[Enregistrement électronique]
Le jeudi 21 mars 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. J'aimerais accueillir nos témoins d'aujourd'hui qui représentent la Centrale de l'enseignement du Québec, la Confédération des syndicats nationaux et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
Soyez les bienvenus. Comme vous le savez, notre comité a été saisi du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, dans le but de l'améliorer. Nous avons eu la chance d'entendre les témoignages de Canadiens d'un bout à l'autre du pays, ainsi que d'organismes nationaux, lesquels nous ont fait part de quelques idées très utiles en vue d'améliorer ce projet de loi.
Nous avons environ une heure à vous consacrer. Les membres du comité m'ont dit qu'ils apprécient beaucoup la période de questions et réponses, car cela leur permet d'insister sur les points de votre mémoire qui les intéressent le plus et de participer à un dialogue important lorsqu'on essaye d'améliorer une mesure. Vous pouvez donc commencer quand vous voulez, mais je vous rappelle que nous préférons avoir un aperçu des principaux points de votre mémoire, de façon à avoir plus de temps pour les questions et réponses.
[Français]
M. Pierre Paquette (secrétaire général, Confédération des syndicats nationaux): Je vous remercie de votre invitation et je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent: M. Daniel Lachance, vice-président de la Centrale de l'enseignement du Québec; M. Henri Massé, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; et moi-même, Pierre Paquette, qui suis secrétaire général de la Confédération des syndicats nationaux.
J'aimerais d'abord souligner que nos trois organisations représentent 900 000 travailleurs et travailleuses au Québec et que c'est la deuxième fois que les trois grandes centrales syndicales du Québec se présentent ensemble devant le Comité permanent de développement des ressources humaines. La première fois, nous nous étions présentés pour nous opposer aux hypothèses soumises à la consultation dans le document de travail intitulé La sécurité sociale dans le Canada de demain, et aujourd'hui nous venons à nouveau exprimer notre opposition très forte au projet de loi C-12.
Tout d'abord, la CEQ, la CSN et la FTQ désirent exprimer leur profond désaccord sur quelques-uns des principaux fondements du projet de réforme du gouvernement.
Premièrement, on dit que les programmes de sécurité du revenu coûtent cher et doivent être de plus en plus ciblés vers les groupes les plus défavorisés dans la société.
Le deuxième fondement de la réforme proposée présume que le régime d'assurance-chômage a des effets dissuasifs importants sur les décisions des individus de travailler et qu'en conséquence il contribue à l'augmentation du chômage.
Le troisième fondement est l'hypothèse selon laquelle la rigidité du marché du travail est responsable des taux de chômage élevés.
C'est en s'appuyant sur cette analyse que le gouvernement fédéral a procédé, depuis le début de la décennie, à de nombreuses réformes qui ont affaibli le régime d'assurance-chômage. On peut penser aux lois C-21 en 1990, C-113 en 1993 du gouvernement précédent, et C-17 en 1994 du gouvernement présent, qui ont contribué à restreindre les normes d'admissibilité et à réduire la durée des prestations et le niveau des bénéfices. Le projet de réforme actuel va encore plus loin en proposant de diminuer le niveau maximum des prestations, de réduire le nombre de semaines de prestations et de restreindre l'admissibilité.
Avec la Loi C-17, en 1994, et encore plus avec l'actuel projet de réforme, le gouvernement fédéral transfère au régime d'assurance-chômage une partie de ses responsabilités dans le domaine de l'assistance sociale.
En effet, un des aspects les plus inquiétants du projet de réforme est sans doute la volonté du gouvernement de transformer le régime d'assurance-chômage en un régime d'assistance. La référence au revenu familial contenue dans le projet de réforme met en cause le principe de l'assurance sociale en vertu duquel les personnes cotisant au régime ont droit à ses avantages. L'établissement du niveau de prestations en fonction du revenu familial constitue la caractéristique principale d'une approche d'assistance. Ainsi, le supplément de prestations devient alors tributaire du revenu familial. Cela constitue un recul inacceptable, notamment pour les femmes qui, depuis des décennies, revendiquent le droit à l'autonomie financière et à l'égalité sur le marché du travail.
Le deuxième argument selon lequel le régime d'assurance-chômage aurait des effets importants sur le comportement des travailleuses et des travailleurs est largement utilisé pour justifier les nombreuses restrictions proposées au régime.
Le discours politique sur les effets pervers des règles du régime sur les comportements des individus n'est en rien appuyé par les études que le gouvernement a fait faire et qui démontrent que de tels effets sont somme toute minimes. Une revue plus exhaustive de la documentation nous a aussi démontré que le régime a peu d'impact sur le comportement des individus et sur le taux de chômage dans les régions.
Une telle conception du travail et de la motivation des individus va d'ailleurs à l'encontre de nombreuses études et enquêtes psychologiques et sociologiques qui confirment que le travail, indépendamment de son niveau de complexité ou d'intérêt, constitue pour les individus beaucoup plus qu'une source de revenu.
L'emploi constitue une manière privilégiée pour les citoyennes et les citoyens de participer à la société, de se valoriser, de se perfectionner et d'entretenir des liens avec leurs concitoyens et concitoyennes.
Il est préoccupant de constater qu'à l'aube du XXIe siècle, le gouvernement canadien puisse encore adhérer à une conception aussi réductrice du travail et de la motivation des travailleuses et des travailleurs.
La réforme du régime d'assurance-chômage proposée par le gouvernement fédéral trouve aussi son inspiration dans des analyses qui lient la persistance d'un chômage élevé, dans plusieurs pays, aux rigidités du marché du travail. Selon cette analyse, le chômage découlerait, pour une bonne part, de certaines rigidités du marché du travail et non d'un ralentissement de l'activité économique ou d'une faiblesse de la demande globale.
La solution passerait donc par un abaissement des salaires et des conditions de travail pour certaines catégories de travailleuses et travailleurs. La diminution de la protection du revenu assuré par le régime d'assurance-chômage aurait l'avantage de contraindre les individus à accepter des conditions de travail moins avantageuses.
Il est intéressant de noter que les réformes successives du régime d'assurance-chômage n'ont pas empêché le marché du travail de se dégrader, le chômage et la précarité étant le lot d'un nombre toujours croissant de travailleurs et de travailleuses. D'ailleurs, l'expérience des 25 dernières années tend à infirmer l'hypothèse que des restrictions au régime d'assurance-chômage améliorent la situation de l'emploi. Depuis le milieu des années 1970, le régime canadien d'assurance-chômage a été soumis à de multiples restrictions et le niveau de chômage a néanmoins connu une tendance à la hausse.
Le projet de réforme du régime d'assurance-chômage, en se basant sur le comportement des individus et sur l'impact du régime sur les taux de chômage, occulte l'ensemble des facteurs qui contribuent à la transformation du marché du travail depuis une vingtaine d'années et qui engendrent une augmentation continue du chômage et de la précarité des emplois.
Ainsi, si le nombre de réitérants augmente, on refuse d'admettre que cela découle de l'augmentation du chômage et de la multiplication du nombre d'emplois temporaires résultant d'une faiblesse de la croissance économique et des nombreuses restructurations en cours, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
Une réforme du régime d'assurance-chômage ne prendra réellement tout son sens que dans la mesure où elle contribuera à minimiser l'insécurité que produisent de telles mutations chez les travailleuses et les travailleurs. Les propositions du projet de loi ne vont évidemment pas dans ce sens.
Henri Massé va poursuivre sur les aspects plus techniques.
M. Henri Massé (secrétaire général, Centrale de l'enseignement du Québec): Comme vient de vous le dire Pierre Paquette, le gouvernement, en appuyant sa réforme sur de tels fondements, a fait des choix que l'on pourrait qualifier de cohérents pour lui-même et pour la réduction du déficit. Mais ces choix sont loin d'êtres cohérents pour les milliers de travailleurs et de travailleuses qui, faute de trouver un emploi, doivent recourir à l'assurance-chômage.
Nous disons, et le gouvernement lui-même le reconnaît, que le marché du travail se transforme. Les emplois sont de plus en plus précaires. Par exemple, au-delà du travail saisonnier, qui est une réalité que nous connaissons bien et depuis longtemps, il y a de plus en plus d'emplois à temps partiel et d'emplois temporaires occasionnels surnuméraires. La réforme fait des choix qui pénaliseront encore plus les travailleurs et les travailleuse à qui, ne l'oublions pas, on impose ce type d'emploi.
Dans cette brève présentation, je vous parlerai de trois des caractéristiques de la réforme qui auront des effets désastreux sur les individus: la période servant à calculer la rémunération totale, la règle de l'intensité et le calcul de l'admissibilité en heures travaillées, et la période servant à calculer la rémunération moyenne.
Nous nous opposons fortement à la mesure visant à instaurer une période de 20 semaines précédant la mise à pied pour le calcul de la rémunération moyenne. Il s'agit d'une mesure inéquitable, qui pervertit le principe de l'assurance et anéantit nos efforts pour obtenir de meilleures conditions de vie et de travail.
En premier lieu, précisons-le, si l'admissibilité est définie par le nombre de semaines ou d'heures assurables, ce sont nécessairement ces périodes assurables qui doivent servir à établir les niveaux moyens des prestations.
De plus, de nombreux travailleurs et travailleuses seront pénalisés, comme ceux et celles qui vivent plus d'une période de chômage dans une même année, mais aussi ceux et celles qui ont des droits en vertu de lois, de conventions collectives ou de décrets. Un accident du travail, une maladie ou des vacances dans les secteurs de la construction ou du vêtement se produisant dans les 20 semaines précédant la mise à pied auront des effets importants à la baisse sur le niveau des prestations.
Des femmes qui auraient des enfants et qui devraient utiliser le retrait préventif seraient aussi automatiquement pénalisées parce que leur milieu de travail n'est pas sécuritaire.
La règle de l'intensité: Ce n'est pas la première fois que nous indiquons notre opposition à toute mesure visant à établir le taux des prestations en fonction de l'expérience passée des prestataires. Nous la réitérons aujourd'hui. Si le gouvernement prend véritablement acte des transformations du marché du travail, il doit aussi reconnaître qu'elles sont imposées aux travailleurs et aux travailleuses par les employeurs privés et publics et, dans une certaine mesure, par les conditions climatiques et le type de ressources naturelles dont le pays est doté.
Le gouvernement a choisi la voie de la facilité, c'est-à-dire pénaliser les individus et diminuer sensiblement le niveau de vie de régions entières. Au Québec, selon les données même du gouvernement, à peine 45 p. 100 des prestataires ont reçu moins de 20 semaines de prestations au cours des cinq dernières années. Plus de la moitié des Québécois et Québécoises prestataires de l'assurance-chômage sont donc potentiellement visés par cet aspect de la réforme qui, dans les faits, ne réglera pas les problèmes de développement économique des secteurs ou des régions.
Le véritable défi consiste plutôt à encadrer le développement de l'emploi précaire et à assurer le développement économique durable des régions où l'on retrouve des activités saisonnières.
Calcul de l'admissibilité en heures travaillées: Malgré ce que le gouvernement tente de nous faire croire, un des pires exemples d'iniquité de la présente réforme est le calcul de l'admissibilité en heures travaillées.
Soulignons tout de suite que nous sommes d'accord sur le principe d'une cotisation perçue sur toutes les heures travaillées. Nous avions même réclamé cette mesure lors des premières audiences devant vous. Cette mesure a un double effet: elle élargit la couverture de nombreux travailleurs et travailleuses précaires et elle élimine un encouragement aux longues heures de travail.
Le gouvernement aurait dû s'en tenir là. Il a plutôt choisi d'intégrer ce concept au calcul de l'admissibilité parce que «l'expression «semaine de travail» peut avoir plusieurs sens pour différentes personnes».
Si tel est le cas, pourquoi avoir défini un équivalent de 35 heures pour une semaine de travail? Pourquoi pas 40 heures, qui est la norme du Code canadien du travail? Pourquoi pas 30 heures, le seuil retenu par Statistique Canada pour définir un emploi à temps plein?
Nous croyons que toute norme définie en nombre d'heures est, par essence même, arbitraire et que ce choix a deux effets pervers importants. Le premier effet consiste à retirer d'une main ce que l'on vient tout juste d'accorder de l'autre. Tous les travailleurs et les travailleuses à temps partiel cotiseront sur toutes les heures travaillées, mais la barre est placée si haut qu'il faudra beaucoup plus de temps pour se qualifier et que certains n'y parviendront pas du tout, particulièrement les nouveaux arrivés. Ainsi, selon les données même du gouvernement, au Québec, c'est 31 000 personnes qui pourraient ne plus être admissibles alors que 18 000 nouvelles personnes pourraient le devenir.
Le deuxième effet est aussi important. La norme de 35 heures constituera un frein aux revendications portant sur la réduction du temps de travail qui, au Québec, avait pris une certaine ampleur. C'est dommage. Nous croyons en effet que le meilleur moyen de réduire le taux de chômage est de créer des emplois. D'autre part, c'est inacceptable.
Nous aurions pu croire qu'au sein d'un ministère, la main gauche saurait ce que fait la main droite. N'est-ce pas le responsable de Développement des ressources humaines Canada qui a mis sur pied un groupe consultatif sur la répartition du temps de travail, auquel j'ai d'ailleurs personnellement participé? Le rapport du groupe traîne sur des tablettes, et la présente réforme va nuire encore plus aux efforts des syndicats.
Les travailleurs et les travailleuses qui ont, par exemple, limité le travail en heures supplémentaires ou réduit la durée normale de leur semaine de travail seront pénalisés pour la détermination de leur admissibilité mais aussi pour le nombre de semaines de prestations auxquelles ils auront droit, tout cela pour avoir contribué à réduire le chômage et l'utilisation du régime d'assurance-chômage. Les autres réfléchiront à deux fois avant de s'engager dans un telle voie.
Pour nous de la CEQ, de la CSN et de la FTQ, il s'agit d'une réforme qui, globalement, va dans le mauvais sens. Nous pensons que cette réforme n'en est pas une. C'est un exercice purement comptable qui fait en sorte que le gouvernement actuel va couper, en deux ans seulement, 10 fois plus que le gouvernement précédent.
