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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 24 avril 1996

.1539

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, nous avons le quorum. Certains de nos témoins doivent prendre un avion en fin d'après-midi; c'est pourquoi ceux qui ne sont pas encore arrivés devront simplement se contenter de lire le compte rendu de cette réunion. J'avais espéré que tout le monde serait ici, parce que ce qui se produit ces jours-ci sur la côte ouest est très important. Cela préoccupe un grand nombre d'intervenants du secteur.

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J'aimerais souhaiter la bienvenue aujourd'hui à M. Pat Chamut, sous-ministre adjoint responsable de la gestion des pêches, et à M. Louis Tousignant, directeur général régional de la région du Pacifique. M. Tousignant désire prendre la parole en premier parce qu'il a un vol à prendre un peu plus tard. Il nous parlera du plan de relance annoncé pour les pêches de la région du Pacifique.

Ainsi, vous pouvez commencer. Les députés arriveront peu à peu.

M. Louis Tousignant (directeur général régional, région du Pacifique, ministère des Pêches et des Océans): Merci, monsieur le président. J'essaierai de vous expliquer de mon mieux le plan qu'a annoncé le ministre il y a quelques semaines.

Le plan de relance de la pêche commerciale du saumon comprend deux grands volets. Le premier est la conservation et le deuxième est la viabilité économique. J'aimerais vous parler tout d'abord de la conservation, qui est en fait la pierre angulaire du plan de relance.

Il faut changer complètement la gestion de la flottille de pêche en raison d'un grand nombre de problèmes très importants et de longue date qui sont attribuables à la structure actuelle de la flottille de pêche commerciale du saumon sur la côte ouest. La capacité de prise de la flottille a augmenté de façon marquée au fur et à mesure que les engins et les bateaux de pêche sont devenus plus performants. Cette capacité accrue de la flottille rend la tâche difficile aux gestionnaires des pêches, qui doivent respecter des cibles d'échappée et contrôler les prises accidentelles des stocks plus faibles. Les risques associés aux décisions de gestion augmentent de façon parallèle à la capacité de la flottille. Les gestionnaires ont réduit les périodes de pêche de façon marquée au cours des dix dernières années, et c'est pourquoi il n'existe pratiquement plus de souplesse au niveau de la gestion des pêches.

Un autre élément très important est l'impact que les politiques de gestion de la flottille ont sur l'application réelle des règlements. Des périodes d'ouverture des pêches plus brèves et plus encombrées encouragent les intervenants à pêcher de façon intensive et favorisent moins la collaboration de l'industrie. De plus en plus on constate que des plans de gestion complexes réduisent la souplesse de la planification de l'application de règlements.

C'est pourquoi nous élaborons de nouvelles orientations pour la gestion des pêches. Ces orientations représentent le fondement même du plan. Nous continuerons à employer une approche de prudence à l'égard des pêches, et c'est pourquoi nous devons réduire les taux de capture pour les ramener à des niveaux qui nous permettront d'atteindre ou de dépasser les cibles d'échappée des géniteurs. Cette approche sera utilisée tout particulièrement pour les secteurs où il existe une incertitude à l'égard de l'abondance des stocks. Cela s'avère tout particulièrement important, compte tenu de ce qui s'est passé l'année dernière, où l'on a enregistré un taux de mortalité imprévu de stocks de géniteurs dans l'océan, ce qui a entraîné une réduction dramatique du taux de participation à la remonte de saumon rouge. De plus, cette approche s'avère fort pertinente, compte tenu des préoccupations exprimées par des scientifiques qui croient qu'il pourrait se produire un changement de régime dans les conditions océaniques à proximité de la Colombie-Britannique. Tout cela justifie certainement une approche plus prudente afin d'assurer la durabilité de la ressource.

Ainsi, la gestion prudente entraînera, et continuera à entraîner, le recours à des prévisions plus prudentes pour la remonte - par exemple, pour le saumon rouge dans le Fraser cette année, cela représente 1,5 million de poissons - la réduction des activités de pêche, ou leur élimination, lorsqu'il existe une certaine incertitude à l'égard de l'état des stocks ou des estimations des échappées afin de protéger ces stocks; nous prendrons également des mesures pour assurer l'échappée de géniteurs au-delà des cibles établies pour assurer une meilleure protection des stocks, compte tenu de l'incertitude inhérente qui caractérise toute estimation de l'état des stocks.

À cet égard, j'aimerais rappeler au comité que l'année dernière, en raison des soi-disant tampons prévus dans les cibles d'échappée, nous avons pu enregistrer le troisième niveau d'échappée des géniteurs en importance depuis que nous mesurons ce facteur. Nous avons pu y parvenir en dépit de la fermeture de la pêche, en dépit d'une remonte plus faible et en dépit d'une erreur mécanique qui s'est produite à Mission. Nous avons l'intention de poursuivre dans la même veine.

Le volet suivant est le contrôle du taux de capture grâce à la fermeture de zones et de saisons de pêche. Cette fermeture présente le principal moyen auquel nous avons recours pendant la saison pour exercer un meilleur contrôle des taux de capture. Il arrive parfois que des estimations de la taille d'une population ou de l'état d'un stock ne soient pas disponibles et qu'il existe un danger que ce stock soit surexploité; nous essaierons donc d'ouvrir les saisons de pêche pour diverses espèces afin de limiter le taux de capture à des niveaux qui ne nuiront pas aux stocks même si les renseignements dont on dispose sur l'état de ces stocks sont erronés. Il est très important dans ce contexte de contrôler la taille des zones de pêche.

Des zones de pêche de plus petite taille permettent une pêche moins congestionnée, ce qui limite les risques de surexploitation des stocks. Le ministère étudiera tous les types de pêche commerciale afin d'assurer qu'aucune activité de pêche ne mettra en péril des stocks importants ou des groupes de stocks. J'aimerais rappeler aux députés qu'entre autres choses les auteurs du rapport du Comité d'examen public du saumon rouge du Fraser ont signalé que nous aurions pu... en raison du nombre de senneurs qui pêchaient dans le détroit de Johnstone.

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Nous devons également nous attaquer au problème des principales pêches d'interception. En effet, plus le saumon est pêché loin de son cours d'eau d'origine, plus il est difficile d'évaluer la taille de la remonte, et plus les variables biologiques sont inconnues. Les pêches d'interception ne représenteront pas la seule exploitation des stocks de saumon sauvage. La pêche au saumon sauvage sera gérée de sorte à assurer un taux de capture approprié pour chaque zone de pêche, compte tenu de l'incertitude qui existe à l'égard des estimations des remontes, de l'incidence biologique sur les stocks ou de tout autre facteur pertinent.

Ainsi, lorsqu'il existe une forte incertitude, les taux de capture et les pêches d'interception seront établis à un niveau prudent afin de réduire les risques de surexploitation du stock.

Nous nous pencherons également sur l'orientation des pêches de demain - on en parle d'ailleurs dans le plan Mifflin communiqué aux pêcheurs il y a environ deux semaines - car il faudra avoir recours à des pratiques de pêche plus sélectives. Nous étudierons et établirons des stratégies de capture appropriées pour les zones de pêche actuelles. Il faudra absolument exercer un contrôle plus strict des niveaux de prise accessoire. Il faudra déployer des efforts particuliers pour réduire les prises accessoires de chinook, de coho et de truite arc-en-ciel; nous étudierons également de plus près la pêche au filet, la pêche mixte et les zones de pêche pour des stocks particuliers, comme les zones 1 et 20.

Nous maintiendrons les pratiques qui existent dans ce secteur depuis plusieurs années. Nous encouragerons également les intervenants à modifier leurs engins et à utiliser des techniques de pêche différentes pour assurer une meilleure sélectivité des stocks. Par exemple, les perspectives de pêche au filet maillant dans la Skeena au mois d'août et dans le Fraser en septembre et en octobre sont limitées en raison des préoccupations touchant les prises accessoires. Ces pratiques seront maintenues. Tous ces facteurs sous-tendent le plan de relance.

Dans les documents remis aux pêcheurs, nous avons également indiqué chacune des zones qui composent la côte. Ces zones ont été établies simplement pour limiter la concurrence au sein de chaque secteur et pour réduire le nombre d'intervenants.

Nous délivrerons dorénavant des permis de zone. Ceux-ci permettront de limiter la concurrence dans une zone donnée, d'arriver à une gestion communautaire de la ressource, d'avoir des activités de pêche plus faciles à gérer et plus faciles à contrôler; de plus, il y aura donc moins de bateaux dans une pêche donnée, ce qui nous permettra au fil des ans de faire diminuer le taux de capture, d'assurer des périodes de pêche plus longues, de mieux connaître les statistiques, de réduire le risque, et d'assurer une meilleure conservation des stocks. Dans ce contexte, nous réduirons également la flottille grâce au cumul de permis et à un programme de retrait de permis.

Il s'agissait là des principaux éléments du programme de conservation. Nous devons réduire la capacité de la flottille. Nous devons réduire la pression exercée sur la ressource. Nous devons éviter de miner nos efforts de conservation, particulièrement à une période où, notamment depuis le début des années 1990, il existe une incertitude toujours croissante à l'égard des conditions océaniques. Nous devons faire preuve de prudence au titre de la gestion des pêches afin d'assurer la durabilité des ressources pour les générations à venir. Sans conservation, il n'y aura pas d'utilisation durable, et sans utilisation durable, il n'y aura aucun avantage économique.

Nous devons également nous attaquer au problème de la pêche sur la côte ouest pour de simples raisons économiques. Ce n'est rien de nouveau. C'est un problème auquel sont confrontés les gouvernements depuis déjà des décennies. Je me suis toujours senti étouffé par le facteur emploi qui entre toujours en ligne de compte, parce que, après tout, il faut l'avouer, le programme vise tout compte fait à réduire la flottille de moitié au fil des ans. Ce n'est jamais une chose très agréable.

Cela dit, ce plan a été mis de l'avant pour des raisons économiques tout comme pour des raisons de conservation. Comme vous le savez, il y a habituellement environ 4 400 bateaux de pêche commerciale en Colombie-Britannique. Cette flottille représente un danger au niveau de la conservation, comme je l'ai déjà indiqué, et, de plus, elle est trop importante, compte tenu de la valeur économique de la pêche.

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La valeur des bateaux de pêche a quadruplé depuis le début des années 1950, et ce chiffre est rajusté en fonction de l'inflation. Les coûts du carburant, de la main-d'oeuvre, des engins - tous les coûts - ont augmenté de façon marquée pendant cette même période.

La ressource, d'un autre côté, est stable depuis des années. Comme les députés le savent pertinemment, le saumon est une ressource cyclique. Il y a des années d'abondance et des années de faible abondance. Nous en sommes maintenant à la deuxième année d'une période de faible abondance. Nous espérons que les choses changeront l'année prochaine et l'année suivante, et que, compte tenu de la nature cyclique des pêches, il y aura plus de poisson.

Cela dit, si vous étudiez la période des années 1950 jusqu'à maintenant, vous constaterez que la quantité de saumon est demeurée plus ou moins stable. Cependant, les prix du saumon au cours des dernières années ont baissé de façon marquée. Si vous comparez le prix du saumon par kilogramme pour les années 1991-1994 au prix des années 1987-1990, vous constaterez que les prix ont baissé de 28 p. 100 pour le saumon rouge, de 45 p. 100 pour le saumon rose, de 53 p. 100 pour le saumon kéta, de 34 p. 100 pour le saumon coho et de 39 p. 100 pour le saumon quinnat.

Ainsi, exponentiellement, il en coûte plus cher pour pêcher, nous avons une ressource relativement stable - même si nous nous trouvons dans des années de faible abondance - et les prix du poisson sont en baisse. Rien ne semble indiquer que ces facteurs changeront. Le secteur de la transformation a fait l'objet d'une restructuration, qui se poursuivra, afin de diminuer la capacité. Le poisson d'élevage de la Norvège et du Chili continuera à jouer un rôle de plus en plus important sur le marché japonais et les autres marchés traditionnels de la Colombie-Britannique. Il faudra donc plus de poisson par pêcheur pour être rentable.

Cette année, vu les circonstances, nous croyons que 65 p. 100 des pêcheurs ne seront pas rentables, compte tenu de la taille de la flottille actuelle. Si je me souviens bien, habituellement, environ 25 p. 100 des pêcheurs ne rentraient pas dans leurs frais. Grâce au nouveau plan, nous nous attaquerons progressivement à ce problème.

Je terminerai en précisant que nous voulons encourager les intervenants du secteur à participer à la gestion du programme. Nous avons organisé des réunions avec le comité directeur de la table ronde. Une fois que les choses seront plus calmes, nous avons l'intention de créer un conseil industriel, ce qui permettra d'assurer une meilleure gestion et une plus grande collaboration avec le secteur commercial, pour faire du secteur des pêches une industrie plus viable. Nous examinerons de plus, avant la saison de 1997, la question de la répartition des quotas entre les divers groupes, un problème qui existe depuis une cinquantaine d'années. Nous espérons pouvoir le régler. Il faudra pour ce faire organiser des consultations intensives entre les parties touchées. De plus, nous étudierons la répartition des quotas entre les divers intervenants, comme les pêcheurs au filet maillant, les pêcheurs à la seine et les pêcheurs à la traîne.

À cet égard, j'aimerais préciser quelque chose. Les quotas historiques du secteur de la pêche à la seine n'ont absolument aucun impact sur les parts traditionnelles du secteur de la pêche au filet maillant et de la pêche à la traîne. Nous songeons donc à établir des quotas au sein du secteur commercial qui soient fixés en fonction du type d'engin, qui soient stables au point de vue des débarquements, et qui assurent une part assez stable pour les propriétaires des petits bateaux de pêche.

