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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 16 mai 1996

.1547

[Français]

Le coprésident (M. Gagnon): À l'ordre! Nous avons avec nous, cet après-midi, des représentants d'Alliance Québec, dont le président de l'Association des fermiers du Québec.

[Traduction]

Il nous a fallu beaucoup de temps pour avoir le quorum. Cela dit, j'invite nos témoins à prendre la parole.

[Français]

Le sénateur Rivest (Stadacona): Le sénateur Roux a été retenu au Sénat à cause d'un vote.

Le coprésident (M. Gagnon): Je vois.

[Traduction]

Monsieur Hamelin.

M. Michael Hamelin (président, Alliance Québec): Merci, monsieur le président. Permettez-moi de commencer tout d'abord par vous présenter nos excuses. Alliance Québec a su il y a seulement six jours qu'elle pourrait présenter ses préoccupations et son rapport sur le processus de mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Plusieurs dates nous ont été proposées, mais malheureusement, celle d'aujourd'hui est celle qui nous convenait le plus.

[Français]

Malheureusement, le court délai ne nous a pas permis de vous présenter un mémoire avant cet après-midi. Je sais qu'un parti souhaitait tout particulièrement prendre connaissance à l'avance de ce que nous allions dire. Je peux simplement faire des excuses et dire que, même si nous sommes ici cet après-midi, nous n'avons eu que peu de temps pour préparer notre présentation.

[Traduction]

Le coprésident (M. Gagnon): Monsieur Hamelin, nous sommes conscients du court préavis que vous avez reçu. C'est ce qu'a demandé le comité. Je dois vous dire qu'en raison des contraintes de temps, nous nous attendons à un exposé d'une quinzaine de minutes de votre part pour que nous puissions ensuite passer aux questions. Nous n'avons aucun doute que votre témoignage sera intéressant.

[Français]

M. Hamelin: C'était juste pour que puissiez prendre connaissance de la situation.

[Traduction]

Il y a presque deux ans jour pour jour que nous avons témoigné devant votre comité la dernière fois. C'était en 1994. À l'époque, nous avions exprimé dans notre mémoire l'inquiétude réelle que nous avions à Alliance Québec au sujet des questions linguistiques. Nous étions particulièrement inquiets du fait que l'équilibre précaire qui avait été établi pour protéger l'intérêt des francophones et des anglophones au Québec était contesté par la minorité militante du mouvement séparatiste.

Depuis, l'élection du Parti québécois, la tenue d'un référendum, le remplacement du premier ministre et les luttes qui l'ont opposé à son parti confirment que nous avions raison de nous inquiéter il y a deux ans.

[Français]

À l'époque, nous étions préoccupés par l'engagement du parti, alors dans l'opposition, de viser l'équilibre linguistique obtenu en vertu des amendements apportés en 1993 à la Charte de la langue française. Comme nous l'avons vu, c'est exactement ce que le parti maintenant au pouvoir menace de faire.

Les résultats du référendum du 30 octobre 1995 ont amplifié l'envergure des inquiétudes des communautés des Québécois d'expression anglaise. Les institutions mêmes que nous avons construites au sein de nos communautés sont maintenant attaquées sur les terrains politique et financier.

Nous sommes ici aujourd'hui pour signaler que la présence du gouvernement fédéral et ses services bilingues, dans la plupart des régions du Québec, constituent une importante épine dorsale pour assurer le soutien des communautés d'expression anglaise.

.1550

Nous voulons que ces services soient maintenus et améliorés. Nous voulons que les réalisations de la Loi sur les langues officielles, sa préséance sur d'autres statuts fédéraux et ses contributions à la vie quotidienne des communautés linguistiques minoritaires soient reconnues dans l'ensemble du Canada, mais tout particulièrement au Québec.

[Traduction]

Notre exposé porte donc sur l'avenir tel qu'il est prévu officiellement ou officieusement. Selon diverses sources, la conférence des premiers ministres qui doit avoir lieu au printemps devrait se solder par des progrès sur des dossiers qui sont depuis longtemps à l'origine de friction entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Il semble que de nouvelles ententes pourraient être conclues qui permettraient de régler certains différends en matière de partage des compétences. Si tout va bien, certains des secteurs où le gouvernement fédéral joue un rôle à l'heure actuelle pourraient dorénavant relever exclusivement des provinces en vertu de la Constitution canadienne.

La sagesse populaire veut que, pour qu'il y ait progrès dans ces dossiers, il y ait transfert de pouvoirs, ou à tout le moins, compétence exclusive d'un ordre de gouvernement. Si les changements qui sont prévus se réalisent, nous voulons avoir l'assurance que les progrès qui ont été réalisés jusqu'à maintenant au Canada en matière linguistique ne seront ni arrêtés ni renversés en raison d'un transfert d'autorité relativement aux services publics. Bref, nous voulons que le Parlement et les assemblées législatives des provinces et des territoires nous garantissent, en tant que Canadiens faisant partie de groupes linguistiques minoritaires, que les droits que nous avons réussi à obtenir aux termes de la Loi sur les langues officielles seront maintenus, même dans les domaines où le gouvernement fédéral pourrait renoncer à sa compétence et, bien entendu, dans les domaines où les services seront privatisés.

D'entrée de jeu, nous devons examiner la Loi sur les langues officielles et sa mise en oeuvre. Nous examinerons d'abord les rapports du commissaire aux langues officielles sur le respect de la loi, puis nous entrerons dans le détail de nos préoccupations. Nous pourrons ensuite répondre à vos questions.

Il convient tout d'abord de voir quel est l'objet de la loi. La loi garantit les services aux minorités de langues officielles dans toutes les régions du Canada. Les articles 41 à 45 visent la promotion du principe fondamental de la dualité linguistique dans l'ensemble du pays.

Les changements que la loi impose en ce qui concerne les services fournis par les gouvernements au Canada suscitent de véritables inquiétudes. Il est toutefois évident que les obstacles qu'on oppose à l'application de la loi et qui recueillent des appuis parmi les députés, tombent un à un. La loi trouvera, comme il se doit, son expression dynamique en dehors des textes de loi. Le commissaire aux langues officielles fait état dans son rapport des nombreux échecs et frustrations qui sont vécus quotidiennement.

Nous tenons à indiquer ce que l'application de la partie VII pourrait signifier pour toutes les communautés comme la nôtre. L'article 41 dispose que le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. L'article 42 décrit le rôle du secrétaire d'État du Canada, qui se trouve maintenant à être le ministre du Patrimoine canadien, pour ce qui est d'encourager la coordination de la mise en oeuvre par les institutions fédérales de cet engagement. L'article 43 précise diverses mesures qui peuvent être prises afin de favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. L'article 44 prévoit le dépôt d'un rapport annuel au Parlement sur les questions relatives aux langues officielles. L'article 45 exhorte les autorités fédérales à veiller, en collaboration avec les autorités provinciales et municipales, à ce que les communautés reçoivent dans leur langue officielle les services dont elles ont besoin en matière d'instruction.

C'est donc dans ce contexte que doivent être mis en oeuvre les plans d'action visant à assurer la capacité du gouvernement à favoriser l'épanouissement de minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement. Il y va de notre survie nationale.

Les communautés dont la loi vise à assurer l'épanouissement... On pourrait supposer que tous les Canadiens sont conscients de leurs diversités culturelle et linguistique. Or, il semble qu'ils soient plutôt peu nombreux à reconnaître la force de la dualité linguistique canadienne. Il convient de répéter certains chiffres pour venir à bout du scepticisme de ceux qui doutent que des Canadiens, en chair et en os, profitent chaque jour de l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard de la dualité linguistique.

Aujourd'hui, le quart de la population canadienne a le français comme première langue officielle. Quelque 2 millions de Canadiens font partie de minorités de langues officielles. Leur nombre dépasse celui de la population totale de six provinces canadiennes. Plus de4 400 000 Canadiens, soit un Canadien sur six, parle l'anglais et le français. Fait important à mon avis, c'est chez les jeunes, chez les Canadiens de 15 à 19 ans, que le taux de dualité linguistique personnelle, ou bilinguisme, est le plus élevé. La réalisation qu'il convient peut-être de souligner plus que les autres, c'est que 2 779 000 enfants canadiens suivent des cours de langue seconde, et2 135 000 apprennent le français.

Le Québec, qui a une population totale de plus sept millions d'habitants, compte800 000 anglophones, qui se trouvent répartis en nombres inégaux sur toute la longueur et la largeur de la province, depuis la Gaspésie jusqu'à la rivière des Outaouais, dans toutes les localités du Nord et dans toutes les régions du Sud, à Québec, à Val-d'Or, à Baie-Comeau, ainsi que dans la partie ouest de l'île et les banlieues de Montréal.

[Français]

Chez les Québécois d'expression anglaise, le taux de bilinguisme est de plus de 60 p. 100. Comme le démontrent les statistiques nationales, le taux de bilinguisme chez les jeunes Québécois augmente.

