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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 mai 1996

.0905

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Bonjour mesdames et messieurs.

Nous souhaitons la bienvenue à M. John Fraser que ceux qui ont été élus en 1988 ont connu comme président de la Chambre. Il a été le premier président élu dans l'histoire de notre Parlement. Il a aussi siégé au Comité des pêches et a même été ministre des Pêches. Il est ici aujourd'hui pour nous entretenir du Traité canado-américain sur le saumon du Pacifique et des répercussions du plan Mifflin.

Comme vous le savez, monsieur Fraser, vous pouvez d'abord faire votre déclaration préliminaire, après quoi il y aura une période de questions.

Le député représentant l'Opposition officielle est absent aujourd'hui. Il a dit qu'il souhaitait que le temps qui lui est normalement imparti soit attribué au Parti réformiste. Je ne pense pas cependant que M. Cummins veuille saisir cette offre. Il va partager son temps avec les députés ministériels. Nous pourrons avoir ainsi une bonne discussion sur la question très volatile des pêches dans la région du Pacifique.

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Bienvenue monsieur Fraser. Nous nous réjouissons d'entendre vos déclarations.

L'honorable John A. Fraser (ambassadeur pour l'Environnement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie notamment pour les aimables paroles que vous avez eues au sujet de mon rôle précédent. Il est vrai que j'ai été le premier président de la Chambre des communes à être élu par scrutin secret. On aurait pu pardonner aux députés l'erreur qu'ils avaient commise, mais ils l'ont répétée en 1988. À partir de ce moment-là, plus aucune excuse ne tenait.

Chers collègues, permettez-moi de commencer par le commencement. J'aimerais d'abord savoir, monsieur le président, de combien de temps nous disposons.

Le président: D'une heure ou une heure et demie.

M. Cummins (Delta): C'est le temps qui m'est réservé, n'est-ce pas?

Le président: C'est un début.

M. Fraser: Je vous rappelle d'abord que je suis entré en fonction comme ambassadeur du Canada pour l'Environnement en février 1994. Ce poste a été créé à l'issue de la conférence de la CNUCED tenue à Rio. Le gouvernement du moment a jugé important de créer ce poste dont le titulaire serait chargé de faire le suivi en ce qui touche les engagements pris à Rio non seulement par le Canada, mais par toute la communauté internationale.

Voilà donc la raison d'être de ce poste dont le titulaire, choisi par le premier ministre, relève du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. J'ai un bureau et une secrétaire à Vancouver ainsi qu'une secrétaire et un conseiller principal au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je peux m'adresser, pour des ressources et de l'information, à la Division de l'environnement du ministère des Affaires étrangères, mais aussi à d'autres ministères, en particulier et notamment au ministère de l'Environnement, ou à d'autres encore, notamment à Pêches et Océans.

Je signale au comité que j'ai obtenu une excellente collaboration de tous les ministères auxquels je me suis adressé. Je crois que le simple fait que le poste que j'occupe existe nous aide à réaliser, même si ne ce n'est pas aussi rapidement que nous le souhaiterions, les engagements pris à Rio ainsi qu'à mieux comprendre tout le concept du développement durable.

On m'a confié à l'origine un mandat très vaste, à juste titre, dont la description s'étend même sur plusieurs pages, mais qu'on peut ramener à quatre éléments essentiels. Le premier est de s'assurer que le Canada respecte les engagements qu'il a pris à Rio. Le deuxième est de s'assurer que tous les autres participants à la conférence de Rio font de même. Le troisième est de collaborer avec d'autres pays pour atteindre les objectifs qui n'ont pas été atteints à Rio et à chercher des solutions aux problèmes qui se posent à mesure nous les cernons. Enfin, je suis aussi chargé de faire la liaison avec les gouvernements provinciaux, les organismes non gouvernementaux qui oeuvrent dans le domaine de l'environnement, mais aussi dans d'autres, tels que le commerce, l'industrie, les sciences et la recherche universitaire ainsi qu'avec le grand public.

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Après les difficultés qui se sont posées en 1994 au sujet de la diminution des stocks de saumon rouge, le ministre des Pêches de l'époque, M. Tobin, m'a demandé de présider un groupe d'étude indépendant chargé de faire le point sur la situation et de présente des recommandations au gouvernement, ce que nous avons fait. Je suis heureux de pouvoir dire au comité que le groupe a présenté son rapport dans le délai fixé et sans avoir épuisé son budget.

Comme je suis sûr que le comité a un exemplaire de ce rapport, je ne vais pas vous en parler, mais il est possible que je fasse certaines remarques qui découlent des travaux de ce groupe indépendant.

Plus récemment, les ministres Axworthy et Mifflin m'ont demandé d'essayer d'amener le Canada et les États-Unis à voir s'ils ne pouvaient pas s'entendre sur l'application du Traité du saumon du Pacifique qui, depuis deux ans n'est pas observé. Il existe toujours, j'insiste sur ce fait; il n'a pas été répudié. J'ai fait certaines choses dans ce but et je vais donc vous en parler.

J'aimerais d'abord vous donner un aperçu de la situation. On pêche depuis toujours cinq espèces de saumon: le quinnat, le saumon argenté, le saumon rouge, le kéta et le saumon rose. Il y a quelques années, les scientifiques ont décidé que la truite arc-en-ciel était également un saumon. On peut donc dire qu'il y a six espèces de saumon, mais les cinq premières que je vous ai mentionnées sont gérées par le gouvernement fédéral, tandis que la dernière est gérée par le gouvernement provincial aux termes d'ententes. Il s'agit bien ici d'ententes et non pas d'une dévolution de compétence constitutionnelle.

Revenons à 1984-1985, lorsque j'étais ministre des Pêches. En 1995, le Canada et les États-Unis ont négocié et signé le Traité sur le saumon du Pacifique. Ce traité constituait l'aboutissement de 15 années de négociation afin de trouver une façon de collaborer au respect du principe de la conservation et de l'équité. Je me permets de simplifier un peu les choses en disant que le principe de l'équité signifie que chaque pays a droit à une part équitable du poisson qui naît et grandit dans ses cours d'eau, compte tenu évidemment que tant les pêcheurs canadiens qu'américains interceptent du saumon qui va frayer dans les cours d'eau de l'autre pays.

Ces négociations ont été suspendues à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que vers 1982 ou 1983, trois simples députés - moi-même, John Reid du Parti libéral et Jim Fulton du Nouveau Parti démocratique - se sont rendus à Washington de leur propre initiative, mais après en avoir informé le gouvernement du moment, pour rencontrer certains sénateurs américains dont les sénateurs Stevens et Murkowski de l'Alaska, Slade Gorton de Washington et peut-être d'autres.

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Cette réunion, bien qu'officieuse, visait à établir de quelle façon les sénateurs américains pouvaient favoriser une reprise des négociations. Je signale que, malgré les divergences de vue qui ont opposé nos deux pays au sujet de l'interprétation du traité, les sénateurs ont acquiescé à notre demande. À l'issue de cette rencontre, le gouvernement américain et le gouvernement canadien ont confié à deux négociateurs le soin de relancer les négociations. Il s'agissait de M. Derwinski pour les États-Unis et, pour le Canada, d'un ancien fonctionnaire éminent ainsi qu'ancien ministre,M. Mitchell Sharp.

Grâce à cela, lorsque je suis devenu ministre des Pêches, les deux partis en étaient presque arrivés à une entente. Il m'incombait, à titre de ministre des Pêches, de recommander au gouvernement d'accepter le traité, de le rejeter ou de poursuivre les négociations. J'ai recommandé que le traité soit accepté. Je n'ai pas pris cette décision à la légère. C'était le résultat de discussions intenses qui ont eu lieu pendant une période prolongée.

Nous pouvons maintenant, avec le recul, signaler deux choses qu'il aurait sans doute mieux valu inclure dans le traité ou présenter autrement. Premièrement, il ne comportait pas de mécanisme de règlement des différends. En second lieu, dans le cadre de ce traité, le Canada et les États-Unis, par l'entremise de divers comités, devaient négocier chaque année des quotas et des régimes de gestion s'appliquant aux diverses espèces ainsi qu'étudier la question de la conservation et de l'équité. La mise en oeuvre du traité exigeait donc des négociations annuelles.

J'aimerais souligner le fait que le traité ne confiait pas à un seul bureau la gestion de toutes les pêches du sur des États-Unis jusqu'à l'Alaska en passant par la Colombie-Britannique. Tout devait faire l'objet de négociations et d'accords que chaque pays s'engageait à respecter et à faire appliquer chacun de son côté.

Comme condition à la mise en oeuvre du traité aux États-Unis, il était prévu que le Congrès adopterait une loi exigeant qu'un consensus soit atteint au sujet des accords entre l'Alaska, Washington, l'Oregon et les tribus autochtones américaines. Cela revenait à accorder un droit de veto à chacun de ces groupes.

Avec le recul, nous pouvons dire que cet élément n'aurait sans doute jamais dû figurer au traité et qu'il aurait fallu inclure un mécanisme de règlement des différends. Le fait est que si nous avions insisté sur cela, il n'y aurait sans doute jamais eu de traité.

.0925

Si j'attire l'attention du comité sur ces faits, c'est qu'ils revêtent de l'importance aujourd'hui.