En analysant au moins trois caractéristiques de la réforme, nous pouvons démontrer qu'au lieu de s'attaquer aux réels problèmes structurels du marché du travail, elle s'attaque aux individus pour des motifs de gros sous, au moment où la caisse est loin d'être déficitaire, alors qu'il y a bien d'autres façons d'assurer le financement de la caisse d'assurance-chômage, ce dont vous parle maintenant Daniel Lachance de la CEQ.
M. Daniel Lachance (vice-président, Centrale de l'enseignement du Québec): En décidant, en 1990, de se désengager du financement de l'assurance-chômage, le gouvernement fédéral a finalement concrétisé sa volonté de transférer complètement aux employeurs et aux salariés les coûts du régime.
Pendant longtemps, l'État a reconnu sa responsabilité face au sous-emploi et cela se traduisait de manière concrète dans les règles de financement de l'assurance-chômage. En assumant sa part, il ne faisait au fond que solliciter la contribution de l'ensemble des contribuables pour pallier à un problème économique et social qui concerne toute la collectivité.
En se désengageant de la sorte, le gouvernement fédéral confirmait, une fois de plus, que la lutte au chômage ne compte pas parmi ses principaux objectifs en matière de politique économique. Or, nous croyons que ce retrait du financement de l'assurance-chômage est l'une des pires initiatives prises par le gouvernement fédéral dans le champ de la sécurité du revenu. Nous constatons avec déception que le projet de réforme confirme cette orientation douteuse.
En plus de se retirer du financement, le gouvernement fédéral ne cesse de couper dans les bénéfices du régime sous prétexte, entre autres, que les charges sociales des entreprises seraient trop élevées. Or, il faut rappeler que même si les contributions aux programmes sociaux ont augmenté au Canada, elles se situent à un niveau singulièrement bas par rapport à celles des autres pays de l'OCDE. On parle ici d'une moyenne de 11,3 p. 100 pour l'ensemble des pays de l'OCDE, alors que des pays comme la France ou l'Allemagne, par exemple, sont à 19,5 p. 100 et à 15,2 p. 100. À ce titre, le graphique que vous trouverez à la fin du document est éloquent.
Dans ce contexte, il nous semble pour le moins étonnant que le gouvernement juge excessif le fardeau des entreprises, d'autant plus que de nombreuses études estiment qu'à long terme, les employeurs ne supportent qu'une faible part des cotisations sociales.
Cela n'empêche pas, par ailleurs, le gouvernement de faire des déclarations à l'emporte-pièce imputant aux charges sociales excessives l'ampleur du chômage. Même l'OCDE demeure prudente à ce niveau-là. Dans une étude récente portant sur l'emploi, l'organisation écrit qu'il serait irréaliste de compter sur une baisse des cotisations sociales pour faire reculer durablement le chômage dans des proportions importantes. Cette vision est partagée par une foule d'analystes.
D'ailleurs, il est intéressant de mettre en parallèle les données concernant le chômage et les charges sociales dans les pays du G-7 pour constater qu'à l'échelle macro-économique, il n'existe pas de corrélation entre ces deux variables. Là aussi, vous verrez que le graphique, à ce niveau-là, est très éloquent sur la comparaison entre les charges sociales des pays et les niveaux de chômage. Le niveau des charges sociales du Canada par rapport à son taux de chômage nous montre bien que le fait d'abaisser les charges sociales n'a aucun effet sur le chômage, puisque avec les charges sociales les plus basses, on a eu les taux de chômage les plus élevés.
De plus, rien n'indique qu'une baisse des cotisations pourrait stimuler l'emploi. Cela pourrait profiter aux entreprises, aux placements ou à l'investissement dans les nouvelles technologies qui suppriment les emplois au lieu d'en créer.
Il faut également dire qu'il est de bon ton de dénoncer les soi-disant effets pervers des dépenses sociales. Mais on oublie trop souvent le rôle fondamental qu'elles jouent en matière de soutien de l'activité économique. Une baisse des cotisations qui survient simultanément avec une baisse des prestations peut n'avoir qu'un effet dépresseur sur l'économie, étant donné qu'on a vu que le premier n'avait pas automatiquement d'effets sur l'emploi alors que la baisse des prestations, elle, a automatiquement un effet dépresseur sur l'économie.
Les cotisations à l'assurance-chômage, on le sait, constituent une taxe régressive en raison de leur taux fixe et de l'existence du maximum de la rémunération assurable. Ce type de prélèvement pénalise les entreprises à haut coefficient de main-d'oeuvre et les bas salariés. Or, la réforme accentuera le caractère régressif en abaissant le MRA de 42 380 $ à 39 000 $. Cela accroîtra la proportion des gains d'emploi non assujettis aux cotisations dans la plage supérieure.
Cet abaissement du plafond ne profitera qu'aux employeurs qui versent des salaires supérieurs à 39 000 $. De plus, cela peut aussi avoir des effets pervers en matière de recours au travail supplémentaire. Et parce que les salariés gagnant plus que le MRA recourent moins fréquemment à l'assurance-chômage, les économies anticipées découlant de la baisse des prestations n'atteindront que 200 millions de dollars alors que le manque à gagner du côté des cotisations s'élèvera à 900 millions de dollars.
Nous trouvons carrément inacceptable que le gouvernement fédéral décide, par sa réforme, de faire porter le financement de l'assurance-chômage et de la lutte au déficit de façon aussi inéquitable sur les épaules des faibles et des moyens salariés.
Nous prétendons, au contraire, qu'il faudrait éliminer, pour les employeurs, la limite supérieure des gains assujettis à l'assurance-chômage. Cela permettrait d'étendre l'assiette de prélèvement des employeurs à la totalité de la masse salariale. À taux de cotisation inchangé, cette mesure générerait des recettes additionnelles dans la caisse du régime.
En ce qui a trait à la cotisation des employés, le relèvement du MRA à un niveau équivalent à deux fois la rémunération hebdomadaire moyenne nous semble une piste intéressante à explorer. En vertu d'un tel scénario, nos calculs indiquent qu'un relèvement parallèle des prestations permettrait tout de même d'alimenter la caisse en raison de l'incidence plus faible du recours au régime au fur et à mesure que le revenu augmente.
Finalement, sur la réserve conjoncturelle ou la vache à lait pour la lutte au déficit, on fait ici référence au surplus de la caisse d'assurance-chômage qui dépasse les cinq milliards de dollars actuellement. Nous l'avions dit à l'occasion de la consultation publique portant sur le Livre vert du ministre Axworthy à l'époque.
Pour que l'assurance-chômage joue pleinement son rôle de stabilisateur automatique, nous croyons qu'il serait opportun de fixer le taux de cotisations de telle sorte qu'on puisse accumuler des surplus en période d'expansion économique pour éviter des hausses de prélèvements en période de récession. Notre accord concernant la formation d'une réserve conjoncturelle est cependant assorti d'une condition essentielle: que le gouvernement ne puisse jouer avec les surplus, que ce soit pour les investir ailleurs, dans le Fonds d'investissement dans les ressources humaines par exemple, ou pour régler ses problèmes financiers tel que nous le voyons et tel que nous le percevons actuellement. Une gestion séparée de la caisse de l'assurance-chômage permettrait d'éviter ces tentations.
Or, le projet de réforme s'oriente dans la direction contraire. Le gouvernement propose en effet d'abolir tout plafonnement de l'accumulation des surplus. Aussi, tout indique, comme je le signalais tout à l'heure, que le surplus évalué à cinq milliards de dollars en 1995 ne pourra qu'augmenter. Il semble qu'Ottawa s'apprête à puiser allègrement dans la caisse pour éponger une partie de son déficit. Lors d'une prochaine récession, la tentation sera encore plus grande de couper davantage dans le régime ou de sabrer dans d'autres dépenses publiques.
M. Paquette: Au Québec, des ressources considérables ont été investies dans la gestion du marché du travail, mais l'absence de cohérence des initiatives prises par les deux niveaux de gouvernement et de coûteux dédoublements ont nui à ces efforts. De là origine le consensus québécois quant à l'opportunité de rapatrier l'ensemble des leviers dans le domaine de la formation professionnelle et des mesures actives du marché du travail. Le présent projet de loi ne répond pas à cette requête. Ainsi, un programme de prestations d'emploi est élaboré, mais un gouvernement provincial ne pourra en obtenir la gestion que s'il accepte les normes dictées par Ottawa.
Pour développer une politique globale du marché du travail qui s'adresse à l'ensemble de la population en âge de travailler, quel que soit le type de soutien du revenu qui est offert, que ce soit l'assurance-chômage ou l'assistance sociale, le gouvernement québécois doit rapatrier l'ensemble des instruments de gestion du marché du travail, dont l'assurance-chômage avec toutes ses composantes passives et actives.
En fait, une véritable politique d'emploi doit intégrer et arrimer les mesures de soutien du revenu, c'est-à-dire les prestations et les mesures actives.
Pour nous, il est très clair qu'en vertu des compétences actuelles des provinces, c'est au Québec de s'occuper de la mise en place de cette politique-là.
Je voudrais aussi signaler à la commission que dans le cadre du sommet socio-économique qui s'est tenu à Québec au début de la semaine, le consensus québécois a été réaffirmé.
Nous, des centrales syndicales, allons plus loin que le consensus en demandant le rapatriement de l'ensemble de la caisse d'assurance-chômage. Mais le consensus a été réaffirmé à la demande du président du Conseil du patronat, M. Ghislain Dufour. À cette occasion, tous les intervenants socio-économiques étaient présents, même plusieurs grands patrons qui ne sont pas connus pour leur sympathie à la cause souverainiste, comme M. Laurent Beaudoin et M. Bérard qui s'étaient fait remarquer pendant la campagne référendaire et qui ont adhéré à ce consensus.
En conclusion, la CSN, la CEQ et la FTQ exigent donc le retrait pur et simple de ce projet de loi et le rapatriement par le gouvernement du Québec des mesures de protection et de soutien à l'emploi et à la formation professionnelle, y compris l'assurance-chômage.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Massé, monsieur Paquette et monsieur Lachance, de vos suggestions en vue d'améliorer le projet de loi.
Nous passons directement à la première question, que posera Mme Lalonde.
[Français]
Mme Lalonde (Mercier): Je vous remercie d'être ici. Bienvenue à Ottawa.
Votre conclusion, qui demande le retrait pur et simple de ce projet de loi, se base sur une analyse que vous nous avez longuement expliquée. Est-ce parce que vous pensez que des amendements ne seraient pas suffisants? Ou alors, y aurait-il des amendements qui vous permettraient d'être d'accord sur ce projet?
M. Massé: Nous proposons le rejet parce qu'il y a beaucoup trop d'amendements à y apporter. C'est clair, et nous avons aussi mentionné toute la question des travailleurs et travailleuses saisonniers.
J'aimerais vous parler d'un tour que j'ai effectué au Québec dans le secteur de la construction. J'étais à Val-d'Or il y a quelques semaines. À l'assemblée se trouvaient 400 travailleurs et travailleuses de la construction, surtout des travailleurs, et ils n'ont pas pris très au sérieux le projet de réforme gouvernementale qui a été présenté parce qu'ils pensaient qu'il n'était ni possible ni réalisable.
Un ouvrier de la construction qui était dans la salle est allé chercher le haut fonctionnaire qui s'occupait du bureau de l'assurance-chômage de Val-d'Or pour se faire confirmer ce que nous avions expliqué concernant le projet de loi. Cette personne est venue et leur a dit que nous avions dit la vérité.
Ce fut le désarroi, la colère et le désespoir, parce que beaucoup de ces travailleurs travaillent au début de la période et ensuite pendant les deux ou trois dernières semaines. Entre-temps, ils ont une longue période sans travail. Comme justification de leurs périodes de travail, ils ont des timbres. Dans une assemblée de travailleurs de la construction, on ne demande pas à quelqu'un où il travaille mais combien de timbres il a.
C'est donc toute la question des travailleurs saisonniers. Si vous utilisez plusieurs fois l'assurance-chômage, il y aura une réduction importante. Il y a aussi le fait qu'on veut en faire plus un régime d'assistance qu'un régime d'assurance, puisque on veut intégrer le revenu familial, ce qui va être extrêmement difficile pour les femmes.
En tout cas, quand on le regarde d'un bout à l'autre, on voit que des amendements majeurs doivent y être apportés. C'est la raison pour laquelle nous demandons son retrait. Nous demandons au gouvernement de revenir avec un projet de loi qui tiendra compte de l'ensemble de ces revendications.
M. Lachance: J'aimerais ajouter qu'on parle de retrait parce qu'il faut remettre en question les fondements mêmes de ce projet de loi. Dans la situation économique où on se trouve, le gouvernement se départit de ses responsabilités. Le problème du chômage est un problème collectif, c'est-à-dire la responsabilité du gouvernement et des entreprises, mais les fondements même de ce projet de loi font du chômage une responsabilité individuelle. Ils font porter sur les personnes la responsabilité de leur situation d'être sans emploi. Ce sont des questions fondamentales et ce ne sont pas des amendements qui peuvent venir changer cet élément du projet de loi.
De même, le projet de loi réagit aux mutations du marché du travail et de la main-d'oeuvre en faisant porter le poids de ces mutations par les personnes qui en sont victimes, alors qu'un régime d'assurance-chômage est là - quand c'est un régime d'assurance-chômage et non pas d'assistance - pour venir en aide aux personnes qui subissent les mutations du travail et de l'emploi à un moment donné.
Lorsqu'il y a de tels problèmes de fonds à considérer dans un projet de loi, on ne peut pas envisager des amendements. On ne peut qu'en demander le retrait pur et simple et dire au gouvernement de se remettre au travail pour nous apporter un nouveau projet de loi qui permettra aux Québécois, aux Québécoises, aux Canadiens et aux Canadiennes de faire face à la situation économique et sociale dans laquelle nous sommes.
Le président: Monsieur McClelland.
M. McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Je dois poser ma question en anglais, car je ne peux le faire en français.
[Traduction]
Je voudrais poser deux brèves questions, car il y a un grand nombre de députés présents aujourd'hui. Je vais les poser les deux en même temps et vous pourrez y répondre ensuite.
