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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 octobre 1996

.1613

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous allons commencer. C'est la 31e séance que le comité consacre à l'étude du projet de loi, et ce sera la dernière. Nous accueillons aujourd'hui trois témoins qui vont nous exposer un point de vue nouveau sur la question.

Monsieur Pearce, vous voudriez peut-être commencer? Je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer comment nous procédons.

M. Rick Pearce (président, Association des ports et havres du Canada): Merci, monsieur le président. Nous sommes très heureux de comparaître devant le comité aujourd'hui.

L'Association des ports et havres du Canada représente la majorité des ports commerciaux au Canada. M. René Paquet, président de la Société du port de Québec, et M. Mervyn Russell, président de la Société du port de Halifax, m'accompagnent.

La Société canadienne des ports et havres du Canada regroupe 28 sociétés ou services, depuis Vancouver, le plus grand port au Canada, jusqu'à la Direction générale des havres et des ports, qui gère une multitude de ports de petite taille. Elle compte également 17 membres associés, qui représentent d'autres niveaux de gouvernement et les usagers des ports.

Quelle que soit leur taille ou leur niveau d'activité, tous les organismes membres de l'Association seront touchés de façon non négligeable par les mesures proposées dans le projet de loi C-44. Nous avons tous trois été autorisés par notre association à représenter l'ensemble des membres et à vous exposer les préoccupations que le projet de loi nous inspire.

S'il est vrai que certaines dispositions du projet de loi C-44, intitulé Loi maritime du Canada, amélioreront l'administration des ports au Canada, d'autres, si elles sont mises en oeuvre telles quelles, nuiront considérablement à l'autonomie et à la position concurrentielle des ports canadiens, allant ainsi à l'encontre des objectifs fixés dans la Politique maritime nationale.

Les principaux ports canadiens sont une source d'activité économique pour l'ensemble du pays, et ils n'ont pas été une charge pour le gouvernement. Selon ce que nous avons pu constater, à la lumière de vastes enquêtes, la nouvelle loi aura des répercussions importantes sur la rentabilité de notre secteur d'activité et, par conséquent, sur le bien-être économique du Canada. La réalité toute simple, c'est que nous ferons le jeu de nos concurrents, les ports américains, qui sont lourdement subventionnés soit parce qu'ils ont le pouvoir de lever eux-mêmes des impôts, soit parce qu'ils reçoivent des subventions gouvernementales ou profitent de programmes relatifs aux immobilisations et même à des travaux d'entretien comme le dragage.

.1615

Je vais maintenant céder la parole à M. Paquet.

M. René Paquet (Association canadienne des ports et havres du Canada): Merci, monsieur Pearce.

Monsieur le président,

[Français]

j'ai noté avec beaucoup d'attention que vous en étiez à votre 31e séance d'audiences sur le projet de loi C-44. Donc, je ferai en sorte que mes propos soient le plus brefs possible.

Les représentations qui vous sont faites depuis un certain temps - j'ai eu l'occasion de le faire la semaine dernière au nom de la Société du Port de Québec et je vous remercie à nouveau de nous avoir rendu visite - reflètent un large consensus et même, sur certains points essentiels, une unanimité rarement vue au Canada chez les intervenants du milieu portuaire.

La nouvelle politique maritime annoncée par le gouvernement du Canada et le produit fini qu'on appelle le projet de loi C-44 ont donné la chance à des Canadiens d'est en ouest de mieux se connaître, de mieux se comprendre et de travailler ensemble pour permettre au gouvernement du Canada d'atteindre des objectifs précis dans le cadre d'une réforme importante et essentielle.

Quand je parle des ports du Saint-Laurent, je parle du Port de Montréal et du Port de Québec, qui sont déjà désignés en annexe au projet de loi C-44, et je parle aussi d'un certain nombre de ports régionaux qui ont fait une demande en vue de devenir des autorités portuaires canadiennes.

Donc, les ports du Saint-Laurent sont partie à ce large consensus et ont besoin d'être membres à part entière d'un réseau portuaire national bien structuré. C'est pour cela qu'on parle de l'importance du statut d'agence fédérale. Mon collègue, M. Russell, aura l'occasion de vous en dire quelques mots plus tard.

On a besoin d'un système portuaire national bien structuré et doté d'un conseil d'administration représentatif et bien équilibré. C'est aussi l'un des enjeux majeurs sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir.

Nous avons besoin d'un réseau portuaire national souple avec des pouvoirs étendus qui vont permettre à nos ports de fonctionner de façon commerciale, tel que le veut le gouvernement avec sa nouvelle politique, ce qui implique que nous devrons avoir pour chacun des ports des lettres patentes adaptées à leurs besoins.

Enfin, nous avons besoin d'un réseau portuaire national compétitif. Comme vient de le mentionner M. Rick Pearce, la véritable concurrence des ports canadiens, que ce soit les ports du Saint-Laurent, des Maritimes ou de la côte ouest, vient des ports américains. En contrepartie, notre pays a besoin d'un système portuaire pancanadien efficace pour affronter la concurrence dans un contexte de globalisation des marchés, pour maintenir les nombreux emplois générés par l'industrie portuaire et, enfin, pour créer de nouveaux emplois dont nous avons tant besoin ici, au Canada.

En maintenant un système portuaire pancanadien fort, vous pourrez contribuer à l'unité nationale de notre pays qu'est le Canada.

En retenant les amendements suggérés pour améliorer le projet de loi C-44, le gouvernement du Canada sera en mesure d'atteindre les objectifs qu'il s'est donnés en rendant publique sa politique maritime. Je vous rappellerai rapidement un certain nombre de ces objectifs: accroître l'efficacité, réduire les coûts, accorder aux utilisateurs plus de contrôle sur leur port, améliorer la rapidité des décisions commerciales, éliminer les infrastructures bureaucratiques et permettre aux ports de répondre efficacement aux besoins de leurs clients.

En terminant, je me permettrai de citer les propos de l'honorable David Anderson, ministre des Transports, qui déclarait devant votre comité le 26 septembre dernier:

La modernisation du secteur maritime a un lien direct avec les emplois et la croissance économique... Un réseau de transport solide et plus efficace nous offrira des possibilités sur le marché mondial... Bien entendu, la création d'emplois suivra.

Les représentations qui vous ont été faites par les ports et par l'Association des ports aujourd'hui vont dans le même sens que la politique du gouvernement. Nous y souscrivons entièrement dans la mesure où vous serez en mesure vous-mêmes de recommander un certain nombre d'amendements pour améliorer le projet de loi C-44.

.1620

Je demanderai maintenant à mon collègue, le président du conseil d'administration de la Société du port de Halifax, M. Mervyn Russell, de vous exposer son point de vue.

[Traduction]

M. Mervyn Russell (Association des ports et havres du Canada): Merci, monsieur Paquet.

Monsieur le président, pour faire vite, je vais m'en tenir aux principales questions qui préoccupent nos membres et dont le gouvernement canadien devrait aussi se soucier.

Nous croyons savoir que vous avez entendu plus de 75 exposés. Nous ne voulons pas reprendre toutes ces observations. Nous sommes plutôt ici pour commenter les recommandations qui ont découlé des enquêtes.

À propos du statut fédéral des ports, pour commencer, nous exhortons le comité à faire en sorte que les ports du Canada, aux termes du projet de loi C-44, aient un statut fédéral. Notre grande crainte, c'est que les administrations portuaires canadiennes, si elles n'ont pas une identité fédérale bien affirmée, ne puissent être soumises à divers pouvoirs aux niveaux provincial et municipal, comme les pouvoirs en matière d'imposition, de zonage et de services de police, ce qui pourrait avoir des répercussions défavorables d'une grande portée. Nous proposons donc d'ajouter à l'article 5 un paragraphe qui dirait quelque chose comme ceci: «Aux fins de la présente loi, les administrations portuaires sont des agents de la Couronne.»

En ce qui concerne la capacité et les pouvoirs, le paragraphe 24(2) restreint l'autorité donnée aux administrations portuaires aux activités dans le port qui sont directement liées «à la navigation, au transport des passagers et marchandises, et à la manutention et l'entreposage des marchandises». Cette disposition ne tient absolument pas compte du fait que de nombreuses administrations portuaires sont actuellement propriétaires de terrains qui peuvent être mis en valeur par des activités commerciales rentables. Le paragraphe 24(2) exclut ainsi une foule d'activités commerciales. Par exemple, seraient exclues des activités à valeur ajoutée importantes comme celles concernant l'automobile dans les ports du Fraser et de Halifax.