Si le traité ne comporte pas de mécanisme de règlement des différends, il comporte une clause de résiliation aux termes de laquelle chacun des signataires peut répudier le traité après avoir donné un préavis suffisant. Cela ne s'est pas produit jusqu'ici et j'espère que cela ne se produira pas. Le Canada ne se propose d'ailleurs pas de le faire.

Si l'on entend couramment dire en Colombie-Britannique, ou dans l'État de Washington et l'Oregon, que le traité n'est plus opératoire en raison de l'intransigeance des résidents de l'Alaska. Il ne fait aucun doute qu'il y a désaccord entre le Canada et l'Alaska en particulier sur le principe de l'équité. Il n'est cependant pas juste de dire que c'est le seul problème que pose le traité. Il y en a d'autres.

Le Canada a cependant surtout insisté sur la question de l'équité. Le Canada soutient que si ce principe n'est pas respecté, rien ne l'incite à maintenir et à améliorer ses stocks, à protéger l'habitat du poisson ni à mener les activités de surveillance et d'application du traité de même que les recherches scientifiques nécessaires au maintien et à l'amélioration des stocks en général.

Je ne voudrais pas simplifier trop les choses, mais voici ce que signifie le principe de l'équité en termes pratiques. La plupart des saumons qui naissent dans les cours d'eau de la Colombie-Britannique, de l'État de Washington et de l'Oregon passent une partie de leur vie dans l'océan Pacifique avant de retourner frayer dans les eaux de l'Alaska.

Lorsque ces saumons se dirigent vers le Sud et passent par les cours d'eau de la Colombie-Britannique, de l'État de Washington et de l'Oregon, ils sont interceptés par des pêcheurs, surtout ceux qui pêchent dans le sud-est de l'Alaska. Ils ne viennent pas tous de l'Alaska. Environ 800 navires vont en Alaska pêcher ces stocks de poisson. La plupart d'entre eux viennent de l'État de Washington et quelques-uns peut-être de l'Oregon.

Lorsque les poissons redescendent, le saumon rouge, qui est l'espèce commerciale ayant le plus de valeur, passent soit par le détroit de Johnstone soit par le côté ouest de l'île de Vancouver et le détroit de Juan de Fuca. Normalement, une quantité plus ou moins égale de poissons passe par les deux détroits, bien qu'en 1994, la plupart des saumons rouges soient passés par le détroit de Johnstone. Quoi qu'il en soit, ces stocks franchissent la frontière canado-américaine et sont ensuite interceptés dans le Sud par les pêcheurs américains.

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Le fait est que les pêcheurs américains sont en mesure d'intercepter un grand nombre de poissons tant dans les eaux du sud-est de l'Alaska que dans les eaux au sud de la frontière entre l'État de Washington et la Colombie-Britannique. La raison en est que le saumon rouge qui va vers le Sud revient dans le Nord, traverse de nouveau la frontière et s'engage dans l'embouchure du fleuve Fraser et ensuite dans le fleuve lui-même et ses affluents.

Du point de vue du Canada, les interceptions dont il est question sont donc surtout le fait des bateaux américains qui pêchent dans les eaux canadiennes.

Par ailleurs, le quinnat et le saumon argenté qui retournent dans les eaux de l'État de Washington et de l'Oregon, le long du fleuve Columbia et d'autres cours d'eau, passent par les eaux canadiennes, notamment à l'ouest de l'île de Vancouver en empruntant le détroit de Juan de Fuca. C'est là que les pêcheurs canadiens les interceptent.

Dans les négociations portant sur le principe de l'équité, l'objectif du Canada était de faire en sorte que les interceptions des deux pays s'équivalent.

Compte tenu de la diminution des stocks de saumon argenté et de saumon quinnat qui passent par le détroit de Puget et dans les eaux méridionales américaines, les interceptions canadiennes ont grandement diminué. Or, les interceptions américaines, en particulier en Alaska, ont augmenté. Selon les chiffres établis par le Canada, au cours des dernières années, les interceptions américaines de poissons se dirigeant vers le Canada ont augmenté de 50 p. 100 alors que les interceptions canadiennes de poissons allant vers les États-Unis ont diminué de 25 p. 100.

La question se complique du fait que le Canada et les États-Unis ne s'entendent pas du tout sur la façon d'évaluer l'équité. Au moment de sa rédaction, on a joint au traité un protocole d'entente spécial dont le but était de fournir des précisions quant au sens à donner au principe de l'équité.

Permettez-moi de citer à cet égard un article publié dernièrement par deux américains appelés Shelton et Koenings. Le titre de cet article est Marine Factors in the Production of Salmon: Their Significance to the Pacific Salmon Treaty. Tout son contenu ne se rapporte pas nécessairement au sujet dont nous sommes saisis, mais je pense qu'il résume de façon très succincte et très objective les positions des deux parties. Rappelez-vous que les auteurs sont des américains. Voici ce qu'on y lit:

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Maintenant je vais vous lire un passage qui résume de façon assez concise la position américaine:

Je pourrais poursuivre. Des milliers de mots ont été écrits sur le sujet, mais je pense que ces deux citations résument bien les divergences de vue qui opposent actuellement les deux parties.

La frustration a atteint un tel point que les Canadiens ont finalement exprimé leur colère en 1994 en imposant des frais de transit aux navires américains remontant la côte canadienne pour aller pêcher en Alaska. En outre, pendant une courte période, le gros de la flotte de pêche canadienne s'est concentré dans le détroit de Juan de Fuca afin de pouvoir intercepter le saumon, et pas seulement le saumon rouge, qui allait travailler la frontière avant de remonter le fleuve Fraser... Je ne veux pas entrer dans les détails, mais il est probable que ces bateaux interceptaient également du saumon argenté et du saumon quinnat qui se dirigeaient vers les eaux américaines.

Cette concentration de la flotte n'a pas duré très longtemps, car le saumon rouge n'est pas passé sur la côte ouest de l'Île de Vancouver. Il est passé par le détroit de Johnstone et les navires se sont déplacés. Mais le Canada a prétendu que les droits de transit et la concentration de la flotte allaient du moins attirer l'attention des Américains.

En tout cas, tout cela eut pour conséquence d'amorce des négociations au plus haut niveau entre le Canada et les États-Unis. Un médiateur, nommé Peeby, de Nouvelle-Zélande, a reçu l'agrément des deux pays. Il a travaillé avec une équipe représentant les deux parties. Notre négociateur étaitM. Yves Fortier, et le négociateur américain, M. Pipkin. Malheureusement, leurs travaux n'ont débouché sur aucun accord.

Je dois également signaler au comité que, dans l'Accord canado-américain qui définissait la médiation, les deux pays s'engageaient à respecter la confidentialité de cette médiation. Elle n'a donc jamais été rendue publique, du moins officiellement. Quoi qu'il en soit, elle a échoué, et par l'intermédiaire du ministre Axworthy, du ministère des Affaires étrangères et des canaux diplomatiques, le Canada a demandé directement au secrétaire d'État Warren Christopher si les États-Unis étaient prêts à accepter un arbitrage obligatoire.

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Je ne révèle rien actuellement dont je n'aie déjà parlé devant des auditoires américains, soit en privé, soit en public. Le fait est que, si l'on examine les relations internationales au cours des dernières années, il n'est pas très fréquent que des pays soient disposés à accepter l'arbitrage obligatoire, à moins de penser avoir une chance très sérieuse de l'emporter. La réponse américaine officielle est arrivée il y a à peu près une semaine; M. Christopher a dit que les États-Unis n'étaient pas disposés à accepter l'arbitrage obligatoire.

Il y a quelques semaines, étant donné que, même si nous n'avions pas encore reçu ce message officiellement, son résultat ne faisait guère de doute, on m'a demandé de me rendre à Washington pour voir ce que nous pouvions faire pour résoudre ce problème. J'ai rencontré le sous-secrétaire Tim Wirth et la secrétaire Claussen. Cette rencontre a marqué le début d'une série d'entretiens et de discussions entre ces deux personnes et moi. Mme Claussen est directement chargée du dossier.

Au nom du Canada, j'ai proposé que le Canada et les États-Unis s'entendent pour constituer un comité indépendant ayant statut de tierce partie qui serait chargé d'étudier le traité et les sources de problèmes, et de proposer des conclusions et des recommandations aux deux gouvernements, ces recommandations devant être aussitôt rendues publiques. Les délibérations de ce comité pourraient être aussi bien privées que publiques, mais elles seraient ouvertes aux parties intéressées qui comparaîtraient devant lui. Pour utiliser la terminologie diplomatique internationale, le processus devrait être transparent, mais non obligatoire. Je pense que nous sommes sur le point de réussir la première étape de ce processus.

La deuxième étape consistera à fixer le mandat de ce comité indépendant de même que sa composition. La tâche n'est pas aussi facile qu'il y paraît. Ce mandat doit être assez vaste pour comprendre toutes les questions dont les deux parties veulent discuter. Il doit aussi permettre au comité d'examiner la teneur du traité proprement dit, de déterminer comment il a été appliqué et, dans les cas où il ne l'a pas été, d'expliquer pourquoi; enfin, à l'issue des délibérations, le comité devra faire des recommandations.

