[Enregistrement électronique]
Le mardi 26 novembre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Nous allons commencer. J'ai quelques petites annonces rapides à faire avant de passer aux choses sérieuses.
Nous nous réunirons demain pour décider des travaux futurs du comité. De 15h30 à 18 heures, nous ferons l'étude article par article du projet de loi C-43. Nous n'aurons peut-être pas besoin d'autant de temps, mais nous avons voulu prévoir suffisamment large pour terminer ce travail.
Jeudi matin, nous commencerons à 10 heures l'audition de témoins sur le projet de loi C-58. Le greffier me dit qu'il y aura deux témoins. Quelques autres viendront peut-être s'ajouter, et nous prendrons le temps de les entendre.
Lundi, à 15h30, nous recevrons le ministre Eggleton dans le cadre de l'étude sur le transport, le commerce et le tourisme. Nous pensons saisir cette occasion pour tenir une réunion à huis clos sur les travaux futurs du comité, afin de fixer notre programme pour la dernière semaine de réunions en vue de la finalisation de ce rapport sur le transport, le commerce et le tourisme.
Par ailleurs, la semaine prochaine, nous recevrons également le ministre Martin et le ministre Massé. Le ministre Manley n'a pas encore donné confirmation, mais je pense que nous aurons confirmation d'ici la fin de la journée, ainsi que celle de quelques autres témoins, pour clore les auditions. Il s'agira ensuite de mettre la dernière main au rapport.
Pendant que je disais tout cela, Warren Thomson est arrivé, ayant réussi à s'extraire des embouteillages. On me dit que Gordon Thompson et Warren Thomson ne sont pas apparentés, mais ils se déplacent toujours par paire.
Je vous laisse le soin de vous présenter. Nous avons une heure à vous consacrer.
M. Gordon Thompson (vice-président et membre du conseil d'administration, Newcourt Credit Group Inc.): Bonjour. Il est amusant que Warren ait été pris dans des embouteillages ce matin, en route pour comparaître devant le Comité des transports.
Quoi qu'il en soit, je suis heureux de voir qu'il est là.
Nous ne nous déplaçons jamais seuls, particulièrement à Ottawa.
Monsieur le président, je suis ravi d'être là ce matin, mais aussi un peu préoccupé, en ce sens que j'ai eu l'occasion - ou plutôt le plaisir, devrais-je dire - de présenter Reg Alcock aux délégués à la conférence sur les péages routiers de Next City, la semaine dernière. Je n'ai pas été particulièrement tendre avec lui dans ma présentation.
Merci de m'avoir laissé m'en tirer à si peu de frais ce matin, encore qu'il reste 45 minutes à faire...
Le président: Je parle en dernier, faites donc très attention.
M. Thompson: Je voudrais commencer par remercier le comité, particulièrement M. Alcock, de nous avoir invités à comparaître dans le cadre de votre étude sur le transport, le commerce et le tourisme. Warren et moi-même allons faire un exposé aussi bref que possible pour laisser amplement du temps à un échange de questions et de réponses sur certains des problèmes les plus difficiles que nous allons aborder.
Je pense qu'il serait bon que je commence par vous dire quelques mots de Newcourt, et par expliquer plus particulièrement ce que sont des prêteurs non bancaires, car c'est important pour comprendre les modalités concrètes du financement des partenariats entre secteurs public et privé au Canada. Si cela peut vous sembler être une publicité pour nous-mêmes, c'est plutôt destiné à vous expliquer quel rôle nous pouvons jouer dans ces opérations.
Je céderai ensuite la parole à Warren, qui vous parlera plus en détail de certaines des opérations auxquelles nous avons participé, et expliquera plus particulièrement les avantages et les transferts de risque qui interviennent dans ces transactions.
Newcourt Credit Group est une société canadienne dont une bonne part des actions appartient aux employés: environ 17 p. 100. Elle est cotée tant à la bourse de Toronto qu'à celle de Montréal. Au cours des dix dernières années, Newcourt Credit Group a émergé comme l'un des plus gros établissements de crédit non bancaires d'Amérique du Nord. Nous avons 27 bureaux aux États-Unis, au Canada et en Europe et des bureaux affiliés à la Barbade et au Japon. La société emploie 850 personnes. La valeur boursière totale de la compagnie excède actuellement 1,2 milliard de dollars et elle a un portefeuille de créances propres et gérées de 6,3 milliards de dollars.
La structure des activités de Newcourt est quelque peu particulière dans le monde des services financiers. La société se spécialise dans le montage de crédits adossés, qu'elle revend ensuite à de gros investisseurs institutionnels au moyen de la syndication de gros prêts pour immobilisations ou de la titralisation de regroupements de prêts de beaucoup moindre envergure.
Les montages financiers pour 1996 dépasseront 5,9 milliards de dollars et sont effectués par deux entités de Newcourt Credit Group, la première étant Newcourt Financial, qui se spécialise dans la fourniture de services financés par le vendeur et les prêts adossés à terme garanti, et la deuxième étant le groupe que Warren et moi représentons, à savoir Newcourt Capital, la banque d'affaires spécialisée de la compagnie, qui fournit une variété de services de financement et de conseils à des clients institutionnels et des sociétés en vue de grosses acquisitions d'équipements et de projets infrastructurels.
L'atout de Newcourt tient à la structure particulière de la compagnie en tant que prêteur non bancaire et à sa connaissance des équipements à financier, les besoins de financement propres au secteur d'activité des emprunteurs et les préférences de placement des investisseurs institutionnels.
J'aimerais prendre quelques minutes pour vous expliquer ce qu'est un prêteur non bancaire et les raisons pour lesquelles nous sommes particulièrement bien placés pour structurer le financement de projets infrastructurels publics.
Comme je l'ai dit, les parabanques ont pour activité la réalisation de montages financiers spécialisés à base de connaissance. Leur avantage concurrentiel réside dans leur connaissance experte des équipements à financer et de la gestion de ces derniers. Elles peuvent par conséquent prendre des décisions de crédit principalement sur la base de l'équipement à financer, ce qui évite d'avoir à recourir à des conventions de nantissement additionnelles et laisse au débiteur une plus grande capacité d'emprunt.
Le principal facteur qui définit une parabanque est la source des fonds. Comme je l'ai déjà mentionné en passant tout à l'heure, la source des fonds prêtés par les parabanques, ce sont les investisseurs institutionnels et les marchés des capitaux, et non les dépôts de détail. Par conséquent, les parabanques ne sont pas assujetties aux primes d'assurance-dépôts, connaissent de moindres coûts d'observation réglementaire et jouissent d'une plus grande flexibilité globale pour structurer leurs opérations.
Cette source de fonds détermine également les types de crédits que les parabanques préfèrent. Contrairement aux banques, qui financent leurs prêts au moyen de dépôts de détail à court terme, les parabanques préfèrent habituellement les crédits à long terme répondant à la demande de placements à long terme des investisseurs institutionnels et des marchés des capitaux, typiquement de 5 à 30 ans, contre de zéro à cinq ans dans le cas des banques. Il s'agit donc d'un mariage naturel s'agissant de projets d'immobilisations infrastructurels.
Les parabanques comme Newcourt apportent une valeur ajoutée qu'elles sont seules à pouvoir offrir par le biais de l'évaluation et de la redistribution du risque associé à une opération de financement particulière. Utilisant diverses techniques d'expansion du crédit, les parabanques se spécialisent dans la dissociation et la dispersion des risques présentés par un montage financier donné, réduisant ainsi le risque couru par l'emprunteur et créant, ce faisant, des produits financiers de bonne qualité qui vont attirer les investisseurs institutionnels.
Ce savoir-faire en matière de dissociation et de dispersion des risques met les parabanques particulièrement bien en situation de répondre aux besoins financiers émergents des pouvoirs publics, au moyen de montages financiers novateurs en vue de l'acquisition de biens d'équipement et de projets infrastructurels, tels que les opérations hors bilan et hors crédit qui présentent un intérêt tout particulier dans la situation financière actuelle; les opérations de cession-bail; les opérations de crédit-bail immobilier et les opérations de crédit-bail transfrontalières. Nous reviendrons sur ces dernières dans un instant.
Comme exemples récents de montages financiers pour des projets infrastructurels du secteur public opérés par Newport Credit Group, citons une transaction de 180 millions de dollars avec Postes Canada, qui était une opération de financement de bail financier mettant en jeu du matériel de transport ainsi que son centre de traitement technologique. Nous agissons actuellement comme conseillers du ministère de la Défense nationale en vue de l'acquisition d'hélicoptères de recherche et de sauvetage. Newcourt a joué le premier rôle dans l'opération de cession-bail de 500 millions de dollars intéressant le réseau de transport en commun Ontario GO. Nous sommes actuellement le fournisseur de crédits à terme pour le tronçon de la route transcanadienne en Nouvelle-Écosse, la route 104. Nous avons également fourni le financement à long terme du casino de Regina et venons de conclure une transaction avec Travaux publics et Services gouvernementaux pour l'immeuble du 240 rue Sparks.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, Warren Thomson, qui vous parlera plus en détail des avantages du financement privé, ainsi que des facteurs de risque.
M. Warren Thomson (vice-président et membre du conseil d'administration, Newport Credit Group Inc.): On nous appelle souvent les «jumeaux Thompson» de Newcourt, mais deux choses nous distinguent: lui, il a un «p» dans son nom et pas moi, et moi j'ai des cheveux.
J'aimerais vous expliquer un peu les avantages associés au financement par placement privé de l'infrastructure de transport publique. À titre d'exemple, je citerai le montage financier réalisé pour l'amélioration de la transcanadienne en Nouvelle- Écosse, le projet d'alignement ouest de la route 104. Je crois savoir que M. Downe, le ministre des Transports de la Nouvelle- Écosse, a comparu ici, et je ne vais donc pas m'attarder sur le projet d'ensemble, et me limiterai aux aspects financiers.
Les avantages du financement par placement privé doivent être considérés selon plusieurs perspectives. Si vous faites une comparaison directe entre le taux d'intérêt nominal d'une émission publique ordinaire et d'une émission à placement privé, le taux d'intérêt de la seconde est généralement plus élevé. Cependant, il peut y avoir des avantages secondaires dont il faut tenir compte pour déterminer laquelle des deux méthodes de financement est la meilleure.
Newcourt apporte un avantage particulier s'agissant de montages financiers pour les projets infrastructurels. Grâce à son expérience de la souscription, à ses relations avec les investisseurs institutionnels et à sa connaissance des placements préférés de ses investisseurs potentiels, Newcourt est en mesure de garantir les fonds. Cela transfère le risque du placement ou de la syndication sur Newcourt. Cet apport de fonds préalable permet de réaliser les travaux dans les plus courts délais possibles et supprime la nécessité de crédits-relais ou d'opérations de couverture pour se prémunir contre le risque de volatilité des taux d'intérêt.
Le principal avantage d'un véritable partenariat public-privé est peut-être la possibilité de structurer le partenariat de manière à réellement partager les risques. Grâce à la dissociation des risques d'un projet et à notre dispersion efficiente de ces risques auprès de partenaires le mieux en mesure de les absorber, le projet devient un véritable partenariat qui met à profit le savoir-faire de chaque partenaire et protège les intérêts de chacun.
C'est particulièrement important pour des gouvernements dont la capacité à souscrire de nouveaux emprunts est sérieusement limitée. Grâce aux montages financiers privés, le gouvernement peut obtenir un financement sans recours, qui est à la fois hors bilan et hors crédit. Il n'accroît pas la dette du gouvernement et n'entraîne donc pas d'effets négatifs sur sa cote de crédit.
J'aimerais prendre quelques minutes, à ce stade, pour vous expliquer ce que nous entendons par hors bilan et hors crédit. Les contraintes de divulgation comptable sont énoncées dans le guide de l'ICCA et déterminent quand un financement est considéré hors bilan et quand il est considéré au bilan. Il s'agit réellement de savoir si le prêteur a un recours auprès du gouvernement en cas de non- paiement. Si le financement est au bilan, il est également un crédit. S'il est considéré comme hors bilan, il peut néanmoins être un crédit dans la mesure où il y a un passif éventuel. S'il est réellement hors bilan, alors il est hors crédit et représente un avantage du point de vue de la cote de crédit.
En structurant les montages financiers, le gouvernement doit prendre soin de conférer avec les agences de cotation telles que Moody's et Standard and Poor's pour s'assurer que les objectifs poursuivis sont effectivement réalisés.
Lorsque le financement est considéré hors crédit pour le gouvernement, la cote de crédit applicable est fondée principalement sur le projet, sur l'évaluation des risques qu'il comporte et sur la bonne atténuation et répartition des risques. L'élément déterminant devient la bonne dissociation et dispersion des risques liés au projet. C'est là que les prêteurs non bancaires comme Newcourt possèdent un savoir-faire particulier.
Les risques mis en jeu par tout grand projet infrastructurel en matière de transport comprennent à la fois les risques commerciaux propres au projet et les risques associés à l'environnement économique ou politique général. Les risques commerciaux propres au projet sont les risques au niveau de la conception et de la construction, les risques au niveau de l'exploitation et de l'entretien et les risques relatifs à la demande ou au trafic. Les risques économiques sont la volatilité des taux d'intérêt, l'inflation et le placement. Les risques politiques sont généralement associés à un changement de gouvernement, à un changement de la législation se répercutant sur le projet ou à un changement d'attitude d'un gouvernement donné.
Dans les négociations visant à répartir ou atténuer ces risques, la question clé est de savoir si la rémunération est appropriée compte tenu de la distribution des risques. Peut-on couvrir le risque par une assurance à prix raisonnable? Enfin, peut-on atténuer le risque par une structuration plus poussée? La clé est de faire en sorte que les risques associés au projet soient correctement évalués et attribués à la partie la mieux en mesure de les gérer.
Il y a plusieurs façons d'atténuer et de répartir les risques commerciaux propres au projet. Une façon est de négocier au début du projet des contrats de construction à prix fixe, à date de livraison contraignante, clés en main. Les risques associés à la conception et à la construction peuvent être attribués au constructeur privé. Ce dernier, manifestement, connaît les risques et récompenses inhérents à ces activités de manière intime et est donc le mieux placé pour assumer ces risques.
De même, des accords d'exploitation et d'entretien à prix fixe peuvent atténuer le risque à ce niveau. Dans le cas de la route 104, ces risques ont été imputés au partenaire constructeur exploitant, Atlantic Highways Corporation, AHC, qui est un consortium de quatre grosses sociétés d'ingénierie et de travaux publics.
Le risque au niveau de la demande ou du trafic est le risque que l'exploitation de la route rapporte des revenus insuffisants pour servir la dette. Il est essentiel que le risque de trafic soit transféré au secteur privé si l'on veut que la dette soit sans recours auprès du gouvernement.
Dans le cas de projets infrastructurels de faible utilisation comme la route 104, la gestion du risque de trafic était épineuse. Il a fallu atténuer les risques au moyen de clauses régissant l'utilisation tant de la route ancienne que de la nouvelle. Ces clauses devaient être conçues de telle manière que le risque de trafic ne soit pas retransféré à la province. Le gouvernement s'est engagé à imposer une limite de vitesse plus basse sur l'ancienne route que sur la nouvelle, à obliger tous les camions à utiliser la route nouvelle à l'exception de ceux de desserte locale, et à ne pas effectuer de travaux d'amélioration substantiels sur la route ancienne.
Un facteur primordial du montage financier pour la route 104 était le désir du gouvernement de garder à un niveau bas les taux de péage réels tout au long de la période de 30 ans de concession des péages. Cela n'a été possible que par un mariage étroit entre le remboursement de la dette et les revenus dégagés par les péages.
C'était là un projet qui se prêtait tout particulièrement au financement par placement privé. Les taux de péage désirés par le gouvernement ne suffisaient pas, au niveau de trafic prévu, à répondre aux besoins du service de la dette d'une émission publique à amortissement conventionnel. Newcourt a pu structurer le remboursement de la dette de façon à le faire concorder précisément au flux de revenu. Les intérêts s'accumulent pendant les deux années de la construction du projet, puis intervient une hausse graduée des paiements au cours des huit prochaines années, puis l'amortissement final du principal résultant et des intérêts cumulés au cours des 20 dernières années de la concession.
Bien que le niveau des péages ait été établi par le gouvernement lors des négociations initiales, l'exploitant a obtenu quelque latitude de les augmenter à l'intérieur de paramètres prédéterminés. Ces paramètres comprennent un barème d'augmentations fixes minimales pour tenir compte de l'inflation et un critère de couverture du service de la dette qui pourrait déclencher des majorations de péage si les revenus ne suffisaient pas à couvrir les paiements d'intérêt sur la dette du secteur privé.
Les risques généraux que j'ai esquissés précédemment peuvent généralement être atténués ou transférés au partenaire privé. La volatilité des taux d'intérêt peut être atténuée soit par des opérations de couverture soit, comme dans le cas de la route 104, par le placement de créances à long terme au début du projet. Le risque d'inflation peut être géré par le biais des mécanismes d'ajustement des péages. Le risque de placement peut être géré, comme je l'ai indiqué précédemment, par le mécanisme du placement garanti.
Les risques supportés, en fin de compte, par le gouvernement dans le cas du financement privé d'un projet infrastructurel public sont ceux qu'il est le mieux en mesure de contrôler ou d'absorber, à savoir les risques politiques et juridiques.
