[Enregistrement électronique]
Le jeudi 9 mai 1996
[Français]
Le coprésident (le sénateur Roux): Mes amis, je déclare la séance ouverte. May I call this meeting to order?
Je mets en délibération le crédit 25 du Commissariat aux langues officielles sous la rubrique Conseil privé.
Monsieur le commissaire, il n'est pas nécessaire qu'on vous présente puisqu'on vous a vu il y a peu de jours. Si vous avez quelques mots d'introduction à nous dire pour présenter votre rapport, vous être prié de le faire.
M. Victor C. Goldbloom (commissaire aux langues officielles): À peine quelques mots, monsieur le président.
Je voudrais souligner la progression négative du budget du commissaire au cours des cinq dernières années.
[Traduction]
Si l'on examine les totaux de 1992-1993 jusqu'à 1996-1997, on s'aperçoit qu'ils sont passés de 13,1 millions de dollars à 12,3 millions de dollars, à 11,8 millions de dollars, à 11,1 millions de dollars et enfin, à 10,5 millions de dollars. La diminution a été progressive. Le nombre de personnes formant le personnel du Commissariat a diminué de manière concomitante.
[Français]
Je me limite à ces chiffres pour l'instant, monsieur le président, et je suis à votre disposition.
Le coprésident (le sénateur Roux): Avant de céder la parole aux autres membres du comité, monsieur le commissaire, puisqu'il y a une compression de près de 700 000 $ dans le budget de cette année par rapport au budget de l'année précédente, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les activités du Commissariat qui sont les plus touchées par ces compressions?
M. Goldbloom: Je viens d'indiquer qu'il y a une diminution du personnel. Évidemment, le poste «salaires» est toujours le plus important au sein du budget de n'importe quel organisme.
Nous avons perdu 22 personnes sur quelque 160 en 1995-1996. On en perdra huit cette année et huit l'année prochaine. Voilà l'élément majeur de diminution des dépenses.
Le deuxième élément se situe dans le secteur des communications. Nous avons dû réduire considérablement les montants consacrés, par exemple, à des produits d'information destinés au public. Notamment, beaucoup de sénateurs et de députés ont connu notre publication Langue et société et, avec beaucoup de regret, nous avons dû la suspendre. Je crois bien que cette suspension doit devenir permanente. Nous avons remplacé certaines de nos publications par des choses plus modestes et moins coûteuses. Ce sont là les diminutions majeures que nous avons dû effectuer en raison de la politique annoncée par le gouvernement.
Le coprésident (le sénateur Roux): Si je comprends bien, monsieur le commissaire, en dehors de cette diminution de personnel, qui est évidemment regrettable, et de l'abandon de Langue et société, les services aux citoyens ne seront pas touchés.
M. Goldbloom: Les services aux citoyens ne seront pas touchés et nous continuerons d'être en mesure de répondre aux demandes qui sont formulées, notamment sous forme de plaintes.
Nous avons toutefois laissé tomber un aspect de cette activité, soit les vérifications systématiques du rendement de diverses institutions fédérales. Nous avons, comme je l'ai souligné avant-hier, poursuivi des études systémiques dans un certain nombre de domaines importants. Cela comble, dans une importante mesure, le vide laissé par l'abandon des vérifications.
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur le commissaire.
M. Marchand (Québec-Est): Je regrette, jusqu'à un certain point, la diminution du budget du commissaire.
Le coprésident (le sénateur Roux): Veuillez parler un peu plus fort. On dit que les sénateurs sont durs d'oreille.
M. Marchand: Pourtant, la dernière fois, on me critiquait parce que je parlais trop fort. Mais je vais parler un peu plus fort.
Le budget du commissaire est de l'ordre de 10 millions de dollars par année. C'est une somme considérable, surtout à cette époque de réductions au gouvernement fédéral, et je me demande si c'est de l'argent bien dépensé. Je me pose parfois la question, toujours dans l'optique d'aider les francophones qui vivent à l'extérieur du Québec. Je suis particulièrement préoccupé par cela, parce que j'ai vécu...
M. Goldbloom: Moi aussi, monsieur le président.
M. Marchand: Eh bien, vous l'avez connu de façon différente évidemment, étant donné que vous êtes anglo-québécois. Si vous aviez la bonté de trouver le temps d'en faire un débat, monsieur Goldbloom, je serais à votre disposition.
Dix millions de dollars, c'est considérable. Bien sûr, il y a bien des choses qui sont faites. Je ne veux pas sous-estimer les améliorations qui ont été faites par ci par là au cours des 25 dernières années et depuis que vous êtes là, depuis quatre à cinq ans. Je ne veux pas minimiser ces accomplissements-là.
Cependant, et je reviens à l'élément central, dix millions de dollars, c'est beaucoup d'argent. Le problème, c'est encore une fois ce rapport annuel. C'est une des publications que vous faites chaque année et c'est peut-être la publication la plus importante parce que, contrairement aux études qui ont été faites auparavant, elle est lue par beaucoup de gens et peut-être même utilisée comme le texte central pour interpréter la situation des francophones et des anglophones minoritaires au Canada.
Bien sûr, vous avez fait un certain nombre d'études - qui ont coûté je ne sais combien - , y compris les études dont vous avez parlé l'autre jour. Je les ai lues d'ailleurs. Ce sont des études qui montrent une situation fort différente de celle que vous présentez dans votre rapport annuel.
C'est là qu'il y a un problème. Nous devons approuver dix millions de dollars pour avoir un rapport annuel qui, me semble-t-il, présente une interprétation de la situation qui est malheureuse pour les francophones hors Québec, qui porte le gouvernement à s'endormir face au problème.
Comme Mme Bissonnette le disait dans son éditorial du 3 mai:
- ...le rapport déborde sur 122 pages de non-dits et de petits camouflages...
- Ce sont ses mots: des «non-dits» et des «petits camouflages». Quand on met bout à bout ces 122
pages de non-dits et de petits camouflages, il ressort une tendance, et c'est cette tendance que je
trouve problématique. Il faut penser qu'on a dépensé dix millions de dollars, ou du moins une
partie de cette somme, pour produire ce rapport annuel.
Je ne dis pas cela parce que je ne respecte pas les Anglo-Québécois. Je les respecte. D'ailleurs, au Québec, on veut absolument que les anglophones soient bien protégés. Donc, on a une tendance très nette à niveler deux communautés qui ne peuvent absolument pas être comparées, que ce soit au niveau de leur histoire ou à celui de leurs institutions actuelles. Je n'irai pas dans les détails, car on connaît bien la situation.
Il est même possible d'argumenter qu'il y a aussi une tendance à adoucir la situation vécue par les francophones canadiens et acadiens et à renforcer les préoccupations des Anglo-Québécois.
Monsieur Goldbloom, votre rapport annuel contient tellement de cas que je pourrais vous citer. Je pourrais passer une heure à vous citer des cas qui confirment que cette tendance-là est très claire, très nette. Je me demande si ce n'est pas fait de façon délibérée.
Je me demande si, en tant que commissaire, vous n'avez pas été un petit peu influencé par la ministre du Patrimoine canadien, par exemple. On a vu des choses pires, au gouvernement fédéral, qu'influencer un commissaire pour que, dans son rapport annuel, il présente une situation ou un portrait d'une situation qui porte les fonctionnaires et le gouvernement fédéral à s'endormir.
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand, je vous signale qu'il ne vous reste que quatre minutes et je vous rappelle que nous discutons ce matin du budget du Commissariat aux langues officielles.
M. Marchand: C'est cela. Je pose mes questions dans le cadre de ces dix millions de dollars qui sont dépensés pour le commissaire. Je me pose vraiment des questions, puisque ce rapport annuel fait une série d'affirmations qui induisent en erreur, même si elles ne sont pas nécessairement erronées.
Il ne me reste que quatre minutes. Peut-être pourrais-je...
[Traduction]
M. Breitkreuz (Yellowhead): Il ne vous en reste plus que deux maintenant.
[Français]
M. Marchand: Je reviens à cette affirmation-là. Je la trouve fondamentalement troublante et je ne peux pas en décrocher. Si j'avais plus de temps, j'aimerais avoir un débat pour examiner cette question avec vous, monsieur Goldbloom, ne serait-ce que pour vous redonner la crédibilité que vous méritez peut-être.
En ce moment, je mets en question votre crédibilité, parce que cette tendance est tellement flagrante dans le rapport annuel. J'aurai peut-être l'occasion de citer les cas très nombreux qui confirment cela. C'est pour cela que je me demande s'il vaut vraiment la peine de dépenser dix millions de dollars pour un rapport qui nous dit des choses inexactes. Je vous donne trois exemples sur les 25 que j'ai ici.
Le coprésident (le sénateur Roux): Pourriez-vous formuler une question précise, s'il vous plaît?
M. Marchand: C'est cela, la question. Je vous donne trois exemples. À la page 3, M. le commissaire est très heureux de constater qu'il y a eu une augmentation du nombre de fonctionnaires francophones dans la fonction publique. Il dit qu'en 25 ans, ils ont augmenté de 21 p. 100 à 28 p. 100, et c'est vrai. Cependant, il omet de dire qu'au fond, la situation du français n'a pas changé depuis 25 ans. Le travail se fait encore en anglais. Quatre-vingts pour cent des réunions dans la fonction publique se déroulent en anglais et, dans environ dix p. 100 des cas, les francophones peuvent rédiger leurs rapports en français. C'est cela, le problème. Et il le dit dans son rapport.
Il dit bien des choses que je pourrais citer. Il dit qu'en Alberta, par exemple, il y a 29 écoles francophones alors qu'au fond, il y en a seulement 14. Il a mis dans le même panier les écoles francophones et les écoles où l'on enseigne le français langue seconde. On les met toutes ensemble pour dire que c'est bien en Alberta, car il y en a 29, mais au fond, il n'y en a que 14.
À la page 6, il laisse entendre que la Saskatchewan s'est conformée à l'article 23 et que le Québec ne s'y est pas conformé. Dans le fond, la Saskatchewan a vigoureusement résisté à la mise en oeuvre de l'article 23 de la Loi sur les langues officielles. D'ailleurs, c'est le cas dans toutes les provinces, alors que la Constitution empêche le Québec d'adopter une loi créant des commissions scolaires linguistiques. Le Québec veut en adopter une, mais il en est empêché. D'une part, il y a cela. D'autre part, il ne mentionne pas le fait que tous les acquis scolaires dans l'Ouest sont précaires.
Le coprésident (le sénateur Roux): Depuis plus d'une minute, vous prenez le temps de vos collègues. Pourrais-je vous demander de poser une question précise?
M. Marchand: Vous êtes très gentil, monsieur le président. Dans le fond, c'est cela, ma question. Monsieur Goldbloom, pensez-vous vraiment que vous méritez ces dix millions de dollars par année pour présenter des rapports qui sont, d'après moi, biaisés?
M. Goldbloom: J'aurai de la difficulté à réagir en un temps raisonnable à tous les éléments que M. Marchand a mis de l'avant. Je voudrais tout d'abord rejeter formellement le procès d'intention qu'il me fait. Il n'y a absolument aucune intention de cacher quoi que ce soit. Si l'interprétation de M. Marchand et de certaines autres personnes est que la présentation de chiffres est une façon voulue de ne pas mettre en évidence les problèmes, je rejette formellement cette accusation.
