[Enregistrement électronique]
Le mardi 16 avril 1996
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte. Nous nous rendons à Winnipeg, au Manitoba. Nous entendrons d'abord les représentants du Advisory Committee of the Workplace Education and Language Training. Beverly Fox, m'entendez-vous?
Mme Beverly Fox (membre, Advisory Committee of the Workplace Education and Language Training in Manitoba): Oui, je vous entends.
Le président: Je vous souhaite la bienvenue. Les membres du comité vous remercient de nous faire part de votre point de vue sur d'éventuelles améliorations à apporter au projet de loi C-12, loi concernant l'assurance-emploi. Vous avez environ une demi-heure, en incluant votre exposé et la période de questions. Vous avez la parole.
Mme Fox: Merci beaucoup. Je ne serai pas la seule à prendre la parole devant le comité; en effet, j'ai demandé à notre animatrice de la formation, Lisa Allard, de se joindre à moi.
Distingués membres du comité, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi C-12 et sur la possible cessation du financement à même le Trésor. Nous croyons comprendre qu'on n'accordera plus aucuns fonds aux entreprises pour la mise en place de programmes d'éducation, et c'est cet aspect que nous voulons aborder aujourd'hui.
Tout d'abord, nous apprécions les efforts déployés par le gouvernement pour réduire le déficit et nous sommes conscients de la difficulté de ces décisions en cette époque troublée de notre histoire.
Notre exposé comprendra quatre parties principales: premièrement, un aperçu historique du point de vue de Kitchen Craft, c'est-à-dire la compagnie pour laquelle je travaille; deuxièmement, le point de vue des élèves et des enseignants, troisièmement, le point de vue de l'entreprise; et quatrièmement, un résumé assorti de recommandations.
J'ai trouvé très intéressant de voir que le gouvernement a récemment changé le nom de l'assurance-chômage qui s'appellera désormais assurance-emploi. Cet accent mis sur l'emploi sera également le principal thème de notre présentation.
Pour commencer, je voudrais faire un aperçu historique du point de vue de Kitchen Craft. Il y a environ huit ans, j'ai été pressentie personnellement par le Service de formation linguistique en milieu de travail qui m'a demandé de mettre à l'essai un nouveau programme visant à enseigner aux immigrants à communiquer en anglais en milieu de travail. J'ai fait part de l'idée à nos dirigeants, qui étaient également les propriétaires de l'entreprise et, soit dit en passant, qui sont également d'anciens enseignants, et on m'a dit que nous n'avions pas de temps à consacrer à des activités extra-professionnelles et que nous devions nous concentrer sur la tâche qui est notre raison d'être, à savoir faire des armoires de cuisine. À ce moment-là, nous avions environ 400 employés et vendions nos produits principalement au Canada.
Après avoir été pressentis plusieurs fois pendant environ un an, ils ont finalement accepté de mettre à l'essai une classe; depuis, nous n'avons cessé de progresser. Nous avons en moyenne de deux à quatre classes d'anglais langue seconde chaque année, chaque classe ayant de 8 à 10 élèves environ. Plus récemment, nous avons offert de l'encadrement à des élèves de niveau plus élevé, par exemple des superviseurs, afin de les aider à améliorer leur capacité de communiquer par écrit.
Aujourd'hui, nous avons près de 1 000 employés et nous vendons nos produits partout au Canada et aux États-Unis. Nous avons récemment fait une percée en Russie et au Japon. Quels changements! Notre usine a connu trois agrandissements majeurs et nous avons apporté de nombreuses améliorations sur le plan des machines et de la conception des produits. Uniquement pour tenir notre personnel au courant de tous ces changements, il faut beaucoup de temps, d'efforts et d'argent.
Nous estimons que c'est notre responsabilité de le faire et nous le faisons sans hésitation. Mais qu'en est-il de ceux qui n'ont pas une connaissance de la langue suffisante pour comprendre nos efforts? Avons-nous également la responsabilité d'instruire les centaines d'employés qui nous arrivent armés d'une éducation qui n'est pas compatible avec notre environnement?
Fondamentalement, nous croyons que chacun a droit à un emploi. Il y a des années, il existait beaucoup d'emplois qui n'exigeaient que des compétences linguistiques minimales, mais il y en a de moins en moins. Avec la mise en place du concept du travail en équipe et de la rétroaction à 360 degrés, les employés se voient constamment demander leur point de vue, leur opinion et leurs idées, mais on les juge et on les évalue en se fondant sur des évaluations de rendement. Tout cela n'existait pas il y a 10 ans, alors que s'amorçait la première grande vague d'immigration.
Grâce aux efforts de la Formation linguistique en milieu de travail, certains de ces employés ont réussi à occuper des postes de superviseur et sont devenus des éléments positifs pour notre compagnie et pour la société en général. Mais nous ne pouvons pas le faire seuls. Récemment, nos dirigeants ont pris une décision très importante, celle d'embaucher un enseignant à plein temps qui m'accompagne aujourd'hui. Ils se sont rendu compte que le succès de notre compagnie repose sur une communication efficace entre la direction et les employés. Ses fonctions consisteront en partie à poursuivre les programmes qui ont été commencés par la Formation linguistique en milieu de travail.
Cela aurait-il pu arriver sans les programmes mis en place au début? Peut-être, mais je sais en tout cas que la réflexion n'en serait encore qu'à ses débuts et la décision n'aurait pas été prise avant encore quelques années. Les graines ont été semées il y a longtemps et nous en sommes déjà à émonder l'arbre.
Là-dessus, je voudrais vous présenter notre responsable de la formation, Lisa Allard, qui vous donnera le point de vue des enseignants et des élèves.
Mme Lisa Allard (représentante, Advisory Committee of the Workplace Education and Language Training in Manitoba): Merci, Bel.
Je voudrais dire dès le départ qu'à mon avis, les programmes d'apprentissage de la langue en milieu de travail sont une façon très efficace de dépenser l'argent consacré à la formation. J'espère que mon exposé vous fera comprendre ce que mes élèves pensent du programme et pourquoi nous estimons que ces programmes sont plus efficaces que des cours de langue ordinaires. Je citerai textuellement des commentaires faits par mes élèves et, à la fin de notre exposé, nous espérons vous offrir des idées en vue d'un changement. Nous insistons sur le fait que nous voulons faire partie de la solution, et non pas du problème.
J'enseigne aux adultes depuis huit ans, dont quatre en milieu de travail, actuellement chez Kitchen Craft et auparavant avec d'autres entreprises de Winnipeg. J'ai constaté que la plupart de mes élèves n'ont pu se permettre le luxe de suivre des cours de langue au moment de leur arrivée au Canada. La plupart d'entre eux ont dû se mettre immédiatement au travail pour élever leur famille. Ils ne voulaient pas dépendre du gouvernement, et ils ont donc tout de suite trouvé un emploi. Ils ont appris des bribes d'anglais ici et là, mais ce n'était pas suffisant. Ils ont travaillé dur et ont fait ce qu'ils pouvaient, et ils sont fiers de dire qu'ils ont réussi à subvenir aux besoins de leurs familles.
Il y a 10 ans, en tout cas il y a des années, cela suffisait. Mais les temps changent. Aujourd'hui, les usines, comme Bev l'a mentionné, insistent pour que leurs travailleurs puissent communiquer avec leurs collègues et discuter des changements et donner des idées sur les changements à apporter au milieu de travail. C'est une tâche monumentale pour mes élèves. Beaucoup d'entre eux trouvent déjà difficile de parler avec leurs superviseurs et de leur demander des fournitures. Vous comprendrez que c'est tout un défi pour eux.
J'ai des problèmes avec le volume... m'entendez-vous? Je l'espère.
Le président: Nous vous entendons.
Mme Allard: Si vous n'avez pas entendu le dernier bout, vous pouvez me poser des questions plus tard et je répéterai.
Je disais donc que mes élèves trouvent difficile de communiquer avec leurs superviseurs, et encore plus de faire part de leurs idées, de participer aux discussions. Ils ne peuvent plus se contenter de faire leur quart de travail de huit heures. C'est une tâche monumentale pour eux.
En l'absence d'une formation linguistique plus poussée, beaucoup d'entre eux pourraient se retrouver dans la rue dans quelques années. Ils deviendront prestataires de l'assurance-emploi et il sera très difficile de les recycler. Il faudra alors injecter beaucoup d'argent dans les cours de recyclage, sans même parler des aspects sociaux du chômage et de la formation.
L'industrie devient plus technologique et extrêmement compétitive et il n'y a pas de place pour les travailleurs qui ne peuvent pas suivre les changements. C'est la dure réalité et mes élèves en sont bien conscients. Ils sont tout à fait disposés à travailler dur pour apprendre la langue, pour apprendre ce qu'ils doivent savoir pour survivre à la compagnie - pas seulement pour survivre, mais pour contribuer à l'essor de la compagnie. Voilà ce qu'ils veulent pouvoir faire.
Dans un cours d'anglais ordinaire, on n'apprend pas les éléments précis dont nos élèves ont besoin, par exemple être capables d'étiqueter les diverses pièces de bois ou de nommer les différents types de bois ou les composantes d'une porte. Tout cela ne s'apprend pas dans un cours d'anglais et c'est de cela qu'ils ont besoin.
Ce sont les compétences dont mes élèves ont besoin pour survivre. En continuant de financer les cours de langue en milieu de travail, nous serons proactifs et nous utiliserons judicieusement l'argent consacré à la formation. Les élèves acquièrent les connaissances linguistiques précises qu'il leur faut. Ils demeurent au travail et sont un atout pour la compagnie, pour leur collectivité et pour leur pays.
Une fois que la compagnie a compris ce que peut lui apporter la formation de ses employés, on peut l'encourager à assumer le coût entier de la formation linguistique à l'interne. Si ce financement est entièrement supprimé, je crois que les coûts à long terme du chômage et du recyclage seront supérieurs à toute économie que l'on pourrait réaliser à court terme.
Je voudrais maintenant vous citer des commentaires de mes élèves. Quand ils ont entendu parler de la possibilité que l'on supprime le financement, ils ont volontairement exprimé leurs inquiétudes. Ils croyaient que c'était la compagnie Kitchen Craft qui avait décidé de supprimer le financement, et certaines de leurs préoccupations étaient donc formulées à l'endroit des gestionnaires, mais je vais vous en faire part.
L'un de mes élèves qui est du Laos a dit:
- Il semble y avoir un problème de communication entre les employés; en supprimant des
programmes comme les cours d'anglais langue seconde, on n'aidera pas à résoudre ce
problème. Beaucoup d'employés sont des citoyens de divers pays du monde. Parfois, ils
auraient une bonne idée qui pourrait avantager tous les employés, mais parce que l'anglais est
une langue seconde pour nous, c'est très difficile d'exprimer nos idées aux gestionnaires et aux
superviseurs.
Un autre élève a dit:
- J'ai entendu dire que les classes d'anglais seraient supprimées à la fin du semestre. Cela
m'inquiète beaucoup, car j'estime que cela m'a permis de devenir un atout pour la compagnie.
Je trouve que je suis plus à l'aise pour documenter les activités quotidiennes, encadrer des
nouveaux venus grâce à mes capacités de communication. Quand j'ai fini de travailler, je suis
souvent trop fatigué pour aller ailleurs qu'à la maison. C'est pourquoi je crois qu'il est très
important de poursuivre ce programme en milieu de travail.
Un autre employé a dit:
- Je trouve que les classes d'anglais sont excellentes et m'aident à me tirer d'affaires en situations
de travail. Le fait que les classes aient lieu à Kitchen Craft après les heures de travail facilite la
fréquentation. J'ai entendu dire que cette classe très valable n'existerait plus. Je vous demande
personnellement (aux gestionnaires HR) et à Kitchen Craft de faire un effort pour poursuivre
ces cours, pour trouver une solution afin que ceux qui comptent sur ces classes d'anglais
puissent continuer à les suivre et à en bénéficier.
En terminant ma partie de la présentation, je voudrais dire qu'au fil des années, j'ai assisté à un certain nombre de cérémonies au cours desquelles on rendait hommage aux finissants des cours de langue en milieu de travail. Je ne cesse jamais de m'étonner de voir des élèves qui, au début du cours, avaient à peine assez confiance en eux pour poser des questions, se lever et faire un exposé devant leurs camarades de classe, leurs superviseurs et même les dirigeants de la compagnie à l'occasion de cette cérémonie.
Leur niveau de confiance augmente de façon spectaculaire et c'est grandement avantageux pour eux, pour la compagnie et pour la collectivité. Qui ne voudrait pas aider les gens à devenir des citoyens qui enrichissent notre société?
Merci beaucoup.
Mme Fox: Je voudrais maintenant vous donner le point de vue de l'entreprise. La gestion de la qualité totale, ISO, l'organisation internationale des normes, les changements de paradigmes, ce sont là des termes des années 90 qui n'existaient pas il y a dix ans. J'ai rencontré d'autres gestionnaires de ressources humaines dans le domaine du travail du bois et je me suis rendue compte qu'eux aussi, ils ont dû relever les critères d'embauche pour y inclure les aptitudes à communiquer.
Cette décision a été très difficile pour nous, mais il fallait la prendre pour protéger à la fois le succès de notre entreprise et des milliers d'emplois. Cela nous aidera inévitablement à l'avenir, mais qu'en est-il du passé? Nous avons encore des employés dans notre organisation qui ne sont pas nécessairement capables de relever les défis de l'avenir s'ils ne peuvent poursuivre leur apprentissage de la langue. Cela met également en relief le fait que si l'industrie et l'immigration ne travaillent pas main dans la main, le problème pourrait continuer de s'aggraver.
Au Manitoba, plus de 85 p. 100 des entreprises emploient moins de 100 employés. Comme beaucoup d'autres compagnies au Canada, elles peinent pour se maintenir à flot pendant - oserai-je utiliser ce terme? - cette «récession» ou cette restructuration mondiale. Elles ne peuvent pas se permettre le luxe de consacrer des fonds supplémentaires à la formation linguistique au moment où elles doivent faire face à l'augmentation du coût de revient, engager des dépenses de marketing et de publicité, assumer les hausses de taxes municipales, provinciales et fédérales.
En l'absence d'aide gouvernementale pour au moins lancer les programmes, beaucoup de compagnies n'auront pas la possibilité de connaître les avantages d'une main-d'oeuvre instruite. Cela ne pourra que contribuer à faire disparaître les faibles et à abaisser notre niveau de vie global et je trouve que ce n'est pas digne du Canada.
Comme on l'a dit tout à l'heure, les gens d'affaires se rendent parfaitement compte que c'est notre responsabilité de créer des emplois dans un environnement progressif et sûr. Nous devons faire notre part pour poursuivre la formation et nous espérons pouvoir continuer à former nos employés dans les domaines pertinents pour s'assurer que nos entreprises sont florissantes.
Nous ne réussirons que si chacun met l'épaule à la roue, je veux dire l'employeur, l'employé et le gouvernement. Ces programmes sont très bon marché en comparaison d'autres programmes gouvernementaux, chaque classe coûtant en moyenne environ 5 000$. Nous vous demandons de prendre des engagements à l'égard de la formation linguistique et de reconsidérer votre position pour ce qui est d'éliminer le financement accordé aux entreprises aux termes du projet de loi C-12.
La quatrième partie de notre présentation comprend un résumé et des recommandations. Je voudrais donc maintenant récapituler en vous faisant part de quelques idées qui pourraient être le point de départ d'un remue-méninges d'où pourraient sortir certaines options viables pour poursuivre le financement de la formation linguistique en milieu de travail.