À cet égard, si la province de Nouvelle-Écosse modifie tout élément lié à la concession des péages, la dette devient assortie d'un recours auprès de la province de Nouvelle-Écosse.
Je rends maintenant la parole à Gord.
M. Thompson: En conclusion, le message clé que je veux transmettre est que, pour qu'il y ait partenariat véritable entre secteurs public et privé, il faut un certain partage des risques, et cela suppose un financement privé.
Si vous jetez un coup d'oeil sur les partenariats publics- privés conclus jusqu'à présent au Canada, qu'il s'agisse de la construction de routes à péage ou d'installations de traitement des eaux, et que vous les comparez à ceux réalisés au Royaume-Uni ou aux États-Unis, vous constaterez que chacun des grands partenariats publics-privés réalisés au Canada, comme le pont de l'Île-du- Prince-Édouard, la route 407 en Ontario et beaucoup d'autres que je pourrais citer, ont fini par un financement public.
Il est impossible d'avoir un véritable partenariat à risque partagé si une partie endosse toute la dette. Lorsque vous analysez ces montages, vous verrez que c'est l'erreur que les gouvernements canadiens ont commise fois après fois.
Notre message est donc que si le gouvernement s'engage sur la voie de ces partenariats publics-privés, vous devez veiller à ce qu'il y ait une dette privée, afin que les contribuables du Canada soient engagés dans un partenariat où il y a un partage égal et équitable du risque.
Je suis prêt maintenant à répondre aux questions que vous pourriez avoir sur ces opérations dont nous avons parlé, ou sur l'un ou l'autre des points abordés par Warren.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie tous deux.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Je vous remercie de votre présentation. C'est très intéressant et cela nous donne un coup d'oeil nouveau ou plus large sur une nouvelle façon de financer des infrastructures. C'est un débat intéressant.
Vous avez beaucoup parlé de l'autoroute de la région de l'Atlantique, mais la route Transcanadienne, par exemple, traverse des régions où le trafic n'est pas nécessairement aussi important que celui d'une autoroute.
Pensez-vous que votre projet de permettre un investissement privé a une espérance de vie quelconque? Faudrait-il associer ces projets-là à un plus grand ensemble et serait-ce plus rentable économiquement? J'aimerais que vous élaboriez là-dessus. La question est-elle claire?
[Traduction]
M. Thompson: C'est une excellente question. Je regrette que mon français ne soit pas assez bon pour vous répondre de façon sensée.
À l'heure actuelle, les provinces les plus intéressées à créer ces structures pour moderniser le réseau routier sont manifestement la Nouvelle-Écosse et d'autres provinces maritimes. Nous avons eu plusieurs entretiens avec la Colombie-Britannique. Celle-ci a des problèmes particulièrement sérieux avec ses liaisons nord-sud, moins sur les routes est-ouest. Il y a énormément de congestion dans la région de Vancouver. Nous avons eu aussi quantité de pourparlers avec l'Ontario.
L'Ontario est dans une situation légèrement différente. La province a deux problèmes particuliers en ce moment. L'un est l'existence d'une dette d'environ 1,2 milliard de dollars pour la route 407, la nouvelle autoroute du nord de Toronto. Le deuxième est l'autoroute 401, de la frontière du Québec pratiquement jusqu'à Windsor. C'est une route parsemée de nids de poules, dangereuse, horrible, vu la densité actuelle de la circulation.
Ces trois provinces se montrent donc particulièrement intéressées par le montage que nous avons réalisé pour la route 104 en Nouvelle-Écosse.
Je demanderais à Warren de répondre à la deuxième partie de votre question, les régions à faible densité de circulation. Il connaît bien le concept des péages fantômes.
Le troisième élément de votre question intéresse la coopération. Comme je l'ai dit à votre président il y a quelque temps, nous avons réussi jadis à construire un chemin de fer d'un bout à l'autre du Canada avec la coopération de chaque province. Je pense que la situation dans les provinces les plus importantes est maintenant telle que leur collaboration est acquise. Si l'on trouvait la solution, elles seraient prêtes à collaborer.
Nous n'abordons pas cela seulement sous l'angle de l'emploi. Vous aurez beau dire aux provinces que la reconstruction de ces routes créerait un grand nombre d'emplois, l'enjeu véritablement important, particulièrement aux yeux de la population de Colombie- Britannique, est la valeur économique de la route, un point c'est tout. Ce n'est pas seulement une question d'emplois à court terme, c'est la valeur économique à long terme.
[Français]
M. Crête: Avant que M. Warren Thomson ne réponde, j'aimerais clarifier ma question. Je vais donner un exemple très concret. Par exemple, la voie d'accès au Nouveau-Brunswick par le Québec, qui passe aux environs Rivière-du-Loup pour aller vers Edmundston, est une route à deux voies. S'il y avait de l'investissement privé, cela n'amènerait-il pas le trafic à passer par la Nouvelle-Angleterre ou ailleurs? Peut-on être sûr de ne pas tuer la compétitivité? Ce n'est pas une question piège.
[Traduction]
M. Thomson: Pour répondre directement à votre question, les routes doivent être de prix compétitif. Face au risque que représentent le marché et la demande, et pour éviter l'escalade des péages, il faut bien évaluer l'avantage économique. L'une des grandes difficultés... et si vous prenez l'exemple de la route 104, vous aviez là un tronçon de route à faible densité de circulation, relativement rural, qu'il fallait améliorer principalement pour des raisons de sécurité et non de trafic. Ce tronçon connaissait le plus grand taux d'accidents mortels de toutes les provinces atlantiques. Ce n'est pas la densité de circulation qui exigeait la construction d'une autoroute à quatre voies. Il ne passait que 6 000 véhicules par jour - 1 500 camions, 4 500 voitures.
Le problème était que l'ancienne route à deux voies non divisées, avec un certain nombre de points d'accès à niveau, était tout simplement dangereuse. Nous avons conclu que le nouvel alignement serait plus court. Le trajet sur la nouvelle autoroute représente un raccourci de dix kilomètres. Lorsque nous avons obtenu l'écart de vitesse de 30 kilomètres entre l'ancienne route et la nouvelle, ce qui était approprié aussi du point de vue de la sécurité, nous avons pu démontrer qu'un camion gagnerait entre 15 et 20 minutes en empruntant la nouvelle route. La combinaison de l'économie de temps et de l'économie de carburant représentait une valeur économique pour un camion de l'ordre de 10$ à 12$. C'est la raison pour laquelle la province insistait pour un péage de 10$ pour un camion lourd, soit le bas de la fourchette des avantages réels. De même, pour une voiture, l'avantage était évalué entre 3$ et 4,50$ et la province voulait un péage réel de 3$ sur la durée de vie de la route.
Nous avons donc évalué le rendement sur la base de l'avantage économique et du prix pur. Nous avons démontré également la possibilité de réaliser un tel projet dans une région relativement rurale. Pour replacer les choses en contexte, 6 000 véhicules par jour... Si vous prenez l'autoroute 401 à Toronto, elle voit passer 60 000 véhicules par heure. En dix à 12 minutes, vous voyez défiler sur la 401 autant de véhicules que sur la route 104 en 24 heures. Néanmoins, nous avons pu structurer le montage financier de façon à ce que les créances soient de haute qualité, compte tenu de la proportion de dette privée dans ce montage.
Cela démontre également la nécessité d'un équilibre. Cette route a été financée à 45 p. 100 environ par des fonds publics et environ à 55 p. 100 par des emprunts privés. L'avantage du recours à l'emprunt privé est que la route a pu entrer en service huit années et demie plus tôt, avec une économie de 30 p. 100 sur le coût total, et qu'elle va probablement sauver plus de 50 vies sur le cours de son existence.
Le président: Monsieur Gouk.
M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Je vous remercie, monsieur le président. Je vais faire mon intervention avant que la volatilité ne commence. Je la sens venir.
Plusieurs choses. D'abord, l'opportunité de routes à péage. Je pense qu'elles peuvent représenter une bonne solution lorsque certaines conditions sont réunies. Je pense que la 104 est un bon exemple car les automobilistes ont un choix. S'ils choisissent de ne pas payer le péage et d'emprunter une route plus lente ou moins agréable, ils ont ce choix.
Nous avons une route en Colombie-Britannique, qui est une route fédérale, la route 1 franchissant le col Rogers. Sur le plan de la sécurité, comparée à elle, la route que vous venez de remplacer est probablement du gâteau. Mais ma préoccupation, si le secteur privé la reconstruit pour la rendre infiniment plus sûre, quel est l'itinéraire de rechange? Comment éviter une situation où l'on prend une route existante, fait intervenir un financement privé et dit ensuite aux automobilistes qu'ils doivent payer un péage pour quelque chose qui était déjà là, sans itinéraire de rechange?
M. Thompson: L'expérience que nous avons faite... et du point de vue de Newcourt, nous essayons de gérer les risques politiques associés à ces projets, pas nécessairement de les éliminer. En participant à diverses discussions sur cette question, car c'est toute la notion des redevances d'usager et la notion et la structure qui sous-tend non seulement les routes à péage, mais aussi les ponts et installations de traitement des eaux et autres services publics...
L'élément clé, en l'absence d'un itinéraire de rechange, est la capacité de démontrer au public - et j'ai amené un sondage à votre intention, monsieur le président; il a été réalisé il y a une semaine environ - quels sont les avantages. Si on vous demande: «Acceptez-vous de payer un péage pour franchir le col Rogers?», vous répondrez non. Mais si on demande: «Acceptez-vous de payer un péage pour franchir le col Rogers et le trajet vous prendra moins de temps et sera moins dangereux?», beaucoup plus de gens commencent à répondre oui. S'il n'y a pas d'itinéraire de rechange, vous êtes alors obligés de prendre une décision politique.
En Colombie-Britannique, il y a un péage sur le traversier pour se rendre dans l'île, comme vous le savez. Il n'y a pas d'autre possibilité. Dans le cas de nombreux ponts, il n'y a pas d'autre possibilité. Mais d'un point de vue politique, la seule façon de faire accepter cela, c'est en démontrant les avantages.
M. Gouk: Je vais changer de braquet et aborder un autre sujet. Vous dites que vous vous spécialisez dans des prêts adossés à des actifs, mais dans le cas d'une route, c'est en fait sur le flux de trésorerie que vous vous appuyez.
Prenons, par exemple, le port de Halifax. Il a besoin d'un énorme crédit d'infrastructure, pour s'équiper pour les navires post-Panamax, de l'ordre d'un demi-milliard de dollars, si j'ai bien saisi.
Votre société serait-elle prête à structurer un tel financement, sachant que le port pourrait donner en nantissement les équipements ainsi réalisés, de même que ses autres biens, ses avoirs fixes propres, plus son flux de trésorerie? Est-ce le genre de garantie que vous exigeriez en vue du financement de ce type de développement?
M. Thomson: Ce que nous recherchons habituellement, c'est un contrat dégageant des revenus sur la durée de vie de la route et une structure de cession-bail du genre de ce que vous décrivez. En réalité, ce que nous recherchons, c'est un accord d'occupation, un accord d'utilisation, avec un crédit de haute qualité - c'est-à- dire l'assurance que l'activité sera au rendez-vous. Sur le plan de la garantie, nous prendrons en nantissement les biens fixes - terrains, bâtiments, peu importe - mais nous prêtons en fait contre un flux de trésorerie. Nous chercherons à titraliser les droits de service futurs touchés par le port.
Vous prenez donc le projet et vous vous demandez quelle est la valeur actuelle des droits nets futurs engendrés par le port? Au vu de ce flux de liquidités, nous décidons que nous pouvons prêter une somme x, nantie par des éléments d'actifs apparentés. Vous constaterez que si le port est rentable et que l'investissement est rationnel, vous pouvez fréquemment obtenir 100 p. 100 du crédit au moyen d'un tel montage, qui est en fait un prêt sur flux de trésorerie avec nantissement.
M. Thompson: Dans certains cas, le bien lui-même est d'intérêt secondaire. Si vous prenez, par exemple, l'immeuble du 240 rue Sparks, l'existence d'un bail à long terme avec le gouvernement vaut plus que le bâtiment, sensiblement plus que le bâtiment. C'est d'ailleurs pour cette raison que cette opération a eu lieu.
M. Gouk: Vous avez des milliards à l'intérieur de ces paramètres.
M. Thompson: C'est tout à fait juste.
Le président: Je pourrais peut-être poser une question apparentée. Dans le cas de la route de Rogers Pass, par exemple, vous parlez de péage. Le mécanisme de paiement... et nous n'avons pas encore eu le mémoire de la Hambros Bank qui fait l'historique de ces péages fantômes en Grande-Bretagne. Dans ce cas, les automobilistes n'ont pas à mettre la main à la poche et à jeter un jeton dans un panier pour emprunter la route. Il y a un paiement en fonction du volume, établi au moyen d'un dispositif de comptage. Est-ce qu'un mécanisme comme celui-ci autoriserait le transfert de risque dont vous parlez?
M. Thompson: Absolument.
Le président: Mais du point de vue de l'automobiliste qui emprunte la route, il n'y a pas de poste de péage barrant son chemin, pas plus qu'aujourd'hui.
M. Thomson: En gros, le concept de péage fantôme fait appel à des compteurs de trafic. Vous disposez ainsi d'un outil de mesure de l'utilisation de la route. Un péage fantôme est le plus indiqué lorsque le secteur privé préconise la construction d'une route donnée, en concurrence avec une autre. Vous voulez vous assurer que le public utilise bien la nouvelle route.
Le système du péage fantôme fonctionne ainsi. Si le public voit un avantage à emprunter la route, l'utilise effectivement parce qu'elle fait gagner du temps etc., alors vous facturez un péage. Si le constructeur ne remplit pas les normes de service, ne réalise pas les gains de temps ou autres avantages que la route est censée fournir, le public ne l'utilisera pas. Le secteur privé assume donc le risque associé à la concrétisation des avantages promis.
Bien que le paiement provienne toujours, à toutes fins pratiques, du Trésor, le gouvernement peut en contrepartie assigner des recettes, peut-être celles d'un prélèvement local spécial d'amélioration, pour alimenter un fonds qui servira à payer le péage fantôme.
Il y a donc différentes façons de payer pour cela par le biais du régime fiscal d'ensemble sans un système de péage explicite. Mais on compte néanmoins le trafic et le secteur privé assume toujours le risque de trafic.
M. Gouk: J'aimerais que ce soit bien clair, puisque nous en sommes à ce sujet. Pourrions-nous nous retrouver, dans ce cas, dans une situation où vous réaménageriez une route comme celle de Rogers Pass, et où le gouvernement se contenterait de dire: les automobilistes en retirent un avantage, nous allons donc faire des relevés ou des comptages de trafic, et nous vous ferons un paiement direct en fonction de ce volume de trafic, et cela sera une ponction sur nos recettes fiscales mais en même temps correspondra à une diminution de nos dépenses? Est-ce là, en substance, comment cela fonctionnerait?
M. Thomson: Vous vous tourneriez vers le secteur privé qui se demanderait: quel est le niveau de dette que l'on peut servir sur la base du volume de trafic? Si davantage de camions choisissent d'emprunter la route de Rogers Pass parce qu'elle est plus sûre et plus efficiente, alors les revenus seront au rendez-vous. Cela revient à transférer les contraintes de service, à garantir que la route soit entretenue.
M. Gouk: Vous m'avez perdu. Lorsque vous dites que s'ils décident que c'est plus sûr et décident de l'utiliser, alors ils vont avoir les revenus, qui va avoir les revenus?
M. Thomson: La dette sera servie par le gouvernement, si bien que ce sera un paiement prélevé sur les recettes générales, mais ce paiement sera basé sur le taux d'utilisation réel de la route.
M. Gouk: Si c'est la seule route, manifestement le trafic antérieur va forcément toujours être là.
M. Thompson: Permettez-moi de vous donner un exemple rapide d'un projet actuellement à l'étude.
Il y a le projet de Red Hill, une autoroute express qui contournera la ville de Hamilton et donnera aux camions une voie de desserte de la ville qui n'existe pas à l'heure actuelle. La province avait convenu de payer 150 millions de dollars pour cette route. Le gouvernement NPD l'a annulée pour des raisons d'ordre écologique.
Le gouvernement Mike Harris a remis le projet en marche, mais à condition que ce ne soit pas une route à péage. On envisage donc un péage fantôme. Il y aura donc sur la route un dispositif de comptage de trafic, qui dénombrera les camions et les voitures. Une facture est ensuite adressée à la municipalité régionale de Hamilton - Wentworth. Cette facture est ensuite réglée au moyen de recettes provenant soit d'une majoration spéciale de la taxe foncière, soit d'un prélèvement spécial applicable au secteur commercial, soit de quelque autre taxe. Mais le montant de la facture adressée à la municipalité est directement lié au volume du trafic empruntant la route.
Les revenus permettant de rembourser la dette sont donc engendrés par cette facture présentée à Hamilton - Wentworth et qui est fonction du trafic de la route.
M. Gouk: Avez-vous une documentation supplémentaire à ce sujet que vous pourriez fournir?
M. Thompson: Oui.
M. Gouk: Pourriez-vous nous la faire parvenir par l'intermédiaire du greffier du comité?
M. Thompson: Oui, absolument.
M. Gouk: Je vous remercie.
M. Thompson: Un dernier mot là-dessus. Tout le mécanisme, en fin de compte, en est un de gestion de la dette. Les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, obtiennent le service public recherché, la construction de l'infrastructure, sans alourdir leur passif. C'est cela l'avantage pour le gouvernement, en fin de compte.