Il semble que les activités de transformation et de fabrication de produits seraient également exclues, ce qui pourrait avoir des répercussions graves sur des ports comme celui de Hamilton, avec ses usines de sidérurgie, et celui de Sept-Îles, qui a une aluminerie. Il pourrait être interdit au port de Vancouver d'offrir des services et installations qui sont essentiels à son secteur de navigation de croisière. Il en irait de même pour les ports de Montréal, de Québec, de Halifax et d'autres destinations de croisière.

Nous recommandons que la locution «ne... que» soit supprimée au paragraphe 24(1) et qu'on ajoute le nouveau paragraphe 24(2) que voici:

Il est crucial qu'on accorde aux ports le statut fédéral et qu'on modifie les dispositions sur la capacité et les pouvoirs dans le sens proposé, car ces deux mesures favoriseront la mise en place d'un système portuaire national fort et fonctionnant selon le modèle commercial.

Quant à la régie, les membres qui ont répondu au questionnaire de l'APHC sont unanimes en ce qui a trait aux dispositions du projet de loi C-44 concernant la taille du conseil. Ils estiment tous que le nombre de membres du conseil doit être fonction des besoins de chaque port. Ils recommandent en général de trois à neuf membres, le nombre préconisé se situant le plus souvent entre cinq et sept. De nombreux répondants ont ajouté qu'un groupe donné pouvait compter au conseil le plus grand nombre de membres, mais non la majorité. Le tableau 1 de notre mémoire propose une solution aux questions de taille du conseil et de nombre de membres.

Nous recommandons que l'alinéa 6(2)f) soit amendé pour se lire ainsi:

Nous recommandons en outre de laisser tomber l'exigence voulant que le premier dirigeant fasse partie du conseil d'administration.

À propos de la redevance, l'alinéa 6(2)h) du projet de loi C-44 dispose, ce qui a des répercussions sur la compétitivité, que l'administration portuaire doit payer annuellement au ministre des frais calculés sur ses revenus bruts. Il ne s'agit pas là d'une pratique commerciale normale, car les sociétés paient normalement des dividendes sur leur revenu net ou à partir des bénéfices non répartis, une fois payées toutes les autres dépenses d'exploitation normales.

Nous croyons également comprendre que les fonctionnaires proposent maintenant une formule progressive pour calculer la redevance à partir des revenus bruts. La redevance serait prélevée en priorité sur les revenus des ports. Pour accroître leurs revenus, certains ports devront contracter des emprunts et verser à Ottawa un certain pourcentage des nouveaux revenus. Cela aura un impact très important sur la rentabilité d'un projet. Nous recommandons par conséquent que l'alinéa 6(2)h) soit amendé et dise que tout paiement versé à Ottawa sera calculé à partir des revenus nets et fondé sur la capacité de payer de l'administration portuaire.

.1625

Nous recommandons en outre que le ministre soit autorisé à suspendre ou à modifier les paiements.

En ce qui concerne la concurrence et le financement des projets d'immobilisations, il faut dire que tous les ports se disputent le transport des marchandises. Les États-Unis sont le grand concurrent du Canada. Il importe que les coûts liés à nos activités portuaires soient concurrentiels par rapport à ceux des ports américains. Nous ne pouvons pas nous permettre d'imposer à nos ports des frais multiples alors que les ports américains sont subventionnés de diverses manières: soutien financier direct par des impôts ad valorem, interfinancement, aide pour des projets d'immobilisation et des activités d'exploitation comme le dragage.

Il existe également aux États-Unis, des véhicules de crédit novateurs comme des obligations de collectivité locale, des obligations-recettes et des obligations pour le développement industriel dont le taux d'intérêt est bien inférieur. Ces titres n'existent pas au Canada. Nous pourrions obtenir des taux d'intérêt concurrentiels en fournissant en garantie aux institutions financières des actifs portuaires.

Nous recommandons par conséquent que le paragraphe 27(3) soit amendé pour autoriser la mise en gage de tout actif dont l'administration portuaire est seul propriétaire.

En matière de fiscalité, le projet de loi ne dit absolument rien des formes d'imposition, si bien que les administrations portuaires sont réduites aux conjectures quant aux conséquences probables. Si le statut d'agent de la Couronne était accordé aux administrations, comme il est recommandé, le problème serait réglé. Il y a toutefois un autre problème à aborder. Il s'agit des changements auxquels devront s'adapter certains de nos membres parce qu'ils devront verser des subventions tenant lieu d'impôt. Pour certains, cela représentera des besoins financiers énormes, et il faudra échelonner dans le temps la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions.

Nous recommandons par conséquent que le CPT exige, pour les ports qui devront verser des subventions pour la première fois aux termes de la Loi sur les subventions aux municipalités, que les paiements soient calculés d'après la capacité de payer et que le nouveau régime soit mis en place progressivement sur une période de dix ans.

Pour ce qui est du recouvrement des frais de la Garde côtière, l'APHC estime que la GCC n'a établi que partiellement le coût de ses services, qu'elle sait peu de choses sur les besoins à venir et qu'elle n'a pas prouvé qu'elle avait maîtrisé ses coûts et avait ramené ses frais d'exploitation au plus bas niveau possible. Les efforts que la GCC déploie en ce moment pour donner suite aux recommandations du CPT laissent à désirer et restent en deçà de ce qui s'impose. Malgré cela, la GCC commence à imposer des frais et met en oeuvre de nouvelles pratiques sans vraiment en connaître l'incidence sur les utilisateurs.

Nous recommandons que le comité permanent ordonne un examen complet et réaliste du programme de recouvrement des coûts de la Garde côtière canadienne et de ses répercussions sur les ports et sur la compétitivité du Canada.

Au sujet des services de police, nos membres estiment que la sécurité relève des administrations portuaires. Les services de police courants sont du ressort des municipalités, pour les ports comme pour le reste de la collectivité. La GRC et les Douanes assurent la présence fédérale pour les grands dossiers de la criminalité. Nous soutenons en outre que, si le statut d'agent fédéral n'est pas accordé aux administrations portuaires, les ports seront soumis aux politiques provinciales sur les services de police.

Quel est l'effet cumulatif de ces problèmes? Pris isolément, chacun d'eux nuit gravement à la compétitivité des ports canadiens, mais, pris tous ensemble, ils ont un impact désastreux pour l'économie du Canada, l'emploi et la prospérité. Ces problèmes ne doivent pas être considérés isolément. Le tableau 4 de notre mémoire donne une image assez effrayante des conséquences financières de toutes les initiatives gouvernementales qui découlent du projet de loi C-44, du transfert de la GCC et des programmes de recouvrement des coûts.

M. Pearce: Mis à part les mesures qui portent sur les coûts, il est également important que les services portuaires fonctionnent de manière efficace et cohérente et qu'ils établissent et maintiennent des liens solides et constructifs avec les collectivités. Les administrations portuaires ont établi de vigoureux partenariats avec leurs collectivités en prenant acte de certaines des aspirations sociales et en veillant à la coordination avec leurs propres programmes de développement économique. Il faut, dans l'ensemble du projet de loi C-44, tenir compte de ces relations tout à fait particulières. Nous craignons que le projet de loi C-44, dans sa version actuelle, n'instaure un climat d'opposition entre les ports et les collectivités.

Il faut également comprendre une chose: le Canada est un pays commerçant qui est bordé par quatre mers. Son bien-être économique dépend presque entièrement du commerce international. Pour exister, le Canada a besoin du commerce, et pour que le commerce existe, le Canada a besoin d'un réseau portuaire national solide, concurrentiel et financièrement autonome.

.1630

L'Association des ports et havres du Canada, forte de l'expérience de ses membres, sait qu'il est possible d'améliorer le projet de loi C-44. Nous estimons que nos recommandations permettront de le faire, car nous croyons que c'est par ses services de transport que notre pays restera uni, et aussi par la volonté de sa population.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, messieurs.

J'ai remarqué, monsieur Pearce, que vous donniez un appui très ferme à une partie de nos côtes, la partie septentrionale. J'en déduis évidemment que vous soutenez fortement le port de Churchill, ce dont nous aurons l'occasion de discuter ce soir.

Monsieur Caron, avez-vous des questions à poser?

[Français]

M. Caron (Jonquière): Je vous remercie pour votre présentation. Je sais que ce sont les dernières séances, mais pour moi, qui suis membre du comité à la suite d'un concours de circonstances, ce sont les premières séances. En tout cas, je suis agréablement surpris de la qualité de votre présentation et du travail qui a été fait par votre association.

J'ai particulièrement apprécié la remarque de M. Paquet qui disait que, dans le fond, la concurrence vient des ports américains et que nous avons besoin d'un système de ports canadiens fort.

