[Enregistrement électronique]
Le mercredi 20 novembre 1996
[Français]
La coprésidente (Mme Guarnieri): La séance est ouverte. Je vous souhaite tous la bienvenue. Nous allons aujourd'hui continuer notre recherche de moyens pour promouvoir l'usage des deux langues officielles dans la région de la Capitale nationale et dans tout le pays.
Nous avons aujourd'hui la chance d'avoir parmi nous l'honorable sénateur Jacques Hébert, qui va coprésider avec moi et qui est un ardent défenseur de cette cause.
Aujourd'hui, nous avons aussi parmi nous la ministre du Patrimoine canadien.
[Traduction]
Accueillons, donc, la ministre du Patrimoine canadien, qui nous expliquera comment les projets de son ministère et de la Commission de la capitale nationale (CCN) se traduiront par une harmonie linguistique dans la région de la capitale nationale et dans l'ensemble du pays.
Je vous prie de bien vouloir présenter les hauts fonctionnaires qui vous accompagnent. Merci.
[Français]
L'honorable Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien): Merci, madame la présidente. Je suis contente d'être ici avec deux des grands travailleurs dans le domaine de la promotion linguistique au Canada, la sous-ministre du ministère du Patrimoine canadien, Mme Suzanne Hurtubise, et celui qui fait le travail de fond, le directeur général des Langues officielles, M. Hilaire Lemoine.
J'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir invitée à venir vous présenter une sorte de bilan de ce que nous faisons en ce qui concerne la reconnaissance par la Constitution canadienne, depuis 1982, du droit à la scolarisation dans la langue minoritaire.
Je sais qu'une majorité d'entre vous avez vécu, à un moment ou l'autre, dans un milieu de langue minoritaire. C'est peut-être aussi parce que parfois, en tant que femme, je me sens minoritaire en politique. Ce sont des expériences que vous avez aussi vécues. Le député du Bloc québécois qui a passé sa vie à Penetanghishene comme Franco-Ontarien et le député de Notre-Dame-de-Grâce qui a vécu à Montréal comme anglophone, en plus de leur vif intérêt pour ces questions fondamentales, ont une expérience humaine qui donne une plus grande envergure à leur connaissance de cette précieuse dimension de notre Canada.
J'espère que vous êtes conscients comme moi que la dualité linguistique est quand même au coeur de ce que nous sommes comme Canadiens et Canadiennes. Elle ne fait pas partie seulement de notre histoire, où elle fut parfois moins bien protégée, mais aussi de notre patrimoine et de la réalité du Canada.
C'est également un précieux outil international et de développement économique. Nous en avons eu une preuve incontestable ces derniers jours, alors que notre premier ministre a réussi à mettre sur pied très rapidement une force multinationale d'intervention militaire au Zaïre. Bien sûr, le succès de cette opération tient d'abord et avant tout au travail accompli par notre premier ministre, mais c'est aussi parce que notre pays jouit d'une tradition bien établie dans le domaine de la promotion et du maintien de la paix. De plus, le Canada s'imposait comme le pays par excellence pour mener cette opération parce qu'il est un participant clé de la Francophonie internationale. Nous pouvons tout aussi bien discuter directement avec la plupart des leaders du monde qu'avec les populations locales du Zaïre.
[Traduction]
À l'échelle du monde, 800 millions de personnes disent que l'anglais est leur première langue et 250 millions de personnes dans le monde parlent français. Il est certain que le caractère bilingue du Canada nous permet de profiter d'occasions incroyables sur la scène internationale.
Je veux discuter aujourd'hui avec vous de trois aspects de la réalité canadienne. Je commencerai par faire le point sur la situation actuelle. Je veux identifier les éléments qui nous aideront à promouvoir nos valeurs et nos aspirations linguistiques.
[Français]
Ensuite, j'aimerais vous présenter ma vision de notre dualité linguistique. Je suis convaincue que si on examine en profondeur l'investissement que nous avons fait dans le bilinguisme, un court investissement, nous y verrons bien sûr d'importantes retombées nationales et communautaires, mais aussi une grande valeur ajoutée sur le plan de l'économie concurrentielle.
Enfin, je vous propose de discuter des moyens, des mécanismes nouveaux que nous pouvons mettre en place afin de poursuivre nos efforts vers le plein épanouissement de notre dualité linguistique.
Au fil des ans, nous nous sommes dotés collectivement d'outils dynamiques comme la Loi sur les langues officielles, la Constitution canadienne et la Charte canadienne des droits et libertés qui nous ont permis d'enrichir notre caractère bilingue proprement canadien en terre d'Amérique.
Je ne prétends pas ici que tout a toujours été rose, au contraire. Nous gardons tous la mémoire de l'opposition percutante au bilinguisme. Il y a toujours des bigots, que ce soit le maire Jones ou le député Spina. Cependant, il ne faut pas se laisser décourager par les petits esprits. Si la ville de Moncton était à l'image de son trop célèbre ancien maire, elle ne connaîtrait pas aujourd'hui le succès de tout ce développement économique.
Pour avoir un portrait juste du bilinguisme au Canada, il faut aussi regarder l'autre côté de la médaille: l'instauration progressive de services bilingues de plus en plus nombreux; l'énergie renouvelée de nos communautés de langue minoritaire pour obtenir l'enseignement dans leur langue et le contrôle de leurs écoles; les mesures incitatives pour promouvoir le bilinguisme actif et les produits culturels dans nos deux langues officielles. Il faut voir le progrès que nous avons fait, particulièrement en ce qui concerne nos institutions scolaires, progrès réalisé d'abord par les parents qui ont cru dans la possibilité de faire épanouir leurs enfants dans leur propre langue.
En 1984, il y a seulement 12 ans, les parents francophones de Penetanguishene, ville natale d'un député du Bloc québécois, ont été obligés de poursuivre le conseil scolaire pour avoir des installations convenables à l'école Le Caron. Ils ne demandaient pas la lune, seulement des installations comparables à celles de l'école secondaire anglaise. Il a fallu du temps et de l'énergie, mais la cause a été gagnée.
Ce n'est pas terminé pour autant. Il est vrai que le gouvernement fédéral a largement et constamment appuyé le développement d'institutions établies depuis longtemps, comme l'Université de Moncton, l'Université Sainte-Anne, l'Université d'Ottawa, le Collège universitaire de Saint-Boniface, la Faculté Saint-Jean et les collèges communautaires du Nouveau-Brunswick.
Cependant, l'aide fédérale a aussi permis la mise sur pied de plusieurs institutions qui font notre fierté. J'en ai vu une il y a trois semaines. Ce sont le Collège boréal, le Collège des Grands Lacs, la Cité collégiale, le Collège de l'Acadie et les Écoles de droit et de génie électrique de l'Université de Moncton.
Monsieur le président, c'est là où nous en sommes. Il a fallu du temps et il en faudra encore beaucoup. Le taux de bilinguisme chez les jeunes anglophones canadiens a doublé en dix ans. En 1977, on comptait 38 000 étudiants dans les écoles d'immersion française. Cette année, le nombre est dix fois plus grand: 313 000. Ceci, monsieur le président, signifie que nous avons aujourd'hui dix fois plus d'étudiants en classes d'immersion qu'il y a 20 ans.
Actuellement, pas moins de 2,7 millions de jeunes Canadiens sont inscrits aux programmes de français ou d'anglais comme langues secondes. Ces classes produisent des effets tangibles puisque le pourcentage de personnes de 15 à 25 ans qui sont bilingues est passé de 16 à 23 p. 100 en seulement dix ans.
[Traduction]
Les jeunes Canadiens d'aujourd'hui représentent la génération la plus bilingue de notre histoire et ce n'est pas le moment de faire marche arrière. Qui plus est, d'après un récent sondage effectué par Environics, trois Canadiens sur quatre veulent que leurs enfants connaissent les deux langues officielles au Canada.
[Français]
Il ne faut donc pas s'étonner que notre ancien collègue, David Crombie, recommande au gouvernement de la province de l'Ontario de régler le système de gestion des écoles françaises de l'Ontario. Dans son rapport, M. Crombie fait aussi plusieurs suggestions fort intéressantes sur les sanctions administratives, la taxation et l'ensemble de la gestion scolaire. Oui, nous avons fait un bout de chemin depuis Penetanguishene.
Par ailleurs, j'observe que la solidarité francophone s'exprime aussi de plus en plus dans le domaine des affaires. Nous en avons eu une preuve concrète au Forum national des gens d'affaires et des élus municipaux francophones qui a eu lieu au coeur de la Beauce. Pour la première fois, les gens d'affaires francophones de partout au pays, y compris du Québec, se sont unis pour brasser des affaires ensemble. Une vingtaine d'ententes commerciales ont été conclues. Plusieurs municipalités ont décidé de se jumeler et un vent d'énergie et de créativité a réellement soufflé sur le Sommet de la Beauce.
Ceci démontre clairement que la francophonie constitue une valeur ajoutée pour les entreprises canadiennes partout au pays. C'est une tendance positive qui, loin d'être un feu de paille, semble s'imposer davantage d'année en année. À preuve, la ville de Moncton a attiré des investissements de l'ordre de 100 millions de dollars au cours d'une année, principalement à cause de son caractère bilingue.
[Traduction]
Les langues font marcher les affaires.
[Français]
De fait, nous devons atteindre une masse critique et une expertise qui nous permettent de commencer à récolter les fruits de nos investissements collectifs dans nos deux langues officielles. À l'ère du grand village global, maîtriser deux des langues les plus répandues au monde confère un avantage concurrentiel évident.
[Traduction]
À la veille du XXIe siècle, le fait de connaître deux des plus grandes langues du monde nous donne un avantage économique incroyable.
[Français]
De nos jours, le site d'une entreprise n'a pas beaucoup d'importance. Nous observons la prolifération de sociétés à la recherche d'une main-d'oeuvre polyvalente. Les personnes bilingues répondent davantage aux exigences du nouveau marché global. Les entreprises bilingues peuvent viser des marchés plus larges, donner de meilleurs services à la clientèle et normalement augmenter leurs profits.
[Traduction]
Le Canada, à titre de seul pays qui est membre à la fois du Commonwealth et de la Francophonie, table sur sa dualité linguistique pour ouvrir les portes de nouveaux marchés dans plusieurs régions du globe. C'est le cas, par exemple, de nos cours de langues, ainsi que du matériel et du logiciel d'enseignement, qui ont tous un succès fou.
[Français]
On peut donc dire sans aucune hésitation que dans la nouvelle économie hautement concurrentielle, le bilinguisme représente une valeur ajoutée considérable. Je crois d'ailleurs que l'argument économique est plus efficace que la police linguistique. C'est justement cette approche raisonnable, cohérente et pratique que je veux mettre de l'avant pour faire progresser encore davantage la cause du bilinguisme au Canada.
De toute évidence, notre dualité linguistique demeurera au coeur de notre identité. Elle nous définit comme peuple et nous ouvre grandes les portes du monde. C'est pourquoi il faut regarder énergiquement vers l'avenir et analyser avec soin la façon dont nous pouvons lui insuffler un élan encore plus dynamique à l'aube du XXIe siècle.
