une économie indépendante dans cette localité. Nous avions pensé que si la localité n'avait qu'une petite structure, elle dépendrait d'une ville avoisinante plus grande. Si l'on n'a pas un certain minimum, on ira tout simplement chercher les services dans la grande ville étouffant ainsi lentement la petite localité. Avez-vous constaté la même chose au Nouveau-Brunswick?
M. Higham: Je ne peux pas vous répondre en me fondant sur des données quantitatives.
J'ai vu quelques études sur la région des Prairies où c'était justement le cas. On a fait une évaluation du nombre de services et d'habitants et on a constaté la disparition des petites localités dans les Prairies. Leur nombre a beaucoup diminué. C'est une réaction tout à fait humaine à la réduction des services.
C'est différent maintenant cependant. L'avènement de nouvelles technologies rend accessibles de nombreux services, même s'ils ne sont pas physiquement présents dans une petite localité. En nous tournant de plus en plus vers les nouveaux moyens de communication, il se peut que nous compensions... On commence d'ailleurs à dire que les gens se réinstallent dans certaines petites localités à cause de ces changements, et non parce qu'ils sont désenchantés du milieu urbain. Les gens se rendent compte qu'ils peuvent plus ou moins trouver tout ce qu'ils cherchent à nouveau dans ces petites villes.
M. Deshaies: Hier nous étions dans ma circonscription où des témoins nous ont dit qu'en général, le programme fédéral de santé... Ils n'étaient pas satisfaits. Les besoins sont très réels. Un témoin nous a dit qu'il nous fallait des outils, pas un programme, car en général, si vous ne répondez pas au critère, vous n'avez pas accès au programme et vous courez des risques si vous êtes malade.
Vous avez parlé de facilitateurs. Pensez-vous qu'il soit préférable de disposer des outils et de décider, dans la localité, comment dépenser l'argent ou d'avoir en place un programme qu'il faille respecter?
M. Higham: À mon avis, l'important, c'est de disposer des outils. Voilà ce que réclament les gens, c'est ce qu'on nous dit aussi. Si on donne les outils, les gens relèveront ce défi.
Ce dont on se plaint, c'est que souvent, il y a des changements sans qu'on dispose d'outils. On est obligé de tenter de faire face à l'échelle locale à toute une gamme de programmes qui changent rapidement.
Il n'est vraiment pas très facile de prendre des éléments des programmes pour créer une solution locale - c'est un problème. En outre, comme on ne sait pas comment d'autres ont réussi à relever certains de ces défis, on ne peut pas dire voilà, dans votre région, suite à la réduction du nombre d'écoles, on n'a pu utiliser l'école pour lancer une petite entreprise.
Sans possibilité de s'échanger de l'information entre différentes localités rurales, sans souplesse dans les programmes qui permettent de les combiner ensemble selon les atouts du comité et des localités locales, on échoue.
Troisièmement, il faut à notre avis se donner son propre outil qui peut provenir d'un manuel, mais également des gens, d'un support informatique, des institutions.
L'important c'est de reconnaître dans cet outil le contexte dans lequel évolue le Canada rural. Cet outil doit refléter le manque de ressources, le manque de bénévoles et la nécessité de réussir, car on ne peut pas se permettre de se tromper deux fois. À mon avis, la première priorité consiste à fournir des outils qui permettent à la population de réunir leurs ressources de la façon la plus efficiente.
M. Deshaies: Pensez-vous que la façon dont le gouvernement a tenté, encore une fois, de susciter des doutes sur les petites localités, de créer des doutes quant à sa présence dans les petites localités...? Hier le témoin nous a dit avoir l'impression que le gouvernement les avait abandonnées.
Il ne faut pas oublier que lorsque le gouvernement fédéral perçoit des impôts des citoyens canadiens, c'est censé servir à développer la région. C'est la région qui supporte le bureau de poste. Le prix du service téléphonique minimum a beaucoup augmenté. Nous avons ainsi l'impression d'être maintenant seuls, loin de la grande ville. Le gouvernement nous abandonne pour demeurer à Montréal, Ottawa, Toronto, etc..
M. Higham: Les Canadiens se sont habitués à ce que le gouvernement les aide à s'adapter au changement. De nombreux programmes gouvernementaux au cours des 30, 40 ou 50 dernières années ont été conçus pour faciliter l'adaptation au changement. Voilà pourquoi, lorsqu'il y a des changements importants, la première réaction consiste à dire, c'est la responsabilité du gouvernement de nous aider. Je pense que cela change.
Dans les petites localités, il y a deux réactions: soit on considère que le gouvernement doit en faire plus pour aider, soit on considère qu'il appartient aux gens, plutôt qu'au gouvernement, de faire quelque chose. L'opinion est en train de changer dans les petites localités.
Je trouve cette approche plus appropriée. La population commence à penser qu'elle doit prévoir son propre avenir, qu'elle doit assumer cette responsabilité.
M. Deshaies: Merci.
Le président suppléant (M. Reed): Avant de continuer, j'aimerais demander à tous les membres du comité, leur coopération jusqu'à un certain point puisque le temps nous est compté. Nous allons tenter de faire preuve de la plus grande souplesse possible, mais il nous faut être efficace.
Monsieur Ringma.
M. Ringma: Monsieur Higham, je pense que vous êtes sur la bonne voie. Vous êtes un porte-parole éloquent qui sait reconnaître le changement qui se produit aujourd'hui au Canada. En partie, ce changement sera facilité par l'autoroute de l'information. Le gouvernement a saisi cette occasion et fait son possible pour promouvoir cette technologie.
À mon avis, ce que vous avez dit de plus important, c'est que le gouvernement fédéral et les gouvernements, de façon générale, doivent cesser de jouer un rôle de fournisseur pour devenir des facilitateurs. Je vous félicite de votre perception.
Je partage votre opinion, mais comment transmettre le message? Vous pouvez commencer par le faire ici à ce comité. Je suis persuadé que nous avons tous écouté attentivement et certaines de vos idées se retrouveront peut-être dans le rapport du comité qui sera déposé le printemps prochain.
Ce que vous dites pourrait tout aussi bien s'appliquer à ma circonscription de Nanaïmo - Cowichan sur l'île de Vancouver. C'est la même chose là-bas. Ce phénomène se produit partout au pays.
Comment transmettre le message? C'est une question d'éducation, pas uniquement au niveau de ce comité, mais du gouvernement provincial et des habitants de vos localités. Je pense que les plus jeunes seront de la partie. Ils sont là, sur le bout de leur chaise qui disent: «Donnez-moi une chance, je peux faire ça». Mais pour les plus vieux, ma génération, il faut les éduquer.
Cela me préoccupe et j'aimerais que vous nous en parliez. Comment pouvons-nous aider Mount Allison et votre association - je présume que votre association est d'envergure nationale - à transmettre le message, à poursuivre la discussion de façon à ce que tous les habitants des régions rurales puissent contribuer? Parlez-nous de cela encore quelques minutes.
M. Higham: Vous me lancez un défi de taille.
Il existe une infrastructure énorme de diffusion de l'information. Le gouvernement fédéral a sa propre bureaucratie, beaucoup d'antennes, beaucoup de moyens. Nous suggérons, du moins au comité, de concentrer ses efforts là. C'est un défi de taille, parce qu'au fond il s'agit d'un revirement dans l'attitude institutionnelle. Il faut évidemment un processus interne d'éducation.
Il y a deux ou trois possibilités.
D'abord, et c'est ce que nous disons depuis un certain temps, nous luttons pour survivre. Notre groupe client, le Canada rural, ne dispose pas de nombreuses ressources et donc n'est pas en mesure de se payer grand-chose et de participer, dans une grande mesure, à ces discussions. On doit trouver une façon de transmettre l'information à ce groupe, à peu de frais, c'est incontestable.
Si vous pouvez donner aux habitants de nombre de ces localités qui cherchent des façons de s'en sortir des outils qui leur permettront de trouver leurs propres solutions, les choses se placeront d'elles-mêmes. Les gens réclament à corps et à cri: «Si seulement nous savions comment nous organiser en fonction de la technologie de l'information, nous nous en tirerions mieux. Si seulement nous avions quelques exemples de ce que d'autres ont fait pour créer de petites entreprises dans de petites localités, nous nous en tirerions. Mais où trouver l'information?»
Il y a plusieurs moyens de transmettre l'information comme les lettres de nouvelles traditionnelles, les réseaux bureaucratiques et les réseaux politiques. Jusqu'à un certain point, on pourrait utiliser les structures organisationnelles actuelles comme l'union des municipalités dans chaque province. Il faudrait envisager une stratégie plus globale.
Mais vous avez raison: c'est un défi de taille, simplement transmettre l'information.
M. Ringma: Je présume que c'est la même chose en ce qui concerne l'accès au financement. Il me semble que le gouvernement pourrait jouer un rôle à ce niveau, peut-être pas en donnant l'argent, mais en en facilitant l'accès.
Lorsque je parle aux petits hommes d'affaires de ma circonscription, c'est une des choses qu'on me dit. Ils n'ont pas accès facilement aux banques ni à autre chose. C'est très difficile pour eux. Il y a bien des choses à faire, notamment celle-là.
Merci beaucoup.
M. Higham: Merci.
Le président: Merci, monsieur Ringma. Vous m'avez pris au dépourvu.
Madame Ringuette-Maltais.
Mme Ringuette-Maltais: Merci.
Bob, vous serez peut-être surpris, mais je suis d'accord avec ce que vous dites. La plus lourde perte pour le Canada rural, c'est probablement que ces jeunes gens instruits, vu leur niveau d'instruction, cherchent à combler leurs besoins, tous les besoins modernes des gens instruits, que ce soit au niveau des emplois, de la culture, du sport, que sais-je, dans les centres urbains. C'est probablement la perte la plus lourde des localités rurales. Nos habitants instruits, doués pour les affaires, s'installent dans les grands centres. Je pense que les gouvernements fédéral et provinciaux ont la responsabilité de fournir la nouvelle technologie qui permettrait à ces localités de garder cette population et de prospérer, car l'information constitue le nouvel outil économique que nous pouvons facilement fournir.
Lorsque les gouvernements provinciaux retirent les enfants de leurs petites localités rurales, à un très jeune âge, pour leur faire poursuivre leurs études dans un grand centre, c'est déjà la première étape de la perte de cette ressource humaine. Lorsque le gouvernement fédéral ferme les bureaux de poste locaux pour les installer dans les grands centres, c'est une autre étape.
Je pense que les gouvernements doivent prendre l'initiative de rendre au Canada rural ce que celui-ci a donné au Canada urbain. Grâce à la nouvelle technologie, quels que soient les services gouvernementaux, provinciaux ou fédéraux que l'on envisage, prenez les services de l'impôt, il n'y a aucune raison de ne pas situer les bureaux gouvernementaux dans des localités rurales.
Ici à Edmundston, nous avons le centre CIDIF, un serveur pour la francophonie internationale sur l'autoroute de l'information. Nous desservons 48 pays francophones de par le monde à partir d'Edmundston au Nouveau-Brunswick.
Voilà les possibilités qu'offre la nouvelle technologie de l'information et il en va de même dans tous les secteurs. Je pense que les gouvernements et le secteur privé ont la responsabilité de fournir cette nouvelle infrastructure de base aux localités rurales mais, malheureusement, là encore, ce sont les centres urbains qui sont à la fine pointe parce que c'est là qu'on trouve les universités, les équipes de recherche, le secteur privé.
Je pense que ce comité adoptera probablement au nombre de ses principales recommandations l'idée d'incitatifs financiers visant à encourager la recherche privée et l'infrastructure privée à desservir le Canada rural. Le gouvernement fédéral devrait même offrir des incitatifs financiers spéciaux aux gouvernements provinciaux afin de les encourager à combler ces besoins de base.
Il ne s'agit plus de routes, comme vous l'avez dit précédemment; il est question de nouvelles routes, de routes modernes. S'il n'est pas possible de fournir les mêmes services au Canada rural qu'aux centres urbains, nous allons encore une fois y perdre.
Merci beaucoup. Je vous souhaite bonne chance. Vous avez notre appui dans votre recherche. Chers collègues, je dois aller voter pour vous. Au revoir.
Le président suppléant (M. Reed): Merci.
Madame Cowling.
Mme Cowling: J'aimerais revenir à quelque chose que vous avez dit au sujet de la réduction des paiements de transfert aux provinces. Je viens du Manitoba, une des provinces démunies. Je sais que l'on a réduit les paiements de transfert; toutefois, pour les provinces démunies, nous avons augmenté les paiements de péréquation et nous sommes plusieurs à être en bien meilleure posture. Je voulais simplement le signaler et vous dire que j'espère que c'est la même chose ici.
M. Higham: Excusez-moi si je vous ai induit en erreur. Je parlais des paiements de transfert aux gouvernements locaux, au niveau local. Je parlais des subventions de fonctionnement, des subventions globales, selon chaque province, qui diminuent partout au pays.
Mme Cowling: Je voulais que ce soit noté au procès-verbal et précisé.
J'aimerais revenir à autre chose maintenant. Vous avez mentionné que dans 75 p. 100 des cas, vos entreprises au Nouveau-Brunswick sont des micro-entreprises. Je me demande combien d'entre elles sont dirigées par de jeunes gens qui restent ici et combien sont dirigées par des femmes. Plusieurs études révèlent qu'en grande partie, ce sont des femmes qui se lancent dans des entreprises artisanales et des entreprises à domicile.
