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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 13 mars 1996

.1534

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à cette première réunion du comité chargé d'étudier le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi. J'aimerais tout particulièrement souhaiter la bienvenue à nos témoins et aux membres du comité.

À titre de président, je suis tout particulièrement intéressé par le travail qu'entreprendra le Comité des ressources humaines pendant la session. Le comité a une occasion historique de participer aux réformes et au renforcement de l'un des plus importants programmes sociaux du Canada.

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À titre de président j'ai retenu quatre grands thèmes. Nous devons aider les gens à retourner au travail, renforcer le filet de sécurité sociale en assurant un revenu adéquat à ceux qui en ont le plus besoin, réduire les coûts et respecter les contraintes imposées par le budget.

Peu de temps avant le dernier ajournement, le ministre du Développement des ressources humaines s'est adressé à notre comité. M. Young nous a demandé d'étudier la possibilité d'apporter des modifications dans trois grands secteurs.

Le premier secteur est celui de l'interruption des revenus. Plusieurs sont d'avis que cette mesure législative pourrait pénaliser injustement ceux qui ne sont pas en mesure de travailler de façon ininterrompue pendant la période utilisée pour le calcul de la moyenne de rémunération. M. Young a dit que notre comité devrait essayer de trouver un mécanisme permettant de régler ce problème.

Le deuxième secteur est la période fixe pour l'établissement de la moyenne de la rémunération. Un des principaux concepts qui sous-tendent la réforme proposée, c'est que nous devrions trouver de nouvelles façons d'encourager les gens à travailler pendant plus longtemps que la période minimale les rendant admissibles aux prestations d'assurance-emploi. M. Young nous a demandé d'étudier de plus près ces dispositions afin d'apporter des modifications qui maintiendront ces encouragements. Cependant, si j'ai bien compris, il désire également que nous nous assurions que cette disposition ne pénalise pas ceux qui vivent dans les régions où il serait peut-être difficile de trouver un emploi supplémentaire.

La dernière question est la règle d'intensité. Dans le projet de loi, on cherche à réduire les prestations de ceux qui ont recours au système chaque année. Même si cette proposition peut sembler fort raisonnable aux yeux de certains, d'aucuns ont dit que cette mesure pénalise injustement ceux qui travaillent dans les secteurs saisonniers, particulièrement ceux qui ont un faible revenu et ont peu de perspectives d'emploi. Le ministre nous a demandé d'étudier de très près cette disposition.

Il s'agit là des trois grands secteurs auxquels nous devrons accorder une attention toute particulière dans le cadre de nos travaux. Il y a évidemment d'autres questions fort importantes dont nous devrons discuter au cours des prochaines semaines; je crois qu'il faut étudier tous les aspects de cette réforme de très près.

Notre comité a tenu des centaines d'audiences sur la réforme des programmes de sécurité sociale; nous savons donc tous pertinemment que les Canadiens n'accepteront pas simplement le statu quo. Ce n'est pas une option. Nous en tiendrons compte dans nos travaux.

Nous devons assurer que cet important élément de notre filet de sécurité sociale est toujours bien accepté dans toutes les régions du pays. Tout particulièrement, nous devons renforcer les encouragements au travail et les principes d'assurance, faciliter l'adaptation grâce au réinvestissement, assurer l'équité pour tous les Canadiens, réduire et stabiliser le taux de cotisation, simplifier l'administration pour les employeurs, et réaliser des économies nettes de 1,2 milliard de dollars d'ici à l'an 2001-2002.

Les Canadiens sont conscients des changements structurels qui se sont produits au sein de notre économie et en ont également senti l'impact. Ils veulent que nous atteignions les objectifs structurels de la réforme. Parmi les éléments clés du programme de changements structurels on retrouve:

- Un système d'admissibilité reposant sur le calcul des heures, qui semble être en fait un changement fort positif pour les travailleurs à temps partiel et pour ceux qui ont plusieurs emplois.

- La couverture au premier dollar et une structure de cotisation simplifiée; ces mesures visent à traiter tous les travailleurs de façon plus équitable et à faire disparaître le piège de la semaine de 15 heures de travail.

- La création d'une réserve spéciale dans le compte d'assurance-emploi qui permettra d'éviter des augmentations dramatiques des cotisations pendant les périodes de récession.

- Tout semble indiquer que l'augmentation des cotisations lors de la dernière récession a entraîné la disparition de 200 000 emplois. Évidemment, une réduction des cotisations stimulera la création d'emplois au Canada.

- Le réinvestissement de 800 millions de dollars d'économies réalisées au titre des prestations d'emploi; cela représentera la pierre angulaire de la réforme et permettra de lancer un programme plus actif de réemploi.

J'aimerais maintenant vous dire quelques mots sur la façon dont le comité procédera. Les Canadiens désirent ardemment des changements. Ils veulent avoir des programmes efficaces. Au cours des quelques prochaines semaines, j'espère que nous pourrons entendre les témoignages et recevoir les mémoires de centaines de Canadiens de tous les secteurs de l'économie canadienne. Nous devons absolument entendre des représentants de tous les secteurs dans le cadre d'une étude portant sur une question si importante.

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Dans le cadre de nos travaux, j'espère que les députés pourront élaborer des propositions concrètes sur les trois grands secteurs que j'ai mentionnés plus tôt ou sur toute autre question touchant la réforme. À la suite des audiences, avant que nous procédions à l'étude article par article du projet de loi, j'inviterai le ministre et ses fonctionnaires à comparaître devant le comité. Nous leur parlerons alors des propositions qui auront été mises de l'avant. Notre comité a pour objectif principal d'améliorer le projet de loi et ainsi d'apporter des changements positifs à la vie des Canadiens.

Je désirais simplement faire ces commentaires liminaires avant d'entendre nos premiers témoins.

Oui, monsieur Crête.

[Français]

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Il est important de rappeler qu'il n'y a pas eu de débat en deuxième lecture sur ce projet de loi. Il faut se rappeler que lors de la dernière session, il a été renvoyé directement au comité sans débat en deuxième lecture et que le projet de loi C-12 arrive maintenant à ce comité sans avoir fait l'objet d'un débat.

Donc, même s'il est certain qu'on devra porter une attention particulière notamment aux éléments que vous avez identifiés et qui ont été identifiés par le ministre comme étant des irritants corrigés, il faut se dire clairement qu'on a devant nous un projet de loi dont on étudie le principe même, du fait qu'il n'a pas fait l'objet d'un débat à l'étape de la deuxième lecture.

Il faudra avoir une attitude très ouverte pour examiner l'ensemble des problèmes qu'il suscite ainsi que plusieurs dossiers qui n'ont pas fait les manchettes jusqu'à présent, par exemple les questions d'assurabilité.

Le projet de loi qu'on étudie actuellement va changer la vie de millions de personnes pour plusieurs années, et il est très important qu'on prenne tout le temps nécessaire pour l'étudier de fond en comble. Il ne s'agit pas simplement d'adopter des amendements afin d'avoir la meilleure loi possible. Nous devons aussi voir s'il y a intérêt à ce que la réforme soit faite comme il a été entendu. Tout le monde s'entend sur la nécessité d'apporter des changements, mais pas sur la façon de les faire et pas nécessairement sur la manière dont ils ont été proposés.

Je tenais à faire ces commentaires pour qu'on comprenne bien l'esprit qui est le nôtre. Je répète qu'il n'y a jamais eu de débat sur le principe même de la loi, cela selon la volonté même du gouvernement.

[Traduction]

Le président: Madame Brown.

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Merci, monsieur le président.

J'aimerais signaler aux fins du procès-verbal et sans faire de longue introduction que j'aimerais obtenir un peu plus de renseignements du ministre, par votre entremise. Nous savons qu'il modifiera ce projet de loi. J'aimerais donc avoir un peu plus de renseignements sur ces amendements; quelle forme prendront-ils? Sur quelles dispositions porteront-ils? Quand les recevrons-nous?

Nous allons entendre peut-être une centaine de témoins, ou même davantage, dans le cadre des audiences du comité. Je crois que nous n'utiliserions pas le temps dont nous disposons de façon judicieuse si nous ne savions pas vraiment quel type de modifications le ministre apportera; nous saurions mieux discuter de la question avec nos témoins si nous savions quelle nouvelle orientation le ministre veut donner à cette mesure législative. Il se pourrait en fait que nous ne posions pas les bonnes questions; il se pourrait même que, en fait, nos travaux ne soient pas vraiment utiles si nous ne savons pas vraiment ce qui nous attend. Est-ce que vous avec une idée du moment où le ministre l'intention de proposer ces amendements? Y a-t-il un échéancier qui a déjà été établi pour l'étude de cette mesure législative?

Merci.

Le président: Si je me souviens bien, la dernière fois que le ministre était des nôtres, il a dit bien clairement aux députés qu'il a hâte d'entendre les propositions que lui formuleront les membres du comité. Évidemment, le comité présentera ses propositions au ministre lorsqu'il comparaîtra devant nous avant que nous ne procédions à l'étude article par article du projet de loi; il pourra peut-être à ce moment-là nous dire si le comité peut en fait apporter des modifications particulières au projet de loi.

.1545

Cependant, pour ce qui est du ministre et de ses projets... Comme vous le savez, il a un secrétaire parlementaire qui est en contact régulier avec lui. Je demanderai donc à M. Nault de nous dire s'il en sait plus long que moi à cet égard.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Monsieur le président, j'aimerais faire deux commentaires. Tout d'abord, j'aimerais répondre à ce qu'a dit M. Crête tout à l'heure quant à l'objectif de notre étude. Pour être honnête, le Règlement de la Chambre est bien clair. Nous n'avons pas procédé à la deuxième lecture du projet de loi... le vote, évidemment, est un vote en principe sur le projet de loi. Nous avons donc une plus grande marge de manoeuvre que si le projet de loi avait déjà subi la deuxième lecture. Le fait demeure cependant que nous devons étudier le projet de loi dont nous sommes saisis et ne pas élargir notre étude pour parler de diverses questions et de divers éléments de la politique sociale au Canada, ce qui était le mandat du comité l'année dernière.

Pour ce qui est du ministre, je pense qu'il a dit très clairement comment il envisagerait les propositions qui lui seraient faites. Il voudrait que le comité et les témoins formulent des propositions sur certaines des questions clés qui ont déjà été soulevées non seulement par lui, mais par bien d'autres gens, comme nous le répètent régulièrement les médias.

Cela étant dit, il est bien évident d'après l'attitude du ministre que tous les articles du projet de loi peuvent être modifiés. Si l'opposition ou, bien sûr, et c'est encore plus important, si les témoins ont des propositions à formuler, nous sommes ici pour les entendre et nous nous chargerons plus tard de les transmettre au ministre. L'opposition nous demande si nous avons déjà pris notre décision. Si c'était le cas, toutes ces audiences ne serviraient à rien. J'espère que nous pourrons examiner tous les aspects du projet de loi, et s'il est possible de l'améliorer nous le ferons. C'est ce que le ministre compte faire d'après les échanges que j'ai eus avec lui sur cette question.

Pour ce qui est de l'échéancier, quand le ministre aura décidé quelles propositions retenir ou rejeter, cela dépendra de ce que vous proposerez. Jusqu'ici, l'opposition s'est contentée de dire que nous devrions retirer le projet de loi et recommencer à zéro. Je dois dire que nous ne sommes pas prêts à procéder de cette façon.

Nous accepterons volontiers des changements proposés aux articles du projet de loi et nous incitons sincèrement les députés de l'opposition à présenter dans un esprit de collaboration des propositions d'amendement susceptibles d'améliorer le projet de loi. Depuis que j'ai été élu au Parlement il y a sept ans, cela a toujours été le rôle des comités. Nous avons déjà averti nos collègues à nos réunions de caucus que nous leur demanderons de formuler eux-mêmes leurs propositions s'il y a lieu. Nous avons dit publiquement aux députés de l'opposition que nous les invitions à faire de même. Si vous avez des choses à proposer pour changer les articles du projet de loi, présentez-les pour que le ministre puisse les examiner. Quand il reviendra devant le comité, il pourra vous dire si ces propositions ont été acceptées ou non.

Le président: Y a-t-il autre chose? Dans ce cas, je remercie les membres du comité.

Nous passerons maintenant au premier exposé, qui nous vient de l'Association canadienne de la construction. Je pense que les deux intervenants seront John DeVries, directeur principal des ressources humaines, et Michael Atkinson, président de l'Association canadienne de la construction.

Bienvenue. Vous avez l'honneur d'être nos premiers témoins, et je suis certain que vous toucherez à certains des points que j'ai moi-même soulevés tantôt dans mes observations.

Je vous signale que mon père a travaillé dans l'industrie du bâtiment pendant une trentaine d'années, ce qui veut dire que je comprends très bien votre point de vue. J'ignore si cela constitue un conflit d'intérêts ou non.

M. Michael Atkinson (président, Association canadienne de la construction): Je devrais peut-être vous demander dès le départ, avant même de commencer notre exposé, si c'est une bonne chose ou non, monsieur le président.

Le président: C'est une excellente chose.

M. Atkinson: Merci beaucoup, monsieur le président. Les membres de l'Association canadienne de la construction sont très heureux d'avoir l'occasion de témoigner devant votre comité et de vous faire part de certaines de nos préoccupations relativement au projet de loi sur l'assurance-emploi, c'est-à-dire les points forts et les faiblesses de cette mesure.

Comme l'a dit le président, je m'appelle Michael Atkinson et je suis président à plein temps de l'Association canadienne de la construction. Je suis accompagné de John DeVries, qui est maintenant vice-président chargé de toutes les questions relatives au développement des ressources humaines au sein de notre association. John a aussi fait partie de la coalition de l'industrie qui s'est penchée sur la réforme de l'assurance-chômage pendant l'examen de notre régime de sécurité sociale, et il fait aussi partie de l'équipe spéciale de DRHC sur l'économie souterraine.

Je pense que vous avez des exemplaires de notre mémoire sous les yeux, et je ne vais donc pas le lire au complet. Je me contenterai de mettre en lumière certaines des choses qui nous préoccupent le plus et je céderai ensuite la parole à John, qui vous fournira des explications un peu plus détaillées. Nous pourrons ensuite passer aux questions et réponses, et au dialogue avec les membres du comité, puisque c'est sans doute surtout pour cela que vous nous avez invités.

.1550

Je voudrais d'abord vous dire quelques mots sur notre organisme. L'Association canadienne de la construction représente environ 20 000 entreprises de toutes les régions du Canada dans le domaine de l'industrie de la construction non résidentielle. Quatre-vingt-quinze p. 100 d'entre elles sont de petites entreprises, quelle que soit la définition utilisée. Collectivement, l'industrie du bâtiment est l'un des plus importants employeurs, sinon le plus important, du Canada. D'après les chiffres les plus récents de Statistique Canada, notre industrie emploie directement environ 730 000 Canadiens à l'heure actuelle. C'est sensiblement moins que les niveaux records atteints avant la récession vers la fin des années 80.

Malgré un taux de chômage désaisonnalisé d'environ 15,5 p. 100 pour l'ensemble de l'industrie, taux qui varie considérablement d'un bout à l'autre du pays, les politiques de développement des ressources humaines et de l'emploi que reflète le projet de loi sur l'assurance-emploi revêtent énormément d'importance pour l'industrie du bâtiment et les membres de notre organisme. Monsieur le président, cela fait longtemps que l'Association canadienne de la construction préconise un remaniement du régime d'assurance-chômage pour certaines des raisons que vous avez vous-même mentionnées dans votre introduction.

D'après nous, le régime est maintenant trop généreux, a un effet dissuasif sur l'emploi et la mobilité de la main-d'oeuvre et s'est beaucoup écarté de son objectif original. L'ACC appuie le projet de loi dans la mesure où il vise à résoudre certains de ces problèmes, même si nous jugeons que l'on aurait pu aller beaucoup plus loin.

Avant de demander à mon collègue, John DeVries, de vous donner une description détaillée de nos préoccupations, je voudrais résumer nos principales critiques au sujet du projet de loi. Essentiellement, il y en a trois.

Je dois tout d'abord vous dire qu'il y a environ deux ans, pendant l'examen mené en vue d'une réforme de la sécurité sociale, nous avions nous-mêmes entrepris une espèce de tournée de consultation pour parler à nos membres de toutes les régions du pays des points forts et des faiblesses, surtout du régime d'assurance-chômage, et leur demander leur avis, leurs opinions et leurs recommandations. Comme je l'ai dit tantôt, nos membres représentent environ 20 000 entreprises de tout le pays, et ce sont des hommes et des femmes qui doivent payer leurs employés toutes les deux semaines ou chaque semaine et qui doivent essayer de rester à flot. Ces idées ne viennent donc pas de lobbyistes professionnels ou de penseurs qui ont inventé tout cela du haut de leur tour d'ivoire.

D'abord, le régime d'assurance-emploi que propose le gouvernement ne devrait pas servir à s'attaquer aux disparités régionales ou à atteindre d'autres objectifs de la politique sociale. Ces autres questions doivent être ciblées par des mesures différentes qui seront financées par tous les contribuables, et non pas seulement par les employeurs et les employés. Cela rejoint ce que je disais tantôt au sujet du fait que le régime d'assurance-chômage, ou maintenant le régime d'assurance-emploi, s'est écarté de son objectif original. Cela ne veut pas dire que les programmes qui sont maintenant financés grâce à la caisse d'assurance-chômage n'ont pas de bons objectifs fort louables, mais ils ne devraient tout simplement pas être financés de cette façon. Ils devraient l'être par un programme du gouvernement autre que celui qui est financé essentiellement par les employeurs et les travailleurs.