.1555

Les statistiques du Conseil de la langue française montrent que, dans le Québec d'aujourd'hui, le revenu moyen d'un unilingue francophone est supérieur à celui d'un unilingue anglophone.

Les changements sont vraiment remarquables. Si ces changements sont survenus, cela est dû en partie à la persistance des politiques linguistiques du gouvernement fédéral. Mais ce qui précède ne revient pas du tout à dire: «Nous avons réussi; il n'y a plus rien de quoi s'inquiéter».

Au contraire, nous sommes profondément préoccupés par les problèmes spécifiques et réels dans la réalisation de la dualité linguistique, si l'objectif à atteindre est que tous les gens soient à l'aise au Canada, quelle que soit leur langue officielle.

Mais il faut cependant considérer les réussites des communautés minoritaires linguistiques comme ce qu'elles sont: des réussites.

[Traduction]

Il faut examiner les préoccupations en vue de corriger ce qui ne va pas.

Selon le commissaire aux langues officielles, la situation des Québécois anglophones est toujours difficile. Dans son rapport de 1995, le commissaire signale que les nôtres sont trop peu nombreux dans la fonction publique québécoise, bien que nous soyons maintenant plus présents dans les institutions fédérales.

Dans l'ensemble, les Québécois anglophones sont bien servis dans leur langue, malgré les lacunes importantes qui persistent, mais le principal thème du rapport du commissaire et la principale préoccupation de notre communauté concernent le manque de services en français au Canada. Je tiens à le répéter, Alliance Québec est d'avis que c'est le manque de services en français qui doit surtout retenir l'attention du commissaire dans l'examen qu'il fait des services offerts par le gouvernement fédéral.

Les exemples cités relativement à Air Canada et à ses lignes d'apport illustrent bien la crainte que nous avons que les droits relatifs à la dualité linguistique qui ont été arrachés de haute lutte puissent être compromis dès qu'il y a transfert d'autorité en ce qui concerne la gestion d'une société d'État. Les menaces sont partout présentes, même à l'Aéroport international Lester B. Pearson. Cette situation est inacceptable et doit être corrigée.

Nous avons les mêmes préoccupations en ce qui concerne les plaintes mettant en cause la Société canadienne des postes, dont il est fait état à la page 51 du rapport. Alliance Québec a rencontré des dirigeants de la Société canadienne des postes et a constaté que de véritables efforts sont déployés pour améliorer les services. Malgré ces efforts, la proportion des plaintes a augmenté de 18 p. 100 par rapport à l'an dernier. Même si ce chiffre ne constitue pas une mesure définitive des progrès accomplis, il faut néanmoins surveiller la situation.

Un des problèmes des plus pressants qui fait obstacle au désir des Canadiens de voir s'épanouir la dualité linguistique tient à l'absence de produits acceptables en français dans le domaine du traitement électronique de l'information.

À l'heure actuelle, l'attention se porte surtout sur l'Internet, le commissaire ayant lancé une enquête distincte sur 20 institutions fédérales qui se servent du système interactif, mais qui ne se soucient pas toujours comme elles devraient de l'obligation qu'elles ont de protéger la dualité linguistique.

Chacun sait que les autorités québécoises sont de plus en plus préoccupées par l'absence de textes en français en ce qui concerne toute la gamme des services informatiques, et plus particulièrement l'absence de matériel didactique en français. On ose espérer que les efforts diligents et coordonnés des deux paliers de gouvernement se traduiront par des progrès vers la dualité linguistique dans ces domaines.

Comme toujours, nous craignons que la prise de décisions dans les agences ou institutions fédérales ne tiennent pas suffisamment compte de l'obligation qui incombe à l'agence ou l'institution concernée en vertu de la partie VII. Nous craignons que cette obligation puisse être réduite de façon importante si le gouvernement n'est pas sommé d'agir dès maintenant.

[Français]

Dans les derniers rapports du commissaire aux langues officielles, une série de notes suscitent de l'inquiétude au sujet de l'impact de la mise en oeuvre des réglementations de la partie VII et de la résistance à cette mise en oeuvre qui permettrait au gouvernement fédéral de réussir son mandat.

Dans son rapport La Mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles de 1988, aux pages 10 et 11, le commissaire présente une série de raisons pour lesquelles les efforts en vue d'accroître les services bilingues au gouvernement fédéral ont échoué à plusieurs reprises par le passé. Les problèmes consistent en un manque de volonté basé sur un manque de contrôle.

Le rapport souligne qu'une orientation a maintenant été donnée, sous la forme d'un encadrement ministériel, pour rendre compte de la mise en oeuvre de la partie VII. Le commissaire suggère qu'on accomplisse davantage dans ce sens.

[Traduction]

Aux pages 15 et 16, il formule les recommandations suivantes:

Nous approuvons entièrement l'idée d'exercer une vigilance de tous les instants. Selon nous, cette vigilance devrait toutefois s'étendre à toutes les garanties, non pas seulement celles énoncées à la Partie VII, mais aussi celles énoncées dans toutes les dispositions de la Loi sur les langues officielles.

Merci.

.1600

Le coprésident (M. Gagnon): Merci.

Nous passons maintenant au premier tour de questions. Normalement, nous accordons dix minutes à chaque intervenant au premier tour. Puis nous passons à un deuxième tour de cinq minutes.

[Français]

Monsieur Marchand.

M. Marchand (Québec-Est): Bienvenue, monsieur Hamelin.

[Traduction]

Vous avez dit dans vos remarques liminaires que la mise en oeuvre de la Partie VII était une question de survie nationale. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Hamelin: Je crois que, par ce qu'elle tente d'accomplir aux termes de la Partie VII en élargissant son mandat au-delà des seuls domaines où les ministères gouvernementaux avaient un rôle précis à jouer, la Loi sur les langues officielles aurait une importance plus grande pour les diverses communautés linguistiques minoritaires.

Ainsi, c'est un pas important à mon sens que d'amener par l'application de la Partie VII d'autres ministères qui n'auraient pas nécessairement eu de fonctions précises à accomplir dans le contexte de la Loi sur les langues officielles à jouer dorénavant un rôle à cet égard. Si la loi s'applique à d'autres ministères qui ont des contacts quotidiens avec le public, comme la Société canadienne des postes, en sa qualité de société d'État, ou comme le ministère de la Justice...

Le fait que la Loi sur les langues officielles s'applique ainsi à l'ensemble de l'appareil fédéral constitue un avantage, non négligeable, pour les communautés.

M. Marchand: La FCFA, l'organisation francophone qui représente diverses minorités dans les différentes régions du Canada, est venue témoigner devant notre comité il y a un certain temps et nous a dit avoir constaté la confusion qui règne dans les ministères quant à l'application de laPartie VII, articles 41, 42 et 43, les ministères ne sachant pas exactement ce que signifie l'application de cette partie de la loi.

Êtes-vous aussi de cet avis? Pensez-vous que c'est la confusion totale au gouvernement au sujet de la Partie VII?

M. Hamelin: Je dirais que la période de rodage se poursuit toujours. Il y a certainement eu des cas au sujet desquels nous avons eu des rencontres... et le ministère du Patrimoine canadien nous a beaucoup aidés pour ce qui est d'organiser des rencontres avec divers ministères. Chose certaine, nous trouvons que, mis à part les plans d'action qui nous sont présentés, les contacts entre les divers ministères et, mettons, les groupes comme la FCFA et nous ne sont pas aussi fréquents ni aussi réguliers qu'ils devraient l'être. Est-ce simplement parce que le processus en est encore à ses débuts? Je ne le sais pas.

De toute évidence, le ministère du Patrimoine canadien est sensible à la situation, comme l'est aussi le Bureau du commissaire aux langues officielles, mais je crois que le problème à l'heure actuelle tient à la difficulté d'intégrer l'application de cette partie de la loi à la culture des ministères.

M. Hugh Maynard (membre, conseil consultatif, Alliance Québec): J'ajouterais à cela que ce qui nous inquiète encore plus, c'est de savoir comment les articles 41 et 42 s'appliqueront au fur et à mesure que le gouvernement fédéral renoncera à ses pouvoirs et à sa compétence en faveur des gouvernements provinciaux.

Je vous cite pour illustrer mon propos un cas dont notre association a dû s'occuper au cours de la dernière année. Il existe une entente Canada-Québec dans le domaine de l'agriculture, entente qui porte sur la recherche et l'évaluation. Auparavant, cette entente était administrée par Agriculture Canada.

Quand l'entente a été renouvelée l'an dernier, l'administration - plus précisément, la promotion et la publicité - en ont été confiées au ministère québécois de l'Agriculture. Auparavant, dès qu'il s'agissait de faire la promotion ou la publicité auprès des agriculteurs anglophones et de les amener à participer au réseau d'évaluation, Agriculture Canada s'acquittait très fidèlement de son obligation de veiller à ce que les agriculteurs anglophones aient des chances égales de se renseigner sur le programme et de présenter des demandes. Quand le programme a été cédé au ministère québécois de l'Agriculture, du jour au lendemain, tous les documents publicitaires n'étaient publiés qu'en français. Notre association et nos membres ont été complètement laissés pour compte et nous n'avions aucune possibilité de participer au programme.