Avez-vous un Centre de services pour les femmes entrepreneurs ici? Avez-vous accès au Programme de développement des collectivités? Dans l'affirmative, que pensez-vous de ces programmes?
M. Higham: À ma connaissance, il n'y a pas de centre pour les femmes entrepreneurs. Je ne sais donc pas, je ne peux pas vous répondre.
En ce qui concerne les micro-entreprises, je n'ai vu aucune ventilation. Ce serait certainement très intéressant.
Nous pouvons nous reporter à notre sondage sur les entreprises à domicile, un sondage sur deux ou trois ans. Dans la région de l'Atlantique, les entreprises à domicile se partagent assez équitablement entre les hommes et les femmes, c'est-à-dire presque moitié-moitié. Certaines autres questions intéressantes de sexe nous portent à croire qu'il nous faut des données fondamentales, de base, sur les femmes rurales au Canada, surtout du point de vue des possibilités de développement économique. Pour l'instant, nous ne pouvons répondre à ces questions. Nous pensons que c'est le genre de recherche fondamentale qu'il faudrait faire.
Les programmes de développement des collectivités ont évolué de bien des façons. Je pense que vous entendrez un témoin cet après-midi de la Commission économique qui est mieux placé que moi pour répondre à cette question. Tout dépend, je pense, des régions locales sur le plan de la programmation. Il y a eu fusionnement à plusieurs niveaux. Je pense que ce témoin sera mieux placé que moi pour vous répondre.
Mme Cowling: En ce qui concerne les jeunes, combien sont-ils à rester dans les petites localités rurales?
M. Higham: Je ne peux pas vous donner de chiffres. Dans une publication que vous connaissez probablement tous, le Canada rural: un profil, publié par le gouvernement fédéral, on constate que les jeunes ont déménagé, qu'ils sont de moins en moins nombreux dans le Canada rural. J'oublie les chiffres. Il est accepté de façon générale, et c'est ce qu'on raconte, que rien ne pousse les jeunes à rester dans les localités rurales.
Il s'agit de savoir si c'est maintenant le temps, si la possibilité existe de garder les jeunes dans les localités rurales. Il y a un réel défi pendant cette période de transition. Pour faire preuve d'optimisme, quelles possibilités s'offrent à nous de réunir les jeunes et les personnes âgées dans un intérêt commun de technologie et de développement économique ainsi que de mode de vie. Voilà comment nous tentons d'envisager les défis de ce genre.
Mme Cowling: Très rapidement, monsieur le président, je pense que le témoin veut dire qu'il y a un changement d'attitude au cours de cette période de transition. Plusieurs de nos témoins nous ont dit que nous ne sommes plus à l'ère du papier mais bien dans une ère nouvelle, celle d'Internet. Je me demande ce que vous pensez de l'autoroute de l'information et si c'est un moyen d'aider le Canada rural à aller de l'avant pendant cette période de transition.
M. Higham: C'est l'élément essentiel. Il y a une expression «glocalisation». Je ne sais pas si vous l'avez entendue, mais Thomas Courchene prétend que c'est là la réaction réelle à la globalisation, c'est-à-dire que chaque région a sa propre réaction. Celle-ci est différente en Colombie-Britannique et en Alberta de celle du sud de l'Ontario et des provinces Maritimes. En effet, ces régions n'ont pas toutes les mêmes moyens de faire face aux forces de la globalisation. Ce qui est approprié ce sont les réactions locales. Je pense que c'est là un élément essentiel pour l'avenir du Canada rural.
La capacité à utiliser cette technologie, voilà autre chose. Oui, on accuse un certain retard dans l'infrastructure concrète qui permettrait d'utiliser cette technique, mais les localités nous disent que le plus difficile pour elles, c'est l'aspect humain. Il s'agit d'organiser les gens, de combler l'écart entre les générations, d'essayer de trouver du financement local innovateur, d'essayer d'en convaincre certains que l'information a une valeur.
Nous sommes un site d'accès communautaire pour la ville de Sackville, en passant. Nous y avons justement accueilli la semaine dernière quelqu'un qui a un atelier de photographie. Il avait peur d'utiliser la technologie. Il est venu suivre une formation. Il nous a dit ensuite qu'il pourrait vendre des affiches sur Internet. Il n'avait plus à se limiter à Sackville comme marché. Il pouvait maintenant envisager tous ces autres endroits. Tout à coup, cela lui a ouvert les yeux. C'était après une demi-heure à peine de formation avec un jeune de l'endroit, qui l'a aidé à naviguer.
Cette réponse est longue. Je vais revenir à une réponse courte. Il est extrêmement important que ce soit bien fait, que ce soit fait correctement et qu'on reconnaisse les contraintes qui empêchent les collectivités rurales et les petites villes d'utiliser cette technologie efficacement, surtout actuellement, en période d'introduction.
Mme Cowling: Merci.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Merci beaucoup, monsieur le président.
Il est intéressant de noter qu'un thème est revenu sans cesse à toutes les séances auxquelles j'ai pu assister. À savoir qu'il faut donner les outils aux gens et qu'ils s'en serviront.
Malgré les changements, la transition, la rationalisation de la prise de décision, etc., on continue de réclamer une présence fédérale. Un exemple typique, c'est peut-être le bureau de poste.
Mme Ringuette-Maltais a en fait abordé ce sujet. Avez-vous autre chose à nous dire au sujet du rôle fédéral ici et sur la façon...
Vous avez notamment parlé d'une aide de transition. Sommes-nous en mesure d'offrir une aide de transition sans que cela ne devienne une demande d'aide permanente? Disposons-nous d'autres outils? Je m'éparpille, mais en fait ce que je veux savoir, c'est si le gouvernement fédéral peut fournir d'autres outils?
M. Higham: Je pense que dans un premier temps, il faut y ajouter un énoncé clair des intérêts nationaux que servent les mesures locales. Si les gens peuvent faire le lien entre leurs activités et ce qu'ils contribuent au Canada - c'est peut-être une lacune dans de nombreuses initiatives sectorielles actuellement. Si vous pouvez démontrer que nous avons créé 10 emplois ou que nous avons réduit le taux d'assistance sociale de tant, on en fera état partout, comme une contribution positive à l'avenir du Canada. Voilà une chose.
Deuxièmement, à mon avis, la présence fédérale, dans ce rôle d'habilitation, est plutôt temporaire. Il s'agit plutôt de travailler avec les collectivités locales afin d'élaborer des outils précis pour ensuite mettre ces outils à la disposition des autres. Il ne faudrait pas nécessairement songer à un engagement à long terme. On demande des outils, voilà ce que l'on devrait fournir. Leur mise au point sera importante. Qu'ils restent adaptés aux besoins de l'heure et aux besoins futurs, voilà une autre affaire.
Je ne suis pas convaincu que le gouvernement fédéral doive se lancer dans une relation à long terme, suivie. À mon avis, ce serait revenir là, à une relation de fournisseur de service.
M. Reed: Merci beaucoup.
Le président: Avant de vous remercier et de vous laisser partir... Je m'excuse d'avoir dû répondre à un appel téléphonique pendant votre témoignage.
Je constate que les micro-entreprises sont un des principaux éléments de votre mémoire. Je m'intéresse tout particulièrement à ce sujet. Si vous avez déjà répondu à ma question, dites-le-moi, et nous passerons à autre chose. Est-ce que c'est un problème ici au Nouveau-Brunswick d'obtenir accès à ces capitaux et de fournir les services nécessaires de mentorat aux micro-entreprises? Le gouvernement fédéral s'acquitte-t-il de son rôle à cet égard? Devrait-il jouer un rôle accru? Le secteur privé fait-il ce qu'il devrait faire à cet égard, à votre avis?
M. Higham: Je voudrais vous faire part du programme récemment annoncé par l'Université Mount Allison qui s'appelle Micro Entreprise Innovation Exchange. Ce programme présente la façon dont nous abordons ces questions et indique une priorité. Je le signale parce que notre priorité absolue, c'est le microfinancement.
Nous ne pensons pas que le système actuel réponde aux besoins des micro-entreprises en microcapitaux. Nous recevons d'innombrables appels de gens des Maritimes qui voudraient avoir accès à ce genre de capitaux. Nous avons actuellement un projet pilote de microcrédit en cours à Campbellton, où on essaye de mettre en pratique le crédit au sein d'un groupe de pairs dans ce contexte. En Nouvelle-Écosse, il existe un autre programme de prêt au sein d'un groupe de pairs à Calmeadow. Comme vous le savez, cette localité est en train de se restructurer. Elle a opté précisément pour la formule du crédit au sein d'un groupe de pairs. Notre formule de microfinancement tient compte de ce dont nous avons parlé jusqu'à maintenant, à savoir que les différentes façons de fournir des services ne sont pas toutes aussi bonnes dans toutes les collectivités.
Il existe une gamme de possibilités de microfinancement qui sont pratiquées dans les différentes parties du monde et qui donnent des résultats plus ou moins bons. Le crédit au sein d'un groupe de pairs est celle qui suscite le plus d'intérêt. Mais il en existe bien d'autres. On peut penser aux comptes d'épargne communautaire. Des épargnants peuvent verser de l'argent dans un compte de crédit auprès duquel les entrepreneurs peuvent emprunter. On peut également penser aux prêts directs, à la formule moitié-moitié ou à celle des apports de compétences. Dans les petites collectivités, les possibilités sont très nombreuses.
À notre avis, il faut faire de la recherche, de l'analyse et créer les outils qui permettront aux différentes collectivités de choisir la formule qui leur convient le mieux. Encore une fois, je ne pense pas que ce travail ait été fait, ni que toutes les options aient été envisagées. Les outils du microfinancement ne sont pas tous disponibles.
Le président: Pensez-vous qu'il est souhaitable que les banques canadiennes et le secteur privé fournissent une partie des capitaux nécessaires, même s'ils n'ont peut-être pas les réseaux de service qui conviennent pour ce genre d'opération de crédit? Calmeadow a reçu l'appui de la Banque Royale. Est-ce que c'est un modèle à suivre? Est-ce qu'on devrait renouveler l'expérience ailleurs?
M. Higham: Je ne me préoccupe pas tellement de l'origine des capitaux, du moment qu'ils sont disponibles. Je pense qu'une partie de ces capitaux peuvent être réunis localement, ce qui montrerait l'engagement de la population locale envers sa propre économie. Ma réponse est peut-être hypothétique, mais je pense qu'il est bon qu'une partie des capitaux provienne des institutions financières. Il faut également qu'une autre partie provienne des ressources locales.
Le président: Est-ce qu'un PICC a été approuvé pour le Nouveau-Brunswick?
M. Higham: De quoi s'agit-il?
Le président: C'est le plan d'investissement communautaire du Canada du ministère de l'Industrie. Est-ce que vous le connaissez?
M. Higham: S'agit-il d'un programme fondé sur les connaissances...
Le président: Non, c'est un programme modèle destiné aux fonds d'investissement communautaire, où l'on fournit, je crois, deux tiers du financement sur cinq ans pour créer un fonds d'investissement communautaire, qui permet à la communauté de trouver des sources de fonds propres qui sont placés dans les entreprises locales.
M. Higham: Non, je ne le connais pas.
Le président: Nous allons vous faire parvenir de l'information à ce sujet. Je vais demander au greffier de s'en occuper.
Merci beaucoup, monsieur Higham. Je suis heureux que vous ayez pu nous présenter votre témoignage. On me signale que vos propos étaient très intéressants et qu'ils concernaient directement certaines des questions dont notre comité est saisi.
M. Higham: Merci de m'avoir écouté, et bonne chance.
M. Ringma: Est-ce que c'est votre adresse à Mount Allison? Est-ce qu'on peut vous contacter par l'intermédiaire du programme des zones rurales et des petites villes à l'Université Mount Allison?
M. Higham: C'est cela.
M. Ringma: Je remarque que vous êtes annoncé, sur l'ordre du jour, en tant qu'intervenant à titre personnel, alors que vous êtes...
M. Higham: C'est une erreur. Je suis ici en tant que représentant du programme des zones rurales et des petites villes de l'Université Mount Allison. Je vais laisser à Roger ce document sur les micro-entreprises.
M. Ringma: Vous n'en avez qu'un exemplaire?
M. Higham: Non, j'en ai plusieurs.
M. Ringma: Le président voudrait en avoir un, et moi aussi.
M. Higham: Merci.
Le président: Merci.
J'invite maintenant les témoins suivants, du Conseil économique du Nouveau-Brunswick, à prendre place. Nous recevons Anne Bertrand et Joanne Losier. Soyez les bienvenues. Je vous invite à présenter votre exposé, puis les membres du comité pourront vous poser des questions.
Mme Anne Bertrand (présidente, Conseil économique du Nouveau-Brunswick): Nous avons préparé pour aujourd'hui un exposé en français. Je vais le présenter en français, puis nous pourrons répondre à vos questions en anglais ou en français.
Je voudrais tout d'abord vous présenter le Conseil économique.
[Français]
Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick regroupe plus de 1 000 membres qui sont des entrepreneurs francophones de la province. Puisque les régions francophones sont largement rurales, nous oeuvrons dans les grandes régions rurales du Nouveau-Brunswick.
Cela nous fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour vous présenter nos perspectives sur votre étude. On vous a remis une copie de notre mémoire et, si vous me le permettez, je vais le lire, ce qui va certainement susciter des questions à la fin.
