[Enregistrement électronique]
Le mercredi 27 mars 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Je souhaite aujourd'hui la bienvenue au ministre du Développement des ressources humaines, M. Doug Young.
C'est avec plaisir que nous allons vous écouter, monsieur le ministre. J'aimerais d'abord faire le point de nos travaux ici au comité.
Comme vous le savez, le comité a accompli beaucoup de choses depuis qu'il est saisi de ce projet de loi. Plus de 100 000 citoyens ont participé à la réforme de la sécurité sociale. Plus de 600 exposés sur la question ont été faits devant le comité et 1 500 mémoires ont été reçus. Plus de 220 assemblées publiques locales ont été organisées par des députés partout au pays. Vingt mille Canadiens y ont participé. Un million de copies de guides sur la réforme ont été envoyées aux citoyens. C'est leur avis qui sert de base au projet de loi sur l'assurance-emploi.
Les spécialistes ont eu aussi eu voix au chapitre. En effet, 26 évaluations détaillées de divers aspects de l'assurance-chômage ont été entreprises, et toutes ont été réglées de façon indépendantes, minutieuses et scientifiques.
Depuis le lancement de l'assurance-emploi en décembre, 50 000 citoyens se sont servis du numéro 1-800 pour obtenir des renseignements sur les propositions. Sur Internet, 80 000 interrogations sur le sujet ont été dénombrées. On a également réalisé une évaluation du projet de loi en fonction de ses conséquences pour les hommes et pour les femmes, ce qui ne s'était jamais fait.
Avant la prorogation de la Chambre, du 18 au 25 janvier, le comité avait reçu des mémoires et entendu des témoignages sur le projet de loi C-111. Les audiences du comité ont repris une fois que le projet de loi a été déposé à nouveau sous l'appellation de projet de loi C-12, ce qui nous amène à la rencontre d'aujourd'hui.
Dans le cours de nos audiences, nous nous attendons à entendre des témoignages et à recevoir des mémoires de plus de 100 personnes et associations, jusqu'au terme de nos audiences, à la fin du mois d'avril.
Lors de votre dernière visite, vous nous avez mis au défi d'améliorer cet important projet de loi. Nous avons relevé votre défi. Vous nous avez demandé de proposer des améliorations qui témoigneraient mieux de la situation réelle d'un grand nombre de travailleurs, surtout dans les régions à chômage élevé où le travail saisonnier n'est souvent que la seule forme de travail.
Chose promise chose due: un grand nombre de propositions ont été communiquées au comité et nous croyons savoir que votre ministère est en train de les passer en revue.
Premièrement, il y a le problème de l'interruption. En effet, il faut un nombre ininterrompu de semaines de travail pour avoir droit à la prestation maximum. Or, certains travailleurs, saisonniers surtout, ne peuvent travailler entre 16 et 20 semaines de travail sans discontinuer. M. Andy Scott a donc proposé un amendement, dorénavant connu sous le nom de l'amendement Scott, selon lequel les travailleurs pourraient calculer jusqu'à 26 semaines en arrière, c'est-à-dire environ 6 mois, à partir du dépôt de la demande de prestation pour accumuler le nombre de semaines nécessaire pour être admissibles.
Une autre proposition, du député Regan, l'amendement Regan, insiste sur les mesures propres à encourager le travailleur à accepter du travail supplémentaire pour obtenir les prestations maximums. D'après la formule proposée, le travailleur aurait droit à des prestations calculées en fonction d'un nombre minimum d'heures, l'équivalent de 14, 16 et 12 semaines, en fonction du taux de chômage local. Toutefois, pour avoir droit à la prestation maximum, il lui faudrait l'équivalent de deux semaines supplémentaires de plus que ce qu'exige la règle d'admissibilité normale, si bien que si l'admissibilité s'établit à 490 heures, ou 14 semaines à temps plein, pour obtenir la prestation maximum, il faudrait l'équivalent de 16 semaines de travail à temps plein.
La règle de l'intensité a aussi fait l'objet de deux propositions de changements. Cette règle réduirait le taux de prestation d'un point de pourcentage jusqu'à un maximum de 5 p. 100 pour chaque période de 20 semaines pendant laquelle une personne touche des prestations pendant une période de cinq ans.
Par ailleurs, l'amendement Augustine instaurerait un régime d'unités de travail de sorte que ceux qui trouvent du travail supplémentaire pendant qu'ils touchent des prestations seraient soustraits à la règle de l'intensité. En outre, l'amendement de Mme Augustine ne s'appliquerait pas aux prestataires qui ont droit au supplément du revenu familial, pour éviter que ne soient pénalisés les enfants des familles et des ménages à faible revenu.
Enfin, les membres du comité ont fouillé la question et apporté des éclaircissements sur un certain nombre de points litigieux. J'ai déposé le document d'orientation du ministère sur les prestations spéciales qui précise bien que celles-ci continueront de faire partie du nouveau régime.
M. Nault, votre secrétaire parlementaire, a publié un énoncé détaillé des prestations à l'intention des femmes au travail, en particulier celles qui occupent un emploi à temps partiel et celles qui sont à la tête d'une famille monoparentale à faible revenu.
Nous avons apporté des éclaircissements aux nouvelles règles d'admissibilité et M. Andy Scott a montré comment le calcul des heures pourrait, dans le cas d'un grand nombre de travailleurs saisonniers, leur donner droit à des prestations plus tôt que ce n'est actuellement le cas sous le régime que nous connaissons.
Pour terminer, monsieur le ministre, sachez que les députés ont travaillé d'arrache-pied au comité et ont su trouver des solutions qui pourraient répondre aux problèmes que nous rencontrons. Ce sont en effet des propositions intéressantes. Nous-mêmes allons vous écouter avec intérêt et sommes impatients de connaître votre réaction à ce que nous avons proposé. Je vous remercie beaucoup.
Je vous invite maintenant à nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Prenez le temps qu'il vous faudra pour discuter de tous les points que vous voulez soulever.
[Français]
L'honorable Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent: M. Jean-Jacques Noreau, sous-ministre, et Mmes Noreen Smith et Karen Jackson, qui travaillent depuis très longtemps à ce projet de loi. Tout ce qu'on a accompli s'est fait en équipe. Il y a plusieurs personnes de cette équipe dans la salle.
Aujourd'hui, je commencerai ma présentation en remerciant tous les membres du comité d'avoir entrepris le travail important qu'ils sont en train de faire et qu'ils vont poursuivre.
J'ai essayé, dans la mesure du possible, de rester près de l'exercice et de suivre les présentations qui ont été faites à ce comité. Je dois vous dire que le gouvernement est toujours totalement engagé à mettre sur pied un programme d'assurance-emploi le 1er juillet 1996.
Comme nous le savons tous, monsieur le président, plusieurs personnes au pays ont exprimé des inquiétudes et des réserves quant au projet de loi. Je veux vous assurer que je suis conscient de ces préoccupations.
Nous sommes conscients du fait que les changements dans l'économie, les progrès technologiques et tout le reste ont créé des problèmes. Non seulement avons-nous perdu plusieurs milliers d'emplois dans le secteur manufacturier, mais les emplois qui viennent les remplacer ne sont pas toujours accessibles aux travailleurs et travailleuses mis à pied parce qu'ils exigent des connaissances souvent assez différentes.
Ce n'est pas parce que nous avons proposé des changements que nous ne reconnaissons pas que l'impact du chômage varie, non seulement de région en région du pays, mais aussi à l'intérieur des provinces. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, dans la région métropolitaine de Halifax - Dartmouth, la situation est relativement bonne en termes de taux de chômage, mais dans la région du Cap-Breton, dans cette même province, la situation est absolument intolérable.
Je vous donne cette précision parce qu'on a souvent tendance à croire qu'il faut parler de la région de l'Atlantique, de l'Ontario, de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique, mais ceux qui s'y connaissent savent qu'à l'intérieur de ces provinces, on trouve toutes sortes de situations qui affectent de façon importante la vie des individus et des familles.
[Traduction]
Avant d'entrer dans le vif du sujet, monsieur le président, je tiens à rappeler que je suis député du nord du Nouveau-Brunswick depuis 1978 et que je connais très bien les besoins et les préoccupations de la population que je dois servir, non seulement ceux qui votent pour moi, mais tous ceux qui habitent dans cette région.
Comme je l'ai déjà fait, je voudrais corriger certains malentendus causés par certaines personnes qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas rapporté tout à fait fidèlement mes propos, surtout en ce qui concerne les manifestants. Je comprends l'anxiété des citoyens de la Gaspésie, de la vallée de la Matapédia ou du nord du Nouveau-Brunswick ou d'ailleurs. Je les comprends. C'est pourquoi en décembre le ministre Axworthy et moi-même et un certain nombre d'autres ont dit qu'ils comprennent très bien qu'il faut apporter des changements au projet de loi qui a été déposé.
Jamais je n'ai décrit les travailleurs et les travailleuses de ces régions, qui font face à des situations sur lesquelles ils n'ont que peu de prise, comme des gens paresseux ou désoeuvrés. Personne ne survit dans ce coin de la planète si on est comme ça. Ce que j'ai dit - et ce que je vais déposer ici aujourd'hui, parce que je crois qu'il est important d'avoir la transcription de ce qui s'est dit aux points de presse et ailleurs - c'est que j'ai de graves réserves à propos de ceux qui excitent les esprits et exploitent les membres vulnérables de notre société. Je suis toujours de cet avis.
Je regrette toutefois beaucoup que des gens se soient servis de cette fausseté pour essayer de nous faire paraître insensibles ou capables d'employer pareils propos pour décrire des hommes et des femmes ordinaires qui dépendent des industries saisonnières qui existent chez eux et qui expriment leurs inquiétudes lorsqu'ils me rencontrent moi ou d'autres députés ou qui prennent les mesures qu'ils jugent appropriées pour communiquer leurs craintes aux élus. Ces gens qui reçoivent un salaire à longueur d'année, qui ont un emploi à temps plein, pas dans le genre d'industries ou d'emplois qui existent dans la Matapédia, en Gaspésie ou dans le nord du Nouveau-Brunswick et qui tirent profit de la situation... Je sais ce qu'ils pensent de moi et je n'ai nulle crainte de leur dire ce que je pense d'eux.
Ce que je veux vous dire, monsieur le président, c'est que je suis très heureux - et mes collègues très impressionnés - de voir le travail qui a été fait par le comité et la contribution très réelle qu'il a apportée à la discussion sur la réforme de l'assurance-chômage. Le gouvernement avait bien dit que le projet de loi devait être modifié pour tenir compte de la réalité du marché du travail dans toutes les régions du pays, et c'est, je crois, ce que vous avez fait.
J'ai littéralement rencontré des milliers de gens, dont la plupart étaient mécontents. Je sais que vous avez rencontré de nombreux Canadiens qui ont comparu devant le comité. Je tiens à vous dire qu'il ne sert à rien, si ce n'est, je suppose, limiter les risques de stress ou de crise cardiaque, d'avoir des gens qui hurlent en disant: «Nous ne voulons pas de changements» ou «retirez le projet de loi» ou «revenez au système 10-42» ou encore «nous voulons notre assurance-chômage». Cela ne changera rien à l'affaire et cela n'apporte rien à la discussion, à mon avis, sur les mesures qu'il nous faut prendre ensemble, en tant que députés de tous les partis politiques.
Je tiens à souligner que les mesures qui ont été proposées par certains membres du comité, et qui, d'après ce que je sais, découlent d'opinions données par des gens qui n'ont rien à voir avec la scène politique, ou certaines préoccupations dont vous ont fait part des groupes qui ont témoigné devant le comité, ont été très utiles. Aujourd'hui je m'engage, monsieur le président, à examiner certaines des principales propositions, d'après la façon dont je les interprète, qui ont été soumises au comité, et je peux vous donner l'assurance que le ministère, pendant que le Parlement sera en congé au cours des deux prochaines semaines, analysera toutes ces propositions.
Je veux être très honnête avec vous aujourd'hui, et nous aurons toutes sortes d'occasions pour poser des questions et peut-être obtenir des réponses, mais en réalité, même si j'apprécie cette consultation, il nous faut déterminer le coût de toutes ces mesures. Il nous faut analyser la façon dont nous allons aborder le problème, et pas simplement en essayant d'améliorer le projet de loi. Que représentent ces propositions en termes financiers? D'où viendra l'argent? Quelle incidence auront sur les particuliers et les familles certaines propositions qui semblent des plus intéressantes?
