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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 mai 1996

.1532

[Français]

Le coprésident (le sénateur Roux): Je déclare la séance ouverte.

Avant de donner la parole au commissaire aux langues officielles, je tiens à vous entretenir de deux sujets.

D'abord, nous n'avons reçu le rapport d'évaluation du commissaire que ce matin. Le commissaire m'a appelé ce matin pour m'expliquer qu'on avait travaillé jusqu'à tard cette nuit afin de présenter le rapport dans la forme exigée, surtout au sein de ce comité, c'est-à-dire dans les deux langues. Je crois bien que, puisque nous avons deux séances à propos de ce rapport, c'est-à-dire aujourd'hui et jeudi prochain, nous aurons le temps d'en prendre connaissance.

M. Marchand (Québec-Est): Mardi prochain.

Le coprésident (le sénateur Roux): Mardi prochain, pardon. Je me trompe sans doute de comité. J'avais les langues officielles pour jeudi.

Deuxièmement, vous avez sans doute reçu copie d'une lettre que le commissaire a écrite au directeur de la Société canadienne des postes, ainsi qu'une lettre qu'il a adressée à la présidence du comité. Est-ce que vous avez eu copie de ces lettres?

Le commissaire a envoyé une lettre à M. Clermont au sujet du système d'adressage de la Société canadienne des postes, en particulier en ce qui a trait aux gros expéditeurs. Bref, à moins que je ne trahisse votre opinion, monsieur le commissaire, vous prétendez que la Société canadienne des postes pourrait se soumettre davantage à l'esprit et à la lettre de la Loi sur les langues officielles sans problèmes techniques et sans coûts importants.

.1535

Le commissaire suggère que nous demandions au directeur de la Société canadienne des postes, M. Clermont, de venir devant notre comité et, si je comprends bien, le commissaire souhaiterait être présent lors de ce témoignage.

Nous pourrons discuter plus tard d'une date possible, idéalement avant la fin du mois de juin, tout en respectant notre emploi du temps pour ce qui a trait au rapport d'évaluation présenté par le commissaire.

Y a-t-il des questions?

M. Marchand: Je n'ai pas reçu copie de cette lettre.

Le coprésident (le sénateur Roux): Vous n'en avez pas eu copie?

M. Marchand: Est-ce qu'elle a été distribuée aux membres du comité?

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand, M. Onu l'a fait circuler parmi les membres du Sénat. Y aurait-il un défaut du côté de la Chambre des communes?

Le sénateur Rivest (Stadacona): Cela n'est pas très respectueux.

Le coprésident (le sénateur Roux): Est-ce que vous pourriez voir à ce que M. Marchand reçoive cette lettre?

[Traduction]

M. Breitkreuz (Yellowhead): Nous n'avons pas reçu cette lettre non plus.

Le coprésident (le sénateur Roux): Vous la recevrez dès que possible.

[Français]

Monsieur le commissaire, vous avez la parole.

M. Victor C. Goldbloom (commissaire aux langues officielles): J'aimerais tout d'abord, avant d'entrer dans le vif du sujet qui nous concerne aujourd'hui, informer les membres du comité qui, par le passé, se sont intéressés particulièrement au recours judiciaire auquel peut s'associer le commissaire aux langues officielles, que nous avons engagé un processus concernant la société VIA Rail et que la cause sera entendue par les tribunaux au mois de septembre si ma mémoire est fidèle.

Je voudrais simplement informer les membres du comité de cette initiative que nous avons prise.

[Traduction]

Nous sommes ici pour discuter de la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Vous vous souviendrez, monsieur le président, que cette partie de la loi représente un engagement de la part du gouvernement du Canada, un engagement dont a convenu ce Parlement en 1988, d'appuyer la vitalité et l'épanouissement des communautés minoritaires de langues officielles, et d'appuyer le traitement équitable et en fait égal de l'anglais et du français comme langues officielles du Canada.

L'objet de cette étude, qui a donné lieu à la préparation de plans d'action par 27 institutions fédérales identifiées comme institutions-clés dans ce contexte, est clairement d'améliorer l'efficacité de la mise en oeuvre de la partie VII. L'étude que j'ai entreprise doit être constructive. Il ne s'agit pas simplement de dire qu'une institution ou une autre n'a pas pleinement respecté l'engagement pris à la partie VII de la loi.

Cette étude vise également à assurer que les travaux futurs dans ce secteur seront mieux identifiés, mieux perçus; et ils visent de plus à encourager les institutions visées à améliorer leurs réactions aux besoins des communautés minoritaires de langues officielles de toutes les régions du pays. C'est pourquoi le rapport, qui a été rendu public en février dernier, s'intitule Un tracé pour agir.

[Français]

En français, c'est Un tracé pour agir.

Je dois souligner que l'appréciation des plans d'action produits par les 27 institutions en question doit tenir compte du fait que la première impulsion a été donnée par le ministère du Patrimoine canadien, qui a produit un guide pour le développement des plans d'action.

.1540

C'est par la suite que ce comité a demandé au commissaire de bien vouloir évaluer les plans d'action, qu'à cette fin, nous avons développé un instrument d'analyse et que cet instrument a été mis entre les mains des institutions concernées. Les plans d'action ont donc été préparés sans rapport à cet instrument d'analyse.

Pour cette raison, je dois souligner que notre objectif est notamment d'amener les institutions en question à produire une deuxième génération de plans d'action qui aura été bonifiée à la lumière de l'analyse que nous avons faite et de l'évaluation que nous avons maintenant fournie à chacune des institutions.

Nous avons remarqué un certain nombre de choses que je voudrais porter à l'attention des membres du comité. Nous avons remarqué que la banque de données que possède l'appareil fédéral, que possèdent les institutions en question, n'est pas suffisante pour permettre de bien déceler les actions requises. Nous formulons des recommandations pour que la cueillette des données soit améliorée et utilisée pour la confection de cette deuxième génération de plans d'action.

Nous avons remarqué également qu'il y a, dans l'esprit de plusieurs organismes, une certaine confusion entre la Partie IV et la Partie VII de la loi. La Partie IV concerne le service au public par les institutions fédérales. La Partie VII concerne, comme je l'ai dit, l'appui aux communautés en situation minoritaire.

Il y a des institutions qui semblent avoir l'impression qu'en respectant les exigences de la Partie IV, c'est-à-dire en fournissant bien le service aux membres des communautés en situation minoritaire, elles respectent également les exigences de la Partie VII. Cette confusion doit être dissipée si nous voulons avoir des plans d'action vraiment satisfaisants.

J'arrive aux documents que nous avons pu mettre aujourd'hui même entre vos mains. Vous me demanderez immédiatement quel est le rendement des divers organismes, lesquels font bonne figure, lesquels font mauvaise figure.

Je tiens à dire que mon objectif fondamental n'est pas de dresser un palmarès, d'attribuer à chaque organisme une cote mathématique. Je souligne cela parce qu'il y a des plans d'action qui peuvent être très bien rédigés alors que l'action elle-même peut être moins satisfaisante, et l'inverse peut être également vrai. Un plan d'action peut être moins bien rédigé, mais l'institution peut fonctionner de façon plus efficace dans ses relations avec les communautés en question.

[Traduction]

Monsieur le président, c'est un peu comme ce qui se passe dans certains restaurants. Certains ont des gens qui savent décrire les plats avec tellement d'éloquence qu'ils vous mettent l'eau à la bouche; cependant une fois le plat servi, le client n'est pas nécessairement très heureux ou impressionné. D'autres restaurants ne présentent qu'un menu photographié sans décrire les plats et pourtant offrent de très bons mets.

.1545

On aurait tort d'évaluer le rendement des institutions fédérales simplement en fonction d'une analyse mathématique de leur plan d'action. Néanmoins, nous devons procéder à une analyse pratique et comparative des divers plans d'action car nous devons être en mesure d'identifier les lacunes et de proposer des solutions aux problèmes.

Permettez-moi de dire quelques mots sur certains des problèmes que nous avons connus. Il est évident que l'on ne comprend pas vraiment bien la philosophie et les objectifs qui sous-tendent la partie VII de la loi. Dans plusieurs cas, il n'existe aucun inventaire des services disponibles et des programmes offerts. Il existe rarement un processus visant l'élaboration de normes de rendement et la création d'un programme de vérification des résultats. C'est une lacune très importante.

Peu d'institutions disposent d'un système de responsabilisation; j'entends par là que très souvent personne n'est chargé de la mise en oeuvre de la partie VII. Certaines institutions fournissent de bons renseignements aux communautés, d'autres pas. Certaines consultent plus activement les communautés que d'autres.

J'aimerais également signaler que certaines institutions ont l'impression qu'il suffit de fournir des renseignements adéquats aux communautés sur les programmes et qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin et de s'assurer qu'on obtient les résultats espérés.