Deuxièmement, M. Marchand dit que le rapport annuel est la pièce maîtresse de ce que publie le commissaire au cours de l'année. Ce faisant, il fait la sourde oreille à ce que j'ai dit publiquement, à ce que j'ai dit de nouveau devant ce comité avant-hier. J'ai prié tout le monde de lire le rapport annuel conjointement avec les quatre rapports d'études systémiques que j'ai publiés.
M. Marchand affirme que le rapport annuel est lu par beaucoup de gens et que, pour cette raison, c'est l'élément le plus important des publications du commissaire.
Je lui ferai respectueusement remarquer que les études systématiques s'adressent aux preneurs de décisions, donc à ceux et celles qui doivent servir le public ou déterminer les politiques, les programmes et les actions des institutions fédérales.
Je prends un exemple. M. Marchand accepte qu'il y a eu augmentation du nombre de fonctionnaires francophones. Il insiste sur le fait que cela n'est pas en concordance avec une augmentation de l'usage du français.
Monsieur le président, c'est précisément pour cette raison que j'ai fait une étude des conditions linguistiques de travail des fonctionnaires fédéraux. C'est précisément pour cette raison que j'ai amené le Conseil du Trésor à publier, conjointement avec mon bureau, une brochure exposant les obligations et les droits des fonctionnaires et, par extension, les droits du public.
C'est pour obtenir de l'amélioration que ces rapports ont été publiés.
M. Marchand fait de nouveau la sourde oreille. J'ai tenu à affirmer dans ma déclaration liminaire d'avant-hier qu'il n'y avait eu aucune consultation avec qui que ce soit, aucune personne, aucun organisme, aucun ou aucune ministre.
J'ai eu une rencontre avec la ministre du Patrimoine canadien pour parler, notamment, de la gestion scolaire. Nos fonctionnaires respectifs se sont réunis pour en parler. C'était pour plaider la cause des médias communautaires, des journaux et des radios communautaires, notamment les journaux, qui, dans bien des cas, partout au pays, éprouvent des difficultés financières. J'ai tenu à porter à l'attention de la ministre l'importance, pour chaque communauté, de son journal. J'ai cité en exemple plusieurs journaux de langue française.
M. Marchand dit qu'en Saskatchewan il y a eu, durant une longue période de temps, une résistance contre l'établissement de la gestion scolaire pour la communauté fransaskoise. Il a raison, mais c'était il y a deux ans. Par suite du deuxième jugement de la Cour suprême du Canada, jugement auquel le commissaire a participé à titre d'intervenant devant la cour, la Saskatchewan a fini par légiférer et la gestion scolaire existe maintenant en Saskatchewan.
Je suis un peu perplexe devant l'affirmation de M. Marchand selon laquelle la Constitution empêche le Québec de légiférer dans le domaine des commissions scolaires linguistiques. La loi a été adoptée et, que je sache, n'a pas été contestée devant les tribunaux. L'Assemblée nationale l'a adoptée en prévision de sa mise en application.
Je n'irai pas plus loin, monsieur le président. M. Marchand a droit à ses opinions, à ses interprétations. J'ai le droit de ne pas les partager.
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur le commissaire.
[Traduction]
Monsieur Breitkreuz, vous avez la parole.
M. Breitkreuz: Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous présenter à vous, monsieur le président, au comité, ainsi qu'à vous, monsieur Goldbloom, mon collègue qui est le porte-parole des comptes publics de notre caucus. John Williams est député de St-Albert (Alberta). C'est un comptable agri et il vous posera donc des questions sur beaucoup de chiffres.
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Williams, vous avez la parole.
[Français]
M. Williams (St-Albert): Bonjour, monsieur Golbloom, et bienvenue à cette réunion.
M. Goldbloom: Merci.
[Traduction]
M. Williams: Monsieur Goldbloom, vous avez fait parler de vous il n'y a pas longtemps, parce que le gouvernement fédéral vous a fait cadeau d'un logement à Ottawa au coût de 15 000 à 16 000 $ par an. Bénéficiez-vous toujours de ce logement?
M. Goldbloom: Oui, monsieur le président.
M. Williams: Monsieur Goldbloom, êtes-vous imposé pour ce logement que le gouvernement fédéral vous fournit à Ottawa?
M. Goldbloom: Non.
M. Williams: On a également appris par les médias que vous avez une limousine en raison de l'importance de votre poste, que bien sûr vous utilisez dans le cadre de vos fonctions.
Les médias ont également indiqué, monsieur Goldbloom, que vous avez choisi de vivre à Montréal, alors que le poste qui vous a été offert est situé à Ottawa, et que vous avez choisi d'utiliser votre limousine avec chauffeur, dont vous bénéficiez dans le cadre de vos fonctions, pour faire les allers et retours entre Montréal et Ottawa. Est-ce toujours le cas?
M. Goldbloom: Oui.
Monsieur le président, puis-je aller un peu plus loin? J'ai été très franc à propos de tout ceci depuis le début et j'aimerais, à des fins de clarification, revenir sur la manière dont les choses se sont passées.
J'ai été nommé Commissaire aux langues officielles après un vote à la Chambre des communes et au Sénat. Peu de temps après mon arrivée, on m'a demandé de rencontrer un haut fonctionnaire du Conseil privé. On m'a très simplement demandé si j'avais l'intention de déménager à Ottawa. Je n'en avais pas l'intention et je l'ai dit. Le fonctionnaire du Conseil privé m'a dit que j'aurais donc droit à une indemnité de résidence secondaire. J'ai répondu que les usages me conviendraient parfaitement.
Cela a mis un terme à la discussion. Plus tard, j'ai appris qu'un certain montant d'argent allait être prévu à cet effet.
Lorsque ceci a été porté sur la scène publique, on m'a de nouveau demandé de rencontrer un haut fonctionnaire du Conseil privé, chose que j'ai faite. J'ai eu une discussion approfondie avec cette personne, répondu à toutes les questions qui m'étaient posées et par la suite, j'ai reçu un questionnaire que j'ai rempli. Je n'ai rien entendu de plus depuis.
Je n'ai à aucun moment présenté d'exigence ou négocié quoi que ce soit. J'ai simplement dit que les usages me conviendraient. Le gouvernement, ou le Parlement, a la prérogative de modifier toute pratique courante et, le cas échéant, je me soumettrai bien évidemment à ce qui sera décidé.
M. Williams: Merci, monsieur Goldbloom.
Je vous ai demandé si ces indemnités particulières vous avaient été offertes, ainsi que des explications sur la façon dont vous les avez reçues et vous répondez qu'elles vous ont été ainsi offertes.
M. Goldbloom: Oui.
M. Williams: Pour clarifier les choses et aux fins du compte rendu, le transport aller-retour entre Montréal et Ottawa est-il également non imposable?
M. Goldbloom: Il m'est plus difficile de répondre à cette question de manière précise, puisque je ne suis pas comptable. Il faudrait que je vérifie comment cela est comptabilisé, mais je suppose que cela fait partie des coûts de fonctionnement du Commissariat.
M. Williams: D'accord, merci beaucoup.
Quel est le nom de la personne du Conseil privé que vous avez rencontrée, qui vous a fait cette offre et qui vous a confirmé que telle est la position du gouvernement?
M. Goldbloom: C'était le secrétaire du Conseil privé, M. Paul Tellier.
M. Williams: Merci.
Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant, monsieur le président. J'aimerais que M. Breitkreuz, membre du comité, continue de poser ses questions. Merci beaucoup.
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Breitkreuz, M. Williams a pris cinq minutes de votre temps.
M. Breitkreuz: Par pitié! Merci, monsieur le président.
Dans son exposé de 10 minutes de ce matin, M. Marchand a présenté deux scénarios intéressants relatifs aux francophones et aux anglophones de tout le pays, ainsi que dans leurs régions minoritaires respectives, c'est-à-dire bien sûr les anglophones du Québec et les francophones du reste du Canada.
Je comprends que si l'on se fonde sur la langue parlée à la maison, le nombre de francophones à l'extérieur du Québec - je veux dire par là les francophones du nord du Nouveau-Brunswick et le long de la frontière Ontario-Québec - est, grosso modo, égal au nombre d'anglophones à l'intérieur de la province du Québec.
J'aimerais savoir, monsieur Goldbloom, si l'on dépense la même somme d'argent en matière de langues officielles pour chacun des groupes minoritaires?
M. Goldbloom: Non. Si l'on tient compte du nombre de plaintes traitées, 84 p. 100 ou 85 p. 100 d'entre elles proviennent de Canadiens francophones, contre 15 p. 100 ou 16 p. 100 seulement de Canadiens anglophones.
Soit dit en passant, au Québec en général, cela se répartit équitablement. Au Québec donc, il y a un nombre assez important de Canadiens francophones qui ont lieu de se plaindre du service offert en français par les institutions fédérales.
Pour ce qui est de nos activités, il est évident que puisque le pays compte une seule province avec une minorité anglophone et neuf provinces et deux territoires avec des minorités francophones, il faut consacrer plus de temps aux déplacements dans ces régions du Canada qu'il n'en faut pour se rendre dans une seule province.
Aux plans de la philosophie et du respect à l'égard des Canadiens toutefois, c'est l'égalité absolue. Nous nous préoccupons des problèmes que vivent tous les Canadiens exactement de la même façon.
M. Marchand a mis beaucoup d'accent sur le fait - c'est un fait - que la collectivité anglophone du Québec dispose de ressources qui ne sont pas comparables à celles dont dispose la plupart des collectivités francophones dans d'autres régions du pays. C'est une différence qui apparaît clairement dans les chiffres relatifs aux plaintes.
M. Breitkreuz: Si j'ai bien compris, le nombre de demandes de renseignements correspond à peu près à la moitié du nombre des lettres que vous recevez chaque année.
M. Goldbloom: Monsieur le président, je dois dire de nouveau que les plaintes et les demandes de renseignement sont regroupées. Lorsque la demande arrive, nous ne sommes pas tout de suite certains si elle appartient à la catégorie des demandes de renseignements ou à celle des plaintes, dont 84 ou 85 p. 100 proviennent de Canadiens francophones.
J'ai indiqué qu'au Québec, autant les Canadiens francophones que les Canadiens anglophones nous présentent des plaintes et que le nombre de celles-ci se répartit à peu près également dans cette province.
M. Breitkreuz: Faites-vous une ventilation de la correspondance que vous recevez de manière à pouvoir dire avec certitude s'il s'agit de plaintes ou simplement de lettres? Demandez-vous aux personnes qui vous écrivent de présenter une plainte en bonne et due forme?
M. Goldbloom: Si nous nous rendons compte en toute objectivité que la personne qui écrit ou qui appelle n'a pas reçu une réponse ou un service approprié d'une institution fédérale, nous considérons son intervention comme étant une plainte. Nous examinons toutes les possibilités afin de voir s'il s'agit d'une plainte légitime.
La plupart des communications que nous recevons se révèlent être des plaintes légitimes. La plupart des plaintes que nous déterminons comme telles se révèlent être justifiées si bien que nous faisons des recommandations en conséquence.
M. Breitkreuz: Je comprends que, d'après le rapport...
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Breitkreuz, pourriez-vous réserver ce genre de questions pour votre deuxième tour? Vous avez encore une minute. Je vous donne une minute de plus.
M. Breitkreuz: Merci beaucoup de votre générosité.
Je comprends qu'il y a 44 agents enquêteurs des plaintes à la Commission.
M. Goldbloom: Je pense que ce chiffre est exact.
M. Breitkreuz: Je comprends également que, selon les documents, les salaires représentent un total de plus de trois millions de dollars, ce qui revient à 70 000 $ par agent enquêteur. Mener des enquêtes sur 1 500 plaintes par an équivaut donc à environ 40 plaintes par agent, soit moins d'une plainte par semaine, et des charges salariales de trois millions de dollars.
