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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 avril 1996

.0909

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous allons nous rendre à Halifax, en Nouvelle-Écosse, pour entendre le Conseil économique des provinces de l'Atlantique. Si je ne m'abuse, nous accueillons Elizabeth Beale, économiste en chef. Est-ce exact?

Mme Elizabeth Beale (économiste en chef, Conseil économique des provinces de l'Atlantique): C'est exact.

Le président: Madame Beale, je veux tout d'abord vous remercier d'avoir accepté de participer aux audiences. Nous consultons des Canadiens de toutes les régions du pays pour qu'ils nous donnent des idées sur la façon d'améliorer le projet de loi C-12.

Voici comment nous fonctionnons. Nous consacrons d'habitude une demi-heure à chaque témoin, soit 10 à 15 minutes pour votre exposé, suivi d'une période de questions et réponses.

Bienvenue, et vous pouvez commencer.

Mme Beale: Merci beaucoup, monsieur le président. Tout d'abord, je tiens à dire au nom du Conseil économique des provinces de l'Atlantique, que nous sommes très heureux de pouvoir présenter cet exposé au comité aujourd'hui.

.0910

Le CEPA a été fondé en 1954. Il s'agit d'un organisme de recherche et de politique publique qui s'intéresse au développement économique des provinces de l'Atlantique. Nous comptons environ 700 membres et partisans dans la région. Notre soutien vient surtout du secteur privé, mais les quatre gouvernements provinciaux apportent aussi une contribution. Nous offrons une série de publications régulières, de rapports de recherche, de services de consultation et de défense des droits dans une vaste gamme de domaines liés à la politique économique et sociale.

Toute la question des marchés du travail dans la région de l'Atlantique, du régime d'assurance-chômage et de l'incidence de ce dernier sur les marchés du travail est un sujet de préoccupation de longue date pour le CEPA. Je vous renvoie à l'une de nos publications régulières, Report Card, qui en novembre dernier s'est attachée aux tendances de l'emploi saisonnier dans les provinces de l'Atlantique et à l'augmentation de la saisonnalité au fil des ans. On a établi un lien avec le régime d'assurance-chômage et essayé de déterminer si ce dernier avait joué dans cette augmentation de la saisonnalité.

Monsieur le président, je crois que tous les membres du comité ont reçu un exemplaire de mon exposé. Je vais le passer en revue brièvement et ensuite, je répondrai volontiers aux questions des députés.

Nous avons étudié la mesure proposée. De façon générale, nous accueillons favorablement les changements proposés à la loi et l'idée d'instaurer un programme d'assurance-emploi. Depuis longtemps, nous nous préoccupons de la dépendance accrue vis-à-vis de l'assurance-chômage dans la région, en particulier comment le régime a pu influencer la décision de participer au marché du travail.

Nous aimons beaucoup plusieurs aspects de la mesure proposée: la reconnaissance des heures travaillées plutôt que des semaines, avec la souplesse que cela suppose; l'élément de fixation de taux particuliers de cotisation qui a été intégré à la mesure sous la forme de la règle de l'intensité; le supplément versé aux familles à faible revenu et avec enfants à charge; et l'idée générale de réduire les versements plutôt que d'abolir l'admissibilité. Parmi toutes ces mesures, l'exercice de récupération auprès des salariés à revenu élevé est un critère important. À bien des égards, nous appuyons l'effort du gouvernement pour modifier un régime qui n'a pas été sans causer de problèmes pour la population active de notre région.

Ce qui nous préoccupe - et c'est là-dessus que je voudrais mettre l'accent aujourd'hui - , c'est le recours à un nombre fixe de semaines consécutives de travail et l'influence que ce calcul aura sur la décision d'un travailleur saisonnier de travailler ou non. Je vais donc en parler un petit peu plus en détail.

Nous pensons également que les mesures de fixation de taux particuliers de cotisation ne vont pas suffisamment loin. Autrement dit, cela ne se reflète pas dans le calcul des primes des employeurs. En fait, cette disposition de la loi n'a qu'un effet sur le taux de prestations des employés. Nous aurions souhaité que ce volet soit renforcé et qu'il s'applique à la fois aux contributions des employeurs et des employés.

J'aimerais maintenant parler du calcul de la semaine de base. À notre avis, cette disposition contredit de nombreux autres objectifs visés par la mesure, soit renforcer et maintenir la participation à la population active. Selon nous, ce calcul risque de pénaliser les travailleurs en chômage à qui l'on offre du travail à court terme. Ces travailleurs pourraient être enclins à refuser du travail à court terme peu rémunérateur, ou être moins enclins à en accepter. Cela risque de favoriser ou de défavoriser les travailleurs dont le travail est irrégulier, particulièrement les travailleurs saisonniers et, à notre avis, cela encourage les uns à travailler plus intensément pendant une courte période pour quitter ensuite le marché du travail.

.0915

Dans notre mémoire, nous donnons aux membres du comité quelques exemples qui illustrent l'émergence de cette tendance. Au lieu de les reprendre en détail, je vais vous expliquer ce que nous souhaitons montrer.

Dans l'exemple numéro 1, le travailleur peut travailler pendant une période de 12 semaines pour se qualifier. S'il est licencié, il sera en mesure de demander des prestations d'assurance-chômage. Selon qu'il s'agisse d'une nouvelle demande ou non, il pourra hésiter à accepter un emploi pour quatre semaines qui lui permet de travailler à temps partiel car cela risque de réduire les prestations d'assurance-chômage qu'il pourrait toucher à l'avenir. Autrement dit, cela décourage le travailleur de retourner au travail pour une courte période car les prestations auxquelles il aurait droit seraient réduites.

