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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

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Le jeudi 12 décembre 1996

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

La journée d'aujourd'hui sera la dernière journée d'audiences du Comité des ressources naturelles sur le développement rural.

Le comité a décidé il y a quelques semaines qu'un élément important du processus serait d'entendre nos collègues de tous les partis représentés à la Chambre, et nous avons donc lancé une invitation à chacun des 295 députés. Plusieurs d'entre eux ont accepté notre offre et nous avons donc réservé la journée d'aujourd'hui pour leur demander de nous soumettre leurs idées sur le développement rural.

Nous sommes heureux d'accueillir parmi nous Dianne Brushett, de Cumberland - Colchester.

Allez-y, je vous prie, Dianne.

Mme Dianne Brushett, députée (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président, et chers collègues, de tous les partis, membres du Comité permanent des ressources naturelles.

J'apprécie l'occasion qui m'a été donnée, en tant que collègue et députée, de comparaître devant mes pairs pour exprimer mes opinions sur des questions qui revêtent à mon sens un caractère urgent et d'avoir un échange avec eux sur les moyens à mettre en oeuvre pour accorder au Canada rural la priorité et la valeur qu'il mérite, selon moi, dans un pays aussi vaste qu'est le Canada.

Permettez-moi de commencer par vous dire que je pense que l'actuel gouvernement a entamé le processus de reconnaissance du Canada rural lorsqu'il a interrompu la fermeture des bureaux de poste ruraux. Cette décision était selon moi un signal, un tournant, montrant qu'on allait accorder la priorité au Canada rural.

Cette décision était également importante car elle a permis de maintenir la présence du drapeau canadien au-dessus de petits bâtiments, parfois même un peu délabrés, dans nombre des localités rurales de ma circonscription. Lorsque j'y passe, je m'arrête et je remets aux responsables un nouveau drapeau si celui qui est là a l'air un peu fatigué. Quoi qu'il en soit, le drapeau continue d'y voler au vent.

D'autre part, le bureau de poste rural sert de point de rencontre communautaire, où les gens peuvent échanger des idées, voir qui a besoin d'aide, qui est en difficulté et comment vont les choses dans le coin. C'est un important point de rassemblement dans les localités.

J'aimerais également vous parler des industries à valeur ajoutée axées sur les ressources rurales. Je citerai, à titre d'exemple, les usines de transformation d'aliments. Il se trouve dans la petite localité d'Oxford, en Nouvelle-Écosse, une usine qui a pour nom Oxford Frozen Foods Limited. L'usine emploie jusqu'à 3 000 personnes, si l'on tient compte de tout ce qu'elle englobe.

Prenez, par exemple, les bleuets sauvages. Il s'agit d'un produit très prisé. Les bleuets sont ramassés dans les champs, autant par des récolteuses mécaniques, à la fine pointe de la technologie, que par des cueilleurs manuels. Puis on les transporte par camion aux entrepôts où on les met dans des caisses, pour ensuite les expédier aux usines de congélation. Il y a de nombreux travailleurs dans l'usine, où l'on s'occupe tantôt de produit frais, tantôt de surgélation pour l'exportation ou de congélation de longue durée, d'étiquetage et d'empaquetage. La quasi-totalité de la production est exportée en petits paquets à destination des épiceries.

Ce travail de valeur ajoutée crée des emplois - beaucoup d'emplois - qui sont souvent les seuls dans certaines régions rurales. Il est très important de souligner la nécessité de faire davantage de recherche au sujet de ce genre de produits agro- alimentaires. Par exemple, toujours pour le bleuet, on continue d'en produire plus qu'on ne pourrait jamais consommer, alors il faut rechercher de nouveaux marchés et de nouveaux produits alimentaires. Il se fait donc de la recherche.

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Nous avons également eu une autre industrie dérivée de l'apiculture. À cause des mites qui sont arrivés des États-Unis avec les abeilles, il a fallu imposer certaines interdictions et on a créé nos propres colonies avec une meilleure espèce d'abeilles, plus résistante, et on a mis au point de meilleures ruches, mieux adaptées à l'hiver.

Il y a donc ce genre de retombées. Plus le produit que nous produisons est de bonne qualité et plus il y a de nouveaux marchés, une meilleure valeur nutritive et de meilleurs produits alimentaires, plus il y aura de croissance et de retombées. Le concept de la valeur ajoutée est donc important dans ma région, que l'on parle du secteur agro- alimentaire, du traitement de fibres de bois ou des pêcheries. Ce sont là nos principaux secteurs de ressources, qui offrent des possibilités de création et de conservation d'emplois dans la région.

Je ne saurais vous citer la source de la statistique que voici, mais un emploi dans le Canada rural crée jusqu'à dix emplois dans le centre-ville de Toronto ou de Halifax. S'il en est ainsi, c'est qu'un producteur de lait ... un emploi dans la production laitière ... une fois que le lait a été ramassé par le camion-citerne, qu'il a été livré à l'usine de transformation laitière, qu'il a été transformé, pasteurisé, empaqueté, qu'il a subi un contrôle de la qualité et tout le reste, une fois qu'il est arrivé chez l'épicier et qu'il est acheté par le consommateur qui le met dans son frigo, dix emplois ont été créés, ce à partir d'un seul emploi en région rurale.

C'est de cela qu'il nous faut nous rappeler relativement au Canada rural. Cela est vrai, que l'on parle d'agriculture ou de foresterie. C'est sans doute également vrai dans le cas des pêcheries, mais je n'ai pas voulu faire de distinction.

C'est la valeur du Canada rural dans son entier. Ce pourrait être l'activité minière dans le Nord, qui crée des emplois à Toronto, à la bourse, ainsi que dans les secteurs de la transformation, du contrôle de la qualité, de la propriété, de la géologie, etc. C'est là la valeur réelle du Canada rural.

En ce qui concerne la valeur ajoutée, le maintien d'un équilibre est essentiel pour les centres urbains, mais les gens sont nombreux à ne pas en avoir la moindre idée. Même mes propres collègues, originaires de régions urbaines, ne s'en rendent pas compte. Ils n'y avaient pas été sensibilisés. La première chose à faire, donc, c'est transmettre le message, haut et fort, sur la valeur des emplois en région rurale.