De plus, nous avons constaté que nombre d'institutions ne fournissent pas de renseignements ou de formation adéquats à leurs propres employés afin d'assurer que l'on comprend bien et que l'on mette en oeuvre les dispositions de la partie VII. Nous avons également noté que nombre de plans d'action ne comportent pas de volet régional alors qu'il existe des différences importantes au niveau des besoins des communautés d'une région à l'autre.

Enfin, la culture organisationnelle des institutions doit mieux comprendre la partie VII de la loi.

[Français]

Enfin, j'aimerais revenir au rapport global de février de cette année pour souligner que ce rapport est divisé en diverses sections qui portent sur divers domaines d'activités. Il y a une section qui porte sur le développement culturel, une autre qui porte sur le développement économique et le développement des ressources humaines et une troisième qui porte sur la vitalité démographique et autre des communautés en question.

[Traduction]

J'aimerais faire ressortir un dernier aspect très important, monsieur le président. Lorsque nous avons formulé les 59 recommandations qu'on retrouve dans le rapport principal de février et lorsque nous avons formulé des recommandations particulières aux 27 institutions fédérales mentionnées dans la partie deux du rapport que l'on vous a remis aujourd'hui, nous voulions reconnaître qu'il n'était simplement pas possible parfois de recommander une augmentation des dépenses publiques.

.1550

Les recommandations ne font engager aucun coût. Elles ne demandent donc aucunement au gouvernement du Canada d'accroître ses dépenses dans le domaine des langues officielles. Elles représentent plutôt une façon d'insister sur une plus grande équité, sur la répartition équitable des ressources disponibles et sur la communication de renseignements adéquats aux communautés minoritaires afin de leur permettre d'obtenir leur juste part des ressources disponibles dans le cadre des divers programmes offerts par les institutions en question.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur le commissaire. J'ai simplement feuilleté votre rapport. Pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendez exactement par «niveau de responsabilités» à la page 6? Cela m'a échappé un peu. Je me demande, par exemple, comment il se fait que le niveau de responsabilité de la Société canadienne des postes soit inférieur à celui de la Société Radio-Canada alors qu'elle couvre, comme Radio-Canada, la totalité du pays et qu'elle devrait s'adresser aux gens dans les deux langues et respecter la loi.

M. Goldbloom: C'est un jugement qui a été porté notamment par le consultant que nous avons engagé pour élaborer l'instrument d'analyse. Cette appréciation a été faite en étudiant le rôle que joue chaque institution dans la société.

La question est un peu technique et je ne me sens pas parfaitement compétent pour fournir une réponse assez précise. Je demanderai à l'un des membres seniors de mon équipe de bien vouloir offrir un complément d'explication.

Le coprésident (le sénateur Roux): D'accord.

M. Goldbloom: M. Marc Thérien est directeur général de la Direction des politiques.

M. Marc Thérien (directeur général, Direction des politiques, Bureau du commissaire aux langues officielles): Le niveau de responsabilité reflète l'impact que peut avoir un organisme donné sur le développement des communautés. Il se peut que certains organismes couvrent le pays, comme les Postes, mais au niveau de leur capacité d'intervenir pour assurer l'épanouissement des communautés de langues officielles, leur impact est relativement restreint. Par exemple, les Postes livrent des lettres. Il leur est donc très difficile d'avoir un grand impact au niveau du développement, alors que Radio-Canada livre de la culture, pour ainsi dire.

Le coprésident (le sénateur Roux): Le mot «impact» m'éclaire mieux que l'expression «niveau de responsabilité». Merci.

Monsieur Marchand.

M. Marchand: Bienvenue, monsieur Goldbloom. Je me demande où on s'en va avec la Partie VII. D'après vos propres dires et selon certains de vos rapports, l'application de la Partie VII est essentielle à la survie du Canada et est l'un des éléments clés dans l'avenir des communautés francophones à l'extérieur du Québec.

Dans votre rapport publié en février 1996, dans votre analyse des plans d'action et dans les propos que vous avez vous-même tenus plus tôt, on voit qu'il n'y a pas grand-chose de fait.

D'abord, il y a un manque de compréhension de la part des ministères. Il n'y a pas de formation qui se fait auprès des fonctionnaires qui devraient, en principe, être responsables. Il n'y a pas de vérification, d'évaluation et de communication avec les communautés concernées, et il ne semble pas y avoir de volonté au gouvernement. Vous terminez vos propos en disant que, dans le fond, le gouvernement ne serait même pas tenu de contribuer financièrement à l'application de la Partie VII.

Je vous pose la question. Pouvez-vous dire que la Partie VII est un succès ou un échec?

.1555

M. Goldbloom: Je vous soumets respectueusement que la question est trop simpliste.

Il est évident que ce à quoi nous assistons se situe entre les deux. Ce n'est pas un parfait succès. J'ai souligné, comme c'est mon devoir de le faire, certaines déficiences, mais je ne voudrais pas de ce fait donner l'impression que c'est un désastre.

Il y a des organismes qui font un bon travail et qui contribuent déjà de façon importante à l'épanouissement des communautés en question. Je pense particulièrement à des ministères comme ceux de la Citoyenneté et de l'Immigration et de l'Industrie, et à des organismes comme l'Office national du film et la Banque de développement du Canada.

Donc, il y a de bonnes choses et de moins bonnes choses. Il est évident qu'il existe, de par la volonté du législateur, une Partie VII de la loi avec ses objectifs, et que tous les organismes fédéraux devraient la mettre en application de façon intégrale.

Puisque cela n'est pas le cas, il y a d'importantes recommandations à faire afin que la situation s'améliore, afin que les communautés en question puissent bénéficier des dispositions de la Partie VII de la loi.

Il ne serait pas juste à l'endroit de personnes et d'organismes qui cherchent à faire un bon travail de dire simplement que c'est un échec, un désastre. Non. C'est entre échec et succès. Il faudra améliorer le niveau de rendement et les résultats.

M. Marchand: Je ne remets pas en question la volonté de certains ministères, mais il semble évident que, compte tenu du temps, des rapports et des plans d'action qui ne manifestent, pour ainsi dire, rien de concret... On a d'ailleurs des plans d'action qui ne portent pas fruit. On a très peu de résultats, et vous êtes en train de dire que c'est entre l'échec et la réussite.

J'ai l'impression qu'au gouvernement fédéral, il n'y a pas de volonté du tout. À mes yeux, c'est comme si vous étiez en train de montrer que le gouvernement, après tout, n'a pas fait si mal que cela.

Vous êtes venu ici, non pas pour critiquer, mais pour faire des commentaires constructifs. Si on veut que la Partie VII s'applique, on doit s'organiser pour qu'elle s'applique. Si on veut que cela marche, il faut y affecter de l'argent. Il faut faire en sorte que les plans d'action sortent.

Comment se fait-il qu'il y ait des retards aussi flagrants? Qui est responsable de ces retards?

M. Goldbloom: Les gouvernements successifs qui ont dirigé le destin du pays au cours des huit dernières années ont chacun leur part de responsabilité.

Je ne suis pas ici pour encenser quelque gouvernement que ce soit, mais je n'accepte pas non plus qu'on dise que mes paroles signifient que tout va mal et qu'il n'y a pas d'espoir.

On peut critiquer, déplorer, ou l'on peut agir. J'ai choisi d'agir.

M. Marchand: Mais il n'y a rien qui se fait, monsieur Goldbloom. Vous agissez en faisant des rapports, et je les apprécie, comme tout le monde d'ailleurs. C'est en fait votre rôle, si je ne m'abuse.

Mais il faut agir autrement, surtout dans le cas de l'application de la Partie VII qui, d'après la présentation de la FCFA au mois de décembre dernier et d'après le document que vous avez publié en février 1996, est vraiment un désastre. C'est un désastre en ce sens que les ministères n'ont pas réagi. Les ministères ne comprennent même pas l'application de la loi et n'ont pas de responsabilités.

.1600

On fait des efforts minimaux au possible pour rencontrer les exigences de la Partie VII, et vous êtes en train de nous dire que ce n'est pas si mal et qu'il ne faut pas trop critiquer.

Le coprésident (le sénateur Roux): À l'ordre, s'il vous plaît. Je demanderais aux membres du comité de laisser le commissaire terminer ses réponses avant de répliquer ou de lui poser une deuxième question. Monsieur le commissaire, vous avez la parole.

M. Goldbloom: Monsieur le président, j'ai dit que ce n'est pas le désastre en réaction à une question simpliste: est-ce que c'est un succès ou un échec? J'ai dit que c'était entre les deux. J'ai mis en lumière les déficiences de 27 organismes dits organismes clés. Je voudrais souligner qu'à mes yeux, il y en a plus que les 27 qui ont été identifiés, mais que la première étape est de faire l'évaluation de ce que ces 27 organismes ont produit. J'ai intitulé mon rapport de février Un tracé pour agir justement pour obtenir de l'action.