Premièrement: changer d'orientation. Peut-être offrir des encouragements aux compagnies pour qu'elles embauchent des enseignants. Compte tenu de la baisse de la fréquentation scolaire dans le réseau actuel d'éducation, il serait avantageux d'utiliser les talents des enseignants mis en disponibilité en les faisant travailler en milieu de travail. Le personnel actuellement en place dans le domaine de la langue pourrait vérifier quelle proportion du travail des enseignants est consacrée à l'enseignement de la langue et cette formation pourrait être financée. Les compagnies qui oeuvrent dans le même secteur et qui n'ont pas besoin d'un enseignant à plein temps pourraient en partager un.
Deuxièmement, vous pourriez changer la structure du programme actuel. Nous proposons un barème de financement décroissant. Le financement pourrait par exemple être de 100 p. 100 la première année, 75 p. 100 la deuxième, 50 p. 100 la troisième. Si un employeur met fin au programme après la cessation du financement, il serait tenu de rembourser une partie ou la totalité de l'argent versé. Cela donnerait à l'employeur le temps de connaître les avantages de l'enseignement et de bâtir des appuis pour la poursuite du processus.
Notre deuxième idée sur le même thème est de continuer la même administration en faisant assumer une plus grande part du coût par l'employeur, peut-être en fonction de la taille de l'entreprise, et peut-être que les élèves pourraient assumer une partie du coût.
Un troisième changement de structure qui rendrait le programme plus efficace serait de reconduire les mêmes modalités, mais en ciblant plus précisément le programme en fonction des besoins des élèves. Autrement dit, le contrat pourrait porter sur huit groupes pour dix cours d'une heure, par opposition à un groupe qui recevrait quatre-vingts heures de cours.
En terminant, je suppose qu'il n'y a pas de solutions toutes faites permettant de régler d'un seul coup le problème du déficit, mais nous espérons avoir contribué modestement à vous faire comprendre l'importance du programme des cours de langue en milieu de travail. Nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêtes à répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup. J'ouvre sans tarder la période de questions. J'accorde la parole à un député du Parti libéral, Mme Augustine.
Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): Je vous remercie de votre exposé qui a surtout porté sur deux sujets que nous estimons importants, soit la préparation au milieu de travail et la formation linguistique.
Je vous signale cependant que le projet de loi vise les chômeurs. Comme vous préparez les employés au milieu de travail et travaillez avec des gens qui s'inquiètent de leur avenir, pensez-vous que les employeurs devraient être actifs dans ce domaine et croyez-vous notamment qu'ils devraient prendre à leur charge la préparation de ces employés? À votre avis, comment les provinces peuvent-elles collaborer avec le gouvernement fédéral à la conception de matériel didactique à l'intention de la clientèle que vous servez?
Mme Fox: J'estime que les employeurs devraient assumer une part des coûts liés à la préparation au milieu de travail, mais j'aimerais insister sur le fait que notre industrie survit actuellement à grand peine. Si nous sommes favorables au partage des coûts dans ce domaine, je crois qu'il faudrait peut-être réduire la part qu'on nous demande d'assumer.
Nous estimons que l'employeur devrait mettre à la disposition des employés les locaux nécessaires pour leur permettre de suivre des cours pour la préparation au milieu de travail. Cette formule a très bien fonctionné pour nous, et je crois qu'elle devrait être maintenue. J'ai toujours été d'avis que les employeurs devraient participer davantage à la préparation des exposés ainsi qu'à la préparation des cours et du programme de formation. Il faut évidemment consacrer du temps à ces activités. Plutôt que d'assumer entièrement le coût de la préparation au milieu de travail, voilà comment les employeurs pourraient jouer un rôle dans ce domaine.
J'espère que ma collègue Lisa pourra répondre à votre question portant sur la participation des provinces.
Mme Allard: À l'heure actuelle, c'est le gouvernement provincial qui coordonne la mise en oeuvre du programme de formation linguistique en milieu de travail. Un coordonnateur provincial participe à la formation de l'enseignant et va sur place se rendre compte de la qualité de la formation qui est dispensée. Le gouvernement provincial s'est jusqu'ici très bien acquitté de son rôle de coordonnateur, et je ne sais pas si ce rôle pourrait être élargi davantage.
Maureen Campbell et Dale Klassen, en particulier, méritent des félicitations pour la façon dont ils ont assuré la coordination de la mise en oeuvre du programme ainsi que la façon dont ils ont assuré un haut niveau de formation.
Kitchen Craft est d'avis que le secteur de la formation est en plein envol. Reconnaissant la nécessité de la préparation au milieu de travail, Kitchen Craft m'a recrutée comme enseignante pour répondre aux besoins dans ce domaine.
Comme Bev l'a mentionné, nombreuses sont les petites entreprises qui ne peuvent pas se permettre la dépense. Voilà pourquoi la formule du partage des coûts est intéressante. Comme le faisait remarquer Bev, si le gouvernement accepte d'assumer au début la totalité des frais de mise en oeuvre du programme de formation et que les employeurs sont à même de se rendre compte que le programme entraîne une amélioration de la qualité des produits, de la production elle-même ainsi que du climat de communication, ils seront sans doute plus enclins à financer par la suite cette formation.
Voilà pourquoi je pense que les programmes de formation en milieu de travail sont très rentables. Le gouvernement pourrait éventuellement se retirer de ce domaine à mesure que de plus en plus d'entreprises sont amenées à juger par elles-mêmes de la nécessité et de la rentabilité des programmes de formation. Voilà pourquoi nous attachons autant d'importance à cette question.
Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Nous avons pris bonne note de vos observations. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait part de votre point de vue sur le projet de loi C-12 que nous espérons pouvoir améliorer à l'issue de nos délibérations. Merci encore une fois.
Nous accueillons maintenant M. Michael Moore, directeur administratif de la Manitoba Restaurant and Foodservices Association.
Au nom du Comité permanent du développement des ressources humaines, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à nos audiences. Comme vous le savez, nous examinons le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Nous comptons sur nos témoins pour nous donner des conseils quant à la façon d'améliorer ce projet de loi.
Vous avez 20 minutes qui devront être réparties entre votre exposé et la période de questions.
M. Michael Moore (directeur administratif, Manitoba Restaurant and Foodservices Association): Je vous remercie beaucoup. La Manitoba Restaurant and Foodservices Association est heureuse de l'occasion qui lui est donnée de présenter la position des restaurateurs et des propriétaires d'entreprises alimentaires du Manitoba au sujet du projet de loi C-12. Je m'appelle Mike Moore et je suis directeur administratif de notre association.
La MRFA compte 500 membres actifs et défend les intérêts de tous les restaurateurs du Manitoba. Le régime d'assurance-chômage revêt une grande importance pour les restaurateurs de cette province étant donné que le secteur de la restauration est un secteur à forte concentration de main-d'oeuvre. En effet, les frais salariaux représentent 30 p. 100 des dépenses de fonctionnement des restaurateurs manitobains. Toute augmentation des charges sociales a donc une grande incidence sur nos dépenses.
Au départ, la Manitoba Restaurant and Foodservices Association appuyait la réforme proposée par le gouvernement au régime d'assurance-chômage parce qu'elle semblait découler d'une prise en compte du fait que les charges sociales constituent un fardeau de plus en plus lourd pour notre industrie qui est à forte concentration de main-d'oeuvre et qu'elles compromettent sa capacité à préserver et à créer des emplois. Or, nous craignons que le gouvernement ait perdu de vue cet objectif. En effet, au lieu de proposer une diminution des cotisations, ce projet de loi propose d'augmenter de 17 p. 100 les cotisations d'assurance-chômage versées par les restaurateurs.
Notre association continue cependant d'appuyer bon nombre des principes contenus dans le projet de loi. Le resserrement des conditions d'admissibilité au régime ainsi que les mesures qui visent à encourager les particuliers à se prendre en charge sont nécessaires et devraient aboutir à un programme moins coûteux et plus viable. Nous nous préoccupons cependant au plus au haut point d'un changement particulier qui compromettrait des milliers d'emplois dans notre secteur.
Nous insisterons dans notre exposé aujourd'hui sur la couverture à partir du premier dollar ainsi que sur les conséquences dévastatrices que ce changement aura pour les employés à temps partiel, en particulier les étudiants qui économisent pour pouvoir poursuivre leurs études.
Le discours du Trône a montré que ce gouvernement se préoccupe du sort de la jeunesse canadienne. Nous convenons que les jeunes Canadiens méritent qu'on leur donne leur chance et ce devrait même être un objectif national. Notre secteur aimerait relever le défi que le gouvernement a lancé à tous les employeurs, soit celui d'aider les jeunes à trouver un premier emploi. Malheureusement, nous devrons réduire le nombre de ceux à qui nous pouvons offrir un premier emploi.
Au Manitoba, notre industrie constitue le plus important employeur du secteur privé. En effet, nous employons plus de 26 000 Manitobains. Pour de nombreux résidents de notre province, notre secteur constitue la porte d'accès au marché du travail. Cela vaut tout particulièrement pour les jeunes puisqu'un très fort pourcentage de notre main-d'oeuvre est constitué de jeunes de moins de 25 ans.
Nous sommes convaincus que l'intention du gouvernement n'est pas de décourager les employeurs de recruter des jeunes. Voilà d'ailleurs pourquoi nous avons voulu comparaître devant le comité aujourd'hui. Notre objectif est de proposer des solutions afin d'améliorer le projet de loi de sorte qu'il soit source de création d'emplois et non pas d'élimination d'emplois.
Permettez-moi d'abord de vous expliquer pourquoi ce projet de loi éliminera des emplois dans notre secteur. J'ai mentionné plus tôt le fait que le tiers des revenus des exploitants de notre secteur est affecté à la rémunération des employés. La marge bénéficiaire avant impôt n'est que de 5 p. 100. Le chiffre d'affaires d'un restaurant manitobain typique est de 308 000$ par année. La marge bénéficiaire représente donc 15 000$. Or, la plupart des autres dépenses d'exploitation des restaurateurs sont fixes.
Compte tenu de la concurrence très vive qui existe dans notre secteur aujourd'hui, les restaurateurs ne peuvent tout simplement pas se permettre de répercuter leurs augmentations de coûts sur les consommateurs. Depuis 1991, notre industrie a déjà perdu 5 p. 100 de sa part du marché au profit des épiceries principalement en raison de la nature arbitraire et punitive de la TPS. Les exploitants de notre secteur n'ont donc d'autre choix que de réduire le nombre de leurs employés ainsi que le nombre d'heures de travail qu'ils accordent aux employés qui restent. Les consommateurs de Winnipeg ne sont pas davantage prêts que les consommateurs d'autres villes canadiennes à accepter une augmentation des prix. Le marché est très concurrentiel dans le domaine de la restauration au Manitoba. La province compte en effet 1 800 restaurants pour une population d'environ 1,1 ou 1,2 million d'habitants.
L'adoption du principe de la couverture à partir du premier dollar compromettra grandement la capacité de notre secteur à créer des emplois, à offrir des augmentations salariales et à demeurer viable. Par ailleurs, il existe des raisons valables de conserver le système fondé sur le maximum de la rémunération hebdomadaire assurable.
Les employés de notre secteur qui travaillent moins de 15 heures par semaine sont surtout des étudiants qu'on ne peut pas considérer comme étant pleinement intégrés à la population active. Leur emploi à temps partiel n'est pas pour eux une priorité absolue ni ne devrait l'être. Les recherches montrent cependant que les étudiants qui travaillent pendant un nombre raisonnable d'heures par semaine pendant qu'ils poursuivent leurs études réussissent mieux que ceux qui ne travaillent pas ou qui travaillent plus de 20 heures par semaine. Le taux d'abandon scolaire augmente lorsque les étudiants consacrent trop de temps à leur travail rémunéré. Les enseignants appuient les efforts déployés par notre industrie pour limiter le nombre d'heures travaillées par les étudiants pour leur permettre de concilier vie scolaire, sociale et familiale et activités professionnelles. Certains enseignants pensent d'ailleurs que nous devrions faire davantage à cet égard.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Bob Ritchie. Bob a déjà été président de la Manitoba Restaurant and Foodservices Association. Il siège actuellement au conseil d'administration de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires et est directeur de la commercialisation pour Chicken Delight of Canada et Chicken Delight International.
M. Bob Ritchie (ancien président, Manitoba Restaurant and Foodservices Association): Je vous remercie beaucoup, Michael.
Mesdames et messieurs, Chicken Delight est une entreprise canadienne basée au Manitoba comptant 42 franchises et restaurants appartenant à la société mère qui sont répartis dans tout le Canada. La société compte de nombreux autres établissements aux États-Unis et dans les Antilles. Le siège social de notre société est à Winnipeg où elle compte actuellement 16 établissements. La société exploite des restaurants de façon continue depuis 1952 à l'échelle internationale et depuis 1958 au Canada. Au total, Chicken Delight emploie plus de 700 personnes au Canada.
Au cours de ses 38 années d'existence au Canada, notre société a vu se produire de nombreux changements d'envergure qui ont pris la forme d'une augmentation marquée des frais d'exploitation, des impôts, des règlements et des formalités administratives. À notre avis, la couverture à compter du premier dollar ne fera qu'augmenter ces coûts.
Nous avons analysé l'impact financier de la couverture à partir du premier dollar pour l'un de nos restaurants, un établissement comptant 100 places et employant 20 personnes. À l'heure actuelle, le propriétaire de cet établissement verse 5 000$ en cotisations d'assurance-chômage. L'adoption du principe de la couverture à partir du premier dollar augmentera les charges sociales de cet employeur d'environ 1 000$, soit de 20 p. 100. Cette somme peut sembler dérisoire dans le contexte d'un programme de 18 milliards de dollars, mais elle représente 2 p. 100 des profits avant impôt de cette entreprise l'an dernier. Si l'on multiplie ce chiffre par 41 établissements, on commence à se faire une idée de l'impact de cette mesure pour notre secteur.
En outre, nos clients attachent aujourd'hui une très grande importance au prix comme la plupart des clients des autres secteurs. En fait, on peut même dire que la concurrence est féroce dans le domaine alimentaire. Une augmentation de 5 ¢ dans le prix d'une tasse de café ou de 10 à 15 ¢ dans le prix d'un sandwich au poulet suscite une réaction immédiate chez nos clients. Si nous continuons à augmenter nos prix, nous perdrons inévitablement des clients. Nos marges bénéficiaires rétrécissent d'année en année.
Nous continuons évidemment à faire la promotion de nos produits et à offrir des rabais. Notre secteur accorde même 24 millions de coupons de rabais par année. Nous accordons ces rabais non pas tant pour augmenter nos ventes, mais simplement pour maintenir celles-ci, pour demeurer concurrentiels et pour pouvoir demeurer en affaires.
Il semblerait que les produits haut de gamme ne se vendent pas mieux qu'il y a cinq ou dix ans et que les produits bas de gamme se vendent moins bien. Pour dire les choses simplement, la couverture à partir du premier dollar compromettra notre capacité à créer des emplois, à accorder des augmentations salariales et à demeurer viables.
Les étudiants que nous employons à l'heure actuelle pendant moins de 15 heures par semaine et qui touchent en moyenne 5,40$ à 6,00$ l'heure verront leur rémunération diminuer de 16 à 18 ¢ l'heure. Nous estimons qu'il s'agit là d'une perte de revenu importante pour les étudiants qui économisent en vue de leurs études.
Nous préférerions donc que le gouvernement abandonne l'idée d'adopter le principe de la couverture à partir du premier dollar. Nous estimons cependant qu'il existe des raisons valables de conserver le système du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable. Ceux qui travaillent moins de 15 heures par semaine dans notre secteur sont surtout des étudiants qu'on ne peut pas considérer comme étant pleinement intégrés à la population active. Leur emploi à temps partiel n'est pas pour eux une priorité absolue ni ne devrait l'être.
Les recherches démontrent que les étudiants qui travaillent un nombre raisonnable d'heures par semaine réussissent mieux que ceux qui ne travaillent pas du tout ou qui travaillent plus de 20 heures par semaine. C'est ce que révèlent nos propres recherches. Le taux d'abandon scolaire augmente lorsque les étudiants travaillent trop d'heures par semaine.