Il convient de noter que c'est un problème propre à de nombreuses industries saisonnières, notamment dans les régions rurales des provinces de l'Atlantique, qui sont davantage caractérisées par des périodes de travail intermittent. On peut aussi songer à l'industrie du tourisme qui est marquée par une période d'activité intense suivie de périodes d'emploi marginal au début ou à la fin de la saison. La même chose vaut pour les industries primaires que sont la pêche et l'exploitation forestière. Il y a de nombreux exemples de ce genre de courbe d'activité.

Le deuxième exemple illustre le problème que nous cause le travail en période de pointe et en période intermédiaire, compte tenu de la façon dont cela peut influencer les prestations qu'un travailleur peut recevoir.

Pour en revenir aux problèmes liés au calcul des semaines consécutives de travail, nous estimons qu'il s'agit d'un facteur dissuasif qui incitera les travailleurs qui ont déjà accumulé un certain nombre de semaines ouvrant droit à des prestations de ne pas accepter un travail à court terme. Or, cela est contraire à l'intention du programme. Cela risque de créer un obstacle au travail en saison intermédiaire. Après la période de pointe, on risque de faire de la discrimination à l'égard des travailleurs en fonction de leur courbe de travail. Je pense que ce deuxième exemple montre dans quelle mesure le travail en saison intermédiaire, selon qu'il se situe en début ou à la fin de la période d'emploi, peut influencer l'accès aux prestations.

En outre, sur le plan de l'administration du programme, nous pensons que ce sera pour le ministère un cauchemar administratif que d'essayer d'identifier des demandes. Sans compter que ce ne sera pas facile non plus pour les travailleurs eux-mêmes qui auront très peu de certitude quant à leur accès aux prestations.

Le dernier point que nous abordons sur cette page montre que cela risque de causer des problèmes sérieux aux employeurs qui souhaitent réembaucher des travailleurs pour de courtes périodes.

Nous conseillons aux membres du comité et à ceux qui étudient la mesure d'abandonner le calcul de la semaine de base ou de le modifier de façon sensible et de renforcer la règle de l'intensité. C'est une façon juste de procéder et si l'on renforce la règle de l'intensité, on renforce du même coup la fixation de taux particuliers, ce qui serait un incitatif au travail. Nous pensons que la mesure devrait s'orienter dans cette direction.

Nous avons fait certaines suggestions sur la façon de renforcer cette règle de l'intensité. Nous avons proposé le concept d'un ratio qui établirait un rapport entre les prestations versées au cours des 36 derniers mois et les cotisations payées. À mon avis, il existe de nombreuses façons de renforcer la règle de l'intensité. Nous en avons proposé une ici, mais je reconnais qu'il en existe bien d'autres.

.0920

Nous proposons aussi au comité qu'au lieu d'avoir un nombre fixe de semaines de travail consécutives, on calcule les revenus et les prestations payables en fonction de la rémunération moyenne sur l'année. Toute tentative visant à lier les prestations à la rémunération sur une période donnée de l'année, va entraîner des distorsions au niveau de la participation à la main-d'oeuvre. Par conséquent, nous estimons qu'il pourrait être souhaitable d'opter pour un revenu annuel quelconque pour calculer les prestations payables.

Nous proposons qu'on utilise la dernière déclaration d'impôt. Ce n'est peut-être pas adéquat, et il existe d'autres moyens de se rapprocher de ce concept général. Je pense que vous avez peut-être reçu d'autres avis à ce propos pour ce qui est d'aller jusqu'à lier cela à un revenu annuel garanti.

J'aimerais conclure là-dessus et ouvrir la période de questions en disant que nos propos visent certainement à renforcer la composante assurance du régime. Nous savons depuis trop longtemps déjà comment des distorsions du programme d'assurance-chômage ont augmenté la dépendance et faussé la participation de la main-d'oeuvre dans la région. Nous souscrivons donc à l'orientation générale du projet de loi, qui vise à renforcer la composante assurance du plan. Néanmoins, il faut reconnaître que depuis de nombreuses années le programme d'assurance-chômage a constamment servi de soutien du revenu dans les provinces Atlantiques et surtout dans de nombreuses régions rurales de ces provinces.

Si l'on fait en sorte que ce programme devienne de plus en plus un régime d'assurance, il faudra néanmoins s'occuper d'autres questions qui ont trait au soutien du revenu. Par conséquent, le gouvernement fédéral devra offrir d'autres programmes destinés à réduire la pauvreté des régions rurales, le chômage structurel et le nombre de travailleurs marginaux dans la province, de même que la saisonnalité. J'aimerais terminer mon intervention sur ce point très important.

Le président: Merci beaucoup pour cet exposé très réfléchi. Nous allons donner la parole àM. Regan du Parti libéral.

M. Regan (Halifax-Ouest): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue, madame Beale. Nous sommes heureux de vous voir et nous sommes heureux de nous adresser aux gens de Halifax.

Ma question a trait à ce qu'on appelle la période fixe, ou ce que j'appelle le dénominateur. Je pense que vous employez aussi ce terme. J'ai présenté une proposition visant à modifier cette disposition. Au lieu d'avoir des périodes fixes de 16, de 18 et de 20 semaines, nous aurions en fait un système plus souple. Cela signifierait essentiellement que dans une région où il faut obtenir l'équivalent de 15 semaines de travail - autrement dit, 15 fois 35 heures - il vous faudrait avoir deux semaines de plus pour obtenir 5 p. 100. Ce serait la même chose que la région ait le plus fort taux ou le plus faible taux de chômage.