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En ce qui concerne la composition du comité, les discussions ont presque débouché sur une entente de principe voulant que les deux parties y nommeraient des représentants. Le Canada est disposé à accepter que certains membres viennent d'un pays tiers autre que le Canada ou les États-Unis. Mais il reste encore un travail très délicat à faire aussi bien sur le mandat que sur la composition de ce comité.

Nous pensons pouvoir dire de façon réaliste que le comité ne sera pas en mesure de faire des recommandations susceptibles de favoriser le déroulement de la saison de pêche de cette année. Mais il faudra fixer une date de fin des délibérations et une date du dépôt du rapport. Le Canada a proposé février 1997, ou plus tôt, si c'est possible.

Nous pensons que si ces délais sont respectés, que l'essentiel des délibérations et des recommandations sont publiées et que le public a accès au comité, c'est-à-dire que les groupes intéressés peuvent comparaître devant lui, on peut raisonnablement espérer que les points de divergence qui existent seront mieux compris, que le comité pourrait recommander des mesures que les deux parties pourront accepter.

Il y a également d'autres éléments à considérer. Même dans ma province de Colombie-Britannique, comme la pêche est complexe et comprend cinq espèces traditionnelles, ou six maintenant avec la truite saumonée, nombreux sont ceux qui ne comprennent pas encore parfaitement à quel point la gestion de ces pêcheries peut être difficile.

À l'exception de la truite saumonée, les individus des cinq autres espèces de saumon du Pacifique meurent après avoir frayé, contrairement au saumon de l'Atlantique. La truite saumonée, comme le saumon de l'Atlantique, survit souvent au frai et retourne dans l'océan pour une période de vie océanique avant de revenir frayer à nouveau.

Depuis un certain nombre d'années, on a constaté de très graves difficultés, car généralement, dans le Sud, le taux de survie océanique du saumoneau... Après l'éclosion des oeufs de saumon, on parle d'alevins qui, lorsqu'ils atteignent l'embouchure des fleuves puis l'océan, sont appelés des saumoneaux. Ils peuvent mesurer de cinq à huit pouces de long, ou même parfois plus. Certains d'entre eux restent dans les fleuves pendant un an ou deux avant d'en sortir, tandis que d'autres en sortent au bout de quelques mois, selon l'espèce. Nous n'allons pas entrer ici dans les détails, mais lorsque je parle de saumoneaux, je parle de petits saumons qui, après l'éclosion, ont descendu le fleuve et atteint l'océan.

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Les conditions qui prévalent dans l'océan sont extrêmement importantes pour la survie des saumoneaux. Dans le Sud - les scientifiques considéreraient sans doute que je simplifie à l'extrême, mais j'espère ne pas me tromper - les conditions de température, notamment, ont réduit considérablement le taux de survie. Le réchauffement des eaux a par ailleurs attiré le maquereau, qui est un prédateur du saumoneau, dans les eaux où ce dernier passe une partie de sa vie avant de remonter vers le Nord. Les saumoneaux sont désormais soumis à une prédation féroce. Certains scientifiques disent que dans le cas du saumon quinnat de la côte ouest de l'île de Vancouver, la prédation peut accaparer jusqu'à 90 p. 100 de la production de saumoneaux provenant des cours d'eau de cette région.

Je voudrais bien faire comprendre aux membres du comité les tenants et les aboutissants de la question de l'équité. Il faut bien comprendre que de l'avis du Canada, si cette question d'équité n'est pas résolue, le pays d'origine n'aura plus aucun intérêt à veiller à l'état de ses stocks. Cela étant dit, on aurait bien tort de penser que le Canada considère qu'il n'y a plus lieu d'assurer l'entretien et l'amélioration des stocks. Évidemment, il existe une autre question très importante, c'est celle de la conservation.

Les eaux du Nord ont été plus productives, si bien que le problème de la survie océanique n'a pas été aussi grave qu'il aurait pu l'être. Mais nos stocks de quinnat dans le sud du littoral des États-Unis sont extrêmement menacés. Il y a eu d'âpres discussions non seulement avec l'État de Washington et l'Oregon, mais également avec l'Alaska, concernant les quantités de quinnat qui pouvaient être pêchées dans le sud de l'Alaska, étant donné qu'on constate de très sérieux problèmes à divers endroits en ce qui concerne le retour des saumons quinnat.

L'année dernière, faute d'un accord, les tribus autochtones ont intenté des procédures devant les tribunaux des États-Unis - le Canada s'y est joint, mais ce sont les tribus autochtones qui en avaient pris l'initiative - pour affirmer que l'Alaska ne respectait pas les principes du traité. Suite à cela, tribunaux ont ordonné à l'Alaska d'arrêter la pêche. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui où en sont rendues les procédures, mais l'année dernière, le Canada a réduit ses activités de pêche visant spécifiquement le quinnat de 50 p. 100 et cette année, il n'y aura aucune pêche commerciale visant spécifiquement le quinnat canadien. En outre, la pêche sportive au quinnat du Nord dans les îles de la Reine Charlotte et sur la côte ouest de l'île de Vancouver a été totalement interdite. En fait, à l'exception du détroit de Georgie et de quelques autres endroits, la pêche au quinnat a pratiquement cessé au Canada.

C'est un problème de conservation, et il est très grave. Je tiens donc à souligner que nous ne soutenons pas pouvoir dissocier la question de l'équité de la question de la conservation.

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Le comité sera sans doute intéressé d'apprendre que le saumon rouge, qui est l'espèce commerciale la plus lucrative, abonde certaines années alors qu'il est très rare à d'autres moments. C'est un phénomène naturel que nous avons constaté depuis que nous mesurons la remonte de ce saumon. Cette année, dans le fleuve Fraser, ce serait une mauvaise année pour cette remonte, mais cela s'explique particulièrement par les conditions de l'eau et d'autres facteurs. Pour l'instant, quoi qu'il en soit, il n'y aura pas de pêche commerciale du saumon rouge remontant le Fraser.

J'aimerais simplement dire quel genre de difficulté en découle. Rappelez-vous que cette remonte très réduite va néanmoins descendre au-delà de la frontière américaine avant de revenir et d'atteindre l'embouchure du Fraser. Sans une entente, sans aucune forme d'entente avec nos amis américains, ceux-ci pourraient tous les capturer s'ils le souhaitaient. Je ne crois pas qu'ils le feront; tout ce que je dis, c'est que c'est pour cette raison qu'il nous faut conclure des ententes avec les Américains sur la gestion de cette ressource.

Monsieur le président, je crois que je vais m'arrêter là. Je serai heureux de répondre aux questions. J'ai remarqué que d'autres collègues sont venus se joindre à nous, et il y en a deux dont je sais qu'ils s'y connaissent très bien en matière de pêche. M. Herb Dhaliwal et M. Ted McWhinney, qui sont tous deux pour moi des amis et des associés de longue date, s'y connaissent très bien.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Fraser.

Je m'interrogeais au sujet du maquereau. Constitue-t-il un prédateur permanent maintenant? Est-il retourné d'où il était venu?

M. Fraser: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il nous arrive avec le réchauffement, de l'eau. On s'attend à ce qu'avec le recul du réchauffement il reparte. C'est un phénomène lié au réchauffement de l'eau.

Le président: Pour ce qui est du niveau de production du Columbia par rapport au nôtre et par rapport à celle de l'Alaska, quel est...

M. Fraser: Je n'ai pas toutes les données voulues.

D'abord, il y a un chiffre qu'à mon avis nous devrions garder présent à l'esprit. L'année dernière, le total des échappées de la production de saumon de l'Alaska était de 200 millions de poissons. La part du Canada était d'environ 20 millions et celles de l'État de Washington et de l'Oregon étaient inférieures à cela. Le volume de la pêche aux États-Unis est énorme, et de façon générale, bien que cela nous préoccupe en tant que citoyens de la planète, ce n'est pas le problème que nous examinons. Ce sont les interceptions dans le sud-est de l'Alaska qui sont la plus grande source de préoccupation. De façon générale, les eaux de l'Alaska sont très productives depuis quelques années.

Pour ce qui est du fleuve Columbia, un débat se poursuit chez nos amis américains. On dépense des sommes considérables pour essayer d'améliorer et de maintenir les stocks de saumon, ainsi que de truite de mer et de saumon coho et de saumon quinnat, non pas simplement dans le fleuve Columbia mais dans d'autres fleuves encore. Certains se montrent très pessimistes, et il ne fait pas de doute que les conditions océaniques sont telles qu'on n'a pas enregistré les rendements attendus eu égard aux très fortes sommes dépensées au chapitre de l'amélioration et au travail effectué.

Cela ne veut pas dire que, si les conditions océaniques s'améliorent, ce rendement ne se matérialisera pas, mais pour ce qui est de l'ensemble du fleuve Columbia, qui a été, je crois, la plus belle rivière à saumon au monde, les Américains ont décidé, pour le meilleur ou pour le pire, que l'industrialisation, la production d'électricité importaient davantage que le poisson. Ces décisions ont été prises il y a des dizaines d'années. Je doute que si l'on avait à décider à nouveau aujourd'hui, on aboutirait aux mêmes résultats. Quoi qu'il en soit, le fleuve Columbia n'est plus ce qu'il était.