Personne ne demande que la publicité concernant le réseau d'évaluation du lac St-Jean soit faite en anglais, car d'après les dossiers du ministère, cette région ne compte qu'un seul agriculteur anglophone. Quand il s'agit toutefois de programmes visant des régions comme la Gaspésie, où il y a une centaine d'agriculteurs anglophones, ou encore la vallée de Châteauguay, où il y en a environ 500, l'information devrait de toute évidence être disponible en anglais pour que les agriculteurs anglophones aient aussi la possibilité de participer au programme.

.1605

Nous nous inquiétons donc de la façon dont les articles 41 et 42 seront appliqués quand il y aura transfert de pouvoir du gouvernement fédéral à un autre secteur de compétence. Cela nous ramène à la recommandation du commissaire: il est très important que le Bureau du Conseil privé veille à prendre les mesures qui conviennent, avant même qu'un programme soit cédé à un autre secteur de compétence, pour faire en sorte que les groupes linguistiques minoritaires, quelle que soit la province où ils se trouvent, soient servis comme ils l'auraient été si l'activité en question avait continué de relever exclusivement du ministère fédéral.

M. Marchand: Pensez-vous, monsieur Maynard, que les agriculteurs francophones à l'extérieur du Québec sont mieux servis que les agriculteurs anglophones du Québec?

M. Maynard: Je ne pense pas qu'il s'agisse de savoir si quelqu'un est mieux servi ou plus mal servi que quelqu'un d'autre. À mon avis, ni l'un ni l'autre groupe ne devrait être moins bien servi tout simplement parce que l'autre est moins bien traité. Je suis certainement d'accord avec vous pour dire que, si la situation est la même en Saskatchewan ou au Nouveau-Brunswick, les mêmes normes devraient s'appliquer. Les ministères provinciaux responsables ont la même obligation à nos yeux que celle qui doit incomber aux ministères québécois.

Le sénateur Corbin (Grand-Sault): Je peux vous dire ce qu'il en est du Nouveau-Brunswick. Nous recevons d'assez bons services en français.

M. Marchand: Au Nouveau-Brunswick, oui.

M. Hamelin a dit tout à l'heure que la situation est difficile pour les anglophones du Québec, et je compatis. Il disait notamment que, dans la fonction publique, par exemple, selon le dernier rapport du commissaire, la proportion d'employés anglophones n'était que d'environ 5 p. 100, proportion inférieure au pourcentage d'Anglophones dans la population québécoise.

J'ai trouvé inacceptable que, dans son rapport, le commissaire ne tienne pas compte du nombre de fonctionnaires dans la région de Hull. Quand on inclut les fonctionnaires anglophones de cette région, la proportion est de beaucoup supérieure au pourcentage de la population québécoise que représente les anglophones. Autrement dit, la proportion des fonctionnaires dans la fonction publique fédérale est plus élevée que la proportion d'anglophones parmi la population du Québec. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un détail sur lequel on ne s'entend pas.

Je me demande si vous croyez qu'en général la situation de votre communauté est meilleure que celle des communautés francophones à l'extérieur du Québec, à l'exception peut-être de celle du Nouveau-Brunswick?

M. Hamelin: Il s'agit d'une question dont nous sommes souvent appelés à débattre. Il faut tenir compte du fait que les communautés sont différentes et qu'elles ont un vécu différent et des expériences différentes. Ce que vit la communauté anglophone depuis 20 ans, c'est la perte graduelle de sa base institutionnelle, de sa base démographique. Il en résulte un état de crise, notamment pour les Québécois anglophones qui vivent dans des endroits comme Val-d'Or et la Gaspésie, où l'on est aux prises avec une communauté vieillissante, avec des problèmes qui vont en s'aggravant et avec des services hospitaliers qui connaissent une véritable crise. Certaines mesures législatives ont été adoptées et ont laissé pour compte la communauté anglophone et nous avons dû les contester devant les tribunaux et devant le tribunal de l'opinion publique.

Il est donc impossible de comparer les expériences des différentes communautés quand elles sont tout à fait différentes, quand il s'agit notamment d'une communauté qui doit mener une lutte de tous les instants. On ne peut pas demander si la situation de telle communauté est meilleure que celle de telle autre. Elles ont une expérience différente. Si vous partez du principe qu'il faut reconnaître que ces communautés ont une histoire différente, qu'elles en sont à des stades différents de leur existence, il y a peut-être moyen de reconnaître que les deux communautés, qui ont un rôle important à jouer au Canada, peuvent continuer à exister. Vous ne pouvez toutefois pas demander si la situation de l'une est meilleure que celle de l'autre, quand elle est différente. C'est un peu plus compliqué que ça dans la vie.

Le coprésident (M. Gagnon): Je vous demanderais de bien vouloir terminer en 30 secondes, monsieur Marchand.

M. Marchand: Il y a tellement de choses à dire. En fait, je veux changer de sujet. Je ne peux pas poursuivre dans cette voie.

Selon vous, que pourrait-on faire pour favoriser l'application de la partie VII, de l'article 41 de la partie VII? Il va de soi que rien n'a été fait jusqu'à maintenant, et ce qui a été fait montre la confusion qui règne au gouvernement fédéral. Je voudrais toutefois vous demander si vous avez des suggestions à nous faire. Devrions-nous proposer, par exemple, la nomination d'un inspecteur? Devrions-nous proposer qu'un nouveau ministère soit créé expressément pour assurer l'application de cet article? Avez-vous des observations à nous faire à ce sujet?

.1610

M. Hamelin: Hugh, voulez-vous répondre à cette question?

M. Maynard: Je crois qu'il est injuste de dire que rien n'a été fait. Vous avez parfaitement raison, toutefois: il y a des domaines où il faudrait faire plus.

De notre point de vue, je vous citerai le cas du BFDR(Q), le Bureau fédéral du développement régional (Québec), qui a décliné l'invitation qui lui avait été faite de participer à la rencontre organisée par le ministère du Patrimoine canadien en décembre et qui devait permettre à des groupes communautaires anglophones de rencontrer des représentants des ministères fédéraux pour discuter des articles 41 et 42. Le bureau n'a toujours pas répondu aux invitations qui lui ont été faites de rencontrer notre groupe. Il mérite d'être critiqué, comme n'importe quel autre ministère fédéral dans n'importe quelle autre province.

Cependant, à la suite de cette rencontre, Industrie Canada est entré en contact avec quelques groupes pour discuter d'un certain nombre de questions liées au développement de l'Internet et il existe maintenant des contacts avec ces groupes qui n'auraient pas existé autrement.

En réponse à votre question, je ne sais pas si je parlerais, moi, d'un «inspecteur», mais j'estime que chaque ministère devrait avoir une personne chargée des rapports avec la communauté linguistique minoritaire, qui puisse servir d'intermédiaire. Au lieu qu'on ait à porter officiellement plainte auprès du commissaire aux langues officielles, on pourrait simplement communiquer avec cette personne qui pourrait essayer de résoudre les problèmes avant même qu'ils ne se présentent.

Par ailleurs, comme l'a souligné le commissaire, avant qu'une mesure législative puisse être adoptée ou que son implication puisse être transférée à un autre secteur de compétence, il faudrait mettre au point un mécanisme pour assurer le respect de la minorité linguistique dans l'application du programme en question.

M. David Birmbaum (directeur exécutif, Alliance Québec): Comme je l'ai déjà dit devant votre comité, il faudrait un plus gros bâton. Nous apprécions le rôle très actif que joue Patrimoine canadien pour ce qui est de faire connaître les obligations qui découlent des articles 41 et 42. Comme nous l'avons déjà dit, le Bureau du Conseil privé devrait toutefois avoir une responsabilité à cet égard, de façon que les ministères aient, non seulement à présenter un rapport annuel au Parlement, mais à rendre compte de leurs activités au regard de ces articles dans les différentes régions du pays.

Le coprésident (M. Gagnon): Avant que je ne cède la parole à M. Allmand, je vous ai bien entendu dire que le BFDR(Q) n'a pas répondu à votre demande. C'est bien cela que vous avez dit?

M. Hamelin: Oui, parmi les groupes communautaires québécois... Nous avions prévu une rencontre avec divers ministères, et le BFRD(Q) n'a pas...

Le coprésident (M. Gagnon): Quand la demande a-t-elle été faite?

M. Hamelin: En décembre.

Le coprésident (M. Gagnon): Très bien. Monsieur Allmand.

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Certains laissent entendre de temps en temps que les anglophones du Québec n'ont vraiment pas besoin des garanties énoncées dans les articles 41 et 42; qu'ils sont entourés par l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, l'État de New-York et le Vermont; que la province profite d'influences anglophones de toutes sortes; qu'il n'y a aucun danger d'assimilation; et qu'il n'existe pas vraiment de menaces sérieuses qui guettent la communauté anglophone du Québec.