Selon le projet de loi actuel, si l'on habite une région où il faut accumuler 12 semaines de travail, la période sera divisée par 16. Dans une région où vous devez accumuler 20 semaines de travail, on divisera aussi par 20. Ce qui me donne à penser que dans les régions à fort taux de chômage, là où il est le plus difficile de trouver du travail supplémentaire, il faut une meilleure mesure d'encouragement pour obtenir plus de travail mais que dans les régions où le chômage est le plus faible, là où il est le plus facile de trouver du travail, aucun encouragement n'est nécessaire. Il me semble plus sensé d'avoir un dénominateur flexible, un plus 2, qui changera avec le niveau de chômage.

Ce qui veut dire que quand une personne travaille et arrive à la fin de sa période de travail, la question de savoir si cette personne aura ou non suffisamment de semaines de travail dépendra du niveau de chômage au cours de ce mois dans cette région. En raison de cette incertitude, parce qu'on n'a pas de certitude, on sera incité à viser le nombre maximal de semaines de travail. On ne peut pas avoir la certitude que le taux dans la région sera élevé ou faible. Si en fait il diminue au cours du mois, s'il a diminué, ce sera difficile pour eux. Il leur faudra une autre semaine à peu près pour obtenir le taux complet.

.0925

J'ai quelques hésitations face à l'idée, bien que je ne l'aie pas entièrement examinée, d'opter pour un système de calcul des prestations en fonction du revenu annuel. J'aimerais en savoir plus sur ce concept, dont je n'ai pas encore beaucoup entendu parler, et il me semble que par ces changements nous demandons déjà aux gens de faire plus, d'essayer de réunir deux ou trois semaines de plus.

Le tout, c'est de savoir jusqu'où nous irons? Je pense que c'est déjà demander beaucoup. Voyons voir ce que cela donne, et si cela fonctionne nous pourrons poursuivre, et je pense que c'est ce que nous devrions faire.

Que pensez-vous de cette idée d'un dénominateur plus souple?

Mme Beale: Je pense que je devrais réfléchir un peu plus à son utilité. Si vous êtes d'accord pour accepter la formule plus 2 de façon uniforme dans toutes les régions, diriez-vous aussi que vous n'avez aucune différence entre le dénominateur et le nombre de semaines ou d'heures de travail - autrement dit, on supprime entièrement la formule plus 2?

M. Regan: Le problème que j'y vois, et d'après ce que les gens de tout le pays nous ont dit, c'est que quand quelqu'un est jugé admissible, nous ne voulons pas que soudainement il se dise qu'il peut cesser de travailler. Il faut qu'il y ait une mesure l'incitant à travailler un peu plus, de sorte que l'encouragement à obtenir les pleines prestations signifie que vous devez travailler deux semaines de plus. C'est un encouragement important, à mon avis.

Mme Beale: C'est un bon argument.

Le président: Sur cette note positive, nous donnons la parole à M. Dubé.

[Français]

M. Dubé (Lévis): J'accueille positivement, pas dans le sens de l'accepter, mais à des fins de réflexion, votre suggestion de prendre une unité de mesure différente. Vous parlez du revenu moyen. Certaines personnes m'ont parlé de changer cela complètement et d'utiliser le régime des heures, vu qu'on tient maintenant compte des heures plutôt que des semaines travaillées pour établir l'assurabilité. Avez-vous aussi envisagé d'utiliser le nombre d'heures travaillées pour établir les prestations?

[Traduction]

Mme Beale: Je regrette, monsieur Dubé, je n'ai pas entendu la traduction. Nous ne recevons pas l'interprétation.

Le président: Il n'y a pas d'interprétation pour la question de M. Dubé.

Monsieur Dubé, pouvez-vous répéter votre question?

[Français]

M. Dubé: En ce qui a trait au revenu annuel moyen, vous avez proposé un moyen différent d'établir les prestations. Je trouve cela intéressant parce qu'on essaie de trouver la meilleure façon d'établir les prestations. Le gouvernement a proposé une façon, et M. Regan a proposé un compromis en parlant de deux semaines au lieu de quatre.

Avez-vous pensé aussi à la possibilité d'utiliser le salaire horaire moyen pour établir le montant des prestations? Si vous n'y avez pas pensé, ce n'est pas plus grave que cela, et on va passer à autre chose.

[Traduction]

Mme Beale: Merci de le mentionner. Nous n'avons pas examiné cette proposition précise.

Bien que je n'aie pas suivi de près ce que fait le comité, je suis sûre que c'est pour lui une question importante. Nous reconnaissons d'après ce que nous avons examiné que l'établissement de toute période d'admissibilité va fausser dans une certaine mesure les comportements et, ce que l'on souhaite, c'est de trouver la mesure qui les faussera le moins.

Le problème que nous avons relevé dans le cas du nombre fixe de semaines consécutives, c'est que c'est une mesure qui n'a pas de valeur d'incitation pour les travailleurs saisonniers. C'est là qu'à notre avis pourrait se poser un problème. La question de savoir si le salaire horaire moyen contribuerait à le régler en partie m'apparaît une idée très intéressante. J'aimerais examiner la question, mais je ne peux pas me prononcer là-dessus pour l'instant.