Le président: Je vous remercie. Monsieur Keyes.
M. Keyes (Hamilton-Ouest): Je vous remercie de votre mémoire, messieurs. C'est un excellent travail. On apprend tous les jours. Le jargon utilisé dans votre mémoire est tel que j'ai dû le relire plusieurs fois pour m'y retrouver.
Je ne saisis toujours pas très bien ce que vous entendez exactement par «péage fantôme». Sur la route 407, les véhicules seront équipés d'un certain dispositif de détection qui va faire clic chaque fois que vous empruntez la route et vous recevez ensuite une facture. Quel est ce système de péage fantôme? Qu'est- ce que cela veut dire?
M. Thompson: La taxe sur l'essence que prélèvent actuellement le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont une forme de péage fantôme.
M. Keyes: Et quel est cet autre péage fantôme?
M. Thompson: Un péage fantôme peut être un détecteur de trafic sur la route, que l'automobiliste ne voit pas mais qui donne lieu à un comptage, lequel détermine une facture que quelqu'un doit payer.
M. Keyes: À qui va cette facture?
M. Thompson: Au gouvernement.
M. Keyes: À quel gouvernement?
M. Thompson: Au gouvernement provincial, au gouvernement municipal, ou à un gouvernement régional - à celui qui fournit cette infrastructure.
M. Keyes: Donc l'usager de cette route ne voit pas de facture. Il emprunte la route sans recevoir de facture...
M. Thompson: C'est juste.
M. Keyes: ...sauf que sa facture va prendre la forme de... parce que le gouvernement va devoir récupérer son argent d'une façon ou d'une autre.
M. Thompson: Oh, oui.
M. Keyes: Donc, soit la taxe sur l'essence va devoir augmenter...
M. Thompson: Ou bien il y aura une majoration d'impôt foncier local applicable aux entreprises qui utilisent la route.
M. Keyes: Monsieur le président, je veux être sûr de comprendre. Je vais donc enlever mon chapeau service public et coiffer celui de député de Hamilton-Ouest pour défendre les citoyens de ma circonscription. Je ressens un peu de frustration, je suppose, lorsque j'entends une organisation arriver et nous dire: voilà comment nous pouvons faire les choses. Elle utilise tout ce jargon et c'est merveilleux. Elle nous dit: voici les options. Tantôt c'est inscrit au bilan, tantôt ça ne l'est pas.
Mais en fin de compte s'agissant de la 407, c'est une route à péage. Le consommateur va payer pour l'utilisation de la route. Ils parlent de faire payer au contribuable un péage, de faire payer au contribuable une taxe sur l'essence, d'utiliser l'argent du contribuable pour protéger le risque de placement de celui que je considère être un intermédiaire entre ceux qui ont l'argent et ceux qui en ont besoin. C'est l'intermédiaire qui orchestre tout cela.
Je n'ai rien contre. Si, vous autres, vous trouvez un marché pour des placements d'argent, si vous pouvez toucher votre commission, tant mieux. Mais il y a tous ces intermédiaires à payer en cours de route et le danger que je vois, c'est que l'on cherche à contrôler le risque au détriment du choix du consommateur.
Je vous renvoie à la page 7 de votre mémoire. Au bas de la page, je lis: «Le gouvernement a convenu d'appliquer une réglementation garantissant une différence de vitesse» - oh, je vois donc qu'on va rouler un peu plus vite sur la route à péage - «d'obliger tous les camions à utiliser la route» - excepté pour les livraisons et ramassages locaux - «et à ne pas sensiblement améliorer la route existante».
Eh bien, c'est merveilleux. On dit aux usagers qu'ils ont le choix. Ils peuvent emprunter une nouvelle route à péage améliorée, rouler 20 kilomètres-heure plus vite et arriver plus vite à leur destination etc. Mais les gens dans ma circonscription diront: «Vous savez quoi? Je n'ai pas les moyens d'emprunter une route à péage», et nous leur disons, non, l'ancienne route sera toujours là pour vous.
Oui, mais en même temps on légifère. On va promulguer des règlements pour interdire que cette route soit substantiellement améliorée. Cela signifie que vous pourrez continuer à rouler sur cette vieille route 8 défoncée, ou bien vous pouvez prendre la belle autoroute à péage flambant neuve. Tout le monde, le long de cette chaîne de gabegie va toucher son argent.
Dans le même temps, vous faites payer le contribuable pour protéger ces gestionnaires contre le risque, vous leur imposez un péage sur leur voiture, vous leur imposez les taxes sur leur carburant et peut-être même un point ou deux, comme les témoins l'ont indiqué, sur leurs taxes foncières pour payer le péage fantôme.
Leur facture augmente. Ils n'ont pas le choix. Cela m'inquiète énormément.
Je veux d'ailleurs rectifier la remarque de Gordon. Vous avez dit que l'autoroute 401 est dangereuse, parsemée de nids de poule. J'ai roulé de Toronto à London, et je pense que c'est exagéré.
M. Thompson: Si vous roulez de Toronto à la frontière du Québec, en ce moment, elle est très mauvaise.
M. Keyes: Elle n'est pas dangereuse et elle n'est pas parsemée de nids de poule. Allons donc, Gordon, soyez raisonnable.
M. Thompson: Je vais demander à Warren de répondre à cette question, mais il ne faut pas perdre de vue que dans le cas de la route 104, qui est celle dont vous parlez, la Nouvelle-Écosse n'avait pas le choix. Elle n'avait pas le choix, elle ne pouvait financer la route, un point c'est tout.
Warren, pourriez-vous répondre?
M. Thomson: Certainement.
Je pense que l'élément clé dans tout partenariat public-privé correctement structuré, c'est que le gouvernement conserve toutes les responsabilités voulues en ce qui concerne la fixation des normes et la sécurité. C'était primordial dans la conception tant de la nouvelle route que de l'ancienne.
Plus précisément, en ce qui concerne tout d'abord l'écart des vitesses autorisées, le nouvel alignement ouest est une autoroute d'accès limité, à quatre voies et à large bande de séparation. Elle est conçue pour une vitesse de 110 kilomètres-heure, ce qui est à peu près la norme pour les autoroutes à quatre voies nord- américaines aujourd'hui, particulièrement dans une zone rurale avec ce volume de trafic.
L'ancienne route a une limite de vitesse de 80 kilomètres- heure ce qui, encore une fois, est approprié pour une route ayant des carrefours à niveau. Il s'agit donc d'une route que des véhicules quittent en tournant à gauche et à droite et à laquelle des véhicules accèdent en virant à gauche. C'est d'ailleurs là que surviennent la plupart des accidents mortels; près de 80 p. 100 des accidents mortels étaient le fait de véhicules entrant sur la route par un virage à gauche, en sortant d'une allée et ainsi de suite.
Donc, d'un point de vue vitesse et sécurité, l'écart de vitesse est tout à fait justifié sur la base des normes de sécurité provinciales.
Pour ce qui est de l'obligation des camions d'emprunter la nouvelle route, c'était également un facteur de sécurité en ce sens que la province avait déjà une législation relative aux camions lourds. L'ancienne route n'est pas réellement compatible avec le trafic de traversée de camions lourds, si bien que tout ce qu'a fait la province a été d'imposer une restriction déjà existante à la circulation de camions lourds pour assurer que les camions prennent la nouvelle route.
Une étude menée par l'université Carleton a établi que les camions de transport modernes occasionnent 10 000 fois plus de dégâts à une route qu'une voiture particulière. Les chemins de fer doivent depuis toujours payer eux-mêmes l'entretien de leurs voies. Il est tout à fait approprié de faire payer aux camions un péage qui reflète mieux l'avantage économique qu'ils retirent de la route et les dégâts qu'ils lui infligent.
Pour ce qui est de la non-amélioration de l'ancienne route, cette dernière sera entretenue conformément aux normes de Nouvelle- Écosse. Lorsque nous disions qu'elle ne doit pas être substantiellement améliorée, cela ne signifie pas qu'elle doit rester parsemée de nids de poule, mais qu'elle ne pourra pas être élargie en route à quatre voies. La province a toute latitude de construire des voies de virage aux carrefours et de faire tout ce qui est normal pour l'entretien d'une route à deux voies de deuxième catégorie, en Nouvelle-Écosse. Il n'y a donc aucune réduction de la sécurité ni de manque de choix pour le public, sauf que pour des raisons de sécurité valides, les camions sont obligés d'emprunter la nouvelle autoroute.
Le président: Permettez-moi de poser quelques questions. Une chose qui a été signalée dans le cas de la construction de la 407 et, je crois de la 104 et certainement du pont Charleswood - et je ne sais ce qu'il en est du projet de la rue Sparks - c'est que le recours au secteur privé pour le financement, la construction et la gestion du projet, s'est soldé dans chaque cas par un coût sensiblement inférieur au devis initial.
M. Thomson: C'est juste.
Le président: Pourquoi?
M. Thomson: Dans le cas de la route 104, l'un des avantages les plus nets est le fait que la route a été construite en l'espace de 20 mois. Cela représente, en pratique, deux saisons de construction. Au Canada, où vous devez habituellement cesser les travaux pendant les mois d'hiver, il faut procéder à ce que l'industrie appelle une démobilisation. Au printemps, vous avez une remobilisation de vos équipes.
Remettre en place toutes les machines, ramener les équipes sur le chantier et redémarrer à chaque saison coûte cher. En construisant la route comme elle l'a été, et en l'achevant en l'espace de deux saisons, on a éliminé sept saisons supplémentaires qui auraient été requises avec des méthodes de financement et de construction conventionnelles. Le nombre réduit de mobilisations et de démobilisations a réduit d'environ 30 p. 100 le coût de construction. À cela s'ajoute, bien entendu, l'avantage de la mise en service immédiate de l'équipement.
Le deuxième élément qui survient lorsque le secteur privé conçoit et construit - et le pont Charleswood en est un bon exemple - c'est que c'est lui qui prend les décisions d'optimisation des coûts. Pour vous donner un exemple d'optimisation des coûts en matière de construction routière, un revêtement en béton coûte beaucoup plus cher initialement qu'un revêtement en asphalte, le plus couramment utilisé. En revanche, le revêtement en asphalte a une durée de vie moindre, surtout dans notre climat. Si vous effectuez une analyse du cycle de vie d'une route dont vous devez assumer en totalité l'entretien et la réparation au cours des 30 prochaines années, vous êtes amené à choisir une route en béton, qui vous donne le meilleur coût sur le cycle de vie, plutôt que le revêtement d'asphalte dont le coût initial est moindre.
Il en a été de même dans le cas du pont Charleswood. Toutes sortes d'éléments de conception ont été mis en place qui ont autorisé une construction beaucoup plus rapide et plus économique, utilisant moins de matériaux, avec tous les avantages pour le public qui résultent d'une installation à moindre coût.
Le président: Une autre critique adressée aux partenariats publics-privés est celle-ci: pourquoi recourir au secteur privé et financer le projet de cette façon? Le gouvernement peut emprunter à bien meilleur taux que la société privée, si bien que cela va inévitablement coûter plus cher que si le gouvernement appliquait simplement les méthodes traditionnelles. Que pouvez-vous répondre à cela?
M. Thompson: C'est à cela que je voulais en venir dans ma réponse à M. Keyes. En tant que prêteur non bancaire ayant la capacité de structurer des sources de financement de remplacement, notre rôle n'est pas de promouvoir les routes à péage. Notre rôle est de résoudre les problèmes de gestion de la dette de divers paliers de gouvernement.
Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, si la province avait voulu emprunter l'argent pour construire la route, elle courait le risque de voir sa cote de crédit réduite d'un autre cran. En quelque sorte, sa capacité d'emprunt avait atteint sa limite. Son choix était donc entre emprunter l'argent et voir augmenter le coût de l'ensemble de sa dette ou bien de ne pas construire la route du tout. Ne pas construire la route était politique inacceptable, vu le nombre de personnes perdant la vie sur cette route.
Le montage opéré par Newcourt était réellement destiné à pallier ce problème. La province ne pouvait emprunter. Le montage était donc principalement destiné à être hors bilan et hors crédit, afin que la province ne soit pas du tout dans le collimateur des agences de cotation.
Dans nombre de ces opérations, les discussions que nous avons avec la Colombie-Britannique, par exemple, ou toute autre province qui gère agressivement... elles ont le déficit...
Bon, la Colombie-Britannique est un mauvais exemple. Elle pensait avoir maîtrisé le déficit. Une fois le déficit maîtrisé, les provinces commencent toutes à s'attaquer très sérieusement à la gestion de la dette: bon, le déficit est réglé, mais que faisons- nous avec cet endettement de400 millions de dollars? Elles prennent un peu de recul. Elles ont accepté la notion de partenariats publics-privés. Un peu partout, les gouvernements ont admis que le secteur privé peut construire et exploiter la plupart de ces équipements pour moins cher qu'eux et de manière plus efficiente qu'eux. On en vient donc à cette question de la dette.
Chaque premier ministre et chaque ministre des Finances nous ont toujours dit: allez-vous-en, je ne veux pas vous voir, nous pouvons emprunter à meilleur compte que n'importe qui, l'emprunt d'État est le moins cher de tous, allez-vous-en. Ils ne disent plus cela car, oui, c'est toujours moins cher, mais les montants que les gouvernements doivent augmentent et augmentent et augmentent. Quelqu'un a fini par dire stop, cela ne peut plus durer.
Dans le cas de l'autoroute 407, par exemple, le premier ministre actuel regrette amèrement que l'on ait choisi l'emprunt d'État. Ce serait bien d'avoir les 1,2 milliard de dollars que la province doit actuellement sur cette route - qui d'ailleurs n'est toujours pas en service - elle aimerait beaucoup que cette dette ne grève pas le bilan et la capacité de crédit de la province de l'Ontario.
La Colombie-Britannique dit la même chose aujourd'hui au sujet de l'autoroute de l'île et celle de Coquihalla: pourquoi supportons-nous toute cette dette alors que nous aurions pu avoir un montage financier privé et ne pas être encombrés de ce poids?
C'est donc souvent là le problème.
M. Thomson: Pour ajouter un mot à cela, dans le cas de la Nouvelle-Écosse, la province posait la condition que Moody's et Standard and Poor's confirmeraient que la dette était effectivement hors crédit. En obtenant cette confirmation, elle a non seulement évité une baisse potentielle de sa cote de crédit, elle pourrait bien la voir augmenter; et cela a été confirmé tant par Moody's que par SP. Il pourrait donc en résulter que le coût global des emprunts de la Nouvelle-Écosse baisse grâce à la mise hors bilan de cet emprunt.
Le deuxième facteur est l'échelonnement des remboursements. C'est là qu'intervient l'avantage réel du placement privé par opposition à une émission d'obligations d'État. Avec un placement privé vous pouvez tailler sur mesure le profil de remboursement. Si vous prenez votre route à péage typique et que vous projetez ses revenus sur 30 ans, si vous péages augmentent avec l'inflation et la croissance du PIB, vous disposez d'un revenu croissant. Si vous assortissez exactement vos remboursements au montant des recettes, vous obtenez un péage réel moindre sur le cycle de vie de la route.
Le problème n'est donc pas tant le taux d'intérêt nominal sur la dette. Ce que le public voit, c'est le péage qu'il paie. En assortissant mieux la structure de la dette au revenu de la route, vous aboutissez à un moindre péage réel, lequel représente le coût pour l'usager final.
Le président: Monsieur Gouk.
M. Gouk: Monsieur le président, juste un mot suite à l'intervention de M. Keyes.
Je pense que les partenariats publics-privés ont un très grand rôle à jouer. J'aimerais qu'ils soient assortis de certaines restrictions, et je pense que le marché les impose automatiquement. Mais en ce qui concerne l'engagement donné de ne pas faire certaines choses, comme dans le cas de cette clause de non- amélioration substantielle, je pense que ces messieurs, et tout autre bâilleur de fonds, feraient preuve d'une stupidité absolue s'ils s'engageaient dans un projet dont le gouvernement pourrait, quelques années plus tard, totalement anéantir le flux de trésorerie.
Un exemple que je vous citerai est la vente par VIA Rail - entreprise subventionnée par le gouvernement - d'une branche d'activité, à savoir le Rocky Mountaineer, laissant le secteur privé investir et développer l'affaire, rien que pour voir VIA Rail dire un peu plus tard: mon Dieu, vous gagnez tellement d'argent, je pense que je vais ouvrir un service parallèle et vous concurrencer.
Cela ne devrait pas être permis. Une amélioration substantielle qui mettrait l'ancienne route en concurrence directe avec l'autoroute à péage construite avec des fonds privés ne doit pas être autorisée. Il faut des limites.
Ce que vous avez dit serait fondé si la province était contrainte de laisser la route en mauvais état et dangereuse, mais je pense aussi que des paramètres permettant de mettre la route aux normes provinciales, mais rien de plus, sont réalistes et raisonnables.
Le président: C'est ce que l'on appelle chez nous une question bimodale. Il a réussi à caser le rail et la route dans la même question.
M. Gouk: C'était une réponse à deux T et un C.
Le président: Stan.