Je vous demanderais de bien vouloir répondre de façon plus précise à ces assertions. Si vous les avez en mémoire, pourriez-vous nous donner des chiffres sur la baisse de la population, non seulement dans l'ensemble de la province, mais dans les régions connues historiquement pour leur forte présence anglophone - les Cantons de l'Est, la Gaspésie et les autres régions de la province? Pourriez-vous aussi nous donner des chiffres sur la fermeture d'institutions - écoles, hôpitaux, organismes de services sociaux, etc? Beaucoup de ces institutions, soit dit en passant, ont été édifiées par la communauté anglophone. Je sais que, à Montréal, l'hôpital St. Mary's, le Montreal General Hospital, l'hôpital Royal Victoria et l'hôpital Queen Elizabeth, qui est sur le point de fermer, ont tous été construits par la communauté.

Étant donné que vous êtes là, non pas pour faire de la politique, mais pour représenter la communauté, pourriez-vous nous dire un peu ce que vous pensez de cette évaluation selon laquelle il n'y aurait pas de véritable menace? Quels chiffres pouvez-vous apporter à l'appui? Comment réagissez-vous à la baisse de la population et à la fermeture d'institutions?

M. Hamelin: C'est justement là que réside la menace. C'est que la communauté est en proie à un lent déclin et qu'elle pourrait cesser d'exister.

Parmi les principaux chiffres, les plus saisissants, si vous voulez commencer par la base, sont ceux qui concernent la population estudiantine. Là où auparavant nous avions plus de 250 000 élèves, nous en avons maintenant moins de 100 000. Plus des deux tiers des écoles ont fermé depuis 20 ans. Cela donne certainement l'impression d'une communauté en déclin. La fermeture de quatre grands centres hospitaliers a aussi un effet sur le dynamisme de la communauté.

M. Allmand: Vous parlez, non seulement de Montréal, mais de la province dans son ensemble.

M. Hamelin: Oui, de la province aussi... à l'extérieur de Montréal.

.1615

Si vous me permettez de revenir à votre première question, concernant l'importance des articles 41 et 42 - et je crois que vous pouvez sans doute en attester l'importance mieux que moi - , il s'agit manifestement de garanties absolument essentielles. Quand on vit dans une petite localité où la population est en baisse constante, pouvoir être servi dans sa langue à un bureau du gouvernement fédéral... on en est vraiment au dernier vestige à cet égard.

Encore là, nous ne manquons jamais de le souligner, et je crois qu'il est très important qu'on le comprenne, il ne s'agit pas de la survie de la langue en tant que telle. Il ne fait aucun doute que la langue anglaise existe; la question qui se pose est celle de l'infrastructure des communautés que nous représentons. Voilà un des aspects les plus importants du mandat de l'alliance, à savoir de faire en sorte que les communautés anglophones continuent à exister. Il ne s'agit pas simplement de la langue. Ce sont deux choses qu'on a parfois tendance à confondre. L'important, c'est d'avoir accès à des soins de santé et à des hôpitaux...

D'après une étude que nous avons faite il y a quatre ans sur l'attitude des jeunes anglophones de 18 à 25 ans, plus de 75 p. 100 prévoyaient qu'ils se trouveraient à l'extérieur du Québec dans dix ans.

M. Allmand: Vous voulez dire qu'ils partiraient.

M. Hamelin: Oui, ils quitteraient la province. La proportion est considérable, et l'étude a été faite avant le 30 octobre. Je puis vous dire que nous aurons sous peu des chiffres pour montrer la perception des membres de la communauté, tant pour ce groupe d'âge que pour d'autres groupes d'âge, depuis le 30 octobre.

La communauté connaît une baisse considérable de sa population. Le maintien des garanties données par le gouvernement fédéral aux communautés anglophones du Québec est extrêmement important. Étant donné la tendance aux transferts de pouvoirs aux provinces, tout comme les francophones de l'extérieur du Québec, nous avons certainement des inquiétudes très profondes pour ce qui est du maintien de ces garanties en cas de transferts de pouvoirs. C'est là un des messages que nous avons communiqué au premier ministre en février dernier.

M. Allmand: Seriez-vous donc d'accord pour dire que les plans d'action qui seraient élaborés aux termes des articles 41 et 42 seraient très différents selon qu'ils s'adresseraient aux francophones de l'extérieur du Québec ou aux anglophones du Québec tandis que dans l'Ouest, par exemple, ou dans certaines régions de l'Ontario - je ne parle pas ici du nord ou de l'est, mais d'autres régions - où le risque d'assimilation est réel, il faudrait que l'accent soit différent, tout comme il faudrait prévoir une approche très différente selon que les programmes s'adresseraient aux communautés anglophones de Montréal ou aux communautés anglophones du Québec rural, des Cantons de l'est par exemple?

M. Hamelin: Je pense qu'avec l'approche que nous avons adoptée, comme vous et David l'avez dit, nous avons pu avoir certains succès, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. L'idée selon laquelle ces groupes communautaires dont nous avons fait partie auraient un rapport direct avec ces ministères pour établir ce qui est prévu aux articles 41 et 42 signifie sans doute que c'est ce qui devrait se passer dans tout le pays, et je crois que c'est le cas. Cela est important car comme je l'ai dit précédemment, il est clair qu'on ne peut comparer les situations. La situation des communautés minoritaires varie énormément selon la région où on vit au pays.

M. Allmand: À votre avis, pouvons-nous faire des progrès importants en ce qui a trait aux articles 41 et 42 à une époque où les gouvernements procèdent à d'importantes compressions budgétaires? Je pense au journal anglophone de mon collègue en Gaspésie. Le journal a failli fermer. Je me rappelle qu'ils étaient ici pour plaider.

Bon nombre de ces journaux communautaires, non seulement les hebdomadaires anglophones au Québec mais également les hebdomadaires francophones partout au Canada...

Le coprésident (M. Gagnon): Et ils avaient un député compréhensif pour les représenter en Chambre.

M. Allmand: ...comptaient sur les petites subventions du gouvernement fédéral pour survivre, et ces subventions ont été coupées. Je peux vous donner d'autres exemples, comme les petites bibliothèques, les bibliothèques de langue minoritaire, les centres culturels et les théâtres de langue minoritaire.

Avez-vous abordé la question avec Patrimoine canadien? Étant donné les compressions budgétaires, est-il réaliste de penser que nous pouvons vraiment faire quelque chose aux termes des articles 41 ou 42, ou est-ce que nous devrons nous décider à dépenser de l'argent?

J'aurais aimé que le Parti réformiste soit ici pour écouter tout cela.

M. Hamelin: Nous aussi.

De toute évidence, c'est un défi qui est assez difficile à relever et à notre avis, il y a toujours possibilité, du moins certainement à la base, que ces ministères travaillent avec les collectivités. Je pense que c'est une étape.

Cependant, vous avez tout à fait raison. À l'heure actuelle, la dynamique comporte deux éléments. La situation du financement, la question d'argent en général, est un de ces éléments. L'autre élément est celui que nous avons soulevé et qui, je pense, est également important. Il s'agit du fait que certaines de ces responsabilités ne relèveront peut-être plus à l'avenir du gouvernement fédéral. Je pense que cela devient un problème tout aussi important pour nous.

M. Birmbaum: Mais il y a un point important ici. Des groupes comme le nôtre et la Quebec Farmers Association sont bien enracinés dans les communautés, et avec l'information adéquate et la collaboration de bons nombres de ministères nous pouvons assurer aux gens l'accès aux programmes et les informer, sans trop dépenser.

.1620

Une autre chose que nous disons, c'est lorsque l'on parle d'un exode de nos communautés, on parle d'un exode des impôts et des compétences, etc. Un des facteurs qui pourrait empêcher cet exode est un accès assuré aux services fédéraux dans les deux langues, et l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard de la vitalité et du développement de nos communautés. Si cela permet aux gens de rester ici, de produire dans leur province d'origine, d'élever leur famille dans leur province d'origine, alors c'est bon pour l'économie et c'est bon pour notre société.

M. Hamelin: Il s'agit je pense de voir ce que nous pouvons faire pour aider le gouvernement, peut-être en regardant ce qui se passe en réalité. Je vais vous donner un exemple.

L'une des choses à laquelle nous travaillons à l'heure actuelle est la compilation d'un répertoire des services juridiques de langue anglaise dans toute la province. Ce répertoire servira de guide sur les organismes privés ou les groupes communautaires ou autres qui offrent des services juridiques ou quasi juridiques. Je pense que c'est une ressource que la communauté peut utiliser. Nous espérons pouvoir travailler avec Justice Canada à l'avenir pour distribuer cette information.

Donc, comme vous pouvez le constater, il y a des rapports qui peuvent avoir du succès.