.0930

[Français]

M. Dubé: J'ai manqué le début de votre présentation, alors que vous avez peut-être parlé de votre organisme. Si j'ai bien compris, vous êtes le Conseil économique des provinces de l'Atlantique. Donc, vous travaillez pour l'ensemble des quatre provinces de l'Atlantique. Avez-vous une idée des répercussions économiques que pourrait avoir le projet de loi? Avez-vous travaillé sur cet aspect?

[Traduction]

Mme Beale: Notre conseil est une entité privée largement financée par des membres privés, mais nous comptons sur la participation des quatre provinces de l'Atlantique et notre mandat vise ces quatre provinces.

Les résultats d'une grande étude que nous avons entreprise sur l'incidence des changements proposés sur la région paraîtront dans les deux ou trois prochaines semaines dans notre rapport trimestriel, l'une de nos publications régulières. Nous n'allons pas pour l'instant mener de recherche complète sur cette question parce que de nombreux aspects de la loi sont encore difficiles à interpréter.

Dans le cadre de mon travail pour cette étude, l'une des choses dont je me sers, comme vous le savez déjà, c'est une pile de coupures de presse relatant les manifestations et la réaction des zones rurales de la région à ce projet de loi. Les gens savent bien comment les changements proposés influeraient sur leurs revenus et le soutien dont ils bénéficient actuellement grâce à l'assurance-chômage.

Je parlerai donc de façon très générale. Dans notre région, l'utilisation du programme d'assurance-chômage par habitant dépasse largement celle de la plupart des autres régions du pays et cela de façon continue depuis des années. Bien sûr, toute proposition visant à changer cette situation aura un effet considérable sur la région.

Le président: Merci.

Monsieur Dubé, une intervention rapide s'il vous plaît.

[Français]

M. Dubé: Vous faites allusion à des documents que vous avez reçus. Êtes-vous en mesure d'établir, dans l'ensemble des provinces Atlantiques, le pourcentage des différents groupes qui sont en faveur du projet de loi ou contre? Êtes-vous capable d'établir une proportion?

[Traduction]

Mme Beale: Non, il s'agit simplement d'articles que nous avons vus dans les journaux, mais il est clair que la majorité des gens s'oppose à cette mesure. Je crois l'avoir dit très clairement au début de mon exposé: nous appuyons l'objectif général visé par cette mesure législative. Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique se préoccupe depuis déjà longtemps de l'incidence négative du programme d'assurance-chômage sur la participation à la population active et sur l'économie de la région.

En d'autres termes, si vous encouragez les travailleurs à rester dans les industries saisonnières ou primaires où les perspectives de croissance sont très limitées à long terme, cela limite notre capacité à nous diversifier dans d'autres secteurs. L'effet modérateur du programme d'assurance-chômage sur les perspectives de croissance de l'économie de la région Atlantique nous préoccupe depuis longtemps.

Nous nous sommes donc attachés à étudier de façon plus objective l'incidence du programme, à en déterminer les avantages et désavantages, pour voir quelles modifications seraient souhaitables.

Le président: Merci, madame Beale, de votre présentation fort enrichissante. Nous lirons évidemment votre mémoire et nous tiendrons compte de votre opinion dans le cadre de nos délibérations visant à améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Merci encore une fois d'avoir participé à nos travaux.

Mme Beale: Merci.

Le président: Notre prochain témoin est également à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il s'agit de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse. On m'a dit que M. Rick Clark, le président, viendrait témoigner.

.0935

M. Proud (Hillsborough): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. On a communiqué avec mon bureau pour préciser que la réunion se tiendrait à 9 h 30. Il en va de même pour certains de mes collègues. C'est pourquoi nous étions en retard. Je me demandais pourquoi on avait prévu la réunion à 9 h 30, mais c'est le message qu'on m'a communiqué. C'est parce qu'on avait changé l'horaire que je suis arrivé en retard.

Le président: J'étais ici à 9 heures, mais nous nous pencherons sur la question. De toute façon, je suis très heureux que tout le monde soit arrivé plus tôt vers 9h10.

Nous allons prendre une pause pour laisser à nos prochains témoins le temps de s'installer.

.0936

.0939

Le président: Pouvez-vous nous entendre à Halifax?

M. Rick Clark (président, Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse): Oui, très bien.

Le président: Merci beaucoup. Comme vous le savez, notre comité étudie des façons d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Nous avons hâte d'entendre vos commentaires. On a déjà signalé aux députés que vous représentez la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse.

Monsieur Clark, voulez-vous nous présenter ceux qui vous accompagnent aujourd'hui.

.0940

M. Clark: Monsieur le président, je suis accompagné aujourd'hui de membres du personnel de soutien de la Fédération, soit Joan Vickery et Ashley Baker.

Le président: Merci beaucoup. Comme vous le savez, nous disposons d'une demi-heure. Vous avez environ 10 à 15 minutes pour présenter votre exposé puis nous disposerons de 10 à 15 minutes pour la période des questions et réponses. Vous pouvez commencer.

M. Clark: Merci beaucoup. Je ne lirai probablement pas le mémoire présenté parce que je l'ai déjà fait parvenir à votre bureau pour qu'il soit distribué aux députés.

Le président: Nous l'avons reçu.

M. Clark: Je ne lirai donc pas le mémoire, mais j'aimerais faire ressortir certains des points saillants du document et vous parler de certaines des questions qui nous préoccupent le plus. Puis nous pourrons passer aux questions.