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En Alaska, les citoyens disent, entre autres choses, à leurs concitoyens du Sud: «Vous avez fait cela et vous avez empoché tous les bénéfices financiers, les bénéfices économiques de l'industrialisation du fleuve Columbia, alors pourquoi venir vous plaindre de ce que nous faisons ici dans les eaux de l'Alaska?» C'est un débat entre Américains.

Pour ce qui est du bassin hydrographique du fleuve Fraser, le plus beau bassin en Amérique du Nord, nous n'y avons pas construit de barrages. Je pense qu'il faut bien le dire. Quand j'étais jeune, on avait de grands plans quant à la construction d'un barrage à Moran au-dessus de Lillooet sur le fleuve Fraser. On ne l'a pas fait, surtout parce qu'en vertu de la Constitution, le gouvernement fédéral a compétence sur les pêches et se serait très vigoureusement opposé à la construction de tout barrage, et il aurait reçu l'appui de nombreux résidents de la Colombie-Britannique.

On n'a donc jamais construit de barrages sur le Fraser et, pour générer de l'électricité, les décideurs du gouvernement provincial d'alors se sont tournés vers la rivière de la Paix et la partie supérieure du Columbia, où puisqu'il y avait déjà des barrages sur ce fleuve. Mais il importe aussi, quand on s'adresse à nos amis américains, de leur rappeler que nous n'avons pas fait sur le Fraser ce que leurs concitoyens ont fait sur le fleuve Columbia.

Le président: La parole est à M. Cummins.

M. Cummins: Je suis heureux d'être ici ce matin et d'entendre ce que M. Fraser a à dire sur les pêches de la côte Ouest. Il jouit d'une excellente réputation dans notre province pour sa connaissance des pêches. En Colombie-Britannique, nous nous réjouissons vraiment de ses réalisations au fil des ans. Je suis donc très heureux d'être ici ce matin.

J'aimerais aborder diverses questions. Je crois que je vais d'abord essayer de les relier, pour commencer, aux questions relatives au traité.

En 1994, quand les négociations ont échoué relativement au traité sur le saumon en Colombie-Britannique, le Canada s'est retiré de la table de négociation et a imposé, comme l'a laissé entendre M. Fraser, des droits de transit aux Américains. Il a aussi lancé une vaste stratégie de pêche, stratégie qui, selon le rapport qu'a rédigé M. Fraser l'hiver suivant, a conduit les pêches au bord du désastre. C'est une politique délibérée du gouvernement qui a permis qu'on en arrive là.

Ce qui est intéressant et ce sur quoi j'aimerais m'arrêter quelques instants, ce sont les recommandations qui ont résulté de ce rapport. Le document dont je parle a été rédigé pour le compte du gouvernement fédéral. C'est une analyse effectuée par un certain Blewett, qui était chargé d'examiner la réponse du gouvernement aux recommandations contenues dans le rapport Fraser, et ce rapport contenait quelque 35 recommandations sur divers sujets.

La question sur laquelle portaient les cinq premières recommandations du rapport était celle de la gestion de minimisation des risques. Selon le rapport Blewett:

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J'aimerais savoir, monsieur Fraser, si vous estimez toujours que cette question de la gestion de minimisation des risques est importante, et le cas échéant, êtes-vous quelque peu déçu par le peu de réactions du ministère, dont fait état M. Blewett dans le rapport même du ministère?

M. Fraser: D'abord, monsieur Cummins, pour ce qui est de la minimisation des risques, c'était la première recommandation du rapport du comité d'examen public et indépendant sur le fleuve Fraser. Je vais vous la lire:

Des hauts fonctionnaires du ministère des Pêches ont dit, et le rediront, qu'ils sont maintenant tout à fait au courant de cette recommandation et qu'en fait ils y donnent suite. Ils mentionneront certaines mesures prises l'année dernière sur le Fraser. Ils mentionneront les mesures cette année en ce qui a trait au saumon quinnat. Ils mentionneront les mesures prises cette année relativement au saumon rouge.

Les services de M. Blewett et de son comité ont été retenus pour faire une évaluation de l'efficacité du suivi donné par le ministère des Pêches et des Océans non seulement à cette recommandation-ci mais aux 35 autres faites par le Comité d'examen public.

Je me garderai bien de parler au nom de M. Blewett, qui voudra sans doute le faire lui-même, mais en réponse à la question que vous avez soulevée, monsieur Cummins, je vous dirai ceci. En Colombie-Britannique, certains soutiennent mordicus que les plans d'exploitation avaient limité de façon trop serrée la quantité de poissons qui devaient demeurer dans la frayère pour garantir la reproduction du saumon par rapport à la quantité de poisson nécessaire pour obtenir une rentabilité maximale à partir de l'exploitation de cette ressource. Depuis bien des années, le débat est acrimonieux, car on dit qu'on ne cesse de vouloir empiéter sur la marge.

Il ne nous appartient pas de trancher définitivement ce débat ici, mais les membres du comité sont convaincus que le problème de la supposée pénurie de saumon rouge en 1994 est attribuable au fait qu'on n'a pas accordé toute l'attention voulue à la minimisation des risques.

Monsieur Cummins a raison. Nous avons signalé que si à la fin de l'été la pêche avait été ouverte 12 heures de plus, toute la remonte de la rivière Adams aurait disparue. Le fait est que le rendement a été alors au plus bas depuis les années 1930.

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Certains ont dit en privé que l'accusation était trop lourde. Je réponds à cela - parce qu'ils ne le disent pas ouvertement - que, si c'est le cas, on peut se demander pourquoi notre évaluation n'a pas été contestée. Quant à moi et à mes collègues au comité, nous maintenons ce que nous avons affirmé. Cela doit nous inciter à être très prudents, car nous ne savons pas toujours exactement sur quelle quantité de poisson nous pouvons compter. Donc, si la limite de capture est poussée à l'extrême, la moindre petite erreur peut être catastrophique.

S'il en est ainsi même quand la remonte est abondante, songez un peu à ce que cela signifierait quand elle l'est moins. Supposons que les conditions de l'eau soient telles que les remontes soient plus faibles. La minimisation des risques signifie qu'il faut prendre des mesures extraordinaires pour qu'un maximum de poisson atteigne la frayère afin que nous puissions compter sur une régénération du stock.

En d'autres termes, supposez qu'une année donnée vous décidiez d'une capture à 85 p. 100. Ce n'est pas ce que je préconise, loin de là. Je pense que ce serait trop. On pourrait très bien décider cela sans trop de dégâts, car cela pourrait signifier qu'il y a un million de poissons dans la rivière. Mais si la remonte est très faible, et que le pourcentage est maintenu, vous prenez alors des risques démesurés et vous mettez en péril la capacité de régénération du stock.

Ainsi, la minimisation des risques doit être pratiquée quand les stocks sont abondants, mais la prendre à la légère quand il y a baisse, c'est de la folie pure.

M. Cummins: Merci. Je pense qu'il y a un problème en ce qui concerne la gestion de minimisation des risques. Je pense que tout le monde sait que le gouvernement a tergiversé dans le cas de la gestion du saumon quinnat cette année dans les Îles de la Reine-Charlotte. Il y a des mois, les scientifiques du ministère, qui sont au courant depuis plusieurs années, ont annoncé que le saumon quinnat était menacé dans ces Îles. Les scientifiques savaient que les remontes vers la Côte ouest de l'Île de Vancouver étaient, pour le saumon quinnat, de 93 à 97 p. 100 inférieures à ce qu'elles étaient il y a deux ans. Il a fallu attendre la semaine dernière pour que l'on décrète la fermeture de la pêche commerciale sportive très intense qui se fait dans les Îles de la Reine-Charlotte. Mais, comme vous le savez, c'est autre chose.

Je voudrais revenir au rapport Blewett. Il dit et je cite:

M. Blewett ajoute:

Il y a un problème du côté de la gestion de minimisation des risques. Je voudrais que vous nous en parliez davantage.

J'ai sous les yeux une lettre du conseil tribal Swinomish de La Conner, dans l'État de Washington, qui a été envoyée à Mme Lorraine Loomis, présidente du comité du fleuve Fraser. Cette lettre est signée par M. Lill, vice-président du comité du fleuve Fraser. Il dit et je cite:

Voilà que les cibles d'échappées ne sont pas adéquates, d'après l'auteur de cette lettre, et d'après Blewett et d'autres également. Ces cibles inadéquates ne sont donc pas atteintes, c'est un fait. Contrairement à l'arrêt Sparrow, le gouvernement a, semble-t-il, l'intention de permettre la pêche alimentaire dans ces rivières-là, si j'en crois cette lettre. C'est complexe...

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M. Fraser: Permettez-moi de vous répondre. Tout d'abord, je ne peux pas parler au nom deM. Lill et je ne suis pas ici en tant que ministre des Pêches.

M. Cummins: Je sais.

M. Fraser: Prenons la première partie de votre question qui portait je crois sur la minimisation des risques et non-applicabilité à tous les stocks.

En Colombie-Britannique, de tout temps, il y a eu un problème. Les entreprises commerciales traditionnelles ont toujours misé sur les montaisons abondantes et les espèces de plus grande valeur. Ainsi, elles veulent que le ministère des Pêches et des Océans accorde son attention et ses ressources à ces montaisons-là. Ce sont elles qu'il devrait soigner, car elles sont lucratives.