Ce que nous allons faire aujourd'hui, du moins de ma part, c'est vous donner une idée de ce que nous pensons de certaines propositions qui ont été mises de l'avant. Lorsque nous reviendrons en avril, après Pâques, le ministère vous fournira une analyse de coûts, une analyse par sexe ainsi que les répercussions éventuelles sur les diverses régions du pays.
Qu'une chose soit bien claire. En fin de compte, les observations faites par le ministre des Finances dans le budget de l'an dernier au sujet de nos critères financiers et fiscaux relativement à l'assurance-chômage ne changeront pas. Je l'ai déjà dit et le gouvernement l'a confirmé. Nous devons nous en tenir à ces critères. Nous pouvons apporter des changements à l'interne et c'est ce que nous allons faire. Nous vous fournirons tous les renseignements utiles.
J'aimerais maintenant traiter, monsieur le président, de la proposition faite par M. Scott, député de Fredericton, au sujet de la période de référence de 26 semaines. Il ne fait aucun doute que l'un des véritables problèmes mentionnés par des gens avec lesquels j'ai parlé, ceux qui ont pris le temps de m'expliquer précisément l'incidence que les périodes creuses auront sur leurs revenus, est un argument très valable. Je tiens à dire à ceux d'entre vous qui comprennent le problème que je leur sais gré d'avoir formulé ces propositions.
Suggérer qu'une personne qui est mise à pied aujourd'hui remonte à 14 semaines - si telle est la condition d'admissibilité - et calcule simplement les prestations en fonction du revenu gagné au cours de cette période, aura des répercussions énormes. Lorsque nous nous sommes penchés sur cette question lors de l'étude préliminaire, nous avons constaté par exemple que les répercussions seraient plus grandes au Manitoba que dans certaines provinces de l'Atlantique, en raison des tendances de l'emploi. On peut s'attendre à des répercussions énormes dans l'industrie de la construction et celle du transport, où les gens travaillent pendant deux ou trois semaines, puis sont sans travail pendant un certain temps et reviennent ensuite au travail.
On a tendance à croire que ce genre de choses se produit uniquement dans certaines industries du secteur primaire. Ce n'est pas le cas. Il existe énormément d'activités professionnelles qui connaissent des périodes d'arrêt et où, si une personne est mise à pied, il devient impossible de faire ce genre de calculs. Notre gouvernement a l'intention d'examiner attentivement ce projet de solution au problème des périodes creuses qu'a proposé M. Scott, le député de Fredericton. Nous vous fournirons les analyses pertinentes. À notre avis, la période de 26 semaines résoudra la majorité des problèmes auxquels se heurteraient les particuliers si l'on maintenait le système actuel tel que proposé. Nous estimons qu'il a très bien servi les intérêts des Canadiens de tout le pays.
J'ajoute, monsieur le président, que quoi que nous fassions, il faudra que le système soit équitable d'un bout à l'autre du pays. Bien des gens parlent de justice, du fait qu'il faut s'assurer que le système est équitable. Toute modification que nous apporterons devra en tenir compte. Dans notre analyse, nous nous pencherons sur les répercussions de chacune de ces modifications, l'incidence qu'elles ont sur les diverses régions du pays, etc. Nous n'essaierons pas de dissimuler les répercussions de ces changements. Puis, le comité et le gouvernement devront prendre des décisions.
M. Regan a fait une proposition au sujet du dénominateur, que bien des gens ne comprennent pas. Les gens pensent qu'ils vont toucher 55 p. 100 de leurs prestations. Comme vous le savez toutefois, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, le dénominateur supprime cette limite, à moins que l'on soit dans une situation où les conditions d'admissibilité et le dénominateur sont identiques. Ce principe qui vise à lier le dénominateur aux conditions d'admissibilité et au taux d'emploi est très intéressant. Cela rend le système plus équitable, car il y avait d'énormes différences entre les régions où le taux de chômage est très élevé et celles où le taux d'emploi est élevé. La proposition faite par le député de Halifax-Ouest est également utile. Toutefois, il faudra voir quelles sont les répercussions financières de certaines de ces propositions.
L'autre proposition qui a une énorme incidence, monsieur le président, est celle faite par Mme Augustine en vue d'exempter les familles à faible revenu. Je vais être honnête avec vous, monsieur le président. Lorsque cette proposition a été portée à mon attention, ma première réaction, parce que je ne la comprenais pas, a été de la rejeter carrément, car je pense que le système doit être équitable et juste. Toutefois, quand j'ai compris le rapport avec la prestation fiscale pour enfant, avec le supplément de 2 500 $, où nous avons déjà admis que tout ménage ayant un revenu annuel inférieur à 26 000 $ a déjà été identifié par le régime fiscal, ainsi que par la réforme initiale, en tant que groupe ayant besoin d'aide, cette proposition m'a paru plus acceptable.
Mais ce qui m'a vraiment convaincu, monsieur le président, c'est que cela ne s'applique pas aux particuliers. Je pense qu'il nous faut admettre que certaines mesures que nous allons prendre doivent viser la famille. Un grand nombre de ces mesures concernent le ménage, la cellule familiale. C'est pourquoi j'appuie cette approche.
À titre préliminaire, j'ai également demandé au ministère d'examiner les répercussions de cette proposition, et de toute évidence, le système proposé par Mme Augustine aura une énorme incidence sur les familles monoparentales et les ménages vivant en milieu urbain. Si l'on considère l'incidence qu'elle aura à Toronto ou dans d'autres villes où se trouvent les travailleurs pauvres, les familles monoparentales, c'est une mesure qui traduit, à mon avis - du moins je l'espère - notre engagement collectif à prendre en charge les membres de notre société dont le revenu est vraiment insuffisant.
Or, monsieur le président, je suis parfaitement conscient du problème. J'ai écouté des témoignages et lu certaines transcriptions des mémoires qui vous ont été présentés. La seule chose sur laquelle nous pourrions nous entendre, c'est que personne n'aime les mesures que nous prenons. Il y a des gens qui viennent nous dire que si nous voulons nous occuper des familles à faible revenu, il vaudrait mieux le faire dans le cadre d'un autre programme.
Voyez ce qui se passe dans les provinces du Canada. Voyons la situation en Ontario. Voyons ce qui se passe en Colombie-Britannique. Nous sommes en procès pour une question de mobilité. Voyons ce qui vient d'être annoncé au Québec relativement aux prestations d'aide sociale et ce que nous réserve l'avenir.
Chaque fois que possible, je pense que nous sommes tenus d'admettre qu'il nous faudra faire preuve d'innovation et de créativité pour résoudre les besoins des familles. Si quelqu'un discute avec moi sur la question de savoir si nous devons ou non aider les ménages dont le revenu est égal ou inférieur à 26 000 $ par an, je suis prêt à répondre à cet argument. Ce ne sera pas l'un des jours le plus tristes de ma carrière, parce que si notre société et notre gouvernement sont incapables d'admettre que, quels que soient les moyens que nous utilisons - aux niveaux municipal, provincial ou fédéral, les programmes d'assurance-emploi, les crédits d'impôt pour enfant, ou n'importe quelle autre mesure - nous ne pouvons pas ensemble faire tout notre possible pour aider les gens dans cette situation, je pense que nous avons un sérieux problème.
Ainsi, bien que peu enthousiaste au départ devant cette proposition - que je ne comprenais pas, je dois bien l'avouer - après l'avoir examinée de plus près et me l'être fait expliquer, je pense maintenant qu'elle est très utile et je comprends le rapport qui existe avec d'autres mesures que nous prenons.
De façon générale, monsieur le président, je pense que nous pouvons dire que l'étude entreprise par le comité a été constructive.
S'il y a des gens qui refusent simplement tout changement, des gens qui pensent que cela va se répercuter sur le système 10-42, et d'autres qui n'ont rien de plus constructif à proposer que le retrait pur et simple du projet de loi, ou qui ne veulent pas en entendre parler - cela ne nous mènera nulle part. Je pense toutefois que ce genre d'études est extrêmement utile.
Je comprends également que certaines conditions d'admissibilité, les prestations de maternité, etc., ont posé des problèmes et j'espère que nous pourrons y remédier. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails.
Notre gouvernement va apporter certains changements. Il nous faudra prendre des décisions très difficiles quant à ce que nous pouvons faire ou non.
La question qui n'a pas été abordée jusqu'ici, monsieur le président, et dont je voudrais traiter avant de conclure, c'est que les Canadiens dans le monde des affaires ou les 90 p. 100 de Canadiens qui sont actifs - qui travaillent - n'accepteront pas à mon avis une nouvelle mesure législative sur l'assurance-emploi qui ne règle pas les problèmes, réels ou perçus, d'abus ou d'utilisation à mauvais escient du régime. C'est pourquoi, monsieur le président, je tiens à vous dire que même si nous examinerons ces amendements et d'autres qui, je l'espère, seront proposés... Aujourd'hui, en fait, je vais déposer une série d'amendements techniques que le ministère juge important de vous soumettre. Nous déposerons également d'autres documents dont j'indiquerai la teneur.
Je tiens toutefois à bien préciser aujourd'hui que je vais proposer au nom du gouvernement des mesures qui iront plus loin, en matière de facteurs dissuasifs, que les mesures figurant dans la loi actuelle. Permettez-moi de vous donner une idée d'ensemble des mesures que j'envisage.
Monsieur le président, toute personne qui profite du régime doit bien comprendre que nous ne tolérerons plus ce genre de choses. Lorsque nous discutons avec les Canadiens de cette question, nous constatons que quelle que soit la région du pays, les gens sont convaincus qu'il y a des abus. Pour ma part je pense que ces derniers sont limités, mais qu'ils soient limités ou répandus, il n'en demeure pas moins qu'un grand nombre de gens estiment qu'il faut y remédier.
Je vais proposer, monsieur le président, que toute personne qui profite du régime pour la première fois soit pénalisée lorsqu'elle présentera une deuxième fois une demande de prestations. Je ne pense pas que le fait d'augmenter les amendes et autres sanctions de ce genre soit la solution. Pour les récidivistes, les conditions d'admissibilité seront différentes, c'est-à-dire deux fois plus difficiles.
En outre, monsieur le président, en examinant toute cette question, j'ai été sidéré de constater que de 100 000 à 125 000 personnes par an profitent du système. Lorsque je me suis renseigné pour savoir combien d'entreprises étaient en cause, on m'a dit qu'il y en avait environ 300. J'avais du mal à croire que de 100 000 à 125 000 personnes puissent profiter du régime sans l'appui ou la connivence des employeurs. On m'a dit alors que bon nombre d'employeurs sont des sociétés fictives. Elles n'ont pas d'actifs, et si on essaie de leur imposer une amende, ces gens-là n'ont pas le moindre sou.
Nous allons donc proposer d'instaurer un système de responsabilité de l'administrateur ou de l'actionnaire, responsabilité personnelle, lorsqu'on constate des activités irrégulières. À notre avis, le fait que 200 ou 300 entreprises ne soient pas en règle alors qu'il y a plus de 100 000 personnes qui... Il y a là un déséquilibre. Nous estimons que les gens ont l'obligation de chercher activement du travail sans que cela ne crée de fardeau aux sociétés ou aux entreprises avec lesquelles ils entrent en contact. Nous allons mettre sur pied certains mécanismes.
Je tiens à bien préciser, monsieur le président, que les sanctions que j'envisage ne sont pas des amendes. À mon avis, les gens devraient travailler pour être de nouveau admissibles. Lorsqu'on conduit une voiture et que l'on perd trois points, ou cinq points, on est pénalisé. Lorsqu'on récidive deux ou trois fois, on perd son permis de conduire. D'après moi, les amendes n'ont pas d'effet dissuasif. Je suis convaincu que le fait de rendre plus sévères les conditions d'admissibilité pour obliger les gens à travailler plus longtemps afin d'être admissibles aux prestations après avoir essayé de profiter du système est la meilleure solution, car je ne veux pas que nous augmentions nos recettes en imposant amendes sur amendes.
Permettez-moi de vous citer un exemple, monsieur le président. Si une personne travaille pendant 16 semaines et est alors admissible à l'assurance-chômage, si elle abuse du système, la fois suivante, il lui faudra travailler 24 semaines pour être de nouveau admissible. Si cette personne récidive, il lui faudra travailler 32 semaines pour avoir droit aux prestations. Voilà le genre de mesure qui convainc les gens que le gouvernement ne cherche pas à recueillir des fonds grâce aux amendes ou par des moyens indirects.