Ma propre fille, qui est âgée de 18 ans, travaille en matinée le week-end et certains jours de congé depuis près de deux ans au même hôtel-restaurant. C'est une étudiante dynamique et motivée qui réussit très bien en classe et qui compte entrer à l'université l'automne prochain. Le fait de travailler dans notre secteur où elle peut côtoyer beaucoup de gens lui plaît tout autant que le fait de pouvoir gagner de l'argent pour payer ses dépenses personnelles et pour économiser en vue d'acquérir des articles dont elle aura bientôt besoin.
Nous savons que les enseignants appuient les efforts déployés par notre secteur pour limiter le nombre d'heures travaillées par les étudiants pour leur permettre de concilier vie scolaire, sociale et familiale et activités professionnelles. Je suis personnellement en faveur de ce principe.
Nous convenons que le fait de passer à un système fondé sur les heures réduira les tracasseries administratives tant pour le gouvernement que pour les entreprises pourvu qu'on n'adopte pas d'autres modifications à la loi, mais il semblerait qu'il soit déjà question de modifier les dispositions touchant les interruptions dans la période d'emploi. Or, il nous semble que cette mesure irait à l'encontre de la seule raison valable que nous voyons à l'adoption d'un système fondé sur les heures.
Nous réfutons le raisonnement voulant que la couverture à partir du premier dollar découragera les employeurs de recruter des employés à temps partiel par opposition aux étudiants. Les employés de notre secteur n'établissent pas leurs horaires de travail en fonction du régime d'assurance-chômage lui-même, mais plutôt en fonction des fluctuations dans la demande des consommateurs ainsi que dans le volume d'affaires. La période de pointe, par exemple, est à l'heure des repas et la période de pointe la plus occupée varie d'un restaurant à l'autre. En fait, elle varie selon le moment de la journée et de la semaine et est aussi tributaire des événements qui peuvent avoir lieu sur la scène locale, de la température et des vacances.
Les employeurs établissent aussi leurs horaires de travail en fonction des demandes de leurs employés à temps partiel, lesquels souhaitent toucher le plus haut revenu possible en travaillant un nombre minimal d'heures. Je vous signale que c'est en raison de cette souplesse dans nos horaires que beaucoup de personnes veulent travailler à temps partiel dans notre secteur.
Si le comité envisage sérieusement d'adopter des dispositions s'appliquant aux périodes d'interruption dans l'emploi aux fins du calcul des prestations d'assurance-chômage, je me dois de vous faire remarquer que cela aura des conséquences pour une industrie comme la nôtre. Enfin, la formule proposée ne fonctionnerait tout simplement pas dans notre secteur.
La tendance de l'emploi chez les employés à temps partiel fluctue parce que c'est le genre de travail que les employés veulent et réclament. Nos employés peuvent refuser de travailler à certaines heures, par exemple, lorsque leur charge de travail scolaire est trop élevée. Enfin, nos employés qui sont étudiants demandent souvent des changements à leur horaire s'ils sont en période d'examen ou s'ils ont d'autres obligations familiales ou scolaires. Je pourrais donner le cas de ma fille en exemple.
Il serait très coûteux pour les exploitants de commerce alimentaire, et en particulier les petits exploitants qui n'ont pas les structures voulues pour le faire, de tenir compte de toutes les interruptions d'emploi. En outre, il leur faudrait consacrer beaucoup de temps à cette tâche. En plus d'annuler tout gain d'efficacité qui pourrait résulter de l'adoption du principe de la couverture à partir du premier dollar, cette mesure empêcherait les restaurateurs d'offrir des horaires de travail aussi souples que ceux que réclament les employés.
Nous considérons que le fait qu'on compte plafonner la rémunération à 2 000$ et qu'on propose d'accorder un remboursement aux petites entreprises témoigne du fait que le gouvernement est conscient de l'injustice de cette mesure ainsi que de son impact financier. Malheureusement, ni le plafonnement de la rémunération ni le remboursement aux petites entreprises n'aideront beaucoup les employés, les employeurs à temps plein ou les étudiants à temps plein du secteur alimentaire. D'après les chiffres les plus récents obtenus auprès de fonctionnaires du ministère et fondés sur des déclarations d'impôt, seulement environ 34 p. 100 des étudiants à temps plein qui travaillent au Canada pourront se prévaloir de ce remboursement de 2 000$. Les employeurs évidemment n'auront pas droit à ce remboursement.
Le remboursement aux petites entreprises est essentiellement insuffisant. Nous estimons en fait qu'il est tout à fait insuffisant. Premièrement, il ne s'agit que d'une mesure temporaire. Deuxièmement, il ne s'applique qu'à certaines entreprises. Dans deux ans, toutes les entreprises canadiennes ressentiront intégralement l'impact de ce changement.
Si le gouvernement tient à adopter la formule de la couverture à partir du premier dollar, il semblerait y avoir un moyen d'atténuer l'impact financier de cette mesure et de sauver des emplois pour étudiants tout en permettant au gouvernement d'atteindre ses objectifs politiques. Il s'agirait pour cela d'exempter les étudiants de payer des cotisations au régime d'assurance-chômage. Nos collègues de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires (CRFA) collaborent avec les fonctionnaires ministériels pour évaluer le coût de cette option. Le ministère avait d'abord évalué le coût de celle-ci à un milliard de dollars, mais la CRFA propose une solution dont l'adoption coûterait moins de 200 millions de dollars. L'association propose d'exempter les étudiants gagnant moins de 5 000$ de cotiser au régime. Cette exemption serait administrée à peu près de la même façon que celle qui est prévue dans le cadre du RPC, mais elle ne s'appliquerait qu'aux étudiants à temps plein et à leurs employeurs.
D'après les chiffres du ministère, de 75 à 76 p. 100 des étudiants à temps plein gagnent moins de 5 000$ par année et 34 p. 100, moins de 2 000$. Les étudiants commenceraient à cotiser au régime dès la première heure de travail qui leur donnerait droit à une rémunération de plus de 5 000$.
Notre secteur apprécie l'occasion qui lui est donnée, mesdames et messieurs, de participer à l'élaboration du système de sécurité sociale futur du Canada. Je crois que nous tenons tous aux valeurs auxquelles tiennent les Canadiens, soit la justice, la tolérance, la compassion et le franc-jeu. Nous appuyons les efforts déployés par le gouvernement pour venir en aide aux membres les plus vulnérables de notre société et pour créer un climat économique susceptible d'assurer un avenir prometteur aux jeunes. À mon avis, l'exemption pour étudiant viendrait compléter les initiatives prises par le gouvernement pour favoriser la création d'emplois pour les jeunes. Cette mesure inciterait également les étudiants à poursuivre leurs études comme on le leur recommande et leur permettrait d'économiser à cette fin étant donné que les gouvernements réduisent l'aide financière accordée aux étudiants.
Le fait pour les étudiants de pouvoir travailler pendant leurs études favorise aussi grandement leurs chances de trouver un emploi après qu'ils ont obtenu leur diplôme.
Il semblerait que l'impact de ce projet de loi se fera tout particulièrement sentir chez les petits entrepreneurs qui sont ceux qui sont les plus à même de créer de l'emploi dans ce pays, et d'après nous, chez les jeunes qui essaient d'acquérir une éducation et de se tailler un avenir prometteur.
Il nous est impossible de comprendre comment le comité peut ne pas tenir compte du coût de la couverture à partir du premier dollar ainsi que de son impact sur les emplois, étant donné le nombre d'emplois en jeu. Nous avons encore même plus de mal à comprendre que le comité veuille tenir compte des interruptions dans les périodes d'emploi puisque cette mesure annulera les avantages qui découleraient de l'adoption de la couverture à partir du premier dollar, et nous songeons ici notamment à la simplicité administrative. Qui plus est, cette mesure réduira encore davantage le nombre d'emplois offerts aux étudiants.
Mesdames et messieurs, nous vous exhortons à tenir compte de notre point de vue. L'avenir de notre secteur ainsi que celui de milliers de jeunes gens que nous employons sont en jeu. Nous vous exhortons à nous aider à obtenir l'adoption d'une exemption pour étudiant.
Je vous remercie.
La vice-présidente (Mme Augustine): Je vous remercie, messieurs Moore et Ritchie.
J'ouvre maintenant la période des questions. La parole est d'abord au représentant du Bloc québécois, M. Paré.
[Français]
M. Paré (Louis-Hébert): Je voudrais d'abord remercier nos deux témoins, MM. Moore et Ritchie, d'avoir pris résolument le parti des employés les plus précaires sur le marché du travail que sont les employés à temps partiel et les étudiants. Je pense que vous nous avez fait une bonne présentation de la situation, et je dois dire que dans ma circonscription, qui est dans la région de Québec, les restaurateurs que j'ai rencontrés m'ont fait part des mêmes craintes que les vôtres aujourd'hui.
Vous avez raison de dire que le projet de loi aura un impact dévastateur sur les employés à temps partiel et sur les étudiants, et je vous remercie d'avoir tenu à rappeler qu'il faut faire en sorte que les étudiants ne soient pas obligés de fournir un plus grand nombre d'heures de travail en dehors de leurs études pour arriver à vivre, parce que cela a des conséquences sur le déroulement de leurs études.
Si je comprends bien ce que vous dites, la situation nouvelle dans laquelle nous allons nous trouver va obliger les étudiants et les employés les plus précaires à travailler davantage puisqu'ils auront à subir une perte de revenu de l'ordre de 0,16$ à 0,18$ l'heure.
La question que je vais vous poser concerne ce que vous avez dit dans votre présentation, à savoir que vous devrez réduire les heures de travail de ces jeunes employés. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous devrez réduire leurs heures de travail au moment de l'application du projet de loi et je voudrais aussi savoir qui a pu suggérer cela.
[Traduction]
M. Moore: C'est moi. Cela se produirait en raison d'une augmentation des coûts de l'employeur. L'employeur, comme l'employé, cotise au régime. Si les coûts de l'employeur augmentent, étant donné, comme je le disais plus tôt, que la marge bénéficiaire n'est que de 5 p. 100 en moyenne, le seul recours pour un employeur est de réduire ses dépenses d'une façon ou d'une autre.
Là où il peut le plus facilement réduire ses coûts, c'est en réduisant ses dépenses salariales qui représentent 30 p. 100 de ses dépenses. Il lui faudra donc réduire le nombre de ses employés. Comme le député le fait à juste titre remarquer, les plus vulnérables de ses employés sont souvent les étudiants.
[Français]
M. Paré: J'ai encore une courte question. Si vous devez diminuer le nombre d'heures dans le but d'ajuster vos coûts, ne va-t-il pas vous manquer des employés pour les opérations que vous devez réaliser dans vos entreprises?
[Traduction]
M. Moore: Malheureusement, dans un cas comme celui-là, c'est le service qui en pâtira. Si l'on veut être optimiste, on peut dire que tous les établissements seront alors logés à la même enseigne. C'est malheureusement le client qui écopera parce que le marché n'acceptera pas une augmentation des prix comme l'a fait remarquer M. Ritchie. Les restaurateurs essaieront donc d'en faire moins ou s'ils veulent faire la même chose, ils essaieront de le faire avec moins d'employés.
M. Ritchie: Il y a aussi le problème du nombre d'heures par semaine et du nombre d'heures par jour. Lorsque c'est possible, les employeurs tâcheront évidemment de couper une heure par-ci, une heure par-là, et peut-être même de fermer un peu plus tôt ou d'ouvrir un peu plus tard.
Ce qui semble à première vue être une solution à court terme finira éventuellement par signifier une réduction du service aux clients et une baisse des attentes des clients à cet égard. Cette situation sera désastreuse pour les établissements qui font partie d'une chaîne ainsi que pour les petites entreprises familiales.
Lorsque leurs coûts augmentent démesurément, les employeurs font ce qu'ils peuvent pour faire face à la situation et ils songent évidemment d'abord à faire des compressions. Quand on songe aux milliers d'établissements de ce pays qui seraient visés, on peut comprendre que l'effet de cette mesure sera dévastateur.
La vice-présidente (Mme Augustine): J'accorde maintenant la parole à un député du Parti libéral, M. Easter.
M. Easter (Malpèque): Je vous remercie, madame la présidente.
Vous avez dit surtout vous préoccuper de l'augmentation de vos coûts. Le président de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires a comparu devant le comité. Je crois qu'il venait de Vancouver. Il nous a exposé à peu près les mêmes préoccupations que vous. Certains membres du comité ont donc...
Moi, je viens de l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai fait un petit sondage auprès des propriétaires d'entreprises de restauration minute de ma province. J'ai discuté avec les employés de McDonald et de Dairy Queen qui m'ont dit ne pas vraiment vouloir travailler moins de 15 heures par semaine. Certains d'entre eux ont même dit qu'on avait exercé des pressions sur eux pour qu'ils acceptent de travailler 15 heures ou moins par semaine en raison des conséquences que cela entraîne pour ce qui est du régime d'assurance-chômage. À notre avis, cette disposition règle le problème du piège des 15 heures tout en traitant de la même façon tous les restaurants. Tout le monde se retrouvera dans la même situation.
Je crois personnellement que vous vous servez des étudiants comme d'un prétexte et que vous exagérez le coût de ces mesures. Vous avez dit que le coût des cotisations d'un propriétaire de restaurant de 100 places augmenterait d'environ 1 000$. Je suis aussi un homme d'affaires et comme tous les hommes d'affaires je me préoccupe de l'augmentation des coûts. Je crois vous avoir entendu dire que ces cotisations représentent 2 p. 100 de vos coûts avant impôt. Quelle proportion cela représente-t-il de vos coûts d'exploitation totaux? Je crois que ça doit être minuscule. Pouvez-vous nous donner ce chiffre?
M. Ritchie: Non, je n'ai pas ce chiffre, mais nous avons calculé assez rapidement ce que cela représenterait pour nos restaurants haut de gamme en nous fondant sur les chiffres actuels. Nous avons ensuite multiplié ce chiffre par le nombre de nos établissements.
En se servant de statistiques et de fractions, on pourrait soutenir que ce coût est minime. Je me fais ici le porte-parole de certains des propriétaires de nos franchises pour qui toute augmentation des coûts revêt une grande importance. Je peux vous assurer qu'ils n'en reviendraient pas s'ils savaient ce que nous savons. Tout dépend évidemment où on se situe et quel est son point de vue, mais pour un petit exploitant, et pour un petit exploitant de franchise notamment, il s'agit d'une somme d'argent importante. Je ne sais pas si c'est votre avis, mais pour nous il s'agit d'une somme importante.
M. Moore: D'autant plus, comme nous l'avons dit, que la marge bénéficiaire avant impôt est de 5 p. 100. Les chiffres que je vous ai fournis pour le Manitoba sont justes. Le chiffre d'affaires total réalisé par 1 781 restaurants s'élève à 555 millions de dollars, ce qui représente 308 000$ par établissement et une marge bénéficiaire de 15 800$. Ce n'est pas beaucoup pour exploiter une entreprise, compte tenu en particulier des longues heures de travail d'un exploitant étant donné surtout qu'il s'agit de la marge bénéficiaire avant impôt. Une augmentation des coûts de 1 000$ représente donc une somme importante pour ces propriétaires de restaurant.
M. Easter: Je connais bon nombre de restaurateurs de la ville de Saskatoon et je sais fort bien que c'est un domaine qui n'est pas facile. Je ne crois cependant pas qu'il s'agit là d'un coût excessif qui risque de miner votre compétitivité.