M. Allmand: Merci.

[Français]

Le coprésident (M. Gagnon): Sénateur Rivest, peut-on céder la parole à M. Marchand qui doit nous quitter dans les cinq prochaines minutes? Monsieur Marchand.

M. Marchand: Vous être très gentil, monsieur Rivest.

Monsieur Hamelin, vous avez dit plus tôt qu'il y avait des problèmes très graves chez les anglophones au Québec. Vous parlez, par exemple, du déclin de la population dans les écoles.

Cela est d'ailleurs repris dans le rapport annuel du commissaire aux langues officielles et c'est une autre chose qui me tracasse un peu. M. Goldbloom dit que le nombre de ceux qui fréquentent les écoles anglaises du Québec a chuté de plus de 55 p. 100 depuis 20 ans, soit de 230 000 à 100 000. C'est un fait, mais cette chute-là n'a pas été constatée chez les anglophones. C'est parce que les immigrants, les nouveaux arrivés, les allophones qui arrivent au Québec ont été réorientés vers les écoles françaises, d'abord par la Loi 101, puis par d'autres mesures.

Donc, il ne faut pas dire que c'est la communauté anglophone qui a perdu tous ces effectifs-là alors que, dans le fond, c'est la population allophone qui subit maintenant les dispositions des directives et des lois visant son intégration dans une société d'abord francophone.

Deuxièmement, tout comme M. Allmand, je trouve dommage que certaines institutions soient fermées, que quatre institutions de santé de langue anglaise au Québec aient été fermées. Mais il faut quand même reconnaître qu'au Québec, il y a eu une transformation fondamentale de tout le secteur de la santé. Il y a de nombreux hôpitaux de langue française qui ont également été fermés.

Il faut reconnaître que vous avez plusieurs services de santé. Vous avez 229 établissements désignés d'une façon ou d'une autre pour offrir des services en anglais au Québec. Personnellement, je suis parfaitement d'accord sur cela. Je trouve que c'est très bon, mais remarquez bien qu'à l'extérieur du Québec, ces services-là n'existent pas ou à peu près pas. Si le témoin du Nouveau-Brunswick était encore ici, il dirait qu'il n'y a que quelques hôpitaux pour la minorité au Nouveau-Brunswick, et il y en a à peine quelques-uns en Ontario et un à Saint-Boniface. Ces services aux minorités n'existent pas à l'extérieur du Québec.

C'est la même chose pour les écoles. M. Hamelin dit que la population anglophone a diminué à cause... J'arrive à la question.

Dans le fond, le nombre a diminué à cause des immigrants. La communauté anglophone au Québec a toujours une garantie de formation scolaire dans sa langue jusqu'à l'université. Depuis toujours, vous contrôlez les commissions scolaires, alors que les francophones à l'extérieur du Québec, aujourd'hui même, ne contrôlent pas leurs commissions scolaire, cela malgré la Constitution.

Leurs droits et leurs institutions ont été brimés par des lois adoptées dans les autres provinces. Ce sont des phénomènes très graves.

Donc, quand votre communauté refuse de comparer ses acquis et la situation des francophones hors Québec, je trouve que c'est fausser le débat.

.1625

Le coprésident (M. Gagnon): Voilà votre question, mais je tiens à vous faire remarquer que nous entendons Alliance Québec et non pas «Alliance de l'extérieur du Québec». Je pense qu'on devrait s'en tenir au rôle d'Alliance Québec au sein du Québec. Je crois, monsieur Hamelin, que votre charte vous définit, en quelque sorte, dans les paramètres de la province.

M. Hamelin: Oui, certainement.

M. Marchand: Je voudrais terminer ma question, si vous me le permettez. Alliance Québec fait partie du Canada, à ce que je sache, et vous faites appel à la Loi sur les langues officielles du Canada. Tant et aussi longtemps qu'on ignorera une partie du problème, on n'arrivera pas à y trouver une solution. Tant et aussi longtemps qu'on dira que cela ne se compare pas, que c'est le résultat de l'histoire, on aura un problème. Si les anglophones au Québec voulaient vraiment sauver le Canada et régler le problème dont vous avez parlé, vous seriez en train de vous battre à mort pour faire en sorte que les droits des francophones hors Québec soient équivalents aux vôtres.

Le coprésident (M. Gagnon): J'espère que la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal va en faire autant dans l'ensemble du pays.

M. Hamelin: Il est absolument clair qu'une bonne relation existait en ce qui a trait à certains dossiers, par exemple la question de la dévolution des pouvoirs sur laquelle on a eu gain de cause.

Monsieur Marchand, j'ai pris connaissance de certaines de vos déclarations il y a quelques semaines. Premièrement, les communautés anglophones ne contrôlent pas leurs écoles. Cette croyance est fausse. Les communautés ne les contrôlent pas. Il y avait deux conseils scolaires confessionnels pour la région de Montréal, la CSCM et l'ancien Protestant School Board of Greater Montreal, le PSBGM. Dans les deux cas, les conseils scolaires étaient basés sur la confessionnalité, mais les communautés anglophones ne contrôlaient pas le leur. C'est la raison pour laquelle, la semaine dernière, j'ai rencontré la ministre Marois afin qu'elle nous assure qu'à un certain moment donné, nous aurons un vrai contrôle sur nos écoles, sur les commissions scolaires linguistiques. C'est une chose très importante à rectifier.

M. Marchand: Le gouvernement du Québec veut faire en sorte que...

M. Hamelin: J'attends les derniers résultats, mais c'est quelque chose d'important. Cependant, dire qu'il y a, depuis 20 ans, un déclin de la communauté anglophone... Certains ont quitté la province, surtout des jeunes. En 1992, on a fait une étude qui démontre clairement qu'il existe une crise dans notre communauté. Oui, les expériences sont maintenant différentes parce que, dans le passé, la communauté anglophone avait les infrastructures d'une communauté, mais on démantèle ces infrastructures depuis 20 ans.

On a fermé quatre hôpitaux. Oui, il y avait d'autres hôpitaux dans la région, mais ces quatre hôpitaux-là - et M. Allmand pourra vous le dire - étaient des hôpitaux communautaires. L'hôpital Reine Élisabeth était un hôpital communautaire. Cela prouve, encore une fois, que vous démantelez un espace de notre communauté.

Ce n'est pas la même chose que la communauté francophone, qui se bat toujours. Nous partageons certaines de leurs causes. C'est très important pour les deux communautés. Notre communauté veut protéger ce qu'elle a parce que, depuis 20 ans, il y a un déclin. Ce n'est pas simplement que les immigrants ne se joignent pas à la communauté anglophone; c'est que les communautés anglophones commencent à disparaître. À l'extérieur de Montréal, c'est évident, mais même dans la région de Montréal, cela a commencé il y a un certain nombre d'années.

Il est très important que nous comparaissions devant vous aujourd'hui pour nous assurer que dans n'importe quelle situation en ce qui a trait à la dévolution des pouvoirs aux provinces, le gouvernement fédéral demeurera toujours le gardien de nos droits linguistiques, qu'il s'agisse des francophones hors Québec ou des communautés anglophones. C'est très important pour nous.

M. Birmbaum: Puis-je ajouter deux petites choses?

Le coprésident (M. Gagnon): Brièvement, s'il vous plaît.

M. Birmbaum: Vous devriez consulter vos collègues, y compris M. Gilles Duceppe etMme Francine Lalonde, que nous avons rencontrés il y a quelques mois. Ils avaient l'air de nous comprendre. Peut-être qu'on parle d'un principe lorsqu'on parle de la Loi sur les langues officielles. On parle des francophones hors Québec. Ce ne sont pas les minorités qui vont changer leur propre sort. Il s'agit plutôt de convaincre les majorités de chaque côté du pays, les francophones du Québec et les anglophones du reste du pays.

.1630

Ils vous diront qu'ils pensent qu'il est tout à fait normal que les garanties pour les services en langues officielles minoritaires soient réciproques, parallèles. On parle du principe. L'enjeu est de convaincre les majorités.

Si les francophones hors Québec veulent faire avancer leur cause, ils seront tout de suite d'accord avec nous pour dire qu'il faut provoquer ces démarches ensemble.

M. Marchand: J'aimerais ajouter un petit souhait. Ici, ce n'est pas le forum pour tenir des discussions à ce sujet. Mais si jamais il y avait une occasion de discuter de ce sujet avec vous, j'aimerais qu'on le fasse. Je pense que c'est une question fondamentale.

Le coprésident (M. Gagnon): Monsieur Maynard.

M. Maynard: Je vous donne un exemple à propos de ce faux débat. C'est un faux débat que de catégoriser le monde anglophone au Québec en prenant l'exemple de l'ouest de Montréal. Il y a aussi un monde rural et il est complètement différent. Par exemple, le monde agricole anglophone au Québec compte 2 600 producteurs sur un territoire de 1 500 km de longueur. Les communications sont très difficiles.