Je me suis réjoui de vous entendre dire que, à votre avis, il faudrait gérer la caisse séparément et ne pas l'inclure dans les recettes générales. Si la caisse était gérée de façon indépendante au Québec, un peu comme le Régime des rentes du Québec, avez-vous une idée de ce que serait le taux de cotisation?
Ma deuxième question est de portée plus générale et concerne la nature du travail. À votre avis, est-il normal qu'une personne qui travaille toute l'année et sans interruption pendant de nombreuses années, mais au salaire minimum, ou pour environ 18 000 $ par an, subventionne, par ses cotisations à l'assurance-chômage, un travailleur saisonnier qui, lui, gagne 50 000 $ en six mois, tous les ans, sans exception?
Voilà mes questions, et j'ai hâte d'entendre votre réponse. Je vous remercie.
[Français]
M. Paquette: En ce qui concerne la première question, voici pourquoi nous proposons que la caisse de l'assurance-chômage soit distincte de l'ensemble de la comptabilité du gouvernement fédéral. Comme le gouvernement fédéral ne contribue plus à la caisse, même si, conjoncturellement, il y met de l'argent et se rembourse ensuite, nous pensons que les employeurs, les travailleurs et leurs organisations devraient s'occuper eux-mêmes de la gestion de la caisse de l'assurance-chômage. Le gouvernement ne devrait donc plus être le seul à prendre des décisions à ce sujet. Nous étions d'ailleurs d'accord pour que la caisse se constitue un surplus pour assurer la stabilité des cotisations à travers le temps.
Dans le budget Martin, nous avons constaté que du côté des revenus, on voyait apparaître des cotisations et, du côté des dépenses, des prestations, et qu'entre les deux il y avait une différence de 5 milliards de dollars qui a disparu à la fin de l'année.
Donc, s'il faut chaque année reconstituer cette réserve au cas où il y aurait une récession ou un ralentissement économique, à notre avis, c'est un leurre complet. Pour ce qui est du Québec, il faut prendre cela globalement.
Les différentes réformes à l'assurance-chômage qui ont été faites au cours des dernières années ont transféré une série de sans-emploi de la responsabilité de la caisse de l'assurance-chômage vers l'aide sociale, dont une partie grandissante est assumée par le gouvernement du Québec.
Donc, globalement, pour ce qui est de l'assurance-chômage comme telle, nous disons que d'une année à l'autre, cela peut varier. Le Québec met dans la caisse d'assurance-chômage autant d'argent qu'il en reçoit. Avec l'évolution du marché du travail, on s'attend à ce que les responsabilités du gouvernement du Québec, avec la fiscalité actuelle, soient accrues.
Donc, nous proposons que les mesures offertes aux sans-emploi soient les mêmes, peu importe qu'ils soient chômeurs ou assistés sociaux. Dans une première année, ils seraient rémunérés par l'assurance-chômage à laquelle ils auraient contribué et si, par malheur, après la période d'admissibilité aux prestations, ils n'étaient pas encore sur le marché du travail, ils relèveraient alors de l'assistance sociale.
Quant aux cotisations, il faut regarder l'ensemble du fardeau fiscal assumé par les travailleurs et les entreprises en ce qui a trait aux exclus du travail. Nous pensons, somme toute, que nous ne serions pas perdants de cette opération. Cependant, la position des centrales syndicales - mes collègues pourront le confirmer - quant au rapatriement de la caisse et des mesures actives n'est pas liée à une question financière.
Ce n'est pas parce qu'on paie maintenant plus à la caisse que ce qu'on en retire. C'est parce que pour avoir une politique active de main-d'oeuvre qui soit efficace, il faut qu'il n'y ait qu'un maître d'oeuvre. Peu importe qu'on reçoive un chèque d'aide sociale ou un chèque d'assurance-chômage, on devrait avoir droit aux mêmes types de mesures pour la réintégration sur le marché du travail.
M. Massé: En ce qui a trait au travail saisonnier, quand cela va mal, on utilise la caisse de l'assurance-chômage et, quand cela va bien, on n'en a pas besoin. La cotisation est beaucoup plus basse pour un travailleur au salaire minimum. Le travailleur saisonnier qui gagne un salaire élevé pendant qu'il travaille paye des cotisations plus importantes.
C'est un des éléments qu'on soulève. Si je ne fais pas erreur, je pense qu'on passe d'un seuil assurable de 42 000 $ par année à un seuil de 39 000 $, ce qui crée une injustice parce que les hauts salariés, à un moment donné, cotiseront moins. On devrait faire l'inverse et déplafonner cela. Le travailleur saisonnier qui gagne de gros salaires sur une courte période cotiserait davantage que ce qui est prévu par le projet de loi.
M. Paquette: La réponse à votre problème se trouve davantage du côté de la fiscalité que de celui du régime de l'assurance-chômage. On a une fiscalité progressive et une redistribution des revenus qui permettent globalement aux travailleurs qui gagnent 18 000 $ d'avoir un seuil de revenu convenable.
[Traduction]
M. McClelland: Un peu comme un revenu annuel garanti, quelque chose de ce genre.
[Français]
M. Paquette: Oui, quelque chose de ce type, bien que ce soit un débat en cours au Québec.
[Traduction]
Le président: Nous passons maintenant au Parti libéral, avec M. Lavigne.
[Français]
M. Lavigne (Verdun - Saint-Paul): Messieurs, merci pour votre présentation.
Monsieur Massé, vous dites que vous avez fait le tour du Québec récemment. Vous avez pu remarquer que les travailleurs de la construction voulaient travailler. Le travailleurs de la construction ont besoin de travail, et vous savez très bien pourquoi. Ces gens travaillent pendant six mois et, durant cette période, ils gagnent 60 000 $, 70 000 $ ou 100 000 $. Pendant les six autres mois, ils reçoivent de l'assurance-chômage.
Bien sûr, ils paient des cotisations, mais vous savez très bien que les gens à faible revenu ou qui ont un emploi moins rémunérateur ont plus besoin d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi que ceux qui gagnent 60 000 $ et 100 000 $ par année.
Certains pêcheurs d'homard gagnent 150 000 $ et 200 000 $ et réclament de l'assurance-chômage durant six ou huit mois par année. C'est un point sur lequel je voulais apporter une précision.
Deuxièmement, bien qu'il y ait des gens, au Québec, qui ont besoin de l'assurance-emploi, cette assurance n'a pas pour objet de leur permettre de recevoir des prestations pendant des années. Beaucoup accumuleront leurs 12 ou 24 timbres et, ensuite, ils réclameront de l'assurance-chômage et passeront l'été au bord de l'eau. Vous savez qu'il y en a qui font cela.
Ayant participé au sommet économique qui vient de se terminer, vous devez être conscients que, pour enrayer le chômage au Québec, les hommes d'affaires demandent que la question de la souveraineté soit mise de côté pour les dix prochaines années, ce qui leur permettrait d'investir plus dans des entreprises.
Vous savez très bien que si le premier ministre du Québec prenait un tel engagement, les gens d'affaires investiraient plus. Vous savez très bien qu'il y aurait alors plus d'emplois et que l'économie du Québec irait beaucoup mieux. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
On voit ce qui se passe dans le domaine de l'éducation au Québec. J'ai des enfants à l'école. Quand mon enfant de sept ans revient de l'école et me dit: «Finger papa», je pense qu'il y a là un gros problème qu'on devrait régler, et c'est l'éducation first of all.
Deuxièmement, avant de transférer la formation professionnelle au Québec, on va d'abord s'assurer que l'éducation se porte bien dans cette province. Par la suite, on pourra peut-être penser à transférer d'autres compétences au Québec.
Vous mêlez bien des choses.
D'abord, quant à votre dernière affirmation sur la souveraineté, j'aimerais simplement vous rappeler que, de 1985 à 1994, même si un gouvernement fédéraliste dirigeait le Québec, l'emploi a continué de décroître. Je n'ai jamais eu de mal à comprendre que l'instabilité pouvait avoir certains effets sur l'emploi.
On ne se cachera pas la tête dans le sable, car on est tous des adultes, mais de là à mettre tout cela sur ce compte-là... Il faut apporter certaines nuances. Encore une fois, durant les années de pouvoir du gouvernement libéral au Québec, lequel était fédéraliste, le taux de chômage a monté en flèche.
Quant au secteur de la construction, on disait plus tôt que ces gens semblaient travailler pendant six mois et que, pendant les autres six mois, ils se doraient la «bedaine». C'est mal connaître le milieu de la construction que d'affirmer cela.
Durant les belles années de la construction au Québec, l'économie allait rondement et de 75 à 80 p. 100 de ces travailleurs avaient de l'emploi presque toute l'année. Il y en avait d'autres qui ne réussissaient pas. Mais par les temps qui courent, un tiers des travailleurs ou des travailleuses de la construction bénéficie de prestations du bien-être social, un tiers est en chômage et le dernier tiers travaille. Donc, ce n'est pas un régime qui permet au gens de se dire qu'ils vont travailler un peu et retirer ensuite des prestations d'assurance-chômage.
J'ai travaillé longuement dans le secteur de la construction. Je peux vous dire que s'il y a un secteur dans lequel les travailleurs sont fiers du travail accompli avec leurs deux mains, c'est bien celui de la construction.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas quelques exceptions à la règle, mais partout, dans toutes les strates de la société, il y a toujours quelques exceptions.
On présente le problème comme si les gens étaient contents de ne pas travailler, ou contents de ne travailler que six mois et de retirer du bien-être social ou du chômage par la suite. Je ne pense pas que cela reflète la vraie situation.
J'ai siégé à un comité fédéral qui examinait la réduction du temps de travail, et il était très clair - les différents sondages de Statistiques Canada le démontrent également - que les deux tiers des travailleurs ou des travailleuses saisonniers, à temps partiel ou à statut précaire, voudraient travailler à temps plein.
Il y a peut-être un tiers des gens qui sont satisfaits de leur statut, mais les deux autres tiers ne le sont pas.
[Traduction]
Le président: Nous allons rester du côté des Libéraux. Vouliez-vous dire quelque chose, monsieur Lachance?
[Français]
M. Lachance: Oui, j'ai deux commentaires sur ce que j'appellerais des préjugés sur ce qui se passe en éducation au Québec.
Je tiens à signaler qu'en ce qui a trait à l'éducation au Québec, les Québécoises et les Québécois se prennent en main. Il y a toute la démarche des États généraux de l'éducation, où l'ensemble des Québécois et des Québécois, par le biais de leurs organisations corporatives, syndicales, parentales, etc., font le point actuellement et seront amenés à prendre les mesures qui s'imposent et à effectuer les redressements nécessaires.
D'ailleurs, on voit les mêmes problèmes partout au Canada. Certaines choses sont plus criantes dans certains secteurs que dans d'autres.
Il faut regarder les mesures proposées par le gouvernement, lesquelles ne contribuent pas à l'amélioration en matière d'éducation. D'après ce qu'on a pu voir dans le budget la semaine dernière, le Transfert social canadien, particulièrement pour ce qui est de l'éducation supérieure, n'est pas une mesure qui améliorera l'éducation et son accessibilité. Cela affectera directement l'accès des jeunes aux études supérieures, par l'impact que cela aura sur les frais de scolarité, par exemple.
Les multiples chevauchements du fédéral en éducation ne font pas en sorte qu'on peut s'attaquer aux problèmes qui se vivent au Québec en matière d'éducation, primaire, secondaire, collégiale ou universitaire.
Il y a une prise en main au Québec, et on espère que le gouvernement fédéral mettra fin à des chevauchements qui, au lieu d'améliorer l'éducation, ne font qu'aggraver la situation.
Je terminerai en disant que sur la question de l'emploi, on a assisté cette semaine, à la conférence socio-économique à Québec, à la convergence de l'ensemble des mondes syndical, gouvernemental et patronal.
Les grands décideurs de la grande entreprise au Québec étaient autour de la table et, par consensus, ont décidé de participer au grand chantier de l'emploi qui doit déposer au sommet d'octobre prochain non pas des principes, mais un plan d'action et des mesures quantitatives, des résultats concrets à atteindre pour relancer l'emploi au Québec.
Les grands chefs d'entreprises, le mouvement syndical et le gouvernement ont contribué à cela. D'ailleurs, M. Jean Coutu, entrepreneur émérite au Québec, présidera cette commission. Un certain nombre de choses ont été mises de côté. Cela n'empêche pas ces grands patrons de continuer à avoir leur point de vue sur la question de la souveraineté du Québec, mais ils ont décidé de se mettre à l'ouvrage.
Il y a là une leçon pour le Parti libéral du Canada qui, d'ailleurs, appelle cela «assurance-emploi». Alors que dans le Livre rouge c'était une priorité du gouvernement, on n'a rien vu de cela sur le terrain. Au contraire, la détérioration de la situation et un projet de loi viennent aggraver la situation des personnes qui sont victimes de la situation du chômage au Québec et dans le reste du Canada.
[Traduction]
Le président: Monsieur Paradis.
[Français]
M. Paradis (Brome - Missisquoi): Il y a un peu plus d'un an que j'ai été élu député à la Chambre des communes et j'ai l'impression qu'il y a deux mondes. Il y a tout d'abord le monde des relations fédérales-provinciales Québec-Ottawa, dans ce dossier comme dans d'autres, et il y a le monde ordinaire.
J'essaie de plus en plus de voir les gens. J'en ai fait autant pour me faire élire que lors de la période référendaire, etc. J'ai l'impression de vivre sur deux planètes différentes. On voit qu'en matière de relations fédérales-provinciales, tout est basé sur la chicane. Ce n'est pas cela que les gens sur le terrain veulent. D'ailleurs, quand on va sur le terrain, on s'aperçoit que ça fonctionne.
Je vous donne des exemples: Au même moment où on dit que le Québec veut rapatrier ceci et cela, vous dites que vous voulez le gros paquet, toute l'assurance-chômage. Au moment où vous dites cela, sur le terrain, en Estrie, en Montérégie, partout dans les régions, le directeur de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre s'entend avec le directeur de Développement des ressources humaines Canada et ils font ensemble des plans en ce qui a trait aux besoins de main-d'oeuvre pour les cinq prochaines années.
Cela se passe sur le terrain. Les deux personnes s'entendent très bien. Il y a coopération, concertation fédérale-provinciale sur le terrain, dans le champ, mais quand on arrive en haut, ce n'est plus cela.
