[Enregistrement électronique]
Le jeudi 7 novembre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité des ressources naturelles poursuit son étude des ressources naturelles et du développement rural. Comme bon nombre le savent déjà, le comité a entamé son étude le printemps dernier et entendu plusieurs témoins à Ottawa. Il a ensuite poursuivi son étude dans les régions en sillonnant le Canada pour parler aux particuliers et aux organismes qui relèvent tous les jours les défis que pose le développement rural.
Nous sommes heureux d'avoir pu entendre un grand nombre de témoins jusqu'ici et de nous trouver aujourd'hui à Goose Bay pour poursuivre nos audiences et entendre le point de vue de votre région.
Sans plus tarder, j'invite notre premier témoin, Harry Baikie, maire de Happy Valley - Goose Bay, à s'avancer.
En attendant, je tiens aussi à signaler la présence au comité aujourd'hui de Lawrence O'Brien, député de la circonscription.
Soyez le bienvenu, Lawrence. Nous sommes heureux que vous soyez avec nous.
M. O'Brien (Labrador): Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Baikie, nous vous demandons de faire une déclaration d'ouverture d'une dizaine de minutes, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Soyez le bienvenu et allez-y.
M. Harry Baikie (maire de Happy Valley - Goose Bay): Merci, monsieur le président. Au nom des membres du conseil, je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les membres du comité dans notre ville de Happy Valley - Goose Bay.
Il n'y a pas très longtemps, en octobre 1994, notre conseil est passé devant le comité d'évaluation environnementale qui étudiait les vols à basse altitude au Québec et au Labrador pour expliquer au comité l'importance économique de la base militaire, aile 5, Goose Bay, pour notre localité. L'analyse que nous avions faite de notre économie à l'époque montrait clairement que Happy Valley - Goose Bay est une ville mono-industrielle. Une recommandation négative du comité aurait entraîné l'arrêt du programme de vol militaire et l'effondrement de notre économie. Je suis heureux de dire cependant que le rapport du comité a été très favorable et que le programme de formation aérienne militaire a pu se poursuivre.
En février dernier, le Canada et les forces aériennes du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de la Hollande ont signé un nouveau contrat de 10 ans d'une valeur d'environ 1,1 milliard de dollars. La plus grande partie de cet argent ira aux habitants de Happy Valley - Goose Bay sous forme de salaires et de dépenses de la base.
La base est la seule chose qui assure la sécurité et la prospérité à long terme de notre économie. Le revenu familial moyen de Happy Valley - Goose Bay est d'un peu plus de 51 000 $, soit le deuxième ou troisième en importance de Terre-Neuve et du Labrador et c'est uniquement à cause de la base.
Voisey Bay est une région isolée à 350 kilomètres au nord de Happy Valley - Goose Bay. On y trouve des gisements de nickel, de cuivre et de cobalt. On pense que les gisements ont des réserves pour bien plus de 50 ans et pourraient donner quelque 270 millions de livres de nickel par année. Au prix courant de 4 $ la livre, cela produira des ventes annuelles de plus d'un milliard de dollars pour le propriétaire des gisements, Inco, et sa filiale, Voisey Bay Nickel Company Ltd. Cela pourrait améliorer sensiblement les possibilités d'emploi et d'occasions d'affaires et renforcer notre base économique.
On ne sait pas exactement quelles seront les retombées économiques de Voisey Bay pour Happy Valley - Goose Bay, mais si l'on choisit arbitrairement un pourcentage de 10 p. 100, cela créerait une industrie de 100 millions de dollars pour notre ville, soit une industrie de la même taille que la base. Vous comprendrez donc qu'une bonne partie de notre stratégie économique vise à maximiser les retombées de Voisey Bay. Mieux nous réussirons, plus notre économie sera diversifiée et forte.
Partout au Labrador, les secteurs des mines, du tourisme, de l'hydroélectricité, des pêches et des forêts ont été négligés à cause du mauvais réseau routier. Cela fait des années que les représentants de chacun de ces secteurs nous répètent que cela coûte beaucoup trop cher d'envoyer leurs produits vers les marchés à cause de notre réseau routier.
Cela fait 20 ou 30 ans que chaque fois que nous rencontrons un représentant politique d'un palier gouvernemental quelconque, nous en profitons pour exprimer nos frustrations. Les Labradoriens réclament un meilleur réseau routier. Nous avons certes accompli des progrès, mais à une vitesse de tortue.
Comment cela touchera-t-il nos chances de maximiser les retombées économiques de Voisey Bay? La réponse est très simple. Les entreprises de l'extérieur pourront approvisionner la mine et l'usine par navire et par avion à meilleur prix que les entreprises de Happy Valley - Goose Bay. Si nous avions une route convenable, les entreprises pourraient transporter du matériel et des provisions par camion-remorque à partir de n'importe où en Amérique du Nord jusqu'au site de Voisey Bay à des prix compétitifs.
C'est la même chose pour les industries des forêts, des pêches et du tourisme. Nous avons d'abondantes ressources dans ces trois secteurs au Labrador, mais elles sont sous-utilisées à cause du mauvais réseau routier. Les trois secteurs pourraient prendre énormément d'expansion. Nous croyons que les clients viendront si nous construisons des routes.
En plus de la route, nous avons à Happy Valley - Goose Bay un port de mer en eaux profondes et une aérogare de classe mondiale qui peuvent améliorer notre capacité de développement économique.
Je sais que le gouvernement fédéral ne s'occupe pas de voirie et que cela n'est pas vraiment votre problème, mais celui de la province de Terre-Neuve et du Labrador. Cependant, je suis convaincu que le gouvernement du Canada est moralement responsable de notre réseau de transport, du point de vue social et économique.
La route reliant Happy Valley - Goose Bay au Québec pourrait être considérée de la même façon que le service de traversier entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse quand Terre-Neuve s'est jointe à la Confédération en 1949. La partie insulaire de la province devait être reliée au reste du pays pour que Terre-Neuve se joigne à la Confédération, et le Labrador devrait maintenant être relié au reste du Canada par un bon réseau routier. Selon nous, le gouvernement fédéral doit s'occuper de notre réseau de transport.
Je sais que c'est discutable, mais nous tenons à vous exprimer nos opinions. Pour les habitants du Labrador, l'important n'est pas de savoir qui doit construire une route. L'important, c'est qu'elle soit construite. Il est temps qu'on passe aux actes.
Comment faire? Nous allons vous dire la même chose qu'au Comité permanent de la stratégie de la défense du Canada. Nous croyons dans la contiguïté, c'est-à-dire que ce ne sont pas seulement les retombées économiques d'un projet qui doivent profiter aux habitants de la région touchée par le projet, mais aussi que les recettes fiscales produites pour les gouvernements fédéral et provincial doivent être dépensées pour des projets dans la région contiguë. Autrement dit, les impôts produits par les industries des mines, des forêts, du tourisme et de l'hydroélectricité devraient être utilisés pour construire une route appropriée au Labrador. Le reste pourrait être utilisé ailleurs au Canada pour d'autres programmes ou projets utiles. Surtout si le gouvernement veut le renouveau économique des régions rurales du pays, il doit s'assurer que tous les Canadiens profitent de notre prospérité économique.
Le conseil municipal de Happy Valley - Goose Bay croit qu'il est essentiel de régler les revendications territoriales des Autochtones, compte tenu des possibilités qu'offrent toutes ces ressources. Notre conseil a déjà signalé qu'il voulait que les revendications territoriales soient réglées de façon juste et équitable le plus tôt possible pour qu'on puisse planifier l'exploitation des ressources du Labrador de la meilleure façon possible.
J'espère bien avoir expliqué que le Labrador et Happy Valley - Goose Bay ont d'excellentes perspectives économiques à cause de l'abondance de leurs richesses naturelles. Nous aurons cependant du mal à prospérer si nous n'avons pas un bon réseau routier. Nous vous incitons donc à faire le nécessaire pour que nous ayons une route qui nous permette d'exploiter nos richesses naturelles.
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de m'écouter. Je serai maintenant ravi de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies (Abitibi): Monsieur Baikie, j'habite dans le nord-ouest du Québec et nous sommes très près de la baie James, mais on a quand même instauré un service de vols à peu de frais à partir de Montréal. Craignez-vous que la même chose se passe ici, c'est-à-dire qu'il y aura des vols à partir de Montréal, de Toronto ou de Terre-Neuve, et que vous recevrez donc peu de retombées économiques de cet important projet?
M. Baikie: Il est fort possible que cela se produise. C'est certainement une possibilité. Nous espérons qu'il n'en sera rien, mais si on construit un terrain d'atterrissage à la mine, alors, c'est possible n'importe où dans l'est du Canada.
M. Deshaies: Vous demandez que l'on construise des routes. Il y avait des routes qui menaient vers la baie James. Nous pouvions compter sur cet atout, mais les débouchés commerciaux nous ont échappé, car seuls les gros intérêts en ont profité. L'entreprise que je dirigeais alors a essayé bien des fois de soumissionner, mais ce que nous offrions était trop cher ou bien ne convenait pas.
C'est pour cela que je m'inquiète de votre situation. Vous aurez à livrer une dure bagarre. Toutes les localités vont devoir se regrouper pour réclamer leur part de l'entreprise. Les localités se sont-elles entendues pour réclamer leur part?
M. Baikie: Pendant vos délibérations aujourd'hui, vous allez sans doute entendre la même chose répétée sans cesse. Oui, nous avons très bien collaboré avec les gens de la collectivité et des autres localités du Labrador pour faire du lobbying et nous efforcer de convaincre les gouvernements fédéral et provincial de construire une route trans-Labrador.
M. Deshaies: D'autres témoins dans d'autres régions nous ont dit qu'il y avait deux possibilités. On peut réclamer une forte présence fédérale ou bien réclamer des outils pour décider soi-même de la voie à emprunter. Quelle méthode préférez-vous?
M. Baikie: Je pense que nous préférerions prendre les choses en main nous-mêmes. Nous voudrions pouvoir être maîtres de notre propre destinée, avec l'aide des deux paliers de gouvernement, ou de tous les paliers de gouvernement. Il est important que notre collectivité, que la région entière, prenne en main son destin.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Merci, monsieur Baikie. Votre message concernant la route est bien clair, et il n'est pas nouveau, si bien qu'à force de le répéter, j'espère que vous finirez par obtenir des résultats.
Je songe à Voisey Bay, à Goose Bay, et à ce qu'il y a entre les deux. Dans la perspective de la construction d'une route, pouvez-vous nous dire comment vous envisagez le développement idéal de ce secteur? Il s'agit de Voisey Bay, mais il ne faut pas oublier Goose Bay. L'idéal serait-il de construire une route en premier, et ensuite de prévoir des lotissements résidentiels avec tout ce qui est nécessaire pour le site d'exploitation, pour le gisement minier, ou vaudrait-il mieux planifier tout cela à l'avance, dans l'éventualité de la construction de la route, et envisager ce qui sera fait dans dix ans? Pouvez-vous développer le scénario que vous prévoyez? Vous pourriez peut-être commencer avec ce qui se passe actuellement, parce que la route n'est pas encore construite. Ensuite vous pourriez peut-être faire des projections pour l'avenir en évoquant divers cas de figure.
M. Baikie: S'il n'y a pas de route, Voisey Bay sera exploitée sur une base saisonnière. Les gens y travailleront à longueur d'année, mais il y aura une saison de navigation au cours de laquelle le minerai extrait sera expédié. La saison de navigation sur la côte du Labrador dure environ six mois et demi, au maximum. La saison est très courte ici.
Quant au réseau routier lui-même... Si l'on considère que Happy Valley - Goose Bay est une sorte de... Il est dommage que je n'aie pas apporté de carte, car je pourrais illustrer de façon éloquente la situation de Happy Valley - Goose Bay par rapport au reste du Labrador. Entre ici et Voisey Bay, il n'y a rien d'autre que quelques petites localités éparpillées le long de la côte. Il serait très difficile de construire un réseau routier pour relier chacune des localités à Voisey Bay.
M. Ringma: Autrement dit, tout se fait par avion ou par bateau actuellement, n'est-ce pas?
M. Baikie: Oui. C'est comme cela pour l'instant. Le réseau routier qui desservirait Happy Valley - Goose Bay pourrait en faire une plaque tournante pour l'expédition de matériel et d'équipement vers le Labrador central. On pourrait acheminer le matériel par la route et, pendant la saison, l'expédier par voie maritime vers le gisement minier. Je suis sûr qu'on ne peut pas tout envoyer là-bas par avion. Il va falloir recourir aux voies de navigation dans certains cas.
M. Ringma: Si la route allait jusqu'à Voisey Bay, cela aurait-il un effet de tremplin? Elle pourrait très bien constituer l'amorce d'une pénétration vers le nord, n'est-ce pas?
M. Baikie: Absolument. Dans tout projet de ce genre, le réseau routier doit aussi tenir compte des besoins des Autochtones. Il faut prendre en considération toutes les préoccupations des gens qui vivent ici au Labrador.
M. Ringma: Je sais qu'il ne faut pas trop s'attarder mais je voudrais savoir comment vos Autochtones réagissent à la perspective d'une route. Y sont-ils favorables ou non?
M. Baikie: La question n'a pas encore été posée. Je pense qu'aucun des groupes d'Autochtones ne s'est prononcé pour ou contre. Tout dépendrait du processus d'examen environnemental.
M. Ringma: Merci beaucoup.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): On va croire que je suis la députée qui représente cette région car je sais que le député de cette circonscription-ci a une question à poser et je pensais...
M. Reed (Halton - Peel): Je pense qu'il est allé chercher une carte.
Mme Cowling: Oui, en effet.
La photographie que j'ai sous les yeux représente-t-elle la route dont vous parlez?
M. Baikie: Oui.
Mme Cowling: Nous avons donc là un tracé assez précis. S'agit-il de 75 milles?
M. Baikie: De route?
Mme Cowling: Oui. Quelle longueur aura la route?
M. Baikie: D'ici à Churchill Falls, il y a 305 kilomètres.
Mme Cowling: Merci. C'est ce que je voulais savoir.
M. Baikie: Churchill Falls est la localité la plus proche de nous à l'Ouest.
Le président: Monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Monsieur le maire, d'après ce que vous avez dit et certainement d'après ce que je comprends de la situation, puisque je suis député de cette région du Labrador et que je m'occupe de ces questions depuis toujours, je constate que le thème sous-jacent évident, c'est que le développement du Labrador - et votre exposé et les opinions exprimées ici en témoignent - passe par l'édification d'un réseau routier.
Vous constaterez sans doute que cette route est beaucoup plus longue qu'une route qui irait d'ici à Churchill Falls. D'ici à Churchill Falls, à Labrador City et à Fermont - à la frontière avec le Québec - vers Baie-Comeau, pour poursuivre par la 138 vers Québec, la route forme un cercle. Pouvez-vous montrer cela si vous le pouvez, car il faut que nous comprenions ce dont vous parlez.
M. Baikie: D'accord. Labrador City se trouve ici. Nous pouvons partir de là pour aller à Fermont, en empruntant la 138 vers Baie-Comeau.
M. O'Brien: C'est cela.
M. Baikie: Le traversier de Happy Valley - Goose Bay nous amène vers la partie centrale de l'île, Lewisporte.
M. O'Brien fait allusion ici à la route orthodromique, comme nous l'appelons. Nous voulons que l'on comprenne que l'autoroute trans-Labrador constituerait un avantage économique pour le reste du Canada. En 1986, nous avons envoyé une délégation de la ville parcourir cette route orthodromique. Elle est partie par traversier, vers Lewisporte, a emprunté la Transcanadienne pour se rendre à Port-aux-Basques, et de là en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, pour revenir au Québec, empruntant la 138 qui mène à Labrador City et à Wabush.
À l'époque il n'y avait pas de liaison entre Churchill Falls et Labrador City. Il a fallu prendre un traversier rail pour aller de Labrador City et Wabush à Esker. À partir d'Esker on a pris la route menant à Churchill Falls, puis ici.
Ce n'est que depuis 1993 qu'un pont enjambe la Ossokmanuan, et c'est le principal lien entre Labrador City et Churchill Falls. C'est une route de gravier tous temps. Mais entre Churchill Falls et Happy Valley - Goose Bay, la route est encore très mauvaise.
M. O'Brien: Nous devrions peut-être épingler cette carte sur le mur. Nous en aurons sans doute besoin si nous voulons comprendre, monsieur le président. Si nous trouvons une carte plus grande, nous pourrons y inscrire les endroits.
Le président: Nous pouvons peut-être les mettre de chaque côté.
M. O'Brien: C'est cela.
Le président: Ici peut-être.
M. Baikie: Toujours à propos des avantages économiques pour le Labrador, il faut dire que ce n'est pas seulement le Labrador qui va profiter du tourisme. Une fois que nous aurons la route, nous pourrons compter sur des touristes venant du nord-est des États-Unis de même que du reste du Canada central.
La semaine dernière, je suis allé en voiture d'ici à Halifax et à Moncton, et j'ai poursuivi jusqu'à Toronto. J'ai traversé la frontière, aux États-Unis, et je suis revenu à Happy Valley - Goose Bay, en passant par Ottawa. Tout le voyage a duré trois semaines; mais il ne faut que trois jours pour aller en voiture d'ici à Ottawa. Les distances raccourcissent.
Le président: Monsieur Baikie, j'ai quelques questions à vous poser. Le programme d'infrastructure canadien a vu le jour à la fin de 1993. Préconisez-vous que ce programme soit reconduit pour aider par exemple à la construction de cette route? Votre municipalité accepterait-elle de participer à un tiers des coûts dans le cadre d'un tel programme?
M. Baikie: Je ne pense pas que nous puissions y songer pour la route. Je vais vous donner quelques explications sur la façon dont nous nous y sommes pris pour ouvrir la route l'hiver. Il y a environ trois ans, nous avons proposé à la province de nous donner de l'argent pour acheter le matériel nécessaire afin de maintenir la route ouverte pendant les mois d'hiver, c'est-à-dire entre ce mois-ci et le milieu du mois de mai. Nous avons préparé des chiffres. La province a finalement accepté de nous donner l'argent. Mais nous avons dû reconnaître que parce qu'il s'agissait d'une route à l'extérieur des limites de la ville, nous ne pouvions pas faire le travail de la province. C'est alors que la province a décidé de s'en charger et depuis la route est ouverte toute l'année.
Nous avons bien essayé de participer. Je ne pense pas que nous puissions donner un tiers de notre budget pour la construction de la route trans-Labrador. Je pense qu'il faut que cela soit assumé par les gouvernements provincial et fédéral.
Le président: Je ne voulais pas dire que c'est uniquement ainsi qu'on financerait cette route. Je voulais savoir si vous préconisiez la reconduction d'un programme d'infrastructure à peu près dans les mêmes conditions que le premier?
M. Baikie: Absolument. Nous avons tiré parti de ce programme quant à nous. Nous sommes en train d'installer un nouveau système d'approvisionnement en eau dans notre ville grâce à ce programme. Donc, oui, nous serions tout à fait prêts à tirer parti d'un autre programme d'infrastructure.
Le président: Pensez-vous qu'il conviendrait, toujours pour ce qui est de la route, que Inco comme personne morale assume une partie du coût de l'infrastructure nécessaire à ce projet?
M. Baikie: Oui. Cela serait certainement à son avantage. Nous avons parlé de contiguïté et des retombées que l'industrie minière et d'autres industries représentent pour le Labrador. Nous pensons qu'une partie du coût d'acheminement des ressources à l'extérieur du Labrador devrait être assumée par ceux qui mettent ces ressources en valeur. Je pense que Inco devrait verser quelque chose pour défrayer les coûts de cette route.
Le président: A-t-on fait du travail de base pour s'assurer que ce projet engendre un grand nombre d'emplois à valeur ajoutée, plutôt que d'expédier la ressource à l'extérieur pour sa transformation.
M. Baikie: C'est une question dont on parle au Labrador en ce moment. Bien entendu, nous préférerions que de chez nous sortent des fourchettes, des couteaux et des cuillères plutôt que du minerai à l'état brut.
Le président: Est-ce réalisable?
M. Baikie: Jusqu'à un certain point, oui, à mon avis. Nous pensons que les fonderies devraient être construites ici au Labrador. Puisqu'on s'adonnera ici même à l'exploitation minière et puisque le minerai sera traité et mis en valeur ici au Labrador, nous pensons qu'on devrait également construire des fonderies ici même. Nous avons l'infrastructure nécessaire pour soutenir une telle entreprise.
Le président: Vous faudra-t-il beaucoup plus de main-d'oeuvre? Vous faudra-t-il faire venir des gens, ou bien avez-vous déjà toute la main-d'oeuvre dont vous aurez besoin sur place?
M. Baikie: Nous avons la possibilité de trouver des gens sur place, mais s'il s'agit de 600 à 1 000 emplois pour la construction, les mines et les fonderies, il nous faudra importer de la main-d'oeuvre.
Si vous me permettez, regardez ce qui s'est passé ici avec la base. Lorsqu'on a voulu construire la base, il n'y avait qu'une forêt. Il a fallu importer la main-d'oeuvre, mais nous sommes aussi allés chercher des gens de partout au Labrador, de même que dans les autres provinces maritimes. Ce sont ces gens qui nous ont permis de construire la ville de Happy Valley - Goose Bay, qui continue de croître.
Je crois que la même chose se reproduira. Il y a des tas de gens qui ont quitté la région depuis plusieurs années pour se trouver du travail ailleurs au Canada. Ce sont des gens qui ont acquis des compétences qui peuvent servir dans l'industrie minière. Ils sont allés s'établir à Thompson, au Manitoba, en Saskatchewan et dans d'autres villes minières du Canada. Je suis convaincu qu'ils seraient ravis de revenir ici, si on leur trouvait du travail. Nous pouvons récupérer notre main-d'oeuvre qui s'est expatriée.
Le président: J'en ai rencontré plusieurs, au fil de nos déplacements.
Pour ce qui est des services municipaux, la ville serait-elle en mesure d'absorber une augmentation massive de sa population?
M. Baikie: Oui. Dès 1986, à l'époque où l'OTAN a décidé d'ouvrir ici son centre d'entraînement pour ses alliés, nous avons mis au point un plan municipal qui devait permettre d'absorber au moins 1 500 autres lots à être aménagés dans la ville. Nous avons donc une bonne longueur d'avance et il nous reste beaucoup de place pour prendre de l'expansion. Le plan est déjà couché sur papier, et nous sommes prêts à bouger s'il le faut.
Le président: Merci beaucoup et merci d'avoir pris le temps de venir témoigner. Merci aussi de votre hospitalité. Nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui et savons que les discussions seront très fructueuses.
M. Baikie: Je vous souhaite bonne chance.
Le président: Merci beaucoup.
Nous accueillons maintenant notre témoin suivant, M. Fred Hall, directeur général de l'Association de développement des Inuit du Labrador. Bienvenue, monsieur Hall. Je vous invite à prendre une dizaine de minutes pour faire une déclaration, après quoi les membres du comité pourront vous poser des questions.
M. Fred Hall (directeur général, Labrador Inuit Development Association): Merci.
Notre association a été constituée en société en 1982. Nous comptons six filiales dans le domaine de la pêche à la crevette du Nord. Nous faisons un peu d'immobilier sur la Côte-Nord. Nous sommes propriétaires de deux édifices à bureau et demi; nous exploitons une carrière de pierres de petite dimension qui nous permet d'exporter de la pierre jusqu'en Europe à des fins de construction. Nous nous occupons d'approvisionner le projet de Voisey Bay, et nous espérons devenir de plus en plus actifs au fur et à mesure que le projet prendra de l'expansion. Nous sommes en train d'ouvrir une toute petite - j'insiste sur le «petite» - usine de transformation qui devrait nous permettre de transformer les matériaux que nous exportons en Italie en pierres à monument, en pierres tombales ou en pierres à ameublement. Enfin, nous avons formé une coentreprise avec les autres Inuit du Canada - qui sont dans quatre régions, le Labrador, le nord du Québec, l'ouest et l'est de l'Arctique - en vue d'obtenir un contrat d'exploitation et d'entretien du système d'alerte du Nord.
Nous avons également pris part à certaines entreprises telles que la pêche à petite échelle de l'omble de l'Arctique et la chasse commerciale au caribou. Nos entreprises n'ont pas toutes été couronnées de succès, mais celles sur lesquelles nous nous concentrons actuellement semblent donner de bons résultats, et je parle notamment des sites radar, de la pêche à la crevette, de l'immobilier et de notre carrière.
J'ai lu les questions que vous avez envoyées, et il y en a beaucoup. Il me faudrait toute une journée pour y répondre, et c'est pourquoi j'ai inscrit dans mon rapport celles qui me semblaient les plus importantes pour les Inuit du Labrador.
D'entrée de jeu, je précise que nous nous concentrerons sur la Côte-Nord. Comme le mentionne le document, la province a rédigé un rapport sur son plan économique stratégique, et il en est ressorti que la Côte-Nord du Labrador se situe au bas de l'échelle de toutes les régions sur lesquelles on a fait un compte rendu, pour ce qui est du revenu par habitant pour une famille de quatre personnes et des niveaux d'instruction. Je ne veux pas m'étendre là-dessus, mais je tenais à préciser que c'est la région à laquelle nous nous intéressons.
Le Labrador présente une grande diversité. Tandis que les côtes nord et sud présentent les niveaux de vie les plus bas, le centre et l'ouest du Labrador offrent quant à eux les niveaux de vie les plus élevés de la province.
Je veux m'attarder à ce qui nous préoccupe le plus, soit le peu d'accès que nous avons à nos ressources. Si les Inuit du Labrador pouvaient avoir un accès juste et équitable aux ressources, nous pensons que cela pourrait résoudre pour la région la plupart des problèmes que vous avez soulevés dans vos questions.
Nous nous demandons pourquoi nous avons si peu accès aux ressources. Ainsi, à l'époque où il y avait suffisamment de morue du Nord, nous n'avons jamais eu accès à cette pêche, et aujourd'hui, on nous dit qu'il n'y en a presque plus. Nous constatons aussi que l'on est en train de pêcher à un rythme aussi frénétique le flétan noir, le crabe et la crevette. Ces trois espèces pourraient sans aucun doute permettre aux habitants de la côte de vivre convenablement, mais le problème vient de ce que nous devons partager une trop grande partie de cette ressource.
Lorsque nous demandons d'avoir accès aux pétoncles du Banc Georges au large de la Nouvelle-Écosse, nous nous demandons pourquoi on nous le refuse. L'accès aux ressources semble être à sens unique: pourquoi faut-il toujours partager avec les gens du Sud les ressources du Nord alors que l'inverse n'est pas vrai? C'est une question des plus importantes pour nous en termes pratiques, car si nous devions investir dans l'achat de navires de pêche et que nous n'avions accès qu'à nos propres ressources halieutiques, nous ne pourrions pas pêcher la moitié de l'année, à cause des glaces. Mais dès l'été, les gens du Sud viennent chez nous pêcher dans nos eaux, alors que nous ne pouvons descendre chez eux en hiver.
Nous aimerions bien, également, que la politique de contiguïté que prône le ministère des Pêches et des Océans s'applique également dans d'autres ministères, car elle nous permet d'avoir accès à d'autres ressources. Cette politique donne de bons résultats dans certains cas, mais il arrive aussi que lorsque nous pouvons avoir accès à certaines autres ressources, les critères et règlements sont ainsi faits que nous sommes obligés de rendre d'une façon ou d'une autre ce que nous avons capturé.
Je vous donne un exemple: les Inuit et les Innus de Davis Inlet se sont vus accorder il y a environ cinq ans des quotas substantiels en regard du flétan noir, ressource très précieuse. Alors qu'on nous avait consenti ces quotas, on nous obligeait également de par la loi à vendre nos produits à certaines usines. Les propriétaires de ces usines sachant fort bien que nous étions captifs nous ont obligés à vendre nos prises à un tiers de la valeur du marché mondial, ce qui couvrait à peine le coût de notre navire.
L'année suivante, les quotas ayant été émis assortis d'une politique d'invalidation s'ils n'étaient pas utilisés, Davis Inlet perdit alors tous les quotas de la première année. Nous avons réussi à tenir le coup, grâce à une coentreprise. Je crois qu'il nous reste 70 tonnes. Mais comme quelqu'un a réussi à obtenir un contrat exclusif avec la Russie, il réussit à aller pêcher tout ce qu'il veut avec ses bateaux de fortune.
Comme nous n'avons que peu de temps, je ne m'attarderai pas là-dessus, mais je demande au gouvernement, s'il nous consent toujours les quotas, de nous laisser les mains libres et de nous laisser vendre notre produit sur un marché ouvert. N'ayez crainte: nous allons réinvestir cet argent au Canada, et même dans le nord du Labrador. Pourquoi aller le dépenser ailleurs? Ce ne sont pas les Inuit qui vont thésauriser puis aller s'acheter des villas dans le sud de la France!
Autre problème: je crois qu'on ne nous encourage pas à exporter. En fait, c'est la loi qui nous lie les mains.
Dans vos questions, j'ai remarqué que vous insistiez beaucoup sur la valeur ajoutée. Justement, nous voudrions bien décider par nous-mêmes quels sont les produits à valeur ajoutée. Dans le cas du flétan noir, on nous demandait de transporter nos produits jusque dans le Sud pour créer des emplois dans les usines du Sud. Cela, en dépit du fait que le marché était tel que le poisson entier rapportait plus. Parfois, on se demande si ce n'est pas plutôt de la valeur soustraite que de la valeur ajoutée. Si, je le répète, nous pouvions rapporter dans notre région nos revenus, nous les réinvestirions dans le Nord, ce qui nous permettrait de nous affranchir quelque peu des programmes d'assurance-chômage et des programmes de bien-être social que nous dispensent les gens du Sud.
Nous ne sommes que 5 000 Inuit, ce qui est peu, et les ressources du Labrador sont en quantités considérables: nous ne voulons pas les garder toutes pour nous, nous n'en voulons que notre juste part. Il suffirait de peu, pensons-nous, pour hausser le niveau de vie de la Côte-Nord pour qu'il soit comparable au niveau de vie acceptable ailleurs au Canada.
Même du côté de notre carrière, les pressions sont énormes. Le gouvernement provincial essaie de légiférer ce secteur comme il l'a fait pour les pêches et veut nous dicter l'endroit où nous devons transformer notre pierre. Il veut légiférer sous prétexte d'obliger les FPI ou les Incos à transformer leur produit. Voilà la véritable raison de cette législation. Mais je ne crois pas que le gouvernement aura le pouvoir de dicter à Inco sa façon de mener ses affaires. Mais une fois cette mesure adoptée, il lui sera facile de l'invoquer pour nuire à des petites entreprises comme les entreprises inuit du nord du Labrador. D'après ce que nous avons vu dans le secteur des pêches, ce sont les grandes entreprises qui peuvent être exemptées de la loi, car il leur suffit de menacer le gouvernement de fermer cinq ou six usines, pour que ce dernier cède.
Notre carrière emploie 24 personnes, et nous ne sommes pas près de mettre la clé sous la porte. Toutefois, si on nous empêche demain de transformer notre pierre sur place, il nous sera impossible de survivre, car nous faisons concurrence avec le Sri Lanka, Taïwan, la Grèce et l'Italie. Nous n'en sommes encore qu'à nos débuts. Nous existons depuis cinq ans à peine, et nous n'avons fait aucun bénéfice pendant deux ans, réinvestissant tout pour garder nos 24 employés.
Nous voulons transformer notre produit tout autant que les autres. Nous voudrions aussi créer des emplois, mais ne nous dites pas comment faire. C'est nous qui savons ce qui est le mieux pour nous.
Au cours des deux ou trois dernières années d'exploitation de notre petite usine de Hopedale, nous avons étudié les marchés et réussi à trouver des commandes. Nous savons qu'il est possible de le faire mais croyez-moi il n'est pas facile d'exploiter ce genre d'entreprise dans un petit village éloigné et isolé sur une côte couverte de glace.
Nous sommes tous sur la même longueur d'onde: nous voulons créer de l'emploi, mais nous devons avoir suffisamment de marge de manoeuvre pour pouvoir exporter au moment opportun et pour pouvoir opter pour ladite valeur ajoutée, au moment opportun.
Il y a aussi un autre problème qui se pose pour ce qui est de la gestion des pêches: on a l'impression que l'on cherche à se débarrasser d'une ressource à la fois. J'ai déjà dit que les stocks de morue ont presque disparu. Aujourd'hui, c'est le flétan noir qui est en train de disparaître à un rythme plus effarant que jamais. Et ce n'est pas uniquement la faute des Espagnols ou des phoques: c'est aussi la faute des Canadiens. J'ai même entendu des gens dire que l'on peut maintenant pêcher une nouvelle espèce, le crabe porc-épic. On veut d'abord aller chercher tout le flétan possible, puis ensuite, on s'attaquera à ce crabe. Il n'est pas encore possible d'aller pêcher autant qu'on le voudrait le crabe, mais il semble que les pêcheurs vont trouver des moyens de le faire, une fois qu'ils auront mis la main sur tout le flétan noir.
Avec une gestion plus serrée, il y en aurait suffisamment pour partager avec certaines entreprises du Sud. Mais il faut réellement une meilleure planification. Quand les stocks de crabe, de crevette, de flétan noir et de morue se seront rétablis, il faudra les gérer d'une façon plus sensée.
Cela m'amène à parler de formation. Dans le contexte des ressources humaines, vous avez dit qu'il fallait agir au plan de l'alphabétisation. C'est vrai, mais il faut aussi repenser l'équilibre entre la formation professionnelle et universitaire. Il y aura toujours des gens dans ces collectivités septentrionales. On ne peut pas envisager tout simplement de réinstaller les gens - cette expérience de la centralisation - tout simplement parce que les populations du Sud veulent les ressources. Il faut qu'il y ait des gens dans ces régions nordiques. Ce n'est pas possible de réinstaller toute la population dans le Sud si l'on veut continuer d'exploiter les ressources.
En ce qui a trait à la formation, nous encourageons les Inuit du Labrador à choisir le secteur des ressources naturelles. Ils ne vivront peut-être pas en tirant leur subsistance de la chasse, du piégeage et des ressources de la terre comme l'ont fait leurs parents et leurs grands-parents, mais rien n'empêche qu'ils soient biologistes marins, géologues et techniciens. Nous devrions à mon avis concentrer nos ressources dans les secteurs des ressources naturelles en faisant la commercialisation non seulement au Canada mais dans le monde entier. Par ailleurs, si nous voulons faire la commercialisation de nos ressources naturelles, il nous faudra beaucoup de jeunes gens avec une formation solide en technique de conservation et de gestion.