M. Kelleher, qui a été nommé arbitre par le CIPC pour étudier la question, aura comme fonction principale d'identifier les principes qui sous-tendent la répartition de la ressource et les règles du jeu qui devraient s'appliquer, compte tenu des cycles qui caractérisent l'industrie.

Bref, monsieur le président, il s'agit là des éléments qui sous-tendent le plan. Je suis maintenant disposé à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Tousignant.

Je devrais commencer par les représentants de la Colombie-Britannique. Monsieur Scott.

M. Scott (Skeena): Merci, monsieur le président.

Monsieur Tousignant, j'ai plusieurs questions à vous poser. Je sais que d'autres députés ont certainement des questions, et j'essaierai donc d'être le plus succinct possible.

Je crois que vous devez reconnaître qu'en Colombie-Britannique les permis de pêche au saumon ne sont pas assortis de contingents.

M. Tousignant: C'est exact.

M. Scott: Je crois que vous devez reconnaître, ainsi, qu'en réduisant le nombre de permis vous ne réduirez pas nécessairement le taux de capture. Le ministère assure une gestion des stocks actuellement en fonction de l'ouverture des zones et des saisons de pêche. Il gère les niveaux des stocks en fonction des remontes prévues ou des débarquements et prises enregistrés. Le ministère ouvre et ferme la pêche commerciale en fonction de ces facteurs. Ainsi, il a géré les pêches en Colombie-Britannique pendant plusieurs années de cette façon. N'est-ce pas exact?

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M. Tousignant: C'est exact. La pêche ne sera ouverte que si nous sommes convaincus qu'il existe un excédent exploitable. Les priorités seront donc le taux d'échappée et l'article 35 de la Constitution qui porte sur les droits des autochtones. Une fois qu'on aura répondu à ces besoins, s'il existe un excédent, la pêche sera ouverte.

Même s'il n'y a pas de contingents, il importe, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, d'assurer une réduction de l'encombrement pour que les règlements soient plus facilement applicables et pour qu'il y ait une réduction de la flottille; comme vous le savez, jadis, les bateaux sortaient pratiquement tous au même moment, ce qui rendait le contrôle des prises très difficile et mettait en danger la ressource. C'est pourquoi nous avons proposé cette dernière mesure.

M. Scott: Je vois, mais pour revenir à ma question, je crois que votre réponse confirme ma position, soit que la réduction du nombre de permis ne représente pas nécessairement une réduction du nombre de poissons qui seront pêchés pendant une année donnée.

M. Tousignant: C'est vrai. Il y a une réduction de l'effort, et cela change le nombre de prises par bateau.

M. Scott: Je voulais simplement faire ressortir ce point parce qu'il y a au sein de ce comité des députés d'autres régions du pays qui ne comprennent pas nécessairement vraiment le secteur des pêches en Colombie-Britannique.

Tout d'abord, le ministère et le ministre ont dit que les pêcheurs commerciaux de la Colombie-Britannique appuyaient le plan proposé par le ministre. Nous avons reçu, et j'entends par là les députés représentant de circonscriptions de la Colombie-Britannique, beaucoup de commentaires qui semblent indiquer le contraire. Les pêcheurs nous disent qu'ils ont présenté des propositions lors des réunions de la table ronde, des propositions qu'on n'a pas retenues, alors que d'autres propositions qui n'avaient pas fait l'objet de longues discussions lors des réunions de la table ronde ont été retenues et adoptées par le ministre.

J'aimerais donc savoir pourquoi le ministre, ou je suppose le ministère, adopte des changements très importants au programme d'attribution des permis pour les pêcheurs commerciaux en Colombie-Britannique avant même d'avoir procédé à la répartition de la ressource. Je sais que le programme de rachat est volontaire, mais les échéanciers sont quand même très courts.

Pour la gouverne des autres députés qui ne sont peut-être pas au courant, j'aimerais signaler que les intervenants du secteur des pêches en Colombie-Britannique demandent depuis déjà longtemps, en fait depuis des années, au gouvernement d'établir des quotas fixes. Ils savent, comme le signale M. Tousignant, que certaines années la remonte est meilleure. Je suis d'accord avec M. Tousignant, et je crois que le comité devrait être conscient du fait; les stocks de saumon en Colombie-Britannique se trouvent actuellement à un niveau de faible abondance. En fait, il existe une crise dans le secteur actuellement. Les perspectives pour l'avenir sont quand même très bonnes.

Il suffit d'étudier 1992 - je crois que c'est cette année-là mais si je me trompe n'hésitez pas à me reprendre - nous avons alors enregistré la remonte la plus importante de saumon rouge dans le Fraser depuis 75 ans.

M. Pat Chamut (sous-ministre adjoint, gestion des Pêches, ministère des Pêches et Océans): Il s'agissait de 1993.

M. Scott: Donc on peut parler quand même être un peu optimistes. Je crois quand même que les députés devraient être au courant de cette situation. L'industrie demande depuis déjà longtemps des allocations des stocks pour que les intervenants sachent, peu importe l'allocation totale - quelles seront leurs parts pour qu'ils puissent planifier leur année de pêche et leurs investissements; pour qu'ils puissent décider s'ils doivent continuer à pêcher compte tenu les propositions mises de l'avant par le gouvernement à l'égard de l'attribution des permis.

Cela dit, le comité devra également savoir que les pêcheurs de la Colombie-Britannique reconnaissent que la flottille commerciale est trop grande et doit être rationalisée. Je ne crois pas que qui que ce soit le nie. Les intervenants veulent simplement que les règles régissant l'attribution de la ressource soient établies avant qu'on leur demande de décider s'ils veulent continuer à pêcher, avant qu'ils n'accroissent leurs investissements en achetant plus de permis, ou avant qu'ils décident simplement de vendre leurs permis.

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J'aimerais demander à M. Tousignant pourquoi les choses sont comme ça. Le ministère n'a pas besoin d'un changement au niveau de la politique d'attribution ou des permis pour gérer les stocks de poisson en 1996. Je crois que vous devez en convenir. Vous pouvez gérer ces stocks en ayant recours à l'ouverture et la fermeture des zones et des périodes de pêche, et enfin si vous le désirez vous pouvez arrêter la pêche dès maintenant. Vous n'avez pas besoin de changer la politique d'attribution des permis pour gérer les stocks de poisson.

C'est justement pourquoi je vous pose la question suivante: Puisque je suis convaincu que vous devez reconnaître la véracité de ce que je viens de vous dire, pourquoi exigez-vous des pêcheurs qu'ils prennent une décision dès maintenant alors que M. Art May, qui a été nommé par le ministre pour proposer des règlements au titre de l'attribution des stocks ne présentera son rapport que - si je me fie à ce que m'ont dit - à l'automne? Je sais que je parle au nom d'un nombre d'intervenants qui se posent cette même question. Pourquoi procédez-vous de cette façon?

M. Tousignant: Votre question comporte en fait trois sous-questions auxquelles je répondrai dans l'ordre.

Votre première question porte sur l'appui accordé par les intervenants au plan proposé par le ministre. Je dois dire que nombre de pêcheurs et qui prennent actuellement une décision à long terme appuient ce plan. Mais il faut reconnaître, si le plan propose une réduction du nombre de pêcheurs pendant une période relativement brève, par définition, certains s'opposeront à la proposition et de ceux qui s'inquiètent de la situation certains le diront de façon plus brillante que d'autres.

Cela dit, lors de la réunion de la table ronde il y a eu un consensus; les intervenants ont reconnu que des mesures devaient être prises pour réduire la flottille avant la saison 1996. On a convenu qu'il fallait également se pencher sur l'attribution de la ressource. On avait également convenu cependant que pour ce qui est du problème de l'attribution de la ressource, qui est un problème qui a toujours existé dans le secteur, il importait de donner aux gens le temps de faire connaître leurs opinions sur le sujet. C'est pourquoi on a conclu qu'il fallait que cette nouvelle politique d'attribution soit le résultat de discussions et de consultations et c'est justement pourquoi le processus de M. May a été organisé.

On a convenu également qu'il devait y avoir un programme de rachat. Le gouvernement a réservé 80 millions de dollars pour ce programme.

Il y a également une série de mesures de gestion que j'ai déjà décrite. Toutes ces questions avaient été abordées d'une façon ou d'une autre dans les rapports ou lors de la réunion de la table ronde, mais il était impossible d'en arriver à un consensus ou à l'unanimité.

Tout le monde a convenu qu'il fallait réduire la flottille d'entre 25 et 50 p. 100, mais on n'a pas vraiment pu s'entendre sur la façon de procéder. C'est pourquoi le ministre et le gouvernement ont dû se prononcer sur une série de problèmes épineux.

Pour ce qui est de la question des quotas, le rapport de M. Art May, le mandat de M. May est essentiellement d'étudier d'abord les parts attribuées actuellement aux secteurs de la pêche sportive de la pêche récréative et de la pêche autochtone. S'il ne peut pas décrire quelles sont ces parts, il doit proposer au ministre une méthode lui permettant de déterminer ces parts respectives.

Sa deuxième tâche dépend de la participation des pêcheurs commerciaux, des pêcheurs sportifs et des pêcheurs autochtones. Il doit commander les règles du jeu, qui devraient tout compte fait porter sur les transferts de quotas d'un groupe à un autre.

Je ne m'attends pas qu'en 1996, compte tenu des problèmes qui existent actuellement au niveau de l'abondance, il y ait des changements au niveau de la distribution de la ressource entre les trois groupes. Les prises autochtones demeureront plus ou moins au même niveau. On peut dire la même chose de la pêche sportive. En fait, la part de ces secteurs au cours des dernières années a été moins grande. Je ne crois donc pas qu'il y ait des changements importants à apporter cette année à la répartition de la ressource entre les trois groupes.

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Nous nous occuperons donc de la gestion des pêches commerciales, des ouvertures possibles à la suite de la consultation du CIPC, en fonction du partage traditionnel et des ressources au sein du secteur commercial ayant recours aux méthodes historiques; et il ne faut pas oublier qu'il y aura des problèmes particuliers en raison de la diminution des stocks de saumon rouge dans le Fraser et une abondance réduite de certains stocks de chinook.

Une des questions qui inquiètent un grand nombre de pêcheurs commerciaux, c'est l'impact possible du règlement des revendications des Autochtones; une de ces revendications est plus avancée, soit celle des Nisga'a, qui est rendue au niveau d'une entente de principe. Cette entente n'entrera en vigueur que dans 18 mois, longtemps après que M. May se sera penché sur la question.

Puisque la question du partage de la ressource entre les trois secteurs a une importance primordiale pour l'industrie et mérite une étude détaillée, je suis confiant que la question sera réglée en temps opportun. Pour l'instant, les pêcheurs commerciaux ne devraient pas redouter des changements au niveau du partage de la ressource ou craindre qu'on profitera de l'occasion pour transférer une plus grande part à un groupe qu'à un autre. D'ailleurs, à deux reprises M. Tobin nous a rassurés à cet égard.

Pour ce qui est de votre dernière question, vous dites essentiellement que nous pourrions laisser n'importe qui aller pêcher plus au nord, parce que cette année c'est ce qui se produirait. Si nous ne procédions pas à l'attribution des permis de zone, et compte tenu du fait que la prévision pour la Skeena cette année est de trois millions de poissons... il s'agira de la principale pêche commerciale sur la côte. La seule autre solution serait de permettre à tout le monde d'aller pêcher ce poisson. Pour des raisons de gestion que j'ai expliquées plus tôt, et aussi parce qu'il faut procéder à la relance, c'est un risque que le ministre ne veut pas prendre.

Le président: Harry.

M. Culbert (Carleton - Charlotte): Bienvenue, messieurs.

Puisque que sur la côte est nous avons déjà vécu cette situation de chute des stocks - je pense particulièrement aux stocks de poisson de fond - au cours des dernières années, et nous connaissons tous les facteurs scientifiques et autres qui accompagnent cette situation, nous voudrions qu'on nous garantisse que le même problème ne se produira pas sur la côte ouest.

D'après tous les documents que j'ai pu me procurer et lire sur la chute des stocks sur la côte est, la morue et les autres poissons de fond, que les scientifiques disaient depuis des mois, en fait depuis des années, qu'il devrait y avoir une rationalisation du secteur des pêches, rationalisation qui ne s'est pas produite aussi rapidement que les scientifiques l'auraient voulu. Le résultat de ce retard est probablement la fermeture des pêches pour une bonne partie de la côte est. Ma circonscription se trouve dans la région de la baie de Fundy, une des rares régions où l'on pêche toujours le poisson de fond, même si, en raison des contingents, cela se fait sur une échelle beaucoup plus réduite qu'il y a quelques années.

J'en viens à l'idée d'une comparaison, pour autant qu'une telle comparaison soit possible, de façon que l'on prenne des mesures pour l'avenir à court et à long termes de la pêche sur la côte ouest. Pouvez-vous effectivement nous dire aujourd'hui, devant ce comité, que vous et les autres fonctionnaires du ministère êtes tout à fait convaincus qu'on prend toutes les mesures voulues pour empêcher qu'une situation de ce genre ne se reproduise plus sur la côte ouest?

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M. Tousignant: Il est tout à fait vrai que le souci de l'emploi aussi bien dans la pêche que dans la transformation sur la côte atlantique a contraint les gestionnaires des pêches de l'époque et les différents ministres à gérer à la limite des ressources. En fait, dans le cas des pêches de la côte de l'Atlantique, ils se sont trouvés contraints d'autoriser la pêche des échappées. Si la pêche de l'Atlantique avait été rationalisée, on n'aurait pas assisté aux problèmes que nous avons connus.

Le ministère n'a évidemment pas l'intention de permettre la pêche des échappées dans le Pacifique, et ne l'a jamais autorisée jusqu'à maintenant. Tous les pêcheurs ont coopéré pour qu'on puisse dénombrer les poissons dans les frayères.