Nous commencerons par les ressources naturelles et le développement économique rural.
Votre présence au nord du Nouveau-Brunswick vous amène au coeur d'une région dont la base économique est et a toujours été étroitement liée à l'exploitation, à la transformation et à la commercialisation des ressources naturelles. À quelques exceptions près, nos entreprises manufacturières se spécialisent dans la mise en valeur des ressources. Elles le font en tirant avantage des techniques de production modernes et en innovant dans la production d'une gamme de plus en plus large de nouveaux produits.
Leur dynamisme a entraîné la création de la richesse nécessaire au développement de plusieurs petits centres urbains qui se sont imposés comme centres régionaux de services personnels et commerciaux. Pour la grande majorité de nos membres, ces réalisations ont pris place dans de petites communautés que vous qualifiez de rurales, mais qui, grâce aux moyens de communication modernes, n'ont rien en commun avec la ruralité traditionnelle. Dans la nouvelle économie, la dichotomie régions urbaines-régions rurales n'a plus le même sens.
Mais il faut bien l'admettre, nous vivons actuellement des transformations majeures de notre économie. Cette restructuration nous vient du développement technologique qui nous permet d'un côté de produire plus avec moins de main-d'oeuvre, créant ainsi des pressions à la baisse sur l'emploi, et de l'autre d'innover par la mise en marché de nouveaux produits et la création de nouvelles entreprises dans des secteurs où des occasions d'affaires rentables se présentent.
Cette restructuration nous vient aussi de la mondialisation des échanges qui augmente la concurrence tout en nous offrant de nouveaux débouchés. Elle vient aussi de vous, c'est-à-dire des multiples changements dans les politiques gouvernementales à tous les niveaux. Il faut comprendre que la sécurité de l'État providence était plus importante pour les régions qui en dépendaient le plus, les régions les moins riches. Ce sont elles qui sont actuellement les plus touchées par les changements de cap de nos gouvernements.
Comment s'assurer que toutes ces transformations ne compromettront pas notre marche vers la dignité et l'autonomie? Comment s'assurer que nous pourrons tirer avantage des occasions qu'offre ce nouvel environnement sur lequel nous avons peu de contrôle comme petites communautés?
Dans la première section, nous mettrons en évidence l'importance de la contribution du secteur des ressources dans notre économie. Nous nous intéresserons par la suite aux contraintes et aux défis auxquels sont confrontées nos communautés. Enfin, nous aborderons la problématique de l'avenir à long terme des régions rurales du Nouveau-Brunswick et dirons quels devraient être, selon nous, le rôle et la contribution du gouvernement fédéral dans le développement économique de ces régions.
Le secteur des ressources est notre lien avec le monde. Dans le cas du secteur primaire, il faut retourner aux données du recensement de 1991 pour avoir de l'information sur sa contribution à l'emploi dans les petites communautés acadiennes. Le recensement a l'avantage de nous permettre un découpage très précis du territoire. Nous considérons donc comme petites communautés francophones celles incluses dans les régions suivantes: les comtés de Madawaska, Restigouche, Gloucester et Kent, les subdivisions de Grand-Sault et Drummond dans le comté de Victoria, et les subdivisions de Alnwick, Hardwicke et Rogersville dans le comté de Northumberland.
Dans ces régions rurales, en 1991, 13 440 emplois étaient liés à l'exploitation des ressources naturelles. Cela représente 11,1 p. 100 de l'ensemble des emplois dans ces régions. Dans les autres régions du Nouveau-Brunswick, le pourcentage de la contribution du secteur primaire à l'emploi n'est que de 5,4 p. 100 et il est de 6,1 p. 100 dans l'ensemble du Canada. Le secteur de l'exploitation des ressources est donc nettement plus important chez nous.
Comment se répartissent ces emplois entre les différentes ressources? C'est la forêt qui occupe la première place avec 36 p. 100 des emplois, suivie de la pêche et de l'aquaculture avec 24 p. 100, de l'exploitation minière avec 22 p. 100 et de l'agriculture avec 18 p. 100.
Du côté du secteur manufacturier, nous pouvons, à l'aide des répertoires publiés par le ministère du Développement économique et du Tourisme du Nouveau-Brunswick, évaluer l'importance des industries du secteur des ressources. Ces données sont présentées dans le tableau 1, à la page 5.
La structure du secteur manufacturier acadien a peu changé depuis le début des années 1980. La très grande majorité des emplois demeurent directement liés à la transformation des ressources naturelles, mais la production quitte par la suite nos régions pour les marchés du Canada central et du nord-est des États-Unis.
En 1982, la transformation des ressources de l'agriculture, de la pêche, de l'aquaculture, de la forêt et des mines comptait pour 83 p. 100 des emplois du secteur secondaire, contre 80,4 p. 100 en 1991. Il y a donc eu une diminution. Ces industries sont souvent saisonnières et se regroupent dans des industries à faible intensité technologique.
Voici pourquoi l'économie de ces régions souffre de sérieux problèmes au niveau de sa capacité d'adaptation aux transformations structurelles. Le tableau 1 présente la répartition de l'emploi, par industrie, en 1982 et 1991. Pour ces deux années, c'est l'industrie des aliments qui domine le secteur manufacturier, au nord-ouest dans la transformation des produits agricoles et pour les autres régions, dans la transformation du poisson. Cette industrie procurait de l'emploi à 39 p. 100 des travailleurs du secteur manufacturier en 1982 et 39,7 p. 100 en 1991. La transformation des produits forestiers occupe le second rang.
Lorsqu'on additionne la contribution de l'industrie du bois, du meuble et du papier, on obtient une contribution à l'emploi du secteur secondaire de 30,3 p. 100 en 1982 et de 26,4 p. 100 en 1991. Cette diminution s'explique par la baisse de l'emploi dans l'industrie du papier. Enfin, l'ensemble du secteur de la transformation des minerais représentait 13,7 p. 100 de l'emploi en 1982 et 14,3 p. 100 en 1991.
Étant donné l'importance du secteur des ressources, tant au niveau primaire que secondaire, l'économie des régions acadiennes du Nouveau-Brunswick est très sensible aux fluctuations des prix des ressources naturelles. Les délais de réouverture de l'usine de pâte de bois d'Atholville illustre très bien cette difficulté.
La contribution du secteur des ressources ne se limite pas aux secteurs primaire et secondaire. Elle est aussi importante dans le secteur des services. Nous pouvons mentionner des établissements d'enseignement supérieur et de formation comme l'École des sciences policières de l'Université de Moncton et l'École des pêches du Nouveau-Brunswick à Caraquet. D'autres organisations oeuvrent dans le domaine de la recherche. C'est le cas du Centre de recherche et de développement de la tourbe à Shippagan, du Centre de conservation des sols et de l'eau pour l'est du Canada à Grand-Sault, du Centre de formation du bois ouvré du Collège communautaire de Campbellton et du Centre de recherche sur les aliments de l'Université de Moncton (campus de Moncton).
Les ressources sont aussi au coeur de l'industrie touristique dans les domaine de la pêche sportive, du tourisme vert, des sports d'hiver...
On passe maintenant aux contraintes et aux défis. La faible disponibilité des données à l'échelle des petites communautés rend difficile l'analyse de l'évolution à court terme de la conjoncture économique dans ces régions.
Malgré la piètre qualité des données issues de l'enquête sur la population active de Statistique Canada, nous pouvons tout de même en tirer quelques tendances. Ces données nous permettent d'isoler les régions économiques du nord du Nouveau-Brunswick, comme les régions 310, 350, 320, 330 et 340.
Que nous apprennent ces données en termes de création d'emplois, de taux de chômage et de rapport emploi-population?
Le dynamisme de l'entreprenariat local dans le nord de la province et l'immigration d'entrepreneurs font que, de 1991 à 1995, la croissance de l'emploi y est plus forte que dans le sud de la province. En effet, durant cette période, le nombre d'emplois est passé de 88 000 à 100 000 dans le nord, donc une augmentation de 13,6 p. 100, alors que dans le sud, le nombre d'emplois est passé de 196 000 à 214 000 pour une croissance de seulement 9,2 p. 100. À l'échelle canadienne, on voyait une croissance de 9,4 p. 100.
Les données sur le taux de chômage et le rapport emploi-population sont cependant moins encourageantes. En juillet 1996, le taux de chômage était de 13,3 p. 100 dans le nord, contre 10,3 p. 100 dans le sud et 9,6 p. 100 au Canada. Quant au rapport emploi-population, il est nettement inférieur dans le nord du Nouveau-Brunswick. Vous voyez les statistiques indiquées.
Le chômage élevé et la faible participation de la main-d'oeuvre impliquent des niveaux de revenu inférieurs à la moyenne nationale. L'autre variable qui influe sur le revenu est la sous-scolarisation. Les problèmes liés à l'absence d'emplois de qualité conduisent souvent à l'émigration d'une grande partie des nouveaux diplômés des programmes de formation postsecondaire. La réduction du nombre d'emplois dans les secteurs de la santé et de l'éducation qui accompagne les compressions budgétaires dans ces domaines accentue les pressions à ce niveau.
Au niveau de la dotation en ressources, le nord du Nouveau-Brunswick n'a rien à envier à qui que ce soit. Dans chacun des quatre grands secteurs, la diversité des ressources a permis une certaine diversification des activités d'exploitation et de transformation. Nous avons vu plus haut l'importance de l'emploi dans le secteur forestier, par exemple, où la richesse des réserves forestières a permis l'industrialisation de plusieurs petites communautés et donné naissance à des usines de grande taille dans le domaine du papier. Cette situation est aussi vraie pour l'agriculture, la pêche et les mines.
La gestion de ces ressources pose cependant certains problèmes lorsqu'on l'envisage du point de vue de la stabilité des approvisionnements à long terme et de l'exploitation des ressources à leur potentiel optimal. Deux exemples vont nous permettre d'illustrer ces difficultés. Dans le secteur de la pêche d'abord, le problème que pose la surcapacité de transformation dans certains secteurs montre qu'on a mal planifié l'exploitation de ces ressources et que la capacité de la ressource à soutenir l'industrie de la transformation a été mal évaluée. Les ressources consacrées à la mise en place des usines auraient pu être orientées vers des activités de deuxième transformation dans le but d'augmenter la valeur ajoutée à ces produits.
Dans le secteur forestier, la possibilité d'une rupture des stocks de certaines espèces d'ici 20 ou 25 ans montre que nous avons atteint le niveau maximal d'exploitation dans les produits traditionnels. Les intervenants dans cette industrie sont conscients du gaspillage de certaines ressources qu'occasionnent nos pratiques actuelles d'exploitation. Ils sont aussi conscients des défis que pose la protection des habitats et des milieux destinés aux activités récréotouristiques.
Plusieurs défis nous attendent donc dans le domaine de l'exploitation et de la transformation des ressources naturelles. Nous devons nous orienter vers des pratiques de gestion intégrée des ressources qui tiennent compte des besoins des différents intervenants des secteurs. Nous devons aussi penser en termes de valeur ajoutée.
Aujourd'hui encore, une proportion importante de nos ressources est exportée à l'état brut. Il existe effectivement une demande pour cette production sur les marchés extérieurs et nous ne pouvons pas négliger cette énorme production. Cependant, grâce à la recherche et au développement de nouveaux produits, nous devrons miser sur les produits à haute valeur ajoutée. C'est là tout le dilemme.
Dans ces domaines, nous devons à tout prix éviter les erreurs qui compromettraient la stabilité de l'approvisionnement des ressources. Nos régions ont vécu, vivent et vivront de l'exploitation des ressources. C'est dans ce contexte qu'il faut réfléchir au rôle du gouvernement fédéral.
Le gouvernement fédéral intervient directement dans la gestion des ressources dans le secteur des pêches seulement. C'est, sur le plan scientifique, une question fort complexe. Le principal problème, selon nous, vient du manque de coopération entre les ministères provincial et fédéral des Pêches dans le but d'assurer une gestion intégrée des ressources pour éviter la surexploitation et assurer la stabilité des approvisionnements.
Il semble que les relations intergouvernementales se soient améliorées dans ce secteur. Il faudrait cependant mettre en place des mécanismes pour éviter les erreurs de planification autant que possible.
Dans ce domaine, le mot d'ordre devrait être: exploitation durable et maximale de la ressource. Il faut tout mettre en oeuvre pour assurer la stabilité des entreprises et l'exploitation optimale des ressources.
Le gouvernement fédéral est intervenu aussi par le financement, en tout ou en partie, d'organismes voués au développement ou à la protection des ressources. Nous avons mentionné plus haut les exemples du Centre de conservation des sols et de l'eau pour l'est du Canada et du Centre de recherche et de développement de la tourbe.
Au fur et à mesure que le gouvernement fédéral délaisse ses pratiques de subvention aux entreprises, il devrait intervenir dans ce genre de projets. La recherche et le développement de produits sont essentiels à l'élargissement de nos activités dans les produits à haute valeur ajoutée.
Dans plusieurs secteurs de la transformation des ressources, les entreprises acadiennes sont jeunes et de taille relativement petite. Elle ne peuvent supporter à elles seules d'importantes activités de recherche et de développement. Elles pourraient cependant, à moyen et à long termes, payer une redevance à ces centres de recherche et de développement, qui auraient développé des techniques ou des produits qu'elles utilisent ou fabriquent grâce à leur expertise.