M. Keyes: Je suis d'accord avec la première partie du scénario de M. Gouk. Je peux comprendre cela. Si le gouvernement va agir dans l'intérêt du contribuable lors de la conclusion d'un partenariat public-privé, et s'il va trouver ainsi l'argent pour faire les choses bien à l'avantage du contribuable, j'en suis tout à fait partisan.
Mais pour ce qui est de la question ferroviaire, monsieur le président, je dois dire que je ne suis pas d'accord avec M. Gouk. Il a dit qu'une compagnie subventionnée du nom de VIA Rail va mettre en place un service parallèle à celui du Rocky Mountaineer, mais ce n'est pas le cas. Le Rocky Mountaineer dessert une catégorie de touristes - circuit de deux jours, nuit dans le train, dîner de luxe. Ce que VIA cherche à mettre en place, tel que la compagnie nous l'a expliqué ici, n'est pas du tout un service parallèle. Il s'agit plutôt d'un service de navette qui est très différent du Rocky Mountaineer. La comparaison est donc entre une pomme et une orange, et non pas entre deux pommes.
Le président: En fait, je pense que c'est une excellente introduction à la dernière question que j'aimerais poser sur tout ce mécanisme. Nous avons vu quelques exemples de cas particuliers où ces routes ont été construites ou bien où ces partenariats publics-privés ont été utilisés - la 407, le pont de l'Île-du- Prince-Édouard et ce genre de choses. Même la route 104 était un cas particulier. Vu qu'il s'agissait d'une route hautement dangereuse, il y avait toutes sortes de raisons de faire quelque chose, mais je pense que les gens ont beaucoup de mal à admettre cette approche lorsqu'il s'agit de construire un service de banlieue, par opposition aux programmes exceptionnels.
Stan soulève un point très important, et c'en est un sur lequel on bute tout le temps dès qu'il est question de péages. Va- t-on installer des postes de péage sur la route du nord de l'Ontario? Va-t-on installer des postes de péage sur la transcanadienne, entre Winnipeg et Brandon? La réponse est non. C'est tout simplement exclu. Je ne puis imaginer qu'il y ait jamais la volonté politique de le faire, sans parler de tous les autres aspects. Mais c'est là que l'idée des péages fantômes devient intéressante.
Si j'ai bien suivi, le mécanisme de paiement en fonction du volume est un mécanisme de paiement différent à partir des mêmes recettes, qu'il s'agisse d'un versement en liquide de 100 millions de dollars ou d'un paiement à tempérament. À l'heure actuelle, le gouvernement perçoit la taxe sur l'essence et s'il décide de construire une route, il a le choix entre deux formes de paiement: la méthode traditionnelle, qui consiste à payer tant de kilomètres par an jusqu'à l'achèvement, ou bien étaler le paiement sur une durée plus longue, que ce soit le conducteur qui paie au poste de péage ou le gouvernement qui paie sous forme de facture mensuelle, peu importe. D'après ce que vous expliquez, le transfert de risque intervient lorsqu'on opte pour un paiement en fonction du volume. Voilà le premier élément.
Deuxièmement, le montage financier que vous proposez comporte également certains avantages. Je ne sais pas si vous l'avez expliqué, mais si j'ai bien saisi, dans le cas de la 104 - je ne sais pas si c'est vrai aussi de la 407 - et aussi du pont Charleswood, le gouvernement ne commence à payer qu'une fois l'équipement en service. Donc, pendant la phase de construction, il n'y avait pas de paiement. Tout le risque et tout le coût étaient supportés par le groupe qui assurait la construction.
Le troisième élément est cette question du coût d'emprunt réduit, si j'ai bien suivi ce que vous dites. On peut en tout cas arguer... Vous avez parlé du cas particulier de la Nouvelle-Écosse, où vous avez peut-être réduit le coût global de ses emprunts. Mais cela ne sera pas un facteur dans la construction de toutes les routes, et c'est peut-être un cas spécial. Mais même s'agissant d'une route ordinaire, le montage est au moins compétitif, sinon plus favorable, du point de vue - je ne trouve jamais le mot - du coût futur du crédit. Il y a un calcul basé sur la valeur nette actuelle.
Pouvez-vous répondre à cela?
M. Thomson: Au sujet du premier point, le recours au péage fantôme et le transfert du risque, vous avez la possibilité de dire que si l'utilisation de l'équipement augmente avec le temps, vous aurez une source de revenu indirectement apparentée, telle qu'une taxe sur le carburant. Si vous la mettez en parallèle avec l'équipement que vous avez construit - c'est-à-dire, l'équipement est-il entretenu de façon à attirer le public, offre-t-il un meilleur service, une meilleure utilité? - si l'utilisation est là, vous avez la preuve concrète que le public estime retirer un avantage de cette route et vous payez le service de la dette. Cela transfère donc le risque de remboursement de la dette, le risque de trafic, vers le secteur privé, même dans le cas d'un péage fantôme et même si le gouvernement paie en puisant dans ses recettes générales.
Encore une fois, pour ce qui est de l'étalement des paiements... et c'est le concept que nous appelons «accrétion», qui a été employé pour la route 104. Accréter la dette signifie qu'il n'y a pas de paiement d'intérêt pendant une certaine période. Les intérêts s'accumulent et sont ajoutés au capital impayé. C'est utile dans la phase de construction d'un marché de conception- construction, car l'accrétion de la dette permet d'avancer l'argent au début des travaux et de construire l'infrastructure de la manière la plus efficiente possible, mais sans avoir à servir la dette tant que l'équipement n'est pas en service.
Dans le cas de la route 104, le service de la dette n'intervient que graduellement. Au début du chantier, le capital impayé est d'environ 61 millions de dollars. C'est le montant que nous avons initialement avancé. Dix ans environ après la mise en service de la route, le capital impayé passe à près de 80 millions de dollars, et c'est dû au non-paiement des intérêts. Cela revient pour le secteur privé à faire preuve de patience et à attendre une combinaison de croissance du PIB et d'inflation pour que le flux des revenus parvienne au niveau requis par le service de la dette. Donc, encore une fois, cela permet de construire l'équipement de la manière la plus efficiente possible. Vous pouvez faire toute l'ingénierie de la valeur, construire l'équipement aussi rapidement que possible et laisser le risque au secteur privé.
Votre dernier point concernait le coût effectif des fonds. En ce qui concerne la différence entre un emprunt d'État et un placement de dette privé, il faut voir quels facteurs sont pris en compte dans le modèle de calcul du coût du capital que tout le monde utilise. Si vous avez recours au gouvernement du Canada et à une émission d'obligations librement négociables, c'est manifestement le type d'emprunt le moins cher que l'on puisse trouver. Si, en revanche, vous optez pour un placement privé, du fait que les investisseurs renoncent à la liquidité, du fait qu'ils ne vont pouvoir négocier ces créances avant leur maturité, vous devez payer pour l'absence de liquidité dans une émission obligataire à placement privé.
Par ailleurs, du fait que le secteur privé assume en fait le risque du projet, le prêt est sur la base de la cote de crédit propre du projet, qui peut être triple-B. Le gouvernement du Canada a peut-être une cote de crédit triple-A sur sa dette intérieure, mais dans le cas d'une route à péage quelque part, la cote de crédit propre de celle-ci peut être triple-B. Évidemment, un risque triple-B appelle un taux d'intérêt supérieur sur le marché, à quoi s'ajoute le fait qu'il s'agit d'un instrument à placement privé. Mais, comme je l'ai dit, le fait que le remboursement soit mieux assorti au flux de revenu produit par l'équipement fera plus que compenser le taux d'intérêt nominal supérieur.
Le président: Messieurs, nous allons maintenant entendre ceux qui paient pour les routes. Je vous remercie infiniment de nous avoir consacré votre temps.
M. Thompson: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Nous entendons maintenant Mme Laura Kilgour, de l'Association canadienne du camionnage.
Si vous avez été présente depuis quelque temps, vous savez qu'il y a pas mal de débat sur cette question.
Soyez la bienvenue. Nous avons déjà reçu l'Ontario Trucking Association ainsi qu'un certain nombre d'autres petits groupes. Nous sommes ravis de vous accueillir à votre tour. Vous êtes attendue. Si vous pouviez prendre une dizaine de minutes pour faire votre exposé, je vous garantis que la période de questions sera animée.
Mme Laura Kilgour (directrice, services aux membres, Association canadienne du camionnage): Je voudrais commencer par vous remercier de cette occasion de vous parler au nom de l'industrie nationale du camionnage. Je vous prie par avance d'excuser mon incapacité à m'exprimer en français. Les associations ne sont pas à l'abri de l'austérité. Tous les autres membres dirigeants de l'association sont bilingues, mais ils sont tous en déplacement. C'est la raison pour laquelle c'est moi, l'unilingue, qui comparaît devant vous aujourd'hui.
M. Keyes: Vous n'avez pas à vous excuser.
Mme Kilgour: J'ai tout à fait conscience que vous avez entendu de nombreux intervenants. J'ai été heureuse d'écouter ceux qui m'ont précédée. Vous avez entendu, au fil de nombreuses journées d'audience, des points de vue très divers. Nous vous avons fait parvenir notre mémoire en août, et je ne vais donc pas en faire lecture.
Il est assez évident que l'industrie canadienne du camionnage est tributaire d'un réseau routier de bonne qualité et bien entretenu. Il est tout aussi évident aux yeux de quiconque circule au Canada que le réseau routier national s'est détérioré et qu'un réinvestissement est nécessaire. Cependant, la question plus pressante, dont vous venez de parler, est de savoir comment ces améliorations vont être payées.
L'industrie canadienne du camionnage - et je suis sûre que nombre de nos associations provinciales vous l'ont déjà dit - estime qu'il faut réinvestir une grande partie des prélèvements déjà effectués auprès des usagers, et n'opérer de prélèvements supplémentaires que pour des projets dont la viabilité commerciale est assurée. Je pense que c'est la distinction à établir.
Je suis sûre que vous avez entendu déjà une pléthore de statistiques venant de quantité de sources différentes. Franchement, je pense que l'on peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut, si bien que vous devez vérifier soigneusement les paramètres de certaines de ces études.
Dans notre mémoire, nous faisons état de l'étude effectuée par Transports Canada pour la Commission royale sur le transport de voyageurs au Canada, qui montre que le taux de réinvestissement des recettes fédérales provenant de la route n'était que de 12,7 p. 100 en 1988-1989. Par comparaison, les gouvernements provinciaux ont investi 82 p. 100 de leurs recettes cette année-là. Les pourcentages sont similaires aujourd'hui; ainsi donc, les taxes actuellement prélevées auprès des usagers de la route suffiraient largement à financer le réseau routier. Le mécanisme des fonds assignés est utilisé dans de nombreux pays, y compris les États- Unis. Les recettes des taxes routières y sont réservées aux routes.
Transports Canada a achevé une autre étude en juin 1996. J'ai apporté mon exemplaire, car je ne suis pas certaine que vous l'ayez reçue. Elle porte sur l'année 1993 et indique que les taxes sur le carburant et autres recettes liées à la route payées par les usagers au gouvernement fédéral se chiffraient à 10,4 milliards de dollars en 1993. Cette même année, les gouvernements provinciaux ont dépensé 5,5 milliards de dollars pour les routes, y compris les transferts à d'autres paliers de gouvernement à cette fin, alors que le gouvernement fédéral n'a dépensé que 300 millions de dollars.
Cette même année, les municipalités ont dépensé environ 5 millions de dollars pour les routes - y compris l'infrastructure des nouveaux lotissements. Pour éviter la double comptabilité, ces chiffres n'englobent pas les transferts versés aux municipalités par les autres paliers de gouvernement. Cette activité est financée par leur assiette fiscale, à savoir principalement les taxes foncières. On peut arguer que ces taxes sont la contrepartie de l'accès donné à ces biens immobiliers.
Je crois savoir que les chemins de fer ont comparu devant vous la semaine dernière et affirmé que le coût des routes a dépassé de 5,5 milliards de dollars le total des taxes sur l'essence et des redevances perçues globalement par les paliers fédéral, provincial et municipal en 1993. Franchement, cela est démenti par cette étude de Transports Canada. Je ne sais pas trop d'où ils tirent ces chiffres, mais je pense qu'il faut se montrer très prudent face aux coûts des municipalités et à leur exploitation statistique.
Ce que j'essaie de dire c'est que les statistiques sont hautement manipulables et qu'il faut regarder de très près leurs paramètres.
Ce n'est pas la première fois, et j'en suis sûre pas la dernière, que l'industrie ferroviaire et l'industrie du camionnage divergent quant à la distribution des taxes et dépenses et quant au déplacement potentiel du fret de la route vers le rail.
Le camionnage, plutôt que le chemin de fer, est devenu le mode de transport dominant des marchandises au Canada et en Amérique du Nord en raison des besoins du marché. Vu la longueur relativement courte de la majorité des trajets de camion, et la nature multidirectionnelle du camionnage, combinées à la souplesse avec laquelle il peut acheminer de petites quantités de marchandises à des milliers d'usines et de détaillants et à ses services de nuit et juste-à-temps, le potentiel de transfert d'un mode à l'autre n'est réellement pas très grand.
Ceci est la troisième fois que je comparais devant un comité de la Chambre des communes pour discuter de ce genre de choses. J'ai réexaminé certaines choses que j'ai dites précédemment. En novembre 1992, lorsque nous avons comparu devant le Comité permanent de l'environnement, nous avons cité une étude effectuée pour Transports Canada par le Canadian Institutes of Guided Ground Transport, qui fait partie de l'Université Queen's. Cette étude portait sur l'incidence sur les chemins de fer canadiens de modifications apportées aux redevances d'utilisation routière. Elle établissait que même le triplement des taxes routières était peu susceptible de modifier fondamentalement l'équilibre concurrentiel et d'amener un déplacement du fret entre la route et le rail.
Ainsi donc, le camionnage est réellement devenu le mode de transport dominant en raison de facteurs commerciaux, c'est-à-dire des besoins des expéditeurs, contrairement aux affirmations des compagnies ferroviaires voulant que ce soit les subventions croisées dont bénéficie le camionnage. Les faits infirment cette thèse.
J'ai entendu les témoins précédents dire que les camions causent 10 000 fois plus de dégâts que les autres véhicules. J'ai entendu d'autres chiffres voulant que ce soit 29 000 fois plus et d'autres disant beaucoup d'autres choses. On voit quantité de formules économétriques et d'ingénierie différentes qui prétendent chiffrer précisément combien les camions devraient payer pour les routes et quelle part de dégradation est causée par les camions.
Encore une fois, c'est là un domaine où la détermination des coûts est un problème très complexe et où il faut manier les statistiques avec beaucoup de prudence. Différents ingénieurs utilisent toutes sortes de formules et il est très difficile de déterminer combien...
Le président: Voyez donc l'industrie du tabac.
Mme Kilgour: ... les camions devraient payer la place qu'ils occupent sur les routes.
Nous savons que les gouvernements des provinces centrales, de même que le gouvernement fédéral depuis 1985, perçoivent beaucoup plus de taxes auprès des usagers des routes, camions compris, que ce qu'ils réinvestissent dans les routes. Le reste est versé aux recettes générales.
Comme vous le savez certainement, l'industrie du camionnage paie des taxes sur le carburant provinciales et fédérales, des droits de licence, des taxes de vente et des impôts sur les sociétés, et dans certaines provinces nous payons déjà... et les routes à péage et d'autres formes de financement semblent se multiplier, ainsi qu'en témoigne la route 104, la route 407, la route de Coquihalla et quelques autres.
Un camion ontarien typique à 18 roues - pour autant qu'il existe un camion typique - contribue environ 40 000$ par an de recettes fiscales aux gouvernements provincial et fédéral.
Des études menées par l'Association des transports du Canada montrent, elles aussi, que les gouvernements provinciaux et fédéral ont prélevé au cours de la dernière décennie beaucoup plus de taxes routières qu'ils n'ont réinvesti dans l'infrastructure.
En 1994, l'ATC a comparu au sujet de la commercialisation de CN Amérique du Nord et il s'est déroulé toute une discussion sur le choix du mode de transport. En réalité, c'est le marché qui exige un transport économique et efficient, et c'est cela le facteur prépondérant. Si vous augmentez massivement les taxes routières rien que pour amener un déplacement de 10 à 15 p. 100 du fret vers le rail, ce sera néfaste pour toute l'économie et régressif pour le consommateur canadien moyen, celui qui paie en bout de ligne, comme nous le savons tous.
Les transporteurs routiers ne peuvent réellement pas absorber de coûts d'exploitation supplémentaires sans risquer leur survie sur le marché et leur compétitivité. Ces frais devront être répercutés sur les fabricants, ce qui va alourdir leurs coûts et les rendre moins compétitifs. Il ne faut pas oublier que près de 70 p. 100 des échanges entre le Canada et les États-Unis passent par la route, si bien que toute l'économie en serait durement touchée car le camionnage n'est qu'une industrie de service pour l'économie dans son ensemble.
Cependant, il existe des travaux routiers particuliers qui peuvent accroître la productivité des usagers et qui peuvent être financés par des redevances d'usager. Dans le cas de la route 407, l'industrie du camionnage était favorable au péage, à certaines conditions - l'existence d'itinéraires de rechange - et en tout cas les usagers ont eu leur mot à dire.