J'ai cependant mentionné un certain nombre de choses dont il faut tenir compte dans ce contexte. Tout d'abord, nous gérons désormais avec un plus grand souci de conservation. Cette tendance est devenue évidente l'année dernière dans l'action de M. Tobin et va se poursuivre à l'avenir, car nous voulons absolument atteindre nos objectifs d'échappées.

Les Américains s'y sont opposés, car plus nous augmentons les prix admissibles, plus ils se croient autorisés à pêcher et plus nous devons les persuader de ne pas le faire. Le secteur commercial et les groupes autochtones s'y sont opposés également, car ils estiment qu'en élevant les objectifs d'échappées, nous les privons de la possibilité de pêcher.

En fait, nous voulons que la pêche s'éloigne de la limite des ressources. Nous avons établi des réserves pour les quantités qui doivent remonter jusqu'aux frayères de façon à réduire le risque de non-respect de nos généreux objectifs en matière d'échappées, grâce auxquels nous voulons assurer la durabilité de la ressource. Finalement, tout cela réduit les possibilités de pêche.

Selon les orientations futures des pêches telles qu'elles figurent dans la documentation transmise aux pêcheurs, nous voulons modifier les modalités de la pêche de façon à atténuer le risque pour la ressource. Il y aura également l'octroi de permis par zone. Pour toutes ces raisons, la pêche ne sera plus si libre. Nous allons miser davantage sur la conservation et réduire les possibilités économiques plutôt que de favoriser des perspectives à court terme qui seraient plus préjudiciables à la ressource. Par conséquent, nous limitons les possibilités de pêche pour assurer la conservation des espèces par différents éléments du programme.

Il faut également intégrer dans l'équation l'économie du secteur, qui est en baisse. Le saumon a perdu de sa valeur; il faut donc diminuer le nombre des pêcheurs. Tout le monde est d'accord là-dessus. Toutes ces mesures visent à favoriser sur la côte ouest une situation permettant d'éviter la tragédie qui s'est produite sur la côte est.

M. Culbert: J'ai une autre question à poser. Ces différentes mesures déjà prises vont certainement limiter les perspectives économiques des pêcheurs dans les eaux canadiennes, en particulier sur la côte de la Colombie-Britannique. Ce sont les Canadiens qui vont subir une diminution des prises, et par conséquent une baisse de leur niveau de revenu. Que fait-on pour que cette politique de conservation soit respectée par nos voisins du Sud qui pêchent dans les mêmes eaux?

Autrement dit, c'est très bien si nous participons à l'effort de conservation d'un point de vue canadien sur la côte de la Colombie-Britannique, mais si d'autres viennent contrarier cet effort, nous n'allons pas y gagner grand-chose. Voilà ce qui m'inquiète. Est-ce qu'on prend des mesures de ce côté? Je ne vous demande pas de vous engager au nom du ministre des Affaires étrangères, mais nous parlons ici de Pêches et Océans.

M. Tousignant: M. Chamut vous donnera des détails là-dessus tout à l'heure, car je n'ai qu'une demi-heure... à moins que vous ne préfériez qu'il vous réponde tout de suite.

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Le président: Pouvez-vous attendre sa réponse, Harold? C'est M. Chamut qui est notre expert en matière de traités.

M. Tousignant: Pat a sûrement une réponse très courte.

M. Chamut: La réponse très courte est oui.

M. Culbert: Nous en viendrons aux détails plus tard.

Le président: Comme vous le savez, une petite coalition de la Colombie-Britannique est venue rencontrer le ministre jeudi dernier, je crois. Un groupe plus important est prévu pour la semaine prochaine. Il doit vous rencontrer et comparaître devant le comité mardi après-midi. Il est donc essentiel de bien nous expliquer comment vous en êtes arrivés à ce plan et de nous dire quel raisonnement vous avez suivi à partir des propositions de la table ronde et du contenu des rapports Cruickshank et Pearse, de même que de la série de rapports et d'études consacrés aux pêches sur la côte ouest.

À la lecture du rapport Cruickshank, certains se sont demandé si le ministère avait consulté Don Cruickshank avant d'annoncer la réduction de la flottille, ou si cette mesure découlait de la table ronde.

M. Tousignant: Le problème auquel nous devons faire face, monsieur le président, c'est que, comme on dit en français, tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir. Le problème est bien simple. Il y a actuellement 4 400 bateaux qui pêchent. Il faut en éliminer une partie grâce à un programme de retrait des permis et par des mesures de réglementation.

Vous allez donc avoir 4 400 points de vue sur ce qu'il faudrait faire pour protéger les pêches. Si j'étais l'un des pêcheurs visés par ces mesures, je vous présenterais un point de vue conforme à mes intérêts. Je vous dis cela sans arrière-pensée, car je respecte le point de vue de chacun, mais le problème était très complexe. Il n'a pu être résolu autour de la table ronde, que j'ai présidée, où70 personnes...

Nous avons commencé en proposant la création d'un comité de 50 personnes, puis, pour que tous les points de vue puissent s'exprimer, nous avons porté son effectif à 70. Sans parler d'unanimité, il n'a pas été possible de parvenir à un consensus sur la façon de négocier cette difficile épreuve de réduction de la taille de la flottille, pour la rendre proportionnelle au volume de la ressource.

Par conséquent, il est certain que divers aspects du plan vont susciter une vive opposition. Il n'est pas douteux que ce plan préconise une médecine de cheval, mais nous devons absolument agir. Lorsque le plan Davis a été mis en oeuvre, on y a apporté des changements, on l'a assoupli, ce qui a eu pour effet d'en éliminer tous les avantages. Nous avons donc préféré opter pour une médecine de cheval.

Cela étant dit, nous comptons sur l'industrie pour assurer la mise en oeuvre et le suivi du plan, et nous espérons que nous pourrons toujours compter sur elle. Cette mise en oeuvre doit se dérouler sur un certain nombre d'années. Nous allons devoir faire la mise au point des nouvelles structures consultatives à l'échelle de la province et de la région. Il faut faire participer davantage les pêcheurs aux décisions sur l'avenir de la pêche. Nous avons l'intention, à long terme, d'élargir le processus d'évaluation scientifique de façon à favoriser l'échange des points de vue, mais il fallait bien commencer quelque part. Je reconnais que l'exercice est difficile.

Le président: On nous dit qu'il faut consulter les pêcheurs dès maintenant. Pourquoi se précipiter dans un programme de rachat de 80 millions de dollars dès le mois de juin? Pourquoi ne pas procéder par étapes? Les pêcheurs sont convaincus, pour une raison ou une autre, que la pression sur la ressource ne va pas s'atténuer, malgré la réduction de la flottille. Ils sont même convaincus que cette pression va s'accentuer, que de gros bateaux vont venir de Vancouver ramasser tout le poisson, et que les petits pêcheurs des villages côtiers en seront pour leurs frais. Que répondez-vous à cela?

.1620

M. Tousignant: Il y a deux éléments à prendre en compte. Parlons tout d'abord des petits exploitants. Quarante p. 100 cent de la flottille de petits bateaux pêchent actuellement dans la même zone du littoral. Ce sont des pêcheurs locaux, qui pêchent à proximité de leur lieu de résidence, dans des zones qu'ils connaissent bien, où ils ont déjà fait de bonnes prises, etc.

Le plan ne les oblige pas à changer leurs habitudes. Chacun d'entre eux pourra continuer à pêcher dans son secteur.

Deuxièmement, toujours à propos des petits exploitants, l'octroi de permis par zone va nous permettre d'atténuer la pression sur un secteur donné et d'améliorer les perspectives à long terme pour les pêcheurs de ce secteur.

Troisièmement, l'octroi de permis par zone va limiter la concurrence dans la zone. Nous ne voulons pas contraindre des pêcheurs à l'abandon. Ils ont le choix de continuer la pêche ou d'y renoncer contre indemnisation.

Cela étant dit, l'objectif du plan est de réduire de moitié le nombre des navires ou des permis; on ne peut donc pas prétendre qu'il n'aura aucune conséquence humaine. Il y aura des conséquences; cela n'est pas douteux.

Finalement, en ce qui concerne toujours les petits exploitants, qui pêchent au filet maillant et à la traîne, je voudrais reprendre ce que j'ai dit dans ma déclaration liminaire, à savoir que sous réserve des décisions de l'arbitre des quotas intrasectoriels, M. Kelleher, la part de la flottille de petits bateaux sera protégée au sein du secteur de la pêche commerciale. Autrement dit, on ne pourra pas se servir de cet exercice pour augmenter la part d'une flottille donnée.

De ce fait, les petits exploitants vont être touchés par ce plan. Nous allons diminuer le nombre des navires de pêche au filet maillant et à la traîne et des navires mixtes. Cela ne fait aucun doute.

Cela étant dit, ils peuvent compter sur une part à peu près équivalente à celle qu'ils ont toujours eue. Ils pourront toujours pêcher dans leur zone.

Le président: Merci.

Monsieur Cummins.

M. Cummins (Delta): Merci, monsieur le président.

Monsieur Tousignant, vous avez déclaré un certain nombre de choses sur lesquelles j'aimerais vous interroger. Tout d'abord, vous dites que la réduction de la flottille va atténuer la pression sur la ressource; vous laissez entendre que cela devrait favoriser la conservation.

J'aimerais savoir comment vous allez y parvenir si vous éliminez les pêcheurs dont les prises ont été les plus modestes jusqu'à maintenant et que vous augmentez l'endettement des plus gros producteurs qui sont prêts à doubler leur permis, voire même à acheter deux permis supplémentaires. Vous allez augmenter leur endettement et stimuler leur motivation. Comment cela pourrait-il atténuer la pression sur la ressource?

M. Tousignant: Tout d'abord, le plan prévoit un allégement de l'effort de pêche et une diminution du nombre de navires, ce qui devrait atténuer le risque pour la ressource. Il va y avoir moins de pêcheurs, ce qui devrait donner de meilleurs taux de capture et assurer un meilleur étalement des pêches dans le temps.

M. Cummins: Puis-je vous interrompre un instant, monsieur Tousignant? Vous dites qu'il y aura moins de bateaux et moins de congestion. Dans le détroit de Johnstone, vous avez parfois une file d'attente de dix bateaux. Si vous réduisez la flottille de moitié, cette file d'attente passe à cinq. À cet endroit-là, la pêche ne peut être pratiquée que par un seul bateau à la fois. En quoi ce changement va-t-il réduire la pression sur la ressource?

M. Tousignant: J'y viendrai dans un instant. Je vais vous répondre.

Tout d'abord, j'ai indiqué que nous allons limiter la pêche d'interception. Les captures vont être plus sélectives. Les règles régissant les pêches vont être plus prudentes. L'octroi de permis par zone va atténuer la pression sur la ressource. Nous allons diminuer le nombre de ceux qui pêchent au filet maillant et à la traîne. Toutes ces mesures vont donc réduire la capacité de capture de la flottille de façon qu'on puisse gérer la ressource à moindre risque.

.1625

Il va y avoir diminution de la flottille de pêche à la senne. Nous ne savons pas encore quelles en seront les conséquences, car nous n'avons pas reçu de demandes pour le programme de retrait, mais en ce qui concerne la flottille de pêche à la senne, on proposera sans doute le rachat des vieux bateaux et des permis inactifs.

Cela aura pour effet d'éliminer définitivement de la flottille les bateaux plus anciens qui ont été adaptés aux dernières normes et qui sont devenus les grosses machines de pêche que l'on connaît. On va également supprimer les permis inactifs, qui risquent de réapparaître si la pêche s'améliore en 1997, 1998 ou 1999, ce qui va réduire le risque d'expansion de la capacité de la flottille de pêche à la senne. On va également fixer une limite qui sera fondée sur les statistiques de capture de la flottille de pêche à la senne des années antérieures. Par conséquent, indépendamment de l'efficacité des bateaux restants, la flottille de pêche à la senne ne disposera que des prises attribuées au secteur de la pêche à la senne.

Dans l'ensemble, si vous prenez l'effet combiné de l'octroi de permis par zone, des nouvelles orientations de la gestion des pêches dans chaque zone, de la diminution du nombre de bateaux pêchant au filet maillant ou à la senne et du plafonnement des prises, vous reconnaîtrez avec moi qu'on devrait obtenir une diminution de la capacité de prises, de l'effort de pêche et du risque pour la ressource.

M. Cummins: Non, je ne suis pas d'accord avec vous, car je pense que dans le domaine de la pêche à la senne les grosses compagnies qui possèdent des flottilles de pêche vont se débarrasser de leurs vieux bateaux et consacrer leurs permis à des bateaux plus gros et plus efficaces. Les pêcheurs vont se débarrasser des vieux bateaux, qui ne permettent de pêcher qu'avec la marée, et le permis va être utilisé sur un navire capable de pêcher 24 heures sur 24. Vous allez réduire la file d'attente, mais vous n'allez pas alléger l'effort de pêche. C'est bien certain.

M. Tousignant: Les quotas de pêche vont rester les mêmes. Je serais d'accord avec vous s'il n'y avait plus de limitations de la période d'ouverture de la pêche à la senne, et que chacun puisse se servir librement, mais grâce aux périodes d'ouverture et à la limitation des quotas de pêche à la senne, ce problème de surcapacité de pêche qui semble vous inquiéter devrait être tout à fait gérable.

M. Cummins: Vous semblez dire que le rachat se fera au prix des permis en vigueur en 1994-1995. Est-ce exact?

M. Tousignant: En toute franchise, je ne sais pas, car les pêcheurs sont actuellement en train d'évaluer les différentes options. Nous allons recevoir des offres et nous verrons ce que les pêcheurs qui souhaitent se retirer ont à proposer pour la vente de leurs bateaux. Mais il faut attendre les offres.