Ce type de partenariat est essentiel dans une économie basée sur des PME. Il exige cependant un changement des mentalités de la part de tous les intervenants dans les industries de ressources.
Ce changement de mentalités exige que le gouvernement augmente son soutien à la PME, par des programmes qui favorisent l'amélioration des pratiques de gestion.
D'autres exemples de projets structurants, c'est-à-dire des projets qui assurent le développement à long terme de ces industries, que pourrait appuyer le gouvernement fédéral, pourraient être imaginés du côté du financement.
À ce niveau, le gouvernement fédéral a, par le passé, fait preuve de beaucoup d'initiative. Nous voulons parler du programme des Centres d'aide aux entreprises. La réussite du projet pilote ADEL, dans le comté de Kent, est éloquente. Cette initiative de l'ancien ministère de l'Emploi et de l'Immigration illustre le changement d'orientation du gouvernement fédéral dans ses programmes d'aide au développement régional.
Puisque cette approche accorde une plus grande place à l'initiative des communautés locales, nous appuyons ce genre de démarche et incitons le gouvernement fédéral à maintenir, et même à augmenter si possible, le soutien à ces organismes. C'est un bel exemple de politiques conçues pour répondre aux besoins des communautés spécifiques.
Nous sommes d'accord avec le gouvernement fédéral lorsqu'il décide d'abolir ou de réduire les programmes de subvention aux entreprises. Il est vrai que les entreprises ayant acquis une certaine maturité devraient pouvoir trouver dans le secteur privé le capital nécessaire à leur expansion. Cependant, ce n'est pas le cas des jeunes entrepreneurs, en particulier ceux qui veulent se lancer dans des produits non traditionnels. Pour ces jeunes, nous croyons que le gouvernement fédéral devrait maintenir et même rehausser son soutien au développement de l'entreprenariat par le biais de programmes de prêts adaptés aux besoins des jeunes entrepreneurs. Ces programmes devraient être ciblés exclusivement vers les jeunes entrepreneurs. Il s'agit, selon nous, d'une des pièces maîtresses d'un ensemble de politiques destinées à favoriser la diversification des économies des régions ressources.
Conclusion et recommandations du Conseil économique: Récemment, le Conseil économique du Nouveau-Brunswick a entrepris une étude à long terme en collaboration avec l'Agence de promotion économique du Canada atlantique sur l'entreprenariat acadien et le capital de risque.
Nous avons apporté avec nous des copies, en français et en anglais, de notre étude qui rassemble toute une table de statistiques qui vont certainement vous plaire durant votre étude. Plusieurs conclusions et recommandations en sont ressorties et nous pensons qu'il est pertinent de vous en faire part.
D'abord, l'étude a révélé que les jeunes Acadiens valorisent davantage que ne l'ont fait leurs parents l'entreprenariat comme choix de carrière. Ce fait résulte en grande partie du mouvement au sein de la collectivité acadienne vers un discours moins traditionnel, en faveur d'un discours plus axé sur le monde des affaires et du commerce. L'étude fait aussi l'éloge de diverses initiatives, dont celles du Conseil économique du Nouveau-Brunswick qui visent à promouvoir une attitude positive à l'égard de l'entreprenariat dans la collectivité francophone des Maritimes. Nous croyons que ce sont là d'autres excellentes raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral doit appuyer encore davantage les moyens d'apprentissage pour les jeunes entrepreneurs.
Mais ce ne sont pas que les jeunes entrepreneurs qui peuvent bénéficier de formation. Notre étude démontre que trop d'entrepreneurs se font refuser du financement pour l'expansion de leur entreprise ou un nouveau projet à cause d'un plan d'affaires déficient ou encore inexistant. L'étude recommande donc que l'on trouve des moyens pour sensibiliser les entrepreneurs à l'importance d'une gestion bien planifiée. Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick entend y donner suite, par exemple par le biais d'une campagne de sensibilisation sur le sujet.
Nous prévoyons également appuyer le développement et la diffusion d'outils qui incitent les entrepreneurs plus expérimentés à planifier soigneusement la relève au sein de leur entreprise. La collectivité francophone du Nouveau-Brunswick connaît actuellement une première génération d'entrepreneurs qui devront bientôt passer les cordeaux de leur entreprise à leurs enfants ou à d'autres. Or, il semble que l'importance et la portée des enjeux reliés à la succession dans l'entreprise ne sont pas entièrement compris. Cette situation démontre encore une fois l'importance d'encourager et de soutenir les programmes de formation pour les entrepreneurs.
Selon nous, le développement économique des régions rurales du pays passe par le développement de l'entreprenariat et par la recherche et le développement de nouveaux produits. C'est pourquoi nous sommes disposés à travailler d'arrache-pied avec les divers intervenants gouvernementaux afin de trouver les solutions les mieux adaptées au développement de notre région.
Pour terminer, je vous dirai que les deux choses les plus importantes pour nous sont la recherche et le développement et l'entrepreneurship. Ce sont les deux principaux messages que nous voulons vous communiquer. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Nous allons passer aux questions.
Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies: Je n'aurai pas beaucoup de questions à poser puisque votre exposé était très clair. Les conclusions sont précises.
Je n'ai qu'une ou deux petites questions. Croyez-vous que les structures gouvernementales fédérales favorisent la communication qui permettra d'arriver à des programmes qui favoriseront les initiatives locales?
Lorsqu'on remplit un document pour un programme spécifique, on va le porter quelque part, on attend la réponse pendant un ou deux mois et, si on a un refus, on ne sait pas à qui parler pour qu'on modifie les choses, etc..
Hier, des gens nous disaient que souvent, lorsqu'on a des besoins spécifiques, on ne sait pas à qui s'adresser. On n'a pas de décideurs pour ajuster le programme. On voudrait avoir des programmes qui soient mieux adaptés aux collectivités rurales. Croyez-vous que la structure actuelle est déficiente à cet égard?
Mme Bertrand: Je dirais qu'elle est très déficiente, tant au niveau provincial que fédéral, bien qu'on ait pu constater au niveau provincial, qui est plus près de nous, beaucoup de progrès vers l'établissement d'un guichet unique où on peut donner toutes sortes d'aide aux jeunes ou même aux gens qui ont dû quitter leur emploi à cause d'une mise à pied afin de les aider à développer leurs projets.
Notre étude a démontré que les gens ont de bonnes idées, mais ne savent absolument pas comment s'y prendre pour devenir entrepreneurs. Je pense que cela n'est pas unique au Nouveau-Brunswick. C'est le cas partout au Canada et, j'en suis sûre, dans le monde entier. De toute façon, on arrive de la Roumanie où on a vécu les mêmes expériences.
On pense qu'il y a une certaine magie dans le fait de devenir entrepreneur, mais il n'y en a pas. On a besoin d'outils de formation. Je pense que les gens ne reconnaissent pas que pour devenir entrepreneur, il faut obtenir de la formation avant d'avoir du succès. Si le gouvernement fédéral peut refiler ce message très important à bien des gens, même à nos membres - plusieurs de nos membres ont absolument besoin d'entendre ce message - je pense qu'on aura vaincu un gros, gros problème et qu'on aura accompli beaucoup.
On travaille constamment à offrir des services à nos membres afin qu'ils deviennent de meilleurs entrepreneurs, pour qu'ils se lancent en affaires, etc.. On a besoin de gens comme vous, au fédéral, pour nous aider à le faire parce qu'on est petits. On est seulement un organisme, mais on représente au-delà de 1 000 membres, ce qui veut dire 2 000 travailleurs. C'est quand même pas mal au Nouveau-Brunswick.
Donc, si on pouvait travailler avec le gouvernement fédéral et aussi avec le gouvernement provincial, avec lequel on travaille de très près pour former les jeunes entrepreneurs à aller en affaires, et ajouter à la formation des entrepreneurs, on pourrait transformer toute l'exploitation des ressources naturelles en entreprises. On va être intelligents dans la gestion de nos ressources naturelles. On ne se contentera pas simplement d'une transformation primaire. On va aller jusqu'à la deuxième transformation, et peut-être même jusqu'à la troisième.
Par exemple, au lieu d'envoyer notre bois à l'est du Canada, notre poisson au Japon, etc., on veut prendre nos ressources naturelles et en faire davantage ici, avant qu'elles ne partent de nos régions. Cela va se faire dans le monde des affaires. Donc, il nous faut des entrepreneurs. C'est cela qu'on vous dit. Il y a un gros besoin de recherche et de développement pour développer ces marchés-là, pour développer la transformation, et je pense que vous pouvez nous aider. Le gouvernement fédéral doit être là avec ses outils.
Vous pouvez venir voir des organismes comme le nôtre pour savoir comment implanter ces programmes, mais je pense que tout le monde parle de la même chose: tout le monde veut être entrepreneur, se lancer en affaires, mais on ne sait pas comment et les programmes en place ne sont pas efficaces.
M. Deshaies: Le gouvernement fédéral implante des programmes coast to coast. Ne serait-il pas préférable qu'il investisse un peu d'argent chez vous et vous dise: «Maintenant, avec cet argent-là, soyez intelligents et essayez de le multiplier»?
Mme Bertrand: Oui. Nous aimons bien recevoir de l'argent. Cependant, les gouvernements en général n'ont pas la réputation de vouloir se lancer en affaires ou de former des gens d'affaires. C'est le secteur privé qui va faire cela. Nous, nous venons du secteur privé. Nous sommes un organisme à but non lucratif. Si on reçoit des fonds pour lancer notre campagne de sensibilisation aux programmes de formation, vous vous serez servis des gens du secteur privé pour le faire. Avec nos réseaux, on pourrait en faire davantage. Oui, je suis complètement d'accord avec vous.
[Traduction]
Le président: Monsieur Ringma.
[Français]
M. Ringma: Vous étiez présente lors de la présentation de M. Higham de l'Université Mount Allison. Votre présentation est certainement différente, mais il y a des similarités.
Vous avez parlé de changements de mentalités et de choses du genre. Donc, j'aimerais vous demander si vous êtes d'accord avec M. Higham, lequel envisage un changement du rôle du gouvernement fédéral de fournisseur à facilitateur. Je retrouve ce même message dans votre présentation. Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus?
Mme Bertrand: On est entièrement d'accord. Cela rejoint ce que je disais à M. Deshaies. Le rôle du gouvernement fédéral, le rôle qu'on lui a connu au cours des dernières générations, doit changer. On a accepté les beaux cadeaux d'Ottawa, mais cela a créé chez nous une dépendance.
En plus, parce que les ressources naturelles abondaient, il était bon que le papa, le fils, le petit-fils, les mamans et les tantes travaillent toujours à l'usine de poisson ou à couper du bois, qu'ils occupent les mêmes emplois saisonniers dans le bois, la pêche ou les mines.
Si on doit changer l'exploitation des ressources naturelles, il faut que le gouvernement cesse de donner des hand-outs. On a vu cela avec la réforme de l'assurance-chômage. Le Conseil économique a appuyé pleinement les réformes sociales. Donc, nous sommes d'accord. On ne veut plus de dons, d'argent gratuit.
Cependant, le gouvernement fédéral a un rôle quand même très important, parce que, faut-il le dire, il a les fonds. Nous n'avons pas les fonds, dans le secteur privé, pour tout faire ce que l'on voudrait faire. Donc, au lieu de simplement nous donner de l'argent, on vous demande d'assumer le rôle de facilitateur, parce qu'il y a un tas d'organismes comme le nôtre qui peuvent faire comprendre à nos jeunes qu'ils ne doivent pas se contenter d'aller travailler pour quelques semaines par année et, ensuite, retirer du chômage.
Il faudrait dire à ces jeunes-là: «Écoutez, pourquoi ne pas vous lancer dans la production de chaises ou de tables, à côté de l'usine de bois qu'il y a près de Campbellton?» Comment fait-on cela? En leur donnant de la formation et les outils nécessaires. Avec votre aide, on leur faciliterait toute ces choses-là.
Cela ne va pas se produire du jour au lendemain, mais les parents, les jeunes, tous vont commencer à penser différemment, à penser au genre de travail auquel ils veulent se consacrer.
L'étude sur l'entrepreneurship acadien a démontré que nos jeunes ne veulent pas aller travailler à l'usine de poisson toute leur vie durant. Ils ne veulent plus de cela. The writing is on the wall. Ils savent qu'ils n'ont aucun avenir là. Donc, ils veulent aller en affaires. Mais dans nos régions rurales, il n'y a pas beaucoup d'occasions d'affaires. Il faut en créer. Comment? En les formant, en les aidant à devenir de bons hommes et de bonnes femmes d'affaires et en leur en fournissant l'occasion.
Plus tôt, je vous ai entendu parler de microfinancement. Notre étude a démontré qu'il y avait une énorme demande pour du financement de 100 000$ et moins. Les banques ne sont pas intéressées. Venture capital people don't want it. On parle toujours d'un demi-million de dollars et plus. Nos membres ont besoin de microfinancement. Cela pourrait être du capital de roulement ou d'expansion, mais on en a besoin.
Le gouvernement fédéral devrait réunir toutes les banques et leur dire: «Écoutez, les PME vont créer plus d'emplois dans notre pays que les mégacompagnies. Alors, écoutez-les lorsqu'elles ont besoin de 50 000$ et plus.» C'est le genre de message que j'aimerais que vous leur fassiez parvenir.
J'aimerais voir un tel changement de mentalités, par seulement au gouvernement, mais partout.