M. Marchand: Est-ce que j'ai encore le temps?

Le coprésident (le sénateur Roux): Malheureusement, vos dix minutes sont épuisées, monsieur Marchand. Ce sera pour le deuxième tour.

[Traduction]

Monsieur Breitkreuz, vous avez la parole.

M. Breitkreuz: Merci, monsieur le président.

Bonjour, monsieur Goldbloom.

M. Goldbloom: Bonjour.

M. Breitkreuz: Je crois que je suis tout aussi frustré que M. Marchand, mais évidemment pour d'autres raisons. C'est absolument incroyable, absolument inconcevable que nous soyons tous ici, aux frais du contribuable, qui est d'une patience à toute épreuve, tout au moins la majorité d'entre nous sommes ici aux frais du contribuable, et que nous ergotions sur ce que font les ministères; nous nous demandons pourquoi un terme n'a pas été utilisé ou pourquoi un appel n'a pas reçu une réponse appropriée, alors que le Canadien anglais ordinaire et le Québécois ordinaire s'en foutent éperdument. Nous avons fait des langues officielles une industrie. Alors, nous voici. Évidemment, ça ne fonctionne pas. Vous dites que, dans l'ensemble, les fonctionnaires ne comprennent pas vraiment la philosophie qui sous-tend la loi, et ce sont eux qui doivent la mettre en oeuvre. Ils n'en voient pas du tout l'utilité. Alors évidemment, ils ne la comprennent pas. Ce n'est simplement pas logique.

Je ne suis pas le seul qui dit ces choses. D'autres les disent, même des gens qui ont participé à la rédaction de ce rapport:

Personne n'a proposé de mesures susceptibles d'appuyer la vitalité des communautés minoritaires de langue officielle. La majorité des cadres supérieurs semblaient n'avoir aucune connaissance poussée des besoins ou des préoccupations des communautés. Ces choses n'existent pas et je suppose qu'on essaie de les inventer.

Tout ce qui a été fait depuis 1969 n'est qu'un fiasco. Nous ne voulons pas le reconnaître parce que c'est un fiasco beaucoup trop coûteux - près de 50 milliards de dollars qui sont venus s'ajouter à la dette nationale. Nous essayons de cacher ces faits maintenant en dépensant encore plus. C'est absolument inconcevable et cela déchire le pays.

Un chroniqueur écrit aujourd'hui dans un des journaux du Sun, que la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles est la décision qui a semé la plus grande discorde et qui a causé la plus grande destruction au pays. Quelle a été la part de cette loi?

[Français]

Une voix: Ça fonctionne très bien.

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Roux): Voulez-vous poser une question, monsieur Breitkreuz?

M. Breitkreuz: Je ne sais pas vraiment. C'est tellement incroyable... Cette loi a-t-elle donné des résultats ou pas? Vous dites que c'est entre les deux. Vous savez, ce n'est pas ce que les gens disent. Ils disent que cette loi n'est absolument pas nécessaire.

M. Goldbloom: Grand Dieu, monsieur le président!

M. Breitkreuz: L'expression est bien choisie.

M. Goldbloom: Nous ne parlons pas ici du choix du bon ou du mauvais terme. Nous ne parlons pas non plus de la réponse appropriée ou pas à un appel téléphonique. Nous parlons ici de la vie des communautés.

.1605

Il y a peut-être des fonctionnaires fédéraux qui n'en connaissent pas très long sur la loi ou qui ne sont pas sensibles aux besoins des communautés minoritaires de langue officielle. Cependant, à mon avis, il y en a d'autres qui ne sont pas très au courant de ce qui se passe ou qui n'y sont pas très sensibles.

Le Parlement a décidé il y a huit ans que le gouvernement du Canada s'engagerait à appuyer la vitalité et l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle. Je suis chargé de l'évaluation de l'efficacité de la mise en oeuvre de la décision prise par le Parlement.

J'ai présenté au comité les résultats d'une évaluation de la situation globale et des 27 plans d'action. Comme je l'ai dit plus tôt en réponse à une autre question, il est clair que tout ce qui aurait dû être accompli ne l'a pas été. Cependant, on pose souvent, lors de sondages, une question simpliste, à savoir si le bilinguisme officiel - et déjà c'est une expression négative aux yeux des gens consultés - est une réussite ou un échec. Certains, et dans certains sondages c'est la majorité, disent que cette politique a été un échec.

Je me dois de signaler, monsieur le président, que lorsque nous voulons vérifier si le public canadien comprend la Loi sur les langues officielles, nous constatons que très peu de Canadiens comprennent vraiment l'objet de la loi. Dans un sondage effectué il y a quelques années, seules 17 p. 100 des personnes à qui l'on a demandé l'objet visé par la Loi sur les langues officielles ont choisi la bonne réponse parmi les quatre qu'on leur offrait. Si 83 p. 100 des Canadiens ne comprennent pas l'objet visé par la loi, il ne faut pas s'étonner que des gens disent que ce programme s'est soldé par un échec; il ne faut cependant pas oublier qu'ils ne savent pas tout à fait ce qu'on aurait dû accomplir.

Nous parlons ici de Canadiens qui font partie d'une communauté minoritaire de langue officielle, et qui ont plus de peine à assurer la vitalité de leur communauté. À plusieurs reprises dans notre histoire, et cela remonte à 1759, nous aurions pu décider que le Canada serait un pays unilingue. Nous ne l'avons jamais fait. Nous avons toujours dit que le Canada était un pays bilingue. En fait, nous sommes un pays bilingue depuis 1759. Dans ces circonstances, les députés et les sénateurs qui ont voté en faveur de cette mesure législative en 1988 ont décidé que le gouvernement appuierait les communautés minoritaires de langue officielle. C'est ce que nous sommes supposés avoir fait.

Nous ne l'avons pas fait parfaitement. Je l'ai signalé dans mon rapport d'ailleurs, et j'ai demandé aux institutions visées de mieux respecter les besoins des citoyens canadiens qui vivent dans des communautés minoritaires de langue officielle.

[Français]

Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur le commissaire. Monsieur le sénateur Rivest.

Le sénateur Rivest: Je dois simplement souligner - et je pense qu'un certain nombre de membres de ce comité en sont conscients - l'importance de la Partie VII dans le cadre général de la Loi sur les langues officielles.

Contrairement à mon collègue du Parti réformiste qui, citant le Sun, affirme que la Loi sur les langues officielles est une cause de division entre Canadiens, j'estime que la plus grande cause de division entre Canadiens est peut-être très simple: il y a des Canadiens français et il y a des Canadiens anglais. La Loi sur les langues officielles n'est pas une source de division entre Canadiens; au contraire, elle a pour but d'assurer l'égalité des deux grandes communautés linguistiques parce que, si cette égalité n'existe pas, il n'y aura plus de Canada. C'est le prix qu'il faut payer - vous en êtes conscient d'une façon bien intentionnée mais sans doute excessive à mes yeux - pour garder l'unité du Canada. S'il n'y a pas de Loi sur les langues officielles, s'il n'y a pas la Partie VII, s'il n'y a pas de programmes, si on ne dépense pas de l'argent comme ça, qu'arrivera-t-il? Une des deux grandes communautés linguistiques du Canada va disparaître ou ne pourra pas s'épanouir.

.1610

M. Marchand: Elle est en train de disparaître. Mais vous n'êtes pas là pour faire des sermons aux autres.

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand, vous avez fait votre sermon. Laissez les autres faire le leur. Monsieur Marchand, à l'ordre s'il vous plaît. Monsieur le sénateur Rivest.

Le sénateur Rivest: En parlant de sermons, je vais vous en faire un à vous. Vous avez droit à vos idées, mais il est irresponsable d'attaquer le commissaire comme vous le faites. Vous lui dites d'une part que rien ne marche et vous lui reprochez d'autre part de ne pas être assez vigoureux.

Le commissaire critique l'application de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles. Vous utilisez cela pour dire que rien ne marche et, du même souffle, vous l'engueulez en lui disant qu'il ne fait pas son travail. Vous faites du double talk.

En parlant de sermons, je ne pense pas que votre projet sur la souveraineté et l'indépendance du Québec soit la plus grande contribution à la sauvegarde de la minorité francophone au Québec.

Le coprésident (le sénateur Roux): Vous avez des questions?

Le sénateur Rivest: Monsieur le président, je vois que vous intervenez vigoureusement et je ne voudrais pas que vous appliquiez la même règle dans votre souci d'équité...

Le coprésident (le sénateur Roux): C'est du théâtre, monsieur Rivest.