J'aimerais comparer le salaire de ces agents enquêteurs à celui des informaticiens qui n'est que de 35 000 $, soit moins de la moitié. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit là d'une anomalie? Les secrétaires ont un salaire de 31 000 à 32 000 $, tandis que les informaticiens ont un salaire de 29 000 $ environ seulement. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'une anomalie en matière de salaires?
M. Goldbloom: Monsieur le président, les salaires sont fixés en fonction de la classification de chaque personne et de chaque poste. Ce n'est pas nous qui les décidons, mais la Commission de la fonction publique du Canada.
Tout poste vacant est annoncé avec sa catégorie et son niveau de salaire.
Nous avons des techniciens qui s'occupent de nos besoins en matière d'informatique. Ils ont un niveau de compétence approprié pour ce faire.
Traiter les plaintes est un travail plutôt sophistiqué qui exige considérablement de jugement, car bien évidemment il y a toujours des différences d'interprétation quant aux faits, selon la personne avec laquelle vous parlez.
Le traitement des plaintes est devenu de plus en plus complexe. Nous recevons des plaintes qui sont assez simples et qui indiquent un oubli de la part d'une personne qui aurait dû faire telle ou telle chose et qui ne l'a pas fait. Il est facile et rapide de découvrir ce qui s'est passé, d'indiquer que c'était une erreur et d'obtenir la promesse que cette erreur sera corrigée.
Nous recevons de plus en plus de plaintes complexes. Il y a plus de plaintes à propos de la désignation des postes bilingues, par exemple. Cette désignation est contestée dans les deux sens. Une personne peut dire que ce travail est désigné bilingue, alors qu'il ne devrait pas l'être. Une autre dit que ce travail est désigné unilingue, alors qu'il devrait être désigné bilingue. Ces plaintes exigent que l'on évalue de façon beaucoup plus détaillée si les exigences réelles de cette fonction obligent ou non la personne à comprendre et à parler les deux langues. La complexité semble s'être accentuée ces dernières années.
M. Breitkreuz: J'ai une seule observation avant de terminer.
Je trouve absolument absurde que le salaire d'un agent enquêteur des langues officielles - ou d'un agent de police linguistique, pourrait-on dire - soit supérieur à celui d'un député ou même d'un sénateur, monsieur le président.
Merci beaucoup.
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur Breitkreuz.
Monsieur Allmand, je vous cède la parole.
M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je pense qu'il importe d'indiquer aux fins du procès verbal certains éléments positifs à l'égard du Commissariat.
J'étais au Parlement lorsque nous avons adopté la Loi sur les langues officielles dans les années 60, instituant le Commissariat et définissant son rôle. J'ai également siégé au sein de ce comité parlementaire, lorsque nous avons examiné cette loi et adopté une nouvelle loi, il y a quelques années seulement.
Je tiens à dire qu'au fil des ans, j'ai présenté de nombreux cas aux divers commissaires et qu'ils ont toujours donné suite à ces plaintes et à ces communications avec diligence. Je me souviens d'une époque pas très éloignée où la situation des anciens combattants âgés de l'hôpital Sainte-Anne, dont la majorité étaient des anglophones vivant au Québec, n'était pas parfaite; ils avaient l'impression de ne pas pouvoir obtenir de services dans leur propre langue. Je parle d'anciens combattants qui avaient dans les 70 et les 80 ans et qui ne pouvaient obtenir de services en anglais; ils étaient majoritaires à l'hôpital. J'ai saisi le Commissaire de la question; il a procédé à un examen très approfondi et a publié un rapport qui a permis de clarifier et d'améliorer considérablement la situation.
Il faut souligner que les commissaires, qui sont des ombudsmans, ne peuvent pas forcer le changement. Ils peuvent par contre susciter le changement en publiant un rapport. Le rapport est donc un élément essentiel de tout ombudsman. Par conséquent, monsieur le président, je peux attester que les enquêtes de ce commissaire et de tous les autres ont donné lieu à quelques mesures très positives.
À propos des remarques de M. Marchand, je dirais une fois de plus qu'il ne fait aucun doute que des collectivités francophones au Canada sont en danger. Il y a des francophones dans d'autres provinces canadiennes qui ont été assimilés. Par contre, il est à mon avis tout à fait évident qu'au Nouveau-Brunswick ainsi que dans l'est et le nord de l'Ontario, une grande amélioration s'est produite depuis que je siège au Parlement, ainsi que depuis la période de mon enfance que j'ai passée dans le nord de l'Ontario et au Nouveau-Brunswick. En tant qu'anglophone, je peux voir une grande amélioration au chapitre de la culture, de l'éducation et des modes de vie des francophones de ces provinces.
Alors que les choses se sont améliorées à cet égard, monsieur le président, j'aimerais vous dire que les anglophones du Québec ont connu un véritable revers. Nous avons eu cette odieuse loi sur l'affichage en vigueur pendant des années. De petits cordonniers qui avaient inscrit sur leur panneau «cordonnier» et «shoemaker» ont été obligés de cacher le terme anglais; ils ont dû peindre par-dessus, car ils ne pouvaient pas se permettre d'acheter de nouveaux panneaux. Des enquêteurs mesquins signalaient les fautifs sous prétexte qu'il y avait des apostrophes sur leurs panneaux. Par exemple, «Joe's Bistro» n'était pas considéré comme suffisamment français, à cause de l'apostrophe.
Les anglophones ont pratiquement disparu de la fonction publique du Québec. Leur pourcentage est si faible qu'on les remarque à peine. Même au sein de la fonction publique fédérale au Québec, leur pourcentage est bien inférieur à celui de la population qu'ils représentent dans la province du Québec.
Lorsque l'on a essayé d'interdire... Soit dit en passant, en ce qui concerne la loi sur l'affichage, le gouvernement du Québec a fait appel à la Cour d'appel du Québec, lorsque la Cour supérieure du Québec a déclaré que cette loi était injuste. À la Cour d'appel du Québec, cinq juges ont déclaré à l'unanimité que cette loi était injuste. La Cour suprême du Canada a été saisie de la question et a décrété, à l'unanimité, que cette loi était inconstitutionnelle; c'est à ce moment-là que le gouvernement du Québec a eu recours à la disposition dérogatoire pour déroger aux décisions de la Cour suprême, de la Cour d'appel du Québec et de la Cour supérieure du Québec, afin de mettre de nouveau en vigueur la loi sur l'affichage qui interdit l'usage de l'anglais sur les panneaux. Ce n'est qu'après que quelques Canadiens se sont rendus à Genève pour demander à la Commission des droits de la personne des Nations Unies de déclarer que cette loi était injuste que des modifications y ont été apportées.
Monsieur le président, nous avons été obligés d'aller devant les tribunaux tout comme lorsqu'on avait tenté de nous refuser le droit d'utiliser l'anglais dans les tribunaux au Québec, de nous refuser le droit d'utiliser l'anglais à l'assemblée nationale.
D'après ce dont j'ai été témoin jusqu'à tout récemment donc, il y a eu une amélioration au Nouveau-Brunswick ainsi que dans l'est et le nord de l'Ontario pour les francophones, bien que je doive dire en toute justice qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire. Mais je dois également en toute justice dire que j'ai été témoin d'un recul en ce qui concerne la collectivité anglophone au Québec.
Comme je le dis, ce n'est pas une question d'assimilation au Québec. Ce qui se passe au Québec, puisque les anglophones ne sont pas assimilés - nous en avons perdu plus de 100 000, je ne me souviens pas des chiffres exacts de la province - c'est une destruction de leurs institutions culturelles et linguistiques; malgré leur présence, leurs institutions disparaissent.
J'ai pensé que je devais le dire aux fins du compte rendu, en raison des propos de M. Marchand relatifs à la situation, propos qui me semblent constamment teintés de malhonnêteté. Je siège au sein de ce comité depuis ses tous premiers débuts et j'ai écouté la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, la Fédération des francophones hors Québec, Alliance Québec, les Townshippers, tous ces groupes qui représentent les minorités linguistiques. S'il les avait également écoutés, je ne pense pas qu'il tiendrait les mêmes propos que ceux qu'il a tenus ces derniers jours.
Monsieur Goldbloom, j'aimerais vous demander quelque chose au sujet des plaintes. Leur nombre a baissé. Je me demande si le phénomène est attribuable au fait que vous ne disposez pas d'un budget pour faire connaître votre existence. Je reçois encore à mon bureau pas mal de plaintes d'anglophones et de francophones. Le nombre de plaintes baisse-t-il parce que tout va bien, selon vous? Avez-vous analysé cette situation? Est-ce parce que vous avez moins d'enquêteurs ou que les gens ne sont peut-être pas au courant de votre présence?
Je sais que bien des gens ignorent que vous avez un bureau à Montréal. Lorsqu'ils se présentent au mien, je dois les en informer. Je reçois leurs plaintes; si elles sont graves, je les transmets à votre bureau. Si elles sont moins graves, par contre, je m'adresse directement au ministre concerné ou au ministère fédéral visé et je demande pourquoi le service n'est pas assuré comme il est censé l'être.
Toutefois, cette baisse des plaintes m'étonne. Est-ce parce que les Canadiens se sont résigné à accepter certaines choses auxquelles ils n'étaient pas résignés auparavant? Avez-vous cherché à connaître les raisons de cette baisse des plaintes?
M. Goldbloom: Monsieur le président, le nombre de plaintes varie d'une année à l'autre. J'hésiterais à affirmer que la diminution, une certaine année donnée, est représentative d'une tendance générale.
Informer les gens de l'existence du Commissariat et des coordonnées et des numéros de téléphones de ses bureaux, y compris des numéros d'appel sans frais, revêt une grande importance pour moi. Nous avons pris plusieurs mesures relativement peu coûteuses, comme publier de petites annonces sous forme de questions et de réponses dans les journaux communautaires du pays et monter, de concert avec les stations de radio communautaires, une émission en vue d'inviter les auditeurs à appeler à nos bureaux et, de la sorte, à leur faire prendre conscience de notre existence et de nos fonctions.
Nous avons évalué ce qui se passe lorsqu'un citoyen se plaint. Après tout, c'est important. Comme vous l'avez fait remarquer, monsieur Allmand, le commissaire a le pouvoir de faire des recommandations, non pas d'obliger une institution fédérale à s'y conformer, et il est donc...
M. Allmand: Vous la dénoncez publiquement dans votre rapport. Cependant, il nous appartient, en tant que parlementaires, de voir à ce qu'elle y donne suite.
M. Goldbloom: C'est exact. Cependant, puisqu'il est possible que les institutions fédérales haussent les épaules et ne fassent rien, nous effectuons des suivis pour voir s'il y a eu amélioration. Les suivis nous ont révélé qu'il y a amélioration dans 92 p. 100 des cas dans lesquels nous faisons une recommandation, ce qui est un pourcentage très élevé. Bien sûr, l'amélioration n'est parfois que partielle. Par contre, dans la vaste majorité des cas, on met immédiatement fin à ce qui a fait l'objet de la plainte et de la recommandation. S'il y a amélioration, il faut donc s'attendre à une certaine diminution des plaintes.