Encore une fois, les ramifications et les retombées de ces emplois dans les centres urbains sont phénoménales, si nous prenons chaque secteur axé sur les ressources et si nous en faisons une analyse approfondie pour déterminer combien d'emplois y correspondent.

Une autre ressource importante, selon moi, est notre environnement. La protection de cet environnement et des régions rurales est un élément vital, un élément qui doit être appuyé par de solides politiques durables. Cela veut dire qu'il faut des politiques en matière de pêcheries, de foresterie et de gestion des ressources terrestres, ce qui englobe l'agriculture.

Comment faire pour utiliser ces terres ou les ressources qu'elles renferment de façon à réaliser leur productivité maximale, tout en assurant leur durabilité pour qu'elles soient là pour la génération suivante? Nous avons là un rôle clé à jouer.

Je pourrais vous parler de la Nouvelle-Écosse et de la pratique de la coupe à blanc. Ma plus grande préoccupation, et celle de nombre d'exploitants forestiers de la province, est que le gouvernement provincial, qui en est responsable, n'a aucune politique en la matière. Il citera des chiffres sur l'inventaire - faute d'un meilleur terme - , sur la croissance des arbres et des peuplements, qu'il s'agisse de bois dur ou de bois tendre, mais les nombres ne sont pas très fiables. En même temps, il n'y a aucun contrôle la quantité d'arbres dans cet inventaire qui peut être abattue année après année.

Il importe donc que quelqu'un prenne la situation en mains et établisse une politique en matière de durabilité à l'égard de nos forêts. Ce n'est pas notre rôle en tant que gouvernement fédéral, mais au niveau provincial, personne n'intervient, et cette ressource est en déclin, car il se fait des coupes à blanc et autres sans qu'il y ait de politique en matière de durabilité. Il nous faut donner du leadership en matière de durabilité pour ces secteurs axés sur les ressources.

Je pourrais vous citer de nombreux exemples que j'ai eu l'occasion de relever au fil des ans. Si vous vivez assez longtemps, vous finissez par tout voir, par être exposé à tout. Mon père était propriétaire d'une scierie au Nouveau-Brunswick. Cela fait cinq générations que ma famille bûcheronne. Mon frère aîné, qui est mort soudainement en juin, était propriétaire de la scierie. Il s'agit d'une usine de sciage de bois dur. Ses deux fils ont dû rapidement reprendre les rênes de l'affaire, mais ils avaient arpenté le bois avec lui, ils avaient appris à couper, à repérer les essences et à les protéger, à couper ce qui devait être coupé. Chaque partie de l'arbre était toujours coupée. Tout enfant, nous avons appris, lors de nos promenades dans le bois, la valeur de la nature et la nécessité d'en assurer la durabilité.

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J'en arrive maintenant à nos pêcheries. On a épuisé nos stocks de morue parce qu'on a recouru à toutes sortes de procédés technologiquement avancés, comme par exemple le dragage. Jean Payne a un magnifique tableau dans son bureau, montrant où des filets ont été traînés sur des fonds marins pour ramasser tout ce qui s'y trouvait. Il n'y a plus qu'un désert. Il n'y a plus d'algues, plus de mousse, plus de phytoplancton, ni aucune plante à laquelle les poissons peuvent recourir pour se nourrir, se cacher ou se reproduire, ou devant servir à la photosynthèse, pourtant nécessaire au maintien de l'écosystème.

Lorsque vous faites du dragage systématique, vous épuisez la ressource; lorsque vous ne cessez d'enlever à la terre sans jamais rien lui rendre, vous vous retrouvez avec un désert qui ne peut rien soutenir du tout. C'est pourquoi il nous faut avoir des politiques en matière de durabilité et quelqu'un doit assurer le leadership nécessaire. Le secteur forestier est un gros morceau car il compte pour une part importante de nos exportations, et ce dans le cadre de l'économie canadienne tout entière.

Il nous faut, je pense, également assurer un certain appui aux cercles 4-H dans le cadre des foires agricoles. Beaucoup de gens diront que c'est ridicule de parler de foires. Mais une foire permet aux éleveurs et aux agriculteurs de montrer la valeur de ce qu'ils ont chez eux, de montrer les bêtes de très grande qualité qu'ils élèvent. D'autre part, cela montre aux citadins d'où proviennent les produits qu'ils consomment. Ces produits ne tombent pas du ciel dans ces beaux emballages pour atterrir tout seuls sur les étagères de l'épicier du coin; tout commence à la ferme. Si nous ne sommes pas à l'étable dès 4 heures du matin, pour nettoyer les trayeuses, faire le contrôle de la qualité, nous occuper d'élever des animaux de qualité élevée...

Encore une fois, nous faisons beaucoup au Canada - et cela n'est peut-être pas reconnu comme il se doit - sur le plan génétique, que l'on parle de vaches laitières, de bovins de viande ou d'hybrides. Nous exportons cette technologie; nous exportons de la semence, qui est utilisée dans le cadre de programmes d'insémination artificielle. Nous faisons dans ce domaine beaucoup de travail qui, bien souvent, n'est pas reconnu comme il se doit.

Je pense qu'il est essentiel que les foires obtiennent un certain financement, une certaine aide, car elles offrent la possibilité à nos jeunes, aux jeunes agriculteurs et aux propriétaires d'exploitations agricoles, qui ont investi beaucoup d'argent, de montrer leurs bêtes, leurs nouvelles espèces, leurs nouvelles races, leurs nouvelles technologies, les nouvelles viandes, les nouveaux hybrides... et l'amour qu'ils y mettent.

Voilà pourquoi je dis que c'est vital. Ce n'est pas ridicule du tout: c'est un élément important si l'on veut montrer, mettre en vedette la valeur réelle du Canada rural, du secteur agricole.

J'aimerais souligner encore un autre point et faire quelques recommandations. Pour avoir discuté avec les agriculteurs, les exploitants forestiers et les pêcheurs de ma circonscription, je sais que pour la plupart ils ne veulent pas de subventions. Ils ne veulent pas qu'on leur fasse de cadeau. Ils sont heureux qu'on ait réduit les subventions aux agriculteurs. Ils sont heureux que dans le cadre des ententes avec l'OMC et de l'ALENA on ait maintenu le système de gestion de l'offre, mais celui-ci va diminuant. Il finira par disparaître. En un sens, ils sont heureux que l'on ait réduit les subventions au transport, etc.