Il faut mobiliser notre jeunesse autour des valeurs et des avantages du bilinguisme. Il faut consolider davantage nos progrès institutionnels, particulièrement dans le domaine de l'éducation. Il faut nouer de nouveaux partenariats afin d'étendre l'usage et l'influence du bilinguisme et reconnaître l'apport de nos communautés minoritaires à la vie sociale et économique de chaque région de notre pays.
Il faut surtout promouvoir auprès de toute la population canadienne la valeur réelle que représente notre dualité linguistique et sa valeur ajoutée sur le plan économique.
Je compte sur tous les membres de ce comité mixte pour nous formuler des conseils et des suggestions sur la meilleure façon d'arriver à ces fins. Entre-temps, j'aimerais vous suggérer de jeter un coup d'oeil sur l'effet de la politique des langues officielles.
[Traduction]
Je voudrais prendre un instant pour parcourir avec vous le document, car je pense que lorsqu'on envisage l'avenir des langues officielles, il faut examiner notre histoire.
La politique des langues officielles est une politique très jeune, tout comme le Canada est un pays très jeune. Et que fait cette politique?
[Français]
La politique est un reflet de notre histoire, qui n'a pas toujours été belle. Les droits minoritaires ont connu des moments difficiles dans toutes les provinces du Canada. C'est aussi un reflet des droits constitutionnels qui ont été insérés dans la loi, en 1982.
Le droit des parents francophones de scolariser leurs enfants dans leur langue partout au pays ne tient pas à la bonté des gouvernements. Il est inclus dans les droits constitutionnels, ce que les francophones ont été obligés de revendiquer, à toutes fins utiles.
Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, nous en sommes au point où toutes les provinces du Canada, sauf celle de l'Ontario, ont actuellement une gestion scolaire en français, chose qui était impensable lors de la bataille de Penetanguishene qu'a vécue notre ami le député de Québec-Est.
La politique des langues officielles, qui est nouvelle, est un reflet de notre histoire basée sur deux peuples fondateurs, un reflet de nos droits constitutionnels mis de l'avant en 1982 ainsi qu'un reflet de notre identité.
Que je sois de vieille souche acadienne, que je n'aie pas parlé français avant l'âge de 13 ans et que, pourtant, je me sois retrouvée chez moi dans la langue française, représente un trait de mon pays.
C'est surtout un investissement dans notre jeunesse et un atout pour notre économie.
[Traduction]
Je tiens à le répéter. C'est un atout pour notre économie, car je me souviens des arguments qu'on formulait il y a 20 ans, lorsque les gens se plaignaient du fait qu'on écrivait dans les deux langues sur les boîtes de céréales et de ce que cela coûterait aux entreprises. De fait, la capacité de parler deux langues officielles et plusieurs autres langues du monde nous a permis de nous tailler une place à l'avant-scène du commerce mondial pour l'arrivée du XXIe siècle.
Vous trouverez dans vos trousses une étude qui vient d'être publiée ce mois-ci et qui examine la valeur ajoutée du bilinguisme pour le Canada, un élément qui renforce le marché commun canadien. Le bilinguisme est un pari gagnant pour l'avenir du Canada.
[Français]
Pourquoi est-ce un investissement rentable? D'abord parce que le bilinguisme développe le capital humain. Le leadership fédéral permet aux jeunes Canadiennes et Canadiens à travers notre pays d'apprendre leur langue seconde partout au pays.
[Traduction]
J'aurais aimé, au cours de mes années à l'école élémentaire, avoir eu l'occasion d'apprendre le français comme les jeunes d'aujourd'hui peuvent maintenant le faire.
[Français]
J'ai appris le français parce que j'avais à coeur de le faire, mais ce n'était pas une chose aisée. Quand j'étais aux études, nous avons commencé en neuvième année, avec une heure de français par jour, cinq jours par semaine. Maintenant, pour ma fille, l'étude du français à l'école secondaire est bien différente, parce que le bilinguisme personnel est un atout sur le marché du travail canadien, nord-américain et mondial et surtout parce que le bilinguisme et même le trilinguisme ouvrent les yeux à un monde beaucoup plus large que ce qu'on peut voir à travers le prisme d'une seule langue.
[Traduction]
De 1981 à 1991, et c'est là qu'on constate une réussite... Il est vrai qu'il nous reste du travail à faire, et il est vrai qu'il faut le faire au niveau des municipalités, des provinces et du gouvernement fédéral. Cependant, si vous regardez où nous en étions en 1981, vous verrez que de 1981 à 1991, le taux de bilinguisme des jeunes est passé de 16 p. 100 à 23 p. 100 pendant cette période de 10 ans. Nos efforts commencent à porter fruit.
En 1995, 2 700 000 jeunes Canadiens étudiaient le français ou l'anglais comme langue seconde dans notre pays. Cela représente une augmentation de 10 p. 100 au cours des 25 dernières années.
[Français]
L'immersion en français s'est accrue de 40 p. 100 par année depuis 20 ans, passant de 38 000 jeunes, en 1978, à 313 000 jeunes aujourd'hui. La proportion des élèves de l'élémentaire étudiant la langue seconde est passée de 33 p. 100, en 1971, à 55 p. 100, en 1995.
[Traduction]
Il y a eu au cours des 20 dernières années une augmentation de 75 p. 100 des élèves du niveau élémentaire qui étudient une langue seconde. C'est une réussite.
[Français]
Le bilinguisme des Québécois se distingue.
[Traduction]
Au Québec, 35 p. 100 de la population est bilingue; 60 p. 100 des anglophones sont bilingues - tout un atout - et 32 p. 100 des francophones.
[Français]
Développer le capital humain est un investissement rentable. L'accès à l'enseignement dans la langue minoritaire dans toutes les provinces vient juste d'être approuvé à Terre-Neuve, mon Dieu. Cette année, ils viennent de commencer la scolarisation en français.
Le sénateur Prud'homme (La Salle): On fait du progrès.
Mme Copps: On fait du progrès, oui. La gestion scolaire pour les communautés minoritaires existe dans toutes les provinces, sauf en Ontario. L'Ontario a accepté le rapport Crombie, et on veut travailler avec l'Ontario pour assurer la gestion scolaire complète en français, y compris l'accès à l'enseignement postsecondaire.
Si vous analysez le rapport qui a été mis de l'avant par les parents des francophones il y a quelques semaines, vous y verrez la preuve du fait qu'au tout début de notre programme sur les langues officielles, pour chaque dollar investi en faveur des francophones, il y en avait deux en faveur des anglophones. Ce sont des chiffres qui ont été fournis d'ailleurs par notre ministère. Ce que ce rapport dévoilait, c'est qu'au tout début du projet sur les langues officielles, le système des services de langue minoritaire anglaise était bien enraciné au Québec. Il existait des écoles primaires, des écoles secondaires, des universités, et le système accordait les subventions en fonction du nombre d'habitants. On donnait deux dollars par personne pour les anglophones et un dollar par personne pour les francophones.
Au cours des années, nous avons développé un système de scolarisation en français mieux enraciné dans tout le pays. Depuis cinq ans, le chiffre est inversé. Maintenant, en ce qui concerne la politique des langues officielles, pour chaque dollar investi pour un anglophone minoritaire, on investit deux dollars pour un francophone minoritaire, ce qui est le reflet l'épanouissement des institutions francophones à travers le pays.
Nous voulons aussi travailler avec votre comité au refinancement du plan quinquennal qui, à partir de l'an prochain, ira plus loin que les subventions par habitant. Cette façon de calculer, en effet, ne tient pas nécessairement compte du niveau d'investissement fait par une province. Nous préparerons des plans d'action pour en tenir compte.
Scolarisation: En 1991, 96 p. 100 des francophones avaient terminé leur neuvième année par rapport à 69 p. 100 en 1971.
Le bilinguisme est un investissement rentable pour développer nos institutions: 158 000 emplois directs et indirects dans le secteur des langues au Canada. Ce sont des traducteurs, des gens qui travaillent dans l'enseignement des langues. Des dizaines d'institutions d'enseignement viennent d'être reconnues sur les marchés mondiaux de l'enseignement. L'exemple canadien rapporte à l'étranger.
C'est un investissement rentable: on bâtit nos communautés, on bâtit un pays.
Après 30 ans d'effort, en dehors du Québec, on a 34 radios communautaires ou privées en français. En 1978, il y n'y en avait que six. En dehors du Québec, on a 24 hebdomadaires français et deux quotidiens dans les provinces et territoires et 71 centres communautaires culturels.
C'est un investissement rentable pour l'entreprenariat. L'entrepreneur francophone en a vécu l'expérience à Saint-Georges-de-Beauce. Il existe un marché d'un million de francophones en dehors du Québec. Il existe 348 coopératives francophones en dehors du Québec. Ma fille est membre de la Caisse populaire de Saint-Bonaventure, chez elle. Les coopératives francophones en dehors du Québec comptent 660 000 membres et ont un actif de 3,9 milliards de dollars et un investissement de 327 millions de dollars. On compte 20 000 entrepreneurs francophones minoritaires. Ils sont entrepreneurs et ils ne lâchent pas. Une première grande rencontre avec les entrepreneurs de la Beauce a eu comme résultat 30 projets de partenariat à travers le Canada.
Il y a un réseau touristique en formation. Il y a les festivals, par exemple. On a eu 430 000 touristes français l'an dernier. On veut leur faire vivre une expérience approfondie à travers le pays et leur faire constater les avantages de la dualité linguistique.
Trois Canadiens sur quatre veulent que leurs enfants parlent les deux langues. Les Canadiens bilingues gagnent de 21 à 34 p. 100 de plus en salaires que les unilingues. C'est un point important pour les jeunes. Le bilinguisme attire l'entreprise privée. Nous en avons un exemple à Moncton: Federal Express, Camco, le Canadien Pacifique et d'autres sociétés ont été attirées grâce à la promotion d'une main-d'oeuvre bilingue.
Le caractère international de Montréal, reconnu dans le document Québec international, est intimement lié à sa population bilingue et multiculturelle. Je cite:
- L'entreprise jouit au Québec d'une main-d'oeuvre hautement, qualifiée caractérisée par sa
jeunesse, son biculturalisme et sa compétence scientifique.
Les grandes firmes d'investissement savent que le bilinguisme est un atout. Le premier ministre du Québec le sait et on veut que tout le monde le sache.
L'action du gouvernement a démontré que la dualité linguistique est un élément important de notre identité, un atout et un gage de prospérité.
La francophonie à l'extérieur du Québec prend de plus en plus la place qui lui revient dans la société canadienne. Le rattrapage en éducation est bien amorcé. Les institutions contribuent à la prospérité et la communauté anglophone du Québec joue un rôle déterminant dans l'économie et le développement de la province de Québec et du Canada.
Politique des langues officielles, défis pour l'avenir: Il faut faire la promotion et la diffusion des avantages de la dualité. Oui, on peut avoir des règlements et oui, il faut toujours travailler d'arrache-pied pour assurer les gains que nous avons faits. Cependant, au lieu de seulement parler de la réglementation, parlons des avantages politiques et économiques d'une politique de bilinguisme.