Je ne sais pas combien de temps il me reste.
Le président: Vous pourriez peut-être conclure en quelques phrases.
M. Hall: En guise de conclusion, j'aimerais parler des revendications territoriales.
Il faut que les revendications territoriales soient réglées. L'exploitation de Voisey Bay a fait renaître l'optimisme. Je suis désolé que les revendications n'aient pas été réglées avant. Il faut que cela se fasse pour stimuler la croissance dans le nord du Labrador, mais tant qu'il n'y aura pas de règlement, les Inuit seront exclus de toute participation. Ils croient que si la mise en valeur des ressources se poursuit, alors il n'y aura plus de raison de régler les revendications territoriales. Les négociations s'éternisent depuis 20 ans dans le nord du Labrador et ont mis 100 ans à aboutir dans le cas des Nisga'a en Colombie-Britannique. Nous savons fort bien que ce sont les projets de développement que souhaite le Sud qui serviront de catalyseur pour le règlement des revendications territoriales et, donc, nous ne pouvons pas laisser le développement se poursuivre tant que les revendications territoriales n'auront pas été réglées. De toute façon on y perd.
Le seul recours pour obtenir un règlement ce serait de s'adresser aux tribunaux, ce que personne ne souhaite. Comment aller devant un juge pour demander qu'il ordonne la cessation d'activités auxquelles on participe déjà? Ainsi, impossible de participer avant d'avoir obtenu le règlement des revendications.
Quand les revendications sont enfin réglées, on constate que les Inuit des autres régions du Canada réussissent très bien leur développement économique. J'aimerais croire que les Inuit du Labrador ont su en tirer des leçons et ont compris que le règlement des revendications territoriales favoriserait notre développement global et le partage des ressources avec les autres habitants de la province et les autres Canadiens.
Le président: Merci, monsieur Hall.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Je n'ai qu'une question qui se rattache à l'autre point. Vous avez énuméré la liste de vos besoins, mais j'aimerais savoir quelles seraient vos priorités? Il faut y aller pas à pas.
M. Hall: Comme je l'ai dit, d'abord le règlement des revendications territoriales, puis, bien sûr, ce serait bien de pouvoir négocier avec le gouvernement des accords de gestion et de partage des ressources.
Voulez-vous des détails plus précis...?
M. Deshaies: Quand je parle de priorités, je pense aux besoins des collectivités rurales. Vous avez un besoin spécial en ce qui concerne les revendications territoriales, mais pour assurer le développement économique de votre collectivité, de quels outils spéciaux avez-vous besoin? Par exemple, avez-vous besoin que le gouvernement fédéral vous fournisse du financement, des ressources humaines, des programmes spéciaux?
M. Hall: Tout cela viendra. Les banques ne voudront rien savoir de nous. Nous avons renoncé à nous adresser aux banques, mais si nous avions les ressources et la propriété de ces ressources précieuses, alors je crois que les banques nous ouvriraient leurs portes. Il faut que le ministre des Pêches soit... Il faut que nous ayons notre juste part. Nous devons récupérer notre quota de flétan noir. Je crois que l'on prend 35 à 40 000 tonnes de crevettes le long de la côte, et surtout de la côte du Labrador. C'est une ressource très précieuse. Les Inuit du Labrador ont un quota de 3 000 tonnes. Je ne crois pas que cela soit équitable. Il nous en faut davantage. Si nous pouvions avoir accès à la ressource... Nous l'obtiendrons peut-être dans le cadre des revendications territoriales.
Je ne peux pas dire que nous ayons besoin de l'un ou de l'autre en particulier. J'aimerais m'occuper maintenant d'exploiter la crevette porc-épic. Mais il nous faut diversifier.
M. Deshaies: J'ai l'impression que vos besoins sont tellement grands que n'importe quoi sera une bonne chose. Vous n'avez pas besoin d'avoir des priorités. Ailleurs, c'est nécessaire parce qu'il y a une infrastructure routière minimum ou une infrastructure financière minimum. Il semble que vous ayez ce qu'il vous faut de ce côté-là.
M. Hall: Nous n'avons pas de routes, et la réglementation et les critères sont un cauchemar. Les transports sont terribles pour le développement. Maintenant, nous expédions directement pour l'Italie, mais cela a été très difficile. Si nous avions un peu de collaboration...
Aujourd'hui j'ai un bateau. J'emmène mes gens travailler. On me dit que la Garde côtière a modifié la réglementation et que ce bateau sera déclaré illégal. Il va falloir aller trouver de l'argent pour acheter un autre bateau. Je ne sais pas si je le pourrai. Nous allons peut-être devoir faire marche arrière: il va peut-être nous falloir faire cinq allers et retours en vedette plutôt que de rester dans un bateau plus chaud, plus sûr, abrité... La sécurité est également importante pour nous, mais nous devons pouvoir collaborer avec ces ministères et les fonctionnaire qui travaillent là-dedans. Nous ne voulons pas faire marche arrière. Nous voulons au contraire avancer. Je crois que c'est la même chose pour tout le monde.
Si l'on est à Montréal et que l'on veut expédier quelque chose, il suffit de prendre le téléphone. Si l'un ne peut pas le faire, l'autre le fera. Ne serait-ce que pour faire approuver notre grue, il a fallu très, très longtemps. Il y a énormément de paperasserie. Nous sommes pour la sécurité, mais il nous faut pouvoir collaborer avec les responsables afin de trouver le moyen le plus raisonnable. La réglementation qu'il y a à Montréal pour le transport maritime ne s'applique pas à l'île de la baie Ten Mile que nous avons ici dans le nord du Labrador.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Merci, monsieur Hall. Vous êtes le porte-parole de la Labrador Inuit Development Corporation, et je suppose que vous êtes également un porte-parole pour les Inuit, mais je ne comprends pas trop comment ils sont représentés. Sont-ils d'accord pour que vous soyez là comme porte-parole? Par quel mécanisme peuvent-ils dire ce qu'ils ont à dire, et peuvent-ils être assurés que l'on prend leurs préoccupations en considération? Comment cela se fait-il?
M. Hall: Je suis né à Chicago. Je vis ici maintenant depuis vingt ans, et c'est eux qui m'ont envoyé ici; ils voulaient donc... Je suis leur porte-parole.
M. Ringma: D'accord.
M. Hall: Très franchement, je vous recommanderais d'aller à Nain. Vous verrez là un monde totalement différent. Nain est aussi différent d'ici que St. John's. Et si vous allez au nord de Nain, à Saglek, vous verrez un autre monde tout à fait différent encore. Si vous voulez voir les Inuit, vous devriez aller réellement à Nain. Je travaille pour eux, et ils m'ont demandé de venir ici, et c'est pourquoi...
M. Ringma: Avez-vous l'impression que cette société de développement est quelque chose qui les satisfait et qu'ils ont l'impression d'être bien représentés?
M. Hall: Oh, oui, absolument. N'est-ce pas, Lawrence?
M. O'Brien: Absolument.
M. Hall: Vous verrez... il y a ici des gens de Rigolet et de Hopedale.
M. Ringma: J'aimerais maintenant parler d'autre chose. Vous parliez de ressources, en particulier de poisson, de crevette, de pétoncle et de tout cela. On nous dit toujours qu'on ne peut pas faire les choses convenablement à Ottawa, qu'il faut décentraliser, donner plus de responsabilités aux gens sur le terrain. En fait, c'est encore le message que vous nous laissez ce matin. Vous dites: «Bon sang! laissez-nous cela, et nous vous dirons comment mettre en marché et faire tout cela.»
Prenons l'exemple du ministère des Pêches et des Océans. Venant de la Colombie-Britannique, j'ai un peu le même sentiment sur la côte ouest, où l'on dit que les gens d'Ottawa ne comprennent pas bien la côte ouest. Et c'est certainement ce que je vous entends dire ici. Pensez-vous donc qu'il devrait y avoir dévolution des pouvoirs d'Ottawa dans le secteur des Pêches et des Océans? S'il y avait quelqu'un ici... Je suppose qu'ils ont des inspecteurs et autres, mais il n'y a pas ici de décideurs, et, s'il y en a, ceux-ci ne tiennent pas suffisamment compte de vos besoins. Si davantage de décisions étaient prises ici, pensez-vous que cela faciliterait les choses?
M. Hall: Oui, certainement. Il faut que nous puissions prendre des décisions. C'est très joli d'avoir un bureau, parce que cela crée un emploi, surtout sur la côte. Si l'on a un bureau et une secrétaire, cela crée deux emplois. Mais si on ne peut prendre de décisions... Il faut encore aller à St. John's ou à Ottawa pour obtenir des réponses, même à Goose Bay, à St. John's quelquefois... Et où va l'argent? Il ne va pas au développement économique. Il sert à ouvrir davantage de bureaux. Or, ce qui est important, c'est le pouvoir de décision.
M. Ringma: Oui. Je pourrais poser beaucoup d'autres questions, mais je m'arrêterai là. Merci, monsieur Hall.
Le président: Les trois députés de la majorité voudraient poser des questions. Soyez donc très brefs. Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
Ma question porte sur le renouvellement économique du Canada rural et sur l'encouragement de gens comme vous qui ont un programme. Vous avez parlé d'une population de 5 000 personnes. Combien y a-t-il de jeunes qui sont restés dans cette région? Et quels sont les âges? Pourriez-vous nous donner une idée de cette population?
Vous avez ensuite parlé d'une «part juste et équitable». Très souvent, lorsque nous essayons de faire avancer vos idées, on nous demande, puisque nous sommes au pouvoir: qu'est-ce que signifie «juste et équitable» pour cette région? Pourriez-vous nous le dire, nous dresser un tableau de cette localité, de cette population, de la répartition selon les âges? Qu'est-ce qui serait à votre avis juste et équitable pour que vous puissiez survivre là-bas?
M. Hall: Beaucoup de ces questions reviennent à la question des revendications territoriales. Elles seront discutées à la table de négociation. Nous ne pouvons pas nous contenter d'attendre le règlement des revendications territoriales, mais...
En attendant, c'est en effet la population inuit, et notamment les Inuit qui résident ici. À Nain il y a environ 1 350 personnes aujourd'hui, et la moyenne d'âge est de 15 ans. Au Canada, la moyenne d'âge est d'environ 35 ans. C'est un gros problème qui se présente. Alors que le Canada met l'accent sur une population vieillissante, nous avons 50 p. 100 de notre population qui a moins de 15 ans. C'est un problème absolument énorme.
Ils veulent tous rester. Je ne devrais pas dire tous, mais certainement... C'est ahurissant. D'où je viens, de la ville, on veut aller à la campagne, ou si l'on vit à la campagne on veut voir les lumières de la ville. Je ne pense pas que ce soit la même chose dans la population autochtone. Ils sont véritablement attachés à la terre. Ils veulent rester là et ils reviennent. Même ceux qui s'en vont à l'université reviennent.
Pour ce qui est de «juste et équitable», je disais que nous ne pouvons attendre le règlement des revendications territoriales. Il suffit de regarder... Pour ce qui est de la morue du Nord, il est certain que zéro, ce n'est pas juste. Si l'on considère le niveau de vie, j'aimerais que nous ayons un niveau de vie qui se rapproche davantage de la norme canadienne.
M. Reed: Monsieur Hall, à l'heure actuelle, en matière de développement, le gouvernement insiste beaucoup sur le caractère «durable» de toute initiative. Vous avez parlé de l'épuisement des ressources lorsque vous avez dit que quelqu'un vous avait parlé d'exploiter à fond une ressource, comme la morue, pour passer ensuite au flétan, et, quand ce serait épuisé, pourquoi pas au crabe? D'où peut venir une telle attitude?
M. Hall: Je ne sais pas d'où cela vient mais ce n'est certainement pas...
M. Reed: C'est ce que vous avez dit au comité ce matin.
M. Hall: Ce sont des pêcheurs qui l'ont dit parce que nous avons posé aux pêcheurs la question du crabe porc-épic. Quelqu'un a dit qu'on ne savait pas encore comment le pêcher. L'autre a dit que cela n'était pas grave, qu'on trouverait bien le moyen; qu'on finisse d'abord de pêcher le flétan.
Je suppose que c'est une attitude commerciale. On a une technologie, un bateau et du matériel, alors pourquoi ne pas exploiter la ressource à fond? Lorsque la ressource est épuisée, on passe à une autre.
Il ne s'agit pas simplement de ressources; c'est également géographique. Ils semblent vider une baie avant de passer à la suivante. De la façon dont sont délivrés les permis dans le Sud, ils obtiennent deux ou trois baies et ont des permis pour le crabe. Lorsque leur crabe est épuisé, ils vont deux ou trois baies plus au nord. Il faut alors plus de permis, et, comme il n'y a plus de crabe dans leur baie, il faut qu'ils viennent... Lorsque l'on arrive tout au nord, c'est la pagaille.
M. Reed: Je suis content que vous ayez soulevé la question, parce que je trouve cette attitude très déroutante, pour ne pas dire plus. Si nous voulons avoir une pêche durable, quelles que soient les espèces, il faut laisser les stocks se refaire pour maintenir un équilibre. Peut-être qu'il va falloir examiner la question de plus près.
L'autre message que vous me laissez, c'est que la réglementation gouvernementale représente toujours un obstacle pour vous et que d'une façon ou d'une autre il va falloir parvenir à éliminer ces obstacles.
M. Hall: Quelquefois j'ai l'impression qu'il y a tout un immeuble à Ottawa qui n'existe que pour moi.
Des voix: Oh, oh!
Le président: C'est un gros immeuble avec beaucoup de divisions.
M. Hall: Oui, et on n'arrête pas de m'envoyer...
Nous avons une petite mine qui emploie 24 personnes. Je crois que nous recevons toute la correspondance et tous les sondages que reçoit la compagnie Iron Ore, parce qu'il y a cette liste des mines du Labrador. Iron Ore en reçoit probablement plus, mais vous voyez ce que je veux dire. Il y a certaines choses pour lesquelles nous n'avons tout simplement pas le personnel voulu pour s'occuper de cela.
Là encore, je ne veux pas sacrifier la sécurité, mais il faut prévoir une certaine latitude dans certains de ces règlements, parce que, quelquefois, il peut être plus dangereux de suivre les règlements.
Le président: M. O'Brien voudrait poser une petite question.
M. O'Brien: Merci, monsieur le président.
Je voudrais remettre ce que vient de dire M. Hall dans un contexte plus général. Malheureusement, à titre de député, je tends à être d'accord avec lui parce que je vis sur cette terre et représente cette population.
À l'heure actuelle, le Labrador se voit attribuer 90 tonnes de flétan pour LIDA, votre organisation, 150 tonnes pour Torngat, et l'allocation accordée à l'entreprise de crevettes du Sud a été complètement supprimée, ce qui donne un total de 250 tonnes. Comparez cela aux 1 900 tonnes attribuées à Bill Barry seul, à Corner Brook, et aux 1 640 tonnes qu'a Clearwater à Canso, etc. Vous demandez où sont les contradictions? Vous voulez parler de gens qui ne voient pas d'issue? C'est cela le problème.
Si vous appliquez cela aux règlements - et la liste n'en finit plus - on peut se demander pourquoi le Labrador est tellement pauvre alors que nous avons une terre si riche.
C'est cela le problème. C'est ce que j'ai dit à la Chambre des communes, aux réunions du groupe parlementaire et partout. C'est décourageant, c'est frustrant. Nous avons entendu le maire Baikie nous déclarer qu'il trouvait cela frustrant. Tous les autres vont nous dire que c'est frustrant.
C'est tout ce que je voulais dire, monsieur le président. Vous êtes ici pour entendre la population, qui considère que la situation est terriblement frustrante. Nous avons des tas de ressources; si seulement les gouvernements fédéral et provincial voulaient bien nous donner la possibilité de les exploiter, mais comme vous le dit ce monsieur de façon très claire, on ne semble pas vouloir nous le permettre.
J'en resterai là.
Le président: Merci, monsieur O'Brien.
Je puis vous dire à tous que Lawrence répète cela sans arrêt à Ottawa; il n'y manque jamais. Ce qu'il vient de dire, il nous le dit tout le temps à Ottawa.
M. Hall: Je suis d'accord avec Lawrence. Peut-être ne devrais-je pas conclure ainsi car c'est une mauvaise façon de terminer mais la situation est vraiment désespérée.
Nous voyons Davis Inlet aux actualités. Il y a de grandes réunions d'urgence à Nain. En dix jours, nous avons eu un suicide, deux tentatives de suicide et deux décès. Il est presque préférable d'être pauvre sur une terre pauvre que pauvre sur une terre aussi riche. C'est tellement frustrant.
Le président: Votre argument est valable.
Nous vous remercions beaucoup pour votre témoignage. L'un des éléments que j'en retiens est ce que vous avez fait valoir à propos de la valeur ajoutée lorsque c'est justifiable économiquement parlant. La réserve à ce sujet est excellente, et nous vous en savons gré. Merci.
M. Hall: Merci de m'avoir entendu.
Le président: J'aimerais maintenant citer notre prochain témoin, Mme Diane Flowers, conseillère au Conseil communautaire de Hopedale.
Bienvenue à vous. Je vous demanderais de nous dire quelques mots en guise d'introduction, pendant une dizaine de minutes, après quoi les membres du comité vous poseront leurs questions.
Mme Diane Flowers (conseillère, Conseil communautaire de Hopedale): Je vous remercie.
Le président: Peut-être voudriez-vous nous présenter votre collègue.
Mme Flowers: Bien entendu. C'est Ches Piercy qui fait également partie de notre conseil communautaire.
Nous allons nous limiter aujourd'hui à répéter ce que Fred vient de vous dire à propos de la côte et peut-être vous dire également quelques mots à propos de Hopedale, certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés et le genre de solutions que nous essayons de leur apporter. Il est bien évidemment impossible de résoudre indépendamment les énormes problèmes qui se posent sur la côte, de sorte que nous espérons pouvoir arriver à un genre de solutions qui feraient intervenir tous les gouvernements, pour créer ainsi un climat plus favorable à l'avenir de notre collectivité qui est en croissance rapide. Comme Fred l'a dit, notre population est jeune.
Je commencerai donc, monsieur le président, par vous décrire un peu notre localité si vous me le permettez.
Hopedale compte environ 650 résidents dont 600 environ sont des membres inscrits aux termes de la loi, sans pour autant avoir tous le droit de vote étant donné que, je l'ai déjà dit, notre population est relativement jeune. La croissance démographique y est très rapide en raison de notre taux de natalité. Nous ne pouvons plus donner suite aux besoins à mesure que la population augmente.
À l'instar de n'importe quelle autre collectivité, nous avons été de plus en plus assaillis au fil des ans par une foule de problèmes comme un taux de chômage élevé et des conditions de logement précaires. Cet état de choses a entraîné à son tour des problèmes sociaux comme l'alcoolisme, un taux élevé de criminalité, la dépression et, dans l'ensemble, un gros problème d'estime de soi.
En tant que conseil communautaire, nous avons formé la conviction que les éléments suivants permettraient d'améliorer la situation d'ensemble de la collectivité. Je vais vous faire valoir deux secteurs de préoccupation principaux et M. Piercy vous en exposera un troisième.
Nous avons choisi aujourd'hui trois catégories. D'abord, la mise en valeur des terres. En second lieu, la valorisation de la jeunesse. En troisième lieu, la formation à l'emploi. Ces trois éléments résument l'attaque que nous lançons contre les problèmes sociaux de notre communauté. Nous estimons que si nous parvenions à enrayer ces problèmes-là, nous serions extrêmement bien partis pour éliminer nos problèmes sociaux car, comme chacun le sait, lorsqu'on est hyperoccupés, on n'a pas le temps de se créer de problèmes. Lorsque quelqu'un travaille, il est trop occupé à gagner de l'argent ou à faire vivre sa famille pour se lancer dans quelque chose qui risque de lui attirer des ennuis.
Je commencerai donc par la mise en valeur des terres. À Hopedale, c'est là l'un de nos principaux problèmes. L'une des raisons principales pour lesquelles nous ne sommes pas en mesure à Hopedale d'offrir des logements à tous nos gens, sans même parler de questions de financement, c'est que nous sommes installés pratiquement sur de la roche nue. Pour construire ces maisons dont nous avons désespérément besoin... Nous sommes tous à l'étroit dans les maisons existantes qui sont surpeuplées. Vous aurez du mal à trouver à Hopedale une maison où vous puissiez trouver une chambre libre pour accueillir un membre de votre famille en visite. Les visiteurs doivent le plus souvent coucher à la dure sur le plancher, ou alors partager un lit à deux ou trois. C'est ainsi que nous devons vivre à Hopedale.
Je connais des cas où seize personnes vivent dans une maison de deux chambres à coucher. Cela était le cas chez moi, dans ma propre collectivité, et c'est un état de chose qui avait duré très longtemps. On bricolait l'une ou l'autre réparation sur une toute petite maison. Jamais des agrandissements, non, rien que des petites réparations, des aménagements, ajouter une fenêtre ou que sais-je encore. Donc c'est un peu comme si on mettait un emplâtre sur le bobo dans l'espoir que ces seize personnes... Il y en a probablement quatorze qui vont finir par déménager, mais où allons-nous les installer? Si vous avez une maison de deux chambres et seize personnes à loger, ce n'est pas très joli. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas très hygiénique non plus.
Nous avons fini par construire des maisons au sommet des collines. Pour nous, une colline, et cela je l'ai appris au fil des années, cela peut être une montagne pour quelqu'un qui n'a jamais visité notre région. Je serais incapable de vous donner la hauteur de la colline en question, mais disons une cinquantaine de mètres pour vous situer les choses. Nous avons donc dû construire ces maisons sur la roche nue en haut des collines.
Et cela crée un autre type de problèmes. Les gens ont des maisons, fort bien, mais que se passe-t-il si vous voulez leur donner de l'eau courante et des égouts? Il est impossible de faire venir l'eau ou les égouts en haut d'une colline. Cela coûterait des fortunes parce qu'il faudrait faire des tranchées dans le roc à la dynamite. Et à ce moment-là, en tout état de cause, il n'y aurait plus de colline. De sorte que la fondation même de la maison ne serait plus sécuritaire. Au niveau du logement, c'est donc un genre de réaction en chaîne et nous agissons au mieux que nous pouvons.
Ainsi, Hopedale estime que le problème numéro un c'est la mise en valeur du sol. Nous savons qu'il est possible de faire de la mise en valeur à certains endroits. Ainsi, notre collectivité a fini par prendre de l'expansion, depuis sept ou huit ans, dans une petite subdivision, et ce quartier croît très rapidement. Vous y trouvez des maisons un peu partout, là où vous ne pensiez pas que la chose eût été possible. Nous savons donc que le sol peut être utilisé, et il nous en reste. Le problème, c'est que nous n'avons pas l'argent.
Comme je le disais, c'est une réaction en chaîne. Dès lors que nous commençons à nous attaquer de front aux principaux problèmes qui sont ceux de notre collectivité, des solutions sont avancées dans le cas des problèmes qui font le plus les manchettes comme l'alcoolisme, la criminalité et le suicide. Mais ce sont les seuls problèmes qui fassent les manchettes - pas ce dont nous avons besoin, non, mais les problèmes qui nous sont propres. Je pense que nous nous occupons de ce dont nous avons besoin, mais qu'il faut également nous laisser nous occuper de nos problèmes internes.
Quoi qu'il en soit, c'est ce qu'il en est.
M. Ches Piercy (conseiller, Conseil communautaire de Hopedale): Je vais vous dire quelques mots de l'évolution de la situation dans notre collectivité.
Comme chaque génération le sait fort bien, notre avenir repose sur les épaules des plus jeunes. Et cela, c'est une lourde tâche qu'on soit jeune ou qu'on soit vieux. Pour mettre nos jeunes gens sur la bonne voie, nous devons leur offrir un environnement optimiste et leur enseigner leurs responsabilités.
Si nous escomptons de nos jeunes gens qu'ils offrent à la génération suivante l'environnement le plus propice, nous devons leur donner de bons enseignements. Nous devons leur enseigner le sens des responsabilités, le respect et le souci d'améliorer les choses, et faire en sorte également que cet enseignement soit transmis aux générations futures.
L'être humain est la ressource naturelle la plus importante que nous ayons, et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous occuper des nôtres avant de nous occuper de quoi que ce soit d'autre.
Les jeunes gens ont l'esprit curieux et ils sont prêts à apprendre. Profitons-en pour leur enseigner le bien lorsque nous le pouvons et pour leur chercher des potentialités. À l'heure actuelle à Hopedale, il n'y a pas grand-chose à faire pour les jeunes gens. Il y a peut-être ici et là une soirée dansante ou que sais-je encore, mais je suis persuadé que nous pourrions leur offrir autre chose pour que leur avenir soit plus prometteur qu'il ne l'est actuellement. Pour l'instant, nous n'avons rien à leur offrir. Très peu en fait. Et ce que nous avons, nous l'avons créé nous-mêmes au sein de la collectivité. En tant qu'adultes, il nous appartient de faire en sorte que les jeunes gens aient quelque chose à attendre de la vie afin qu'ils puissent s'employer à la rendre meilleure. Voilà à peu près ce qu'il en est de la jeunesse de Hopedale.
Il y a maintenant un autre élément que nous avons décidé d'aborder ici. On nous a demandé de limiter notre exposé à un seul domaine, mais nous avons décidé de tirer parti de nos 10 minutes pour en aborder trois plutôt qu'un.
À l'heure actuelle, le taux de chômage est de 85 p. 100 à Hopedale, et la très grande majorité de ces sans-emploi ont besoin de l'assistance publique pour subvenir à leurs besoins. À Hopedale, il y a très peu de personnel qualifié dans le domaine industriel. Nous devons commencer à relever le niveau d'éducation de notre population, parce que tout commence à se développer, et en particulier à Voisey Bay.
Très peu de gens ont fait des études étant donné qu'il fallait quitter la collectivité pour poursuivre des études supérieures. Cela a été un problème pendant des années à Hopedale. Moi, j'ai dû quitter Hopedale à l'âge de 12 ans pour aller à l'école secondaire parce qu'à l'époque, il n'y avait pas de 7e année à Hopedale. Je me suis rendu compte que lorsque nous allions à l'école à Goose Bay, le taux de décrochage était très élevé parce que ces jeunes gens étaient arrachés à leurs foyers à un âge très tendre et ils ne pouvaient pas le supporter.
Le conseil dont je fais partie estime qu'une formation à domicile donnerait un taux de réussite plus élevé parce que les élèves seraient chez eux et se sentiraient plus à l'aide dans un environnement qu'ils connaissent. Il y aurait ainsi beaucoup moins de stress. Certes, il est toujours possible de faire des études, mais invariablement il faut quitter le foyer pour le faire. Nous avons donc le sentiment que si nous étions en mesure d'obtenir l'aide voulue et d'offrir une formation ou des études à Hopedale, sur place, les gens sauteraient sur l'occasion. Le taux de décrochage serait beaucoup moins élevé, etc.
Voilà, c'est à peu près tout.
Le président: Je vous remercie.
M. Piercy: De rien.
Le président: Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Vous avez déjà répondu à ma première question à propos des besoins de votre collectivité en nous disant que vous avez besoin d'une structure d'enseignement à domicile parce que les jeunes gens ont du mal à accepter de se retrouver isolés. Je suis sûr qu'il est extrêmement difficile de voir ses enfants s'en aller à un âge si tendre pour faire des études. Vous voyez vos enfants quitter le foyer familial à l'âge de 12 ans pour revenir peut-être à 18 ans. De quoi auriez-vous encore besoin comme outil?
M. Piercy: Essentiellement, tout ce que nous demandons, c'est de pouvoir bénéficier des programmes existants pour pouvoir assurer l'éducation de la jeunesse. Au lieu de devoir envoyer nos enfants ailleurs, il faudrait que quelqu'un vienne chez nous pour dispenser l'enseignement au sein de la collectivité. Tout ce que nous demandons, c'est une formule permettant d'étudier à la maison.
Mme Flowers: Moi, j'ai eu de la chance. J'ai terminé ma 12e année puis j'ai essayé le collège pour voir ce que cela donnerait. Aller au collège a été un genre de choc culturel pour moi. Même s'il ne s'agissait que d'aller de Hopedale à Goose Bay, le choc culturel était bien réel. Je venais d'avoir 17 ans et je devais donc quitter mes parents. Je devais apprendre à gérer mes finances. J'ai également dû apprendre une nouvelle façon de travailler pour l'école. J'ai essayé d'apprendre des choses que je n'avais jamais vues de ma vie.
Ce qui a également entravé mes efforts, c'est que j'ai été acceptée à l'école une semaine en retard. Je suis arrivée et ils m'ont acceptée... Je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler une tête de classe, mais je peux apprendre et, en temps normal, dans un environnement confortable, j'apprends beaucoup. Dans le cadre de discussions plus formelles que celle-ci, j'ai un peu tendance à me fermer et à en apprendre moins et, pour vous donner une idée, le sentiment que j'ai ici aujourd'hui devant vous, c'est un peu le sentiment que j'éprouvais alors à l'école. J'ai un peu l'esprit qui tourner à vide parce que je ne me sens pas à l'aise, je ne me sens pas détendue et on sait fort bien que plus on est calme et détendu, mieux on fonctionne en tant qu'être humain.
De sorte que lorsque j'ai commencé mes études au collège, pendant la première quinzaine ou le premier mois, cela a été horrible, un véritable cauchemar. J'étais là en classe et je me sentais minuscule. Dans ma classe, il y avait quelqu'un d'autre qui venait de la côte et dont je me sentais proche. Il y avait une ou deux personnes que je connaissais, mais je me sentais quand même vraiment très petite. Mon professeur me semblait un peu comme le Mont Everest. C'était étonnant.
J'aimerais qu'il y ait un programme conçu de manière à préparer les jeunes à ce genre de choc culturel - soit cela, soit encore des cours de première année à l'université ou des cours collégiaux qui seraient offerts dans la collectivité même. On dépense énormément...
J'ai été très déçue lorsque les pouvoirs publics ont créé ce programme d'actualisation. Il m'a fallu 13 ans d'études pour y arriver. Je suis allée en classe pendant 13 ans pour arriver à ma 12e année parce que je pensais que tout le monde était censé aller jusque-là, et puis je vois tous ces décrocheurs qui arrivent et qui touchent leur indemnité de formation. Ce sont ces types avec qui je suis allée à l'école. Eux ont décroché, et puis ils reviennent.
Je ne disconviens pas du fait qu'ils survivent. Je suis d'accord à 100 p. 100. Mais qu'en est-il des autres, ceux qui sont allés jusqu'en 12e année? Ils n'ont pas eu à subir ces chocs culturels que j'ai subis moi. C'est le genre de chose que je ne souhaite à personne.
Et je sais que je ne suis pas la seule dans ce cas-là. Je l'ai vu moi-même... Il y a eu des gens très intelligents qui sont allés étudier par exemple à Mount Saint Vincent en Nouvelle-Écosse, un pays totalement plat où il n'y a rien. Ces gens peuvent faire un boulot extraordinaire et leurs qualités intellectuelles méritent de les faire inscrire au palmarès d'honneur, mais ils sont incapables de fonctionner en raison des tensions et du choc culturel. Tout d'un coup, tout ce que vous avez connu jusque-là n'existe plus. Bien sûr, vous pouvez y faire vos études, vous êtes capable de suivre, mais vous ne pouvez pas fonctionner. C'est impossible.
J'ignore ce qu'il en est dans la localité ou la collectivité de chacun, mais chez moi, il n'y a pas beaucoup de gens comme moi. Je suis extravertie - ma bouche est ce que j'ai de plus actif - mais tous mes amis sont assez discrets quoique fort intelligents. Moi, j'ai toujours pensé que c'était moi l'idiote par rapport à tous les autres. La seule chose qui continue à me faire aller, c'est que moi j'ouvre la bouche et je dis ce que je pense, et les autres pas. Je peux vous le dire, il y a chez nous tellement de talents à l'état brut, talents musicaux, talents créateurs, talents d'écrivain, mais qui restent en friche. Je les connais bien. Certains d'entre eux font partie de ma famille. D'autres ont été mes condisciples.
J'aimerais donc voir mettre en place un genre de système qui nous permettrait de les préparer à cela, peut-être avec un genre de préparation collégiale et des cours de première année qui leur permettraient d'être prêts, ou alors en commençant à la maison afin qu'ils sachent qu'ils ont au moins les bases théoriques... Excusez-moi?
Le président: Je vous en prie.
Monsieur Ringma.
M. Ringma: Pourquoi pensez-vous que les pouvoirs publics n'ont pas donné suite à vos demandes lorsque vous réclamiez de pouvoir faire vos études sur place dans la collectivité?
Mme Flowers: Personnellement, je dirais que c'était par ignorance. Nous sommes tellement peu nombreux dans un pays qui est si grand. Nous sommes minuscules. Il s'agit d'environ 600 personnes qui font partie de notre petite collectivité et, sans vouloir manquer de respect à qui que ce soit, Ottawa est une ville de combien, un million de personnes par rapport à ce que nous avons nous, alors pourquoi allez-vous vous pencher sur nos problèmes à moins que nous fassions beaucoup de battage? Comprenez-vous ce que j'essaie de vous dire?
M. Ringma: Si nous allons nous intéresser à vous, c'est en partie la raison d'être même de ce comité. Nous nous intéressons au développement de l'ensemble du Canada, mais surtout des régions non urbaines. Vous représentez le Canada non urbain et vous venez nous dire ce qui ne va pas chez vous. Nous savons, pour avoir écouté d'autres témoins, qu'il est possible d'implanter des écoles dans votre collectivité. Cette autoroute de l'information s'allonge de jour en jour, et je pense que quelque chose peut être fait à ce sujet à condition de vouloir le faire.
Une dernière toute petite chose. Vous avez parlé de la situation chez vous en matière de logement, d'éducation, etc. J'ai également entendu ce que disait M. Hall. Est-ce que vous étiez déjà dans la salle?
Mme Flowers: Oui, j'ai entendu une partie de son exposé.
M. Ringma: C'est également un excellent porte-parole, à mon avis du moins, parce qu'il nous a dit qu'il y avait énormément de jeunes Inuit qui voulaient rester là, qui avaient les talents nécessaires et tout le bagage voulu. Mais il semble y avoir un genre de contradiction entre ce que vous nous dites et ce que lui nous a dit. Est-ce que je me trompe? Avez-vous comme lui le sentiment que les jeunes gens veulent rester? Avez-vous le sentiment comme lui qu'ils ont les moyens de produire dans tous les domaines intéressant les ressources naturelles, qu'il s'agisse de la pêche, de la chasse ou du tourisme? À votre avis, est-ce vraiment un avenir?