Ils pensent qu'à une époque ils étaient durables. Cela remonterait à avant la Confédération. Dans le Canada Atlantique, il faut toujours retourner à son histoire et avancer à partir de là. C'étaient d'importants exportateurs, des agriculteurs très viables, des pêcheurs très viables, etc., mais avec l'avènement de la technologie et d'autres changements, ils sont devenus plus dépendants.

Cette dépendance est difficile à changer. Une fois que vous l'avez donnée à quelqu'un, il est difficile de la lui enlever. Mais dans leur coeur et dans leur âme, ce qu'ils pensent et ce qu'ils m'ont dit c'est: «Ce serait préférable, Dianne, qu'on n'ait pas cela. Nous deviendrons durables. Ne nous coupez pas toute l'herbe sous le pied, si rapidement que nous tomberons. Redonnez-nous des perspectives d'amélioration lente et progressive».

Ce que je recommanderais - et ce qu'ils aimeraient - ce serait, en gros, des crédits d'impôt. S'il y a un agriculteur, par exemple, qui veut améliorer une fosse à fumier ou une fosse à ensilage ou faire quelque chose dans le domaine environnemental, ou peut-être installer un nouvel ouvrage de drainage, qui va favoriser la durabilité de son exploitation, alors accordez-lui un crédit d'impôt. Encouragez-le à faire ce qu'il envisage.

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Prenez le propriétaire de terre à bois, par exemple. Encouragez-le à pratiquer une sylviculture plus durable afin qu'il coupe, qu'il élague et qu'il plante de nouveaux arbres pour veiller au maintien de son exploitation. Accordez-lui un crédit d'impôt afin qu'il maintienne une terre à bois durable, pour qu'il y ait croissance future et pour qu'on puisse confirmer qu'il se conforme à l'ISO 9000 et aux pratiques reconnues par l'Organisation internationale de normalisation comme étant environnementales. Voilà donc ce que nous demandons: un crédit d'impôt, plutôt qu'une subvention, pour favoriser ce genre de choses.

Je vais vous donner un exemple correspondant à la pêche des coquillages. Depuis que je suis ici - cela fait trois ans - je me suis obstinée avec deux ministres des Pêches pour obtenir une augmentation de la taille de la carapace des petits homards. La carapace est la partie dorsale du homard. Certains d'entre nous, qui prônons l'exploitation durable, veulent que la taille minimale de la carapace soit portée à 2,75 pouces. Les pêcheurs de ma circonscription se battent pour cela depuis une décennie. Les pêcheurs de l'Île-du- Prince-Édouard, par exemple, aiment les petits homards. Mais si vous attrapez tous les petits, ceux-là n'ont pas la chance de grandir et de se reproduire, alors cela amène l'épuisement des stocks, comme nous l'avons vécu dans le cas de la morue.

Comme je le disais, j'ai discuté avec deux ministres des Pêches au cours des trois dernières années en vue de faire adopter comme taille minimale de la carapace 2,75 pouces. Je n'ai pas encore eu gain de cause, bien évidemment, mais je ne vais pas m'arrêter pour autant de me battre. Par exemple, les pêcheurs dans ma circonscription ont tracé des lignes sur l'eau et ont des armes à feu sur leur bateau. Si vous allez dans leur territoire et que vous y prenez les petits poissons, vous allez avoir des problèmes.

Les habitants des régions rurales sont pour la plupart suffisamment près de la nature pour être en faveur de la durabilité. Ils nous encouragent, nous les politiques, de pratiquer cela ici.

Je vous ai expliqué cela en guise d'exemple d'une situation où je n'ai pas encore pu remporter la bataille, mais où je ne cesse de déployer des efforts.

Je vais bientôt conclure. Il y a sans doute beaucoup de choses encore que je pourrais vous dire.

En ce qui concerne la technologie en région rurale, ma circonscription compte de nombreuses localités où les lignes téléphoniques sont toujours partagées. Si vous avez une ligne à plusieurs abonnés, vous ne pouvez pas vous brancher sur l'Internet. Dans le cadre de stratégies ou de programmes, nous demandons aux sociétés privées avec lesquelles nous oeuvrons d'intervenir en vue de favoriser la communication par lignes individuelles. De cette façon, tout le monde aurait la possibilité d'avoir un accès, par l'intermédiaire de leur école communautaire ou d'initiatives lancées par des sociétés privées. Il s'agit d'offrir aux gens la possibilité de gagner leur vie et d'avoir une bonne qualité de vie en région rurale.

Je pourrais également faire état des emplois saisonniers qui caractérisent nombre des secteurs d'activité en milieu rural, notamment le tourisme. Nous avons développé ce que l'on appelle l'écotourisme. Dans ma région, nous avons de très belles côtes et de très beaux parcs. C'est ce que les gens viennent voir. Ils veulent cette appréciation passive de la nature plutôt que toutes sortes de gadgets.

Merci, monsieur le président. Si vous avez des questions ou des observations à me soumettre, je me ferai un plaisir d'y réagir.

Le président: Merci, Dianne. Avant de passer aux questions et observations - et nous n'avions pas vraiment prévu cela, mais nous en aurons peut-être le temps - je vous demanderai d'attendre quelques instants. Nous laisserons John faire son exposé, après quoi, s'il y a un trou, nous pourrons avoir des questions et réponses.

Mme Brushett: Très bien.

Le président: John.

M. John Bryden, député (Hamilton - Wentworth): J'aurais aimé que ce soit une séance de travaux pratiques, car j'aimerais aller de l'Ontario à la côte est dans le cadre de mes remarques liminaires.

Pendant l'été, j'ai eu l'occasion de me rendre à Terre-Neuve, dans la circonscription de Roger Simmons. Comme le font souvent les touristes, ma femme et moi-même nous sommes arrêtés dans des magasins qui vendaient des articles d'artisanat local. Dans un de ces commerces, il se vendait des décorations de Noël. Je vais vous les décrire.

Il y avait une décoration d'arbre de Noël genre boule: il s'agissait de la carapace d'un oursin qui avait perdu ses épines. On l'avait tout simplement peinte en blanc. Il y avait autour une petite frange dorée. C'était une ravissante décoration de Noël.