J'ai suivi le comité depuis le début et j'ai lu les mémoires. Il y avait des objectifs de privatisation, de commercialisation et de rentabilité dans tout cela. J'avais une certaine difficulté à percevoir si l'intention du gouvernement du Canada était vraiment de continuer à fournir au Canada un système portuaire fort, et non pas simplement un ensemble d'entités qui se juxtaposent et qui ont une certaine rentabilité comme le Port de Québec, celui de Montréal, celui d'Halifax et celui de Vancouver. J'avais un peu de peine à voir qu'il y avait dans tout cela une coordination, une structure, quelque chose qui faisait qu'on est un pays, qu'on a un système de ports qui nous permet de faire face à la concurrence américaine.

Soyez assurés que du côté de l'Opposition officielle, que je représente, on va examiner avec attention les propositions d'amendement que vous faites. Je pense qu'il est important que, comme pays, le Canada - je ne veux pas faire de débat constitutionnel - ait un réseau qui se tient, qui est capable de faire face à la concurrence américaine, qui garde une certaine identité canadienne, et que notre système de ports ne soit pas simplement la juxtaposition d'un certain nombre d'entreprises industrielles qui, dans certains cas, vivent bien et, dans d'autres cas, vivent mal selon les lois du marché.

C'était simplement un commentaire. Je vous remercie de votre prestation et je suis heureux d'avoir pu assister à cette dernière séance.

Merci.

[Traduction]

Le président: Roy, avez-vous des questions?

M. Cullen (Etobicoke-Nord): Oui, je vous remercie, monsieur le président.

Merci, messieurs, de votre excellent exposé.

L'une des choses que vous avez dites, à propos de la redevance, c'est qu'elle doit être calculée à partir des revenus nets et en tenant compte de la capacité de payer de l'administration portuaire. Sans trop entrer dans les détails, comment pourriez-vous définir la capacité de payer? Faut-il tenir compte des perspectives d'avenir, tenir compte du réinvestissement d'une partie des rentrées? Est-ce qu'il faut se situer strictement sur le plan des mouvements de trésorerie? Quelle définition faut-il adopter, selon vous?

M. Russell: Est-ce que je peux parler en ma qualité de président de la Société du port de Halifax pour expliquer comment j'envisage la question?

M. Cullen: Bien sûr.

M. Russell: Nous sommes une petite entreprise dont la valeur s'élève à 13 millions de dollars, et nous avons des rentrées d'environ 4 millions de dollars. Nous avons réalisé des bénéfices de0,5 million l'an dernier. C'est tout, pour l'essentiel.

.1635

En prévision de la phase post-Panamax, nous devons dépenser 46 millions de dollars pour modifier l'infrastructure. Je parle ici uniquement de la situation de mon port. Je suis sûr que ces messieurs diraient à peu près la même chose. Si on effrite le potentiel, qu'il s'agisse des rentrées ou des revenus nets, je me retrouverai en difficulté.

Un ou deux autres points me préoccupent.

L'un des problèmes, ce sont les coûts qui sont simplement répercutés. Dans le cadre des activités portuaires, nous vendons de l'eau. Les navires ont parcouru des milliers de milles et doivent faire le plein d'eau. Pour moi, c'est simplement un coût à répercuter, tout comme l'électricité. Il ne me plaît pas du tout que ces coûts fassent partie des revenus, et que la redevance soit calculée à partir de ces revenus. Cela va à l'encontre des règles normales dans le contexte commercial qui est le nôtre. Je paie en fonction des bénéfices nets.

On peut prévoir des garanties. Les livres sont ouverts et on fixe les règles. Il ne devrait pas être si difficile de calculer la redevance à partir des revenus nets plutôt que des revenus bruts.

M. Pearce: Nous disons que, si c'est la redevance qui en entrave le développement, il peut arriver, dans l'évolution d'un port - j'ignore de quel port il pourrait s'agir - , qu'il ait besoin d'une suspension de la redevance pendant un an, deux ans, peu importe la durée, pour traverser une période difficile. La disposition est là pour cela. Elle n'est pas là pour qu'on puisse dire qu'on va payer la redevance ou qu'on ne va pas la payer. Elle doit être suspendue en cas de besoin.

M. Cullen: Si quelqu'un venait me dire que je dois payer une taxe - mais ne parlons pas de taxe à propos d'une redevance - , je pourrais lui répondre que je peux employer utilement cet argent autrement.

Je comprends votre point de vue, à propos du calcul qui devrait se faire à partir des revenus nets. Mais j'ai du mal à voir comment on peut dire si un port est efficace ou non en ne tenant compte que des revenus nets. Comment pouvez-vous nous aider à définir la capacité de payer? C'est si vague.

La capacité de payer d'un port est une notion si vague, quand on tient compte par exemple de ce que vous avez dit, monsieur Russell, du réinvestissement dans l'entreprise et des autres charges à assumer.

M. Russell: Eh bien, monsieur Cullen, si vous prélevez sur les revenus bruts... Pour commencer, vous avez à mon encontre un privilège dès le départ. Vous avez un privilège supérieur, de première qualité, lorsque j'essaie de me procurer des revenus. Si vous prélevez quoi que ce soit sur mes rentrées, c'est un facteur dont nous allons devoir tenir compte pour réunir les capitaux afin de faire croître et progresser l'entreprise.

Prenons le port de Halifax. Une partie de son infrastructure est vétuste. Nous devons réparer sans cesse.

Nous pourrions peut-être resituer le problème dans cette perspective. Notre travail, à Halifax, ne consiste pas en fait à dégager des bénéfices. Nous le reconnaissons. Si nous voulions faire plus d'argent, nous augmenterions nos prix, quitte à devenir moins concurrentiels, et nos bénéfices seraient plus importants. Mais nous sommes un créateur d'emplois. Nous créons une économie très dynamique en fournissant 7 000 emplois directs et indirects. Il faudrait probablement revoir ces chiffres si une partie de nos revenus bruts était prélevée.

Nous n'avons pas les yeux rivés sur les résultats financiers. Au fond, notre premier objectif est d'être un port très efficace et de servir nos clients, mais nous visons aussi à stimuler l'économie.

M. Pearce: Si je puis ajouter quelques mots à ce sujet, il y a un certain nombre de frais que le gouvernement provincial songe à imposer aux ports ou qui, à cause des mesures qu'il prend, vont être imposés aux ports.

Je vais maintenant endosser ma tenue de président de port. Nous allons hériter d'un programme de dragage de la Garde côtière canadienne, activité dont nous n'avons pas eu à nous charger jusqu'ici. Nous avions un marché avec la Garde côtière. Mais les règles changent, et nous allons devoir nous occuper de cela. Nous allons probablement devoir verser des subventions tenant lieu d'impôt, si notre actuel système de commissions portuaires disparaît. Ce sont peut-être des dépenses à déduire des revenus avant le prélèvement de la redevance.

Quant à la capacité de payer, on pourrait peut-être soustraire la redevance, soustraire également ces autres coûts, et recalculer ensuite la redevance, et on parviendrait peut-être ainsi à établir la capacité de payer.

La redevance ne devrait pas priver le port de tous ses moyens. C'est ce que nous disons. Elle devrait être imposée à la toute fin, pas dès le début.

.1640

Le président: Puis-je poser une question dans le même ordre d'idées? Nous avons consacré pas mal de temps à ce débat; un certain nombre de groupes et des membres du comité en ont parlé. Le modèle qui revient souvent est celui des principes comptables généralement admis qu'on utilise dans les entreprises. Une observation est revenue hier soir quand nous discutions de cette question, soit que, dans une entreprise dont les actions sont cotées en bourse, il y a une meute d'actionnaires qui exercent une surveillance étroite et réclament leurs dividendes. Il y a des pressions pour que la comptabilité se fasse de manière que l'entreprise déclare des dividendes. Aucune pression de cette nature ne s'exerce sur les ports. Dans le débat sur le calcul de la redevance à partir des revenus bruts ou des revenus nets, pourquoi insister? Qu'est-ce qui garantit que le gouvernement va toucher ce qui lui revient?

M. Pearce: Je vais encore me placer du point de vue de notre administration portuaire. Je dois obéir à un conseil d'administration qui cherche à réaliser des bénéfices. Nous avons la responsabilité de rembourser la dette. Pour y arriver, il faut réaliser des bénéfices, et, bien entendu, cela n'engloutit pas tous les revenus. Il y a aussi l'amortissement qui est utile à cet égard. Aucune entreprise dirigée correctement ne devrait être en mesure de recourir à des stratagèmes pour dissimuler des bénéfices. Pour notre part, nous ne le faisons pas.