J'étais à Coaticook, en Estrie, la semaine passée, et il m'a fait plaisir d'assister à la naissance d'un fonds de ressources humaines financé à raison de 250 000 $ par Développement des ressources humaines Canada, de 100 000 $ par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, de 50 000 $ par Travail Québec et de 100 000 $ par la communauté. Il s'agissait là d'un beau petit projet de 500 000 $ pour créer de l'emploi, de vraies affaires dans la région de Coaticook, des affaires de terrain. On ne se disputait pas le pouvoir. Donc, faisons des choses en fonction non pas des chicanes fédérales-provinciales, Québec-Ottawa, mais plutôt en fonction des besoins des citoyens sur le terrain. Je pense qu'on en est rendu là.
Après m'être promené, je puis vous dire que les gens ne veulent pas de dédoublements. Oui, les gens veulent un peu plus de décentralisation, vous avez raison là-dessus. La coopération et la concertation, cela ne marche peut-être pas à votre niveau, mais au niveau du monde ordinaire, ça marche.
[Traduction]
Le président: Je pense que vous étiez sur le point de poser votre question.
[Français]
M. Paradis: Je ne pense pas que l'assurance-chômage devrait être une façon de vivre, mais plutôt une aide qu'on apporte au gens. En ce sens, plutôt que de provoquer l'affrontement, n'y aurait-il pas lieu de multiplier le nombre de projets générateurs d'ententes fédérales-provinciales-municipales?
M. Massé: Les cotisations à la caisse d'assurance-chômage sont versées par les salariés et les employeurs. Une caisse n'est pas un régime d'assistance. Je vais laisser Pierre vous en dire davantage là-dessus. Au sujet de ce que vous venez d'invoquer, on n'est pas venus ici aujourd'hui pour faire un débat sur la souveraineté. On n'est pas venus faire le procès du fédéralisme non plus. On a tout simplement répondu à une question de M. McClelland qui nous a demandé si c'était rapatrié au Québec. Mais ce n'est pas ce qu'on est venus prêcher ici aujourd'hui. C'est un autre débat, un autre temps.
On est venus vous dire aujourd'hui que le projet de loi sur l'assurance-chômage est inconcevable pour nous. Il faut qu'il soit retiré ou transformé en profondeur. Tant que cela relèvera du fédéral, on vivra avec cela. On est venus parler de cette question.
M. Paquette: Je suis tout à fait d'accord sur l'intervention précédente. On n'aime pas la chicane. On veut de la cohésion. Vous donnez l'exemple de la collaboration de deux services. Pourquoi avoir deux services pour planifier la main-d'oeuvre dans une région? Un service serait suffisant. Au Québec, il y a un consensus. Convainquez votre ministre de régler cela au plus tôt sur la base du consensus. Si vous le voulez, on pourrait même former un petit comité de négociations avec M. Dufour, M. Laurent Beaudoin et d'autres.
Troisièmement, comment se fait-il que dans le budget Martin, vous attaquez les fonds des travailleurs, qui sont à peu près les seules initiatives au Québec qui ont donné quelque chose? Le Fonds de solidarité, qui est le plus gros fonds de travailleurs au Canada, est pénalisé. Nous venons de commencer notre propre fonds. On a amassé, de peine et de misère, huit millions de dollars en trois semaines et, la première année, on nous coupe les ailes. Ce sont là des mesures pour aider l'emploi et non pas pour rehausser la cote du fédéral au Québec.
On a souhaité les manifestations contre le projet de loi C-111 et il y en aura contre le projet de loi C-12. Elles ont même dépassé nos attentes. En Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent, un peu partout à travers le Québec, il n'y a pas une journée où on ne manifeste pas. Vous le savez très bien.
Il y aura une grosse manifestation le 31 mars dans la circonscription de votre premier ministre, à Shawinigan. Il y en aura une à Matane dans quelques semaines, de même qu'à Chicoutimi. Quand vous allez voir des milliers de personnes descendre dans la rue dans ces régions, j'espère que cela vous fera réfléchir et que vous verrez qui sera tenu responsable des effets de cette loi sur les conditions de vie des gens. Laissez-moi vous dire que ce ne sera pas le gouvernement du Québec. Ce sera plutôt le gouvernement fédéral, comme on tient responsable M. Martin des coupures effectuées dans nos fonds de travailleurs.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Paquette. Je vous sais gré d'avoir énoncé la liste des points de contestation pour la gouverne de tous les députés, mais je voudrais maintenant donner la parole à M. Dubé.
[Français]
M. Dubé (Lévis): J'aimerais faire un commentaire, et je vais laisser Mme Lalonde compléter par la suite. J'ai écouté mon collègue, M. Lavigne, et je pense qu'il n'a pas compris qu'il paraissait à la télévision. Il a dit des choses incroyables. Il a véhiculé certains préjugés contre les chômeurs, à savoir qu'ils sont des chômeurs volontaires, qu'ils vont se faire dorer la «bedaine».... S'il pense avoir marqué des points en disant ces choses-là à la télévision aujourd'hui, je suis désolé, mais il se trompe.
Monsieur Massé, j'ai une courte question à vous poser. Les travailleurs de la construction, comme vous l'avez expliqué, font parfois d'assez bons salaires. Cependant, l'abaissement du plafond des prestations et des gains assurables aura des conséquences incroyables. Il faut rappeler les chiffres. Le taux de prestations maximum était de 448 $ et il a été abaissé à 413 $. Mais si la personne devient réitérante, après cinq fois, le taux passera à 375 $ par semaine. Et si en plus, pour ces personnes, on applique la règle des quatre semaines mortes, le taux diminuera encore. Il faut se demander si à un certain moment, il en restera encore, des prestations d'assurance-chômage.
J'aimerais que vous commentiez sur les cotisations. Dorénavant, un bon nombre de personnes ne pourront jamais bénéficier de l'assurance-chômage, mais vont quand même cotiser. Je voudrais savoir si le monde syndical serait ouvert à une augmentation du plafond, pour faire face... Les centrales syndicales accepteraient-elles qu'on hausse ce plafond au lieu de l'abaisser, comme le fait le gouvernement?
M. Massé: Cela fait des années qu'on demande le déplafonnement. D'ailleurs, c'est l'une des questions dont on a discuté au comité fédéral sur la réduction du temps de travail, pour encourager la réduction du nombre d'heures supplémentaires et pour faire en sorte qu'on cotise sur l'ensemble des heures travaillées, sur l'ensemble du salaire. Ainsi, les employeurs feraient peut-être un peu plus d'embauche.
Le plafond devrait-il être à 100 000 $, à 110 000 $, à 96 000 $ ou à 85 000 $? On n'a pas fait cet exercice, mais on a souhaité le déplafonnement.
M. Paquette: On pourrait souligner qu'un des aspects les plus iniques de la loi - je ne trouve pas d'autre mot - , c'est que l'on cotise à partir de la première heure, mais que l'on n'aura droit aux prestations que si l'on se qualifie et qu'on remboursera seulement si la personne gagne moins de2 000 $.
Cela veut dire que plusieurs milliers de personnes qui vont cotiser n'auront pas droit aux prestations ni au remboursement. Donc, ce projet de loi ne répond pas du tout aux besoins des plus bas salariés dans notre société.
Et là, je m'aperçois qu'on assiste même à du sabotage.
[Traduction]
Le président: Qu'une chose soit bien claire: dans l'enceinte du Parlement, rien n'est jamais garanti.
[Français]
M. Paquette: On a peut-être des problèmes en éducation, mais il y a peut-être aussi des infrastructures qui sont problématiques.
Mme Lalonde: Ces représentants des trois grandes centrales syndicales se sont donné la peine de préparer un mémoire de qualité et de venir ici après le sommet socio-économique qui s'est terminé tard hier soir. Je suis triste de constater qu'ils ont été reçus de cette façon par les collègues d'en face, qui auraient pu au moins s'inquiéter des raisons pour lesquelles ils font leurs recommandations.
Après les discours politiques que vous nous avez faits l'un et l'autre, je peux bien m'excuser en votre nom à nos invités. Nous n'avons jamais eu envers qui que ce soit une telle attitude, et au comité, on ne fait pas cela non plus. D'habitude, on se respecte.
[Traduction]
Le président: Était-ce une observation ou une question? C'est l'élément important.
[Français]
Mme Lalonde: Avant de vous demander de répondre à ma question, je voudrais vous rappeler et rappeler aux collègues d'en face que le ministre Bourbeau, d'ailleurs extrêmement libéral et fédéraliste, a souligné, en janvier 1993 et à plusieurs autres reprises durant cette année-là, combien le fait d'avoir deux réseaux qui s'occupent des mesures actives était lourd et coûteux, même quand la coordination entre les deux niveaux de gouvernement était à son meilleur. Et il ajoutait que l'administration était coûteuse, qu'elle était un frein. Donc, il faut le plus rapidement possible régler cette question-là.
Le consensus québécois, qui a fait ses preuves hier, a besoin de moyens. J'aimerais que vous expliquiez davantage aux collègues d'en face - ils auraient pu vous poser ces questions-là - , pour qu'ils comprennent mieux, pourquoi le consensus québécois exige le rapatriement de toutes les mesures actives.
M. Paquette: Il faudrait peut-être d'abord rappeler, comme M. Bouchard l'a rappelé à la conférence en déplorant justement ces chevauchements et dédoublements, qu'il y a, au Québec,13 000 fonctionnaires fédéraux et provinciaux qui gèrent 110 programmes différents. Donc, il est clair que ces programmes-là se dédoublent, se chevauchent parfois et sont peu connus des personnes qui en ont besoin soit pour améliorer leur formation, soit pour se réintégrer sur le marché du travail.
Le plus gros problème est que quelqu'un qui reçoit des prestations d'assurance-chômage a accès à certains programmes qui sont défrayés par la caisse d'assurance-chômage ou les fonds fédéraux alors que, quand on reçoit des prestations de l'aide sociale, on a accès à d'autres programmes, cela alors que les caractéristiques de la main-d'oeuvre peuvent être exactement les mêmes. Donc, on aurait tout intérêt à n'assigner qu'un type de programmes qui auraient des caractéristiques similaires et qui seraient destinés aux personnes qui sont exclues du marché du travail.
La capacité de jumeler ces politiques de formation à une articulation entre les politiques de soutien du revenu et les politiques de réinsertion sur le marché du travail est un autre élément. Cela est particulièrement important pour les personnes vivant de l'aide sociale qui ont besoin des mêmes mesures.
Finalement, les politiques de soutien du revenu et de formation doivent aller de pair avec des politiques de création d'emplois. Au Québec, on pense être capables de le faire. On en a fait la démonstration au début de la semaine. Il faut, pour avoir des politiques de création d'emplois, que tous les acteurs socio-économiques s'assoient autour de la table pour développer l'emploi. Cela ne peut se faire coast to coast. Cela doit se faire en tenant compte des caractéristiques régionales.
D'une certaine façon, le rapatriement des outils au Québec vise à décentraliser leur utilisation vers les régions. Cela est impossible si on regarde le palier fédéral. Ce sont des choses dont on discute actuellement à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, où les partenaires socio-économiques sont représentés.
[Traduction]
Le président: En tant que président du comité, je tiens à vous remercier de votre témoignage. Vous nous avez indiqué clairement votre position à l'égard de ce projet de loi. J'espérais toutefois que vous profiteriez de l'occasion pour éclairer la lanterne des membres du comité quant à la façon d'améliorer véritablement cette mesure législative.
J'ai été frappé par votre exposé, car vous avez abordé certains points très importants, comme la question de l'écart, les fameuses «semaines mortes», et je sais ce que cela signifie; je comprends ce que vous éprouvez, surtout quand vous parlez des défis que doit relever l'industrie de la construction, car lorsque j'étais étudiant j'ai travaillé sur des chantiers pendant plusieurs étés de suite. Je comprends l'importance des conditions climatiques, je comprends les écarts et les pénuries d'emploi qui existent parfois lorsqu'on passe d'un chantier à un autre. Je suis tout à fait sensible à ce problème. Toutefois, je ne pense pas que les membres du comité ou moi-même puissions aider ces travailleurs de la construction en supprimant complètement un projet de loi.
J'aimerais savoir si vous avez des idées sur la façon de résoudre certains problèmes importants. Je parle de questions comme l'écart, les travailleurs saisonniers et les solutions que l'on peut envisager dans le cadre de ce projet de loi, ainsi que la règle de l'intensité. Comment proposez-vous de régler le problème lié au fait que...?
Je sais que vous êtes tous trois parfaitement au courant de l'évolution que connaît actuellement notre économie. J'en suis convaincu. Il faut également bien comprendre que si nous continuons au rythme actuel relativement au maximum de la rémunération assurable, nous atteindrons 146 p. 100 du salaire moyen dans l'industrie.
En tant que représentants de grands syndicats qui collaborent certainement avec des groupes d'employeurs et tous les autres intervenants de notre économie, pensez-vous que cela crée une distorsion sur le marché? Que pensez-vous d'un système qui est passé de 8 milliards à 16 milliards et à 20 milliards de dollars en moins de 10 ans? Pensez-vous que les choses peuvent continuer ainsi? Autrement dit, en un mot, pensez-vous vraiment que le statu quo est une option valable? J'aimerais que vous répondiez à ces diverses questions car, en tant que président du comité, je suis là pour écouter des suggestions en vue d'améliorer le projet de loi.
[Français]
M. Paquette: Vous trouverez toutes ces suggestions dans le mémoire que nous avons déposé lors des premières consultations sur la réforme Axworthy. On est d'accord sur la cotisation à l'heure, pourvu que les bénéfices soient au prorata des heures travaillées. L'astuce du gouvernement a été d'introduire les heures tout en augmentant les exigences pour avoir droit aux prestations.
Si quelqu'un travaille 15 heures et cotise pour 15 heures, il doit avoir droit à l'équivalent de 15 heures de prestations, au prorata de 55 ou 60 p. 100 des revenus. Ce serait là une ouverture aux nouvelles réalités du marché du travail. On retrouve cela dans certains éléments du projet de loi, mais cela demeure mineur. Qu'on puisse comptabiliser chez deux employeurs, cela peut arriver, mais quand se retrouve-t-on au chômage en même temps chez deux employeurs? Il faut vraiment être malchanceux.