Coordination de la participation des institutions fédérales au développement des communautés minoritaires: Vous avez reçu notre réponse aux projets de loi C-41 et C-42, où nous avons commencé à impliquer le Conseil du Trésor comme agence centrale pour qu'il s'assure que nous adoptions des politiques de langues officielles.
Coopération fédérale-provinciale: maintien et développement de l'expertise canadienne, promotion de la richesse et des avantages et développement d'un enseignement de qualité à tous les niveaux pour les communautés de langues officielles.
[Traduction]
Je vous ai sans doute cité trop de chiffres. Je vais seulement ajouter une anecdote personnelle - j'y ai fait allusion tout à l'heure. Quand j'étais enfant, à Hamilton, on ne parlait pas beaucoup le français. Mon père a grandi dans le nord de l'Ontario et il parlait le français couramment. Irlandais d'origine, il avait appris le français dans la rue. Trois ans environ avant Expo 67, je suis allée en vacances avec ma famille. Je n'avais jamais entendu parler le français, parce que personne ne le parlait à la maison. Ma mère était née à Hamilton. Même si elle était d'origine acadienne, elle avait oublié sa langue.
À Montréal, nous avons logé dans une pension pour touristes et dans un motel. À la pension, mon père s'est installé à la table. Nous étions dans une petite pension pour touristes près de la rue Peel - c'était en 1963 ou 1964 - et ils jouaient aux dames à l'extérieur. Alors mon père
[Français]
a commencé à jouer avec eux et à leur faire la conversation en français. Moi, je trouvais que c'était fantastique. Qu'est-ce qu'il parle? Qu'est-ce qui se passe?
[Traduction]
J'étais très curieuse et j'ignorais ce qui se passait. C'est à ce moment-là que j'ai décidé que j'allais tout faire pour apprendre à parler cette langue nouvelle et étrange.
Ma soeur, elle, était plus vieille que moi de deux ans et était un peu plus timide. Cela faisait un an qu'elle étudiait le français à l'école. Nous nous sommes arrêtés à un motel et nous avons décidé d'aller nager. Ma soeur
[Français]
avait étudié le français. Mais, en ce temps-là, nous n'apprenions pas vraiment à converser. Nous avions étudié Baudelaire, Molière, de grands auteurs, mais pas la conversation. Alors, elle a voulu parler avec un gars et a fait toute une phrase: «Aimez-vous plonger dans la piscine?». Elle en discutait avec moi en le faisant et elle était tout énervée. Elle s'est ensuite adressée au gars et lui a dit: «Aimez-vous plonger dans la piscine?». Alors, le gars lui a répondu: «I'm sorry, I don't speak English».
Des voix: Ah! Ah!
Mme Copps: Ma soeur était bouleversée. Elle n'a jamais voulu parler le français par la suite tellement elle avait été saisie. Mais moi, j'ai décidé que j'allais le faire.
Je ne comprends pas les gens qui luttent contre le bilinguisme et qui trouvent cela trop...
[Traduction]
Peu importe quelle est sa langue, je n'ai jamais pu comprendre les gens qui combattent le bilinguisme parce qu'une des beautés de posséder une deuxième langue - et Dan pourra vous parler de son expérience à lui - c'est que cela vous ouvre un univers sans équivalent dans sa propre langue.
[Français]
Quand j'ai la chance de lire L'Actualité, cela me donne une vision de mon pays qui est différente de celle que je lis dans le Maclean's. Cela ouvre mon esprit de façon fantastique. Si je puis faire un voeu pour ma fille, quelle que soit la politique de l'office de la langue, fédéral, provincial ou autre, je veux qu'elle qu'elle apprenne deux, trois, quatre ou cinq langues du monde. Nous avons la possibilité au Canada,
[Traduction]
Étant donné que nous n'avons que 30 ans d'expérience, de reconnaissance officielle... Beaucoup de gens dans cette salle - et je sais qu'il y a des gens qui n'ont pas été admis dans certains cercles - qui ont été traités comme des
[Français]
«nègres blancs d'Amérique». C'est un fait déplorable de notre histoire. Toutefois, au lieu de nous figer sur ce qui s'est produit dans le passé, tenons compte de l'expérience des 25 dernières années et bâtissons-nous un pays qui soit un modèle d'ouverture. Je n'ai pas peur de m'ouvrir sur le monde parce que plus j'en connais, plus je libère ma pensée, et c'est ce que je veux pour ma fille. C'est pourquoi je trouve que la scolarisation est très importante.
L'entrepreneurship est très important. Si vous êtes capable d'aller à l'école en français à Saint-Boniface, mais qu'il n'y a pas d'emplois en français ensuite au Manitoba, qu'est-ce que cela vous donne? Vous êtes forcé de déménager. C'est un peu pour cela que nous voulons étendre les avantages du bilinguisme.
[Traduction]
Nous voulons pouvoir aller à Red Deer et montrer qu'au Canada trois citoyens sur quatre veulent que leurs enfants apprennent à parler une deuxième langue, parce qu'ils y voient un avantage.
[Français]
La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci, madame la ministre. Merci d'avoir partagé votre histoire personnelle avec nous afin de mieux souligner l'importance de parler les deux langues. Comme vous le savez, nous devons aller voter. Nous allons donc ouvrir la période de questions, si le comité le souhaite. Monsieur Marchand, vous avez 10 minutes.
M. Marchand (Québec-Est): Bienvenue au comité, madame Copps.
Vous avez parlé pendant 30 minutes des vertus du bilinguisme, madame Copps. Or, personne ici ne met en doute la valeur du bilinguisme. Il n'y a personne non plus qui mette en doute l'importance d'apprendre le français au Canada et l'importance des cours d'immersion. Ce n'est pas là le problème. Si vous, comme ministre, ne savez pas quelle est la nature du problème, je me demande ce que vous faites comme ministre.
Le problème, au Canada, c'est qu'il y a bien des francophones qui sont mal servis par le gouvernement fédéral, même dans la capitale du Canada. Le problème, c'est que les francophones de langue maternelle sont assimilés, ce que vous avez d'ailleurs vous-même souvent nié. Quand la ministre n'est même pas capable de reconnaître la nature du problème qui se pose, on ne peut pas s'attendre à ce qu'elle, ou même le gouvernement, puisse corriger ce problème.
Vous soulignez l'importance du bilinguisme et, d'un autre côté, vous coupez les programmes d'aide aux communautés francophones à travers le Canada. La Saskatchewan s'est fait couper 50 p. 100 ou presque de ses subventions. L'Ontario a subi des coupures de 30 p. 100 de ses subventions. C'est plus de 20 millions de dollars que vous avez coupés aux communautés francophones du Canada. Ces 20 millions se trouvent dans une agence qui s'appelle le BIC, dont on ne connaît pas le but.
Il n'y a pas là une preuve que vous définissez correctement vos priorités, madame la ministre. Je mets en doute même votre volonté, votre sincérité, dans l'approche que vous adoptez, car ce n'est pas la première fois que vous faites des erreurs dans les affirmations que vous faites.
Aujourd'hui même, par exemple, vous avez dit qu'il y avait seulement une province au Canada qui ne respectait pas l'article 23 de la Charte des droits et libertés en matière de gestion scolaire. Il n'y a pas que l'Ontario, madame Copps. Il y a quatre provinces au Canada, la Colombie-Britannique, Terre-Neuve, l'Ontario et même le Nouveau-Brunswick, qui ne respectent pas la Charte canadienne. Il n'y en a pas qu'une. Or, ce n'est pas la première fois que vous dites cela.
D'ailleurs, dans certaines affirmations en Chambre et même dans un article ici que vous avez publié dans Le Droit du 5 octobre, vous dites que 99 p. 100 des francophones au Canada ont accès à l'éducation en français. Mais c'est faux, madame Copps. Il n'y a pas 99 p. 100 de francophones qui ont accès à l'éducation en français au Canada, sauf si on inclut le Québec. Curieusement, votre article porte sur les francophones hors Québec.
Pourquoi donc parle-t-on dans ces termes-là? C'est comme si on voulait induire en erreur. C'est comme si on ne connaissait pas son dossier. C'est comme si on n'avait pas vraiment la volonté de corriger le problème. C'est comme si on n'avait même pas la volonté de reconnaître où est le problème.
Vous avez parlé tantôt par exemple de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, madame Copps. Il y a deux ans qu'on tourne en rond sur cette question. Le premier ministre a fait une affirmation solennelle devant les Acadiens en 1994. On a eu deux, trois, quatre ou cinq générations de plans d'affaires et on tourne en rond.
Même si le communiqué de presse émis cette semaine nous affirme effectivement que le Conseil du Trésor va peut-être être impliqué et jouer un rôle...
La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Marchand, le temps s'écoule.
M. Marchand: Ma question approche. Ne soyez pas inquiets. J'ai dix minutes.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Le temps s'écoule. Vous pouvez employer vos dix minutes.
M. Marchand: C'est parce que nous n'avons pas très souvent l'occasion de voir la ministre. Il me semble qu'il faut revenir au point central, au point clé que le gouvernement fédéral ne cesse de nier. C'est le problème de l'assimilation, mot que le commissaire aux langues officielles,M. Goldbloom, n'ose même pas utiliser dans son rapport annuel de 1995. J'ai ici des données de Statistique Canada, madame Copps qui, même si vous avez nié qu'il y ait de l'assimilation au Canada et dites qu'en fait la population francophone de langue première augmente, démontrent que l'assimilation est un problème grave.
La FCFA ne cesse de le dire. Depuis des années, elle ne cesse de clamer que c'est un problème urgent, que l'assimilation augmente. Je fais distribuer des données statistiques qui nous prouvent de façon incontestable que l'assimilation a augmenté de façon fulgurante en l'espace de seulement 20 ans.
Malgré ce fait, on constate que malgré toutes ses belles intentions par rapport au bilinguisme, à la valeur du français au Canada, à sa valeur commerciale, etc., le gouvernement fédéral se désengage, coupe les subventions aux communautés.
Est-ce que vous, madame la ministre, êtes prête à reconnaître qu'il y a un problème d'assimilation chez les francophones de langue maternelle au Canada?
Mme Copps: C'est sûr que la scolarisation des francophones à l'extérieur du Québec a augmenté considérablement durant les 20 dernières années, depuis que vous êtes parti de Penetanguishene.
Actuellement, 97 p. 100 des francophones qui le désirent fréquentent l'école française. Combien d'écoles y a-t-il dans la région d'Ottawa, une région si mal desservie selon vous? Vous savez combien il y a d'écoles en tout?
M. Marchand: Le nombre d'écoles qui ferment...
Mme Copps: Vous savez qu'on a des écoles...
M. Marchand: Madame Copps, dans la basse-ville d'Ottawa, il y a cinq écoles francophones qui ont fermé.
Mme Copps: Oui, comme dans la basse-ville de Québec. Dans toutes les basses-villes, il y a des écoles qui ont fermé. J'en ai une à Hamilton. Je parle des écoles comme telles. Combien d'écoles francophones y a-t-il à Ottawa, dans la région d'Ottawa-Hull?