La deuxième chose dont nous voulons parler a trait au fait que les cotisations à l'assurance-chômage sont des charges sociales. Vous l'avez vous-même dit dans votre introduction, monsieur le président. C'est un impôt sur les emplois. Le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances lui-même ont tous deux déclaré à maintes reprises que les charges sociales constituent le principal obstacle à la création d'emploi.

D'après les prévisions du gouvernement lui-même, la caisse d'assurance-chômage aura un excédent de plus de 5 milliards de dollars d'ici à la fin de 1996-1997. Cependant, le gouvernement ne semble nullement prêt à réduire considérablement les cotisations au régime et n'a même pas laissé entendre que l'excédent sera un jour redonné aux travailleurs et aux employeurs. C'est pourtant leur argent. C'est une charge sociale. L'une des meilleures façons de stimuler l'emploi consiste à réduire les impôts des entreprises et à remettre de l'argent dans les poches des travailleurs.

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La troisième question dont nous voulons parler aujourd'hui est celle-ci. Quand le gouvernement fédéral a cessé de financer la partie du régime qui servait au perfectionnement, il y a quelques années, et a demandé aux employeurs et aux travailleurs de combler l'écart en cotisant davantage au régime, il avait garanti que ces fonds seraient consacrés à des programmes de perfectionnement et de formation des ressources humaines. Cela comprenait le financement de programmes provinciaux de formation des apprentis dans notre industrie, ce qui est tout à fait essentiel pour former des travailleurs compétents pour notre industrie.

Le gouvernement fédéral ayant récemment annoncé qu'il avait l'intention de mettre fin à ses activités de formation de la main-d'oeuvre et, par conséquent, de supprimer le financement destiné à certaines formes de formation et d'apprentissage, de nombreux employeurs et employés de notre secteur commencent à se demander, et c'est très légitime, quand le gouvernement va leur rendre leur argent. Le système d'apprentissage est beaucoup trop important pour notre secteur pour qu'on puisse prendre de telles décisions sans tenir des consultations approfondies avec l'industrie ou sans offrir un système de transition bien organisé.

J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue, John DeVries, qui va vous expliquer nos préoccupations un peu plus en détail. Nous espérons qu'il restera ensuite suffisamment de temps pour la discussion.

Merci.

M. John DeVries (directeur principal des ressources humaines, Association canadienne de la construction): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, membres du comité, au cours des dix prochaines minutes, j'ai l'intention de parcourir avec vous le mémoire. C'est un mémoire de huit pages; cela ne devrait donc pas être trop long. Nous pourrons ensuite passer à la discussion.

Il y a plusieurs questions relatives à la construction que nous aimerions soulever avec vous. D'autres groupes d'affaires vous feront probablement les mêmes observations que nous au sujet du projet de loi C-12. Toutefois, j'aimerais consacrer des observations plus spécifiques au programme d'apprentissage dans le secteur de la construction et au programme de soutien du revenu des apprentis par l'entremise de l'assurance-chômage.

Je commence le survol de notre mémoire par la liste des priorités qui ont poussé l'ACC à intervenir au sujet de l'assurance-chômage. Les quatre priorités qui motivent cette démarche sont les suivantes:

1. Les réalités de notre secteur font que nous sommes là pour servir un client. Ce client peut se trouver n'importe où au Canada. C'est donc un secteur où la main-d'oeuvre doit être mobile. Nos membres considèrent que le système actuel d'assurance-chômage est trop généreux sur le plan des prestations, et en particulier qu'il favorise trop les régions. Par conséquent, nous n'avons pas la mobilité que nous pourrions avoir. Je vais vous rappeler quelle était la situation à la fin des années 80. À l'époque, il y avait un boom de la construction en Ontario, et il y avait des milliers et des milliers d'emplois de briqueteurs et de menuisiers à Toronto qui ne trouvaient pas preneurs. Et pourtant, dans le reste du Canada, plus de 100 000 travailleurs de la construction spécialisés étaient sans emploi.

2. Nous dépendons de nos clients, et ceux-ci ne prennent la décision d'investir dans le secteur de la construction que lorsqu'ils croient pouvoir occuper une position concurrentielle au Canada. Nous dépendons donc dans une large mesure de ces décisions d'investir. Nous sommes ici pour vous dire que les concepteurs des politiques gouvernementales doivent être conscients du fait que les charges sociales sont un des facteurs qui régissent les décisions d'investir au Canada. Nous devons certainement être conscients de la comparaison entre nos charges sociales et celles des États-Unis, notre partenaire le plus important.

3. L'économie souterraine a des répercussions considérables sur les ressources dont dispose notre gouvernement. Personne n'ignore que l'économie souterraine est particulièrement active dans le secteur de la construction à cause de l'élément service qui existe dans ce secteur. En l'absence d'application de la loi, nous sommes convaincus que l'assurance-chômage est un facteur d'encouragement considérable. L'élément clef ici est le fait qu'il n'y a pas d'application. Personne ne vérifie si les gens cherchent du travail. Tout pousse donc les gens à accepter un chèque et à se joindre à l'économie souterraine.

4. Vient ensuite l'aspect équité. Là encore, avec un système d'assurance-chômage généreux qui, au cours des années, a été tiraillé dans diverses directions politiques et sociales, qui a profité à telle région mais non pas à telle autre, à telle personne, mais non pas à telle autre, des injustices se glissent dans le système.

Cela constitue une préoccupation, car des secteurs comme le nôtre finissent par beaucoup faire appel à l'assurance-chômage, mais ce n'est pas délibéré. Dans un secteur comme celui de la construction, où les périodes d'activité suivent naturellement les périodes de chômage, il y a forcément un écart considérable entre les prestations et les cotisations. Lorsque les autres secteurs nous montrent du doigt, c'est justement pour cette raison-là.

Ce qui nous inquiète, c'est que le système risque de perdre les appuis dont il a besoin pour maintenir un programme d'assurance à risques mis en commun. Dans sa déclaration d'ouverture devant ce comité, le ministre Axworthy a, je crois, parlé de cette injustice et de la nécessité de corriger la situation dans le cas des usagers fréquents.

Voilà pour les priorités mentionnées dans notre mémoire de huit pages; maintenant, je vais faire des observations au sujet des différentes parties du projet de loi.

En ce qui concerne la partie I, les articles 1 à 55, nous sommes d'accord pour qu'on remplace les critères d'admissibilité, qui sont actuellement fondés sur le nombre de semaines, par des critères fondés sur le nombre d'heures travaillées. Toutefois, il ne devrait pas y avoir de variations d'admissibilité selon les taux de chômage régionaux. Je sais que cela va être très controversé, en particulier parmi les hommes politiques à l'est du Québec, mais nous sommes convaincus qu'il ne devrait y avoir aucune variation.

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L'ACC recommande l'adoption d'une exigence minimale de 700 heures, c'est-à-dire 20 semaines, pour l'admissibilité aux prestations.

Nous appuyons également la modification de la formule de prestation en vertu de l'article 14. La division des gains par un dénominateur commun, selon une période déterminée, servira de mesure incitative pour amener les gens à chercher à obtenir des semaines de travail supplémentaires. Je peux vous assurer que dans le secteur de la construction nous connaissons beaucoup d'entrepreneurs qui, lorsque les activités de construction de routes prennent fin, s'adonnent à d'autres activités saisonnières, comme l'enlèvement de la neige. Ils ne réussissent même pas à convaincre leurs ouvriers de prendre le téléphone pour dire qu'ils viennent travailler - ils ont peur de perdre leurs prestations d'assurance-chômage à cause de cette formule. Le nouveau système sera donc positif.

Nous pensons qu'on devrait instaurer un dénominateur commun de 20 semaines sans aucune variation régionale. Ce n'est probablement pas la réaction que souhaite le ministre lorsqu'il dit qu'il aimerait avoir des opinions en ce qui concerne le dénominateur qui est actuellement, je crois, de 14 et de 16, pour les années à venir.

Nous appuyons la mesure de réduction des prestations aux usagers fréquents en vertu de l'article 15. Nous considérons que cela aura un impact sur notre secteur. La réduction préoccupe relativement peu l'ACC, qui la considère comme une mesure incitative pour les usagers fréquents à se chercher un emploi supplémentaire.

Il faut vous souvenir que notre industrie, où le niveau d'emploi est particulièrement élevé, a également un niveau de chômage particulièrement élevé. Une portion importante de l'emploi dans notre secteur est de nature très marginale, et le système d'assurance-chômage vient compenser lorsque les gens travaillent 12 semaines ou moins au cours d'une année.

Le projet de loi propose, en vertu de l'article 16, l'octroi de prestations familiales supplémentaires aux requérants à faible revenu. L'ACC estime que, si le gouvernement est ainsi prêt à ajuster à la hausse les prestations sur la base du revenu familial, il devrait faire preuve de responsabilité et de cohérence dans sa démarche et ajuster les prestations à la baisse dans le cas des familles à plus fort revenu, et tout particulièrement dans le cas des usagers fréquents. Les statistiques démontrent qu'en 1991 environ 200 000 usagers fréquents disposaient d'un revenu familial de plus de 50 000$.

Dans la partie II, les articles 56 à 65 portent sur les prestations d'emploi. Nous n'avons pas d'observations particulières à faire au sujet de la plupart de ces dispositions. L'ACC considère que les subventions salariales et les rémunérations supplémentaires sont inappropriées lorsqu'elles sont utilisées de telle façon qu'elles nuisent à l'efficacité du marché du travail.

Les membres de l'ACC s'inquiètent de ce que les employeurs et les prestataires pourraient abuser de ces prestations. Si on décidait d'aller de l'avant et de verser ce genre de prestations, le gouvernement devrait songer à instaurer des directives visant à en limiter l'usage. Autrement dit, envisageons d'imposer des limites au nombre de demandes de prestations, sinon les gens viendront se servir et se resservir.

À notre avis, les programmes d'encouragement au travail indépendant et de création d'emplois devraient être éliminés.

L'article consacré aux prêts et subventions de perfectionnement reflète l'annonce faite par le premier ministre au début de décembre de ce que le gouvernement fédéral se retirerait de l'achat direct de places en formation pour respecter le champ de compétence des provinces. Nous considérons que ces prêts et subventions remplacent en quelque sorte le système actuel, qui veut que le gouvernement achète des blocs de places en formation. Comme le président l'a observé, ces achats de places de formation comprennent les programmes d'apprentissage.

Nous nous inquiétons particulièrement du fait que nous ne sommes pas partie aux discussions. Nous craignons vraiment que les provinces, qui devront assumer ces coûts, ne le fassent seules, sans la participation des travailleurs et du patronat de la construction. Nous voulons participer afin de pouvoir suggérer les meilleures modifications possible à apporter dans le cas des apprentis - les jeunes dans notre industrie - car notre plus grande crainte, c'est que les jeunes apprentis ne soient facturés à 100 p. 100. Je peux vous assurer qu'ils ne sont pas en mesure d'assumer 100 p. 100 des coûts. Je pense qu'ils n'utiliseront pas le programme, qu'ils travailleront sans accréditation ou qu'ils tenteront d'obtenir l'accréditation tout en travaillant.

En ce qui concerne la partie III, les articles 66 à 80, les cotisations, vous avez entendu notre président dire que nous nous opposions à ce que la caisse de l'assurance-chômage atteigne plusieurs milliards de dollars. À notre avis, à la lumière des réformes des cinq dernières années, rien ne justifie un excédent de la caisse d'assurance-chômage de plusieurs milliards de dollars.

À la lumière des réformes envisagées ici, nous pensons que la commission, de concert avec les ministres du Développement des ressources humaines et des Finances, pourrait facilement maintenir la caisse de l'assurance-chômage à l'intérieur d'une marge de quelques milliards de dollars. S'il n'en est pas ainsi, notre organisation y verra une mainmise à court terme sur les liquidités en vue de réaliser l'objectif de réduction du déficit du Canada.

Maintenant, voici quelque chose que peu d'autres groupes vous diront. La cotisation de l'employeur, comme vous le savez, se chiffre à 1,4 fois celle de l'employé. La cotisation de l'employé est de 3$ par 100$ de rémunération; l'employeur verse 4,20$. Il en est ainsi depuis 25 ans. À notre avis, il est temps de réexaminer la question et de ramener les cotisations au même niveau.

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S'il est possible de réduire immédiatement les cotisations des employeurs et de réduire ainsi les charges sociales, ce qui est justifié... Je pense que l'on peut faire valoir que les cotisations de l'employeur pourraient passer de 4,20$ à 3$. Au cours des deux prochaines années, si l'excédent atteint à 5 milliards de dollars par année, je pense que ce serait possible.

J'aimerais maintenant passer au programme de formation en apprentissage et au programme de soutien du revenu de l'assurance-chômage pour les apprentis.

Il y a 140 000 apprentis au Canada. La vaste majorité se trouve dans l'industrie de la construction: 55 p. 100. La décision du gouvernement fédéral de se retirer du champ de la formation de la main-d'oeuvre en cessant d'acheter des places de formation des apprentis équivaut à environ 85 millions de dollars en compressions. Nous avons l'impression que dans certaines provinces cette mesure entraînera de graves conséquences.

Certaines provinces, comme le Québec et la Nouvelle-Écosse, ont des programmes différents de formation des apprentis. Dans ces provinces, on n'a pas recours à des programmes où alternent la formation en cours d'emploi et les études. On procède différemment. L'incidence y sera donc moins grande. Toutefois, de nombreuses provinces ont cette alternance de stages de formation en cours d'emploi et de formation en établissement scolaire, qui est financée jusqu'à concurrence de 60 p. 100 environ par les fonds d'aide à la formation de l'assurance-chômage ainsi que par le Trésor.

Les effets se feront sentir immédiatement dans les deux cas... Dans le cas du Trésor, la mesure entrera en vigueur le 1er avril. Cela représentera 31 millions de dollars au total. L'autre partie, le fonds d'aide à la formation, sera éliminée sur trois ans. Ainsi, dès le 1er avril, des apprentis comme les apprentis à leur compte, les poseurs de panneaux muraux secs, les peintres, ceux qui travaillent à la pièce... Ils étaient en général financés à même le Trésor pendant leur apprentissage en établissement scolaire. Parce qu'ils ne sont pas admissibles à l'assurance-chômage, ils seront exclus immédiatement; or, ils ne poursuivront certes pas leurs études s'ils doivent en assumer le coût...

Évidemment, cela suppose que les provinces ne vont pas intervenir immédiatement pour payer... et voilà notre inquiétude. Nous ne savons pas encore quelle sera la réaction des provinces. La confusion règne. Toutefois, je soulève la question ici afin de vous exhorter à surveiller cet aspect. Immédiatement après nous, vous entendrez les métiers de la construction. Ils partagent nos préoccupations. En fait, on vous fera probablement part des mêmes recommandations.

Nous travaillons de concert avec les métiers de la construction. J'essaie d'en arriver à une entente sur des normes nationales pour les programmes de soutien du revenu et pour les coûts de la formation en apprentissage dans tout le pays. Tout comme les travailleurs, nous tenons à nous assurer que nous possédons un système d'apprentissage de qualité qui comprend une composante théorique en milieu scolaire pour tous les apprentis. Nous voulons participer aux discussions entre les ministres fédéral et provinciaux du Travail lorsqu'il sera question de subventions et prêts de perfectionnement, car nous estimons que nous risquons de faire les frais de ces discussions si nous ne sommes pas là.

Enfin, depuis des décennies les apprentis font l'école de métiers... comme je l'ai dit, après peut-être un an ou deux au travail, ils vont à l'école pendant huit ou dix semaines. C'est à l'école qu'ils apprennent la théorie. Pendant cette formation, ils ne sont pas payés. Ils touchent l'assurance-chômage. Depuis des décennies maintenant, on admet qu'ils sont «mis en disponibilité temporairement» - je pense que c'est l'expression utilisée par le ministère. Les employeurs les mettent en disponibilité. Ils vont à l'école, et l'assurance-chômage leur permet essentiellement d'apprendre leur métier.

Une réévaluation de cette politique au ministère menace actuellement ce droit. Les hauts fonctionnaires nous ont prévenus qu'une décision sera fort probablement prise au cours de l'année.

Nous nous inquiétons, car nous pensons que l'ensemble du programme de soutien du revenu pour les apprentis est très menacé. Comme le programme relève entièrement des fonctionnaires, rien n'est prévu dans la loi à cet effet. C'est entièrement une question de politique. Je pense qu'il y a 30 ou 25 ans que le ministère de l'Emploi et de l'Immigration, ou peu importe son nom alors, a adopté cette politique interne, c'est-à-dire le versement de prestations pendant les études; cela n'a jamais été inscrit dans la loi.