Les camionneurs estiment que la construction de nouvelles routes à péage doit dépendre de l'existence d'avantages commerciaux tangibles. Les usagers sont prêts à payer pour ces investissements, mais les pouvoirs publics doivent accepter que les usagers participent au processus d'évaluation. Cela n'a pas été le cas de la route 104. Les camionneurs et transporteurs de la région vont subir quantité de coûts à long terme dont on ne découvrira les effets que plus tard et qui n'ont pas été pris en considération dans ce processus, puisque les camions n'ont pas le choix d'un autre itinéraire.
Quoi qu'il advienne, les gouvernements doivent également s'engager à consacrer une part plus grande de leurs recettes actuelles aux améliorations d'infrastructure, mais uniquement de manière stratégique et sélective pour les parties de l'infrastructure routière où cela est nécessaire, où l'amélioration serait la plus bénéfique pour l'ensemble du réseau. Je sais que toutes sortes de groupements comparaissent ici pour parler de l'ensemble du réseau de transport national. Ils citent des pourcentages disant que x parties du réseau sont à 39 p. 100 en dessous des normes, ce genre de choses. Mais je pense qu'il faut voir comment ces routes sont stratégiquement reliées entre elles et juger au cas par cas, et investir l'argent de la manière la plus stratégique possible.
Dans l'industrie du camionnage, nous savons bien qu'il y a pénurie de crédits. Nous ne venons pas ici pour réclamer que la totalité des recettes routières soient retirées du budget général et consacrées aux routes. Nous sommes très sensibles à la conjoncture économique, car nul que le camionnage n'en ressent les fluctuations plus vite que nous. Dès que l'économie commence à ralentir, nous en voyons l'effet immédiatement sur notre profitabilité.
J'utilise un petit indicateur très intéressant. Je regarde comment va la location des remorques. Cela m'indique habituellement six mois à l'avance l'évolution de la profitabilité de nos entreprises de camionnage. Nous sommes un assez bon indicateur de la conjoncture économique.
Cela dit, je suis prête à répondre à vos questions. Je ne suis pas ingénieur et je n'ai pas beaucoup d'expérience des formules de financement et de ce genre de choses, mais je suis de très près l'industrie du camionnage depuis cinq ans. J'espère pouvoir répondre à vos questions.
Le président: Monsieur Mercier.
[Français]
M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): On entend souvent, dans le grand public, trois formes de critiques à l'égard du transport par camion. La première, et vous y avez fait allusion, est qu'un camion consomme 10 000, 18 000 ou 29 000 fois plus qu'une voiture. Vous parliez d'un camion pour lequel, en Ontario, on payait 40 000$ par an en taxes. Quarante mille dollars divisés par 10 000, cela ferait quatre dollars. Si les camions et les voitures payaient cette taxe en proportion de l'usure qu'ils provoquent à la route, alors qu'un camion paie 40 000$, une voiture devrait payer quatre dollars. Il est évident qu'elle paie beaucoup plus.
En d'autres mots, que répondez-vous aux gens qui disent que les camions paient trop peu par rapport à ce que paient les voitures ou bien que les voitures paient trop? Cela revient au même. C'est la première critique que l'on fait. Je ne dis pas que c'est moi qui la fais, mais c'est une critique que j'entends souvent.
Quant à la deuxième, on dit que, tout au moins au Québec, la loi est insuffisante ou on la fait insuffisamment respecter en ce qui a trait au nombre d'heures d'affilée pendant lesquels un chauffeur conduit et que, par conséquent, il y a un danger de fatigue. Il est courant, au Québec, d'entendre dire que beaucoup de chauffeurs ont un faux livret de contrôle du temps et que c'est un fléau que cette impossibilité, dans l'état de la loi actuelle, de limiter le nombre d'heures pendant lesquelles un chauffeur roule par jour.
Troisièmement, on dit que le camion cause plus de dommages à l'environnement que le chemin de fer, malgré l'avantage évident du camion par rapport au chemin de fer, qui est de prendre la marchandise à domicile et de la livrer chez les destinataires. Il est évident qu'une tonne transportée sur route consomme beaucoup plus d'énergie qu'une tonne transportée sur rail et qu'elle rejette dans l'atmosphère une plus grande quantité d'anhydride de carbone.
Je vous demande de réagir à ces trois formes de critique que l'on entend formuler au sujet du transport par camion. Ensuite j'aimerais que vous me disiez un mot sur ce que vous pensez du transport bimodal dont on parle très souvent maintenant. La marchandise est prise en charge par un camion qui monte sur le rail presque jusqu'à sa destination finale et, de là, continue jusque chez le destinataire.
[Traduction]
Mme Kilgour: Cela fait beaucoup pour une question. Je ne sais pas trop par quoi vous aimeriez que je commence, et je vais donc répondre dans l'ordre de vos questions.
Pour ce qui est des dégâts causés à la route, avant de venir ici j'ai lu quelques études - j'en ai tout un rayonnage - sur ce que l'on appelle la «ventilation des coûts», la détermination des dégâts comparatifs causés par les camions, les voitures, le climat et tout le reste. Je vois, d'après votre prémisse et vos chiffres, que vous acceptez le chiffre de 10 000 fois plus. Je ne suis pas certaine, sur la base des études d'ingénierie, que l'on puisse admettre ce chiffre.
Il y a beaucoup de formules différentes et, d'après tout ce que j'ai pu lire, il est très difficile d'admettre une telle différence. Je ne suis donc pas certaine que cette doléance exprimée contre le camionnage soit justifiée.
Si vous construisez une route au milieu de nulle part et sans que personne n'y circule, elle va quand même se détériorer au fil du temps. Lorsque je circule dans mon lotissement sur une route où ne passe aucun camion lourd, j'y vois quand même des nids de poule causés par les voitures. Les études ne semblent pas établir une différence aussi énorme entre les dégâts causés.
Je ne peux donc que répondre que les différences ne me paraissent pas aussi grandes, tout en reconnaissant que les camions provoquent une certaine usure des routes. Nul ne le nie.
Votre deuxième question porte sur la sécurité routière. Toute la question du respect de la législation, non seulement en matière de fatigue mais à beaucoup d'autres égards, préoccupe grandement l'industrie. Nous exprimons depuis pas mal de temps nos préoccupations à ce sujet aux gouvernements provinciaux.
Lorsque le camionnage a été déréglementé il y a dix ans, nous devions être réglementés sur la base de l'aptitude, mais dix années après, les critères de vérification de sécurité n'ont toujours pas été acceptés par les gouvernements provinciaux ni appliqués par l'industrie. Ce n'est pas que l'industrie soit réticente. Au contraire, nous pensons qu'il faut un contrôle. Cela fait du tort aux propriétaires responsables lorsque des conducteurs irresponsables sillonnent les routes dans de mauvaises conditions de sécurité. Je suis en faveur des contrôles. Mais je pense que les médias font beaucoup de bruit autour de certains incidents, par sensationnalisme.
La fatigue est un problème. Nous avons participé à une étude à l'échelle de l'Amérique du Nord sur les causes de la fatigue et la gestion de la fatigue. Vous ne savez peut-être pas que les lignes directrices sur les heures de service ont été rédigées sur une base, au moment de leur adoption, qui n'avait absolument rien à voir avec la fatigue elle-même et la science de la fatigue. Les études montrent qu'un chauffeur, après une semaine de vacances, peut être plus fatigué après seulement deux heures de conduite qu'un autre qui roule depuis dix heures, en fonction du rythme circadien et de beaucoup d'autres choses.
Il faut étudier beaucoup plus les causes de la fatigue. Pour cette raison, notre industrie a lancé une campagne d'éducation sur la fatigue. Nous avons des cassettes et des manuels à l'intention des chauffeurs pour leur apprendre comment gérer leur fatigue, les aider à comprendre pourquoi ils fatiguent et ce qu'ils peuvent faire pour y remédier. L'application rigoureuse des heures n'est pas une solution complète.
Pour ce qui est de la troisième question, l'environnement, nous sommes très en faveur du transport intermodal là où il est indiqué. Nous devons utiliser toutes nos ressources de façon plus sage. Cela fonctionnerait sans doute beaucoup mieux si les chemins de fer vendaient leurs services en gros plutôt qu'au détail. Il y a beaucoup de projets en cours, notamment celui de la Route de fer de CP. Nous y participons, pour tenter de trouver des façons d'économiser de l'argent et de mieux protéger l'environnement et tout le reste.
Le président: Je vous remercie, madame Kilgour. Monsieur Gouk.
M. Gouk: Je vous remercie, monsieur le président. J'ai trois, peut-être quatre questions, et je vais donc essayer d'être bref.
Mme Kilgour: J'essaierai de répondre brièvement aussi.
M. Gouk: Premièrement, le témoin précédent, parlant de la route 104, a dit que cette dernière offrait une distance plus courte et une vitesse plus grande. Il y a donc à la fois une économie de temps et une économie de carburant, soit une économie d'argent pour les camionneurs.
Si l'on peut construire une route où cet avantage est avéré, est-ce que l'Association du camionnage est généralement en faveur du péage? En l'occurrence, ils disent que l'avantage équivaut à 10$. Est-il réaliste d'appliquer un péage de 10$ dans ce cas particulier si l'on peut véritablement démontrer qu'il y a un avantage de l'ordre de 10$ pour chaque camion qui emprunte la route?
Mme Kilgour: C'est ce que nous entendons par «usager-décideur» et «placement stratégique». Mais je pense qu'il faut regarder de très près les hypothèses de travail. Ils disent que la route est construite pour une vitesse de 110 kilomètres-heure. Vous ne savez peut-être pas que la plupart des compagnies de camionnage cherchent à limiter la vitesse de leurs véhicules à90 kilomètres-heure pour des raisons d'économie de carburant. Cette vitesse supérieure ne leur apporte donc pas grand-chose car ces camions vont avoir une économie de temps plus réduite.
Mais avec la route 407, nous escomptons effectivement une économie. Nous pouvions voir qu'elle présentait un avantage stratégique et nous avons donné notre appui.
M. Gouk: Les camionneurs américains sont-ils avantagés sur le plan des coûts? Je sais que le cabotage est interdit au Canada, mais sachant que vous effectuez les transports à destination des États-Unis et retour et que les camions américains font de même, y a-t-il une inégalité entre transporteurs américains et canadiens qui vous cause des difficultés?
Mme Kilgour: Lorsque nous circulons sur les mêmes routes, il est difficile de dire que nous sommes défavorisés par rapport à eux. Mais sachant qu'il faut considérer la situation économique d'ensemble de l'entreprise et qu'il est plus coûteux de faire le transport au Canada, et que les Canadiens assurent la plus grande part du transport intérieur, cela introduit une inefficience dans le système.
M. Gouk: Il existe un programme par lequel les parlementaires vont passer une semaine dans une entreprise ou un syndicat. Je l'ai fait l'année dernière dans une section locale des Teamsters, et ils ont soulevé la question de la fatigue des chauffeurs. En dépit de ce que vous avez dit, et qui n'est pas tout à fait faux, sur le fait que les heures ne sont pas seules en cause, les conducteurs disaient que les heures sont un gros facteur. Vu la baisse des taux, les chauffeurs essaient de rouler plus longtemps pour couvrir plus de distance, car c'est ce qui détermine leur paie.
Étant donné qu'ils doivent s'arrêter fréquemment aux postes de pesage, en particulier sur les grandes routes, serait-il approprié d'apposer sur leur carnet de bord une estampille indiquant la date, l'heure et le lieu? Cela pourrait empêcher le chauffeur de rouler 14 heures d'affilée et de prétendre qu'il n'est sur la route que depuis huit heures ou quelque chose du genre.
Mme Kilgour: Si vous regardez un carnet de bord, il faut y inscrire le kilométrage parcouru et les lieux où vous êtes allé. Il faut y inscrire énormément de renseignements. Beaucoup d'entreprises de camionnage étudient ces carnets de près pour s'assurer que les conducteurs respectent les limites de vitesse et les heures de conduite, ne dépassent pas les heures. Les entreprises en général font tout ce qu'elles peuvent pour empêcher les chauffeurs de dépasser les heures. C'est une question de sécurité et c'est très important.
M. Gouk: J'ai rencontré la British Columbia Trucking Association l'an dernier et ils me disent que, parfois, ils n'ont pas l'impression d'être des camionneurs mais des percepteurs d'impôts tellement il y a de formulaires, de carnets et de formalités. Ils passent une bonne partie de leur temps à remplir les formalités. Indépendamment des montants que vous payez, est-ce que les formalités représentent un problème pour vous?
Mme Kilgour: Ce sont les formalités réglementaires qui me donnent mon emploi. Je suis avocate pour l'Association des camionneurs. Lorsque je suis retournée à ma faculté de droit, les gens étaient étonnés que je travaille pour les camionneurs. Je leur ai répondu que je vois davantage de problèmes constitutionnels et juridiques dans une entreprise de camionnage que la plupart de leurs clients n'en connaîtront jamais.
Je pense que nous sommes l'industrie la plus surréglementée du Canada - au niveau provincial, fédéral et municipal. Le fardeau administratif est incroyable. Il est incroyable le nombre de paperasses et de formalités à remplir par quiconque veut ouvrir une entreprise de camionnage. Ils n'en reviennent pas de voir le nombre de choses qu'ils doivent faire et la quantité de papiers à remplir.
M. Gouk: Avez-vous quelque document exposant ce problème que vous pourriez remettre au comité?
Mme Kilgour: Je ne suis pas sûre d'en avoir un qui regroupe tout cela. Nous venons juste de collaborer à un livre intitulé US Trucking in Canada à l'intention des Américains. Beaucoup plus de camionneurs américains commencent à venir au Canada et ils veulent se renseigner sur notre régime. Nous recevons sans cesse des appels de gens demandant ce qu'ils doivent faire pour démarrer et nous leur indiquons les sources d'information disponibles.
Nous passons beaucoup de temps à rédiger et publier des livres pour familiariser les chauffeurs de camion avec tous les règlements - le code de sécurité, les heures de service, les passages de frontières, toute cette sorte de choses. L'association reçoit des appels des provenances les plus incroyables, y compris de jeunes qui veulent devenir chauffeurs de camion. Nous recevons beaucoup de lettres de jeunes. Certaines ne sont pas lisibles; manifestement, ils ont du mal à lire et à écrire. Nous leur répondons toujours qu'ils doivent améliorer cela car vous ne pouvez travailler dans ce secteur autrement.
Le président: J'ai une dernière question. L'industrie du camionnage, dites-vous dans votre mémoire, reconnaît que les routes sur lesquelles circulent les camions coûtent cher à construire et n'est pas opposée à payer pour cela. Si l'on avait recours à une forme différente de paiement, une forme différente de péage, qui serait compensée par une diminution de la taxe sur le carburant, votre association serait-elle en faveur de cela?
Mme Kilgour: La réponse figure en partie dans la réponse à la question précédente: quoi que vous fassiez, n'en faites pas un cauchemar administratif. Nous sommes prêts à payer notre juste part.
Le président: Le gouvernement transformer quelque chose en fardeau administratif?
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre les représentants de Vélo Québec. Bienvenue. Je vous inviterai à prendre une dizaine de minutes pour nous faire vos remarques liminaires, après quoi nous passerons aux questions.
[Français]
M. Michel Labrecque (président exécutif, Vélo Québec): Monsieur le président, messieurs les députés, je vais vous présenter rapidement le projet de la Route verte, qui est décrit dans la pochette que je vous ai remise. Il y a une carte de présentation du schéma général de la Route verte, de ce que deviendra le projet d'ici l'an 2005.
Je présente ce projet devant votre comité parce qu'il a des implications très importantes au niveau du transport et que je pense que vous devez en prendre connaissance. Vous pourrez ainsi mieux prendre les décisions qui auront des répercussions éventuelles sur la Route verte.
Donc, la Route verte est un projet qui est né en 1991, lors de la conférence Vélo mondiale à Montréal, où il y avait 600 congressistes d'une trentaine de pays. Ce plan de la Route verte vise à relier l'est du Québec à l'ouest du Québec et le nord du Québec au sud, et à faire des liens avec l'Ontario par le biais du Témiscamingue et la région de la Capitale nationale, les États américains du Maine, du New Hampshire et du Vermont principalement, et l'État de New York et le Nouveau-Brunswick par un lien qui est déjà tracé entre Cabano, le Petit Témis et Edmundston.
Cela s'inspire des grands itinéraires cyclables qui sont en train d'être tracés dans le monde, mais surtout en Europe et aux États-Unis. On pense aux Cycloroutes du Danemark, au National Cycle Network de Grande-Bretagne, qui est fait par Sustrans dans le cadre du Millenium National Lottery Fund de la Grande-Bretagne, à la Véloroute de l'Oregon ainsi qu'à celle qui va longer les États de Washington et de la Californie.
Ce n'est pas une piste cyclable, mais un itinéraire, ce qui veut dire qu'on recyclera en quelque sorte des emprises de voies ferrées qui ont été abandonnées et qui sont restées du domaine public. À d'autres endroits, ce seront des accotements asphaltés, des sentiers en sites propres dans des parcs nationaux ou provinciaux, de petites routes, et tout cela sera intégré par une signalisation et une identification très précises. Le projet devrait se terminer en 2005.
Les évaluations étaient, en 1994-1995, de 88 millions de dollars. Donc, on peut penser qu'en 2005, avec les ajustements, ce sera un projet de l'ordre d'à peu près 100 millions de dollars.