Mme Flowers: Assurément.
M. Ringma: Et est-ce là qu'ils veulent rester?
Mme Flowers: C'est exact. Je ne voulais pas donner l'impression de le contredire, au contraire, je voulais compléter ce qu'il avait dit. Je n'ai pas entendu tout son exposé, mais je voulais simplement poursuivre dans le même sens que lui.
Oui, nous voulons rester ici. Nous sommes allés suivre des cours au collège communautaire et des amis à moi sont allés à l'université, mais nous sommes tous rentrés. C'est sans doute qu'on n'est jamais mieux que chez soi. C'est notre cas à tous. C'est notre chez nous, notre filet de sécurité. Nous sommes très proches les uns des autres. Se serrer les coudes, l'entraide, c'était le mot d'ordre des années 60 et 70 et cela revient au goût du jour, surtout ici.
On n'a pas cessé de nous le seriner: allez étudier et revenez ici nous aider. On nous l'a répété tant et tant. Chacun est allé de son côté et est parti explorer, mais tous sont revenus. C'est un long combat que nous menons, et bien souvent, nous avons l'impression d'échouer. Nous voulons résoudre ces questions, pour corriger nos problèmes sociaux. Il faudra un peu d'efforts, c'est tout. Une fois que les problèmes économiques seront réglés, nous pourrons résoudre nos problèmes sociaux. C'est ce que je veux dire.
M. Ringma: Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Vous avez mis le doigt sur un phénomène généralisé partout au pays. Essentiellement, il s'agit de l'accès à l'information. J'ai bon espoir que pour la première fois peut-être, nous pourrons ouvrir l'accès à l'information, dans son sens le plus moderne, dans toutes les régions rurales du pays.
Revenons aux origines de Hopedale. Qu'est-ce qui explique son existence?
Mme Flowers: Hopedale existe. C'est une question philosophique.
M. Reed: J'aimerais savoir quelles sont ses origines.
Mme Flowers: Cela remonte à la grippe espagnole au XVIIIe ou au XIXe siècle. Excusez du peu, l'histoire n'a jamais été mon fort. Il y a eu une épidémie de grippe espagnole à Hebron et à Alcock; les gens se sont réfugiés dans les petites localités comme Hopedale et Nain.
Aussi, il y avait un port de pêche à la baleine. Une partie de l'endroit s'appelait Agvituk, ce qui signifie «là où se trouvent les baleines». Les petits bateaux venaient y dépecer les baleines capturées.
Puis les missionnaires sont venus, en 1871, je crois.
Une voix: En 1872.
Mme Flowers: D'accord. En 1872, des missionnaires allemands ont demandé une concession de terre en Angleterre. Ils l'ont obtenue, ont fabriqué les éléments d'habitation, les ont emportés ici et les ont montés. Aujourd'hui, corrigez-moi si me je trompe, l'histoire et moi, vous savez... Nous avons ici l'un des plus vieux bâtiments, ou le plus vieux bâtiment d'Amérique du Nord.
Une voix: De l'est du pays.
Mme Flowers: De l'est du pays? C'est de moins en moins impressionnant, n'est-ce pas?
Des voix: Oh, oh!
Mme Flowers: Il y a donc ça et puis un musée pour lequel les gens se décarcassent. Ils essayent de l'améliorer, mais ça n'avance pas beaucoup. Ils y travaillent toujours.
Dans bien des domaines, ils se sont pris en main, mais il faut beaucoup d'argent pour prendre de l'expansion. Nous avons en tout cas commencé la phase de reconstruction.
Je ne veux pas froisser Ches ni personne d'autre de sa génération, mais...
M. Piercy: Je ne suis pas si vieux que ça.
Des voix: Oh, oh!
Mme Flowers: Ma génération a pris le relais. Il y a en tout cas une génération entre celle de Ches et la mienne. Cela a commencé avec la sienne.
Il y a une sorte de poussée de fierté culturelle et d'unité sociale. C'est donc en marche et nous espérons faire un retour en force. Mais tout le monde a besoin d'un coup de main et les grands défis à relever sont ceux que je vous ai décrits. Il y en a aussi d'autres, moins évidents, dont on parlera sans doute au cours de la discussion.
M. Reed: J'ai une courte question, monsieur le président. Je ne veux pas accaparer tout le temps de parole.
Le président: Vous êtes en train de le monopoliser, monsieur Reed, mais Mme Cowling m'a indiqué qu'elle renonce à ses questions en votre faveur.
Des voix: Oh, oh!
M. Reed: Est-ce que l'arrivée de Voisey Bay a du bon pour Hopedale? J'ai entendu dire que la compagnie minière est prête à former ceux qui veulent travailler pour cette industrie. Est-ce que l'action à Voisey Bay va profiter aux gens de Hopedale?
Mme Flowers: Je vais vous dire ce qui est arrivé depuis qu'il y a eu ce boom économique. Rien du tout.
Des voix: Oh, oh!
Mme Flowers: Il n'y a rien eu chez nous depuis le début du boom. On s'attendait à une manne. À transporter les gens d'un bout à l'autre du pays. Mais l'activité minière ne nous a rien apporté. Tout est allé à Nain. Ici, nous sommes à Happy Valley. Nous avons bien peu à offrir en fournitures. Nous n'avons rien pour l'industrie. Nous-mêmes n'avons pas d'industrie. Nous existons, c'est tout.
C'est très frustrant pour nous. Il y a des choses mesquines qui ont été dites, du genre: pourquoi cette localité devrait-elle en profiter? Pourquoi est-ce que St. John's devrait en profiter alors que c'est notre territoire à nous? On est en territoire autochtone. Pourquoi l'argent devrait-il s'envoler là-bas alors qu'il y a toujours 85 p. 100 de chômage ici? C'est une question très délicate pour tous les villages de la côte, surtout Hopedale et Rigolet, qui traversent une passe très difficile par rapport aux autres villages de la côte. Nous sommes un humble et pauvre village.
Le président: Malheureusement, il va falloir enchaîner. Je vais laisser le dernier mot à M. O'Brien parce que je sais qu'il y tient. Je vais ensuite passer au prochain témoin.
M. O'Brien: J'aimerais dire plusieurs choses. D'abord à propos du taux de chômage de 85 p. 100. Sans vouloir vous prêter des propos, ce que j'ai tendance à faire à cause de ce que je sais, je vais vous demander ce que nous pouvons faire. Vous avez parlé de formation et des jeunes. Je vous suis. Nous en avons parlé un peu.
Quelles sont les possibilités d'emploi? Quel est le potentiel industriel ou qu'est-ce que le village peut faire pour réduire le taux de chômage à moins de 85 p. 100?
Mme Flowers: Vous savez sans doute tous que la colonie de phoques a énormément augmenté. Il a vaguement été question d'une conserverie de phoques. On songe à créer une forme quelconque d'industrie qui ferait vivre le village.
Il y a des possibilités du côté de la carrière LIDC. Lorsqu'elle sera ouverte, elle est censée donner de l'emploi à une poignée de gens; sept au maximum, je crois. Il restera quand même 83 p. 100 de la population en chômage.
On a donc parlé de conserverie de phoques et de fabrique de meubles. Mais tout ça, ce ne sont que des mots. Nous n'avons pas l'argent voulu pour commander des études de faisabilité ou envisager d'autres options ou même réaliser une nouvelle idée. Nous n'avons pas d'argent pour ce type de développement.
M. O'Brien: D'après vous, combien de gens s'adonnent à la pêche? J'ai vu ce qui est arrivé à Hopedale cet été. Quel est votre avis à propos de la pêche? Vous étiez là lorsque nous en avons parlé tout à l'heure.
Mme Flowers: J'ai entendu Fred dire qu'il va aller pêcher le flétan noir puis le crabe royal. Je vais vous dire ce qui est arrivé à Hopedale cet été. La compagnie de pêche gaspésienne est venue des Îles de la Madeleine. Elle a embauché 24 personnes. Personne ne s'est enrichi. Elles ont gagné environ 45 $ pendant ces deux semaines-là. Elles n'ont versé aucune cotisation à l'assurance-chômage. Elles n'ont pas fait beaucoup d'argent.
Beaucoup de gens s'attendent à ce que ça marche encore plus fort l'année prochaine, mais pas moi.
Il y en a qui se sont plaint du quota. Il n'est pas assez élevé. Si l'on ne veut pas disparaître dans 20 ou 30 ans, il faut faire quelque chose. Il faut que les quotas soient réduits ailleurs, sans quoi on ne s'en sortira pas. Je ne vois pas comment ça peut se faire, mais j'espère bien qu'une industrie pourra nous aider à survivre et à prospérer.
Avant de terminer, je voudrais dire quelque chose à propos d'une note que Ches m'a passée. Il y a quelque chose qui agace énormément les gens: les travailleurs de l'extérieur.
Voici ce que je veux dire. Un type décroche un contrat ici. Il a besoin de quatre travailleurs. Il en fait venir quatre. Le travail se fait, tout le monde reste en chômage et lui empoche l'argent.
Et ça pourrait être pire. Les gens viennent ici travailler sur notre territoire à nous. Ça nous appartient. Ils viennent faire leur travail ici. Je n'ai rien contre, mais ils n'embauchent aucun d'entre nous. On passe par-dessus des gens d'ici qui sont qualifiés. On a toujours besoin de gens qualifiés.
M. O'Brien: Il y a une dernière chose que je voudrais dire aux membres du comité, si vous me le permettez. Il y a 600 personnes à Hopedale. Deux témoins vous ont fait part de leur désespoir.
Ce que je veux vous dire, c'est que l'immense majorité des crevettes sont pêchées au large de Hopedale, tout près d'ici. Il y a 17 permis au Canada. Cela représente une industrie de 120 millions de dollars au Danemark, à cause de la filière étrangère. Les centaines de milliers de tonnes de flétan noir vendues au pays et en Europe sont pêchées au large de Hopedale. Et vous venez d'entendre ce qui se passe à Hopedale. Essayez de voir les choses en perspective.
Le président: Merci, monsieur O'Brien.
Merci, monsieur Piercy et vous aussi madame Flowers. Vous avez dû vous sentir à l'aise ici aujourd'hui, parce que vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence. Vous êtes d'excellents porte-parole de votre collectivité. Vous avez su faire comprendre aux membres du comité les problèmes avec lesquels vous êtes aux prises. Vous y avez réussi. Votre témoignage est très utile et nous vous en sommes très reconnaissants. Cela nous a beaucoup apporté. Merci.
Nous entendrons maintenant le directeur des Affaires des jeunes de la Southeastern Aurora Development Association, M. Byron Rumbolt. Bienvenue, Byron. Je vais vous inviter à faire une déclaration d'une dizaine de minutes, après quoi nous allons passer aux questions.
M. Byron Rumbolt (directeur des Affaires des jeunes, Southeastern Aurora Development Association): La mise en valeur des richesses naturelles du Labrador au profit des habitants du Labrador est nécessaire à notre survie au XXIe siècle. Trop longtemps nos richesses naturelles ont été spoliées. Le moment est venu pour les habitants du Labrador de prendre en charge ce qui leur appartient.
Je vais vous donner un exemple patent de la perte de maîtrise sur nos richesses naturelles. Cela s'est passé l'été dernier à Cartwright. Un groupe de l'extérieur a commencé à bâtir un camp de pêche sur le fleuve Eagle. Il est temps que les habitants du Labrador se défendent et cessent de se laisser intimider et duper par des gens de l'extérieur.
Nous sommes restés sans rien dire trop longtemps et c'est fini. Nous félicitons la population de Cartwright qui a protesté contre ce camp de pêche destiné aux riches qui n'apportait aucun avantage à la population locale.
Nous savons que le Labrador regorge de richesses et nous sommes prêts à nous serrer les coudes et à nous entraider. Nous continuerons de dire à nos élus que nos villages sont vigoureux et qu'il est révolu le temps où on faisait comme si on n'existait pas.
Malgré les ouvrages comme ceux de Churchill Falls, de la Compagnie minière IOC et de Wabush Mines, la population du Labrador n'a toujours pas de réseau routier sûr et convenable. Il nous faut des lois qui garantiront qu'une partie des redevances tirées de l'exploitation des richesses naturelles du Labrador sera versée dans un fonds spécial destiné au développement de la région.
Notre association vient d'entreprendre l'élaboration d'un plan stratégique quinquennal et c'est l'autoroute trans-Labrador qui sera le facteur déterminant de l'essor économique durable de notre région.
Nos principales faiblesses sont le manque d'accès par la route, les frais de transport élevés et la longue durée du transit vers les marchés. On n'a consacré aucuns fonds à l'équipement routier chez nous, même si les services et les subventions de transport maritime ont subi des compressions radicales. Il est temps que la côte du Labrador reçoive en priorité des crédits au transport des gouvernements fédéral et provincial.
Ce qui compte pour nous, ce n'est pas tant de créer des emplois que de créer un cadre propice à la diversification de l'économie. Cela ne se fait pas actuellement parce que le gouvernement n'a pas prêté l'oreille à nos préoccupations ou à nos suggestions sur la mise en valeur à long terme de nos richesses. D'après une analyse de faisabilité de l'autoroute trans-Labrador réalisée par Fiander-Good Associates, on évalue à environ 115 millions de dollars par année les retombées économiques directes et indirectes pour Terre-Neuve et le Labrador. Du point de vue provincial et fédéral, les avantages économiques s'établiraient à 158,6 millions de dollars par année. Autrement dit, la route rapportera davantage à long terme que ce qu'il en coûtera aux gouvernements provincial et fédéral.
La route d'accès côtier sera un facteur déterminant de la viabilité et de l'autonomie du Labrador. Les bienfaits économiques seront tout aussi importants pour le gouvernement que pour le Labrador lui-même.
La première phase, un relevé aérien complet, devrait commencer dans les prochains mois, et la construction devrait commencer à Red Bay et Cartwright simultanément et se poursuivre vers le nord à partir de Red Bay et vers le sud à partir de Cartwright. Des fonds ont été affectés pour la construction de l'autoroute trans-Labrador sur une période de huit ans: cinq ans pour construire la route de gravier et trois ans pour le revêtement d'asphalte.
Cette autoroute côtière doit être construite si nous voulons pouvoir produire une stratégie économique qui amènera la stabilité et la prospérité et qui assurera une meilleure qualité de vie à nos concitoyens. C'est tout l'avenir de la côte du Labrador qui dépend du réseau routier. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement provincial de faire de la construction de l'autoroute trans-Labrador et de la route d'accès côtier un sommet de ses priorités de financement. Des millions de dollars ont été consacrés au tronçon de la route qui va de Churchill Falls à Goose Bay et nous jugeons que notre tour est maintenant venu d'obtenir des fonds pour notre tronçon de la route. Nous continuerons d'exercer des pressions pour être entendus. Nous ne bougerons pas sur ce point. J'espère que vous vous rendez compte de l'importance du réseau de transport.
Le Labrador a aussi besoin de politiques environnementales et de gestion des richesses naturelles. Elles devraient remplacer les lois qui conviennent peut-être à l'île de Terre-Neuve, mais elles ne correspondent pas à la réalité de notre région. Au Labrador, il nous faut un plus grand nombre de fonctionnaires des pêches et des forêts car ces secteurs sont spoliés quotidiennement par des gens de l'extérieur surtout.
En conclusion, si l'on considère l'abondance de nos richesses renouvelables et non renouvelables, on a peine à deviner le sentiment d'injustice que les habitants du Labrador ressentent aujourd'hui. Nous sommes à l'aube d'un décollage industriel et il faut s'assurer que les habitants du Labrador recevront leur juste part de ces richesses. Il est inacceptable de connaître tant de chômage au Labrador alors que nous avons des matières premières et des richesses naturelles capables de faire vivre notre population pendant des dizaines d'années.
La Southeastern Aurora Development Corporation vient de terminer une série de consultations pour la préparation de son plan stratégique. Dans toutes les localités de la zone 4 où nous nous sommes rendus, il est clair que les problèmes que je viens d'évoquer sont source de graves préoccupations.
Je tiens à vous remercier de nous avoir entendus. Nous vous demandons d'être sensibles aux problèmes auxquels font face actuellement les habitants du Labrador.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rumbolt.
M. Deshaies.
M. Deshaies: Je serai bref. La clef de voûte de votre projet, c'est l'autoroute du Labrador. Je viens du nord-ouest de Québec, et nous avons vu quantité de compagnies venues s'approprier nos richesses naturelles, notre or, sans nous laisser de quoi reconstruire ou transformer notre économie. Vous pouvez réagir à mes observations, si vous le voulez, mais je suis convaincu que la solution est de créer un fonds spécial alimenté par vos richesses naturelles pour faire en sorte que dans l'avenir vous disposiez des outils nécessaires pour faire progresser la population du Labrador.
Votre exposé était limpide et je n'ai pas de question. Vous pouvez réagir à ce que j'ai dit.
M. Rumbolt: Pour nous, la clef de notre développement, c'est l'autoroute du Labrador. La société historique de Battle Harbour vient de rénover des bâtiments historiques là-bas. Cela a déjà été la capital du Labrador. Il y avait là une grande flottille de goélettes de pêche. On y trouvait la deuxième église anglicane à avoir été bâtie dans la province.
Comment peut-on faire venir les touristes s'il n'y a pas de voie d'accès à la région? C'est cela notre gros problème, pas seulement pour le tourisme mais aussi pour l'exportation de nos produits.
À Mary's Harbour, il y a une usine de transformation du crabe des neiges et la compagnie dépense des milliers de dollars à charger ses livraisons sur des navires. La moitié du temps, ils ne peuvent pas se rendre là-bas parce qu'il n'y a pas assez d'espace. Il est beaucoup plus commode d'exploiter de grandes installations frigorifiques là-bas. S'ils peuvent faire venir un camion gros porteur et le charger, c'est en route pour le marché. C'est beaucoup plus commode et cela fait économiser beaucoup d'argent aux compagnies qui transforment le poisson localement.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Lorsqu'on entend le nom de votre groupe, la Southeastern Aurora Development Corporation, on a l'impression que c'est une grosse entreprise qui représente des intérêts commerciaux. J'imagine que ce n'est pas le cas. Vous représentez plutôt la communauté, n'est-ce pas? Pourriez-vous nous en dire un peu plus?
M. Rumbolt: La Southeastern Aurora Development Corporation est le conseil économique de la région. Il regroupe 11 localités de Carthwright au nord jusqu'à Lodge Bay au sud. Il regroupe la Labrador Métis Association, les associations de développement rural, les conseils locaux, les associations de jeunes et d'autres groupes concernés.
M. Ringma: Je vois. Il est bon de savoir qui vous représentez.
Quelle est la position des Métis et des Inuit, représentés par des associations communautaires ou d'autres associations, sur l'environnement et l'autoroute?
Je pense aux pipelines qui longent le fleuve MacKenzie et qui traversent le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest et à toutes les inquiétudes qui ont été exprimées là-bas. Je me demandais s'il y a des inquiétudes semblables ici à propos de l'autoroute, surtout de la part des Autochtones.
M. Rumbolt: Tout le monde a des inquiétudes, j'imagine. Tout le monde sait qu'il y aura des changements. C'est du développement et aujourd'hui nous voyons les richesses naturelles partir sans obtenir quoi que ce soit en retour.
Je sais que vous ne connaissez pas la côte, mais ma communauté n'est qu'à 60 milles...
Le président: Pourquoi ne nous montrez-vous pas où c'est sur la carte?
M. Ringma: Ça nous aiderait.
M. Rumbolt: D'accord. Nous représentons le territoire qui va d'ici à Carthwright jusque là-bas. Nous représentons ce territoire.
M. Ringma: Où se situe Goose Bay?
M. Rumbolt: Là-bas.
M. Deshaies: Tant qu'à y être, pourriez-vous nous dire où se trouve Hopedale?
M. Rumbolt: Hopedale se trouve ici.
M. Deshaies: Bien.
M. Rumbolt: Bon. Il y a une route revêtue d'ici jusqu'au Québec. Nous sommes ici et Cartwright est là-bas au nord. La distance n'est pas grande, mais cela suffit... Chez nous, une friandise coûte un dollar; à moins de 100 milles au sud, elle coûte 60c. C'est beaucoup: 40c. pour un seul article.
M. Ringma: D'accord, merci.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Merci beaucoup, monsieur le président.
M. Deshaies a invoqué un problème qu'il a lui-même connu. C'est ce qui arrive dans une région pionnière: la richesse s'en va ailleurs. C'est un reproche justifié.
Vous avez parlé de tourisme, ce qui devrait être facilité par la mise en valeur de la région. Vous avez aussi parlé de l'accès des produits de la pêche aux marchés par la route. Est-il d'autres secteurs de l'économie ou de potentiel économique qui pourrait profiter directement à la population?
M. Rumbolt: Oui. Comme je l'ai dit, aujourd'hui, pour obtenir des services médicaux, il faut faire un trajet de 25 minutes jusqu'à la pointe de la péninsule Northern, à St-Athanase. Le gouvernement provincial a supprimé les subventions au transport aérien. Auparavant, ça coûtait 45 $ pour faire par avion le trajet de 20 minutes de l'autre côté du détroit. Aujourd'hui, ça coûte 80 $. C'est le double par rapport à l'an dernier.
Le gouvernement a réduit les services de transport et nous espérons que les fonds qui étaient consacrés à la subvention au transport maritime serviront à la construction de l'autoroute du Labrador. Nos coûts de transport augmentent et ça ne tardera pas avant que ce soit impossible de vivre sur la côte parce que ça coûte trop cher.
M. Reed: Merci.
Le président: Monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Monsieur le président, merci beaucoup.
Le territoire dont il est question ici va de Lodge Bay à Cartwright, ce qui est une partie seulement du territoire en général. Vous avez parlé des avantages économiques que prédisait le rapport Fiander-Good. Si l'on veut parachever une route à notre époque, avec ce que cela coûte et vu l'état d'esprit des gouvernements, il faut démontrer les avantages économiques avant d'investir.
Pour moi, monsieur le maire, vous avez bien présenté vos arguments. Vous avez dit que la route aura un effet catalyseur sur le tourisme, la survie de la pêche, avec ou sans valeur ajoutée, le développement de l'exploitation forestière, voire la survie des services dans ces localités, comme vous l'avez montré à propos du prix de la friandise.
D'après vous, que va-t-il arriver à Marine Atlantic maintenant que la subvention n'est plus la même? Vous avez parlé d'une subvention provinciale, et je sais que ce qui arrive à Marine Atlantic - actuellement, c'est une subvention fédérale. En vertu du pacte confédératif, le gouvernement du Canada est responsable des transports par eau. C'est de là que vient Marine Atlantic. Aujourd'hui, il est question de vendre la société. Ces types paient très cher...
Que va-t-il arriver à votre région, monsieur le maire, si la route n'est pas construite et si les choses continuent d'aller comme elles le vont à propos de l'extraction des richesses naturelles?
M. Rumbolt: Les localités un peu plus grandes comme la mienne vont survivre quelques années, mais je ne pense pas que les petites localités aient un avenir.
M. O'Brien: Que ferait la route pour les aider?
M. Rumbolt: Chez nous, par exemple, il y a une petite localité où l'on peut se rendre par la route aujourd'hui, Lodge Bay. Il y a quelques années, Lodge Bay était agonisante. Après l'essor qu'a connu Mary's Harbour grâce à la pêche au crabe, on a bâti de nouvelles maisons à Lodge Bay parce que les gens venaient à Mary's Harbour pour trouver du travail.
Je sais que la route aura des effets négatifs. Les compagnies viendront sans doute prendre le poisson de la région. S'il existait toutefois des conditions propices dans la région, certaines compagnies y viendraient aussi pour transformer le poisson, car le coût du transport ne serait pas aussi élevé.
Nous avons entendu MM. Hall et Lawrence parler de la pêche aux crevettes. Nous avons 17 bateaux qui font chaque année la pêche aux crevettes. Ils se rendent en Nouvelle-Écosse et à Harbour Grace, sur la côte sud-est de Terre-Neuve, pour débarquer leurs prises. Si nous avions une route, nous pourrions sans doute venir débarquer nos prises au Labrador. Cela nous donnerait...
M. O'Brien: C'est ce qu'on appelle l'adjacence, je suppose.
M. Rumbolt: Oui.
M. O'Brien: Merci.
Le président: Monsieur Rumbolt, vous dites dans votre mémoire que vous venez de terminer une série de séances de consultations communautaires sur la planification stratégique.
M. Rumbolt: Oui.
Le président: Y a-t-il des documents qui sont issus de ces séances, qui pourraient nous intéresser ou nous aider et que vous pourriez nous communiquer?
M. Rumbolt: Je ne les ai pas ici, mais je pourrais vous les faire parvenir.
Le président: Pourriez-vous nous en résumer brièvement les conclusions?
M. Rumbolt: Elles étaient sans doute assez générales, parce que notre société de développement sert 11 localités permanentes. Prenez la région de Cartwright; là-bas, c'est l'exploitation forestière et la pêche au crabe. Puis, dans la section du milieu, c'est la pêche aux pétoncles, la pêche au crabe et l'exploitation forestière. Dans ma région, c'est essentiellement la pêche.
Beaucoup d'activités de transformation secondaire ont été proposées - des fumoirs pour fumer le poisson, des produits à valeur ajoutée, comme le crabe au gratin et de l'engrais produit à partir de ce qu'il reste du coquillage du crabe. Beaucoup de bonnes idées sont sorties de ces consultations.
Le président: Les membres du comité et moi-même vous serions très reconnaissants si vous pouviez, sous le sceau du secret - je ne sais pas dans quelle mesure c'est une question qui vous préoccupe - déposer ces documents auprès du comité. Le greffier vous donnera l'adresse où vous pourrez les envoyer, et nous les annexerions à nos procès-verbaux, car je crois qu'ils ajouteraient beaucoup à nos délibérations.
M. Rumbolt: D'accord; je peux faire cela.
Le président: Je tiens par ailleurs à vous remercier d'être venu ici aujourd'hui et de nous avoir fait part de vos vues. Il est très important que nous ayons une perspective aussi large que possible et vous avez certainement contribué à élargir notre perspective, ce dont nous vous sommes reconnaissants. Merci beaucoup.
M. Rumbolt: Merci.
Le président: J'invite maintenant le témoin suivant, M. John Fleet, qui est président de la Chambre de commerce de Labrador Nord à se joindre à nous. Soyez le bienvenu, monsieur Fleet.
M. John Fleet (président, Chambre de commerce de Labrador Nord): Bonjour.
Le président: Nous vous invitons à nous faire un exposé préliminaire, après quoi les membres du comité pourront vous poser des questions.
M. Fleet: Je tiens tout d'abord à vous remercier de cette occasion que vous m'avez donnée d'adresser la parole au comité ce matin. Soyez les bienvenus au Labrador. Je suppose que nous ne sommes pas les premiers à vous souhaiter la bienvenue, mais nous tenons à ajouter nous aussi nos salutations.
En me préparant à témoigner ici ce matin, j'ai examiné avec beaucoup d'intérêt, la documentation à partir de laquelle le comité évaluera les opinions qui lui auront été présentées en ce qui concerne les ressources naturelles et le développement économique rural. On peut notamment y lire que «le Canada rural a une abondance de ressources naturelles et humaines et que les défis auxquels il doit faire face sont différents de ceux qui se posent en milieu urbain». À mon avis, cette affirmation est en deçà de la réalité dans le cas du Labrador.
Je vous invite à réfléchir au scénario suivant. C'est celui de cette région géographique qui, bien qu'on y trouve l'une des plus importantes installations hydroélectriques de l'Amérique du Nord, comprend néanmoins de nombreuses villes et localités qui obtiennent leur électricité de génératrices au diesel. Par ailleurs, dans cette région, dont on a extrait plus d'un milliard de tonnes de minerai de fer depuis 30 ans, activité qui a produit des bénéfices énormes pour des entreprises ayant leur siège aux États-Unis, ou dans le Canada central, trois de ses principales localités seulement sont reliées par un chemin de terre de qualité inférieure.
Pareillement, les zones de pêche les plus abondantes du monde sont maintenant dévastées à cause d'une surexploitation par les flottes étrangères. À cause de cette catastrophe, les villages côtiers qui dépendaient de la pêche pour survivre sont maintenant au bord de la faillite.
Le comité comprend sans doute que le scénario que nous venons de décrire s'applique au Labrador. La Chambre de commerce du Labrador Nord, que je représente ici ce matin voudrait vous faire les observations suivantes.
D'abord, à la veille du XXIe siècle le Labrador se retrouve avec l'une des réserves les plus riches du monde en nickel, à Voisey Bay. Il est essentiel que les habitants du Labrador, tous ceux qui vivent et travaillent ici, profitent au maximum de l'exploitation de cette réserve. Nous ne pouvons plus accepter que nos localités se passent du nécessaire en infrastructures ni que nos habitants restent sans emplois pendant que les gens de l'extérieur réalisent d'immenses bénéfices. Cette époque est révolue. Nous avons déjà connu ce scénario; maintenant nous voulons notre juste part des profits de nos ressources.
Deuxièmement, nous sommes convaincus que les dépenses consacrées à l'infrastructure, comme la route toutes saisons au Labrador, devraient constituer une priorité pour les gouvernements fédéral et provincial. La création de ce pays a commencé par le raccordement ferroviaire de l'Est et de l'Ouest du Canada. Les gens du Labrador n'acceptent pas que la route transcanadienne, terminée en 1965, soit considérée comme un réseau national. Nous poursuivons nos efforts en vue de la construction d'une route praticable en tout temps reliant Happy Valley - Goose Bay et Labrador City et Wabush, et ensuite Baie-Comeau, au Québec.
Nous préconisons aussi la construction d'une liaison entre Happy Valley - Goose Bay et le détroit du Labrador. Cela constituerait une véritable liaison entre le Québec, le Labrador et Terre-Neuve et nous rattacherait avec la région atlantique du Canada et des États-Unis. Pour nous ce serait effectivement la construction d'un pays. Quand on constate l'énorme travail d'infrastructure entrepris afin de raccorder le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, éliminant ainsi l'isolement de l'île et favorisant son expansion économique, au Labrador nous ne pouvons que proclamer que notre initiative d'édification nationale en vaut aussi la peine.
Enfin, la population du Labrador a assisté à l'exploitation de ses énormes ressources au cours des dernières décennies sans gagner grand-chose en retour. Nous avons maintenant l'occasion d'assurer que tout développement futur, que ce soit à Voisey Bay ou dans le bas du fleuve Churchill, offre un rendement maximum pour les gens du Labrador.
Il nous faut de la formation professionnelle pour les domaines où le besoin se fera sentir. Dans le secteur minier par exemple, nous tenons à ce que notre population ait un accès égal aux emplois bien rémunérés sans être reléguée automatiquement à des postes peu qualifiés et moins bien rémunérés. Les entreprises et les organismes spécialisés du gouvernement devraient commencer immédiatement à identifier les métiers et les professions du secteur minier qui permettront à nos habitants de profiter des ressources du Labrador.
Ce sont nos gens qui constituent notre plus grande ressource. Nous sommes prêts à travailler, nous voulons assurer un bon foyer et une excellente éducation à nos familles. Afin d'atteindre notre potentiel il nous faut des possibilités de formation, il nous faut une route, aussi bien que notre juste part des bénéfices des mégaprojets de développement au Labrador.
Je vous remercie beaucoup. J'ai terminé mon allocution. Je sais que j'ai abordé une vaste gamme de rêves, d'aspirations et de certains maux que nous avons connus au cours des années. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Fleet.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: D'abord, je pense que votre chambre de commerce fait de son mieux pour faire la promotion de l'industrie ici.
Votre exposé nous apprend que vous avez une grande priorité, la construction de la route. J'ai une brève question à vous poser. Pensez-vous que vous devrez consacrer le maximum de vos crédits à la route, ou bien faudrait-il en prendre une partie pour d'autres sortes de développement rural?
M. Fleet: Monsieur Deshaies, nous estimons que la route doit constituer notre grande priorité. Bientôt, dans les 18 ou 24 prochains mois, nous allons voir un énorme mégaprojet. Je n'ai pas plus de précisions; je pense que la Voisey Bay Nickel et l'Inco, la société mère, pourraient vous renseigner davantage. Ce projet va entraîner d'énormes travaux d'infrastructure devant soutenir cette exploitation minière au cours de son existence, une existence qui sera assez longue.
Afin de soutenir ce genre d'exploitation, j'estime, et c'est un point de vue qui est partagé par la chambre de commerce, qu'il nous faudra une route très bien entretenue qui permettra en même temps d'améliorer les perspectives de développement et la situation socio-économique des collectivités rurales du Labrador, surtout le long de la côte.
Ces avantages tout à fait complémentaires, je ne pense pas qu'on peut les dissocier. Nous devons donc insister sur la grande importance de l'achèvement de la route.
M. Deshaies: Je constate que la route est très importante, surtout le long de la côte, car sans route la situation est très difficile. Mais la route n'est pas nécessairement la seule façon de faire dans le cas des grandes exploitations minières comme celle de Voisey Bay. Malgré l'existence d'une route en Abitibi, on se sert d'avions pour les liaisons entre le nord-ouest du Québec et la baie James.
Alors serait-il possible de prévoir un budget spécial pour la route côtière, ou bien faut-il se concentrer sur la route qui va relier la mine et permettre aussi l'exploitation de la forêt et d'autres mines?
M. Fleet: La question est intéressante. Comme je l'ai déjà dit, à court terme, et aussi à long terme, la construction d'une route qui nous relie au Québec est d'une grande importance pour nous.
Si nous voulons convaincre les autorités de la nécessité de faire des améliorations dans le Labrador rural, nous devons justifier ces dépenses. Je pense qu'un grand projet comme celui de Voisey Bay va sensibiliser les pouvoirs publics au sujet de l'importance des infrastructures dans cette région. Nous pouvons aussi aider la région côtière du Labrador grâce aux recettes de ce mégaprojet.
Le gouvernement fédéral va tirer beaucoup de recettes de ce projet, ce qui lui permettra de justifier l'investissement nécessité par ces travaux. On pourra effectivement se servir d'avions, mais ce ne sera pas toujours possible, parce que beaucoup de fournitures et de matériaux devront être acheminés par voie terrestre ou maritime. Nous croyons être en mesure de le faire, tout comme les localités côtières.