Nous constatons que le nombre de plaintes peut diminuer un peu, puis remonter en raison, en partie, de nouvelles sources de préoccupation. La plus importante - et elle a suscité beaucoup d'intérêt dans les médias quand j'ai rendu mon rapport annuel public - est Internet. Nous avons reçu un grand nombre de plaintes au sujet d'Internet, parce que les institutions fédérales utilisant Internet pour communiquer avec la population canadienne ou avec d'autres institutions ne respectent pas toutes leurs obligations. Par conséquent, la baisse du nombre de plaintes dans certains domaines est compensée par une augmentation dans d'autres.
Idéalement, il ne devrait pas y avoir de problème et, donc, le nombre de plaintes devrait baisser progressivement parce que nous faisons notre travail et que les institutions fédérales donnent suite à nos recommandations. La nature humaine étant ce qu'elle est, toutefois, le monde dans lequel nous vivons n'est pas parfait. Il faut s'attendre à un nombre plutôt constant de plaintes d'année en année.
M. Allmand: Hier, M. Marchand s'est plaint que tous les commissaires aux langues officielles ont jusqu'ici été des anglophones. Vous avez répondu, avec raison, que c'était peut-être le cas, mais qu'ils étaient bilingues. À la Commission des langues officielles, dans ses bureaux répartis un peu partout au pays, quel pourcentage de vos effectifs a pour langue maternelle le français, quel pourcentage a pour langue maternelle l'anglais et quel pourcentage de tous ces gens est bilingue?
M. Goldbloom: Les deux tiers environ de nos effectifs sont francophones et l'autre tiers, composé d'anglophones. La très grande majorité sont bilingues et la plupart d'entre eux s'expriment très bien dans les deux langues.
Nous faisons ce que nous demandons aux autres ministères de faire, c'est-à-dire que nous examinons les exigences linguistiques d'un certain nombre de postes pour faire en sorte qu'elles correspondent aux besoins réels, que, si nous exigeons qu'une personne soit parfaitement bilingue, la fonction le justifie. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous recevons 84 ou 85 p. 100 de nos plaintes de Canadiens d'expression française. C'est donc dire que nos enquêteurs doivent pouvoir travailler en français.
M. Allmand: Un fort pourcentage de ces francophones est-il composé de Franco-Ontariens ou d'Acadiens? Avez-vous des employés francophones québécois?
M. Goldbloom: Oui, il y en a, monsieur le président. À pied levé, je serais incapable de vous donner des chiffres précis, mais nous employons un certain nombre de Franco-Ontariens en particulier, parce que notre siège se trouve ici, dans la région de la capitale nationale. Des Acadiens travaillent dans notre bureau de Moncton, et des Franco-Albertains, en Alberta, et ainsi de suite.
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais apporter certaines éclaircissements à la suite des questions posées par M. Breitkreuz. Notre direction des enquêtes compte 44 employés permanents, soit 30 professionnels et 14 employés de soutien. Le salaire moyen d'un enquêteur est de 45 000 $.
Me permettez-vous de revenir pour un instant à la question de M. Allmand et de dire que, comme l'exige inconditionnellement l'administration publique, nous n'établissons pas de distinction parmi les candidats en fonction de leur langue maternelle ou de leur langue principale. Quand il y a une vacance et qu'un concours est annoncé, le poste va au meilleur candidat.
Comme il convient en vertu de l'article 91 de la Loi sur les langues officielles, il faut que certains postes soient définis comme étant bilingues. Un grand nombre d'entre eux doivent être bilingues, à nomination impérative, c'est-à-dire que le candidat doit déjà être capable, au moment de postuler l'emploi, de travailler dans les deux langues officielles. Si l'exigence est justifiée, alors le fait que le candidat ait pour langue maternelle l'anglais ou le français ou qu'il préfère utiliser l'un ou l'autre est sans rapport avec le principe du mérite selon lequel le meilleur gagne.
[Français]
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Serré.
M. Serré (Timiskaming - French River): Premièrement, j'aimerais appuyer les commentaires de mon collègue quant à l'utilité des services rendus par le commissaire aux langues officielles. Pour nous, les minorités francophones du Canada, il est absolument primordial d'avoir un commissaire aux langues officielles. Même si ce n'est pas toujours parfait, il a, comme ses prédécesseurs, joué un rôle très important pour nous, les minorités.
Dans le même ordre d'idées, j'aimerais faire un petit commentaire sur la façon dont les journalistes rapportent ce qui se passe à ce comité. J'ai été très dgu de lire dans Le Droit le compte rendu de notre réunion de mardi dernier. Ce compte rendu n'était pas très objectif. On a fait état des propos très négatifs du député du Bloc québécois. On a passé totalement sous silence les commentaires de nos honorables collègues du Sénat, qui avaient un point de vue tout à fait opposé et qui l'ont très éloquemment prononcé. Donc, j'ose espérer qu'à l'avenir, les journalistes du Droit vont faire un compte rendu plus objectif et plus équilibré de nos réunions.
Monsieur Goldbloom, ma question portera sur la partie VII de la Loi. Je sais que, dans quelque temps, vous allez nous faire un compte rendu des plans d'action des différents ministère et que nous allons probablement tenir une séance précisément à ce sujet-là. Cependant, pour ma part, je pense que l'application de la partie VII devrait être une priorité. J'ai l'impression que plusieurs ministères traînent à cet égard et qu'ils ont besoin d'un petit coup de pied, soit de la part du comité, soit de la part du commissaire aux langues officielles.
Cela devrait être la priorité du Commissariat au cours de la prochaine année, parce que j'ai l'impression que, si on force les ministères à procéder à l'application de la partie VII, le nombre de plaintes va diminuer et il y aura sûrement une amélioration des services pour les deux minorités. Êtes-vous d'accord avec moi que cela devrait être une priorité pour votre Commissariat? Qu'entendez-vous faire, au cours de la prochaine année, pour vous assurer que les plans d'action soient adéquats et qu'ils soient mis en oeuvre?
Le coprésident (le sénateur Roux): Avant de donner la parole au commissaire, monsieur Serré, je voudrais vous souligner que le comité et les coprésidents n'ont pas beaucoup d'autorité sur les journalistes.
M. Serré: Je suis complètement d'accord, mais j'ai quand même exprimé mon point de vue.
M. Goldbloom: Je réponds simplement par un oui. Il faut que ce sujet soit une priorité pour le commissaire et, je l'espère, pour le comité. C'est en 1988 que cette partie de la loi a été adoptée. Au cours de ces huit années, les mots ont été là, sur papier, mais les actions ont laissé à désirer.
Je ne voudrais pas prêter aux institutions fédérales de mauvaises intentions, mais plutôt une espèce d'inattention collective, un manque de compréhension de l'importance de la partie VII de la loi. Cette partie impose au gouvernement du Canada une responsabilité à l'endroit des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire et l'obligation de voir à leur développement, à leur épanouissement et à leur vitalité. Cela ne doit pas rester sur papier et être simplement un voeu exprimé.
Il faut que cet engagement se traduise par des actions, des programmes et une attribution équitable des ressources, afin que ces communautés, notamment les communautés d'expression française dans les divers provinces et territoires à majorité d'expression anglaise, puissent continuer de vivre.
C'est par le développement de plans d'action que nous voyons l'avenir se dessiner de façon potentiellement plus favorable et c'est pour cela que j'ai accepté sans difficulté la requête de ce comité que je me penche sur les plans d'action et que je fournisse au comité une appréciation de chacun.
Je tiens à dire - et c'était prévisible - qu'il y a une certaine variation de qualité d'un plan d'action à un autre et que mon objectif, en fournissant aux intéressés, particulièrement aux membres du comité, une évaluation des plans, est non seulement de faire la critique, mais de rendre cette critique constructive et d'amener les institutions en question à produire une deuxième génération de plans d'action qui sera d'une qualité nettement supérieure à celle de la première génération.
M. Serré: Merci beaucoup.
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur le sénateur Rivest.
Le sénateur Rivest (Stadacona): Monsieur le commissaire, voulez-vous rappeler au comité le pourcentage de plaintes, quant à l'application stricte de la Loi des langues officielles, qui vous viennent de Canadiens d'expression anglaise par rapport aux Canadiens d'expression française?
M. Goldbloom: J'ai dit que c'était 15 ou 16 p. 100, selon l'année.
Le sénateur Rivest: Les plaintes des Canadiens anglophones?
M. Goldbloom: Oui.
Le sénateur Rivest: Ces plaintes ont-elles trait à l'application de la Loi des langues officielles ou à certaines situations? Par exemple, M. Allmand parlait de la question de l'affichage. Ces plaintes venant de Canadiens d'expression anglaise ont-elles trait, à l'occasion, à des matières de compétence provinciale?
M. Goldbloom: Nous pouvons recevoir des plaintes qui touchent des domaines de compétence provinciale. Nous sommes obligés de les mettre de côté, n'ayant pas l'autorité de faire enquête dans de tels domaines.
Par contre, en vertu de la partie VII de la loi et de l'obligation que le gouvernement du Canada s'est donnée à l'endroit des communautés de langues officielles en situation minoritaire, je me permets de demander des rencontres avec des premiers ministres et ministres provinciaux. Sauf exception, ces demandes sont acceptées et je n'éprouve aucune difficulté à discuter de ces questions pour le bénéfice de la communauté minoritaire en question.
Le sénateur Rivest: D'une façon générale, tout en reconnaissant la pertinence des revendications qui peuvent venir de la communauté anglophone - que ce soit au Québec ou en dehors du Québec - quant à l'application de la Loi sur les langues officielles ou quant à certaines situations qui se présentent à l'occasion dans certaines régions du pays, je me dis que la raison d'être première de la Loi sur les langues officielles est de sauvegarder la dualité. Or, la dualité linguistique au Canada est menacée beaucoup plus du côté francophone que du côté anglophone. D'une façon générale, acceptez-vous cette approche?
M. Goldbloom: Certainement.
Le sénateur Rivest: Dans ce sens-là, les préoccupations qu'on ressent, dans certaines questions ou certains commentaires portant sur une espèce d'égalité absolue de traitement, sont bien sur le plan théorique.
Êtes-vous d'accord que l'effort du commissaire, comme celui des autres instances impliquées, doit porter d'abord et avant tout sur le soutien de la francophonie canadienne, parce que c'est elle qui est menacée à tous égards?
La Loi sur les langues officielles n'est pas nécessaire au Canada pour sauver l'anglais, quelles que soient les difficultés. Êtes-vous d'accord sur cette affirmation?
M. Goldbloom: J'aimerais offrir deux éléments de réponse. D'abord, parlons des simples chiffres. D'année en année, le pourcentage de plaintes venant de Canadiens d'expression française, en forte majorité des provinces autres que le Québec, impose une préoccupation particulière pour la francophonie canadienne dans son ensemble. Je dois aussi dire que je perçois le rôle du Canada à l'appui de la francophonie, la sienne et la francophonie internationale, comme étant majeur. Nous avons bien des choses dont nous pouvons être fiers en ce qui concerne l'attention accordée par le Canada à la vitalité de la francophonie chez nous et à l'échelle internationale.
Un autre élément de réponse est important. Il y a une distinction à faire entre la situation de la langue anglaise et la situation de la communauté québécoise d'expression anglaise. La langue anglaise domine le monde comme jamais auparavant. L'arrivée de l'inforoute intensifie la dominance de la langue anglaise. J'ai fait avant-hier la démonstration que l'anglais était, au Canada, utilisé comme principal instrument de communication au foyer par un nombre de personnes supérieur au nombre de personnes qui s'en réclament comme langue maternelle. Il n'y a donc pas de danger pour la langue anglaise, y compris au Québec où notre étude sur les points de service a démontré que les services sont disponibles en anglais, sur demande dans la plupart des cas, dans 98,8 p. 100 des cas.