On proposait d'avoir recours au surplus pour maintenir la cotisation à son niveau, mais encore une fois, nous proposions que le gouvernement n'y touche pas. On crée le surplus une fois et ensuite, avec les intérêts accumulés, on peut stabiliser le taux de cotisation.
Nous sommes bien d'accord pour qu'on examine le financement, mais on veut que les entreprises contribuent, car elles bénéficient aussi du système de l'assurance-chômage. Cela leur permet de garder une main-d'oeuvre qualifiée et cela permet aussi à l'ensemble de l'activité économique de ne pas connaître les soubresauts qu'on a connus avant l'introduction de l'assurance pendant les années 1940. On se rappellera la dépression des années 1930.
Si vous voulez que ce soit une taxe sur le capital ou encore une taxe sur la valeur ajoutée, on n'y voit pas de problème. Dans notre mémoire, on évoque toutes sortes de possibilités. Il faut que les entreprises paient leur juste part. Les études démontrent que les employeurs tiennent compte de tout cela quand il y a des négociations au niveau salarial, et pas simplement de la question des cotisations à l'assurance-chômage.
On finit toujours par amortir cela dans le cadre de l'ensemble de la rémunération directe et indirecte des travailleurs et travailleurs. On fait des références à ce sujet dans notre mémoire. On est très ouverts à l'examen d'autres formes de taxation. D'ailleurs, au sommet socio-économique, on s'est dits ouverts pour ce qui est des autres formes de charges sociales qui existent au Québec. Là-dessus, il n'y a pas de problème.
Globalement, il est clair que les pressions exercées sur le système de l'assurance-chômage viennent de notre difficulté à créer de l'emploi. Là-dessus, à part le programme des infrastructures, qu'on a d'ailleurs salué au début, on n'a pas vu beaucoup d'initiatives du gouvernement fédéral pour régler ce problème. C'est à cela qu'on doit s'attaquer.
Réformer le régime de l'assurance-chômage pour diminuer les coûts sans politique d'emploi, cela veut dire réduire les bénéfices des gens ou trouver des astuces pour les empêcher d'y avoir accès. On a fait toute une série de suggestions. On pourra vous faire parvenir des exemplaires de ce mémoire. Je vous rappelle que c'est un mémoire commun CSN-CEQ-FTQ.
[Traduction]
Le président: Croyez-vous à la réduction des cotisations?
[Français]
M. Paquette: En ce qui concerne les cotisations, on est comme tous les contribuables. On ne veut pas cotiser plus qu'il n'est nécessaire. Si des baisses de cotisations signifient des baisses de bénéfices, ce n'est pas intéressant.
Il faut qu'il y ait un niveau de cotisation qui permette à la caisse de subvenir aux besoins essentiels d'une personne qui, temporairement, se retrouve sans emploi. Il est donc bien évident qu'on ne peut pas demander d'augmenter les cotisations. Mais si les baisses de cotisations signifient des baisses de bénéfices, nous allons nous y opposer, comme nous l'avons fait quand des surplus qui avaient été créés en grande partie par les coupures précédentes avaient mené à des baisses de cotisations pour les employeurs.
M. Massé: En ce qui concerne la question précédente, dans ce projet de loi, vous intervenez uniquement sur les effets du chômage mais pas sur ses causes. Il est vrai que certaines régions, au Québec, dépendent d'activités purement saisonnières. Mais aucun gouvernement ne s'est préoccupé de la diversité sectorielle et n'a essayé d'implanter un peu plus d'industries dans ces régions.
Je ne dis pas que c'est facile ni que c'est simple, mais il n'y a pas eu de volonté politique des grands intervenants pour modifier cela. Si on considère simplement le secteur de la construction, on peut dire qu'il est au point mort à l'heure actuelle. Même pendant les belles années, alors qu'on pensait que l'économie était en train de changer, on n'a pas vraiment trouvé de moyens. Des propositions ont souvent été présentées par les syndicats de la construction pour faire en sorte que les grands donneurs d'ouvrage que sont les gouvernements, le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, les municipalités, et les grandes corporations privées essaient de se rencontrer pour planifier leurs travaux et ne pas les donner tous en même temps.
On a connu, dans la construction, de belles périodes pendant lesquelles il n'y avait pratiquement pas de chômage. Mais les coûts de la construction ont tellement augmenté qu'ils ont tué l'industrie et l'ont fait redescendre dans des périodes creuses, de sorte que peu de temps après, il y a eu beaucoup de chômeurs et de chômeuses dans ce milieu. Si on avait pris le temps d'étaler les travaux, le travail aurait duré plus longtemps.
On dirait que cela n'est pas très important dans notre économie. On n'a pas d'emprise ou on ne veut pas en avoir sur ces facteurs, mais quand il s'agit des travailleurs qui sont au chômage à cause de cette situation, on décide de les pénaliser et de diminuer leurs prestations.
En ce qui concerne les cotisations moins élevées, vous ne changerez rien à la situation, à moins que les travailleurs ne fuient complètement le secteur. Bientôt, il y aura une reprise économique dans la construction, et on aura besoin d'une main-d'oeuvre spécialisée et compétente.
Nous sommes préoccupés par toutes ces questions. Vous agissez beaucoup plus sur les effets du chômage que sur ses causes. On ne veut pas faire croire qu'on peut faire passer le taux de chômage au Québec de 13 p. 100 à 6 ou 7 p. 100 en l'espace de quelques mois. On pourrait prendre des décisions qui pourraient changer de façon dramatique les coûts de l'assurance-chômage, mais on ne s'en préoccupe pas.
M. Paquette: J'aimerais ajouter une petite chose à ce sujet. Dans l'ensemble du projet de loi, ce sont les individus que l'on tient pour responsables d'une situation qui est attribuable au secteur économique où ils se trouvent ou à l'entreprise. Il est vrai que des entreprises planifient leur travail en fonction de l'existence du régime de l'assurance-chômage. Il faut souligner que les entreprises sont complètement déresponsabilisées avec le projet de loi C-12. C'est comme si les gens choisissaient de se retrouver au chômage.
Il y a même des institutions publiques qui engagent des gens l'hiver et les mettent au chômage pendant l'été. Ce n'était évidemment pas l'objectif premier de l'assurance-chômage. Donc, même le secteur public utilise l'assurance-chômage pour planifier sa main-d'oeuvre au lieu de réorganiser le travail, et on va pénaliser les gens. Quant aux banques qui font des profits et qui annoncent des mises à pied massives, est-ce que les gens qui sont mis à pied sont responsables?
Non, c'est une stratégie nord-américaine de downsizing qui, à mon avis, va nous amener à un cul-de-sac. On va pénaliser les travailleurs, mais la Banque royale ne sera jamais pénalisée. À mon avis, le comité devrait réfléchir à la façon de responsabiliser les entreprises en ce qui concerne la gestion de la main-d'oeuvre et l'utilisation adéquate de l'assurance-chômage.
[Traduction]
Le président: Votre intervention est des plus intéressantes. J'ai deux dernières questions à soulever. Que pensez-vous du Fonds transitoire pour la création d'emplois de 300 millions de dollars et du supplément du revenu familial à l'intention des chômeurs à faible revenu qui ont des personnes à charge?
[Français]
M. Paquette: En ce qui concerne le supplément de revenu, nous n'en voyons pas la pertinence. Il y avait déjà, dans la Loi C-17 que vous avez adoptée, le 60 p. 100 pour les personnes en chômage ayant des personnes à charge. À notre avis, c'est une mesure beaucoup plus équitable. Cette fois-ci, on examine le revenu familial et on va pénaliser les femmes, parce que ce sont elles qui ont le revenu le plus bas dans le ménage et qui sont le plus susceptibles d'être en chômage. Elles n'auront plus droit à ce supplément auquel elles avaient droit auparavant. À notre avis, il vaut certainement mieux maintenir le 60 p. 100 qui est un moindre mal.
Quant aux 300 millions, il faudrait qu'on le remette dans l'ensemble du pot pour que le Québec puisse être en mesure, pour sa part, de se doter d'une politique cohérente de création d'emplois. Pour nous, c'est cependant nettement insuffisant par rapport aux effets négatifs que va avoir l'ensemble de la réforme.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Massé, monsieur Paquette et monsieur Lachance.
En ma qualité de président du comité, je vais également demander au ministère du Développement des ressources humaines de vous faire parvenir les 26 études indépendantes qui ont été publiées par le ministère, car j'ai constaté que, au cours de nos audiences, nous nous fondons sur des données différentes pour analyser les mêmes questions. Il faut trouver une solution car cela me paraît pour le moins gênant. Je vais donc faire en sorte que vous obteniez toute l'information nécessaire pour que nous soyons sur la même longueur d'onde. Merci beaucoup.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Puis-je demander au greffier de faire traduire ce mémoire en anglais pour que les autres membres du comité puissent le lire également, car il n'est disponible qu'en français.
Ce matin, les députés du Bloc se sont plaints du fait que la plupart des mémoires nous parviennent en anglais. Cela vaut également pour les députés anglophones. J'aimerais pouvoir lire ce mémoire à tête reposée. Pouvez-vous demander au greffier de le faire traduire en anglais? J'aimerais savoir ce qu'ont dit les centrales syndicales aujourd'hui, étant donné que je n'ai jamais eu l'occasion de lire leur mémoire à l'avance.
Le président: Puisque vous soulevez la question, j'aimerais répondre à une intervention faite ce matin à juste titre par Mme Lalonde au sujet du problème de la traduction.
Lors de notre séance d'organisation, où nous avons élu le président et les vice-présidents, nous avons également approuvé des motions courantes. L'une de ces motions - et il y avait alors des représentants du Bloc québécois, si je ne m'abuse - prévoyait que le greffier du comité soit autorisé à distribuer des documents aux membres du comité dans la langue où ils nous parviennent et de s'assurer ensuite que ces documents sont traduits et distribués dans les plus brefs délais.
J'aimerais signaler à la députée de Mercier que j'ai demandé au greffier si cette motion est bien respectée. Il m'a garanti que c'est ainsi que les choses se passent et que la motion approuvée par l'ensemble des députés est appliquée à la lettre.
Nous devrions donc recevoir les mémoires qui nous parviennent en anglais traduits dans la version française, et vice versa, cela va de soi.
[Français]
Mme Lalonde: Après les séances?
[Traduction]
Le président: Non. Auparavant, oui - dans un délai raisonnable. Je suppose que ce sera avant la fin des audiences.
[Français]
Mme Lalonde: Excusez-moi, il faut que ce soit avant la séance.
[Traduction]
Le président: Oui.
[Français]
Mme Lalonde: D'accord.
[Traduction]
Le président: Avant que la personne ne comparaisse?
[Français]
Mme Lalonde: Oui.
[Traduction]
Le président: Non, c'est impossible. Si c'était le cas, nous n'aurions pas pu entendre le témoignage des représentants des centrales syndicales aujourd'hui.
[Français]
Mme Lalonde: Oui, mais cela veut dire qu'il faudrait s'organiser. On a fait la liste des mémoires qui ont été présentés et seuls quelques-uns étaient en français. On sait que si on n'a pas la traduction, c'est probablement parce que tout cela a été trop vite, mais c'est un droit que d'avoir le texte traduit pour la séance.
[Traduction]
Le président: Absolument. Nous allons donc appliquer à la lettre la motion courante que nous avons adoptée lors de notre séance d'organisation.
M. McClelland: Ce n'est pas la première fois que cela se produit, et ce n'est pas non plus le seul comité dans ce cas.
En tant que comité et comme parlementaires, nous devrions faire preuve de courtoisie à l'égard de nos témoins et de nos invités. Si, pour une raison quelconque, ces derniers se présentent avec un mémoire qui n'est pas traduit, c'est notre problème et non le leur. Nous devrions laver notre linge sale en famille. S'il faut deux ou trois jours pour obtenir la traduction, eh bien nous attendrons qu'elle soit disponible. Ce n'est pas la fin du monde.
Le président: Nous sommes tous d'accord avec vous, monsieur McClelland.
Nous avons adopté cette motion courante. Je vais m'y tenir, car c'est la seule directive que j'ai reçue des membres du comité.
Il y a également une question d'ordre administratif à régler. Jeudi dernier, j'ai demandé au ministère de fournir au comité un document précisant clairement les règles d'admissibilité aux prestations spéciales aux termes de l'assurance-chômage et les modifications prévues dans le projet de loi C-12. Je dépose aujourd'hui une note d'information reçue du ministère à ce sujet. Elle est conforme à ma requête. Les députés constateront que dans cette note, on indique la période de référence pour avoir droit aux prestations normales et spéciales, à la fois dans le cadre du régime actuel d'assurance-chômage et dans le régime d'assurance-emploi prévu. Les renseignements contenus dans cette note d'information nous seront utiles en vue des prochains témoignages que nous recevrons et lorsque nous discuterons d'éventuels amendements que pourront proposer les membres du comité dans les semaines à venir.
Je tiens toutefois à signaler aux membres du comité une disposition du projet de loi qui porte sur les prestations spéciales. Je suis sûr que nous souhaitons tous y apporter une modification. Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-12 semble dire que les nouveaux actifs et les personnes qui réintègrent la population active devront travailler pendant 910 heures avant de pouvoir demander non seulement des prestations normales d'assurance-emploi, mais également des prestations spéciales, notamment pour congé de maternité, congé parental et maladie. D'après mes renseignements, toutefois, le gouvernement souhaitait que le nombre d'heures pour être admissible, qu'il s'agisse de nouveaux actifs ou de personnes qui réintègrent la population active, ne s'applique pas à l'égard des prestations spéciales. Autrement dit, le seuil de 700 heures aux fins de l'admissibilité devait s'appliquer à tous les demandeurs de prestations spéciales, qu'il s'agisse de nouveaux actifs ou de travailleurs de longue date ou non. Par conséquent, je pense qu'il faudra au moins préciser le libellé du projet de loi de façon à supprimer ce fardeau supplémentaire qui est imposé, involontairement semble-t-il, aux nouveaux actifs qui veulent demander des prestations de maternité.