Le sénateur Rivest: Mais vous avez frappé plus que trois coups. Je veux que notre collègue du Bloc québécois soit conscient du fait qu'il y a les articles 42 et 43, n'est-ce pas, monsieur le commissaire?

Je suis prêt à être aussi vigoureux que vous dans mon évaluation de la Partie VII. Le ministre du Patrimoine canadien - c'était autrefois le secrétaire d'État - est responsable de l'application de la Partie VII. Le ministre du Patrimoine canadien a pris connaissance de votre rapport et c'est à lui d'assumer le leadership politique et de voir aux lacunes qui existent et que vous et le député Marchand avez signalées avec raison. N'est-ce pas là finalement l'input qui manque?

Quand on parle du Secrétariat d'État, ce n'est pas une affaire de gouvernement ni de mauvaise intention. La meilleure preuve est qu'on a déjà eu au Secrétariat d'État un certain Lucien Bouchard qui était responsable de l'application de la Partie VII.

M. Goldbloom: Monsieur le président, il y a à peu près deux ans, j'ai commencé le travail qui a mené à la publication du rapport sur la Partie VII en février et maintenant à la publication de l'évaluation des plans d'action.

C'est à la suite du déclenchement de cette étude que le gouvernement actuel a pris position afin que la Partie VII trouve son application pratique. Une déclaration a été faite par le ministre du temps, au mois d'août 1994 si ma mémoire est fidèle, qui a eu comme résultat la production des 27 plans d'action.

C'est ce processus qui a dû être évalué, et il est évident qu'un ministère ne peut pas avoir autorité sur d'autres ministères. Voilà un élément de problème dans la situation. C'est pour cela d'ailleurs que j'ai suggéré qu'un centre de responsabilité qui aurait une autorité plus précise soit identifié.

.1615

L'autorité du gouvernement a été mise en jeu par la déclaration du ministre au mois d'août 1994. J'espère que ma contribution ici aidera le ministre du Patrimoine canadien à mieux coordonner l'action des divers organismes concernés, parce qu'il faut améliorer la coordination. Il faut un plus grand dynamisme dans chacun des organismes impliqués dans la mise en application de la Partie VII.

Le sénateur Rivest: Quand doit-on voir le ministre du Patrimoine canadien au comité?

Le coprésident (le sénateur Roux): Je ne sais pas si nous avons prévu de voir le ministre du Patrimoine canadien, mais on pourra en parler, monsieur Rivest.

Le sénateur Rivest: Les données sont là. Le commissaire a fait son travail et proposé l'affaire. On est d'accord sur l'analyse, mais il faut un leadership politique.

Le coprésident (le sénateur Roux): Dans notre plan de travail, nous devons voir le président du Conseil du Trésor, mais il n'a pas été question du ministre du Patrimoine canadien. On pourra en discuter au sein du comité. Monsieur le député Serré.

M. Serré (Timiskaming - French River): Je vais essayer de rester calme et de ne pas trop entrer dans les débats politiques. C'est assez difficile pour un Franco-Ontarien de rester calme quand on voit d'une part un parti politique qui voudrait nous voir disparaître pour des raisons évidentes et, d'autre part, un autre parti qui, s'il formait le gouvernement - et Dieu nous en garde - , verrait à faire disparaître toutes les communautés francophones hors Québec. J'ai un message pour ces deux députés : je suis un Franco-Ontarien et je ne suis pas près de disparaître.

La politique du gouvernement est de promouvoir l'épanouissement des deux langues de ce pays. Le premier ministre a pris un engagement formel par l'entremise de son ministre du Patrimoine canadien de l'époque, à Moncton, au Congrès acadien. Je veux assurer aux deux minorités canadiennes que ce n'est pas la politique du parti, du gouvernement. Nous avons pris un engagement formel et nous allons le respecter.

Cependant, je dois être en partie d'accord avec mon collègue du Bloc québécois, parce qu'il est évident que ce rapport confirme mes soupçons, à savoir que certains ministères se traînent les pieds. Il y a sûrement eu quelques améliorations mais, à mon avis, ce n'est pas suffisant ni même acceptable. Le ministère du Développement des ressources humaines, celui qui a peut-être le plus d'impact, semble lui aussi se traîner les pieds.

Quels sont les recours, juridiques ou autres, du commissaire ou du comité à part exposer les déficiences dans votre rapport et faire des recommandations? À quoi pourrait-on avoir recours si on voulait forcer la main aux différentes institutions pour qu'elles mettent en oeuvre la Partie VII beaucoup plus rapidement?

M. Goldbloom: Monsieur le président, il y a d'abord la pression inhérente à la publication de ce rapport. Nous avons voulu y résumer les recommandations un peu plus détaillées que nous avons communiquées à chacune des institutions. Il y a, comme l'a souligné le sénateur Rivest, une volonté politique à développer, et cela doit venir des responsables eux-mêmes. Il y a une limite à ce qui peut être réussi par le truchement de la Loi sur les langues officielles, parce que le législateur, dans sa sagesse, a prévu dans la loi un droit de recours judiciaire, mais à appliquer à seulement certaines parties de la loi. La Partie VII n'est pas de ce nombre.

.1620

Donc, on ne peut pas intenter une poursuite en vertu de la Partie VII. Les plaintes que nous recevons et qui invoquent la Partie VII de la loi sont recevables, et nous faisons enquête. En passant, ces plaintes ont tendance à être les plus compliquées que nous recevons. Mais si le plaignant n'est pas complètement satisfait de la conclusion à laquelle arrive le commissaire, le droit à un recours judiciaire ne lui est pas disponible par rapport à la Partie VII. Nous revenons à la volonté politique et au leadership qui sont nécessaires.

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur le député Allmand.

[Traduction]

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Mon intervention est un rappel au Règlement, monsieur le président. Il semble y avoir une discussion très vive entre deux députés et je voulais simplement rappeler que pour que les choses se déroulent un peu mieux, les députés devraient vous adresser leurs commentaires plutôt que de se les adresser directement l'un à l'autre.

Je constate que mon bon ami le sénateur parlait directement à M. Marchand plutôt qu'à vous, et M. Marchand lui répondait directement; j'exhorte mes collègues à s'adresser directement au président. Les choses se dérouleront de façon peut-être un peu plus ordonnée.

Je n'ai pas de questions à poser.

Le coprésident (le sénateur Roux): J'espère que vous avez pris note du commentaire deM. Allmand.

[Français]

Le sénateur Rivest: Le problème, c'est que lorsque je veux engueuler Marchand, je ne peux pas engueuler mon collègue.

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand, la parole est à vous.

M. Marchand: Je veux revenir aux propos tenus par le député du Parti réformiste lorsqu'il a parlé de l'application de la Loi sur les langues officielles. Bien entendu, moi-même et le Bloc voulons que la loi soit appliquée. Si elle l'était, l'avenir des communautés francophones à l'extérieur du Québec ne serait pas ce qui prévaut actuellement, c'est-à-dire l'assimilation sans cesse croissante. C'est à cet égard qu'il y a matière à être un peu scandalisé et enragé. Vous dites bien à propos de la Partie VII:

C'est ce que vous dites, et M. Rivest a dit que cette Partie VII était très importante. Cette loi a été adoptée il y a huit ans, et cela fait deux ans que le premier ministre a pris son engagement en Acadie.

Le problème n'est pas que les Canadiens ne comprennent pas l'application des langues officielles; c'est au coeur même de la fonction publique qu'il y a incompréhension de la Partie VII. Ce sont les ministères qui ne fonctionnent pas ici. Ce sont les ministères, le Patrimoine canadien en premier, qui s'esquivent. On veut bien qu'il y ait du leadership dans l'application de la Partie VII. Ça ne s'exerce pas parce qu'il n'y en a pas, et ceux qui sont normalement appelés à le faire s'esquivent.

Vous dites que Patrimoine Canada, dans sa trousse d'information, n'est pas biaisé, mais au moins il y a une absence. Le Patrimoine canadien s'est limité dans l'application de sa propre juridiction. Le Conseil du Trésor, qui normalement serait le premier ministère à s'assurer qu'il y ait de l'argent pour l'application de la Partie VII, est absent totalement dans les plans d'action. La question se pose évidemment.

Je ne m'en prends pas à vous, monsieur le commissaire, ni à vous, M. Rivest, que ce soit bien clair. Il y a une absence de volonté, au sein du gouvernement fédéral, d'appliquer la Partie VII. C'est urgent, c'est essentiel et c'est important, mais il y a une absence de volonté et c'est flagrant. Vous devriez au moins admettre cela; sinon, vous jouez le même jeu que le gouvernement en voulant cacher ce fait-là.

Le coprésident (le sénateur Roux): Posez-vous une question, monsieur Marchand?

M. Marchand: C'est la question que je pose.

Le coprésident (le sénateur Roux): Vous avez fait une affirmation.