Cependant, la communauté en question a perdu de ses forces vives et a perdu récemment quelques institutions dans le domaine de la santé et des services sociaux, institutions cries par la communauté elle-même. Ce n'était pas au départ des institutions publiques. Cette communauté éprouve certains malaises qui se manifestent dans des lettres aux journaux, sur les lignes ouvertes des tribunes téléphoniques, etc.
Je ne cherche pas à faire une comparaison quantitative ou autre, mais je tiens à rappeler que si l'avenir de la langue anglaise n'est pas problématique, la communauté d'expression anglaise au Québec éprouve quand même certaines difficultés et certaines inquiétudes quant à son avenir.
Le sénateur Rivest: Ces difficultés de la communauté anglophone du Québec sont tout à fait réelles. Cependant, ne va-t-on pas un peu vite lorsqu'on fait trop le lien entre les problèmes et les inquiétudes de la communauté, qui sont tout à fait réels et auxquels le premier ministre du Québec, M. Bouchard, s'est montré sensible dans son discours, et les politiques linguistiques? Ces problèmes ne viennent-ils pas plutôt d'un phénomène purement démographique? Il y a eu des problèmes politiques et il y a eu une «fuite», en 1976, pour des raisons politiques, d'un nombre important de membres de la communauté anglophone du Québec, mais il y avait également un problème démographique.
Cela implique, pour les gouvernements, de renforcer les institutions de la communauté anglophone, quels que soient les problèmes démographiques qu'elle connaît. Ils doivent avoir la ferme volonté politique de maintenir les institutions de la communauté; non seulement de les maintenir mais aussi de leur donner la possibilité de se développer, par exemple par un apport additionnel de fonds.
Il n'y a pas nécessairement de lien entre les inquiétudes qui sont manifestées et l'application des lois linguistiques. Ce n'est pas la Loi 178 sur l'affichage, qui a été corrigée comme on l'a évoqué plus tôt, qui a cri l'inquiétude de la communauté. Cela a cri des frustrations tout à fait légitimes qui ont été corrigées par la Loi 86. Ne pensez-vous pas que le problème au Québec est avant tout un problème démographique?
M. Goldbloom: Le problème est complexe et l'élément démographique est important. Vous avez souligné avec raison, monsieur le sénateur, que le faible taux de natalité affecte et la majorité d'expression française au Québec et la minorité d'expression anglaise. C'est la toile de fond devant laquelle tout le problème doit être analysé. J'ai dit en conférence de presse, comme je le dis depuis de très nombreuses années, que mon objectif est toujours celui de la promotion du dialogue raisonné afin que nous puissions examiner sereinement les problèmes qui affectent l'une et l'autre des communautés au Canada.
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Gagnon.
Le coprésident (M. Gagnon): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Commissaire, j'ai lu dans votre rapport que vous avez fait une brève analyse du rôle de la Commission de la capitale nationale. A-t-on envisagé la possibilité de mener un projet pilote pour rehausser la visibilité du français ici, à Ottawa, c'est-à-dire d'établir un lien direct quelconque avec la Ville comme telle?
Cela me rappelle ce que l'un de nos ex-premiers ministres a dit: à l'extérieur du périmètre de la colline, les députés sont essentiellement des personnes comme toutes les autres. J'ai l'impression qu'on peut dire la même chose de l'usage et de la visibilité du français à Ottawa. J'aimerais savoir si, au fil des ans, on a cherché à informer les employeurs et l'hôtel de ville - les piliers de la communauté, si vous voulez - des avantages qu'ils tireraient si la région de la capitale nationale avait un visage plus français ou si une telle tentative sera peut-être faite au cours des prochains mois.
Je songe notamment à l'exemple de Bruxelles, qui a adopté une politique pour faire en sorte que les deux langues officielles du pays soient reconnues et utilisées plus couramment dans le milieu des affaires et sur la scène municipale.
J'aimerais connaître votre opinion à cet égard et savoir si quelque chose peut être fait ou a été fait pour rehausser la visibilité du français dans la ville d'Ottawa.
M. Goldbloom: Il est juste de dire que, depuis un quart de siècle, il y a eu redressement de l'équilibre entre l'utilisation et la visibilité du français et de l'anglais dans la région de la capitale nationale. Cependant, nous continuons de recevoir des plaintes à cet égard. Les francophones ont tendance à se plaindre davantage que les anglophones.
Encore une fois, nous butons ici contre une question de compétence. La Loi sur les langues officielles s'applique aux institutions fédérales et aux organes analogues, dont la Commission de la capitale nationale. Par conséquent, lorsque nous recevons une plainte concernant la Commission de la capitale, elle est transmise à cet organisme. Je dois dire que nous sommes très satisfaits de la coopération des chefs successifs de cet organisme. Les situations sur lesquelles nous avons attiré leur attention ont, dans l'ensemble, été corrigées très rapidement.
Par contre, le commissaire n'a pas de prise sur la scène municipale. Quoi qu'il en soit, étant donné la responsabilité générale que j'ai à l'égard des groupes linguistiques minoritaires et par simple courtoisie, j'ai rencontré la plupart des maires de la région de la capitale nationale. Très simplement, je leur ai dit: «Officiellement, je ne puis rien faire au sujet de la façon dont vous vous acquittez de vos responsabilités, mais j'aimerais que vous sachiez quelles sont mes sources de préoccupation, comment je vois les lacunes existantes et que vous m'aidiez à améliorer la situation». Dans chaque hôtel de ville où je me suis présenté, j'ai toujours été reçu cordialement.
Pour faire plus, il faudrait, selon moi, une action concertée que la Commission de la capitale nationale voudra peut-être amorcer. Si elle le faisait, je m'en réjouirais, mais une telle initiative déborde du cadre des attributions du Commissaire aux langues officielles, mis à part peut-être le fait qu'il puisse la mentionner dans une publication. Je ne crois pas pouvoir faire davantage pour inciter à l'action sur la scène municipale et dans l'entreprise privée.
Le coprésident (M. Gagnon): Je comprends la situation, monsieur le commissaire, mais j'entends souvent des comparaisons, surtout de la part de mes collègues anglophones de Montréal qui se plaignent de l'absence de l'anglais, si je puis m'exprimer ainsi, du peu de reconnaissance accordée à la communauté d'expression anglaise. Toutefois, à moins de faire erreur, je crois qu'Ottawa est à 40 p. 100 francophone, soit un pourcentage comparable à celui de l'île de Montréal. Il serait bon d'entendre parfois des membres du gouvernement affirmer que l'on devrait exiger autant d'Ottawa que de Montréal.
Je sais que le gouvernement fédéral et votre bureau, je crois, en ont tenu compte, mais j'espère qu'à l'avenir, nous parviendrons, grâce à un projet spécial, à inciter les instances municipales à faire davantage et à obliger la Commission de la capitale nationale à accroître la visibilité du français, plutôt que de simplement assurer la prestation des services du gouvernement fédéral en français, en en étendant l'usage sur la scène provinciale peut-être et, naturellement, sur la scène municipale.
M. Goldbloom: Une capitale nationale est sans conteste le reflet du pays qu'elle représente.
Le coprésident (sénateur Roux): Monsieur Godfrey.
M. Godfrey (Don Valley - Ouest): Je me demande si vous avez déjà réfléchi à la situation qui existait au tout début de la fonction de commissaire qui date de, quoi, 1970...?
M. Goldbloom: La fonction a effectivement été crie en 1970.
M. Godfrey: Si vous deviez prendre deux photographies, une de la situation actuelle et une de la situation en 1970, sans égard au rôle que vous voudriez donner au commissaire pour changer l'état des choses, seriez-vous prêt à dire que, dans l'ensemble, il y a eu un changement d'attitude aussi marqué à l'égard du bilinguisme qu'à l'égard de l'écologisme, du féminisme, du tabagisme, de tous ces grands bouleversements sociaux que nous avons vécus? Comment mesure-t-on un tel changement? Se reporte-t-on aux rapports initiaux? Se fie-t-on aux données des sondages?
Voilà ce qu'il faut se demander: y a-t-il eu un revirement et comment le mesurer?
M. Goldbloom: Il y a certes eu un très important changement, et de nombreux membres de votre comité en ont témoigné avant-hier. Simultanément, il reste une série complexe de problèmes à régler, et on rencontre des résistances. Cerner certaines de ces résistances et trouver des moyens de les contourner fait partie de la responsabilité du commissaire.
Quant au moyen de mesurer le changement, il est difficile d'en nommer un seul. On peut par exemple se fonder, comme je l'ai fait il y a deux jours, sur le nombre de Canadiens qui sont capables de travailler dans les deux langues. Le nombre de Canadiens bilingues a considérablement augmenté: il est passé de 2,8 millions en 1971 à 4,5 millions en 1991. Les 8,5 millions de personnes dont j'ai parlé l'autre jour représentent le total de ceux qui sont capables de s'exprimer en français, et la proportion de ceux qui sont capables de s'exprimer en français, mais dont la langue maternelle n'est pas le français - elle est habituellement l'anglais - a grossi au fil des ans.
L'autre moyen de mesurer à quel point les Canadiens sont disposés à reconnaître la dualité linguistique comme une caractéristique inhérente du Canada est le fait que des parents canadiens continuent de choisir le français comme langue d'instruction de leurs enfants.
Prenons l'exemple des cours d'immersion en français, qui ont commencé il y a environ 25 ans. J'ai participé à la cérémonie célébrant le 25e anniversaire de ces cours dans des villes comme Calgary. L'augmentation du nombre d'inscriptions dans les programmes d'immersion a été spectaculaire tout au long des années 80. On aurait pu croire qu'elle avait commencé à ralentir durant les années 90. Ce n'est pas le cas. Le nombre d'enfants canadiens non francophones inscrits à des cours d'immersion en français s'est maintenu à environ 300 000, et il ne comprend pas le nombre beaucoup plus élevé d'enfants canadiens non francophones inscrits dans des programmes de base ordinaires qui reçoivent de l'instruction en français langue seconde.
De toute évidence, il ne s'agit pas simplement d'une mode. Il est clair que, d'une génération à l'autre, les parents se passent le mot: les cours d'immersion sont avantageux. L'expérience est réussie. Elle permet aux enfants de prendre plus activement part à la vie de leur pays et d'avoir plus tard des perspectives d'emploi plus intéressantes.
[Français]
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur le sénateur Robichaud.
Le sénateur Robichaud (L'Acadie): J'ai beaucoup apprécié les dernières paroles du commissaire. Elles s'appliquent un peu à l'une des questions que j'aimerais poser au sujet de l'existence du Commissariat lui-même.
J'ai eu l'occasion de dire, tout récemment, que le Commissariat était un organisme essentiel dans ce pays à cause des positions extrêmes prises par certains de nos concitoyens, non seulement par des concitoyens qui sont ici avec nous, mais aussi par des concitoyens vivant dans le pays. C'est pour ça que des plaintes sont déposées assez régulièrement auprès du Commissariat.
Nous sommes en train de discuter du budget du Commissariat. Le montant global dépensé par le Commissariat n'est pas exorbitant par rapport à son mandat, qui est de sauver non pas une culture mais deux cultures. Quel est le prix d'une culture? Ça ne se mesure pas en termes de dollars, en termes d'argent. La valeur d'une culture est immense. Quel est le prix d'une vie humaine? Ça ne se mesure pas.