La pratique du cyclisme, comme vous le savez sans doute, connaît une progression très importante au Canada comme au Québec. Les éléments sont multiples mais pour reprendre les propos de M. Foot, le démographe bien connu, c'est un phénomène qui est relié au vieillissement de la population et au fait que les gens cherchent des activités de loisir et touristiques qu'ils pourront pratiquer en famille, avec les enfants, mais aussi tout au long de leur vie.
Il y a aussi un autre élément, celui du «boom vélo». Dans certaines villes, notamment à Vancouver, Toronto et Montréal, un certain pourcentage des gens utilisent maintenant le vélo à des fins de transport. Ils vont à l'école ou au travail à vélo dans des proportions qui varient de 2 à 8 p. 100 selon les quartiers ou les villes comme Toronto, Hamilton, Vancouver ou Montréal.
Cela s'inscrit dans la tendance loisir, mais aussi dans la tendance cyclotouristique. Aux États-Unis, il y aurait près de 800 000 personnes qui s'adonnent au extended cyclotouring, c'est-à-dire des gens qui quittent leur État d'origine pour aller dans d'autres États. Juste à la frontière du Québec, au Vermont, il y a quatre agences de voyages qui vivent du tourisme à vélo d'Américains qui viennent faire le circuit. Nous présentons le projet de la Route verte devant votre comité parce que nous pensons en particulier à l'exemple des États-Unis et à leur programme ISTEA (Surface Transportation Efficiency Act), qui fait partie des grands programmes d'infrastructures américains et qui permet le financement, dans le cadre des programmes d'infrastructures, d'aménagements cyclables, d'asphaltage d'accotements, de tracés pour relier entre elles des municipalités ou d'anciennes voies ferrées abandonnées.
Nous pensons que les programmes d'infrastructures canadiens devraient ajouter un volet permettant - c'est toujours optionnel - aux provinces ou aux municipalités qui en font la demande d'obtenir des fonds pour la réalisation d'aménagements cyclables utilitaires ou récréatifs en milieu urbain ou en milieu rural.
J'ai détaillé dans le mémoire les principales activités du modèle ISTEA américain, dont le Congestion Mitigac et le Surface Transportation Program. Il y a une dizaine de programmes qui, grâce à des fonds puisés dans les taxes sur l'essence, ont permis d'aller chercher des ressources financières qui, jumelées aux ressources provinciales ou des États, dans le cas américain, et aux ressources municipales, ont permis de relier des projets du type de la Route verte.
Nous pensons que votre comité devrait étudier sérieusement la possibilité d'ouvrir une porte à tous les projets ou programmes qui permettent la réalisation de projets comme la Route verte. À l'heure actuelle, huit cents de taxes sont perçues, dont deux servent à la construction ou à la réparation de routes. On pense qu'une partie de ce fonds pourrait être consacrée à l'asphaltage des accotements.
Je vous rappelle, pour des fins techniques, que l'asphaltage des accotements - cela se pratique beaucoup aux États-Unis - est une amélioration non seulement au point de vue de la qualité et de la longévité de la structure routière, mais aussi au point de vue de la sécurité de tous les usagers: cyclistes, piétons et autres.
Nous vous présentons le projet de la Route verte, mais nous savons que dans d'autres provinces canadiennes, il y a des projets parfois comparables, d'autres fois similaires. Ces projets devraient avoir accès à ces fonds, en partenariat avec les provinces et les municipalités.
Ce l'est, de fait, mais nous croyons que dans les recommandations que vous pouvez faire, la bicyclette devrait être nommément reconnue comme un moyen de transport avec ses avantages pour l'environnement, pour le tourisme et pour le loisir, comme un moyen de transport que les Canadiens peuvent utiliser pour se déplacer à des fins récréatives ou à des fins de transport.
Le président: Thank you very much. Monsieur Mercier.
M. Mercier: J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre exposé. Je suis très intéressé au projet, d'autant plus que je fais moi-même beaucoup de bicyclette.
J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, il y a une controverse au sujet du port du casque. Vous connaissez les arguments. Quand on roule en Europe, on n'en voit presque pas. Je pense à Foglia, voyageant en Hollande et voyant deux cyclistes casqués et devinant par là qu'ils étaient Américains.
Aux États-Unis, vous en voyez beaucoup. Ici, c'est mitigé. Les arguments en faveur du casque s'appuient sur le fait qu'il y a un grand nombre de blessures à la tête. Les arguments contre s'appuient sur le fait que le casque coûte assez cher, qu'il écarte de la bicyclette des jeunes qui, autrement, en feraient et, par conséquent, les prive des avantages de la bicyclette. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Labrecque: Notre position sur le port du casque est connue: on en fait activement la promotion. Le taux de port du casque, selon les provinces canadiennes, se situe entre 20 et 35 p. 100. Nous y sommes favorables, mais nous sommes contre la partie obligatoire de cette mesure.
Parlons de ce qu'on appelle les effets pervers de cette mesure. Je prends le modèle de l'Australie qui a adopté cette mesure au début de 1990, il y a six ans. Il y a eu un déclin très fort et très bien mesuré de la pratique du vélo chez les jeunes du niveau primaire et chez les adolescents, les 14-17 ans, qui ont abandonné la pratique dans une proportion de 30 à 40 p. 100. Chez les adultes, c'est plus variable; c'est-à-dire qu'il y a eu une baisse et ils sont revenus au taux précédent.
L'effet pervers, ce sont les coûts de santé qu'on épargne dans l'immédiat, mais qu'on doit débourser plus tard, parce qu'on a un abandon important de ce sport.
L'autre élément porte sur le renforcement policier. Il y a à l'heure actuelle dans toutes les provinces canadiennes une loi sur les systèmes d'éclairage pour bicyclettes. Normalement, le soir, les bicyclettes devraient être munies d'une lumière à l'avant et à l'arrière. Il faut savoir que 22 p. 100 des accidents mortels et graves ont lieu le soir, alors que les déplacements en vélo à ces heures ne représentent que 1 p. 100 du total. Donc, il y a 22 fois plus d'accidents le soir que le jour, toutes proportions gardées. Ce règlement n'est pas encore appliqué. Les policiers n'en ont pas les moyens et il n'y a pas de campagne qui a été faite à ce sujet-là.
Notre position est donc de dire oui au casque, oui à sa promotion, mais non à l'aspect contraignant à cause des effets pervers. Surtout, les mesures sur les systèmes d'éclairage devraient être mises en vigueur. Le vélo est un véhicule qui devrait être muni de phares adéquats.
C'est notre position, et on l'a fait valoir récemment devant une commission parlementaire à Québec. En Ontario, la loi est appliquée seulement pour les personnes de 18 ans et moins et les corps policiers ont décidé de l'appliquer peu, si je puis dire.
M. Mercier: Cela m'amène à ma deuxième question. Elle a trait à l'insuffisant respect de la réglementation par le cyclistes. Aussi, les gens connaissent peut-être in suffisamment la réglementation. Il arrive souvent que, sur une piste cyclable, je me retrouve devant quelqu'un qui roule à gauche et qui me dit: «C'est quand on roule à gauche qu'on voit venir le trafic.» Ils ne savent même pas qu'ils doivent rouler à droite.
Ensuite, je constate que dans les pays où la bicyclette est utilisée comme un moyen de transport, la police est infiniment plus dure à l'égard notamment de l'éclairage. Il est inconcevable ici de voir des bicyclettes par milliers circuler sans lumières, parce qu'il est évident que lorsqu'une bicyclette rencontre une voiture, c'est son réflecteur qui fait de la lumière, mais quand ce sont deux bicyclettes qui se rencontrent et qu'elles n'ont ni l'une ni l'autre de réflecteur, elles se rentrent dedans.
Comment voyez-vous le rôle que votre organisme pourrait jouer dans l'éducation absolument nécessaire du cycliste? On sait d'ailleurs que ce manque d'éducation provoque une espèce de guerre permanente entre les cyclistes et les automobilistes.
M. Labrecque: Il faut savoir qu'au Canada, au cours des 30 dernières années, le nombre de cyclistes est passé de trois millions, au milieu des années 1960, à neuf millions à l'heure actuelle. Non seulement le nombre a triplé, mais la fréquence de la pratique a doublé. Donc, la pratique du vélo est six fois plus importante.
Les cyclistes ne sont pas des gens à part. Il n'y a pas les piétons, les automobilistes et les cyclistes. Il y a beaucoup d'automobilistes qui sont aussi cyclistes.
Pourquoi, lorsqu'ils sont automobilistes, respectent-ils les règles et, lorsqu'ils enfourchent un vélo, ne les respectent-ils pas? Cela tient à la nature du véhicule et au fait qu'au point de vue législatif, on assimile le vélo aux piétons. On l'assimile aux piétons parce qu'il n'y a pas de permis de conduire et d'immatriculation pour les cyclistes au Canada.
M. Mercier: Ils roulent à droite.
M. Labrecque: Au niveau législatif, le cycliste est assimilé au piéton; c'est-à-dire qu'il n'a pas de permis de conduire et d'immatriculation. C'est, en quelque sorte, un piéton-vélo et cela empêche presque toute contrainte et toute distribution de contraventions méritées.
La bicyclette était un jouet au cours des années 1960 et elle est à l'heure actuelle un véhicule. On peut penser que d'ici une dizaine d'années, avec le développement du réseau cyclable et du vélo comme moyen de transport dans les villes, la situation se replacera. Elle ne sera pas parfaite, mais je pense que les comportements vont s'améliorer au cours des prochaines années.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Mercier.
Je peux témoigner du fait que M. Mercier s'intéresse aux vélos. Je le vois enfourcher un vélo presque tous les matins. Il ne parcourt cependant pas de longues distances; c'est au gymnase.
Une dernière question. Nous avons entendu des présentations comme celle-ci de la part de plusieurs groupes qui s'intéressent à ces pistes cyclables, et leur recommandation a été qu'une partie des fonds soient réservés - dans votre cas, vous parlez de 5 p. 100 - à l'amélioration des bas-côtés et d'autres choses du genre. En avez-vous discuté avec le gouvernement provincial? Celui-ci est-il prêt à suivre cette recommandation?
M. Labrecque: Oui, tout à fait. Je pense que c'est au printemps dernier que le gouvernement québécois a adopté un nouveau règlement, qui est en quelque sorte la politique en matière de cyclisme du gouvernement du Québec. Il a établi une formule selon laquelle dès qu'un nombre donné de voitures empruntent chaque jour telle ou telle route, et si cette route traverse un village ou une petite localité, ou s'il s'agit d'une route provinciale qui relève du gouvernement de la province, alors de temps à autre - ce ne sera pas le cas de toutes les routes en même temps, mais on reconstruira ou réparera telle route ou telle grande route - il fera asphalter un bas-côté. Dans certaines parties de la province, les routes relèvent du gouvernement du Québec, et dans d'autres elles relèvent des municipalités. Nous pensons que dans le cadre de ce programme d'infrastructures, la municipalité ou le gouvernement du Québec, selon le cas, pourrait faire des demandes de subventions.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement du Québec a clairement établi comme politique l'asphaltage des accotements au Québec.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre MM. Michael Atkinson et Leo McArthur, de l'Association canadienne de la construction.
Monsieur Atkinson, vous avez rajeuni.
M. Jim Facette (gestionnaire de consultation, Association canadienne de la construction): Les miracles de la science, monsieur le président.
Malheureusement, M. Atkinson n'a pas pu venir aujourd'hui. Il devait participer à une autre réunion de comité.
Je m'appelle Jim Facette et je suis gestionnaire de consultation à l'ACC, responsable de l'industrie de la construction routière et de la construction lourde.
C'est M. Leo McArthur qui va faire l'exposé aujourd'hui au nom de l'ACC. Pour votre gouverne, M. McArthur est président du Roadbuilders and Heavy Construction Council de l'Association canadienne de la construction. Il est également président d'un programme spécial de l'ACC, appelé TRIP Canada.
Le président: Bienvenue, monsieur McArthur. Vous disposez d'une dizaine de minutes pour faire vos remarques liminaires, après quoi nous passerons aux questions.
M. Leo McArthur (membre du conseil d'administration et président du Roadbuilders and Heavy Construction Council, Association canadienne de la construction): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de l'occasion qui nous a été donnée de comparaître ici devant vous aujourd'hui. Je vais, dans les quelques minutes dont je dispose, tenter de traiter brièvement de la question dont on nous a saisis: examiner le commerce, le tourisme et le transport et l'importance que revêt le réseau routier national du Canada pour ces industries. Je me limiterai à certains des éléments saillants de notre mémoire, qui vous a été distribué.
L'Association canadienne de la construction (ACC) est un porte-parole du secteur canadien de la construction non domiciliaire. Je suis propriétaire d'une des quelque 20 000 entreprises de construction canadiennes qui sont membres de l'ACC.
L'on s'entend généralement pour dire que le meilleur véhicule pour promouvoir la croissance et la création d'emplois au Canada est le secteur privé. J'imagine que les programmes d'emploi du gouvernement canadien créent en règle générale des emplois à court terme qui ne renferment aucune promesse pour l'avenir.
Cela étant dit, il est important pour les gouvernements de gouverner, et de gouverner d'une façon qui soit compatible avec l'instauration d'un climat économique sincère, à l'appui d'investissements réels dans le Canada.
Il est évident que la concurrence pour les investissements en cette fin des années 1990 a changé. Aujourd'hui, le Canada doit offrir un climat qui reflète les idées et les réalités mondiales. Les entreprises doivent aujourd'hui être prêtes à concurrencer des sociétés partout dans le monde. Fournir l'infrastructure de base nécessaire est critique à la promotion de la croissance économique. À long terme, cela créera des emplois durables.
En tant que porte-parole collectif du secteur de la construction non résidentielle, nous sommes très préoccupés par la détérioration de notre réseau routier et l'incidence néfaste qu'a celle-ci sur la compétitivité économique du Canada. Les Canadiens gaspillent du carburant, du temps et de l'argent. Ils mettent en danger leur santé et leur environnement et deviennent en même temps moins concurrentiels dans la nouvelle économie mondiale. La détérioration de nos routes, que l'on vit dans toutes les régions du pays, ajoute des coûts inutiles à toutes nos opérations au Canada et a également une incidence négative sur notre capacité concurrentielle réelle, entraînant une baisse de la demande de nos propres produits ici au Canada.
Je vais vous entretenir des deux industries qui sont peut-être devenues les plus importants employeurs au pays, notamment le commerce et le tourisme. En 1995, le commerce intérieur du Canada se chiffrait à 31,5 milliards de dollars et représentait 20 p. 100 du PIB et près de deux millions d'emplois. L'importance du commerce international pour l'économie canadienne augmente chaque année. De récents chiffres compilés par Statistique Canada révèlent que l'année 1995 aura été une année record, le surplus commercial canadien passant de 15,4 milliards de dollars en 1994 à28,3 milliards de dollars, soit une augmentation de 32 p. 100.
L'incidence du tourisme sur l'économie canadienne continue elle aussi de prendre de l'ampleur. Les dépenses totales faites au Canada par les touristes se sont chiffrées à 41,8 milliards de dollars en 1995. Cela correspond à une augmentation de 69 p. 100 par rapport aux chiffres de 1986. En 1994, les Canadiens ont fait des déplacements avec arrêt de nuit d'une valeur de 76,6 millions de dollars, dont 89 p. 100 - soit une valeur de 68,5 millions de dollars - ont été effectués avec leur propre automobile. Les touristes étrangers ont été au nombre de 16 millions, les Américains comptant pour 78 p. 100 d'entre eux, le restant venant d'outre-mer. Soixante pour cent des visiteurs américains se sont déplacés en automobile.
Lorsque l'actuelle administration libérale était à l'opposition, un groupe de travail libéral sur l'infrastructure avait reconnu l'importance des grandes routes dans l'économie canadienne. Il avait recommandé que le gouvernement fédéral s'engage à restaurer et à étendre la Route Transcanadienne. On peut lire dans son rapport que:
- ... les incidences économiques du mauvais état des routes sont effarantes. Des études révèlent
que la productivité d'une région dépend dans une très large mesure de son réseau de transport.
Les embouteillages augmentent les coûts du transport des marchandises, réduisant ainsi la
compétitivité d'une industrie, avec des conséquences négatives sur les revenus et les emplois.
Des routes en mauvais état et des voies d'eau polluée ont également une incidence négative sur
le tourisme, secteur important de l'économie canadienne.
- Une récente étude effectuée par Transports Canada a abouti à la même conclusion.
Il est devenu de plus en plus populaire pour les pouvoirs publics de discuter du financement des ouvrages d'infrastructure nécessaire sen essayant de répondre à la question suivante: comment nous autres, gouvernements propriétaires, pouvons-nous maintenir une infrastructure traditionnelle, en faisant payer une partie ou l'intégralité des travaux par quelqu'un d'autre?
Lorsque les pouvoirs publics examinent la façon dont les investissements dans l'infrastructure sont faits, ils ont de plus en plus tendance à se tourner vers le secteur privé pour de l'aide sous forme de partenariats entre le secteur public et le secteur privé. La définition généralement acceptée de partenariat public- privé est le transfert de responsabilités des organismes publics au secteur privé ou à des propriétaires privés. Des propriétaires privés assumeraient des responsabilités en ce qui concerne les installations publiques dans le but de réaliser un profit lors de la vente du service offert par les installations en question. Cette notion, exprimée simplement, revient à ceci: les utilisateurs se voient maintenant imposer des frais d'utilisation pour toutes les installations auxquelles ils recourent.