Cela dit, j'aimerais tout d'abord signaler que la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse, comme toutes les autres fédérations du travail, est membre à part entière du Congrès du travail du Canada. Nous sommes au courant de la présentation qu'a faite le Congrès et nous avons lu le mémoire qu'il vous a présenté plus tôt cette semaine. Nous appuyons sans équivoque les renseignements qu'on vous a communiqués en ce qui a trait à la position des travailleurs canadiens.

Nous aimerions ajouter une observation. Nous sommes très déçus des commentaires que nous avons entendus du ministre responsable de ce projet de loi car il a refusé catégoriquement de rencontrer le président du Congrès du travail du Canada, qui représente des travailleurs du pays tout entier qui subiront l'effet néfaste de cette mesure législative. Nous croyons qu'il s'agit là d'une attitude irresponsable et d'une réponse irrationnelle de la part d'un ministre de la Couronne.

Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de nous adresser à votre comité pour vous faire part de certaines opinions et préoccupations que nous ont communiquées nos membres de la province. Cependant, nous devons signaler que nous sommes très déçus du fait que votre comité organise ces réunions sous forme de vidéotéléconférence au lieu de se déplacer pour aller entendre directement les intéressés.

Nous avons participé dans toute la province à des réunions publiques organisées par les collectivités et les municipalités, et non pas par le mouvement syndical, pour entendre les préoccupations des intéressés et pour en apprendre plus long sur les incidences de ces modifications. Je dois avouer, monsieur le président, messieurs les membres du comité, que bien des gens sont mécontents de ne pas avoir l'occasion de faire connaître personnellement leur opinion.

Nous nous inquiétons également de la façon dont on a décidé qui pourrait s'adresser au comité. Il existe un parti pris évident car à part cette lutte de trois jours, il n'y a eu aucun syndicat de Terre-Neuve, et seuls trois entrepreneurs ont été invités comme témoins. Il est évident que les points de vue de ces derniers ne sont pas impartiaux.

Deux grands partis politiques, qui représentent des milliers de travailleurs et des gens de toutes les régions du pays, se sont vu refuser le droit de comparaître devant le comité. Je fais ici allusion au Parti néo-démocrate et au Parti progressiste conservateur dont les représentants tant au niveau provincial que fédéral se sont vu refuser le droit de comparaître. Ils représentent des milliers de Canadiens et on devrait entendre ce qu'ils ont à dire.

Nous croyons que cette mesure législative aura une incidence non négligeable sur les gens de cette province et de cette région. Je désire simplement réitérer que nous voudrions que votre comité demande au Parlement la permission de se déplacer en région.

[Difficultés techniques - Éditeur] ...certaines des principales questions qui auront une incidence des plus importantes sur les résidents de la Nouvelle-Écosse - je ne parlerai pas de zones particulières ou d'articles du projet de loi, mais j'aimerais simplement vous parler brièvement de certaines des notions qu'on présente dans cette proposition.

La nouvelle période d'admissibilité qui passe du nombre de semaines au nombre d'heures, est une question qui nous intéresse tout particulièrement, compte tenu du type d'emplois qu'on retrouve dans notre région, du pourcentage élevé de travailleurs à temps partiel; c'est pourquoi nous appuyons le concept de l'assurance de la 1ère heure de travail. En fait, le mouvement syndical propose une telle option depuis déjà très longtemps. Malheureusement, il faudra plus de deux fois plus d'heures de travail pour qu'un chômeur soit admissible à l'assurance-chômage. Si l'on passe de la semaine de travail actuelle de 15 heures pour passer à une semaine de travail de 35 heures, des dizaines de milliers de résidents de la région seront automatiquement éliminés.

.0945

Contrairement à ce qui se dit, en dépit de la croissance que nous avons enregistrée - et ces chiffres proviennent du ministère des Finances - au cours des 12 derniers mois, nous avons perdu 3 000 emplois à plein temps et la seule croissance qui a été enregistrée l'a été dans le secteur de l'emploi à temps partiel. Les travailleurs à temps partiel représentent environ 25 p. 100 de la population active de la Nouvelle-Écosse, et ce taux est à la hausse. Ces travailleurs sont chanceux s'ils peuvent travailler 20 heures par semaine. D'après ce que dit notre ministre, la majorité de ces travailleurs sont des femmes, et les nouvelles dispositions d'admissibilité nuiront énormément aux femmes et aux jeunes.

Si le critère d'admissibilité passe de 420 heures à 700 heures, il est fondé sur 12 à 20 semaines de 35 heures par semaine; cependant s'il s'agit de 20 heures par semaine, il faudra entre 21 et 35 semaines pour que quelqu'un soit admissible aux prestations; il sera très difficile pour ces gens d'accumuler ce nombre de semaines.

Avant de passer à un autre sujet, j'aimerais vous entretenir brièvement des 910 heures de travail qui deviennent la nouvelle condition d'admissibilité aux prestations. Je crois qu'on essaie vraiment de berner les gens. On n'a pour s'en convaincre qu'à consulter les notes d'information préparées par le ministère du Développement des ressources humaines qui laissent entendre que certaines études montreraient que - la formulation de ce passage est très vague - les jeunes quitteraient prématurément l'école pour pouvoir toucher des prestations d'assurance-chômage. Rien ne m'apparaît plus éloigné de la vérité.