M. Marchand: Eh bien, je vais vous dire...
Mme Copps: Il y a 62 écoles francophones dans la région d'Ottawa, d'accord? Il y a 20 ans, combien y en avait-il? Je peux vous assurer que, comme il n'y avait pas de droit constitutionnel à la scolarisation en français avant 1982, il y en avait bien moins.
Quand j'ai parlé des provinces qui sont en train de mener une action sur la gestion scolaire, j'ai commencé par dire que ce n'était pas grâce à la charité des provinces que la gestion scolaire était possible maintenant. Vous savez, par exemple, que la Colombie-Britannique n'est pas allée en appel contre la demande de scolarisation en français, parce que c'était un des outils dans la Constitution canadienne de 1982. La Constitution canadienne, qui garantit le droit à l'école dans la langue minoritaire, existe depuis 15 ans. C'est un droit qui n'existait pas auparavant. C'est pour cela qu'actuellement, vous avez un plus grand nombre de jeunes bilingues à travers le Canada, y compris chez les francophones. Vous en avez dix fois plus qu'en 1971. Alors, je ne peux pas croire...
M. Marchand: Là, vous charriez, madame la ministre, parce qu'il n'y a pas...
Mme Copps: Excusez-moi, mais une chose que je...
M. Marchand: Il n'y a dix fois plus de francophones aujourd'hui, madame Copps. Quand on parle de langue minoritaire...
Mme Copps: Très bien, je suis contente qu'on soit d'accord sur l'importance du bilinguisme. C'est quand même un pas en avant, et je l'apprécie beaucoup. Je pense que ce que nous devons faire à la suite de la scolarisation, c'est implanter deux autres outils qui sont importants pour la survie et l'épanouissement des francophones et des langues minoritaires.
C'est d'abord la francisation, dès la garderie et au sein de la famille; on a besoin des centres culturels, des centres communautaires, de tous ces outils-là. On a aussi besoin d'un niveau d'entrepreneurship en français à travers le pays pour les jeunes francophones hors Québec qui sont maintenant scolarisés au niveau postsecondaire à 54 p. 100. Le taux de scolarisation postsecondaire des francophones hors Québec est actuellement de 54 p. 100,...
M. Marchand: Mais vous ne répondez pas à mes questions, madame Copps.
Mme Copps: ...ce qui est plus élevé que chez les anglophones ou les francophones du Québec. Cela veut dire que les francophones hors Québec réussissent et qu'il faudrait leur donner des outils pour qu'ils puissent travailler dans leur langue partout au pays.
M. Marchand: Mais vous ne répondez pas à mes questions. Est-ce que je peux vous demander, madame Copps, quel est le taux d'assimilation à Ottawa?
La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Marchand, ce sera votre dernière question, parce que vous savez que nous devons aller voter.
M. Marchand: Oui, je sais. Par exemple, vous venez de dire...
La coprésidente (Mme Guarnieri): Je vais donner à la ministre une minute pour vous répondre, puis nous suspendrons la séance et reviendrons après le vote.
M. Marchand: Je peux poser une question?
La coprésidente (Mme Guarnieri): Oui, vite.
M. Marchand: Vous avez dit bien des choses. Vous avez, entre autres, parlé d'Ottawa. Est-ce que vous savez quel est le taux d'assimilation dans la capitale, Ottawa? Il est d'à peu près 35 p. 100. Est-ce que vous êtes prête à admettre qu'il y a un taux d'assimilation à Ottawa, capitale du Canada, de 35, 36 ou 37 p. 100. Êtes-vous prête à admettre que la ville d'Ottawa, la capitale Ottawa, fonctionne en anglais essentiellement? Est-ce que vous êtes prête à admettre que seulement....
La coprésidente (Mme Guarnieri): Posez votre question.
M. Marchand: Je pose ma question. Laissez-moi le temps de poser la question parce qu'elle a dit bien des choses. Est-ce que vous êtes prête à admettre qu'il y a seulement 50 p. 100 de francophones de langue maternelle qui ont accès à l'école à l'extérieur du Québec? Seulement 50 p. 100 et non 99 p. 100?
Mme Copps: Non, c'est 97 p. 100.
M. Marchand: Madame Copps, pouvez-vous admettre qu'il y a de l'assimilation au Canada?
Mme Copps: Laissez-moi m'expliquer.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Si la ministre le veut, vous pouvez reprendre...
Mme Copps: Je vous donne les chiffres qui sont fournis par Statistique Canada. On a la génération de jeunes la plus bilingue de notre histoire. Même le premier ministre du Québec, je pense, a fait des affirmations en ce qui concerne l'importance pour les jeunes d'apprendre les deux langues au Canada. Je pense que ses propres enfants les parlent. D'accord?
Ce qui est important, c'est que nous donnons les outils de la scolarisation. Cela a débuté...
La coprésidente (Mme Guarnieri): Avec cette réponse de la ministre, on va suspendre la séance.
[Traduction]
M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Madame la présidente, je vais invoquer le Règlement. Lorsque les membres du comité posent des questions, et cela vaut pour M. Marchand, j'aimerais qu'ils aient l'amabilité de laisser la ministre y répondre.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Il serait bon de pouvoir entendre ce que la ministre a à dire.
M. Allmand: Vous mettez un temps fou à lui poser des questions. Laissez-la répondre! Vous ne cessez de l'interrompre! Laissez-la répondre!
La coprésidente (Mme Guarnieri): Du calme, du calme.
Mme Copps: Je relève seulement, madame la présidente, le fait qu'il y a un plus grand nombre de jeunes Canadiens qui sont bilingues aujourd'hui qu'à aucun autre moment de notre histoire. Je vous ai dit ce qu'il en est. Il y a 700 écoles francophones à l'extérieur du Québec, et 62 écoles francophones à Ottawa.
Je suis bien au fait du combat que le député a mené pour avoir une école au centre-ville d'Ottawa. Il se trouve que j'ai siégé à un comité de parents à Ottawa et nous avons décidé de fusionner deux écoles. Nous avons rencontré les mêmes difficultés dans le centre-ville d'autres localités canadiennes. Mais de là à dire qu'il y a des problèmes d'assimilation, c'est tout simplement faux.
Le nombre d'enfants qui fréquentent l'école dans leur langue au pays est plus élevé qu'il ne l'a jamais été et si c'est le cas, c'est parce que nous avons modifié la Constitution en 1982. Pourquoi croyez-vous que la voie est maintenant ouverte à la création de conseils scolaires de langue française en Colombie-Britannique? Ce n'est pas parce que le gouvernement provincial a voulu se montrer magnanime. C'est parce que la Constitution du Canada a donné aux francophones le droit de diriger leurs écoles et leurs conseils scolaires. C'est ce qu'ils font.
Il existe maintenant dans toutes les provinces, sauf l'Ontario, un processus pour assurer aux francophones la gestion de leurs écoles - et Terre-Neuve est du nombre. Cette province a adopté une résolution à cet effet au début de l'année. Telle est la réalité de
[Français]
la scolarisation. Ce n'est pas parfait quand on vit dans un monde entouré d'anglais, quand il y a 800 millions d'anglophones à travers le monde. Plus on travaille ensemble, francophones et anglophones, en connaissant la langue seconde de notre pays, mieux on se sent.
Je n'ai pas eu la chance d'apprendre le français à l'école quand j'étais jeune et je ne veux pas que la même chose arrive à ma fille. Je l'ai appris à force d'efforts personnels, parce que je le voulais, et je veux maintenant donner cette chance à tous les jeunes. Cela est en train de se produire mais cela prend du temps.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Guarnieri): Avec cette réponse, nous suspendons maintenant les questions pour les reprendre après le vote. Merci.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Comme chacun le sait, nous devons malheureusement partir à 17 h 15. Le tour de questions qui commence sera le dernier, je demanderai donc à tout le monde d'être très poli et de s'en tenir au temps de parole fixé. Si les intervenants posent des questions brèves, ils auront des réponses.
Le suivant sur la liste d'intervenants est le sénateur Rivest.
[Français]
Le sénateur Rivest (Stadacona): Madame la ministre, j'ai écouté très attentivement votre exposé. Comme vous l'avez souligné et comme vous avez eu pleinement raison de le faire, depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles, depuis, en particulier, un des aspects positifs de la Loi de 1982 concernant les droits scolaires et depuis les actions que le gouvernement canadien a menées, il est certain que la cause du bilinguisme et, singulièrement, celle de la langue française au Canada dans l'administration publique fédérale se sont considérablement améliorées.
Je pense que c'est indiscutable. Ce l'est d'autant plus que cette loi et cette pensée qu'on a toujours eue au Canada en pensant d'abord aux francophones lorsqu'il était question de bilinguisme, ont eu des effets assez exceptionnels, comme vous l'avez indiqué dans votre présentation, sur les Canadiens de langue anglaise qui se sont bilinguisés, en particulier la jeunesse qui est porteuse d'espoir.
Mais vous avez fait, par ailleurs, une affirmation à laquelle je ne peux absolument pas concourir et sur laquelle je suis en total désaccord - je ne sais pas si c'est vraiment ce que vous avez dit - , à savoir qu'il n'y aurait pas de problème d'assimilation des francophones hors Québec au Canada.
Malgré tous les efforts qui ont été faits, je pense qu'il y a un phénomène d'assimilation, qui n'est pas dû évidemment à une quelconque mauvaise volonté. Il est évident qu'au début du siècle, lorsque les communautés francophones vivaient dans un milieu rural plus ou moins autosuffisant, les risques d'assimilation étaient beaucoup moins grands que depuis l'urbanisation.
Je pense qu'aux fins de notre discussion et des travaux de notre comité, il serait important de reconnaître que, malgré les progrès considérables qui ont été accomplis, il y a effectivement un problème d'assimilation des francophones. Je vous demanderais de le reconnaître, dans un premier temps. Je vous demanderais également quelles sont les mesures spécifiques que le gouvernement canadien envisagerait, à court ou à moyen terme, pour contrer ce phénomène.
Vous avez vous-même évoqué une piste, entre autres, qui est évidemment la mise en place, de façon aussi engagée que ce fut le cas pour la Loi sur les langues officielles au moment de sa création, de la partie VII de ladite loi. Celle-ci donnerait aux francophones qui vivent en situation d'assimilation dans les milieux urbains, une assise communautaire, un ensemble d'institutions dans les grandes et moyennes villes du Canada.
Cet ensemble d'institutions, appuyé par les efforts qui sont faits sur le plan scolaire, permettrait de diminuer ou d'enrayer ce phénomène d'assimilation.
Je comprends que cela se situe dans le contexte de mesures budgétaires qui doivent être prises. J'espère que les travaux du comité permettront de reconnaître, et que vous-mêmes en tant que ministre responsable du Patrimoine ainsi que vos collègues au Cabinet pourrez reconnaître l'existence du problème de l'assimilation. J'espère aussi qu'il y aura une intention gouvernementale claire et engagée pour prendre des mesures spécifiques autres que celles qui sont par ailleurs prises, qui sont toujours aussi nécessaires, qui sont encore difficiles à appliquer et qui portent davantage sur la promotion de la dualité.