Nous recommandons - si vous voulez vous reporter à la page 9 de notre mémoire... L'article 25 du projet de loi, alinéas a) et b), prévoit dans quelles circonstances une personne peut toucher l'assurance-chômage même si en réalité elle ne cherche pas activement du travail. Le projet de loi prévoit donc quelques situations où l'on peut toucher de l'assurance-chômage, en général en période de formation. Il s'agit de programmes spéciaux de formation, de perfectionnement, que sais-je.

Nous proposons - et les représentants des syndicats des métiers de la construction qui nous suivent appuieront probablement cette mesure - qu'un alinéa c) prévoie que les apprentis inscrits à la session de formation en classe exigée par les ministères provinciaux de la formation puissent toucher les prestations d'assurance-chômage et soient considérés comme capables de travailler et disponibles à cette fin pendant cette période.

.1610

Essentiellement, voilà ce que je voulais soulever. Il y a encore de nombreuses questions, et je vous cède maintenant la parole.

Le président: Merci beaucoup, messieurs DeVries et Atkinson. C'est certainement un excellent début pour nos audiences.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Il y aura un tour de 15 minutes, c'est-à-dire 15 minutes pour l'opposition d'abord, et ensuite les députés du gouvernement auront 15 minutes.

Monsieur Crête.

[Français]

M. Crête: J'ai cru comprendre, monsieur le président, qu'il doit y avoir 15 minutes pour l'Opposition officielle, 15 minutes pour le Parti réformiste et ensuite 15 minutes pour le gouvernement. Si un parti n'est pas représenté, sa période appartiendra-t-elle à l'Opposition officielle?

[Traduction]

Le président: Mme Brown m'a informé au cours de l'exposé qu'elle devrait partir. Si vous voulez prendre 15 minutes, qui seront suivies de 15 minutes pour les députés du gouvernement, je pense que ce serait juste.

Passons donc aux questions.

[Français]

M. Crête: Je vous remercie de votre présentation. J'en tire la conclusion que vous privilégiez l'approche voulant que le régime d'assurance-chômage soit un régime purement économique, purement financier, en fait un régime d'assurance. Dans un tel cas, le terme «assurance-emploi» ne serait même plus approprié. Je crois que, dans vos recommandations, vous vous opposez à toutes les mesures de la réforme qui viseraient la création d'emplois. Donc, vous semblez vouloir en faire un régime privé d'assurance et, à la limite, une entreprise privée pourrait même gérer le programme.

Avant de continuer, j'aimerais vous demander où vous demeurez. À Ottawa?

M. Atkinson: À Nepean.

M. Crête: J'aimerais vous dire que Shédiac, Paspébiac et Saint-Pascal-de-Kamouraska sont de belles municipalités où il fait bon vivre aussi. Il y a des familles qui y vivent depuis 100 ans, 150 ans et même 200 ans. Ce sont des gens qui ont le goût d'avoir des emplois dans leur coin de pays. Les gens ne sont pas des machines qu'on déplace parce qu'il y a un chantier de construction en Colombie-Britannique ou en Alberta et qu'on envoie la semaine suivante à la Baie-James. De toute façon, en général, les travailleurs de la construction vont chercher les emplois là ou ils se trouvent. L'homme doit alors voyager et sa famille, particulièrement la femme, demeure à la maison.

Donc, il est important de s'assurer, dès le départ, qu'on traite les gens comme des humains. Si ce n'est pas le régime d'assurance-chômage qui peut le faire, il faudra qu'on prévoie autre chose.

Vous insistez beaucoup sur la nécessité d'une main-d'oeuvre mobile. Personnellement, je pense qu'il faut insister aussi sur le droit des personnes à vivre dans leur coin de pays, là où on leur a permis de s'installer. Il faut que cela puisse continuer dans le futur.

Une remarque de M. DeVries, je crois, m'a fait un peu sursauter. Il a dit: Il sera difficile pour les hommes politiques d'accepter les changements qu'on demande dans notre mémoire, particulièrement pour les gens de l'Est du Québec et des Maritimes.

Ce n'est pas pour les hommes politiques que ce sera difficile, mais pour les hommes et les femmes qui vivent dans ces régions-là. Il y a une très grande différence entre les deux. Parmi les 5 000 personnes qui se sont réunies à Matapédia hier soir, il y en avait certainement 4 800 ou 4 900 qui n'étaient pas des politiciens. Il s'agissait plutôt de gens vivant dans la vallée de la Matapédia, qui n'étaient pas tous des hommes et des femmes politiques. Il est important que nous tenions compte de cela dans les choix que nous aurons à faire.

Je vais vous poser quelques questions plus précises. Quel sera, selon vous, l'effet de vos deux recommandations voulant qu'il n'y ait pas de variation des conditions d'admissibilité selon les taux de chômage régionaux et qu'il y ait une exigence minimale de 700 heures pour l'admissibilité aux prestations? Quelles seraient les conséquences économiques et sociales de l'adoption de telles mesures?

.1615

Ma deuxième question a trait au programme d'aide aux travailleurs indépendants, lequel permet actuellement de générer une nouvelle génération d'entrepreneurs, particulièrement dans la petite et très petite entreprise. Quel impact aurait l'abolition de ce programme sur la vitalité économique des régions touchées?

Quant à la diminution du surplus, c'est un élément que je trouve intéressant. Vous dites croire que le gouvernement réalise un surplus de 5 milliards de dollars et que cela vous semble trop élevé. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus. Vous proposez que la marge soit plus réservée. J'aimerais avoir des précisions à ce sujet.

J'ai une dernière question, qui est en même temps une remarque. On s'étonne un peu de constater que vous faites très peu confiance aux gouvernements provinciaux pour gérer raisonnablement la main-d'oeuvre si on leur en confie la responsabilité. Au Québec, tant les employeurs que les syndicats et le monde de l'éducation veulent que cela soit rapatrié au niveau de la province.

J'aimerais savoir d'où vient le manque de confiance évident que vous manifestez face aux institutions provinciales et pourquoi vous le présentez de cette façon.

En terminant, si on acceptait vos recommandations, souhaiteriez-vous que le gouvernement ait, en parallèle, un programme qui permettrait d'assurer un développement régional adéquat? Dans le respect de votre logique, comme il n'y aurait plus aucun programme de création d'emplois ni aucune mesure particulière à ce sujet, seriez-vous prêt à recommander que le gouvernement assume la responsabilité du développement des régions ou si vous voulez simplement que les lois du marché s'appliquent?

[Traduction]

M. Atkinson: Monsieur le président, je peux peut-être commencer à répondre à ces questions.

Tout d'abord, pour commencer par la dernière question, nous avons fait valoir que les programmes d'expansion régionale existent depuis la Confédération. Il y a certainement un rôle pour le gouvernement fédéral dans le domaine des disparités régionales. En fait, je pense que l'expression «disparités régionales» s'utilise uniquement au Canada.

Nos membres, pas uniquement moi et M. DeVries, d'Ottawa et de Nepean, mais nos membres dans tout le pays nous disent que les programmes de ce genre, quelle que soit leur valeur, ne devraient pas faire partie de l'assurance-chômage ou de l'assurance-emploi financée uniquement par les employeurs et les travailleurs du pays. En fait, si les Canadiens veulent des programmes d'expansion régionale, veulent certains des programmes d'emploi et des programmes sociaux qui font actuellement partie de l'assurance-chômage, alors que les Canadiens - tous les Canadiens, tous les contribuables canadiens - en assument les coûts, et non pas uniquement les travailleurs et les employeurs.

Pour ce qui est des gouvernements provinciaux, notre méfiance n'est ni plus ni moins grande à leur égard qu'à l'égard du gouvernement fédéral, mais nous craignons que si le secteur le plus touché - aussi bien la partie patronale que la partie syndicale - ne participe pas aux discussions entre le gouvernement fédéral et les provinces concernant les nouvelles dispositions de la loi relatives aux prêts et subventions de perfectionnement, les décisions prises ne soient précipitées et mal fondées. Nous demandons donc de faire partie de ces discussions.

Nous craignons en effet que si nous ne participons pas aux discussions et si des décisions précipitées et mal fondées sont prises, les normes uniformes que vise notre secteur en matière de formation et d'apprentissage ne soient délaissées pour des raisons d'ordre financier, parce que les divers gouvernements provinciaux ne s'entendront pas sur les solutions et démarches à adopter à l'égard du retrait de la participation financière du gouvernement fédéral aux programmes. Nous nous inquiétons donc surtout des répercussions de ces décisions sur les programmes d'apprentissage un peu partout au pays en l'absence du secteur le plus touché à la table où auront lieu les discussions avec les gouvernements provinciaux et fédéral. Et cela ne veut pas du tout dire que nous nous méfions des autorités provinciales par rapport à ces questions.

.1620

Nous croyons que le surplus du fonds de l'assurance-chômage doit être plus petit et qu'il doit être remis aux employeurs et aux travailleurs, ceux qui, après tout, paient la note. En effet, quand on y pense... Je suis peut-être un peu naïf, mais je croyais que les cotisations d'assurance-chômage devaient servir au programme de l'assurance-chômage. Je suis peut-être naïf, en effet. Il se peut que les taxes réservées, celles qui sont censées être affectées à une fin particulière - et j'éviterai le terme «spécifique», que n'aime pas le ministère des Finances - n'existent tout simplement pas. Dans le cas d'un fonds, d'un programme, dont le surplus se chiffre déjà à cinq ou six milliards de dollars et continue de grimper, on ne s'attendrait pas à ce que le gouvernement vienne tout simplement y puiser et s'en servir à toutes les sauces. Mais, effectivement, il se peut que je sois naïf.

Pour ce qui est des programmes d'encouragement au travail autonome et d'autres programmes qui correspondent actuellement au programme de l'assurance-chômage, ainsi que des nouvelles mesures et améliorations annoncées dans cette mesure législative, je vais répéter ce que j'ai déjà dit. Tout d'abord, nous ne croyons pas que ces programmes doivent faire partie du train de mesures à l'étude.

Deuxièmement, nous estimons que certains de ces programmes ont, à l'heure actuelle, un effet économique dommageable dans certaines régions. Nous nous demandons, par exemple, comment des entreprises existantes ayant à verser des salaires et n'ayant pas comme banquier le gouvernement fédéral peuvent faire concurrence, survivre et prospérer dans une situation où des personnes lancent de nouvelles entreprises en s'appuyant sur le gouvernement fédéral comme banquier. Nous estimons donc que, en l'absence de certaines limites, s'il n'existe pas un processus quelconque de contrôle et d'obligation de rendre compte, de tels programmes pourraient avoir un effet dommageable sur l'économie actuelle et sur nos membres actuels.

Pour ce qui est des répercussions économiques de la norme des 700 heures, nous croyons tout d'abord que le fait de passer à un système d'admissibilité selon le nombre d'heures sera très avantageux pour notre secteur, particulièrement dans le domaine de la construction routière et des travaux lourds et pour la partie de notre activité qui est véritablement saisonnière, là où certains travailleurs travaillent jusqu'à 40, 55, 60 ou 70 heures par semaine et ne seraient pas autrement admissibles à l'assurance-chômage en vertu des normes hebdomadaires qui existaient auparavant, mais qui le seraient certainement dans un système fondé sur le nombre d'heures.

Pour ce qui est des taux régionaux de chômage et des variations régionales, je vous dirai une fois de plus que nous ne croyons tout simplement pas que le programme de l'assurance-chômage soit le moyen de réaliser des objectifs de politique régionale.

Cependant, nous ne proposons certainement pas la privatisation du programme de l'assurance-chômage. Nous ne préconisons pas un régime fondé entièrement sur les principes de l'assurance. Je ne crois pas qu'il soit possible de le faire avec ce programme, et ce n'est pas ce que nous préconisons.

Nous tenons cependant à dire que le programme doit correspondre à nouveau à ses objectifs d'origine. Il s'agit de se demander à quoi doivent servir les charges sociales et les taxes qui visent les travailleurs. Il semble que ceux qui doivent payer la note n'aient pas suffisamment voix au chapitre, dans la mesure où le fonds peut continuer de croître, de servir à diverses fins, et être enjolivé de diverses manières à mesure que le temps passe.

Monsieur DeVries, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. DeVries: Non. Ce n'est pas pour rien qu'il est président. Il a répondu à toutes les questions.

J'aimerais toutefois commenter la dimension régionale. Je suppose que toute la controverse entourant la réforme de l'assurance-chômage a trait au fait que, si elle va trop loin, elle oblige des gens à quitter leur région. Voilà bien une question chargée d'émotion, une question difficile, et il peut sembler facile pour nous d'en parler, nous qui travaillons pour des associations. Mais je puis vous assurer que nous avons parcouru le pays, que nous avons travaillé ailleurs qu'à Ottawa. J'ai travaillé dans le secteur de la construction. Nous avons du coeur, nous aussi. Par contre, nous devons nous demander si nous, Canadiens, pouvons nous permettre de laisser des gens dans des régions du pays où il ne reste plus que 10 semaines de travail.

Dans notre secteur, il y a excédent d'emplois - ou plutôt une offre de travailleurs surabondante - et il y a trop peu d'emplois dans certaines régions. Oui, c'est la dure réalité, je suppose, mais des déplacements sont nécessaires, et les gens se déplacent effectivement. Au Canada, les gens veulent travailler. Mais nous n'avons pas besoin d'un régime d'assurance-chômage qui vient fausser les données du marché de la main-d'oeuvre.

Ainsi, pour ce qui est des conséquences du passage à la norme des 700 heures, il se peut en effet que cela favorise l'efficacité du marché de la main d'oeuvre.

.1625

Le président: Monsieur Crête, il vous reste environ 60 secondes.

[Français]

M. Crête: Vous êtes d'accord qu'on fasse disparaître l'exigence de 910 heures qui est actuellement prévue dans le projet de loi pour les nouveaux arrivants. Dois-je comprendre qu'on devrait aussi exiger 700 heures pour l'entrée dans le système?

[Traduction]

M. DeVries: Nous avons adopté la position selon laquelle la même norme de 700 heures devrait s'appliquer à tous, qu'il s'agisse ou non de réitérants. Donc, d'une certaine façon, il se peut que ce soit une baisse... Nous disons tout simplement que 20 semaines, soit 700 heures, constituent la durée d'emploi minimum.

Le président: Merci, monsieur Crête.

Nous passons maintenant aux ministériels, les Libéraux. Vous avez également 15 minutes, selon l'ordre suivant: M. Scott, suivi de M. Regan et de M. Easter.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai deux ou trois questions à poser. La première a trait au dénominateur et à cette période fixe dont vous parlez pour le calcul du niveau de prestations. Vous avez dit, si j'ai bien compris, que l'idée était bonne, puisqu'elle incitait évidemment les gens à dénicher les semaines de travail additionnelles nécessaires. Cela s'explique, je suppose, en raison de la différence entre le nombre de semaines nécessaires pour l'admissibilité et le nombre de semaines qui ferait l'objet de la division. Ai-je raison? Bon.

Si c'est la différence qui constitue le moyen d'incitation, alors pourquoi ne pas appliquer à tous le même moyen d'incitation? À l'heure actuelle, le seuil d'admissibilité est de 12 semaines, soit le minimum, et, pour un dénominateur de 20 semaines, l'élément incitatif n'est là que pour les personnes qui s'inscrivent après 12, 14 ou 16 semaines. Pour ceux qui ont 20 semaines à l'inscription, il n'y a pas d'effet incitatif. J'aimerais savoir pourquoi il faut un élément incitatif dans certaines régions du pays et non pas dans d'autres.

Ma deuxième question a trait au fait que vous dites que le gouvernement permet au fonds d'accumuler un surplus important. Vous voyez là une mesure de confiscation, si je ne m'abuse, ou encore une mesure visant à réduire le déficit. Il y a un certain nombre d'années, lorsque le gouvernement fédéral a puisé dans le Trésor pour éponger le déficit du programme, étiez-vous aussi inquiet du fait que le gouvernement créait, à l'époque, un déficit en vue de financer un programme qui, d'après moi, est utile pour la stabilité économique de votre secteur?

Merci.

M. Atkinson: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aborderai tout d'abord la seconde question.

Nous comprenons que le gouvernement souhaite disposer d'une réserve qui lui évitera d'emprunter sur les marchés pour éponger un déficit du fonds de l'assurance-chômage. Nous nous interrogeons tout simplement sur l'importance que doit avoir une telle réserve. Si nous nous reportons à la période de chômage élevé qui caractérisait le point culminant de la récession nous ne voyons tout simplement pas, et ce, pour diverses raisons, la nécessité d'un fonds de cinq milliards ou de sept milliards, selon les calculs des uns ou des autres.

Premièrement, le programme d'assurance-chômage a connu un certain nombre de modifications depuis ce moment-là, y compris celles qui sont proposées dans le projet de loi, qui permettent de croire que même le scénario le plus pessimiste n'entraînerait pas une telle ponction dans les ressources du programme. D'après ce que le président a lui-même déclaré plus tôt, les économies qui découlent des réformes sont telles qu'il est peu probable qu'une réserve de l'ampleur de celle qui a été accumulée par le passé soit nécessaire. Dans cette perspective, il nous semble pertinent de soulever cet aspect.