Le président: Monsieur Pearce, c'est très étrange. Cette affirmation me plaît, mais chaque fois que je dis la même chose à un comptable, il rit de moi.

M. Pearce: Je suis comptable; et je ris.

Des voix: Oh, oh!

M. Pearce: Nous croyons qu'il y a moyen de fixer des règles et d'élaborer une structure pour protéger le gouvernement.

Le président: Ce que vous avez dit des rapports avec le remboursement de la dette m'a paru intéressant.

Monsieur Keyes.

M. Keyes (Hamilton-Ouest): Merci, monsieur le président.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter. L'Association des ports et havres du Canada a présenté un rapport qui repose sur une réflexion très approfondie. Il y a environ un mois, je me suis rendu à Halifax pour la réunion de l'Association. Je suis allé dire aux participants que, s'ils voulaient venir témoigner devant le comité, ils faisaient mieux de venir armés d'une solide argumentation et en ayant des amendements déjà rédigés pour que personne n'ait à essayer de deviner ce qu'il y a à faire après avoir écouté leur témoignage. Ils ont suivi tous ces conseils.

Ce n'est qu'un autre exemple qui montre à quel point les milieux portuaires ont adopté une attitude responsable, monsieur le président. Je tiens à féliciter Mervyn, Rick et René de tout le travail qu'ils ont accompli non seulement pour leurs ports, pris individuellement, mais aussi pour une association qui représente tout un milieu.

Je voudrais revenir aux observations de M. Caron. Moi non plus, je ne veux pas m'engager dans les questions politiques qui peuvent surgir dans ce genre de dossier.

Au sujet de la disparition de la Société canadienne des ports, M. Caron fait probablement écho à des préoccupations que certains témoins ont exprimées au comité, monsieur le président. Essentiellement, ils s'interrogent sur le lien qui unira tous les ports lorsqu'ils commenceront à agir indépendamment l'un de l'autre et à se concurrencer entre eux, car certains sont situés très près les uns des autres. Nos témoins seraient-ils d'accord pour dire que, si les administrations portuaires canadiennes obtenaient le statut d'organisme fédéral, cela aiderait à créer un réseau portuaire national, que cela constituerait le lien que le pays recherche pour solidariser les ports face au monde entier, dans une économie mondialisée, et les amener à livrer concurrence dans l'intérêt non seulement de chaque port, mais de l'ensemble du pays?

M. Pearce: Je suis plutôt d'accord. Je vais endosser mon uniforme de l'APHC pour dire que notre association peut jouer un grand rôle afin d'assurer l'unité, la cohésion dont vous avez parlé. En ce moment, nous donnons des séminaires de formation à nos membres. Nous avons une réunion annuelle. Nous échangeons de l'information régulièrement. Nous sommes maintenant prêts à franchir une nouvelle étape.

Nous ne voulons plus de structures comme celle de Ports Canada, mais il est vrai qu'il y a des personnes très bien qui travaillent à Ports Canada. Peut-être pourrions-nous créer un groupe de trois, quatre ou cinq personnes, par l'entremise de qui nous ferions rapport au ministre. Nous ne ferions pas rapport à ce groupe mais, par son entremise, au ministre. C'est peut-être la solution.

.1645

Je cède la parole à mes collègues.

M. Russell: Monsieur le président, c'est peut-être un cas où la nécessité a été la mère de l'invention. Ces derniers mois, surtout après la réunion du mois d'août, on a beaucoup fait remarquer au sein de l'APHC qu'il n'y avait jamais eu autant de coopération entre les ports de tout le Canada que depuis qu'on étudiait le projet de loi C-44.

Une voix: Et entre les associations de pilotes également.

M. Russell: Est-ce vrai?

C'est absolument étonnant, en ce qui concerne l'APHC. Le défi nous a été lancé, et nous avons acquis une grande cohésion. En fait, notre exposé a été approuvé à l'unanimité à la réunion annuelle et la participation, soit par les sondages, soit par les conversations qui ont eu lieu au cours des réunions préparatoires à la présentation de notre mémoire aujourd'hui, a contribué à nous rapprocher.

Je peux également parler à un autre titre. Je fais partie de la SCP qui va disparaître. J'appartiens à cette race que le projet de loi C-44 va faire disparaître. Je ne me fais pas le porte-parole des membres de la Société, mais des gens de la SCP sont présents aujourd'hui. Don Morrisson est ici. Ce n'est pas une période facile pour eux. C'est très dur, c'est difficile, et je ne voudrais pas que leur rôle soit réduit. Lorsque j'ai été nommé au conseil de la SCP, il y avait 77 postes. Don Morrisson et son personnel ont rationalisé tous les budgets de cette année, et ramené le nombre de postes à 33. Mais le travail se fait, et bien.

Les sociétés portuaires locales le savent fort bien, puisque leurs coûts ont diminué. Il existe donc une nouvelle cohésion, et ce serait un surcroît si nous obtenions le statut d'organisme fédéral. Je ne répugne pas à arborer le drapeau, et je sais que tous les présidents seraient heureux de l'arborer eux aussi.

M. Keyes: Ce n'est pas un simple surcroît. Ce statut est indispensable à la rentabilité même de certains de nos ports, étant donné les possibilités du point de vue de la fiscalité et de l'impôt sur le revenu.

M. Russell: Absolument.

M. Paquet: Je suis heureux que vous ayez soulevé la question, monsieur Keyes.

Monsieur le président, c'est ce que j'ai essayé de faire ressortir dans mon bref exposé. Je pense que nous avons besoin d'un système portuaire canadien fort. Les ports du Saint-Laurent et du Québec veulent faire partie de ce système. Le Saint-Laurent est l'une des grandes voies maritimes du monde, et nous devons faire partie de ce système.

[Français]

Comme on dit en français, il faut être partie du maillon de la chaîne et le fleuve Saint-Laurent doit être un maillon fort de la chaîne de ports canadiens.

Le président: Très bien. Merci.

[Traduction]

M. Paquet: Nous sommes des ports canadiens et, comme M. Caron l'a déjà dit, nous avons un réseau canadien solide, pas seulement des ports qui, pris individuellement, peuvent réussir commercialement. Il nous faut plus que cela. Il faut que nous ayons des liens entre nous. Pour avoir ces liens, nous devons être reconnus comme organismes fédéraux.

Le travail d'un directeur de port, d'un président de port, ce n'est pas simplement de rester à son bureau à attendre les appels téléphoniques. C'est une entreprise internationale. Nous devons faire une commercialisation internationale, et la bonne façon de s'y prendre et d'affronter la concurrence, c'est d'arborer le drapeau canadien, d'affirmer qu'on fait partie du réseau portuaire canadien, qu'on a le statut d'agent fédéral au Canada. C'est ainsi que nous pouvons faire bouger les choses.

Je peux peut-être donner un exemple. Depuis une dizaine d'années, le port de Québec travaille en très étroite collaboration avec la St. Lawrence Seaway Development Corporation des États-Unis. Nous sommes traités en égaux. À certains égards, nous sommes des concurrents, mais lorsqu'il est temps de faire un effort de commercialisation, cet organisme nous associe à ses initiatives parce que nous sommes des agents fédéraux, parce que nous sommes membres du réseau portuaire canadien.

M. Keyes: Merci beaucoup, René. Merci, messieurs. Merci, monsieur le président.

Le président: J'ajoute moi aussi mes remerciements. Les exposés des représentants des ports de tout le pays ont été intéressants et approfondis, et je pense que nous avons tous beaucoup appris. Les quelques prochains jours promettent d'être particulièrement intéressants, car nous devrons essayer d'en arriver à un ensemble d'amendements qui soient le produit de notre sagesse commune.

M. Pearce: Si nous pouvons être d'une quelconque utilité, s'il y a des questions, appelez-nous.

Le président: Monsieur Pearce, vous en avez déjà fait bien assez.

M. Pearce: Merci beaucoup. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. Vous voudrez peut-être rester un moment. Le prochain exposé pourrait beaucoup vous intéresser.

.1650

Une voix: M. McNeill a un gros sac.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Fred Mifflin, êtes-vous ici pour nous parler de dragage?

M. Fred Mifflin (directeur général, Government Investment Banking, Nesbitt Burns): Pas du tout.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur McNeill, je vous invite à présenter votre groupe et à faire votre exposé.

M. Neil McNeill (directeur général, Havres et ports, ministère des Transports): Merci, monsieur le président. C'est un honneur d'être le dernier témoin à ces audiences. Je pourrais dire que vous avez gardé le meilleur pour la fin, mais, comme j'ai été aussi l'un de vos premiers témoins, je vais garder cette réflexion pour moi.