Il y a un problème d'assimilation et j'aimerais vous entendre commenter les remarques que je vous ai faites.
Mme Copps: C'est le député de Québec-Est qui a abordé la question de l'assimilation. J'ai dit que le nombre total de Canadiens et de Canadiennes bilingues est plus élevé que jamais. Les familles ont aussi le désir, ce qui n'existait pas il y a 20 ans, de voir leurs enfants s'épanouir en français ou en anglais, quelle que soit leur langue maternelle.
Le chiffre donné par le député de Québec-Est démontre que le nombre brut de francophones hors Québec qui ont le français comme langue maternelle a augmenté. Ce sont les chiffres donnés par le député de Québec-Est, soit un nombre brut d'à peu près 50 000 personnes.
Cela dit, par comparaison avec la période de 1971 à 1981, en ce qui concerne l'usage de la langue française dans toutes les choses quotidiennes de la vie, il y a un problème d'anglicisation qui existe à travers le Canada. Ce n'est pas uniquement un problème à l'extérieur du Québec. Il serait faux de dire que c'est un problème qui existe seulement dans une partie du Canada.
C'est le problème de l'américanisation de notre culture. Aussi bien les enfants francophones qu'anglophones passent tout leur temps devant la télé. En 1996, ils ne passent pas leur temps de la même façon que nous le faisions. Quand nous étions jeunes, nous n'avions que quelques chaînes et, en plus, c'était des chaînes locales. Avec la globalisation, nous avons d'une part les possibilités que nous offre la globalisation, mais, d'autre part, les risques qui s'ensuivent.
Maintenant, quels outils pouvons-nous offrir en dehors de la scolarisation? C'est la scolarisation qui est l'outil important parce que quand on voit que les francophones... Prenons l'exemple des francophones
[Traduction]
ou l'on pourrait en dire autant des anglophones dont la langue a survécu dans certaines régions du Québec. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles en 1971 et jusqu'à la Constitution de 1982 qui prévoyait certaines mesures de protection, tout ce qui assurait la survie de la langue familiale c'était la volonté des parents. Voilà ce qui a permis au français de survivre contre toute attente pendant 300 ans. Certaines assemblées législatives ont adopté des lois interdisant l'utilisation du français. Il existait vraiment un sentiment antifrançais, non pas seulement parmi la population, mais aussi dans la loi.
[Français]
Ce qui est le plus bouleversant dans les nouveaux chiffres, c'est que les parents, les Canadiens et les Canadiennes, en 1996, trouvent un avantage au bilinguisme, un avantage qu'on ne voyait peut-être pas quand on a instauré la Loi sur les langues officielles. C'était terrible en 1971.
Donc, nous avons la scolarisation. Il est important que la gestion scolaire soit prise en main par les parents, mais il faudrait aussi aller de l'avant en instaurant une politique de francisation plus solide. C'est pour cela que nous avons dépensé une somme d'au-delà d'un milliard de dollars qui a été mise de côté pour des fins de scolarisation, tel que nous l'avons vu dans le rapport des comités de parents.
On a aussi mis de côté un fonds spécial pour des projets de francisation qui se chiffrait, sur une période de cinq ans, à 112 millions de dollars. C'était le premier volet d'un portefeuille pour la francisation, qui n'était pas le portefeuille de la scolarisation et sur une base de calcul par personne. L'année prochaine, quand nous aurons une nouvelle enveloppe budgétaire quinquennale pour les projets des langues officielles, il faudra que nous prenions des outils pour défendre et développer la scolarisation, mais aussi pour implanter les centres culturels.
[Traduction]
Je veux vous dire ce qui suit en anglais. J'étais à Sault Ste. Marie il y a deux mois. Pouvez-vous imaginer que dans cette ville si tristement célèbre pour son sentiment que l'on pourrait qualifier d'antifrançais, la population appuie dans l'ensemble l'établissement d'un centre culturel francophone qui permettrait non seulement aux enfants mais aussi aux parents de se rencontrer dans un endroit où ils pourraient partager leur langue et leur culture? Si étonnant que cela paraisse, il se trouve que c'est aussi à Sault Ste. Marie qu'est implantée une des plus anciennes communautés francophones du Canada qui vit là de façon continue - il y a près de 400 ans depuis que sont arrivés
[Français]
les explorateurs, après les Hurons. Il me semble qu'on devrait faire plus, et c'est la raison pour laquelle nous voulons entreprendre les plans d'action dont le député de Québec-Est a parlé. Il n'y a jamais eu de plan d'action concernant le plan quinquennal pour les langues officielles. Nous avions une politique basée sur le per capita. C'est-à-dire que vous receviez un certain montant d'argent selon le nombre d'étudiants que vous aviez à l'école. Vous comprenez donc pourquoi on a toujours reçu plus d'argent pour les établissements anglais au Québec qu'on en a reçu pour les établissements français hors Québec. C'est tout simplement parce qu'on avait, au Québec, plus d'étudiants en anglais qui étaient déjà implantés dans un système bien établi. Maintenant que la situation est inversée, il faudrait que nous mettions en place des plans d'action.
Est-ce que vous allez mettre en place des centres postsecondaires? Est-ce que vous allez avoir des collèges et des universités? Il faut voir que les chiffres cités précédemment montrent que le francophone hors Québec est le mieux éduqué de tous les Canadiens aujourd'hui. Pourquoi? Tout d'abord parce que je suis convaincue qu'un francophone hors Québec qui maintient sa langue, le fait par volonté personnelle et non pas forcé par la politique ou les gouvernements. C'est extraordinaire. C'est tout à fait l'inverse de ce qui se passait en 1975. À ce moment-là, un jeune francophone du nord de l'Ontario était moins éduqué et moins payé que son confrère anglais. Maintenant, c'est l'inverse. Un jeune francophone hors Québec est mieux scolarisé et se situe beaucoup mieux sur le plan économique.
Je maintiens donc qu'il faut mettre l'accent sur la langue française et avoir une politique de financement pour des projets culturels visant à créer des liens entre les communautés, en particulier la communauté francophone. C'est moi qui ai eu l'idée de tenir le Sommet économique en Beauce. Cela s'est décidé après une réunion des ministres responsables de la Francophonie, à Saint-Boniface. Nous nous disions que c'était bien beau d'avoir des écoles, mais si ensuite il n'y avait pas de travail dans cette langue, il n'y avait pas d'autre choix que d'aller à Winnipeg et de travailler en anglais.
De quelle façon pouvons-nous, sur la base de l'expérience de la Beauce, aider et améliorer l'épanouissement des communautés d'origine dans le cadre du bilinguisme? La même question vaut pour le Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Guarnieri): Je demande l'indulgence des membres du comité. Il nous reste 20 minutes, et j'ai une longue liste d'intervenants. Je voudrais pouvoir donner la parole à tout le monde. Si je peux compter sur la collaboration de tous les membres du comité, nous essaierons de permettre autant de questions et de réponses que possible.
Monsieur Breitkreuz, seriez-vous disposé à prendre cinq minutes seulement, ou avez-vous besoin de toute votre période de dix minutes?
M. Breitkreuz (Yellowhead): Vous voulez parler du temps qui me serait accordé à moi, sans compter le temps que prendra la ministre et vice-première ministre?
La coprésidente (Mme Guarnieri): Nous essayons de limiter le temps de parole. Vous pourriez peut-être poser toutes vos questions d'un trait, après quoi la ministre pourrait répondre, et nous pourrions ensuite passer aux autres questions.
M. Breitkreuz: Il n'est pas si facile que cela de les sortir d'un trait. J'ai d'abord un préambule.
Mme Copps: C'est vrai, les armes de trait sont maintenant interdites.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Alors, faites de votre mieux, monsieur Breitkreuz.
M. Breitkreuz: Merci beaucoup, madame la présidente.
Madame la ministre et vice-première ministre, je vous félicite pour votre exposé passionné, mais je ne suis guère d'accord avec les propos que vous avez tenus. Je suis toutefois d'accord avec le député du Bloc pour dire que, malgré toutes les politiques et tous les règlements que les gouvernements mettent en place, et malgré tout l'argent qui est dépensé, l'assimilation est un fait, tant pour les anglophones du Québec que pour les francophones de l'extérieur du Québec.
Une voix: Combien d'anglophones reste-t-il?
M. Breitkreuz: J'y reviens dans un moment.
Je veux vous poser une question au sujet de Parcs Canada, et plus particulièrement du Parc national de Jasper et de la ville du même nom. Les gens veulent savoir combien il en coûte exactement au total, à cause de tous les changements qui se font et de la restructuration qui se poursuit - autant les dépenses d'immobilisation que les dépenses de fonctionnement engagées par la municipalité au cours des quelques derniers exercices financiers, et bien entendu le montant des recettes produites par les parcs dans cette région. La réponse toute prête qu'on nous a servie jusqu'à maintenant, c'est que toutes les recettes vont au Trésor public, de sorte qu'il n'y a aucun moyen d'évaluer les recettes et les dépenses de façon précise.
J'ai toute une liste de questions des habitants de Jasper. Naturellement, madame la ministre, je ne m'attends pas à ce que vous ayez toutes les réponses au bout des doigts, alors je vous laisserai les questions et j'espère que vous y répondrez en temps opportun.
En ce qui concerne toute cette question du bilinguisme, le but et l'objet de la Loi sur les langues officielles - et cela remonte à 1969, ou du moins à la fin des années 60 - étaient censés être la justice linguistique. Je suppose que tout cela faisait partie de l'époque de la «société juste» - et l'unité nationale. Je vous le demande: où est cette justice linguistique? En fait, la justice linguistique a été abandonnée chaque fois que les deux objectifs étaient en contradiction.
Nous savons tous que les efforts des divers gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé pour renforcer l'unité nationale ont été marqués chaque fois par un échec lamentable. Nous avons vu le vaisseau fédéral tanguer de plus en plus vers l'appui, quoique disproportionné, à la minorité francophone de l'extérieur du Québec et à la minorité anglophone de la province et s'enliser en même temps, dans ses relations avec les gouvernements qui se sont succédé à Québec, dans le soutien silencieux et subreptice à l'unilinguisme français renforcé - je dis bien à l'unilinguisme. C'est bien là la réalité.