L'artisan avait également pris une coquille de buccin et l'avait coupée en deux. On apercevait une magnifique spirale. C'était encore une autre décoration de Noël.

La troisième décoration était une carapace de crabe, encore une fois peinte en blanc, avec des dorures à l'intérieur et quelques décorations autour. Encore une fois, c'était ravissant.

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Enfin, et c'était la plus belle de toutes, il y avait une simple coquille de coque, peinte de couleur dorée, montée d'une tête d'ange avec une petite chevelure. C'était le quatrième type de décoration de Noël.

Je les ai regardées, et je les ai achetées, non pas pour ma femme, mais pour moi-même, parce qu'elles m'avaient tant attiré. Une femme d'un des petits hameaux isolés de la côte les avait créées en puisant dans sa propre imagination. J'avais pendant de nombreuses années travaillé à Toronto, et je me suis dit que si seulement elle avait un marché à Toronto, elle ferait fortune. Parcourez n'importe quelle plage dans cette région de Terre-Neuve et vous verrez, sur des kilomètres et des kilomètres, des coquilles d'oursin et des carapaces de crabe.

Ce qui m'a frappé c'est que j'avais devant les yeux une incroyable ressource que nous, en tant que Canadiens - et Terre-Neuviens dans ce cas particulier - ne parvenons pas à exploiter faute d'une infrastructure pour nous aider et nous appuyer. Il y a des gens vivant dans leur localité rurale - dans ce cas-ci à Terre-Neuve - qui sont très proches de la terre et des ressources naturelles. Ils peuvent traduire cela en un précieux produit qui serait commercialisable et très profitable pour les ruraux s'il était vendu en région urbaine.

Dans ce contexte, j'ai passé le gros de ma vie active en milieu urbain, mais ce que les gens ignorent souvent est que cela fait 28 ans que je vis dans un petit village de l'Ontario, alors je connais très bien la vie villageoise. L'une des choses qui m'a toujours frappé est que dans la communauté agricole, comme dans toute communauté rurale, les épouses ont traditionnellement appuyé leurs maris sur la ferme ou dans l'entreprise rurale. Les épouses finissent, par la force des choses, à acquérir le même sens des affaires, car une entreprise agricole est toujours une entreprise familiale, et cela exige énormément de compétences. D'ailleurs, les agriculteurs de partout au pays ont sans doute été les premiers à avoir des ordinateurs personnels, du fait que si vous voulez être concurrentiel comme agriculteur, il vous faut être concurrentiel sur le marché mondial.

Si j'ai voulu comparaître devant le comité c'était pour l'exhorter à se pencher très sérieusement sur les moyens à mettre en oeuvre pour que les femmes du Canada rural, et tout particulièrement les agricultrices, deviennent une ressource économique. J'estime qu'elles sont une ressource non encore exploitée qui renferme un potentiel énorme. Étrangement, dans les pays du tiers monde, les femmes sont des participantes très importantes dans l'économie familiale et l'économie nationale. Je n'ai pas le sentiment que l'on ait vraiment compris cela ici au Canada.

Allez dans n'importe quelle vente d'artisanat ou arrêtez-vous le long de n'importe quelle grand route et vous verrez quantité de petites entreprises qui sont gérées par des femmes rurales. Elles sont en règle générale gérées avec beaucoup d'imagination e de compétence, car ces femmes possèdent habituellement les talents requis.

Vous êtes sans doute nombreux à savoir que je suis un grand critique des états financiers des organisations à but non lucratif et charitables. Dans le cadre de mon rapport sur les organisations de charité et à but non lucratif, j'ai reçu il y a environ six semaines dans le courrier une lettre d'une organisation appelée Women and Rural Economic Development. Celle-ci avait envoyé des lettres à des députés dans le but de susciter un certain intérêt et avait fourni son rapport annuel. Je l'ai examiné et je peux dire que le groupe est un modèle d'organisation à but non lucratif bien gérée.

J'ai demandé aux représentantes de l'organisation de venir me rencontrer dans mon bureau et elles m'ont expliqué ce qu'elles font. Leur organisation n'a que deux ans environ. Je les aurais invitées à venir comparaître ici, mais vu que vous approchez de la fin de vos audiences, je vais parler en leur nom.

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Je vous ai remis une copie de leur rapport annuel, que vous pourrez examiner, mais j'aimerais vous entretenir, afin que cela figure au procès-verbal, de certaines de leurs réalisations, de certaines des choses qu'elles font et qui sont une illustration de l'utilisation des ressources que possèdent les femmes rurales du Canada.

Elles ont offert de la formation au travail indépendant à 306 femmes des campagnes ontariennes, ce qui a débouché sur la création de 240 nouvelles entreprises, avec des revenus de 3,75 millions de dollars. Elles viennent tout juste de lancer cela. Cette initiative n'a que deux ans.

Elles ont créé un fonds de prêts aux entreprises rurales, en vue d'aider les petits entrepreneurs à obtenir des prêts et à établir un dossier de crédit. Vingt prêts ont ainsi été consentis.

Ce qui est important ici c'est que parce que ces entrepreneuses se lancent sur une petite échelle, il leur est très difficile d'attirer l'intérêt des banques. Cette organisation fait donc appel à différents fonds d'entreprise. Elle a trouvé des ressources financières propres pour ce programme de prêts. Elle a obtenu un petit peu d'argent auprès de sources telle la Banque impériale de commerce du Canada, la Credit Union Central of Ontario et la Huron Business Development Corporation, pour ne vous citer que quelques bailleurs de fonds pouvant être prêtés à ces femmes entrepreneurs. Cette organisation a donc obtenu de très bons résultats sur ce plan.

Elle a créé une bibliothèque de manuels d'instruction axés sur l'entrepreneurship. Elle a un site web auquel les entrepreneuses du Canada rural peuvent accéder et où celles-ci peuvent trouver des outils utiles. Elle oeuvre aux côtés d'un certain nombre d'autres centres d'entrepreneurship pour les femmes ailleurs dans la province. Elle a organisé différents programmes d'apprentissage, etc.

Je ne vais pas demander des fonds pour elle, mais elle dit dans son rapport annuel qu'elle jouit du soutien du gouvernement de l'Ontario et du gouvernement fédéral. Mais tout ce qu'elle a en fait reçu du gouvernement fédéral ce sont de petites subventions, pour un total de 6 000$, en vertu de Condition féminine Canada.