Nous avons une institution, le Collège Macdonald, un département de l'Université McGill. Dans les régions périphériques, il est très difficile pour les jeunes producteurs agricoles d'avoir accès à la formation et à l'éducation. Pendant plusieurs années, nous avons demandé un système d'éducation à distance. Après y avoir travaillé pendant cinq ans, nous n'avons reçu aucune réponse du gouvernement provincial, qui est responsable de l'éducation.

Par contre, en Nouvelle-Écosse et en Ontario, chaque province a un système d'éducation à distance accessible aux francophones. C'est une bonne chose. C'est un portrait du modèle Cadillac. Les communautés dont je parle ont besoin de services et d'infrastructures.

Le coprésident (M. Gagnon): Merci.

Sénateur Rivest.

Le sénateur Rivest: Un des problèmes souvent illustrés a peut-être trait à ce que M. Marchand essayait de vous dire. Les comparaisons, qu'elles concernent les anglophones québécois ou les francophones à l'extérieur du Québec, portent toutes sur des situations minoritaires. Il faut défendre ce qu'on a. La tendance générale est que les institutions s'étiolent, etc.

La différence essentielle entre les francophones hors Québec et les anglophones au Québec est qu'en ce qui a trait aux francophones, dans plusieurs cas, ils perdent carrément leur langue. Il faut convenir au moins qu'au Québec, pas à cause nécessairement du Québec, mais à cause de l'environnement nord-américain, le problème ne se pose pas. Mais dans plusieurs régions du Canada, la francophonie n'existe pas parce que les gens quittent pour des raisons politiques ou parce qu'il y a un problème de natalité. C'est carrément un problème d'assimilation, point à la ligne. C'est la seule différence.

Quant au reste, je pense que la communauté anglophone du Québec a des problèmes sérieux et que ce n'est pas par comparaison qu'on doit les établir. On doit les regarder comme tels. Bien sûr, il y a un problème de natalité. Une des grandes parties des problèmes de la communauté est la question politique. C'est extrêmement important. Les gens sont extrêmement sensibles à cela, non seulement les Québécois anglophones, mais aussi les francophones. Les fermetures ont causé un tort considérable.

Dans les politiques des divers gouvernements, et particulièrement du gouvernement actuel du Québec, je ne pense pas qu'il y ait eu quelque discrimination que ce soit. Ce n'est pas ce que vous avez voulu nous dire. Je ne pense pas qu'il y ait eu une discrimination à l'endroit des institutions anglophones. Il y a des institutions qui ont fermé et cela a causé des dommages. Comme les francophones l'ont souligné, dans certains coins, les coupures fédérales risquent, à plusieurs égards, de réduire la qualité des services à la francophonie à l'extérieur du Québec.

Je veux qu'il soit clairement établi devant le comité que les restrictions dont vous parlez au niveau des hôpitaux, vous avez eu à les subir en tant que Québécois, et non en tant qu'anglophones. Il n'y a pas eu de discrimination à l'endroit de la communauté anglophone.

.1635

M. Hamelin: Les situations politiques sont vraiment ce qui frappe les communautés. C'est la chose la plus importante. Quant aux politiques de l'actuel gouvernement en ce qui a trait aux garanties concernant les réseaux de services de santé et sociaux, on voit maintenant que le parti au pouvoir au Québec - je ne veux pas faire de politique - , lors de son dernier congrès, a parlé de la réouverture de tous ces débats. Quels messages veut-on nous transmettre?

Le sénateur Rivest: Vous avez la parole de M. Bouchard qu'il ne le fera pas.

M. Hamelin: Oui, mais j'attends.

Le sénateur Rivest: Ce fut très dangereux, et vous l'avez souligné, parce que cela a trait à la Loi 142.

Par ailleurs, il est évident qu'en ce qui a trait à la situation de certains anglophones vivant en région, on fait des comparaisons. Il y a bien des francophones en Saskatchewan qui vivent exactement la même situation.

Vous soulevez un point qui risque d'être important à l'avenir, si jamais il y a des changements constitutionnels réels qui mènent vers une dévolution de programmes et de pouvoirs fédéraux vers les régions à travers le pays, y compris le Québec. Il est très important pour les personnes en situation minoritaire, pour les agriculteurs, que la Loi sur les langues officielles, lors des transferts de compétence... J'ai déjà signalé devant le comité que lorsqu'on a fait des accords de perception dans le domaine fiscal, sur la taxe de vente, le gouvernement du Québec, contrairement aux dispositions de sa loi 101 - dans la Loi 101, il y a des contraintes sur la communication en langue anglaise - , avait accepté que la Loi sur les langues officielles s'applique. À ce que je sache, il n'y a pas de Québécois ou de commerçants anglophones qui ont soulevé des problèmes parce qu'ils n'avaient pas les papiers dans les deux langues, même si on était au Québec.

Deuxièmement, le Québec administre aussi, dans le domaine des pêches, certaines choses qui sont de sa compétence. Je ne sais pas si les pêcheurs anglophones de la Gaspésie ont à se plaindre du fait que le gouvernement du Québec communiquerait uniquement en français avec eux.

Le coprésident (M. Gagnon): Je pourrais témoigner à mon tour. C'est de plus en plus une inquiétude dans la communauté anglophone. Les services ne sont pas rendus. Cela va faire partie de mes questions, qui suivront les vôtres.

Le sénateur Rivest: Il est très important que, dans la dévolution des pouvoirs constitutionnels qui risque d'arriver, non seulement à cause de la question québécoise mais aussi parce que d'autres régions en font la demande, on parle de la formation professionnelle, par exemple. Je sais que si cela est accepté au Québec, il y a beaucoup de travailleurs québécois anglophones, en région, qui risquent de penser que les cours ne sont pas dans le domaine de la formation agricole. À Saint-Hyacinthe, il ne doit pas y avoir beaucoup de cours qui se donnent en anglais. Par contre, dans la région d'Hemmingford, il y a un paquet d'agriculteurs anglophones.

Il est très important qu'au niveau de ce comité-là, en ce qui a trait à toute dévolution administrative ou constitutionnelle des responsabilités fédérales, on s'assure que la Loi sur les langues officielles puisse continuer de s'appliquer, que le gouvernement canadien en fasse même une des conditions d'une dévolution administrative ou constitutionnelle des programmes. Cela va rassurer les gens qui vivent en situation minoritaire linguistique, autant au Québec qu'à l'extérieur du Québec. Est-ce l'une de vos préoccupations?

M. Hamelin: Absolument. C'est le message le plus important. Je sais qu'on parle des articles 41 et 42 en même temps. Ils sont du domaine d'une dévolution. C'est clair que cela nous inquiète, compte tenu du parti au pouvoir au Québec. Il est absolument essentiel que ces garanties soient clairement maintenues dans chaque négociation, et c'est la même chose pour les francophones hors Québec.

Le coprésident (M. Gagnon): J'ai quelques questions à vous poser, un peu dans la même veine que le sénateur Rivest. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de secteurs décentralisés, dont le gouvernement fédéral se retire? Croyez-vous qu'on fera face à certains problèmes de services dans une des langues officielles du pays?

.1640

Avez-vous des exemples concrets? On parlait de l'agriculture. En quelque sorte, le domaine de la santé ne relève pas du fédéral. Cependant, il y a le domaine des transports, par exemple, avec VIA Rail et toute cette histoire de privatisation des services gouvernementaux fédéraux.

On a connu des exemples dans le domaine de la forêt et dans le domaine des mines. Je ne sais pas si le gouvernement a bien l'intention de maintenir ses services à la minorité comme condition de transfert.

Selon vous, en discute-t-on? Est-ce que cela fait l'objet d'un discussion entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec?

M. Hamelin: Oui, c'est une chose qu'on a soulevée auprès du premier ministre lorsque nous l'avons rencontré au mois de février, parce que c'est absolument essentiel pour notre communauté. Maintenant, un adulte de la communauté anglophone ne pourrait suivre de cours de français langue seconde.

Quant au parent seul qui vit avec deux enfants et qui est au chômage, s'il voulait se recycler au travail, il serait absolument essentiel qu'il apprenne le français. Il est absolument essentiel qu'il y ait des cours de ce genre. Pour les nouveaux arrivants, il y a le programme COFI qui est subventionné par le fédéral, mais il n'y a rien pour les anglophones.

C'est une chose très importante que l'on soulève parfois au fédéral et au provincial. C'est une espèce de partie de ping-pong. Depuis 1993, je l'ai soulevée à au moins cinq reprises auprès des ministères des deux niveaux de gouvernement, mais on n'obtient jamais de réponse.

Si, à l'avenir, le gouvernement fédéral accorde des subventions au gouvernement provincial, on devra absolument discuter de ces choses-là au préalable.

[Traduction]

Le coprésident (M. Gagnon): À votre avis, quels genres de garanties avez-vous si le gouvernement fédéral transfert tout cela au gouvernement provincial? Nous savons à l'heure actuelle que moins de 2 p. 100 des fonctionnaires provinciaux sont... je ne dirais pas anglophones, mais ils maîtrisent l'anglais. Je ne sais pas si cela a augmenté depuis le milieu des années 80, mais je crois comprendre que si on transférait ces pouvoirs aux gouvernements provinciaux, ils devraient augmenter considérablement le nombre de fonctionnaires qui maîtrisent parfaitement l'anglais.