Madame la présidente, je veux lire quelques paragraphes du seul ouvrage savant et bien documenté qui ait été fait sur les langues officielles au Canada. Il s'agit d'un extrait de la page 12; et j'imagine qu'il n'y en a pas beaucoup parmi vous qui se sont rendus jusque-là, car la vérité blesse, et la tendance est de vouloir s'en cacher. Je cite:
L'actuel amalgame de lois linguistiques qui ont cours au Canada est si pervers que:
- ...la définition officielle que donne le gouvernement fédéral de ce qui constitue un niveau de
demande suffisant pour justifier la prestation de services dans la langue de la minorité fait une
dizaine de pages et est si alambiquée qu'il faut recourir à la Loi sur l'accès à l'information pour
savoir quelles sont les régions du pays qui sont désignées comme étant admissibles à ces
services;
- ...en vertu des lois fédérales garantissant les services dans la langue de la minorité, les 20
anglophones de Barkmere, au Québec, ont le droit de recevoir les services du gouvernement
fédéral en anglais. Aux termes de la loi québécoise sur les services dans la langue de la minorité,
les 119 000 anglophones de la ville de Montréal sont réputés ne pas constituer une proportion
assez importante de la population de cette ville pour avoir le droit de recevoir les services
municipaux en anglais.
- ...le gouvernement fédéral est le principal bailleur de fonds de la Loi 101 du Québec, en raison
d'une politique de paiements de transfert qui est conçue pour favoriser l'unité nationale;
- ...pour accroître la participation des francophones à la...
M. Breitkreuz: J'y arrive.
- ...pour accroître la participation des francophones à la fonction publique fédérale, le
gouvernement fédéral a adopté un système de recrutement et de promotion qui est
systématiquement discriminatoire à l'endroit non seulement de la plupart des anglophones,
mais aussi des deux tiers des francophones du Canada.
- ...un quart de siècle après que la Loi sur les langues officielles a été adoptée dans l'espoir de
décourager le séparatisme québécois, le bilinguisme officiel a ajouté près de 50 milliards de
dollars à la dette fédérale, de sorte que l'avantage financier que le Québec aurait à continuer à
faire partie du Canada se trouve considérablement réduit.
Au fil des ans, nous avons donc bâti une industrie non seulement de l'unité, mais des langues officielles aussi.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Breitkreuz...
M. Breitkreuz: Je la pose tout de suite.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Je veux seulement vous dire que, si nous pouvions nous occuper des motions à notre prochaine réunion... Car nous avons très peu de temps. Nous voulons profiter du fait que la ministre est ici pour répondre à nos questions. Si vous pouviez finir par poser votre question, la ministre pourrait y répondre.
M. Breitkreuz: J'allais justement poser ma question quand vous m'avez interrompu, madame la présidente, mais je vous remercie beaucoup.
Je demande donc à la ministre et vice-première ministre...
[Français]
La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Prud'homme.
Le sénateur Prud'homme: Je pense que l'honorable député peut continuer. Quant à moi, je crois qu'il est bon de connaître la philosophie du Parti réformiste sur la question du bilinguisme.
Mais je me demande si nous pourrions demander à la ministre de revenir parce que je crois que ce problème nous intéresse tous.
[Traduction]
Je veux écouter ce que le député a à dire, mais je voudrais aussi que la ministre soit traitée de façon équitable - et que nous le soyons aussi, ceux d'entre nous qui s'intéressent à cette question, certains depuis 35 ans. Si la ministre acceptait de revenir, je ne verrais pas d'inconvénient à ce que vous preniez le reste de la journée.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Je crois savoir que Mme Copps...
[Français]
Mme Copps: À votre service.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Guarnieri): ...s'est montrée tout à fait prête à témoigner devant nous et qu'elle a voulu se mettre à notre disposition. Je veux quand même qu'elle ait la possibilité de répondre à votre question.
M. Breitkreuz: Je ne l'ai pas encore posée. J'ai été interrompu.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Je suis sûre qu'elle a déjà pu saisir quelques questions.
M. Breitkreuz: Je demande à la ministre et vice-première ministre, avec ces industries qui prennent de plus en plus d'ampleur, combien de temps encore allons-nous permettre que la charade et l'hypocrisie se poursuivent?
Mme Copps: Tout d'abord, vous avez posé une question au sujet des parcs. Je suis sûre que le député sera heureux d'apprendre qu'une part disproportionnelle du budget que le gouvernement canadien consacre aux parcs est dépensé en Alberta. De toutes les provinces canadiennes, c'est l'Alberta qui reçoit le plus de fonds au titre des parcs.
M. Breitkreuz: Pourquoi?
Mme Copps: Je tenais simplement à le signaler parce que, si par ses questions au sujet de Jasper, le député cherchait en quelque sorte à montrer que le gouvernement fédéral... Je ne sais pas ce qu'il cherchait à montrer par sa question, mais le fait est que, si c'est en Alberta que la majeure partie des fonds fédéraux attribués aux parcs est dépensée, c'est bien entendu parce que nous avons de merveilleux parcs nationaux dans cette province qui nous tiennent à coeur et que nous avons le souci de maintenir.
De même, madame la présidente, il me semble que, si le député veut faire une analyse des droits des minorités linguistiques, il pourrait commencer par le faire dans sa province à lui. La personne malade qui veut avoir des services dans sa langue et qui se trouve à faire partie d'une minorité francophone n'a pas accès à ces services à l'heure actuelle dans certaines localités de l'Alberta; elle n'y avait pas accès par le passé, et je n'ai rien lu à ce sujet dans Lament for a Nation.
M. Breitkreuz: Personne ne les réclame à cor et à cri non plus.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Il nous reste trois minutes.
Mme Copps: M. Breitkreuz donnait à entendre que les politiques du gouvernement fédéral ne marchent pas parce que certains autres gouvernements imposent des limites à l'accessibilité des services.
Ce que j'essaie de vous faire comprendre - et j'espère avoir en cela l'appui des membres du comité - , c'est que le travail que nous avons fait afin de garantir l'enseignement dans la langue de la minorité dans toutes les régions du pays n'a peut-être pas réglé le problème, mais qu'il s'agit d'un pas dans la bonne voie.
Quand nous sommes intervenus en 1971, la situation était telle qu'il n'existait à toutes fins utiles aucune protection pour les minorités des différentes régions du pays et que le risque que les minorités perdent leur langue était incroyable.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Je ne veux pas vous interrompre, mais on vient de me dire que nous avons été mal informés tout à l'heure. Nous devons être de retour à la Chambre à 17 h 15.
Mme Copps: Nous devons donc partir.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Ce sont les derniers renseignements que j'ai, alors je vous invite à conclure votre propos.
Mme Copps: Je veux simplement dire que, si vous voulez parler de lois linguistiques discriminatoires, vous pourriez commencer par les provinces qui ont adopté des lois interdisant l'usage du français dans leur assemblée législative.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Malheureusement...
Une voix: Que faites-vous de la loi québécoise?
La coprésidente (Mme Guarnieri): À l'ordre! Sur ce, je crois savoir que la ministre ne pourra malheureusement pas revenir.
Mme Copps: Je peux revenir, mais je ne peux que vous dire, madame la présidente...
La coprésidente (Mme Guarnieri): Vous reviendrez?
Mme Copps: ... que je lutte contre l'étroitesse d'esprit où que je la trouve. C'est pour cela que nous sommes ici, pour essayer de faire comprendre tous les avantages qu'il y a à accepter les deux langues.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci. Sur ce...
M. Allmand: J'invoque le Règlement, madame la présidente. Nous avons pour tradition à notre comité de donner d'abord la parole au Bloc québécois pour les questions, puis au parti ministériel et ensuite à l'opposition. Nous avons entendu trois intervenants de suite qui étaient de l'opposition - Bloc québécois, Parti conservateur et Parti réformiste - sans aucune question de la part des ministériels, soit des sénateurs soit des libéraux...
La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Allmand, j'interviens en ma qualité de présidente, car nous devons nous rendre à la Chambre.
M. Allmand: Je sais, mais je ne suis guère content de la situation.
La coprésidente (Mme Guarnieri): La ministre a accepté de revenir et vous aurez...
[Français]
M. Allmand: C'est une question de circonstance.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Guarnieri): À l'ordre. La ministre a accepté de revenir, et nous reprendrons quand nous serons de retour.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Nous continuons au-delà du temps qui était prévu.
L'intervenant suivant sera M. Allmand. Je donne la parole à M. Allmand, qui sera suivi deM. McTeague, du sénateur Beaudoin et du sénateur Prud'homme. Nous mettrons ensuite fin à la séance. J'implore tous les membres d'être brefs afin de donner à la ministre le temps de répondre aux questions, étant donné qu'elle a eu l'amabilité de rester avec nous plus longtemps que prévu. Je crois que nous pouvons tous remercier la ministre pour l'indulgence dont elle fait preuve aujourd'hui.
Monsieur Allmand, vous avez la parole.
M. Allmand: Merci, madame la présidente. Je serai très bref aujourd'hui, par respect pour vous et pour notre témoin. À l'avenir, j'insisterai pour avoir au moins autant de temps que chacun des membres de l'opposition, mais je n'engagerai pas le débat là-dessus.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Allmand, vous vous rendez compte que nous avons eu des votes sinon nous aurions procédé comme à l'habitude. Nous n'avons jamais eu de plaintes jusqu'à maintenant.
M. Allmand: Je ne tarderai pas à en faire une. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons entendu trois membres de l'opposition et personne du parti ministériel. J'y reviendrai à un autre moment.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Oui, s'il vous plaît.
M. Allmand: Madame la ministre, le printemps dernier, notre comité a passé pas mal de temps à examiner les progrès qu'avait faits le gouvernement vers la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Nous avons publié un rapport le 19 juin. La partie VII, comme vous le savez, dispose que le gouvernement canadien s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement.
L'article 43 précise que le secrétaire d'État - vous êtes le successeur du secrétaire d'État - a une multitude de mesures qu'il peut prendre pour favoriser la progression des minorités francophones et anglophones du Canada.
Nous avons constaté, soit dit en passant, lors de notre étude que certains ministères avaient d'excellents plans d'action et qu'ils faisaient un excellent travail. D'autres avaient toutefois une feuille de route lamentable. Ils ne faisaient rien de ce qu'ils étaient censés faire aux termes de la partie VII. Nous étions d'avis que cela s'expliquait en partie par le fait qu'aucun ministre n'avait le pouvoir d'aller dire à un organisme ou à un ministère qu'ils ne faisaient pas ce qu'ils devaient faire aux termes de la partie VII et de les rappeler à l'ordre. Nous avons recommandé que cette tâche incombe au Bureau du Conseil privé.
Je vois que vous avez émis un communiqué de presse il y a deux jours, le 18 novembre, et que vous avez envoyé une lettre aux coprésidents. Vous dites dans le communiqué:
- Le gouvernement reconnaît qu'il y a lieu d'instaurer une responsabilisation plus rigoureuse
pour la mise en oeuvre de ces articles de la Loi. C'est ainsi que le Secrétariat du Conseil du
Trésor, l'organisme central chargé de l'examen des plans d'affaires soumis par les ministères
chaque année, sera appelé à jouer un rôle à cet égard.
Mme Copps: Oui. Nous avons conclu, après avoir examiné les recommandations du comité, que nous partagions votre raisonnement selon lequel, toute l'influence morale qu'on peut exercer ne suffit parfois pas quand on n'a pas le statut d'organisme central, quand on n'a aucune emprise sur la communication de l'information ou sur le budget.