Le moins qu'on puisse dire au sujet de cette nouvelle exigence de 910 heures de travail qu'on nous présente comme l'équivalent de 26 semaines de travail, soit six semaines de plus que ce qui est prévu à l'heure actuelle, c'est qu'elle ne tient pas compte du fait que le taux de chômage officiel fluctue au pays. À titre d'exemple, il est d'environ 19 p. 100 au Cap-Breton et dans d'autres régions rurales de la province. Or, la condition d'admissibilité aux prestations sera la même dans ces régions-là que dans les régions où le taux de chômage est de 7 p. 100. Comme les gens du Cap-Breton notamment ont déjà suffisamment de mal à trouver de 420 à 700 heures de travail, il est permis de se demander comment ils parviendront à en trouver 910. Le problème sera peut-être aggravé pour ceux qui ont quitté la population active pendant une brève période pour élever leurs enfants, pour les femmes enceintes ou pour ceux qui, étant demeurés au foyer pendant un certain temps, doivent réintégrer le marché du travail pour des raisons financières.

La députée de Halifax m'a envoyé un exemplaire de son communiqué qui fait état de changements proposés au dénominateur. Pour nous, ce dénominateur n'a pas sa raison d'être. C'est la première fois dans toute l'histoire du régime qu'on considérera qu'il n'y a pas eu de rémunération au cours de certaines semaines. On cherche simplement de cette façon à réduire les niveaux de salaire dans certaines régions et à contraindre les gens à accepter des emplois mal rémunérés.

Comme mes 10 minutes sont sans doute presque écoulées, j'aimerais insister sur le fait que le projet de loi repose sur de fausses prémisses.

La Loi sur l'assurance-chômage vise actuellement à atténuer les conséquences d'une perte d'emploi. Non seulement pour le travailleur visé, mais aussi pour sa famille, pour sa localité ainsi que pour l'économie dans son ensemble. Les dernières réductions apportées au régime par l'actuel gouvernement ont privé les prestataires de la Nouvelle-Écosse ainsi que l'économie de la province de 189 à 200 millions de dollars. Les petites entreprises et les collectivités de notre province s'en ressentent. De nombreuses municipalités de la province nous ont dit par écrit craindre que leurs économies s'effondrent notamment en raison des réductions imposées par le gouvernement dans ce domaine.

Il ne se trouve personne au sein du mouvement syndical pour affirmer que la loi actuelle est parfaite. Nous demandons cependant au gouvernement de retirer ce projet de loi et de discuter avec ceux qui financent la caisse d'assurance-chômage, soit les employeurs et les employés, des véritables réformes qui peuvent être apportées au régime.

Permettez-moi de conclure rapidement. En septembre, les trois autres présidents des fédérations du travail de l'Atlantique et moi-même avons rencontré les dirigeants du caucus libéral pour l'Atlantique et nous avons discuté à coeur ouvert avec eux. Nous leur avons dit craindre que ces réductions aient de graves conséquences dans cette région et suscitent un vif ressac. Nos craintes ont été confirmées.

.0950

Bien que le ministre compétent dise que ce sont des activistes professionnels qui alimentent le mouvement d'opposition au projet de loi, je peux vous assurer, ayant discuté de la question avec des gens d'un bout à l'autre de la province, qu'il s'agit bien d'un mouvement d'origine populaire et non syndical. Ce sont des représentants municipaux qui organisent ces manifestations pour faire connaître au gouvernement leurs inquiétudes au sujet du projet de loi.

Lorsque nous avons voulu exprimer nos craintes au sujet des conséquences du projet de loi, on nous a accusés de pousser les gens à la révolte. J'ai fait remarquer aux dirigeants du conseil exécutif que nos craintes étaient légitimes. Permettez-moi de répéter que si le gouvernement va de l'avant avec ces réductions, ce mouvement d'opposition ne fera que prendre de l'ampleur. Ceux qui seront dans la région ce week-end auront l'occasion de voir la frustration des gens s'exprimer au congrès libéral qui va avoir lieu à Sydney.

Le président: Je vous remercie beaucoup de cet excellent exposé. Dans une démocratie comme la nôtre, les gens sont libres de s'exprimer comme bon leur semble. Nous nous sommes certainement reconnaissants d'avoir exprimé votre point de vue de façon aussi éloquente et de nous avoir présenté un mémoire aussi instructif. Nous l'étudierons à fond et nous tirerons parti des suggestions que vous y faites pour améliorer le projet de loi C-12.

J'ouvre maintenant la période de questions. La parole est à M. Dubé.

[Français]

M. Dubé: Merci, monsieur Clark. Je suis membre du comité depuis deux ans et demi et, si j'ai bonne mémoire, c'est la troisième fois que nous avons la chance de vous entendre. À la fin de 1994, nous sommes allés vous rencontrer chez vous.

Votre point de vue est assez clair. Vous n'êtes pas très favorable au projet de loi, bien que vous ayez laissé une certaine ouverture en ce qui a trait au changement pour établir l'assurabilité en utilisant les heures plutôt que les semaines. J'ai bien noté que vous êtes aussi contre l'augmentation du nombre d'heures. Là-dessus, l'Opposition officielle est d'accord avec vous.

Mais on n'a pas encore pu entendre tout le monde, ce qui aurait été souhaitable et, malheureusement, on fait cela par vidéotéléconférence. Vous avez fait référence à l'opinion d'autres personnes de la Nouvelle-Écosse. Avez-vous compilé, par le biais de pétitions ou autres, la position d'organismes autres que le vôtre? Si oui, leurs positions étaient-elles différentes de la vôtre quant aux éléments que vous avez identifiés?