D'après ce que je sais, nous aurons l'occasion de nous présenter devant le Conseil du Trésor avant la fin des transactions pour préciser les modalités de gestion du programme. En outre, nous allons recevoir l'avis d'un comité sur la réduction des flottilles de pêche, dont la composition est déjà déterminée, et qui doit nous conseiller sur ces questions; nous attendons toujours que les pêcheurs de la Colombie-Britannique nous communiquent les noms de leurs représentants au sein de ce comité.

M. Cummins: En fait, ce que va faire le gouvernement, c'est susciter la concurrence pour les bateaux dont les pêcheurs veulent se débarrasser. Vous n'achetez que les permis, et non pas les bateaux.

Est-ce qu'un pêcheur avisé, qui possède un bon bateau et un permis, va tout vendre au gouvernement pour le prix d'un permis? Le bateau n'a de valeur qu'en tant que bateau de pêche.

.1630

M. Tousignant: Ce n'est pas à moi de le dire. Nous allons voir quels résultats vont donner ces mesures. Le programme doit se dérouler sur un certain nombre d'années - je parle ici du programme de rationalisation du saumon, et non pas de celui du retrait des permis.

Selon notre hypothèse de départ - et ce n'est peut-être qu'une hypothèse; on verra bien avec le temps - les 80 millions de dollars du programme devraient se traduire par une réduction de plus ou moins 20 p. 100 du nombre de bateaux. Je ne pense pas qu'on dépasse 20 p. 100, mais on pourrait bien atteindre ce chiffre. On verra bien; évidemment, nous allons collaborer avec l'industrie.

Mais il faut bien commencer quelque part. Ce sont sans doute les exploitants marginaux qui vont se manifester au départ.

M. Cummins: Je pense que vous avez suscité de la concurrence pour ces permis entre le programme de rachat du gouvernement et les pêcheurs. Il reste, si j'ai bien compris, que l'offre du gouvernement limite l'indemnisation aux prix de 1994-1995. Donc, en réalité, les 80 millions de dollars à la fin de juin ne seront pas récupérés par le Conseil du Trésor.

Quoi qu'il en soit, les filets maillants sont répartis sur les trois zones D, E et F. La zone F comprend le fleuve Fraser et le secteur de San Juan, à l'entrée du détroit de Georgia. Cette zone concerne essentiellement la pêche sur le fleuve Fraser, et, selon toute vraisemblance, il n'y aura pas de pêche commerciale sur le fleuve Fraser en 1996. Un pêcheur qui vient de subir la saison catastrophique de 1995 peut-il se permettre de choisir la zone F si cela signifie qu'il devra se passer de revenu pendant une deuxième saison? Qu'avez-vous à dire à un tel pêcheur?

M. Tousignant: Je ne sais pas. Il doit faire un choix à long terme concernant sa participation au secteur des pêches. Ceux qui ne veulent pas rester dans la zone E, c'est-à-dire la zone de pêche au filet maillant du bas Fraser, devront se rendre à Rupert.

M. Cummins: C'est ce qui va se passer, puisque la zone E fait également partie de la pêche du fleuve Fraser.

M. Tousignant: La zone E correspond au fleuve Fraser. Pour le filet maillant, c'est la zone C, au nord.

Comme je l'ai dit tout à l'heure à M. Scott, si l'on n'applique pas ce plan immédiatement et qu'on laisse traîner les choses, tous les pêcheurs vont aller dans le Nord en quête d'une capture de saumon rouge estimée à trois millions d'individus, ce qui représente la meilleure possibilité commerciale. On peut se demander si cela permettrait à tous les pêcheurs de se tirer décemment d'affaire, sans parler des problèmes de concurrence et de gestion de la ressource, dont nous voulons éviter à tout prix qu'ils se posent de nouveau.

M. Cummins: Le problème, c'est que sur les trois zones de pêche au filet maillant, c'est-à-dire les zones C, D et E, on risque fort de ne trouver de poisson cette année que dans la zone C.

La flottille de petits bateaux qui pêchent au filet maillant a connu l'été dernier une saison désastreuse. Je ne connais pas un seul pêcheur qui ait gagné de l'argent. Très peu d'entre eux ont gagné plus de 10 000 $ l'année dernière à cause de phénomènes naturels.

Pour 1996, le problème n'est pas d'origine naturelle. Il résulte de la mauvaise gestion des pêches en 1992. Au lieu d'assumer la responsabilité de l'origine du désastre de 1992, le ministère présente ce programme et demande aux pêcheurs de payer les pots cassés pour ce qu'il a fait en 1992.

M. Tousignant: Oui.

M. Chamut: Les perspectives de la saison de 1996 sur la côte ouest sont très sombres. Nous savons depuis un certain temps que les niveaux de capture vont être bas. Nous savons que les stocks de saumon quinnat sur la côte ouest de l'île de Vancouver sont réduits.

.1635

Cette situation résulte d'une série de phénomènes environnementaux; les eaux chaudes se sont déplacées vers le nord, amenant avec elles un grand nombre de maquereaux qui se nourrissent de jeunes quinnats. De ce fait, nous savons au moins depuis trois ans que les rendements des saisons 1995, 1996 et 1997 doivent être faibles. Nous savons qu'il en sera de même pour le saumon rouge du Fraser. Mais je ne suis pas d'accord avec M. Cummins quant aux causes de la mauvaise saison de 1992.

En 1992, monsieur le président, la gestion des pêches a suscité une vive controverse. Elle a fait l'objet d'une révision. Le rapport présenté à l'époque indiquait que pour le saumon rouge les échappées étaient d'environ 850 000, soit un peu moins que l'objectif fixé, mais c'était quand même l'un des meilleurs résultats pour cette espèce depuis des décennies.

À partir de cette date, on a observé des rendements élevés du saumon rouge du Fraser, mais nous savions d'avance qu'en 1996 on allait retomber dans la partie inférieure du cycle. La seule chose que je puisse ajouter, c'est que les résultats seront encore plus faibles que prévu, car, comme l'a ditM. Tousignant tout à l'heure, il semble y avoir un changement des régimes de température qui provoque une baisse de la productivité pour le saumon rouge du Fraser.

M. Cummins: Monsieur le président, je voudrais faire remarquer un certain nombre de choses. Tout d'abord, le maquereau ne remonte pas les fleuves. On a remarqué l'absence de 700 000 saumons rouges en amont de Mission Bridge. En 1992, sur le cours supérieur de la rivière Pitt, on s'attendait à un rendement de 25 000 saumons, et on n'en a eu que 1 282 à la fin de septembre. Sur la rivière Bowron, on s'attendait à trouver 16 000 alevins dans les frayères, et on en a trouvé environ2 500; au début de l'été on en a trouvé 30 000, alors qu'on s'attendait à en trouver 212 000 dans les frayères. Voilà pour les stocks manquants en amont de Mission Bridge.

En 1992, le ministère des Pêches et des Océans a commandé un rapport à M. Peter Pearse, le père du service des pêches dans l'Atlantique. C'est lui qui a recommandé qu'on autorise la pêche commerciale aux Autochtones, ce qui a occasionné une difficulté supplémentaire pour les gestionnaires, et s'est soldé par le désastre de 1992.

Nous avons attendu pendant quatre ans de voir ce que ferait le gouvernement pour résoudre les problèmes auxquels les pêcheurs allaient devoir faire face en 1996. Par la façon dont il a réagi, il n'assume pas la responsabilité des insuffisances de sa gestion. Il se contente de lancer un programme de rachat financé en grande partie par les frais de permis, par lequel les pêcheurs vont démanteler leur flottille à leurs propres frais. Tout cela à cause des erreurs de gestion de 1992. Voilà les faits, et personne ne peut dire le contraire.

M. Chamut: Monsieur le président, me permettez-vous de répondre?

Le président: Oui.

M. Chamut: Tout d'abord une mise au point: je n'ai jamais dit que le maquereau remontait les cours d'eau. J'ai parlé des effets du maquereau sur le saumon quinnat. Je n'ai jamais dit que les maquereaux remontaient les rivières pour manger de jeunes saumons en grande quantité.

Je dois dire, encore une fois, que je ne suis pas d'accord avec M. Cummins notamment pour ce qui est des auteurs d'un rapport de 1992, MM. Pearse et Larkin, qui ont étudié l'origine de la diminution des échappées. D'après les conclusions du rapport, il n'y a certainement pas eu 700 000 saumons manquants.

M. Cummins: Si.

M. Chamut: Une partie des disparitions a été attribuée à la mortalité dans la rivière. Mais, encore une fois, le nombre des poissons qui ont atteint les frayères représente un niveau d'échappées parmi les plus élevés de ce cycle depuis plusieurs décennies.

Au cours des années précédentes, le niveau des échappées avait été d'environ 850 000, ce qui donnait un nombre suffisant de poisson remontant les rivières. On sait depuis un certain temps qu'il existe sur le Fraser un cycle de quatre ans donnant de faibles rendements en 1984, 1988, 1992 et 1996. On sait depuis des années que le rendement de cette année devrait être faible.

M. Cummins: La réalité va bien au-delà des prévisions.

.1640

Le président: Monsieur Cummins, M. Scott voudrait poser une question. Vous avez bien profité de votre temps de parole.

M. Scott (Skeena): Je ne vais poser qu'une question, monsieur le président. Je voudrais interroger M. Tousignant avant qu'il ne s'en aille, car je sais qu'il va devoir partir bientôt pour prendre son avion.

Le président: Oui, dans cinq minutes.

M. Scott: Monsieur Tousignant, si je ne m'abuse, le ministère a annoncé en novembre dernier une nouvelle réduction d'au moins trois millions de dollars des fonds affectés au programme de mise en valeur des salmonidés en Colombie-Britannique. Cela fait suite à d'autres compressions budgétaires faites au cours des quelques dernières années.

Vous êtes probablement davantage en mesure de répondre à cette question que M. Chamut. Je voudrais savoir combien d'argent on a enlevé au budget du PMVS depuis trois ans. Quand je vous en ai parlé à la fin de janvier ou au début de février, vous m'avez dit que le ministère avait formulé certaines recommandations au ministre relativement aux compressions budgétaires de trois millions de dollars pour cette année et que le ministre prendrait sa décision à la fin de février.

Nous sommes presque la fin d'avril, et le ministre n'a pas encore fait d'annonce. Vous pourriez peut-être nous dire quelle sera la décision relativement à... J'espère que vous allez nous dire que le ministère a changé d'avis et maintiendra le budget du PMVS, mais je voudrais de toute façon que vous nous disiez ce qui se passe.

Pour la gouverne des membres du comité, j'aimerais que vous disiez aussi de combien on a réduit le budget du programme de mise en valeur des salmonidés depuis trois ans et que vous précisiez que, malgré tout ce que dit le gouvernement - et cela me rend furieux - au sujet de la conservation et de la mise en valeur de la ressource, il réduit les fonds affectés à un programme établi qui ne coûte qu'une partie minime du budget total du ministère et qui a permis de restocker les rivières et de mettre en valeur la ressource, dans certains cas avec beaucoup de succès. Cette année, le budget du programme doit être réduit de trois millions de dollars. Je crois savoir que cela pourrait toucher huit ou neuf frayères en Colombie-Britannique.

M. Tousignant pourra peut-être élaborer sur cette question. Je voudrais aussi savoir comment le ministère peut parler de conservation d'un côté et réduire les projets de mise en valeur des salmonidés de l'autre.

M. Tousignant: Pour ce qui est des budgets, je demanderai à M. Don Kowal de fournir au greffier du comité les chiffres exacts pour les trois dernières années. Je ne veux pas deviner. Je préfère vous fournir les chiffres exacts.

Les réductions budgétaires que nous proposons au ministère dans le cadre de l'examen des programmes devraient entrer en vigueur en 1997 et 1998. Cela représentera une réduction d'environ trois millions de dollars pour le PMVS. Le budget du programme passerait de 27 à 24 millions de dollars environ. Nous avons examiné une longue liste de projets avant d'en arriver à une liste plus courte et de formuler nos recommandations à ce sujet au ministre. Il n'a pas encore pris de décision.

M. Scott: Combien d'emplois ont été supprimés à Ottawa pendant la même période? C'est une chose qui montre à quel point le ministère des Pêches et des Océans s'intéresse au poisson en Colombie-Britannique.

M. Tousignant: Comme je l'ai dit, monsieur Scott, le ministre examine encore la question et n'a pas encore pris de décision.

Le président: Voulez-vous répondre à la dernière question, monsieur Chamut?

M. Chamut: Oui, monsieur le président. Je ne peux pas dire ce qui s'est fait partout dans le ministère, mais je peux parler du secteur dont je m'occupe moi-même, celui de la gestion des pêches, et vous dire que nous avons réduit nos effectifs dans le cadre de l'examen des programmes d'environ 25 p. 100 à Ottawa. Nous l'avons fait la première année parce que nous jugeons que nous devons garantir le bien-être de la ressource et que la meilleure façon de le faire consiste à maintenir les programmes et les services qui visent la mise en valeur et la gestion de la ressource, de même que l'application des règlements.

Nous continuons à examiner nos programmes. Il y aura d'autres compressions des effectifs à Ottawa, et, dans mon secteur, on réduira le nombre de postes de plus de 30 à 35 p. 100. Nous examinons aussi de très près nos frais administratifs, tant à Ottawa que dans les bureaux régionaux, dans des secteurs d'activité où des changements seraient justifiés, par exemple pour garantir une plus grande efficacité et pour nous permettre de mieux concentrer nos efforts sur les aspects de la gestion de la ressource les plus essentiels pour que nous remplissions nos obligations à l'égard de la conservation.