Si les gens veulent profiter du système, en général ils n'ont pas les moyens financiers de payer des amendes, de toute façon. C'est pourquoi nous estimons qu'il est beaucoup plus important de faire en sorte qu'ils comprennent que, en cas d'abus, ils seront tenus de travailler un peu plus fort pour être admissibles aux prestations la deuxième ou la troisième fois.
Il y a peut-être des gens ici, monsieur le président, qui approuvent ce genre d'activités. Si c'est le cas, je leur demanderais de nous expliquer pourquoi ils sont de cet avis.
À mesure que notre examen avancera, nous compterons sur le comité pour nous dire ce qu'il convient de faire, selon lui, relativement aux facteurs de dissuasion ou aux sanctions. Je le répète, je ne suis pas un partisan du système des amendes, en vertu desquelles les gens se font prendre uniquement lorsqu'ils présentent une nouvelle demande et qu'il y a une retenue effectuée par Revenu Canada ou autre.
Par ailleurs, je tiens à signaler que nous n'avons pas examiné la question de la réglementation du secteur de la pêche. Comme vous le savez, il y a dans ce domaine des dispositions différentes étant donné la nature du travail dans ce secteur. Nous ne prendrons aucune décision au sujet de la pêche avant d'avoir déterminé précisément quelles seront les règles de l'assurance-emploi, car nous sommes convaincus que dans la mesure du possible, toute réglementation ou disposition visant le secteur de la pêche devrait refléter le plus possible les mesures que nous prendrons dans le domaine de l'assurance-emploi.
Encore une fois, monsieur le président, je vous remercie beaucoup. J'espère que lorsque nous reviendrons après le congé de Pâques, nous serons en mesure de vous fournir une analyse vraiment approfondie des répercussions et du coût des propositions que les membres dévoués du comité ont faites jusqu'ici.
Le président: Merci de vos observations, monsieur Young. Il va sans dire que nous avons hâte de recevoir l'évaluation des diverses propositions faites jusqu'ici par les députés. Ces analyses nous sont nécessaires pour poursuivre notre étude.
Nous passons maintenant à la période de questions et réponses. Nous commencerons par le Bloc québécois. Madame Lalonde, vous avez la parole.
[Français]
Mme Lalonde (Mercier): Je dois tout d'abord vous dire que je suis un peu troublée par les derniers propos que j'ai entendus. Si ce comité n'est pas une comédie, j'aimerais obtenir des réponses aux questions suivantes.
Monsieur le ministre, pourquoi avez-vous décidé d'abaisser le plafond du salaire maximum assurable de 42 400 $ à 39 000 $, privant ainsi la caisse de 900 millions de dollars et donnant un cadeau de 500 millions de dollars aux grandes entreprises qui ne sont pas créatrices d'emplois?
Pourquoi, au lieu de couper chez les gens à faible revenu, ne pas avoir permis à ceux qui gagnent 45 000 $, 48 000 $ ou 50 000 $ de payer une juste cotisation à l'assurance-emploi même s'ils s'en servent moins souvent? C'est d'ailleurs très bien de les faire payer même s'ils s'en servent moins souvent, et il faut aussi que les grandes entreprises paient leur part. Les grandes entreprises offrent moins d'emplois et ce sont elles qui sont les gagnantes. En fait, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante nous a dit que les PME étaient les perdantes, ce qui revient au même.
M. Young: Voulez-vous que je réponde ou préférez-vous terminer votre intervention?
Mme Lalonde: Je voudrais juste ajouter qu'il est prévu, dans les chiffres de Développement des ressources humaines, un surplus cumulatif de 5,516 milliards de dollars en 1996, sans la réforme.
Pourquoi ne pas avoir profité d'une situation où travailleurs et entreprises mettent conjointement de l'argent dans une caisse pour faire en sorte que cette caisse serve à financer un vrai régime d'assurance-chômage au lieu de bâtir un régime punitif comme celui que vous nous avez présenté cet après-midi?
M. Young: En ce qui concerne la première question, le système d'assurance-emploi est financé, non seulement par les entreprises, petites, moyennes ou grandes, mais aussi par les employés. Lorsqu'on élimine un certain nombre de personnes et qu'on délimite un plafond, ce ne sont pas seulement les grandes entreprises qui en profitent, mais aussi les employés de ce secteur qui ne sont plus obligés de payer des cotisations à l'assurance-chômage.
Il me semble inéquitable qu'on demande à des individus, des travailleurs et des travailleuses aussi bien qu'au secteur privé de payer des cotisations dont ils ne recevront aucun bénéfice. C'est pour cela que nous avons établi le plafond à 39 000 $.
Il y a tout un système bien connu par lequel on va chercher des montants chez les individus les plus fortunés de la société. C'est le système bien connu de l'impôt. Nous avons donc considéré que, pour protéger l'intégrité du programme, le plafond de 39 000 $ était un chiffre raisonnable.
Maintenant, si certaines personnes pensent qu'il est préférable de faire passer le plafond à50 000 $, 60 000 $ ou 70 000 $, elles peuvent faire des propositions. Pour notre part, nous avons pensé qu'il devait y avoir une limite et nous l'avons établie à 39 000 $.
Je vais maintenant répondre à la deuxième question posée par l'honorable députée sur la caisse de l'assurance-emploi.
Jusqu'à l'an passé, le fonds d'assurance-chômage était en déficit, et cela durait déjà depuis quelques années. Lorsque le fonds d'assurance-chômage subit une demande telle qu'il se retrouve déficitaire, le gouvernement du Canada doit combler ce déficit.
Le déficit a été épongé dans le courant de l'année 1995, et à partir de ce moment-là, nous avons commencé à accumuler un surplus. Actuellement, le surplus s'élève probablement à entre 1 et 2 milliards de dollars.
Le ministre des Finances a déjà reconnu qu'il va falloir plafonner le surplus de la caisse de l'assurance-emploi. Le débat continue toujours à savoir si cela devrait être plafonné à 5, 6, ou 7 milliards de dollars. Nous savons très bien ce qui s'est passé la dernière fois.
Lorsque nous sommes en récession et qu'il y a des pertes d'emplois, les demandes de prestations sont très nombreuses et on s'en va vers le déficit. On a vu cette situation se produire et, en conséquence, les cotisations ont augmenté de plus de 3 $ pour 100 $. Cela donc dire que lorsqu'il y a moins d'activité économique, nous pénalisons les travailleurs et les travailleuses aussi bien que les entreprises en augmentant les cotisations.
Nous pensons, par conséquent, qu'il est sage et prudent de se créer une réserve dans la caisse de l'assurance-emploi pour l'avenir. Une fois cette réserve établie, il faudra diminuer les cotisations pour permettre, surtout aux petites et moyennes entreprises qui nous disent régulièrement que les primes et les cotisations sont trop élevées, de créer des emplois.
Sans vouloir engager la parole du ministre des Finances, qui prendra la décision avec ses collègues du Cabinet à un moment donné, j'espère qu'un montant raisonnable sera retenu comme réserve pour la caisse d'assurance-chômage. Nous aurons alors la possibilité de diminuer de façon dramatique les cotisations. Nous aurons ainsi incité le secteur privé à créer des emplois et nous aurons allégé le fardeau des cotisations que les travailleurs et travailleuses doivent payer.
Mme Lalonde: Monsieur le ministre, il y a une réserve!
À la fin de 1996, sans la réforme, il a déjà 5,5 milliards de dollars. Du fait de l'application du projet de loi C-12, il va y avoir, cette année, une diminution de 900 millions de dollars. Pourquoi avoir choisi de diminuer le plafond du salaire assurable?
Si vous ne l'avez pas vu, regardez: c'est 900 millions de dollars de moins cette année. Et il va falloir compenser cette somme par des coupures additionnelles chez les travailleurs et les entreprises.
Comme vous le savez, et même si cela inquiète tout le monde, ce surplus de 5 milliards de dollars a servi l'année passée, et servira cette année et l'année prochaine, à payer le déficit. Pourquoi les gens qui gagnent 39 000 $ et moins et les entreprises qui les engagent sont-ils les seuls à contribuer à ce fonds? Ça n'a pas de sens. Pourquoi avoir abaissé le plafond de 42 400 $ à 39 000 $? Pourquoi les professeurs d'université ne paieraient-ils pas de cotisations d'assurance-chômage? Et les journalistes qui ont des gros salaires, et les entreprises?
Pourquoi est-ce que seuls les gens qui gagnent 39 000 $ et moins devraient payer une cotisation d'assurance-chômage? Il n'y a pas de justice ni d'équité sociale ici. On a diminué les cotisations chez les hauts salariés et les entreprises qui les engagent et qui payent des gros salaires, et à la place, on a fait cotiser des petits salariés, de très petits salariés, tout en diminuant les bénéfices des autres. C'est ce que l'on fait dans cette réforme.
Nous ne sommes pas contre une réforme du système, au contraire, mais pourquoi ne pas profiter de cette réserve pour faire une vraie réforme au lieu de s'engager dans ce projet dont tous les éléments ont été critiqués avec force par les différents groupes qui sont venus témoigner?
M. Young: Tout d'abord, il est faux que le surplus de 5 milliards de dollars de la caisse de l'assurance-emploi a été utilisé pour éponger le déficit l'année passée. Ce n'est pas le cas. L'année passée, nous avions un surplus dans le compte courant, et il fallait payer le déficit qui avait déjà été accumulé.
Nous sommes maintenant dans une position de surplus limité. Cependant, Mme la députée a raison de dire qu'à la fin de 1996, le surplus dans la caisse sera d'environ 5 milliards de dollars. Le surplus augmente d'ailleurs mois après mois, et c'est une bonne chose après la période de déficit que nous avons connue pendant plusieurs années.
Mais quand nous parlons du plafond de 39 000 $, il ne faut pas oublier que le plafond était à42 000 $. Je me demande pourquoi Mme la députée ne parle pas de 45 000 $, 50 000 $ ou 60 000 $.
Monsieur le président, je crois comprendre que Mme la députée préférerait que ces gens-là paient des cotisations. Évidemment, ils vont aussi recevoir plus de bénéfices. En diminuant les cotisations, on a aussi diminué les bénéfices. Et c'est ce qui se passe actuellement.
Ce qui se passe maintenant, c'est que les gens dont le plafond a été réduit à 39 000 $, les employés aussi bien que les employeurs, ne paient pas, mais les prestations sont aussi diminuées en cas de perte d'emploi.
On peut examiner de plus près cette proposition, que personne n'appuie apparemment, et voir ce qui va arriver, une fois que ce projet de loi aura été adopté par le Parlement, aux personnes qui seront admissibles à l'assurance-chômage. Ce sont des centaines de milliers de femmes qui ont été exploitées en travaillant 12, 13 ou 14 heures par semaine et dont on ne parle jamais!
Ces personnes seront donc, pour la première fois, admissibles à l'assurance-emploi et auront aussi la possibilité, je crois, de faire partie d'un système beaucoup plus large qui inclut le régime de pensions du Canada, le système de compensation dans les provinces et tout le reste.
Il est certain que ceux qui veulent protéger les prestations et les bénéfices des personnes qui gagnent 45 000 $, 50 000 $ et 60 000 $ par année seront déçus par ce projet de loi qui fait plafonner à 39 000 $ le montant admissible pour l'assurance-emploi.
[Traduction]
Le président: Nous allons maintenant passer au Parti réformiste. Monsieur Johnston.
M. Johnston (Wetaskiwin): Bonjour, monsieur le ministre.
J'aimerais revenir à votre analogie au sujet des contraventions pour excès de vitesse; il est évident que si l'on est reconnu coupable d'avoir enfreint la limite de vitesse, on perd des points sur son permis. Toutefois, cette mesure s'accompagne en général d'une amende. En tout cas, la dernière fois que j'ai été pris pour excès de vitesse, c'est ainsi que cela s'est passé.
Cela m'amène à poser une question. Si certaines sociétés prêtent main-forte à certains de leurs employés pour falsifier des dossiers, quand est-ce que cela devient de la fraude? Est-ce de la fraude, ou simplement une erreur? Quelle est votre position à ce sujet et comment comptez-vous y remédier?
M. Young: Le gros problème, bien entendu, c'est de prouver... La fraude est relativement facile à prouver - je ne veux pas entrer dans le détail des définitions juridiques - mais pour la collusion, c'est une autre affaire; c'est une question d'intention et de la façon dont les choses se passent. Pour la fraude, c'est beaucoup plus simple à déceler.