Comme je l'ai déjà mentionné, nos localités côtières font encore aujourd'hui les frais de certaines pratiques qui continuent depuis quatre siècles. Ce n'est pas comme si c'était la première fois que le Labrador faisait l'objet de déprédations de l'extérieur.
Au cas où vous ne le sauriez pas, au XVIe et au XVIIe siècles, les pêcheries du Labrador étaient une source d'huile de baleine, quelque chose qui avait plus de valeur que tout l'or du Pérou. L'Europe et le bassin méditerranéen en ont été approvisionnés pendant 200 ans, pour le chauffage et l'éclairage. Ironiquement, toute cette richesse provenant de notre région ne nous profitait en rien et ne nous a rien donné jusqu'à ce jour.
Nous voulons vous faire comprendre que c'est une ressource extrêmement précieuse. Nous pensons qu'elle constitue une raison d'améliorer notre infrastructure. La construction de cette liaison permettra en même temps de relier les localités de la côte du Labrador et leur permettra non seulement de survivre, mais aussi de prospérer.
La construction de la route créera aussi beaucoup de possibilités d'emploi et créera aussi un lien avec le reste de la province. Le Labrador constitue la plus grande partie de la province, mais 99,9 p. 100 des Terre-Neuviens n'ont pas encore visité le Labrador.
Nous avons beaucoup à offrir ici sur le plan touristique. Je ne l'ai pas mentionné, mais le tourisme a un énorme potentiel. Le parc national du Gros-Morne, sur la côte nord de Terre-Neuve, a attiré jusqu'à 250 000 personnes. Ce n'est pas grand-chose de prendre le traversier à St. Barbe pour aller à Blanc-Sablon puis au Labrador. Si le réseau routier était en place, on pourrait ensuite continuer jusqu'au Québec.
Et bien sûr toutes les routes, à moins d'être bloquées quelque part, sont à deux voies. Nous aimerions que des gens arrivent de l'autre côté. Les gens doivent manger, acheter de l'essence et rester à l'hôtel. Pour nous, c'est une industrie vitale, qui présente un très grand potentiel.
Tout est interrelié.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
M. Deshaies: Oui.
M. Fleet: Je veux simplement faire comprendre pourquoi il est important de mettre en place cette infrastructure.
M. Deshaies: C'est vrai pour tous ceux qui vivent dans le Nord, comme nous.
Merci.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Monsieur Fleet, je me sens frustré rien qu'à entendre ce qui se dit ici ce matin. Il suffit que je me mette à la place d'un résident à qui on a imposé des politiques de l'extérieur pendant 400 ans, comme vous l'avez dit, pour que cela dépasse mon seuil de tolérance.
Que peut-on faire? Vous avez un député ici. Il est sensible à votre cause. Il sait ce que vous vivez. Il va faire tout ce qu'il peut pour défendre vos intérêts, et apparemment il le fait régulièrement. Vous avez ici un comité prêt à vous écouter. Mais est-ce qu'il va se passer quelque chose?
Si je me mets à votre place, je le demande: devons-nous chercher une nouvelle façon de régler ce problème? Si la situation politique ou le mécanisme n'est pas approprié, faut-il emprunter une autre voie? Je ne peux pas vous inciter à la désobéissance civile. Pour moi, ce n'est pas une solution. Mais y en a-t-il une autre? Faut-il dire: «D'accord, nous allons entamer la séparation du Labrador du reste de Terre-Neuve?» C'est aller bien loin.
Je ressens votre sentiment d'impuissance. Je suis quelqu'un de pragmatique, et c'est pourquoi je demande: quelle est la solution? Que faisons-nous? Que pouvons-nous faire, peut-être collectivement avec Inco et d'autres, pour qu'il se passe quelque chose ici?
M. Fleet: Monsieur Ringma, si je connaissais la réponse à cette question, il y aurait beaucoup plus de gens à cette séance, et j'aurais beaucoup plus d'argent dans mon portefeuille. Je n'aurais pas eu à fermer mon magasin pendant 30 minutes pour prendre la parole ici ce matin.
Je ne peux pas répondre. La frustration, au Labrador, remonte à la fin des années 60, à la création du Parti du Nouveau Labrador. Les choses ont évolué depuis.
Le niveau de frustration a varié, mais je pense qu'il atteint à nouveau un sommet, compte tenu notamment des grands changements qui se sont produits depuis le début des années 60 au Labrador, comme les grands travaux d'exploitation minière à Labrador City et à Wabush et le chantier hydroélectrique des chutes Churchill, que nous financerons au début du prochain siècle. Cette perspective ne nous sourit pas du tout.
Nous nous sentons frustrés parce que nous ne voulons pas que ce qui sera sans doute l'un des derniers mégaprojets au Labrador suive son cours sans que nous ayons eu notre mot à dire sur sa réalisation et les avantages que nous pourrions en tirer pour nous permettre d'obtenir cette infrastructure dont, avec d'autres, je vous ai parlé ce matin.
Je ne veux pas me servir de ce prétexte à tirades politiques. Tout ce que nous demandons au fond, c'est de pouvoir vraiment participer au processus de développement.
Je pense que des entreprises comme Voisey Bay Nickel ou Inco doivent prendre le temps de discuter ouvertement avec nous en tant que communauté, la communauté du Labrador, pour expliquer comment ils vont fonctionner, pour que nous puissions dire ce que nous pensons de notre rôle en tant que communauté d'affaires et en tant que résidents, et pour nous demander comment nous voulons qu'on exploite ces ressources et comment nous pouvons en tirer le meilleur parti pour nous.
Nous ne cherchons pas à nous enrichir, mais enfin à être traités avec un peu de dignité, la dignité que procure le travail, afin que nous puissions nous tenir bien droits et dire que nous vivons à proximité de l'un des plus grands chantiers hydroélectriques du monde, et que personne dans cette région n'a à se ruiner pour payer ses comptes d'électricité, ce que bien des gens ici sont obligés de faire maintenant pour leur plus grand malheur. Il n'y a aucune excuse à cela.
Nous voulons renverser la vapeur. Nous faisons actuellement des pieds et des mains, par l'entremise de notre représentant, Lawrence O'Brien, pour faire en sorte d'entamer des négociations avec les gens d'affaires qui travaillent actuellement avec Inco, afin de comprendre leur mode de fonctionnement et leurs rapports de façon à mieux nous positionner en vue des négociations futures avec cette société, et de tirer profit au maximum de ce développement.
C'est une réponse interminable, mais l'essentiel, c'est que nous voulons avoir voix au chapitre et nous voulons que les gens soient francs avec nous. Je pense que c'est ainsi que l'on doit commencer à calmer les esprits, comme vous le dites.
M. Ringma: Pour clore le sujet, dans quelle mesure les responsables d'Inco ont-ils consulté tous les groupes d'intérêts dans la collectivité? Qu'ont-ils fait?
M. Fleet: Je me trompe peut-être, mais la seule occasion que nous ayons eue d'en parler en public s'est passée il y a environ deux semaines aujourd'hui. Une équipe de représentants de Voisey Bay Nickel - qui de toute évidence sont les exploitants de la mine dans le Nord - sont venus dire aux habitants de la ville ce qu'ils comptaient faire. On me corrigera si je me trompe, mais je ne pense pas que cette initiative ait été couronnée de succès, étant donné surtout qu'il n'y avait eu aucune consultation préalable à cette réunion pour discuter du projet de développement; en outre, 48 heures avant la réunion qui a eu lieu ici, on nous a annoncé qu'une deuxième réunion aurait lieu à la fin du mois de novembre pour discuter de l'emplacement du haut fourneau, qui est un des éléments de cet énorme projet.
Ce qui nous irrite notamment, c'est que nous voulons nous assurer que le Labrador aura l'occasion de participer à ce processus et sera choisi pour l'emplacement du haut fourneau. Nous sommes en train de prendre les mesures nécessaires pour faire effectuer une étude de faisabilité, et vous comprenez donc notre mécontentement. Nous n'avons même pas encore eu l'occasion d'établir un dossier, et voilà que les responsables vont annoncer d'ici à cinq semaines l'emplacement choisi. Les gens de chez nous ont l'impression de ne pas vraiment avoir eu la possibilité de faire connaître leurs vues.
Je me trompe peut-être - Lawrence, n'hésitez pas à apporter d'autres éléments d'information au besoin - mais c'est la seule consultation qui a eu lieu, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous éprouvons un certain malaise dans nos rapports avec la société. Toutefois, nous faisons notre possible pour améliorer les voies de communication. Nous avons communiqué par la suite avec les responsables de la société et les avons incités à ouvrir les voies de communication avec nous. Nous avons mis sur pied un système de liaison et, d'ici à deux semaines environ - les 21 et 22 novembre, pour être précis - nous nous rendrons dans la région de Thunder Bay et Sudbury pour discuter directement avec les intéressés.
Voilà donc où nous en sommes, mais nous voulons continuer d'être consultés - et ce, de façon concrète, et non pas superficielle - à l'égard de tout projet futur.
Je vous remercie.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Monsieur Fleet, je pense que nous avons bien compris le message ce matin au sujet de la route.
M. Fleet: Merci.
M. Reed: Votre message est très clair.
Je voudrais vous parler d'une autre sorte de route, plus précisément l'inforoute. Nous avons entendu ce matin des interventions très éloquentes à Hopedale, localité qui est sans doute assez typique de bon nombre de collectivités côtières. Grâce à l'inforoute, grâce à la nouvelle technologie des télécommunications sans fil, etc., il nous sera peut-être possible de mettre l'enseignement supérieur à la portée de certaines régions qui n'ont pas pu être desservies jusqu'ici, si ce n'est par l'intervention humaine. À votre avis, quelle importance cela revêtira-t-il à long terme? L'âge moyen à Hopedale, par exemple, est d'environ 15 ans, et il en va de même à Nain.
M. Fleet: Notre région est semblable à n'importe quelle autre de l'Amérique du Nord ou du reste du monde, en l'occurrence. Le réseau Internet et l'inforoute sont essentiels aux gens qui se trouvent dans certains coins isolés du Labrador, aux gens qui font des recherches, qui mettent au point des logiciels et autres choses du même genre. Ces personnes utilisent cette nouvelle technologie, ce qui leur coûte parfois très cher. L'Internet n'est pas aussi facilement accessible chez nous que dans le centre du Canada, par exemple. Au Labrador, les coûts sont beaucoup plus prohibitifs. S'agissant de l'échange d'information, l'accès est beaucoup plus lent. Il est impossible de le faire, car à l'heure actuelle nous ne disposons pas de l'infrastructure nécessaire pour que la communication s'établisse.
Les câbles de fibre optique ont été posés à deux reprises dans la province de Terre-Neuve, mais nous n'en avons aucun. À cet égard nous sommes défavorisés... et lorsque nous disons cela, nous parlons d'ici, mais également de Labrador City et de Wabush. Il en va de même pour tout le littoral, au nord comme au sud. Il s'agit donc d'une autre infrastructure très importante que quelqu'un doit mettre en place pour nous permettre de profiter de cette technologie.
Vous tombez dans mon domaine, car j'ai travaillé dans les communications pendant 32 ans, ce qui m'a procuré énormément de plaisir. J'aime encore cela. Toutefois, la technologie dans ce domaine, comme je l'ai constaté lorsque j'y travaillais, était pointue lorsqu'on y avait accès le 1er février, mais déjà désuète le lendemain. Nous ne cessons de nous faire dépasser. C'est pourquoi nous demandons la possibilité d'être reliés à l'autoroute de l'information, car plus nous attendrons, plus nous prendrons du retard. C'est la réalité.
Cela est important non seulement pour l'enseignement, même si le téléenseignement existe déjà depuis un certain nombre d'années grâce aux initiatives de l'Université Memorial - j'ai personnellement utilisé ce genre de programmes - mais ce genre de réseau donne également accès à d'autres sources d'information, comme les consultations en matière de santé. Il existe un échange d'informations concernant l'économie en expansion auquel nous devrions avoir accès. Je pense toutefois qu'il nous faut obtenir beaucoup plus rapidement et à moindres frais des systèmes qui nous permettent d'accéder à cette information.
M. Reed: La technologie par satellite va-t-elle contribuer à remplacer l'ancienne technologie?
M. Fleet: Oui, le satellite sera utile. Je n'ai pas eu dernièrement l'occasion de réfléchir à la question pour voir si cela représentera une économie marginale, énorme ou nulle. Il m'est impossible de vous en dire plus à ce sujet, et je ne souhaite pas que vous rapportiez mes propos. On peut toujours supposer que ce sera utile. Il est inutile d'installer des câbles vers le haut ou vers le bas si ce n'est entre le récepteur et l'antenne, et relier tout cela à l'appareil que vous comptez utiliser.
La technologie par satellite est donc sans nul doute une option, mais là encore il y a une question de coûts. Il faut bien que quelqu'un paye, et c'est toujours le même problème. C'est la fameuse question à la Gordon Sinclair: «De combien disposez-vous?» Nous sommes dans le même cas que vous.
M. Reed: Merci.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
J'aimerais aborder la question de l'infrastructure humaine. J'étais sortie et j'ai manqué une partie de votre exposé, mais je tenais à discuter avec le témoin précédent, Mlle Flowers, de Hopedale.
Il existe au niveau fédéral un certain nombre de programmes qui ont donné d'excellents résultats, à mon avis, pour bon nombre de collectivités isolées. Mentionnons le programme Bon départ. Il y a eu également le programme prénatal. Lors de nos délibérations, nous constatons au comité que bien souvent l'information ne parvient pas à ces collectivités, car elles sont isolées. Puisque nous examinons le renouveau du Canada rural, il faut également se concentrer sur des localités comme Hopedale. Il y en a beaucoup dans ma circonscription, et, pour une raison ou une autre, ces localités sont laissées pour compte depuis beaucoup trop longtemps.
Notre gouvernement a pour priorité le bien-être de sa population. Nous devons nous occuper des gens. Je suppose qu'alors que nous entrons dans cette période de transition - et nous avançons à grands pas - et que nous faisons des progrès, d'une façon ou d'une autre, notre gouvernement ne doit pas oublier ni négliger ces personnes, qui sont notre ressource la plus chère. Ils font partie de notre population.
Avez-vous des idées sur la façon de nous rendre du point A au point B pendant cette période de transition? S'agit-il d'une simple question d'argent, ou, comme j'en ai discuté avec le témoin précédent - car les pommes coûtent apparemment 1,09 $ chacune - au lieu d'envoyer des fonds, devrions-nous envoyer des boîtes d'aliments nutritifs pour venir en aide à ces localités? C'est bien dans l'immédiat, mais comment nous rendre du point A au point B pour éviter qu'un grand nombre de ces localités ne soient rayées de la carte?
M. Fleet: Ou que ces personnes ne soient rayées de la carte.
Mme Cowling: C'est exact, il ne faut pas oublier les habitants des localités.
M. Fleet: Je ne prétends pas être le porte-parole de la localité de Hopedale ou d'une autre localité côtière, car ce serait injuste. Je peux exprimer une opinion.
J'en reviens toujours à la dignité du travail humain. Je n'ai pas besoin de retourner très loin en arrière pour affirmer que, quand j'étais enfant, je ne connaissais personne qui soit au chômage. Personne parmi mes connaissances n'était sans emploi dans mon quartier jusqu'à ce que j'aie 25 ou 26 ans.
J'ai été témoin des compressions et j'ai vu les bénéfices réalisés par les énormes usines de pâtes et papiers et exploitations minières, et je continue à voir dans la même rue d'anciens pêcheurs, d'anciens travailleurs d'usine et d'anciens mineurs. Les trains continuent de circuler chargés de nos ressources naturelles tandis que les gens de chez nous sont au chômage.
Il y a eu une véritable spirale au cours des 25 à 30 dernières années. Le long du littoral, je suppose, comme vous le savez tous, les pêches sont dans le marasme. Si l'on écoute la radio, regarde la télévision, lit le journal, ou même écoute les conversations et les récits des habitants de ces collectivités côtières, on peut déceler une certaine frustration. Je l'entends exprimer. Je l'ai entendue exprimer pendant de nombreuses années quand je travaillais à la Société Radio-Canada.
Nous ne sommes pas autorisés à pêcher, et pourtant certains chalutiers étrangers ou d'autres régions du pays viennent pêcher à un jet de pierre de nos côtes, prennent notre poisson, le débarquent quelque part à Terre-Neuve ou dans d'autres régions des Maritimes, et nous ne pouvons pas trouver d'emplois. Ce genre de chose se produit et se répète un peu partout. Qu'on me corrige si je me trompe.
C'est à mon avis une cause fondamentale du problème. On a privé les gens de la dignité du travail, et non pas parce qu'ils ne veulent pas travailler, mais parce qu'ils n'y sont pas autorisés. Cela revient à ça. Il faut trouver un moyen. Je ne sais pas quelle est la solution, mais je suppose qu'on pourrait essayer d'obtenir une juste récompense pour les ressources qui sont exploitées pratiquement dans notre arrière-cour, et nous permettre d'obtenir les emplois disponibles. Ce serait un début.
Je ne pense pas que les colis d'aide alimentaire soient la solution, car cela ne rend pas aux gens la dignité.
Le président: Merci.
Monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Merci, monsieur le président.
Je participe à ce genre de discussions depuis de nombreuses années et de nombreux mois depuis mon élection récente. Chaque fois que j'assiste à ce genre de réunions et que j'entends ce genre de propos, il m'est difficile de dissimuler mon mécontentement. Il ne cesse d'augmenter.
Je voudrais vous dire une chose très simple. Cela ne concerne pas directement la Chambre de commerce du Labrador Nord, mais le président de cette chambre de commerce et d'autres comprendront ce que je veux dire - sans manquer de respect envers mon collègue du Québec. Je veux simplement replacer la question dans son contexte.
Dans l'ouest du Labrador, à Labrador City et à Wabush, se trouve la capitale du minerai de fer du Canada. C'est peut-être la plus grande mine de minerai de fer de l'Amérique du Nord, ou pas loin. Il y a un chemin de fer, le Quebec North Shore and Labrador Railway. Il y a en fait deux chemins de fer, un qui part du Québec, de Cartier à Fermont, et l'autre qui relie le Labrador et Sept-Îles.
Tout cela résume ce que l'on entend dire au sujet des emplois. Il y a quelque 140 emplois au chemin de fer Quebec North Shore and Labrador, dont 65 p. 100 du réseau se trouve sur le territoire du Labrador et dont tous les trains transportent du minerai à partir de Wabush-Labrador City.
Dix personnes du Labrador - dix en tout! - travaillent pour cette société ferroviaire. Les mines de minerai de Labrador City et de Wabush ont fourni au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada - tout cela fait évidemment partie du gouvernement du Canada - une collectivité à Sept-Îles, au Québec, de 50 000 habitants.
Nous avons réussi à survivre grâce aux extractions à un peu plus de 10 000 ou 11 000 à l'heure actuelle. Des milliers de gens sont sans emploi au Labrador. Les pêches ont été exploitées. Voisey Bay a été exploitée. L'aérodrome de Goose Bay a été exploité. L'industrie du tourisme aussi. Les peuples autochtones ont été totalement exploités. L'ouest du Labrador a été exploité. Ce que vous entendez, c'est l'accumulation de toutes ces frustrations. C'est exactement ce que cela veut dire.
Nous ne demandons rien. Nous pensons apporter notre contribution au gouvernement du Canada et à notre grand pays, ainsi qu'au gouvernement de la province. Tout ce que nous demandons au gouvernement fédéral, à la province et à tout le monde, c'est d'avoir droit à une juste part.
Nous ne demandons pas cela pour rien. Nous pensons pouvoir procurer d'énormes rendements au gouvernement du Canada et au gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador grâce à tous les formidables projets que nous avons, y compris dans le domaine du tourisme. Voilà ce que je voulais dire en un mot.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Cela fait deux fois que je fais la même chose aujourd'hui.
Le président: Oui.
M. O'Brien: Jusqu'ici.
Des voix: Oh, oh!
Le président: M. Deshaies veut faire une observation, mais je voudrais tout d'abord poser une question.
Vous avez parlé de vos rapports avec les responsables d'Inco. Je viens d'une collectivité rurale où se sont implantées dernièrement deux grandes sociétés - une d'État et l'autre privée. Grâce à l'aide des autorités locales, la localité proprement dite, avant l'arrivée de ces sociétés, a élaboré un plan stratégique définissant ce que ces dernières pouvaient faire pour aider les collectivités en cause. Nous n'avons pas eu besoin de l'aide du gouvernement provincial. Vous pourriez en avoir besoin, je suppose.
Est-ce que les gens de la localité se sont entendus pour déterminer avec précision ce qu'ils attendent de la société? Au lieu de s'adresser aux responsables en leur demandant: «Que pouvez-vous faire pour nous?», il vaudrait mieux aller les trouver en leur disant: «Voici ce que nous attendons de vous en ce qui a trait à l'exploitation de notre ressource naturelle.»
M. Fleet: Pour vous répondre, monsieur le président, je vous dirai que nous avons effectivement pris ce genre de mesures et continuons de le faire. Au cours des deux dernières années, nous avons accueilli toutes les personnes associées aux activités d'exploration de Voisey Bay, tous les représentants de l'industrie des mines de nickel et des autres secteurs de l'industrie minière dans cette région du Labrador. Il existe d'excellentes relations de travail entre la municipalité et son bureau de développement économique et la chambre de commerce et les sociétés qui s'installent chez nous.
Il y a un dialogue. Nous avons fait deux foires commerciales. Nous avons organisé des colloques simultanément avec les foires commerciales. Nous poursuivons nos efforts. Nous sommes actuellement en négociation avec les responsables d'Inco pour aller les voir, voir comment ils fonctionnent, comment les choses se passent et quelles sont les répercussions de leurs activités sur la région. L'incidence de leurs activités... Sudbury en est un bon exemple.
Nous voulons parler aux responsables ainsi qu'aux fournisseurs. Nous voulons faire tout cela. Mais c'est un processus permanent. Je peux vous dire que, pour l'essentiel, l'initiative de cette stratégie est venue de nous - et quand je dis nous, je parle de la collectivité, et non pas de la chambre de commerce.
Nous faisons tout notre possible. Nous disons simplement que les responsables de la société pourraient faire des efforts. Ils pourraient être un peu plus francs avec nous.
Le président: Le gouvernement provincial est-il de votre côté?
M. Fleet: Oui.
Le président: C'est bien.
M. Fleet: Vous ne m'avez pas demandé dans quelle mesure.
Des voix: Oh, oh!
M. Fleet: Je sais que John est de retour... Notre province participe. Je ne vous dirai pas dans quelle mesure. Si vous me demandiez de citer des chiffres précis, cela me serait impossible. Je sais toutefois que la province s'en occupe.
Le président: Merci.
Je vais mettre fin à la discussion, mais je sais que M. Deshaies veut faire une observation. Elle porte sans doute sur ce que...
M. Deshaies: Oui, certainement.
Le président: Après ce commentaire nous nous en remettrons, pour la discussion, à la Chambre, et non pas au comité.
M. Deshaies: Pour nous mettre à l'écoute des populations rurales nous devons faire un important travail de préparation. En effet, je viens d'une région rurale, et comme ailleurs, dans les autres régions rurales, nous avons l'impression de donner plus que nous ne recevons. Les gens des régions rurales doivent s'unir, car nous pourrions donner plus que nous ne donnons actuellement si nous recevions l'argent, les outils ou les programmes dont nous avons besoin pour notre expansion. Je comprends votre frustration, car nous avons été frustrés, nous le sommes et le serons probablement encore, par le Sud, par le gouvernement du Québec ou par le gouvernement provincial, par Toronto et par le nord de l'Ontario, parce que nous n'avons pas reçu notre part. Je vous conseille de continuer à oeuvrer pour votre communauté et je vous souhaite d'avoir ce qu'il vous faut pour votre développement.
Le président: Je vous remercie, monsieur Fleet. Nous avons bien aimé votre témoignage.
Je voudrais donner la parole à nos témoins suivants, MM. Roberts et Thoms, de Combined Councils of Labrador (Wabush). C'est un témoin qui s'est ajouté à la liste.
Votre exposé, messieurs, est sous forme de vidéo, m'avez-vous dit.
M. Joe Roberts (président, Combined Councils of Labrador (Wabush)): Monsieur le président, nous allons légèrement dévier de la procédure normale. Comme nous sommes limités par le temps, nous avons apporté un vidéo tourné à la Iron Ore Company of Canada quand ils ont marqué l'extraction de la milliardième tonne: ils sont les seuls, au Canada, à avoir atteint ce niveau.
Votre greffier a distribué des exemplaires de notre mémoire, dont nous ne donnerons donc pas lecture, mais nous répondrons à toutes les questions s'y rapportant. Nous nous en remettons à vous pour décider si nous regardons d'abord le vidéo ou si nous répondons aux questions.
Le président: Je préférerais la première option.
Monsieur Reed, êtes-vous d'accord?
M. Reed: Oui, voyons d'abord le vidéo.
Le président: Nous devons lire le mémoire. Nous pouvons poser des questions sans l'avoir lu, mais nous nous assurerons qu'il fait partie du compte rendu. Êtes-vous d'accord?
M. Ringma: Est-ce bien le conseil du Labrador-Ouest que nous entendons?
M. Roberts: Oui, c'est bien cela.
M. Ringma: Très bien.
M. Roberts: Je représente les conseils conjoints de Labrador City et de Wabush, et Judy O'Dell présentera plus tard dans l'après-midi l'exposé des deux conseils.
Des voix: Très bien.
Le président: Nous avons tous le mémoire; vous pourrez le lire, et nous allons regarder le vidéo.
[Projection de la bande vidéo]
M. Roberts: C'est la fin du vidéo. La chargeuse que vous voyez là est la plus grande du Canada. Elle est en location-achat et est la propriété de Wabush Mines, société elle-même propriété de Stelco et Dofasco, de Hamilton.
À mon retour j'en ferai faire une copie et l'enverrai au président.
Le président: Je vous remercie, monsieur Roberts.
M. Roberts: Monsieur le président, c'est M. Thoms qui se chargera de répondre à toute question concernant le secteur minier; je me décharge de cela sur lui.
Le président: Il en semble fort aise.
M. Al Thoms (vice-président, Combined Councils of Labrador (Wabush)): Absolument.
Nous vous avons projeté ce vidéo pour vous montrer que le Labrador-Ouest est comme une ville mono-industrielle. Labrador City et Wabush dépendent entièrement de l'extraction du minerai de fer. Il y a également Churchill Falls, autre communauté du Labrador-Ouest, qui est la centrale hydroélectrique du Labrador.
Notre mémoire est très concis: nous nous efforçons de répondre, une à une, aux questions soulevées dans votre plan de travail, mais nous disposions de très peu de temps pour le préparer et nous avons dû nous contenter de vous donner un aperçu très général. Nous sommes déçus que ce comité n'ait pu tenir de séance au Labrador-Ouest. Nous représentons aujourd'hui les conseils conjoints de l'Association de développement régional du Labrador et du Labrador-Ouest.
Je sais que M. O'Brien a reçu une lettre de la ville de Labrador City, qui tenait beaucoup à témoigner devant ce comité, de même d'ailleurs que la ville de Wabush, Churchill Falls ainsi que les compagnies minières, mais nous comprenons que vous ne puissiez être partout. Vous disposez d'un temps limité, mais nous voudrions vous inviter à venir nous voir plus tard, vous et tout comité qui serait constitué par la suite.
Nous avons beaucoup d'idées pour encourager le développement économique dans le Labrador-Ouest. De même que les témoins ici présents, nous avons une zone de développement économique régional - la zone deux dans la loi de la province, appelée HYRON Regional Economic Development Board - HYRON étant une contraction de «hydro» et «iron» (fer).
Ce conseil n'a été constitué que récemment et est en voie de mettre en place un plan stratégique pour la région du Labrador-Ouest. Nos efforts de diversification portent encore sur le domaine minier et visent notamment l'exploration et la recherche d'autres minerais. Nous avons également inscrit à notre ordre du jour le tourisme, les forêts et d'autres secteurs encore, mais dans notre cas ils pèsent relativement peu au regard du secteur minier.
Joe a encore quelques faits et chiffres à vous donner, à moins qu'il ne préfère passer aux questions.
M. Roberts: Monsieur le président, je voudrais faire quelques commentaires. Je fais partie du comité de la route translabradorienne depuis bien avant la construction de cette route, et le Labrador-Ouest a exercé des pressions... Nous voudrions que la route soit prolongée jusqu'à la frontière du Québec, dans le détroit. Elle doit être reliée aux communautés. Avec le sénateur Rompkey nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour qu'elle commence au Labrador-Ouest, et nous sommes parvenus à la prolonger jusqu'à Churchill Falls; nous nous efforçons toujours encore, dans l'Ouest, de la faire prolonger jusqu'à Happy Valley - Goose Bay. Nous faisions partie de la réunion que mentionnait ce matin le maire Baikie quand nous discutions du déblayage de la route.
Nous voudrions également voir le gouvernement réagir plus rapidement aux revendications territoriales des Autochtones, qui, pour nous, sont très importantes, viennent en tête de liste, mais le gouvernement semble faire traîner les choses. Notre organisation a eu des entretiens avec l'Association des Inuit du Labrador ainsi qu'avec la nation Innu. Et nous pensons, comme elles, que le gouvernement tergiverse. C'est le quasi-immobilisme.
Au Labrador nous avons des pistes qui peuvent être utilisées par les motoneiges, et que le gouvernement devrait entretenir en hiver. Si vous allez jusqu'à la frontière du Québec, vous pouvez prendre votre motoneige et vous rendre n'importe où au Canada, car les pistes sont déblayées. De même, si vous allez dans la région du détroit, vous pouvez poursuivre jusqu'à la côte sud, à Sept-Îles et plus loin, au Québec et en Ontario.
Les communautés de Labrador City et de Wabush ont été construites par les Américains et les Canadiens, avec pour objectif principal de transporter les minerais et autres ressources vers le Canada, parce que notre pays et les États-Unis avaient besoin de minerai de fer pour l'acier. Il en va de même pour Voisey Bay.
Les compagnies minières du Labrador-Ouest ont des recettes de près d'un milliard de dollars, dont nous ne voyons presque rien dans les communautés de Labrador City et de Wabush. Nous n'en profitons absolument pas. Les services gouvernementaux sont en érosion constante, et nous sommes en lutte continuelle avec le gouvernement.
Le gouvernement fédéral ne vaut guère mieux: il comprime le financement et se décharge des services sur la communauté, et le gouvernement provincial fait de même. Nul n'a intérêt à se présenter aux élections municipales, car tout ce qu'on en retire, ce sont des ennuis.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie. Monsieur Deshaies, vous avez la parole.
M. Deshaies: Merci. Je suis comme vous: quand on vient du Nord d'une province, on a l'impression fâcheuse que c'est le Sud qui profite de nos ressources.
En résumé... la route, pour vous, est le premier outil du développement? Vous avez le choix. Vous recommandez de commencer à l'ouest, parce que l'endroit est le plus indiqué, à savoir la frontière avec la route du Québec, et de prolonger ensuite jusqu'à Goose Bay, et peut-être même, dans l'avenir, jusqu'à la côte.
M. Roberts: Oui, c'est exact.
À ce propos je voudrais signaler que notre communauté a une entente d'aide mutuelle avec Fermont, qui se trouve au Québec. Il y a une coopération très étroite entre les conseils de Fermont, de Labrador City et de Wabush. M. O'Brien est en train d'organiser une réunion avec des hommes politiques du Québec et du Labrador, afin de discuter de la route translabradorienne, ou de la route de Baie-Comeau, comme nous l'appelons.
Contrairement à ce que vous diront les politiciens, nos communautés travaillent en étroite collaboration: si Fermont a besoin d'une chose et que Labrador City l'a, il lui suffit de le demander pour l'avoir. De même, si nous avons besoin de Fermont pour une ambulance, ou en cas d'incendie, le médecin a accès à l'hôpital de Labrador City, de même que les gens de Fermont.
M. Deshaies: C'est parce que les gens du Nord parlent la même langue.
Pensez-vous que ce serait... Car si vous avez le choix, c'est de démarrer seul...? Vous disiez qu'ensuite vous pourriez vous développer en vous mettant au service de grandes sociétés comme Irving Oil, par exemple.
M. Roberts: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question.
Pour en revenir au facteur communication, nous négocions avec la société Makivik, parce qu'elle relève du gouvernement régional dans le nord du Québec. Nous discutons les problèmes qui se posent à nous ainsi qu'à eux.
Pour avoir accès au nord du Québec la route n'est pas ce qu'il nous faut. À un moment je pensais que la route irait jusqu'à Schefferville, mais je ne crois pas que cela se concrétisera.
M. Deshaies: Si nous devons rédiger un rapport et choisir les meilleurs outils de développement rural - c'est une région spéciale, car vous avez besoin de tant d'outils - quel est le meilleur usage qu'on peut faire de l'argent? Faut-il le consacrer à construire une route venant du Sud, le long de la côte ou à partir de Wabush?
M. Roberts: Il faudrait partir de l'une et de l'autre extrémités; le gouvernement devrait s'efforcer de commencer à l'un et à l'autre bout.
M. Thoms: C'est ce que tout le monde disait à propos de la boucle du Labrador, qui part de Baie-Comeau, au Québec, contourne l'extrémité nord de l'île et s'en revient par les provinces atlantiques.
Nous reconnaissons, comme tout un chacun, que la route translabradorienne est la clé de tout développement économique dans l'ensemble du Labrador, mais elle devrait aller de pair - comme le disait très clairement ce matin M. Hall - avec la satisfaction des revendications territoriales des Autochtones. Si cette dernière question n'est pas résolue il n'y aura pas de développement au Labrador, c'est certain.
Personnellement, je pense que la découverte de Voisey Bay n'est pas la dernière de ce genre au Labrador. D'autres s'annoncent, et nous devons prendre très au sérieux les questions touchant les Autochtones et l'environnement. Nous devons également nous assurer qu'une société comme Inco est disposée à jouer un rôle dans la construction d'une route allant de la Voisey Bay à Goose Bay. Ce pourrait être une ligne de chemin de fer de Voisey Bay à Schefferville, qui pourrait faire leu raccord avec notre route. Mais il faut partager les coûts.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Merci de votre exposé, dont le message est clair: vous avez besoin de la route, vous voulez voir réglées les revendications territoriales des Autochtones, etc.