On ne pourra rencontrer tout le monde. Donc, étant donné que vous êtes là et que vous êtes en contact avec tout le monde en Nouvelle-Écosse, je vous le demande. À défaut d'avoir ces données, j'aimerais que vous nous donniez une idée de ce qu'en pensent les gens autour de vous, en Nouvelle-Écosse. Je suis du Québec et je voudrais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

M. Clark: Je vous remercie beaucoup. J'ai personnellement discuté de la question avec des gens de Yarmouth à Halifax, d'Amherst à Sydney, et de New Glasgow à Port Hawkesbury. Nous savons qu'environ 20 municipalités partagent les inquiétudes que nous avons exprimées au sujet du projet de loi. Neuf organismes syndicaux dont le Syndicat des travailleurs de la construction, celui des infirmiers et des infirmières ainsi que celui des enseignants et des enseignantes de la province ont aussi dit appuyer nos vues.

Parmi les chefs de petites entreprises, certains, et j'insiste sur ce mot, ont aussi exprimé des préoccupations semblables aux nôtres. Je ne prétends pas que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante soit du nombre, mais il y a effectivement des chefs de petites entreprises qui s'inquiètent des conséquences de la réforme. Ces gens sont bien conscients du fait que les réductions sauvages apportées aux programmes sociaux, la perte d'emplois dans le secteur fédéral et la fermeture de bases militaires ne vont qu'aggraver le problème du chômage. Le nombre d'entreprises en faillite a d'ailleurs atteint un niveau record. La construction domiciliaire, quant à elle, est à son plus bas niveau depuis 35 ans en Nouvelle-Écosse. La situation est attribuable à une baisse généralisée du pouvoir d'achat. On est donc généralement d'accord avec nous pour dire qu'il faut étudier la situation, mais qu'il faut le faire avec ceux qui seront les plus directement touchés.

.0955

[Français]

M. Dubé: Vous dites qu'il y aura un impact particulier pour les femmes et les jeunes en raison de l'augmentation des règles d'admissibilité mais surtout de celles ayant trait aux nouveaux qui pourront bénéficier de l'assurance-emploi. Il s'agit de la règle des 910 heures.

Au Québec, il est difficile d'obtenir l'opinion de ceux qui ne sont pas encore chômeurs ou qui ne savent pas encore qu'ils seront chômeurs l'année prochaine. Il est toujours difficile de mesurer l'impact d'un changement quand les gens affectés ignorent ce qu'est ce changement.

On a pu observer le phénomène après les coupures qui ont suivi l'adoption du projet de loi C-17. Certaines personnes ne se sont rendu compte de ses effets que neuf mois plus tard. C'est normal car personne ne peut prédire l'avenir.

Quant aux jeunes et aux femmes qui veulent retourner sur le marché du travail, il y a un autre phénomène, et il n'existe pas nécessairement d'association ou de regroupement pour cela. Avez-vous pu identifier un certain mouvement chez ceux qui se sont penchés sur cet aspect bien particulier?

[Traduction]

M. Clark: Deux ou trois organismes représentant les femmes de la province ont activement fait connaître leur point de vue. Une coalition d'action sociale de la région de Halifax a dénoncé les conséquences de la réforme pour les femmes. Certains syndicats étudiants du secteur universitaire faisant partie de cette coalition ont insisté sur son incidence sur les jeunes.

Nous craignons comme vous que la population dans son ensemble saisisse mal l'impact de cette réforme. Nous avons essayé d'obtenir que nos députés viennent expliquer aux gens différents aspects du projet de loi C-12 - anciennement appelé C-112 - ainsi que son impact. Certains contestent les chiffres que nous avançons. Nous leur demandons d'en discuter en public. Si nos chiffres sont erronés, nous sommes prêts à en discuter. Le fait que les propositions ne soient pas accompagnées de documents les étayant... nous amène à croire que nos chiffres sont justes. Nous pensons notamment que ces réformes auront des conséquences dévastatrices en particulier pour les jeunes et les femmes qui ont tendance à occuper des emplois à temps partiel.

Le président: Je vous remercie, monsieur Dubé.

Madame Brown, voulez-vous poser une question?

Mme Brown (Calgary-Sud-Est): Oui.

J'ai prêté grande attention à ce que vous avez dit d'autant plus que je viens de l'Ouest et que je n'ai visité votre partie du monde qu'à quelques reprises. Je vois que les gens de votre région n'ont pas tout à fait le même point de vue que les gens de ma région sur cette question et que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.

J'ai trouvé que, dans votre mémoire, vous faisiez état de divers sujets de plainte, et je voudrais revenir avec vous sur ces sujets. Vous avez dit que le processus de consultation était quelque peu limité. Je dois vous dire que j'étais entièrement d'accord avec les autres membres du comité pour mettre sur pied un processus dont nous pensions qu'il nous permettrait, grâce à la technologie, de nous acquitter de notre mandat de manière très efficace et de réduire en tout cas nos dépenses. C'est un point sur lequel nous avons tous insisté dans notre campagne électorale - qu'en notre qualité de députés, nous surveillerions de près les dépenses publiques quand il s'agirait de consulter les Canadiens des diverses régions du pays.