Deuxièmement, je n'ai entendu dire nulle part qu'il y aurait un allégement des cotisations d'assurance-chômage, quel que soit le surplus. En réponse à une question que nous lui posions lors d'une rencontre l'autre jour, le ministre Martin a tout simplement déclaré qu'il lui fallait respecter ses objectifs de réduction du déficit et qu'il ne pouvait donc pas réduire les cotisations. Il ne voit pas où il pourrait faire des compressions. Or, nous répondons à cela que le gouvernement ne devrait même pas songer à puiser dans ce fonds, puisque ce n'est pas son argent.

M. DeVries: Pour ce qui est maintenant de votre première question au sujet des 20 semaines, je suppose que si la formule existe, c'est qu'elle correspond, d'après moi, au principal problème et que les décideurs voulaient probablement le résoudre. Nous n'avons pas évalué l'effet après les 20 semaines; nous ne nous sommes pas demandé s'il fallait une mesure d'incitation pour que les gens continuent à travailler ou pour que la formule continue d'être valable... Sans pouvoir citer toutes les statistiques, je sais que ce sont les réitérants ayant accumulé un petit nombre de semaines de travail et ayant une longue période de prestations qui posent problème. D'après nos rapports avec les entrepreneurs, nous savons qu'ils ont de la difficulté à obtenir des travailleurs pour les saisons intermédiaires, tout simplement parce que les gains que pourraient faire les prestataires auraient pour effet de réduire leurs prestations.

.1630

Voilà pourquoi nous appuyons les modalités de transition, mais nous ne nous sommes pas penchés sur le cas de ceux qui travaillent après 20 semaines.

Le président: Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Merci, monsieur le président. Je vous remercie, messieurs, d'être parmi nous aujourd'hui.

Ma première question a trait au rapport entre les prestations et les cotisations. À l'heure actuelle, pour votre secteur, ce rapport est de 4$ en prestation pour chaque dollar cotisé. Selon la réforme proposée, le rapport passerait à 3,5 contre 1, et il semble donc que votre secteur continuerait de s'en tirer fort bien. Quels sont donc vos commentaires à ce sujet? Compte tenu de cela, pourquoi n'appuyez-vous pas davantage la réforme?

Ma question suivante a trait à l'apprentissage. Il me semble que l'apprentissage existe depuis longtemps dans votre secteur. Or, aujourd'hui, compte tenu du grand nombre de nouveaux emplois dans le domaine de la haute technologie et des secteurs fondés sur la connaissance, les programmes d'apprentissage doivent exister partout, dans toutes sortes de secteurs, et non pas seulement dans celui de la construction. Pourquoi votre secteur devrait-il donc être le seul avantagé à cet égard?

Deuxièmement, si nous arrivons à élaborer avec les provinces, qui veulent absolument nous voir nous retirer de leur champ de compétence en matière d'éducation, des programmes qui répondent à vos inquiétudes, voyez-vous vraiment là un problème sur le plan de l'apprentissage?

M. DeVries: Pour ce qui est de la première question, qui concerne l'aide subventionnelle, j'ai constaté d'après les journaux que, cette fois-ci, le coefficient était de 4 contre 1. Selon les quatre études dont j'ai pris connaissance au cours des 15 dernières années, les coefficients variaient de 2,5 à 3 à 3,5, et, encore là, on ne s'entendait pas nécessairement sur les activités qui devaient faire partie du secteur de la construction. Mais disons que l'aide subventionnelle à notre secteur est importante.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous nous inquiétons d'être perçus comme constituant un fardeau pour le système. Nous avons identifié un grand nombre de travailleurs marginaux, et un resserrement du système est certainement dans notre intérêt: nous ne souhaitons pas que le régime d'assurance fondé sur la mise en commun des risques devienne inopérant à cause de ceux qui disent que nous devons le privatiser ou nous en débarrasser. Comme pour l'assurance-automobile, il y a toujours un secteur, comme le nôtre, qui draine davantage de ressources, mais je ne saurais vous dire quel coefficient serait acceptable.

M. Atkinson: Il faut cependant retenir que, dans notre secteur, il coule de source que l'activité soit saisonnière dans une large mesure. Nous tentons de maîtriser tous les aspects possibles, mais le climat ne dépend pas de nous.

M. Regan: Acceptez-vous, par exemple, l'opinion du Parti réformiste selon laquelle nous devrions nous acheminer vers un régime fondé strictement sur des principes d'assurance, ce qui pourrait vouloir dire dans votre secteur un coefficient de 1 contre 1, et donc des taux de cotisation beaucoup plus élevés?

M. Atkinson: Non.

M. DeVries: Si nous étions en mesure de contrôler la structure des prestations, alors je crois que le secteur dans son ensemble serait disposé à envisager cette possibilité. Cependant, nous ne sommes pas maîtres de notre destin, et il me semble qu'aucun groupe patronal ou syndical ne l'a jamais été en matière d'assurance-chômage.

Évidemment, si nous avions la maîtrise des prestations, nous pourrions administrer le régime tout comme nous le faisons actuellement pour les régimes de prestations qui, aujourd'hui, sont administrés conjointement par les employeurs et les employés. C'est ce que nous faisons constamment dans le secteur privé pour des régimes dentaires, des régimes de santé et d'autres régimes de prestations. Ce n'est probablement pas la réponse que vous souhaitiez entendre, mais...

Une voix: Vous êtes tout à fait libre de répondre ce que vous voulez.

M. DeVries: Je tiens également à dire pour ce qui est de notre secteur - et les fonctionnaires du ministère pourront le confirmer - que dans 25 p. 100 de l'industrie de la construction les cotisations dépassent les prestations versées. Tout dépend du secteur. La construction compte une bonne centaine de spécialités distinctes: fabrication ou réparation de toitures, construction de routes, etc. Dans la plupart des provinces - je pense à Vancouver - on peut travailler durant 12 mois par année sans difficulté, mais dans certaines régions nordiques c'est impossible.

M. Regan: Je vous ai posé une question au sujet de l'apprentissage.

M. DeVries: Je m'excuse. Pouvez-vous la répéter?

M. Regan: Tout d'abord, vous proposez que nous nous retirions du secteur, par exemple, de l'aide au travail autonome. Or, d'après nos études, nous avons constaté qu'il s'agit là de l'un des meilleurs moyens de faire en sorte que les gens se détachent du régime de l'assurance-chômage et de réduire les coûts d'assurance du régime. En réalité, non seulement les gens, en général, deviennent des travailleurs autonomes, mais encore ils embauchent une personne de plus.

Vous dites que nous devrions nous retirer de ce secteur mais demeurer dans celui de l'apprentissage. Je crois que nous devrions y rester, mais je me demande, dans la mesure où dans nos négociations avec les provinces nous réglons la question de l'affectation à l'apprentissage ou à d'autres fins des sommes que nous leur consentons, si vous êtes satisfaits du processus et si vous continuez de vous inquiéter de notre retrait du financement direct de certaines activités.

M. DeVries: Pour ce qui est du travail autonome, il convient de mettre les choses en contexte.

.1635

Je crois que le programme ne compte que de 12 000 à 14 000 participants et un financement de 100 ou 120 millions de dollars. Nous avons tout simplement de la difficulté avec l'idée que des personnes reçoivent leur chèque d'assurance-chômage sans qu'on leur pose de questions, alors qu'ils exploitent une entreprise qui est vraisemblablement en concurrence directe avec les petits entrepreneurs du secteur de la construction. Voilà qui pose problème pour nos membres.

Évidemment, les études qui ont été réalisées font valoir de bons résultats en termes d'emplois. Par contre, il s'agit d'un programme qui ne date que de quelques années, et il est donc trop tôt, d'après nous, pour tirer des conclusions.

Pour ce qui est de l'ensemble de la question de l'apprentissage, nous nous efforçons depuis des années d'aboutir à des normes communes. Nous travaillons depuis des années avec les milieux ouvriers. À l'échelle provinciale, nous sommes surtout frustrés du fait que nous n'arrivons pas à mettre un pied dans la porte ou à faire aboutir des décisions sur des questions comme l'uniformisation des programmes de formation de menuisiers ou d'électriciens pour l'ensemble du Canada, ou la disparité de durée de la formation des électriciens, qui est de cinq ans en Ontario et de quatre ans en Nouvelle-Écosse. Nous avons toujours été limités au rôle d'observateurs, et c'est peut-être par notre faute. Nous n'avons pas suffisamment tenté d'enfoncer la porte.

Dans certaines provinces, nos expériences de partenariats ont été excellentes, mais la décision du gouvernement fédéral de se retirer nous inquiète vraiment. Nous nous inquiétons du fait qu'un plus grand nombre de décisions risquent d'être prises en vase clos, sans notre participation - des décisions qui pourraient aller à l'encontre d'initiatives récentes visant des normes nationales.

Il me semble que, au cours des quelques dernières années, les divers ministères du Travail du Canada ont changé leur fusil d'épaule en matière d'apprentissage. Vous avez vanté le mérite de programmes d'apprentissage en haute technologie. On en parle dans tous les discours. Ainsi, à un moment où un virage important s'annonce peut-être, certaines structures de base risquent de disparaître sans que des décisions aient été prises ou que des solutions de rechange aient été proposées. Nous souhaitons nous asseoir à la table avec nos partenaires du monde du travail.

Le président: Merci, monsieur Regan. M. Easter sera le dernier à poser des questions du côté des ministériels.

M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président. Bienvenue, messieurs.

Pour poursuivre un peu sur le sujet abordé par M. Regan, je m'étonne de votre position au sujet du travail autonome et de la création d'emplois. Voilà justement un domaine qui m'enthousiasme. Le travail autonome a permis à des gens de ne plus être chômeurs, et, souvent, en plus de créer leur propre emploi, ils ont pu embaucher d'autres personnes.

J'aimerais donc que vous m'expliquiez vos inquiétudes à cet égard et quelles sont les répercussions sur le secteur de la construction. Deuxièmement, vous proposez comme troisième priorité, en page 2, «un système d'assurance-chômage généreux où les mesures de mise en oeuvre demeurent minimales». Je me demande si vous mettez l'accent sur le «généreux» ou plutôt sur «la mise en oeuvre minimale». Étant moi-même employeur, j'ai constaté tout à fait l'inverse pour ce qui est des abus. Ce sont ceux qui reçoivent très peu de prestations d'assurance-chômage qui font tout ce qu'ils peuvent pour mettre du pain sur la table. Ils sont obligés de travailler.

Ne jugez-vous pas nécessaire que l'assurance-chômage offre des prestations qui correspondent aux besoins des personnes et des familles durant la morte-saison?

Enfin, vous parlez d'adapter les prestations au revenu. L'idée est valable, d'après moi. Nous devons également envisager de les adapter non seulement à la hausse, mais également à la baisse, en fonction du revenu familial. Comment pourrions-nous le faire, d'après vous? Quel seuil faudrait-il établir? Est-ce que vous proposez des mesures de récupération?

M. DeVries: Permettez-moi un commentaire au sujet du revenu familial. Je sais que le comité en a débattu au moment de l'étude du document sur la sécurité sociale, et je crois qu'il s'est opposé à l'idée pour diverses raisons. Nous savons que, dans la famille, un certain nombre de personnes peuvent occuper un emploi secondaire. Il y a d'après les statistiques, je crois, 200 000 prestataires fréquents - et je parle ici de fréquence annuelle. C'est comme dans le secteur de l'enseignement.

Même le gouvernement met à pied les gens qu'il embauche pour la vérification de l'impôt; ce sont tous des employés à temps partiel. Les enseignants font appel à des suppléants; ils sont remerciés au bout de 10 semaines. GM embauche des gens pour trois ou quatre semaines. Il nous semblerait tout simplement équitable de tenir compte de l'ensemble du système. Je n'ai pas de critères à proposer. Je laisse au ministère le soin de régler cette question.

M. Atkinson: Monsieur le président, permettez-moi de tenter de répondre à la première question, au sujet du programme d'aide au travail indépendant. Encore une fois, je tiens à dire bien clairement tout d'abord que nous nous demandons s'il est opportun de financer ce genre de programmes par le truchement d'un programme d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi.

.1640

S'il est possible de prouver que ces programmes ont du succès, qu'ils ne nuisent pas à des entreprises déjà établies, alors on peut peut-être les juger valables. Nous nous demandons tout de même s'ils doivent être financés aux frais des seuls employeurs et employés. C'est en effet ce qui se passe lorsqu'ils sont financés par l'assurance-chômage.

En deuxième lieu, je dois dire que nos membres du secteur de la construction sont inquiets. En effet, comme l'a dit John, le programme n'existe pas encore depuis suffisamment longtemps pour qu'on puisse tirer des conclusions, et, dans notre secteur, je dois dire que l'expérience est encore plus récente. Je crois cependant que les inquiétudes et la nervosité de nos membres portent plutôt sur d'autres programmes, des programmes du même genre, grâce auxquels un organisme public ou gouvernemental a pu financer quelqu'un qui a fini par entraîner vers la faillite des personnes ou des entreprises déjà établies, et ce, en raison d'une concurrence inégale. Comment fait-on pour faire concurrence à quelqu'un dont le banquier est le gouvernement fédéral?

Le président: Dernière question, très brève, monsieur Nault, je vous en prie.

M. Nault: J'aimerais revenir sur un aspect dont vous avez parlé: le surplus. Très franchement, je m'étonne de votre position à cet égard. Toutes les entreprises - et la plupart d'entre nous, bien entendu, ont leur propre entreprise, d'une façon ou d'une autre - doivent accumuler des réserves, en cas de difficulté, pour éviter la faillite. L'idée, c'est cela, et rien d'autre.

Durant la dernière récession, nous avons relevé vos cotisations de quelque 33 p. 100 parce que le fonds affichait un déficit considérable. D'après les estimations, le fait que nous ayons été obligés d'augmenter les cotisations pour maintenir le fonds aurait coûté quelque 200 000 emplois à l'économie. Pourquoi donc vous opposer à une bonne gestion du fonds de notre part, qui consisterait à maintenir un surplus important de manière à pouvoir... En supposant qu'une nouvelle récession aura lieu, ce que prévoient pratiquement tous les économistes auxquels nous avons parlé... nous serions prêts, et nous n'aurions pas à augmenter vos cotisations autant qu'a dû le faire le gouvernement précédent durant la dernière récession.

M. DeVries: C'est à l'ampleur du surplus que nous nous opposons, je suppose. Le programme est passé de quelque 19 milliards il y a deux ans à 15 milliards, puis à 13 milliards. Il va probablement baisser à 10 ou 11 milliards de dollars d'ici un an ou deux, avec la baisse de l'emploi. Voulons-nous constituer un fonds qui correspondrait à 100 p. 100 des prestations totales? Voulez-vous viser les 50 p. 100? Dans notre mémoire, nous proposons une limite assez rigoureuse de 4 milliards de dollars.

M. Nault: Puisque vous formulez ce commentaire, alors... Je suppose qu'on aurait raison de demander à votre organisation de fournir une analyse à l'appui du chiffre que vous jugez valable. Vous parlez d'une limite assez rigoureuse... Voulez-vous dire un milliard de dollars, 500 millions de dollars? Quelle est la limite au juste?

M. DeVries: Dans notre mémoire, nous recommandons, je crois, une variation possible de moins 3 milliards de dollars à plus 3 milliards de dollars.

M. Nault: Je ne comprends pas le moins 3 milliards de dollars. Vous voulez dire que vous souhaitez que le gouvernement...

M. DeVries: Pourquoi ne pas faire un déficit durant une année?

M. Nault: Vous souhaiteriez donc que le gouvernement assume l'intérêt du déficit, et c'est ce que nous ferions, pour un programme soi-disant autosuffisant?

M. DeVries: Il serait remboursé par la suite.

Le président: Monsieur Atkinson, monsieur DeVries, au nom du comité, je tiens à vous exprimer notre reconnaissance pour votre exposé. Vous avez soulevé certaines questions fort intéressantes, et le comité en a pris bonne note. Vous pourriez peut-être, de retour à vos bureaux, préparer une réponse plus approfondie à la question posée par M. Nault.

M. Atkinson: Merci beaucoup, monsieur le président. Comme d'habitude, ce comité a la tâche très facile.

Le président: J'invite maintenant à comparaître les représentants du Département des métiers de la construction: Guy Dumoulin, Joe Maloney, Phil Benson et Robert Belleville.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

.1645

Monsieur Dumoulin, c'est vous qui allez commencer.

M. Guy Dumoulin (secrétaire administratif, Département des métiers de la construction): Merci, monsieur le président. Nous allons tout d'abord nous présenter.

M. Bob Belleville est directeur canadien de l'Association des travailleurs de métal en feuilles et vice-président du Département des métiers de la construction. Pour ma part, je suis secrétaire administratif du Département des métiers de la construction. Joe Maloney est secrétaire-trésorier adjoint. Phil Benson fait également partie de notre organisation. Il est directeur de la recherche et des affaires législatives.

Le Département des métiers de la construction est une organisation syndicale qui regroupe 15 syndicats internationaux et représente plus de 400 000 travailleurs et travailleuses hautement qualifiés du secteur de la construction et du bâtiment. Nous présentons notre exposé au nom du conseil de direction canadien du Département des métiers de la construction. Nous remercions le Comité permanent du développement des ressources humaines de nous donner l'occasion de le faire.