Tout au long des audiences, le ministère des Transports s'est engagé à quelques reprises à fournir une documentation assez importante. Cela a pris la forme de notes d'information et de renseignements sur chacun des articles du projet de loi. Les derniers documents qui vous ont été présentés aujourd'hui sont les notes d'information concernant la redevance, ou les frais prélevés sur les revenus bruts, et la fiscalité des ports, ainsi que le guide sur la cession des ports, c'est-à-dire les lignes directrices sur la marche à suivre pour céder un port public. L'engagement le plus important que nous avons pris le premier jour des audiences portait sur le dépôt au comité du rapport de nos conseillers financiers, Nesbitt Burns.

Je voudrais maintenant vous présenter M. Fred Mifflin et M. Rick Byers. Vous avez sous les yeux le résumé du rapport. Ces témoins sont ici pour faire un exposé et répondre à vos questions sur les possibilités de financement.

M. Mifflin: Merci, Neil.

Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je suis directeur général du groupe Government Investment Banking, chez Nesbitt Burns.

Je tiens à signaler que je n'ai aucun lien de parenté avec l'actuel ministre des Pêches.

Mon collègue, Rick Byers, est vice-président de notre groupe Government Investment Banking. Nous comparaissons aujourd'hui pour présenter le rapport de notre société sur le financement des administrations portuaires canadiennes. Je crois savoir que vous avez déjà reçu notre rapport sommaire.

Nous entendons passer le rapport en revue rapidement avec vous, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Les éléments que nous allons voir sont les suivants: tout d'abord, la portée du mandat; deuxièmement, un aperçu du processus d'examen; troisièmement, la démarche que nous avons suivie pour évaluer l'autonomie financière des administrations portuaires canadiennes; quatrièmement, quelques questions clés en matière de financement que nous avons mises en évidence; enfin, notre évaluation de l'autonomie financière des éventuelles APC.

Transports Canada a retenu les services de Nesbitt Burns en juillet pour étudier les possibilités de financement des administrations portuaires canadiennes. Plus spécifiquement, le ministère nous a demandé de nous charger de deux tâches principales: premièrement, évaluer l'autonomie financière, la capacité d'endettement, les coûts d'emprunt estimatifs et la source de financement appropriée de chaque port figurant sur la liste des 19 ports qui peuvent demander à devenir des APC; deuxièmement, analyser les répercussions que pourraient avoir sur les possibilités de financement les changements de politique survenus depuis décembre 1995 et les amendements qui pourraient être apportés au projet de loi C-44. La liste des ports et des commissions portuaires que nous avons étudiés figure à la page 2 du rapport.

Pour nous acquitter de notre mandat, nous avons réuni une équipe de spécialistes de tous les services de notre société. En faisaient également partie deux membres des services de crédit aux sociétés de la Banque de Montréal, notre société mère, qui se sont intéressés aux questions de crédit liées à l'accès au financement bancaire. Au cours des derniers mois, nous avons rencontré personnellement les cadres supérieurs de chacun des 19 ports dont Transports Canada nous a donné la liste. Ces rencontres ont été importantes pour notre examen, car elles ont permis à notre équipe de comprendre plus à fond les problèmes auxquels chacun de ces ports doit faire face. Elles nous ont également permis d'évaluer directement la qualité et l'état des actifs des ports.

Outre ces réunions, nous avons rencontré des représentants des quatre grandes agences de cotation en Amérique du Nord - deux agences américaines et deux canadiennes - ainsi que des investisseurs institutionnels qui pourraient acheter à l'avenir des titres de dette des APC. Tous ces contacts nous ont donné des connaissances de première main permettant de comprendre les questions spécifiques auxquelles les APC doivent s'attaquer dans leur processus de financement.

.1655

En ce qui concerne la façon d'aborder l'évaluation de l'autonomie financière, nous ne nous proposons pas de révéler en détail la démarche que nous avons suivie pour dégager nos conclusions sur l'autonomie financière de chaque port. Cette information se trouve au chapitre 3 de notre rapport. Nous préférons insister sur quelques éléments clés de notre démarche.

Notre approche comportait une évaluation quantitative et une évaluation qualitative. La première a porté sur les plans d'entreprise établis par la direction des ports, plans qui comprenaient les prévisions sur le rendement financier et les besoins en immobilisations des cinq prochaines années. À partir de là, nous avons élaboré un modèle financier complet pour chaque port, ce qui nous a permis d'estimer les rentrées futures de chacun et ainsi d'évaluer l'autonomie financière dans chaque cas.

L'évaluation qualitative a porté sur un certain nombre d'autres facteurs, qui indiquent dans quelle mesure les rentrées estimées peuvent se maintenir. Voici quelques-uns des principaux facteurs. Le port a-t-il des contrats à long terme avec des exploitants? Les marchandises acheminées par le port sont-elles bien diversifiées? Le port doit-il affronter la concurrence internationale ou la concurrence des autres modes de transport? Enfin, la direction du port a-t-elle de l'expérience et est-elle capable de fonctionner dans un cadre concurrentiel?

L'ensemble de ces facteurs quantitatifs et qualitatifs nous a permis de tirer une conclusion sur les possibilités de financement de chacun des dix-neuf ports et commissions portuaires étudiés. Rick va vous parler de notre évaluation dans un instant, mais auparavant, je tiens à dire un mot des questions de financement qui ont été soulevées par les témoins précédents.

Au cours de notre étude, nous avons relevé un certain nombre de questions de politique qui ont une incidence sur notre évaluation de l'autonomie financière. Ces questions se retrouvent à la partie 4 du rapport. Je voudrais traiter brièvement de trois de ces questions qui portent sur des dispositions particulières du projet de loi.

La première question est celle des impôts municipaux. En ce moment, le montant des impôts municipaux que les ports et les commissions portuaires doivent payer est bien défini. Les sociétés portuaires locales versent des subventions tenant lieu d'impôt. Les commissions portuaires ne paient pas d'impôts municipaux. Par contre, d'après le libellé actuel du projet de loi C-44, le montant des impôts municipaux à payer demeure incertain. Cette incertitude fait problème sur le plan du financement. Faute d'informations plus nettes, les investisseurs retiennent comme hypothèse le niveau le plus élevé d'imposition, c'est-à-dire le montant total des impôts municipaux.

Du point de vue du financement des ports, il serait préférable que les APC puissent établir avec certitude le montant des impôts municipaux ou des subventions tenant lieu d'impôt qu'elles devront payer. Cela améliorerait indéniablement les possibilités de financement.

La deuxième question est celle de l'étendue des activités des ports. Le projet de loi C-44, dans sa version actuelle, restreint les activités dans lesquelles les APC peuvent s'engager. Cette disposition a suscité beaucoup d'intérêt dans les ports, étant donné la diversité de leurs activités actuelles. Les témoins qui nous ont précédés ont abordé la question eux aussi.

Au bout du compte, il faut évaluer les activités des ports au cas par cas, pour établir l'impact sur les possibilités de financement. Par conséquent, tant et aussi longtemps que le port ne se lance pas dans des activités trop étendues ou dissociées des opérations portuaires ou de la gestion des navires, trop éloignées des compétences de base de la direction ou des objectifs directs du port, une expansion modeste de la portée des activités portuaires ne nuirait pas aux possibilités de financement des ports.

La troisième question que je voudrais signaler est celle de la mise en gage d'actifs pour contracter des emprunts. L'article 27 de la version actuelle du projet de loi C-44 interdit aux ports d'hypothéquer des biens pour garantir des emprunts. Les ports ne pourraient mettre en gage que leurs recettes.

.1700

À notre avis, la capacité de mettre en gage des actifs est un facteur important pour les ports qui veulent se financer auprès des banques. Cela vaut pour les APC, étant donné qu'un grand nombre d'entre elles s'adresseraient aux banques pour obtenir le financement nécessaire. Par conséquent, l'autorisation de mettre en gage des actifs leur donnerait plus de souplesse dans leurs activités d'emprunt. Nous croyons que cela améliorerait leur viabilité commerciale à long terme.

Je vais maintenant céder la parole à Rick Byers, qui va passer en revue nos conclusions sur l'autonomie financière.

M. Richard Byers (vice-président, Government Investment Banking, Nesbitt Burns): Merci, Fred. Notre évaluation de l'autonomie se trouve à la partie 5 de notre rapport, qui commence à la page 24.

Parmi les 19 ports et commissions portuaires que nous avons étudiés, nous croyons que 17 sont financièrement autonomes et que deux ne le sont pas. Je voudrais rapidement passer en revue quelques-unes de nos conclusions au sujet de certains ports et de certaines commissions portuaires.