Il me semble qu'il vous faut voir l'autre côté de la médaille. Je suis de la région de l'Atlantique. Or, il nous semble que le fait de donner aux travailleurs à temps partiel et aux travailleurs occupant plus d'un emploi l'occasion de participer au régime de l'assurance-emploi, de bénéficier de certains programmes de formation et de perfectionnement et d'avoir la possibilité de recevoir des prestations alors qu'ils ne le peuvent pas à l'heure actuelle peut être avantageux pour l'économie et pour le milieu d'affaires. Ces gens-là auront plus d'argent à dépenser durant les périodes creuses. Il s'agit même d'une proposition qui peut vous avantager dans la mesure où vous l'envisagez comme un investissement plutôt que comme un coût. Cette façon de voir les choses est-elle valable, d'après vous?
M. Moore: Il me semble que vous venez de faire une distinction importante: entre ceux pour qui le travail dans un restaurant est une deuxième source de revenu et les étudiants. Je crois que nous avons bien précisé que l'exemption de 5 000$ dont nous parlons ne vise que les étudiants. Elle n'est pas censée viser tous les employés à temps partiel, mais les étudiants seulement.
Nous sommes donc d'accord pour dire que les heures de travail accumulées par le travailleur à temps partiel... puisqu'il s'agit d'heures flexibles, il est intéressant pour un travailleur à temps partiel de pouvoir travailler dans un restaurant le midi seulement ou toutes les deux fins de semaine et ainsi bénéficier d'une deuxième source de revenu. Nous parlions de l'exemption qui visait les étudiants. Nous devrions peut-être nous entendre pour dire que l'exemption ne s'appliquerait qu'aux étudiants et non pas aux travailleurs à temps partiel qui ne sont pas des étudiants.
M. Easter: Pouvez-vous me préciser si le 1 000$ dont vous parliez pour un établissement de 100 places avait trait aux étudiants à temps partiel seulement ou à tous les employés qui travaillent moins de 15 heures?
M. Ritchie: Dans ce cas en particulier, nous avons étudié une situation où la proportion d'étudiants était considérable, soit de l'ordre de 80 p. 100 à 85 p. 100. Ainsi, selon la définition qu'on donne au terme étudiant - et nous sommes d'ailleurs disposés à en discuter - bon nombre des personnes qui correspondent bien à la nature de nos activités, du moins celles de ce type, sont des étudiants qui fréquentent l'école secondaire ou l'université.
La vice-présidente (Mme Augustine): Merci, monsieur Easter.
Monsieur Regan.
M. Regan (Halifax-Ouest): Messieurs, comme vous le savez sans doute, le gouvernement vise notamment par le processus en cours à simplifier l'administration du régime de l'assurance-emploi, non seulement pour le gouvernement, mais surtout pour le grand nombre d'entreprises canadiennes qui se sont plaintes du relevé d'emploi et du fait qu'il soit compliqué à rédiger et de la complexité d'un système fondé sur le calcul des semaines. Comment l'exemption que vous proposez peut-elle s'insérer dans ce souci de simplification sur le plan administratif?
Par exemple, ne seriez-vous pas d'accord pour dire qu'il faudrait de nouvelles règles, ne serait-ce que pour définir le terme étudiant? Le fait que les employeurs traitent les étudiants comme une catégorie distincte ne va-t-il pas à l'encontre de la simplicité administrative que nous visons et n'entraîne-t-il pas des coûts accrus pour les employeurs et le gouvernement?
M. Moore: Évidemment, il serait plus simple de n'établir aucune distinction entre les employés. Je suppose que nous cherchons un système qui soit équitable. Il existe certainement une définition acceptée de l'étudiant à temps plein, et n'importe quel établissement d'enseignement serait en mesure de vous la donner. Ayant déjà oeuvré dans le domaine des sports, je sais fort bien que l'Union sportive interuniversitaire canadienne a dû définir de façon très rigoureuse la notion d'étudiant à temps plein aux fins de la participation aux sports universitaires. Les étudiants auraient évidemment à faire la preuve de leur statut en fournissant, par exemple, une attestation d'inscription provenant d'un établissement postsecondaire. Il y aurait peut-être lieu également d'envisager un formulaire officiel signé par le responsable d'une école secondaire.
On s'éloigne évidemment du critère de la simplicité administrative. Si c'est ce que souhaite le gouvernement, je l'exhorterais alors à appliquer ce même critère de simplicité administrative à l'application de la TPS pour ce qui est des produits d'épicerie et des repas servis dans un restaurant, de manière à ce que ces deux types d'achats soient traités avec la même simplicité. Si nous nous écartons de ce principe, je suppose que c'est parce que nous nous efforçons d'être équitables envers les étudiants pour accroître leurs possibilités d'emploi.
La vice-présidente (Mme Augustine): Monsieur Moore, monsieur Ritchie, je vous remercie d'avoir été des nôtres cet après-midi. Nous avons apprécié votre exposé et nous garderons votre mémoire à l'esprit à mesure que nous poursuivons notre travail. Merci beaucoup.
M. Moore: Je vous remercie de nous avoir reçus.
La vice-présidente (Mme Augustine): Nous allons faire une très brève pause avant de passer à Toronto.
La vice-présidente (Mme Augustine): Nous reprenons nos travaux. Monsieur Daniel Bell, du Conseil du Service d'entretien et de réparation automobiles du Canada, je vous souhaite la bienvenue de la part des membres du Comité permanent du développement des ressources humaines. Nous sommes à étudier le projet de loi C-12.
Monsieur Bell, je vous prie de présenter votre collègue. Merci.
M. Daniel Bell (président, Conseil du Service d'entretien et de réparation automobiles du Canada): Je suis accompagné par M. Wes Pratt, le directeur national de la direction des normes de notre organisation.
La vice-présidente (Mme Augustine): Veuillez commencer. Vous disposez de quelques minutes pour nous faire un exposé ou lire votre mémoire. Par la suite, nous poserons des questions. Nous disposons d'une demi-heure. Merci beaucoup.
M. Bell: Je vous remercie. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion de prendre la parole devant le comité. J'ai devant moi une ébauche dont je m'inspirerai.
Depuis ses débuts en 1988, le Conseil du Service d'entretien et de réparation automobiles du Canada, le CSERAC, est le principal organisme chargé de répondre aux besoins en ressources humaines du secteur de la réparation et de l'entretien du marché secondaire de l'automobile au Canada.
En sa qualité de conseil sectoriel chargé de ces questions, le CSERAC a élaboré et mis en oeuvre plusieurs stratégies visant à créer une culture de la formation et à faire en sorte que nos partenaires sectoriels prennent des engagements à long terme en matière de formation.
Le CSERAC collabore avec les gouvernements à la définition et à l'application de normes nationales sectorielles qui visent l'activité professionnelle, la formation et la reconnaissance des titres de compétence. Par l'application de normes nationales, le Conseil améliore l'image du secteur et permet aux intéressés de mieux connaître les possibilités de carrière qui existent sur le marché secondaire de l'automobile.
Comme par le passé, le CSERAC continuera à collaborer de très près avec Développement des ressources humaines Canada et les gouvernements provinciaux en offrant des conseils touchant le marché de la main-d'oeuvre et en assurant la mise en oeuvre de stratégies visant à répondre aux besoins en ressources humaines de notre secteur.
Le Conseil agit comme chef de file dans le cadre de divers programmes: jeunes stagiaires, occasions de carrière pour groupes cibles, normes d'apprentissage, reconnaissance professionnelle et perfectionnement de la main-d'oeuvre.
À l'échelle nationale, le CSERAC a favorisé des rapports étroits avec les établissements de formation aussi bien publics que privés, ce qui nous a permis de mettre en oeuvre des programmes axés sur les besoins du secteur et mettant l'accent sur les compétences qui y assurent l'accès à un emploi stable.
À titre de porte-parole du secteur canadien de l'entretien et de la réparation automobiles, le CSERAC a pour mandat de représenter les intérêts de 341 000 personnes ainsi que des nombreux employeurs du secteur, qui contribuent annuellement au-delà de 50 milliards de dollars à l'économie canadienne.
C'est à ce titre que nous comparaissons devant le Comité permanent du développement des ressources humaines pour formuler des commentaires au sujet des conséquences du projet de loi et pour faire valoir auprès du gouvernement national la nécessité de mesures stratégiques qui permettront à ceux qui vont désormais recevoir des prêts et subventions de perfectionnement au titre de l'assurance-emploi de prendre des décisions opportunes en matière d'achat de formation.
Par rapport à cette mesure, quels sont donc les enjeux pour le secteur? Tout d'abord, la réforme du régime d'assurance-chômage du Canada risque de chambarder considérablement les diverses initiatives de formation qui existent déjà. Il nous semble que les rapports étroits que le Conseil a établis avec Développement des ressources humaines Canada dans le cadre du projet de partenariats sectoriels font en sorte que nous sommes très bien placés pour évaluer les répercussions possibles et fournir des conseils qui faciliteront l'adaptation, compte tenu de l'expérience concrète que nous avons acquise en lançant des initiatives comme notre programme axé sur le développement des ressources humaines, le CIIP, notre programme concernant les choix de carrière dans le secteur de l'automobile et notre programme de jeunes stagiaires.
La formule du conseil sectoriel, selon laquelle la détermination et la mise à jour des normes ainsi que le recrutement et la sélection des participants se font en rapport étroit et continu avec les intervenants du secteur, a pour effet de raffermir notre action et notre engagement à l'égard d'une culture de la formation dynamique.
Le Conseil du SERAC peut afficher une feuille de route enviable en matière de collaboration avec les gouvernements tant fédéral que provinciaux de même qu'avec des fournisseurs de cours dans divers domaines visés par le projet de réforme.
Au Conseil du SERAC, on estime que le fait de passer à un programme de formation fondé sur les réalités du marché aura un effet bénéfique en ce qu'il permettra aux intervenants du secteur de participer davantage à la détermination des normes et à la conception de programmes qui correspondent véritablement à nos besoins.
Si elles sont bien menées, les réformes qui découleront du projet de loi seront constructives et favoriseront l'émergence au Canada d'une vigoureuse culture de la formation. Une telle culture de la formation, axée sur les besoins du secteur et mettant l'accent sur l'élaboration de programmes susceptibles d'y répondre efficacement, permettra au Canada de disposer d'une main-d'oeuvre productive et concurrentielle, indispensable à l'aube du XXIe siècle. Cette culture de la formation bénéficiera de l'appui plein et entier des intervenants du secteur et de l'engagement soutenu de leur part visant à faire en sorte que les efforts de formation s'adaptent constamment à l'évolution technologique.
Le système de formation qui existe au Canada à l'heure actuelle s'est avéré inefficace à plusieurs égards du fait que le processus d'élaboration et de financement des programmes a nécessité des négociations complexes entre paliers de gouvernement aussi bien qu'entre gouvernements et agents d'exécution. Selon le Conseil du SERAC, le processus partait certainement de bonnes intentions, mais il a abouti à des programmes qui correspondent davantage aux exigences d'ententes complexes qu'aux besoins des bénéficiaires ou des utilisateurs. En ne tenant pas suffisamment compte du bénéficiaire, on a conçu des programmes qui ne répondent pas aux besoins du secteur.
Il peut bien s'avérer avantageux de mettre désormais l'accent sur la responsabilité individuelle et tout ce que cela implique, plutôt que sur celle du collège ou du centre de formation, mais pour garantir la réussite, il faudra bien tenir compte de certains aspects critiques.
Tout d'abord, les normes. Il faudra définir et appliquer en fonction des besoins du secteur des normes nationales en matière de formation et de reconnaissance professionnelles, de manière à faire en sorte que toute formation corresponde aux besoins bien définis au préalable des utilisateurs. Il faudra définir et appliquer un processus national d'accréditation en collaboration étroite avec les intervenants du secteur de manière à pouvoir évaluer et reconnaître les efforts en matière de formation. Les normes en matière de formation devront s'appliquer aussi bien au secteur public que privé. Il sera nécessaire d'harmoniser à l'échelle du pays les tarifs et structures de frais de manière à ce que les chances soient égales pour tous.
Autre aspect clé: celui de l'information sur le marché du travail. Étant donné que le système actuel de formation est axé davantage sur les personnes que sur les besoins du marché, aucune ressource ne permet aux participants de prendre des décisions opportunes en matière de formation.
De plus, dans la mesure où, dans notre secteur, certaines personnes n'ont pas encore pris de telles décisions, des services d'orientation professionnelle devront leur être fournis.
Il ressort de ce qui précède qu'il est nécessaire de mettre sur pied un système général d'informations sur le marché de la main-d'oeuvre qui soit facile d'accès et qui fournisse aux intéressés les renseignements qui leur permettront de prendre en main leur propre formation. L'information doit porter notamment sur l'évaluation des besoins, l'orientation professionnelle, le choix de cours ou de programmes, l'aide financière et les sources possibles de financement.
Il est extrêmement important aussi de prévoir des mesures de soutien du revenu pour les participants au programme d'apprentissage. En matière de développement des ressources humaines, la formule de l'apprentissage a déjà fait ses preuves depuis longtemps au Canada. Il s'agit d'un type de formation professionnelle axée sur le milieu de travail. Les participants inscrits à des programmes d'apprentissage reçoivent l'essentiel de leur formation en milieu de travail et le reste à l'école.
D'après les statistiques, l'apprenti type a 27 ans. Il a vraisemblablement des responsabilités financières et son stage en milieu de travail est rémunéré. Or, la plupart des apprentis ne sont pas admissibles aux prêts et subventions de perfectionnement, selon les critères actuels. Il est donc essentiel de concevoir un système qui réponde à leurs besoins, de manière à ce que les programmes de formation soient tout à fait accessibles.
Comme dernier aspect tout à fait critique, je vous signale celui de la nécessité d'une gestion à l'échelle sectorielle des programmes de développement des ressources humaines. Au Conseil du SERAC, on estime qu'une gestion autonome efficace du développement des ressources humaines comme celle qui a été rendue possible par le Projet de partenariats sectoriels permettra aux intervenants de collaborer plus activement avec les gouvernements aux réformes envisagées dans le projet de loi à l'étude.
Dans certains secteurs, on a déjà réussi à faire en sorte que tous les intervenants soient consultés et participent à tous les aspects du développement des ressources humaines et par conséquent à l'édification d'une culture de la formation vigoureuse.
Dans certains secteurs, des mesures d'adaptation du système d'éducation sont déjà en cours au Canada et faciliteront la mise en oeuvre du projet de loi.
Pour terminer, rappelons qu'il existe déjà un partenariat véritable entre notre secteur et les gouvernements. Ainsi, notre secteur participe financièrement non seulement à l'exécution des programmes mais aux immobilisations tout à fait nécessaires au réseau de formation.
Grâce à ces partenariats, les provinces et les formateurs collaborent avec nos conseils sectoriels pour assurer une gestion responsable à tous les paliers et pour faire en sorte que nos ressources de plus en plus rares soient exploitées avec toute l'efficacité voulue.
Les succès remportés par le gouvernement fédéral en matière de partenariats sectoriels ouvriront la voie aux réformes proposées dans le projet de loi. En matière de formation, la décision doit revenir aux utilisateurs. Le Projet de partenariats sectoriels est fondé sur le principe de la responsabilité à tous les paliers, ce qui garantira une gestion efficace des ressources.
Comme vous le savez, la plupart de nos commentaires d'aujourd'hui visent... [Difficultés techniques - La rédaction]... questions.
La vice-présidente (Mme Augustine): Je vous remercie de votre exposé exhaustif et bien structuré.
Nous allons maintenant tour à tour vous poser des questions, en commençant par le député du Bloc, M. Paul Crête.
[Français]
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Je vous remercie pour votre mémoire qui était très clair.
Dans le deuxième paragraphe de la page 2 du document, vous dites que le système actuel de formation au Canada a démontré une mauvaise efficacité et une mauvaise efficience dans un processus complexe de négociation pour le développement et l'achat de programmes gouvernementaux.
Pourriez-vous élaborer sur ce qui peut avoir entraîné ces résultats? Vous semblez dire que nous avons travaillé beaucoup plus à la négociation d'ententes qu'à la formation des utilisateurs.