M. Hamelin: D'après les représentants de notre communauté, ce pourcentage est descendu à 0,08 p. 100. C'est absolument catastrophique. Cependant, le problème consiste également à savoir si les fonctionnaires ont les attributions nécessaires pour travailler en anglais.

Le gouvernement fédéral doit prendre position et dire que c'est assez important. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici, et je dirais que c'est l'une des raisons pour lesquelles la FCFA viendra sans doute dire la même chose au cours des prochaines semaines. Il est absolument essentiel qu'il y ait un plan d'action à cet égard.

M. Maynard: Je travaille dans le domaine de l'agriculture. À mon avis, Agriculture Canada a fait un excellent travail pour s'assurer que l'information provenant du ministère peut de façon générale être obtenue dans les deux langues, et ce ministère mérite donc des félicitations. Le problème c'est s'il y a dévolution, transfert des pouvoirs, comme je l'ai souligné dans mon exemple précédent: qu'arrivera-t-il alors lorsque cette responsabilité sera transférée à un ministère provincial?

Je suis également conseiller scolaire, et là encore c'est la même chose. Il y a des paiements de transfert fédéraux dans le domaine de l'éducation, de la santé et des services sociaux qui vont tout simplement dans le compte général des recettes et on nous répond: «Les fonds pour la formation en français langue seconde se trouvent dans les paramètres généraux. Allez les trouver.» Eh bien, avec les compressions budgétaires, lorsque tout est coupé, il est difficile de trouver de l'argent.

Pour ce qui est des paiements de transfert d'Agriculture Canada vers ce qu'on appelle les fonds d'adaptation, avec la restructuration de certains programmes prévue dans le budget, dans toutes les autres provinces, cet argent est en grande partie utilisé pour la formation et la réadaptation. Au Québec, la formation est une responsabilité provinciale et Agriculture Canada n'a pas le droit d'utiliser cet argent pour faire de la formation, de telle sorte que nous sommes désavantagés à cause du contexte provincial.

Donc, la garantie dont vous parlez doit être donnée au début du transfert des pouvoirs. Je pense que c'est peut-être un peu bizarre que l'un des meilleurs exemples de transfert de pouvoirs soit la TPS, comme M. Rivest l'a fait remarquer. Je dois supposer que le gouvernement provincial aimerait avoir notre argent, de sorte qu'il veut s'assurer que nous pouvons remplir les formulaires. Mais lorsque nous demandons des services ou des fonds, ce n'est pas la même situation.

.1645

Voici un bon exemple. Je suis allé au bureau de Revenu Québec la semaine dernière pour aller chercher des formulaires d'inscription pour la TPS pour l'entreprise de ma femme - son entreprise s'est développée, et elle doit maintenant l'enregistrer. Tout ça était disponible en anglais - c'est fantastique. Il s'agit d'un formulaire compliqué. Je lis et j'écris assez bien en français, mais il y a une limite lorsqu'il s'agit de questions techniques.

Donc, oui, ils veulent notre argent: le service est disponible. La question de la garantie intervient au début du processus.

Le coprésident (M. Gagnon): C'est ma toute dernière question. Le fait que nous ayons maintenant le transfert social canadien, un financement global de 11 milliards de dollars par an... En fait, il s'agit essentiellement d'un transfert direct à la province. À mon avis, il n'y a pas de conditions qui s'y rattachent, de telle sorte qu'une province peut financer le programme de son choix sans aucune garantie en ce qui a trait aux services dans les langues de la minorité.

À votre avis, est-ce que ce financement global provenant du gouvernement fédéral améliore votre situation, n'y change rien du tout ou la fait empirer?

M. Hamelin: Lorsqu'on en arrive à cette situation, comme vous l'avez souligné au sujet des fonds généraux, nous ne savons où vont ces fonds. Comme vous l'avez dit, ils nous disent d'aller les trouver, mais les fonds ne sont pas là.

Il doit y avoir un meilleur plan qui en tienne compte. À l'heure actuelle, il semble que ce soit dans le domaine de la main-d'oeuvre, s'il y a une législation dans ce domaine, où l'on oublie ou ne reconnaît pas les garanties qui doivent accompagner les transferts. Il s'agit certainement d'une chose que contre laquelle notre communauté va lutter.

Le coprésident (M. Gagnon): Monsieur Godfrey.

M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Permettez-moi de continuer dans la même veine. Supposons que les garanties sont données au moment du transfert, si vous voulez. Quel est le statut légal de ces ententes? S'agit-il d'engagements d'honneur? Peut-on faire respecter ces garanties? Estime-t-on que la garantie est transférée en même temps aux termes des articles 41 et autres de la Loi sur les langues officielles? Si ces articles ne sont pas respectés, devant qui doit-on porter appel? Comment est-ce que cela fonctionne?

M. Hamelin: Le système a fonctionné dans certains cas. Dans le secteur privé, lorsque le processus de privatisation a commencé - je me souviens de Téléglobe, d'Air Canada et des aéroports, entre autres - toutes ces questions étaient prévues. Ce n'est donc pas un engagement d'honneur. C'est dans un contrat.

M. Allmand: C'est dans la loi, telle que nous l'avons adoptée ici.

M. Hamelin: Oui. Vous pouvez inclure ces garanties dans la loi; ce n'est pas seulement un engagement d'honneur. Aussi...

M. Godfrey: Vous pouvez agir ainsi avec une province. Vous pouvez lui refiler l'activité; en échange de l'argent qu'elle reçoit, elle doit se comporter comme si... vous pouvez la poursuivre si elle ne respecte pas les conditions de ce qui n'est pas seulement un engagement d'honneur.

M. Hamelin: Je le répète, c'est plus qu'un engagement d'honneur.

M. Godfrey: C'est ce que je dis.

M. Hamelin: C'est dans la loi, et il y a des conséquences liées au non-respect de ces garanties.

M. Godfrey: Il faut donc prévoir les bonnes conditions au moment du transfert.

M. Hamelin: Parfaitement - avant que quoi que ce soit ne soit transféré.

M. Maynard: Il est trop tard lorsque le programme a été établi et qu'il n'est disponible que dans une langue. Il n'y a plus qu'à se plaindre au téléphone à ce moment-là. Le budget a été fixé. La publicité a été faite. Le programme est en marche. Je comprends qu'il soit difficile d'intervenir à cette étape. Il est presque impossible de renverser la vapeur. Il faut que les dispositions nécessaires soient prises au départ.

M. Allmand: À ce sujet, monsieur le président, je rappelle qu'aux États-Unis et dans les années 70, lorsque le gouvernement fédéral voulait faire adopter la loi sur les droits civils par les États, il ne donnait de l'argent qu'aux États qui assuraient des droits égaux à la minorité noire. Autrement, les États n'avaient rien.

Je me souviens d'avoir recommandé la même chose pour la loi linguistique dans toutes les provinces, mais de m'être fait répondre que c'était une mesure trop stricte pour ce pays. Je pense que nous allons quand même dans cette direction.

Le coprésident (M. Gagnon): Le moment est peut-être opportun.

Sénateur Rivest.

[Français]

Le sénateur Rivest: On doit être réaliste parce que, comme le président l'évoquait, cela concerne la santé, l'éducation et les services sociaux. Si le gouvernement canadien décidait de ne pas contribuer financièrement à ces programmes ou de n'y contribuer qu'à condition que la Loi sur les langues officielles soit respectée, on n'aurait pas tellement de problèmes au Québec parce que, finalement, avec la Loi 142 pour les services de santé et les services sociaux et avec les garanties scolaires qui existent... Cependant, dans le reste du Canada, on n'aura jamais, jamais cela, sauf peut-être au Nouveau-Brunswick.

.1650

Je pense que c'est dans l'intérêt général du pays de ne pas créer de débats officiels qui ne veulent rien dire, mais lorsqu'il y a des transferts sociaux ou des ententes fédérales-provinciales - on parlait plus tôt des forêts, des mines de de l'agriculture - , le gouvernement fédéral doit s'assurer que, lorsqu'il y a une communauté linguistique minoritaire, cette communauté linguistique minoritaire ait les mêmes droits d'être servie dans sa langue que lorsque le gouvernement fédéral agit seul. Quand il y aurait dévolution de pouvoirs, une telle chose serait bonne, non pas tellement pour les Québécois anglophones qui vivent dans la région de Montréal où les services sont généralement bilingues, mais pour les anglophones qui vivent en dehors de Montréal, en Gaspésie, dans les Cantons de l'Est et dans toutes les régions du Québec.

Quand on parle des anglophones du Québec, ma priorité est les gens qui vivent en région et non ceux du West Island. Ils ont aussi des problèmes, mais il faut surtout aider les communautés en région.