Je vous soumets à vous, comme je le leur ai soumis à elles, et elles étaient d'accord, que ce qu'elles font n'a pas grand-chose à voir avec le programme de Condition féminine Canada. Ce qu'elles font vise les entrepreneurs du Canada rural qui ont besoin, sinon de notre aide financière, au moins de notre appui moral. Il leur a bien sûr été très difficile de se faire entendre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, ce fut un honneur pour moi de pouvoir plaider en leur faveur.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bryden.

Nous allons maintenant entendre M. Crête.

[Français]

M. Paul Crête (député de Kamouraska - Rivière-du-Loup): Je m'excuse de mon retard.

Je voudrais vous faire part d'un colloque qui a eu lieu dans ma circonscription, à Saint-Germain-de-Kamouraska. Ce colloque, appelé «Le rendez-vous du monde rural», a réuni 250 personnes, des universitaires et des agents de développement local venant d'Europe, du Québec et du Canada. D'ailleurs, j'avais fait parvenir une invitation à tous les députés.

Les conclusions de ce colloque ont fait ressortir comment on pouvait régénérer les petites municipalités.

Ma circonscription compte 55 municipalités de 500, 600 ou 800 personnes. L'un des gros problèmes qu'on rencontre est que les structures verticales des gouvernements fédéral et provinciaux constituent souvent des empêchements au développement des milieux locaux.

Le gouvernement fédéral est celui qui est le plus éloigné des gens. Il faut qu'il fasse très attention avant d'intervenir dans le domaine local, parce qu'il a souvent tendance, à cause de sa bureaucratie, à établir des normes strictes, ce qui est très dangereux pour les milieux locaux.

Prenons l'exemple des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi. Je ne veux pas faire de débat partisan, mais ces modifications viennent transformer complètement les avantages stratégiques et économiques de différentes régions au Canada. Que ces transformations soient positives ou négatives, on en verra les effets au cours des prochaines semaines, des prochains mois et des prochaines années, et les milieux auront à vivre avec ces réalités-là.

Il m'apparaîtrait important qu'on tire des leçons de ce colloque. C'est vraiment quelque chose d'important, de significatif et il me fera plaisir de vous faire parvenir de l'information supplémentaire si le désirez.

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Un deuxième élément, qui m'apparaît très important, est celui des SADC, les sociétés d'aide au développement des collectivités. Je ne connais pas l'équivalent dans les autres provinces du Canada, mais il s'agit d'une structure fédérale qui relève du Bureau fédéral de développement régional et qui est issue du Programme de développement des communautés qui, antérieurement, relevait de Développement des ressources humaines Canada.

Depuis que cela a été transféré au Bureau fédéral de développement régional, ce dernier a tendance à en faire le prolongement de son action économique. J'ai la perception qu'on est en train de perdre une contribution importante au développement communautaire, à l'animation communautaire, à l'action communautaire.

Il faut trouver une façon de faire en sorte que cette action puisse se poursuivre dans le cadre d'un mandat très clair et très précis qui serait donné aux SADC ou tout simplement par une décentralisation vers les instances locales de développement existantes. Dans chacune des provinces, il peut y avoir des pratiques différentes à cet égard.

Le Québec est en train, entre autres, d'instituer des comité locaux d'emploi, des structures de développement local au niveau des municipalités régionales de comté, et je pense qu'il faut s'arranger pour ne pas perpétuer le dédoublement des structures. Si on doit continuer d'avoir des structures parallèles, il faut à tout le moins s'assurer que ces sociétés conservent leur mandat de développement et d'animation communautaires.

C'est souvent le premier mandat qui est oublié par les élus locaux étant donné la quantité des problèmes auxquels ils ont à faire face. Ils n'ont pas toujours l'expérience pour mener à bien ces programmes de développement.

On demande beaucoup aux élus locaux d'aujourd'hui. Antérieurement, ils étaient perçus un peu comme les concierges des petites municipalités. On en fait maintenant des développeurs. Il faut leur donner des moyens, mais il faut aussi faire en sorte qu'ils comprennent l'approche d'animation du milieu.

Un autre élément m'apparaît important. Le gouvernement fédéral a une mission à accomplir, celle de définir clairement que le Canada vise à développer les régions selon leurs capacités et non pas par des mouvements de gens en fonction des endroits où on trouve les emplois. C'est un choix fondamental. Ce n'est pas ce que la réforme de l'assurance-emploi préconise actuellement.

À Terre-Neuve, dans le cadre de notre tournée sur la réforme de l'assurance-emploi, j'ai vu des documents affichés dans un centre d'emploi qui expliquaient aux gens combien il serait intéressant qu'ils déménagent dans l'Ouest.

Il se pourrait qu'il y ait des cas exceptionnels, mais, de façon pratique, on devrait avoir un principe de départ: chacune des régions du Québec ou du Canada a du potentiel et il s'agirait de mettre en valeur ce potentiel plutôt que de dire aux gens d'aller là où l'activité économique va les mener. Si on construit le Canada comme si c'était une entreprise d'affaires, un business, on va tous en subir les conséquences en bout de ligne.

Il faudrait aussi accentuer l'implantation de l'autoroute électronique par le programme d'action communautaire. Là-dessus on a mené des expériences pilotes.

Il faut que ces choses se développent le plus tôt possible, parce qu'elles sont un atout important. Maintenant qu'on peut accomplir le travail par télétraitement, il devient plus intéressant pour un jeune ingénieur ou une journaliste pigiste d'aller s'installer en région et de faire son job là.

Il faut donc que les outils soient là, et c'est lié directement à l'aide qu'on donne, par exemple en améliorant les lignes téléphoniques. Souvent, le gouvernement peut réaliser des choses concrètes en favorisant l'implantation de ces lignes pour que les gens trouvent de l'emploi dans les milieux où ils demeurent plutôt qu'en déménageant là où tout est mené selon les règles du marché.

J'aimerais également faire une mise en garde importante. Le rapport Radwanski fait de très mauvais choix pour le développement rural au Canada, mis à part le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste. La décision de limiter aux lettres l'action de la Société canadienne va entraîner à moyen terme la disparition des bureaux de poste locaux ou bien une augmentation tellement forte du prix du timbre que les citoyens vont considérer que la privatisation est la meilleure solution. Voilà une action qui, selon moi, va à l'encontre du développement rural.