D'autre part, cela vous apparaît-il avantageux, pour l'avenir, d'avoir un surplus assez élevé dans la caisse de l'assurance-chômage? Et est-ce que l'argent sera replacé dans des processus du même ordre? Si on a un surplus très élevé, est-ce que l'argent va être investi dans des processus bureaucratiques? Y a-t-il d'autres solutions qui vous apparaîtraient plus appropriées?
[Traduction]
M. Bell: Je m'excuse, mais la transmission n'a pas été complète. Pouvez-vous répéter la question? Je m'en excuse.
[Français]
M. Crête: Il n'y a pas de problème, je vais reprendre.
Dans le deuxième paragraphe, à la deuxième page de votre mémoire, on dit que le système de formation au Canada ne s'est pas avéré efficace à cause de la complexité des processus de négociation d'achat de programmes gouvernementaux.
Comme vous dites qu'il a souvent fallu plus de temps pour négocier les ententes que pour donner des réponses concernant les besoins des utilisateurs, je voudrais savoir si vous croyez que la décision de créer un surplus significatif, par exemple de l'ordre de 5 milliards de dollars, dans la caisse de l'assurance-chômage et de réintégrer ces sommes-là dans les programmes où les interventions gouvernementales sont très présentes, vous semble être une façon efficace de régler le problème que vous avez constaté dans le passé. Sinon, quelles autres solutions proposez-vous?
[Traduction]
M. Wes Pratt (directeur national, Direction des normes, Conseil du Service d'entretien et de réparation automobiles du Canada): Je m'appelle Wes Pratt et je vais répondre à la question.
En effet, d'après ce que le Projet de partenariats sectoriels nous a permis de constater en matière de gestion de la répartition des fonds, certains gains d'efficacité sont à prévoir. À cause du principe de responsabilité qui est intégré au processus, les surplus dont vous parlez serviront certainement à répondre aux besoins des participants individuels. Cela est vrai, évidemment, dans la mesure où les ressources en matière d'orientation professionnelle et d'information permettront aux gens de prendre les bonnes décisions en matière de formation.
J'espère que j'ai pu répondre à votre question.
[Français]
M. Crête: Cela y répond en partie, mais je voudrais savoir si vous pensez qu'il serait souhaitable d'avoir un système dans lequel les utilisateurs et les formateurs pourraient avoir un certain contrôle sur la façon dont les programmes sont adoptés. Que diriez-vous, par exemple, si le fonds de l'assurance-chômage était contrôlé par les employeurs et les employés qui le financent à 100 p. 100, particulièrement en ce qui concerne l'évaluation du financement?
[Traduction]
M. Pratt: Oui, certainement. J'estime que c'est, en définitive, chez l'usager que réside la valeur ajoutée du programme de formation. Le fait que ce dernier soit en mesure de prendre des décisions et d'accréditer la qualité du programme se répercute certainement sur la qualité du résultat.
Les formateurs et les exécutants du programme sont en quelque sorte les fournisseurs de ce dont a besoin l'utilisateur... [Difficultés techniques - La rédaction]... consultations au sujet des méthodes ou des ressources optimales. Cependant, à mon avis, c'est entre les mains du bénéficiaire et de l'utilisateur que réside la responsabilité ultime de la qualité du programme.
La vice-présidente (Mme Augustine): Merci, monsieur Pratt.
Nous allons maintenant passer aux Libéraux. J'ai deux questions, l'une de M. McCormick et l'autre de M. Proud. Commençons par M. McCormick.
M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox and Addington): Merci, madame la présidente. Mes questions portent sur le volet très important de l'apprentissage.
Le système d'apprentissage et ses divers programmes comportent, avons-nous appris, de graves lacunes. On ne cesse de dire que nous ne faisons pas ce qu'il faut, que nous n'en faisons pas assez et que divers problèmes existent.
J'aimerais que vous me disiez, dans votre perspective, quels sont certains de ces problèmes et comment les partenaires intéressés pourraient collaborer à les résoudre.
Maintenant, je pense au second volet de ma question. L'une des cinq mesures en faveur de l'emploi proposées dans le projet de loi vise les prêts et subventions de perfectionnement. L'aide financière destinée aux particuliers dans le cadre du programme pourrait-elle servir aux activités d'apprentissage? S'agit-il d'une approche utile qui pourrait même constituer une amélioration par rapport au système actuel?
M. Bell: En réponse à vos deux questions, permettez-moi de vous dire que j'estime que l'on fera un meilleur usage des budgets disponibles en assurant une gestion efficace des prêts et subventions de perfectionnement. Cela est vrai à supposer, comme nous l'avons déjà dit, que les apprentis y aient accès et n'en soient pas exclus du fait que, durant une partie de leur période d'apprentissage, ils gagnent des revenus considérables qui pourraient les rendre non admissibles à une subvention.
Donc, si on les utilise d'une façon efficace, les prêts et subventions pourront certainement favoriser l'apprentissage.
La vice-présidente (Mme Augustine): Monsieur Proud.
M. Proud (Hillsborough): J'aimerais revenir sur un aspect soulevé par M. McCormick lorsqu'il a posé une question au sujet de l'apprentissage.
Dans votre mémoire, vous dites que le programme d'apprentissage a assez bien réussi dans votre secteur. J'aimerais donc vous demander si, dans l'ensemble, vous estimez que les nouvelles propositions à l'étude nous permettront d'étendre l'apprentissage à de nouveaux secteurs?
Même s'il existe de bons programmes d'apprentissage dans certains secteurs, j'estime pour ma part que nous ne sommes pas allés loin dans ce domaine dans bon nombre de secteurs, notamment dans ce qu'on appelle la nouvelle économie.
À votre avis, cette mesure législative permettra-t-elle un élargissement et une amélioration des programmes d'apprentissage au Canada?
M. Pratt: Oui, certainement. Dans la mesure où on ne passe pas à côté de certaines grandes questions, il est tout à fait possible d'envisager un élargissement de l'apprentissage et son application à d'autres métiers et à d'autres professions, partout au Canada.
Le programme des jeunes stagiaires nous a permis de constater que les programmes d'apprentissage peuvent déborder de leur cadre traditionnel.
De plus, aspect plus important encore, lorsque nous serons en mesure de fournir des renseignements plus valables aux utilisateurs, certains programmes répondant plus précisément à leurs besoins s'imposeront d'eux-mêmes.
La vice-présidente (Mme Augustine): Merci, messieurs, de votre participation et du mémoire que vous nous avez soumis.
M. Bell: Merci beaucoup.
La vice-présidente (Mme Augustine): Bienvenue, monsieur Dungan, au Comité permanent du développement des ressources humaines. Nous étudions le projet de loi C-12, et nous sommes très heureux de vous accueillir cet après-midi. Veuillez commencer. Vous pouvez tout d'abord nous exposer brièvement votre mémoire après quoi il nous restera quelques minutes pour une période de questions et réponses.
Le professeur Peter Dungan (professeur auxiliaire associé d'économie, Université de Toronto; directeur associé, Programme d'analyse politique et économique, Institut d'analyse politique, Université de Toronto): Merci. Je m'appelle Peter Dungan et je suis professeur d'économie à l'Université de Toronto. Je remercie le comité de me donner l'occasion de comparaître. Sachant que nous avons pris du retard, je vais m'efforcer d'être bref.
Le professeur Thomas Wilson, qui fait partie du groupe de recherche avec lequel je collabore à l'Université, n'est pas en mesure d'être avec moi ici aujourd'hui, à cause de ses tâches d'enseignement.
Nous faisons appel à des modèles de simulation informatisés de l'économie canadienne pour analyser certains aspects de la politique publique. Nous nous efforçons de faire des prévisions, avec plus ou moins de succès - plutôt moins que plus. Nous nous servons également de ces modèles pour évaluer la politique. Par exemple, grâce à eux, nous pouvons tenter de déterminer comment le monde aurait évolué si telle ou telle politique avait été différente ou pour déterminer quelles sont les solutions de rechange qui s'offrent pour l'avenir.
Évidemment, nous avons eu l'occasion de nous pencher à diverses reprises sur divers aspects du régime de l'assurance-chômage. Je pense notamment à une étude que nous avons menée il y a à peu près deux ans et demi à la demande du MDRH. J'aimerais vous parler aujourd'hui de cette étude, puisqu'elle est pertinente à la mesure législative que votre comité est à étudier.
À l'époque, nous parlions du régime d'assurance-chômage et l'étude s'intitulait donc: «Le régime d'assurance-chômage comme agent de stabilisation automatique au Canada». Que voulons-nous donc dire, tout d'abord, par agent de stabilisation automatique? Il est généralement accepté que la politique budgétaire peut, en théorie tout au moins, contrer les cycles économiques. On suppose, par exemple, que si l'économie entre en récession, le gouvernement devrait peut-être dépenser davantage pour que les gens se remettent au travail, pour que la monnaie continue de circuler, pour que la récession ne s'aggrave pas ou peut-être même pour que nous arrivions à nous en sortir.
Le principe fonctionne également dans la situation contraire. Lorsque l'économie surchauffe, n'oublions pas que le niveau du plein emploi risque d'être dépassé. Le gouvernement doit prendre des mesures en vue de réduire les dépenses ou d'augmenter les impôts, de manière à ralentir l'économie. Voilà un peu une idée générale de ce qu'on appelle parfois la politique budgétaire keynésienne, qui est parfois mal reçue aujourd'hui, ce qui est plutôt paradoxal puisque, pour l'essentiel, elle n'a jamais été appliquée de toute manière.
Dans la réalité, il s'avère extrêmement difficile pour les gouvernements de décider quand il convient d'avoir recours à la politique budgétaire. Tout d'abord, compte tenu de la nature des données dont nous disposons sur l'économie, on ne se rend habituellement compte des problèmes que lorsqu'on est en plein dedans. Il faut alors décider quoi faire et légiférer en conséquence. Tout cela prend du temps. Lorsque l'intervention se concrétise enfin, il est déjà trop tard et l'économie amorce vraisemblablement déjà une reprise, de telle sorte qu'on finit par accroître les dépenses alors que l'économie est déjà en situation de relance.
Ainsi, au Canada comme dans la plupart des pays industrialisés, on a eu assez peu recours à la politique budgétaire anticyclique, on y a peu souvent fait appel et encore moins y a-t-on fait appel avec succès.
Si tel est le cas, comment avons-nous fait pour protéger nos économies d'un phénomène comme celui de la Grande dépression? Pourquoi n'y a-t-il plus de grandes dépressions?
Serait-ce, comme on le prétend souvent, que les pouvoirs publics, aujourd'hui, gèrent si bien la politique que nous ne risquons plus de grandes dépressions. Dans la mesure où cela est vrai, c'est parce que la plupart des instruments importants de la politique budgétaire, qui sont de nature anticyclique, prennent effet de façon automatique. Ils entrent en jeu sans que les pouvoirs publics n'aient de décision à prendre.
Par exemple, prenons le régime de l'impôt sur le revenu. Si l'économie pique du nez tout à coup, les gens perdent leur emploi ou leur salaire et, automatiquement, ils versent moins d'impôt. Ainsi, l'État soutire moins d'argent du système qu'il le faisait auparavant.
Pour ce qui est du bien-être social maintenant, dans la mesure où les gens deviennent des chômeurs et des assistés sociaux, les paiements de bien-être social augmentent, ce qui fait augmenter la quantité d'argent en circulation. Et cela se fait sans que le gouvernement ne prenne de décision. Tant et aussi longtemps que le mécanisme fonctionne, il sert de tampon automatique.
Personne ne serait étonné d'apprendre que le régime d'assurance-chômage est l'un des principaux instruments de stabilisation automatique. Évidemment, si l'activité économique est à la baisse, les gens perdent leur emploi et, très bientôt, le gouvernement cesse de prélever leurs impôts, puis leurs cotisations d'assurance-chômage pour commencer plutôt à leur verser de l'argent. Voilà en quoi consiste la politique budgétaire anticyclique. Elle fonctionne de façon automatique et sans délai.
Évidemment, l'inverse est vrai en période de relance. À mesure que la reprise s'affermit, les gens retournent au travail; ils quittent l'assurance-chômage et commencent à verser leurs cotisations, ce qui a pour effet immédiat de redresser la situation financière du gouvernement. Il en résulte un ralentissement de l'économie, ce qui permet d'éviter un emballement qui déboucherait sur l'inflation.
Le régime d'assurance-chômage constitue un élément important de ces stabilisateurs automatiques qui empêchent notre économie de connaître les mêmes cycles de croissance et de décroissance marqués qu'avant la Seconde Guerre mondiale. Pendant la période qui a mené au projet de loi, le ministère du Développement des ressources humaines nous avait demandé il y a quelques années d'utiliser nos ordinateurs pour calculer l'importance du régime pour cette stabilisation automatique, voir si c'était effectivement un stabilisateur efficace et déterminer comment on pourrait l'améliorer.
C'est donc ce que nous avons fait. Nous avons utilisé nos modèles pour voir ce qui serait arrivé, par exemple, s'il n'y avait pas eu de régime d'assurance-chômage au début de la récession de 1982-1983. Dans quelle mesure la récession aurait-elle été plus grave, le cas échéant, en l'absence du régime? Nous avons fait la même chose pour la récession de 1990-1992. D'après nos recherches, le régime d'assurance-chômage a joué un très grand rôle de stabilisation automatique.
Par exemple, en 1982-1983, l'économie du Canada a chuté d'environ 4,5 p. 100 par rapport aux niveaux d'avant la récession. Sans le régime d'assurance-chômage, la chute aurait été de plus de 6 p. 100. Plus de 100 000 emplois supplémentaires seraient disparus par suite du ralentissement économique si le régime d'assurance-chômage n'avait pas existé pour contrer ou stabiliser automatiquement la situation. Bien entendu, ce n'est pas une panacée. Le régime n'a pas empêché la récession, mais il l'a empêchée d'être considérablement plus grave qu'elle ne l'a été. La même chose s'est produite au tout début de la récession de 1990-1992.
Soit dit en passant, nous avons aussi comparé le régime d'assurance-chômage aux autres éléments que l'on peut considérer comme étant des stabilisateurs importants, notamment le régime d'impôt sur le revenu, les régimes de bien-être social provinciaux et locaux et les autres transferts fédéraux. Nous avons constaté que, pour chaque dollar dépensé, le régime d'assurance-chômage est de loin le stabilisateur économique le plus efficace de tous. En termes absolus, il a la même incidence que les autres transferts fédéraux et le régime d'impôt sur le revenu. Ces autres éléments contribuent aussi à la stabilisation automatique, mais, pour chaque dollar dépensé, le régime d'assurance-chômage a une plus grande incidence sur le déficit fédéral pour ce qui est de stabiliser l'économie.
Il importe donc d'avoir au Canada un régime d'assurance-chômage efficace pour stabiliser automatiquement l'économie en prévision du prochain ralentissement important, et même pour nous protéger des conséquences nocives de la prochaine grande vague de prospérité, de la possibilité que nous dépassions le plein emploi et que la Banque du Canada doive sérieusement freiner la croissance économique.
Nous avons aussi constaté autre chose. Même si le régime d'assurance-chômage a constitué un stabilisateur très important au début de la récession, son effet de stabilisation s'est perdu après quelques années. Pourquoi cela est-il arrivé? C'est parce que le régime d'assurance-chômage est devenu déficitaire. À ce moment-là, la loi obligeait le gouvernement à relever le taux des cotisations au régime pour ceux qui avaient encore un emploi. C'est un très mauvais impôt. C'est un mauvais impôt parce que c'est un impôt direct sur l'emploi des particuliers, et que l'on perçoit cet impôt juste au moment où l'économie essaie de remonter la pente.