J'essaye d'avoir un aperçu de ce que vous - et peut-être certains des autres témoins d'aujourd'hui - considérez comme étant les obstacles au développement du Labrador. La route et l'infrastructure en sont un, c'est évident. J'ai aussi l'impression qu'au niveau local il y a une sorte d'impuissance à prendre des décisions, et que c'est là un autre gros obstacle, à savoir que les décisions ne sont pas toutes prises ici, sur place, là où elles devraient l'être.
D'après ce que d'autres ont dit - et non pas vous - j'ai également l'impression qu'il y a une bureaucratie envahissante, celle de tous les ministères qui vous harcèlent de leurs interdits et vous inondent de formulaires à remplir. C'est là également un obstacle.
Vous avez mentionné qu'en raison de la situation financière nul n'est encouragé à se présenter aux élections locales, ce qui constitue également un obstacle.
Ai-je laissé quelque chose de côté? J'essaye de me faire une image d'ensemble, de retrouver les six points mentionnés par les gens du Labrador-Ouest, les six objectifs à viser.
M. Roberts: Je ne dirais pas que les gens ont fait preuve de complaisance, mais ils n'ont pas été entendus. Il y a eu des réunions de part et d'autre, et ce n'est pas la première séance de ce genre à laquelle j'assiste.
Les hommes politiques arrivent, nous écoutent...
M. Ringma: Opinent du bonnet.
M. Roberts: ...opinent du bonnet, reconnaissent que nous avons un problème. Je me souviens qu'à l'époque où Jean Marchand était ministre des Transports il est venu au Labrador-Ouest examiner l'aéroport. Nous avons passé deux heures et demie au Union Centre, à Labrador City, à discuter avec M. Marchand de la situation de l'aéroport et du système de transport, après quoi il s'est levé, nous a tous remerciés, a reconnu que nous avions un problème...puis nous n'en avons plus jamais entendu parler.
M. Thoms: L'un des principaux obstacles à la solution des problèmes au Labrador, monsieur Ringma, c'est le fait que notre population compte environ 35 000 personnes, ce qui représente je ne sais combien d'électeurs, monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Environ 18 000.
M. Thoms: Dix-huit mille votes, cela ne pèse pas lourd.
M. O'Brien: C'est vrai.
M. Thoms: C'est un pays très vaste, qui a trois fois la taille de la portion insulaire de la province, mais avec une population équivalant à moins de 10 p. 100 de celle de cette portion insulaire. Nous avons été constamment en lutte avec le gouvernement provincial, et nous avons le même problème avec le gouvernement fédéral.
À propos de Voisey Bay, c'est M. Mitchell qui a parlé d'importer de la main-d'oeuvre. Nous aurons besoin là de travailleurs de l'extérieur possèdent des spécialisations de pointe, mais nous avons actuellement, au Labrador, une main-d'oeuvre instruite et bien formée. Récemment les sociétés minières du Labrador-Ouest ont procédé à des compressions d'effectifs, comme partout ailleurs au pays, de sorte que nous avons maintenant plus de chômage que jamais. Je ne pense pas que nous ayons à faire appel à l'extérieur pour embaucher. Il viendra un temps, bien entendu, où nous n'aurons pas suffisamment de gens ici et devrons en faire venir.
L'un des plus gros obstacles au développement, à mon avis, c'est le chiffre de la population.
Le président: Je vous remercie. Monsieur O'Brien, vous avez la parole.
M. O'Brien: Merci, monsieur le président. Je voudrais revenir sur ce que disait tout à l'heure M. Roberts, mais cette fois-ci je ne me répéterai pas.
Des voix: Oh, oh!
M. O'Brien: Vous allez entendre sous peu les gens de Rigolet, et ceux de Cartwright, et je sais quelle est la position des conseils conjoints et autres. Il s'agit des pistes d'hiver et des évaluations environnementales du gouvernement fédéral.
Nous avons là une source de financement considérable, car les pistes du Labrador sont très importantes pour nous. Les routes encore davantage, mais en hiver nous avons besoin de ces pistes. C'est un financement pour des emplois temporaires, qui fait partie de la Loi sur l'assurance-emploi, et qui nous concerne tous. Je voudrais que cet argent soit utilisé dès à présent pour une piste d'hiver allant de Rigolet à Valley Bay, jusqu'à Goose Bay, et de Cartwright à Goose Bay; cette piste est appelée la piste du Ptarmigan.
Mais les lois du gouvernement fédéral nous en empêchent, bien que ce soit ce que tout le monde, au Labrador, souhaite. On nous objecte qu'il doit d'abord y avoir évaluation environnementale, et je vous ai entendu en parler, monsieur Roberts, à propos des pistes. Cela m'écoeure: nous devrions être débarrassés de ce genre d'obstacles et ne pas nous laisser paralyser par la paperasserie.
Je suis tout en faveur de l'environnement, dont je comprends l'importance, mais quand au Labrador ou ailleurs tout le monde sait ce dont on a besoin, avons-nous besoin de quelqu'un, à Ottawa, qui nous dise que nous ne pouvons le faire, qu'il nous faut trouver de l'argent pour procéder d'abord à une étude qui coûtera 100 000 $ afin d'en dépenser 50 000 $? Nous avons là une situation absurde, et c'est là le principal problème.
Dans toutes les régions du Labrador je suis maintenant paralysé par cette question des pistes d'hiver que mentionnait M. Roberts. C'est une question dont nous devrions discuter, à laquelle nous devrions réfléchir, une difficulté que nous devrions aplanir.
Si l'Association des Inuit du Labrador, organisme de revendication territoriale qui est sur le point d'achever ses négociations, écrit une lettre à la communauté de Rigolet - ce qui a été fait - et déclare qu'elle ne voit pas d'objection, cela devrait nous suffire pour nous mettre à l'ouvrage. Cette question est un vrai cauchemar pour moi. Si l'Association des Métis du Labrador et le conseil de Cartwright font de même, ce devrait être suffisant pour nous permettre de mettre en chantier la piste de Cartwright à Goose Bay.
C'est un point sur lequel je voudrais m'appesantir, car si nous pouvons construire à travers le pays ce que nous appelons le sentier transcanadien, et des centaines de milliers de milles de piste jusqu'à Gander, pourquoi ne pouvons-nous pas commencer les travaux au Labrador? De tous côtés nous sommes handicapés, frustrés, paralysés.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur O'Brien.
Merci, messieurs. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré pour présenter votre témoignage et pour suivre le reste des débats. Je sais que votre mémoire aborde plusieurs questions que vous n'avez pu discuter verbalement, mais dont nous tiendrons compte quand nous ferons une synthèse de tout ce que nous avons entendu. Nous vous remercions également de votre invitation à revenir dans une autre partie du Labrador.
M. Roberts: Je vous remercie.
Le président: Je voudrais maintenant donner la parole à nos témoins suivants, Mme Charlotte Wolfrey et M. Richard Rich, qui représentent le conseil municipal de Rigolet.
Je vous souhaite la bienvenue. Merci de vous être pliés à notre horaire. Je vais vous demander de faire votre exposé, qui se résumera, je l'espère, à une dizaine de minutes, et les membres du comité vous poseront ensuite des questions. Veuillez d'abord vous présenter.
Mme Charlotte Wolfrey (administratrice municipale, Conseil municipal de Rigolet): Je suis Charlotte Wolfrey, de Rigolet, et je suis accompagnée de M. Richard Rich, qui en est le maire, mais nous allons troquer nos fonctions: c'est moi qui vais prendre la parole, et lui qui répondra ensuite aux questions.
Le président: Très bien.
Mme Wolfrey: Nous sommes...
Le président: Un instant, s'il vous plaît.
M. Deshaies: Pouvez-vous nous montrer où est Rigolet? C'est important pour comprendre votre point de vue.
M. O'Brien: Rigolet se trouve à l'embouchure du lac Melville; Goose Bay est ici, voici le lac, et voici Rigolet.
M. Deshaies: Je vous remercie.
Mme Wolfrey: J'allais demander à quelqu'un de vous montrer cela un peu plus tard.
Comme je le disais, nous sommes de Rigolet, qui a une population de 350 personnes, la plupart d'origine inuit. La communauté de Rigolet a une histoire de plus de deux siècles, et auparavant les Inuit vivaient autour des baies et exploitaient les ressources de la terre. Les Inuit n'avaient pas donné de nom à cette région, qu'on a appelée plus tard Rigolet: c'était un endroit où trouver des aliments ailleurs qu'à terre, car nous sommes situés à l'embouchure de la baie de Groswater, à l'extrémité du lac Melville, pour ceux qui ont une idée de la configuration du Labrador.
Rigolet a beaucoup de ressources naturelles, notamment un paysage extraordinaire, de beaux lacs et cours d'eau, des arbres magnifiques, ainsi qu'un passé fort intéressant. C'est bien joli d'avoir des ressources naturelles, mais, comme nous l'avons constaté, assurer le développement et la durabilité de ces ressources n'est pas une tâche facile. Permettez-moi de vous donner un exemple. Smokey était jadis une communauté de pêcheurs située à quelque 40 milles de Rigolet. On y trouvait jadis les plus grands stocks de morue au Canada, en fait dans le monde. Les stocks ont mal été gérés et ont été surexploités au point que la morue du Nord a pratiquement disparu; puis le gouvernement a imposé l'infâme moratoire sur la morue.
Tout le monde connaît ce moratoire. Ce qu'on ne sait pas ou ce dont on ne parle pas, c'est qu'un bon nombre de nos résidents n'étaient pas admissibles au programme en raison des critères établis. Les critères précisaient qu'il fallait avoir tiré un revenu de la pêche en 1990 pour être admissible aux prestations accordées dans le cadre du moratoire, ou peu importe comment on les appelait. Mais il n'y avait plus de poisson dans le nord du Labrador en 1990. En raison de la surpêche avant cette date les résidents de la région n'étaient pas admissibles au programme. Les gens qui avaient, pour gagner leur vie, exploité la mer pendant plusieurs générations n'avaient plus de poisson, pas de revenus et aucune forme de compensation. C'est pourquoi nombre d'entre eux ont dû toucher des prestations sociales pour pouvoir survivre. Comme vous le voyez, le fait que d'autres organismes, agences et gouvernements contrôlent nos terres nous cause de graves problèmes.
On ne parle pas du tout ici de revendications territoriales. Nous supposons que l'Association des Inuit du Labrador comparaîtra - ou a déjà comparu - devant votre comité et s'occupera de la question. Nous vivons dans une région visée par des revendications territoriales, et nous croyons que nos meilleures chances de développement se trouvent dans le secteur du tourisme. Comme je l'ai dit plus tôt, nous vivons dans une région magnifique, les paysages sont extraordinaires, il n'y a pas de pollution, et on y trouve une tranquillité que tout le monde nous envierait.
Pour assurer le développement de l'industrie touristique, il nous faut une infrastructure importante. Il nous faut de la formation. Nous avons proposé la création d'un centre d'interprétation. Ce centre doit être créé. Nous avons besoin d'un réseau de sentiers qui nous relierait à Happy Valley - Goose Bay, et nous devons améliorer le réseau de sentiers pour le tourisme d'hiver.
Nous avons de nombreux attelages de chiens, et c'est d'ailleurs le moyen de transport que j'ai employé pour venir ici. Imaginez-vous, si vous le voulez bien, toute l'aventure que représente la possibilité de remonter dans le temps, de se promener en attelage de chiens, de respirer l'air frais, et de pouvoir faire tout cela dans le silence du magnifique paysage du Labrador tout en étant seul avec son conducteur d'attelage de chiens dans ce vaste pays. Je ne sais pas si vous pouvez imaginer cette situation, mais si vous ne pouvez pas le faire, je vous invite à venir vivre cette expérience avec nous.
Nous devons améliorer ce qu'on appelle le «système de navigation côtière» afin de promouvoir le tourisme; cependant, le gouvernement de Terre-Neuve fait la sourde oreille, puisqu'il se propose de se défaire de ce système, et le gouvernement canadien donne à Terre-Neuve de l'argent pour construire des routes et diminue le financement accordé aux services côtiers. Dans le cadre de ce que je perçois comme étant une campagne pour la construction routière, le gouvernement de Terre-Neuve investit tout l'argent dont il dispose dans la construction de routes pour l'île de Terre-Neuve, y compris des autoroutes dont personne ne veut. Le Labrador est encore une fois laissé pour compte.
Nombre de nos gens n'ont pas le nantissement nécessaire pour organiser un tel développement; de plus, il y a toute la paperasserie imposée par le gouvernement: l'étude, les EIE, les plans d'entreprise, les études de marché, et bien d'autres. Nos gens n'arrivent plus à se sortir de cette paperasserie. On les renvoie d'un fonctionnaire à un autre, puis à un autre; ils se découragent et abandonnent leurs idées et leurs rêves. Nous ne disons pas qu'il faut mettre fin à ces études, mais nous proposons qu'elles soient simplifiées, et ce, de beaucoup.
Il faut investir dans les projets de développement et d'infrastructure. Nous avons besoin de stratégies de commercialisation. Nous pourrions créer des industries solides qui assureraient des emplois à nos gens. Pour ce qui est de l'expansion économique, pendant plusieurs années Rigolet a proposé la construction d'une usine de transformation du crabe dans la collectivité. Nous nous trouvons à proximité de certains des meilleurs fonds de pêche du crabe, mais, comme d'habitude, nous demandons au gouvernement de procéder à une évaluation des stocks de crabe, et c'est toujours une autre communauté qui en profite.
Rigolet a procédé à toutes sortes d'études sur les espèces et la quantité de crabe qu'on retrouve dans notre région. On a découvert du crabe, mais d'autres collectivités qui ont peut-être accès à des politiciens qui défendent mieux leurs intérêts - dans certains cas des politiciens qui faisaient partie du gouvernement et qui les connaissaient, etc. - ont obtenu l'usine de transformation du crabe. Aujourd'hui nous savons cependant qu'il y a suffisamment de crabe pour assurer le fonctionnement d'une usine petite ou moyenne dans la collectivité. Il y a le crabe araignée - qu'on appelle également le crabe des neiges - le crabe dit «porc-épic», et le crabe cailloux au nord de Rigolet. En dépit de tous ces renseignements, nos gens n'ont toujours pas d'emploi et aucun débouché. Cela est typique de nos expériences avec le gouvernement.
Lorsque nous sommes venus ici, nous pensions que la question du jour serait le projet de Voisey Bay. Il n'a fallu que quelques minutes après le début de la séance pour qu'on parle de Voisey Bay, et je ne sais combien de fois j'ai entendu ce nom - j'aurais dû compter. Nous sommes convaincus qu'on en parlera beaucoup.
Il est incroyable de penser que chez nous il y a des minerais qui ont permis à bien des gens de s'enrichir. Il s'agit quand même d'échanges de 4,5 milliards de dollars. Nos gens ne peuvent même pas s'imaginer ce que représentent 4,5 milliards de dollars.
Il s'agit là de ressources qui appartiennent aux Autochtones du Labrador; pourtant la majorité d'entre eux vivent dans des conditions qu'on retrouve dans le Tiers monde. Certaines de nos collectivités n'ont pas d'eau courante ou d'égouts.
Par exemple, à Rigolet, nous n'avons pas de services de police. Si nous avons besoin de la police, nous devons l'appeler. S'il fait beau, la police met quand même au moins deux heures pour se rendre chez nous. Dans des situations d'urgence, et s'il fait beau, il faut compter au moins deux heures. S'il ne fait pas beau, il faut attendre qu'il fasse plus beau. Si quelqu'un vous fait mal ou si quelqu'un est victime d'une attaque, ou peu importe, la police ne peut pas nous aider. Nous n'avons pas de services de ce genre. Il faut attendre qu'ils arrivent.
Nous n'avons pas de base économique. Aussi incroyable que cela puisse paraître, même avec ce que promet Voisey Bay, notre avenir n'est pas prometteur.
Rigolet est la communauté du nord du Labrador qui se trouve le plus éloignée de la découverte de Voisey Bay et également le plus éloignée des avantages économiques qui découleront de son exploitation. Quelques-uns de nos gens travaillent là-bas, mais nous ne nous attendons pas à ce que les choses changent vraiment, même lorsque l'exploitation va commencer.
Nous sommes d'avis qu'il devrait y avoir une forme d'indemnité pour les communautés autochtones et les communautés du nord du Labrador, parce que nous savons que la majorité des emplois et des avantages qui découleront de l'exploitation de Voisey Bay ne resteront pas au Labrador. L'expérience nous a appris qu'il y aura d'autres projets de développement un jour ailleurs, quelque part, mais pour quelqu'un d'autre. Nous avons déjà vécu tout cela. Nous savons comment les choses se passent. Si vous ne comprenez pas ce à quoi je veux en venir, il suffit de penser à Churchill Falls.
J'ai pratiquement terminé. Nous n'avons abordé que quelques-unes des questions qui nous touchent. L'ensemble de la collectivité n'est pas suffisamment développée, et elle n'a pas accès aux services adéquats. Nous voudrions qu'on assure à Rigolet une infrastructure et une base économique. Nous avons le potentiel nécessaire, nous avons des gens qui sont disposés à travailler, qui ont hâte de travailler, mais le problème, c'est qu'il n'y a pas d'emplois. Et sauf le respect que je vous dois, je ne crois pas que la réponse peut être trouvée dans des études, des commissions royales d'enquête et des comités directeurs. Nous avons besoin d'emplois.
Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Ringma.
M. Ringma: Madame Wolfrey, je vous demanderai de m'aider à mieux comprendre ce dont Rigolet a besoin pour devenir une communauté indépendante et heureuse. Oublions pour l'instant Voisey Bay et Churchill Falls.
Si j'ai bien compris, les gens de votre collectivité peuvent s'en sortir. Vous voulez des emplois. Vous avez certaines ressources. Il suffit de penser à la mer. Vous nous dites que les ressources existent, mais que vous ne pouvez pas pêcher le crabe parce que vous n'avez pas les contingents, ou peu importe. Je suppose qu'il y a un obstacle administratif...
Bien. On a les compétences et des gens qui sont en mesure de travailler et qui connaissent la mer. Ils ont certaines des qualifications voulues. Que nous faut-il d'autre pour que cette localité soit autosuffisante, sans égard à Voisey Bay ni à rien d'autre?
Mme Wolfrey: Comme je vous le disais, on pêche le crabe à proximité de notre localité, mais notre usine de poisson... Par exemple, quand tous ces fonds étaient disponibles - vous vous souvenez qu'à l'époque on avait de l'argent pour tout faire et pour tout construire - pour une raison ou une autre, Rigolet a été oublié, et je suppose que c'est parce que sur nos 350 résidents, 190 seulement sont des électeurs.
L'installation de Rigolet n'est qu'un entrepôt pour le poisson. Le saumon arrive et on le garde pour les navires qui viennent et qui l'emportent ailleurs. Nous n'avons donc ni l'infrastructure ni les quotas. Quand on voit les quotas qui sont attribués, on se rend compte qu'il n'y en a aucun quota pour notre collectivité.
M. Ringma: À ce propos justement, comment se fait-il qu'il n'y ait aucune perspective commerciale? Comment se fait-il qu'aucun fabricant ne se rende compte que c'est une communauté avec une bonne main-d'oeuvre, et qui a accès au crabe. Qu'est-ce qui les empêche de venir y installer une usine de transformation?
Mme Wolfrey: Parce qu'ils ont établi des usines de transformation dans d'autres communautés du sud du Labrador.
M. Ringma: C'est plus intéressant ailleurs.
Mme Wolfrey: Je le pense. Les usines et l'infrastructure étaient déjà en place quand tous ces fonds étaient disponibles. Je suppose que les gens savaient quelles ficelles il fallait tirer ou qui il fallait pressentir.
Il y a des usines de crabe à Cartwright et à Mary's Harbour. Je ne suis pas sûre que ce soit le cas pour le sud du Labrador, mais je sais qu'à ces deux endroits on utilise une partie du crabe qui vient du nord du Labrador et en fait on en demande davantage pour maintenir l'exploitation.
Puis il y a des gens comme Bill Barry, qui prennent le poisson du nord du Labrador pour l'emmener en Nouvelle-Écosse si cela leur chante. On les réprimande bien un peu, mais sans conséquence, si bien qu'ils peuvent recommencer cette année.
Je pense que la question est en grande partie d'ordre politique. On ne s'intéresse pas aux petites communautés qui comptent un petit nombre d'électeurs.
M. Ringma: Je dirais...
Le président: Monsieur Rich, voulez-vous ajouter quelque chose à ce propos?
M. Richard Rich (Maire, ville de Rigolet): Oui.
Je suis pêcheur. Je pêche depuis l'âge de 16 ans. Voilà 20 ans que nous réclamons une usine de transformation à Rigolet. Nous avons soumis quantité de bonnes propositions.
En 1985-1986, on a construit une usine dans le nord du Labrador. Savez-vous où on l'a implantée? À Smokey, soit à une quarantaine de milles de Rigolet. Les gens n'y restaient que pendant quatre ou cinq mois. L'usine était là-bas et les gens de Rigolet - nous allions à Smokey. Certains restaient à Indian Harbour et essayaient de se procurer une voiture pour récolter les timbres d'un peu tout le monde, ou allaient à Makkovic ou ailleurs.
Ce n'est pas parce que nous sommes à Rigolet que je vais m'en tenir à cela aujourd'hui. Nous avons fait bien des choses. Je suis fier de la position que la communauté a prise, vu qu'on a dépensé qu'une misère pour les pêches... la compagnie de la Baie d'Hudson était là. J'ai commencé en 1959, d'ailleurs mon père a tout noté jusqu'à maintenant.
À la fin des années 70, Bay Roberts Fishery est arrivée. Ces entreprises venaient pour trois ou quatre semaines puis repartaient.
En 1981, nous avons formé la Torngat Fish Producers Co-op, qui existe encore aujourd'hui. Ce n'est pas parce que les gens n'essayaient pas de gagner leur vie à Rigolet, et maintenant, surtout depuis que le nouveau premier ministre de Terre-Neuve semble avoir un peu de compassion pour nous - au moins il nous parle, surtout à propos des pêches. Je sais que nous pouvons faire quelque chose à Rigolet.
J'ai présenté une proposition en août. J'en ai présenté une à la co-op et une autre aux ressources humaines et à d'autres aussi. Les ressources humaines - je pense que cet immeuble là-bas devrait être démoli, il ne sert à rien. On ne peut pas faire venir des gens dans notre communauté. Ce que je vous dis, c'est qu'on n'arrive pas à attirer des gens de Rigolet - nous pouvons construire nos propres maisons, là n'est pas le problème.
Nous avons les produits du crabe, du flétan et de l'oursin - un autre projet qui est censé commencer cette année. Nous l'avons fait de façon expérimentale l'an dernier, mais cela cessera en avril. Nous espérons réussir.
Nous possédons d'autres ressources. Depuis 20 ans, nous luttons pour pouvoir chasser le phoque. Quand je parle de chasser le phoque, je ne parle pas simplement de le faire sur terre. Nous avons huit attelages de chiens. Nous avons de fabricants de bottes de peau de phoque. Je peux me procurer aujourd'hui une peau de phoque pour vous de la côte qui avez de la chance - une peau de 40 par 80 coûte 25 $. Une peau de veau marin coûte environ 30 $. Depuis des années, nous réclamons de pouvoir chasser le phoque afin de mettre en boîte du phoque pour nos chiens. Je ne veux pas parler uniquement des chiens husky - des chats, de ce que vous avez chez vous. Nous pourrions réussir, si nous pouvions arriver à le faire comprendre au gouvernement.
J'ai entendu mentionné le nom de M. Rompkey. On ne mentionne jamais son nom devant moi, car depuis plus de 20 ans, il n'a jamais répondu à mes appels téléphoniques. Qu'est-ce que je lui ai fait?
Je sais que je m'énerve, que je dis ce que j'ai à dire, mais pendant que j'y suis, j'aimerais passer à autre chose au sujet de Rigolet.
Comme dans toutes les localités du Canada, nous envoyons nos enfants au gymnase le long de la route de l'aéroport, là-bas dans le port, où les vents des tempêtes tourbillonnent et la vapeur survole leurs têtes.
Par le passé, j'ai eu l'occasion de parler à tout le monde. Quatre premiers ministres provinciaux étaient issus de cette localité. Ah oui, ils allaient faire quelque chose. Qu'est-ce qu'ils ont fait? Rien.
Nos pauvres enfants. Je suis fier des enfants parce que lorsqu'ils vont à l'université, ils sont solides, je ne pense pas que lorsqu'ils arrivent à l'université... Qu'est-ce qu'un foc? Le nom? Ils n'en ont pas la moindre idée, les pauvres, lorsqu'ils arrivent là-bas.
Je pense que nous apprenons à travailler avec notre nouveau député provincial. Nous obtiendrons peut-être quelque chose, mais depuis 25 ans, on a oublié Rigolet jusqu'au dernier député. C'est comme la piste. Il y a une piste de Molioch qui existe déjà. Nous voulons l'élargir, mettre quelques affiches pour indiquer qu'il s'agit du chemin Molioch. Il y a aussi la route qui vient par Carawalla. Vous êtes en route vers Carawalla jusqu'au tournant. Si vous ne faites pas attention, vous vous retrouverez dans l'océan.
Cela fait des années que nous implorons, mais personne ne fait attention. Merci.
Le président: Avez-vous terminé, monsieur Ringma?
M. Ringma: Oui, je suppose. Ce serait intéressant de continuer, mais j'ai compris. L'essentiel, c'est que personne n'écoute.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: J'aimerais revenir à la dernière phrase de M. Ringma. Manifestement, nous ne serions pas ici n'était-ce de la ministre Mme McLellan qui écoute, qui se préoccupe du développement économique rural. Pat est là assis à l'arrière qui vous écoute. Nous allons faire rapport à la ministre. Nous allons faire notre possible pour aider vos députés à vous aider à gagner votre place au soleil. Vous êtes importants. Votre témoignage nous a certainement ouvert les yeux. C'était extrêmement bien fait. Nous allons ramener votre message avec nous et nous allons faire ce que nous pouvons pour vous aider.
Le président: Monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Monsieur le président, c'est très émouvant, on le sent. Je peux rager et me plaindre, Charlotte et Richard aussi, mais je partage cette passion, je la vis. Je travaille avec ces gens depuis 14 ans comme président du Comité des ententes autochtones. Je fais partie du groupe. Je comprends ce qu'ils répètent jour après jour. L'important, c'est qu'ils ne demandent rien à personne. Vous vous en rendez compte. Ces gens ne demandent qu'à être reconnus et à obtenir leur juste part des ressources qui à l'heure actuelle vont servir le monde industriel de l'extérieur. Si nous pouvons obtenir notre petite chance...
Soit dit en passant, les pêcheries Torngat, c'est une coopérative locale et Torngat aimerait beaucoup construire une usine à Rigolet.
Je vais à St. John demain pour rencontrer des collaborateurs du ministre des Pêches qui m'a promis qu'il va mieux veiller aux intérêts du Labrador que ce que l'on a vu par le passé. J'ai l'intention de voir à ce qu'il tienne sa promesse, à compter de demain matin. Je pars ce soir.
Si nous ne pouvons faire mieux que ce que nous avons entendu, dès ce matin des porte-parole de localités comme Rigolet, soit 250 tonnes de flétan ou que sais-je, si c'est le mieux que nous puissions faire, nous allons tous y perdre. Le pays y perdra aussi, parce que Toronto ou Montréal se considèrent comme le moteur du pays - et c'est peut-être le cas, question de point de vue - à mon avis, et je suis persuadé que vous êtes nombreux à partager mon avis, si ce n'était des ressources humaines et des ressources naturelles des régions rurales et éloignées du pays... Il faut tout un mélange pour faire de nous le peuple que nous sommes si fiers d'être.
Je pense qu'on l'entend de partout, sur tous les tons et par tous les moyens. Je suis très heureux que vous soyez venus l'entendre. Je suis très heureux, Richard et Charlotte, que vous avez pris le temps de venir à Rigolet qui se trouve à une extrémité du lac Melville et en passant, j'ai grandi à l'autre extrémité, à environ 100 milles d'ici.
Merci. Vous me facilitez la tâche un peu parce que nous faisons valoir la cause et je vais continuer à vous presser.
Le président: Avant que vous ne partiez, je pense que M. Reed veut dire quelque chose.
M. Reed: Oui. J'aimerais faire une remarque sur ce que nous avons appris au cours de ces séances, partout.
Vous avez parlé du Canada urbain et du Canada rural. C'est un problème réel. Le Canada urbain ne comprend pas qu'en fait, il n'existerait pas n'était-ce du Canada rural, c'est-à-dire la pêche, l'agriculture, les mines ou la forêt.
Vous avez, à juste titre, fait allusion au fait qu'à bien des égards, c'est peut-être un simple jeu de chiffres, parce que nous au Canada rural - je revendique toujours mon appartenance à la campagne bien que la ville m'encercle de plus en plus où j'habite - il semble que la politique gouvernementale est parfois poussée par les attitudes de l'opinion publique qui très souvent sont des opinions urbaines. La partie rurale par conséquent est oubliée.
C'est pourquoi nous faisons cette tournée, plus particulièrement pour sensibiliser - pour nous sensibiliser, si on veut. Je me demande souvent - hier on nous a présenté une proposition voulant que dans certains cas, on ait des lois et des règlements distincts pour le Canada rural.
Prenons le réseau de pistes ici où il y a des obstacles qui ne devraient pas exister. Je peux vous dire que lorsque nous retournerons présenter ce rapport à la ministre, le Canada rural prendra une nouvelle importance pour le gouvernement que j'ai l'honneur de servir.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Reed.
Merci, madame Wolfrey et M. Rich de votre témoignage. Vous avez certainement plaidé votre cause avec beaucoup d'éloquence et nous vous en sommes très reconnaissants. Merci.
J'aimerais maintenant demander aux représentants de Cartwright, Jessie Bird et Allen Dyson, de bien vouloir s'avancer et de se préparer à témoigner.
Mme Jessie Bird (maire adjoint, Conseil municipal de Cartwright): Pour votre gouverne, j'aimerais vous montrer où est Cartwright. Nous sommes à l'embouchure de la Baie Sandwich. Nous sommes à environ 150 milles de Goose Bay par la voie des airs.
M. O'Brien a distribué une coupure de journal. Le pneu a suivi cette route, par ici jusqu'à un endroit que nous appelons Back Bay. Il y a des tronçons de route recouverts de glace qu'il faut traverser et si vous ne savez pas exactement où vous allez, oubliez ça. Vous êtes sur la neige, sur de l'eau qui n'a pas gelé.
C'est ainsi que nous devons déplacer. Voilà pourquoi mes grands-parents et mes arrières-grands-parents voyageaient avec leurs chiens. C'était préférable, parce qu'au moins les chiens évitaient les îlots de glace. Malheureusement, les motoneiges ne sont pas intelligentes.
On propose un trajet pour les motoneiges, la piste Ptarmigan. Vous pourriez l'emprunter en toute sécurité, passer derrière les montagnes en empruntant la terre plutôt que l'Atlantique Nord et une nappe d'eau assez dangereuse qu'on appelle le lac Melville.
Il y a une piste tracée pour motoneige allant de Cartwright jusqu'au détroit, en fait à la baie Red. Lorsque le temps le permet, on entretient les pistes dans la mesure où l'association de développement a les moyens de payer ses employés et d'entretenir son équipement. Croyez-moi, vous ne savez pas ce que l'on est prêts à accepter pour pouvoir se déplacer.
Vous parlez du «Canada rural». La plupart des habitants des régions rurales du Canada ne survivraient pas le long de la côte, je regrette. Nous avons des ressources incalculables à portée de la main mais elles disparaissent, l'une après l'autre - nous sommes maintenant moins de 40 000 habitants.
Vous parlez du développement rural. Cette région rurale du Canada peut certainement subvenir à ses besoins et à ceux d'une bonne partie du reste de la province et de la région. Mais si nous n'obtenons pas un réseau de transport convenable... La trans-Labrador ne peut pas s'arrêter ici, à 150 milles de la côte. Il faudra la prolonger vers le Nord. La construction de ce tronçon va certes prendre du temps car il y a d'abord des revendications territoriales à régler, mais il n'y a absolument aucune raison pour que nous continuions à vivre dans des conditions du Tiers monde.
Il y a une localité juste là, Black Tickle, sur une petite île. Il n'y a même pas de source normale d'eau potable. L'eau disponible est une eau de surface, et cette année, les bactéries y étaient si nombreuses qu'on ne voudrait pas consommer l'eau. C'est la même chose sur la Côte-Nord, un approvisionnement en eau potable insuffisant.
Ici nous avons la baie Voisey, encore une fois, 4,5 milliards de dollars. Il y a trois personnes dans notre localité dont l'une est retournée à Voisey pour y travailler pendant des périodes consécutives. Les deux autres y retournent de temps à autre. C'est notre participation locale. Voilà l'idée que quelqu'un a du développement de nos ressources par des voisins.
Il faut que l'on cesse de parler pour la forme. Nous avions le flétan, à notre porte. Il y a des localités ici qui sont là depuis eh bien depuis que les Européens sont venus il y a environ deux cents ans et la population autochtone est ici depuis des milliers d'années. On n'arrive plus à prendre un poisson. Qu'on nous explique cela.
Si nous appliquons tous ces merveilleux principes de contiguïté au reste du pays et au reste du monde, il faut également les appliquer à l'échelle régionale. Sinon, vous n'avez pas le droit de venir ici et de dire quoi que ce soit quand un autre gouvernement envoie ses représentants pour mettre la main sur les ressources.
Regardez le Labrador où la densité de population est faible. Comme je l'ai dit, nous avons les moyens d'assurer une bonne partie du développement économique de la région. Il y a dans cette région du Labrador et encore dans celle-ci autour de Goose Bay, de grandes forêts et des gens disposés à les exploiter. Il y a des gens qui tentent de le faire, mais parce qu'ils sont de l'endroit, qu'ils n'ont pas le soutien d'énormes compagnies et des comptes en banque solides, ils ont de la difficulté. Et je le sais par expérience.
Le type, sur cette photo, c'est mon mari. C'est lui qui a traîné le pneu jusqu'à la maison. La semaine après son arrivée à Cartwright avec le pneu, il est revenu chercher un autre chargement de matériaux de construction pour quelqu'un à Cartwright et sur le retour, le véhicule auquel appartenait le pneu s'est retrouvé dans l'océan. Voilà comment nous voyageons. Voilà ce qu'on doit faire pour essayer de gagner notre vie.