Je vais donc déposer ce document et le faire distribuer aux membres du comité.
Nous passons maintenant à nos prochains témoins qui représentent l'Institut canadien d'éducation des adultes. Il s'agit de Pierre Paquette, président, et de Gaétan Beaudet, chargé de projet.
Comme vous le savez, nous sommes ici pour améliorer le projet de loi C-12. Notre comité a cerné certains secteurs où des améliorations s'imposent. Nous avons eu la chance d'entendre jusqu'ici de nombreux témoins qui nous ont donné leur avis sur le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada.
Nous avons environ une heure à vous consacrer. Nous vous demanderons de nous présenter tout d'abord les grandes lignes de votre mémoire et de souligner les points qui vous préoccupent le plus. Puis nous passerons à la période de questions et réponses.
Merci beaucoup. Allez-y.
[Français]
M. Pierre Paquet (président, Institut canadien d'éducation des adultes): Merci, monsieur le président. Au nom de l'Institut canadien d'éducation des adultes, je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui.
Je vais prendre quelques minutes pour présenter l'Institut canadien d'éducation des adultes. Important carrefour de réseaux publics, syndicaux et communautaires d'établissements d'enseignement, l'ICEA accompagne et soutient le développement de l'éducation des adultes au Canada et au Québec depuis 50 ans. Nous fêtons cette année notre cinquantième anniversaire.
Dans une vision large de l'éducation permanente, l'Institut s'intéresse à tous les domaines de formation continue. L'ensemble de son action est guidé par un souci constant de mettre de l'avant le point de vue des adultes et de favoriser l'accès tout autant que le développement de services répondant aux besoins des adultes.
Notre mission en est une de promotion et de défense de l'éducation des adultes et de la formation continue. Elle se concrétise autour de trois axes de travail: premièrement, la concertation des partenaires en éducation des adultes; deuxièmement, l'analyse critique des politiques publiques; et troisièmement, la recherche et le développement d'expertise pour soutenir les diverses interventions publiques.
En ce qui concerne le projet de loi C-12, celui-ci constitue la réforme de l'assurance-chômage la plus importante depuis celle de 1989, associée à la stratégie de mise en valeur de la main-d'oeuvre et au retrait du gouvernement du financement de la caisse d'assurance-chômage.
L'ICEA a eu l'occasion d'intervenir à différentes reprises sur ces réformes. Nous sommes intervenus en 1989: nous avions alors fait une présentation devant le comité parlementaire de la Chambre des communes et au comité spécial du Sénat. Nous sommes intervenus également en 1994 sur le Livre vert portant sur la réforme de la sécurité sociale.
Le mémoire que nous soumettons aujourd'hui analyse la réforme à la lumière de l'importance stratégique que revêtent désormais pour les individus et les collectivités l'éducation, la formation professionnelle et, plus largement, le développement de la main-d'oeuvre.
Nous voulons tout de suite souligner notre vive inquiétude quant aux effets d'exclusion et de marginalisation qu'accentuera ce projet de réforme s'il est mis en application.
Étant donné que la réforme s'insère dans un processus de révision des programmes sociaux, rappelons les principes fondamentaux guidant notre analyse. À notre avis, la réforme de la sécurité sociale doit: premièrement, proposer une vision globale et une approche intégrée du développement social et économique; deuxièmement, s'accompagner d'une réforme de la fiscalité; troisièmement, reconnaître à l'État un rôle déterminant dans la répartition de la richesse à travers l'ensemble du pays; quatrièmement, favoriser l'accès à une formation qualifiante pour la main-d'oeuvre; cinquièmement, s'appuyer sur une véritable politique de relance de l'emploi et de lutte à l'exclusion.
Dans un premier temps, nous mettrons brièvement en relief notre compréhension de la logique qui sous-tend le projet de loi C-12, notamment en matière de soutien du revenu, et nous évoquerons brièvement la situation du marché du travail au Canada, mais le coeur de notre présentation portera sur la partie du projet de loi relative aux prestations d'emploi et au type de collaboration que le gouvernement fédéral entend développer avec les provinces.
D'après nous, le projet de loi s'inspire, pour l'essentiel, de la stratégie de l'OCDE dans son étude sur l'emploi de 1994. Selon cette étude, la cause principale du chômage n'est à rechercher ni dans les progrès technologiques ni dans la concurrence des pays en voie de développement, mais plutôt dans l'incapacité des pays industrialisés à s'adapter et à accroître la flexibilité de leur économie.
Ce serait la rigidité des systèmes de protection sociale, de salaire minimum, les normes de travail qui nourriraient le chômage. La recette consiste à sabrer dans les dépenses des programmes sociaux, à mettre la priorité sur l'assainissement des dépenses publiques tout en ignorant la nécessaire révision des politiques fiscales et les effets désastreux de l'approche monétariste sur les taux de chômage.
C'est cette voie qu'emprunte le gouvernement fédéral. Le projet de loi C-12 est soutenu par deux logiques qui consolident le modèle de gestion du chômage, une logique que nous jugeons trop exclusivement axée sur les compressions budgétaires, en regard du déficit fédéral, et une logique d'affaiblissement du filet de sécurité de manière à exercer une pression à la baisse sur les salaires.
Le projet de loi prévoit une réduction des coûts de 10 p. 100 du régime, soit 1,6 milliard de dollars, tel que l'exigeait le ministre des Finances, M. Paul Martin.
Déjà, depuis le début des années 1990, les coupures succèdent aux coupures pour les prestataires du régime d'assurance-chômage. Selon certaines études faites par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les réductions de dépenses accumulées du régime, depuis les modifications apportées successivement par les ministres McDougall, Valcourt, Martin et Axworthy, seraient de l'ordre de 44 milliards de dollars entre 1991 et 1999. Quant au retrait du financement du gouvernement fédéral du régime d'assurance-chômage, depuis la fin 1990, il représenterait une réduction des dépenses de l'ordre de 25 milliards de dollars, pour la même période de 1991 à 1999.
Donc, depuis la fin de l'année 1990, le gouvernement fédéral s'est retiré du financement du régime, mais il continue à utiliser les surplus du compte d'assurance-chômage pour réduire son déficit. Avec un surplus de 5 milliards de dollars, la caisse apparaît actuellement comme une véritable poule aux oeufs d'or servant à réduire le déficit.
Enfin, le gouvernement fédéral va chercher à même la caisse d'assurance-chômage du financement pour alimenter le Fonds d'investissement, le FIRH (400 millions de dollars cette année et 800 millions de dollars à la fin de l'exercice). Parallèlement, le gouvernement continue de réduire la part qui provient des fonds généraux destinée à soutenir la mise en place de mesures actives à l'intention des personnes sans emploi.
D'après nous, en privilégiant l'adaptation du marché du travail à l'évolution de l'économie mondiale, les politiques gouvernementales, notamment les réformes successives de l'assurance-chômage, ont eu pour effet d'accentuer l'exclusion du marché du travail d'une partie de la population active, souvent peu qualifiée, ou de la marginaliser davantage.
Même en période de croissance économique, le nombre d'emplois créés demeure insuffisant pour réduire significativement le taux de chômage. De plus, la fréquence et la durée du chômage se sont accrues à un point tel que, pour certaines catégories de population - les femmes, les minorités visibles, les autochtones, les personnes handicapées, les jeunes - , il faut parler de chômage chronique. Notons par ailleurs qu'à l'heure actuelle, pratiquement quatre emplois sur dix sont dits «atypiques». Il n'est donc pas étonnant de constater qu'en 1993, environ 40 p. 100 des prestataires l'avaient été à trois reprises au cours des cinq dernières années.
Dans la mesure où le Livre vert sur la réforme de la sécurité sociale faisait largement état des transformations structurelles de l'économie canadienne, l'ICEA espérait du présent projet de loi qu'il propose des solutions permettant de contrer l'exclusion reliée à la dualisation du marché du travail qu'avait bien décrite le Livre vert.
Pour l'ICEA, la réduction du déficit et la lutte au chômage constituent des objectifs conciliables. Comme le disait un texte de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, appelé «Corvée nationale de l'emploi», il n'existe pas de contradictions entre les objectifs d'assainissement des finances publiques et de lutte au chômage, bien au contraire.
La remise au travail dans des emplois productifs de personnes qui dépendent présentement de prestations publiques contribuerait, plus que toute autre mesure, à améliorer le solde budgétaire du gouvernement.
Les calculs qui ont été faits à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre montrent de combien la dette publique serait réduite si le taux de chômage baissait de 1 p. 100 au cours des prochaines années. En une seule année, c'est une réduction assez imposante. Pour une seule année, on parle d'un réduction de 1,5 milliard de dollars. Donc, sur cinq ans, c'est une réduction de 7,7 milliards de dollars qu'entraînerait une réduction du taux de chômage de 1 p. 100, au Québec seulement.
Le gouvernement fédéral serait le grand gagnant: 5,8 milliards de dollars sur les 7,7 milliards de dollars viendraient en réduction du déficit fédéral et 1,2 milliards de dollars en réduction du déficit du Québec.
En proposant d'introduire un régime à deux vitesses fondé sur la distinction entre prestataires occasionnels et prestataires fréquents, le projet de loi contribue plutôt à renforcer la dualisation du marché du travail. L'introduction de ces deux catégories de chômeurs restreindra encore plus l'accès aux bénéfices du régime. L'accès sera encore plus difficile pour les personnes qui entrent ou qui reviennent sur le marché du travail, notamment les femmes, les jeunes et les personnes immigrantes.
Ces travailleurs devront dorénavant accumuler un nombre d'heures considérable avant d'avoir droit à leur première prestation. À notre avis, il y a tout lieu de croire que plusieurs de ces personnes paieront des cotisations sans jamais avoir droit aux prestations.
Bref, il ressort de notre analyse et de la lecture que l'on fait du projet de loi que la réforme proposée s'effectuera avant tout sur le dos des chômeurs et qu'elle aura pour conséquence leur marginalisation, sinon leur exclusion du marché du travail. Aussi, l'ICEA propose de revoir ce chapitre de la réforme de l'assurance-chômage.
Je me réfère ici au texte de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui reconnaissait que, de toute évidence, il faut redresser les finances publiques. Le débat véritable porte sur les moyens pour y parvenir. Comme il est à peu près exclu de recourir à une hausse généralisée de la fiscalité, il reste essentiellement deux façons d'arriver à cet objectif, soit des coupures additionnelles dans les dépenses de programmes et de transferts, soit la stimulation de la croissance économique et les rentrées fiscales qui y sont associées.
Si de nouvelles coupures de dépenses peuvent être considérées comme inévitables et même souhaitables dans certains cas, il reste que le rééquilibrage des finances publiques, grâce à une croissance économique vigoureuse, permettrait de faire d'une pierre deux coups. Non seulement pourrait-on résorber le déficit public plus facilement mais, en outre, on s'attaquerait à l'une des causes principales de celui-ci, le chômage, tout en maintenant la capacité de financer les initiatives publiques qui doivent l'être.
La dernière partie de la présentation porte sur les mesures actives et les compétences provinciales.
L'ICEA est convaincu que la réforme de la sécurité sociale que le gouvernement fédéral a entreprise constitue un moment privilégié pour réviser en profondeur les axes d'évolution des politiques sociales afin d'orienter la formation professionnelle et le développement de la main-d'oeuvre dans le sens de l'établissement d'une politique active du marché du travail et d'un partenariat renouvelé entre le monde de l'éducation et le monde du travail.
C'est pourquoi, à notre avis, la réforme de l'assurance-chômage devrait conduire le gouvernement fédéral à reconnaître la compétence des provinces en matière de développement de la main-d'oeuvre et favoriser de la sorte les réformes qui ont cours actuellement au Canada.
Au Québec, par exemple, le gouvernement cherche à se donner les moyens nécessaires pour articuler sa politique active du marché du travail à la réforme de son système d'éducation et à celle de son régime d'aide sociale.
Rappelons d'abord qu'en 1990, lors du débat entourant le projet de loi C-21, l'ICEA avait manifesté son intérêt à l'égard de l'initiative fédérale portant sur la création d'un fonds spécial destiné à la formation, au retour en emploi et à l'entreprenariat.
L'Institut appuyait notamment l'idée d'élargir l'aide à la formation au moyen d'un soutien du revenu des prestataires durant leur période de formation. Mais l'ICEA s'opposait au fait que le gouvernement fédéral utilise la caisse d'assurance-chômage pour financer des mesures visant les non-prestataires ou pour financer directement les activités de formation auparavant prise à charge à même les fonds généraux du gouvernement. Nous maintenons cette position à l'heure actuelle.
L'ICEA appuie, dans le projet de loi, l'effort de rationalisation des mesures, qui passent de 39 programmes à cinq types de prestations. Mais l'ICEA continue à s'opposer à l'utilisation de la caisse d'assurance-chômage pour financer des mesures destinées à des non-prestataires ou pour financer des mesures autres que le soutien du revenu des prestataires.
Par ailleurs, il nous paraît important de dire que la mise en place de nouveaux types de prestations d'emploi demeurera un leurre si elle ne s'accompagne pas d'une véritable politique de création d'emplois.
Malgré le discours relatif au Fonds d'investissement, au FIRH, l'ICEA est d'avis que les différents types de prestations proposés ne parviendront pas à compenser l'absence de politiques actives du marché du travail. Ce ne sont pas les lignes directrices contenues dans le projet de loi qui seront en mesure de créer les conditions nécessaires de proximité, de flexibilité et de partenariat pour intervenir de façon cohérente et efficace aux niveaux provincial, régional et local. Le financement direct de projets locaux non inscrits dans une perspective d'ensemble risque fort de n'être qu'une autre forme de saupoudrage.
Nous croyons que le gouvernement fédéral serait mieux inspiré de répondre positivement aux revendications du gouvernement québécois et au consensus de tous les partis à l'Assemblée nationale dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre, de même qu'au consensus de tous les partenaires socio-économiques dans ce domaine qui sont présents au conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire le patronat, les syndicats, le secteur communautaire et les établissements d'enseignement.
Dans ce projet de loi, le gouvernement fédéral réitère son intention de respecter les compétences provinciales et annonce même son éventuel retrait de ces champs de compétence.