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Je suis un souverainiste du Québec. Cela m'énerve beaucoup de voir le drapeau du Canada dans chacun des villages, mais c'est une porte d'entrée pour le gouvernement. C'est la seule porte d'entrée qui reste au gouvernement fédéral et, l'année dernière, il a décidé d'éliminer les bureaux de poste qui émettaient des passeports dans les villages. On n'émet plus de passeports dans les bureaux de poste.

D'autres ministères sont en train de quitter. Si vous ne leur laissez que les lettres, on va peut-être tous gagner notre élection la prochaine fois, mais on aura perdu quelque chose en ce qui a trait aux services directs à la population. On devrait porter une attention particulière à cet élément-là.

Il serait important que vous vous renseigniez sur les structures de développement régional dans chacune des provinces. Je n'ai pu voir en détail l'analyse que vous avez faite, mais il faudrait voir si certaines provinces ont fait des progrès par rapport aux autres.

Dans certaines provinces, une action directe pourrait se faire, parce qu'il n'y a rien qui est en train de s'implanter. Dans d'autres, on est allé très loin, par exemple avec certaines mesures de plein emploi. Le programme de travail indépendant, un très bon programme de Développement des ressources humaines Canada, permet l'implantation d'une micro-entreprise. Mais, dans certaines provinces, on le fusionne avec d'autres programmes de financement. Au Québec, on a ce qu'on appelle le Plan Paillé, qui permet de prêter 50 000$ pour trois ans pour lancer une entreprise.

Finalement, je suis toujours en admiration devant les développeurs locaux, parce qu'ils réussissent toujours à s'adapter à la jungle de juridictions à laquelle ils doivent faire face. Qu'il s'agisse d'un promoteur local ou d'un gouvernement local, il faut toujours qu'ils trouvent des trucs. Si ce n'était de la complicité qui existe entre les acteurs locaux du développement, autant ceux des SADC que des corporations de développement, le système ne fonctionnerait pas du tout actuellement. Donc, il faudrait trouver une façon de financer ce système et de faire en sorte qu'il fonctionne.

C'est ce que j'avais à vous dire en gros. Je vous remercie de m'avoir écouté.

L'espace économique canadien est très lié au développement rural des communautés. Si on choisit de fonctionner uniquement selon les règles du marché, à moyen terme, on va se retrouver devant les problèmes auxquels ont a dû faire face lors de l'étalement urbain autour des grandes villes.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Crête.

Nous disposons de quelques minutes. Y a-t-il des membres du comité qui aimeraient poser des questions?

Je pense que Julian a demandé en premier, et il sera suivi de Marlene.

Allez-y, Julian.

M. Reed (Halton - Peel): Merci beaucoup.

Ce qui m'intéresse dans tout ce qui a été dit c'est qu'il s'agit d'un regard neuf sur des thèmes qui ont des dénominateurs communs partout au Canada. Dans toutes les études, nous avons repéré cette trame commune, mais ce qui m'intrigue ici est que tout le monde participe d'un même objectif - ce sont les liens qui unissent les gens, si vous voulez - et il y a plus de liens qui nous unissent que de liens qui nous séparent. Je trouve rassurant cet élément commun entre vous tous.

J'aimerais vous poser une question. Cette notion a déjà été soulevée auprès de nous, et je me demande ce que vous en pensez. L'idée est de créer un ministère consacré au développement rural, qu'il s'agisse d'ailleurs d'un secrétariat ou d'un ministère en bonne et due forme. Cette idée a été répétée hier encore devant le Comité de l'agriculture par Jack Wilkinson, et c'est une idée qui a déjà été abordée par le comité.

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J'aimerais savoir ce qu'en pense chacun de vous. On peut commencer avec qui vous voulez.

Mme Brushett: Merci, Julian.

Il serait peut-être bon que vous sachiez que je suis allée voir le premier ministre, il y a de cela quelques mois, pour lui demander un portefeuille ministériel pour le développement économique rural. Il a dit non, pour cette fois, mais il nous faut persister. Je pense que c'est la seule façon de faire, même s'il nous faut éviter des chevauchements, car c'est là un problème à l'heure actuelle.

J'en reviens à ce que je disais sur nos forêts. Qui surveille l'inventaire de ce qu'a le Canada et qui fixe le pourcentage d'arbres que l'on peut couper? À ma connaissance, personne, et cette ressource décline plus vite qu'on ne peut la remplacer. Quelqu'un doit prendre les choses en mains et c'est peut-être à ce niveau-là que pourrait intervenir un ministère du Développement économique rural. Et il faudrait que les initiatives de ce ministère l'emportent sur celles de tous les autres ministères. Qu'on lui accorde la priorité, car le Canada rural est une composante vitale du Canada et doit se voir accorder l'ordre de priorité qu'il mérite.

Tous les pays sont en train de se demander quoi faire pour que les résidents des régions rurales y restent, car il ne s'y trouve plus d'emplois. Nous avons presque tous dit cela. Dans toutes les régions du pays, là où il n'y a pas de travail, les gens partent pour la ville. Tous les pays luttent avec ce problème.

Il nous incombe de montrer la voie, de dépeindre le Canada rural, étant donné notre géographie, comme la composante vitale qu'il est, surtout avec les vastes territoires que nous avons dans le Nord et qui seront à l'avenir un atout incroyable, si nous les maintenons comme il se doit.

M. Bryden: L'ordinateur et le marché mondial sont en train de libérer le Canada rural. Il existe comme jamais auparavant, grâce à l'ordinateur et aux autres technologies de communication, des possibilités de puiser dans les capacités et les ressources du Canada rural. Je suis donc très favorable à ce concept.

Le Canada rural, que ce soit au Québec, en Saskatchewan ou ailleurs, a une perspective tout à fait unique en ce qui concerne le marché, l'environnement et un genre de vie qui diffère de celui des résidents des régions urbaines. La triste réalité est que le Canada urbain domine depuis des années la philosophie économique et politique du pays. Or, le reste du pays pourrait faire une contribution énorme si l'on puisait dans ses ressources.