Certains postes ont déjà disparu et, si j'ai bonne mémoire, on réduira les effectifs de tout le ministère d'environ 40 p. 100. Nous savons que nous devons concentrer nos ressources sur les secteurs qui représentent le meilleur investissement. Nous avons déjà réduit de beaucoup le nombre d'emplois dans mon secteur et dans d'autres pour respecter nos engagements à cet égard.

.1645

M. Scott: Monsieur Chamut, vous pourriez peut-être nous donner les chiffres sur le nombre d'employés ici même à Ottawa, disons à partir de 1992 jusqu'à cette année. Vous auriez peut-être aussi l'amabilité de nous dire ce que le coût des services à Ottawa et des bureaux régionaux représente par rapport au budget total du ministère, parce que les données qu'on m'a fournies ne correspondent pas à ce que vous dites. On m'informe que le nombre d'employés du ministère à Ottawa est resté le même, ou a peut-être même augmenté légèrement. C'est ce qu'on m'a dit, et c'est pour cela que je voudrais avoir ces renseignements.

M. Chamut: Je répète, monsieur Scott, que dans mon propre secteur, nous avons réduit nos effectifs de 25 p. 100 pendant la première année de l'examen des programmes et que nous comptons les réduire davantage.

M. Scott: Vous avez réduit votre liste de paye de 25 p. 100?

M. Chamut: Nous avons supprimé des postes, c'est-à-dire des emplois.

M. Scott: Avez-vous réduit votre liste de paye de 25 p. 100?

M. Chamut: Je n'ai pas les chiffres exacts sous les yeux.

M. Tousignant: Ce que vous voudriez sans doute obtenir, monsieur Scott, c'est le chiffre des dépenses totales à l'administration centrale du ministère depuis quelques années, et je vais demander à M. Cole de vous les fournir par l'entremise du sous-ministre adjoint aux services ministériels.

Le président: Devez-vous partir, monsieur Tousignant?

M. Tousignant: Je pense que oui, à moins que vous ne vouliez que je reste plus longtemps.

Le président: Le comité veut-il que M. Tousignant reste plus longtemps?

Vous voudrez peut-être passer la nuit à Ottawa. Sinon, nous pouvons continuer avecM. Chamut.

M. Byrne (Humber - Sainte-Barbe - Baie-Verte): Nous devrions aller dans la région et dépenser notre argent là-bas plutôt qu'ici.

M. Cummins: Avant de laisser M. Tousignant partir, je voudrais lui poser une dernière question.

Le président: Pouvez-vous être bref?

M. Cummins: Je serai bref.

Le président: Allez-y.

M. Cummins: Monsieur Tousignant, je sais que vous êtes un homme d'humeur égale. L'Université de Victoria a dit certaines choses désagréables à propos des critiques du programme de structuration. Vous voudriez peut-être profiter de l'occasion pour faire une mise au point.

M. Tousignant: Je serais ravi de le faire, parce que j'ignore si le The Vancouver Sun a publié ma lettre au rédacteur en chef. J'ai dit que ceux qui prétendent que le plan Mifflin ne favorise pas la conservation font partie de cinq catégories de gens. On a conclu que je voulais parler de tous les adversaires du plan, quelles que soient les raisons de leurs objections.

Je voulais simplement dire que, si l'on examine dans quelle mesure le plan peut favoriser la conservation de la ressource, on voit qu'il peut certainement le faire. C'était la première partie de mes observations. Le journaliste du Vancouver Sun, M. Pynn, a utilisé les qualificatifs que j'ai moi-même employés à propos de ceux qui contestent le fait que le plan aide à la conservation pour décrire tous les adversaires du plan, ce qui n'était nullement mon intention.

Je suis le premier à reconnaître que le plan est rigoureux et que certains s'y opposent sans doute pour des raisons économiques et pour d'autres raisons tout à fait valables et légitimes.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons vous laisser partir.

M. Cummins: Merci.

Le président: Nous allons passer à l'exposé de M. Chamut. Mardi prochain, nous pourrions peut-être avoir avec nous des fonctionnaires du ministère quand nous accueillerons la coalition. Auparavant, s'il y a moyen, nous voudrions aussi avoir des renseignements sur ce qui a mené au plan Mifflin dans les recommandations formulées à l'occasion de la table ronde. Nous fonctionnons quelque peu dans le vide pour l'instant. Nous n'avons pas vraiment de renseignements là-dessus.

M. Tousignant: Très bien.

Le président: Nous préférerions obtenir ces renseignements avant la semaine prochaine pour que nous puissions discuter de façon intelligente avec la coalition quand elle viendra témoigner.

M. Tousignant: Merci, monsieur le président.

Le président: Voulez-vous poser une question, monsieur Bernier?

[Français]

M. Bernier (Gaspé): J'aimerais d'abord m'excuser auprès des témoins parce que je suis arrivé un peu en retard cet après-midi. Je vais relire tous les comptes rendus car je m'intéresse aussi à cette question.

Je tenais à ce que les gens de la région de Vancouver, tels MM. Cummins et Scott, puissent s'exprimer avant moi aujourd'hui, mais sachez que ce ne sera pas la coutume à l'avenir.

.1650

Je voulais être sûr d'entendre M. Tousignant, car il me manquait à moi aussi des documents.

J'aimerais m'assurer auprès de M. Tousignant que, même s'il y en a qui peuvent s'opposer au plan, lui et son ministère seront ouverts à des modifications visant à rationaliser cette pêche, pourvu qu'elles aillent dans le bon sens de l'écologie et de l'économie.

M. Tousignant: Les éléments principaux du plan, soit le programme de rachat de licences, la gestion par secteur, le stacking, - je ne connais pas l'expression française...

M. Bernier: C'est l'étiquetage.

M. Tousignant: Non, c'est le fait d'avoir deux licences si on veut pêcher dans plus d'un secteur de la province de la Colombie-Britannique.

Les grands axes du programme sont fixes, parce qu'il y a actuellement une quantité considérable de personnes dans le secteur des pêches qui prennent des décisions économiques importantes. Donc, il est bien important, dans l'intérêt de ces personnes, de ne pas radicalement changer le plan.

Cela étant dit, on travaille avec un comité directeur de la table ronde qui se transformera en comité de l'industrie et du ministère pour examiner au fur et à mesure les modalités du plan et l'information qu'on lui enverra. Un kit a été envoyé aux pêcheurs et il a été revu avec ces gens-là pour s'assurer que l'information inclue l'input de l'industrie.

[Traduction]

Nous déléguerons quelqu'un de la région à la réunion de la semaine prochaine, monsieur le président.

Le président: Très bien, merci beaucoup.

Monsieur le sous-ministre adjoint, vous avez un exposé à faire avant que nous passions aux questions.

M. Chamut: Merci, monsieur le président. Je voudrais parler un peu d'une autre question qui revêtira à mon avis beaucoup d'importance pour la pêche du Pacifique en 1996.

Comme on vous l'a déjà dit, nous sommes en train d'apporter divers changements à la gestion des pêches. J'ai parlé plus tôt de la baisse des stocks de certaines espèces. J'ai mentionné le saumon quinnat et le saumon rouge du Fraser. Il y aura tout un défi à relever en 1996 parce que ces questions vont être très controversées.

La troisième question qui sera à mon avis tout aussi controversée, c'est celle de l'application du traité sur le saumon du Pacifique. Nous avons encore des problèmes en 1996 reliés à l'application du traité. Il y a pour l'instant deux questions qui nous préoccupent. La première est à court terme et a trait à nos efforts en vue de conclure des ententes de pêche avec les États-Unis en 1996. La deuxième question revêt un caractère moins immédiat et porte sur l'application du soi-disant principe d'équité prévu dans le traité.

Le principe d'équité est l'un des deux principes clés contenus dans le traité. L'autre est la conservation. Ces deux principes partent du fait que les stocks de saumon se mêlent entre eux à cause de leur migration vers le sud. Les stocks des États-Unis se mêlent aux stocks du Canada pendant la migration le long de la côte. Comme le poisson est pêché par les pêcheurs des deux pays, il faut évidemment une forme quelconque de collaboration bilatérale pour garantir une bonne gestion et la préservation des stocks. Selon le principe de la conservation, les deux pays doivent collaborer pour essayer de garantir la conservation des stocks et optimiser la production.

De son côté, le principe d'équité vise à garantir que la pêche pratiquée par les deux pays procure des bénéfices équilibrés. Ce que dit le principe d'équité essentiellement, c'est que chaque pays doit tirer de la pêche des bénéfices qui équivalent à la production du saumon dans ses propres cours d'eau. C'est essentiellement une façon de garantir un équilibre dans les prises des deux pays. Ce principe se fonde sur une notion que je trouve fort raisonnable selon laquelle des règles claires pour la répartition de leurs ressources ne peuvent que faciliter la conservation.

.1655

Les deux principes vont donc de pair. L'équité garantit un équilibre dans le partage de leurs ressources, et la conservation garantit le bien-être à long terme de leurs ressources. De toute évidence, si l'on comprend bien comment se fait le partage, on aura davantage tendance à conserver et à mettre les ressources en valeur.

Depuis la signature du traité en 1985, nous nous sommes vraiment efforcés d'en venir à une entente sur la façon d'appliquer le deuxième principe, celui de l'équité. Jusqu'ici et tout au long du processus de négociation, les États-Unis se sont opposés fermement à la définition de ce principe d'équité.

Depuis la signature du traité, la situation s'est aggravée à cause de deux facteurs. D'abord, le nombre de saumons canadiens interceptés par les pêcheurs américains a augmenté en même temps que le nombre de saumons américains pris par les pêcheurs canadiens a baissé. La conclusion à tirer de ces deux tendances, c'est que, au cours des années, les pêcheurs américains ont pris plus de saumon que leur part légitime alors que les Canadiens en ont pris de moins en moins. Ces conclusions au sujet du déséquilibre dans le niveau des prises actuelles se fondent sur les données bilatérales sur les interceptions. Nous en sommes rendus au point où il est bien évident que les pêcheurs américains tirent des avantages disproportionnés de leurs ressources. Ils pêchent plus de poissons que leurs propres cours d'eau n'en produisent.

On discute de ce problème et on négocie une solution à la Commission du saumon du Pacifique à peu près depuis la signature du traité en 1985. On s'est efforcé de régler le conflit, mais les tentatives de règlement ont échoué au niveau de la Commission du saumon du Pacifique.

Le président: Combien plus de saumon les pêcheurs américains ont-ils pêché qu'ils n'auraient dû le faire? Combien de millions?

M. Chamut: D'après les évaluations les plus récentes, les pêcheurs américains prennent maintenant plus de saumons canadiens que le contraire pour chaque espèce de saumon, et il y en a cinq. Il y a donc un déséquilibre pour toutes les espèces. Si l'on additionne tous les chiffres, on en arrive à environ cinq millions de saumon, ce qui représente environ 70 millions de dollars d'après les calculs canadiens basés sur les chiffres de 1994. C'est donc beaucoup.

Le problème s'est aggravé au cours des années, et le déséquilibre est maintenant très important. Nous avons discuté de la question à la commission du saumon; nous en avons aussi discuté à l'occasion de négociations intergouvernementales quand les pourparlers à la commission du saumon n'ont pas abouti. Nous avons déjà nommé de nouveaux négociateurs et poussé le débat à un niveau plus élevé, mais sans jamais réussir à convaincre les États-Unis que le traité les oblige à adapter leurs méthodes de pêche d'une façon quelconque pour rétablir l'équilibre et respecter le principe d'équité.

Vu qu'aucun progrès n'avait été accompli après bon nombre d'années, les deux parties ont convenu de charger un médiateur de travailler avec le Canada et les États-Unis pour trouver une solution à ce problème très épineux. Le Canada et les États-Unis se sont entendus pour nommer un médiateur, un certain Chris Beeby, un diplomate de la Nouvelle-Zélande possédant certaines connaissances dans ce genre de questions et une certaine expérience des questions reliées à la pêche dans d'autres régions du monde. M. Beeby a été nommé en septembre et mis au courant de la situation par les parties en cause en octobre. Il a par la suite rencontré de nouveau les représentants du Canada et des États-Unis et présenté en janvier une proposition qui, d'après lui, représenterait une façon raisonnable de mettre le soi-disant principe d'équité en application.

.1700

Les autorités canadiennes ont examiné cette proposition et constaté qu'elle représenterait des compromis de la part du Canada et des États-Unis. Néanmoins, nous étions prêts à poursuivre les discussions avec les États-Unis en nous basant sur la proposition du médiateur. Malheureusement, les États-Unis n'étaient pas disposés à accepter de compromis. Après avoir examiné la proposition du médiateur, ils ont signalé que cela ne représentait pas à leurs yeux une base de discussion raisonnable. Ils ont refusé de faire d'autres compromis. En février, le médiateur a donc conclu qu'il ne pouvait rien faire de plus. L'effort de médiation a échoué parce que les Américains n'étaient pas prêts à négocier en fonction de la proposition du médiateur.

Depuis, le Canada presse les États-Unis de trouver d'autres moyens de régler le conflit. Nous avons demandé aux États-Unis d'envisager une méthode de règlement du conflit qui lierait les deux parties. Nous avons proposé au Secrétaire d'État des États-Unis, Warren Christopher, d'avoir recours à l'arbitrage pour régler le différend. Nous attendons encore sa réponse officielle, mais les premières indications ne sont pas favorables. Entre-temps, nous continuons de réclamer l'arbitrage, puisque nous jugeons que ce serait le moyen le plus approprié de régler un conflit de longue date qui pose de sérieux problèmes.

Voilà donc essentiellement où nous en sommes. Nous attendons maintenant une réponse officielle. Nous préconisons l'arbitrage, et nous nous attendons à ce que l'on réagisse bientôt à notre proposition.