Le problème pour les grandes sociétés ou les entreprises qui se font complices des cas d'abus du régime, c'est que la plupart du temps, ce sont des sociétés qui disparaissent du jour au lendemain, des sociétés fictives, qui ont tout un groupe de personnes à leur service, dont le matériel ou autre est loué - il appartient à une autre entreprise - de sorte que si l'on prend des mesures à leur égard, on tombe sur une coquille vide. Il n'y a rien derrière la façade. On peut bien imposer des amendes, on peut bien élaborer toutes sortes de sanctions, mais personne n'est là lorsqu'on téléphone. L'année suivante, les mêmes dirigeants sont de nouveau en affaires sous une autre raison sociale. Une autre entreprise est constituée en société. C'est pourquoi nous avons décidé d'envisager la responsabilité de l'administrateur ou de l'actionnaire, c'est-à-dire une responsabilité personnelle, plutôt qu'une responsabilité de personne morale.
Je ne veux toutefois pas induire le député en erreur, monsieur le président, en ce qui concerne les amendes. Nous avons un système en place à l'heure actuelle où l'on impose des amendes. Par exemple, l'an dernier, nous avons imposé pour plus de 100 millions de dollars de sanctions en cas de fraude, en plus de 100 millions de dollars en remboursement. Ce système reste en place.
Ce que je veux dire, c'est que du fait que les gens sont conscients des abus réels et perçus, on nous a demandé de punir les fraudeurs. Si l'on impose des amendes plus élevées, les gens se contenteront de dire que ce n'est qu'une taxe de plus; un autre exemple du gouvernement faisant main basse sur leur argent.
Les amendes actuellement prévues resteront en vigueur. Ce que nous disons, c'est que nous voulons y ajouter un autre élément. Autrement dit, si on abuse du système et qu'il vous fallait auparavant 20 semaines pour être admissible à l'assurance-chômage dans une région donnée du pays, la fois suivante, il va vous falloir travailler pendant 30 semaines. Il faudra donc, pour être à nouveau admissible, travailler à la sueur de son front... plutôt que de simplement augmenter les amendes. C'est une combinaison des deux.
Pour en revenir à l'exemple des infractions au code de la route, si l'on perd son permis, en fonction du motif, etc., on peut être tenu de reprendre des cours de conduite. Il arrive dans certains cas que les contrevenants soient obligés de participer à toutes sortes de programmes pour retrouver leur droit de conduire.
À notre avis, c'est comme pour le reste. Il faut essayer de prévoir un maximum de facteurs dissuasifs.
M. Johnston: Dans la même veine, monsieur le président, même si je comprends ce que nous dit le ministre, à savoir que certaines sociétés ne peuvent pas être poursuivies car elles n'ont aucun actif, il me semble que dans ces cas-là, l'employé ou la personne qui demande la prestation assume l'essentiel de cette mesure disciplinaire, si l'on peut dire. Même si je sais que ce n'est pas facile à faire, certaines de ces entreprises devraient également faire l'objet de sanctions.
M. Young: C'est pourquoi nous sommes opposés à ce prétendu concept de la personne morale ou de l'entité juridique, et que nous voulons nous attaquer à la personne ou à un groupe de personnes. Il ne s'agit pas là des grandes sociétés ni même des moyennes entreprises. Elles sont souvent créées non seulement pour profiter de l'assurance-emploi, mais également pour d'autres raisons. C'est pourquoi on opte de plus en plus pour le principe de la responsabilité personnelle des actionnaires ou des administrateurs.
M. Johnston: Monsieur le ministre, les employeurs de ma circonscription m'ont fait part de certaines préoccupations. L'un d'entre eux exploite une certaine entreprise de restauration rapide, et il m'a dit que d'après ses calculs, ses dépenses d'employeur augmenteront de près de 30 p. 100 si les dispositions du projet de loi C-12 concernant le travail à temps partiel prennent force de loi. Il emploie actuellement près de 90 personnes, dont la plupart sont des étudiants qui remboursent encore leurs prêts-étudiants ou utilisent l'argent qu'ils gagnent pour payer leur frais d'inscription à l'université. Il m'a dit que ses clients sont très sensibles au prix de ses produits et qu'il lui est impossible d'augmenter ses prix pour récupérer les cotisations supplémentaires qu'il devra verser.
Il a ajouté que l'augmentation de cette charge sociale va à l'encontre des objectifs du gouvernement actuel en matière de création d'emplois et est incompatible avec sa position selon laquelle les charges sociales sont néfastes pour les emplois. Il m'a dit également qu'il n'aura sans doute pas d'autre choix que de réduire le nombre de personnes qu'il engagera à l'avenir, et il lui faudra même diminuer le nombre d'heures travaillées par ses employés actuels.
M. Young: Ce problème a été porté à notre attention et nous préoccupe. C'est vraiment un cercle vicieux. Il nous faudra tenir compte de la compensation entre...
Pour les étudiants, il y a une réduction spéciale et pour les petites entreprises, il existe également un programme de remboursement.
Une fois que toute cette étude sera terminée, nous pourrons faire en sorte que le député obtienne toute l'information voulue à ce sujet. Cela ne répondra peut-être pas à toutes ses questions, mais nous pourrons discuter en détail de la façon dont le système fonctionne.
Il y a une question d'une portée beaucoup plus grande, à savoir pourquoi il y a eu une énorme croissance dans notre pays non seulement dans le secteur de l'alimentation mais également dans celui du logement, etc., où des dizaines de milliers de femmes surtout travaillent moins de 15 heures par semaine. Il y a lieu de se demander pourquoi ces gens-là devraient faire les frais du nouveau système. Qu'il s'agisse d'une petite ou moyenne entreprise, il faut se demander pourquoi des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de gens, principalement des femmes, vont travailler 14 heures par semaine, pas 10 ni 11 ou 12, pas 16 ni 17 ou 18. Le chiffre magique a été 15, car c'est à partir de ce nombre d'heures que les cotisations s'appliquent, et qu'il faut commencer à se préoccuper des prestations.
Si une femme de plus de 40 ans qui travaille dans ce genre d'entreprise depuis 10 ou 15 ans fait une chute, devient invalide, a un problème de santé, ou autre, elle n'a absolument aucune protection.
Notre société se doit de décider si oui ou non, un secteur de notre économie va tirer parti de ce genre de disposition artificielle où, de façon arbitraire, le chiffre de 15 heures est déterminant.
Je comprends les répercussions que cela a pour les particuliers, les petites entreprises, les petites sociétés. C'est pourquoi nous avons envisagé des dispositions spéciales en matière de réduction pour les petites entreprises, et nous essayerons de faire de notre mieux.
Il s'agit d'un problème grave. L'une des raisons pour lesquelles nous sommes passés au système de calcul des heures de travail, suite aux demandes que nous avons reçues au fil des ans... Un grand nombre de gens disent maintenant que nous ne devrions pas changer la méthode de calcul. Ces remarques viennent de nombreuses régions. Les gens se demandent pourquoi chacune de leurs heures de travail n'a pas la même valeur que les heures travaillées par une autre personne, simplement parce qu'elles travaillent pendant un nombre restreint d'heures par semaine.
C'est un compromis. Cela aura une incidence. Je l'admets volontiers. Je comprends ces répercussions. Certaines entreprises devront mettre de l'ordre dans leurs affaires.
J'ai même entendu des gens proposer, au sujet des conditions d'admissibilité, que l'on travaille 15 heures par semaine pendant 40 ou 50 semaines pour avoir droit aux prestations. Pourquoi ce chiffre de 15 heures par semaine est-il magique? S'agit-il d'une femme ou d'un jeune, ou autre, qui travaille pendant deux journées de sept heures et demie par semaine? S'agit-il d'une personne qui travaille cinq jours par semaine à raison de trois heures par jour? S'agit-il d'une personne qui travaille deux heures par jour sept jours sur sept avec une heure supplémentaire ici ou là? Comment les choses se passent-elles?
Cette situation est en réalité due au fait que de nombreuses entreprises - qui n'agissent pas de façon irrégulière, car c'est ainsi que les choses se sont faites - adaptent leurs besoins de ressources humaines pour éviter de devoir verser des cotisations pour certains de leurs employés.
Si nous avons prévu une compensation dans les provinces, si nous avons adopté le Régime de pensions du Canada, si nous avons prévu l'assurance-emploi, si nous prévoyons toutes ces protections, c'est bien pour les travailleurs.
Si nous pouvons concilier le besoin de s'assurer que les travailleurs sont suffisamment protégés et le besoin de prévoir un système assez souple pour qu'il s'applique aux petites entreprises, nous le ferons. Toutefois, cela exige une décision de notre part.
Je me ferai un plaisir d'envoyer au député de plus amples renseignements à ce sujet.
Le président: Nous donnons maintenant la parole à la représentante du Parti libéral, Mme Augustine.
Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): Je suis heureuse de vous voir ici, monsieur le ministre.
Je me réjouis aussi de voir que vous avez pris mon amendement et l'autre amendement au sérieux car nous y avons beaucoup réfléchi; c'était un véritable cas de conscience pour savoir comment nous pouvions assurer la justice et l'équité.
M. Scott et moi-même avons également participé aux audiences tenues aux quatre coins du Canada lors du premier exercice et nous avons beaucoup appris - et j'en avais déjà une certaine expérience - de ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts et faire vivre convenablement leur famille.
Je vous remercie donc d'avoir accepté de revoir la règle de l'intensité. Lors de votre examen, je vous prierais de tenir compte de l'incidence respective sur les hommes et les femmes, le nombre de familles monoparentales, notamment celles dont le chef est une femme, qui seraient affectées par cette mesure. Je voudrais moi-même voir les statistiques à ce sujet.
Pourriez-vous me dire maintenant si vous avez des chiffres concernant le supplément du revenu et son effet sur la prestation fiscale pour enfants? Autrement dit, qui va profiter de l'augmentation de ce supplément du revenu?
M. Young: Monsieur le président, il existe un train de mesures, dont j'ai parlé dans mon allocution, présenté par le gouvernement. Par exemple, comme vous le savez, le budget prévoit que le supplément du revenu du travail atteindra 1 000 $ annuellement dans deux ans. Il y a également le crédit fiscal pour enfants, aussi bien que le supplément de 2 500 $ en matière d'assurance-emploi pour les ménages ayant un revenu de 26 000 $ ou moins.
Le seul chiffre que j'ai ici, monsieur le président... Le choix du montant de 26 000 $ c'est judicieux puisque c'est le point de repère pour d'autres programmes.
Je ne peux pas vous donner davantage de détails, madame Augustine. Nous allons faire la répartition au cours de la prochaine quinzaine. Nous allons vous obtenir les détails concernant l'incidence sur les hommes et les femmes, les familles monoparentales et les régions du Canada qui seront les plus affectées.
Bon nombre de ces changements ont une portée nationale. D'après une étude préliminaire, on sera peut-être surpris d'apprendre que l'impact sera plus fort non pas à Tracadie au Nouveau-Brunswick, mais à Toronto où ce n'est pas vraiment le même ordre de grandeur.
Mais je peux vous dire que nous avons les chiffres pour le supplément familial. Il y a 350 000 familles qui touchent ce supplément. Quant à savoir combien d'entre elles seront affectées par la règle de l'intensité, ce serait peut-être la moitié. Si elles touchent déjà le supplément, nous savons que leur revenu est limité, mais nous ne pouvons pas savoir s'ils font partie des travailleurs pauvres ou s'ils ne travaillent pas du tout. Nous allons vous obtenir ces chiffres.
Mais pour vous donner une idée du nombre de personnes qui pourraient être affectées, il y a350 000 prestataires déjà dans le système, c'est un chiffre que nous avons déjà à cause de notre programme. Nous allons vous obtenir des détails à ce sujet. Mais comme je l'ai déjà expliqué, ces mesures pourraient s'avérer très utiles pour un énorme groupe de gens car nous avons déjà promis un supplément de 2 500 $ si le revenu du ménage est inférieur à 26 000 $.
Le président: Monsieur Regan.
M. Regan (Halifax-Ouest): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être venu aujourd'hui, monsieur le ministre. Je dois dire que j'avais hâte d'entendre vos réponses aujourd'hui aux propositions présentées par Mme Augustine, M. Scott et moi-même. J'espère qu'elles vous semblent utiles. J'aimerais certainement qu'elles soient appliquées et j'espère que le ministère estimera qu'elles sont applicables pour que nous y donnions suite.
Quand je parle avec mes électeurs des questions et des modifications proposées dans le projet de loi, je constate que certaines parties du projet de loi sont bien accueillies, notamment les dispositions concernant les revenus élevés, surtout en ce qui concerne la récupération. Je pense à ceux qui touchent un revenu annuel de 50 000 $ et qui, par le passé, pouvaient également toucher peut-être10 000 $ en prestations d'assurance-chômage... Mes électeurs disent que ce n'est pas le genre de situation pour laquelle le régime avait été prévu. Et c'est ce genre d'abus qu'il faut supprimer. Alors je suis très content de voir que la règle de récupération est fortement soutenue par la population.