Nous sommes donc d'accord avec les recommandations, mais nous considérons également qu'il vaudrait mieux confier cette responsabilité au Conseil du Trésor, dans le contexte des plans opérationnels. Lorsque les ministères présentent ces plans pour lesquels ils...
M. Allmand: Au titre de la partie VII?
Mme Copps: Oui. C'est le Cabinet qui en a décidé, il y a une quinzaine de jours. Avec le Conseil du Trésor nous élaborons un protocole d'entente officiel énonçant quelles seront les responsabilités, l'intention étant pour les ministères de présenter par écrit, en même temps que leur plan opérationnel leur plan d'action linguistique, ce sur quoi le Conseil du Trésor jugerait chaque ministère.
M. Allmand: Je vous remercie. Il me reste une question: aux termes de l'article 43, partie VII, en tant que Ministre du Patrimoine canadien, l'une de vos responsabilités est d'encourager et d'aider les organisations et institutions à témoigner du caractère bilingue du Canada, dans le cadre de leurs activités au Canada et à l'étranger, et l'une de ces institutions est Radio-Canada.
À la suite des coupures budgétaires un grand nombre de stations anglophones de Radio-Canada au Québec - comme celles de la Gaspésie et du Lac-Saint-Jean - se sentent menacées, et craignent qu'il n'y ait plus de services en langue anglaise dans ces régions éloignées du Québec. Il en va de même, dans certaines régions du Canada, pour les chaînes francophones de Radio-Canada qui craignent de ne plus pouvoir assurer ce service.
Comment réconciliez-vous ces coupures avec votre obligation de renforcer la vitalité des communautés minoritaires anglophones et francophones en assurant ce service essentiel de Radio-Canada dans les régions éloignées où ces services sont nécessaires? Comment est-ce possible d'assurer ce service sans le soutien financier nécessaire?
Mme Copps: C'est là un défi intéressant car, vous ne l'ignorez pas, en tant que ministre responsable de Radio-Canada, j'ai également une relation sans liens de dépendance avec Radio-Canada et ses décisions budgétaires. C'est à Radio-Canada, en effet, de prendre ses propres décisions sur la façon dont la Société appliquera un budget. Malgré que je sois la ministre responsable de Radio-Canada, je ne puis, de toute évidence - et je ne voudrais pas non plus, lui dicter son programme ou lui imposer des conditions, que ce soit la chaîne anglophone ou francophone.
Ceci dit, le Commissaire aux langues officielles, qui se préoccupe de la question, m'a adressé des plaintes. J'ai eu des entretiens avec la FCFAC, en particulier, sur la situation des minorités francophones hors Québec, et j'ai également reçu des lettres de certaines des minorités anglophones de la Gaspésie et d'ailleurs. Le député de Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine m'a d'ailleurs présenté des doléances sur cette question et, par son entremise, j'ai organisé une réunion avec certaines de ces organisations.
Nous encourageons également une réunion, avec les groupes en question, du conseil d'administration de Radio-Canada, ceci en partie parce que l'autre plainte que l'on entend, en particulier dans le cas de la FCFAC, c'est que la réalité de la communauté francophone n'est pas reflétée actuellement par Radio-Canada. Les 20 p. 100 de francophones vivant hors Québec n'ont pas l'impression qu'on est toujours à l'écoute de ce qu'ils ont à dire et se sentent isolés, sans que ce soit nécessairement dû aux coupures budgétaires.
C'est une doléance qu'ils ont exposée à Radio-Canada, et un plan d'action est actuellement en préparation aux fins de résoudre le problème. Il est même possible que quelqu'un de la FCFAC assiste à cette réunion, mais un plan d'action est en cours d'élaboration.
Nous voulons également voir ce que peut faire le ministère du Patrimoine canadien pour le secteur de la création artistique. Un nouveau fonds de programmation de télévision a été établi et il est important, à mon avis, qu'il se fasse l'interprète, la voix des destins canadiens. Je ne sous-estime pas les difficultés devant lesquelles on se trouve, mais il convient de louer certaines des émissions de télévision authentiquement novatrices que l'on est parvenu à faire malgré un budget restreint.
Je ne sais pas combien d'entre vous ont eu l'occasion de regarder TFO, par exemple, qui est la Télévision française de l'Ontario. Leur budget est très limité. Ils ont réalisé d'excellents programmes pour enfants, entre autres. TFO a de fait signé une entente. Ils se lancent dans la câblodistribution dans certaines régions du Nouveau-Brunswick.
Ce n'est pas seulement une question de sous. C'est aussi une question d'imagination et je pense que nous devons continuer à y travailler. J'en suis conscient.
Lorsque j'étais en Saskatchewan récemment, j'ai rencontré certains membres de la communauté fransaskoise qui s'inquiètent précisément du fait qu'on les réduit au silence en coupant ce service. Je crois qu'il y aura une réunion du conseil d'administration de la SRC et de la communauté fransaskoise à la prochaine date prévue, c'est-à-dire à la fin du mois ou au début du mois prochain, ici, à Ottawa.
J'ai essayé de faciliter les contacts entre les deux parties, même dans le contexte actuel de compression budgétaire, afin de trouver le moyen de maintenir ces voix sur les ondes partout. Je crois qu'on peut y arriver mais cela nécessite peut-être aussi un peu d'imagination.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur McTeague, vous avez la parole.
[Français]
M. McTeague (Ontario): Merci, madame la présidente. Je vous assure que ce ne sera pas long.
Madame la ministre, le bilinguisme m'intéresse beaucoup. Dans les chiffres que vous nous avez fournis tout à l'heure, je vois des témoignages individuels, comme le mien. Je suis maintenant député, et je dois dire que les efforts de la commission et du gouvernement à partir de 1963 ont été décisifs.
Mme Copps: Vous êtes plus jeune que moi.
M. McTeague: Chez nous, où le taux d'accroissement est bien plus élevé que dans les autres circonscriptions, nous avons une petite communauté francophone et une communauté bilingue assez importante, ce qui veut dire que les gens ont la capacité de traverser les barrières linguistiques, que ce soit pour des raisons culturelles ou pour des raisons d'affaires.
Quand je travaillais pour la compagnie Toyota, je recevais une prime de bilinguisme. C'est ce qui se passe dans le secteur privé, et je sais que les réformistes ont du mal à comprendre la raison de cette prime au bilinguisme.
Je crois savoir que les députés du Bloc québécois sont inquiets du sort réservé aux francophones hors Québec. Ils pensent que c'est en rapport avec les subventions octroyées pour aider ces communautés à se maintenir. Est-ce que vous songez à d'autres méthodes pour défendre les intérêts des communautés francophones et des francophones qui sont bilingues, comme nous? Est-ce que vous avez des recommandations à formuler, au lieu de dire simplement et comme toujours que c'est une question d'argent?
Mme Copps: Mais l'argent est important aussi. On ne peut pas nier ce fait. Il est vrai que les coupures qui ont été effectuées, bien que moindres dans les secteurs minoritaires, ont eu des conséquences plus ou moins graves partout, même dans les ministères et dans les paiements de transfert aux provinces.
Prenons, par exemple, la restauration du Programme de contestation judiciaire. C'est un programme qui donne le moyen à de petits groupes de contester le non-respect du droit qui leur a été accordé par la Loi constitutionnelle. Ce programme a été aboli, puis rétabli quand nous sommes revenus au pouvoir. Le budget de ce programme s'élève à 2,5 millions de dollars et son but est de garantir la scolarisation en français dans certaines provinces que cela n'intéresse pas vraiment. C'est donc une façon de protéger les droits des minorités sans qu'il y ait un financement particulier.
En ce qui concerne le financement, j'ai mentionné précédemment qu'un programme français avait été mis sur pied l'année dernière avec un budget de 112 millions de dollars. C'est un nouveau programme pour doter Sault-Sainte-Marie d'un nouveau centre communautaire francophone, afin que les habitants puissent s'épanouir en français, parce qu'il faut bien dire que leur mode de vie s'anglicise de plus en plus et, je dirais même, s'américanise.
M. McTeague: Vous avez touché tout à l'heure à la question des conseils francophones scolaires en Ontario. Est-il possible d'encourager le gouvernement à poursuivre cette route, comme on l'a fait à Durham, où on a six écoles, pour s'assurer que ces conseils scolaires existent et puissent promouvoir le bilinguisme dans notre province?
Mme Copps: Le gouvernement de l'Ontario a nommé M. David Crombie, que vous connaissez tous puisqu'il a été ministre dans l'ancien gouvernement conservateur, qui a remis la semaine dernière un rapport sur la gestion scolaire qui comprend plusieurs recommandations. Nous avons déjà pris des contacts pour essayer de faire bouger plus rapidement les dossiers en Ontario et nous sommes optimistes.
M. McTeague: Merci.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci. Monsieur Beaudoin, vous avez la parole.
Le sénateur Beaudoin (Rigaud): Je profite de l'occasion pour vous féliciter d'avoir rétabli le fameux programme des contestation judiciaire. Personnellement, j'ai toujours cru en ce programme. Malheureusement, pour faire observer certains droits constitutionnels dans ce pays, on est obligé d'aller devant les tribunaux et d'obtenir des jugements de la cour. Et quand on peut aller jusqu'à la Cour suprême du Canada, c'est tant mieux parce qu'au moins, cela fait avancer les choses.
Ma question tourne autour de la partie VII également. Évidemment, la capitale du Canada, Ottawa, devrait être beaucoup plus bilingue qu'elle ne l'est actuellement. Je prêche à des convertis puisque tout le monde est d'accord là-dessus. Enfin, j'espère que tout le monde est d'accord là-dessus. La partie VII est, à mon avis, impérative dans la loi. Les gens disent que tout cela constitue de beaux souhaits mais que cela ne veut rien dire. Mais je ne suis pas d'accord sur ça. Je pense que la Constitution n'est pas une chose qui ne veut rien dire et que la Loi sur les langues officielles est une loi quasi constitutionnelle. Cela signifie donc que les cours de justice peuvent donner suite à ça.
Vous avez en partie répondu à ma question. Le gouvernement actuel a des plans et des programmes, mais je pense qu'il faut pallier aux difficultés actuelles en se servant de la partie VII, parce qu'on ne peut pas faire autrement. On avait hier la Commission de la Capitale nationale. Il faut dire que la Commission de la Capitale nationale est à cheval sur les deux rives, alors que la Capitale, sur le plan strictement juridique, est à Ottawa. Alors, il faut trouver un moyen de rendre cette capitale plus bilingue. Il faut aider la francophonie dans cette ville parce que c'est le miroir, le reflet du peuple canadien.
Ma question est double. Est-ce que vous considérez que c'est une obligation vraiment juridique? Ensuite, est-ce que vous avez un plan tout de même assez précis pour donner suite aux articles 41, 42 et 43?