La construction et l'entretien du réseau routier national canadien par les gouvernements fédéral et provinciaux ont été financés, et continuent de l'être, par les recettes fiscales. Il ne semble y avoir aucun lien direct entre ce que le gouvernement fédéral perçoit au titre de la taxe sur l'essence et ce qu'il investit dans notre réseau, par opposition au système en vigueur à l'heure actuelle aux États-Unis. En d'autres termes, il n'y a pas de fonds qui soient réservés à des investissements dans le réseau routier.
Le gouvernement fédéral perçoit 13,7c. en taxes au litre. En 1995, le gouvernement fédéral a ramassé 5 milliards de dollars à ce titre. Lors du même exercice financier, Transports Canada n'en aura dépensé que 5 p. 100, soit 2,5 millions de dollars.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, le financement d'un programme routier national pour le Canada se ramène à deux options de base: continuer d'engager des recettes fiscales ou négocier des partenariats publics-privés, ce qui imposera un régime de frais d'utilisateur à l'ensemble du système. Il est peut-être possible de combiner les deux options, mais le gouvernement doit être prêt à imposer des frais d'utilisation aux utilisateurs des grandes routes pour lesquelles un tel régime n'est pas encore en place. Les récents travaux effectués par Transports Canada et le groupe d'étude de la politique sur le réseau routier national font ressortir que les possibilités en matière d'application de frais d'utilisation pour le réseau national sont quelque peu limitées.
En conclusion, monsieur le président, l'Association canadienne de la construction soumet au comité les recommandations suivantes:
1. Que le gouvernement fédéral, en faisant adopter une loi par le Parlement, reconnaisse le réseau routier national du Canada, tel que prescrit dans le rapport sur la politique en matière de réseau routier national. Cela protégerait l'actuel système convenu.
2. Que le gouvernement fédéral adopte une politique routière nationale à long terme prévoyant l'amélioration, l'entretien et l'expansion futurs du système. Cela faciliterait l'utilisation à bon escient de l'argent des contribuables au titre des investissements dans l'infrastructure routière.
3. Que le gouvernement fédéral, pour satisfaire les besoins immédiats du réseau routier national du pays, adopte un programme national de réhabilitation routière.
4. Que le gouvernement fédéral augmente le pourcentage des recettes perçues au titre de la taxe sur l'essence qui est consacré au réseau routier, ce pour satisfaire les besoins immédiats du réseau routier national du pays. La Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada (CRIC) recommande qu'y soient réservés 2c. le litre.
5. Que le gouvernement fédéral établisse un fonds de fiducie national pour les routes, en vue de la distribution des ressources disponibles. Cela ressemblerait à ce que font nos partenaires dans le cadre de l'ALÉNA.
Je soulignerai, enfin, que nos grandes routes sont vraiment très insatisfaisantes aujourd'hui, tant sur le plan structural que sur celui de leur capacité d'être le support de notre commerce. Le tourisme souffre à cause du piètre état de nos routes. Les touristes sont aujourd'hui encouragés à emprunter des routes américaines au lieu de traverser certaines parties du nord de l'Ontario, par exemple.
Certains de nos jeunes ingénieurs quittent le Canada pour aller s'établir aux États-Unis, car notre industrie ne leur offre plus les mêmes possibilités qu'avant. Les diplômés des programmes de génie civil de l'université Queen's sont très typiques du problème que nous vivons à l'heure actuelle au Canada. Par ailleurs, les retombées pour d'autres industries, si nous mettions en oeuvre un programme, seraient très importantes et nous jouirions tous d'un réseau routier de beaucoup amélioré.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, les questions sur les besoins, les quoi, les où... Des réponses ont déjà été données aux questions «pourquoi» concernant l'état du réseau routier national du Canada. Il ne nous reste plus que le «quoi». L'obstacle à franchir maintenant est celui du financement d'un programme routier national. Le groupe de travail libéral sur l'infrastructure a fait une suggestion en 1990 - et je vais la citer, en guise de conclusion: il conviendrait d'examiner maintenant «... l'application des recettes perçues au titre de la taxe sur le carburant aux travaux de construction et d'entretien des routes».
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur McArthur. J'apprécie cette dernière citation. Il nous faudra demander aux membres libéraux du groupe de travail ce qu'ils en pensent.
Monsieur Jordan.
M. Jordan (Leeds - Grenville): Merci, monsieur le président.
Je constate que vous étiez relativement positif quant au programme d'infrastructure canadien que nous avions.
M. McArthur: Oui.
M. Jordan: Il a créé des emplois et fait toutes sortes de choses. Mais d'aucuns semblent penser que l'on peut continuer avec cela et que ce programme pourra peut-être se prolonger sous forme de réalisation d'un réseau routier national.
Personnellement, je ne pense pas que ce soit la façon de faire. Je pense qu'il faut ici une initiative tout à fait différente. J'ai l'impression que les gens confondent parfois les deux choses, et je vais vous dire pourquoi. Je pense que tout ce que nous avons fait avec le programme d'infrastructure c'est réarranger et retravailler certaines petites choses. Mais je ne pense pas que ce soit de cela qu'il est question ici.
M. McArthur: Non, en effet.
M. Jordan: Je pense que ce qu'il faut, c'est une toute nouvelle initiative. J'estime que le programme d'infrastructure était formidable, et j'espère qu'on renouvellera la chose, mais la difficulté que j'y vois, avec les petites municipalités, est que dans certains cas, cela leur a échappé. Certaines de ces petites municipalités se retrouvent avec des infrastructures supplémentaires, mais elles ne parviennent déjà pas à maintenir les infrastructures existantes.
Il n'y a rien qui vous rende plus populaire que de vous présenter quelque part et de dire que vous allez construire une nouvelle patinoire. Tout le monde s'enthousiasme. Mais on oublie qu'une fois le bâtiment construit, ce sera la municipalité qui aura à en assurer l'entretien. L'évaluation municipale est très limitée et les possibilités de la faire augmenter sont très limitées. C'est cela qui leur nuit.
Songez à l'an prochain et aux élections municipales en Ontario. Disons que l'idée est lancée. Il arrive qu'un maire, qu'un maire adjoint et que trois petits conseillers municipaux cèdent aux groupes de pression. Quelqu'un veut une nouvelle bibliothèque. Diraient-ils qu'ils sont contre?
Je suis heureux de voir que vous dites que cela a été bien, que cela a fonctionné, que cela a créé des emplois et que c'était formidable. Mais je suis de votre avis si vous dites que ce n'est pas de cela que vous parliez, que ce n'est pas de cela que moi je parlais, lorsque je discutais d'un programme routier national. C'est autre chose.
Mais cela nous ramène - et vous en avez parlé - au financement. Qui va financer la chose? Accepteriez-vous que l'entreprise privée la finance...
M. McArthur: Oui.
M. Jordan: ... si vous pouviez obtenir l'argent?
M. McArthur: Si nous pouvions obtenir l'argent et si c'est une entreprise viable, alors je ne verrais aucun problème à ce que le secteur privé participe.
Je m'appuie sur ma propre expérience. Nous nous sommes beaucoup intéressés à l'autoroute 407 à Toronto. Je sais que les fonds sont disponibles tant et aussi longtemps que le dossier est solide sur le plan affaires.
M. Jordan: Accepteriez-vous une taxe supplémentaire? Je sais que vous dites que l'argent qui est à l'heure actuelle prélevé n'est pas réinvesti. On le prend aux personnes qui utilisent les routes pour s'en servir à d'autres fins, et non pas pour construire des routes ou autres. Seriez-vous favorable à l'imposition d'une taxe supplémentaire de 1,5c. ou de 2c. le litre si vous étiez convaincu que cette taxe ne servirait qu'à la construction routière?
M. McArthur: Oui, tant et aussi longtemps que le montant servirait vraiment à la construction de l'infrastructure routière canadienne. Je pense que cela serait acceptable.
Bien sûr, il y aurait peut-être certaines provinces... Je suis certain que la province de l'Ontario y verrait quelques problèmes.
M. Jordan: Mais en tant qu'organisation, vous y seriez favorable, n'est-ce pas?
M. Facette: Oui, monsieur Jordan, à condition, comme l'a dit M. McArthur, que les fonds soient réservés ou consacrés à des investissements dans le réseau routier national du Canada.
M. Jordan: Tant et aussi longtemps que l'argent était consacré à cela et à rien d'autre.
M. Facette: C'est exact.
Le président: Monsieur McArthur, j'aimerais vous poser une question au sujet d'une chose dont vous ne faites pas état dans votre mémoire. Vous avez au cours des ans construit plus qu'un mille de route.
M. McArthur: Oui.
Le président: Voici une chose qui a été soulignée. Vous avez mentionné le projet de l'autoroute 407. J'ai la semaine dernière parcouru de la documentation là-dessus disant que le changement dans les méthodes de construction et dans la démarche suivie a résulté en des économies de quelques centaines de millions de dollars. Les auteurs y arguent que cela est en partie attribuable au fait que dans le cadre du SHIP on a suivi une formule de conception-construction- propriété-exploitation.
Comment ces économies sont-elles réalisées? Quelle est la différence entre une situation où vous construisez un tronçon de route pour le gouvernement et une situation où vous construisez le même tronçon pour un consortium du secteur privé?
M. McArthur: Je pense que la réponse à cela c'est la conception d'optimisation de la valeur. Jusqu'à l'époque contemporaine, lorsque vous faisiez une offre pour un tronçon de 15 ou de20 milles quelque part en Ontario, le gouvernement établissait les conditions et il vous fallait vous y conformer, même si l'entrepreneur et l'ingénieur pensaient qu'il y avait de meilleures façons de procéder.
Aujourd'hui, pour ces gros projets de conception-construction, vous pouvez opter pour la conception d'optimisation de la valeur. En d'autres termes, vous pouvez être novateurs. Il vous est ainsi possible d'économiser des montants d'argent considérables et de réaliser néanmoins un projet de conception excellente.
C'est ce qui s'est passé en Ontario. On a pu économiser 300 millions de dollars lors de la construction de la route 407 tout simplement à cause des méthodes novatrices retenues lors de la conception par l'entrepreneur et par les ingénieurs. Mais il faut également tenir compte de l'aspect sécurité. Tout doit être intégré là-dedans. Si la planification est bien faite, voilà le genre de choses qu'il est possible de faire aujourd'hui dans le domaine de la construction routière au Canada.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McArthur, et merci à vous, monsieur Facette. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous avez pris pour être des nôtres aujourd'hui.
M. McArthur: Merci beaucoup.
Le président: Accueillons maintenant Cathy Duke, de Hospitality Newfoundland and Labrador, l'association du secteur touristique de Terre-Neuve et du Labrador. Bienvenue.
Mme Cathy Duke (directrice exécutive, Hospitality Newfoundland and Labrador): Merci beaucoup.
Le président: Prenez une dizaine de minutes pour votre déclaration liminaire, et nous passerons ensuite à la période des questions.
Mme Duke: Je suis la directrice exécutive de Hospitality Newfoundland and Labrador, qui est l'association professionnelle du secteur touristique de notre province. L'association a été fondée il y a une quinzaine d'années et représente environ 500 entreprises du secteur touristique.
Lorsque je regarde les objectifs de votre comité, il m'apparaît que vous vous penchez, en substance, sur le réseau de transport national et la manière dont il peut servir, appuyer et promouvoir le commerce et le tourisme national et international. Je vais principalement traiter du tourisme, mais répondrai volontiers aux questions que vous pourriez avoir sur le volet commerce.
Je commencerai par un tour d'horizon très rapide des préoccupations que nous nourrissons à Terre-Neuve et au Labrador sur le plan de l'accès à la province.
L'économie de Terre-Neuve et du Labrador a essuyé plusieurs coups très rudes dans les années quatre-vingt-dix. Comme vous le savez, nous sommes traditionnellement très tributaires de l'exploitation des ressources naturelles et de l'emploi saisonnier. C'est ce qui cause notre dépendance à l'égard des programmes de soutien du revenu. Évidemment, les paiements de transfert sont en recul depuis pas mal d'années et à cela s'ajoute la crise dans le secteur de la pêche, avec le moratoire imposé à la pêche de la morue du Nord, qui a mis 25 000 personnes au chômage.
Nous avons travaillé très fort au cours de la dernière décennie à élaborer des stratégies destinées à améliorer l'économie de Terre-Neuve et du Labrador. Nous avons ainsi été amenés à nous pencher sur les secteurs de notre économie qui présentent le meilleur potentiel de croissance.
Au cours des six dernières années, notre Economic Recovery Commission a fait beaucoup de travail à cet égard. Il y a d'ailleurs eu une étude conjointe du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial de nos perspectives de croissance, qui a isolé quelques secteurs présentant un grand potentiel. Le tourisme est l'un de ceux-là. L'informatique et l'aquaculture en sont deux autres.
Le tourisme en est encore au stade du balbutiement à Terre- Neuve et au Labrador. Nous avons énormément de travail à faire, mais le potentiel est énorme. Lorsqu'on considère les tendances internationales et même ici, au Canada, avec le vieillissement de la génération du baby boom, l'attrait touristique de Terre-Neuve et du Labrador...
Je vois que la majorité des personnes ici présentes sont de cette génération.
Le président: Oui, vous voyez cette génération autour de la table.
Mme Duke: C'est le moment parfait pour promouvoir le produit touristique que Terre-Neuve et le Labrador peuvent offrir. Il y a, bien sûr, nos attractions naturelles, dont les baleines, les icebergs et les oiseaux, et nos possibilités de chasse et de pêche sont hors pair. Notre culture et notre patrimoine suscitent également un intérêt extrême. Nous estimons posséder un énorme potentiel touristique.
En 1995, les dépenses touristiques à Terre-Neuve et au Labrador ont totalisé environ500 millions de dollars. Le secteur emploie 24 000 personnes et compte quelque 2 300 entreprises. Le tourisme est le quatrième secteur d'activité de la province, par ordre d'importance, avec environ4 p. 100 de notre PIB.
Mais nous avons encore du pain sur la planche. L'industrie, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral collaborent à ce que nous appelons une «approche intégrée» du développement de notre tourisme. Nous savons que nous avons beaucoup à faire sur le plan du marketing, que nous devons dépenser davantage pour promouvoir notre province. Nous avons également du travail à faire sur le plan de l'élaboration de notre produit, et aussi dans tout le domaine du développement des ressources humaines.
Si je dessine ce contexte, c'est parce que mon message aujourd'hui est que le transport représente un autre facteur très important du développement de notre tourisme. Notre produit touristique doit être accessible et de prix abordable. Les moyens de transport sont essentiels à son expansion.
J'aimerais souligner deux éléments principaux dans les quelques minutes dont je dispose. Si vous retenez une chose de mon propos, que ce soit notre profonde préoccupation à l'égard des services de traversier à Terre-Neuve - le service dans le golfe de même que la desserte des localités côtières - et les difficultés du Labrador, ce territoire n'étant pas relié par la route transcanadienne.
Le service de Marine Atlantique est ce qui dissuade le plus les touristes à se rendre à Terre-Neuve et au Labrador. Plusieurs études de grande envergure ont été faites au cours de l'année dernière. L'une, réalisée par le groupe de planification économique, portait sur le couple produit-marché, et c'est à cette occasion que cette doléance a été exprimée par les organisateurs de voyages en autocar et d'autres visiteurs. Une autre étude, effectuée par Sypher-Mueller, portait sur l'accès aérien. Là encore, les voyagistes et visiteurs se sont plaint du service de Marine Atlantique.
Le premier problème sont les menaces de grève incessantes. Les conventions collectives avec les employés de Marine Atlantique sont renouvelées tous les deux ans. À peine une convention est-elle enfin signée que les deux années sont écoulées et que tout recommence. Les touristes qui veulent se rendre dans l'île craignent donc d'y être bloqués par une grève. Il n'y a pas eu de grève chez Marine Atlantique depuis 23 ans, mais la menace plane toujours et c'est presque aussi néfaste qu'une grève réelle.
Dans certains des services qui ont été sous-traités - par exemple, de Sainte-Barbe à la côte sud du Labrador - il y a eu des grèves qui ont duré tout l'été deux années de suite. Les touristes qui remontent la péninsule du Nord jusqu'au Gros Morne veulent faire le crochet jusqu'à Red Bay, le site des baleiniers basques, l'un de nos grands sites historiques. Mais ils craignent qu'une fois là-bas ils ne puissent plus revenir. Il y a aussi la gêne que représente l'obligation de traverser un piquet de grève, et ainsi de suite.
Le deuxième élément est que les tarifs de Marine Atlantique restent beaucoup trop élevés. Il y a lieu de féliciter la société Marine Atlantique de ses efforts de recouvrement des coûts des dernières années. Jadis, les billets étaient subventionnés à hauteur de 70 à 80 p. 100. Ce pourcentage a maintenant été ramené à 45 p. 100. Mais nous nous demandons où cela va s'arrêter. Il faut bien, à un moment donné, valoriser le service pour inciter les touristes à venir.