Le Département des métiers de la construction a activement sollicité des réformes positives à l'assurance-emploi pour rendre le programme plus efficace et flexible pour nos membres. Notre message était très clair. Nous avons endossé un régime d'assurance-emploi où toutes les heures travaillées et tous les dollars gagnés comptent, et le gouvernement a écouté. Le nouveau système horaire sera plus juste pour tous les travailleurs et les travailleuses que le système actuel. Toutefois, les dispositions législatives que nous avons entre les mains n'accompliront pas l'objectif visé par le gouvernement. Si elles sont adoptées, nombre de Canadiens en souffriront, et plus nombreux seront ceux qui s'adonneront à des activités économiques souterraines.

Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi le gouvernement souhaite sabrer si intensément dans les prestations d'assurance-emploi au moment même où le fonds accuse un excédent d'un milliard de dollars. Même sans aucune modification dans la structure de l'assurance-emploi, on peut prévoir que d'ici à la fin de cette année cet excédent sera d'environ 5 milliards de dollars.

.1650

Selon nous, réformer, c'est améliorer, et non pas sabrer. Permettez-nous de développer davantage les sujets qui nous préoccupent.

Je vais céder la parole à mon camarade Maloney, qui décrira le problème que nous avons repéré dans la loi. Il formulera des suggestions que, nous l'espérons, le comité voudra bien prendre en considération.

M. Joseph Maloney (secrétaire-trésorier adjoint, Bureau canadien, Département des métiers de la construction): Je remercie les membres du comité de me donner l'occasion de m'adresser à eux.

Vous avez sur l'écran la liste des problèmes les plus pressants.

Tout d'abord, les prestations et l'admissibilité. La prestation maximale qu'un particulier peut demander passe de 448$ à 413$. La durée maximale d'une demande passe de 50 semaines à 45.

La règle du dénominateur, qui pour nous est un point très litigieux, va déterminer que lorsqu'un particulier atteindra le nombre d'heures exigé et fera une demande de prestations, alors on se penchera sur les semaines précédant immédiatement la demande, une période de 14 à 20 semaines. Par la suite, cette période sera de 16 à 20 semaines.

Cela semble bien, mais dans le secteur de la construction il arrive que nous travaillions ponctuellement pendant deux semaines, et de nouveau deux semaines plus tard, trois semaines encore, et ainsi de suite, et à cela nous ne pouvons rien. Les semaines sans travail sont ce que nous appelons des semaines mortes. Je pense que c'est ce que vous appelez des interruptions. Quand nous ferons une demande de prestations, la prise en compte de ces semaines va faire réduire notre prestation, et ce sera à notre détriment. Il faut que cela soit bien compris.

Bien des gens comprennent mal que dans l'industrie de la construction, plus les travailleurs travaillent dur, plus le travail est fait rapidement, puis sans que ce soit notre faute nous sommes sans travail.

La règle d'intensité pose un autre problème. Dans l'industrie de la construction, nous sommes des usagers du régime d'assurance-chômage, mais nous n'en abusons pas. L'assurance-chômage nous permet de faire le pont entre deux emplois à cause de la nature même de notre secteur. En vertu de la règle d'intensité, chaque fois qu'un particulier touchera 20 semaines d'assurance-chômage, cela lui vaudra une perte de 1 p. 100, jusqu'à concurrence de 5 p. 100.

La récupération fiscale est le quatrième élément qui nous inquiète. Actuellement, le seuil de récupération est fixé à 63 570$. Avec l'adoption de ces dispositions législatives, ce seuil passera éventuellement à 48 750$. En outre, pour celui qui aura touché des prestations d'assurance-chômage pendant 20 semaines, ce seuil passera à 39 000$. La récupération sera d'au moins 30 p. 100 et pourra atteindre 100 p. 100.

.1655

En terminant je voudrais parler des nouveaux participants et des personnes redevenant membres de la population active... avec l'adoption du régime des heures, le nombre d'heures exigé passera de 700 à 910 heures.

Voilà donc les problèmes que nous avons repérés.

Permettez-moi de donner des explications supplémentaires sur les conséquences pécuniaires que comportent la règle de l'intensité et celle du dénominateur.

Vous avez sous les yeux des tableaux pour chacune des provinces. Je vais m'attarder à quelques exemples.

Prenez le cas d'un particulier qui gagne 23$ l'heure et travaille une semaine de 40 heures. Selon la règle de l'intensité, cette personne aurait droit à la prestation maximale de 413$, même s'il s'agit d'une réduction de la prestation de 448$, cette réduction devant être maintenue pendant 5 ans.

Ce travailleur touchera donc 413$. On constate donc que le travailleur perd de l'argent, c'est-à-dire 1 p. 100 toutes les 20 semaines.

Passons maintenant à la colonne du milieu, la règle du dénominateur... les taux d'assurance-chômage dont nous nous sommes servis sont ceux du ministère. Par exemple, on dit que dans le reste du Nouveau-Brunswick le taux de chômage est de 10 à 11 p. 100. Un travailleur pourrait travailler 15 semaines, mais, en vertu des dispositions de la loi, le dénominateur serait 16. Sans écart, sans semaines mortes, ce travailleur pourrait toucher le maximum, 413$. Si d'aventure, au cours de cette période, il fait face à deux semaines mortes, vous voyez tout de suite qu'il commence à perdre de l'argent... et dans le reste de la colonne c'est à l'avenant.

Les travailleurs de la construction ont recours au régime, et étant donné la nature cyclique de leur travail il arrivera que la règle du dénominateur et celle de l'intensité vont les frapper de plein fouet en même temps. Prenez la colonne du bas pour le Nouveau-Brunswick par exemple. Encore une fois, le travailleur a travaillé 15 semaines, qui deviennent 16 à cause du dénominateur. Avec 55 p. 100, sans semaine morte, il peut donc obtenir le maximum. Mais avec deux semaines mortes, à 54 p. 100, tout de suite il commence à perdre de l'argent.

Voilà ce que nous voulions vous signaler. Nous pensons que les travailleurs que nous représentons sont ceux qui vont faire les frais des économies que l'on veut réaliser grâce à cette réforme de l'assurance-chômage, et nous pensons que c'est tout à fait injuste.

Ce que je viens de décrire est général, car on peut passer au tableau qui concerne le Québec par exemple. Les règles de l'intensité seront appliquées uniformément au Canada, car elles sont fondées sur une prestation maximale de 413$ avec une perte de 1 p. 100. La règle du dénominateur toutefois s'applique suivant la province, car elle est liée au taux régional de chômage et à la règle du dénominateur spécifique à la province. Au Québec, pour un taux de chômage de 7 à 8 p. 100, on appliquerait un dénominateur de 20 à un travailleur qui travaillerait 18 semaines. S'il travaille de façon continue sans semaine morte, il touche la prestation maximale. Toutefois, si au cours de cette période il fait face à deux semaines mortes, il commence à perdre de l'argent, et c'est ainsi dans chacun des autres cas.

Parce qu'il faut obtenir le nombre d'heures requis au cours d'une période de 52 semaines, c'est tout de suite le travailleur qui en pâtit. À cause de la nature du travail de construction, le court terme et l'intensité, il n'arrive pas très souvent que nous travaillions 700 heures, ou même 500, d'affilée. C'est difficile. Parfois nous obtenons 40 heures, parfois 30, parfois 20. Et parfois rien du tout. À cause de la règle du dénominateur, ces gens-là auront moins d'argent.

Je vais m'en tenir à cela. Vous avez les chiffres pour l'Ontario. Je vais vous donner ceux de la Colombie-Britannique. Mais vous avez sous les yeux les chiffres pour chacune des provinces.

Avec la diapositive suivante, je voudrais aborder la question des personnes redevenant membres de la population active. Il y a à cet égard quelque chose d'inquiétant également à cause du libellé des dispositions proposées. Pour être admissible au régime d'assurance-chômage, on exige d'un nouveau participant 20 semaines de travail. La même chose pour ceux qui réintègrent le marché du travail. Pour chaque semaine où vous touchez l'assurance-chômage ou des prestations pour accident du travail ou encore pour maladie, on considère que vous faites partie de la main-d'oeuvre active pendant une semaine. C'est compris. Mais si l'on passe d'un régime hebdomadaire à un régime horaire, il faudra désormais 700 heures, à raison de 35 heures par semaine pendant 20 semaines.

.1700

Toutefois, avec l'adoption des dispositions législatives présentées, ce seuil pour les nouveaux participants ou ceux qui redeviennent membres de la population active passera de 700 heures à 910 heures.

On nous a expliqué que dans certaines régions des élèves décrochent et quittent l'école très jeunes, trouvent un emploi et entrent dans le cycle travail/chômage. Nous voulons bien, mais, en vertu des dispositions de la loi, celui qui ne ferait pas partie de la population active pendant 490 heures - qui ne toucherait pas de prestations d'accidenté du travail ou de prestations de chômage ou qui ne serait pas en congé de maladie légitime...

Ainsi, la personne qui n'a pas droit à l'assurance-chômage ou qui a épuisé ses prestations d'assurance-chômage et qui n'est ni blessée ni malade et qui vit de ses économies ou encore des prestations d'aide sociale, se trouve prise au piège quand elle redevient membre de la population active. Si elle a une période d'inactivité de 490 heures et qu'elle se trouve un autre emploi, elle doit de nouveau satisfaire au critère des 910 heures pour avoir droit à l'assurance-chômage. À cause de la nature cyclique du secteur du bâtiment, beaucoup de nos membres vont malheureusement tomber dans ce piège.

Nous considérons qu'il s'agit-là d'un oubli, que l'intention n'est pas d'exclure les travailleurs de l'assurance-chômage, notamment ceux qui ont une participation au marché du travail. C'est toutefois ce qui se produira si le projet de loi est maintenu dans sa forme actuelle.

Nous proposons que les critères utilisés pour déterminer la participation au marché du travail soit celui, non pas des 490 heures, mais - le projet de loi prévoit une période de mise en oeuvre graduelle de cinq ans - des cinq dernières années, surtout pour ceux qui réintègrent le marché du travail.

Les changements que nous proposons à cet égard sont les suivants.

Premièrement, le dénominateur ne devrait s'appliquer qu'à la rémunération brute pour les heures travaillées. Nous reconnaissons l'utilité d'avoir recours à un dénominateur pour les calculs, et nous n'y voyons pas d'inconvénient. Cependant, si les travailleurs vivent dans une région où le dénominateur est de 16, 18 ou 20 et qu'ils répondent au critère des heures de travail, il faudrait utiliser le dénominateur applicable, mais ne pas inclure les «semaines mortes». Il ne faudrait inclure dans les calculs que les semaines de travail effectives. Il ne faut pas oublier que vous avez déjà réduit les taux des prestations; vous avez ramené la rémunération assurable maximale à 750$ par semaine.

Nous sommes d'avis que, pour que le système soit vraiment fondé sur les heures de travail et qu'il soit vraiment efficace, il faudrait permettre de mettre des heures en banque ou de les reporter sur des années futures afin d'encourager les Canadiens à travailler toutes les heures qu'ils peuvent travailler.

Si, par exemple, le plafond est fixé à 1 200 ou 1 500 heures par année et que la personne continue à travailler après avoir atteint ce plafond, elle devrait pouvoir mettre ces heures en banque pour l'année suivante, de façon qu'elle puisse compter sur ces heures-là si elle en a besoin l'année suivante. Ainsi, on encouragerait les travailleurs à travailler toutes les heures qu'ils peuvent.

La règle d'intensité est simplement punitive. Elle vise à punir ceux qui ont recours à l'assurance-chômage plus souvent que les autres. Nous tenons à souligner que les travailleurs du bâtiment ont recours à l'assurance-chômage, mais qu'ils n'en abusent pas. Nous y avons souvent recours, mais c'est à cause de la nature de notre travail. Comme je l'ai déjà indiqué, plus nous travaillons fort, plus vite nous nous retrouvons sans emploi. C'est la nature du secteur qui le veut.

Nous demandons donc que la règle d'intensité soit supprimée.

En ce qui concerne la récupération fiscale, nous ne comprenons pas vraiment ce qui vous motive, mais le seuil est ramené de 63 000$ à 48 000$ puis à 39 000$, coup sur coup. C'est plutôt raide et plutôt dur comme changement. L'abaissement du seuil qui est actuellement de 63 000$ devrait se faire graduellement.

Pour ce qui est du critère auquel doivent répondre les nouveaux participants ou ceux qui réintègrent le marché du travail, nous demandons que la participation au marché du travail de ceux qui l'ont réintégré soit calculée sur les cinq années précédentes.

En ce qui concerne le critère du revenu familial, le projet de loi, dans sa forme actuelle, prévoit que les pauvres ou les moins nantis qui n'atteignent pas un certain seuil auront droit à une augmentation de leur rémunération assurable maximale qui pourra atteindre 80 p. 100. Si louable soit cette mesure, le critère du revenu familial n'a pas sa place dans un programme d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi. Nous sommes d'accord pour qu'on aide les moins nantis, mais il faudrait le faire par le biais de l'impôt sur le revenu, notamment au moyen des crédits d'impôt pour enfants.

L'assurance-chômage ou assurance-emploi se fonde sur des primes individuelles et le calcul devrait continuer à se faire sur une base individuelle.

En ce qui concerne le numéro 7 sur le graphique, il n'y a pas tellement longtemps de cela, le conseil arbitral d'une région donnée détenait de véritables pouvoirs. Au fil des ans, ces pouvoirs ont été considérablement réduits. Nous demandons à ce qu'ils soient rétablis dans une certaine mesure, pour que les travailleurs qui interjettent appel devant le conseil arbitral puissent avoir droit à une décision prise à l'échelle locale.

Le dernier problème que nous avons ne disparaîtra jamais. Comme vous le savez, ce sont les employeurs et employés qui financent la caisse d'assurance-chômage. Nous comprenons que la caisse doive être administrée par le gouvernement, et nous n'y voyons pas d'inconvénient. Nous demandons toutefois qu'une structure tripartite soit créée qui aurait un droit de regard permanent sur les orientations du programme.

.1705

Nous sommes des grands. Nous sommes des adultes. Nous administrons nos syndicats. Nous avons des caisses de retraite de plusieurs millions de dollars. Nous savons comment prendre des décisions. Les syndiqués avec qui nous sommes en contact tous les jours en ont assez de devoir tous les ans ou tous les deux ans supplier le gouvernement de ne pas réduire le programme ou de ne pas faire ceci ou faire cela quand c'est leur argent qui est en cause. C'est le message qu'ils m'ont demandé de vous transmettre... c'est ce qu'on m'a dit dans les rencontres que j'ai eues dans les différentes régions du pays depuis un mois à peu près.

Dans le dernier graphique que je veux vous montrer, nous disons essentiellement que l'économie souterraine constitue un problème majeur dans le bâtiment au Canada. Dans le contexte actuel, la règle du dénominateur, la règle d'intensité, la récupération fiscale, la règle pour ceux qui réintègrent le marché du travail et l'impossibilité de mettre en banque les heures travaillées auront pour effet d'enlever toute incitation, tout encouragement au travail. L'activité économique souterraine prendra encore plus d'ampleur puisque les travailleurs auront compris le système et travailleront au noir. Ils n'accepteront pas de travailler dans la légalité.

Voici ce que nous disons, quitte à répéter ce que j'ai déjà dit: nous approuvons le recours à un système horaire, mais nous voulons que le dénominateur s'applique uniquement aux heures travaillées et ne tienne pas compte des semaines mortes. Nous aimerions que la règle d'intensité soit supprimée. Il faudrait modifier la récupération fiscale et redéfinir la règle pour ceux qui réintègrent le marché du travail. Il faudrait également créer un système qui permettrait de mettre en banque les heures travaillées. À notre avis, ces changements constitueront un changement, une incitation, et contribueront à réduire l'activité économique souterraine.

M. Dumoulin: Nos apprentis sont l'avenir de notre industrie. Le bâtiment ne représente que 6 p. 100 de la main-d'oeuvre, mais il forme plus de 55 p. 100 de tous les apprentis.

Le secteur a mis sur pied un comité national des normes industrielles. Ce comité a pour mandat de faciliter l'élaboration de normes nationales en matière de formation et d'apprentissage dans le bâtiment afin de contribuer à l'élimination des barrières à la mobilité est-ouest. Les efforts à ce chapitre sont dans l'intérêt des travailleurs et de l'industrie et devraient réduire le recours à l'assurance-emploi.

La nouvelle méthode de financement de la formation, quand elle sera en place, ne doit pas être détournée à d'autres fins, et elle ne doit pas non plus être utilisée à mauvais escient pour financer des programmes ou des cours qui n'auront pas fait leur preuve. Elle ne devra pas être utilisée pour déplacer les travailleurs actuels.

Il faudrait examiner avec prudence les subventions et les prêts à des particuliers et à des tierces parties, ou le financement direct en bloc accordé aux provinces, pour financer l'apprentissage dans l'industrie du bâtiment. L'industrie, par l'entremise de son comité national des normes industrielles, doit avoir un rôle important à jouer dans les décisions concernant les orientations à prendre en ce qui concerne le financement de l'apprentissage dans le bâtiment.

Nous serons maintenant heureux de répondre aux questions que les membres du comité pourraient vouloir poser à la suite de notre exposé.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dumoulin. Je tiens également à remercier messieurs Maloney et Benson pour la présentation vidéo.

Comme c'est notre coutume, nous passons maintenant à M. Dubé, du Bloc québécois, pour un tour de questions de 15 minutes.