Excusez-moi d'avoir mis beaucoup de temps à répondre à votre question.
[Traduction]
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Je voudrais dire, en commentaire, à quel point une décennie peut changer les choses. J'ai un fils de 32 ans, qui veut créer une entreprise. Il a reçu une bonne éducation, mais il se plaint du fait que pendant ses études secondaires, on n'insistait pas suffisamment sur l'indépendance économique que procure l'entrepreneuriat. S'il était ici aujourd'hui, vous pourriez l'entendre me dire: «Papa, j'ai eu pour professeurs, une bande de socialistes».
Il est très agréable de vous entendre dire au comité que l'entrepreneuriat est ressuscité. D'après ce que vous dites, ce dont nous avons maintenant besoin, ce sont des outils pour lui venir en aide et pour assurer son épanouissement. C'est là le leitmotiv de tous ceux que nous avons entendus pendant ces audiences. Vous nous adressez donc un message très clair. Et je suis convaincu que compte tenu des outils dont nous disposons actuellement, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle essentiel à cet égard, en particulier si nous intervenons en ce sens.
Je ne sais pas trop ce que je pourrais ajouter à cela par mes questions. Comme vous avez parlé d'un changement dans l'emploi et des emplois disponibles dans le secteur des ressources, je voudrais vous demander s'il y a eu un transfert important de travailleurs du secteur des ressources vers l'économie nouvelle.
Mme Bertrand: Il est trop tôt pour le dire. Notre groupe représente des entrepreneurs francophones, et l'entrepreneur francophone constitue une entité nouvelle. Autrefois, les francophones de cette province travaillaient essentiellement dans le secteur des ressources. Notre première génération de gens d'affaires a fait des progrès décisifs pour que les choses changent et pour que le secteur des ressources passe au second plan, ce qui est excellent.
Aujourd'hui, les jeunes voient leurs parents évoluer dans le monde des affaires, tandis que nos parents n'ont jamais connu cette mentalité. Ils font preuve d'une détermination nouvelle, mais il est trop tôt pour dire si ce changement va avoir des conséquences importantes dans nos régions.
Le problème de notre région, c'est que les ressources se trouvent essentiellement dans les zones rurales, où nous offrons la plupart des services et des produits, mais nous manquons de grands centres urbains qui pourraient susciter un besoin constant, de nouveaux emplois, de nouvelles entreprises, et de nouvelles idées. La situation est problématique, mais ce que font nos entrepreneurs est tout à fait remarquable. D'après nos études, les gens qui se lancent en affaire sont plus nombreux dans le nord que dans le sud. Cela me plaît beaucoup.
A mon avis, le phénomène résulte de plusieurs facteurs, comme vous l'avez indiqué. Le mot d'ordre est passé, comme je l'ai dit. Ils ne peuvent pas miser sur un emploi à l'avenir, et ils le savent. Lorsque toutes les usines ferment, que les licenciements se multiplient et qu'on se demande si le travail va reprendre... Les jeunes ne veulent pas d'un sort pareil. Ils ont fait des études, ils ont des diplômes et savent qu'ils peuvent faire quelque chose.
Par ailleurs, il n'y a plus de honte à se lancer en affaires. Lorsque j'étais jeune, et je ne suis pas si vieille, on avait le choix de devenir prêtre ou religieuse - notre religion est essentiellement catholique - ou de devenir médecin ou avocat, comme je l'ai fait, à défaut de quoi on se retrouvait en affaires. On avait une idée très négative de ce que représentait l'acquisition de l'esprit d'entreprise.
C'est beaucoup mieux maintenant, car on considère que c'est très bien d'être en affaires. Les gens de Bay Street sont bien considérés, mais ils ne l'ont pas toujours été. Ce changement d'attitude a fait son chemin jusqu'au Nouveau-Brunswick, et nous en sommes très heureux. Mais ce qui me plaît le plus, c'est que ce sont des gens modestes qui créent le plus d'emplois.
Comme je le disais tout à l'heure à M. Ringma, il faudrait que les banques prennent conscience du fait qu'on mise non plus sur les grosses entreprises, mais au contraire sur les petites et moyennes entreprises. Comme ce sont elles qui créent les emplois, c'est vers elles qu'on va se tourner au cours des vingt prochaines années; dans ce cas, pourquoi ne pas s'intéresser davantage au micro-financement, qui semble poser un grave problème?
Notre conseil économique étudie cette question. Nous sommes un organisme beaucoup trop modeste et n'avons pas la capacité nécessaire pour lancer une entreprise en coparticipation spécialisée dans les micro-capitaux. Nous avons décidé d'entreprendre une campagne de formation pour apprendre aux gens à gérer une entreprise, à constituer un conseil d'administration, à obtenir les services d'un conseiller en gestion et à trouver le financement nécessaire. Certains n'ont aucune idée de ce qu'est un plan d'entreprise.
Dans notre mémoire, nous abordons également le thème important de la relève. Lorsqu'un fondateur d'une société veut prendre sa retraite - n'oubliez pas que nous avons affaire à des entrepreneurs de première génération - s'il n'a pas prévu de successeur, il va avoir un problème. Nous avons remarqué cette difficulté, et nous essayons de la résoudre, mais nous avons besoin de l'aide financière du gouvernement.
Je vais maintenant demander à ma directrice, madame Losier, de vous parler d'un outil extraordinaire que nous avons créé avec l'aide financière du gouvernement fédéral. C'est un sujet qui m'a paru très opportun aujourd'hui, pensant que vous seriez heureux d'entendre parler de quelque chose de positif.
Joanne.
Mme Joanne Losier (directrice exécutive, Conseil économique du Nouveau-Brunswick): Il y a quelques années, des personnes très clairvoyantes ont constaté la nécessité de créer un outil qui inciterait les gens à se lancer en affaires. Elles ont constitué un projet qui a été mis en oeuvre pour la première fois sous le titre «Posséder mon entreprise», ce titre étant devenu en anglais «Owning my own business». C'était une série télévisée en 13 épisodes, qui débouchait sur la production d'un plan d'entreprise. Cette émission, qui a fait aussi l'objet d'un cours télévisé comportant des activités en salle de classe, a remporté un grand succès. Le fait qu'elle ait été présentée d'abord en français dans la région de l'Atlantique a surpris bien du monde.
À partir de là, les gens qui travaillaient avec le groupe précédent ont vu que lorsqu'on montrait... Si vous voulez apprendre à marcher, regardez ceux qui savent courir. Nous avons donc créé un autre outil, inspiré de l'émission télévisée Venture et d'une autre émission appelée The Leading Edge dans les provinces de l'Atlantique. Notre émission s'appelle Gens d'affaires. Elle en est actuellement à sa troisième saison et elle a pour vedettes des entrepreneurs francophones de toute la région de l'Atlantique.
Notre objectif principal, dans cette émission, est de favoriser un changement de mentalité, car l'imitation fait partie de la nature humaine. Grâce à des modèles, on peut démystifier le monde des affaires et créer un climat plus favorable à l'entrepreneuriat. Nous avons bénéficié de l'appui technique et financier des ministères et organismes fédéraux pour ces projets, et c'est sans doute pour cela qu'ils existent encore.
Grâce à leurs effets à long terme, de tels outils peuvent transformer et améliorer le monde dans lequel nous vivons.
Je suis plus jeune que votre fils, et j'ai eu les mêmes professeurs que lui. Mon père était professeur, mais ma mère a une entreprise comme son père et mon arrière-grand-père. J'ai donc eu les deux influences. C'est par l'expérience qu'on peut savoir de quoi il s'agit. Il faut que le monde des affaires soit présenté sous une meilleure perspective dans la société, et le reste suivra.
M. Reed: Merci.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
Je suis désolée d'avoir manqué le début de votre exposé, mais je pense avoir bien saisi un certain nombre de vos arguments.
Je dois vous dire que je viens d'une famille de quatre enfants, dont trois sont chefs d'entreprise et s'en sortent très bien; je comprends donc parfaitement votre point de vue.
Dans ma circonscription, au Manitoba, j'ai une assez forte communauté francophone. Vous avez dit que vous représentez des entrepreneurs francophones. Est-ce que vous faites du réseautage pour partager vos idées avec d'autres collectivités du pays et pour leur parler de ce que vous faites? Sinon, est-ce que l'inforoute fait partie des outils grâce auxquels vous pouvez diffuser de l'information et partager vos idées et expériences avec d'autres régions du pays?
Faudrait-il opter pour la formule du guichet unique, ou plutôt tenir compte des réalités des différentes régions du pays et de leur caractère rural?
Mme Losier: C'est intéressant que vous abordiez ce sujet, car il y a quelques jours, notre vice-président a participé à une tribune nationale des municipalités et des gens d'affaires francophones de l'ensemble du Canada. Cet événement faisait suite à trois ou quatre tribunes régionales dont l'une s'est tenue au Manitoba. Je crois que l'Association des municipalités françaises est l'un des instigateurs de cette activité qui, d'ailleurs, a reçu l'appui du gouvernement fédéral.
Il faut effectivement que les gens d'affaires francophones constituent un réseau, en particulier ceux de l'extérieur du Québec. Le Québec a sans doute une plus forte densité de francophones, mais la réalité dans laquelle nous vivons est différente. On est actuellement en pourparlers pour mettre en place une structure d'amélioration du fonctionnement des réseaux, qui devrait faciliter la circulation de l'information.
Je signale au passage que notre émission Gens d'affaires est diffusée sur RDI, le Réseau de l'information, l'équivalent français de Newsworld. Nous avons des téléspectateurs dans toutes les provinces de l'Ouest de même qu'au Québec et en Ontario, ce qui nous est très utile, car il faut modifier l'idée que les gens se font du Canada atlantique.
Nous avons un autre projet en cours; il s'agit d'un site Web sur l'entrepreneuriat francophone. Nous voulons réunir toute l'information sur les nouvelles méthodes de gestion d'entreprise, sur les outils susceptibles de faciliter la circulation de l'information et sur les nouvelles stratégies de réseaux. Nous savons évidemment que le «Web» est très à la mode actuellement, mais nous pensons devoir être à l'avant-garde du mouvement, et le reste devrait suivre tranquillement.
Mme Cowling: Un témoin d'une autre région du pays nous a parlé de l'importance des bénévoles et du bénévolat. Comme vous le savez - et c'est là un point de vue personnel - la stabilité économique du Canada rural repose sur les bénévoles. Je me demande comment on pourrait faire évoluer les attitudes de façon à inciter les bénévoles à sortir des rangs pour reconstruire et renouveler le Canada rural.
Mme Bertrand: Votre question ne pouvait pas mieux tomber. Je suis moi-même bénévole. J'ai un cabinet d'avocat à Fredericton. J'ai accepté la présidence de cet organisme en avril dernier, mais je me demande si j'ai bien fait. Cela représente beaucoup de travail.
S'il y avait davantage de bénévoles, je pense que les choses seraient bien différentes.
Pour prendre l'exemple de notre organisme, nous avons un conseil d'administration de17 personnes qui sont dans les affaires et qui sont toutes bénévoles. Nous avons un personnel rémunéré. Joanne en fait partie actuellement, mais la plupart de nos activités sont assurées par des bénévoles.
Vous constaterez que le bénévolat est présent dans toutes les communautés rurales. Dans les communautés rurales francophones, les gens ont toujours eu tendance à se regrouper. Ils aiment agir ensemble, que ce soit pour communiquer, pour se renseigner sur ce qui se passe, etc.. Il y a donc eu une évolution naturelle.
Nous ne devrions donc pas avoir de difficultés à recruter des bénévoles. Mais je constate que dans le monde d'aujourd'hui, il est très difficile de préserver la détermination des bénévoles à faire le travail nécessaire. J'éprouve actuellement cette difficulté, mais j'apprécie également ma situation. Malheureusement, ce n'est pas le cas de tout le monde. Je ne sais pas si on peut y faire grand chose, sinon féliciter constamment nos bénévoles, comme le font les communautés.
Mme Losier: En outre, nous avons lancé un projet il y a deux ans, après avoir été invités à gérer un programme de stages en entreprise pour les étudiants du secondaire, qui visait à les familiariser avec le milieu du travail et avec les types de carrières qu'ils pouvaient envisager.
J'ai remarqué récemment que les gouvernements avaient de plus en plus tendance à confier la responsabilité de la gestion de certains programmes à des organismes à but non lucratif, en leur donnant, mais pas toujours, l'argent nécessaire pour les exécuter.
D'après cette expérience, je pense qu'il faut être prudent, car les mentalités ont tendance à s'ancrer rapidement. Je ne suis pas certaine que tous ces organismes soient bien financés et qu'ils aient les structures nécessaires pour gérer ces programmes. Ils ne sont pas tous dans la même situation, et peut-être faudrait-il revoir la façon dont on finance ces organismes, car ils ne peuvent pas tout faire et si on les met trop à contribution, on risque de perdre des bénévoles. Voilà la mise en garde que je voulais faire.
Mme Bertrand: On fait des compressions partout. Nous en avons subies nous-mêmes en tant qu'organisme à but non lucratif, nous ne pouvons pas recueillir des fonds nous-mêmes, sinon dans le cadre de certains projets. Nos projets qui visent à venir en aide à nos chefs d'entreprises ne sont pas tous rentables. Et lorsqu'on nous impose des compressions, nous sommes obligés de supprimer certains services destinés à nos membres.