Certains disent qu'en conséquence, puisque les montaisons de systèmes du Fraser et de la Skeena ont reçu toute l'attention, les autres le long de la côte ont été négligées.

Ceux qui s'adonnent à la pêche commerciale vous diront que, si on devait se soucier de tous les petits cours d'eau, l'exploitation du saumon deviendrait très compliquée. Au ministère, on se demande comment on pourrait trouver les ressources permettant de s'occuper de chaque petit cours d'eau le long de cette côte très étendue.

Il y a quelque chose d'incontournable là-dedans, surtout quand on sait que les ressources nécessaires à la surveillance, à l'entretien, à l'application de la loi et à la protection de l'habitat ont été réduites. Je tiens à dire que cela remonte à il y a quelques années, c'est le fait non pas du gouvernement actuel mais du gouvernement précédent. Je tenais à dire que cela ne remonte pas à l'année dernière.

Donc, sur le plan commercial, il y a concentration dans deux réseaux: celui du Fraser et celui de la Skeena. La Skeena s'en tire actuellement assez bien, contrairement au Fraser. Toutefois, tous les espoirs ne sont pas vains dans le cas du Fraser et je ne pense pas que ce soit ce que M. Cummins voulait laisser entendre.

Selon les membres de notre comité, la minimisation des risques ne devrait pas s'appliquer uniquement dans le cas du réseau fluvial où l'on trouve le stock de saumon commercial le plus important, mais il faudrait la pratiquer de façon à préserver les stocks qui se trouvent tout au long de la côte.

Ainsi, dans un article qu'il a publié il y a quelques mois, le Dr Carl Waters disait qu'il y a 50 ans, il y avait 100 cours d'eau qui alimentaient le golfe de Georgie en saumon. Il dit qu'aujourd'hui le saumon descend dans le golfe de 20 cours d'eau seulement. Cela est dû en partie au développement urbain. Cela est dû en partie à l'exploitation forestière dans la partie amont des systèmes fluviaux. Cela est dû en partie à la présence de routes. Il attribue cela à d'autres facteurs également, mais probablement aussi au fait que, dans certains de ces petits cours d'eau, le saumon est capturé par la pêche générale, et pas à une volonté délibérée de l'éliminer. Pour essayer d'effectuer les captures prévues, il est possible qu'on n'ait pas suffisamment fait attention à ces petits stocks de saumon.

J'ai grandi à Vancouver et dans le détroit de Howe et, à l'époque, il y avait toutes sortes de petits cours d'eau. Pendant l'été, nous allions pêcher la truite. Ce n'était probablement pas des truites, mais plutôt de petits saumons. Je parle du temps où j'avais six, sept ou huit ans. Dans certains de ces petits cours d'eau, il y avait peut-être seulement 100 ou 200 poissons qui revenaient chaque année. Mais, avec tous ces cours d'eau, tout cela finit par s'additionner.

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La minimisation des risques ne doit pas s'intéresser exclusivement à la principale remontée, celle du Fraser. Il faut s'occuper de la côte toute entière.

Un autre problème intervient, problème que d'autres ont mentionné dans le débat actuel en Colombie-Britannique. Si vous augmentez, par exemple, le saumon rouge dans le bassin de la Skeena, si vous augmentez la remontée de 50 ou de 30 p. 100, il faut capturer un maximum de ces poissons pour que ce soit rentable; On a augmenté leur nombre grâce à des fonds publics. Le problème c'est que les stocks les plus faibles - je ne veux pas dire que le poisson manque de force, mais je parle des stocks secondaires qui accompagnent le saumon rouge - se trouvent pris dans ces captures maximums qu'on effectue pour rentabiliser le saumon rouge. Ces autres stocks sont le saumon quinnat, la truite arc-en-ciel et le saumon coho. Dans le cas de la Skeena, c'est un des grands arguments.

Pour revenir à la minimisation des risques, il ne s'agit pas uniquement de fixer un pourcentage de la remontée. Il faut tenir compte également des stocks secondaires qui l'accompagnent. Il faut tenir compte également de tous les cours d'eau qui ne sont pas des producteurs commerciaux de première classe, mais dont dépendra la présence de poisson sur la côte Ouest pour les générations futures.

Pour être juste, je sais qu'il y a eu des discussions animées derrière des portes fermées au sujet du saumon quinnat. Nous le savons tous. Si je vous disais le contraire, vous ne me croiriez pas. Nous le savons tous. Toutefois, si je peux m'exprimer ainsi, la décision difficile en ce qui concerne la minimisation des risques a été prise par le ministre Mifflin.

M. Cummins: Après avoir hésité, mais ce n'est pas important.

Le président: Monsieur McWhinney.

M. Fraser: Monsieur le président, j'ajoute que M. Cummins a comparu devant notre comité et je tiens à préciser qu'il nous a fait un exposé remarquable. C'était lucide, c'était basé sur des faits et dénué de toute rhétorique. Sa contribution a été particulièrement utile, et je tenais à le dire.

M. McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le président, j'en profite pour dire que j'ai beaucoup de respect pour M. Cummins. Il est très bien informé sur toutes ces questions; il m'a fait part de ses opinions en privé et il les a exprimées en public. C'est un comité qui fonctionne très bien, dans un esprit collégial.

J'aimerais également m'associer à ce qu'il a dit à votre sujet, John. En Colombie- Britannique, - partout au pays, mais particulièrement en Colombie-Britannique - , nous avons beaucoup de respect pour votre contribution considérable à la vie publique depuis 25 ans ou plus.

M. Fraser: Nous devenons tous les deux plus sages.

M. McWhinney: Le fait que le ministère ait retenu vos services - en fait on devrait dire vous ait «mobilisé» - nous est particulièrement utile en cette période de crise pour l'industrie du saumon de la côte Ouest. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Mais je reviens à mon sujet. Mon collègue Herb et moi-même nous sommes partagés les responsabilités et, pour ma part, j'aimerais parler surtout du règlement des différends. Nous avons épuisé, après être remontés tout en haut de l'échelle, toutes les procédures de règlements dont nous disposions pour régler nos problèmes avec les Américains.

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D'après les dernières données scientifiques du ministère, 37 p. 100 du taux de mortalité du saumon quinnat, le poisson qui intéresse le plus les pêcheurs sportifs, seraient attribuables aux mesures prises par l'État de l'Alaska. Il est certain que si l'Alaska acceptait de se comporter en bon voisin, d'appliquer des mesures de conservation, des restrictions, et de respecter pleinement la lettre et l'esprit du Traité sur le saumon du Pacifique, cela réglerait cette année dans une large mesure, et peut-être en totalité, les problèmes de la pêche sportive sur la côte Ouest.

J'ai fait une observation à cet effet à la Chambre hier. En droit international, les États-Unis sont responsables des actes posés par leurs états constitutifs, c'est-à-dire l'État de l'Alaska. Nous comprenons les problèmes auxquels se heurte un président pendant une année d'élection, mais en même temps, nous voudrions que l'Alaska se décide enfin à se comporter en bon voisin.

Pour revenir au mécanisme de règlement des problèmes, nous avons parcouru toutes les étapes, et nous avons épuisé négociations, interventions diplomatiques, bons offices et médiation. Nous avons proposé de passer de la médiation, qui n'a pas un caractère obligatoire, à l'arbitrage. Apparemment, cela a été refusé catégoriquement par les États-Unis. Les solutions qui restent sont certainement moins efficaces que l'arbitrage. Toutefois, je me demande si on a envisagé de discuter de certains mécanismes élaborés avec la contribution américaine, par exemple, l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, l'entente trilatérale Canada-États-Unis-Mexique et, bien sûr, l'Organisation mondiale du commerce.

Est-ce qu'on a envisagé cette possibilité? Vous devez savoir que la diplomatie est l'art du possible, et je me rangerai donc à votre opinion si vous nous dites que c'est impossible pour les Américains en ce moment. Les groupes sérieux de règlements des différends dont les décisions n'ont pas un caractère obligatoire... Par exemple, la procédure à l'Organisation mondiale du commerce aboutit à la décision d'un groupe qui est habilité à tirer des conclusions. Les parties ne sont pas forcées de les accepter, mais lorsqu'une décision est annoncée et publiée, si elles n'obéissent pas, elles acquièrent une réputation de mauvais citoyens, de mauvais États.

Le panel que vous avez proposé n'est pas aussi officiel. Il fait intervenir des tierces parties, ce qui pose toujours des problèmes.

Je me souviens du tribunal d'arbitrage États-Unis-Iran où les Suédois jouaient le rôle de partie neutre. Pour finir, les Suédois se sont fait taper dessus par les parties mécontentes. Cette tierce partie, si elle n'est pas totalement inutile, se trouve souvent dans une position impossible.

Est-ce que nous avons envisagé des panels bilatéraux qui seraient habilités à suivre des procédures décisionnelles à part entière, et cela, jusqu'à une décision finale non obligatoire? Est-ce que c'est une possibilité?

M. Fraser: Monsieur McWhinney, comme je l'ai dit tout à l'heure, à l'heure actuelle nous sommes probablement sur le point d'entendre le Canada et les États-Unis déclarer que l'affaire sera soumise à un groupe indépendant à qui on demandera d'en étudier tous les aspects et de présenter un rapport à chacun des gouvernements, rapport qui sera ensuite rendu public. Toutefois, cela n'aurait pas un caractère obligatoire.