Certains secteurs de notre population disent qu'on dépense beaucoup trop pour le bilinguisme. C'est pour une culture. C'est pour la survie du pays. Il y en a qui disent qu'on ne dépense pas assez. On vient d'entendre dire qu'à Ottawa, dans la capitale nationale, il n'y a pas assez de français. J'ai lu dans un journal, tout récemment, qu'un anglophone de l'Ouest, en arrivant à Ottawa, avait trouvé que tout était en français. Ces positions extrêmes vont continuer d'exister.
C'est pourquoi le nombre de dollars et le budget dont nous discutons, même si nous sommes en période de restrictions, ne me scandalisent pas du tout. Les dollars dépensés par le Commissariat servent à assurer la survie d'au moins deux cultures de notre pays.
M. Goldbloom: Monsieur le président, permettez-moi de souligner que le budget dont nous discutons présentement, qui est de 10 millions de dollars, représente moins de un centième de un pour cent du budget global du gouvernement fédéral. C'est six millièmes de un pour cent du budget du gouvernement du Canada.
C'est une goutte d'eau dans l'océan de ce que nous dépensons pour faire fonctionner notre pays.
J'aimerais dire aussi, en réponse au sénateur Robichaud, qu'il existe, comme il l'a souligné, du mépris au sein de la société canadienne. Cela me peine beaucoup. J'ai consacré une bonne partie de ma vie à lutter contre le mépris des uns à l'endroit des autres.
Mais je dirais, en toute simplicité, que le problème majeur auquel nous faisons face n'est pas le mépris, mais l'ignorance. Sans négliger de lutter contre le mépris, nous devons lutter encore davantage contre l'ignorance.
Lorsque je parle d'ignorance, je suis bouleversé par le nombre de Canadiens qui ne connaissent pas l'histoire de notre pays, qui ne connaissent pas l'histoire de notre dualité linguistique, qui oublient, s'ils l'ont déjà su, que c'est il y a 462 ans que nous sommes devenus un élément du monde de langue française. Ils oublient que lorsque, par action militaire, au milieu du XVIIIe siècle, nous sommes devenus une partie du monde d'expression anglaise, nous n'avons pas abandonné cette autre langue que nous avions depuis deux siècles et quart. Ils oublient que notre dualité linguistique ne découle pas d'une décision de ce Parlement en 1969 d'adopter une loi intitulée Loi sur les langues officielles. Notre dualité linguistique découle de la réalité humaine de plus de quatre siècles de vie.
Si ces Canadiens et Canadiennes comprenaient mieux cette réalité de notre histoire, il y aurait moins de résistance basée sur l'ignorance.
Je suis également frappé par l'ignorance des Canadiens en ce qui concerne la loi elle-même. Les fausses impressions sont terriblement répandues. Par exemple, l'impression que la Loi sur les langues officielles a été conçue pour obliger tout le monde à devenir bilingue est très répandue; on a l'idée que la loi a été conçue - je répète ici ce qu'il y a dans mon rapport annuel de cette année - pour obliger tout le monde à apprendre les deux langues. C'est une responsabilité provinciale qui est généralement attribuée aux conseils ou aux commissions scolaires.
L'idée que la loi a été conçue pour obliger tout l'appareil fédéral à fonctionner dans les deux langues et à fournir tous les services dans les deux langues est également très répandue. La vérité, qui est simplement que l'on reconnaît la réalité humaine, les besoins réels, que là où il y a des concentrations de population on fournit des services dans les deux langues, échappe à une forte majorité des Canadiens. C'est contre ce genre d'ignorance que je me trouve appelé à lutter tous les jours où je travaille.
[Traduction]
Le coprésident (sénateur Roux): Y a-t-il d'autres questions?
[Français]
M. Marchand: Oui.
Le coprésident (le sénateur Roux): Je pense qu'on a dépassé le temps des formules d'introduction et je demanderai à tous les membres du comité de se limiter à une question. J'accorderai au plus cinq minutes à chaque personne.
M. Marchand: Encore une fois, il y a tellement de choses à dire que j'aimerais bien que M. Goldbloom puisse revenir devant ce comité.
Au fond, j'ajouterais à ce que M. Goldbloom vient de dire concernant l'ignorance des Canadiens par rapport à l'histoire. Je suis parfaitement d'accord sur sa déclaration. La mauvaise interprétation de la Loi sur les langues officielles est également un problème.
Cependant, vous avez omis de parler de l'ignorance qui existe même au sein de la fonction publique. Les ministères, après huit ans, n'ont pas encore réussi à comprendre la partie VII de la loi de 1988. C'est un gros problème.
En ce qui a trait au rôle du commissaire - je m'adresse ici à M. Robichaud que je respecte énormément à cause du rôle historique qu'il a joué en faveur des Acadiens - , je ne le remets pas en question. Au contraire, je trouve que le commissaire a un rôle très important à jouer. Les fonds qui lui sont accordés doivent lui permettre de faire quelque chose de positif et de constructif pour sauver cette culture française qui se trouve en danger au Canada.
L'assimilation fait des ravages au Canada. Elle n'a pas ralenti depuis 25 ans. C'est pourquoi je me demande si, avec cet argent qu'on dépense, on a réussi à contrer les ravages de l'assimilation.
[Traduction]
Moi aussi, je respecte Warren Allmand, mais je ne puis laisser passer, sans y répondre, certains de ses commentaires concernant le fait, par exemple, que les personnes âgées du Québec n'ont pas suffisamment accès à des services en anglais.
Que diantre, combien de francophones âgés dans le reste du pays ne peuvent se faire soigner en français dans les hôpitaux et ne peuvent vivre en français dans les maisons pour personnes âgées parce que tout s'y fait en anglais? C'est une situation déplorable parce que, quand on compare encore une fois leur situation à celle des Anglo-Québécois, il faut reconnaître qu'au Québec, les anglophones disposent de plus de 200 établissements de services sociaux et d'hôpitaux qui offrent leurs services en anglais. À l'extérieur du Québec, les francophones n'ont littéralement rien.
En ce qui concerne l'amélioration de la situation en Ontario, effectivement, il y en a eu. Je me suis moi-même battu pour certaines de ces écoles et ces...
[Français]
Le sénateur Rivest: Excusez-moi de vous interrompre. Pourquoi le Parti québécois a-t-il adopté, à son conseil national, l'idée d'abolir la Loi 142 qui garantit justement aux personnes âgées au Québec d'avoir accès à des services dans leur langue?
Le coprésident (le sénateur Roux): Peut-être qu'on dépasse un peu...
Le sénateur Rivest: Je m'excuse, mais je pose la question sur mes cinq minutes. Vous lui accorderez deux minutes de plus.
M. Marchand: Merci. M. le commissaire commente ce point dans son rapport en disant que les anglophones perdent des acquis dans des institutions, surtout dans les hôpitaux, par exemple. On omet de dire qu'il se produit là une transformation substantielle qui affecte tous les Québécois. Ce n'est pas pour viser les anglophones qu'on le fait, mais de la façon dont il présente les faits dans son rapport, c'est comme si on visait les anglophones. Or, ce n'est pas le cas.
Pour en revenir à M. Allmand,
[Traduction]
Vous avez aussi mentionné, naturellement, les améliorations apportées en Ontario, mais il faut reconnaître que, dans cette province où la majorité... Sa communauté francophone est la plus importante à l'extérieur du Québec. Pourtant, encore aujourd'hui en Ontario, on ne compte que trois commissions scolaires dont la gestion est assurée par des francophones. Toutes les autres sont contrôlées par...
M. Allmand: Quatre.
M. Marchand: Quatre, dites-vous? Oui, c'est vrai. Un grand nombre d'entre elles ne sont pas administrées par...
En Ontario...
M. Allmand: Il n'y en avait pas lorsque je suis arrivé ici.
M. Marchand: Je le sais, mais je parle de l'Ontario qui, comme bien d'autres provinces du Canada, ne respecte toujours pas la Constitution. Elle n'applique pas l'article 23 de la Charte des droits. Le phénomène est répandu partout dans l'ouest du Canada et dans certaines provinces de l'Est.
Donc, lorsque vous me parlez de la Constitution au Québec, de la langue d'affichage, je tiens à dire que le Québec se conforme et s'est toujours conformé à la Constitution, même lorsqu'il a adopté la Loi 178 et lorsque M. Bourassa a plaidé...
[Français]
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand, je pense que nous parlons de matière de compétence provinciale en ce moment. Je vous rappelle que nous discutons des crédits budgétaires accordés au Commissariat des langues officielles, mais je me permets de faire un commentaire: les injustices qui prévalent dans une partie du pays ne justifient pas les injustices qui prévalent dans une autre partie.
M. Marchand: Exactement. Je suis parfaitement d'accord avec vous, monsieur le président. D'ailleurs, le point de vue qu'adopte le commissaire dans son rapport fait en sorte qu'on oublie ce fait et qu'on en oublie aussi beaucoup d'autres.
C'est pourquoi, au fond, j'ai tellement de choses à dire contre ce rapport. Le temps me manque pour fournir à M. Goldbloom tous les exemples de ce genre de nivellement. Dans le fond, il a une façon d'analyser la situation des francophones hors Québec qui oublie tellement de facteurs.
Par exemple, vous avez dit tout à l'heure - et vous l'avez admis parce que j'ai soulevé la question - que l'usage du français dans la fonction publique n'avait pas augmenté depuis 25 ans, alors que dans votre rapport, vous avez dit que le nombre a augmenté, mais oublié de dire que l'utilisation du français n'avait pas augmenté.
Vous avez dit aussi tout à l'heure qu'en Saskatchewan, il existe maintenant des commissions scolaires françaises, alors que le Québec ne se conforme pas tout à fait aux exigences de la Constitution. Or, vous omettez de dire qu'il y a juste un francophone sur dix qui a accès à l'école française en Saskatchewan alors que 100 p. 100 des anglophones ont accès à des écoles anglaises au Québec.
C'est la même chose dans le cas des plaintes. Vous les rapportez d'une façon telle que je ne pourrais dire que ce n'est pas délibéré... Par exemple, vous louez les accords Canada-communautés. Vous louangez ces accords sans dire un seul traître mot du fait que ces ententes ont été diminuées du tiers et que cela va nuire considérablement aux communautés francophones.
Le coprésident (le sénateur Roux): Quel est l'objet de votre question, monsieur Marchand?
M. Marchand: L'objet de la question...
Le coprésident (le sénateur Roux): Même avec les deux minutes que le sénateur Rivest a eu l'extrême générosité de vous accorder, vous avez dépassé votre temps. Si vous pouviez formuler une question au commissaire, je vous en serais très reconnaissant.
M. Marchand: Je voudrais savoir s'il s'accorderait avec moi pour reconnaître que sa tâche de commissaire est d'envoyer le message que l'assimilation des francophones à l'extérieur du Québec est un phénomène normal.
On parle de normalité, de situation acceptable ou normale parce que qu'elle dure depuis 25 ans. La situation n'est pas réglée, même si le commissaire n'a pas osé utiliser le mot «assimilation» une seule fois, ce qui n'est pas un accident, ni un hasard.
Est-ce qu'il est d'accord pour reconnaître avec moi que sa tâche est d'essayer de convaincre les gens dans son rapport annuel que, dans le fond, l'assimilation à l'extérieur du Québec, dans les provinces où on ne respecte pas encore la Constitution et où les droits des francophones ne sont pas encore respectés, est un phénomène normal? Le message que vous envoyez dans votre rapport, c'est qu'il est normal que les francophones...