La situation est paradoxale, car les compressions qui nous sont imposées par le gouvernement fédéral nous empêchent de faire tout ce que nous pourrions faire pour vous aider à remplir votre mandat.
Si vous pouviez transmettre ce message à Ottawa, cela nous serait très utile. Merci.
Mme Cowling: Merci.
Le président: Merci, Marlene.
J'aurais quelques questions très précises à vous soumettre.
Sur la question des conseillers d'entreprises et de la formation des petits entrepreneurs, la Banque de développement du Canada qui s'appelait précédemment la Banque fédérale de développement, consacre chaque année une partie de son budget à la formation et à l'orientation des entreprises, indépendamment de ses opérations de prêt auxquelles elle applique le recouvrement des coûts. Il s'agit d'une dépense réelle pour le Trésor public. La banque a pour mandat d'assurer ce service de conseil aux entreprises. Est-ce qu'elle le fait dans votre région?
Mme Bertrand: La Banque de développement du Canada a fait beaucoup de formation dans le secteur des entreprises. D'après ce qu'on nous dit, les programmes ne sont pas tous bien gérés ou rentables pour les entreprises. Ils comportent un recouvrement des coûts, donc ils coûtent de l'argent aux entreprises. Nous ne fonctionnons pas de cette façon-là. Néanmoins, il existe un programme qui est très bien accueilli, c'est celui de la relève, et nous avons l'intention d'y travailler en coopération avec la Banque de développement pour en faire profiter nos membres.
Le président: Donc, vous dites que la Banque de développement du Canada devrait revoir ses programmes, les mettre à jour et les rendre plus efficaces.
Mme Bertrand: Oui.
Le président: Je suis sûr qu'elle serait heureuse de trouver des partenaires qui participeraient à leur exécution.
La Banque de développement du Canada a un nouveau programme de prêts aux nouvelles micro-entreprises. Je ne sais pas si vous le connaissez. Il permet d'obtenir du crédit pouvant atteindre 50 000$ pour lancer une nouvelle entreprise et un crédit supplémentaire de 25 000$ pour les entreprises existantes. Il est destiné uniquement aux micro-entreprises.
La banque cherche des sociétés qui présentent un bon potentiel de croissance. C'est son critère essentiel. Elle ne cherche pas à obtenir des garanties à proprement parler; elle recherche des gens compétents en gestion, qui ont de bons plans d'entreprise. L'une des conditions pour l'avance de fonds, c'est que l'entrepreneur prouve qu'il a reçu la formation appropriée, ou qu'il a retenu les services d'un conseiller d'entreprise. C'est la condition indispensable pour obtenir du financement, et comme vous l'avez dit, ce crédit est assujetti au recouvrement des coûts. Le coût de la formation est assimilé à un coût de lancement de l'entreprise.
J'aimerais savoir si ce programme s'applique dans votre région.
Mme Bertrand: Nous le connaissons vaguement. Je ne pense pas que nous ayons pu déjà en voir les résultats complets. Nous avons entendu dire que les crédits proposés par la Banque de développement coûte cher, et pour bénéficier de ce nouveau programme dont vous parlez, il faut d'abord payer pour recevoir la formation nécessaire avant de pouvoir demander du microfinancement.
Le président: L'entrepreneur n'est pas contraint de faire une dépense préalable, mais s'il n'est pas en mesure de prouver son aptitude à gérer une entreprise, il ne peut pas obtenir de microcrédit.
Mme Bertrand: C'est un excellent exemple de partenariat entre deux organismes, dont l'un peut donner de la formation ou peut inciter les entrepreneurs à suivre des cours, comme nous le faisons nous-mêmes.
Le président: Où se trouve la succursale la plus proche de la Banque de développement?
Mme Bertrand: Il y en a à Edmundston, à Bathurst et à Moncton.
Le président: Vous devriez en parler à votre gérant de la Banque de développement. Je reconnais avec vous que c'est un instrument qui n'est pas encore très bien connu, mais qui mérite de l'être.
Vous avez parlé de la création d'un site web. Est-ce que vous connaissez le programme Strategis d'Industrie Canada? Il s'agit d'une mine d'informations dont pourraient profiter vos petites entreprises. Je crois qu'il y en a 500 000 pages.
Vous dites que votre organisme n'a pas les outils nécessaires pour prêter des fonds aux microentreprises.
Avez-vous dans votre région une société d'aide au développement des collectivités?
Mme Bertrand: S'agit-il de l'organisme dont vous parliez tout à l'heure? Nous en avons pris note. Comment s'appelle ce programme? Est-ce le PICC?
Le président: En Ontario, ce sont les sociétés d'aide au développement des collectivités. Au départ, elles relevaient du ministère du Développement des ressources humaines; elles relèvent maintenant d'Industrie Canada. Elles fournissent aux petites entreprises un crédit pouvant atteindre 75 000$.
Je vous le signale, car vous pourriez envisager d'y recourir. En Ontario, une des grandes banques à charte a établi un partenariat avec cet organisme en disant qu'elle avait des capitaux à prêter, mais qu'elle n'était pas en mesure de gérer des crédits de très faibles montants dans les zones rurales de l'Ontario. Elle ne veut pas s'en occuper. Ce n'est pas rentable pour elle. Mais elle accepte de prêter en dessous du taux préférentiel aux sociétés d'aide au développement des collectivités, qui peuvent ensuite répartir les fonds en montants de 5 000$, 10 000$ ou 15 000$ qui sont prêtés aux petites entreprises-clientes.
Autrement dit, la banque a reconnu son inaptitude à prêter aux microentreprises, n'ayant pas le réseau de distribution nécessaire, et elle a établi un partenariat avec un organisme qui disposait d'un tel réseau mais ne disposait pas de capitaux.
Je crois que c'est un modèle dont le Nouveau-Brunswick pourrait s'inspirer.
Mme Cowling: On m'a annoncé que des fonds avaient été réservés aux jeunes entrepreneurs dans le cadre du Programme de développement des collectivités; là encore c'est un moyen de stimuler la participation des jeunes.
Le président: Je voudrais vous dire une dernière chose: parmi les résultats de l'étude du Comité sur les institutions financières, on a vu que ces institutions sont enfin prêtes à fournir des données statistiques concernant le crédit accordé aux petites entreprises. Elles fournissent désormais ces renseignements à chaque trimestre. L'information est répartie par régions, par secteurs industriels, par institutions prêteuses, elle indique les montants prêtés et précise s'il s'agit d'un crédit à terme ou d'un crédit à l'exploitation.
Il s'agit d'un document public que votre association voudra peut-être consulter tous les trimestres. Vous pourrez voir facilement si les banques à charte font sortir des capitaux de votre région ou d'un secteur industriel donné. Cela pourrait être un outil important pour vous. Vous pourriez ensuite exercer les pressions voulues si vous constatez certaines tendances.
Si vous voulez des renseignements supplémentaires sur ces points, faites-le moi savoir et je me ferais un plaisir de vous les transmettre moi-même.
Mme Bertrand: Je vous remercie beaucoup. Dans votre étude, je crois qu'il est question de la Société d'aide au développement des collectivités. C'est très semblable. Le projet-pilote ADEL dont nous parlons dans notre mémoire est très semblable à cela.
Une des réactions que nous avons entendues, et c'est sans doute le principal désavantage du micro-financement, c'est qu'il est tout aussi accaparent d'évaluer un projet de 50 000$ qu'un projet de 300 000$ ou de 500 000$. C'est un véritable obstacle. Nous ne savons pas comment régler ce problème.
Le président: C'est ce qui est à l'origine du projet de financement communautaire: la banque se sert de mécanismes qui existaient déjà pour les petits prêts.
Elles le reconnaissent elles-mêmes, elles n'ont pas les mécanismes nécessaires parce que cela ne leur rapporte pas. Elles accordent une série de petits prêts. Elles cherchent donc des mécanismes conçus à cet effet. C'est par là que passent leurs capitaux.
Les sociétés d'aide au développement des collectivités ont été créées pour accorder des prêts à la base, comme c'est le cas pour la Banque de développement grâce à ce programme précis. Elle fait venir des agents de prêt qui ont les connaissances voulues pour travailler avec ce segment du marché.
Si vous soumettez un dossier de 50 000$ à quelqu'un qui est habitué à négocier des contrats d'un million de dollars, cela devient le cadet de ses soucis, et c'est ce qui est arrivé à la demande de mon collègue.
Mme Bertrand: Je vous remercie, et si nous ne disposons pas des renseignements, nous n'hésiterons pas...
Vous êtes bien monsieur Mitchell?
Le président: Oui.
Mme Bertrand: Nous avez-vous donné vos cartes de visite?
Le président: Mes collègues le feront avec plaisir et moi aussi. Nous allons les remettre au greffier et nous allons veiller à ce que vous les receviez.
Je vous remercie beaucoup de votre témoignage. Vous nous avez donné beaucoup de renseignements et permis d'avoir des échanges très stimulants. Tout cela était lié directement aux problèmes qu'affrontent les régions rurales canadiennes. Nous vous en remercions.
Mme Bertrand: Merci beaucoup.
Le président: Je vais maintenant inviter nos derniers témoins avant la pause du déjeuner: MM. Pelletier et Clavette de la Northwest Industrial Commission. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Je vous invite à vous présenter et à faire votre déclaration d'ouverture, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
[Français]
M. Gérald Clavette (président, Comité de la Grappe industrielle, secteur forêt, Commission industrielle du Nord-Ouest): Je vous remercie, monsieur le président.
Je m'appelle Gérald Clavette et je suis le président du Comité de la Grappe industrielle, secteur forêt, pour la Commission industrielle du Nord-Ouest.
M. Réno Pelletier (directeur général, Commission industrielle du Nord-Ouest): Je m'appelle Réno Pelletier et je suis directeur général de la Commission industrielle du Nord-Ouest. Aujourd'hui, je vais tout simplement aider M. Clavette dans sa présentation. C'est une présentation qui a été préparée au nom de la Grappe industrielle et qui vous sera donnée par M. Clavette. Si vous avez des questions auxquelles je pourrai apporter une information supplémentaire, je vous répondrai avec plaisir.
M. Clavette: Comme on m'a dit qu'il n'était peut-être pas nécessaire de lire le mémoire, je vous propose de faire un résumé du mémoire en cinq minutes ou de faire la lecture du document, parce que je dois vous dire qu'il n'a pas été traduit.
[Traduction]
Le président: Peut-être pourriez-vous nous donner un résumé en cinq minutes après quoi nous passerons aux questions, si cela convient aux membres du comité.
[Français]
M. Clavette: Très bien. Je vais donc essayer de vous faire un résumé des grandes lignes du mémoire et surtout de parler des objectifs que nous avons tenté d'atteindre par rapport aux directives que vous nous aviez données dans le document que vous nous avez envoyé. Dans ce document, il y avait 15 ou 16 questions auxquelles nous avons essayé de répondre.
Permettez-moi d'abord de vous familiariser avec notre région du nord-ouest du Nouveau-Brunswick. Comme vous le savez, nous sommes ici au carrefour des frontières du nord-ouest du Nouveau-Brunswick et du sud-est du Québec. Nous bornons la région du Témiscouata et du Kamouraska au Québec et, tout à côté, il y a la rivière Saint-Jean qui sert de frontière avec l'État du Maine.
Au niveau de la population, à une heure de route tout autour d'ici, il y a un bassin de population d'environ 120 000 personnes, dont 60 000 dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, y compris la région Restigouche et Victoria, et 30 000 personnes près de la frontière de la province de Québec et encore 30 000 à 35 000 personnes dans l'État du Maine.
Ces informations vous aideront peut-être à mieux comprendre le mémoire que vous avez reçu.
Je voudrais aussi dire que nous souhaiterions voir votre comité pousser le gouvernement fédéral à s'engager à développer ou, tout au moins, maintenir les régions rurales. Je pense que cela devrait faire partie de votre mandat. Il serait bon également de définir ce qu'on entend par région rurale, parce que cela peut être parfois très subjectif.
Personnellement, je viens d'une localité de 2 000 habitants, qui est, sans aucun doute, une localité rurale. Mais si l'on considère Edmundston, qui est quand même une métropole régionale de 10 500 habitants, on pourrait peut-être parler de région urbaine.
D'un autre côté, pour quelqu'un qui demeure à Toronto ou à Montréal, la population de notre région ne représente même pas la population de Toronto. Tout est très relatif, et pour cette personne, toute la région des provinces de l'Atlantique est une région rurale. C'est la raison pour laquelle il faut s'entendre sur la façon dont on veut définir une région rurale. D'après Statistique Canada, une région rurale ou une région urbaine peut compter une population de 5 000 à 10 000 personnes, et nous le voyons dans ce contexte.
En ce qui concerne la Grappe industrielle-forêt, j'aimerais vous dire immédiatement que la Commission industrielle du Nord-Ouest a procédé, il y a un an et demi, à toute une consultation populaire au niveau de la région pour tenter de définir son plan stratégique pour les cinq prochaines années. Les résultats de cette consultation ont permis à la Commission industrielle de définir six secteurs ou six grappes industrielles dont l'une est le secteur forestier dont je préside le comité.
Le secteur forestier est, sans aucun doute, celui qui est le plus actif et le plus important pour toute la région du nord-ouest du Nouveau-Brunswick et également pour l'ensemble du Nouveau-Brunswick. Je devrais dire aussi que le secteur forestier, parmi tous les secteurs de nos ressources naturelles, est le plus important pour le Canada également. D'ailleurs, le document que j'ai déposé en fait foi.