Certains semblent croire que les abus sont très répandus. Mais ce n'est pas mon opinion. Au contraire, je crois qu'ils sont limités. N'empêche que la population s'en inquiète et voit d'un bon oeil le genre de mesures que vous proposez pour les cas d'abus. Il faut faire comprendre que nous ne tolérerons pas d'abus aux dépends des utilisateurs légitimes.
Quant aux utilisateurs légitimes, je pense qu'on veut maintenir à leur intention un régime aussi solide que possible. On voudrait leur éviter le genre de difficultés qui pourraient surgir si nous n'adoptions pas les amendements proposés par mes collègues, M. Scott et Mme Augustine - je pense par exemple à la règle de l'intensité qui pourrait causer des problèmes aux gens à faible revenu.
À mon avis, il est important d'assurer une plus grande équité. C'est pour cette raison que j'ai parlé de dénominateur dans ma proposition. Le régime actuel semble dire que si vous vous trouvez dans une région à chômage élevé, il faut pousser les gens à travailler au maximum en les obligeant à travailler quatre semaines supplémentaires pour avoir droit aux prestations intégrales de chômage tandis que ceux qui se trouvent dans des régions à faible taux de chômage où on peut trouver plus facilement du travail, ne sont pas soumis à cette exigence. À mon avis, cela est tout à fait déraisonnable. Je crois qu'il faut une plus grande équité et c'est la raison de ma proposition.
Permettez-moi maintenant de parler un peu de la partie II du projet de loi qui concerne les mesures actives. Si je comprends bien, certaines de ces mesures, notamment les mesures de transition, s'appliquent surtout à des communautés à fort taux de chômage. J'estime qu'il faut faire certaines nuances ici. Par exemple, ma circonscription a un taux de chômage relativement faible comparativement au reste de la région Atlantique. Mais il existe certaines communautés, des communautés minoritaires ou des personnes handicapées, qui font face à des obstacles très importants et qui connaissent un taux de chômage assez élevé. Je voudrais savoir si ces groupes sont visés par les mesures particulières pour les communautés à fort taux de chômage.
Deuxièmement, au sujet des subventions salariales, certains ont dit au comité que les employeurs profitent de ces subventions pour obtenir une main-d'oeuvre à bon marché. J'aimerais savoir ce que le projet de loi prévoit à ce sujet.
En dernier lieu, j'aimerais en entendre davantage au sujet des associations pour la création d'emplois et comment elles vont fonctionner dans la pratique.
Je vous remercie.
M. Young: Monsieur le président, je pense qu'il faut faire très attention en parlant d'une communauté à l'intérieur d'une communauté. Nous devons collaborer avec nos partenaires, dans le contexte de la partie II, et je tiens à souligner que nos partenaires seront les provinces. Nous devons négocier avec les provinces et la situation va sans doute varier beaucoup d'une province à l'autre.
Je vais déposer aujourd'hui des exemplaires de ma lettre adressée à tous mes homologues provinciaux. Les demandes particulières et les cas de négociation varient d'une province à l'autre. Vous pourrez voir dans ce document quelles sont nos intentions. Toute mesure active devra faire l'objet d'une collaboration avec les provinces. À l'étape actuelle, je ne voudrais pas faire de conjectures, j'espère que nos négociations vont faire des progrès rapides en vue d'instaurer un système qui respecte les clients tout en évitant dans la mesure du possible le dédoublement et la confusion. J'espère que nos partenaires seront assez souples pour en tenir compte. Comme je l'ai dit, il y a d'importantes différences dans les provinces et aussi parfois dans les communautés.
Quant aux subventions salariales, je profite de cette occasion pour souligner que nous avons l'intention de faire une surveillance très stricte. Comme vous le savez, le projet de loi original prévoyait un mécanisme de surveillance. Il sera d'autant plus important maintenant que nous essayons de convaincre nos collègues du gouvernement qu'il nous faut une certaine souplesse concernant le financement de ces changements. Les changements que vous avez proposés à ce comité vont coûter de l'argent et il faudra trouver cet argent quelque part.
Ce processus de contrôle exigera un certain changement de comportement qui fera en sorte que les gens travailleront davantage et ne rateront aucune occasion de travailler parce que chaque heure compte. Il n'y aura pas de mesures d'encouragement ni de dissuasion. J'espère que les gens comprendront que grâce à ce fignolage du système, on ne peut plus courir le risque de refuser une offre d'emploi, quelle qu'elle soit.
Du côté des entreprises, nous allons exercer une surveillance serrée pour réprimer tout abus de ces subventions salariales.
Le mécanisme de surveillance constitue un aspect essentiel. Je pourrais vous donner des chiffres faramineux. Si on réussit à obtenir un changement de comportement, ayant comme résultat une semaine de travail supplémentaire chez les prestataires de l'assurance-chômage, ça peut représenter l'équivalent de 500 millions de dollars. C'est un chiffre astronomique.
Si on réussit à obtenir un changement de comportement parce que les gens voient qu'ils peuvent compter sur notre aide avec l'assurance-emploi, il va y avoir des subventions salariales, des fonds de transition et des fonds de réinvestissement... En même temps, il y a de très fortes pressions pour que les gens acceptent les offres d'emploi disponibles pour s'aider eux-mêmes. Grâce à ces changements de comportement, l'économie s'en portera beaucoup mieux avec une plus grande productivité et moins de dépendance. Il va falloir suivre cette situation comme nous faisons avec les autres indicateurs.
Quand le ministre des Finances fait son budget, il prévoit les taux d'intérêt, le produit national brut, les taux d'inflation, etc. Nous sommes donc préparés... Et nous insistons sur le fait que grâce à notre mécanisme de surveillance des dispositions de ce projet de loi, nous pourrons en identifier les effets positifs et négatifs.
Monsieur le président, je m'engage donc auprès des membres du comité à... Je ne parle pas de la situation future dans deux, trois ou quatre ans. Je dis que si, cette loi entre en vigueur le 1er juillet 1996, le processus de surveillance commencera tout de suite. Si nous constatons un effet imprévu sur certains éléments de la société, des conséquences injustes ou inéquitables, nous allons y remédier. Je n'ai pas peur de reconnaître mes erreurs, j'en ai fait dans ma vie. Le gouvernement se trompe parfois, ce n'est rien de neuf. Il s'agit de savoir si on a le courage de rectifier ses erreurs, de les reconnaître et de les corriger.
Le processus de contrôle prévu dans le projet de loi nous permettra de prendre grand nombre de ces mesures. Je prends l'engagement devant le comité qu'en ce qui a trait non seulement aux questions soulevées par le député de Halifax-Ouest, mais également aux vastes implications de la mise en oeuvre de ce projet de loi, nous surveillerons son incidence de façon très méticuleuse.
Le président: Monsieur Scott.
M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci, monsieur le président.
Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. J'aimerais approfondir un peu votre perception fondamentale du programme. Mme Augustine a fait allusion au fait qu'elle et moi avons traversé le pays pendant un certain temps pour discuter avec les Canadiens de l'examen de la sécurité sociale et des programmes sociaux en général. J'ai toujours considéré que l'assurance-chômage offrait un important supplément de revenu aux personnes qui travaillent dans des secteurs saisonniers. J'ai été plutôt déçu de constater qu'un certain nombre de gens ne partagent pas cette opinion et considèrent qu'il s'agit strictement d'une assurance. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Par exemple, lorsque votre ministère essaie de trouver les fonds nécessaires pour financer le programme, j'espère que l'on se penchera sur le cas des gens qui se trouvent en haut de l'échelle. Certaines personnes qui ont un revenu élevé touchent des prestations ordinaires. Si l'on effectue une analyse à ce sujet - et je suis certain que c'est le cas - j'aimerais beaucoup qu'elle soit fournie au comité, pour que nous sachions d'où vient l'argent versé dans le régime, ce qui nous permettra d'évaluer les mesures prévues pour trouver les fonds nécessaires à la mise en oeuvre de nos projets d'amendements.
Mais avant toute chose, monsieur le ministre, j'aimerais obtenir l'assurance que votre conception du programme englobe les mesures sociales qui sont évidentes - la protection des gens à faible revenu, etc. Ces mesures ont été en grande partie contestées par bien des gens qui, à mon avis, auraient dû appuyer davantage les éléments du programme qui constituent un progrès social, du moins à mes yeux.
M. Young: Permettez-moi de vous dire que je comprends dans une certaine mesure les arguments qui ont été avancés au sujet des personnes qui estiment que le programme doit être strictement un régime d'assurance. À mon avis, de par sa nature même et la façon dont elle a évolué au fil des ans dans notre pays, l'assurance-emploi est bien plus qu'une simple assurance. C'est à mon avis la reconnaissance d'une obligation sociale.
J'ajoute, monsieur le président... car j'ai déjà eu ce genre de discussion - ou plutôt d'entretiens utiles qui n'ont pas toujours été des discussions - avec diverses personnes au sujet de l'idée que l'on doit récupérer chaque cent que l'on cotise, de la justice et de l'équité, de la juste part. Permettez-moi de vous faire part de certains exemples que j'ai utilisés.
En tant que personne qui paye de l'assurance-vie à terme depuis de nombreuses années, je suis extrêmement heureux que ma femme n'ait pas encore touché cet argent. En fait, lorsque j'atteindrai 65 ans et que j'aurai payé cette assurance depuis plus de 40 ans, je serai l'homme le plus heureux parce que personne n'aura encore récupéré cet argent.
Si je cotise à la caisse d'assurance-emploi pendant 25 ou 35 ans, en tant que citoyen canadien, et que je n'aie jamais besoin de toucher des prestations; je pense que les gens dans ce cas-là sont très heureux. Je pense également qu'ils ont beaucoup de chance.
Si j'ai une assurance-santé supplémentaire et que jusqu'à ma mort, je n'ai jamais eu à toucher quoi que ce soit des sommes que j'ai versées dans mon assurance-santé personnelle, je pourrai me réjouir d'avoir eu beaucoup de chance dans ma vie.
C'est pourquoi j'ai du mal à comprendre les gens qui veulent que le système soit équitable à tout prix. Il y a une raison pour ne pas appeler ces programmes assurance-décès, mais plutôt assurance-vie. Il y a une raison pour parler d'assurance-santé plutôt que d'assurance-maladie.
À mon avis, je n'ai aucune hésitation à dire que bon nombre des personnes auxquelles j'ai parlé depuis un mois et demi, ainsi que la plupart des gens que je connais depuis de nombreuses années, qui ont été confrontés au problème de la perte d'un emploi et du chômage, etc, seraient des plus heureux s'ils pouvaient échanger les prestations qu'ils touchent du régime pour le niveau de vie, le confort et la tranquillité d'esprit dont jouissent les personnes qui n'ont jamais eu d'interruption d'emploi.
Lorsqu'on parle de justice, d'équité, de juste part, et cetera, il faut être très prudent. Si chacun veut récupérer jusqu'au moindre cent des cotisations qu'il a versées dans le régime d'assurance-emploi, nous allons être dans un sale pétrin. Les gens devraient revoir leur position en se disant que moins l'on touche de son assurance-vie, de son assurance-santé ou de l'assurance-emploi, mieux cela vaut.
Le président: Nous passons donc au Bloc pour le deuxième tour de questions.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Je suis bien content qu'après le théâtre, on passe à la réalité. Parlons donc de la réalité, monsieur le ministre.
Ce que les gens de chez nous demandent ne correspond pas au contenu des mémoires et des amendements préparés d'avance. Je voudrais savoir, monsieur le ministre, si vous allez maintenir la décision de pénaliser des régions-ressources qui se sont développées parce qu'elles sont coupables d'avoir une économie régionale.
Est-ce que la règle d'intensité est maintenue? Est-ce que vous voulez vraiment vider nos régions en maintenant les 910 heures exigées aux nouveaux demandeurs? Maintiendrez-vous l'épée de Damoclès au-dessus de la tête des femmes parce qu'elles nous ont parlé clairement de la discrimination systémique qui existait dans cette réforme?
Ce ne sont pas des amendements sans importance. Ce sont des problèmes de fond sur lesquels les gens nous posent des questions. Chez nous, ce ne sont certainement pas des agitateurs professionnels. Il s'agit de trois MRC, entre autres, et d'une quarantaine de maires qui ont unanimement adopté des résolutions pour demander le retrait de la réforme. Je voudrais savoir si tout cela est fondé.