Mme Copps: Je pense d'abord qu'il est important pour le Canada que la région de la Capitale nationale, Ottawa - Hull, soit vraiment le reflet de notre pays, c'est-à-dire bilingue, dans l'affichage comme au travail. Je pense qu'il y a eu un commentaire de M. Beaudry au sujet de l'affichage. Il est important de donner suite aux contrats que l'on signe. En effet, si on signe un contrat pour l'affichage dans les deux langues, il faut le respecter. Un bail, c'est un bail et un contrat, c'est un contrat. Je pense que ça devrait être la même chose en ce qui concerne les contrats du ministère des Travaux publics à travers tout le pays. Il ne s'agit pas seulement d'Ottawa.
Le sénateur Beaudoin: Je dois vous dire que j'ai réfléchi de nouveau à l'article 25. C'est peut-être très bien d'essayer d'élargir l'application de la loi par des contrats, mais j'aimerais avoir une opinion juridique là-dessus parce qu'il n'est pas certain que l'on puisse étendre la loi à ce point-là de façon contractuelle. J'ai quelques doutes, mais si c'est possible, tant mieux!
Il y a cependant une chose qui est vraie. C'est que l'autorité fédérale, en vertu des articles 41, 42 et 43, a certainement une assise juridique très forte et très générale pour intervenir. Vous allez me dire qu'il y a des limites financières et je peux le comprendre. Mais c'est peut-être une partie de la Loi sur les langues officielles qui gagnerait à être mise en oeuvre plus profondément, avec plus de de force.
Mme Copps: C'est une des raisons pour lesquelles j'ai beaucoup insisté pour que le Conseil du Trésor soit partie intégrante de l'analyse de nos responsabilités. En fait, et vous avez bien identifié cela en tant que comité, quand la responsabilité de l'application de la Loi sur les langues officielles tombe sur un ministère autre que les agences centrales, on peut insister et pousser, mais on n'a pas les mêmes outils financiers.
La nouvelle responsabilité du Conseil du Trésor, qui est d'analyser la façon dont les ministères s'acquittent de leurs responsabilités, améliore un peu le niveau d'implication de tout l'appareil gouvernemental, ce qui n'aurait pas été le cas dans le contexte du ministère du Patrimoine canadien. C'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup insisté dans ce sens. Je dois dire que j'ai eu beaucoup d'appui de la part de mes collègues du Cabinet.
Le sénateur Beaudoin: Tant mieux! Je pense que la partie VII de la loi veut dire quelque chose.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci. Mme la ministre a accepté de vous accorder les dernières questions, sénateur Prud'homme.
Le sénateur Prud'homme: Merci.
Je voudrais tout d'abord vous féliciter chaleureusement pour votre indéfectible appui à cette cause qui nous tient tellement à coeur. Je le dis sans aucune restriction. Je vous appuie totalement pour votre courage, votre détermination et votre pouvoir de conviction. En effet, quand on croit à quelque chose, il faut être en mesure de défendre son idée avec passion contre ceux qui, comme on l'a vu cet après-midi, ne sont pas tellement convaincus de ce dont nous discutons.
[Traduction]
Je regrette que le député - habituellement je ne parle pas des absents mais c'est la même réunion - soit absent, parce que je lui dirais très aimablement mais très carrément aussi que comme je parcours le Canada depuis 33 ans - je crois m'être rendu dans l'ouest du Canada 288 fois - je n'ai pas de leçon à recevoir sur le traitement de la minorité au Québec.
[Français]
Je commence à être pas mal énervé, en vieillissant, par ces gens qui nous pointent toujours du doigt. Pendant un moment, j'ai pensé que le livre où nous avons été cités avait été écrit par Diane Francis, Barbara Amiel ou Galganov, ces nouveaux messies d'un grand et beau Canada à leur image.
[Traduction]
Que Dieu m'en garde et qu'il sauve le Canada.
[Français]
Je voudrais dire clairement mon appui indéfectible à la ministre. Vous avez justement ce pouvoir de conviction et vous le transposez très bien dans votre action. Il ne faut pas avoir peur quand on parle des êtres humains. Les gens disent so passionate, so emotional. On ne fait pas affaire avec des robots. On fait affaire avec des passions, que ce soit la religion, que ce soit les langues.
Une des choses qui m'ont toujours frappé, c'est d'abord ce qui se passe dans la Capitale nationale. Je ne vais pas répéter ce que mon collègue Beaudoin a dit, mais c'est ici que parle l'image. Il faut que, du premier ministre et en passant par vous évidemment, il y ait partout des gens déterminés à faire d'Ottawa notre véritable capitale nationale, et nous deviendrons probablement un pays comme la Suisse.
Il est possible que le Canada se développe d'une façon où on mettra plus d'accent sur les deux langues dans certaines parties du pays, sur une seule langue dans certaines autres parties et sur l'autre langue dans d'autres parties, mais certainement pas dans la Capitale nationale. Je ne voudrais pas chicaner, mais je suis assez méchant dans les différents magasins que je fréquente à Ottawa, sur la rue Laurier.
[Traduction]
Au fait, j'aimerais que vous regardiez la maison Laurier. Je n'en parlerai plus.
[Français]
Mme Copps: Je connais la maison.
Le sénateur Prud'homme: Oui, moi aussi. Ça s'appelle Laurier House. C'est assez pour faire frémir sir Wilfrid Laurier. La rue Laurier sera notre premier projet. Je vous le confie.
Mme Copps: J'accepte.
Le sénateur Prud'homme: Et je serai avec vous, puisque nous avons assisté tous les deux à l'inauguration avec John Turner, mon regretté ami.
Madame, je n'ai pas d'autres questions à vous poser, si ce n'est que de vous demander, de vous implorer de continuer. Je ne suis pas d'accord avec mon ami du Bloc, et je le regrette, maisM. Trudeau avait commencé cette campagne avec détermination pour faire comprendre aux gens la richesse des deux langues. C'est un message qu'il faut répéter tous les jours avec force. Aujourd'hui, il y a des centaines de milliers de jeunes gens qui apprennent les deux langues.
Je vais être clair. Je ne comprends pas, surtout au Québec, que nos jeunes ne parlent pas deux et même trois langues. J'abonde même, pour une fois, dans le même sens que M. Parizeau qui avait dit, lorsqu'on lui disait que des jeunes refusaient d'apprendre l'anglais, qu'il leur botterait le... lui-même, dans ce cas. Mais ce n'est pas l'anglais qu'on apprend; c'est l'américain.
Mme Copps: Qu'il leur botterait le cul?
Le sénateur Prud'homme: C'est ça. Vous avez toujours le mot exact.
Mme Copps: Je peux le dire en français, mais pas en anglais.
Le sénateur Prud'homme: Comment peut-on refuser d'apprendre une deuxième et même une troisième langue? Député depuis 30 ans, ma plus grande joie est d'amener ici des jeunes de ma circonscription qui parlent trois langues à 10 ans: l'arménien, le français et l'anglais, et un français impeccable. Ils sortent des écoles du Québec. Alors, on n'a pas de leçons à recevoir de l'Ontario ni de personne d'autre au Québec. J'en ai marre de ces gens-là.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Prud'homme, est-ce que c'est logique de fermer...?
Le sénateur Prud'homme: Non. Nous avons des écoles grecques qui produisent des gens qui parlent trois langues. Donc, madame, tout ce que je vous demande, c'est peut-être d'aller chercher ces jeunes et de les montrer en exemple. Il y a des écoles à Montréal où on enseigne trois langues, et si vous pouviez avoir un programme aussi peu dispendieux...
[Traduction]
La coprésidente (Mme Guarnieri): Je vais vous donner le dernier mot.
Le sénateur Prud'homme: Il n'y a pas de mot...
[Français]
Mme Copps: Je voudrais dire que le sénateur Prud'homme a tout à fait raison, parce qu'on peut voir qu'en Europe, il est souvent normal de parler deux, trois ou quatre langues. Mais le problème que nous vivons dans la grande Amérique, c'est qu'on est américanisés.
[Traduction]
Je vais le dire en anglais parce que je crois que Marcel a certainement touché à quelque chose qui m'ennuie un peu depuis des années dans les deux langues officielles, à savoir que certains qui sont les plus critiques vis-à-vis de leurs homologues dans d'autres provinces, qui critiquent les lois des autres, ne connaissent pas tellement leurs propres lois. Si vous jetez un coup d'oeil à
[Français]
la Loi 101 au Québec, il y a la même loi pour les étudiants en Ontario. En Ontario, si vous voulez envoyer votre enfant dans une école française, il faut que l'un des deux parents soit allé à l'école française en Ontario. Ça fait partie de la loi. C'est aussi parce que les parents ne veulent pas que leur système devienne un système d'immersion, ce qui minimiserait l'apprentissage d'une langue.
[Traduction]
Quand on voit un journaliste - et je veux le dire publiquement car j'ai écrit une lettre à Diane Francis après un article absolument scandaleux qui contenait trois erreurs de fait sur les Jeux de la Francophonie.
Elle a écrit un article qui ne peut être qualifié que de raciste contre la communauté francophone du Canada dans lequel elle disait que pour ces jeux les anglophones ne devraient même pas prendre la peine de se présenter. C'est comme cela que débutait son article. À titre de ministre responsable des sports, je lui ai écrit et je lui ai dit entre autres que les anglophones qui ne devraient pas prendre la peine de se présenter avaient remporté la médaille d'or aux derniers Jeux de la Francophonie parce que l'un des gagnants de ces jeux soi-disant exclusivement francophones fut en fait Donovan Bailey.
Elle a dit trois choses fausses dans son article et je le lui ai signalées l'une après l'autre. Je ne pense pas que ma lettre ait jamais été publiée et elle continue à cracher sa diatribe qui est truffée de contre-vérités.
Je dis cela parce que cela va dans les deux sens. À titre de parlementaires, je crois que nous pouvons entre autres aider les gens à ouvrir les yeux sur les avantages qui existent de part et d'autre. C'est la raison pour laquelle, Marcel, il est très important que vous alliez dans l'ouest du Canada, comme vous l'avez fait durant toutes ces années, parce que beaucoup de gens qui sont les plus montés contre le bilinguisme et qui ne veulent pas entendre parler des obstacles auxquels se heurte le français sont des gens qui n'ont jamais eu la possibilité d'ouvrir les yeux sur cette autre réalité. Cela va donc dans les deux sens. C'est la raison pour laquelle je crois aussi beaucoup aux programmes d'échanges. Parce que, lorsqu'on laisse de côté la politique et les questions de langue et que les gens font connaissance, passent du temps ensemble, ils apprennent à se comprendre et à se respecter mutuellement. C'est une question de respect mutuel.
Je suis donc d'accord. Un monsieur m'a passé une note - je ne sais pas s'il est toujours ici - dans laquelle il m'accusait essentiellement d'être un traître. Il m'a traité de collaboratrice - d'être la femme qui a vendu le Canada. Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec lui, mais Dieu merci son opinion est toujours celle de la minorité. Si vous continuez vos efforts et si nous continuons les nôtres, j'espère que cette minorité deviendra encore plus petite.
La coprésidente (Mme Guarnieri): Sur ce point, j'aimerais remercier la ministre d'avoir présenté la question des langues officielles dans une perspective si positive. Je suis sûre que nous en tiendrons compte dans nos délibérations. Je vous remercie.
[Français]
La séance est levée.