.1625

M. Marchand: Disons que je peux la reformuler. J'aimerais bien que M. Goldbloom admette, monsieur le président, qu'il y a vraiment une grande absence de volonté. De plus, comment réglera-t-on cette question de leadership? Il n'y a personne qui prend le leadership. Ce n'est pas le commissaire qui peut le faire, mais le Patrimoine canadien ne le fait pas, non plus que le Conseil du Trésor. Qui va prendre le leadership là-dedans? Est-ce que c'est le Conseil du Trésor? Quelqu'un doit être responsable; autrement, ça ne marchera jamais.

Comme dernier élément, j'ajouterai qu'il n'y a pas un sou pour la Partie VII. Quand il n'y a pas d'argent du gouvernement mis dans un programme, le programme vaut zéro, malgré toute l'importance qu'on peut y accorder.

M. Goldbloom: Monsieur le président, d'abord, le mot «absence» n'est pas bien choisi. Il y a une insuffisance de volonté, une insuffisance de coordination, une insuffisance de compréhension de ce qui doit être fait. Le sens du mot «absence» est trop absolu.

Deuxièmement, il n'est pas vrai qu'il n'y a pas d'argent. Il y en a. Il s'agit d'en assurer la distribution le plus équitablement possible. Si l'on ne pense pas suffisamment aux besoins des communautés, on peut ne pas affecter à ces besoins les ressources qui sont là. Il n'est pas raisonnable, dans la conjoncture actuelle, de dire tout simplement qu'il faut dépenser davantage. En disant à un gouvernement, quel qu'il soit, qu'il faut dépenser davantage, on risque de faire rejeter la recommandation, qui peut être très importante pour la vie des communautés en question. Il faut donc davantage assurer la juste et équitable distribution des ressources qui sont disponibles, laquelle n'est pas parfaite en ce moment. Il y a de l'amélioration à apporter.

M. Marchand: Par exemple, par rapport à votre analyse des plans, je m'attendais à avoir une synthèse de ces plans d'action. Il y a une analyse des plans d'action de 27 ministères. Pourquoi ont-ils exclu les autres? Je ne le sais pas parce que, normalement, tous les ministères du gouvernement sont visés.

Il y a là une autre question que j'aimerais vous poser. Le fait qu'on ne vise que 27 ministères au lieu de 58 ne remet-il pas en question l'application de la Partie VII? De plus, peut-on s'attendre à avoir une synthèse de cette évaluation du plan d'action faite par secteurs ou par le gouvernement? Est-ce que vous avez l'intention de faire une telle synthèse?

M. Goldbloom: Il me semblait important de fournir à chaque institution le moyen de donner un meilleur rendement. C'est pour cela que nous avons évalué chacun des plans d'action avec ses forces et ses faiblesses. Ce n'est pas moi qui ai choisi les 27 organismes. En fait, dans le rapport principal que j'ai fait, dans l'étude que j'ai effectuée de la mise en oeuvre de la Partie VII de la loi, j'ai couvert 58 organismes. Pour cette raison, et je l'ai dit antérieurement, je suis convaincu que la liste de 27 organismes est incomplète et qu'il faudra lui faire des ajouts.

Je ne saisis pas parfaitement ce que le député entend par synthèse. Est-ce qu'il veut dire dégager les grandes lignes des 27 commentaires? Je ne pense pas que ces grandes lignes, qui sont d'ailleurs contenues dans le document, nous aident à obtenir de meilleurs résultats.

.1630

C'est à chaque organisme qu'il faut dire ce qui, à notre avis, devrait être fait ou n'est pas fait dans le moment. C'est cela que j'ai voulu faire en publiant ce document.

M. Marchand: Ce que vous venez de dire, monsieur Goldbloom, démontre encore une fois, selon moi, un manque de volonté de la part du gouvernement.

Quand on parle de l'application d'une loi aussi majeure, essentielle et importante que celle-ci, on s'attend à ce qu'il y ait une autorité qui détermine une orientation. Et cette autorité doit avoir une vision synthétique des opérations de chacun des ministères. On ne peut pas parler de coordination entre l'action du ministère du Patrimoine, de celui de l'Industrie et des autres ministères sans en avoir une vue d'ensemble.

Vous me dites que vous allez vous limiter à l'examen de chacun des plans d'action des ministères sans avoir une synthèse ou une vue d'ensemble par secteur ou par activité de la performance du gouvernement. Il me semble que c'est évident qu'il faut que ce soit fait, que c'est même essentiel que ce soit fait.

M. Goldbloom: Monsieur le président! Franchement! J'ai fait allusion au rapport global sur la mise en application de la Partie VII de la loi. J'ai souligné qu'il est divisé par secteurs, qu'un de ces secteurs porte sur le développement culturel et comporte 14 recommandations, qu'un autre secteur porte sur le développement économique et le développement des ressources humaines et comporte 18 recommandations, et qu'un secteur sur la vitalité démographique des communautés comporte sept recommandations. Voilà, monsieur le président, une synthèse de la situation.

Nous sommes maintenant rendus plus loin. Nous en sommes à l'appréciation des plans d'action. Nous en sommes à dire aux institutions, aux 27 et à d'autres, je l'espère, qu'elles doivent améliorer leur rendement, mieux se renseigner sur la vie des communautés ainsi que sur leurs besoins et produire une deuxième génération de plans d'action nettement meilleure, en comparaison de ce qui a pu être accompli avant d'avoir eu l'avantage de prendre connaissance de notre dispositif d'analyse et de notre évaluation de cette première génération de plans d'action.

C'est un processus en marche et j'espère que, d'ici un certain nombre de mois, nous serons en mesure de constater une amélioration du rendement des institutions en question.

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Breitkreuz, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Breitkreuz: Monsieur Goldbloom, je sais que vous n'êtes pas de ceux qui ont adopté la loi en 1969 ou qui l'ont modifié en 1988. Je ne voulais certainement pas vous en accuser.

M. Goldbloom: Il n'y a pas de mal, monsieur Breitkreuz.

M. Allmand: J'étais là à l'époque.

M. Breitkreuz: M. Serré n'est plus ici, mais je désire quand même signaler que divers groupes linguistiques du pays sont assimilés tous les jours. Nous savons tous, et M. Marchand en est parfaitement conscient, que les communautés francophones sont assimilées dans le reste du pays à l'extérieur du Québec, et que les communautés anglophones sont assimilées au Québec, et tout cela en dépit des investissements qu'a faits le gouvernement pour empêcher ce genre de choses de se produire.

Le coprésident (le sénateur Roux): Nommez ces communautés.

M. Breitkreuz: Je ne parle pas de la communauté de Montréal, mais plutôt des autres communautés anglophones du Québec qui ont été assimilées.

J'aimerais vous parler maintenant de la Partie VII. Quel est l'objet de cette partie? Que faudrait-il faire pour que sa mise en oeuvre soit efficace? Que doivent faire les ministères?

M. Goldbloom: Il faut une plus grande sensibilité, une nouvelle façon de penser. Lorsque l'on élabore des programmes et que l'on met sur pied des services de soutien pour les organisations communautaires, il faut tenir compte de l'existence et des besoins des communautés minoritaires. Ces communautés sont souvent moins reconnues par les diverses institutions que les communautés majoritaires. Lorsqu'il y a un obstacle, et dans le cas qui nous occupe, c'est un obstacle linguistique, la communication est plus difficile.

.1635

Plus que jamais il y a des gens au Canada qui sont en mesure de combler cet écart, mais ils représentent toujours une minorité. La majorité des Canadiens, et cela inclut nombre de fonctionnaires fédéraux, ne sont pas vraiment conscients de l'existence, de la nature, des besoins et des points forts des diverses communautés minoritaires.

Quoique l'on puisse utiliser dans une certaine mesure le mot «assimilation» quand on parle des tendances démographiques dans les communautés francophones de toutes les régions du pays, la situation des communautés anglophones au Québec est bien différente. Le nombre de membres de ces communautés diminue, ce qui est tout à fait différent. L'assimilation représente en fait une perte d'identité, la perte de sa langue maternelle comme moyen principal de communication dans la famille et dans la communauté. Même si la majorité des communautés anglophones du Québec sont plus petites et plus âgées qu'avant, il n'y a pas encore eu de perte d'identité linguistique comme cela a été le cas pour certains membres de communautés francophones dans d'autres régions du pays.

Nous devons sensibiliser la population à l'intention visée des législateurs, une intention qui a été intégrée dans la loi et adoptée. Il nous incombe donc à tous d'essayer d'assurer la mise en oeuvre de la loi.

C'est une question de sensibilisation et de justice. J'espère que ce rapport aura su sensibiliser les lecteurs et faire naître chez eux un sentiment de justice.