[Français]

M. Dubé (Lévis): J'ai écouté avec intérêt la présentation et je connais l'opposition des gens de la construction au Québec parce que je viens du Québec. Vous avez surtout fait valoir deux aspects, que je trouve importants, notamment ce que vous appelez les semaines mortes ou les périodes creuses.

Seriez-vous en mesure de présenter des données pour l'ensemble du Canada? Avez-vous des données sur le nombre de semaines travaillées en moyenne par année dans votre domaine? Possédez-vous des données là-dessus? J'ai l'impression que les gens pensent souvent que les employés de la construction ont de bons salaires, etc. Cependant, ils ne savent pas qu'il y a, dans ce domaine, beaucoup de périodes creuses et que, finalement, le salaire annuel n'est pas aussi élevé qu'on le dit dans le secteur de la construction.

.1710

J'aimerais que vous me parliez du taux moyen de chômage au cours d'une année. Je sais qu'il y a des périodes de l'année où c'est plus difficile et j'aimerais que vous puissiez donner au comité un aperçu de la situation. Par exemple, parlez-nous des extrêmes, des variations selon qu'on est en hiver ou en été. Quels sont les métiers de la construction qui seront le plus affectés par la réforme? Y a-t-il des métiers qui seront plus affectés que d'autres par la réforme ou si tout le monde est dans le même bateau?

M. Dumoulin: Je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres exacts. Je peux vous donner des chiffres en ce qui a trait aux heures de travail. C'est environ 1 000 heures de travail par année.

Pour la province de Québec, nous avons des chiffres plus exacts. Dans cette province, à moins que je ne me trompe de quelques heures, selon les heures enregistrées dans l'industrie de la construction, les gens travaillent 750 heures par année.

Il est difficile de dire quels métiers seront les plus touchés. Tout dépend du chantier. À un moment donné, les travailleurs de métiers généraux, c'est-à-dire les menuisiers, les peintres, etc., sont sur le chantier alors que les travailleurs de métiers mécaniques, c'est-à-dire les barrel makers, les iron workers et les électriciens n'y sont pas. Lorsque les travailleurs de métiers généraux ont terminé, les travailleurs des métiers mécaniques prennent leur place.

Donc, il est assez difficile d'identifier un métier plus qu'un autre. Cela affecte tout le monde de façon semblable, je crois. Tout dépend des chantiers de construction. Actuellement, les travailleurs de certains métiers ont assez de travail, tandis que d'autres sont dans une situation désastreuse.

M. Belleville, qui est à mes côtés et qui a toujours demeuré à Ottawa, pourrait vous dire qu'on n'a jamais vu à Ottawa, au cours des 30 dernières années, l'industrie de la construction dans l'état où elle se trouve aujourd'hui. C'est incroyable. C'est un sheetmetal worker et dans son entreprise, il n'y a pratiquement personne au travail en ce moment.

On a hâte qu'ils commencent à réparer la toiture ici, car cela va nous aider. On en a quelques-uns en place. Ce sont des couvreurs; ils font le même métier.

Malheureusement, la population en général est portée à regarder le salaire horaire d'un travailleur de la construction, qui est, disons, de 22$, 23$ ou 24$, et à le multiplier par 2 000 heures par année. On croit que les gens travaillent 2 000 heures par année. Cela devrait être le cas, mais ce ne l'est pas du tout.

M. Dubé: Vous dites que la moyenne au Canada est d'environ 1 000 heures de travail. Cela veut dire qu'en principe, les gens ne travaillent qu'à mi-temps.

M. Dumoulin: Oui.

M. Dubé: C'est la moitié de l'année. Évidemment, une moyenne, c'est trompeur. Il y en a qui peuvent travailler tout le temps, mais il y a une partie des travailleurs qui... Avec les modifications proposées, ils auront beaucoup de mal à bénéficier des prestations d'assurance-chômage.

J'aimerais que vous nous disiez combien de travailleurs pourraient être affectés si on adoptait les nouvelles mesures proposées sans y apporter de changements.

Les chiffres qui nous sont fournis par le ministère du Développement des ressources humaines indiquent que la construction serait le deuxième secteur le plus affecté.

.1715

On dit souvent que la réforme affectera surtout les chômeurs saisonniers de régions dites éloignées comme la Gaspésie. À mon avis, il y a de la construction partout et on manque de travail partout. Cela affectera toutes les régions. Une des caractéristiques de la construction est qu'il s'agit d'un travail, non pas saisonnier, mais cyclique.

Quant au chômage, comme le disait M. Maloney, on travaille deux, trois ou quatre semaines et, par la suite, il y a deux semaines d'arrêt. Si j'ai bien compris votre explication, cette situation est une incitation à se diriger vers l'économie souterraine durant les périodes creuses. Vous avez soulevé là un problème très important.

Je sais que vous n'avez pas ici toutes les statistiques, mais elles m'intéressent beaucoup, de même que les autres membres du comité. Le domaine de la construction n'est pas très payant actuellement. Malgré tout, c'est le deuxième domaine le plus affecté et je crains qu'à ce rythme, beaucoup de gens se découragent et aillent travailler dans d'autres domaines. Malheureusement, dans certaines régions, il n'y a rien d'autre.

Ma question n'en était pas vraiment une; il s'agit plutôt d'un commentaire. Je vous remercie de votre présentation. Il était important que vous veniez nous rencontrer aujourd'hui.

M. Dumoulin: J'aimerais quand même formuler une réponse à ce que vous avez dit quant aux effets de la loi proposée sur le secteur de la construction.

Vous devez travailler 14 semaines et un certain nombre d'heures pour vous qualifier. Cependant, ces 14 semaines de travail sont celles qui précèdent votre demande de prestations.

Si vous avez travaillé dans la construction avant cette période de 14 semaines - cela arrive à certains moments - , ces semaines-là ne comptent pas. Au cours des 14 dernières semaines de travail, vous avez des semaines mortes. Vous avez travaillé assez régulièrement, mais il y a eu des périodes creuses. Parce que vous avez eu des périodes creuses durant les 14 semaines en question, vous êtes pénalisé.

M. Dubé: J'aimerais vous questionner davantage là-dessus. Les travailleurs de la construction sont aussi honnêtes que tous les autres travailleurs. Lorsque le patron dit au travailleur qu'il n'y a plus de travail en vue sur un chantier de construction et qu'il manque à ce travailleur une cinquantaine d'heures, cela n'incite pas cet employé à travailler vite et à être productif. Est-il exagéré de dire que ce travailleur ne fera pas d'efforts pour aller plus vite qu'il ne le faut parce qu'il...

M. Dumoulin: M. Maloney disait plus tôt que plus vite vous travailliez, plus vite vous étiez mis à pied. Dans l'industrie de la construction, on n'a aucune ancienneté. Peu importe le temps pendant lequel vous avez été employé, cela a peu d'importance lors de la mise à pied. Ce n'est pas parce que j'ai été embauché deux mois avant M. Maloney que je resterai et que lui s'en ira. Ce pourrait être le contraire. Une personne qui accepte de travailler dans l'industrie de la construction accepte de se chercher du travail pour le reste de sa vie.

En somme, sur un chantier, plus vite vous travaillez, plus vite vous êtes mis à pied. Vous allez au chômage et vous recommencez. C'est une roue qui ne s'arrête jamais. Mentalement, ce n'est pas facile à accepter, mais il faut vivre avec cela. Cela fait partie des moeurs de l'industrie de la construction.

[Traduction]

Le président: Nous donnons maintenant la parole au côté ministériel. Madame Augustine.

.1720

Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): Merci, messieurs, de vous être joints à nous pour cette toute première série de consultations auxquelles vous serez appelés à participer.

L'objet du projet de loi à l'étude, il me semble, a été conçu pour être juste et progressiste et pour répondre aux besoins. Dans votre exposé, il me semble que vous vous êtes prononcés contre le versement d'un supplément aux prestations des familles à faible revenu. Il me semble aussi que vous vous êtes prononcés contre toute réduction des prestations destinées à ceux qui gagnent déjà 40 000$ ou plus. Pourriez-vous m'indiquer si c'est bien là ce que vous avez voulu dire.

M. Maloney: Tout d'abord, nous ne nous opposons pas à certaines des dispositions du projet de loi, nous approuvons entièrement le recours à un système d'admissibilité horaire. Le projet de loi a toutefois des conséquences involontaires. Premièrement, il découragera la participation à l'industrie, notamment, de la part des jeunes. Il ne permettra pas d'attirer les jeunes dans le bâtiment et nous ne pourrons pas respecter les engagements que nous avons envers l'industrie en ce qui concerne l'apprentissage.

Pour ce qui est de verser un complément aux prestations, nous n'y voyons aucun inconvénient. Mais dès qu'on introduit le critère du revenu familial dans le programme d'assurance-emploi... c'est chose faite. Les ministres se succéderont, les gouvernements se succéderont mais le précédent aura été établi. Il se répercutera sur l'ensemble du programme. Si vous voulez aider les Canadiens moins nantis - et nous sommes d'accord pour dire qu'il faut les aider - , il y a d'autres moyens de leur venir en aide, notamment le crédit d'impôt pour enfant que prévoit le régime de l'impôt sur le revenu. Le programme d'assurance-emploi n'est pas l'instrument qu'il convient d'utiliser à cette fin.

Ce sont les individus qui payent des cotisations. Les prestations ne devraient pas être soumises au critère du revenu familial. Voilà ce que nous disons.

Mme Augustine: Pouvons-nous alors laisser de côté le revenu familial pour parler plutôt des gagne-petit? Pouvez-nous parler des gagne-petit?

M. Maloney: Dans quel sens voulez-vous que je vous en parle?

Mme Augustine: Il y a cette question du revenu familial combiné. Avez-vous pris...

M. Maloney: Vous allez verser un complément aux gagne-petit afin de faire passer leur revenu à 80 p. 100. Si je ne m'abuse, le seuil que vous avez retenu est de 24 000$, ou quelque chose du genre.

Mme Augustine: Il est de 26 000$.

M. Maloney: Vous appliquez à cela le critère du revenu familial.

M. Phil Benson (Directeur de la Recherche, Département des métiers de la construction): Nous pouvons peut-être reformuler nos propos pour les rendre plus clairs. Avec la règle d'intensité, la règle du dénominateur et les semaines mortes, beaucoup des travailleurs qui gagnent 23$ l'heure se trouveront à un niveau tellement bas que vous devrez leur verser un complément de revenu.

Nous ne nous opposons pas du tout à l'inclusion dans le programme d'assurance-chômage de mesures pour aider les gens. Nous disons toutefois... L'autre jour, le ministre Martin a parlé d'accroître le crédit d'impôt pour enfants. Majorez ce crédit encore plus, mais prenez les fonds nécessaires sur le Trésor public. Sinon, le programme ressemblera à un programme d'assistance-sociale. Ce n'est pas un programme d'assistance-sociale, mais bien un programme d'assurance, et rehaussez de certains agréments, nous le reconnaissons. Ce n'est pas un programme qui découle d'un droit. C'est un programme pour les travailleurs qui est financé par les employeurs et les employés. C'est un programme d'assurance. L'intention est bonne, mais elle n'a tout simplement pas sa place ici.

Mme Augustine: J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur les arguments invoqués contre les prêts et les subventions pour l'acquisition de compétences, qui sont destinés à remplacer les fonds que le gouvernement fédéral accorde actuellement pour l'apprentissage. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus et nous expliquer comment le nouveau système pourrait répondre aux besoins de votre industrie?

M. Maloney: Nous ne voyons pas d'inconvénient à ce que cette responsabilité soit transférée aux provinces. Ce qui nous inquiète... Le travailleur du bâtiment, doit forcément se rendre là où il y a de l'embauche... Il existe à l'heure actuelle des obstacles à la mobilité est-ouest des travailleurs canadiens de la construction. Nous craignons ce qui se pourrait se produire si les fonds sont versés aux provinces sans que le financement soit assorti de conditions. Premièrement, cela pourrait conduire à la disparition des normes nationales que nous essayons d'instituer. Deuxièmement, les provinces pourraient commencer à former des travailleurs pour occuper les emplois qui nous sont traditionnellement réservés.

Je vous donne un exemple. Il y a la Stratégie sur le poisson de fond de l'Atlantique qui a suivi l'effondrement des pêches. Dans le cadre de ce programme, on formait des pêcheurs terre-neuviens comme menuisiers débutants, alors que nous avions entre 400 et 500 menuisiers qui vivaient de l'assistance-sociale. C'est tout comme si on avait formé les menuisiers pour en faire des pêcheurs, car les emplois n'existaient tout simplement pas.

Nous avons donc des inquiétudes à cet égard, nous craignons que les fonds ne seront pas utilisés aux fins pour lesquelles ils sont censés être utilisés. Voilà ce qui nous préoccupe. Nous ne voyons toutefois aucun inconvénient au transfert. Nous avons cependant des réserves quant à la façon dont le transfert se fera.

Nous avons entendu dire qu'à l'origine le transfert devait se faire sur les trois années à venir. Nous avons entendu dire depuis que le processus sera accéléré et que tout se fera sur les quelques mois à venir. Nous sommes responsables de plus de 55 p. 100 des contrats d'apprentissage au Canada, et nous ne sommes jamais présents aux discussions sur la question. Cela nous préoccupe énormément. Nous jouons un rôle très important à cet égard, et nous aimerions savoir ce qui s'en vient. C'est tout ce que nous disons à ce sujet.

.1725

Le président: Je voudrais maintenant que nous passions à M. Scott. Merci beaucoup, madame Augustine.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je demanderais à quelqu'un de bien vouloir... Immanquablement, quand on est du Nouveau-Brunswick et qu'on voit le Nouveau-Brunswick sur un transparent, on a des palpitations... je crois que c'est l'idée.

Je voudrais à l'aide de ce transparent vous poser deux ou trois questions. De toute évidence, c'est la règle du dénominateur appliquée aux semaines mortes qui fait surtout problème. Si vous examinez les chiffres, c'est 413$ quand on ne tient pas compte des semaines mortes, mais c'est 158$ avec 10 semaines mortes.

Grosso modo, quand on compare avec la règle d'intensité, qui, dans le meilleur des scénarios, établirait les prestations à 415$ et qui, dans le pire des scénarios, les établirait à 375$, le coût des deux formules ne se compare pas. La règle d'intensité coûterait, dans le pire des scénarios, comme on le voit là, 25$ plus 13$. Le coût de l'autre, par contre, correspond à la différence entre 413$ et 158$. C'est bien cela?

Nous serions donc d'accord pour dire que c'est le dénominateur qui tient compte des semaines mortes qui fait surtout problème en raison du montant des prestations qui seraient versées aux travailleurs. Sommes-nous d'accord là-dessus?

M. Maloney: C'est l'un des pires problèmes.

M. Dumoulin: Nous sommes d'accord pour dire que c'est le pire.

M. Maloney: N'oubliez pas qu'avec la règle d'intensité, on commence dès le départ avec une réduction de 35$, puisque le montant des prestations est ramené de 448$ à 413$. Au bout du compte, il n'est plus que de 375$, de sorte que c'est le prestataire qui se trouve avec 60$ en moins.

M. Dumoulin: Nous essayons simplement de déterminer ce qu'il faut corriger en priorité.

M. Scott: Ainsi, il est clair que, selon la formule du dénominateur qui tient compte de 10 semaines mortes, le coût est considérable.

M. Maloney: Ah, oui.

M. Scott: Ainsi, si nous avions à classer les problèmes selon leur importance relative, je crois que nous serions d'accord pour dire qu'il s'agit d'un problème majeur.

Bon, alors, vous avez accepté l'idée d'un dénominateur à condition qu'il s'applique à une période fixe. Ce qui fait problème, ce sont les interruptions ou les semaines mortes. Par conséquent, si le calcul se faisait selon une période fixe et en ne tenant compte que des semaines de travail, il y aurait un problème dans le cas du travailleur à qui on offrirait une journée de travail dans une semaine donnée, puisque, de toute évidence, ses prestations s'en trouveraient réduites.

Je crois que vous comprenez que je parle ici de cette période qui précède ou qui suit immédiatement la saison où le travail bat son plein.

M. Dumoulin: Oui.

M. Scott: Par conséquent, il pourrait être acceptable d'envisager un dénominateur qui serait légèrement plus élevé que le nombre minimum de semaines nécessaires pour avoir droit à des prestations, car on inciterait ainsi les travailleurs à accepter une semaine de travail incomplète... à condition que les dénominateurs ne soient pas trop élevés.

Autrement dit, s'il me faut 12 semaines pour avoir droit aux prestations, la possibilité de répartir mes prestations sur 14 semaines pourraient m'inciter à accepter une semaine de travail incomplète en cours de route. Pas des semaines mortes... je ne parle pas de semaines mortes ici; je parle de semaines de travail incomplètes. C'est un problème. Je crois que nous le reconnaissons.

Alors, d'après le graphique que vous nous avez présenté, s'il manquait deux semaines - si, par exemple, on ajoutait deux semaines au dénominateur - le coût correspondrait à la différence entre 413$ et 411,13$, ou environ 2$.