L'autre question, qui se pose à court terme, c'est de savoir comment procéder en 1996. Bien que le traité demeure en vigueur, nous devons encore négocier les régimes de pêche pour chaque année. Tels sont les arrangements qui régiront la pêche au cours de la prochaine année.

La Commission du saumon du Pacifique, qui comprend des représentants des gouvernements du Canada et les États-Unis, s'est réunie en janvier et février 1996, et à la fin du mois de mars. Au cours de ces réunions, nous nous sommes attachés à conclure des accords de pêche concernant le saumon coho, le saumon kéta et le saumon rouge du Fraser, ainsi que le saumon quinnat. Ces dernières espèces seront cruciales pour la conclusion d'accords de pêche avec les États-Unis en 1996.

Au Canada même, nous avons - et j'ai mentionné ces problèmes tout à l'heure - des préoccupations très sérieuses concernant les stocks de saumon quinnat sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Nous avons demandé aux gens de l'Alaska qui pêchent cette espèce peu abondante de réduire leur taux de capture pour se conformer aux restrictions qui ont été imposées à leurs homologues canadiens en 1995, et qui se poursuivront en 1996.

À cet égard, les Américains sont assez divisés. Les membres de leur délégation ne s'entendent pas sur le genre d'entente qui doit être proposée pour le saumon quinnat en 1996. Et je dois dire, monsieur le président, que j'ai trouvé une caricature intéressante dans le Vancouver Sun. Je ne sais pas si les gens l'ont vue, mais il y avait un certain nombre de pêcheurs qui se tenaient debout, et l'un d'entre eux tenait un poisson. Ce pêcheur avait un T-shirt portant l'inscription «Alaska». La légende disait: «Vous pouvez conserver ceux que je n'attrape pas.» À mon avis, cette caricature résume assez bien le débat qui existe actuellement au sein de la délégation des États-Unis. Il existe beaucoup de dissension sur la façon dont les gens de l'Alaska devraient gérer le saumon quinnat en 1996. À cause de ces dissensions internes, les États-Unis n'ont pas encore de position sur laquelle ils peuvent négocier avec nous en ce qui concerne le saumon quinnat.

.1705

J'ai parlé au président de la section américaine cette semaine. Nous avons préconisé la poursuite du débat pour essayer de régler le problème. Je m'attends à ce que les États-Unis nous disent ce qu'ils pensent du saumon quinnat et de certains autres arrangements. Nous allons nous réunir au début de mai. Une fois que nous connaîtrons la position des États-Unis en cette matière, nous l'examinerons et chercherons à conclure une entente sur les taux de capture en 1996.

Dans le cadre de ces discussions, notre objectif est de conclure des ententes qui sont d'abord et avant tout conformes aux objectifs canadiens en matière de conservation, car en 1996 ces objectifs sont très importants. Nous voulons aussi négocier des ententes qui n'aggraveront pas le déséquilibre en matière d'interception, déséquilibre qui est au coeur même du différend sur l'équité.

Nous allons poursuivre les discussions avec nos homologues américains au cours de la première ou de la deuxième semaine de mai.

Le président: Monsieur Scott.

M. Scott: Monsieur Chamut, je ne suis pas avocat. Peut-être pouvez-vous m'aider un peu. Quand deux pays signent un traité, ce traité n'est-il pas un contrat ou une entente qui lie les deux pays?

M. Chamut: Monsieur Scott, je ne suis pas avocat non plus.

Je pense qu'il s'agit essentiellement d'une question d'interprétation. En effet, tout le monde a conclu ce traité en croyant exactement ce que vous venez de dire, à savoir que l'accord devrait lier les deux parties. Les États-Unis ont une interprétation très différente du principe que l'on appelle «équité».

Par conséquent, même si nous aimerions forcer les États-Unis à respecter leurs obligations en vertu de ce traité, il me semble que, juridiquement parlant - et une fois de plus, je le dis sans être avocat - il n'existe aucun tribunal ultime auquel on peut recourir pour obliger les États-Unis à honorer ce que nous considérons comme étant leurs obligations, à moins de faire appel à la Cour internationale de justice; celle-ci est un instrument que l'on peut utiliser ou auquel on peut faire appel pour régler une question comme celle-ci, uniquement quand les États-Unis acceptent de se soumettre à sa compétence, mais je ne pense pas qu'ils accepteront. Par conséquent, nous devons continuer à négocier et à insister autant que possible pour trouver une solution qui nous soit acceptable.

M. Scott: Permettez-moi de poser une autre question. Le Canada et les États-Unis ont accepté un médiateur dont la médiation sera non exécutoire. Sauf erreur, il s'appelle Christopher Beatty.

M. Chamut: Beeby.

M. Scott: Beeby. Il a accepté de faire la médiation. Il est venu de la Nouvelle-Zélande en Amérique du Nord, il a consacré énormément de temps et d'efforts à son travail, il a rédigé un rapport, si j'ai bien compris, et il l'a déposé. Dès que la délégation américaine a lu le rapport, elle s'est retirée de la médiation. M. Beeby a plié bagage et est rentré chez lui.

J'ignore si les faits sont exacts, mais c'est tout ce que je sais. Vous pouvez me corriger si je me trompe.

Je n'ai jamais vu le rapport de M. Beeby, ni ses recommandations. En Colombie-Britannique surtout, je pense que les pêcheurs sportifs et professionnels aimeraient vraiment savoir ce queM. Beeby avait à dire.

Je vais donc vous demander si les faits que j'ai présentés sont essentiellement exacts. Dans le cas contraire, pourriez-vous les corriger? Deuxièmement, pouvez-vous nous dire à quel moment nous pourrions voir un exemplaire du rapport et des recommandations de M. Beeby?

Il existe un autre tribunal, celui de l'opinion publique. Si l'on peut montrer à nos amis américains que dans ce cas-ci les pêcheurs commerciaux de l'Alaska sont déraisonnables, nous pourrions gagner quelques batailles à cet égard.

M. Chamut: Merci, monsieur Scott. Je pense que vous avez raisonnablement bien résumé les choses.

Le médiateur a effectivement déposé une proposition. Je dois insister sur le fait que cette proposition exigeait que les deux pays en arrivent à un compromis. Le Canada était prêt à travailler dans ce cadre pour négocier une entente. Les États-Unis ont carrément refusé. Ils n'étaient pas disposés à donner suite à la proposition du médiateur. Celui-ci a estimé qu'il ne pouvait pas continuer son travail, puisque les États-Unis ne voulaient pas travailler dans un cadre qu'il considérait comme étant un compromis raisonnable.

.1710

Je confirme donc les faits que vous avez présentés.

En ce qui concerne le rapport préparé par l'ambassadeur Beeby, il a fait l'objet d'un certain nombre de demandes de publication. Lorsque les deux parties ont nommé le médiateur et fixé son mandat, elles se sont entendues sur le fait que les rapports ou les documents relatifs au processus de médiation seraient confidentiels, à moins que les parties ne s'entendent pour les publier.

Par conséquent, tout ce que je peux vous dire, c'est que je comprends l'intérêt que suscite ce rapport, mais le gouvernement est lié par l'entente qu'il a conclue avec les États-Unis et qui stipule que ces documents ne seront publiés qu'avec l'accord des deux parties. Voilà essentiellement où nous en sommes.

M. Scott: Monsieur Chamut, étant donné que je suis membre de ce comité depuis longtemps, je me souviens que j'ai reçu une note d'information de la part de votre ministère il y a quelque temps. Je ne sais pas si vous étiez là, mais il y avait certainement des hauts fonctionnaires de votre ministère qui comprenaient très bien cette question. Ils sont venus témoigner devant le comité et ont parlé des stocks de poisson.

Je ne sais pas si certains députés ici présents comprennent vraiment la quantité de poisson dont il s'agit, mais elle est importante.

À l'intention des députés, pourriez-vous nous donner des détails sur la quantité de saumon coho, de saumon rouge, etc., que l'on trouve dans la rivière Skeena, sur les statistiques de votre ministère, les augmentations de stock et les écarts annuels par rapport au principe d'équité? La dernière fois, vous avez utilisé des graphiques qui, à mon avis, étaient très bien conçus. Cela pourrait aider les membres du comité à comprendre la question.

M. Chamut: Le président a demandé quelle était l'ampleur du déséquilibre en matière d'interception. J'ai répondu qu'il était d'environ cinq millions de saumons au total pour les cinq espèces, ce qui représentait à peu près 70 millions de dollars en 1994.

J'ai ici les documents dont vous avez parlé, c'est-à-dire certains graphiques que le ministère a dessinés et qui illustre les différences entre les deux parties en matière d'interception. Avec la permission du président, je pourrais vous en fournir des exemplaires qui pourraient vous aider à mieux comprendre ce que j'ai dit ici. Il s'agit d'une illustration graphique de toute la question.

M. Scott: C'est là que je voulais en venir. Je me souviens des diapositives que le ministère a utilisées par le passé. Il s'agissait d'un excellent exposé. Il nous a été très facile de voir graphiquement l'ampleur du problème.

M. Chamut: Si vous le permettez, monsieur le président, je remettrai un exemplaire de ce document au greffier.

Le président: À votre avis, qu'est-ce qui va se passer? Les Américains savent qu'ils tuent impunément. Ils savent que n'importe quel médiateur donnera raison au Canada, car en vertu de l'ancien traité ils en prennent plus et nous moins. Pensez-vous qu'on réglera un jour ce problème sans que nous nous résignions à donner nos ressources aux Américains simplement à cause d'un traité? Quelle sera l'issue de ce problème à court et à long terme?

M. Chamut: Comme je l'ai dit, en ce qui concerne le Canada, la meilleure solution, c'est d'avoir avec les États-Unis un mécanisme de règlement des différends qui soit exécutoire. Personnellement, je suis sûr que le Canada s'en sortirait bien. Je crois que nous avons un bon dossier.

Le président: En vertu de quoi?

M. Chamut: Quand vous verrez l'information, vous en conviendrez.

Le président: En vertu de l'Accord commercial Canada-États-Unis? En vertu de quoi? Tout simplement une entente exécutoire...?

M. Chamut: Dans la proposition, on demande aux États-Unis de soumettre cette question à un arbitrage exécutoire. Toutefois, en supposant qu'ils acceptent, cela se ferait probablement en fonction de règles semblables aux mécanismes de règlement des différends qui existent dans d'autres ententes bilatérales. Une telle entente ne serait pas assujettie à l'ALENA ni à d'autres accords semblables, car ils n'ont aucun rapport avec le traité.

.1715

L'approbation des États-Unis est nécessaire, et nous voulons continuer à faire pression en faveur d'une solution négociée. La question est trop importante pour qu'on l'ignore tout simplement et qu'on maintienne le statu quo, car en ce moment-ci il ne s'agit pas seulement d'une perte économique pour les collectivités côtières et les pêcheurs de la Colombie-Britannique; cela crée aussi beaucoup de tension dans le cadre d'un traité qui a été conclu pour assurer la conservation et la viabilité des stocks à long terme.

Pour cette raison, je pense qu'il incombe aux deux parties de trouver une solution propice à nos intérêts mutuels en matière de conservation. Je suis sûr qu'avec le temps nous serons en mesure de conclure une entente à ce sujet, mais je dois reconnaître qu'à mon avis cette solution ne sera pas immédiate. Il va falloir déployer continuellement des efforts pour pouvoir régler la question de façon acceptable pour le Canada et les pêcheurs canadiens.

Le président: Ainsi donc, étant donné que nous sommes la souris voisine de l'éléphant, il n'existe aucun endroit où nous puissions aller pour obliger ces gens-là, aux yeux du monde entier, à en arriver à une entente quelconque.

M. Chamut: Je pense qu'une partie importante de la stratégie canadienne, à laquelle M. Scott a fait allusion, réside dans la nécessité d'exposer publiquement les agissements des États-Unis. Dans certains cas, nous pourrions citer les cas où ils n'ont pas respecté les objectifs en matière de conservation et où leurs interceptions ont augmenté de façon spectaculaire par rapport aux interceptions canadiennes. Il nous faut conclure des alliances avec des groupes américains qui partagent la position canadienne. Compte tenu de la façon dont la question a évolué, je pense que nous pouvons profiter du fait que la position canadienne est très forte et irrésistible pour en démontrer la justesse.

Le président: Monsieur Scott.

M. Scott: Je sais que mon collègue a quelques questions à poser, mais j'en ai une brève.

Monsieur Chamut, peut-être pourriez-vous y répondre à l'intention du comité. Une fois de plus, je ne sais pas si tous les faits dont je dispose sont exacts, et corrigez-moi si je me trompe, mais je pense qu'au cours des 15 dernières années environ le Canada a travaillé de concert avec les États-Unis pour décourager l'interception des stocks de saumons américains et canadiens en haute mer. Je pense aussi que l'industrie de la pêche commerciale au saumon en Alaska est beaucoup plus importante que la nôtre. En effet, la nôtre représente une fraction de la leur, en ce qui concerne les stocks de saumon du Pacifique.

Je pense également que les deux pays ont essentiellement réussi à faire conclure une entente internationale mettant fin à la pêche au saumon du Pacifique en haute mer. C'est l'Alaska qui a profité de cet effort conjoint des deux pays dans la mesure où les prises annuelles dans le secteur de la pêche commerciale en Alaska sont passées de 30 millions de poissons à près de 200 millions de poissons au cours des 10 dernières années.

Mes chiffres ne sont peut-être pas exacts au million près, mais cela vous donne une idée générale du phénomène. D'après les informations que j'ai reçues, les pêcheurs commerciaux de l'Alaska en ont certainement beaucoup profité au cours des 10 dernières années. De plus, par souci d'équité, signalons que leurs programmes de conservation et d'amélioration ont très bien fonctionné. Je ne veux pas dire qu'ils ne se sont pas occupés de leur propre secteur, mais ils ont profité de cette entente internationale interdisant la pêche au saumon en haute mer.