Nous avons conclu que la Commission portuaire d'Oshawa et les Commissaires du port de Toronto n'étaient pas financièrement autonomes.

Dans le cas d'Oshawa, la capacité de la Commission d'utiliser les biens est incertaine, ce qui a des répercussions sur les opérations portuaires. Il y a peu de trafic dans le port à l'heure actuelle. En outre, d'importants travaux de dragage s'imposent, ce qui coûtera plus que la totalité des réserves existantes. Nous avons donc estimé que le port n'était pas autonome financièrement.

En ce qui a trait à Toronto, les opérations actuelles ne produisent pas de rentrées suffisantes pour couvrir les dépenses prévues pour l'entretien et les immobilisations. De plus, une subvention de la ville de Toronto qui ne serait pas applicable dans un contexte commercial constitue une partie importante des revenus du port. Selon nous, la situation actuelle n'autorise pas de prêts commerciaux. Nous avons donc conclu que le port de Toronto n'était pas financièrement autonome.

Parmi les 17 ports que nous considérons comme financièrement autonomes, nous en avons étudié quatre de façon plus détaillée. Ce sont les ports de Vancouver, du Fraser, de Québec et de Sept-Îles.

La Société du port de Vancouver a récemment contracté une dette importante pour financer la construction de Deltaport, une importante installation de manutention de conteneurs. La question qui se pose à Vancouver est de savoir si le port peut assurer le service de cette dette à l'avenir, sur des bases commerciales. Nous croyons que, en modifiant légèrement le plan d'entreprise pour tenir compte de rajustements raisonnables que pourrait occasionner un milieu de fonctionnement plus commercial découlant du projet de loi C-44 et en allongeant la période d'amortissement de la dette existante, le port pourrait honorer ses engagements financiers et donc être financièrement autonome.

La grande question, à propos de la Commission portuaire du fleuve Fraser, est celle des futures dépenses de dragage. Par le passé, ces coûts étaient assumés par la Garde côtière. Si les frais de dragage du port s'élevaient à 3 millions de dollars, comme l'estime la GCC, le port ne serait pas financièrement autonome. Nous croyons savoir que ces coûts n'ont pas encore été confirmés et que le régime de recouvrement des coûts de la GCC n'est pas définitivement établi. Nous croyons également savoir que le port a des entretiens avec la GCC et envisagerait de recourir aux services de dragage du secteur privé. L'issue de ces entretiens sera un facteur déterminant pour l'autonomie financière.

En ce qui concerne la Société du port de Québec, le problème tourne autour de certaines dépenses en immobilisations figurant dans le plan d'entreprise et qui peuvent être considérées comme discrétionnaires et non absolument nécessaires à l'exploitation du port. Si ces dépenses discrétionnaires sont retirées du plan, le port est financièrement autonome, selon nous.

Enfin, dans le cas de Sept-Îles, il s'agit de savoir si la dette actuelle du port contractée auprès du Fonds de prêts interportuaires pourrait être financée auprès de prêteurs commerciaux. Après étude du contrat, nous croyons que le financement commercial serait possible pourvu qu'aucun problème juridique ne soit associé à la signature du contrat, que les prêteurs soient satisfaits de la qualité du crédit des parties contractantes et, enfin, que le port ait honoré ses obligations contractuelles.

M. Mifflin: Monsieur le président, cela met fin à notre exposé. Nous nous empresserons de répondre à vos questions.

Le président: Monsieur McNeill, avez vous quelque chose à ajouter?

M. McNeill: Non, monsieur le président. Le rapport financier mis à part, nous avons déposé tout le reste de la documentation demandée. Nous sommes donc prêts à répondre aux questions.

Le président: Merci. Monsieur Caron.

.1705

[Français]

M. Caron: Si je comprends bien, vous avez évalué 19 des ports. Vous avez examiné leur autonomie financière. Il y en a un certain nombre qui posent des problèmes, mais vous n'avez pas vu de problèmes particuliers aux autres ports comme Thunder Bay, Windsor ou Hamilton.

S'ils devenaient des APC, du point de vue financier, vous ne verriez pas de problèmes particuliers. C'est donc dire qu'ils pourraient s'administrer, faire fonctionner leurs installations, voir à ce que les choses fonctionnent de façon normale et rentable et de façon à ce que le gouvernement ne soit pas obligé d'injecter des fonds ou de leur accorder des subventions.

Dans les 19 ports que vous avez pu examiner, la situation est dans l'ensemble assez bonne.

[Traduction]

M. McNeill: Les 17 ports ou commissions ont une situation financière assez saine, mais les autres critères du projet de loi n'ont pas fait l'objet d'une évaluation approfondie. Je songe par exemple à la diversification du trafic, au marché international et aux liens avec les autres modes de transport. Nous n'avons pas encore terminé l'évaluation complète qui permettrait de dire si ces 17 entités répondent aux critères pour devenir des APC.

[Français]

M. Caron: Ce n'était pas dans vos attributions.

[Traduction]

Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

M. Caron: C'est bon.

[Traduction]

Le président: Monsieur Cullen.

M. Cullen: Merci, monsieur le président. Merci, messieurs. J'ai parcouru les rapports rapidement hier, et j'ai été vraiment impressionné, je dois dire, par la rigueur et la qualité de votre approche, et par la manière dont vous vous êtes acquittés de votre tâche.

J'ai quatre questions, dont deux sont plutôt d'ordre technique et deux portent davantage sur des principes, si on peut dire. Peut-être pourrions-nous d'abord écarter les premières. Je me demandais dans quelle mesure vos analyses et vos conclusions pouvaient varier en fonction de la fluctuation des taux d'intérêts, qui sont assez instables en ce moment.

M. Mifflin: Je vous remercie de vos compliments sur le rapport.

Pour établir le modèle financier de chacun des ports, nous avons pris comme hypothèse, là où il existait une dette, un refinancement de la dette aux taux d'intérêt courants. La plupart de ces ports, exception faite de quelques cas notables, n'ont pas de dette en ce moment. Les hypothèses au sujet du taux d'intérêt n'influent donc pas beaucoup sur leur situation, mais il est clair que, compte tenu du loyer actuel de l'argent, tous les ports qui ont une dette profitent de ce qui se passe sur les marchés en ce moment. Nous avons conçu les modèles en fonction des hypothèses courantes, et les ports ne sont pas extrêmement vulnérables aux taux d'intérêt. Il y a une exception, celle du port de Vancouver, qui a actuellement une dette considérable.

M. Cullen: Les modèles reposent donc sur des taux d'intérêt qui resteront faibles dans un avenir prévisible?

M. Mifflin: Nous avons supposé que, lorsqu'il subsiste une dette, il s'agit d'une dette à long terme. Par conséquent, nos modèles n'exposent pas les ports au risque de taux d'intérêt instables. Plus particulièrement dans le cas de Vancouver, nous avons supposé que les emprunts porteraient sur une période de 20 à 30 ans, si bien que le taux serait fixe et non pas à la merci des marchés, à la merci d'une crise qui pourrait du jour au lendemain faire augmenter les taux de 300 points de base.

M. Cullen: Très bien, merci. Dans votre rapport, vous parlez des plans d'entreprises en ajoutant «là où ils sont disponibles». Peut-on présumer que la plupart des ports avaient un plan d'entreprises, ou bien avez-vous dû les élaborer vous-mêmes?

M. Byers: Non, toutes les sociétés portuaires locales avaient des plans d'entreprise détaillés. Une ou deux commissions portuaires n'en avaient pas. Dans l'ensemble, nous avons été très favorablement impressionnés par les renseignements que nous avons trouvés dans ces plans.

M. Cullen: Très bien. Si ce que vous dites est vrai, et si le projet de loi était rédigé de manière à permettre la mise en gage d'actifs, estimez-vous qu'il est raisonnable ou déraisonnable que le gouvernement, dans le cas d'une administration portuaire qui veut mettre en gage des actifs, tienne compte de la situation et augmente la redevance? En somme, le gouvernement garantit le prêt ou une partie du prêt, n'est-ce pas?

.1710

M. Mifflin: Nulle part dans notre travail nous n'avons supposé que le gouvernement fédéral accorderait des garanties. Nous avons supposé que, dans le cadre de la commercialisation, les ports se débrouillaient complètement seuls. Quand nous parlons de mise en gage d'actifs, il s'agirait d'éléments d'actif en voie de construction ou d'autres actifs appartenant au port, mais la dette ne serait pas garantie par le gouvernement fédéral. Telle a été notre hypothèse fondamentale.