De cette façon, nous pourrions corriger les problèmes que pose la formule actuelle qui fait en sorte qu'il n'est pas dans l'intérêt du travailleur d'accepter une semaine de travail incomplète parce que ses prestations s'en trouvent réduites. C'est un problème que nous connaissons tous. C'est de la faute de personne... on ne peut pas demander aux gens de prendre des décisions qui ont une incidence négative sur leur revenu ou pour leurs familles. Si, par contre, on optait pour un dénominateur peu élevé, par exemple deux semaines de plus le nombre de semaines minimum, il en coûterait environ 2$ et on pourrait compter que les travailleurs accepteraient deux semaines de travail incomplètes pour rehausser le montant de leurs prestations. Seriez-vous d'accord avec l'analyse que je viens de faire?

M. Dumoulin: Vous devez comprendre que nous avons déjà étudié tout cela dans le contexte de la réforme de l'assurance-chômage. Il y a longtemps que nous nous intéressons à ces questions.

J'avais l'impression que le calcul se ferait en fonction de chacune des heures travaillées pendant la période de 12 mois - sur une période d'un an. C'est l'impression que j'avais quand nous avons commencé à discuter des heures et des semaines de travail. La règle du dénominateur et les semaines mortes n'entrent pas en ligne de compte. Le calcul se fait sur une période d'un an.

.1730

On a soulevé la question du nombre moyen d'heures de travail dans le bâtiment au Canada. Je n'ai peut-être pas le chiffre exact, mais je puis vous dire qu'il est de 750 heures au Québec.

Combien d'heures faut-il pour avoir droit aux prestations maximales d'assurance-chômage aux termes du projet de loi?

M. Benson: Il faut 770 heures.

M. Dumoulin: Il semble vous manquer des heures, et les nombres moyens d'heures de travail dans une province sont...

C'est pour cette raison, semble-t-il, que le calcul se fait sur les 52 dernières semaines.

M. Scott: Ce que j'essaie de montrer, c'est qu'en remplaçant les semaines de travail par les heures de travail, on tient compte de toutes les heures de travail, peu importe qu'elles soient utilisées pour le calcul des prestations, car toutes ces heures comptent pour la durée de la période d'activité. Ainsi, toutes les heures de travail comptent.

À l'heure actuelle, le système permet d'exclure les semaines mortes du calcul des prestations. Supposons que nous voulions nous débarrasser de ces semaines mortes, puisqu'elles font manifestement problème. Étant donné que la perfection n'est pas de ce monde, verriez-vous un inconvénient à ce qu'on opte pour une méthode de calcul qui soit légèrement...? Il me semble qu'il pourrait être acceptable d'ajouter deux semaines, puisqu'il n'en coûterait que 2$ selon votre tableau.

Si le calcul se faisait sur une période qui comportait deux semaines de plus que l'équivalent en semaines du nombre d'heures nécessaires pour avoir droit aux prestations, il serait alors dans l'intérêt des travailleurs d'accepter des semaines de travail incomplètes. C'est quelque chose qui fait problème; je crois que nous en sommes tous conscients. S'ils n'arrivaient pas à se trouver deux semaines de plus, selon votre tableau, le coût serait de 2$.

M. Maloney: C'est juste. Le coût est de 2$ pour deux semaines mortes. Mais cela vaut pour le travailleur qui a droit aux prestations maximales. Vous parlez ici de celui qui touche 23$ l'heure ou 40$ l'heure à raison de 40$ par semaine.

En tenant compte des deux semaines mortes, votre scénario serait probablement réalisable. Si toutefois le travailleur doit avoir 700 heures de travail à ce niveau là sur une période de 52 semaines, il pourrait littéralement se trouver avec 10 semaines mortes.

M. Scott: Je dis que, si nous pouvions éliminer les semaines mortes...

M. Maloney: En limiter simplement le nombre à deux.

M. Scott: Limiter cela aux semaines de travail. Il n'y aurait pas de zéros.

Le problème qui se poserait à ce moment-là, c'est que les travailleurs n'accepteraient pas des semaines de travail incomplètes. Je dis donc que, si l'on augmentait légèrement le dénominateur et qu'il restait néanmoins peu élevé, on attirerait ainsi les travailleurs sur le marché du travail. Cela viendrait s'ajouter aux minimums, mais il n'y aurait pas de zéros, pas de semaines mortes. Les travailleurs retourneraient sur le marché du travail pour se trouver des semaines de travail.

M. Dumoulin: Ah, des semaines complètes.

M. Scott: Pas des semaines, mais des semaines de travail.

M. Dumoulin: S'agissant des heures de travail, dans l'industrie de la construction, on rappelle parfois les travailleurs au travail pour une journée ou deux. Comme vous dites, il est difficile de trouver des travailleurs qui acceptent de revenir, parce que leurs prestations seraient ainsi réduites.

M. Scott: Ce n'est pas dans leur intérêt.

M. Dumoulin: Ce n'est pas dans leur intérêt.

Nous essayons de trouver des moyens d'encourager ces travailleurs à prendre toutes les heures de travail qu'on leur offrirait. Peu importe qu'on leur offre cinq heures ou une journée complète ou trois heures, nous considérons qu'ils devraient travailler le nombre d'heures qu'on leur offre, et ces heures seraient prises en compte dans les calculs et seraient également utilisées pour l'application de la règle du dénominateur afin de déterminer leur revenu.

M. Scott: Mais si nous parlions, non pas de semaines, mais uniquement de semaines de travail...

M. Dumoulin: Mais jusqu'où iriez-vous dans ce sens?

M. Scott: Je propose qu'on ajoute peut-être deux semaines au nombre de semaines nécessaires pour avoir droit aux prestations, c'est-à-dire un équivalent en semaines du nombre d'heures nécessaires.

M. Maloney: Si nous sommes tellement emballés par la formule horaire, c'est que, bien souvent, les travailleurs du bâtiment se voient offrir deux ou trois jours de travail...

M. Dumoulin: Tout à fait.

M. Maloney: ...ou quelque chose du genre. C'est très difficile pour eux.

Dans bien des régions du pays, c'est devenu un mode de vie. Quand on demande à un travailleur de travailler deux jours, il répond aussitôt: «Attendez un instant que j'y pense. Je touche l'assurance-chômage. Je vais perdre une semaine. Je vais me faire avoir.» Il n'acceptera pas de travailler ces deux jours.

Ainsi, la formule qui donne droit aux prestations selon le nombre d'heures de travail, sans qu'intervienne le dénominateur qu'il est prévu d'utiliser pour le calcul, est la meilleure, car tous les travailleurs voudront travailler le maximum d'heures possible, que ce soit huit heures ou quatre heures. Voilà ce que nous essayons d'encourager.

Votre scénario pourrait bien marcher selon le modèle que vous proposez, mais quand on arrive aux échelons inférieurs - aux apprentis, par exemple, qui gagnent 10$ ou 12$ l'heure - , je ne sais pas dans quelle mesure le taux des prestations en serait réduit. Il faudrait que je fasse le calcul.

.1735

Je ne m'oppose pas à priori à ce que vous proposez, car il faut qu'il y ait un dénominateur quelconque. Nous sommes d'accord là-dessus.

Mme Augustine: C'est très bien.

Le président: Monsieur Allmand.

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Je suis heureux d'accueillir aujourd'hui les représentants des métiers de la construction.

Vos recommandations en ce qui concerne le dénominateur, la règle d'intensité et la récupération fiscale sont très claires. Je les comprends parfaitement, de sorte que je n'ai pas de questions à vous poser à ce sujet. Je veux toutefois vous interroger au sujet de quelque chose qui me semble être nouveau. Il s'agit de votre recommandation concernant la possibilité de mettre en banque les heures de travail pour pouvoir les utiliser l'année suivante. Si j'ai bien compris vos propos - et reprenez-moi si je me trompe - , vous dites que, pendant les bonnes années, il se peut que vous ayez beaucoup d'heures de travail et que vous dépassiez le minimum; vous voudriez donc pouvoir mettre ces heures-là en banque pour pouvoir les utiliser l'année suivante, où l'économie serait vraisemblablement au ralenti. Vous auriez ainsi droit à des prestations d'assurance-chômage raisonnables l'année suivante ou l'année après, si vous vous retrouviez au chômage.

Si j'ai bien compris, vous dites qu'en permettant aux travailleurs de mettre en banque leurs heures de travail, on découragerait ceux qui auraient tendance à travailler au noir quand ils arriveront au maximum - je suppose, puisqu'il se peut qu'ils travaillent, mais qu'ils le fassent de façon clandestine - et peut-être même qu'on les encouragerait à ne pas travailler du tout. On les encouragerait à accepter les heures de travail qui s'offrent à eux parce qu'ils pourraient les mettre en banque.

Ai-je bien compris? Pourriez-vous me donner un peu plus de détails à ce sujet?

M. Maloney: Vous avez très bien compris nos propos. Nous voulons encourager l'élimination du travail au noir dans le bâtiment. À l'heure actuelle, le phénomène est généralisé. Certains estiment que le travail au noir atteint chaque année des milliards de dollars. Des centaines de milliers de travailleurs participent à l'économie clandestine.

Si la mesure est adoptée telle quelle, les travailleurs se mettront à travailler au noir bien avant d'atteindre le seuil de 39 000$. Dès qu'ils auront atteint les 35 000$, ils deviendront travailleurs clandestins. C'est comme ça... Ils peuvent le faire dans la construction.

Nous voulons encourager les gens à travailler autant d'heures qu'ils peuvent, et à le faire dans la légalité. Si donc le système était tel qu'il y avait un maximum annuel, un plafond annuel, de 1 200 ou de 1 400 heures, les travailleurs pourraient dépasser le maximum en sachant que, si l'année suivante est difficile, que l'économie risque d'être en récession, ils pourraient mettre en banque 100 heures ou 200 heures, qui seraient inscrites à leur nom et qu'ils pourraient utiliser l'année suivante au besoin.

À notre avis, cela encouragerait les gens à travailler toutes les heures qu'on leur offre. Cela mettrait également plus d'argent entre les mains du gouvernement... puisqu'on va mettre en banque les heures accumulées en supplément annuellement. Nous croyons vraiment que cela améliorerait la formule qui ouvre droit aux prestations selon le nombre d'heures de travail.

M. Allmand: Savez-vous s'il y a d'autres pays qui calculent ainsi les prestations d'assurance-chômage?

M. Maloney: Non, je ne sais pas. Je ne connais aucun pays qui ait un système horaire. Tout ce que je sais, c'est que la mise en banque des heures améliore les prestations fondées sur le nombre d'heures. Les taux se complètent.

Le président: M. Belleville, M. Dumoulin, M. Maloney, M. Benson, au nom du comité, je tiens à vous remercier.

J'ai bien noté ce que vous avez dit à propos des interruptions en ce qui concerne le dénominateur et de la règle d'intensité.

Mme Augustine: Sont-ils partisans du système reposant sur le calcul des heures?

Le président: Oui.

Mme Augustine: Vous voulez qu'on change le calcul en fonction des heures?

M. Dumoulin: Oui.

Le président: À l'intention des membres du comité, des députés, j'ai dit à la dernière réunion du comité que je cherche des idées sur la façon d'améliorer ce projet de loi. Si vous me le permettez, j'aimerais demander à M. Scott - j'ai entendu des embryons de bonnes idées concernant le dénominateur - de nous donner de plus amples renseignements plus tard, car je crois qu'il vaut le peine de s'y pencher.

Merci beaucoup.

.1740

Nos prochains témoins sont du Conseil provincial des métiers de la construction du Québec. Maurice Pouliot en est le directeur général et Francine Legault l'agent d'information.

Vous pouvez commencer. Vous disposez d'une demi-heure. Vous pourriez consacrer 10 minutes à votre présentation afin qu'il nous reste 20 minutes pour les questions et réponses. Merci beaucoup.

[Français]

M. Maurice Pouliot (directeur général, Conseil provincial des métiers de la construction du Québec (International)): Monsieur le président, veuillez nous excuser de ne pas vous présenter notre mémoire en français et en anglais. Évidemment, on a été convoqués à la toute dernière minute. C'est la raison pour laquelle notre mémoire est simplement en français. On pourra cependant répondre à vos questions en anglais.

Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction représente 32 000 travailleurs de l'industrie de la construction au Québec. Nous faisons aussi partie des 400 000 membres du Département des métiers de la construction qui s'est fait entendre juste avant nous. Il est notre porte-parole au niveau canadien.

Nous appuyons totalement les recommandations du Département des métiers de la construction. On aimerait discuter du problème plus particulier du Québec dans le secteur de l'industrie de la construction. Le régime de relations de travail au Québec est différent de celui des autres provinces, que ce soit par le truchement de la syndicalisation obligatoire, des cinq associations syndicales ou de différentes associations patronales. Ce n'est pas du tout le même régime.

La construction a des caractéristiques très différentes des autres industries. Ces caractéristiques sont: le chômage intermittent, une industrie cyclique, la concentration des activités durant certains mois de l'année, la mobilité de la main-d'oeuvre et les bassins de main-d'oeuvre très importants. En ce qui nous concerne, le projet de loi C-12 ne tient aucunement compte des caractéristiques de l'industrie de la construction.

On a beaucoup discuté de la question de la réserve d'heures. Au Québec, on a une réserve d'heures qui a déjà été acquise par le biais du régime d'avantages sociaux administré par la Commission de la construction du Québec, ce qui encourage la déclaration des heures travaillées et, par voie de conséquence, élimine le travail au noir, le travail souterrain comme on l'appelle. Chez nous, l'expérience très récente nous prouve que plus on enregistre d'heures légales, plus les travailleurs ont une sécurité.

J'aimerais également vous dire que 44 p. 100 des travailleurs au Québec travaillent moins de 500 heures. La moyenne des heures travaillées est de 713, soit moins de 18 semaines, et le salaire moyen au Québec est de 18 000$ dans le cas des compagnons. Vous savez qu'au Québec, il y a 25 métiers et 40 occupations. On parle des travailleurs détenant des cartes de compétence et de qualification.

.1745

Pour les apprentis, la moyenne est de 559 heures et le salaire moyen de 11 243$. Donc, on est très loin de différents chiffres qu'on a pu étaler. On peut nous dire que les gains d'un plombier au Québec sont de 23,78$ l'heure, mais lorsqu'on fait le total des heures travaillées, on se rend compte que son salaire n'est pas si élevé.

Selon nous, l'un des problèmes qui n'ont pas fait l'objet de beaucoup de discussions est celui du nouveau travailleur, de l'apprenti. On nous dit qu'un apprenti doit faire 910 heures pour être admissible au nouveau régime décrit dans le projet de loi. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on élimine alors environ 90 p. 100 des nouveaux arrivants. Ces derniers ne seront admissibles à l'assurance-chômage d'aucune façon. On leur dit qu'ils vont se trouver des emplois dans d'autres secteurs, mais les secteurs d'activités sont très limités au Québec actuellement. Il est clair que la récession est globale au Canada.

Quand le bâtiment va, tout va. On ne peut pas dire que c'est le cas au Québec actuellement. Quant à nous, ce sont des choses qui devraient être modifiées. On a décidé de participer aux délibérations du comité. Évidemment, c'est pour faire des revendications. On pense qu'il y a des modifications très importantes à faire et qu'elles ne doivent pas se faire sur le dos des travailleurs de l'industrie de la construction. Les mesures proposées sont, quant à nous, totalement inacceptables.

On voudrait que le seuil d'admissibilité soit fixé à 20 semaines ou 700 heures pour les personnes qui deviennent ou redeviennent membres. Ce sont là des choses extrêmement importantes pour l'industrie de la construction au Québec.

Quant à la question des semaines mortes ou des semaines creuses, au Québec, on avait un décret qui fixait des semaines de vacances obligatoires. Pendant ces semaines-là, si on parle de semaines consécutives, le travailleur ne peut pas travailler dans la majorité des cas parce que les chantiers de construction au Québec sont fermés au cours des deux dernières semaines de juillet, de la première semaine de janvier et de la dernière semaine de décembre.

On a aussi ce qu'on appelle les travaux d'urgence. Un travailleur de la construction peut être appelé à travailler quatre ou cinq heures durant une semaine et, là aussi, il sera drôlement pénalisé si le projet de loi est adopté tel qu'il est libellé actuellement.

Je crois qu'il me reste assez de temps pour parler de la formation professionnelle. On partage entièrement le désir du Québec de récupérer l'assiette qui lui revient dans ce domaine. Par contre, on voudrait que l'industrie de la construction puisse obtenir sa part du gouvernement du Québec et que l'argent soit remis directement à la Commission de la construction du Québec.

Il y a un certain nombre d'années, en 1986, le gouvernement du Québec a confié à la Commission de la construction du Québec tout le dossier de la formation professionnelle. Actuellement, on n'a pas la part qui nous revient dans l'industrie de la construction. On veut obtenir notre part du gâteau et on aimerait aussi qu'on mette sur pied un comité composé de représentants de ceux qui paient l'assurance-chômage, soient les employeurs et les travailleurs de tous les secteurs.

Voilà, en résumé, le mémoire qu'on avait à vous présenter. On est prêts, Mme Legault et moi, à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président: Merci. Nous allons avoir un tour de 10 minutes. Nous commençons par M. Crête et ensuite nous passerons à M. Allmand chez les Libéraux.