Ils ont réussi à le faire, de concert avec le Canada, pendant qu'ils exerçaient des pressions sur d'autres pays à cet égard.

.1720

Pouvez-vous donner au comité une idée de la véracité de cette information et nous dire si le MPO a la même perspective des choses?

M. Chamut: Monsieur Scott, je pense que vos chiffres, si l'on s'en tient à la moyenne, ne sont probablement pas si loin de la vérité, car je sais qu'en Colombie-Britannique les pêches représentent normalement 15 p. 100 environ de celles de l'Alaska, en supposant que nous prenons habituellement entre 30 et 40 millions de poissons chaque année. En Alaska, on pêche environ 200 millions de poissons au total par an, et non pas seulement dans la partie sud-est de la région; l'essentiel des prises provient du golfe de l'Alaska et de Bristol Bay.

Je pense que vos chiffres sont globalement proches de la réalité, et je conviens qu'en particulier l'Alaska a profité de l'interdiction de la pêche au saumon en haute mer.

Mon unique question est de savoir dans quelle mesure la pêche en haute mer aurait permis de prendre des poissons provenant de l'Alaska. Je n'ai pas de réponse à cette question, car je pense que la production en Alaska découle d'un certain nombre de facteurs. Elle reflète l'engagement d'essayer de rétablir les stocks. Elle reflète l'engagement d'améliorer les conditions de pêche et de créer, dans la région de l'Alaska, des conditions océaniques assez favorables pour les saumons roses et rouges, car on a obtenu d'excellents résultats pour la production de saumons rouges à Bristol Bay.

D'une manière générale, je conviens que l'Alaska a bénéficié de cette situation. J'ignore dans quelle mesure on peut quantifier ce bénéfice, car je ne sais pas si quelqu'un a vraiment compris toute l'ampleur de la pêche en haute mer, parce qu'elle n'est pas nécessairement bien surveillée, et il n'existe pas beaucoup de documents là-dessus.

[Français]

M. Bernier: J'ai deux courtes questions à poser au sous-ministre adjoint.

M. Scott a fait référence à ce que le ministère des Pêches et des Océans nous avait donné par rapport à un problème de saumon qu'on avait connu l'année dernière sur la côte ouest. Monsieur Chamut, quel est le lien entre votre et le ministère des Affaires étrangères? Est-ce vous, comme entité, qui négociez cette chose-là ou est-ce le ministère des Affaires étrangères, dont le patron est M. Axworthy?

Deuxièmement, je ne sais pas comment fonctionne le pouvoir législatif dans les États américains, mais en ce qui a trait à l'Alaska, j'aimerais savoir si la gestion des pêches est un pouvoir dévolu à l'État ou si, comme au Canada, c'est un pouvoir central. Cela m'aiderait à suivre le reste de la discussion.

J'ai compris le sens de votre réponse sur la possibilité d'organiser une campagne médiatique pour que les Américains comprennent.

[Traduction]

M. Chamut: Merci, monsieur le président. En ce qui concerne votre première question, la responsabilité de négocier les accords de pêche en vertu du traité incombe au ministère des Pêches et des Océans. La négociation se fait au sein de la Commission su saumon du Pacifique, qui est un groupe de huit Canadiens, dont deux viennent du ministère des Pêches et des Océans, six de la Colombie-Britannique - pêcheurs commerciaux, Autochtones et pêcheurs sportifs - dont un du gouvernement provincial. C'est ce groupe qui est chargé de négocier les accords de pêche, et il relève du ministre des Pêches et des Océans.

Pour ce qui est des autres questions sur lesquelles nous avons des difficultés avec les États-Unis et n'avons pas réussi à conclure un accord de pêche, le débat dépasse souvent la Commission du saumon du Pacifique et devient une question d'importance bilatérale. À ce moment-là, il faut organiser des consultations à des niveaux très élevés entre Ottawa et Washington, et, dans ces circonstances, l'ambassade du Canada à Washington prend l'affaire en main et travaille en collaboration très étroite avec le ministère des Pêches et des Océans.

.1725

Notre rôle consiste essentiellement à expliquer les questions et à nous occuper des aspects techniques. Le personnel des Affaires étrangères travaille souvent avec ses homologues à Washington pour promouvoir la position du Canada. La collaboration est très étroite, et je pense que nous avons réussi à concilier les aspects techniques et diplomatiques de la question. Par conséquent, cela a fonctionné et continue de fonctionner aujourd'hui.

Quant à votre deuxième question sur la gestion des pêches aux États-Unis, elle est beaucoup plus compliquée aux États-Unis qu'au Canada. Contrairement à ce qui se passe chez nous, le gouvernement fédéral américain n'a aucun pouvoir sur la gestion des stocks de saumon. Sa compétence commence à trois milles de la côte. Chaque État côtier contrôle une zone de trois milles. Une grande partie de la pêche se déroule dans cette zone; par conséquent, la gestion en incombe aux États.

Maintenant, je pense que vous comprenez qu'il est extrêmement compliqué d'établir les compétences des uns et des autres. C'est pour cette raison que le gouvernement fédéral américain a souvent du mal à négocier d'une seule voix face au Canada. Du côté américain, chaque partie a ses propres intérêts à défendre, qu'il s'agisse de l'Alaska, de l'État de Washington ou de l'Oregon. Par conséquent, il devient très difficile pour le gouvernement des États-Unis de présenter au Canada une position de négociation commune.

Tout à l'heure, j'ai parlé de la difficulté de régler la question du saumon quinnat. L'Alaska n'est pas d'accord avec l'État de Washington, et, par conséquent, le gouvernement fédéral n'est pas en mesure de venir négocier efficacement avec le Canada. Je pense que c'est à cause de cette structure et de la difficulté d'obtenir une position américaine commune que nous avons connu beaucoup de difficultés en 1996 dans la mise en oeuvre de nombreuses dispositions du traité.

Le président: Nous aurons une brève intervention sur le même sujet. Harold, avez-vous une question brève? Ensuite, nous allons terminer avec John. Nous sommes déjà en retard.

[Français]

M. Bernier: M. le sous-ministre adjoint a allumé une autre lumière rouge dans ma tête. On m'a dit, et cela a une certaine importance, qu'on devait reprendre le travail sur la Loi sur les océans en Chambre vendredi, je crois.

Le sous-ministre adjoint me répond qu'aux États-Unis, les choses ne fonctionnent pas de la même façon qu'au Canada. Les États-Unis ont-ils signé la nouvelle convention du droit de la mer? Dans cette convention, on fait référence à un vocabulaire que l'on tente de généraliser de par le monde. On présente la Loi sur les océans en Chambre pour que le Canada se conforme à cette nouvelle appellation. Si les États-Unis ont déjà signé, comment se fait-il que dans leur définition du droit de la mer, ils s'entendent pour dire que les trois milles marins relèveront de la juridiction de l'État central et qu'à l'intérieur, cela relèvera des États côtiers, alors qu'ici, au Canada, cela relèvera de l'État central?

Ma question est peut-être politique, mais est-il préférable d'harmoniser le vocabulaire qu'on a emprunté de la convention du droit de la mer pour l'inclure dans la Loi sur les océans et ce qu'ont adopté les États-Unis, ce qui fera en sorte qu'il y aura moins d'interlocuteurs autour de la table? Cela veut dire que la Colombie-Britannique négociera avec ses voisins proprement dits.

.1730

Je reviens à ma première question. Les États-Unis ont-ils signé la Convention du droit de la mer?

[Traduction]

M. Chamut: Malheureusement, je ne sais pas s'ils ont signé ou non, et je ne voudrais pas faire de conjectures. Toutefois, je dirais que les compétences du Canada en matière de pêche sont manifestement assez différentes de celles des États-Unis, et je ne ferai pas nécessairement de lien entre la responsabilité du droit de la mer et la responsabilité de la gestion des pêches.

Au Canada, c'est au gouvernement fédéral qu'il incombe de gérer la pêche côtière et intérieure. Du point de vue constitutionnel, les États-Unis ont manifestement traité la gestion des pêches de façon assez différente.

Je ne pense pas que le lien avec le droit de la mer soit tout à fait pertinent dans ce domaine précis, ce qui a suscité votre question relative à la situation de l'Alaska et des États de Washington et de l'Oregon en vertu du traité.

Le président: Harold.

M. Culbert: Monsieur Chamut, je n'ai pas bien compris votre description du saumon provenant des cours d'eau de la Colombie-Britannique ou de l'Alaska. Si les prises de l'Alaska sont de loin supérieures aux quotas fixés dans l'accord, ce saumon vient-il des cours d'eau de la Colombie-Britannique? La reproduction du saumon dans les cours d'eau de la Colombie-Britannique est-elle en train de diminuer tandis que la production dans les cours d'eau de l'Alaska est en train d'augmenter? Je n'ai pas bien compris cette partie de votre intervention. Veuillez éclairer ma lanterne.

M. Chamut: En fait, la productivité du saumon canadien augmente. La pêche au saumon survient au cours de sa migration du nord vers le sud. Le saumon revient à la côte à l'âge adulte, et à ce moment-là la pêche est régie par diverses instances. La pêche commence en Alaska parce que c'est le territoire situé le plus au nord. Là-bas, on pêche des stocks composés de poisson venant du Canada et de l'Alaska et se dirigeant vers les États de Washington et de l'Oregon. Et l'on constate que la production canadienne augmente, et que la pêche des stocks canadiens par les Américains augmente proportionnellement. En raison de sa position géographique, l'Alaska fait beaucoup d'interceptions.

Signalons aussi que, jusqu'en 1994, la production canadienne dans le fleuve Fraser a augmenté également. Le fleuve longe la frontière méridionale avec les États-Unis, et les saumons rouges et roses qui s'y dirigent sont interceptés par les pêcheurs américains de l'État de Washington et de l'Oregon. Ainsi, la production canadienne augmente, et par conséquent les interceptions américaines augmentent également en raison de l'abondance accrue.

M. Culbert: Mais nos prises diminuent.

M. Chamut: Les prises canadiennes n'ont pas diminué jusqu'à une époque récente. En effet, jusqu'au début de 1995, les pêcheurs canadiens ont probablement connu leurs 10 meilleures années de production pratiquement depuis le début du siècle. Je pense qu'entre 1985 et 1994 la production canadienne de poisson provenant de cours d'eau canadiens était plus importante, de même que l'interception de ce poisson par les pêcheurs américains pendant sa migration vers les cours d'eau canadiens via les eaux américaines. Le problème s'est aggravé à cause du déclin des stocks américains.

Ainsi donc, les pêcheurs américains attrapent davantage de nos poissons. Nous attrapons moins des leurs. La balance est doublement déficitaire pour le Canada. Cela suscite un plus grand déséquilibre au chapitre des interceptions qui favorise considérablement les États-Unis. C'est pour cela que nous avons ce problème. Le Canada recherche une solution et veut amener les États-Unis à respecter leurs obligations en vertu du traité pour s'assurer que chaque partie obtienne des avantages équivalents à la production de poisson dans ses propres cours d'eau.

.1735

M. Culbert: Je pense que le président a fait allusion à l'image de l'éléphant et de la souris. En fait, d'après ce que vous venez de dire en réponse à une question antérieure, notre cas ne rappelle pas vraiment celui de l'éléphant et de la souris. Il s'agit plutôt de deux ou trois autres souris d'égale grandeur, car nous avons affaire aux États de Washington, de l'Oregon et de l'Alaska. S'agit-il des trois principaux domaines de préoccupation aux États-Unis? Le problème se pose donc à leur niveau en raison de leur compétence sur la zone côtière de trois milles dont vous avez parlé.

Très souvent, quand on négocie, on doit trouver quelque chose dont la partie adverse a désespérément besoin et que l'on pourrait utiliser comme tactique de négociation. Je présume qu'il y a des choses que l'Alaska souhaiterait, et je présume qu'il en va de même pour l'État de Washington et de l'Oregon. À mon avis, il nous incombe de savoir quelles sont ces choses et de chercher à obtenir un compromis juste et équitable, car si j'étais à leur place, je n'aurais aucun avantage à conclure une entente. Je ne serais pas non plus d'accord avec le Canada. Les Américains ne sont pas obligés de choisir. Ils disposent de tous les avantages; par conséquent, pourquoi changeraient-ils si nous ne les incitions pas d'une manière ou d'une autre?

M. Chamut: Je conviens que vous avez bien cerné le problème. Pour négocier une entente, il faut trouver un élément sur lequel on peut commencer la négociation. Malheureusement, dans la situation actuelle, l'Alaska veut plus de poisson et les gens du Sud aussi. En même temps, ils aimeraient que le Canada intercepte moins leurs stocks. À mon avis, cela signifie que le Canada doit perdre sur toute la ligne.

Les trois principaux groupes sont l'Alaska, les États combinés de Washington et de l'Oregon, plus les tribus de l'État de Washington et de l'Oregon qui ont un intérêt et une responsabilité en matière de gestion dans ces deux États. Le problème dans la présente situation, c'est que ces trois groupes ont chacun un droit de veto sur la position que peuvent adopter les États-Unis. Il est donc très difficile d'en arriver à un compromis qui puisse résoudre les différends.

Essentiellement, les gens de l'Alaska ne sont pas prêts à céder quelque partie que ce soit de leurs captures au profit des gens de l'État de Washington et de l'Oregon. C'est la raison pour laquelle dans cette affaire le Canada a incité le gouvernement fédéral des États-Unis à jouer un rôle de leadership et à faire face à ses responsabilités en tant que partie à un traité conclu avec le Canada. Le gouvernement fédéral américain doit donc jouer un rôle de chef de file et s'assurer que ses obligations en vertu du traité sont donc respectées, parce que le problème actuellement aux États-Unis, c'est que la question est devenue très régionalisée.