Mon dernier commentaire concerne le système que vous développez avec les amendements qui sont devant nous. Les utilisations inadéquates que vous faites ne se monteront pas à 125 000 mais plutôt à 250 000 parce que vous allez multiplier leurs effets.
M. Young: Nous sommes aujourd'hui à une étape dans le travail du comité. J'espère avoir fait suffisamment de commentaires sur les propositions des députés. Et si l'honorable député n'a pas d'autre suggestion à faire que celle de retirer le projet de loi, nous verrons, en temps et lieu, si c'est aussi la décision du gouvernement. Je crois avoir dit clairement, au début de ma présentation, que l'intention du gouvernement était de mettre en place une Loi sur l'assurance-emploi au Canada le 1er juillet 1996.
Je ne veux pas préjuger du rapport du comité sans prendre en considération les déclarations des membres du comité et les témoignages des différents groupes et individus qui vont se présenter devant le comité. Si le député me demande si nous allons retirer le projet de loi et revenir à un système de 10-42 ou à autre chose de ce genre, ma réponse sera négative, monsieur le président. Ce n'est pas ce que nous allons faire.
M. Crête: Le député du Nouveau-Brunswick n'a pas répondu à la première partie de la question. Est-ce que vous maintenez toujours que les régions-ressources ont agi volontairement, comme vous l'indiquez dans la réforme actuelle?
M. Young: J'ai dit que la proposition qui a été faite concernant la règle d'intensité, avec une exemption pour les foyers dont le revenu est de moins de 26 000 $, me semblait très intéressante.
Si l'honorable député a d'autres suggestions à nous proposer, nous allons les examiner. Pour l'instant, à l'exception d'une demande assez générale pour le retrait du projet de loi, je n'ai pas entendu beaucoup de suggestions concrètes de la part du Bloc québécois. Nous espérons cependant avoir des propositions qui pourraient nous être utiles.
M. Dubé (Lévis): Nous pensons très fortement qu'il vaudrait mieux présenter un nouveau projet de loi parce qu'il y aurait trop de changements à faire à celui-ci lors de son étude article par article.
Personnellement, je suis un peu déçu, monsieur le ministre. Tout de suite après votre nomination, vous étiez venu rencontrer le comité et, à ce moment-là, j'avais perçu chez vous une attitude très positive. Je me souviens que j'avais alors dit que parce que vous étiez d'une région... Andy Scott, M. LeBlanc et moi-même faisions partie d'un sous-comité qui s'était rendu en Acadie, l'année dernière. Tous les témoignages avaient été extraordinaires. Cet après-midi, je suis déçu de vous entendre dire que vous ne partagez plus ce point de vue.
Vous semblez maintenant écouter les gens de votre ministère. Il y aurait de 100 000 à 125 000 personnes qui abusent du système. Je m'occupe de ce dossier et je me demande où vous avez trouvé ces chiffres. J'ai trouvé cela épouvantable.
Deuxièmement, je voudrais parler du dossier jeunesse. Aujourd'hui, vous ne parlez pas d'un régime d'assurance-emploi, mais plutôt d'un régime d'assurance-punition.
Ce qui me scandalise encore plus, c'est que dans ce projet de loi - je sais bien que n'est pas vous qui l'avez élaboré mais votre prédécesseur - , on veut même punir les nouveaux arrivés sur le marché du travail. On leur demande de faire 910 heures! Ils n'ont jamais encore utilisé les prestations de l'assurance-chômage, mais on les punit à l'avance.
Il y a là quelque chose qui me dérange et qui me déçoit beaucoup. Il y a eu des préconsultations dans tout le Canada pour cette réforme. On a entendu des tas de gens l'année dernière et cette année on recommence pour entendre les mêmes critiques. On constate que les mesures sont mauvaises, mais il faut bien se dire que ce n'est pas un compromis qui les rendra meilleures.
Ce sont des constatations générales et je vais revenir à des choses plus spécifiques, monsieur le ministre. Pourquoi punir d'avance des gens qui n'ont pas encore bénéficié de l'assurance-chômage en doublant les exigences, en exigeant 910 heures par année? Est-ce que vous trouvez cela acceptable?
M. Young: Depuis quelque temps, nous avons été rappelés à l'ordre à maintes reprises par des intervenants qui nous disent que le programme d'assurance-emploi devrait être une simple assurance qui refléterait l'expérience et la réalité.
Toutes sortes de propositions ont été présentées. Permettez-moi de vous donner un exemple parce que, dans l'intervention de l'honorable député, il y a deux éléments qui sont très valables et auxquels je voudrais répondre.
Tout d'abord, je vais répondre à la question qui concerne les nouveaux venus sur le marché du travail. Ce n'est peut-être pas le cas partout, mais nous allons essayer de rester attachés à des expériences connues.
Si quelqu'un vient d'apprendre à conduire et conduit pour la première fois, il devra payer une prime d'assurance plus élevée qu'une personne qui conduit depuis longtemps. C'est juste un exemple et je crois que c'est arrivé à beaucoup d'entre vous. Et si vous avez un accident, la prime va bien entendu augmenter.
Il y a toutes sortes d'exemples qui nous font dire qu'avant de se présenter sur le marché du travail, il faut être prêt.
Prenons l'exemple des jeunes qui décrochent. Ils doivent bien savoir que cela ne va pas leur faciliter la vie. Il est important qu'ils sachent qu'arriver sur le marché du travail sans y être bien préparé, dans n'importe quelle province, c'est prendre le risque de se retrouver prestataire d'un bien-être social dont les taux ne sont pas très élevés. Le Nouveau-Brunswick, par exemple, a les taux les plus bas du pays. Il ne s'agit donc pas de leur faire croire qu'il est facile de s'insérer dans le programme d'assurance-emploi.
Il y a peut-être d'autres points de vue. Cela varie d'une région à l'autre et la situation est plus difficile dans les régions où on manque d'emplois. Les critères peuvent être souples, mais il serait intéressant de savoir quelles solutions vont être proposées.
Comment devrait-on donner accès au programme d'assurance-emploi à quelqu'un de 17 ans qui se dit: «Je fais ma dixième, je n'aime pas trop ça, je m'en vais, je me trouve un emploi peut-être, et puis je m'accroche à l'assurance-emploi ou à l'assistance sociale»?
Je suis prêt à entendre toutes les suggestions. J'ai écouté les propositions de nos collègues jusqu'à maintenant et je voudrais répondre à l'honorable député qui pense que j'ai inventé le chiffre que j'ai cité. C'est incroyable!
Durant les cinq dernières années, il y a sûrement eu plus d'abuseurs et de fraudeurs du système pris en flagrant délit que 100 000, chiffre que j'ai donné. C'est un chiffre bien en-dessous de la moyenne annuelle, monsieur le député. Ce n'est pas du tout que je crois qu'un tel nombre de personnes est en train d'abuser du système. Ce n'est pas du tout ça.
Sachez, monsieur, que 100 000 à 125 000 personnes ont été trouvées coupables d'avoir abusé du système, d'avoir fraudé, et ont été pénalisées. J'espère que vous n'êtes pas trop surpris de cette réalité bien connue de ceux qui s'occupent du programme.
M. Dubé: Il faudrait qu'il y ait un exposé de ces cas, sans nommer les personnes, évidemment.
M. Young: On peut vous fournir les chiffres de quelques années. D'ailleurs, nous, qui sommes députés depuis longtemps, sommes constamment confrontés à des situations où les gens comparaissent devant un tribunal quelconque, ont des problèmes ou des malheurs. Alors, je peux vous dire que le système actuel est déjà la cause de ces problèmes et que le chiffre de 100 000 n'est pas un chiffre cité en l'air.
M. Dubé: Il faut qu'on en parle.
M. Young: Ce sont des faits connus. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. C'est un chiffre qui est cité depuis très longtemps.
M. Dubé: Vous parlez de frauder, et il faut bien comprendre que c'est grave. Frauder, c'est entrer dans le système en faisant de fausses déclarations.
M. Young: Oui, et on est pénalisé pour avoir essayé de contourner le système.
M. Dubé: Ah non, ce n'est pas pareil. Si quelqu'un est pénalisé, il peut contester et demander l'examen de son cas.
M. Young: Monsieur le député, vous pouvez jouer sur les mots tant que vous voulez. Je dis que plus de 100 000 personnes, l'année passée, l'année d'avant, puis l'année précédente,...
M. Dubé: Ont fraudé...
M. Young: ...ont abusé du système, fraudé, obtenu des prestations auxquelles elles n'avaient pas droit et ont été jugées responsables de ces actes.
Je ne vais pas élaborer davantage, mais je dois dire qu'il y a aussi 20 p. 100 qui récidivent deux et trois fois. Nous, qui sommes députés depuis longtemps, savons qu'il y a des abus dans n'importe quel système.
Il a des abus au système d'assurance-emploi, comme il y a des abus au système d'impôt, comme il y a des abus au système de contrôle de la vitesse des automobiles sur les routes. Il y a des abus partout, et il faut donner des chiffres lorsqu'on les connaît.
[Traduction]
M. Johnston: Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait prévu que ce projet de loi permettrait d'économiser 1,9 milliard de dollars. Aujourd'hui, les membres du comité ont proposé trois amendements. S'ils sont adoptés, pourrons-nous néanmoins économiser 1,9 milliard ou cela fera-t-il une différence?
M. Young: Non, le ministre des Finances a été très clair. Pour être certain que nous nous comprenons bien, toutefois, cette somme de 1,9 milliard de dollars devait être versée dans un fonds de réinvestissement, de telle sorte que le montant net que prévoyait le ministre des Finances dans son budget l'an dernier était de 1,2 milliard de dollars, et nous devons nous en tenir à cette prévision. Je suis convaincu que le ministre des Finances insistera sur ce point. Je tiens à dire aux députés que lorsque nous fournirons toutes nos analyses après les vacances de Pâques, il nous faudra déterminer comment nous allons procéder en cas de réaffectation des fonds.
Je voudrais revenir, monsieur le président, sur toute la question du changement d'attitude, car c'est un élément crucial du programme. Alors que nous mettrons en oeuvre certaines mesures qui supprimeront les facteurs de dissuasion, il nous faudra en tenir compte.
Il ne fait aucun doute toutefois, monsieur le président, pour répondre directement à la question du député, que les engagements budgétaires seront respectés.
Le président: Avez-vous d'autres questions, monsieur Johnston?
M. Johnston: J'ai une remarque à faire au sujet du terme qu'a utilisé le ministre, monsieur le président. «Réaffectation» est un terme très intéressant et il arrive qu'on l'utilise à toutes les sauces.
M. Young: Monsieur le président, le député est en droit d'obtenir l'assurance que cette prévision, puisqu'elle s'applique à un document budgétaire, au déficit, à tout notre programme de gestion financière, sera respectée à tout prix. Tout ce que nous faisons en matière de réaffectation; nous pouvons réaffecter les fonds au sein du ministère, mais il faudra atteindre tous nos objectifs en matière d'examen de programmes. Si nous avons 10 $ à dépenser et qu'il était prévu au départ de dépenser 7 $ d'un côté et 3 $ de l'autre, tant que l'on dépense 6 $ et 4 $ et qu'on en arrive à un montant de 10 $, c'est très bien. On ne peut pas dépenser 11 $. C'est là-dessus que je voulais insister.
Le président: Est-ce bien clair: 7 $ plus 3 $, cela fait 10 $?
M. Johnston: Oui, même avec les calculs des Libéraux, monsieur le président.
Le président: Monsieur Allmand.
M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): J'ai quelques questions concrètes. J'aimerais tirer au clair toute cette question des abus.
Monsieur le ministre, à combien se sont montées les prestations versées en 1995?
M. Young: Vous parlez des cas d'abus?
M. Allmand: Non, de l'ensemble des prestations. Combien cela a-t-il coûté?
M. Young: Nous vous obtiendrons ce renseignement.
M. Allmand: J'aimerais savoir, car lorsque vous parlez de «abus», je ne comprends pas si vous entendez par là «illégalité». J'aimerais savoir, en fonction du montant total des prestations versées l'an dernier, quelle proportion a été obtenue de façon abusive ou illégale, si c'est la même chose. Cela ne m'a pas paru clair dans les échanges que vous avez eus jusqu'ici.
M. Young: Le total des prestations versées s'élève à près de 13,5 milliards de dollars.
M. Allmand: D'après vos renseignements, quelle partie a été obtenue de façon abusive ou illégale, si ce n'est pas la même chose?