Je ne crois pas qu'il se trouve des gens dans votre circonscription qui vivent dans des conditions pareilles; ces conditions sont propres aux régions côtières et aux régions situées dans l'extrême nord. Je ne pense pas que vous puissiez vraiment vous imaginer ce qu'il en est. Le comité devrait vraiment essayer de visiter une localité côtière parce que pour nous, ici ce n'est pas la côte, ni une région rurale ni même une région isolée. Je regrette de vous le dire.
Mardi, pour la première fois de la semaine, le courrier s'est rendu à Cartwright. Comme le temps était mauvais, l'avion amenant le courrier n'est pas venu. Je me demande s'il vous est déjà arrivé d'être privés de service postal pendant une semaine.
Nous disposons des moyens voulus pour subvenir à nos propres besoins et pour bien le faire, mais la population locale, qui travaille d'arrache-pied à créer l'infrastructure industrielle voulue ne peut pas compter sur l'aide d'une instance politique... Il faut cesser de dire aux gens qu'on va les aider à exploiter leurs ressources et commencer à le faire vraiment.
Si notre région avait un réseau routier, nous ne compterions pas autant sur Marine Atlantic. En fait, les services de cette entreprise ne seraient pas nécessaires du tout sur la côte sud. À partir de là, on pourrait desservir les secteurs de la Côte-Nord ainsi que les petites localités du sud qui ne sont pas accessibles par route. On réduit le service maritime et on soutient qu'on va réaffecter les fonds versés à Marine Atlantic à la construction de routes. C'est impossible. C'est impossible jusqu'à ce qu'il y ait une liaison routière entre la côte et la majorité de ces petites localités de manière à ce que celles-ci puissent expédier leurs produits sans que cela leur coûte trop cher. On ne peut pas s'attendre à ce que la côte déjà appauvrie puisse se tirer d'affaires avec une route qui ne permettra pas de rejoindre toutes les localités.
Je crois que je me suis laissé emporter et que j'ai dépassé le temps qui m'était imparti.
Le président: Combien d'habitants compte Cartwright?
Mme Bird: Cartwright compte 640 habitants. La population de Paradise River diminue sans cesse. Je crois qu'il n'y reste plus que 12 habitants. Black Tickle cherche désespérément à survivre. Cette localité compte un peu moins de 400 habitants.
M. Ringma: Comment vous êtes-vous rendue ici? Par avion ou par bateau?
Mme Bird: Par avion.
M. Ringma: Êtes-vous venue en hydravion?
Mme Bird: Non. Ces localités ont des pistes d'atterrissage.
M. Ringma: Je comprends.
Mme Bird: Les avions de brousse peuvent atterrir.
M. Ringma: D'où tirez-vous votre électricité?
Mme Bird: De génératrices à diesel.
M. Ringma: On trouve des génératrices à diesel dans la plupart des petits ports?
Mme Bird: Dans la région du détroit, l'électricité vient du Québec.
M. Ringma: Mais la plupart des localités côtières produisent leur propre électricité...
Mme Bird: Grâce au diesel. Et il y a toute l'électricité provenant des chutes Churchill. Il est possible qu'on supprime des lignes de transmission si on construit une route.
Le président: Êtes-vous maintenant prête à répondre aux questions?
Mme Bird: Oui.
Le président: Marlene.
Mme Cowling: J'aimerais revenir sur la question que posait le président au sujet de la population de ces localités. Quel est l'âge moyen de votre population?
Mme Bird: Je pense que l'âge moyen se situe entre 35 et 39 ans. Notre population est jeune. Après leurs études secondaires, les jeunes ont tendance à quitter leur localité pour trouver de l'emploi ou pour poursuivre leurs études.
De façon générale, ceux qui s'expatrient pour poursuivre leurs études ne reviennent pas dans leur localité où ils ne peuvent pas trouver d'emploi.
Mme Cowling: Ai-je raison de croire que la priorité pour votre localité c'est la construction de la route?
Mme Bird: Oui. Nous serions en effet très heureux si quelqu'un venait nous dire demain qu'on allait se mettre à défricher la piste qu'empruntent les motoneiges.
Nous ne voulons rien qu'on jugerait excessif ailleurs au Canada. Nous n'avons pas d'autoroute transcanadienne. La Transcanadienne ne traversera pas vraiment tout le pays ou tout le continent tant qu'elle n'aboutira pas au littoral de l'Atlantique Nord.
Les premiers touristes - pour ainsi dire - ont été les Vikings. Ils ont baptisé du nom de Wunderstrand une étendue de plage sablonneuse qui s'étend sur plus d'une quarantaine de milles. Comme paysage, on ne fait guère mieux. Si nous étions plus robustes, nous irions nous y baigner, mais l'Atlantique Nord est un peu trop froid pour moi, merci.
Si nous avions une route, ou même une piste pour motoneiges en hiver, nous pourrions circuler en motoneige sans craindre d'être littéralement engloutis dans la neige.
Bien des gens hésitent à se rendre ici. Pourtant nous avons des attraits assez inusités que nous voudrions bien montrer. Nous aimerions bien que les gens puissent venir ici pour s'émerveiller en toute sécurité de ce que nous prenons pour acquis.
Mme Cowling: Avec la route, le tourisme est possible.
Mme Bird: Tout à fait. Mises à part peut-être quelques rivières de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, nous avons la meilleure rivière à saumon au monde - la rivière Eagle. Elle a fait un peu parler d'elle dernièrement, mais elle est quand même très belle et elle sera là durant des générations.
Certaines personnes sont prêtes à payer le prix fort pour visiter de tels endroits. Si nous pouvions réduire un peu les coûts, les gens pourraient peut-être s'y rendre en voiture et ils seraient encore plus nombreux à en profiter.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Votre message nous parvient très clairement. Le temps est venu pour nous...
Mme Bird: D'agir.
M. Reed: ...de faire quelque chose de concret.
Que pensez-vous de l'inforoute?
Mme Bird: C'est très bien lorsqu'elle est ouverte.
M. Reed: Ma question portait sur l'accès à l'inforoute. En effet, l'inforoute offre des occasions en matière d'enseignement supérieur dans les régions éloignées, et dans tout le domaine du développement de l'esprit d'entreprise et de l'accès au capital et à d'autres ressources.
Vous n'avez évidemment pas accès à de telles possibilités à l'heure actuelle. Estimez-vous que l'inforoute, l'accès à Internet et à d'autres moyens sont importants pour l'avenir?
Mme Bird: Nous avons tout de même accès à «l'infopiste».
M. Reed: Vous avez une bibliothèque.
Mme Bird: De fait, notre école est reliée au STEM-Net, l'équivalent provincial d'Internet pour le secteur de l'éducation. En matière de disponibilité d'ordinateurs, nous dépassons probablement la moyenne provinciale, et peut-être même la moyenne nationale.
Nous disposons d'un laboratoire informatique de 14 postes de travail et chaque salle de classe a son ordinateur, à partir de la maternelle.
Nous comptons 136 étudiants de la maternelle à la douzième année, et il y a généralement deux niveaux par classe. Il se peut même que nous envisagions de grouper trois niveaux par classe d'ici quelques années à cause des compressions gouvernementales.
On nous prêche qu'il faut rester à l'école et s'instruire le plus possible. Or, si nous pouvons offrir la physique aux étudiants du secondaire, c'est simplement parce que le système d'éducation à distance offre cette matière. Pour avoir accès à un cours de chimie, les étudiants du secondaire ont ramassé des boîtes de conserve et participé à un concours provincial qui récompensait l'école qui recueillerait le plus grand nombre de boîtes par personne. Nos jeunes se sont classés au deuxième rang. Avec les revenus de la vente des boîtes recyclées et l'argent du prix, ils ont acheté des produits chimiques et le matériel qu'il nous fallait pour offrir le programme de chimie aux étudiants du secondaire.
M. Reed: Je suis très content d'apprendre que vos étudiants ont l'esprit d'entreprise et ils ne ménagent pas leurs efforts. Je tiens cependant à vous dire que dans mon coin du monde, qui est paraît-il l'un des plus favorisés, nous avons également d'énormes difficultés à recueillir des fonds pour acheter des ordinateurs.
Mme Bird: Oui mais, pour vous, les ordinateurs sont relativement superflus, par rapport à un cours offert au programme. Nous ne faisons pas de campagne de financement pour le superflu. Nous devons trouver de l'argent pour financer le matériel de base. Nous ne devrions pas avoir à le faire.
M. Reed: Nous devons en faire autant.
Mme Bird: Je le sais.
M. Reed: Malheureusement.
Mme Bird: Si on prône l'alphabétisation, si on encourage les gens à s'instruire, à un moment donné il faut veiller à ce que les gens aient les moyens de le faire.
M. Reed: N'y a-t-il pas dans votre localité de graves lacunes en matière d'éducation et de méthodes éducatives?
Mme Bird: En effet.
M. Reed: C'est le cas?
Mme Bird: En effet.
M. Reed: De quelle manière?
Mme Bird: Le financement s'effrite constamment, ce qui se répercute nécessairement sur la qualité de l'éducation.
M. Reed: D'accord.
Mme Bird: Quand je vois d'autres écoles dans les grands centres, y compris Goose Bay, où l'on se plaint à cor et à cri de perdre un professeur de musique ou un professeur d'art, je suis loin d'être compatissante. De notre côté, nous perdons des postes d'enseignants... un demi-poste par-ci, un poste complet par-là. Nous n'avons plus suffisamment d'enseignants pour bien former nos enfants dans les matières de base, sans parler du superflu.
La présidente: Monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Permettez-moi une intervention rapide. C'est au sujet de la piste des Lagopèdes, la piste de sept ans. Que pensez-vous de ce que j'ai dit plus tôt au sujet de la piste et de l'environnement? Que pensez-vous de l'idée de voir le gouvernement participer à la concrétisation du projet? Comme je vous l'ai dit, je fais partie, à titre de député, du conseil d'administration du fonds de transition de l'emploi. S'il n'en tenait qu'à moi, je consacrerais l'essentiel du financement à Rigolet et à la piste des Lagopèdes, mais vous êtes au courant des difficultés.
Mme Bird: En effet.
M. O'Brien: Qu'auriez-vous à nous proposer à cet égard? Je vous ai donné mon point de vue. Je suis impatient de connaître le vôtre.
Mme Bird: Il arrive que le système nous prenne en otage. En voilà un bon exemple. S'il existe des fonds qui peuvent être dépensés utilement au Canada ou dans une région, alors qu'on les dépense. Le fait d'attendre risque de coûter plus cher, en fin de compte. C'est peut-être cet hiver que quelqu'un finira par disparaître sous la glace en circulant entre Pease Cove Head et Carawalla. Cette eau ne pardonne pas. Une fois qu'on tombe à l'eau, on n'a pas le temps de sortir et de se sauver. Il est déjà probablement trop tard.
Vu la somme dérisoire qui serait nécessaire pour ouvrir une piste de motoneiges, il me semble qu'il n'y a pas à hésiter. L'argent est disponible. Qu'on le fasse.
M. O'Brien: Je ne suis pas en mesure de le faire. Vous le comprenez, n'est-ce pas?
Mme Bird: Je le comprends. Cependant, il faut constater que c'est essentiellement l'argent du fédéral qui a permis de développer le Labrador.
Selon les accords concernant le Labrador, le gouvernement fédéral contribue 70 p. 100 et la province fournit le reste soit 30 p. 100. D'ailleurs, une bonne partie de ce 30 p. 100 est également fournie par le gouvernement fédéral. Donc, si nous recevons du financement, c'est du fédéral qu'il viendra. Les autorités provinciales ne semblent pas faire grand-chose. Elles parlent beaucoup de développement, mais elles ne font pas grand-chose de concret.
Il faut trouver le moyen d'aménager cette piste.
M. Allen Dyson (membre du conseil municipal de Cartwright): Je sais que je pourrais avoir 40 ou 50 personnes qui seraient prêtes à commencer à travailler tout de suite demain matin. Nous attendons confirmation. J'ai la liste. Je vous l'ai envoyée par télécopieur, Lawrence. Je ne sais pas si vous l'avez reçue ou non.
M. O'Brien: Je voudrais poser une dernière question supplémentaire.
La seule raison qui expliquerait leur état, d'après les conversations que j'ai eues avec les fonctionnaires de DRH, et il y a, bien sûr, une longue liste de noms dans le bureau du ministre, c'est qu'il faut respecter certains critères et que si vous ne satisfaites pas à un de ces critères, le ministère ne peut pas vous donner l'argent. Le problème pour l'instant est celui dont nous avons déjà parlé, soit l'EIE pour la piste. Je n'arrive pas vraiment à comprendre comment le reste du pays...
Il n'y a pas moyen de s'en sortir, monsieur le président et membres du comité. Nous avons l'argent pour aménager les pistes, mais pas pour les EIE. Comment pouvons-nous aménager les pistes si nous ne pouvons pas faire les EIE?
Quelque chose ne va pas. Selon moi, si le gouvernement du Canada ou d'une province exige un EIE, il devrait faire le nécessaire pour que cela fasse partie du processus. Nous ne pouvons pas nous en sortir. Nous ne pouvons pas commencer l'aménagement de ces pistes au Labrador parce que nous ne pouvons pas obtenir l'argent pour faire les EIE.
Le président: Avez-vous quelque chose à dire, monsieur Ringma?
M. Ringma: Oui, je voudrais quelques précisions. Ces EIE portent sur l'emploi...
M. O'Brien: Non, sur les évaluations environnementales...
Mme Bird: Ce sont des énoncés d'incidences environnementales.
M. Ringma: Dans ce cas, pourriez-vous me donner un peu plus de détails sur ces pistes? Seraient-elles utilisées seulement en hiver ou toute l'année?
Mme Bird: La plupart des pistes serviraient uniquement l'hiver. À cause du terrain, les pistes traverseraient bon nombre de cours d'eau, de ruisseaux, et ainsi de suite. Une bonne partie de ces ruisseaux sont des ruisseaux à truites et d'autres à saumons.
M. Ringma: C'est donc de là que vient la dépense.
Mme Bird: Oui.
M. Ringma: Je comprends mieux maintenant.
Mme Bird: Il faudrait construire un pont convenable. Pour l'instant, si nous voulons aller quelque part et si un ruisseau nous en empêche, nous abattons quelques arbres et nous traversons sur les arbres.
M. O'Brien: Je voudrais expliquer un peu mieux.
Nous avons un réseau de pistes dans le sud du Labrador à partir des détroits, c'est-à-dire du détroit de Belle-Isle, ici à l'extrémité de la carte, comme l'ont dit Jessie et Allen, et jusqu'à Cartwright. Ce réseau de pistes ne cause absolument aucun dégâts à la nature.
Nous n'avons pas eu besoin d'énoncés d'incidences environnementales pour ces pistes. Je ne vois pas pourquoi et les témoins ne comprennent pas non plus pourquoi nous devrions dépenser encore tout cet argent pour obtenir un autre énoncé d'incidences environnementales simplement parce que quelqu'un a établi un règlement il y a de deux à cinq ans. Un bureaucrate vêtu d'un bel habit a décidé du destin des habitants du Labrador en établissant de nouveaux règlements.
Voilà notre problème. Il vient de la paperasserie bureaucratique.
M. Ringma: C'est ce qu'on a dit à maintes reprises. Merci, monsieur le président.
Le président: Je voudrais vous parler brièvement de quelques autres questions.
Vous et d'autres témoins avez parlé du projet de Voisey Bay. Je ne sais pas exactement comment qualifier votre attitude à ce sujet, mais elle semble défaitiste, dirai-je.
Je voudrais que vous m'en parliez un peu. Avez-vous l'impression que cela ne vaut pas la peine d'aller de l'avant avec ce projet ou craignez-vous plutôt que les gisements ne seront pas exploités d'une façon vraiment avantageuse pour tous les Labradoriens?
Ce qu'il faudrait, et j'imagine qu'on en discutera au cours des négociations, c'est un système qui garantira que les Labradoriens profiteront de l'exploitation de ces richesses naturelles.
Mme Bird: Oui.
Le président: Si vous donnez un message à ce comité, au Comité des ressources naturelles, sur l'exploitation de cette ressource naturelle, assurez-vous que, quel que soit le processus mis en place, il inclut une redistribution des revenus à la population du Labrador pour l'épanouissement de celle-ci.
Mme Bird: Oui, et cela nous ramène directement à cette grande théorie de la contiguïté.
Les projets envisagés, même l'exploitation du gisement minéral de Voisey Bay... Avec un programme d'apprentissage, il n'y a aucune raison pour laquelle tous les postes sur ce site - au fourneau, etc. - avec un petit peu de temps et de formation, ne puissent être comblés par des ressortissants du Labrador.
Le président: À titre d'information, les compagnies responsables de l'exploitation des sables bitumineux dans le Nord de l'Alberta travaillent en partenariat avec les collectivités pour faire justement cela - elles donnent aux collèges communautaires de la région les outils et les ressources nécessaires à la formation qui répond à leurs besoins. Elles ont des programmes de recrutement très spécifiques en vertu desquelles elles s'assurent de recruter des gens du Nord de l'Alberta pour combler ces postes.
J'estime que c'est un objectif tout à fait raisonnable à fixer aux compagnies exploitantes. À mon avis, il y a deux critères minimums à respecter: premièrement qu'elles participent à la formation et deuxièmement qu'elles s'engagent à recruter ceux qui sont formés pour ces emplois.
Mme Bird: Oui, et il n'y a aucune raison pour qu'un programme analogue ne puisse être mis en place ici.
Le président: J'aimerais vous remercier infiniment d'être venue témoigner et d'avoir été patiente. Je suppose que nous vous avons inscrite deux ou trois fois avant de vous donner la parole. Nous vous en sommes très reconnaissants et nous vous remercions de votre déposition.
Mme Bird: Merci de nous avoir accordé une partie de votre temps. Je veillerai à ce que vous receviez un dossier plus cohérent.
Le président: Merci. Il n'y avait rien d'incohérent dans ce que vous avez dit.
Mme Bird: Merci.
Le président: Merci.
J'aimerais appeler à la table notre témoin suivant qui représente le Citizens Committee for Improved Health Care. Nous accueillons M. Mike Barnes, son président. Nous vous demanderons de faire une déclaration préliminaire, monsieur Barnes, et ensuite nous passerons aux questions.
M. Mike Barnes (Président, Citizens Committee for Improved Health Care): J'ai une déclaration préparée. J'ai donné des exemplaires à un de vos collaborateurs à la porte.
Le président: Je crois que nous en avons tous un exemplaire.
M. Barnes: Je suis président d'un groupe d'environ dix résidents de Happy Valley - Goose Bay qui a formé il y a environ trois ans un comité de citoyens concernés pour essayer d'améliorer les services de santé à Happy Valley - Goose Bay en particulier et dans le Labrador en général. Nous nous sommes donné le titre de Citizens Committee for Improved Health Care et comme mission d'exercer des pressions auprès du gouvernement provincial, à la fois directement et indirectement par le biais d'autres groupes, de particuliers et de tribunes publiques.
Nous estimions que deux changements très importants étaient nécessaires pour améliorer les services de santé à Happy Valley - Goose Bay et dans tout le Labrador. Premièrement, nous estimions qu'il était nécessaire d'avoir notre propre commission de santé, composée de résidents du Labrador, pour solutionner les nombreux problèmes importants et uniques à cette région en matière de santé.
Deuxièmement, nous estimions nécessaire pour le Labrador d'avoir son propre centre régional de santé et Happy Valley - Goose Bay était le site central évident. Avec l'aide de nombreux groupes et de nombreux particuliers au Labrador, nous sommes parvenus à convaincre le gouvernement de créer une commission des services de santé pour environ 26 000 des 30 000 résidents du Labrador. Les 4 000 résidents de la côte sud ont choisi de continuer à relever de la Commission régionale des services de santé de Grenfell située à St. Anthony. C'était un exploit compte tenu des politiques passées de la région concernant les services de santé.
Pour ce qui est du deuxième changement le plus important nécessaire pour améliorer les services de santé au Labrador, il y a deux ans le gouvernement provincial s'était engagé sur un budget de construction qui a disparu lors des compressions budgétaires subséquentes.
Le gouvernement provincial nous promet de nouveau que nous sommes en tête de la liste pour la construction des nouveaux hôpitaux dans la province. Cette promesse est mise en danger par un agrandissement de l'hôpital régional de Gander qui coûtera plus de 50 millions de dollars et l'agrandissement du Centre des sciences de la santé de St. John's pour accueillir dans ses murs le Janeway Children's Hospital qui coûtera des centaines de millions de dollars.
Comme vous pouvez le voir, être en haut de la liste pour la construction des nouveaux hôpitaux ne signifie pas grand-chose quand l'agrandissement d'hôpitaux existants a la priorité. Le coût estimé il y a trois ans de la construction d'un centre de santé régional pour le Labrador et Happy Valley - Goose Bay était d'environ 40 millions à 50 millions de dollars. C'était moins que le coût d'agrandissement de l'hôpital de Gander qui n'est qu'à 100 kilomètres d'un autre centre de santé régional à Grand Falls - Windsor. Les membres de notre comité ont contesté l'équité de la redistribution de nos impôts provinciaux à la lumière de cette situation.
Quand on considère qui bénéficie de la majorité des avantages financiers des projets de développement au Labrador, il serait peut-être utile que notre comité s'adresse également au gouvernement fédéral ainsi qu'au gouvernement québécois pour le financement d'un centre de santé régional. C'est une éventualité à laquelle notre comité devra peut-être réfléchir.
Pour comprendre un peu plus la situation, il suffit de penser simplement au barrage hydroélectrique de Churchill Falls. Il est de notoriété publique que le gouvernement québécois et la population québécoise bénéficient de la majorité des avantages financiers de l'électricité produite par Churchill Falls et que le gouvernement de Terre-Neuve a à peine les ressources nécessaires pour faire tourner la centrale.
La majorité des avantages provenant de l'exploitation du minerai de fer dans l'ouest du Labrador va au Québec. Sept-Îles assure pratiquement tout le traitement du minerai et son expédition. Je crois savoir que la population de Sept-Îles est passé d'environ 5 000 à 50 000 du jour où les mines de minerai de fer ont été exploitées dans l'ouest du Labrador. La population de l'ouest du Labrador n'a jamais dépassé 10 000 ou 12 000 personnes.
Les activités militaires à Happy Valley - Goose Bay rapportent des sommes considérables versées par les pays européens qui utilisent les installations de la base et effectuent des vols à basse altitude au-dessus du Labrador. La majorité de cet argent entre directement dans les coffres du fédéral.
Les avantages économiques créés par la construction et la modernisation de la route translabradorienne sont perçus par les entreprises de camionnage, les grossistes et les distributeurs du Québec. Le Québec a perçu la plus grande partie des recettes tirées de l'exploitation du Labrador jusqu'à aujourd'hui mais parce que le Labrador fait partie de la province de Terre-Neuve, le Québec n'a aucune responsabilité en matière de services gouvernementaux au Labrador.
C'est une situation loin d'être juste et équitable pour le gouvernement de Terre-Neuve ou plus particulièrement pour les résidents du Labrador. Votre comité permanent souhaitera peut-être étudier comment le Québec pourrait contribuer aux services gouvernementaux au Labrador compte tenu des énormes recettes que rapporte à cette province l'exploitation du Labrador.
Voisey Bay est le dernier projet en date au Labrador et il semble à l'heure actuelle que la majorité des recettes ira à cette province, mais pas forcément à la région du Labrador. Les perdants dans toute cette affaire sont encore une fois les résidents du Labrador.
La majorité des emplois créés par ces projets sont donnés à des travailleurs venus d'ailleurs. Les résidents du Labrador ne sont pas suffisamment formés pour combler nombre des emplois qualifiés et les pratiques d'embauche des compagnies favorisent les travailleurs formés qu'elles pouvaient déjà utiliser ailleurs aux dépens du recrutement des travailleurs locaux et d'une formation locale.
En guise de conclusion, j'aimerais dire que si les résidents du Labrador recevaient une part raisonnable des recettes fiscales tirées de l'exploitation de la région, recettes qui actuellement sont versées aux gouvernements de Terre-Neuve, du Québec et du Canada, il y aurait plus qu'assez d'argent pour financer des services et des installations de santé dignes de ce nom ainsi que d'autres services gouvernementaux.
Les résidents du Labrador pourraient avoir un niveau de vie équivalent aux niveaux de vie provinciaux et nationaux, au lieu des conditions qui prévalent actuellement dans la plupart des régions du Labrador, et qui, dans certains cas, ressemblent plus aux conditions du Tiers monde.
Merci.
Le président: Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Quelques observations seulement.
Ce que vous avez dit démontre peut-être qu'une province, un état ou un pays comme le Canada qui investit dans son infrastructure, qui construit des routes, récupère cet argent. Quand vous dites que le Québec profite du développement du Labrador, c'est certain, parce que c'est peut-être le Québec qui a fourni l'argent pour construire la route jusqu'à Wabush. Et partant de là, si les gens de Wabush et de Churchill Falls travaillent, c'est peut-être parce qu'ils ont une route à partir de Québec, et les investissements passés commencent à rapporter.
Je ne sais pas s'il s'agit de Terre-Neuve ou du Québec, mais vous ne devez pas oublier que si vous voulez un jour avoir un hôpital et de meilleurs soins de santé, vous allez avoir besoin de routes, d'infrastructure, de ce genre d'outils.
Aujourd'hui, il est difficile d'accéder à vos demandes parce que le gouvernement fédéral n'est pas directement responsable de la santé. Je crois comprendre qu'indirectement vous avez des rapports sur les activités fédérales, pour promouvoir... Je ne sais pas comment le dire en anglais, le résultat que vous recherchez, ce sont de meilleurs services de santé, que cela vienne de Terre-neuve, du Québec ou du gouvernement fédéral, n'est-ce pas?
M. Barnes: Oui, c'est exactement notre position. Nous essayons de convaincre le gouvernement provincial de construire des installations de santé ici, au Labrador, des installations de type régional. Jusqu'à présent, le centre de santé pour le Labrador se trouvait à St. Anthony, tout au nord de l'île de Terre-Neuve. C'est un problème et ça ne correspond pas aux besoins de la population locale.
Maintenant, la construction d'un centre régional pour le Labrador coûte 50 millions de dollars. Notre position, les arguments que nous avançons et que nous allons continuer à avancer - et nous espérons que votre comité va nous aider - sont les suivants. Les gouvernements du Canada, du Québec et de Terre-Neuve tirent des revenus et des avantages du développement du Labrador. À mon avis, les trois gouvernements devraient partager les coûts d'un centre de santé régional destiné à la population du Labrador.
Il faudrait probablement aussi partager les coûts de construction de la route translabradorienne. Pour commencer, il y a des gens au gouvernement à Québec qui vont profiter de cette route translabradorienne à cause des compagnies de camionnage, des grossistes et des distributeurs. Terre-Neuve va percevoir 10 p. 100, ou 15 p. 100, je ne sais trop, sur la vente de produits, mais le Québec est le premier à en profiter.
Ce qui m'irrite, c'est que le développement du Labrador profite énormément au Québec. Le plus important de ces développements, c'est la centrale hydroélectrique de Churchill Falls, mais il ne faut pas oublier que le Québec profite aussi de Labrador City et de Wabush, et de l'infrastructure à Sept-Îles.
Les produits qui seront acheminés par la route translabradorienne se traduiront par des emplois et par des revenus, mais en même temps, on ne réinvestira pas dans la région en construisant les installations gouvernementales dont la population a besoin.
Avec le système que nous avons dans ce pays, lorsqu'une province est responsable d'un groupe de personnes ou d'un territoire, en même temps elle est censée fournir les services dont la population de ce territoire a besoin. Dans ce cas particulier, c'est ironique, car une province est censée fournir les services, mais c'est une autre qui tire avantage du développement de cette région, et qui tire des revenus. Lorsque l'argent circule dans un sens, il faut qu'il revienne dans l'autre sens.
Si on veut que la population du Labrador ait des biens et des services équivalents à ce qui existe dans le reste du pays et dans le reste de la province, il faut absolument changer le système. Après tout, il suffit de voyager un peu au Labrador, et en particulier sur la côte, pour comprendre de quoi je parle.
M. Deshaies: Monsieur Barnes, tout comme M. Hall de la chambre de commerce... Nous avons raté le coche dans le nord-ouest du Québec parce que c'est une région jeune... Cela a commencé il y a 70 ans. Nous avons raté la chance d'exploiter le bois d'une façon durable. Les compagnies sont venues et elles sont reparties avec leurs bénéfices. C'est une région qui est en train de s'ouvrir. À mon avis, vous avez un rôle important à jouer, vous pouvez faire comprendre que si l'industrie veut venir ici exploiter les ressources naturelles, il va falloir qu'elle se décide à réinvestir une proportion importante des bénéfices pour développer la région.
Vous dites que Québec profite de la construction de la route, et que le temps est venu de conclure un partenariat avec les voisins. Je suis voisin de votre circonscription. À mon avis, le temps est venu de faire comprendre aux gens que nous sommes prêts à devenir des partenaires et à favoriser le développement. À mon avis, c'est la meilleure solution à l'heure actuelle parce que l'argent... Nous savons qu'ils ont beaucoup d'argent à la banque, mais quand le moment vient de construire, l'argent est difficile à trouver.
Vous êtes un groupe de lobbyistes qui travaillent pour le bien-être de votre communauté, et vous devez poursuivre votre oeuvre. Le député de votre circonscription doit également faire passer ce message. Comme vous êtes à la frontière, vous avez particulièrement besoin de ce partenariat avec le Québec et le gouvernement fédéral. Vous avez besoin de la piste et de l'argent pour chaque étude sur l'environnement. Quant à savoir si c'est nécessaire, c'est une autre question. Vous avez besoin d'argent pour la route. Vous avez besoin d'argent pour l'infrastructure. Vous avez besoin d'argent pour les petites collectivités qui, pour l'instant, n'ont même pas le minimum.
M. Barnes: Effectivement, il y a beaucoup de besoins, cela ne fait aucun doute.
M. Deshaies: Mais vous avez beaucoup de...
M. Barnes: Il y a ici, au Labrador, un grand potentiel de développement.
M. Deshaies: Oui. L'important est donc de continuer à insister pour profiter des retombées.
M. Barnes: Notre comité va certainement contacter les trois paliers de gouvernement pour suggérer un partage des coûts de ce centre régional de santé. Nous verrons quelle est la réaction. Nous espérons que votre comité nous aidera si cela lui est possible, en particulier pour les démarches auprès du gouvernement fédéral et du gouvernement québécois. Il faudrait qu'on se mette d'accord sur une formule qui profite en priorité aux résidents du Labrador, et non pas aux compagnies ou aux gouvernements d'autres provinces qui sont déjà très à l'aise.
Profiter en priorité aux gens du Labrador qui, pour la plupart, ont toujours eu un niveau de vie que je considère comme déplorable. Cela est dû uniquement à de la négligence. Le raisonnement est toujours le suivant: essayons d'en tirer le plus possible et d'en rendre le moins possible; jusqu'où peut-on aller? Il faut que cette attitude change. Nous arrivons à l'an 2000, et dans certaines régions du Labrador, on peut pratiquement parler des conditions du Tiers monde, quand ce n'est pas déjà chose faite. Il suffit de voyager dans le pays pour voir à quel point la situation est ridicule, pour voir des régions bien développées, des régions qui se sont développées en partie avec de l'argent venu du Labrador. Et pendant ce temps, la population locale n'a même pas le minimum vital.
Nous allons continuer à réclamer des mesures sur le plan de la santé. Nous allons insister. Comme vous l'avez dit, au Labrador, les besoins sont nombreux. À mon avis, la santé est un des services gouvernementaux les plus importants, et nous allons donc insister particulièrement sur ce point. Ce sera peut-être l'amorce d'un changement.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Monsieur Barnes, l'injustice de la situation que vous avez décrite est assez évidente, mais ce qui n'est pas clair, c'est ce qui peut être fait pour y remédier étant donné la répartition des pouvoirs en vertu de la constitution. En effet, la santé relève de la province. Remarquez, le gouvernement fédéral a également un rôle à jouer. Comme vous le savez, il continue à distribuer 7 milliards de dollars par an aux provinces pour la santé. La Loi canadienne sur la santé impose des restrictions, et je comprends donc que vous puissiez défendre votre cause devant un comité fédéral tout en sachant que c'est surtout au gouvernement provincial que vous devez vous attaquer. Toutefois, c'est un aspect de plus de toute cette situation qu'on nous a décrite aujourd'hui. C'est un exemple de plus qui prouve à quel point le Labrador se fait avoir.
En fait, ce n'est pas tellement une question mais plutôt un commentaire: il faut que du Labrador émane un message suffisamment clair pour que les deux ordres de gouvernement comprennent bien une fois pour toutes que nous ne tolérerons pas d'être encore et toujours privés de notre dû.
Le gouvernement fédéral assume la responsabilité en disant qu'il assurera des soins de santé de qualité conforme à une certaine norme à tous les citoyens du Canada alors il y aurait peut-être moyen de faire valoir certains arguments sur les soins de santé même si c'est un domaine de compétence provinciale. Si ces soins ne sont pas disponibles ici ou dans les petites localités plus isolées, alors c'est là-dessus qu'il faudrait mener l'action. On pourrait dire qu'on est mal servi malgré la promesse que tous seront traités également.
M. Barnes: Eh bien, c'est déjà fait, monsieur. Le système de santé de notre pays fait l'objet d'un réexamen. Notre comité participe à cet examen et j'ai fait valoir le même argument.
Puisqu'il y a délégation de pouvoirs aux provinces, nous n'avons pas dans notre pays un seul système de soins de santé. Nous en avons au moins une douzaine. Chaque province offre des soins de santé différents sous forme d'installations, d'infrastructure, de médecins, etc. C'est à Terre-Neuve que les services sont à peu près les moins bons au pays mais ceux du Labrador sont pires et je dirais donc que les services de santé disponibles au Labrador sont à peu près les pires au pays.
Ils écoutent les Canadiens de tout le pays et voici l'une des questions que l'on pose: le gouvernement fédéral récupérera-t-il la responsabilité en matière de soins de santé afin que le régime soit administré à l'échelle nationale? À mon avis, c'est la seule façon de garantir aux Canadiens de tout le pays des soins de santé comparables. À l'heure actuelle, nous avons les moins bons services de tout le pays dans cette région et pas seulement en ce qui a trait aux soins de santé. Tant que l'administration ne sera pas centralisée, entre les mains du gouvernement fédéral, rien ne changera. Je ne sais pas où tout cela va nous mener. Nous avons fait valoir cet argument et j'espère que quelqu'un nous aura entendus. Sinon, nous allons continuer d'essayer de nous démener avec ce que nous avons et nous essaierons de l'améliorer.