M. Cullen: Il ne s'agirait donc pas d'actifs du gouvernement fédéral. Vous dites, à propos des questions de financement, que la mise en gage d'actifs suscite quelques inquiétudes. La capacité de mettre des actifs en gage provoque de l'incertitude quant au financement de certaines administrations.

M. Mifflin: Selon nous, l'impossibilité de mettre des actifs en gage limitera les conditions que les APC pourront obtenir, notamment sur le marché bancaire. Sur les marchés publics des capitaux ou sur le marché institutionnel privé, nous croyons que la notion de mise en gage est bien comprise. Cela vaut en général pour les grands ports, en tout cas. Dans le cas de certains ports de petite taille, lorsque les responsables s'adressent à la banque pour obtenir un prêt hypothécaire, c'est comme s'il s'agissait d'un particulier. Quand on s'adresse à la banque, on obtient généralement de meilleures conditions lorsqu'on peut donner des garanties. La banque se trouverait à avoir une garantie pour son prêt.

M. Cullen: Oui, je me rends compte que vous avez fait cette distinction dans votre rapport.

Voici ma dernière question. Si nous considérons la redevance, le taux marginal pour les grandes sociétés est inférieur. La redevance est calculée selon un barème progressif. Vous dites que cela aide les grands ports, qui peuvent faire face à une concurrence internationale plus intense. N'est-il pas vrai également que certains des grands ports sont parmi les plus rentables?

M. Mifflin: Certains grands ports sont effectivement rentables. Mais ils affrontent aussi les joueurs les plus compétitifs. Dans l'ensemble, nous avons été très impressionnés par la situation financière des ports de taille modeste, car ce sont d'excellentes PME. En réalité, beaucoup de petits ports ont une excellente situation financière. Les grands, même s'ils peuvent être rentables, font face à une concurrence intense. Leurs dépenses en immobilisations sont considérables.

J'ignore si j'ai répondu à votre question.

M. Cullen: Oui, je crois que ça ira.

M. Byers: Une chose nous a frappés, comme Fred l'a dit. Au début de nos travaux, nous supposions que les grands ports seraient les plus rentables et les plus disposés à assumer des dépenses supplémentaires, et que les petits seraient les plus vulnérables. À bien des égards, on peut dire que c'est plutôt le contraire.

Nous avons dû consacrer énormément de temps à l'étude du port de Vancouver, l'un des plus beaux ports de tout le réseau et des plus diversifiés de toute l'Amérique du Nord, certainement. Comme Fred l'a expliqué, étant donné les investissements à faire et l'absence d'engagements de la part des lignes maritimes, etc., le port a dû donner une expansion considérable à ses installations, et c'est un défi que de financer cette expansion. Dans certains autres ports, peut-être moins exposés à la concurrence et dont la clientèle est un peu plus captive, on a peut-être plus de possibilités, avons-nous constaté, de parvenir à l'autonomie financière. Je ne dirais donc pas qu'il y a nécessairement corrélation entre la taille d'un port et sa rentabilité.

M. Cullen: Les ports les plus importants doivent avoir de grands programmes d'immobilisations pour demeurer concurrentiels.

M. Mifflin: Ils sont généralement engagés dans les secteurs d'activité où la concurrence est la plus vive. Par exemple, le trafic conteneurisé est surtout l'affaire des ports de Halifax, de Montréal et de Vancouver, et c'est là un secteur où la concurrence est extrêmement vive. La concurrence est internationale. Le trafic conteneurisé destiné à la côte ouest de l'Amérique du Nord peut être acheminé vers Los Angeles, Long Beach, Seattle et Vancouver, et les marchandises peuvent tout de même se retrouver dans l'ouest, le centre et l'est du Canada. Vancouver fait face constamment à cette concurrence.

La situation est la même pour Halifax, sur la côte est. Des marchandises destinées à Chicago peuvent transiter par New York, Philadelphie, ou même Montréal, et par Halifax.

Ce sont des produits véritablement concurrentiels. Nous nous sommes intéressés aux revenus marginaux que ces dépenses permettent de réaliser.

.1715

Le président: Merci, monsieur Cullen.

Dans votre modèle, vous avez utilisé le barème mobile, mais vous ne pensez pas que la redevance doive passer au premier rang, par rapport aux dividendes ou aux droits.

M. Mifflin: Je ne crois pas que nous ayons dit cela, monsieur le président. Ce serait un élément positif. Cela ne veut pas dire que ce soit un absolu.

Le président: Et la redevance a été calculée sur les revenus portuaires aux taux suivants:
2 p. 100 sur les revenus de 3 millions ou moins; 4 p. 100 sur les revenus de 3 à 10 millions, 6 p. 100... Cela se trouve à la page 17.

M. Byers: Oui. Notre modèle comprenait au départ le barème progressif dont le taux marginal maximum est de 8 p. 100. Cela nous inquiétait pour deux raisons. La première, ce sont les 8 p. 100 imposés aux plus grands ports qui doivent affronter la concurrence internationale.

Le deuxième point est celui que vous avez soulevé. En général, considérer les redevances comme des frais d'exploitation, si on veut, et non les subordonner au service de la dette... Si elles étaient subordonnées au service de la dette, cela constituerait un avantage pour les prêteurs.

Nous en avons donc tenu compte dans le modèle, mais soyons clairs. Nous n'avons pas supposé que les redevances seraient subordonnées au financement.

Le président: Est-ce que, dans votre modèle, qui vous amène à conclure que ces ports peuvent survivre, la redevance est traitée comme il est prévu dans le projet de loi?

M. Byers: Oui. Comme une redevance prélevée sur les revenus bruts...

Le président: Prélevés sur les revenus bruts...

M. Mifflin: Monsieur le président, je vous demande pardon. C'est ainsi que j'ai compris votre question.

Le président: Ma question était peut-être gauche.

M. Mifflin: Je pense que nous nous sommes exprimés gauchement.

Le président: Mea culpa, mea culpa.

M. Keyes: C'est une chose établie. Vous êtes gauches tous les deux.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Keyes, épargnez-nous cela.

M. Keyes: Maintenant que nous avons établi que vous êtes maladroits tous les deux, je tiens à remercier les représentants de Nesbitt Burns de leur contribution, monsieur le président. J'ai trouvé réconfortant, également, que le rapport traite de la situation financière en partant de l'hypothèse que, sauf erreur, on ne va plus recourir aux ressources financières du gouvernement fédéral. Ai-je raison?

M. Mifflin: Tout à fait.

M. Keyes: Monsieur le président, je voudrais insister de nouveau là-dessus. Si le comité entend accepter l'idée du statut d'organisme fédéral - à tout bout de champ et à toutes les occasions, tous les ports sont revenus à la charge à ce sujet - , c'est avec l'intention et avec l'idée que ce statut mettrait les ports à l'abri des impôts auxquels ils pourraient être assujettis et non pour que les ports puissent à l'avenir faire appel au gouvernement pour les secourir dans leurs problèmes financiers. Ce qui a été présenté aujourd'hui, c'est une situation dans laquelle tout le monde gagne. Je crois que Nesbitt Burns vient d'apporter une justification, et c'est justement un amendement qui va dans ce sens que le comité envisage d'apporter au projet de loi.

Messieurs, parmi les 17 ports qui seraient financièrement autonomes, selon vos constatations, combien auraient nécessairement besoin de donner des actifs en gage, étant donné leurs rentrées?

M. Byers: Parmi les 17 ports financièrement autonomes, nous en avons étudié quatre en détail. Ces quatre ports ont déjà une dette ou ont défini des besoins spécifiques qui les amèneront à contracter une dette. Outre ces quatre ports, le port de Halifax a également dit qu'il avait des besoins spécifiques en matière d'emprunt, et le port de Prince Rupert a également une dette. Cela fait six sur 17.

Quant aux onze autres, nous ne croyons pas vraiment qu'ils aient besoin de financement au cours de la période de planification. Onze de ces 17 ports sont des entreprises qui ont un flux monétaire positif et qui ont constitué des réserves pour les dépenses en immobilisations. Les six autres ont soit défini leurs besoins en financement, soit déjà trouvé le financement pour assumer les dépenses en immobilisations qu'ils ont déjà faites.

M. Mifflin: Permettez-moi d'ajouter que, comme nous l'avons dit plus tôt, la plupart de ces entreprises ont été bien gérées et financées avec prudence. Cela fait ressortir le conservatisme...

M. Keyes: Pas le conservatisme au sens politique.

M. Mifflin: C'est exact.

Des voix: Oh, oh!