Il est évident que les touristes qui viennent visiter l'île stimulent l'emploi, créent des richesses et des nouvelles recettes fiscales. Nous pensons qu'il faut réellement regarder cela de plus près à l'avenir.
Je me suis procuré les nouveaux horaires hier et ai appelé la compagnie pour demander combien il en coûterait à un couple et deux enfants pour effectuer la traversée de North Sydney jusqu'à Argentia, cet été. Le prix aller-retour est d'environ 800$, rien que pour accéder à la province. Vous comprenez pourquoi quelqu'un qui voyage dans la région Atlantique ne se dira pas: «Allons donc passer aussi une semaine à Terre-Neuve» si la traversée va coûter 1 000$ de plus. C'est réellement dissuasif.
Lorsque j'ai parlé du peu de valeur ajoutée de ce service, je voulais dire par là qu'il n'est pas axé sur le tourisme. Nous recevons sans cesse des plaintes au sujet du service à la clientèle. Pendant les mois d'été, la société emploie et forme quantité d'étudiants et la situation n'est pas aussi piètre que pendant les saisons intermédiaires. Il arrive, pendant les saisons intermédiaires, que quelqu'un qui était chargé de l'amarrage des navires le mois dernier se retrouve tout d'un coup derrière un guichet à traiter avec les clients. Cela ne nous aide pas du tout à développer le tourisme en saison intermédiaire, le moment où beaucoup de personnes du troisième âge voyagent. Notre plus gros pourcentage de touristes sont des Britanniques et beaucoup voyagent en autocar.
Sur le plan de la qualité du service, les changements d'horaire sont un autre problème réel. En octobre de l'année dernière, six voyages organisés en autocar ont dû être annulés parce que, à la dernière minute, Marine Atlantique avait décidé d'interrompre prématurément sa desserte d'Argentia. Ces voyagistes ne reviendront pas. Nous participons chaque année à une exposition de la région Atlantique. Cette année, les voyagistes nous y ont dit que Marine Atlantique est le plus gros obstacle à l'organisation de visites organisées à Terre-Neuve.
Par ailleurs, avec la privatisation des autres itinéraires de Marine Atlantique, en particulier le service de la baie de Fundy, et l'achèvement du pont de l'Île-du-Prince-Édouard, Marine Atlantique ne desservira plus que Terre-Neuve et le Labrador. Nous considérons de ce fait que le siège de Marine Atlantique devrait dorénavant être situé à Terre-Neuve et non plus à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Au Labrador, la route qui relie Labrador City-Wabush à Happy Valley-Goose Bay ne mérite même pas le nom de route. C'est un chemin de terre, et très dangereux. Malgré cela, certains cars de touristes se hasardent à l'emprunter. Aujourd'hui, tout particulièrement, avec le potentiel de Happy Valley-Goose Bay, le gisement découvert à Voisey Bay et avec la création d'emplois et de richesses engendrés par les vols d'entraînement à faible altitude du ministère de la Défense nationale etc., les raisons sont multiples d'avoir cette liaison routière à travers le Labrador. Nous pensons que c'est un service public devenu indispensable.
J'ai parlé surtout de tourisme, mais beaucoup d'autres associations professionnelles de Terre-Neuve et du Labrador aimeraient la possibilité de vous faire part de leurs préoccupations. Je vous invite instamment, si vous en avez la possibilité dans les mois à venir - je suppose que vous terminerez vos consultations en février ou mars - à venir à Terre-Neuve, car beaucoup d'autres groupes aimeraient être entendus.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, madame Duke. Je peux vous assurer que les membres du comité n'aimeraient rien de plus que d'aller à Terre-Neuve. Nous poursuivrons le volet commerce et tourisme de cette étude dans la nouvelle année, et il n'est donc pas exclu que nous voyagions. Nous prendrons dûment en considération votre demande.
Nous avons à ce comité un membre qui connaît bien l'île.
Monsieur Byrne, avez-vous des questions?
M. Byrne (Humber - Sainte-Barbe - Baie-Verte): Oui.
Avant de poser mes questions, je tiens à vous faire savoir, madame Duke, que j'ai utilisé toutes les ressources et tous les talents dont je dispose pour convaincre mes collègues que Terre- Neuve est effectivement une île, et suis même allé jusqu'à leur montrer des cartes et d'autres documents audiovisuels sophistiqués, et pense avoir réussi. Mais vous avez tout à fait raison. Les points que vous avez soulevés dans votre mémoire sont très pertinents.
Terre-Neuve et le Labrador sont bien placés pour tirer parti d'un marché touristique émergent. Je pense que votre remarque sur la génération du baby boom, si elle a pu offenser certains membres autour de cette table, revient à dire que si les attractions de masse comme Disneyland et Canada's Wonderland et autres représentaient jadis une destination à prix raisonnable, les destinations plus éloignées et plus aventureuses gagnent aujourd'hui en faveur.
Il me paraît donc très approprié que notre comité examine de très près les besoins et les possibilités de Terre-Neuve et du Labrador. J'en ai parlé directement avec le président. Je peux vous assurer que nous réfléchirons sérieusement à la possibilité de faire le voyage à Terre-Neuve. Cependant, il y a aussi d'autres provinces où nous ne sommes pas allés, et nous devrons faire des compromis.
En ce qui concerne le service de Marine Atlantique dont vous avez parlé, pourriez-vous en dire un peu plus au comité sur l'importance du point de vue économique, et en particulier pour le secteur touristique de Terre-Neuve et du Labrador de la liaison North Sydney-Port aux Basques et North Sydney-Argentia?
Mme Duke: Comme vous le savez, les touristes aiment bien faire une boucle. Ils n'aiment pas revenir sur leurs pas et voir les mêmes choses deux fois. Nombre de nos touristes vont arriver à Terre-Neuve via North Sydney-Port aux Basques et rentrer via Argentia, ou inversement.
La traversée de North Sydney à Port aux Basques dure de quatre à six heures. Le navire ne va pas toujours à la même vitesse. Vous pouvez faire l'aller-retour dans la journée, si vous voulez, ou bien vous pouvez faire le trajet de nuit, prendre un taxi et faire la traversée dans l'autre sens de jour. Souvent, le touriste voudra traverser l'île, se rendre jusqu'au Gros Morne en traversant le centre de Terre-Neuve, de là jusqu'à la Baie Verte pour voir les icebergs, puis à Trinity pour assister à une reconstitution historique etc., et probablement revenir par l'autre route, par Argentia sur la côte est.
Je ne sais pas combien de temps dure la traversée, peut-être 16 heures. Mais c'est une traversée de nuit, qui est plus longue. C'est pourquoi elle coûte plus cher. C'est l'itinéraire que préfèrent les touristes qui veulent aller uniquement sur la côte est et visiter Saint John's et les environs.
Il y a donc, en gros, deux options. Il y a encore quelques autres liaisons par traversier dans la province. Un service de Marine Atlantique part de Lewisporte, sur la côte nord-est de l'île et remonte la côte du Labrador. Marine Atlantique a essayé de promouvoir la «croisière du Labrador». Elle vend des billets à des touristes qui veulent simplement faire un arrêt dans ces localités côtières. Là encore, c'est quelque chose qui présente un potentiel énorme et qui attire réellement les touristes aventureux.
Il y a quelques autres services encore. Sur la côte sud de la province il a été privatisé ou sous-traité. Une autre liaison relie Sainte-Barbe à la côte sud du Labrador. Elle aussi a été sous- traitée.
M. Byrne: À ce sujet, il est indispensable de faire la promotion de ces services, car nous avons à surmonter une barrière pour faire comprendre aux touristes que les attractions de l'autre côté de l'île méritent le coût du voyage de traversier.
Mme Duke: C'est juste.
M. Byrne: Une autre chose. J'ai effectué pas mal de recherches sur ce que le service de traversier représente pour Terre-Neuve et le Labrador et quels sont les obstacles au tourisme. J'ai découvert ainsi que, selon la Loi sur Terre-Neuve de 1949, le Canada assurera un service de marchandises et de voyageurs entre North Sydney et Port aux Basques «selon le volume de trafic offert».
La phrase clé est «selon le volume de trafic offert». Autrement dit, si mon interprétation est bonne, si le gouvernement fédéral fait en sorte que le volume de trafic reste faible, le montant de la subvention reste faible également. Si mon interprétation est juste - et je teste les eaux - en offrant, par le biais de Marine Atlantique ou de toute autre société, seulement un service voyageurs élémentaire et un service de marchandises très rudimentaire, cela revient à ne pas commercialiser le service autant qu'il pourrait l'être pour la simple raison que nous avons intérêt à ne pas le faire.
Que pensez-vous de ma théorie d'une conspiration?
Mme Duke: Je pense que c'est très bien vu. Comme je l'ai indiqué, je pense qu'il y a lieu de féliciter Marine Atlantique de son effort de recouvrement des coûts, mais nous pensons que la société devrait se concentrer davantage sur la réduction de ses coûts au niveau de l'exploitation pratique des navires etc.
La province, cette année, va beaucoup se concentrer sur les marchés cibles. Nous avons effectué une étude de marché très sophistiquée. On cherche, même au niveau du Cabinet, à accroître l'effort de marketing, car nous sommes convaincus que ce sont des dépenses très rentables et qui rapportent très vite.
Il faut promouvoir le service de Marine Atlantique comme quelque chose d'attrayant, qui fait partie de l'aventure, que les touristes vont apprécier en soi. Mais il faut veiller surtout à calmer les craintes de grève. Il faut s'occuper aussi du facteur coût, assurer qu'il ne soit pas trop élevé. Il faut réellement montrer dans le cadre de notre promotion d'ensemble que notre produit est accessible et de prix abordable.
Nous avons négocié cette année avec Marine Atlantic l'ajout de quelques traversées au début de la saison, car cet été sera une très grande année pour Terre-Neuve et le Labrador avec nos fêtes du 500e anniversaire de Cabot. Le premier festival doit avoir lieu à Argentia le 24 juin, la date de l'arrivée du Matthew en provenance de Bristol, Angleterre, pour la manifestation vedette de tout l'été. Le 24 juin, le festival se déroulera à Bonavista, qui est à cinq heures de route d'Argentia, ce qui fait que les gens ne pourraient pas autrement participer à cette grande manifestation.
Le service de traversier est étroitement lié au tourisme. Il doit être attrayant et il faut le promouvoir comme faisant partie de l'aventure du voyage. Je pense que vous avez raison; en n'offrant qu'un service de voyageurs et de marchandises très rudimentaire, le gouvernement fédéral limite ses frais, mais il ne faut pas faire preuve de myopie. Il faut bien voir que cet investissement initial doit être fait en conjonction avec les efforts de marketing de la province, si bien que le nombre des voyageurs augmentera si le service et si les horaires sont améliorés.
Le président: Votre association a manifestement eu des entretiens avec Marine Atlantique. Avez-vous été invités aux consultations exploratoires touchant la privatisation de Marine Atlantique?
Mme Duke: Nous n'avons pas participé directement à ces discussions, non. Mais nous sommes certainement en faveur de la privatisation du service, à condition qu'il ne soit pas réduit encore davantage et que les tarifs n'augmentent pas. Comme je l'ai dit, nous pensons que les tarifs sont dissuasifs à l'heure actuelle.
Une théorie veut que les subventions versées à Marine Atlantique soient offertes, au même niveau, à un exploitant privé. Voyons alors si quelqu'un d'autre peut gérer le service de façon efficiente.
Le président: Monsieur Jordan.
M. Jordan: Certains de ces chemins de fer d'intérêt local privé connaissent un beau succès. Lorsque le Bullet a été mis hors service, a-t-on arraché les rails? A-t-on arraché les rails et fermé l'emprise?
Mme Duke: Oui. Nous avons essayé de mettre à profit les voies du chemin de fer qui traverse la province pour l'industrie touristique. Mais les rails ont été arrachés presque partout, sauf au Labrador, je crois. Nous avons un programme intitulé Corridors verts par lequel nous essayons d'établir des sentiers de randonnée et des sentiers de motoneige, des sentiers de ski de fond, mais il reste la possibilité de randonnées ferroviaires à travers le Labrador, car les rails sont toujours là.
M. Jordan: Cela marche apparemment assez bien dans d'autres régions du Canada.
Mme Duke: Oui.
M. Jordan: D'où partait et où arrivait le chemin de fer?
Mme Duke: Il allait de Port aux Basques jusqu'à Saint John's, avec quelques boucles autour de la péninsule de Bonavista, de toutes les péninsules. Je ne pense pas qu'il desservait la côte est, mais la plupart des autres régions, oui.
M. Jordan: Est-ce que quelqu'un envisage de restaurer un parcours panoramique?
Mme Duke: Non. Je ne sais pas si je puis répondre très bien à votre question, mais l'un des problèmes était que le chemin de fer à Terre-Neuve était construit de façon très différente des autres régions du Canada, comme vous le savez, avec des voies étroites. On retrouve des éléments du Newfie Bullet, du train que nous utilisions, un peu partout dans la province. Les wagons servent de chalets pour les touristes et les locomotives d'attractions, etc.
Je ne sais pas dans quelle mesure il serait économiquement possible de restaurer ce train et de le faire circuler sur ces voies. Je suppose que cela a été étudié et a été jugé infaisable, mais je n'en suis pas sûre.
M. Jordan: L'attrait serait justement que c'est un train différent, très différent.
Mme Duke: C'est une très bonne idée, en fait.
M. Jordan: Comme beaucoup de choses à Terre-Neuve, il est très différent.
Le président: Cela nous ramène au député. Monsieur Byrne, aviez-vous une dernière question?
M. Byrne: Je pense que nous sommes sur le point de conclure, n'est-ce pas?
Le président: Nous arrivons à la fin.
M. Byrne: Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter, ainsi que votre association. Vous avez fait un travail incroyable sur le plan de la promotion et de l'édification d'une infrastructure de tourisme dans la province.
Pour en revenir quelques instants à Marine Atlantique, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador et Transports Canada ont convenu de confier l'exploitation du service de traversier de la côte sud à une compagnie privée. Apparemment, d'après ce que je sais, cela fonctionne assez bien. D'après ce que j'entends dire par les usagers, le niveau de service s'est amélioré.
La privatisation de la liaison de Marine Atlantique de North Sydney à Port aux Basques n'est pas tout à fait la même chose, je pense. Premièrement, il y a une obligation constitutionnelle de fournir le service et, deuxièmement, il y a aussi une obligation constitutionnelle de limiter les tarifs. Autrement dit, les articles 31 et 32 des conditions de l'union stipulent le tarif maximal qui peut être pratiqué. Troisièmement, il y a l'obligation d'assurer le service conformément au trafic offert. Ainsi, si le niveau de trafic augmente, le niveau de service augmente également et le coût de la subvention en fait autant.
Je me penche sur cette question en particulier car je pense que nous devons faire un travail très solide, et votre association joue un rôle essentiel à cet égard. Mieux nous ferons la promotion de ce service, et plus il sera utilisé. Plus il sera utilisé, et plus il y aura de services, car il y a là un effet d'enchaînement... aussi du point de vue du service essentiel, car je veux parler un peu de cet aspect aussi.
Année après année plane ce que l'on pense être une menace de grève. Mettez-vous à la place de l'organisateur de voyages organisés par autocar, qui ont une marge de profit très faible. Si vous organisez un voyage à partir de la Nouvelle-Écosse en direction de Terre-Neuve et que certains employés de Marine Atlantique distribuent des cartes aux voyageurs, à leur arrivée au terminal de North Sydney, disant qu'ils ne pourront peut-être pas revenir, c'est pas mal un frein à l'édification d'une industrie touristique.
La raison est simple. Un voyagiste qui englobe Terre-Neuve dans son circuit sait qu'il devra ramener les passagers par avion pour la suite de leur voyage en cas de grève dans l'île. Lorsque vous avez une marge bénéficiaire de 4 à 6 p. 100, vous allez prendre la décision raisonnable de vous abstenir.
J'aimerais savoir quelle solution vous pouvez proposer.
Mme Duke: Nous sommes fermement d'avis que le service dans le golfe et le service côtier devraient être déclarés essentiels car cette liaison à travers le golfe n'est guère que le prolongement de la route transcanadienne. C'est un service public qui doit être fourni en vertu de la Constitution.
Nous pensons qu'il devrait être déclaré service essentiel. Cela ne nous protège pas contre une grève illégale. Cela peut arriver. Mais cela rassurerait quand même, car les voyages en autocar représentent un gros marché pour nous. Nous n'en avons eu que 126 l'année dernière, comparés à quelque 2 500 en Nouvelle- Écosse.
Comme je l'ai dit, avec le produit que nous pouvons offrir, le marché existe certainement. C'est la même chose avec le service à destination du Labrador. Pour les touristes, se retrouver au milieu d'une grève, avec des jets d'oeufs et de pierres et tout le reste... Cela n'arriverait pas si le service était déclaré essentiel, à moins qu'il s'agisse d'une grève illégale. C'est toujours possible. Mais nous pensons réellement que le service doit être déclaré essentiel.
Le président: Je vous remercie, madame Duke. J'apprécie que vous ayez pris le temps de venir.
Monsieur Byrne, lorsque vous parliez des obligations constitutionnelles, je m'attendais presque à ce que vous recommandiez la construction d'un autre pont.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je suis heureux de voir que vous n'êtes pas allé jusque-là.
Je vous remercie. Nous revenons à 15h30.