J'ai signalé également que deux aspects étaient très loin d'être réglés et qu'ils allaient encore exiger beaucoup de travail. Il y a la question du mandat. S'il est bien conçu, ils régleront peut-être certains problèmes que vous avez soulevés. Il y a également la question des membres de ce groupe. Comme je l'ai dit, je crois, monsieur le président, le Canada ne s'opposerait pas à ce qu'un ou plusieurs membres venant d'un pays autre que le Canada ou les États-Unis soient nommés.

J'ai écouté attentivement ce que vous avez dit, et je considère que c'est une mise en garde. Toutefois, pour l'instant, ce n'est pas une considération majeure.

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La seule chose à faire pour l'instant, c'est de procéder étape par étape. Si nous pouvons nous mettre d'accord sur l'établissement d'un groupe nommé par le Canada et les États-Unis, il pourra formuler des recommandations qui seront publiées, ce qui satisfera au moins une de vos exigences. D'autre part, ses délibérations seront publiques. Cela leur donnera un caractère plus impératif.

Quoi qu'il en soit, vos observations sont tout à fait dans la lignée de la longue discussion qui s'annonce.

M. McWhinney: Si les recommandations ne sont pas obligatoires, on peut espérer, et cela pourrait être très efficace, que les Américains accepteraient un groupe de deux personnes auquel serait soumis un problème bien spécifique: par exemple, est-ce que l'État de l'Alaska a contrevenu au traité de 1985 par les mesures qu'il a prises, ou qu'il a omis de prendre en 1996, en ce qui concerne le saumon quinnat? Autrement dit, comme vous le savez, dans nos écoles de droit, on répète que la décision proprement dite... Nous essayons d'éviter l'intervention des tribunaux en faisant appel à des groupes mixtes; on ne peut pas parler d'arbitrage, mais plutôt d'un règlement des problèmes hors tribunal. Le rapport serait publié comme vous le souhaitez, mais un petit groupe, de deux, trois, ou quatre personnes, mais pas plus, pourrait régler une situation très rapidement. J'imagine, et vous êtes peut-être d'accord avec moi, qu'on pourrait demander à deux personnes, un Canadien et un Américain, de prendre une décision en ce qui concerne le saumon quinnat et l'État de l'Alaska...

M. Fraser: Monsieur McWhinney, je pense que ce genre de chose serait très utile à l'heure actuelle. Cela viendrait probablement s'ajouter à l'exercice principal qui repose sur le traité proprement dit.

J'ai parlé au comité d'une affaire qui est passée devant un tribunal l'année dernière. Si on étudie attentivement les conclusions de ce tribunal, on voit qu'il a ordonné à l'Alaska d'arrêter de pêcher. J'ai également cité l'exemple de la pêche au saumon quinnat pour démontrer l'importance de la conservation dans ce traité.

Mais vous avez soulevé un problème immédiat et difficile. Cela renforce ce que M. Cummins disait. Avec le saumon quinnat, nous avons un très grave problème de conservation. Cette année, le Canada a pratiquement mis fin à toutes les captures. L'année dernière, on les avait diminuées de50 p. 100. Le 20 mai, les Américains ont eu un sommet avec les États de Washington, de l'Oregon et de l'Alaska. Ils se sont mis d'accord sur une série de principes. Si vous regardez ces principes, ils sont excellents, mais on ne pourra les juger que sur la base des prises maximums qui seront fixées pour le saumon quinnat dans le sud-est de l'Alaska. Comme vous le savez, monsieur, mais tous les membres du comité ne le savent peut-être pas, environ 90 p. 100 de ces saumons pris en Alaska se dirigeaient vers les eaux de la Colombie-Britannique, de l'Oregon ou de l'État de Washington. La quasi-totalité. Peut-être pourrions-nous poursuivre cette discussion.

M. McWhinney: À titre d'information, est-ce que vous savez...? L'affaire que vous avez mentionnée avait des aspects intrigants et assez renversants également. Des poursuites ont été intentées par les États de Washington et de l'Oregon et par les Autochtones de l'État de Washington qui souhaitaient voir l'Alaska restreindre ses activités de pêche. Les poursuites ont été intentées devant une cour fédérale de district américaine et les plaignants ont gagné leur cause. L'élément inusité, c'est que le gouvernement canadien est intervenu. Un ministère étranger est intervenu légalement dans une affaire devant un tribunal, ce qui est inusité. Nous sommes intervenus dans une procédure dans une juridiction étrangère. L'affaire est maintenant en appel.

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Sur l'île - vous et moi étions présents à la conférence - j'ai vivement invité les groupes locaux à encourager leurs affiliés américains, encouragé les Autochtones à encourager les Indiens américains à intervenir lors de l'appel. J'ai également invité ministère des Affaires étrangères à intervenir.

J'aimerais savoir si vous avez des informations sur ces deux aspects? Premièrement, la mesure dans laquelle l'État de l'Alaska a respecté, ou n'a pas respecté, la première décision et, deuxièmement, où en sont les poursuites. J'ai suggéré que nous demandions une injonction interlocutoire pour exiger que toutes les parties, y compris l'État de l'Alaska, respectent la décision de la cour de district en attendant l'issue de la peine. Avez-vous des informations de Washington sur le statut actuel de ces poursuites? J'imagine que l'affaire doit maintenant être devant la cour d'appel des États-Unis, ce qui est l'avant-dernier palier.

M. Fraser: J'étais dans l'État de Washington et en Oregon la semaine dernière, et apparemment, les parties n'ont pas encore décidé si elles allaient porter l'affaire plus loin. C'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant.

M. McWhinney: Savez-vous si une injonction interlocutoire a été sollicitée pour faire respecter la première décision?

M. Fraser: Il faudrait que je consulte le jugement.

M. McWhinney: Si on suit les procédures normales, il va peut-être falloir attendre 1997 avant qu'une décision définitive ne soit prise.

Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Dhaliwal.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): John, je vous souhaite la bienvenue. Au nom du gouvernement, je tiens à vous féliciter pour le travail que vous accomplissez dans le domaine des pêches, pour le travail que vous accomplissez au sein du groupe, et également pour ce que vous faites au sujet du traité sur le saumon.

D'autre part, c'est un honneur et un plaisir de représenter une circonscription que vous avez représentée pendant une vingtaine d'années, celle de Vancouver-Sud.

M. Fraser: J'espère l'avoir laissée en bon état.

M. Dhaliwal: Je ne sais pas si je vais pouvoir servir cette circonscription aussi longtemps que vous, et après deux ans et demi, je sais à combien de travail cela exige, à quel point cela prend du temps.

Revenons à la question des pêches. Comme vous le savez, lorsque Brian Tobin était ministre, j'ai travaillé de très près avec lui. Comme vous le savez, le traité sur le saumon est particulièrement important pour la Colombie-Britannique. C'est également un sujet explosif, en particulier de nos jours, à une époque où les pêches traversent une période particulièrement difficile.

J'ai participé à une émission de ligne ouverte avec le représentant du gouverneur. Je lui ai demandé avec insistance pourquoi ils avaient peur d'aller en arbitrage. La seule chose qu'il m'ait répondue, c'est que cela leur semble illégal. Cela ne m'a pas du tout convaincu.

M. McWhinney: Excusez-moi, qu'est-ce que vous avez dit?

M. Dhaliwal: D'après eux, l'arbitrage était illégal.

M. McWhinney: Illégal, l'arbitrage? Il a besoin d'un bon cours de droit.

M. Dhaliwal: Oui. Je lui ai donc répondu que ce n'était tout simplement pas vrai, qu'il devrait aller le dire au gouverneur et cesser d'avoir peur. Après toutes les discussions pendant toutes ces années, lorsque deux personnes ne réussissent pas à se mettre d'accord, c'est la seule option qui reste - après toutes les années que nous avons consacrées à cela.

À mon avis, il y a un autre malentendu. Le représentant du gouverneur a dit: «Nous sommes prêts à discuter avec le Canada; l'Alaska est prêt à discuter». Je lui ai dit qu'ils avaient beau être prêts à discuter, que c'était tout de même un traité avec les États-Unis d'Amérique et non pas avec l'Alaska et que nous nous attendions à ce qu'ils respectent les termes du traité. Ils ne respectent pas le traité, en fait ils y contreviennent. Ils ne respectent ni les dispositions sur la conservation, ni les dispositions sur l'équité.

Comme vous le savez, c'est l'Alaska qui est la source du problème. Je sais que nous avons réussi à obtenir la coopération des États de Washington et de l'Oregon et également des tribus du Sud qui nous épaulent dans nos efforts auprès du gouvernement américain. Dans les cercles supérieurs du gouvernement américain, on nous a assuré qu'on ferait tout pour essayer de résoudre ce problème. Évidemment, nous sommes déçus de ne pas voir de solution.