.1750

[Français]

M. Crête: Merci pour votre présentation. C'était très clair et très collé à la réalité que les travailleurs de la construction vivent au Québec, et cela sera très utile au comité pour son travail.

J'ai quelques questions. Premièrement, j'aimerais que vous nous parliez un peu des gens qui finissent actuellement leurs études en formation professionnelle et qui travailleront dans le secteur de la construction. Quel genre d'avenir leur présenteriez-vous si la réforme de l'assurance-chômage était adoptée telle qu'elle est présentée dans le projet de loi actuel? Quel effet cela aura-t-il à moyen terme sur le recrutement de nouveaux employés pour assurer la relève dans le domaine de la construction? De quelle façon voyez-vous l'exigence des 910 heures pour les nouveaux?

Le deuxième élément a trait à ceux qui sont déjà dans le domaine. Dorénavant, il sera nécessaire d'aller chercher un certain nombre d'heures supplémentaires. Quel effet cela aura-t-il sur les régions? La course aux heures risque-t-elle d'entraîner un problème de travail au noir?

Enfin, selon vous, que faudrait-il faire pour que, dans le domaine de la construction, on ait des mesures qui permettent d'augmenter le nombre d'heures de travail pour les différents travailleurs? Quel type d'investissement ou d'actions gouvernementales faudrait-il pour qu'en marge de la réforme de l'assurance-chômage, il y ait aussi une politique active d'emploi? Quels seraient les ingrédients d'une telle politique?

M. Pouliot: Dans un premier temps, pour les nouveaux arrivants, comme on vous l'a dit, le critère des 910 heures fera en sorte qu'il leur sera pratiquement impossible d'être admissibles aux prestations étant donné qu'il y a tellement de changements d'un employeur à l'autre et d'un chantier de construction à un autre. Les chantiers d'une durée de deux ans n'existent pratiquement pas.

Donc, pour le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, cette exigence pour les arrivants est totalement inacceptable. Il faut tenir compte de la réalité de l'industrie de la construction en ce qui a trait aux nouveaux arrivants.

M. Crête: Pensez-vous que cela pourrait avoir un effet sur le recrutement de gens pour prendre la relève dans ce secteur?

M. Pouliot: Cela aura certainement des conséquences. Actuellement, le problème vient du fait que ceux qui veulent entrer dans l'industrie de la construction doivent obtenir des cartes du ministère de l'Éducation alors qu'il n'y a pas de jobs.

M. Crête: Il n'y a pas d'heures de travail.

M. Pouliot: Ils n'ont pas d'heures de travail et il leur faut une garantie d'emploi de 150 heures pour obtenir leur carte de la Commission de la construction du Québec. Donc, c'est un problème global. Il est évident qu'on n'encourage pas la relève en disant aux gens qu'il leur faudra faire 910 heures de travail pour être admissibles à l'assurance-chômage alors que la moyenne des heures travaillées par les apprentis est de 559. Ces chiffres sont officiels: ils proviennent de la Commission de la construction du Québec.

Quant aux heures pour les régions, lorsqu'il y aura une relance dans l'industrie de la construction et qu'il y aura des investissements au Québec, on va régler les deux problèmes. Au Québec, il y a une mobilité de la main-d'oeuvre et il y a même eu des ententes entre le Québec et l'Ontario et les autres provinces.

À titre d'exemple, en 1995, 65 millions d'heures travaillées au blanc furent enregistrées à la Commission de la construction du Québec, alors que, durant les années 1980 ou 1978, il y en avait environ 150 ou 160 millions. On a toujours le même nombre de travailleurs de la construction, soit 100 000, qui détiennent des cartes, que ce soient des compagnons ou des apprentis. Il faudrait insister sur des investissements et sur une relance véritable, non pas par des voeux pieux, mais par une véritable relance dans l'industrie de la construction. Il faut surtout freiner le travail au noir.

.1755

Nous croyons qu'on pourra ainsi éliminer une partie des heures travaillées au noir dans l'industrie de la construction. Le rapport Sexton-Picard nous disait qu'environ 30 à 40 p. 100 des heures travaillées dans l'industrie de la construction au Québec étaient du travail au noir. Nous sommes d'accord sur ces chiffres.

M. Crête: Sur le changement en heures plutôt qu'en semaines.

M. Pouliot: Oui. Le rapport Sexton-Picard - qu'on pourra vous faire parvenir - donnait une planification des travaux, etc. Aucun gouvernement, ni fédéral ni provincial, n'a le courage politique de planifier ses investissements. On voit des mois de 12 millions d'heures et on tombe ensuite à 3 millions d'heures. C'est irréaliste. Selon nous, il faudrait une planification des travaux de construction, et l'industrie pourrait fonctionner 12 mois par année.

Mme Francine Legault (agente d'information, Conseil provincial des métiers de la construction du Québec (International)): Vous parliez de l'augmentation du seuil à 910 heures pour les apprentis. J'aimerais ajouter qu'il y a à peine 9 p. 100 des apprentis au Québec qui totalisent 900 heures de travail. Cela veut dire que 90 p. 100 d'entre eux ne pourraient se qualifier. Cela aura sûrement comme conséquence de décourager les jeunes à entrer dans l'industrie de la construction au Québec.

Actuellement, nous sommes aux prises avec un problème de vieillissement de la main-d'oeuvre. La moyenne d'âge, dans l'industrie de la construction au Québec, est d'à peu près 40 ans. Si on ne fait pas entrer des jeunes, on va se retrouver avec un problème d'ici quelques années. Dans les métiers, la moyenne d'âge est beaucoup plus élevée encore. Donc, il faut qu'il y ait un rajeunissement de la main-d'oeuvre et, pour ce faire, il faut que les apprentis soient capable de vivre de leur apprentissage, sinon ils iront ailleurs.

M. Crête: J'aimerais vous poser une question un peu plus délicate. Si on compare le système actuel et le système proposé, pensez-vous qu'il y a des gens qui sont moins mobiles, même à l'intérieur du Québec, à cause du système actuel? Le nouveau système permettrait-il de régler ce problème ou si ce n'est pas une solution? Ma question est-elle claire?

Certains employeurs de l'industrie de la construction sont venus nous voir pour nous dire: «Il faut la mobilité totale. Il ne faut pas qu'il y ait des critères différents selon les régions pour le nombre de semaines». Pensez-vous que la disparition de ces éléments aurait un effet réel sur la mobilité et sur les habitudes?

M. Pouliot: Actuellement, au Québec, on a ce qu'on appelle le règlement de placement pour les travailleurs de l'industrie de la construction. Mais pour répondre plus précisément à votre question, je ne le pense pas. Le règlement de placement a pour but de favoriser la mobilité à l'intérieur des différentes régions.

M. Crête: Je comprends que ce n'est pas le système qui fait nécessairement que les gens restent dans leur coin de pays, parce qu'il n'y a pas nécessairement de travail ailleurs.

Mme Legault: Au Québec, les mois les plus occupés sont les mois de septembre, où on a des périodes de pointe de 60 000 travailleurs sur les chantiers, alors qu'il y en a 93 000 qui sont enregistrés, qualifiés et disponibles. Donc, on se retrouve toujours en surplus de main-d'oeuvre. C'est un des problèmes.

M. Crête: J'ai une dernière question. Vous avez parlé de la période de vacances obligatoires durant l'été. Dites-vous que ces semaines ne doivent plus être considérées comme des semaines mortes si on adopte le projet de loi tel quel, afin que les gens ne soient pas pénalisés dans le calcul de leurs semaines?

M. Pouliot: C'est un changement au niveau des semaines consécutives. Si on parle de x nombre de semaines, cela cause des problèmes, comme l'a mentionné le Département des métiers, car il y a des semaines mortes. Pour nous, dans l'industrie de la construction, les vacances de la construction sont quatre semaines mortes. Donc, il se peut que les travailleurs soient pénalisés à cause des semaines mortes que sont les vacances obligatoires dans l'industrie de la construction au Québec.

.1800

[Traduction]

Le président: Monsieur Allmand.

[Français]

M. Allmand: Dans votre mémoire, vous dites que, depuis janvier 1996, vous avez changé votre régime d'assurance pour établir une réserve d'heures non utilisées. À la page suivante, vous recommandez une telle réserve pour l'assurance-chômage. Pouvez-vous nous dire quel est ce régime d'assurance?

M. Pouliot: On parle de l'assurance-santé-salaire-maladie des travailleurs de l'industrie de la construction. Au Québec, on a un régime administré par la CCQ et qui s'applique à tous les travailleurs de l'industrie de la construction. Auparavant, c'était un régime global qui n'était pas basé sur les heures.

On a donc modifié le régime. Si vous avez 300 heures enregistrées, vous avez le régime D. Si vous enregistrez 450 heures, vous avez le régime C et si vous avez 600 heures, c'est le régime B. Évidemment, le gros régime, c'est 750 heures. Il s'agit de forcer les employeurs et les travailleurs à rapporter les heures à la CCQ, qui a une banque d'heures.

Si vous avez plus de 750 heures, ces heures-là seront portées à votre crédit pour la prochaine période. Cela nous encourage à éliminer le travail au noir, et les résultats obtenus depuis l'entrée en vigueur de ce régime démontrent que plus d'heures sont maintenant déclarées à la CCQ que sous l'ancien régime. On parle ici du régime de la Commission de la construction du Québec.

M. Allmand: Est-ce seulement pour la construction ou si cela s'applique aussi aux autres métiers?

M. Pouliot: C'est pour toute l'industrie de la construction dans la province de Québec.

M. Allmand: Comme vous le savez, le dernier syndicat qui a témoigné ici recommandait un tel système pour l'assurance-chômage, soit une réserve pour l'année prochaine. Si je comprends bien, vous avez déjà fait cela pour un autre régime d'assurance au Québec, mais c'est très récent. C'est en vigueur depuis un mois seulement. Dans le passé, si je comprends bien, il n'y avait pas une telle réserve.

M. Pouliot: Il n'y avait pas une telle réserve. C'est justement la raison pour laquelle on a... Vous savez, lorsqu'on a adopté le régime d'assurance-santé-salaire au Québec, on ne connaissait pas les intentions du gouvernement relativement au projet de loi C-111 ou C-12. Il faut des mois et des mois pour apporter une modification à un règlement du gouvernement du Québec, parce qu'il faut comprendre que les questions d'assurance, au Québec, sont décidées par les travailleurs et les employeurs de l'industrie de la construction et que les décisions doivent être publiées et adoptées par le Conseil des ministres.

M. Allmand: C'est un décret?

M. Pouliot: Ce n'est pas le décret de la construction, mais le décret des avantages sociaux qui fait partie du décret de la construction.

M. Allmand: Très bien.

M. Pouliot: Cela n'est qu'une partie des avantages sociaux, comme le régime de retraite qui est à l'intérieur du décret de la construction, mais qui est administré par la Commission de la construction du Québec. Le principe des banques ou des réserves d'heures a été adopté au Québec et, selon nous, fonctionne très bien. On est d'accord qu'il s'applique aussi à l'assurance-chômage.

M. Allmand: Madame Legault, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Legault: Oui, en ce qui a trait aux réserves d'heures. L'industrie de la construction est une industrie très cyclique. Le système de réserves permet aux gens, en période de forte activité, de s'accumuler des heures pour pouvoir affronter les périodes de faible activité que l'on connaît régulièrement. Les gens profitent des périodes de forte activité pour accumuler des bénéfices qui qui les aideront à passer à travers les périodes plus lentes.

[Traduction]

Le président: Monsieur Easter.

M. Easter: Pour ce qui est des 910 heures en ce qui concerne les personnes qui détiennent leur premier emploi, vous avez dit qu'il était possible que jusqu'à 90 p. 100 de ceux qui participent à des programmes d'apprentissage ne seraient pas admissibles. Avez-vous une idée de comment cela se compare avec le reste du pays? En outre, quel est le nombre moyen d'heures de travail des apprentis comparativement au nombre moyen d'heures de travail des ouvriers du bâtiment pleinement compétents?

.1805

Ce qui me préoccupe c'est que si la formation de la main d'oeuvre devient un domaine de compétence provinciale, nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où nous formons trop de gens dans certaines industries alors qu'il n'y aura pas suffisamment d'emplois pour eux pour ensuite nous retrouver avec un énorme surplus de travailleurs.

Comment cela se compare-t-il avec le reste du pays, et quel est le nombre moyen d'heures pendant lesquelles travaillent les ouvriers du bâtiment compétents?

M. Pouliot: Il est très difficile de répondre à cette question. Nous avons tous les documents de la CCQ. Ils nous donnent des rapports qui nous indiquent le nombre exact d'ouvriers du bâtiment que nous avons, et c'est la moyenne que nous avons. D'après nos calculs, il s'agit de 559 heures.

Si vous voulez parler de la Colombie-Britannique ou de Terre-Neuve, je ne sais pas exactement quel serait le nombre d'heures moyen. Il se peut que ce soit à peu près la même chose, mais comme le camarade Dumoulin l'a mentionné tantôt, je ne peux pas vous donner une moyenne officielle. C'est environ la même chose.

Si vous parlez de la province de l'Ontario, la moyenne pourrait être plus élevée que dans la province de Québec.

La situation est différente ce qui fait qu'il est très difficile pour moi de vous répondre au nom des autres provinces canadiennes.

Nous avons tous les documents concernant la province de Québec et nous pouvons vous en faire part, mais cela dépend également de l'année dont il s'agit. Si vous parlez de 1995, il se peut que certaines provinces aient connu un essor dans la construction. Si vous parlez des années 1980, lorsque l'Alberta a connu cet essor et avait beaucoup d'emplois...

Il nous est très difficile de répondre à cette question.

M. Easter: Vous avez dit que vous tenez à ce que le secteur du bâtiment obtienne sa juste part. Que pensez-vous des prestations d'emploi, des mesures d'aide au travail indépendant, des subventions à l'acquisition de compétences et autres qui sont également prévues dans ce projet de loi? Que pensez-vous de ces genres de programmes dont traite ce projet de loi?

Certains de nos témoins précédents sont pour, et certains sont contre.

M. Pouliot: Nous ne sommes pas d'accord avec cela. Nous pensons que l'assurance-chômage doit servir aux chômeurs. Si le gouvernement crée d'autres programmes, ils doivent être financés à même d'autres sources. Donc nous ne sommes pas d'accord avec l'idée que le programme d'assurance-chômage règle les problèmes de tout le monde. Nous voulons que l'assurance-chômage serve à remédier au chômage.

Ce que nous disons dans notre mémoire, c'est que les critères d'admissibilité à ces programmes doivent être précisés ailleurs. Nous disons également que nous voulons obtenir la part qui revient à la province de Québec pour ce qui est de l'industrie du bâtiment. C'est ce que nous demandons.

Nous voulons avoir notre mot à dire au sein du comité au sujet de l'administration des fonds qui proviennent de l'assurance-chômage, car selon nous ce sont les entrepreneurs et les travailleurs qui font les frais du régime d'assurance-chômage.

[Français]

Mme Terrana (Vancouver-Est): Vous avez parlé d'accumuler des heures pour pallier aux périodes inactives. Combien d'heures devez-vous accumuler et pour combien de temps? Avez-vous ces données?

Mme Legault: Nous ne les avons pas. Les heures devraient être accumulées pendant une certaine période de temps pour permettre d'affronter les périodes de ralentissement économique. Mais on n'a pas fait de projections.

M. Pouliot: Le mémoire du Département des métiers de la construction mentionne les building trades, in English. On est d'accord sur la position qui a été présentée par le Département.

Mme Terrana: Lorsqu'ils sont venus, ils nous l'ont remis. Je vous remercie quand même.

M. Pouliot: On vous a dit, au début de notre exposé, qu'on l'appuyait totalement.

Mme Terrana: D'accord.

Le président: Monsieur Pouliot, madame Legault, merci beaucoup pour votre présentation et pour votre contribution en vue d'améliorer le projet de loi. J'espère que notre comité pourra répondre à vos demandes. Merci.

.1810

[Traduction]

Je demande l'attention des membres du comité pendant quelques instants. Je tiens à vous signaler que demain matin nos premiers témoins sont membres de l'Association des collèges communautaires du Canada. Nous allons siéger jusqu'à midi. Demain après-midi, nous entendrons deux groupes entre 15 h 30 et 17 h 30.

M. Allmand: Donc ce sont les collèges demain matin?

Le président: Non, il y en a deux autres,

[Français]

le Réseau des SADC du Québec et la Fédération des femmes du Québec,

[Traduction]

de 9 heures à midi.

Mme Terrana: Est-ce qu'on peut avoir l'ordre du jour pour la réunion de demain?

Le président: C'est quelque chose que j'aimerais tirer au clair avec le greffier. Les membres du comité aimeraient avoir l'ordre du jour dès qu'il est prêt. Le greffier me dit que vous pouvez le consulter sur vos ordinateurs.

À quelle heure?

Le greffier du comité: Vers 8 h 30.

M. Regan: Monsieur le président, idéalement, il serait bon de pouvoir lire les mémoires avant la réunion.

Le président: Oui, nous avons déjà discuté de cette question.

M. Regan: Nous avons déjà reçu certains mémoires. Si nous savions quelques jours à l'avance ou du moins un jour à l'avance qui va comparaître... Peut-être que les choses iront mieux avec le temps.

Le président: On en a déjà discuté.

La séance est levée.

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