Puisqu'on parle de cela, permettez-moi de dire encore autre chose, pendant que j'en ai l'occasion. Lors des inondations dans la région du Saguenay, les habitants de mon petit village de campagne de Lynden ont de leur propre initiative ramassé des camions pleins d'articles à envoyer aux Québécois qui avaient tant perdu dans ces inondations. Ce qui se passait, c'est que les gens de ma localité réagissaient aux besoins des gens d'une autre localité rurale. Cela a dépassé les frontières de la souveraineté et de la langue, car les gens de Lynden ont mieux compris que ne pouvaient le faire des citadins ce qui arrivait aux gens au Québec.

Il s'agit là d'une ressource qui est sous-utilisée dans notre pays, et il nous faut insister auprès du gouvernement pour qu'il crée au moins un secrétariat pour le Canada rural, secrétariat qui serait responsable non seulement des dossiers économiques et environnementaux mais également des dossiers politiques.

[Français]

M. Crête: Je trouve cela très intéressant. Cependant, quant à moi, je privilégierais une déclaration de principe, presque une charte du monde rural, qui stipulerait que l'action gouvernementale fédérale sera centrée sur le développement local et qu'il y aura une action concertée de tous les ministères.

M. Manley, M. Martin, M. Pettigrew et tous les ministères devraient intégrer dans leurs actes une approche qui tiendrait compte du développement, toute action devrait être faite en fonction du développement local, et ces gens et ministères seraient évalués sur la façon dont ils auraient développé les milieux locaux.

Si on avait eu un principe comme celui-là à la base de la réforme, celle-ci aurait eu des impacts différents. Je pense, par exemple, à la réforme portuaire et aéroportuaire. Même s'il y a des aspects de cette décentralisation qui sont intéressants, on aurait pu aller plus loin.

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Donc, je privilégierais une voie qui obligerait chaque ministère à poursuivre le développement rural. Cela pourrait se faire en obligeant chaque ministère à comparaître tous les quatre ans devant le comité parlementaire pour expliquer, par exemple, de quelle façon il va contribuer à ces objectifs, de quelle façon il va les réaliser.

Le Parti québécois, avant de prendre le pouvoir, a fait la même démarche sur la pertinence d'avoir un ministère du Développement local ou rural. C'est le premier réflexe qu'on a. Si on fait cela, on crée une espèce de groupe séparé qui fonctionne en opposition aux ministères plus sectoriels. Chaque ministère devrait être obligé d'ajuster son action en conséquence. Mais il n'est pas facile de faire bouger l'appareil bureaucratique fédéral en fonction de cela. Cela fait 25 ans qu'on le leur dit et c'était eux qui avaient le pouvoir au Canada.

[Traduction]

Le président: Merci. Marlene.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.

L'un des objectifs de notre comité - et c'est sans doute son principal objectif - est de créer un climat qui soit favorable à la croissance et à la prospérité du Canada rural. Font partie de ce climat de petites et moyennes entreprises.

Lorsque nous sommes allés à Goose Bay, dans le Labrador, nous avons eu l'occasion de nous arrêter dans une petite boutique d'artisanat. J'ai également eu l'occasion d'acheter une paire de pantoufles. Elles avaient été faites à la main. Dans cette localité, tout ce qui se vendait était fait main. J'ai acheté une paire de pantoufles. La boutique n'avait pas l'autre paire que je voulais, mais je l'ai payée, et le paquet est arrivé une semaine plus tard.

La personne qui a fabriqué ces pantoufles est une femme de 70 ans, qui vit dans cette localité et qui y fabrique des pantoufles depuis toujours. Ce qui m'a frappé dans le Canada rural, c'est la qualité de vie et l'élément confiance. J'ai laissé mon argent et les pantoufles m'ont été envoyées.

Ma question est la suivante: pour favoriser l'entrepreneurship, pour développer les compétences des gens en région rurale, que recommanderiez-vous au comité? Un grand nombre de ces entrepreneurs sont en fait... Prenez cette femme, qui fait ce qu'elle fait depuis toujours. Que devrions-nous faire?

[Français]

M. Crête: J'aurais deux suggestions. La première, et c'est indiqué dans les documents du ministère de l'Industrie, est d'accorder la priorité à la très petite entreprise pour développer des marchés d'exportation. L'exemple que vous donnez est bon. Si on a un produit local distinct qui pourrait être d'intérêt international et si les ambassades canadiennes savent que ce produit existe et le font connaître, il y aura plus de création d'emplois.

Le Comité permanent des opérations gouvernementales étudie actuellement la politique d'achat gouvernementale. Aujourd'hui, il existe des réseaux informels qui sont plus forts que toute la politique d'achat. Il est très difficile d'entrer dans ces réseaux-là. Si on trouvait une façon de faire en sorte qu'une entreprise située très loin des grands centres puisse concurrencer, ce serait déjà un pas. On devrait au moins lui donner la chance de concurrencer.

Pour ce qui est de l'exportation, la meilleure arme est le sirop d'érable. Chez nous, on pourrait vendre des produits du sirop d'érable en disant qu'il y a des appellations contrôlées pour tel comté, par exemple, comme pour le vin. On pourrait vendre notre produit avec valeur ajoutée au Japon, partout, mais il faudrait qu'il existe un réseau qui permettrait d'amener le produit local sur les marchés internationaux qui existent. Le gouvernement a un rôle à jouer là-dedans.

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[Traduction]

M. Bryden: Pour ajouter quelque chose à cela, ce que j'ai dit dans mon exposé, bien sûr, se rapprochait de beaucoup de ce que vous avez dit. Le problème se situe du côté de la commercialisation. On trouve des articles merveilleux partout au pays. Si vous permettez, je dirais que même les députés tiennent parfois pour acquis ce que font les petits entrepreneurs de leur propre circonscription. Nous ne nous rendons pas compte du fait que ce qui est produit dans la circonscription de Roger Simmons sera peut-être très apprécié à Toronto, ou que quelque chose qui vient de la Colombie-Britannique... et ainsi de suite.

Je pense donc, premièrement, qu'il y a ici à franchir non pas un problème de communication mais bien une barrière à la communication. Je pense que les moyens de la franchir existent. C'est pourquoi j'ai tant souligné l'importance de l'ordinateur personnel. Tous les ruraux du Canada, d'un bout à l'autre du pays, connaissent l'OP. En règle générale, les ruraux l'ont adopté et ont reconnu son potentiel bien avant les citadins du Canada.