[Français]

Le coprésident (le sénateur Roux): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Marchand: Oui. Je voulais d'abord dire que

[Traduction]

au Québec, c'est l'anglais qui est la langue d'assimilation. Ce n'est pas le contraire. Cela fait justement partie du problème. C'est le problème fondamental de l'avenir de la langue française au Canada.

[Français]

Monsieur Goldbloom, concernant les fonctionnaires, vous avez utilisé l'expression modification of thinking process. Autrement dit, les fonctionnaires ne pensent pas correctement, ne prennent pas cette loi au sérieux et n'ont pas encore compris l'étendue ou même l'importance de l'application de cette loi. C'est le problème central, n'est-ce pas?

M. Goldbloom: Monsieur Marchand, respectueusement, je trouve que vous choisissez des mots qui sont plus forts que la réalité. Je dirais qu'une pensée qui tienne compte des besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire n'est pas présente dans l'esprit de bien des gens. Un réflexe devrait s'établir dans l'esprit des dirigeants notamment et des responsables des programmes et des contacts avec les communautés, afin que l'on pense en fonction des besoins de ces communautés quand on planifie la programmation et l'emploi des ressources monétaires des institutions fédérales.

.1640

M. Marchand: Encore une fois, dans mon esprit, il est très évident qu'il y a loin de la coupe aux lèvres dans ce cas, parce qu'on parle ici des ministères, des hauts fonctionnaires qui n'ont pas encore compris, après huit ans, après deux ans d'efforts... Eh bien, c'est ce que vous dites.

M. Goldbloom: Mon Dieu, monsieur le président, il y en a qui ont compris et il y en a d'autres qui n'ont pas compris.

M. Marchand: Écoutez, quand vous dites...

Le sénateur Rivest: Vous êtes un de ceux qui n'ont pas compris.

M. Marchand: C'est-à-dire qu'il y en a un bon nombre qui n'ont pas compris, parce que selon le rapport, les plans d'action des ministères sont loin d'être satisfaisants.

Monsieur le commissaire, vous le dites vous-même d'ailleurs dans votre étude de février 1996 que je vais citer. En passant, monsieur Serré, c'était après l'engagement solennel du premier ministre Chrétien en Acadie. «Après notre étude, rien n'indique l'existence...» C'est vous qui écrivez, après août 1994, après l'engagement solennel de M. Chrétien en Acadie. Ce sont vos mots:

D'après notre étude, rien n'indique l'existence, même après août 1994, d'un effort systématique visant à assurer le respect de l'article 41 dans le processus de restructuration des institutions et programmes du gouvernement...

Vous dites plus loin:

Le gouvernement a une responsabilité. On est un gouvernement, au fédéral. Il a une responsabilité qui relève de qui? C'est ça, la question que j'aimerais vous poser. J'aimerais bien obtenir une réponse claire de vous qui, mieux que personne, devez pouvoir répondre à cette question. À qui revient-elle, selon vous? Est-ce au ministère du Patrimoine? Est-ce au Conseil du Trésor? Est-ce à un autre ministère? Est-ce au premier ministre? Est-ce au Cabinet? Qui, dans le fond, doit absolument surveiller l'application de cette loi, étant donné qu'elle ne s'applique pas en ce moment?

Le coprésident (le sénateur Roux): Je pense que le commissaire a déjà répondu à cette question, mais quand même je vais lui donner l'occasion d'y répondre de nouveau.

M. Goldbloom: C'est au gouvernement de prendre ses responsabilités et de déterminer comment ses responsabilités vont être dirigées et coordonnées.

J'ai déjà suggéré, dans l'un de mes rapports annuels, qu'un centre de responsabilité pour l'application de la loi soit établi à un niveau suffisamment élevé pour avoir autorité sur les divers ministères, que ce soit une coordination active plutôt qu'une coordination horizontale. C'est aux responsables gouvernementaux de décider comment le faire. J'ai exprimé mon opinion et ce qui compte pour moi, c'est l'obtention de résultats.

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand, vous avez largement dépassé vos cinq minutes. J'ai été très généreux.

Monsieur Gagnon.

Le coprésident (M. Gagnon): J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de tous les députés mais surtout ceux du commissaire, bien entendu, à propos de sa conception d'une coordination centrale de ces services par le gouvernement fédéral. Ce que je constate depuis un certain temps, c'est que, hormis les difficultés que nous avons à faire respecter la Loi sur les langues officielles, dans le domaine des communications, le gouvernement fédéral a beaucoup de difficulté à faire passer le message.

Je trouve que souvent, dans les ministères, c'est très diffus, très compliqué, en termes de coordination, quand on fait affaire avec 27 ministères et je ne sais trop combien de départements. Je trouve que ce que vous vivez en tant que commissaire se vit également ailleurs.

.1645

J'ai l'impression que c'est toujours à chaque ministère de décider de sa politique. Il n'y a pas de politique centrale et, malheureusement, la coordination ne se fait pas. Pourriez-vous élaborer un peu sur votre vision d'une coordination centrale de la Loi sur les langues officielles?

Par exemple, croyez-vous que les nouvelles technologies pourraient venir en aide à ces ministères? On fait souvent appel à des centres d'appels téléphoniques dans l'entreprise privée. On parle aussi de plus en plus de centres de diffusion télévisée.

Est-ce qu'il y a moyen de centraliser ces efforts-là afin de rendre l'action de certains ministères et l'application de la Loi sur les langues officielles plus efficaces?

M. Goldbloom: Il me semble, monsieur le président, que les nouvelles technologies facilitent les communications, l'échange de renseignements. Mais la coordination doit être l'expression de la volonté globale du gouvernement d'assurer la mise en application de la loi et spécialement de la Partie VII.

Il me semble qu'il n'y a pas beaucoup d'instances au sein de la structure gouvernementale qui puissent exercer une autorité sur divers ministères et organismes. J'avais suggéré qu'au sein du Conseil privé, il puisse exister une possibilité de centre de responsabilité pour cette coordination.

Le gouvernement a préféré déclarer que cette politique existe. Nous constatons ensemble que la mise en application de ce qui a été annoncé comme politique du gouvernement est imparfaite. Il y a donc place pour de l'amélioration. Je ne prétends pas avoir l'expertise voulue en administration publique pour dire précisément au gouvernement qu'il devrait procéder de telle ou telle façon, mais je serai obligé de revenir devant ce comité si le résultat de mes efforts n'est pas satisfaisant.

Le coprésident (M. Gagnon): Excusez-moi, commissaire. Ce que je désire savoir de vous, c'est si on a évalué les coûts d'une telle proposition. A-t-on proposé un schéma organisationnel? Est-ce que le Conseil privé vous a quand même donné quelques détails à savoir si c'était effectivement une bonne idée ou si c'était une mauvaise idée, en vous disant pourquoi?

Je trouve qu'il y a un certain temps qui s'est écoulé entre cette proposition et votre témoignage ici aujourd'hui.

M. Goldbloom: Comme je l'ai dit, j'ai fait la suggestion dans un rapport annuel. Elle n'a pas été retenue.

Je n'ai pas fait de calculs de coûts, mais il me semble que le personnel existe pour assumer une telle responsabilité sans que le gouvernement soit obligé d'encourir des coûts additionnels.

Le coprésident (M. Gagnon): Merci, monsieur Goldbloom.

Le coprésident (le sénateur Roux): Avant de passer la parole à M. Allmand, j'aimerais faire un commentaire.

Je sais que le comité n'est pas tenu de faire rapport, contrairement à d'autres comités qui étudient des questions très précises. Mais je pense qu'il n'y a pas que le commissaire qui ait des responsabilités; le comité peut en avoir aussi.

Ce sera à discuter entre nous si nous croyons que nous devons faire rapport sur cette question, en particulier sur notre insatisfaction en regard de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles. Nous devrions le faire et nous devrions peut-être - si nous sommes d'accord aussi - recommander la formation de cette instance haut placée qui serait responsable de l'application de la Partie VII.

.1650

C'est un simple commentaire que je fais. On pourra en discuter entre nous.

Monsieur le député Allmand,

[Traduction]

vous avez la parole.

M. Allmand: Merci, monsieur le président.

Je veux dire d'entrée de jeu que je suis d'accord avec vous. Je crois qu'après plusieurs réunions, nous pourrions rédiger l'ébauche d'un rapport destiné au gouvernement, rapport auquel il devra répondre dans les délais établis par le règlement. En d'autres termes, nous ne voulons pas simplement présenter un rapport qui sera mis sur des tablettes, mais un rapport qui suscitera une réaction du gouvernement.