Nous avons constaté, par exemple, que, même si le régime d'assurance-chômage avait peut-être protégé 1,5 p. 100 du PIB et plus de 100 000 emplois en 1982-1983 avant que les cotisations n'augmentent, après quatre ans, la situation était telle qu'il aurait peut-être été préférable que le régime d'assurance-chômage n'existe pas du tout.
La majoration des cotisations a tellement nui à la reprise en 1984, 1985 et 1986 que, à la longue, il aurait été presque préférable que le régime n'existe pas. La situation a été encore plus grave en 1990-1992 parce que, comme les déficits représentaient un problème encore plus grave à cette époque-là, on a dû relever les cotisations au régime d'assurance-chômage presque immédiatement après que le régime a commencé à être déficitaire. D'après ce que nous avons constaté, cela a encore une fois fait obstacle à la reprise économique en 1992-1993.
D'après notre étude, le régime d'assurance-chômage peut donc être un stabilisateur économique très important, mais cet effet était contré à long terme, et même à moyen terme, parce qu'il fallait relever les taux de cotisation dès que le régime devenait déficitaire.
Le projet de loi à l'étude propose d'accumuler un excédent d'au moins 5 milliards de dollars et probablement un peu plus dans la caisse d'assurance-chômage pendant les années de prospérité. C'est le principe des sept années de vaches grasses avant les sept années de vaches maigres. Ce sera très important pour le fonctionnement du régime si - Dieu nous en garde, mais je suis certain que cela se produira - nous connaissons une autre récession importante à l'avenir.
Grâce à une telle réserve, ce ne serait pas nécessaire de relever le taux de cotisations du régime d'assurance-chômage juste au moment où la récession est sur le point de se terminer et où l'économie fait quelques pas hésitants vers la reprise. Grâce à ce tampon, il ne serait pas nécessaire de relever les cotisations à l'assurance-chômage avant plusieurs années et il faut espérer qu'à ce moment-là l'économie aurait recommencé à prospérer. Il faudrait d'ailleurs la freiner un peu et la majoration des taux de cotisation à l'assurance-chômage atteindrait cet objectif.
D'après notre étude, la disposition du projet de loi qui prévoit l'accumulation d'un excédent est très importante pour permettre au régime d'assurance-chômage de jouer son rôle de stabilisateur économique.
À combien devrait s'élever cet excédent? Il est utile de savoir que, même après la majoration des cotisations en 1982-1983... (difficultés techniques - La rédaction)... un déficit de bien plus de cinq milliards de dollars pendant cette période seulement, et il s'agissait de dollars de 1982. Ce serait 50 p. 100 de plus à l'heure actuelle.
En 1990-1992, comme le régime d'assurance-chômage est un stabilisateur tellement efficace et tellement rapide, il a entraîné un déficit bien supérieur à 8 milliards de dollars après seulement deux ans, et ce même malgré la majoration des cotisations. À mon avis, il faudrait donc un excédent minimal de 10 milliards de dollars dans la caisse d'assurance-chômage et peut-être même un peu plus. Nous pourrions épuiser un excédent de 5 milliards de dollars très rapidement pendant une faible récession. Il faudrait alors relever les cotisations au régime au moment le moins propice pour l'économie.
Bien sûr, cela ne veut pas dire qu'il faut à tout prix accumuler un tel excédent très rapidement au cours des quelques prochaines années. J'ai noté que le dernier budget fédéral prévoyait comme hypothèse de réduire le taux des cotisations de l'assurance-chômage de seulement 5 cents par 100$ de cotisations à compter du 1er janvier 1997. Une telle prévision est peut-être trop prudente. Autrement dit, cela tient compte de la cotisation actuelle des employés calculée au taux de 2,95$ par tranche de 100$. Dans une note en bas de page dans l'exposé budgétaire, on apprend que ce taux devrait baisser à 2,90$ le 1er janvier 1997. D'après nos propres chiffres, la caisse aura accumulé un excédent suffisant à ce moment-là pour qu'on envisage une réduction plus importante. Cela aurait aussi une incidence importante.
Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas un bon impôt. Ce n'est pas nécessaire d'exagérer dans le sens contraire, mais l'on pourrait en même temps réduire le taux des cotisations à l'assurance-chômage un peu plus rapidement au cours des quelques prochaines années et accumuler un excédent raisonnable. C'est à cela que je voulais en venir à cause des recherches que nous avons effectuées sur les conséquences macro-économiques de la Loi sur l'assurance-chômage.
La vice-présidente (Mme Augustine): Merci, monsieur Dungan. Les membres du comité auront maintenant le temps de vous poser des questions et nous commencerons par le représentant du Bloc.
[Français]
Madame Lalonde.
Mme Lalonde (Mercier): Merci beaucoup, monsieur Dungan. Ce fut fort intéressant.
Depuis le début de cette réforme, je me pose des questions concernant le salaire maximum assurable. Vous avez parlé de la cotisation, et je crois savoir que dans la réforme, après avoir fait des simulations, on prend toujours en compte un salaire maximum assurable de 39 000$.
Le gouvernement a donc décidé de passer de 42 400$ à 39 000$, ce qui veut dire que les grandes entreprises qui paient des gros salaires et du temps supplémentaire participeront moins à l'effort collectif que les PME qui, elles, auront à fournir une grosse participation et seront pénalisées par cette réforme.
Je sais que, dans certains pays, on cotise à partir de revenus plus élevés et aussi que l'on cotise sur l'ensemble de la masse salariale dans d'autres pays.
N'y aurait-il pas une façon de diminuer la cotisation pour l'ensemble en augmentant le nombre des salariés et des entreprises? Cette cotisation aurait alors un effet économique en plus d'avoir un effet social.
[Traduction]
M. Dungan: Tout d'abord, je dois dire que ce n'est pas un changement que nous avons examiné de façon détaillée et que je ne peux donc pas vous donner mon avis là-dessus. Si vous me demandiez si je pense que l'on devrait augmenter le niveau maximum des gains assurables, je vous répondrais peut-être que oui.
En cas de ralentissement important de l'économie, ce ne sont pas simplement les gagne-petit qui perdent leur emploi. Les travailleurs mieux rémunérés peuvent aussi devenir chômeurs. Les prestations qui leur seraient versées seraient relativement plus élevées si le niveau maximum des gains assurables était plus élevé. Le montant de leur assurance serait plus élevé.
Comme vous dites, en période de prospérité ou même pendant une reprise, il faudrait probablement percevoir moins des gagne-petit qu'à l'heure actuelle. Ce ne serait cependant pas tout-à-fait le cas parce que, après tout, si on assure les revenus plus élevés, il faudrait aussi verser des prestations plus élevées. De toute façon, le fait de relever le plafond n'empêcherait pas le régime de fonctionner comme stabilisateur et pourrait même renforcer cette fonction.
[Français]
Mme Lalonde: Merci beaucoup. C'est très intéressant. Vous avez aussi sans doute des études écrites.
[Traduction]
M. Dungan: L'étude que je pourrais vous remettre est celle que nous avons effectuée pour le ministère du Développement des ressources humaines et que le ministère a publiée il y a un an. J'ai envoyé un résumé de cette étude au président du comité par télécopieur.
[Français]
Mme Lalonde: C'est très intéressant. Merci beaucoup.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Augustine): Nous l'avons.
Nous passons maintenant aux libéraux. Ce sera d'abord M. Allmand, ensuite M. McCormick et enfin M. Nault.
M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Merci.
Bon nombre de gens d'affaires ont déclaré à notre comité que les cotisations à l'assurance-chômage que doivent verser les employeurs surtout éliminent les emplois. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Nous avons entendu quelqu'un aujourd'hui nous dire qu'il préférerait payer les cotisations d'emploi en même temps que l'impôt sur le revenu plutôt qu'en cotisations parce qu'il considère que les cotisations font disparaître des emplois.
J'ai entendu d'autres avis sur cette question. Comme la plupart des pays d'Europe de l'Ouest, cela fait longtemps que nous avons des impôts sur le travail, mais les pays d'Europe de l'Ouest ont malgré cela des taux d'emploi relativement élevés. Je songe notamment à la Suède, à l'Allemagne et au Royaume-Uni.
Certains disent que si nous réduisons le montant des cotisations, cela créera automatiquement des emplois. Autrement dit, l'argent servirait à créer des emplois au Canada et non pas nécessairement des emplois dans d'autres pays à cause de la globalisation. Comme vous êtes économiste et que c'est un domaine que vous connaissez bien, que pourriez répondre à ces arguments?
M. Dungan: Tout d'abord, je ferais une mise en garde parce que c'est une question qui n'a pas été tellement bien examinée. Il importe de tenir compte des nuances. Même si ce n'est pas le domaine que je connais le mieux, j'ai tendance, j'imagine, à accepter un peu plus les arguments de ceux qui disent qu'il faut considérer seulement les cotisations de l'employeur. D'après eux, les employeurs font essentiellement payer cette taxe par leurs employés. Autrement dit, ce qui arrive à la longue...
M. Allmand: La taxe est transférée aux travailleurs ou aux consommateurs?
M. Dungan: Elle n'est pas transférée aux consommateurs. Elle est transférée aux travailleurs parce que, quand les marchés se sont stabilisés, les employeurs sont prêts à payer un certain prix pour obtenir les services d'un travailleur. La façon dont on partage l'argent directement avec le travailleur et l'argent versé au gouvernement en taxes sur l'emploi s'équivaut à longue. À la longue, et cela peut prendre pas mal de temps, si un employeur doit payer un certain montant en taxes sur l'emploi, le taux de rémunération de ces employés diminuera d'autant.
La raison de cela, c'est que... C'est peut-être quelque peu paradoxal, mais c'est pour cela que, même si l'on peut avoir un taux d'emploi élevé en même temps que des taxes sur l'emploi élevées dans une économie, on peut dire que le fait de réduire les taxes sur l'emploi créerait plus d'emplois. Dans une économie où il y a des taxes élevées sur l'emploi et un taux d'emploi élevé, les taxes sur l'emploi existent depuis un certain temps. Leur effet s'est transmis graduellement aux travailleurs et ceux-ci ont une rémunération moins élevée qu'il ne l'aurait autrement parce que leur employeur paie cette taxe sur l'emploi. Cependant, comme cet effet ne se produit pas automatiquement, par exemple si nous relevions tout à coup aujourd'hui le montant des taxes sur l'emploi au Canada, les employeurs ne pourraient pas convaincre leurs employés d'accepter une réduction équivalente de leur traitement.
Malheureusement, d'après moi, la dure réalité est que les employeurs disent maintenant qu'ils doivent payer davantage pour embaucher un travailleur. Ils doivent lui verser le même traitement qu'auparavant et doivent payer davantage au gouvernement. Ils disent donc qu'ils doivent embaucher moins de travailleurs et c'est ce qu'ils font. C'est ce qui fait perdre des emplois parce que moins de travailleurs travaillent.
Peu importe le marché, si la demande est moindre pour quelque chose, le prix va baisser. Ce qui se passe au cours des années, si le taux de chômage est plus élevé qu'il ne le serait autrement, c'est que les travailleurs exigent une rémunération moindre. L'employeur dira à la longue qu'il peut embaucher le même nombre de travailleurs qu'il y a cinq ans, peut-être, et que cela lui coûte la même chose qu'auparavant, mais il paiera une taxe sur l'emploi plus élevée et versera des salaires moins élevés parce que les travailleurs réclament une rémunération moindre après une période de chômage.
À la longue... [Difficulté technique - La rédaction]... mais il faut avoir traversé une période de chômage.
Bien sûr, le contraire se produit si la taxe baisse.
Vu que le processus pour que l'effet de la taxe se transmette aux travailleurs prend du temps, ce qui importe n'est pas tellement le niveau de la taxe, mais plutôt la façon de la modifier. Après une période assez longue, les salaires vont s'adapter à n'importe quel niveau de taxe sur l'emploi et l'on peut en arriver à peu près au plein emploi. Par ailleurs, si la taxe sur l'emploi est modifiée soit vers le haut soit vers le bas trop radicalement, il faudra une période d'adaptation pendant laquelle les salaires des travailleurs devront aussi être modifiés.
La vice-présidente (Mme Augustine): Merci. Je vois l'heure et je sais que les députés doivent aller voter à 18 h 15. Je pense que la sonnerie est sur le point de retentir et je vais donc demander à mes deux collègues de ne pas poser leurs questions.
Nous allons bien sûr examiner la documentation dont vous nous avez parlé. Nous vous remercions de votre exposé cet après-midi.
M. Dungan: Merci.
La vice-présidente (Mme Augustine): Nous allons maintenant faire une pause de trois minutes pendant que nous nous préparons pour nos prochains témoins.
Le président: Nous sommes maintenant en communication avec Vancouver, en Colombie-Britannique. Notre témoin suivant sera le professeur John Cragg.
Bienvenue. Comme vous le savez, notre comité a été chargé de trouver des moyens d'améliorer le projet de loi C-12, la Loi concernant l'assurance-emploi.
Depuis quelques semaines, nous avons entendu toutes sortes de propositions de Canadiens d'un océan à l'autre quant à la façon d'améliorer le projet de loi.
Nous avons bien hâte d'entendre vos observations. Nous avons de 20 à 30 minutes et cela comprend une période de questions et réponses. Si vous pouvez nous donner un aperçu de votre point de vue, nous aurons le temps de poser des questions et d'entendre des réponses. Merci beaucoup.
M. John Cragg (témoignage à titre personnel): Je dois dire tout d'abord qu'il y a bien des bonnes choses dans ce projet de loi à mon avis. Il faudrait que ces bonnes choses demeurent après qu'on aura apporté toute modification à la mesure.
Je voudrais insister surtout sur le fait qu'on passe aux gains horaires et au calcul horaire par opposition au calcul hebdomadaire qui existait dans le passé. Il importe de comprendre que l'ancien régime encourageait les employeurs à fournir des emplois à court terme et à temps partiel simplement pour éviter les effets du régime sur les impôts qu'ils devaient payer. Vu que les emplois évoluent et deviennent de plus en plus souples dans notre économie, il faudrait que le régime puisse s'appliquer à tous les autres emplois et égaliser les chances pour tout le monde.
J'approuve aussi le changement proposé pour le calcul des prestations, surtout pour qu'on se fonde sur une période de 20 semaines. Si l'on passe à une méthode de calcul basée sur le nombre d'heures, ce sera beaucoup plus facile pour des gens peu scrupuleux de manipuler le système. Selon moi, une période de 20 semaines permettrait de calculer l'admissibilité de façon plus équitable. Cela ne me satisfait pas tout à fait, mais je reviendrai là-dessus plus tard.
On peut cependant dire qu'il y a des désavantages à cela à la fin du compte. Je suis d'accord pour une récupération fiscale des prestations dans le cas de ceux qui ont gagné beaucoup d'argent pendant l'année et qui sont devenus admissibles aux prestations d'assurance-chômage.
Selon moi, le régime actuel a causé beaucoup d'animosités parce que le gouvernement a enlevé de l'argent à des employés qui ne sont pas très bien rémunérés. Dans bien des cas, cet argent a ensuite été payé en prestations d'assurance-chômage à d'autres qui sont considérés comme ayant un très bon revenu.
À mon avis, cela a causé beaucoup de friction et de ressentiment. La récupération fiscale constitue une solution au problème, même si l'on pourra prétendre à certains moments que, si l'on cotise à l'assurance-chômage et que les prestations que l'on peut recevoir en cas de chômage sont récupérées par l'impôt plus tard, les gens vont se demander pourquoi ils doivent verser des cotisations au régime. Malgré cela, je pense que la récupération est une bonne chose.
Enfin, je considère que c'est une amélioration par rapport au système actuel. Bien entendu, il faut pour cela que l'on prenne de l'argent dans le système pour l'assurance-chômage.