À titre d'exemple, au niveau de la balance commerciale, les exportations du secteur forestier se montent à 21,5 milliards de dollars.
Par comparaison, le secteur agricole fait un chiffre d'environ 620 millions de dollars, le secteur des pêches, un chiffre de 1,5 milliard de dollars et celui des mines, un chiffre de 11 milliards de dollars. Tous ces chiffres-là sont dans le document.
Tout ceci vous démontre que le secteur des ressources naturelles est important au maintien et au développement de nos communautés. Cependant, et vous pouvez le voir dans les statistiques que je vous ai données, même si le Canada, historiquement, regorge de ressources naturelles, ces secteurs d'activités traditionnelles ne peuvent plus suffire à l'emploi à cause de la technologie et la mécanisation. D'un côté, grâce à la technologie et à la mécanisation, on peut consommer davantage de ces ressources naturelles, mais d'un autre côté, ces secteurs ne sont plus les mêmes pourvoyeurs ou créateurs d'emploi qu'il y a 40 ans.
Vous allez retrouver dans le document plusieurs statistiques. Il y a 40 ans, les secteurs traditionnels de la forêt, de l'agriculture, de la pêche et des mines fournissaient 17 à 20 p. 100 de nos emplois au Canada. À l'heure actuelle, ce même secteur en fournit à peine 5 p. 100. Je pense que le même phénomène se retrouve partout dans les provinces de l'Atlantique. Donc, même si on consomme davantage parce que nous sommes dans un monde de consommation et même si on transforme davantage nos ressources, ces secteurs ne sont pas créateurs d'emplois à cause de la technologie et de l'automatisation.
Le fait que ces ressources naturelles ne soient plus créatrices d'emploi joue un rôle important au niveau de la démographie. En effet, les gens ne peuvent pas, même s'ils le veulent, demeurer dans les régions rurales parce que les emplois n'y sont pas disponibles. Ces gens-là vont donc quitter les régions rurales pour des régions où ils pourront trouver des emplois. Les statistiques démontrent qu'il y a 40 ans, tout le secteur des services procurait environ 1,9 million d'emplois au Canada, alors qu'aujourd'hui, ce secteur, de l'employé de McDonald au vendeur d'assurances, procure environ 9,7 millions d'emplois, au Canada. C'est essentiellement dans les agglomérations et les régions urbaines que l'on trouve ces emplois dans le secteur des services.
C'est donc un grand défi que d'essayer de renverser la tendance actuelle, qui est que les gens quittent les régions rurales. Malheureusement, malgré la richesse de nos ressources naturelles, les régions ne parviennent pas à créer les emplois au même rythme qu'il y a 40 ou 50 ans.
La seule façon de compenser cette situation est de protéger les ressources naturelles qui nous restent. Il n'y en a plus autant qu'il y a 40 ans. Il suffit de regarder les domaines des pêches, des forêts et des mines pour se rendre compte que les ressources ne sont pas toujours renouvelables. Il faut donc ajouter certaines valeurs de deuxième ou de troisième plan pour essayer de multiplier les emplois dans ces régions et maintenir les communautés rurales les plus actives possible.
Le secteur forestier est, par exemple, un indicateur très actif au niveau de la création d'emplois et au niveau du produit intérieur brut du Canada dans une province comme le Nouveau-Brunswick et même au niveau de notre région. Quinze pour cent des emplois, en général au niveau de notre région, dépendent du secteur forestier. Le secteur forestier fournit également 40 p. 100 des emplois dans le domaine manufacturier de notre région. Je souligne cependant qu'avec l'augmentation de l'automatisation, la mécanisation et les nouvelles technologies, la tendance est là et cela ne suffira peut-être pas à la renverser.
L'autre question concerne la valeur ajoutée au niveau de la recherche et du développement. Il est bien connu, même si je n'ai pas les statistiques, que le montant du budget alloué à la recherche et au développement des ressources naturelles est 10 fois moins important que le montant alloué à la recherche et au développement au niveau des sciences, des produits pharmaceutiques et d'autres domaines.
Je fais mention de ce problème pour le secteur forestier dans le document. Regardez tout l'équipement que l'on utilise à l'heure actuelle dans le secteur forestier, que ce soit la scie mécanique, la débroussailleuse, la débusqueuse, la multifonctionnelle et même les moteurs dans nos usines. Une grande partie de cet équipement nous vient de la Suède, de la Finlande ou de l'Allemagne. Pourtant, et vous pouvez regardez les tableaux, le Canada a toujours été le pays qui contribuait le plus au niveau des exportations forestières. Alors, je me demande pourquoi on n'a jamais su investir davantage dans la recherche et le développement de nos ressources pour faire en sorte que nous ne soyons pas seulement un pourvoyeur de ressources, mais pour que nous bénéficiions aussi pleinement de la technologie qui en découle?
C'est une critique dont nous devons tous assumer la responsabilité, d'une certaine façon.
Dans le passé, nous nous sommes contentés du fait que nous avions des ressources naturelles en abondance et nous n'avons pas investi suffisamment au niveau de la recherche et du développement dans ces secteurs traditionnels. Et aujourd'hui, on se trouve un peu à court de technologie. Même si on a une longueur d'avance au niveau de la richesse des ressources, on a certainement pris beaucoup de retard par rapport à certains pays qui ont investi davantage au niveau de cette technologie.
En terminant, je dirai que, même si le gouvernement fédéral semble bien intentionné quant à l'objectif que nous avons de maintenir ou faire revivre nos communautés rurales, il faut reconnaître quand même qu'à l'aube de l'an 2000, nous vivons dans une nouvelle économie et que les barrières et les restrictions qui auraient pu protéger ces régions rurales ne peuvent plus exister.
Avec l'ALENA ou le GATT, il sera beaucoup plus difficile de faire en sorte que nos régions rurales deviennent plus actives que par le passé.
Je ne veux pas dire qu'il s'agit d'un voeu pieux de la part du gouvernement fédéral. L'intention est certainement bonne, mais nous vivons maintenant dans une économie de globalisation et de mondialisation des marchés dans laquelle on ne contrôle pas nécessairement les leviers qui influencent ce genre de décisions.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies: Monsieur Clavette, vous dites demeurer dans une localité de 2 000 personnes qu'on appellerait, chez nous, en Abitibi-Témiscamingue, un petit village. L'Abitibi-Témiscamingue, c'est aussi les forêts et les mines.
Puisque vous êtes président de la section forêt, vous avez pleinement conscience de la force des marchés, des CAAF et des problématiques. Il devient d'ailleurs de plus en plus difficile pour des petites entreprises d'obtenir des CAAF ou d'autres moyens de faire démarrer de nouvelles scieries et d'autres petites entreprises. Il n'y a d'ailleurs même pas de bois pour faire démarrer de nouvelles scieries.
Vous dites aussi qu'il y a le libre-échange et toutes sortes de choses qui font qu'il sera difficile, même au prix de gros efforts, de ramener l'industrie de service dans les petites localités. Vous avez peut-être vécu cela chez vous, dans votre petit village, où il n'y a peut-être plus de gros magasins parce que tout le monde va magasiner à Edmundston et qu'il n'y a plus de possibilité de business dans le village.
Je l'ai vu chez moi aussi, mais je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas de micromécanisme qui puisse arrêter ce processus et faire que le village se remette à grossir. Il est vrai que c'est moins intéressant, que les jeunes s'en vont et qu'il y a moins d'habitants dans le rang. Mais je suis persuadé, et on l'a entendu, que certains intervenants ont de belles idées. Je crois que dans l'avenir, il y aura des gens prêts à bâtir, peut-être avec moins de ressources mais certainement en les utilisant mieux.
N'y a-t-il pas chez vous des gens qui se disent qu'il faut faire quelque chose pour que le village arrête de dépérir?
M. Clavette: J'espère que je ne vous ai pas laissés avec l'idée pessimiste que le Canada rural était fini. Mais il faut faire face à la réalité.
C'est vrai que les communautés rurales ont évolué depuis 80 ou 100 ans. À l'heure actuelle, les mécanismes ne sont plus les mêmes, surtout au niveau gouvernemental. Je ne dis pas qu'on ne pourrait pas protéger et même stimuler les régions rurales. En somme, la prospérité d'une région, ou même la prospérité d'un pays - je le dis encore et j'ai lu certains documents sur le sujet - c'est quelque chose qui se crée. Ce n'est pas quelque chose dont on va nécessairement hériter. Ce n'est pas parce qu'il y a des ressources naturelles dans un pays qu'on va hériter de la prospérité. Il faut quand même les développer. Il faut être innovateur.
À l'heure actuelle, à cause de ce qu'on appelle la lutte au déficit, à cause de la tendance à la déréglementation, à cause de la tendance à diminuer les transferts de paiement tout en augmentant les responsabilités tant des petites municipalités que des individus, les gouvernements sont en train de se dégager de leur mission traditionnelle en ce qui a trait aux interventions gouvernementales ou de ce qu'on a appelé l'État providence.
Ce que je crains de cette nouvelle vision du fédéralisme canadien, c'est que les régions les plus éloignées et même les régions les plus démunies vont être un peu laissées pour compte. À l'heure actuelle, on a limité les subventions aux services de transport, qui sont quand même un élément important de développement régional. On limite également les paiements de péréquation. Regardez le scénario des cinq, six, sept ou huit dernières années. Je pense qu'il est important de se poser la question sur l'avenir du Canada rural.
Le seul élément qui pourrait peut-être aider ce secteur, et je le mentionne dans mon texte, serait que les régions pratiquent une plus grande solidarité entre elles. Là encore ce n'est pas nécessairement garanti. Qu'on le veuille ou non, on a quand même besoin d'aide ou au moins de structures qui vont nous permettre justement...
Ce n'est pas nécessairement d'argent qu'on a besoin. Le gouvernement doit créer un climat. Il y a plusieurs choses qui créent la prospérité dans une région. Le rôle du gouvernement est de favoriser les occasions, par exemple au niveau de la formation de la main-d'oeuvre. Il y a beaucoup de structures qui doivent être établies ou préservées en région pour s'assurer que les gens y demeurent.
M. Deshaies: Je pense que tout ce que vous avez dit s'applique à la situation de chez nous aussi. Ce n'est pas pour rien que les régions ont souvent crié au secours et dit qu'après être venus chercher nos ressources naturelles, les gens s'en allaient vers le sud. Je ne sais pas ce que vous dites ici, mais chez nous, la richesse va du nord vers le sud et elle ne remonte pas beaucoup. Dans le domaine minier, nous avons eu de la chance car nous exportons la technologie minière. Nous avons réussi à développer des technologies en Afrique et en Amérique du Sud.
Par contre, dans l'industrie forestière, nous achetons tout. Personne n'a jamais été assez intelligent pour s'organiser afin d'usiner chez nous, des moulins à scie, etc..
Je reste quand même persuadé... Le témoin juste avant vous disait, devant la réaction à la fermeture des pêches, qu'il y en a qui ont le nez sur le mur, que l'avenir n'est pas là. D'ici à ce que l'usine rouvre, il va falloir faire quelque chose.
J'espère avoir encore la naïveté de la «jeunesse», laquelle va se prendre en main. Je ne dis pas que votre témoignage était pessimiste; au contraire, il est très réaliste. Je pense que l'objectif du comité est d'aller chercher toutes les petites idées positives et créatrices qui permettraient l'établissement d'un mécanisme de solidarité. La région ne veut pas nécessairement du bien-être social. On veut plutôt des outils qui nous permettraient de cesser d'en demander. C'est le sens de mon intervention.
M. Clavette: Le potentiel est là. Pourtant, si je prends l'exemple du secteur forestier, à l'heure actuelle, par rapport aux marchés potentiels, la ressource est certainement limitée.
Il faut prendre la ressource qui existe à l'heure actuelle et lui ajouter une valeur. Pour lui ajouter une valeur, il faut faire de la recherche et du développement. C'est là qu'il y a du rattrapage à faire parce que, dans le passé, on exploitait nos ressources sans penser qu'un jour, on arriverait au point où on en est, même si ces ressources sont renouvelables.
Cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y ait pas d'autres secteurs à développer. Je sais que M. Pelletier pourrait ajouter quelque chose sur ce point. Ce qu'on essaie, c'est de diversifier l'économie de la région. On a non seulement le secteur forestier, mais aussi l'agriculture. On n'a pas les pêches ni les mines, mais il y a le secteur touristique qui prend de plus en plus d'ampleur. Il y a également le domaine du textile. Il y a donc d'autres domaines qu'on essaie de développer.
Pour attirer des entreprises dans une région comme celle-ci, il faut quand même maintenir certaines infrastructures de base. Si elles ne sont pas maintenues par les différents paliers de gouvernement, tout retombe sur le dos de la localité. Je prendrai à titre d'exemple le fait que le gouvernement fédéral se retire des aéroports régionaux. Il est certain que pour maintenir notre aéroport régional, il faudra qu'à un moment donné les localités de la région se cotisent pour en assurer la rentabilité ou bien qu'elles le ferment. Et c'est la même chose pour bien d'autres services.
Le système de transport ferroviaire ou le système de transport aérien sont des services qui étaient maintenus par le gouvernement fédéral. Or, le gouvernement fédéral, à l'heure actuelle, se dégage de ses obligations, et ces responsabilités sont en train de retomber sur les épaules des provinces et parfois même sur les régions.