M. Serré: On a adopté à ce comité une motion disant que le temps alloué aux premières interventions serait de dix minutes et de cinq minutes pour les deuxièmes. Systématiquement, le député du Bloc québécois transgresse cette résolution. Il l'a fait mardi et, dans le moment, il en est à près de dix minutes à la deuxième intervention. Je demande que les motions adoptées par ce comité soient respectées et qu'on se limite au temps fixé.
Le coprésident (le sénateur Roux): J'accepte vos remarques, monsieur Serré. Je prierais encore M. Marchand de formuler une question précise concernant les crédits budgétaires qui sont accordés au Commissariat.
M. Marchand: Encore une fois, c'est une remise en question des dix millions de dollars qui sont dépensés. Je me demande si ces dix millions sont bien dépensés. Je me demande si le rôle du commissaire n'est pas de faire en sorte que l'assimilation des francophones hors Québec, à l'extérieur du Québec, soit normalisée, soit considéré comme normale et qu'on accepte que les francophones de ce pays...
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand, je crois que votre question est bien posée et je demanderais au commissaire d'y répondre.
M. Goldbloom: Monsieur le président, je trouve invraisemblable l'interprétation donnée à mon rapport par M. Marchand. Il est inconcevable que l'on puisse accepter l'assimilation d'une minorité aussi importante que la minorité francophone à travers ce pays comme normale. Ce n'est pas acceptable et je conçois mon rôle comme étant en majeure partie celui de lutter contre cette assimilation et de voir à ce que des institutions et des ressources soient mises à la disposition des communautés en question afin qu'elles puissent connaître un regain de vitalité et progresser.
Je trouve également invraisemblable la surdité sélective de M. Marchand qui vient de dire que je n'avais pas mentionné la partie VII et l'ignorance ou le manque de respect de la part des fonctionnaires fédéraux en ce qui concerne la mise en application de la partie VII de la loi. C'est précisément ce que j'ai dit dans une assez longue réponse à la question de M. Benoît Serré. Je n'ai pas voulu répéter la même chose en répondant à la question qui a été posée auparavant.
Monsieur le président, je trouve absolument stérile cette recherche de comparaisons. Les problèmes sont réels. Il s'agit de les identifier et d'identifier les mesures requises pour corriger la situation. C'est ça, ma tâche et c'est à ça que servent les dix millions de dollars qui me sont consacrés.
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur le commissaire. S'il y a d'autres questions, je prierais les membres du comité de se limiter à une minute. Monsieur Allmand.
[Traduction]
M. Allmand: Bon, j'essaierai d'être bref.
En ce qui concerne les prévisions budgétaires, monsieur le président...
M. Godfrey: Mon Dieu!
M. Allmand: Si nous voulons...
M. Godfrey: Vous parlez des prévisions budgétaires?
Des voix: Oh, oh!
M. Allmand: Si nous voulons assurer le respect des droits linguistiques au Canada, autant ceux des communautés francophones hors Québec que ceux de la communauté anglophone au Québec - et, soit dit en passant, il y a beaucoup à faire dans ces deux domaines - , nous devons nous attarder sur la partie VII de la Loi.
Nous devons voir si ces dispositions sont mises en application et si les ministères du gouvernement ont les ressources nécessaires pour assurer la mise en oeuvre de la partie VII, qui a pour objet de favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones. Il faudrait peut-être convoquer d'autres témoins, en plus du commissaire.
J'avais une question à poser, mais je voudrais l'adresser aux coprésidents. Elle porte sur les discussions que nous avons depuis deux jours. Je crois qu'en plus d'inviter le ministre ou les fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien, qui sont responsables de la mise en oeuvre de la partie VII, nous devrions également convoquer, comme l'ancien comité avait décidé de le faire juste avant Noël, les représentants des minorités francophones et anglophones, qu'il s'agisse de l'Association des francophones de l'Ontario, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada ou d'Alliance Québec.
À ce moment-là, nous pourrons obtenir des réponses à ces questions, et j'espère...
Le coprésident (le sénateur Roux): Pourriez-vous attendre qu'on ait réglé la question concernant...
M. Allmand: Vous voulez dire ce matin? J'aimerais qu'on tranche cette question ce matin.
Le coprésident (le sénateur Roux): Oui, mais plus tard.
M. Allmand: D'accord. J'y reviendrai à la fin de la réunion.
Le coprésident (le sénateur Roux): Très bien.
M. Breitkreuz: Je voulais dire quelques mots au sujet de certaines observations qui ont été faites plus tôt autour de cette table, mais comme le temps presse, je le ferai au cours d'une autre réunion.
Toutefois, je tiens à faire un commentaire au sujet de la Direction générale des enquêtes, les chiffres qui figurent dans le rapport et le budget. Les crédits alloués à la direction s'élèvent à 3 066 000 $ pour un effectif total de 44 employés. S'il n'y a que 30 enquêteurs et 14 employés de soutien, mon Dieu, on arrive à un montant beaucoup plus élevé que le 70 000 $ par enquêteur que j'ai cité plus tôt.
Cela dit, je voudrais déposer une motion, monsieur le président, et...
Le coprésident (le sénateur Roux): Vous ne pouvez pas le faire à ce moment-ci. Il faut attendre qu'on ait déposé une motion réglementaire pour l'adoption du budget. Si vous avez un amendement à proposer, vous pouvez le faire à ce moment-là. Je crois avoir raison sur ce point.
M. Breitkreuz: J'accepte votre décision et je le ferai plus tard. Merci.
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci.
Sénateur Robichaud.
[Français]
Le sénateur Robichaud: On parlait d'assimilation qui se poursuit jusqu'à un certain degré. Je voudrais dire et affirmer ici que n'eût été des recommandations de la Commission Laurendeau-Dunton, dont découle la mise sur pied du Commissariat des langues officielles, l'assimilation au Canada, à l'extérieur du Nouveau-Brunswick et d'une bonne partie de l'Ontario, serait à peu près totale.
Le Commissariat a sauvé la situation dans tout le Canada. Je voudrais faire cette affirmation ici.
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci.
Le sénateur Robichaud: Cela vaut un budget de millions et de millions de dollars.
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur le sénateur. Est-ce qu'il y a d'autres questions?
[Traduction]
Avez-vous d'autres questions à poser au commissaire?
[Français]
Très brièvement, monsieur Marchand.
M. Marchand: Il y a un point qui me tracasse toujours, en plus des autres; comment se fait-il que dans les évaluations de l'application de la Loi sur les langues officielles, on n'ait pas de critères ou de normes?
Quand le vérificateur général soumet son rapport annuel, il présente ses critères, des objectifs à atteindre, et il dit que ces objectif ont été atteints à 50 p. 100., à 25 p. 100 ou à 100 p. 100.
Dans le cas des langues officielles, il ne semble pas y avoir de critères nulle part, ni de normes, ni d'objectifs à atteindre par le commissaire. Cela permet évidemment au commissaire de dire que n'importe quel progrès ou n'importe quelle amélioration est bonne et belle. Selon vous, pourquoi n'existe-t-il pas de critères d'évaluation?
M. Goldbloom: Monsieur le président, les critères sont dans la loi. Chaque plainte est évaluée selon l'article pertinent de la loi.
Dans le cas des services au public, nous avons donné des chiffres. Nous avons fait la démonstration qu'à l'extérieur du Québec, le service n'était disponible en français que dans 72 p. 100 des cas. J'ai dit clairement que le seul chiffre acceptable était 100 p. 100, point, à la ligne.
M. Marchand: Cent pour cent de quoi?
M. Goldbloom: Des services disponibles. Lorsqu'un francophone se présente à un bureau fédéral désigné pour servir le public dans les deux langues officielles du pays, le service en français doit être disponible en tout temps.
M. Marchand: Oui.
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur le commissaire.
Je crois que nous avons eu amplement le temps de poser des questions et que nous avons reçu du commissaire toutes les clarifications voulues. On pourrait continuer pendant dix jours si, autour de la table, il n'y avait que des membres de votre calibre, monsieur Marchand.
[Traduction]
Je suis maintenant prêt à recevoir une motion réglementaire pour l'adoption du budget du Commissariat aux langues officielles.
[Français]
C'est proposé par M. Serré, appuyé par M. Godfrey.
[Traduction]
Y a-t-il des commentaires?
Je crois que c'est à ce moment-ci que nous pouvons proposer un amendement, monsieur Breitkreuz.
M. Breitkreuz: Merci. Comme mon collègue du Bloc souhaite lui aussi poser des questions au sujet du budget, j'aimerais proposer un amendement.
Étant donné que le nombre de plaintes déposées auprès du Commissariat aux langues officielles a diminué de près de 10 p. 100 depuis 1991, je propose qu'on réduise le budget du commissariat de 10 p. 100.
Le coprésident (le sénateur Roux): Quelqu'un appuie-t-il cette motion?
Une voix: Non.
M. Breitkreuz: Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de l'appuyer.
Le coprésident (le sénateur Roux): Non, ce n'est pas nécessaire. Je m'excuse.
Des commentaires?
Monsieur Allmand.
M. Allmand: Brièvement. Cette motion reflète l'attitude du Parti réformiste concernant les langues officielles au Canada. Ils ne comprennent rien au rôle du commissaire et de la loi elle-même.
J'encourage donc mes collègues à rejeter cette motion. En fait, je crois que nous devons accroître, non pas diminuer, les fonds accordés au commissaire dans certains domaines.
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur Allmand.
Y a-t-il d'autres amendements à la...? Quelqu'un souhaite faire une observation.
M. Godfrey: Je voudrais tout simplement poser une question à M. Breitkreuz. Si le taux de criminalité diminuait de 10 p. 100, est-ce qu'il proposerait qu'on réduise les effectifs policiers de 10 p. 100? Est-ce comme cela qu'ont fait les choses?
M. Breitkreuz: Cette comparaison n'est même pas logique.
M. Godfrey: C'est une question.
La motion est rejetée
[Français]
Le coprésident (le sénateur Roux): Je reviens donc à la motion principale. Est-ce qu'il y a d'autres questions ou commentaires avant de passer au vote pour l'acceptation du budget pour le Commissariat des langues officielles?
CONSEIL PRIVÉ
- Commissaire aux langues officielles
Le crédit 25 est adopté avec dissidence
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Goldbloom, on me dit que vous seriez libre le 28 mai et le 4 juin pour revenir vous entretenir avec nous. Pour laquelle de ces dates avez-vous une préférence? Est-ce que le 4 juin vous donnerait plus de temps pour compléter votre rapport sur la partie VII?
[Traduction]
M. Breitkreuz: Monsieur le président, avez-vous dit le 22 mai?
Le coprésident (le sénateur Roux): Non, le 28 mai et le 4 juin.
M. Breitkreuz: Parce que la Chambre ne siège pas pendant la semaine du 22 mai.
Le coprésident (le sénateur Roux): Vous avez raison.
M. Goldbloom: Cela me donnerait, bien entendu, une semaine de plus, mais si le comité souhaite que je revienne le 28 mai, je n'y vois aucun inconvénient.
[Français]
Le coprésident (le sénateur Roux): Est-ce que les membres du comité désireraient formuler des opinions à ce sujet?
Monsieur Serré et monsieur Marchand.
M. Serré: Étant donné l'importance de ce dossier, je me demande si on ne ferait pas mieux de convenir d'une rencontre pour les deux dates. Je sais que c'est peut-être prendre beaucoup du temps du commissaire, mais je pense qu'il y a amplement matière à discussion sur ce sujet et que nous ferions peut-être mieux d'y consacrer deux séances.