Selon moi, on pourrait faire certaines choses pour améliorer le projet de loi. Je songe notamment au calcul des prestations. Il faudrait peut-être un système plus souple. La période de20 semaines pourrait défavoriser injustement deux types de travailleurs. Ceux qui m'inquiéteraient le plus sont ceux dont l'employeur a tout à coup des problèmes commerciaux. Très souvent, la première réaction de l'employeur à ce moment-là serait de réduire les heures de travail et d'avoir des emplois à temps partiel.
Si cela peut résoudre le problème, bien sûr, le travailleur continuera d'avoir un emploi. D'autre part, si le problème n'est pas résolu et que le travailleur est congédié malgré tout, la période de calcul de 20 semaines pourrait vouloir dire que les gains sur lesquels se fondent les calculs ne représentent pas vraiment les gains d'emploi pour lesquels les cotisations ont été versées.
Ce serait souhaitable pour de tels travailleurs de pouvoir choisir entre une période de 20 semaines ou une période plus longue, par exemple 52 semaines ou une année, à leur choix, pour le calcul de leurs prestations. Cela résoudrait le problème de travailleurs dont les gains ont été artificiellement faibles pendant la période de 20 semaines par rapport à leurs gains sur une année.
Il y a une autre chose que l'on pourrait améliorer. Le projet de loi prévoit que l'on surveillera le fonctionnement du nouveau régime et que l'on fera rapport au Parlement une fois. Il faut comprendre que le fait de modifier un régime aussi complexe que celui de l'assurance-chômage va avoir toutes sortes de conséquences sur une certaine période à mesure que les gens vont se rendre compte des changements et à mesure aussi que la conjoncture économique changera. Il serait très utile de prévoir un contrôle permanent du régime et peut-être un rapport au Parlement tous les deux ans.
Troisièmement, il faudrait bien préciser que les prestations en trop récupérées par la suite ne seraient pas versées au Trésor public, mais bien à la caisse d'assurance-chômage.
Enfin, sur un point qui peut vous sembler assez technique, mais qui ne l'est pas vraiment, il serait souhaitable de changer la façon de calculer le montant des cotisations. La proposition contenue dans le projet de loi est basée sur la méthode de calcul actuel et consiste à équilibrer les choses sur le cycle commercial. Le problème, c'est que le cycle commercial n'est pas très bien défini. Les cycles commerciaux ne peuvent pas se comparer aux cycles climatiques, qui sont relativement faciles à prévoir, même si l'hiver est parfois plus dur certaines années que d'autres. Le cycle commercial est beaucoup moins facile à prédire et beaucoup moins bien défini.
Ce serait préférable de calculer les cotisations pour que la caisse devienne équilibrée à un niveau particulier d'activité économique ou à un taux de chômage précis et d'accepter que le gouvernement doit s'efforcer de maintenir l'emploi ou le chômage à un niveau précis et que, puisque, dans une certaine mesure, le gouvernement peut décider de modifier les niveaux que nous connaissons, c'est le gouvernement lui-même qui doit fixer l'objectif.
S'il peut fixer un meilleur objectif pour l'emploi, on pourrait rabaisser les taux. S'il doit reconnaître avoir eu moins de succès que prévu, il pourrait relever les taux.
Un régime qui vise à équilibrer la situation pour tout un cycle commercial aura simplement comme conséquence que les taux seront plus élevés justement au moment où il ne faudrait pas qu'ils le soient parce que le taux de chômage est déjà élevé, ou encore, d'entraîner les taux plus faibles à une époque où ce n'est pas vraiment nécessaire parce que nous traversons une période de prospérité.
Pour terminer, il y a deux aspects du projet de loi qui me déçoivent.
Il faut comprendre que le régime d'assurance-chômage et le régime d'assurance-emploi qu'on nous propose maintenant comprennent des éléments d'assurance-emploi et aussi certains éléments d'aide sociale. À mon avis, c'est une bonne chose d'avoir des régimes d'aide sociale, mais je ne comprends pas vraiment pourquoi on devrait les financer grâce à une taxe sur l'emploi qui est particulièrement onéreuse pour les gagne-petit.
La taxe sur l'emploi en question est un impôt particulièrement régressif.
On peut prétendre que, comme il s'agit d'une assurance, ce n'est que juste que ceux qui profitent de l'assurance cotisent au régime, mais je ne vois pas du tout pourquoi une telle taxe devrait financer aussi des mesures sociales.
Cela cause peut-être du ressentiment parce que le régime actuel n'est pas vraiment très avantageux comme police d'assurance. Le travailleur moyen n'en retire pas en prestations ce qu'il verse en cotisations.
C'est une chose à laquelle il faudrait réfléchir.
Certains ont proposé que l'on puisse verser davantage de prestations plus apparentées à l'aide sociale grâce à l'assurance-chômage. À mon avis, le sentiment qu'ont les gens d'avoir à payer pour un régime d'assurance qui n'est pas particulièrement avantageux cause déjà pas mal de ressentiment sur le plan politique. Si l'on peut se servir de la taxe sur l'emploi pour financer le côté assurance du régime, le régime deviendrait plus équitable et mieux reçu.
L'autre élément lié au premier pour lequel j'aurais souhaité quelque chose d'un peu différent a trait aux dispositions sur la formation. Nos programmes de formation ont tendance à se concentrer sur ceux qui sont déjà sans emploi et c'est la même chose ici. Selon moi, dans une très grande mesure, il serait logique de s'assurer que tous les programmes ne visent pas uniquement ceux qui sont sans emploi, mais peuvent aussi s'appliquer à ceux qui risquent de devenir sans emploi, vu que cela faciliterait la transition d'un domaine d'emploi à un autre. Un travailleur n'aurait pas nécessairement à devenir chômeur avant d'être admissible à la formation. Cela assouplirait à mon avis le marché du travail et permettrait aux travailleurs de mieux faire la transition d'un emploi à un autre.
Je voudrais terminer cependant en disant que j'appuie essentiellement les changements proposés. Selon moi, il importe de conserver le fonds de ces changements, peu importe les modifications qui seront apportées au projet de loi.
Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé très réfléchi et très détaillé.
Nous allons avoir une période de questions de cinq minutes. Madame Lalonde.
[Français]
Mme Lalonde: Est-ce que vous incluez, dans ce que vous appelez la charge sociale excessive, les mesures dites actives, c'est-à-dire la partie II du projet de loi qui comprend la formation professionnelle et les diverses mesures d'intégration au marché du travail?
[Traduction]
M. Cragg: Dans une très grande mesure, je les inclurais. Selon moi, cela ne fait pas vraiment partie du régime d'assurance. Cela fait davantage partie de quelque chose de plus vaste, de quelque chose qui ne profitera pas nécessairement à ceux qui risquent de perdre leur emploi. Il faudrait que les programmes de formation de tous les échelons gouvernementaux visent à créer un marché du travail plus avantageux et plus équitable sur lequel les travailleurs seraient mieux en mesure de subvenir à leurs besoins grâce à leur propre travail. À cet égard, il serait préférable à mon avis de ne pas envisager ces programmes comme étant surtout liés à l'assurance-chômage, mais plutôt comme étant liés au fonctionnement général du marché du travail.
[Français]
Mme Lalonde: Je vois, avec plaisir, que vous favorisez l'idée d'étendre la cotisation aux hauts salariés et aux entreprises à gros capital pour qu'on soit en mesure d'offrir une couverture plus adéquate. Vous dites aussi qu'actuellement, la charge repose sur les personnes qui ont des salaires relativement bas et des entreprises qui sont généralement des PME.
[Traduction]
Le président: M. Nault du parti ministériel souhaite poser une brève question.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci, monsieur le président, et merci monsieur Cragg.
J'essaie de cerner le débat qui porte sur le régime d'assurance-chômage et la formation. Par le passé, nombreux sont ceux qui ont préconisé, parce qu'ils estiment que c'est la meilleure façon de procéder, que l'on prévoie un impôt spécifique pour la formation, c'est-à-dire une méthode distincte de financer la formation dans l'ensemble du pays, le régime d'assurance-chômage demeurant exclusivement un régime d'assurance, en tout cas, aussi ressemblant que faire se peut à un régime d'assurance purement et simplement. Malheureusement, vous le savez, dans les conditions actuelles, si le gouvernement préconise de relever les impôts un tant soit peu, il se heurtera à d'énormes difficultés.
Cela étant, pensez-vous que ces propositions sont ce que l'on peut trouver de moins dommageable si l'on veut trouver les fonds nécessaires pour aider la main-d'oeuvre non qualifiée et pour parer aux réductions majeures qui s'annoncent dans des secteurs de l'économie qui changent à vue d'oeil?
Monsieur Cragg, il est primordial que vous nous donniez des explications là-dessus car bien des gens croient que l'on est en train de diluer le régime d'assurance-chômage en y incorporant certains éléments et que cela est inacceptable.
Pouvez-vous me dire ce que vous préféreriez éventuellement, en matière de formation, s'il était possible de procéder autrement que ce qui est proposé à présent? Vous n'avez rien dit là-dessus.
M. Cragg: Tout d'abord je tiens à dire que je ne suis pas convaincu que cette allergie aux impôts dont vous avez parlé se manifeste de façon égale à l'égard de toutes formes d'imposition. Selon moi, le fait de financer la formation par l'intermédiaire des cotisations d'assurance-chômage n'est pas vraiment aux yeux du contribuable différent du recours à une autre source fiscale.
En réponse à votre question, je préférerais que la formation soit financée à même le Trésor public et cela implique que les impôts, en particulier l'impôt sur le revenu, seraient rajustés à l'avenant.
Je conviens avec vous qu'il y a lieu d'être inquiet des besoins croissants en matière de formation, surtout chez ceux qui risquent de devenir chômeurs ou qui découvrent que l'emploi qu'ils occupent est de moins en moins satisfaisant. L'on risque donc de constater une intensification des besoins à cet égard. Par conséquent, on risque de constater également un mécontentement encore plus grand, bien plus grand que si les impôts augmentaient de façon générale, si l'on annonçait que l'on compte sur l'assurance-chômage ou les cotisations d'assurance-emploi pour financer cette formation.
Le danger est donc double mais le fait d'atteler la formation au fonds même qui est alimenté par les cotisations d'assurance-chômage ne me semble pas un moyen particulièrement judicieux de mettre en oeuvre des programmes de formation. S'il s'avère que ce soit là la seule source de financement possible, alors oui, continuons donc ainsi les programmes de formation, les prestations de maternité et toute la gamme des prestations qui sont puisées à même le fonds d'assurance-chômage.
M. Nault: J'aimerais recueillir votre point de vue sur ce grand débat auquel on assiste et qui porte sur la responsabilité respective des ordres de gouvernement. Dans la démarche entreprise, il va falloir décider qui a la responsabilité de la formation et qui ne l'a pas. À la vérité, malgré mon penchant fédéraliste très marqué, je crois fermement que les provinces ont raison de dire que la formation relève d'elles, que le gouvernement fédéral devrait leur céder la place en la matière.
J'aimerais que vous me disiez comment vous envisagez que les choses seront mises en oeuvre en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, par exemple, à supposer qu'effectivement il incombe désormais aux provinces de s'occuper entièrement de la formation. Il faut bien dire qu'il serait très facile de revenir à un régime d'assurance purement et simplement, d'affirmer que la partie II de la loi a cessé d'exister, et de dire aux provinces de s'arranger pour trouver les recettes nécessaires afin d'offrir des programmes de formation.
Dites-nous ce que vous en pensez: doit-il s'agit d'un programme national de formation financé à même le Trésor public ou grâce au régime d'assurance-emploi, ou doit-on confier la responsabilité de ce programme aux provinces qui devraient alors compter sur leur capacité à augmenter leurs propres impôts pour concevoir leurs propres programmes correspondant à ce qu'elles estiment convenir le mieux aux besoins en formation et en perfectionnement de leurs travailleurs respectifs?
M. Cragg: Permettez-moi d'avouer que je suis un fédéraliste convaincu, pour ma part également.
Il est vrai que bien des éléments militent en faveur de programmes de formation faisant intervenir une grande participation locale, en l'occurrence provinciale, mais il faut bien se dire qu'on risque, en confiant tout le programme aux provinces, que ces dernières se disent qu'elles n'ont rien à gagner à former des gens qui vont alimenter le marché du travail national.
Sur le plan des besoins en main-d'oeuvre à l'échelle nationale, une vision étroitement provinciale est insensée. Les gens de Colombie-Britannique peuvent devoir se former pour des emplois qui ne sont pas offerts en Colombie-Britannique mais qui le sont ailleurs, et la même chose vaut pour les gens de l'Ontario, de l'Alberta ou des Maritimes qui pourraient très bien eux aussi avoir tout à gagner en changeant de province. On devrait donc les encourager à acquérir la formation qui s'impose afin de pouvoir déménager dans les autres provinces.
Ainsi, non, je ne préconise pas de confier tout simplement la formation aux provinces en espérant que tout ira bien.
Le président: Merci, monsieur Nault.
Monsieur Cragg, merci beaucoup de votre exposé.
Nous restons à Vancouver et nous entendrons maintenant un exposé de David Green de l'Université de Colombie-Britannique.
M. David Green (Département de sciences économiques, Université de Colombie-Britannique): Dois-je commencer?
Le président: Allez-y. Bienvenue au comité. Nous sommes impatients de connaître votre point de vue sur la façon d'améliorer les dispositions du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada.
Nous disposons de 20 à 30 minutes. Nous vous écoutons et nous souhaitons vous poser des questions.
M. Green: Pour commencer, je voulais vous parler d'un sujet que je connais bien car je me suis livré à une recherche sur une des incidences de l'assurance-chômage, à savoir l'incidence de l'assurance-chômage sur la durée d'emploi.
Mon exposé s'articulera autour de quatre questions. Tout d'abord, les modalités du régime canadien d'assurance-chômage ont-elles une incidence sur le moment où l'on quitte un emploi? Deuxièmement, dans l'affirmative, quels sont les éléments qui interviennent et cette incidence est-elle appréciable? Troisièmement, et cette question découle des deux autres, devrait-on modifier le régime d'assurance-chômage et le cas échéant comment? Quatrièmement, comment toutes ces considérations cadrent-elles avec les dispositions du projet de loi qui est à l'étude actuellement?
Je vais répondre à la première question: le régime canadien d'assurance-chômage tel qu'il existe actuellement a-t-il une incidence sur les conditions d'emploi. Je crois que l'on peut répondre franchement que oui. Craig Riddell et moi-même nous sommes livrés à une recherche sur l'impact sur la durée d'emploi constaté après les modifications de 1990 quand les normes d'admissibilité sont passées de 10 à 14 semaines. Il y a eu un petit contretemps à l'époque à cause de la partie de bras de fer qui s'est déclarée entre la Chambre des communes et le Sénat.
Dans ces régions-là, nous avons découvert que la proportion d'emplois qui ne duraient pas plus de 10, 11, 12 et 13 semaines en 1990, a considérablement baissé au profit d'emplois d'une durée plus longue, lesquels ont augmenté de façon appréciable. Ce simple fait démontre que les modalités du régime d'assurance-chômage ont un impact directement vérifiable sur les conditions d'emploi dans ces régions.
Avant de conclure hâtivement que cela prouve que les travailleurs auraient pu bien auparavant travailler un plus grand nombre de semaines si le régime avait été un petit peu moins généreux, permettez-moi de signaler deux autres conclusions importantes qui découlent de notre recherche. Tout d'abord, dans presque tous les cas, l'adaptation prend la forme d'un rajustement dans les mises à pied et ne s'explique pas par le nombre des démissions. Voilà une chose. Deuxièmement, très peu de travailleurs sont parvenus à atteindre la limite précise des 14 semaines, correspondant à la nouvelle norme d'admissibilité. En effet, on constate qu'un grand nombre ont travaillé au-delà de cette période.