[Traduction]
Le président: Merci.
Bob.
[Français]
M. Ringma: J'ai l'impression qu'ici, au Canada, nous sommes en plein coeur de grands changements, certainement à la campagne et dans le domaine des ressources naturelles. Vous nous en brossez un tableau qui nous montre que nous sommes en train de perdre des emplois dans les industries reliées aux ressources naturelles. En même temps, on voit apparaître un plus grand nombre d'emplois potentiels qu'auparavant.
Pour la plupart, ils sont localisés là où se trouvent les ressources naturelles. Vous avez donné l'exemple des tronçonneuses qui viennent toutes de la Suède, de la Norvège ou du Japon. On a manqué là une belle occasion. Dans tous les autres domaines, que ce soit en recherche ou en développement, il y a beaucoup de potentiel. C'est encore mieux, je crois, par l'autoroute informatique, etc..
Alors, pour être ensemble, vous voyez des changements dans le rôle du gouvernement fédéral. Son rôle ne serait pas seulement de donner de l'argent mais d'encourager la recherche, d'encourager les gens, comme ceux du nord-ouest du Nouveau-Brunswick, à faire ce qu'ils font dans certains domaines.
Pouvez-vous me confirmer que c'est aussi votre point de vue qu'il se produit des changements et que si on voulait prendre avantage du potentiel qui est là, on pourrait avoir encore plus d'emplois ou, à tout le moins, un nombre égal d'emplois?
M. Clavette: C'est certain qu'il y a des secteurs, à l'heure actuelle, où on pourrait créer plus d'emplois grâce à la recherche et au développement. Il y en a un peu. C'est parfois facile de produire mais il y a aussi toujours la question, que ce soit dans un domaine ou dans l'autre, de savoir explorer les marchés à cause de la mondialisation des marchés.
Dans l'économie que nous avons connue jusqu'à maintenant, les jeunes ou les petites entreprises de nos régions commençaient avec à peine deux, trois ou cinq emplois, ce qui est très bien dans un marché domestique assez restreint. Mais tout le monde reconnaît à un moment donné qu'une entreprise ne peut pas en demeurer à quatre ou cinq emplois dans le secteur de la production, surtout dans le domaine manufacturier.
À ce moment-là, il faut élargir ses horizons et conquérir des marchés extérieurs. D'ailleurs, les statistiques démontrent bien qu'au Nouveau-Brunswick et en fait dans tout le Canada atlantique, on fait maintenant partie d'un marché mondial. La plus grande partie de ce que nous consommons dans le Canada atlantique nous vient de l'extérieur et ce que nous produisons est consommé à l'extérieur. C'est un phénomène assez exceptionnel. C'est cela, l'économie du Canada atlantique à l'heure actuelle.
Nous vivons de nos exportations; 70 p. 100, et même davantage dans certains secteurs, de ce que nous produisons est exporté. Pour permettre à nos petites entreprises de grossir et d'aller chercher les emplois dont nous avons besoin, il faut continuer à explorer les marchés.
M. Ringma: Ce matin, j'ai appris un nouveau mot en anglais d'un autre témoin. Il a utilisé le mot «glocalization», soit «global», mais aussi «local». Il a combiné les deux et je crois que c'est précisément ce que nous sommes en train de faire. C'est difficile. Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
Vous avez dit dans votre exposé qu'il y a eu de gros changements dans les régions rurales du Canada, notamment dans le système de transport, où l'on a supprimé beaucoup de subventions. Je viens de l'ouest du pays, plus précisément du Manitoba, et nous avons connu cela aussi.
D'une part, des témoins nous ont dit que le gouvernement devrait cesser de s'ingérer dans la vie des gens. D'autres tiennent absolument à ce que le gouvernement fédéral aide les localités rurales à traverser cette période de transition.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez et comment nous pouvons vous aider à traverser cette période de transition et assister à la revitalisation des campagnes canadiennes.
[Français]
M. Clavette: Je pense que les questions que vous posez dans le document que vous nous avez fait parvenir orientent certainement nos réponses et nous incitent à chercher les solutions que vous explorez à l'heure actuelle. Avec tous les changements que l'on vit à l'échelle mondiale, avec la globalisation des marchés et avec les ententes internationales, comme je l'ai mentionné, que ce soit le GATT, l'Accord de libre-échange, etc., nous vivons dans une nouvelle économie.
Déjà les régions rurales avaient ou ont des difficultés. Si le gouvernement fédéral, d'après ce que je peux percevoir comme étant sa nouvelle vision, se retire comme gouvernement central ou comme gouvernement fédéral de différents secteurs d'activité, je crains qu'au cours de cette période de transition, les régions rurales n'aient pas les leviers nécessaires pour assurer leur viabilité.
Cela m'amène à dire que les secteurs traditionnels tels que l'agriculture, les forêts, la pêche et les mines ne créent pas, du moins pour l'instant, les emplois nécessaires.
En conséquence, plutôt que de demeurer dans ces régions, surtout avec les changements apportés à l'assurance-emploi, les personnes vont fuir les régions rurales pour aller gonfler les milieux urbains.
La question que le gouvernement fédéral doit se poser est la suivante: quel sera le coût social et même économique de l'absorption la population de ces régions rurales en milieu urbain? Ne serait-il pas préférable d'essayer d'établir des programmes de recherche et de développement afin de créer des emplois dans les milieux ruraux, afin d'augmenter la valeur des sous-produits ou créer de nouveaux produits dans les secteurs traditionnels?
C'est ma vision des choses. Ensuite, comme on l'a sans doute déjà mentionné, il faudrait s'assurer que les capitaux d'investissement soient également accessibles aux régions rurales, que ce soit dans le cadre des programmes fédéraux ou encore par l'intermédiaire du milieu des banques canadiennes. Par exemple, le système financier canadien pourrait consacrer un certain pourcentage de ses profits aux régions rurales.
Voici une autre suggestion. On pourrait songer à réinvestir le surplus de quatre ou cinq milliards de dollars qu'on est en train d'accumuler dans le fonds de l'assurance-emploi, pas nécessairement de la même façon qu'auparavant, mais dans des régions rurales pour y assurer la viabilité des entreprises.
En tout cas, si on ne se donne pas une vue d'ensemble et si on n'essaie pas d'intervenir, soit par des politiques, soit par des lois... Ce n'est pas seulement par des subsides qu'on y arrivera, bien qu'à un moment donné, pendant la période de transition, il faudra certainement de l'argent.
Ce que le gouvernement fédéral doit se demander, c'est si cela ne coûtera pas plus cher de délaisser complètement les milieux ruraux et d'absorber toute cette population dans les milieux urbains. Que coûteront les nouvelles infrastructures nécessaires pour absorber cette population et la baisse de la qualité de vie qu'elle devra subir? C'est là la question qui se pose.
[Traduction]
Mme Cowling: Monsieur le président, je trouve que le numéro du 28 octobre dernier de Maclean's tombe à pic. On parle des milliers de Canadiens qui décident de quitter la vie trépidante des villes parce qu'ils en ont assez. Je ne sais pas si vous avez lu l'article, mais il est question de la qualité de vie à la campagne, la quiétude, le sentiment d'être loin de tout et de faire partie d'une communauté.
Pensez-vous qu'avec ces changements, ceux qui mènent une vie de bâton de chaise voudront venir s'installer dans un endroit comme celui-ci? Faut-il bâtir à la campagne une infrastructure qui attirera ceux qui veulent fuir l'agitation des villes - je pense au tourisme, notamment.
[Français]
M. Clavette: J'ai essayé de démontrer dans le document qu'il ne s'agissait pas seulement d'infrastructures. La prospérité et la mentalité au niveau d'une région, cela se crée par les individus. Indépendamment de toutes les richesses naturelles que l'on a, la ressource la plus importante est notre ressource humaine.
Le gouvernement fédéral qui, dans sa sagesse, cherche à décentraliser certains services et certaines responsabilités, devrait s'arranger pour que des personnes bien préparées et bien compétentes, en mesure d'aider ou d'assurer un certain leadership dans les régions rurales, déménage des bureaux dans nos régions afin d'y assurer une masse critique de savoir-faire. Je ne dis pas qu'il ne s'en trouve pas déjà. Cependant, pour que la recherche, le développement, l'entreprenariat et tout le reste se développent, il faut une masse critique de personnes faisant preuve de leadership. Ainsi peut se créer un milieu nécessaire au développement rural.
Je ne dis pas nécessairement que les régions rurales sont perdues, mais je dis, par contre, que s'il n'y a pas d'actions concrètes de la part des différents leviers de gouvernements, avec les tendances que nous connaissons, qu'on le veuille ou non... Prenons l'exemple de l'évolution de la ville d'Edmundston au cours des 30 dernières années. En 1961 ou 1962, la ville d'Edmundston comptait 12 600 habitants. En 1971, sa population était de 11 000 environ. À l'heure actuelle, elle est de 10 500. Elle a donc perdu 2 000 résidants au cours des 20 dernières années.
Je pense au territoire du Madawaska, où la même situation se produit. Si on prend toute la région et si je reviens à la définition que j'ai donnée des régions rurales tout à l'heure, il est certain que la population a diminué un peu comparativement à la région de Moncton, de Saint-Jean ou de Fredericton.
La même chose se produit à l'échelle du pays. J'entendais tout à l'heure une intervention sur les cartes électorales, par exemple. C'est la force ou le poids démographique. Le poids démographique, c'est aussi le poids politique, le poids décisionnel. Cela aussi a de l'importance.
Si la population abandonne les régions rurales, elles n'auront plus la masse critique, le poids démographique. Si le gouvernement veut conserver cela, il doit intervenir d'une façon ou d'une autre.
[Traduction]
Le président: Messieurs Clavette et Pelletier, je vais plutôt vous faire une observation que vous poser une question.
Au début de votre exposé, vous avez dit quelque chose que je trouve important. C'est de cela que je vais parler. Vous avez dit qu'il est impossible de créer quelque chose d'artificiel en région rurale et que les habitants des campagnes sont aux prises avec les mêmes problèmes que les citadins. Il faut que le gouvernement règle le problème du déficit. Nous évoluons sur des marchés internationaux et il faut mettre en valeur le capital humain. Voilà autant de problèmes qu'on ne peut pas éviter en région rurale, même si on le voulait. Le monde est ainsi fait.
Mais ce qui importe, et c'est ce que souhaite voir le comité, c'est que l'on applique différemment à la ville et à la campagne les programmes du gouvernement fédéral destinés à relever ces défis. Ce défi n'est pas différent - la mondialisation est une réalité incontournable - et ce n'est pas que le gouvernement fédéral doive lutter contre cette tendance, mais les solutions qui sont conçues pour faire face à cette situation vont être différentes pour les fabricants de Toronto ou de Vancouver et pour le secteur des richesses naturelles en région rurale - c'est tout le problème des régions rurales au Canada.
C'est vers cela que tend le comité. Nous essayons de trouver des solutions précises, non pas pour créer un univers artificiel à la campagne, parce que c'est impossible et que c'est voué à l'échec, selon moi. Mais il faut appliquer les mesures conçues pour affronter ces défis nationaux d'une manière adaptée aux besoins des ruraux.
[Français]
M. Clavette: Je ne me souviens pas exactement à quelle question je réponds dans le document que vous avez. Voyons, au cours des 30 dernières années, les différents moyens d'intervention du gouvernement fédéral. Je pense qu'autour de 1966 ou 1967, il y avait un programme qu'on appelait ARDA, Aménagement rural et développement agricole. C'était spécifiquement pour les régions rurales.
Les autres programmes d'intervention qui ont suivi, que ce soit le MEER, le FRED, le FODER et même l'APECA qui existe dans le moment, ne sont pas proprement orientés vers les régions rurales, à moins que les gens d'Ottawa, de Toronto ou des grandes métropoles considèrent tout le Canada atlantique comme étant rural. J'en reviens à ma première définition; si c'est là le Canada rural, d'accord, entendons-nous là-dessus.
Les premières interventions qui ont été faites par le gouvernement fédéral dans les années 1960, ce que nous avons connu dans nos régions du programme qu'on appelait ARDA, s'adressaient exclusivement aux régions rurales. Mais il est arrivé ce avec quoi vous pourriez encore avoir à vivre. Les personnes ou les entreprises qui sont dans les régions urbaines, lesquelles ont le poids démographique, vont se sentir défavorisées par rapport aux régions rurales. Elles vont se dire tout simplement que le gouvernement, en intervenant, crée un déséquilibre au niveau de l'offre et de la demande, au niveau du marché, si vous voulez. Je ne sais pas comment le gouvernement va pallier cette situation.
Vous êtes en train ni plus ni moins de m'exposer ce qu'on pense des programmes qui s'adressent spécifiquement aux régions rurales. C'est sans doute un peu la même chose que ce que les gens du Canada central, à l'heure actuelle, critiquent à propos des programmes spécifiquement conçus pour le Canada atlantique ou pour le Nord canadien. À l'heure actuelle, on juge que les transferts de péréquation, que les subsides donnés au Canada atlantique viennent déséquilibrer le marché national.
[Traduction]
Le président: Il y a des gens dans le centre du pays qui sont de cet avis, mais pas tous, Dieu merci.
Je vous remercie beaucoup de votre témoignage. Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré et de votre patience, car je sais que nous avions du retard. Merci.
La séance est levée jusqu'à 13h30.