Le coprésident (le sénateur Roux): Est-ce que c'est le souhait du comité que le commissaire revienne nous voir et le 28 mai et le 4 juin?
Le sénateur Rivest: Il faut réserver du temps pour la comparution de la Fédération des communautés francophones et acadienne et d'Alliance Québec, comme on en a parlé, et cela avant l'ajournement de juin.
Le coprésident (le sénateur Roux): Oui, en effet. Monsieur Allmand.
M. Allmand: C'était ma question aussi. J'ai demandé, il y a quelques minutes, si nous avions l'intention d'inviter Alliance Québec, l'Association des francophones de l'Ontario ou d'autres associations, pour discuter de la partie VII. Pour avoir une meilleure connaissance ou compréhension de ces difficultés, de ces problèmes, je crois que nous devons les inviter, ainsi que le ministre ou les...
J'ai remarqué qu'en décembre, nous avions décidé d'inviter le Conseil privé parce qu'il a beaucoup à voir dans la mise en oeuvre de la partie VII.
Le coprésident (le sénateur Roux): D'accord. Monsieur Allmand, est-ce que je pourrais vous demander d'attendre? Nous allons discuter de cette question précise avant la fin de l'assemblée.
M. Allmand: Très bien.
Le coprésident (le sénateur Roux): Est-ce que nous aurions le temps de recevoir des organismes avant le 18 mai?
Monsieur le commissaire, je crois que le comité souhaite vous revoir. Nous avons tellement de plaisir à vous voir que nous voudrions vous voir et le 28 mai et le 4 juin.
M. Goldbloom: Volontiers, monsieur le président. C'est le sens des discussions que nous avons engagées avec le personnel administratif du comité depuis la première rencontre d'avant-hier.
Le coprésident (le sénateur Roux): Je vous remercie beaucoup, monsieur le commissaire, pour vos explications et vos réponses très claires. Je profite de l'occasion pour remercier beaucoup les membres du comité d'être restés largement dans les limites de la bienséance et d'avoir bien voulu, autant que possible, limiter leurs interventions à un temps raisonnable.
Merci, monsieur le commissaire.
Si nous avons des réunions deux fois la semaine avant de voir le commissaire le 28, il nous reste le 14 et le 16 puisque la semaine suivante les chambres sont ajournées.
M. Serré: Je vais en faire une résolution, si vous me le permettez.
Je propose que l'on invite Alliance Québec et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada le 30 mai.
Nous aurions ainsi l'occasion d'écouter à nouveau le commissaire et d'étudier son rapport plus à fond. Cela donnerait également le temps aux deux communautés minoritaires d'étudier ce rapport. Nous pourrions ensuite entendre leurs témoignages avant de revoir le commissaire pour donner suite aux recommandations des deux communautés.
Le coprésident (le sénateur Roux): Mais nous aurons vu le commissaire une première fois auparavant, le 28 mai.
M. Serré: Ce serait entre les deux.
Le coprésident (le sénateur Roux): Bon! Est-ce que cela satisfait les désirs du comité?
[Traduction]
M. Allmand: Puis-je avoir une précision? Est-ce pour discuter de la partie VII? Les autres réunions que nous aurons avec le commissaire et les associations porteront sur la partie VII?
Le coprésident (le sénateur Roux): Si j'ai bien compris, oui.
M. Allmand: Très bien.
[Français]
Le coprésident (M. Gagnon): Je croyais qu'il serait peut-être préférable de rencontrer ces communautés linguistiques le 14 et...
La cogreffière du comité (Mme Paradis): Nous recevons le Conseil du Trésor à ce moment-là.
Le coprésident (M. Gagnon): Mais si le Conseil du Trésor n'est pas disponible, nous aurons un problème. Il est donc entendu que nous tiendrons deux séances la semaine prochaine.
Le coprésident (le sénateur Roux): Si on invite les deux organismes le 14 ou le 16, est-ce que cela leur donne suffisamment de temps pour se préparer?
M. Allmand: Je pense que Mme la cogreffière peut nous le confirmer. En décembre, nous avions manifesté notre intention d'inviter ces associations. Je crois qu'elles sont prêtes. Elles étaient prêtes à un certain moment. Je le pense, mais je n'en suis pas certain.
Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Serré, est-ce que vous seriez d'accord pour modifier votre suggestion et dire que nous rencontrerons les deux organismes soit le 14 mai, soit le 16 mai? Disons le 16, pour leur laisser un peu de temps.
M. Serré: Si on n'a pas le choix, je suis d'accord. Cependant, je voulais qu'on les invite entre nos deux rencontres avec le commissaire pour leur permettre d'étudier le rapport du commissaire. À ces dates, ils n'auront peut-être pas encore eu le rapport et leur témoignage ne sera peut-être pas ce qu'il devrait être.
Le coprésident (M. Gagnon): À mon avis, on va perdre un peu de temps. Il y a tellement de dossiers importants. Par exemple, on parlait du français et d'Internet. On a touché d'autres questions qui sont vraiment urgentes, de l'avis du commissaire aux langues officielles et même de notre avis. Selon moi, si Alliance Québec est déjà prête, de même que les communautés francophones, nous devrions les convoquer la semaine prochaine.
Elles ont quand même eu tout près de 10 jours pour étudier ce rapport en profondeur. Je crois qu'il serait opportun de les rencontrer ici la semaine prochaine.
La seule chose qui m'inquiète serait le délai que pourrait causer le refus renouvelé du Conseil du Trésor de se présenter devant nous.
Le coprésident (le sénateur Roux): On va en discuter tout de suite.
Le coprésident (M. Gagnon): Oui, mais nous n'avons aucun pouvoir pour assigner le Conseil du Trésor à comparaître devant nous à une telle date. Il faut quand même s'accorder un temps raisonnable pour le convoquer.
[Traduction]
Le coprésident (le sénateur Roux): Sans tenir un vote officiel, combien de membres du comité rencontreront le 30 mai Alliance Québec et la Fédération des communautés francophones?
M. Allmand: Plutôt que la semaine prochaine.
Le coprésident (le sénateur Roux): Plutôt que la semaine prochaine.
M. Breitkreuz: Qui comparaîtrait la semaine prochaine à ce moment-là, monsieur le président? Le Conseil du Trésor?
Le coprésident (le sénateur Roux): Il y en a trois.
Qui souhaite qu'on rencontre ces organismes la semaine prochaine?
[Français]
Vous n'avez pas de préférence?
M. Marchand: Cela m'est égal.
[Traduction]
Avez-vous une préférence?
M. Breitkreuz: Cela m'est égal.
[Français]
Le coprésident (le sénateur Roux): Est-ce qu'on peut demander à la cogreffière de vérifier et de faire rapport à la coprésidence? On vous communiquera ensuite la date qui aura été choisie.
Il y a un dernier sujet très important. Je me suis permis mardi matin d'aborder M. Marcel Massé et de lui dire que le comité désirait fortement le voir. Il m'a dit que la compétence, pour ce qui était des langues officielles et en particulier de l'application de la partie VII, relevait du ministère du Patrimoine canadien et qu'il considérerait comme un bris de prérogative de se présenter devant le comité à la place du ministre du Patrimoine canadien.
Ce que j'ignorais, et je m'en excuse, c'est que la loi stipule clairement que le Conseil du Trésor a une compétence directe en rapport avec la Loi sur les langues officielles, avec la partie VII en particulier, et que de plus, le prédécesseur de M. Massé, M. Eggleton, s'était engagé à venir nous voir avant qu'il ne soit remplacé dans son poste.
Je pense que M. Marchand serait prêt à déposer une proposition qui, idéalement, pourrait faire allusion et à la loi et aux promesses antérieures de M. Eggleton.
M. Marchand: Monsieur le président, je propose que le président du Conseil du Trésor soit convoqué le 14 mai devant le Comité permanent des langues officielles pour commenter son rapport annuel déposé en vertu de l'article 48 de la Loi sur les langues officielles.
[Traduction]
M. Allmand: Je suis d'accord avec la motion, sauf pour la date du 14 mai. Nous venons de dire que nous ferions preuve de souplesse. J'appuierais donc la motion, mais je ne retiendrais pas la date du 14 mai.
[Français]
Une voix: Le plus tôt possible.
[Traduction]
Le coprésident (le sénateur Roux): Ne serait-il pas préférable qu'on fasse allusion, dans la motion, à la loi et à l'engagement pris par M. Eggleton?
[Français]
M. Marchand: Ah, oui? Je vais donc reformuler ma motion.
Je propose que le président du Conseil du Trésor soit convoqué le plus tôt possible devant le Comité permanent des langues officielles pour commenter son rapport annuel déposé en vertu de l'article 48 de la Loi sur les langues officielles et, compte tenu de...
Le coprésident (le sénateur Roux): Peut-être qu'on pourrait commencer par «Compte tenu de l'article untel de la loi...».
Une voix: «Et de l'engagement...»
M. Marchand: «Et de l'engagement de la part de son prédécesseur, le...»
Le coprésident (le sénateur Roux): D'accord? Alors nous allons nous fier à notre service de secrétariat pour rédiger la motion. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui appuie cette motion? Commentaires, questions?
La motion est adoptée
Le coprésident (le sénateur Roux): S'il vous plaît, monsieur Allmand.
[Traduction]
M. Allmand: Avant Noël, le comité avait pris note de la situation grave qui existe relativement à la formation de la main- d'oeuvre. Soit dit en passant, aux pages 43 et 44 du rapport, le commissaire dénonce le manque de cours de formation offerts en français en Ontario et au Manitoba, et fait état de certains problèmes au Québec. À ce moment-là, nous pensions inviter le
[Français]
doyen de la formation à la Cité collégiale
[Traduction]
à Ottawa, qui est responsable de la formation de la main-d'oeuvre, de même que le sous-ministre du développement des ressources humaines.
Je tiens tout simplement à faire remarquer au comité de direction et aux coprésidents qu'il s'agit là d'un problème urgent. Si nous ne pouvons pas examiner cette question avant l'ajournement en juin, nous devrons le faire le plus tôt possible à l'automne. La prestation de cours fait l'objet de critiques sévères dans le rapport. Il s'agit d'une question importante.
J'ai mentionné la lettre de M. Ron Duhamel, du Manitoba, qui éprouve de sérieuses inquiétudes au sujet des cours de formation offerts en français au Manitoba. Il y a des problèmes en Ontario. Il y en a certains au Québec. Je ne connais pas la situation dans les provinces de l'Atlantique. Mais nous devrions convoquer le sous-ministre du développement des ressources humaines ainsi que d'autres intervenants-clés, comme le doyen de la Cité collégiale. Je serais d'accord avec cette idée.
Le coprésident (le sénateur Roux): Acceptez-vous que le comité de direction soit saisi de cette question?
M. Allmand: Oui.
[Français]
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci. Monsieur le député Serré.
[Traduction]
M. Serré: Je disais tout simplement à Warren que le comité de direction avait déjà abordé cette question. Je crois que nous avions décidé d'attendre que le commissaire ait déposé son rapport. Je tiens à vous dire que nous aurons l'occasion d'entendre le point de vue de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada parce qu'ils communiquent avec moi toutes les semaines pour discuter de ce problème. Une fois que nous aurons rencontré le commissaire, nous pourrons décider à ce moment-là quel ministère convoquer.
Le coprésident (le sénateur Roux): D'accord, et cette réunion pourrait avoir lieu au début de juin.
[Français]
Monsieur Serré.
Une voix: Je propose l'ajournement.
La motion est adoptée
Le coprésident (le sénateur Roux): Merci.
La séance est levée.