En d'autres termes, nous sommes en présence de trois groupes n'ayant aucune incitation à faire des compromis. C'est devenu un obstacle grave à l'application d'un traité que les deux parties estimaient dans le meilleur intérêt de la ressource au départ. Ultimement, les intéressés dans les deux pays essayaient de rétablir l'équilibre qui avait été prévu à la signature du traité.

Le président: Avant de terminer avec M. Cummins, j'annonce qu'après la réunion de mardi prochain, où nous entendrons la coalition de la Colombie-Britannique, nous discuterons de nos travaux futurs. Nous nous sommes entendus pour examiner la LSPA il y a un mois. Nous devrons essayer d'établir notre programme de travail pour les semaines qui viennent.

Voulez-vous poser les dernières questions, John?

M. Cummins: Je n'en ai que deux. Avant de les poser, cependant, j'aimerais rappeler que les pêches de l'Alaska allaient très mal avant l'imposition de la limite de 200 milles. L'établissement de la limite à 200 milles a permis à l'Alaska d'exclure le Japon, le Canada et d'autres pays des pêches de la mer de Béring et du golfe de l'Alaska. Ces pays pêchaient abondamment le poisson de l'Alaska. La ressource a eu un formidable regain de vie depuis. Et encore récemment, nous avons conjugué nos efforts en vue de nous débarrasser des bateaux qui pêchent au filet dérivant. Il y a donc eu une certaine coopération.

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Notre problème, en tant que Canadiens - et votre choix de mots dans votre témoignage, Pat, le laisse entendre - c'est que nous voulons négocier avec les États-Unis tandis qu'en réalité, comme nous le savons, nous sommes en présence de quatre groupes qui ont chacun un droit de veto: l'Alaska, l'État de Washington et de l'Oregon ainsi que les tribus autochtones du Nord-Ouest. Notre problème, c'est que nous avons tenté de négocier avec ces groupes en les considérant comme un tout.

Je pense que nous aurions dû adopter une attitude plus professionnelle face à la problématique, un peu comme nous l'avons fait dans les négociations relatives aux stocks chevauchants et aux espèces migratoires sur la côte est, sachant que nous avions affaire à quatre groupes différents et que nous devions essayer de trouver des intérêts communs à ces quatre groupes pour les rapprocher.

Je suis encouragé par la nomination de M. Fraser en tant que négociateur spécial. Je pense que c'est la première mesure positive que je vois depuis des années dans cette affaire du traité canado-américain sur le saumon. J'ose espérer que ma lettre au premier ministre au début de mars recommandant sa nomination y a été pour quelque chose. Cela dit, pouvez-vous nous donner une idée des paramètres du mandat de l'ambassadeur Fraser?

M. Chamut: Certainement. Vous avez parlé plus tôt de la nomination de M. Fraser dans le contexte de la négociation. Je précise au départ qu'il n'est pas nommé pour négocier de nouvelles ententes. Le Canada a déjà son négociateur en la personne de son ancien ambassadeur aux Nations Unies, Yves Fortier; il continuera de jouer le rôle de négociateur du Canada auprès des États-Unis. Le rôle de M. Fraser consiste à suppléer aux efforts des ministres, des fonctionnaires et de M. Fortier; il doit essayer de faire valoir la position du Canada, d'attirer l'attention sur la question.

Pour faire écho à ce qui a été dit dans les médias et dans le cadre de la stratégie de communication, le rôle de M. Fraser sera celui d'un ambassadeur représentant les intérêts canadiens. Il s'attachera à mieux faire comprendre la question, à expliquer la position du Canada, à compléter le travail effectué par les ministres en vue d'attirer l'attention sur la question et à mobiliser l'opinion publique ainsi que le milieu diplomatique pour la recherche d'une solution au dilemme.

M. Cummins: Je dois dire que je suis déçu que son mandat soit si limité. Je pense qu'il est grand temps que nous ayons un négociateur sur la côte ouest - remarquez bien que je ne veux rien enlever à M. Fortier - qui puisse vraiment régler le problème, qui n'éprouve pas de choc culturel à sa descente d'avion à Vancouver. M. Fraser connaît très bien le domaine et est l'homme tout désigné pour effectuer le travail.

Je reviens cependant à un autre point que vous avez mentionné à quelques reprises aujourd'hui, soit votre préoccupation pour le saumon quinnat et son retour sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Nous savons que ce poisson est pêché en Alaska, en grand nombre dans la région de Noyes Island. L'est-il au Canada également?

M. Chamut: Le poisson dont je parle est pêché dans un certain nombre de régions. Vous avez fait allusion à la pêche à la traîne aux États-Unis ou en Alaska, dans la région du Sud-Est. Un assez fort pourcentage des prises par le passé provenaient des stocks de la côte ouest de l'île de Vancouver. Lorsque les stocks étaient nombreux, les prises pouvaient atteindre 60 000 saumons quinnats et plus sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Il y a donc eu des prises importantes dans cette région, et c'est la raison pour laquelle nous nous inquiétons de la pêche de l'Alaska et de la situation de ces stocks en 1996.

Autrement, ces stocks sont capturés par les pêcheurs sportifs dans le nord des îles de la Reine-Charlotte. Ils sont également pêchés à la traîne sur la côte nord, et dans une certaine mesure sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Je me souviens que lorsque ces stocks étaient nombreux, au début des années 1990, il y avait probablement de 40 000 à 70 000 saumons quinnats pêchés à la traîne sur la côte ouest de l'île de Vancouver.

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M. Cummins: Revenons sur cette pêche sportive dans les îles de la Reine-Charlotte, l'île Langara en particulier. L'été dernier - je suis sûr que vous êtes au courant de mes démarches relativement à cette affaire - certaines entreprises de pêche sportive dans les îles de la Reine-Charlotte ont refusé de signaler leurs prises au MPO.

Un récent article de journal faisait dire à un de vos hauts fonctionnaires que la situation n'avait été que temporaire. D'après les documents que j'ai reçus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, cependant, le problème a duré tout l'été 1995, et a même pu débuter en 1994.

Il y a eu un problème en particulier avec Oak Bay Marine Group, dont le président, Bob Wright, est connu de certains membres de ce comité. L'entreprise de M. Wright a refusé de signaler ses prises. M. Wright a même déclaré récemment dans le Vancouver Sun:

Les stocks de saumon quinnat déclinaient, et le ministère s'en inquiétait. Le ministère souhaitait tout au moins réduire les prises. Ces gens ont refusé de fournir les chiffres sur les prises et s'en sont tirés.

Si je vous refusais l'accès à mon bateau ou si j'en refusais l'accès aux agents des pêches, je serais arrêté, comme je l'ai d'ailleurs été l'été dernier lorsque j'ai enfreint certains règlements sur les pêches. M. Wright, pour sa part, semble jusqu'ici avoir évité ce sort. Pouvez-vous me dire pourquoi ce monsieur et son entreprise - qui ont admis avoir refusé de coopérer - n'ont toujours pas fait l'objet d'accusations?

M. Chamut: Monsieur Cummins, de la façon dont je comprends ce qui s'est passé à ce moment-là, nous étions en train de réduire les quotas, et plusieurs exploitants craignaient que leurs clients ne fassent une moins bonne pêche à la suite de cette mesure.

À un certain moment au cours de la saison, lorsque nous avons introduit une limite réduite, les exploitants de camps de pêche - il y en avait un certain nombre, sans nommer qui que ce soit - ont indiqué qu'ils ne coopéreraient plus avec le MPO et ne fourniraient plus de chiffres sur les prises. Le ministère a envoyé des agents dans les camps et a écrit à leurs exploitants pour leur demander de l'information, laquelle a été fournie à la satisfaction du ministère par la suite.

M. Cummins: C'est quand même une situation qui a duré pendant un certain temps. Elle a duré tout l'été.

Il s'agissait de l'article 61?

M. Chamut: Je crois, oui.

M. Cummins: Des avis ont été envoyés à ces camps. Il semble qu'on ait employé deux poids, deux mesures.

Un de vos agents des pêches... Un des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information indique, relativement au refus de l'accès, et je cite ici un document du MPO sur l'application de la loi le long de la côte nord, en date du 18 juillet 1995:

Quelles étaient ces pressions politiques exercées à l'endroit du ministère à l'époque?

M. Chamut: Je n'en ai malheureusement aucune idée, monsieur Cummins.

Il pouvait s'agir simplement dans ce contexte de lettres exprimant des préoccupations au sujet de l'impact des mesures prises par le ministère sur ces entreprises. Je répète que nous avions institué un programme de conservation, que nous souhaitions avoir l'information pertinente et que nous n'avions pas reçu cette information.

M. Cummins: Vous aviez besoin de cette information, mais elle vous était refusée. L'exploitant que j'ai mentionné, dans une lettre de son avocat à M. Tousignant, refusait de participer au programme de micromarque magnétisée codée, un programme de conservation, un outil de gestion de la ressource.

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Je crois comprendre, d'après ce que vous dites, que nous ne pouvons pas nous attendre à ce que M. Wright ou Oak Bay Marine Group fassent bientôt l'objet d'accusations.

M. Chamut: Je ne crois pas que des accusations soient envisagées. Je ne pense d'ailleurs pas qu'il y ait matière à accusations, puisque l'information a été communiquée au ministère.

M. Cummins: Vous avez également parlé - je me dois d'y revenir - d'une gestion plus complexe aux États-Unis. Essentiellement, ce dont il s'agit, c'est d'une gestion partagée; dans l'État de Washington, elle est partagée avec les groupes autochtones qui ont droit de regard sur la gestion.

C'est un facteur qui nous a compliqué la vie. Comme vous le dites, il a rendu la gestion de la ressource plus complexe. Malgré tout, nous avons tendance à adopter la même orientation chez nous. Nous créons des tas de groupes de gestion, et, à mon avis - c'est également l'avis d'autres personnes, y compris M. Fraser dans son rapport de 1994 - nous minons ainsi le pouvoir du MPO de gérer la ressource. Pourquoi voudrions-nous adopter cette politique?

M. Chamut: Je voudrais d'abord préciser que ce que nous sommes en train de faire actuellement n'a rien à voir avec le système américain. Le ministère parle simplement de partager certaines de ses responsabilités en matière de gestion avec divers groupes. Nous avons conclu des partenariats avec des groupes comme les pêcheurs de flétan et de morue charbonnière permettant à ces pêcheurs de participer davantage à la prise de décisions. Nous avons également conclu une entente avec des groupes autochtones, pour qu'ils aient davantage leur mot à dire.

La différence essentielle entre la conclusion de ces partenariats et de ces ententes par rapport à ce qui se fait aux États-Unis, c'est que le ministère des Pêches et des Océans garde la responsabilité, le pouvoir et la compétence en matière de gestion. Le ministère ne cède pas sa responsabilité pour ce qui est des niveaux d'application. Il décide des ententes en matière de prises. Il décide de toutes les ententes d'application.

Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire qu'à l'instar des États-Unis le régime de gestion devrait devenir plus complexe ici aussi.

M. Cummins: Je ne suis pas d'accord avec vous. Je pense que le ministère a abandonné sa responsabilité. Si j'avais un peu plus de temps, je vous en donnerais quelques exemples.

J'ai une autre question que je trouve importante. Elle concerne les négociations du comité du bassin hydrographique de la rivière Skeena. Il y a eu une réunion à Terrace à ce sujet la fin de semaine passée. À cause de la restructuration, on a divisé les zones de pêche à la seine en deux régions: le nord et le sud. Il y a un peu de pêche sélective à la seine dans la zone de la côte nord.

Si le ministère oblige les pêcheurs à choisir entre la côte nord et la côte sud, il serait logique qu'il leur donne un certain accès garanti aux ressources. Lors de la réunion concernant la côte nord, un haut fonctionnaire de votre ministère a dit au comité consultatif que si ce dernier n'atteignait pas un consensus concernant le plan de pêche sur la rivière Skeena, en particulier l'exploitation de la pêche sélective à la seine, il n'y aurait pas de pêche sélective à la seine dans la zone de la côte nord cette année.

Par conséquent, il y a un groupe de pêcheurs, ceux qui pêchent à la seine, qui sont obligés de conclure une entente avec le ministère. Le ministère dit à un troisième groupe que s'il ne s'organise pas comme il faut, il va en subir les conséquences. Pouvez-vous m'expliquer un peu cela, car je vous avoue que je n'y comprends rien. Cela m'échappe complètement.

M. Chamut: Monsieur Cummins, je préfère ne pas faire de commentaires, car je n'ai pas de renseignements au sujet d'une réunion à Terrace. Je ne comprends pas très bien votre remarque concernant la pêche sélective à la seine. Toute remarque que je pourrais faire ne serait que pure hypothèse; donc, je crois qu'il vaut mieux que je m'abstienne de commenter.

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M. Cummins: Je comprends cela. Pourriez-vous nous donner la réponse plus tard?

M. Chamut: Nous aurons une copie de ce que vous avez dit. Nous pourrons certainement nous informer. Mais je crois que l'on a peut-être mal interprété la proposition. Comme je vous l'ai dit, je ne sais pas ce qui s'est passé à cette réunion. Nous pouvons certainement nous en informer et vous donner une réponse par la suite.

M. Cummins: Merci beaucoup.

Le président: Sur ce, nous allons mettre fin à la réunion.

Merci beaucoup, monsieur Chamut, d'être venu témoigner. Nous allons probablement vous revoir dans un avenir assez rapproché.

M. Chamut: Avec plaisir.

Le président: La séance est levée.

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