M. Young: Les versements excédentaires ont atteint près de 100 millions de dollars.
M. Allmand: Les versements excédentaires, toutefois, sont parfois dus à...
M. Young: Soyons précis.
M. Allmand: C'est pourquoi j'aimerais être précis.
M. Young: Je vais essayer d'être plus clair. Près de 119 000 prestataires ont été pénalisés, en 1995-1996, pour avoir fraudé l'assurance-chômage.
M. Allmand: Quelle proportion de l'ensemble des prestations cela représente-t-il?
M. Young: Je vais devoir obtenir ce renseignement pour vous.
M. Allmand: Laissons cela pour le moment, monsieur le président. J'aimerais vraiment savoir ce qu'il en est, car par le passé on nous a dit que le pourcentage de fraude, même s'il est toujours trop élevé, représentait une très faible proportion des prestations totales versées. Mais laissons cela pour le moment.
M. Young: Le nombre critique ici ne vise pas à laisser entendre, pas plus que pour l'impôt sur le revenu ou autre, que tout le monde profite du système. Loin de nous le désir de donner cette impression. Ce que nous disons, c'est que plus de 100 000 personnes par an, depuis quatre ou cinq ans, ont profité du régime et ont été pénalisées.
On peut bien discuter du choix des termes, pour savoir s'il s'agit d'une activité criminelle, d'une activité frauduleuse, ou autre, mais les prestataires pénalisés ont été repérés par le régime et on a établi qu'ils enfreignaient la loi. Cela représente plus de 100 000 personnes par an, quels que soient les montants en cause. En général les amendes, sauf erreur, ont été de l'ordre de 900 $ à 1 000 $, et les prestations étaient sans doute du même ordre.
M. Allmand: Si je pose ces questions, monsieur le président, c'est que bien souvent nous n'avons pas les chiffres exacts sur le nombre d'abus. Les gens qui n'aiment pas l'assurance-chômage, qui s'y opposent, gonflent ces chiffres pour que l'on réduise les prestations justifiées que reçoivent les gens qui les méritent vraiment. En toute justice, il faudrait que nous ayons une idée précise du pourcentage d'abus, par rapport à l'ensemble des prestations versées.
Ma question suivante est également factuelle. En répondant aux questions au sujet de l'excédent prévu de la caisse cette année, soit environ cinq milliards de dollars, vous avez dit que le gouvernement a l'intention de créer une réserve à l'avenir, de telle sorte qu'en cas de récession ou de marasme économique et d'accroissement du chômage, vous disposerez d'une réserve pour permettre au gouvernement d'économiser sur les versements qu'il doit prélever sur la caisse lorsque la demande est supérieure aux cotisations versées.
J'aimerais savoir ce qu'il en a coûté, en chiffres nets, au gouvernement pour répondre aux demandes de prestations lorsque la caisse était déficitaire, disons depuis 1990 ou au cours des 10 dernières années. On s'est toujours efforcé de disposer d'un excédent dans la caisse lorsque les choses allaient bien pour combler le déficit lorsque la situation s'aggravait. Si vous dites que l'excédent en réserve n'a pas été suffisant, j'aimerais savoir ce qu'il en coûté, en chiffres nets, au gouvernement une fois le déficit de la caisse remboursé par les excédents au cours des périodes prospères - le coût en fonction des taux d'intérêt sur l'argent prêté à la caisse qui a été remboursé après que celle-ci eut accumulé un excédent. J'aimerais vraiment savoir ce que cela a coûté au gouvernement au fil des ans, étant donné qu'il ne cotise plus à la caisse depuis les modifications apportées par le gouvernement conservateur il y a quelques années.
Pourriez-vous m'obtenir ce renseignement, même si vous ne l'avez pas sous la main aujourd'hui?
M. Young: En fait, nous avons ces chiffres sous la main. Permettez-moi de préciser que le coût dont nous parlons représente l'intérêt versé en 1995, soit 94 millions de dollars, car la caisse a commencé à redevenir excédentaire dès 1995. Nous avons enregistré un excédent du compte courant cette année-là. En 1994, l'intérêt versé par le gouvernement s'est élevé à 310 millions de dollars, contre 405 millions en 1993 et 255 millions en 1992.
Monsieur le président, si nous voulons maintenir une réserve dans le compte de l'assurance-chômage, ce n'est pas uniquement pour protéger l'intérêt du gouvernement et lui permettre de faire face à un déficit éventuel. Vous vous rappelez sans doute le bond énorme qu'ont fait les taux de cotisation il y a quelques années, pour les cotisations versées par les employeurs et les employés du secteur privé. Lorsqu'on est en pleine régression et que tout le monde effectue des coupures, on passe d'un seul coup de x à y.
M. Allmand: Je suis d'accord avec vous. J'aimerais obtenir une analyse indiquant la dépense nette pour le gouvernement en raison des paiements d'intérêt, etc, depuis environ 1990.
M. Young: Nous avons les chiffres sous la main à partir de 1992, et je viens de vous les donner. Nous les obtiendrons pour les deux années précédentes. Nous ferons imprimer ce document.
M. Allmand: Très bien.
Voici ma dernière question. On nous a dit qu'en 1990, 87 p. 100 des chômeurs étaient protégés par l'assurance-chômage. Or en 1996, seulement 46 p. 100 d'entre eux le sont. J'aimerais savoir quelle proportion des chômeurs, d'après vous, continuera d'être protégée si ce projet de loi et adopté. D'après nos renseignements, malgré le passage au système de calcul des heures, étant donné le resserrement des conditions d'admissibilité et le raccourcissement de la période de prestations, il se pourrait que moins de 46 p. 100 des chômeurs soient visés. Avez-vous essayé d'évaluer l'incidence de ce projet de loi sur le nombre de chômeurs qui seront protégés?
M. Young: Oui, monsieur le président.
Étant donné que le député a posé une question assez détaillée sur la tendance à la baisse du nombre total de personnes visées par l'assurance-emploi - et ce pour toutes sortes de raisons - il vaudrait mieux préparer une réponse complète et détaillée. Il ne fait aucun doute que, à notre avis, cette tendance est en train de s'inverser - mais c'est surtout dû à la façon dont fonctionne l'économie - et surtout, je pense, sans entrer dans tous les détails, relativement au nombre de personnes qui travaillaient par exemple, dans des secteurs où les mises à pied importantes étaient rares, notamment dans l'industrie de fabrication. Les quatre ou cinq dernières années ont été très dures pour nous. Il y a eu d'importantes compressions dans le secteur manufacturier.
Nous vous fournirons les renseignements sur les années passées et essaierons de vous donner une idée de la tendance future.
Le président: Merci. Madame Terrana.
Mme Terrana (Vancouver-Est): Les projets d'amendements de mes collègues ont répondu à la plupart de mes préoccupations, mais il reste quand même d'autres choses qui m'inquiètent. Nous parlons d'équité, et nous établissons par ailleurs un seuil de 39 000 $ de revenu pour la récupération. Toutefois, si l'on considère la situation dans notre pays, il coûte beaucoup plus cher d'habiter à Vancouver qu'à Halifax. J'aimerais vous faire part de ma préoccupation. Je sais que les mesures proposées auront une bien plus forte incidence sur les personnes dans les régions où le coût de la vie est plus élevé.
Ma deuxième préoccupation concerne la réintégration du marché du travail, les 910 heures qu'il faut travailler lorsqu'on devient membre de la population active. Bon nombre de femmes restent à la maison pour élever leurs enfants. Il leur est alors très difficile de réintégrer le marché du travail. Cela représente pour elles beaucoup d'incertitude car elles ont perdu confiance en elles-mêmes. Cela représente à mon avis un fardeau très lourd pour ces femmes. Voilà l'autre préoccupation dont je voulais vous faire part.
M. Young: Monsieur le président, deux choses. Au sujet de la réintégration du marché du travail, je suis convaincu que cela va poser un gros problème pour certaines personnes et bien entendu pour les femmes dont a parlé le député, dans certaines régions, en fonction des taux d'emploi et de tout le reste. Je tiens à bien préciser que certaines personnes semblent n'avoir pas remarqué que le travail effectué l'année précédente serait également comptabilisé. Il ne s'agit de la réintégration la première année.
Si ces personnes travaillent une partie de l'année ou acceptent un emploi à temps partiel, le calcul des heures de travail sera avantageux pour elles, car il y a toujours des compensations. Il ne fait aucun doute que pour certaines personnes dans des situations particulières, ce sera peut-être un peu plus difficile. Il nous faudra examiner de près le rapport entre ces personnes-là et l'amélioration de la situation de milliers d'autres femmes qui seront admissibles aux prestations pour la première fois.
La question de la réintégration du marché du travail est assez complexe. Il faut utiliser des exemples précis pour la comprendre. Prétendre qu'une personne qui devient ou redevient membre de la population active... Comme je l'ai dit plus tôt à mon collègue de l'opposition, si une personne quitte le marché du travail uniquement pour voir si elle peut travailler assez longtemps pour être admissible à l'assurance-emploi, il y a lieu de s'interroger sur la façon dont le système est conçu. Toutefois, je comprends le problème et nous devrons trouver une façon de comptabiliser les années précédentes, tenir compte des antécédents professionnels, etc.
Au sujet de l'établissement de normes, comme je l'ai déjà dit, j'ai été intrigué par la proposition de Mme Augustine en vue d'utiliser le plafond de 26 000 $ pour la règle de l'intensité. Ce montant de 26 000 $ est un critère établi pour le revenu des ménages. Je suppose qu'il est arbitraire, mais j'ai voulu savoir comment les provinces procèdent dans ce domaine. Les chiffres varient beaucoup, par province, relativement à l'aide sociale, aux prestations supplémentaires, etc. Je pense sincèrement que le plafond de 26 000 $ pour les crédits pour enfant... Si l'on considère ce qui se passe dans la plupart des provinces, nous constatons que le gouvernement fédéral est le plus généreux. Si l'on examine les régimes provinciaux et d'aide sociale, nous venons en tête.
Si l'on considère le plafond de 39 000 $ pour la récupération, je ne pense pas que l'on puisse trouver beaucoup d'autres régimes plus généreux que le nôtre en matière de seuil de revenu. Bien sûr, ce système n'est pas parfait dans la mesure où, comme vous l'avez dit, le coût de la vie est plus élevé dans certaines régions du pays. En général, toutefois, c'est aussi dans les régions où le coût de la vie est supérieur qu'il existe plus de possibilités d'emplois et des barèmes de traitements supérieurs. Bien peu de gens vont dans les régions du pays chercher du travail à cause du taux de prestations de l'assurance-emploi. En général, il y a un rapport entre le coût de la vie, les possibilités, le niveau de vie et les niveaux de revenu.
C'est pourquoi je pense que le plafond de 39 000 $ sera avantageux dans les régions où les niveaux de revenu sont élevés. Pour les régions du pays où l'économie est moins solide, il y aura beaucoup moins de personnes qui devront s'inquiéter de la clause de récupération à partir de39 000 $. Ces personnes ne gagnent pas ce genre de salaire.
Le président: Monsieur McCormick.
M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox et Addington): Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui, monsieur le ministre.
Je suis ravi de vous voir et de constater que nous admettons au moins que le régime fait l'objet d'abus. Bien des Canadiens, surtout parmi mes électeurs dans ma circonscription de l'est de l'Ontario, m'ont dit qu'ils souhaitent que le ministère et le ministre reconnaissent au moins cet état de choses. C'est certain qu'ils accepteront même de payer 10 c. de plus leur hamburger ou tout autre produit vendu par les «Mc», si cela nous permet de rendre de bons Canadiens admissibles au régime.
Nous avons parlé du nombre excessif d'abus. Nous admettons tous aujourd'hui que n'importe qui peut être laissé pour compte dans le système et finir à l'aide sociale, au bien-être ou autre. Ce sont ces personnes que le projet de loi pourra vraiment aider, d'après ce que je comprends. En vertu de la partie II, ces personnes auront l'occasion d'être de nouveau admissibles à l'assurance-emploi, grâce à leurs efforts.
J'ai entendu dire que le projet de loi permettra à des personnes qui ont été actives au cours des quelques dernières années d'être admissibles au régime et d'avoir accès à ces cinq outils, comme nous les avons appelés: les subventions salariales, le supplément de revenu ciblé, les mesures d'aide au travail indépendant, et les partenariats pour la création d'emploi. J'aimerais que vous nous disiez publiquement combien de personnes pourront se prévaloir de ces nouvelles dispositions. Il y des gens dans nos collectivités qui veulent vraiment faire tout leur possible mais qui n'y sont pas parvenus à cause de la loi précédente. Ces personnes auront-elles accès à ces cinq outils?