Mais dans les faits, l'ICEA y trouve plutôt une forme de désinvestissement du gouvernement en matière de formation qui reporte le fardeau sur les individus, avec l'accord conditionnel réclamé de chacune des provinces.
Les provinces se verraient contraintes de respecter les lignes directrices du gouvernement fédéral si elles voulaient se voir confier la gestion du développement de la main-d'oeuvre.
L'ICEA ne peut que déplorer, encore une fois, le choix du gouvernement fédéral de se maintenir, au-delà du discours, dans ce champ de compétence provinciale au moyen de lignes directrices.
Le gouvernement fédéral poursuit son incursion dans ce champ de compétence provinciale, notamment au moyen de son service national de placement et des prestations d'emploi pouvant être gérées soit par un organisme gouvernemental, soit par un comité sectoriel, soit par tout autre organisme désigné.
À vrai dire, en mettant les gouvernements provinciaux possiblement sur le même pied que tout autre organisme, le projet en arrive à banaliser les compétences provinciales en matière de formation et de développement de la main-d'oeuvre. De fait, il occulte au Québec, par exemple, le rôle joué par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre comme outil collectif de développement de sa main-d'oeuvre. Il va même jusqu'à fragiliser cet organisme.
En ce sens, la proposition d'un guichet unique, réduite au fait de loger sous un même toit différents services, n'apporte pas de solution réelle au problème du fouillis administratif tant dénoncé. Au contraire, le développement de centres locaux de ressources humaines contribuera à accentuer le gaspillage et les dédoublements de services et de programmes dans une période de rareté des ressources, ce qui nous paraît inacceptable.
La proposition manifeste à nouveau la fin de non-recevoir qu'oppose le gouvernement fédéral aux revendications traditionnelles du Québec en matière de formation et de développement de la main-d'oeuvre, et au consensus de tous les partenaires socio-économiques dans ce domaine.
Les principales recommandations que nous faisons aujourd'hui au comité sont: premièrement, que le gouvernement fédéral assume directement le financement des mesures actives réservées aux non-prestataires de l'assurance-chômage et s'entende avec les provinces à ce sujet; deuxièmement, que le régime d'assurance-emploi soit maintenu comme un régime d'assurance visant essentiellement le soutien du revenu. La caisse d'assurance-chômage ne doit pas servir à financer les prestations d'emploi autres que le soutien du revenu des prestataires. Le financement des autres dépenses liées aux prestations d'emploi doit provenir des fonds généraux du gouvernement. Finalement, nous recommandons que soit clairement affirmée et reconnue la juridiction des provinces dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre et du développement de l'emploi; que leur soient dévolus en conséquence le plein contrôle et la gestion des budgets relatifs aux services, mesures et programmes de formation de la main-d'oeuvre et de développement de l'emploi, notamment les budgets des mesures actives financées par la caisse d'assurance-chômage. Merci.
[Traduction]
Le président: Cela conclut votre exposé, je suppose? Merci beaucoup.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Dubé: Vous avez souligné que c'est le cinquantième anniversaire de votre organisme, que je connais bien parce que j'ai souvent eu recours à vos publications. J'ai par la suite reconnu à maintes reprises votre implication sociale dans les principaux débats de la société québécoise.
Comme vous le devinez sans doute, on reçoit beaucoup de témoins, et certains aspects sont répétitifs. Mais aujourd'hui, vous apportez deux points de vue nouveaux: premièrement, votre référence à l'OCDE et, deuxièmement, une diminution additionnelle de 1 p. 100 du chômage.
Vous avez accès à beaucoup de documentation et avez démontré que vous avez une vision historique. J'ai suivi cela et je connais un peu le rôle qu'a joué le ministère fédéral du Développement des ressources humaines dans ce dossier-là. Les pays membres de l'OCDE se répartissent les dossiers pour les recherches et études, et on sait que le Canada était l'un des principaux leaders, sinon le principal, dans la stratégie dont vous avez parlé. Donc, quand on dit que le Canada a suivi la stratégie de l'OCDE, à mon avis, cela veut dire - je ne sais pas si vous êtes d'accord - que l'OCDE a suivi la stratégie du Canada.
J'aimerais que vous parliez plus longuement de la dette, parce que c'est un sujet qui préoccupe tout le monde à l'heure actuelle. Dites-moi un peu sur quoi se base votre théorie d'une diminution de 1 p. 100 du chômage. Quelles études ont été faites et pourrait-on les obtenir?
M. Paquet: En ce qui concerne le 1 p. 100 de réduction du taux de chômage au Québec, les calculs ont été faits. Je pourrai vous laisser une copie de «La corvée nationale de l'emploi». C'est un document de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui a été préparé en fonction du Sommet sur le devenir social et économique. Il n'a pas fait l'objet d'un débat comme tel, mais il a été préparé dans le but de s'attaquer à la fois aux problèmes du déficit et à la relance de l'emploi. C'est un document de travail qui avait été préparé et débattu par les partenaires membres de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui était aussi représentée au Sommet sur le devenir social et économique.
M. Dubé: Puis-je suggérer au président que vous le déposiez au comité à l'intention de tous les membres du comité?
M. Paquet: Avec plaisir. D'ailleurs, c'est un document qui avait été rendu public par Mme Harel à la rencontre de Toronto.
M. Dubé: Ce serait utile.
M. Paquet: D'après les tableaux que nous avons, la méthode de calcul utilisée est analogue à celle retenue par un organisme appelé le Forum de l'emploi. Il y a là-dedans le type de calcul qui a été fait en détail pour les années 1996 à 2000. Il donne des détails sur l'impact cumulatif d'une réduction du taux de chômage de 1 p. 100 par année au Québec sur les déficits du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral.
On dit quelles seraient les augmentations d'impôts directes pour tous les gouvernements, quelles seraient les augmentations d'impôts indirectes nettes, quelles seraient les réductions de l'aide sociale et, au total, quelle serait la réduction de leurs déficits. Ensuite on détaille cela pour les paliers provincial et fédéral. C'est ce qui nous permet de voir que le palier fédéral est celui qui en bénéficierait le plus, et de beaucoup.
Donc, une stratégie axée non seulement sur les compressions budgétaires mais aussi sur la relance de l'emploi aurait des effets bénéfiques. C'est dans ce sens-là qu'on disait qu'il ne s'agit pas d'objectifs contradictoires. Bien au contraire, si on peut, parallèlement à certaines compressions qui sont sans doute nécessaires, avoir une autre griffe pour attaquer le problème de la relance de l'emploi, on sert le même objectif en bout de piste.
M. Dubé: Quant au premier aspect?
M. Paquet: Pour le premier aspect, je vais demander à M. Beaudet de vous donner plus d'information.
M. Gaétan Beaudet (chargé de projet, Institut canadien d'éducation des adultes): Sur cette question, le document de l'OCDE paru en 1994 disait que, pour ralentir l'emploi, il fallait voir quelles étaient les raisons profondes qui empêchaient la relance de l'emploi. Le document affirmait que le progrès technologique et la concurrence des pays en voie de développement, où les salaires sont plus bas, ne constituaient pas le principal facteur.
Chacun des pays qui participent à l'OCDE commande des études, amène des collaborations, fournit des projets, des perspectives de recherche qui viennent alimenter le travail de l'organisation, et on sait que le Canada a collaboré de façon intensive à ces recherches.
Il y a quand même un consensus. Il semble se dégager des lignes de force parmi les pays de l'OCDE. Les principales raisons sont les problèmes d'adaptation de l'économie et la flexibilité que devraient avoir les différents pays pour relancer l'emploi. Dans ces questions, souvent, au lieu de mettre l'accent sur des politiques de création d'emplois, on le met plutôt sur les rigidités ou on s'attaque aux protections sociales, au salaire minimum, aux normes du travail sous prétexte que cela rendra la création d'emplois plus facile pour les entreprises.
On sait que toutes les mesures qui ont été prises depuis plusieurs années, au Canada comme ailleurs, afin de rendre le marché du travail plus concurrentiel et plus flexible au moyen d'une déréglementation n'ont pas conduit à une création d'emplois suffisante pour relancer l'économie sur cet axe.
On ne croit pas que les coupures et le fait de rendre le marché du travail encore plus flexible par des mesures qui s'attaquent aux chômeurs et aux plus bas salariés vont relancer l'emploi. Il faut envisager d'autres perspectives pour ce faire.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur McClelland.
[Français]
M. McLelland: Je dois poser ma question en anglais.
[Traduction]
J'ai deux questions à poser. Je vais les poser en même temps et si vous voulez y répondre d'un seul coup, cela nous fera gagner du temps.
À votre avis, la caisse d'assurance-chômage devrait-elle servir à la redistribution du revenu ou uniquement à l'assurance-chômage financée par les employeurs et les employés? Dans ce dernier cas, le financement de la formation devrait-il être tout à fait distinct de l'assurance-chômage?
Ma deuxième question découle des observations faites par d'autres témoins avant vous selon lesquelles l'assurance-chômage devrait être gérée uniquement par la province de Québec, sans la moindre participation du fédéral. À votre avis, est-ce une bonne idée? Dans l'affirmative, cela entraînera-t-il une hausse des taux de cotisation au Québec où les taux de chômage sont supérieurs à la moyenne?
[Français]
M. Paquet: En ce qui a trait à la première question, nous croyons que la caisse de l'assurance-chômage ne devrait pas devenir un régime d'assistance-emploi, qu'elle ne devrait pas être un moyen de redistribution du revenu. Il y a d'autres façons de faire la redistribution du revenu. On peut, par exemple, assurer un revenu familial supplémentaire ou adopter d'autres mesures comme celle-là.
L'assurance-chômage devrait servir exclusivement au soutien du revenu. Cela dit, nous sommes tout à fait favorables aux mesures actives. On a démontré de toutes sortes de façons combien le régime de l'assurance-chômage au Canada était un régime passif contrairement à ceux d'autres pays où on a investi beaucoup plus dans des mesures actives.
Nous sommes clairement favorables aux mesures actives. Nous pensons que c'est un élément essentiel et qu'on devrait accentuer ce volet. Cependant, les mesures actives ne doivent pas financer entièrement les activités de formation et de développement de la main-d'oeuvre à même la caisse de l'assurance-chômage.
Nous considérons que le soutien du revenu doit être pris à même la caisse de l'assurance-chômage et que les autres dépenses doivent être financées par les fonds généraux de l'État, ce qui n'est évidemment pas la tendance du projet de loi ou des derniers gouvernements que nous avons connus. La tendance a été de diminuer l'entrée de fonds à partir des fonds généraux de l'État et d'accroître la proportion de la caisse de l'assurance-chômage servant aux mesures actives.
Oui, les mesures actives devraient être accentuées, développées, mais la caisse ne devrait financer que la partie du soutien du revenu et devrait n'être destinée qu'aux prestataires d'assurance-chômage. Pour les autres personnes, cela devrait être tiré de fonds autres que la caisse d'assurance-chômage.
En ce qui a trait à la deuxième question, en 1990, nous avons refusé de nous prononcer là-dessus et nous ne nous prononcerons pas davantage aujourd'hui. C'est une question complexe. Autant, au Québec, il y a un consensus ferme et fort de tous les partenaires sur le rapatriement des mesures actives de formation de la main-d'oeuvre et de développement, autant il y a division sur le rapatriement de l'ensemble de la caisse d'assurance-chômage au Québec.
L'Institut canadien d'éducation des adultes n'a pas pris position à ce sujet. Il ne l'a pas fait en 1990 et ne le fera pas maintenant. Par ailleurs, nous sommes partie prenante au consensus québécois qui existe à la fois chez tous les partis à l'Assemblée nationale et chez tous les partenaires présents à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Dans la mesure où on reconnaît que les entreprises, le patronat, les syndicats, le secteur communautaire et les établissements d'éducation appuient ce consensus, ce n'est pas un choix d'orientation politique, mais un choix de nécessité pratique en cette période de rareté des ressources.
Il y a à l'heure actuelle beaucoup de dédoublements. Cela fait au moins cinq ans que les partenaires socio-économiques s'entendent sur le consensus actuel; cela fait beaucoup plus longtemps encore que tous les gouvernements successifs du Québec réclament le rapatriement des mesures de formation de la main-d'oeuvre et de développement de l'emploi.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur McClelland.
Monsieur Nault.
M. Nault: Merci, monsieur le président.
La discussion prend toujours une tournure intéressante lorsque nous recevons des témoins du Québec.
J'aimerais, entre autres choses, traiter de la question de l'argument constitutionnel mais tout d'abord, j'aimerais parler des aspects financiers du compte d'assurance-chômage.
D'après mes renseignements, depuis 1985, le Québec a reçu 46,9 milliards de dollars en prestations totales et a versé 37,2 milliards en cotisations; autrement dit, la province a reçu, grâce aux contributions du gouvernement fédéral, près de 10 milliards de dollars de plus qu'elle n'a versés dans le régime.
Ma question est très simple. En fonction de cette analyse qui indique que le Québec reçoit 1,32 $ pour chaque dollar qu'il dépense, ne pensez-vous pas que le gouvernement du Québec devrait rendre des comptes aux contribuables hors Québec relativement aux programmes qu'il applique, au lieu d'adopter l'approche simpliste que j'entends continuellement préconiser selon laquelle nous devrions simplement envoyer un chèque au Québec et le laisser se débrouiller? J'aimerais connaître le point de vue d'un Ontarien quant aux raisons pour lesquelles on voudrait donner ainsi de l'argent à une province quelconque - pas simplement le Québec, mais n'importe quelle province, que ce soit Terre-Neuve, l'Alberta ou une autre.
Bien sûr, l'Ontario pour sa part verse plus dans le système qu'il n'en retire et il en va de même pour les petites provinces comme l'Alberta. En fait, la majorité des fonds proviennent de l'Ontario.
En Ontario nous discutons de la même chose que vous, à savoir si nous souhaitons continuer d'appliquer un programme national s'il n'existe en réalité aucune norme nationale et si le retrait de notre province lui permettrait de disposer de 2 milliards de dollars de plus par an. J'aimerais savoir quelle devrait être la responsabilité du gouvernement fédéral si vous étiez à notre place.