.1720

M. Keyes: C'est la seule question que j'avais à poser au témoin, monsieur le président. Mais je voudrais, avec l'indulgence de la présidence, profiter de la présence de M. McNeill pour dire un mot du fait que les milieux portuaires ont des échanges entre eux et parviennent à dégager un consensus. Cela ne s'était jamais vu auparavant. Deux ans et demi de travail pour dégager ce consensus. Cela n'a été possible, selon moi, que par un travail d'équipe avec deux ministres des Transports, Doug Young et David Anderson, le sous-ministre, Nick Mulder, le ministère des Transports et tous les fonctionnaires qui y ont travaillé très fort, sous la direction de Neil McNeill, qui s'est souvent rendu dans ces ports et a passé au téléphone un nombre incalculable d'heures. Il ne faut pas oublier non plus les députés membres de ce comité, monsieur le président, qui ont produit la politique maritime nationale de 1995 qui a donné lieu à des consultations très complètes, puis à l'élaboration du projet de loi C-44, qui sera sans doute amendé pour refléter plus fidèlement le rapport produit en 1995 par le comité et le consensus qui s'est créé autour de ce rapport.

Le président: Merci, monsieur Keyes. Bien entendu, vous ne présumez pas de l'issue des travaux du comité.

M. Keyes: Absolument. Je suis le secrétaire parlementaire.

Le président: Il y aura passablement de discussion sur cette question.

Puisque vous êtes ici, monsieur McNeill, j'aurais deux questions à vous poser avant que nous ne terminions. Elles découlent des derniers échanges qui ont eu lieu aujourd'hui. La première concerne les mécanismes d'appel mis à la disposition des expéditeurs. L'autre se rapporte aux préoccupations particulières soulevées par le port de Saint John ou les représentants de la ville de Saint John au sujet des services de police.

Prenons d'abord la question des mécanismes d'appel prévus pour les expéditeurs. Est-ce que c'est une chose qui a été envisagée à un moment ou l'autre de vos entretiens?

M. McNeill: Pour le moment, le projet de loi C-44 ne dit rien des mécanismes d'appel. Mais je puis confirmer que nous vous proposons des mécanismes d'appel dans le cadre des APC et des ports publics.

Le président: Deuxième question. Le problème que les représentants de Saint John ont soulevé aujourd'hui est quelque peu différent. Dans toutes nos discussions sur les services de police dans les ports, nous avons constaté que tous les autres ports ont pris des dispositions, à l'exception de Vancouver, où nous avons eu droit à un débat qui, à mon sens, transcendait le problème particulier des services de police. Mais les ports de Québec, de Montréal, de Halifax et d'ailleurs semblent avoir pris leurs propres arrangements dont ils paraissent assez satisfaits.

Le problème qui nous a été posé, c'est que, au port de Saint John, le groupe des usagers dont viendront, peut-on présumer, les membres du conseil ou des avis sur la formation du conseil, a adopté comme position qu'il n'y aurait aucun service de police. C'est l'envers de la médaille, en quelque sorte. Est-il possible de ne pas avoir de services de police dans un port?

M. McNeill: Nous ne le pensons pas. Chose certaine, depuis mai 1995, au moment où le comité a recommandé l'abolition de la SCP, nous avons travaillé sur toute cette question de services de police. Il a certainement été très difficile pour le service de police de Ports Canada de rester dans l'incertitude pendant une période de plus d'un an, sauf erreur. J'espère que cette incertitude prendra fin bientôt, lorsque le comité recommandera d'abroger la Loi sur la Société canadienne des ports.

Notre avis, à propos de la question des services de police, c'est que, dans chacun des grands ports qui ont maintenant un détachement de la police de Ports Canada, la fonction de surveillance policière reviendra à deux grands groupes. Pour l'application des lois fédérales, nous demanderons à la GRC et aux Douanes de jouer un plus grand rôle, mais les ports devront négocier des services avec les forces policières municipales pour les activités qui ne sont pas de ressort fédéral.

À Saint John, au Nouveau-Brunswick, il faudra certainement des services policiers municipaux, et nous nous attendons à ce que les autorités portuaires négocient une entente avec la municipalité pour améliorer la surveillance et paient ces services à la municipalité. Les usagers ont souvent dit, dans de nombreux ports, qu'ils pouvaient se passer de ces services; ils n'en veulent pas parce qu'ils ne veulent pas payer.

M. Keyes: Comment veiller à ce que ce service soit assuré?

M. McNeill: Nous croyons que les administrations portuaires doivent traiter avec la municipalité locale pour prendre des dispositions spéciales au sujet des services policiers qui ne relèvent pas des responsabilités fédérales. Nous recommandons également que l'administration portuaire soit responsable, aux termes de la loi, de la sûreté et de la sécurité, si bien qu'on traitera simultanément de la sûreté, de la sécurité et des services de police.

.1725

Le président: Monsieur Cullen.

M. Cullen: À titre de député de la région torontoise, je manquerais à mes devoirs si je n'attirais pas votre attention sur le fait que les deux havres ou ports que vous ne jugez pas financièrement autonomes sont ceux des Commissaires du port de Toronto et de la Commission portuaire d'Oshawa.

Le président: Bienvenue à Churchill.

M. Cullen: J'ai pris la parole plus tôt aujourd'hui, simplement pour éveiller l'attention des députés de ces régions et, bien entendu, ils sont fermement convaincus de la rentabilité de ces ports. Mais je n'ai pas encore vu leurs études.

Dans le cas d'Oshawa, le manque de rentabilité s'explique-t- il, selon vous, par le problème du dragage ou est-il dû au problème de la Commission des affaires municipales de l'Ontario?

M. Byers: Tout d'abord, la Commission a un effet paralysant sur les activités de ce port parce qu'il existe une grande incertitude, et les autorités du port ne peuvent accaparer du trafic ni amener des gens à prendre des engagements si elles ne sont pas à même de donner l'assurance qu'elles peuvent exploiter et utiliser les terrains. Mais il est certain que, même si elles récupéraient le même volume de trafic que par le passé, les montants à consacrer à la structure et aux installations de dragage sont très importants, compte tenu de la taille du port. C'est loin d'être un détail. Il faudrait examiner la question de près pour voir s'il est possible de financer ces investissements à partir du produit de l'exploitation. Les deux problèmes ont un effet.

M. McNeill: Monsieur Cullen, selon nos prévisions, c'est la combinaison du manque de trafic et de l'effet paralysant de la Commission des affaires municipales qui prive le port de l'autonomie financière. Nous avons rencontré les représentants de la municipalité et de la Commission du port d'Oshawa à plusieurs reprises cet été. Nous les avons encouragés à ne pas demander le statut d'agent fédéral, mais à essayer de rester au niveau régional ou local; autrement dit, il s'agirait d'une cession. En ce moment, les usagers discutent avec la municipalité de la mise sur pied d'une société municipale sans but lucratif qui prendrait possession de la propriété.

Le processus a été amorcé pour Oshawa. Nous ne l'avons pas mis en marche à Toronto.

M. Keyes: Pourquoi pas?

Des voix: Oh, oh!

M. Keyes: Je retire la question.

Le président: Monsieur McNeill témoigne d'une sagesse qui transcende le nombre des années.

À la mi-décembre l'an dernier, je crois, je me suis retrouvé immobilisé sur une piste d'aéroport avec Rick Pearce dans un DC-9 d'Air Canada. Deux mois plus tard, je suis devenu président du comité. Je ne pense pas qu'il y ait de lien entre les deux faits. Je trouverais assez effrayant qu'il y en ait un.

Les échanges ont été passionnants. Je tiens à remercier tous les témoins, ainsi que les membres de l'opposition. Il y a bien peu de mesquinerie et de basse politique dans notre comité. Nous mettons dans notre travail un solide effort de réflexion. Puisque M. Keyes ne peut pas le dire lui-même, nous devrions tous le féliciter du premier rapport du CPT, dont j'ai entendu parler ad nauseam depuis que je suis devenu président du comité.

Le travail du personnel a été impeccable sur toute la ligne. Monsieur McNeill, je suis très heureux du travail que vous et votre équipe avez fait pour nous procurer l'information qui nous aide à passer au travers de tout ceci... Je remercie également le greffier et le personnel de soutien du comité. Ce fut vraiment intéressant.

Le travail difficile commence maintenant, car il s'agit de nous y retrouver dans les nuances et d'arrondir les angles. Ce sera un travail intéressant, et je sais que cela passionne tous les membres. Nous allons en ressortir la semaine prochaine en piteux état, mais indomptés, avec un excellent projet de loi.

Merci à tous.

Voilà qui met fin à cette séance. Nous allons passer à l'étude article par article.

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