Je suis donc très favorable à l'idée que le gouvernement n'intervienne pas directement auprès de ces gens sur le marché de la petite entreprise, mais je suis convaincu que les organisations à but non lucratif, comme Women and Rural Economic Development, qui naissent dans la communauté, comprennent la communauté et sont celles qui sont en mesure d'aider celle-ci à rejoindre le marché. Lorsque nous rejoignons un marché, nous faisons plus que tout simplement apporter quelques avantages économiques au Canada. La beauté dans tout cela est que nous apprenons par la même occasion à mieux nous connaître. Cette vaste et belle terre qu'est la nôtre n'est pas du tout urbaine. Le gros du pays est rural.

En ce qui concerne les liens de communication, comme l'a laissé entendre Julian, ceux-ci vont nous rapprocher, et les clés se trouvent sans doute davantage dans le Canada rural que dans le Canada urbain. Dans le Canada urbain, si vous comparez Toronto à Vancouver, par exemple, sans même prendre le cas du Québec, vous constaterez des différences incroyables, des conflits ou peut-être de la friction, mais si vous prenez les ruraux de la Colombie-Britannique et que vous les comparez aux ruraux de l'Ontario, des Maritimes ou du Québec, vous trouverez dans bien des cas que les gens pensent de la même façon.

Je pense donc qu'il s'agit là d'une ressource que devrait chercher à exploiter le pays. Il me semble que c'est une merveilleuse ressource naturelle, si vous permettez que j'emploie cette expression.

Mme Brushett: Je pense que nous faisons un peu de cela dans l'Est, mais on parlerait alors d'industrie artisanale. Les produits émanent de la famille et arrivent sur le marché. Mais les banques n'ont jamais reconnu les industries artisanales. Les banques ont une mentalité immuable selon laquelle si vous n'avez pas besoin de 10 millions de dollars elles ne veulent même pas vous rencontrer. Ainsi, elles ne s'intéresseront pas à la femme entrepreneur qui fabrique des pantoufles avec des peaux de lapin ou autre. Or, il existe des milliers et des milliers d'entrepreneurs de ce genre. Ce sont les femmes entrepreneurs d'aujourd'hui.

J'ai tout récemment parlé à la Chambre de la création d'emplois, disant que le rapport était de quatre contre un relativement au secteur industriel. Tout cela découle des industries artisanales. Celles-ci constatent qu'elles peuvent réussir. Le plafond de verre commence à se fissurer.

Ce que nous pouvons faire c'est créer un fonds pour l'industrie artisanale afin que cette personne, qui a peut-être besoin de 1 000$ pour acheter des fournitures à Toronto, à Halifax ou ailleurs, et qui n'a pas encore tout à fait ce qu'il faut, par suite de vente de ses produits à vous ou à moi ou à quelqu'un d'autre, puisse avoir un financement intérimaire. C'est ici qu'interviendrait un fonds pour l'industrie artisanale. Ce serait presque une approche directe, mais l'intéressée pourrait conserver cet inventaire...

L'autre avantage est que cette personne a peut-être un enfant ou un petit-enfant à qui apprendre sa culture et ses aptitudes. Dans ma circonscription, on a créé un centre dans un endroit appelé Stewiacke. On a réuni les maîtres de certaines techniques autochtones et on a créé une vitrine pour leurs produits pour la saison touristique estivale. Il y a par exemple la vannerie, avec un type de nattage bien particulier. Les gens font du nattage, montrent des exemples de leur travail et enseignent la technique à d'autres. D'autres font peut-être du très beau travail avec des perles.

C'est donc une possibilité pour la génération plus âgée de transmettre cette culture, ce patrimoine, à la génération plus jeune, et ce dans le contexte d'une industrie artisanale.

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M. Bryden: Permettez que j'ajoute quelque chose, monsieur le président. Je vais vous laisser cette documentation. Ce groupe a créé ce fonds de prêts pour les entreprises rurales, qui a pour objet de consentir des «micro-prêts» de jusqu'à 3 000$ aux femmes de localités rurales. Ailleurs dans la documentation, on explique que ce genre de prêt ne peut bien sûr pas être obtenu auprès des banques. Elles ne sont tout simplement pas intéressées à ce genre de choses. Il s'agit peut-être là d'un domaine dans lequel le gouvernement fédéral pourrait être proactif.

Pour en revenir à mon point original, le gouvernement fédéral ne participe pas du tout à ce programme, sauf en vertu de Condition féminine Canada, et le montant est très petit. Or, je ne pense pas que ce soit un programme qui corresponde à Condition féminine Canada. Il s'agit ici de petites entreprises, de petits entrepreneurs, du Canada rural et de ressources naturelles.

Le président: J'aurais une question à vous poser, Paul. Si je vous ai bien compris, vous avez parlé des organisations d'aide au développement des collectivités, dont on a entendu parler un peu partout au pays, et qui sont actives au Québec également. Si je vous ai bien compris, depuis qu'elles relèvent d'Industrie Canada par le biais d'organismes de développement régional, elles ne s'intéressent qu'au développement d'entreprises et ont complètement laissé de côté l'aspect développement communautaire.

Ai-je bien compris?

[Français]

M. Crête: Oui. Lorsque cela relevait de Développement des ressources humaines Canada, le volet développement communautaire était très présent dans la mission. Depuis que cela relève du Bureau fédéral de développement régional, on ne peut pas dire qu'il y a de la mauvaise volonté, mais les gens qui étaient déjà au Bureau fédéral de développement régional étaient des experts en analyse économique, en analyse de rentabilité économique des projets. Ce n'est pas seulement par l'éclosion économique qu'un milieu réussit. Il faut réunir un certain nombre de conditions. Ma crainte est que, s'il doit y avoir encore des coupures budgétaires, ce sera le volet du développement communautaire qui sera le premier touché.

C'est une question de philosophie et d'approche. Il serait intéressant de s'assurer qu'au niveau de ces organisations-là, comme de tous les ministères, il y ait une approche différente en termes de développement des milieux locaux.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Nous devions entendre un autre témoin, mais je devine qu'elle n'a pas pu venir. Je remercie tout le monde d'avoir participé. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Je souhaite à tous de très heureuses fêtes. Bon retour chez vous et amusez-vous bien.

La séance est levée.

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