M. Ringma: La dernière suggestion que j'aimerais vous faire c'est que non seulement devriez-vous insister sur la nécessité pour vous d'avoir un centre régional de santé ici à Goose Bay - Happy Valley, vous devriez peut-être aussi mettre en lumière les situations qui existent vraisemblablement dans tous les petits villages de tout le Labrador. J'imagine que la population souffre réellement de la situation. Plus le village est petit, moins la population a accès à des soins de santé même minimes. Il faudrait peut-être que vous montiez un dossier, dans la mesure où vous pouvez le faire. Dites: «Nous sommes là, nous existons», et racontez-leur toutes vos tragiques histoires.
M. Barnes: Il n'y a aucun doute qu'elles existent.
Le président: Madame Cowling.
M. Cowling: Merci, monsieur le président.
Vous parlez de soins de santé. Dans tout le pays, les témoins nous ont parlé de l'infrastructure humaine et de la prestation de services. J'aimerais savoir si vous pensez que l'autoroute de l'information pourrait être un moyen d'assurer la prestation de ces services aux régions isolées du Labrador.
J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le porte-parole de la Chambre de commerce qui était présente aujourd'hui. Elle m'a dit qu'il y aurait moyen de relier les petites localités via un satellite. De nombreuses localités sont isolées et une liaison satellite permettrait peut-être à ces gens de se réunir dans une salle et de créer un réseau. Ce serait une façon de s'entraider grâce à l'autoroute de l'information.
J'aimerais entendre vos commentaires. Croyez-vous que ce serait une ébauche de solutions pour la région?
Mme Barnes: D'après l'information dont je dispose, une subvention du fonds International Grenfell Association finance une étude sur un tel système. Grâce à cette subvention, une liaison par satellite sera mise en place pour relier toutes les stations côtières. Mais cela ne règle pas le problème de l'absence de prestataires de soins sur place.
Depuis des années, sur le littoral du Labrador, le service est assuré par des infirmières. Les médecins se rendent très sporadiquement dans ces localités pour assurer des soins de base et pour prendre les dispositions pour que les patients se rendent à l'hôpital obtenir les soins dont ils ont besoin. Le problème qu'il faut surmonter pour assurer la prestation de services aux populations - c'est-à-dire avoir des médecins sur place pour assurer le service, c'est qu'à Terre-Neuve et au Labrador, les médecins sont payés moins bien que n'importe où ailleurs au pays, voire en Amérique du Nord.
Ici, à l'hôpital Melville, qui dessert toute la côte du Labrador au nord de Black Tickle - 4 000 personnes vivant au sud de cette localité sont desservies par une autre commission des services de santé - il est impossible d'avoir plus de la moitié des effectifs requis. L'hôpital doit desservir toutes les collectivités côtières alors que ses ressources lui permettent à peine de répondre aux besoins locaux. Il est très difficile d'avoir suffisamment d'effectifs pour pourvoir desservir ces localités et leur offrir un peu plus que de simples soins infirmiers.
Les infirmiers et les infirmières font de l'excellent travail là-bas. Je n'ai pas de reproche à leur faire. Ils sont aussi bons que... Certains disent qu'ils font un meilleur travail que bien des médecins, mais ça c'est une question d'opinion.
Je le répète, tant que la province ne remédiera pas au problème de la rémunération insuffisante des médecins dans la province, nos difficultés persisteront. Les habitants de la côte sont ceux qui bien sûr ont le plus à perdre parce qu'il faut une heure ou deux en avion pour les rejoindre, diagnostiquer leur problème de santé et les ramener à l'hôpital Melville - si c'est le centre régional - ou censément un centre régional - pour la côte du Labrador. Tout cela prend du temps. Le médecin doit faire deux heures de vol à l'aller et deux heures au retour. C'est quatre heures. Les médecins peuvent se rendre sur place mais est-ce la meilleure utilisation possible de leur temps? Faut-il faire venir les gens ici? Faut-il leur envoyer plutôt le médecin sur place? Ou bien garde-t-on les médecins ici à desservir la population locale? Il s'agit réellement de décider de la façon d'utiliser nos rares ressources d'une façon optimale.
Ce sera bien d'avoir une liaison satellite, l'accès à l'Internet et tout le reste. L'information pourra au moins être diffusée mais il n'y aura pas davantage de ressources humaines pour assurer la prestation de services.
Mme Cowling: Puis-je en conclure alors qu'il serait bon de recommander au gouvernement fédéral de tenter d'offrir aux localités isolées un centre d'information par satellite? Est-ce que cela améliorerait le service?
M. Barnes: Oui, bien sûr cela aiderait. Mais il faut faire aussi beaucoup d'autres choses.
Le président: Merci, monsieur Barnes. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui et d'avoir présenté un éclairage différent sur la question.
M. Barnes: Merci.
Le président: J'aimerais maintenant inviter notre prochain témoin Judy O'Dell du Combined Councils of Labrador (Goose Bay). Voulez-vous approcher, s'il vous plaît?
Votre mémoire a été distribué aux membres du comité. Nous vous invitons à nous présenter un exposé liminaire d'environ 10 minutes après quoi nous passerons aux questions. Allez-y.
Mme Judy O'Dell (Combined Councils of Labrador (Goose Bay)): D'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du Comité permanent des ressources naturelles au Labrador et plus particulièrement dans la région de Lake Melville. Située dans le centre du Labrador, Lake Melville est la plaque tournante pour de nombreuses activités qui se déroulent au nord, au sud et à l'est de Goose Bay.
Dans tout le Labrador, la population utilise davantage les ressources renouvelables telles que le caribou et le poisson, et est davantage dépendante de ces ressources. Pour cette raison, elle est davantage sensibilisée au milieu naturel environnant. La chasse au caribou est fonction des circuits migratoires des troupeaux de caribous de la rivière Georges et les chasseurs se rendent dans différentes localités au centre du Labrador pour participer à cette chasse. Les caribous, les poissons et les oiseaux sont exploités comme complément à l'alimentation des gens de la région.
Avec le déclin de la pêche et l'absence d'infrastructure routière, le prix des aliments continue à être plus élevé dans la région. Souvent, les gens se font un revenu d'appoint en pratiquant le piégeage dans diverses régions du Labrador. La vente de peaux et de fourrures est une source supplémentaire de revenus. Les peaux et les fourrures servent souvent à la production d'objets d'artisanat locaux, de bottes et de manteaux. Cette ressource connaît une poussée de croissance car on déploie énormément d'efforts pour attirer les touristes.
L'importance des activités liées à une ressource en particulier varie d'une collectivité à l'autre. À un endroit, on privilégiera la pêche alors qu'ailleurs, ce sera le piégeage. Même si, dans la région supérieure de Melville Lake on considère la chasse au gibier sauvage et la pêche comme un appoint mineur au revenu et à la consommation alimentaire des gens de la région, la collectivité juge cette activité très importante pour le cycle naturel d'exploitation des ressources et y voit un instrument de promotion du tourisme.
La région centrale du Labrador, qui englobe Happy Valley - Goose Bay, Sheshatshit et Mud Lake, a une économie fondée essentiellement sur les Forces armées et l'administration gouvernementale. Même s'il y a eu des compressions dans ces secteurs au cours des derniers mois, le lancement de nouvelles activités minières dans le Nord et une hausse attendue des activités forestières ont suscité un nouvel espoir de prospérité. Encore une fois, il faut déployer des efforts considérables pour attirer des entreprises de pâtes et papier dans la région pour qu'elles y traitent la pâte de papier. Cependant, je le répète, l'absence d'une infrastructure routière adéquate a un effet limitatif. En effet, les coûts de transport élevés nuisent à diverses formes de développement.
Depuis cinquante ans, la base a connu plusieurs périodes d'expansion qui ont exigé les services d'un grand nombre de travailleurs qualifiés et non qualifiés. Cette vague de travailleurs a apporté de nouvelles idées, de nouvelles compétences et de nouveaux systèmes de valeurs. Devant la perspective d'une privatisation, les employés cherchent de nouveaux débouchés. Par conséquent, ils ciblent davantage les industries fondées sur les ressources naturelles qui se trouvent à leur porte pour trouver un emploi intéressant et maintenir leur niveau de vie actuel.
Le Labrador est riche en attraits historiques, culturels et naturels et a beaucoup à offrir aux voyageurs, surtout ceux qui veulent explorer une région isolée. Sur la foi de ce potentiel, plus d'un million a été investi dans la promotion du tourisme depuis 1985. Le développement futur du Labrador dépend de la réfection et de l'achèvement de l'autoroute translabradorienne. Cette artère contribuera à l'augmentation du tourisme national et international et à l'expansion d'entreprises minières et de projets forestiers.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner les installations hydroélectriques de Churchill Falls. Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador et le gouvernement fédéral du Canada devraient déployer des efforts considérables pour attirer des sociétés privées et des gouvernements susceptibles d'appuyer le développement du cours inférieur du fleuve Churchill et pour obtenir un contrat révisé plus équitable pour le cours supérieur du fleuve Churchill. Le développement suivra si l'on peut offrir aux entreprises nouvelles et en pleine expansion l'assurance d'un approvisionnement en énergie électrique à bas prix.
Le maintien des secteurs de la défense et de l'exploitation minière est crucial pour le secteur tertiaire de Happy Valley - Goose Bay. L'autoroute facilite maintenant la livraison de marchandises dans le centre du Labrador, mais à un coût beaucoup plus élevé qu'ailleurs au Canada en raison de la distance parcourue souvent sur des routes médiocres.
En conclusion, je remercie le groupe de m'avoir permis d'énoncer ce dont notre région a besoin pour poursuivre son développement. Quel meilleur endroit pour discuter de ressources naturelles qu'une région qui, comme la nôtre, offre de grands espaces et de nombreux attraits historiques et culturels. Tous les habitants du Labrador doivent se donner la main, en partenariat avec les gouvernements, pour promouvoir cette région que nous avons le bonheur de posséder.
Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Ringma.
M. Ringma: Merci, madame O'Dell. Vous avez abordé toute une gamme de sujets dont un grand nombre a déjà fait l'objet d'interventions aujourd'hui. J'aimerais m'attacher au tourisme et à certains des obstacles à son développement. Je songe, entre autres, à l'idée qu'on se fait à l'étranger de ce qui se passe ici au Canada, notamment en ce qui concerne le commerce des fourrures et la chasse au phoque.
Je vis sur la côte ouest et, depuis mon salon, je vois un récif à environ un mille et demi de distance. En saison, il est couvert de phoques qui s'ébattent et s'empiffrent. Cela m'irrite car je sais qu'ils mangent tout notre poisson et pourtant, nous ne pouvons rien y faire. Lorsque j'étais jeune, on nous donnait 2 $ par nez de phoque, et cela permettait de stabiliser leur population. Mais maintenant, il y a l'opinion internationale, les Brigitte Bardot et tous les autres qui s'insurgent contre cette pratique. Même les grandes sociétés de pâtes et papier de la côte ont parfois les mains liées en raison des pressions écologiques des marchés internationaux.
Je suppose que vos préoccupations sont les mêmes que les miennes, mais comment réagissez-vous à ces pressions internationales, et même nationales, car il existe des groupes de pression au Canada qui affirment qu'on ne devrait pas chasser le phoque?
Mme O'Dell: Je pense qu'il faut faire oeuvre d'éducation et c'est à nous, les résidents de Terre-Neuve et du Labrador, d'éduquer le grand public. À mon avis, les cassettes vidéo où figuraient des pêcheurs de Petty Harbour l'année dernière ont causé plus de tort que tout le bien qu'on pourra faire pendant encore longtemps.
Il faut montrer que nous ne sommes pas des barbares. Il faut éduquer les gens. Ils mangent du boeuf, mais ils ne semblent pas indignés du fait qu'il a fallu tuer la vache pour qu'ils en mangent.
Il nous faut organiser une campagne itinérante, si je peux m'exprimer ainsi. Il faut monter les produits que l'on peut fabriquer avec ce genre de peau. Il faut être en mesure de commercialiser ces produits.
Je crois savoir qu'une entreprise veut s'installer à Terre-Neuve pour chasser le phoque et pour fabriquer certains produits. Les pêcheurs de Terre-Neuve et du Labrador souffrent à l'heure actuelle du fait que les phoques mangent le poisson. Ils sont tellement nombreux qu'ils en souffrent eux-mêmes. En effet, ils développent des vers et d'autres maladies car la chaîne alimentaire n'est pas suffisamment variée pour leur permettre de survivre.
Je songe à une approche éducative à laquelle participeraient les résidents du Labrador, particulièrement ceux de la Côte-Nord, où l'année dernière, un certain nombre de phoques se sont avérés être en mauvaise santé en raison de la pauvreté de la chaîne alimentaire vu le nombre de phoques qui s'y trouvent.
J'estime qu'il faut mener une campagne de sensibilisation, que ce soit l'Association des chasseurs de phoques ou des instances gouvernementales qui s'en chargent.
M. Ringma: D'accord. Puis-je déduire de vos conclusions que vous vous attendez à ce que le gouvernement fédéral fasse sa part pour vous aider, que ce soit par le biais du ministère de l'Environnement ou de Ressources naturelles. Vous vous attendez à ce que le gouvernement embrasse votre problème et agisse à titre de partenaire?
Mme O'Dell: C'est exact. Je pense aux nombreuses initiatives nécessaires pour le Labrador, notamment des pistes pour motoneiges fort utiles pour promouvoir le tourisme de plein air, l'enregistrement de cassettes vidéo... Il faut que les ministères gouvernementaux soient plus sensibles au fait que le Labrador a besoin d'une stratégie de commercialisation. Destination Labrador a fait de l'excellent travail dans le passé, mais nous avons besoin de fonds supplémentaires et de personnel qualifié pour faire la promotion de la région.
Je sais qu'en Ontario les excursions dans les pistes pour motoneiges représentent un apport de plusieurs millions de dollars. Le Labrador n'est-il pas l'endroit idéal pour promouvoir le tourisme de plein air, surtout en février et en mars?
M. Ringma: Oui. À mon sens, c'est la région idéale pour le touriste allemand. Ceux qui viennent au Canada doivent croire que c'est le paradis. Les aviateurs des Pays-Bas ou d'Allemagne font-ils des excursions et...?
Mme O'Dell: Ils participent à des exercices de survie ici, tout comme les Américains d'ailleurs. Un certain nombre de soldats reviennent tous les ans en février et en mars.
Il s'agit en partie d'activités touristiques - le carnaval annuel organisé sur la base ou le carnaval annuel de la vallée. Mais ils reviennent bel et bien dans la région, y amènent leurs familles et vont à la chasse et à la pêche. Ils vont même sur la base et pêchent l'éperlan sur la glace - cela représente pour eux un si grand attrait, qu'ils reviennent d'année en année. Nous avons constaté que le tourisme de bouche à oreille augmente vraiment dans cette région.
M. Ringma: Très bien! Je vous remercie.
Le président: Monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Je veux relativiser les choses. Je voulais dire quelque chose lorsque M. Barnes a parlé, mais je m'entretenais avec un des employés. Je voulais le remercier des observations qu'il a faites et d'avoir insisté sur les services de santé. Pour en arriver à un développement économique solide, pour que les jeunes soient le moteur de l'avenir, et ainsi de suite, la santé est primordiale et constitue un besoin très pressant. Même s'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale, je crois que M. Barnes a dit très justement que la responsabilité à cet égard incombait également à d'autres parties. Il y a fait allusion sous l'angle du développement ultérieur - c'est-à-dire, les vols à basse altitude et ainsi de suite.
Pour ce qui est de l'exposé des conseils conjoints, ce que vous dites... M. Roberts a passé la journée ici et vous avez entendu le même message. C'est un thème très commun ici, très terre à terre. Votre rapport résume bien ce que le maire a dit dans ses remarques du début. Il est paradoxal que nous ayons entendu le maire Harry Baikie à 9 heures et que la conseillère Judy O'Dell de la même ville, qui est aussi vice-présidente des conseils conjoints, fasse ces observations avec son collègue de l'ouest du Labrador, M. Roberts.
Je n'ai pas à vous expliquer que les dominateurs communs sont très évidents. Le message que j'essaie et que je continuerai d'essayer de faire passer sur la scène nationale... Je ne pense pas me tromper lorsque je parle des points de vue des gens du Labrador.
Mme O'Dell: En peu de mots, je qu'un partenariat complet s'impose entre tous les peuples du Labrador pour faire progresser les revendications territoriales et le développement futur de la région. Les gouvernements fédéral et provincial doivent, à mon avis, se concerter pour promouvoir le développement et mener à terme les revendications territoriales.
Le président: J'ai une question à vous poser au sujet du tourisme. Vous en avez parlé comme d'un avantage économique potentiel. Je suppose qu'une partie de cela intervient dans le développement, le secteur privé créant certains types d'entreprises dans les secteurs de l'accueil et du logement. Pouvez-vous nous dire si ces entrepreneurs privés ont du mal à accéder à des capitaux pour démarrer des entreprises de ce genre dans la région?
Mme O'Dell: D'après ce que je crois comprendre, les organismes de crédit locaux comme l'APECA, la Labrador Venture Capital ou la Société de développement communautaire sont très enthousiasmés par l'idée de développer la région et je ne crois pas qu'il ait été difficile par le passé d'obtenir des fonds pour améliorer des installations en vue d'implanter des gîtes touristiques par exemple. Je crois comprendre que le fonds autochtone a contribué à l'établissement de l'hôtel d'à côté. De gros efforts ont vraiment été faits pour augmenter la capacité d'hébergement. Nous aimerions accueillir plus de groupes de travail gouvernementaux dans la région et disposer des locaux nécessaires pour héberger quiconque veut y venir.
Nous aimerions avoir un centre municipal. Pouvez-vous nous dire comment nous pouvons avoir accès à l'un de ces centres.
Le président: D'après votre réponse, je crois comprendre que le secteur privé et les banques à charte ne sont pas la principale source de financement en matière de développement, mais qu'il s'agit plutôt de programmes comme l'APECA.
Mme O'Dell: En majeure partie, oui. Ces organismes sont plus susceptibles d'accorder des prêts et le font habituellement à un taux inférieur à celui pratiqué par la banque. Les gens ont tendance à s'adresser à ces organismes en premier lieu.
Le président: Ainsi vous accorderiez une importance particulière au maintien de l'organisme de développement régional dans la région de l'Atlantique.
Mme O'Dell: Je dirais que sa présence est indispensable.
Le président: D'accord. C'est encore mieux.
M. O'Brien: Dites-le cependant au caucus de l'Ontario.
Mme O'Dell: Sans l'organisme, le développement aurait été limité.
Le président: J'ai posé cette question au maire et je vous demande maintenant d'y répondre. Le gouvernement disposait en 1994 d'un programme d'infrastructure qui a cherché à obtenir leur contribution...
Mme O'Dell: Deux tiers dans cette région. Nous avons vraiment bien aimé le programme d'infrastructure. Nous aimerions beaucoup avoir une station d'épuration des eaux d'égout pour cette région. Nous avons reçu le mandat d'en obtenir une au cours des prochaines années, mais nous ne sommes qu'une petite municipalité et le coût d'une infrastructure de ce genre est énorme. Cependant, lorsque la province de Terre-Neuve - nous nous sommes comportés en bons citoyens et nous nous sommes bien gardés d'endetter notre collectivité - refuse de payer le tiers de notre réseau d'aqueduc, une station d'épuration des eaux d'égout reste hors de portée pour l'instant à moins que nous obtenions des fonds par l'entremise d'un programme d'infrastructure.
Nous aimerions même que les coûts soient partagés à part égale, que la province en assume le coût et laisse la pauvre petite municipalité continuer de vaquer à ses occupations quotidiennes. Mais ce sont de belles promesses.
M. O'Brien: Je sais que j'ai dépassé le temps qui m'était imparti, monsieur le président, mais me permettez-vous une observation. Ce qu'elle veut vous faire comprendre c'est que toutes les eaux d'égout qui s'écoulent dans le fleuve Churchill sont brutes. Elles n'ont subi aucun traitement.
Mme O'Dell: Elles s'écoulent dans les rivières à saumon, ce que notre collectivité voudrait corriger.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: La question des revendications territoriales a été soulevée à plusieurs reprises aujourd'hui. Je crois qu'il convient de dire que moi-même et le président avons siégé au Comité des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes avant de faire partie de celui-ci. Nous savons tous les deux que notre gouvernement s'est fixé comme priorité de régler le plus rapidement possible ces revendications territoriales.
Mme O'Dell: C'est bon à entendre.
Le président: Je vous remercie de votre témoignage. Nous l'apprécions grandement.
Mme O'Dell: Je vous remercie beaucoup.
Le président: J'aimerais appeler notre prochain témoin, M. John Hickey, qui représente la Corporation économique du développement. Nous vous remercions d'être venu ici et d'avoir passé pour ainsi dire toute la journée avec nous.
M. John Hickey (directeur, Corporation économique du développement): Premièrement, monsieur le président, permettez-moi de dire à quel point je suis heureux de témoigner devant votre comité.
Je vais vous parler un peu de mes antécédents. Je suis conseiller de la ville de Happy Valley - Goose Bay. Judy O'Dell, ma collègue, a fait un exposé au nom des conseils conjoints dont j'ai déjà assumé la présidence.
J'ai 42 ans et j'ai passé 38 ans de ma vie au Labrador. Au cours des 22 dernières années, j'ai travaillé dans la plupart des collectivités du Labrador. J'ai grandi ici, à Churchill Falls. Pendant la construction de ce grand projet au Labrador, j'ai vendu des journaux aux travailleurs de la construction au campement principal.
Je connais donc très bien le Labrador et ses habitants. En tant que résidant du Labrador, l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants me préoccupent énormément.
Je veux également vous dire à quel point je suis heureux que notre député ait pris l'initiative d'amener des députés d'Ottawa au Labrador. C'est une première pour nous. Je crois - et je souscris à son approche - qu'il faut sensibiliser les gens d'Ottawa, de même que ceux de St. John's, à certains des besoins et à certaines des aspirations de la population du Labrador.
J'aimerais vous parler quelques instants de notre histoire qui revêt une grande importance. Pour comprendre ce que nous ressentons, il est parfois intéressant de se pencher sur notre histoire et notre passé.
J'imagine que cela remonte à 1927, lorsque le Conseil privé de Grande-Bretagne a donné le bloc continental du Labrador, les 112 000 milles carrés du Labrador, au gouvernement de Terre-Neuve. Cela s'est fait sans qu'aucun recours ne soit prévu pour les habitants de l'époque, les Autochtones. Aucune question n'a été posée: cela s'est fait, ces terres ont été données, cédées.
Si l'on se replonge dans l'histoire et si l'on examine nos ressources, je peux vous dire que le Labrador n'a pas reçu la part de la richesse et des avantages économiques des ressources naturelles qui lui revient. Vous avez déjà entendu le récit d'une partie de notre histoire ce matin et je n'ai pas l'intention de vous ennuyer encore à ce sujet, mais c'est très important.
L'infrastructure n'a jamais été une priorité du gouvernement provincial. Bon nombre des habitants du Labrador croient que ce n'est pas non plus une priorité aujourd'hui. Il suffit d'examiner l'industrie forestière, l'industrie électrique et les nombreuses ressources du Labrador pour s'apercevoir que la richesse est extirpée de la région du Labrador pour profiter à d'autres.
Les choses doivent changer. Je peux vous dire que les jeunes habitants du Labrador comme moi vont jouer un rôle de premier plan pour que le changement se produise. Nous ne sommes pas satisfaits de l'union entre le Labrador et la partie insulaire de la province.
Ce matin, vous avez entendu de nombreuses personnes, que je connais, vous parler des problèmes des collectivités côtières, collectivités qui étaient autonomes à l'époque de la pêche. Si conjointement avec le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral de l'époque avait pris en compte la contiguïté et déclaré que ceux qui vivent dans les zones limitrophes doivent tirer profit de cette ressource, nos collectivités seraient encore vivantes aujourd'hui. Nous aurions encore des usines de traitement du poisson. Les gens auraient la certitude de mener une vie utile et d'avoir un avenir. Comme vous le savez bien, ce n'est pas ce qui s'est produit.
La question que nous nous posons donc au Labrador est la suivante: comment pouvons-nous tirer profit de nos ressources naturelles, que nous avons...? Tout le monde parle de Voisey Bay. Je peux vous dire qu'en tant qu'habitant du Labrador, Voisey Bay ne m'impressionne pas. Je suis enthousiasmé par le fait que nous disposions d'une ressource importante à cet endroit-là, mais à en juger par ce que j'ai vu jusqu'à présent - et je suis assez proche de cet endroit-là - la seule chose que le Labrador va tirer de Voisey Bay, c'est un grand trou dans le sol. Je ne suis pas content de la société Inco ni de l'attitude qu'elle adopte à cet égard.
Pour vous donner un exemple, l'année dernière l'entrepreneur qui s'occupait de la plupart des travaux de coupe à Voisey Bay a fait venir 30 déboiseurs de sentiers de la partie insulaire de la province pour abattre des arbres et déboiser les lignes de grille pour les sociétés d'exploration. Je peux moi-même trouver dans n'importe quelle collectivité de la côte du Labrador des personnes expérimentées qui savent utiliser une tronçonneuse et se retrouver dans la forêt pour faire ce genre de travail. Cela doit donc cesser.
Un groupe d'habitants de la côte sud vient juste de faire un exposé devant la société Inco en brandissant le slogan: «Le patron c'est nous: non au nickel». Je pense que c'est justement le message que nous allons transmettre au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial. Nous voulons bénéficier de tous les avantages économiques de Voisey Bay. Toutefois, d'après ce que je peux comprendre, ce ne sera sans doute pas le cas.
La question qui se pose est la suivante: comment aborder toute cette question politique au Labrador? Comme dans toute arène politique, il y a la droite, la gauche et le centre. Au Labrador, certains sont fortement d'avis que nous devrions mettre un terme à cette association, ou cette union, entre le Labrador et la partie insulaire de la province. Certains sont fort déterminés à cet égard maintenant. Beaucoup d'entre nous ne savons pas où nous pouvons aller ou ce que nous pouvons faire pour sauvegarder nos ressources pour nos enfants et nos petits-enfants. Nous avons été violés et pillés.
En ce qui concerne la scène politique actuelle au Labrador, sur 48 membres environ de la Chambre basse à St. John's, nous n'en avons que quatre et un seul député nous représente à la Chambre des communes à Ottawa. Nous manquons donc de poids politique.
La grande question qui se pose - et je pense que les habitants du Labrador sont prêts à l'aborder - est la suivante: que faire maintenant et comment protéger l'avenir de nos enfants et de nos petits enfants? Tel est le défi qu'il nous faut relever.
Vous avez entendu parler de certaines questions ce matin, comme la route du Labrador. Je participe à la politique au Labrador depuis 1985 et cette question est brûlante. Au fil des ans, nos gouvernements ne se sont manifestés qu'en paroles.
Un groupe de pression de la partie insulaire de la province voulait arrêter la route du Labrador. Cela s'expliquait par la situation économique de certaines des collectivités de la partie insulaire de la province qui en fait fournissaient les produits et services aux habitants de la côte du Labrador.
Par contre, lorsque notre conseil de Happy Valley - Goose Bay a demandé il y a quelques années à Clyde Wells et au gouvernement libéral de s'occuper du déneigement de la route du Labrador à partir d'ici jusqu'à Churchill Falls, la province s'est adressée à nous, en tant que municipalité, et nous a répondu: «Nous allons vous donner 400 000 $. Voyez si vous pouvez déneiger la route». Je me souviens que moi-même et le maire adjoint Shouse avons dit à l'ancien premier ministre Wells: «C'est inacceptable. De toute façon, le transport relève de votre compétence».
En ce qui concerne nos relations avec la partie insulaire de la province et avec le gouvernement provincial en particulier, il faut savoir qu'on ne dépense pas d'argent au Labrador: «Réaliser tel ou tel projet au Labrador coûte de l'argent et nous ne disposons pas des fonds nécessaires». Eh bien, le patron c'est nous: non au nickel. Ce message va être très clair: si vous n'avez pas les fonds, empruntez-les et servez-vous des 80 milliards de dollars que représente le minerai de Voisey Bay comme nantissement.
Vous avez entendu des témoins ce matin. Vous avez entendu un habitant de notre collectivité, M. Mike Barnes, parler des soins de santé. Lorsque vous vous rendrez à l'aéroport, ayez l'amabilité de demander au chauffeur de vous faire passer devant l'hôpital; cet hôpital, chers amis, a été construit par l'armée américaine et cédé à la province pour la somme symbolique de 1 $. C'est ce qui nous sert d'hôpital. Cette installation est désuète et sa solidité structurale est certainement douteuse.
On ne cesse de nous dire en ce moment: «Oh, vous êtes tout en haut de la liste». Nous en avons assez d'être tout en haut de la liste. Cela ne sert à rien si l'on n'obtient pas les fonds nécessaires pour réaliser ce que nous avons à réaliser ici. Le réseau routier, les questions de santé, les questions de développement économique de la côte du Labrador - telles sont les questions à régler.
On sent une certaine agitation politique au Labrador en ce moment, surtout parmi les jeunes gens. Les personnes plus âgées - je pense que pour une bonne partie de notre histoire, nous étions en quelque sorte accommodants et ne disions jamais ce que nous avions sur le coeur. Mais il suffit que la roue qui grince soit huilée pour qu'elle se débloque. Je crois que Voisey Bay va servir de détonateur et inciter les gens à dire: «Non, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre un tel potentiel».
J'aimerais aborder une autre question qui se rapporte à nos ressources naturelles - j'ai entendu quelqu'un en parler ce matin - il s'agit du tourisme. Il y a quelques années, j'étais à Saskatoon pour demander que les championnats nationaux 1993 de ballon sur glace se déroulent au Labrador; c'était la première fois que j'avais l'occasion de rencontrer des Canadiens d'autres régions du pays. J'ai été tout à fait étonné de voir que peu de gens connaissaient le Labrador. Certains n'en connaissaient même pas l'emplacement géographique, ce qui m'a véritablement surpris.
Je me suis alors rendu compte que nous n'avions pas fait notre travail non plus, puisque nous n'avions pas dit qui nous sommes. Je ne crois pas non plus que nos politiciens aient fait un très bon travail dans le passé pour annoncer ce que le Labrador a à offrir - ce que nous avons à offrir non seulement à la province, mais au pays dans son ensemble. Lorsque nous parlons d'une route du Labrador, nous parlons d'un réseau routier qui partirait des États-Unis, traverserait la Nouvelle-Écosse, le Québec, longerait la côte du Labrador pour arriver dans la partie insulaire de la province - c'est ce que nous appelons la grande route circulaire, à l'instar de Clyde Wells. Pour nous, ce serait la solution.
Imaginez le grand nombre de touristes et les retombées économiques dont bénéficierait notre province de Terre-Neuve et Labrador, mais aussi les provinces du Québec et de Nouvelle-Écosse... C'est un projet fort intéressant qui, d'après moi, favoriserait l'unité canadienne. Tels sont les genres de projets dans lesquels nous devrions nous lancer, puisqu'ils servent à rapprocher les gens.
Ce matin, j'ai entendu certains des témoins parler du sentier Ptarmigan et du réseau de sentiers. Nous aimerions tellement être reliés au réseau de sentiers du nord du Québec et du Manitoba. Pouvez-vous imaginer la quantité de déplacements qui se produiraient entre nos provinces?
En ce qui concerne notre situation économique, nous pensons qu'il serait bon d'avoir des liens économiques avec la province du Québec. C'est dans notre intérêt. Pourquoi un paquet de pâtes Kraft devrait-il être expédié de Toronto jusqu'à Sydney et Port-aux-Basques, traverser la partie insulaire de la province, être mis sur un bateau pour arriver jusqu'ici, alors qu'un camion de transport pourrait s'en charger à partir de Toronto, traverser le Québec par la route du Labrador pour arriver jusqu'à notre ville?
Deux parcs nationaux sont proposés pour le Labrador. L'un se trouve dans les monts Torngat, magnifique région du Canada. Je l'ai dit plus tôt, le Labrador est probablement le secret le mieux gardé du Canada. Le Parc national des monts Torngat devrait être une priorité du gouvernement fédéral. Il faudrait conserver ces monts dans leur état originel en raison de leur écosystème unique.
En ce qui concerne la harde de caribous de la rivière George, les terrains de mise bas se trouvent dans une partie du Labrador. Pour ceux qui ne le sauraient pas, cette harde de 700 000 têtes environ est la plus importante du monde. C'est tout un spectacle que de voir ces animaux.
Le deuxième site proposé pour un parc national se trouve dans les monts Mealy, juste au sud-est d'ici. D'après nous, il faudrait prévoir une route le long de la côte du Labrador jusqu'à Cartwright et jusqu'au détroit. Avec un parc national dans les monts Mealy, cette route serait le moteur économique de la région. Il ne sert à rien de créer un parc dans les monts Mealy si personne ne peut s'y rendre. Pourquoi ne pas construire une route?
Cela donnerait également accès à notre grande industrie forestière. Nous avons en stock de plus d'un million de cordes de pâte et nous ne pouvons en récolter que 110 000 par an, je crois. À l'heure actuelle, nous ne traitons que 15 000 ou 20 000 cordes. Il y a donc là un énorme potentiel, mais nous avons besoin d'un réseau routier pour l'exploiter.
Je pourrais donner d'autres exemples, mais j'aimerais aborder un dernier point avant de passer aux questions: les revendications territoriales. Comme vous le savez, nous avons trois groupes autochtones au Labrador: la Labrador Inuit Association, les Innu et Naskapi-Montagnais et les Métis.
Je tiens à vous dire, membres du comité, que quelle que soit l'aide que vous puissiez apporter à propos de cette question des revendications territoriales, il faut absolument la régler maintenant, et il faut la régler de manière juste et équitable.
J'aimerais dire aux Autochtones qu'au bout du compte, c'est à eux et à leurs collectivités que reviendront les avantages économiques. J'en suis fortement partisan, car en tant qu'habitant du Labrador, j'aimerais que la richesse reflue vers l'économie du Labrador de manière que nous puissions tous en tirer profit.
Je suis prêt maintenant à répondre aux questions.
Le président: Très bien. Merci.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Ce n'est pas véritablement une question, puisque vos propos renforcent le message d'autres témoins.