[Français]
M. Paquet: Il y a plusieurs volets à votre question.
Il y a, à l'heure actuelle, une guerre de chiffres. Dans le passé, il n'y a pas de doute que le Québec était gagnant. Au cours des dernières années, les chiffres sont devenus passablement moins clairs et on a une guerre de chiffres dans laquelle je n'entrerai pas aujourd'hui.
Cela dit, à notre avis, l'un des principes de base qui doivent guider la réforme, c'est de reconnaître à l'État un rôle déterminant dans la répartition de la richesse dans l'ensemble du pays. C'est un rôle qu'a joué traditionnellement le gouvernement fédéral. Le Québec, par le fait même, a été bénéficiaire des transferts.
Comme je l'expliquais, nous ne nous prononcerons pas sur l'ensemble des fonds de la caisse d'assurance-chômage.
Par ailleurs, sur les mesures actives et le rapatriement, on a plus qu'une guerre d'arguties à l'heure actuelle. Encore hier, on voyait des représentants au Sommet sur le devenir social et économique du Québec dire qu'ils étaient prêts à accompagner Mme Harel au besoin et M. Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat. Dans le fond, il y avait là des gens qui sont très nettement d'allégeance fédéraliste et d'autres qui sont nettement d'allégeance souverainiste. Cependant, tous s'entendaient là-dessus.
Bien sûr, ce sont des fonds publics et on peut penser que les gens qui se retrouvent, par exemple, à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui représente l'ensemble de ces secteurs-là, sont aussi des gens qui sont redevables. Ils ne sont pas élus, bien sûr, mais ils sont redevables et ils sont en contact avec beaucoup de gens de toutes les régions, avec les entreprises, les travailleurs, le milieu communautaire et les établissements d'enseignement.
On peut penser qu'une concertation ou une gestion par le moyen de mécanismes comme ceux-là donne aussi des garanties de gestion saine des fonds publics. Le gouvernement du Québec fait confiance à cet organisme-là. Cela n'engage pas le gouvernement fédéral à le faire, mais le gouvernement du Québec, qui délègue certains de ses pouvoirs à cette société, est lui aussi composé de gens élus et redevables à leurs contribuables. Donc, il a les même problèmes.
Par ailleurs, je tiens à dire que, face à une situation d'urgence que ressentent tous les partenaires au Québec, certains s'impatientent de voir qu'on semble retomber dans les querelles fédérales-provinciales au moment où on espérait pouvoir s'en sortir.
À la fin de 1995, quand les contacts ont été pris entre le ministre de l'époque, M. Axworthy, et la ministre de l'emploi, Mme Harel, il semblait y avoir un déblocage. Il y a eu aussi, dans le passé, des périodes où on a pensé qu'un déblocage se produirait, et il nous semble de plus en plus questionnable que l'on continue à prétendre qu'on en a pour des années à s'entendre et qu'on est forcé de continuer à faire des dédoublements.
Qu'on pense aux centres d'emploi, aux centres locaux de ressources humaines, aux centres Travail Québec, aux centres qui existent à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre! Dans tous ces cas, il y a des dédoublements de services; pas de tous les services, mais il est évident que si l'on faisait un guichet unique ne servant pas uniquement à loger...
[Traduction]
M. Nault: C'est la question que je voulais vous poser. Avant de nous lancer dans cette explication en détail, permettez-moi de vous poser la question suivante. D'après mes renseignements - et corrigez-moi si je me trompe - il existe au Québec 85 programmes différents qui portent sur l'éducation et la formation, ou ce que vous appelez les «mesures actives». Pouvez-vous me dire si, à votre avis et d'après les recherches faites par votre organisme, ces 85 programmes, qui sont mis sur pied par quatre ministères du gouvernement québécois, emploient près de 13 000 personnes et constituent des mesures actives pour lutter contre le chômage et faciliter l'adaptation de la main-d'oeuvre, contribuent véritablement à aider les chômeurs du Québec?
[Français]
M. Paquet: Je peux même vous dire qu'on avait 110 programmes au dernier bilan. On a dépassé les 85. On a une panoplie de programmes qui vont dans des directions différentes et il y a à l'heure actuelle un processus pour tenter d'harmoniser ces programmes-là, pour y mettre de l'ordre.
À la suite des débats que nous avons eus à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, on essaie, non pas pour tous les 110 programmes, mais pour ceux sur lesquels la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre a une emprise, d'ouvrir trois enveloppes différentes en vue d'éliminer les normes et contraintes qui font que les personnes qui ont besoin de formation sont toujours à côté du programme, n'ont pas un chèque de la bonne couleur ou n'ont pas de chèque, et n'ont donc pas accès à la formation.
[Traduction]
M. Nault: Une dernière question, monsieur le président. Elle découle de la conviction profonde du témoin que les mesures actives sont très importantes pour l'adaptation des travailleurs qui ont perdu leur emploi.
D'après cet argument, ma question semble évidente. D'une part, vous vous dites un fervent partisan des mesures actives. D'autre part, vous ne souhaitez pas que le gouvernement fédéral adopte des mesures actives pour les travailleurs du Québec. J'en déduis que votre seule objection est d'ordre politique et idéologique. Cela n'a rien à voir avec les effets positifs ou négatifs que de telles mesures peuvent avoir sur les travailleurs. En fait, si vous vous opposez à l'idée que le gouvernement fédéral offre des mesures actives pour venir en aide aux travailleurs et travailleuses du Québec, c'est plus par idéologie politique que parce que ces mesures ne sont pas efficaces ou autre chose du même ordre.
Est-ce que l'on peut dire cela?
[Français]
M. Paquet: De deux choses l'une: ou bien je me suis mal exprimé, ou bien vous m'avez mal compris. Je pense avoir clairement exprimé au député McLelland que nous sommes favorables aux mesures actives. Nous pensons qu'il est important que les politiques fédérales soient axées sur le développement d'une politique active du marché du travail. Nous sommes en faveur de l'accroissement des mesures actives.
Cela dit, le problème n'est pas une question d'orientation idéologique. Je vous disais que le consensus qui existe au Québec regroupe autant de fédéralistes que de souverainistes. L'ICEA n'a jamais pris position en faveur d'un côté ou de l'autre. C'est un organisme qui, à ce niveau-là, est demeuré neutre, ce qui n'est pas toujours évident.
Auparavant, nous étions financés par le gouvernement fédéral. Notre subvention a été coupée de 100 p. 100. C'est de plus en plus difficile, mais ce n'est pas votre question. Ce n'est pas sur le plan idéologique que nous voyons la situation, mais plutôt sur le plan d'une utilisation maximale de ressources qui sont de plus en plus rares face à des besoins croissants.
[Traduction]
M. Nault: Là-dessus, monsieur le président, je n'ai qu'une question à poser.
Vous n'êtes pas le premier groupe oeuvrant en politique sociale à venir nous dire qu'à son avis le fonds d'assurance-emploi ne devrait pas être utilisé pour la formation. Étant donné que nous ne vivons pas dans un monde parfait et que le gouvernement fédéral comme tous les autres gouvernements n'a pas tellement de latitude pour augmenter les impôts et grossir les recettes générales... Cela étant dit...
Croyez-moi, on débat de cela non seulement au sein de notre parti mais certainement dans les autres partis. Tout le monde dit que les contribuables paient suffisamment d'impôt et n'accepteront pas d'en payer davantage. Cela étant, préféreriez-vous une réduction majeure des montants affectés à la formation dans le cadre du régime d'assurance-emploi, ce qui évidemment supprimerait la programmation active prévue à la partie II de cette réforme, et tableriez-vous sur le fait que le gouvernement aurait peut-être le courage d'augmenter les impôts et les recettes générales pour faire ce que vous aimeriez faire ou préféreriez-vous laisser les choses telles quelles, sachant qu'au moins nous avons là quelques fonds disponibles pour des mesures actives de formation?
Le président: Dernière question et réponse.
[Français]
M. Paquet: Au contraire, nous sommes favorables au développement de mesures actives. De toute façon, il est clair qu'il n'est pas question d'augmenter les impôts. Actuellement, on diminue des investissements qui étaient pris à même les fonds généraux de l'État pour la formation de la main-d'oeuvre, notamment pour les gens autres que les prestataires de l'assurance-chômage.
À ce niveau, il y a un problème. On doit à la fois faire des compressions de dépenses et s'assurer qu'on est capable d'offrir de la formation. Il est important de dire qu'il y a encore passablement de ressources, mais beaucoup de dédoublements. On pourrait maximiser l'utilisation des ressources existantes.
L'idée qui sous-tend le consensus québécois est celle-ci: Est-ce qu'on peut, par exemple au niveau de la multiplication des programmes de réseau et de juridiction, tirer un bien meilleur parti des mêmes ressource? Il y a là un problème, et c'est un des messages qui ont été lancés encore hier soir.
On souhaite qu'il n'y ait pas de blocage «politique» qui relance les débats et les guerres de drapeaux, mais qu'on puisse trouver un exemple par excellence pour prouver qu'il y a de la souplesse du côté du fédéralisme ou, au contraire, qu'on n'aboutit pas à trouver une solution rapidement dans un dossier sur lequel il y a un tel consensus au Québec.
[Traduction]
Le président: Merci. Monsieur Beaudet.
[Français]
M. Beaudet: J'aimerais compléter sur la question des mesures actives qu'on trouve dans le projet de loi C-12 sous le nom de prestations d'emploi. Ce qui nous tracasse, ce n'est pas le fait que cela provient du fédéral, mais plutôt que les projets énoncés sont financés directement au niveau local et que ces projets ne semblent pas, dans le cadre du projet de loi C-12, suffisamment coordonnés, cohérents et efficaces pour vraiment relancer l'emploi.
Dans un contexte où on met en place des mesures actives, il faut que l'ensemble de ces mesures actives soit d'abord sous le contrôle des partenaires socio-économiques afin que ces derniers puissent coordonner les politiques d'emploi et en arriver à une concertation à un niveau où on pourrait avoir une véritable cohérence entre les différentes actions. Dans le cadre du projet de loi, le financement semble aller directement au niveau local sans qu'il y ait de perspective de cohésion.
Au niveau de la politique active du marché du travail au Québec, qui serait le fer de lance de la relance de l'emploi, dans les 110 programmes qui existent déjà, on pourrait réaliser des économies en évitant les dédoublements entre les cinq grands volets de la politique active du marché du travail au Québec, soit la préparation à l'emploi, l'insertion, le maintien en emploi, la stabilisation de l'emploi et la création d'emplois. Concentrer l'ensemble de ces mesures à un niveau où il est possible de créer une perspective cohérente et efficace permettrait de relancer l'emploi et de faire des économies.
Il pourrait cependant y avoir une coordination entre les autres provinces et le gouvernement fédéral sans qu'il y ait nécessairement assujettissement de l'ensemble des politiques.
[Traduction]
Le président: Monsieur Beaudet, monsieur Paquet, merci beaucoup de votre exposé. Nous avons dûment noté tout ce que vous avez dit et nous en tiendrons évidemment compte dans le contexte de ce projet de loi. Au nom des membres du comité, merci encore.
J'aimerais que les députés restent quelques minutes. Comme je l'ai dit, à la fin de chaque semaine, je résumerai les événements de la semaine et indiquerai certains des objectifs que j'ai pour les semaines à venir. J'aimerais donc résumer les choses pour cette semaine.
Le greffier m'a informé que nous avons reçu plus d'une centaine de mémoires. Plusieurs idées nous ont été suggérées déjà à plusieurs reprises. Certaines d'entre elles portent sur les préoccupations exprimées par le ministre Young devant le comité en janvier, points sur lesquels je suis revenu lorsque nous avons entamé nos audiences il y a deux semaines. Il y a le problème du calcul des prestations fondé sur une période fixe lorsqu'il y a certains intervalles au cours de cette période où il n'y a pas eu de gains; l'ampleur du dénominateur - c'est-à-dire la durée de la période fixe utilisée pour calculer les prestations des intéressés - et la règle de l'intensité et son incidence sur les Canadiens sans emploi à faible revenu qui ont des personnes à charge.
J'ai entendu certaines suggestions et j'ai dit très clairement aux députés que j'aimerais que celles-ci soient développées. Je pense aux suggestions faites par Andy Scott, Geoff Regan et Jean Augustine. Nous avons peut-être reçu des suggestions qui permettraient en fait de préserver les incitatifs au travail, de maintenir les éléments structurels clés de cette réforme tout en reconnaissant la nécessité de renforcer le filet de sécurité sociale dans le contexte actuel du marché du travail et sachant les situations différentes que l'on rencontre dans tout le pays.
M. Scott a suggéré que nous remontions sur 26 semaines à partir du jour où quelqu'un est mis à pied pour trouver le nombre de semaines le plus récent à utiliser dans le calcul des prestations.M. Regan a suggéré que plutôt d'utiliser un dénominateur qui varie d'un bout à l'autre du pays de zéro à quatre semaines au-dessus du nombre minimum de semaines exigées, nous envisagions un dénominateur qui représente deux semaines de plus que le seuil d'admissibilité dans tous les cas. Mme Augustine a suggéré que les Canadiens sans emploi à faible revenu qui ont des personnes à charge ayant droit au supplément du revenu familial soient exemptés de la règle de l'intensité. J'ai noté toutes ces idées au fur et à mesure car je pense qu'elles valent le coup d'être explorées et j'ai demandé à chacun des députés de nous présenter la semaine prochaine une proposition plus précise.
Je crois qu'il serait bon également de demander aux fonctionnaires du ministère du Développement des ressources humaines de se mettre à la disposition des députés qui auraient des questions à poser. Je leur demanderai d'autre part de commencer à travailler à une évaluation de l'incidence de ces changements. Il y a des fonctionnaires qui ont écouté nos délibérations. Je suis sûr qu'ils peuvent commencer à analyser ce qu'ils ont entendu.
Lundi, bien que ce comité ne siège pas conformément au calendrier sur lequel nous nous sommes entendus, je pourrai annoncer la date à laquelle le ministre du Développement des ressources humaines comparaîtra. Les députés seront évidemment avisés par le greffier.
Nous nous retrouverons donc mardi, à la salle 237-C, nous commencerons alors nos vidéoconférences avec différents groupes.
Je vous remercie tous de votre coopération cette semaine.
La séance est levée.