M. Young: Je dois être extrêmement prudent en traitant de la partie II du projet de loi. Comme vous le savez, dans le discours du Trône, il était question de la façon dont le gouvernement du Canada aborderait un certain nombre de questions relatives à la formation de la main-d'oeuvre et au marché du travail. Je vais déposer des lettres adressées aux provinces sur la façon dont nous allons essayer de collaborer et de joindre nos efforts. C'est pourquoi je tiens à faire preuve de la plus grande circonspection pour que personne ne me montre du doigt en disant: «Tiens, le ministre a comparu devant le comité et a déclaré que le gouvernement du Canada allait faire ceci ou cela», car il y a énormément de points à négocier, pour trouver des façons de collaborer.
J'aimerais dire que, à notre avis, notre proposition visant à rendre admissibles au régime des gens qui touchent actuellement l'aide sociale ou qui ont été actifs par le passé mais ne le sont plus aujourd'hui, pourrait viser près de 45 p. 100 des personnes en mesure de travailler, qui sont à l'âge où ils devraient chercher du travail, et touchent des prestations d'aide sociale.
Cela répond à un sérieux problème cerné par les provinces, à savoir qu'il y a eu énormément de transferts de responsabilités et que ce sont elles qui assument le fardeau du grand nombre de gens qui, comme vous l'avez dit, sont laissés pour compte et qui, pour toutes sortes de raisons, n'ont pas pu trouver du travail ces dernières années.
Nous avons reconnu qu'il nous fallait prévoir un système plus souple et appliquer la disposition relative à la participation au marché du travail aux personnes qui, du moins nous l'espérons, pourront profiter de toutes les dispositions que nous pourrons prendre de concert avec les provinces en vue de leur permettre de réintégrer le marché du travail.
M. McCormick: J'ai hâte d'en savoir plus à ce sujet au fur et à mesure de notre étude, et je suis convaincu que nos provinces useront du pouvoir qui leur est conféré et prendront la décision de joindre leurs efforts aux nôtres dans ce domaine.
Quand nous pourrons donner à ces personnes l'espoir qui les aidera à réaliser leurs souhaits de changer de mode de vie - du moins à celles qui le souhaitent vraiment - ce sera une des grandes réalisations de ce projet de loi, monsieur le ministre.
[Français]
M. Crête: J'ai une question qui ne concerne pas nécessairement des aspects du débat sur la réforme, mais plutôt une réalité très concrète. C'est toute la question de l'assurabilité.
Il y a un engorgement absolument fantastique de demandes de la part de personnes à qui l'on refuse le droit d'être assurable à cause de certains liens de parenté ou de choses de ce genre. Ces cas sont traités par Revenu Canada qui a, cependant, beaucoup moins de points de service que Développement des ressources humaines Canada.
J'avais déjà écrit à votre prédécesseur à ce sujet et il m'avait répondu qu'il allait former un comité conjoint.
Il n'y a pas de modifications à envisager si le projet de loi est adopté tel quel. Mais je pense que la situation va se compliquer si des règles supérieures viennent s'y ajouter.
Souvent, quand la personne n'est pas assurable, c'est défendable et beaucoup gagnent la partie finalement. Mais certains peuvent attendre quatre mois, six mois ou un an et s'ils comparaissent devant la cour, ils peuvent passer deux ou trois ans sans recevoir aucune prestation.
Il me semble qu'il devrait y avoir une solution. On devrait remettre tout cela aux centres d'emploi qui ont beaucoup plus de points de service, ce qui faciliterait le règlement des cas.
M. Young: Je pense que c'est une suggestion très valable. Je dois avouer au député que j'ai vécu moi-même cette expérience en tant que député. Je crois qu'il y a des situations qui ne sont pas légitimes, et là on connaît les résultats. Mais il y a aussi d'autres circonstances où tout se passe selon l'ordre établi, et les attentes et les engorgements qui ont été décrits par le député sont alors inacceptables.
Nous essayons donc de trouver des mécanismes pour améliorer la situation à deux ou trois égards. Nous essayons, premièrement, de déterminer au préalable des situations pour éviter que cela ne se produise et, deuxièmement, de régler certaines situations qui reviennent année après année parce que les mêmes questions sont posées au même particulier, dans les mêmes circonstances. C'est très délicat.
Comme vous le savez, il n'y a pas seulement le lien de parenté, mais aussi la question corporative, quand une personne détient 40 p. 100 ou moins des actifs d'une société. Je suis cependant totalement d'accord avec le député sur le fait qu'il nous faudrait des suggestions, car je pense que le mécanisme actuel n'est pas efficace et ne rend pas le service désiré.
[Traduction]
Le président: Monsieur Johnston.
M. Johnston: En fait, monsieur le président, j'ai posé une question au ministre au sujet des économies qui seront réalisées. Son calcul était peut-être un peu trop simpliste, mais il nous a dit que...
Vous nous avez parlé de 1,2 milliard de dollars d'économie au lieu de 1,9 milliard de dollars. Pourriez-vous nous expliquer cette différence de 700 millions de dollars?
M. Young: En fait, c'est près de 800 millions de dollars mais j'ai arrondi les chiffres.
Le fonds de réinvestissement des 800 millions de dollars provient du Trésor. Nous en avons toutefois tenu compte lorsque nous avons fait les calculs pour l'assurance-emploi.
M. Jean-Jacques Noreau (sous-ministre, ministère du Développement des ressources humaines): Monsieur le président, la diminution des prestations conformément au projet de réforme, à savoir le C-11 - il nous faudra voir ce que représente les amendements proposés - nous aurait permis d'économiser 2 milliards de dollars. Vous vous souvenez sans doute que, au fil des ans, il est prévu de réinvestir 800 millions de dollars de cette somme, en vertu de la partie II, soit les mesures pour l'emploi. C'est pourquoi le ministre a dit que l'économie nette représentera 1,2 milliard lorsque le programme arrivera à échéance, au cours de l'année 2000-01.
M. Johnston: Il y aura donc 800 millions de dollars consacrés à la formation?
M. Noreau: Aux mesures pour l'emploi.
M. Young: Oui, il peut s'agir de subventions salariales ou de diverses autres mesures.
Le président: Monsieur Easter, pour une brève question.
M. Easter (Malpèque): Je vous sais gré de votre réaction, monsieur le ministre, à certains amendements proposés par mes collègues. Nous verrons où cela nous mène.
Comme vous le savez bien, moi aussi, à l'instar de certains autres collègues, j'avais de sérieuses réserves au départ au sujet du projet de loi. Je pense que nous avons fait des progrès en vue de le modifier de façon constructive et de l'améliorer.
Je tiens à dire publiquement que je suis tout à fait choqué par la remarque du député de Lévis qui a déclaré que son parti proposerait énormément d'amendements à l'étape de l'étude article par article. C'est d'après moi une façon de se défiler. Dans notre parti, nous sommes au moins prêts à formuler nos propositions, à les mettre à l'essai, pour voir ce que les autres en pensent et pour essayer d'améliorer ce projet de loi grâce à des propositions constructives.
Je sais à quel point il a été difficile d'avoir dans le projet de loi la disposition concernant le supplément du revenu familial. M. Nault et moi en avons discuté souvent, puisque nous avons appartenu tous les deux au mouvement syndical et à des organismes agricoles. Nous sommes inquiets parce que certains témoins, même ceux qui luttent pour la justice sociale, disent qu'il faut supprimer la disposition concernant le supplément du revenu familial.
Je vous demande de nous expliquer l'importance de cette disposition dans le cadre de la réforme de la sécurité sociale.
Deuxièmement, d'après votre expérience au sein du Conseil des ministres, pouvez-vous nous dire s'il est réaliste de penser que si la disposition concernant le supplément du revenu familial est retirée de ce projet de loi, elle sera présentée de nouveau dans le cadre d'une autre initiative du gouvernement.
Une voix: Excellente question.
Une voix: En effet.
M. Young: J'estimais que nous avions fait un grand progrès dans le budget avec l'augmentation à 1 000 $ sur deux ou trois ans du supplément au revenu gagné. Cela montrait que le gouvernement se préoccupe des familles à faible revenu et s'efforce d'encourager les valeurs familiales.
Je ne veux pas faire de conjectures concernant la possibilité d'avoir un supplément du revenu familial pour les familles ayant un revenu de moins de 26 000 $ qui ont accès au programme d'assurance-emploi d'une façon ou d'une autre. Je ne veux pas non plus me prononcer sur la probabilité de prévoir quelque chose de semblable ailleurs.
Je peux dire au député que je n'ai pas l'intention d'essayer de m'informer à ce sujet.
Je vais essayer de faire en sorte que la disposition reste dans le projet de loi. J'espère que le comité va appuyer mes efforts. La disposition existe à l'heure actuelle; elle fait partie intégrante du projet de loi. C'était un critère très utile relativement à la suggestion de Mme Augustine. Les deux notions sont liées.
Pourquoi donner un supplément de 2 500 $ à une personne pour ensuite la pénaliser avec la règle de l'intensité? Je trouve cela aberrant. Ce que nous avons donné d'une main, nous le reprenons de l'autre.
Sans divulguer des confidences du Conseil des ministres et sans faire des conjectures, je vous dis tout simplement que si vous êtes d'accord, nous allons essayer de garder la disposition dans le projet de loi.
Je suis très inquiet. Je comprends l'aspect théorique de la question qui fait dire à certains qu'il ne faut pas avoir une telle disposition dans le projet de loi. Il faut l'avoir ailleurs. On nous dit de faire ceci ou cela.
Quand je vois de vraies familles aux prises avec de vrais problèmes, j'aime pouvoir les aider avec du vrai argent. Je n'aime pas supprimer une disposition ici et essayer de la prévoir ailleurs. Trop de ces gens-là ont été ballottés de cette façon trop souvent. Je refuse de jouer ce jeu-là.
Le président: Monsieur le ministre, au nom des membres du comité, je vous remercie de votre comparution.
Nous avons discuté de beaucoup de questions, de la question de l'écart, de la règle de l'intensité, de la création d'emplois, de l'abus du régime et des mesures de réemploi. Certains députés ont proposé des amendements positifs. Nous avons discuté également du changement de comportements. Il ne faut pas perdre cette question de vue lors de notre examen de l'assurance-emploi.
Le comité a entendu des Canadiens qui font appel à l'assurance-chômage quand ils en ont vraiment besoin. Nous espérons que grâce à nos efforts, le projet de loi sera amélioré. Nous sommes résolus à le faire. Le projet de loi sera équitable pour tous les Canadiens.
Nous vous remercions de l'ouverture d'esprit dont vous avez fait preuve au sujet des changements à apporter à des dispositions du projet de loi susceptibles d'être jugées régressives.
M. Young: Merci beaucoup.
À plusieurs reprises j'ai fait allusion aux documents que nous allons déposer. Il y a, entre autres, les lettres que j'ai envoyées à mes homologues provinciaux et d'autres informations qui vous seront peut-être utiles dans votre étude d'un certain nombre de questions qui ont été soulevées. J'espère que le comité jugera bon de les accepter et de les incorporer dans les documents du comité.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.
Lors de votre retour, monsieur le président, et à un moment qui conviendra aux membres du comité, j'aimerais que les fonctionnaires du ministère comparaissent devant vous pour vous fournir des données statistiques concernant la ventilation en raison du sexe qu'a demandée le député de Notre-Dame-de-Grâce et d'autres. Nous voulons continuer à travailler avec vous pour mettre au point un régime d'assurance-emploi qui donnera de bons résultats et sera juste et équitable pour les Canadiens.
[Français]
Mme Lalonde: Allons-nous avoir les règlements en vue de l'étude du projet de loi article par article? Deuxièmement, je voudrais savoir à quoi correspond ce texte qui s'intitule «Liste des modifications de forme possibles».
M. Young: Monsieur le président, ce sont les amendements techniques que le ministère propose de vous soumettre pour évaluation. Ces corrections sont vraiment d'ordre technique.
En réponse à la question sur les règlements, nous n'aurons pas de règlements avant d'avoir un projet de loi.
Mme Lalonde: Quand les aurons-nous alors?
M. Young: Pas avant que nous ayons un projet de loi. On ne peut pas préparer les règlements sans avoir le projet de loi.
Mme Lalonde: Il y a beaucoup de références aux règlements dans le projet de loi.
[Traduction]
Le président: La séance est levée.