Aujourd'hui, j'ai appris une nouvelle expression: «political football»; j'ai demandé ce que cela voulait dire, car mon anglais n'est pas très bon. C'est un point au sujet duquel nous n'avons rien à dire; par exemple, l'histoire du transfert du Labrador à Terre-Neuve. Cela fait partie du jeu politique et nous n'avons pas à en parler, surtout pas avec des Québécois comme moi.
Des voix: Oh, oh!
M. Hickey: Vous n'avez pas su profiter de l'occasion qui s'offrait à vous.
M. Deshaies: Nous avons un point en commun: nous devons faire en sorte que chaque collectivité rurale bénéficie de son développement. Il ne faut pas oublier que c'est indispensable, si l'on veut assurer un développement convenable à chaque collectivité rurale.
Dans toutes les régions du Canada, on a l'impression que les ressources naturelles du Nord profitent au Sud. Venant du Nord, c'est mon point de vue. Voisey Bay vous offre une belle occasion, mais vous risquez de tout perdre là encore.
D'autres témoins ont dit comme vous que le réseau routier est ce qui permet le développement les zones rurales. Merci.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Premièrement, merci d'avoir fait mention des deux parcs nationaux. C'est la première fois que j'en entends parler. À mon avis, cela devrait pris en compte dans votre demande de routes. Je crois que cela en vaut vraiment la peine.
Deuxièmement, je viens de Colombie-Britannique. J'ai toujours connu la Colombie-Britannique comme une province séparatiste, dans une certaine mesure, puisqu'elle n'est pas satisfaite du gouvernement central à Ottawa ou de ce qu'elle perçoit comme la puissance du Québec et de l'Ontario, qui pensent ne pas avoir de problème. Au fil des ans, cette insatisfaction a provoqué un certain degré de sentiment séparatiste. A mon avis, cela se rapproche dans un certain sens de la situation du Labrador vis-à-vis Terre-Neuve.
Je n'ai pas de sages conseils à vous donner. En fait, je dois vous renvoyer la question que vous vous êtes posée: que faire pour régler le problème? Vous avez en quelque sorte proféré des menaces voilées, c'est-à-dire que quelque chose ne manquera pas de se produire lorsque la situation deviendra intolérable.
Faut-il en fait modifier le système? Si oui, comment?
M. Hickey: La question de la séparation se pose bel et bien au Labrador; n'essayons pas de la passer sous silence. Certains sont d'avis que notre situation serait bien meilleure si nous étions un territoire, si nous pouvions utiliser nos ressources et si un gouvernement central ou régional du Labrador pouvait disposer des recettes et des impôts de nos ressources.
Ceci étant dit, c'est peut-être très bien de le souhaiter et d'y penser, mais le fait est que si un referendum devait avoir lieu demain au Labrador, je dirais que probablement 85 p. 100 des habitants du Labrador voteraient en faveur d'une association différente avec la province. C'est facile à dire, mais plus difficile à réaliser.
Personnellement, en tant qu'habitant du Labrador, j'aimerais beaucoup mieux travailler dans le cadre du système actuel, le cadre fédéral et provincial, et pouvoir envisager l'avenir économique, assurer la formation de nos enfants, offrir des possibilités économiques à nos collectivités. C'est ce que nous demandons. Ces sentiments découlent de nos déceptions. Ce n'est pas tant que nous voulons nous séparer. Pourquoi consacrer toute notre énergie à cette question? Le problème, c'est que tout au long de notre histoire, nous n'avons jamais pu le faire comprendre.
Je demeure convaincu que le gouvernement - les fonctionnaires provinciaux - refuse l'infrastructure au Labrador parce que, s'il la consent, plus de gens viendront s'y établir, ce qui donnera plus de poids à la région. Cela poserait un problème au gouvernement. Voilà comment il raisonne, d'après moi.
C'est pourquoi je crois que la fonderie sera construite sur l'île. De nouveau, l'île obtiendra l'affinerie de Voisey Bay, et le Labrador aura les mains vides. Il n'obtiendra pas l'infrastructure qu'exige ce projet, je vous le prédis. J'espère me tromper, mais, depuis le temps que j'habite là, je sais que les événements me donneront raison. Enfin, nous serons fixés vers la fin du mois.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Merci, monsieur le président.
Ce que M. Hickey vient de vous dire n'a rien de nouveau pour moi. Pendant 11 ans, j'ai été membre du même conseil que lui. Ses sentiments reflètent assez bien les vues de la population.
J'aimerais faire valoir quelques points et essayer de vous situer en contexte. Je demanderai ensuite à M. Hickey de commenter ce que j'aurai dit. Vous voyez là les deux extrêmes: d'où nous venons, où nous en sommes, et ce vers quoi nous nous dirigeons.
Nous entendons tous parler de la découverte de Voisey Bay. On vient tout juste de me remettre un article, là où il est question de la renaissance de Voisey Bay grâce au nickel. On y voit la photographie d'une vieille dame de Nain qui, à l'aide d'une canne, marche le long d'une des pires routes du monde.
Je reviens tout juste de Nain, où je me suis rendu, lundi dernier, pour inaugurer un refuge pour femmes battues au nom de l'honorable Diane Marleau. Je suis aussi allé à Hopedale. Lorsque j'étais à Nain, j'ai été convoqué à une réunion organisée à la dernière minute. Le moment était peut-être propice, parce que le député fédéral était sur place, de même que le député provincial, Willy Andersen.
La réunion portait sur le plus grand drame qui soit: le désespoir qui frappe une collectivité. J'aimerais vous illustrer les deux extrêmes. Durant les six jours qui ont précédé le lundi où j'étais là, deux personnes se sont suicidées et deux autres ont essayé de le faire. Deux se sont tiré une balle. Quatre tragédies en six jours, dans une collectivité de 1 200 âmes.
Voilà, vous avez tout entendu aujourd'hui. On vous a décrit toute la gamme des situations. Que faire? Comment s'en sortir? Je demande aux Canadiens, en fait je les implore, particulièrement vous, les parlementaires, de nous écouter. Je soupçonne que nous ne sommes pas les seuls à vivre la situation au Canada. J'ai voyagé au Manitoba et ailleurs. J'ai visité le nord du Manitoba, où l'on vit les mêmes drames. En somme, la situation n'est pas unique au Labrador. Certaines régions du Canada ont cette même caractéristique. D'une certaine façon, on se fait avaler tout rond.
Monsieur Hickey, que pensez-vous de ma déclaration? Si vous examinez la situation socio-économique, l'état de la culture, c'est un tout si... C'est un tel mélange. Il est difficile de situer tout cela en contexte. Quelle est votre opinion?
M. Hickey: Je sais très bien de quoi vous parlez, Lawrence. Pour l'instant, dans de nombreuses collectivités... Par exemple, parlons de Nain. L'an dernier, Nain, notre localité la plus septentrionale, comptait 1 200 habitants. Subitement, quand l'exploration a débuté l'an dernier, sa population a explosé. Le niveau d'activité y a augmenté. Il y avait plus d'hélicoptères - il y en avait tant qu'il aurait presque fallu installer un centre de contrôle de la circulation aérienne - , c'était la ruée des prospecteurs.
Pour bien des localités, je crois... Revenons-en à Nain, dont je connais bien la scène municipale. L'an dernier, lors d'une rencontre avec les autorités provinciales, la municipalité s'est plaint qu'elle n'avait pas l'infrastructure voulue pour soutenir ce niveau d'activité, ni les installations d'approvisionnement en eau, les égouts et la plupart des autres installations requises pour répondre aux nouveaux besoins de la collectivité. Le gouvernement provincial lui a répondu que, malheureusement, il n'avait pas d'argent.
Comment peut-on répondre à une localité qui subit l'impact d'une grande ruée à cause de la découverte d'un gîte de minerai d'une valeur de 80 milliards de dollars à 20 milles au sud-est que, malheureusement, on ne peut l'aider parce que l'on vient de refuser cette aide à une localité de la côte sud de l'île? Après tout, la localité insulaire n'a pas à composer avec l'arrivée massive de nouveaux venus et des travaux de mise en valeur.
D'après moi, toute cette question des maux sociaux parfois causés au sein des localités - bien souvent, les localités n'ont pas l'appui nécessaire pour voir à ces questions très importantes. C'est la vie des habitants qui est en jeu.
Voilà où le gouvernement tant fédéral que provincial... J'ai été ravi d'entendre cette dame parler de l'inforoute, ce matin, et du besoin de donner à certaines de ces localités accès à des moyens d'information de haute technologie, parce que beaucoup d'entre elles ont maintenant des écoles. Certains de ces établissements ont sans conteste besoin d'améliorations, mais donnez-leur au moins la possibilité de s'informer grâce à Internet. C'est très important. Selon moi, il faudrait que toutes les localités du Nord y aient accès.
Cela étant dit, j'estime que l'appui dont ont besoin ces localités doit venir des gouvernements qui savent ce qui se passe dans ces localités. La meilleure façon de procéder consiste à parler aux habitants des localités. Nous pouvons vous faire visiter des localités du Labrador où les projets ont échoué parce que les ingénieurs, les consultants et que sais-je encore ont essentiellement fait à leur tête, en utilisant un cadre de référence propre au Sud qu'ils ont tenté de reproduire dans le Nord. C'était du gaspillage. Ces éléphants blancs sont nombreux le long de la côte du Labrador.
La grande priorité est de faire participer la population locale. Comme vous l'ont dit les représentants de Hopedale ce matin, ces jeunes savent ce qu'ils veulent. Ils vivent la situation chaque jour. C'est à eux que vous devriez prêter l'oreille. Le maire de Rigolet était ici, ce matin. Qui connaît mieux la ville de Rigolet que le maire et son greffier? Dites-le-moi. Nul dans cette salle, dans cette région, au pays ne connaît mieux Rigolet que ceux qui y habitent.
Il faut écouter ce qu'ils ont à dire et les consulter. Parfois, les bureaucrates font écran. Il faudrait essayer d'éliminer une partie de cette bureaucratie et écouter la population, car c'est elle qui souffre. C'est là qu'est le besoin, c'est là qu'il faudrait concentrer nos efforts. Nain en est un exemple éloquent.
Le président: Monsieur Hickey, je vous remercie. Je suis sûr de parler au nom de tous les membres du comité quand je vous remercie de nous avoir fait voir la question sous cet angle. Vous avez bien résumé un grand nombre des témoignages que nous avons entendus de divers groupes aujourd'hui, et nous vous en sommes reconnaissants. Certes, nous vous savons gré de votre franchise.
M. Hickey: C'est moi qui vous remercie. J'espère que vous reviendrez nous rencontrer et que votre séjour au Labrador vous plaira.
Le président: Je vous remercie.
Le dernier témoin, aujourd'hui, est un porte-parole de la Labrador Métis Association. Monsieur Russell, je vous demanderais de limiter votre déclaration à dix minutes environ, après quoi nous vous poserons des questions.
M. Carter Russell (Labrador Métis Association): Vous voudrez bien excuser Todd Russell, président de l'association, qui était dans l'impossibilité de venir ici en raison d'autres engagements. Il est actuellement sur la côte. Il m'a donc demandé de vous exposer son point de vue et celui de l'association.
J'ai su que je témoignerais, il y a seulement une demi-heure. Je viens tout juste de revenir en ville. Je vous demanderais donc de prendre patience. L'exposé que je dois vous faire est assez long. J'essaie depuis une demi-heure de le condenser. Je m'efforcerai de respecter la limite de dix minutes.
La Labrador Métis Association est heureuse de la décision prise par le comité permanent de tenir des audiences au Labrador, particulièrement à ce point crucial de notre histoire en tant qu'Autochtones et habitants du Labrador. Les Métis, Inuit et Innu du territoire, de même que les 1 500 autres âmes établies depuis longtemps au Labrador, sont incapables de relever seuls les défis que leur pose l'exploitation des ressources durant les années 1990 et par après.
Pour vous donner une petite idée de notre association et du stade où en sont nos revendications territoriales, le 8 novembre 1991, la Labrador Métis Association a déposé l'énoncé de ses revendications territoriales globales auprès du gouvernement fédéral. En 1977, l'Association des Inuit du Labrador a revendiqué l'ensemble du territoire du Labrador pour le compte des Inuit qui ont habité au Labrador depuis 1942 et de leurs descendants.
La même année, l'Association naskapie montagnaise-Innu, soit l'actuelle Nation Innu, a, elle aussi, déposé une revendication. Le gouvernement fédéral a accepté les deux revendications et en a reconnu la légitimité à quelques mois d'intervalle. Toutefois, les négociations avec la Labrador Métis Association et les Innu n'ont débuté que durant les années 1990, en partie à cause du besoin d'effectuer des recherches supplémentaires et en partie aussi en raison de la position adoptée par Terre-Neuve concernant la participation aux pourparlers relatifs aux revendications territoriales.
En 1992, la Labrador Métis Association et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien se sont entendus sur un processus plutôt unique de recherche préalable à la validation. Les autres groupes qui avaient déjà présenté des revendications, y compris ceux du Labrador, ont alors commencé à documenter leur occupation des terres et à faire des études généalogiques, mais seulement après que la revendication eut été acceptée, ce qui a retardé le processus de négociation, retards qui ont parfois miné la confiance qu'avait la population tant autochtone qu'autre dans le processus de négociation comme moyen privilégié de régler la question des droits ancestraux et des titres de propriété.
Selon la vieille approche, les groupes revendicateurs ont aussi dû faire bien des frais pour effectuer de la recherche qui est tout aussi utile, si ce n'est plus, au gouvernement fédéral et aux autorités provinciales qui participent à la négociation du traité. Nous espérons que les longues recherches préalables à la négociation qu'a effectué la Labrador Métis Association permettront aux pourparlers de se dérouler plus rapidement, une fois que le gouvernement fédéral aura achevé l'exercice de validation.
J'aimerais ici vous donner quelques précisions sur le patrimoine et l'identité métis. Les membres de la Labrador Métis Association représentent une forme unique d'adaptation de la société autochtone. Les premiers explorateurs appelaient les descendants des Inuit habitant le sud et le centre du Labrador Arbuchtoke. Nos ancêtres ont accueilli les nouveaux venus d'Europe et les ont intégrés à leur société, tout comme ils l'ont fait pour les Innu et les autres peuples autochtones.
Passons maintenant à quelques renseignements contemporains au sujet de notre organisation. La Labrador Métis Association compte approximativement 3 400 membres adultes. Notre peuple en est venu à privilégier le mot «Métis» comme appellation au cours des dernières décennies. Le terme, au Labrador, désigne les descendants de sang mêlé, soit, dans le contexte qui nous intéresse, surtout d'Inuit et d'Européens.
Avant de résumer les recommandations de notre association, il importe au plus haut point de vous faire comprendre que nous sommes très résolus, en tant que peuple. Nous avons clairement énoncé notre politique en matière de développement.
Nous sommes en train de perdre le contrôle de nos ressources et de notre assise territoriale. La surpêche et la chasse excessive pratiquées par des non-Autochtones sont susceptibles de nous causer rapidement des torts économiques aux conséquences désastreuses. On nous promet de nouvelles entreprises économiques, et certaines sont déjà en cours.
Parfois, nous avons été invités à participer et nous avons même, peut-être, assumé un rôle de leadership dans des entreprises économiques, mais plus souvent qu'autrement, nous avons été exclus du processus décisionnel et on nous a ignorés, de même que nos intérêts et notre mode de vie.
Comme tant d'autres collectivités autochtones avant nous et à l'instar de nos cousins inuit et innu du Labrador, nous avons décidé de nous défendre. Voilà ce que représente en réalité notre revendication territoriale. Nous défendons nos droits et nos intérêts, ce qui veut dire qu'il nous faut décider de ce que nous voulons obtenir pour nous-mêmes, pour nos enfants et pour nos petits-enfants.
Nos revendications territoriales ont donc pour objet de remettre nos localités en charge de leur destinée et de mettre fin au règne de l'arbitraire sur nos terres, constamment menacées depuis que nous avons été intégrés au Canada et à Terre-Neuve afin de défendre l'Angleterre et l'Europe durant la Second Guerre mondiale.
Nous acceptons qu'il faille protéger les intérêts de tiers, mais encore faut-il définir ces tiers et leurs intérêts. Cette définition n'inclut pas ceux que nous considérons comme étant des tiers illégitimes, soit les intérêts d'entreprises étrangères et d'ailleurs au Canada que la province a fait venir ici pour réaliser des profits et, récemment, en vue d'exploiter ce qu'elle n'a tout simplement pas le droit inconditionnel d'aliéner.
Notre principale préoccupation est de faire en sorte que les Métis, de concert avec les Inuit et les Innu, soient bien représentés. Il reste à négocier, bien sûr, la façon de faire avec les gouvernements du Canada et de Terre-Neuve. Entre temps, notre porte est ouverte aux promoteurs de projets industriels qui souhaitent prendre des arrangements provisoires, par exemple conclure des accords concernant les répercussions et les avantages. Cependant, si l'industrie ou les instances de réglementation essaient d'exclure les Métis par des moyens détournés, leur proposition sera un échec. Je ne profère pas de menace; je décris la réalité.
Notre deuxième préoccupation est de faire en sorte que l'on respecte les intérêts des non-Autochtones depuis longtemps établis au Labrador. À cet égard, nous espérons que seront maintenus les étroits liens de travail que nous entretenons avec tous les conseils communautaires du Labrador pour faire en sorte que nos intérêts sont protégés et respectés et qu'il est aussi tenu compte de vos intérêts et de vos besoins. Nous sommes, là aussi, ouverts à toutes les propositions visant à doter le Labrador de nouvelles institutions de gouvernement qui respectent notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale tout en tenant compte des besoins et des coutumes des pionniers.
Ces intérêts priment sur les intérêts privés actifs au Labrador, comme ceux des sociétés minières et d'autres Canadiens.
J'aimerais maintenant vous décrire brièvement certains de nos objectifs, fixés à l'issue d'une consultation qui a eu lieu en 1990 et d'une assemblée tenue en avril 1995.
Tout d'abord, nous voulons faire en sorte que l'exploitation du poisson, du gibier et de la forêt tienne avant tout compte des besoins de la conservation, puis de ceux des Autochtones et des collectivités, en vue d'assurer leur survie et leur développement économique. Les besoins des grandes associations commerciales n'entreraient en ligne de compte qu'après.
En deuxième lieu, il faudrait reconnaître à nos collectivités suffisamment de pouvoirs pour leur permettre de contrôler les décisions qui les touchent les plus directement, y compris celles qui influent sur leur avenir culturel, social et économique.
Troisième point, il faudrait indemniser nos peuples pour les torts causés dans le passé à notre mode de vie et à nos moyens de subsistance par ceux qui sont venus d'ailleurs pour voler nos ressources et qui ont pris des décisions irréversibles nous affectant.
Quatrième point, nous souhaitons faire en sorte de recevoir une juste compensation pour l'exploitation future de nos terres et de nos ressources, de même que de donner à nos collectivités les moyens de développer, de maintenir et de renforcer leur culture, leur économie, leur identité, leurs institutions et leurs coutumes.
En cinquième lieu, il faut promouvoir le développement général de la société du Labrador dans un esprit d'unité et de collaboration avec les Inuit, les Innu et tous les autres habitants du Labrador.
Sixième point, il ne faudrait pas que le règlement des revendications territoriales entraîne une réduction des services, des programmes ou des droits à prestations dont nous jouissons déjà en tant que Canadiens ou Terre-Neuviens.
Septième point, il faudrait prévoir un accès équitable aux programmes de santé, d'éducation et autres programmes sociaux cruciaux destinés à aider les peuples autochtones ailleurs au Canada et au Labrador.
Huitième point, il faudrait donner à nos collectivités une source de revenu et une assiette fiscale convenables pour qu'elles puissent voir à leur bien-être, à pied d'égalité avec nos gouvernements et nos peuples.
Enfin, neuvième point, il faudrait prévoir la reconnaissance et la protection de nos droits ancestraux de chasse et de pêche et, entre temps, protéger la faune et le poisson. Il faudrait aussi prendre des mesures pour prévenir que les localités métisses du Labrador ne soient déplacées ou perturbées par des projets d'exploitation, y compris par la crise actuelle des pêches provoquée par les gestes insensés des gouvernements non autochtones.
Je m'arrête ici, bien que le mémoire soit beaucoup plus détaillé. Quelqu'un a-t-il des questions?
Le président: Je puis vous assurer, monsieur Russell, que votre mémoire entier figurera dans le compte rendu des délibérations du comité. Le mémoire a été déposé; nous l'avons ici. Nous vous savons gré de nous l'avoir résumé, mais je tiens à ce que vous sachiez que le texte entier de vote mémoire fait partie du compte rendu de nos délibérations.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: De nombreux témoins qui vous ont précédé ont parlé du règlement des revendications territoriales. Vous avez de nombreuses propositions. Celle-ci en fait partie. Est-ce la sixième sur la liste? Vous avez indiqué qu'il faut obtenir avant tout le règlement des revendications territoriales. Est-ce la grande priorité de votre groupe?
M. Russell: C'est une priorité pour notre groupe, naturellement, mais nous estimons que compte tenu des autres groupes au Labrador et des intérêts qui souhaitent voir se concrétiser certains projets, le règlement des revendications territoriales serait une priorité non seulement pour nous mais aussi pour ces groupes. On aurait alors une idée plus précise de la suite à donner à ces projets.
M. Deshaies: Les priorités posent toujours des problèmes. Parfois, il faut attendre d'avoir réglé la question jugée la plus importante avant de passer aux autres. Êtes-vous d'avis que bien d'autres initiatives devront attendre avant que celle-ci soit réglée?
M. Russell: Pas forcément. Nous avons diverses priorités. Il ne fait aucun doute que ce serait l'une de nos grandes priorités mais nous en avons d'autres dont nous nous occupons.
En fait, en ce qui nous concerne, nous constatons que l'inaction dans ce domaine nous empêche d'agir dans d'autres domaines. Je parle de l'inaction des autres parties.
Pour ce qui est des différents domaines, nous considérons que l'inaction de la province dans certains dossiers de développement économique et dans certains dossiers dont nous nous occupons est attribuable au fait que notre revendication territoriale n'a pas encore été acceptée par le gouvernement fédéral.
En ce qui nous concerne, nous avons diverses priorités et nous nous occupons d'un grand nombre d'entre elles simultanément, même si certaines sont plus importantes que d'autres.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Deshaies: En partie.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Quelle est la position de la Labrador Métis Association au sujet de la négociation d'un règlement avec le gouvernement fédéral et avec la province de Terre-Neuve et du Labrador?
M. Russell: Nous avons présenté notre revendication territoriale globale. Nous croyons comprendre que le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord l'a acceptée et qu'elle vient d'être soumise à l'attention du ministère de la Justice.
Nous croyons savoir qu'une décision devrait être prise d'ici Noël de cette année. Nous sommes convaincus qu'elle sera acceptée et que nous entamerons les négociations préliminaires au début de la nouvelle année.
M. Ringma: Existe-t-il une commission ici comme dans ma province d'origine...
M. Russell: Une commission des revendications territoriales?
M. Ringma: Il s'agit d'une commission qui se compose de représentants fédéraux du MAIND et de représentants provinciaux. Bien entendu, elle entend les revendications de toutes les Premières nations. C'est une commission qui a été établie et qui voyage partout dans la province.
M. Russell: Je suis loin d'être un expert en associations lorsqu'il s'agit de revendications territoriales. En fait, je m'occupe de développement des ressources humaines mais, à ma connaissance, non, il n'existe aucune commission de ce genre.
M. Ringma: J'ai une dernière question à ce sujet. Les négociations sont-elles parvenues à un stade où il vous est possible de commencer à déterminer ce qui constituerait un règlement juste et équitable sur le plan financier ou sur le plan de la surface en acres?
M. Russell: Non. Les négociations n'ont pas encore débuté.
M. Ringma: Elles n'en sont absolument pas à ce stade.
M. Russell: Comme je l'ai expliqué plus tôt, notre revendication n'a pas encore été acceptée. Nous prévoyons qu'elle le sera au début de la nouvelle année et c'est alors que les négociations débuteront.
M. Ringma: D'accord. Si on se fie à l'exemple de la Colombie-Britannique, vous avez beaucoup de chemin à faire et la route sera ardue. Bonne chance.
Aujourd'hui, bien des témoins ont insisté sur la nécessité d'obtenir un règlement équitable avant d'aller plus loin. C'est ce que tout le monde dit. C'est ce qu'ils veulent. J'espère que cela se concrétisera.
M. Russell: Malgré le stade où nous en sommes, je suis sûr que nous pouvons faire vite. Il existe des contraintes de temps. Nous pouvons faire vite. Il ne faut pas jusqu'à 15 ou 20 ans pour obtenir un règlement. On peut procéder plus rapidement que cela mais il faut que les autres parties veuillent agir elles aussi et pas seulement nous.
M. Ringma: Oui. Je vous remercie.
Le président: Monsieur O'Brien.
M. O'Brien: Je vous remercie, monsieur le président.
M. Russell, vous avez la distinction d'être la dernière personne à présenter un exposé ici aujourd'hui. Je sais que la Labrador Métis Association fonctionne avec distinction, comme nous l'avons constaté.
J'aimerais vous poser une seule question significative. Je sais l'importance que représente pour vous votre revendication territoriale. Comme vous venez de l'indiquer, elle est en devenir. Or, si vous deviez laisser de côté les revendications territoriales pour l'instant, quelle serait la question la plus importante pour vous, pour votre organisation et pour ceux que vous représentez au cours des prochains mois ou de la prochaine année, compte tenu de leurs besoins?
M. Russell: De façon très générale, ce sont les questions économiques. J'ignore si les membres du comité sont au courant de la fermeture de la pêche à la morue du Nord. Les Métis du Labrador, grâce à l'industrie de la pêche côtière, ont toujours joué un rôle important dans la pêche à la morue. Donc, depuis la fermeture de la pêche, les affaires sont devenues très calmes dans un grand nombre de nos collectivités et il y a peu d'activité économique. Il y a donc lieu de se demander quels seront désormais les domaines de développement économique dans cette région?
En raison de la fermeture de la pêche, il est d'autant plus important de trouver d'autres secteurs de développement économique et donc de prévoir le développement des infrastructures nécessaires, comme la route du Labrador.
D'autres projets de développement ont débuté, en particulier dans les régions de Cartwright et de Port Hope Simpson. Il s'agit de petites exploitations forestières qui semblent présenter des possibilités d'expansion et d'emploi, important mais non massif, dans ce secteur en particulier. Ce sera toutefois difficile sans les réseaux de transport appropriés.
En ce qui concerne d'autres secteurs, comme le développement touristique, il faut prévoir les infrastructures nécessaires.
La deuxième question la plus urgente pour nous est de toute évidence la question du développement économique. Sans développement économique, un grand nombre des collectivités côtières risquent de ne pas survivre. Ce serait donc notre deuxième priorité.
M. O'Brien: Donc vous êtes en train de dire que l'infrastructure est...
M. Russell: C'est une composante.
M. O'Brien: D'accord. Très bien.
Le président: Je tiens à vous remercier, monsieur Russell, d'avoir assuré le remplacement de votre collègue au pied levé. Vous avez fait un excellent travail. Comme je l'ai indiqué, nous avons votre mémoire au complet dans nos dossiers.
J'aimerais profiter de cette occasion pour remercier l'ensemble de la collectivité de nous avoir accueillis aujourd'hui par l'intermédiaire du député local, M. O'Brien.
Vous l'avez entendu aujourd'hui défendre la cause de ses commettants. Je tiens à ce que tous ceux ici présents sachent que c'est ce qu'il fait régulièrement à la Chambre et grâce aux divers moyens à sa disposition. J'estime important de le dire. Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour le temps et l'énergie que vous avez tous consacrés à cette initiative.
M. O'Brien: Je tiens à réitérer mes remerciements au comité et aux groupes du Labrador. Cette réunion a eu lieu avec relativement peu de préavis. Je tiens à remercier tout particulièrement un membre de mon personnel à Ottawa, Elsie McDonald, qui a travaillé fort à la préparer.
J'estime que cette initiative nous a permis de déterminer quelques thèmes ou dénominateurs communs, si vous préférez. Je pense que vous avez clairement compris qu'il s'agit des revendications territoriales, des routes, de l'infrastructure et du développement économique.
Nos collectivités ont été dépossédées, même si nous vivons dans l'une des régions les plus riches au monde. Nous sommes également l'une des régions les plus pauvres pour ce qui est de l'environnement culturel. Il ne fait aucun doute qu'il existe des difficultés.
J'aimerais signaler la remarque faite par les membres de chaque collectivité, mais surtout celles de Hopedale et de Rigolet. Lorsqu'ils nous entendent parler de la route du Labrador, ils tremblent, parce que nous ne parlons pas pour l'instant de la population du nord du Labrador. Je suis votre député et à ce titre, je tiens toutefois à vous assurer que je n'oublierai pas les besoins de cette population en matière de transports. Bien que l'important pour l'ouest du Labrador, la région du lac Melville et la côte sud du Labrador soit d'avoir une route, l'important dans le Nord est d'avoir des chemins pour se rendre de Rigolet à Goose Bay, un chemin praticable l'hiver, d'avoir des services de transport maritime l'été et un bon service de transport aérien l'hiver.
Lorsque j'ai pris la parole la première fois à la Chambre des communes - avec un peu plus d'émotion que maintenant - c'était pour parler de l'aéroport de Nain et de sa sécurité. Comme M. Hickey l'a mentionné dans ses discussions, il y avait plus de 300 mouvements d'avions par jour sur un terrain d'aviation de 2 000 pieds de long. Au nord du terrain se trouve une colline qui mesure quelques centaines de pieds.
Essayez d'aller à Nain. Je dois vous avouer que je suis loin d'être rassuré lorsque j'y vais en avion. J'arrive par l'ouest à l'aéroport de Nain. Je suis presque pris de panique, et c'est la vérité. J'ai mes raisons. Le 17 octobre 1995, à 9 h 10, j'étais alors dans une situation différente. J'étais à la tête d'une initiative de développement économique pour la province. J'étais accompagné d'Ernie McLean et de Wally Anderson. Nous n'étions pas encore élus à l'époque mais nous étions en voie de l'être. Notre avion qui se trouvait à 150 pieds du sol est tombé brutalement à 30 pieds du sol. Nous n'avons survécu que par miracle. Le pilote a réussi à reprendre le contrôle de l'appareil.
J'y suis retourné lundi dernier. Nous avons fait une tentative semblable. Nous sommes arrivés à atterrir, mais ce n'était pas trop rassurant.
Ces gens ont énormément donné sur le plan économique. Ils ont donné aux jeunes compagnies d'exploitation minière. Ils ont donné à Inco et ainsi de suite. Je pense que c'est ce que nous venons d'entendre et ce genre de tribune est une façon de donner quelque chose en retour.
On a également mentionné que j'avais amené d'autres députés au Labrador. Le ministre des Transports, l'honorable David Anderson, est venu passer huit jours ici cet été, pas pour pêcher, contrairement à ce que certains pourraient croire. Lorsque j'invite un député au Labrador, on pense évidemment qu'il vient pour pêcher. C'est pourquoi j'ai commencé à les inviter après la saison pour bien montrer qu'ils ne venaient pas pour pêcher. Je tiens à ajouter qu'ils peuvent revenir pour aller à la pêche s'ils le veulent, mais à certaines conditions.
Je tiens à vous remercier, ainsi que tous les témoins qui ont comparu et qui comparaîtront devant vous. Le comité des pêches et des océans sera présent également. J'en fais partie mais aujourd'hui, je siège comme membre de votre comité.
Je déposerai une motion sur la route du Labrador. J'ai cette motion devant moi. Je tiens à m'excuser auprès de mes collègues du Bloc québécois et du Parti réformiste, mais la motion que je veux déposer a été adoptée à l'unanimité il y a deux semaines lors du congrès biennal national du Parti libéral à Ottawa. J'ai rédigé la résolution. Je l'ai présentée. J'ai exercé des pressions auprès de mes collègues qui ont à leur tour exercé des pressions auprès de leurs délégués. Nous avons obtenu le type de résolution que nous voulions de notre caucus.
Je tiens à remercier chacun d'entre vous. Je tiens à remercier les députés du Parti réformiste d'avoir insisté sur ce projet de route l'année dernière au cours des élections. Votre parti a fait un excellent travail à cet égard lors de la campagne. M. McGrath était mon collègue du Parti réformiste. Il a fait un excellent travail en ce qui concerne cette motion. Je rends à César ce qui appartient à César.
Je crois qu'il est dans l'intérêt du Bloc québécois d'avoir cette route qui traverse le Labrador car ils en profiteront, tant sur le plan touristique que sur le plan des services. Je crois que vous avez entendu cet argument aujourd'hui.
J'invite tout le monde à adopter cette motion à l'unanimité. Elle se lit comme suit. Elle était dans le journal local la semaine dernière. Le titre de l'article était: «Trans-Labrador Highway Highlights National Liberal Policy Convention» (la route du Labrador: un élément marquant de la politique d'orientation nationale des Libéraux). La résolution se lit comme suit:
- ATTENDU QUE le gouvernement du Canada a contribué au développement de projets de
construction routière à Terre-Neuve et au Labrador, y compris le développement de la route du
Labrador;
- ATTENDU QUE le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador reconnaît que la route du
Labrador est un projet de transport prioritaire pour la province;
- ATTENDU QUE le Parti libéral du Canada
- ...je modifierai évidemment ce passage lorsque je le présenterai à la Chambre des communes
car je ne peux pas parler des partis politiques...
- et le gouvernement du Canada ont reconnu l'importance du développement des infrastructures
comme moyen de développement économique;
- ATTENDU QUE le prolongement et l'achèvement de la route du Labrador entraîneront des
retombées économiques pour le Labrador, pour la province et pour l'ensemble du pays;
- IL EST RÉSOLU QUE le Parti libéral du Canada presse le gouvernement du Canada de
conclure une entente avec le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador pour financer
l'achèvement d'une route du Labrador praticable en tout temps.
J'ai beaucoup de pain sur la planche mais je suis prêt à relever le défi. Grâce au soutien de la population et de tous mes collègues de la Chambre, je pense que nous pouvons réaliser des progrès, car nous faisons partie d'une grande région, d'un grand pays et d'un grand Parlement.
Je vous remercie beaucoup.
M. Ringma: En ferez-vous un projet de loi d'initiative parlementaire?
M. O'Brien: Je n'y manquerai pas.
Le président: La séance est levée.