Je voulais également signaler à M. Breitkreuz que, contrairement au commissaire, je faisais partie du comité qui a participé à l'ébauche de la loi en 1969 et en 1988, et j'ai été appelé à me prononcer lors de la mise aux voix de ces textes de loi. Ces deux textes ont reçu l'appui unanime de tous les partis représentés à la Chambre, et ces mises aux voix avaient été précédées de longues consultations dans toutes les régions du pays. Dans le premier cas, en 1969, cette consultation a été faite par la Commission d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Dans le deuxième cas, en 1988, l'étude a été effectuée par notre comité, qui a tenu des audiences pendant près de deux ans sur la question. La loi a par la suite reçu l'appui unanime de tous les partis représentés à la Chambre.

Monsieur le commissaire, ma question porte sur le sujet dont vous discutez déjà depuis quelques minutes. À mon avis, le problème est que le ministre du Patrimoine canadien, qui a remplacé le secrétaire d'État, comme le stipule l'article 42 de la loi, est un ministre égal à tous les autres ministres qui font partie du conseil des ministres et qui n'a aucune autorité particulière directe. Cette loi lui confère une certaine autorité, mais il n'est aucunement autorisé à prendre des mesures disciplinaires, à émettre des lignes directrices ou... Par exemple, le sous-ministre des Transports relève du ministre des Transports et non pas du ministre du Patrimoine canadien même pour les questions touchant les langues officielles.

À mon avis, vous avez donc besoin - et vous venez d'en parler - d'un organisme qui serait chargé de la coordination centrale et qui disposerait de pouvoirs connexes en ce qui a trait aux autres ministères. Selon moi, il n'existe que deux organismes semblables. Il y a le Bureau du Conseil privé et le Conseil du Trésor. Je crois que si l'on veut vraiment agir dans le secteur, il faudrait peut-être recommander - et je me demande si vous y avez déjà pensé - que certaines dispositions de cette loi devraient relever directement du premier ministre par l'entremise du Bureau du Conseil privé.

À mon avis, le Bureau du Conseil privé, qui offre ses conseils au premier ministre, assure déjà la coordination de programmes de plusieurs ministères, parce qu'il y a toujours un chevauchement et des querelles sur les secteurs de responsabilité entre les ministères. Il y avait des conflits, par exemple, entre le ministère des Communications, le ministère de l'Agriculture ou le ministère des Pêches, entre les ministères responsables de la production et ceux qui étaient responsables de la consommation ou entre le ministère du Travail et celui des Finances. C'était le Bureau du Conseil privé qui essayait de régler ces petits problèmes.

Je crois donc que la mise en oeuvre de certaines dispositions de cette loi - pas simplement la Partie VII, mais d'autres dispositions - serait plus réussie si la responsabilité en était confiée directement au premier ministre, étant donné surtout que cette loi est, à mon avis, très importante pour l'unité nationale, la justice et l'équité. Le premier ministre en aurait la responsabilité, et un représentant du Bureau du Conseil privé lui ferait directement rapport de la mise en oeuvre de la loi.

M. Goldbloom: Monsieur Allmand, à mon avis, votre analyse de la situation est juste, et correspond à la mienne. Je ne voudrais pas être impertinent et dire au premier ministre qu'il pourrait faire une chose ou une autre, mais, dans mon rapport annuel il y a deux ou trois ans, j'ai proposé qu'un des deux organismes qui peuvent avoir une certaine autorité sur les institutions fédérales soit chargé de cette responsabilité. J'ai proposé en fait qu'on confie cette tâche au Conseil privé.

M. Allmand: Merci.

[Français]

Le sénateur Rivest: C'est juste un commentaire supplémentaire sur votre suggestion. Finalement, je pense que le député Allmand vient en quelque sorte d'exprimer ma pensée. C'est très important.

.1655

Je pense, monsieur le commissaire, qu'il y a deux ans que vous avez suggéré devant ce comité qu'une autorité politique soit responsable de l'application, non seulement de la Partie VII, mais aussi des différents aspects de la loi.

C'est très important parce qu'à chaque année, le commissaire vient nous dire - et le député Marchand l'a dit et a cité plusieurs extraits de son rapport - les lacunes importantes qu'il y a dans l'application de la loi. Il ne faut pas engueuler le commissaire pour ces lacunes-là, car on s'adresse alors à la mauvaise personne. Le commissaire est là pour constater les choses.

C'est au plan politique, au plan du leadership qu'il y a des difficultés. Pourquoi? C'est que dans un trop grand nombre de ministères, les gens ne savent pas de quoi il s'agit. La Loi sur les langues officielles a souvent l'air d'une affaire dont il faut s'occuper aussi, alors que c'est une donnée fondamentale de la réalité canadienne. Je pense que le comité épouse les préoccupations que le commissaire nous exprime ici parce que ce sont aussi celles des communautés. Il ne les invente pas. Évidemment, il connaît davantage la machine administrative, car il a des effectifs pour le faire.

Je pense que votre suggestion, monsieur le président, est très importante. On pourrait même y mettre un peu plus de...

Le coprésident (le sénateur Roux): ...de mordant ou de poids politique.

Le sénateur Rivest: ...de mordant que le commissaire en met à l'occasion. Sans aller jusqu'au vocabulaire utilisé par notre ami du Bloc québécois, on pourrait dire quelque chose entre les deux qui pourrait rendre compte de la vérité.

M. Marchand: Une dernière question.

Le coprésident (le sénateur Roux): M. Breitkreuz a demandé la parole. Je vous la donnerai ensuite, monsieur Marchand.

[Traduction]

Monsieur Breitkreuz, vous avez la parole.

M. Breitkreuz: Merci, monsieur le président.

Vous avez oublié de dire, monsieur Allmand, que si la Loi sur les langues officielles avait contenu la majorité des propositions faites par la Commission d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, elle n'aurait peut-être pas connu un échec aussi retentissant.

Vous avez également signalé que le comité dont vous faisiez partie avait adopté ces propositions à l'unanimité. Je ne mets pas en doute vos paroles, mais je peux vous assurer que des députés ont voté contre lorsque le projet de loi a été mis aux voix à la Chambre, et je parle non seulement de la Loi sur les langues officielles de 1969, mais également des amendements proposés en 1988.

M. Allmand: Il y a eu une opposition, mais tous les partis ont appuyé cette loi. Vous avez raison.

M. Breitkreuz: Il suffit de penser à la situation actuelle des partis qui ont appuyé cette loi.

Monsieur Goldbloom, lorsque la Loi sur les langues officielles a été adoptée, on y prévoyait une disposition visant l'établissement de seuils à partir desquels les droits linguistiques des groupes minoritaires seraient garantis. Pouvez-vous me dire où interviennent les termes «demande suffisante» et «là où le nombre est suffisant» dans cette discussion sur la Partie VII.

M. Goldbloom: Puisque la Partie VII touche les communautés minoritaires de langue officielle, on suppose qu'il existe une demande suffisante. Ce n'est pas un critère établi de façon mathématique dans le cadre de la mise en oeuvre de la Partie VII.

Comme je crois l'avoir déjà expliqué lors d'une réunion de votre comité, «demande importante» et l'expression habituelle «lorsque le nombre est suffisant» sont liées au recensement effectué dans les provinces ou territoires. En effet, lors de ces recensements, on détermine combien de Canadiens sont francophones ou anglophones. Selon les chiffres obtenus et les pourcentages calculés, on offre un certain service.

Mais c'est là une des distinctions entre la Partie IV de la loi, qui porte sur la prestation des services, et la Partie VII qui porte sur l'appui aux communautés. Chacune des communautés, même les toutes petites, comme les communautés francophones de Terre-Neuve ou du Yukon, sont réputées représenter une demande suffisante aux fins de la mise en oeuvre de la Partie VII de la loi.

[Français]

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand, une très brève question.

M. Marchand: En fait, j'en ai deux courtes.

Le coprésident (le sénateur Roux): Très, très brèves.

.1700

M. Marchand: Vous n'avez pas répondu à la question que j'ai posée plus tôt. Sachant que le gouvernement a choisi 27 ministères clés et, pour ainsi dire, mis de côté les autres ministères, et sachant par ailleurs que les ministères ne s'emploient pas très activement à faire appliquer la partie VII, quelle sorte de message le gouvernement émet-il en ciblant 27 ministères et en écartant les autres? Croyez-vous que ce soit bon pour la mise en oeuvre de la Partie VII?

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand, je ne crois pas que le commissaire ait à interpréter les messages du gouvernement. Il a déjà dit qu'à son avis, il y avait d'autres ministères qui devaient être actifs dans l'application de la Loi sur les langues officielles. Je pense que vous mettriez le commissaire dans l'embarras en lui demandant si le gouvernement avait un message à livrer en indiquant que 27 ministères...

M. Marchand: Je poserai une question plus précise qui s'adresse à lui.

Le coprésident (le sénateur Roux): D'accord.