Nous en avons déduit de cela tout d'abord que le régime d'assurance-chômage fait partie intégrante du marché du travail dans ces régions-là. Deuxièmement, pour tout changement, il y a des réactions des deux côtés du tandem que forme le marché. En effet, il n'y pas que les travailleurs qui s'adaptent au régime car les entreprises réagissent également.
Lors d'un autre projet de recherche, que j'ai mené avec Tim Sargent, j'ai examiné l'impact du régime d'assurance-chômage sur le travail saisonnier par rapport à l'effet sur le travail non saisonnier.
Nous avons constaté qu'il y avait très peu d'impact sur les emplois non saisonniers alors qu'il y avait des impacts considérables sur les emplois saisonniers.
Voyons maintenant ce qui se passe quand certains aspects du régime deviennent moins généreux, et c'est ce qui résultera des dispositions de ce projet de loi. Les conclusions de la première recherche, Green et Riddell, porteraient à croire que les travailleurs pourront s'adapter. Presque tous ceux qui travaillaient entre 10 et 13 semaines avant que l'on relève le nombre de semaines ouvrant droit à l'assurance-chômage ont pu travailler assez longtemps pour être admissibles l'année suivante. À la lumière des conclusions de l'autre document, celui qui porte sur les impacts à long terme, on est forcé de constater deux pôles dans les durées d'emploi. En effet, on constate une augmentation du nombre des emplois de courte durée et une autre augmentation dans les emplois de longue durée. C'est ainsi qu'il y aura une accentuation de l'inégalité, notamment chez les travailleurs saisonniers.
On constate également une adaptation durable sur le plan de la mobilité entre les secteurs. En réaction aux modifications, les travailleurs quittent les secteurs saisonniers et s'orientent vers d'autres secteurs, ce qui suppose un potentiel appréciable d'impact sur la mobilité géographique. Il y aura donc des adaptations sur ce plan-là également, surtout à long terme, ce qui signifiera des frais élevés pour ceux qui seront touchés.
Compte tenu de ces résultats et vu les frais qu'ils supposent, vaut-il vraiment la peine de modifier le régime d'assurance-chômage, en particulier les modalités qui visent les travailleurs saisonniers? Je pense que oui. Le régime d'assurance-chômage actuel subventionne les secteurs saisonniers et donne lieu à des configurations d'emploi que l'on ne peut pas qualifier d'efficaces. Rien ne permet de croire qu'il y aura un regain d'efficacité avec le temps. Il faut également reconnaître que ces inefficacités, ces configurations d'emploi, se sont développées sur une très longue période. Cela ne s'est pas fait subitement. En tâchant de renverser la vapeur, il faut prendre en compte le coût humain élevé que cela suppose.
Il faut bien se dire que nous ne souhaitons pas qu'une grande partie de la population aille vivre à Scarborough ou à Richmond. Il faut songer aux coûts élevés que représente l'adaptation et par conséquent prévoir de passer progressivement à un régime plus efficace.
Et c'est précisément de la façon dont nous allons gérer ce passage qui va nous permettre de mesurer si les dispositions de ce projet de loi ont porté leurs fruits ou non. Les dispositions de ce projet de loi ne devront pas être mesurées à l'aune d'une réduction de 1,2 milliard de dollars du déficit mais plutôt en ce qu'auront produit les 800 millions de dollars consacrés au recyclage.
S'il est un élément des propositions que je voudrais modifier, c'est l'importance que l'on donne au minimum. Il serait raisonnable d'envisager un plan qui serait neutre du point de vue des recettes. Voici ce que j'entends par neutre: les économies réalisées du fait qu'il sera plus difficile d'avoir recours au régime année après année de façon saisonnière pourraient être consacrées entièrement aux programmes d'adaptation déjà proposés dans le projet de loi.
Qu'en est-il précisément de ce projet de loi? Il contient plusieurs éléments qui semblent être des mesures utiles permettant d'améliorer le régime d'assurance-chômage.
Tout d'abord, le recours aux heures plutôt qu'aux semaines pour calculer l'admissibilité. Il est flagrant que le marché du travail actuel se polarise: plus de travailleurs travaillent des semaines réduites, moins d'heures par année, alors qu'à l'opposé il y a de plus en plus de travailleurs qui travaillent de longues heures, dans un plus grand nombre de semaines. Cela est une manifestation de l'inégalité croissante sur le plan de la rémunération et ce sont surtout les jeunes qui encaissent le coup.
Or, c'est précisément ce groupe, les jeunes, ceux qui ne peuvent compter que sur un nombre d'heures réduites, que nous devrions essayer d'aider. Nous devrions donc nous servir du régime d'assurance-chômage pour les aider à s'adapter au marché du travail. Du reste, nous ne voulons pas qu'ils se sentent laissés pour compte, abandonnés par une société qui ne se soucierait pas d'eux.
Deuxièmement, réduire le taux de prestations suivant le nombre de demandes antérieures semble une mesure utile permettant de réduire les subventions aux secteurs saisonniers. En outre, en logeant tout le monde à la même enseigne dès le départ, cette mesure pourra être intégrée graduellement. Je ne comprends pas très bien pourquoi on se sent obligé d'imposer une pénalité beaucoup plus lourde aux nouveaux actifs, la période de référence étant beaucoup plus longue pour ceux qui entrent sur le marché du travail, et si j'ai bien compris ce serait 26 semaines plutôt que 20 semaines avant que le calcul horaire ne s'applique à eux.
Si ce qui inquiète, c'est que ces gens deviennent des prestataires fréquents, alors des mesures visant directement ces situations-là, c'est-à-dire une réduction des prestations, me semblent la voie la plus directe à emprunter. Selon moi, il n'est pas nécessairement judicieux de pénaliser les jeunes qui entrent sur le marché du travail car il faudrait plutôt les encourager à changer d'emploi aussi souvent que nécessaire afin qu'ils puissent trouver celui qui leur convient le mieux.
En outre, le calcul des prestations d'après une plage fixe partagée en semaines va encourager les gens à travailler un plus grand nombre de semaines. En fait, il s'agit à première vue d'un resserrement des normes d'admissibilité, mais le moyen choisi n'a pas le caractère irrémédiable que représente le rallongement de la période ouvrant droit à des prestations d'assurance-chômage. Autrement dit, on peut toujours toucher des prestations sans atteindre nécessairement les niveaux plus élevés imposés désormais.
Toutefois, c'est précisément à cet égard que l'on va imposer des coûts faramineux aux gens qui sont habituellement tributaires du régime d'assurance-chômage. Il y aura des travailleurs qui actuellement doivent travailler 12 semaines avant d'être admissibles. Des travailleurs dont la rémunération n'est pas très élevée et qui doivent faire face à des échéances de versements hypothécaires par exemple, à qui l'on dira six mois après que la loi aura été votée que désormais il leur faut travailler 14 semaines pour être admissibles. Pour pouvoir toucher autant de prestations qu'ils le peuvent, il leur faudra 14 semaines de travail et ensuite, sous six semaines, on exigera d'eux 16 semaines de travail. En d'autres termes, il y aura en très peu de temps des changements tout à fait radicaux au régime et ils devront les assumer.
À notre avis, il faudrait peut-être y aller plus doucement, en se rappelant encore une fois que cette situation n'a pas surgi du jour au lendemain. Il a fallu longtemps pour que s'élabore un régime d'assurance-chômage qui soit totalement intégré au rythme de travail et il faut y aller doucement, défaire le noeud avec prudence, se garder de prendre un couteau en se disant qu'on se préoccupera des victimes plus tard.
En résumé, je prétends que l'assurance-chômage a un impact très important sur le marché du travail, que le régime est intimement lié au marché du travail, que cela nous plaise ou non.
Parmi les propositions qui figurent dans le projet de loi, nombreuses sont celles qui représentent un pas dans la bonne direction quand il s'agit de résoudre ces problèmes. Toutefois, je pense qu'il serait sage de procéder lentement et qu'il ne faudrait pas brandir toujours les minimums afin de garantir que les coûts humains de l'adaptation ne soient pas trop élevés.
Selon moi, il me semble qu'il y a deux extrêmes dans les réactions ou propositions que contient ce projet de loi.
D'une part, on pourrait très bien dire: Je conviens qu'il existe des problèmes dans le régime d'assurance-chômage actuel mais puisque l'on constate une absence totale de volonté politique, il n'est pas question de faire quoi que ce soit, pas question de bouger pour introduire de nouveaux programmes qui pourraient remplacer les éléments de redistribution qui disparaissent du régime dans la foulée des mesures de rationalisation que nous mettons en place. Nous avons l'avantage de savoir où nous posons les pieds et nous devrions nous en tenir à cela, car de toute façon, certains éléments de redistribution sont maintenus.
À mon avis, ce n'est pas la bonne approche. Je suis convaincu qu'il faut modifier le régime d'assurance-chômage.
À l'autre extrême toutefois, il y a ceux qui préconisent des modifications au plus coupant, un remaniement immédiat du régime, quitte à s'occuper des autres problèmes plus tard.
Encore une fois, ce n'est pas la bonne approche.
Selon moi, l'approche qui convient est à moyen terme, et c'est peut-être la solution canadienne au problème, quelque chose qui relève du compromis: nous devrions apporter au régime des changements qui vont permettre de se débarrasser des subventions versées au secteur saisonnier, mais en même temps, l'argent ainsi épargné devrait être réinvesti à court terme pour aider les travailleurs ainsi touchés à s'adapter à l'absence des régimes d'assurance-chômage et d'emploi qu'ils ont toujours connus.
Voilà ce que je voulais dire.
Le président: Merci beaucoup de votre exposé.
Nous disposons d'environ cinq minutes pour les questions. Malheureusement, la sonnerie se fait entendre et nous devons aller voter.
Au nom des membres du comité, je vous remercie chaleureusement car j'ai trouvé votre exposé excellent.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Lalonde: Est-ce que l'étude que vous avez faite sur la durée du travail en liaison avec l'assurance-chômage se rapporte à se qui s'est passé dans le cas du projet de loi C-113?
[Traduction]
M. Green: Dans le premier cas, il s'agissait d'une partie de bras de fer entre la Chambre et le Sénat à propos de la TPS. C'était en 1990, et le Sénat a alors refusé d'adopter tout projet de loi qui venait de la Chambre.
Les normes d'admissibilité proposées à ce moment-là variaient suivant la région, suivant le taux de chômage d'une région.
La partie de la loi où il était prévu que ces normes seraient variables devait faire l'objet d'un remaniement tous les trois ans. C'est ce qu'on appelle je crois une disposition de temporisation. Le renouvellement devait se faire en 1990 mais il n'a pas eu lieu parce que le Sénat bloquait toute mesure législative.
C'est ainsi que par défaut, les normes d'admissibilité sont redevenues ce qu'elles étaient auparavant, c'est-à-dire 14 semaines. On avait vu en effet dans les régions à fort taux de chômage la période de référence passer subitement de 10 semaines à 14 semaines, c'est-à-dire qu'il fallait avoir travaillé 10 semaines au cours des 52 semaines précédentes.
[Français]
Mme Lalonde: Comme vous avez souligné que cet ajustement venait largement du fait que les entreprises avaient changé leurs habitudes concernant la mise à pied, pensez-vous qu'on pourrait transposer les éléments de votre étude à ce qui va se produire pour les gens qui travaillent entre 15 et 34 heures en ce moment? On demande à ces gens-là de doubler leur nombre d'heures de travail pour avoir droit aux mêmes bénéfices qu'actuellement. Pour les gens qui font 35 heures et plus, il n'y a pas de problème, mais pour ceux qui font entre 15 et 34 heures, on ne peut parler d'un simple ajustement.
Il me semble donc difficile de transposer complètement ce qui s'est fait à ce moment-là dans la proposition de notre projet de loi.
[Traduction]
M. Green: [Difficulté technique - La rédaction] Ce qui est remarquable dans les dispositions de ce projet de loi, c'est qu'il est véritablement différent de tout ce qui s'est fait jusqu'à présent, et je songe au système reposant sur le calcul des heures. Que je sache, il n'y a pas d'autre pays au monde où cela se fait et en adoptant une telle mesure, nous nous jetons à l'eau. Je pense que ce système offre de véritables avantages car on est forcé de constater qu'il y a de plus en plus d'emplois offerts sur une semaine écourtée, de peu d'heures donc, et pour que le régime d'assurance-chômage soit véritablement un régime d'assurance, il faudrait que ces emplois-là puissent être admissibles.
Comme vous l'avez dit, les nouvelles mesures vont être coûteuses pour ceux qui actuellement travaillent environ 20 heures par semaines. Encore une fois, je dis bien qu'il faudrait qu'une telle mesure soit mise en oeuvre graduellement. Il faudrait que les dispositions de la loi prévoient un programme d'introduction progressive, pas à pas. Ainsi, nous devrions attendre avant de voir réaliser certaines économies, attendre la concrétisation de certains avantages sans pour autant renoncer à aider les gens qui sont pris actuellement dans un engrenage, bien malgré eux toutefois.
Le président: Merci beaucoup, madame Lalonde.
Monsieur Nault.
M. Nault: Monsieur Green, votre exposé est excellent surtout parce qu'il met l'accent sur ce qui est sans doute l'élément clé de tout le projet de loi, c'est-à-dire le passage au calcul axé sur les heures, et on a pu constater que bien des témoins n'avaient pas compris l'importance de cette mesure ou n'avaient pas pris le temps d'y réfléchir.
Dans la région du nord de l'Ontario que je représente, il y a beaucoup de gens qui travaillent dans diverses industries, sur une base saisonnière. On est fermement convaincu qu'étant donné que ces gens travaillent de façon saisonnière mais pendant de nombreuses heures pendant une saison, ce passage à un calcul horaire constituera pour eux un véritable avantage. N'êtes-vous pas d'accord? Vous venez de la Colombie-Britannique et vous pouvez peut-être prendre comme point de référence le secteur forestier, n'est-ce pas?
Bien sûr, il ne faut pas oublier que les statistiques démontrent que les prestataires, dans une proportion de 77 p. 100 à 80 p. 100, travaillent plus de 35 heures par semaine actuellement et que les travailleurs à temps partiel dont l'opposition ne cesse de parler ne représentent qu'une petite proportion des prestataires. Comment voyez-vous l'intégration graduelle de ce petit nombre de travailleurs à temps partiel, ceux qui travaillent moins de 25 heures par semaine, et qui vont échapper aux mailles du filet?
M. Green: Je voudrais répondre en deux temps. En réponse à votre première question, je vous dirais que tout dépend encore énormément du nombre de semaines où un travailleur aura travaillé, même avec le nouveau régime. Je m'explique: les prestations vont être calculées d'après une plage fixe.
Par exemple, dans une région où le taux est élevé, cela reviendra à une plage de 16 semaines. Mais ces semaines de zéro, sans rémunération, interviendront également dans la moyenne d'un travailleur qui travaillerait un grand nombre d'heures en quelques semaines, avant de connaître un creux, plusieurs semaines de zéro à l'intérieur d'une fourchette de 16 semaines. Ainsi, il y aura un nivellement, et je ne sais pas exactement ce qui va en résulter. Je ne pense pas que quiconque le sache.
Je conviens avec vous que la proportion des travailleurs à temps partiel est faible. L'on voudra peut-être songer à des clauses de droits acquis en ce qui les concerne. On pourrait sans doute permettre aux gens pendant une période de transition de choisir suivant quel calcul ils voudront que leurs prestations soient déterminées, et cela pourrait durer un an, une saison. Ainsi, les gens pourront voir venir, faire les rajustements nécessaires - et je songe ici aux versements hypothécaires par exemple - et on éviterait ainsi de trop grands bouleversements.
Le président: Monsieur le professeur Green, nous vous remercions d'être venu. Merci d'être venu nous donner votre point de vue sur la façon d'améliorer les dispositions du projet de loi C-12.
La séance est levée.