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John, avez-vous pu parler aux gouverneurs de l'État de Washington et de l'Oregon pour voir en quoi ils pourraient? Ont-ils pu vous aider eux aussi? Le vrai problème, vous le savez, c'est l'Alaska. Cet État ne veut pas de solution; il ne veut pas vraiment régler le problème et c'est là que ça bloque. J'imagine que l'État a une sorte de veto de facto dans le débat, et c'est là où est la difficulté tandis qu'à Washington, il n'y a pas de volonté politique de régler le problème. Le gouvernement américain pourrait s'en occuper, mais la volonté manque parce qu'il ne veut pas se battre avec l'Alaska.

M. Fraser: Voyons si je peux vous répondre. D'abord, la position que j'ai prise au nom du gouvernement du Canada et de tous ceux que préoccupe la pêche, c'est que le traité a été conclu avec les États-Unis, pas avec l'Alaska. On le reconnaît, mais on nous dit «oui, mais». Au tout début de mon intervention, j'ai parlé des difficultés que pose la loi habilitante aux Américains. Monsieur McWhinney a relevé une réalité incontournable: l'administration est démocrate alors que le Sénat et la Chambre des représentants sont républicains.

Quant à la prétendue illégalité de l'arbitrage, le département d'État américain n'a jamais dit que c'est la raison pour laquelle il a refusé cette voie. Ils ont leurs propres raisons mais jamais il n'a été allégué que s'engager dans la voie de l'arbitrage obligatoire serait illégal. Je ne crois pas du tout que ce soit le cas et je suis donc de votre avis.

Il ne faut pas oublier que dans le cas du quinnat, le problème immédiat est le taux de capture, qui pourra ou non être établi. Ce taux est fixé par les commissaires de la pêche de l'Alaska. Il faut aussi se souvenir qu'environ 800 des bateaux qui se livreront à la pêche du quinnat viennent de l'État de Washington et de l'Oregon. C'est donc très compliqué. Et ça l'est davantage à cause de la pêche d'interception du saumon rouge dans le Fraser.

Ce que nous tentons de faire, c'est de placer le débat dans un cadre où une discussion approfondie, tenue en public, nous fera progresser au point où nous pourrons en arriver à une entente.

Je précise, monsieur le président, qu'il n'existe aucun tribunal auquel nous pouvons nous adresser. S'il s'agissait d'un litige au civil, nous pourrions nous adresser aux tribunaux, mais il n'existe pas de tribunal auquel s'adresser. Peut-être devrait-il y en avoir un, mais il n'y en a pas. Il faut donc procéder autrement.

Le président: La Cour internationale de la Haye n'intervient pas du tout dans ce litige?

M. McWhinney: Non. [Inaudible - La rédaction]

M. Fraser: Monsieur McWhinney est le spécialiste ici. C'est ce que je crois - et même si ce n'était pas le cas, j'accepterais son avis.

Le président: J'aimerais donner la parole à M. Wells.

M. Dhaliwal: J'aimerais préciser rapidement une chose, monsieur le président. Je sais que cela intéressera beaucoup l'ambassadeur à l'environnement.

Il y a plus de 100 barrages dans le bassin du fleuve Columbia, et la Bonneville Power Administration des États-Unis consacre 100 millions de dollars aux pêches. Voilà qui illustre bien combien il est difficile de remettre en état le milieu lorsqu'il a été détruit. Même à coup de millions de dollars, c'est très difficile. L'État de Washington essaie de reconstituer sa pêcherie, et c'est le problème qu'il rencontre: les dégâts sont si importants que tout l'argent du monde n'y suffira pas.

Le président: Monsieur Wells.

M. Wells (South Shore): Monsieur Fraser, je représente une circonscription de la Nouvelle-Écosse, mais je m'intéresse aussi à la pêche en Colombie-Britannique. Je représente la circonscription de South Shore, importantes circonscriptions pour la pêche.

L'un des dossiers les plus épineux de la pêche en Colombie-Britannique, c'est la stratégie relative aux pêches autochtones. Vous le savez. On a dit à plusieurs reprises que c'est notamment à cause du maquereau que le poisson devient plus rare. On a aussi dit que la SPA était elle aussi un facteur important. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et aussi ce que vous pensez en général de la stratégie proprement dite. Quel est votre sentiment? Vaut-il mieux abandonner cette politique ou la maintenir?

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M. Fraser: La stratégie relative aux pêches autochtones a été adoptée il y a quelques années. Elle avait pour but de veiller à ce que les Autochtones du Canada, surtout s'ils vivaient en bordure ou à proximité des ruisseaux et des rivières, puissent prendre une part active à la conservation de la pêcherie. Il n'y a guère à redire à cela. La question qui a créé et qui continue de créer des dissensions en Colombie-Britannique, ce sont les projets pilotes qui en certains endroits ont permis aux Autochtones de vendre commercialement le poisson traditionnellement pêché à des fins alimentaires ou rituelles. Il ne fait pas de doute qu'en Colombie-Britannique cette question a semé la zizanie et échauffé les esprits.

Notre comité d'enquête a déclaré qu'il n'avait pas le mandat de déterminer s'il devait ou non y avoir une stratégie de pêche pour les Autochtones. Néanmoins, s'il doit y en avoir une, le ministère des Pêches et des Océans a eu tout à fait tort de renoncer à sa responsabilité constitutionnelle de gérer la pêcherie. Nous avons critiqué le fait que des éléments de la stratégie étaient mal administrés et qu'il n'y avait pas d'obligation de rendre des comptes.

Nous avons aussi dit que le jugement Sparrow n'avait pas autorisé la vente du poisson pêché à des fins alimentaires. Ce qu'il disait, c'est que l'obligation première est la conservation, la deuxième la pêche à des fins alimentaires et rituelles et la troisième la pêche commerciale sportive et autre. Mais le jugement Sparrow n'obligeait pas le ministère des Pêches et des Océans à créer un marché autochtone pour le poisson pêché à des fins alimentaires.

Nous ignorons ce qui s'est passé. Il y a eu deux cas de disparition du saumon rouge. Jeparle maintenant du premier. Nous ne savons pas avez certitude ce qui est arrivé aux 400 000 ou 500 000 saumons rouges qui ont semblé avoir disparu la première fois. Certains pensaient que c'était à cause de la température élevée de l'eau dans le Fraser. Nous n'avons pas vraiment trouvé de preuves que la température de l'eau était élevée. Ce qui est certain, c'est qu'on nous a dit officieusement - et aussi officiellement - qu'un très grand nombre de ces poissons avaient été capturés et vendus sur le marché noir.

Même si cela n'est pas acceptable, je crois, pour la plupart des Canadiens, ni, d'ailleurs, pour la plupart des Canadiens autochtones, nous n'avons pas dit, pas plus que nous n'aurions pu dire - nous n'avions pas les preuves nécessaires - que la principale cause de l'épuisement des stocks de saumon était la stratégie des pêches autochtones ou la vente du poisson pêché à des fins alimentaires. Ce que nous avons dit, c'est que si cette pratique devait se poursuivre sans retenue ni justification, sans que personne ne sache ce qui se passe, elle risquait d'avoir des conséquences très graves parce qu'elle échapperait à tout contrôle.

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M. Wells: Ne serait-ce que parce que l'on respecte tant votre avis, en avez-vous un sur les projets pilotes de vente commerciale? Pensez-vous que c'était là une bonne idée ou que c'était mal avisé?

M. Fraser: Eh bien, mon avis vaut celui des autres et je ne crois pas que je doive nécessairement le donner.

Nous avons examiné la chose. Nous avons constaté des imperfections et formulé des critiques. Nous avons soutenu avec vigueur que le gouvernement du Canada ne devrait en aucun cas renoncer à son pouvoir constitutionnel parce que, dès lors, il abdique ses responsabilités. Mais ce n'est pas à moi d'établir les grandes orientations.

M. Wells: Non, je suis d'accord. Sauf que vous semblez mettre en évidence un problème d'ordre administratif et une absence de devoir de justification plutôt qu'une mauvaise orientation générale.

M. Fraser: L'orientation, c'était de créer la stratégie relative aux pêches des autochtones.

M. Wells: Je parle plutôt maintenant de la pêche commerciale, ce sur quoi vous avez insisté, les projets-pilotes de vente.

M. Fraser: Vous ouvrez là un débat immense. J'ai dit qu'il nous a semblé que les projets-pilotes avaient été lancés parce que certaines personnes dans le système - et cela a été fait il y a plusieurs années - étaient d'avis que, à cause du jugement Sparrow, des négociations sur les revendications territoriales et des affaires qui s'acheminaient vers la Cour suprême du Canada, la politique à adopter devait devancer ce que l'on anticipait devoir être la décision finale, c'est-à-dire l'attribution d'une partie importante des stocks de poisson à des fins commerciales pour les tribus autochtones en bordure des cours d'eau.

Nous avons dit que l'issue n'était pas acquise et qu'il n'y avait pas de fondement juridique en faveur de cette orientation lorsqu'elle a été prise. En revanche, nous n'avons pas dit que tous les problèmes de la pêche sur la côte Ouest étaient attribuables à la stratégie des pêches autochtones ou aux Autochtones eux-mêmes. Nous ne l'avons pas dit parce que nous n'en avions pas de preuve.

M. Wells: Je comprends.

M. Fraser: Mais je ne veux pas induire le comité en erreur. Cette question est chaudement débattue dans la province.

M. Wells: Je sais que nous n'avons pas le temps de fouiller la question et je voulais seulement des observations d'ordre général. Je sais que c'est compliqué et je vous remercie de vos explications. Merci.