M. Marchand: Il a fait 59 importantes recommandations dans son rapport sur la mise en oeuvre de la Partie VII en février 1996. Est-ce que, jusqu'à maintenant, il a eu une réaction du gouvernement lui signalant qu'il allait effectivement appliquer ces recommandations?

M. Goldbloom: La réponse du gouvernement a été la production des plans d'action que nous étudions présentement. J'ai déjà dit que je trouve que la liste des 27 institutions est incomplète. Je dois donc espérer que c'est une première étape et que la liste sera élargie. J'avais identifié, pour ma part, 58 organismes pour les fins de mon étude. Il me semble que le respect de la loi devrait être universel au sein de l'appareil gouvernemental.

[Traduction]

Le coprésident (M. Gagnon): Monsieur le commissaire, j'aimerais avant qu'on ne termine notre réunion vous remercier de votre témoignage fort enrichissant aujourd'hui. Je trouve très intéressant de constater que des recommandations ont été formulées par le passé, et il faudrait s'assurer qu'on y donne suite. Je crois que ce comité existe pour écouter vos recommandations. Je vous suis fort reconnaissant du travail que vous faites pour promouvoir le bilinguisme au Canada.

Cela dit, j'aimerais également attirer l'attention de mes collègues sur la présence dans cette salle aujourd'hui d'un distingué visiteur du Royaume-Uni, M. Andrew Makower, de la Chambre des Lords britannique. Je tiens à lui souhaiter la bienvenue au Canada.

Le coprésident (le sénateur Roux): Une très brève intervention s'il vous plaît, monsieur Allmand.

M. Allmand: Il s'agit d'un rappel au Règlement. J'ai constaté que les députés semblaient convenir qu'il faudrait rédiger un rapport sur ces questions. Je sais que nous prévoyons d'entendre d'autres témoins, mais j'aimerais proposer que les responsables de la recherche commencent à se pencher sur les questions qui pourraient être abordées dans un tel rapport - nous ne voudrions pas attendre à la dernière minute, et il ne nous reste qu'un mois avant l'ajournement. Les responsables de la recherche pourraient proposer des recommandations que ce comité pourrait faire dans ce rapport pour faire suite aux recommandations formulées par le commissaire sur la façon de rendre la mise en oeuvre de la Partie VII de la loi plus efficace.

Les recherchistes pourraient se pencher sur les secteurs où l'on connaît des problèmes semblables. Par exemple, la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès à l'information, car on y connaît les mêmes problèmes, parce que cette loi vaut pour tous les ministères, mais aucun ministre n'est responsable de sa mise en oeuvre; c'est pourquoi la mise en oeuvre de cette loi diffère selon les ministères. Il y a des problèmes dans ce secteur actuellement. Il y a également la Loi sur l'équité en matière d'emploi, qui vaut pour tous les ministères fédéraux et qui cherche à assurer l'équité en matière d'emploi dans tous les ministères et institutions fédéraux.

Il s'agit là d'une proposition que je présente au comité de direction et au coprésident. Nous pourrions dès maintenant demander à nos recherchistes de rédiger une ébauche de rapport, et, lorsque le temps viendra de l'étudier, dans trois ou quatre semaines, nous aurons ainsi gagné beaucoup de temps.

Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur Allmand. Si les autres membres du comité sont d'accord, nous pourrions demander à nos recherchistes de préparer une ébauche de rapport.

Le coprésident (M. Gagnon): Deux dates sont possibles, à savoir le 11 et le 13 juin. La greffière me signale que le 11 juin, nous accueillerons des représentants du Conseil du Trésor; le 13 juin serait donc le jour où nous pourrions discuter des questions soulevées par les membres du comité et tout particulièrement par...

Le coprésident (le sénateur Roux): Mais cela n'empêche aucunement les recherchistes de se pencher dès maintenant sur la question.

Le coprésident (M. Gagnon): Je crois que M. Marchand a déjà commencé.

.1705

[Français]

Le coprésident (le sénateur Roux): Je crois que le fait que nous ayons reçu le rapport ce matin, sans que je mette le commissaire en cause, a influence les questions que nous avons posées. Mardi prochain, nous pourrons continuer l'étude de ce rapport et si vous êtes d'accord, peut-être pourrions-nous aussi essayer d'avoir la présence de M. Clermont. Nous ferions d'une pierre deux coups puisque le commissaire serait présent à ce moment-là. Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Marchand: M. Clermont?

Le coprésident (le sénateur Roux): Le président-directeur général de Postes Canada. C'est que vous n'avez pas reçu la lettre, malheureusement.

M. Allmand: Est-ce que nous recevrons les Acadiens et les francophones hors Québec jeudi?

Le coprésident (le sénateur Roux): Ce jeudi-ci. Est-ce que vous êtes d'accord que le mardi 4 nous continuions l'étude du rapport de M. le commissaire et qu'en même temps, si c'est possible, nous demandions au directeur de Postes Canada de comparaître devant nous en relation avec les deux lettres dont, j'espère, les députés de la Chambre des communes recevront copie incessamment?

M. Marchand: Je veux tout simplement exprimer mon opinion, monsieur le président. Personnellement, je préfère me concentrer sur le rapport de M. le commissaire et recevoirM. Clermont à une date ultérieure. Les Postes, c'est important aussi. Il ne faut pas mêler les deux parce qu'il y a beaucoup de choses.

Le coprésident (le sénateur Roux): Mais il y a une relation avec le rapport de M. Goldbloom. J'ai expliqué brièvement que M. Goldbloom avait écrit à M. Clermont en lui disant qu'à son avis, il y avait des améliorations à apporter dans la façon dont la Société canadienne des postes procédait à l'adressage, de façon à ce que le bilinguisme soit respecté sans que des coûts importants s'ensuivent et sans qu'il y ait d'impossibilité technique. N'est-ce pas le cas, monsieur le commissaire?

M. Goldbloom: Monsieur le président, j'aimerais ajouter que ce comité a déjà étudié la question sans tirer de conclusion précise, si ma mémoire est fidèle, et sans obtenir de la part de Postes Canada une modification de sa politique. J'ai déjà exprimé un avis là-dessus. C'est devant le refus de Postes Canada de reconnaître les demandes de nombreux citoyens que j'ai suggéré que le comité réétudie la question.

Le coprésident (le sénateur Roux): En fait, c'est relié directement à la Partie VII.

M. Marchand: En tout cas, je suis d'avis qu'il y a déjà beaucoup de matière seulement dans le rapport et l'application de la Partie VII et qu'il serait bon, me semble-t-il, de convoquer plus tard les Postes. C'est mon humble avis.

Le coprésident (le sénateur Roux): Si les membres du comité sont de votre avis, monsieur Marchand, je suis bien prêt à me soumettre. Je voulais simplement épargner un peu de temps et questionner M. Clermont sur cette question précise de l'adressage.

[Traduction]

M. Allmand: Bien, c'est ce que... Nous n'accueillons pas ce jour-là le président de la Société canadienne des postes? Est-ce que M. Clermont est...?

Le coprésident (le sénateur Roux): Il en est le directeur.

M. Allmand: Ah bon. Je ne m'oppose pas à ce qu'il vienne si cela porte exclusivement sur la Partie VII, parce qu'après tout, il y a toutes sortes d'autres questions qu'on pourrait lui poser au sujet de la Société canadienne des postes. S'il vient simplement parler de la Partie VII, je crois qu'il serait bon de recevoir le commissaire et M. Clermont en même temps. Puis nous essaierons de régler certains problèmes sur-le-champ. Ça s'est déjà produit, et c'est une façon fort efficace de procéder.

Le coprésident (le sénateur Roux): Je propose qu'au début de la réunion, nous terminions notre étude du rapport de M. Goldbloom, puis qu'à la fin de cette séance, nous accordions 20 ou 30 minutes à M. Clermont pour expliquer sa position et pour répondre à nos questions en ce qui a trait à la mise en oeuvre de la Partie VII. Cela vous convient-il?

M. Allmand: Dans la mesure où on parle seulement de la Partie VII.

Le coprésident (le sénateur Roux): Oui - simplement en ce qui a trait à la Partie VII. Cela vous convient-il?

M. Allmand: Nous pourrons l'inviter à nouveau plus tard pour discuter de l'ensemble du ministère et de la mise en oeuvre de la loi.

.1710

Le coprésident (le sénateur Roux): C'est exact; nous voudrons probablement à ce moment-là inviter également le président de la société.

M. Allmand: Très bien.

[Français]

Le coprésident (le sénateur Roux): D'accord? Alors vous essayez d'avoir M. Clermont pour le 4.

Monsieur le commissaire, je vous remercie beaucoup et nous vous reverrons donc dans une semaine.

M. Goldbloom: Merci.

Le coprésident (le sénateur Roux): Merci.

La séance est levée.

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