Êtes-vous satisfaits de l'application de la Loi 142 sur les services de santé et sociaux en région?

M. Hamelin: Il est très important pour les régions...

Le sénateur Rivest: Est-ce que les gens sont satisfaits?

M. Hamelin: En général oui. Il y a parfois eu certains problèmes d'application dans certaines régions, mais il est important d'avoir un plan responsable pour la communauté anglophone dans l'Abitibi, dans l'Est ou dans l'Ouest.

Le sénateur Rivest: Est-ce que cela été bien négocié?

M. Hamelin: On n'a pas les nouvelles propositions, mais celles qui avaient été faites par l'ancien gouvernement...

Le sénateur Rivest: Je sais qu'il y a eu un dérapage au congrès péquiste. On n'est pas des spécialistes dans ce domaine-là. Lorsque vous avez rencontré M. Bouchard, lors de son discours au Centaur, il a été très clair sur le maintien de la Loi 142. Dans le bouquet de mesures deMme Beaudoin, vous n'avez rien perçu de restrictif?

M. Hamelin: Non...

Le sénateur Rivest: Sauf que vous avez des craintes politiques.

M. Hamelin: Quant à la résolution qui a été débattue.

Le sénateur Rivest: Il ne faut pas oublier que le PQ avait voté contre.

M. Hamelin: Absolument.

Le sénateur Rivest: Quant à M. Marchand et M. Duceppe du Bloc québécois, il faudrait leur rappeler que leur parti avait voté contre.

M. Hamelin: Compte tenu des délais en ce qui a trait aux plans d'action pour les régions, c'est une chose qui nous inquiète un peu.

M. Maynard: En ce qui concerne les solutions de rechange, on dit souvent qu'on a besoin d'argent. À mon avis, il s'agit d'une question évidente. La loi 142, au Québec, est un bon exemple d'un système de communication et de relations entre le gouvernement et les communautés pour élaborer les services.

Deuxièmement, avec la technologie informatique, on peut avoir accès aux lignes 1-800. On pourrait ainsi toucher le numéro 1 pour avoir le service en français et le 2 for service in English. La personne pourrait être dans n'importe quelle région. On pourrait même répondre à partir d'Ottawa à quelqu'un de la Saskatchewan qui demanderait le service en français. Ce n'est pas un problème. Pour la personne à l'information d'Internet, ce serait la même chose. Il y a d'autres solutions innovatrices pour assurer les services de communication et la livraison de l'information. C'est toujours une question de put some focus.

[Traduction]

Le coprésident (M. Gagnon): Monsieur Godfrey.

.1655

M. Godfrey: Lorsque vous parlez de collectivité, je suppose que vous voulez dire pratiquement la collectivité anglophone et ses institutions. Cependant, lorsque vous parlez d'hôpitaux et d'hôpitaux communautaires, je suppose que vous voulez dire plus littéralement les hôpitaux de quartier et de district. Lorsqu'ils ferment, tout le quartier en souffre.

Je viens de Toronto, où il y a également beaucoup de fermetures d'hôpitaux. La collectivité est évidemment touchée. Cependant, pour ce qui est de ces hôpitaux communautaires, s'agit-il vraiment de discrimination contre une collectivité quelconque? Ne peut-on pas dire qu'il y a également des hôpitaux communautaires desservant des populations francophones qui ferment, ce qui détruit l'esprit communautaire? Ou est-ce que dans le cas des institutions anglophones, on a procédé d'une façon particulière? Je ne sais pas si vous me suivez dans cette distinction que je fais entre les collectivités dans le sens plus large et les collectivités géographiques?

M. Hamelin: Nous ne prétendrions jamais que le processus de fermeture des hôpitaux a été conçu pour nuire à notre collectivité. Le fait est cependant qu'il la touche profondément. C'est une des rares questions qui parvient à mobiliser notre collectivité, encore plus les individus. Les groupes de citoyens se multiplient tout à coup.

Pour répondre à votre question, il s'agit d'hôpitaux - et je suis sûr que M. Allmand s'y connaît mieux en la matière que moi - vraiment communautaires, qui ont été construits à partir de rien par les collectivités qui les entouraient. Diverses familles se sont réunies pour fournir des fonds. Ils ont été administrés par la collectivité pendant des années et font partie du territoire. La fermeture de ces quatre hôpitaux dans la région de Montréal a eu un impact terrible sur les collectivités physiques des Québécois anglophones.

M. Godfrey: Le même phénomène s'est-il produit pour les hôpitaux communautaires francophones...

[Français]

M. Hamelin: Non.

Le sénateur Rivest: Il y a un très bon exemple de cela. Le Jeffrey Hale, à Québec, a été coupé. Or, le Jeffrey Hale était une institution à laquelle la communauté anglophone s'identifiait. Ils le font disparaître. C'est un exemple. Plus tôt, je cherchais un cas à Montréal, mais le Jeffrey Hale, à Québec, est une chose visible. On s'identifiait à l'institution en se disant: «La communauté anglophone existe encore».

L'église Saint-Patrick avait déjà fermé. Pour ce qui est du Jeffrey Hale, ils auraient dû le garder. il était important de le garder parce qu'il y avait une communauté anglophone. C'est dans ce sens-là que c'est communautaire.

[Traduction]

M. Maynard: C'est un point important. Connaissant plus le système scolaire en tant que conseiller scolaire, je peux dire que lorsqu'on ferme une école on détruit la collectivité. De même, lorsqu'on ferme un hôpital sans le remplacer - il convient de le souligner; les gens ne croient pas que l'institution visée puisse être remplacée - on chasse les gens; ceux-ci ne croient pas pouvoir obtenir des services adéquats. C'est ce que nous craignons le plus, en ce qui nous concerne. Les gens ne voudront plus s'associer à cette collectivité et ils chercheront ailleurs. Pour beaucoup d'anglophones du Québec, ce sera à l'extérieur de la province.

Le coprésident (M. Gagnon): Quel est le rôle de vos organismes affiliés? J'essaie de mieux comprendre l'organigramme d'Alliance Québec.

M. Hamelin: L'Alliance elle-même est formée, sur le plan de l'organisation, de groupes ou de membres institutionnels, de groupes régionaux, par exemple. Le CASA, entre autres, est une association régionale qui fait partie d'Alliance Québec; la Voix des anglophones de Québec également. En outre...

Le coprésident (M. Gagnon): Où se trouve la commission scolaire régionale de la Gaspésie, par exemple, dans tout cela?

M. Hamelin: Elle entrerait dans le CASA, selon toute vraisemblance.

En outre, dans le cadre de l'effort de regroupement des autres groupes de la collectivité anglophone du Québec, lequel est également financé par le ministère du Patrimoine canadien - l'exercice de repositionnement - , nous sommes maintenant associés à des groupes qui ne font pas nécessairement partie du réseau régional. Ce sont ce que nous appelons des organismes sectoriels. C'est le cas de celui que préside M. Maynard actuellement, le Quebec Community Groups Network. Ils incluent des groupes culturels et d'autres... QSPELL, par exemple.

.1700

M. Maynard: La Fédération québécoise des associations foyers-écoles, la Fédération d'art dramatique du Québec, la Quebec Rural Newspaper Association, la Quebec Commerce Association. Nous avons réuni les principaux groupes communautaires aidés par le ministère du Patrimoine canadien en un seul réseau afin de faciliter l'administration, l'efficacité et le développement à long terme, de permettre également l'échange des compétences et la collaboration.

M. Birmbaum: Chaque groupe demeure cependant autonome.

M. Maynard: Oui.

M. Allmand: Certains de ces groupes régionaux sont plus autonomes que d'autres.

M. Hamelin: Vous voulez être plus précis, Warren?

M. Allmand: L'Association des anglophones de l'Estrie, je pense, existait avant Alliance Québec.

M. Hamelin: Le CASA existait également bien avant.

M. Allmand: Le groupe de la Vallée de Châteauguay est beaucoup plus...

M. Hamelin: Il oeuvre dans un cadre différent -

M. Allmand: Ses positions vont parfois à l'encontre de celles de l'Alliance.

Le coprésident (M. Gagnon): Je dois malheureusement vous informer que nous n'avons plus de temps. La pièce est réservée pour un autre groupe.

[Français]

Je tiens à vous remercier. C'est vrai que le préavis était plutôt court. Cependant, on a l'intention de vous revoir d'ici quelques mois. J'espère que le comité pourra maintenir un contact direct avec vous afin de trouver des solutions aux problèmes auxquels on doit faire face.

Je vous remercie encore une fois de votre bon témoignage.

M. Hamelin: Merci, monsieur le président. Quant au mémoire,

[Traduction]

nous vous ferons part de ce que nous avons, question simplement de maintenir les liens.

M. Allmand: Allons-nous prévoir une réunion avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada?

[Français]

Le coprésident (M. Gagnon): Le comité directeur va se réunir et nous allons examiner d'autres propositions concernant d'autres témoignages devant ce comité.

La séance est levée.

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