Le président: Monsieur Cummins.

M. Cummins: Je le comprends mai aussi et j'insiste sur ce qu'a dit l'ambassadeur Fraser à propos des problèmes qui entourent la SPA.

Dans une de vos recommandations, vous dites qu'il ne faudrait pas multiplier ces projets-pilotes de vente qui, d'ailleurs, ne doivent toucher que les saumons excédentaires aux besoins du frai sur la rivière Skeena, ce qui n'est pas très prisé dans certains lieux en Colombie-Britannique.

J'aimerais que l'on rediscute du traité. Vous avez parlé de la formation de ce groupe indépendant composé de tierces parties et je trouve que c'est une excellente idée que j'approuve tout à fait. Mais, à mon avis, le problème que pose le traité, est qu'en fait, il n'est pas conclu avec les États-Unis, à cause des problèmes de la loi habilitante là-bas. La réalité, c'est qu'il faut négocier un traité avec ces quatre groupes indépendants qui ont chacun un pouvoir de veto.

Tout cela s'est embourbé dans le débat sur l'équité, et il y a de bonnes raisons à cela. Mais le problème du traité va plus loin que cela; il s'agit de gérer une richesse naturelle commune que nous partageons avec les États-Unis. Vous l'avez exprimé très nettement et avec brio dès le début. Ce poisson passe continuellement des eaux territoriales d'un pays à celles de l'autre. C'est cela la réalité. Nous partageons cette richesse avec notre voisin du Nord et du sud sur la côte Ouest et on ne peut rien y faire.

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Pour moi, si l'on veut régler le problème que pose ce traité, il faut se pencher sur les questions touchant la conservation et la gestion au lieu de lancer une attaque de front en essayant de régler le problème de l'équité. Si je dis cela, c'est parce que j'ai vu certaines choses arriver lorsque le Canada a participé à la Conférence sur les grands migrateurs et les stocks chevauchant à l'ONU.

Avez-vous tenu compte des points que je viens d'énumérer? Avez-vous des observations à faire? Comme nous sommes pressés par le temps, si vous vouliez en discuter en privé... parce que je pense que c'est important.

M. Fraser: Je vais vous répondre ainsi. Tout d'abord, j'ai dit que l'on ne peut pas séparer conservation et équité et si l'on tient à l'équité, c'est parce que c'est une incitation pour le pays hôte à faire tout ce qu'il doit faire non seulement pour conserver les stocks mais pour les mettre en valeur et s'occuper des cours d'eau, etc. Tout cela a des retombées sur la conservation. Mais si vous me demandez pourquoi il doit y avoir un traité sur le saumon du Pacifique, je vous répondrai que c'est le poisson. Ce n'est pas la capture. Si l'on s'occupe du poisson, le reste suivra. La principale raison pour laquelle nous avons conclu le traité, ce n'est pas pour savoir qui ait le plus de poisson. C'est pour s'assurer qu'il y aura du poisson. J'ai tout lieu de croire que cela devrait être l'une des principales questions à étudier par le groupe spécial indépendant proposé.

M. Cummins: Mais n'y a-t-il pas des problèmes entre le Canada et les États-Unis, du fait que nos régimes de gestion sont différents? En Alaska, je pense qu'on ne dénombre même pas la truite arc-en-ciel. On ne la considère même pas comme une espèce. L'interception de ce poisson dans le sud-est de l'Alaska pourrait être un problème, pourtant...

M. Fraser: Si ce groupe spécial fait son travail, il discutera de ces questions. Je ne vois pas comment elles pourraient être évitées.

Quant à l'autre question que vous soulevez, qu'il est difficile de traiter avec l'Alaska, oui, c'est vrai, surtout en ce qui concerne l'équité. Nous avons de très réelles difficultés à traiter avec les gens de l'Alaska, même en mettant l'équité de côté. Vont-ils continuer à ravager les stocks de saumon quinnat, dont la quasi-totalité naît dans les eaux de la Colombie-Britannique ou du sud des États-Unis. C'est un véritable problème de conservation. C'est pourquoi le tribunal les a empêchés de pêcher l'année dernière.

Toutefois, il n'est pas exact de dire que le seul problème ici, est la position de l'Alaska. Il y a de nombreux autres problèmes. Si vous étiez un Américain du sud des États-Unis qui dépensait les100 millions de dollars dont Harb Dhaliwal a parlé pour essayer de reconstituer les stocks sur le Columbia et voyait avec horreur le risque que nous les ravagions sur la côte sud-ouest de l'île de Vancouver, vous diriez «un instant, l'Alaska n'est pas notre seul problème».

Évidemment, l'un de nos meilleurs arguments pour retourner à la table de négociations et régler ce problème, c'est que le sort que nous inflige l'autre, nous pouvons le lui faire subir aussi. C'est précisément ce que nous essayons d'éviter.

Je sais que M. Cummins voulait me poser des questions à propos du plan Mifflin. Je dirai tout d'abord que ce plan n'a pas été conçu uniquement par le nouveau ministre, monsieur Mifflin. Il était en préparation depuis longtemps déjà. Deuxièmement, il découle des recommandations formulées par le Groupe spécial d'enquête indépendant sur le saumon rouge en faveur de la réduction de la flottille. Tout ce que je dirai pour le moment, parce qu'il y a beaucoup de discussions sur la façon dont ça se fait et quels effets cela aura, c'est que pour la plupart des gens en Colombie-Britannique, il ne fait pas de doute qu'il faut réduire la flottille.

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Le président: Peu importe le nom du plan, monsieur l'ambassadeur, - je n'attaque personne - la question a toujours été de savoir si la réduction de la flottille se soldera par une diminution des captures. Les mesures de conservation sont-elles vraiment en place? C'est la question que bien des gens se posent.

M. Fraser: Si la réduction de la flottille ne réduit pas la capacité, on pourra capturer autant de poissons, mais, si en plus, on insiste sur la minimisation des risques dans cet effort de pêche, on n'attrapera pas autant de poissons pendant la remonte, surtout dans les remontes menacées.

L'autre chose à propos de la réduction de la flottille, c'est qu'il serait beaucoup plus facile ensuite de gérer la pêcherie. En 1994, lorsqu'environ 90 p. 100 du saumon rouge empruntait le détroit de Johnstone, il y avait plus de 5 000 navires sur une distance de quelques milles pour capturer le poisson.

Moi-même et d'autres avons critiqué le fait qu'il y a quelques années, le ministère des Pêches et Océans a été privé des ressources financières lui permettant d'assurer comme il se doit la surveillance, le contrôle et l'application des lois. C'est un problème très grave. Nous ne l'avons pas abordé. Je sais que nous sommes presque à court de temps. Un jour, peut-être, je pourrai revenir pour en discuter. Mais je peux vous dire que, même si le ministère avait eu ce qu'il voulait, cela aurait été un cauchemar que d'essayer de suivre ce qui se passait.

Une des conséquences de cet effort de pêche massif dans cet espace restreint, commeM. Cummins le sait très bien, c'est qu'il est devenu impossible de savoir combien de poissons étaient capturés. Vous objecterez qu'il y avait beaucoup d'autres raisons à cela, mais le fait reste qu'il y avait un effort de pêche massif dans un espace restreint. Le Ministère ne pouvait pas le tempérer, ni même le mesurer au début de chaque saison de pêche. Le résultat, c'est qu'il s'est trompé d'abord sur le nombre de poissons qu'il pensait y avoir là-bas, puis on en a capturé beaucoup plus que le ministère ne le pensait. Lorsque le poisson a commencé à remonter la rivière, on est arrivé à un point où12 heures de pêche de plus auraient éliminé la remonte de la rivière Adams.

Ainsi, la réduction de la flottille, si la capacité de prises reste la même, n'aura pas nécessairement d'incidence sur le nombre de poissons qui seront pêchés. Mais si vous jumeliez cette mesure à une gestion plus prudente, le volume des prises serait moins élevé, surtout dans les zones où il faudrait réduire les prises.

Autre élément fort important, la gestion des pêches est plus facile s'il y a moins de bateaux de pêche.

Le président: Voilà tout un autre... Nous aimerions pouvoir passer une autre heure avec vous pour discuter de cela. Peut-être pourriez-vous nous inviter en Colombie-Britannique et nous pourrons approfondir le sujet.

M. Fraser: Vous ne m'avez même pas interrogé à propos de la morue.

Le président: Non... et nous n'avions aucune intention de vous en parler.

M. Cummins: Il est intéressant de noter que, selon Blewett, la réaction du MPO aux recommandations de la table ronde va à l'encontre de la position de l'industrie. Il dit que «la table ronde était un exercice de communications dans le cadre duquel on a consulté l'industrie commerciale. Celle-ci avait a réussi à dégager un consensus quant à ses propositions, mais elles ont été pour l'essentiel mises de côté subséquemment par le ministère des Pêches et Océans».

Je dis cela, bien que je sois en faveur d'un bon nombre des propositions contenues dans le plan qu'on appelle le plan Mifflin, et je suis d'accord avec plusieurs de vos commentaires à cet égard.

Le président: Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur, d'être venu. J'espère que vous vous êtes amusé hier soir.

La séance est levée.

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