Je tiens par ailleurs à vous dire, monsieur Clark, que la guerre au déficit, comme vous dites dans votre mémoire, c'est à vrai dire quelque chose qui préoccupe au plus haut point tous les paliers de gouvernement au Canada et qui les incite à la prudence dans la gestion des finances publiques. C'est quelque chose qui préoccupe tant le gouvernement néo-démocrate de la Saskatchewan que le gouvernement progressiste conservateur de l'Alberta et le gouvernement conservateur de l'Ontario et même le gouvernement de M. McKenna au Nouveau-Brunswick. Tous ont choisi la voie de la prudence dans la gestion des finances publiques. L'ennui, c'est que les fonds dont nous disposons ont considérablement diminué par rapport à ce qu'ils étaient auparavant.

.1000

Je veux vous poser une question bien précise. Je ne veux pas de généralités; je vous demanderais de nous dire de façon très précise quelles sont les modifications qu'il faudrait apporter au régime d'assurance-emploi pour en faire un véritable régime d'assurance et comment il faudrait s'y prendre pour en éliminer les éléments, comme la formation, l'assistance sociale et le soutien aux programmes sociaux, dont vous parlez tout au long de votre mémoire, afin de rendre le régime plus équitable, surtout pour ceux que vous représentez dans votre région.

M. Clark: Tout d'abord, le ministre a dit que certaines personnes abusaient du régime. Je tiens à bien faire savoir que nous n'approuvons pas ces abus. Si toutefois je suis arrêté pour excès de vitesse, on ne demande pas à la population de la Nouvelle-Écosse ou du Canada de payer l'amende à ma place. C'est donc aux personnes qui abusent du régime qu'il faut s'en prendre.

Aussi je suis préoccupé quand on parle du régime comme d'un régime d'assurance, parce qu'à l'origine c'était un régime d'assurance-rémunération. J'entends le ministre, pas nécessairement le comité, dire que ceux qui présentent une demande de prestations une fois, deux fois ou trois fois pourraient alors subir une baisse graduelle de leurs prestations. Je sais pertinemment que, dans le cas d'une police d'assurance-automobile, dès qu'on présente deux ou trois demandes d'indemnité, la police est annulée. Nous ne voulons pas qu'il en soit ainsi pour le régime d'assurance-emploi.

Je sais que vous voulez que je réponde à votre question de façon bien précise, mais vous en parlez dans le contexte de la réduction du déficit. La réforme proposée n'a absolument rien à voir avec la réduction du déficit. Au contraire, nous croyons qu'elle contribuera au déficit puisque les gens auront moins d'argent à dépenser. La caisse est financée par les employeurs et les employés et elle a un excédent à l'heure actuelle. Les réductions proposées auront pour effet, dans le présent contexte, d'accroître le déficit, parce que nous ne tenons pas compte de ce que sera leur impact dans les collectivités.

Il n'y a qu'à voir l'effet des dernières compressions de 1993, qui se sont traduites par une perte de 189 à 200 millions de dollars pour l'économie de notre province seulement. Cela se traduit par un manque à gagner pour les petits détaillants et les petites entreprises, qui doivent alors réduire leurs activités ou comprimer leurs effectifs, de sorte que les recettes des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral s'en trouvent diminuées. Je crois que nous devrions plutôt revenir en arrière et chercher à déterminer où est le véritable besoin. La crise que nous connaissons aujourd'hui au Canada est celle, non pas des chômeurs, mais du chômage. Si nous ne voulons pas que les gens aient recours aux prestations, nous devons trouver le moyen de les remettre au travail.

M. Regan: Merci, Rick, d'être venu témoigner devant nous.

Je tiens tout d'abord à vous dire que nous avons beaucoup de groupes syndicaux parmi nos témoins. Il me semble que la majorité des groupes qui ont témoigné devant nous sont en fait des groupes syndicaux des différentes régions du pays.

Il me semble que le gouvernement a sensiblement modifié le projet de loi en cours de route. Les amendements que M. Scott, Mme Augustine et moi-même avons proposés permettraient notamment d'atténuer en grande partie la sévérité de certains des changements proposés à l'endroit des Canadiens de la région atlantique, et tout particulièrement des travailleurs saisonniers, puisque nous nous sommes attaqués à la question des semaines creuses - l'amendement de M. Scott.

Quant au dénominateur, nous cherchons à le modifier et à le rendre plus souple. Ses conséquences ne seraient pas aussi pénibles s'il était fixé, non pas à deux semaines, mais à quatre semaines.

Pour ce qui est de la règle de l'intensité, je crois que le fait d'exempter les personnes à faible revenu, les familles à faible revenu, permettrait d'en atténuer la sévérité pour la grande majorité des personnes à revenu faible ou modeste du Canada atlantique.

Il me semble qu'au bout du compte, les personnes à revenu faible ou modeste seront bien servies par le nouveau régime et que beaucoup d'entre elles s'en trouveront mieux qu'avant. Par contre, les prestataires à revenu plus élevé - dont beaucoup, je le sais, sont vos membres, ou dont certains en tout cas sont vos membres - ne s'en tireront pas à si bon compte à cause de la récupération fiscale qui s'appliquera aux personnes à revenu élevé. Je voudrais savoir si vous êtes pour ce principe.

J'entends constamment mes électeurs me dire que le régime ne devrait pas permettre à la personne qui gagne 50 000$ ou 60 000$ par an, de toucher, année après année, 10 000$ de plus en prestations d'assurance-chômage après y avoir cotisé pour à peu près 500$ pendant l'année. On ne peut pas continuer à soutenir un régime comme celui-là. Il me semble que nous devons donc nous attaquer à la question des personnes à revenu élevé.

Êtes-vous pour ou contre les mesures qui visent ces personnes à revenu élevé qui chaque année ont recours à l'assurance-chômage?

Par ailleurs, vous dites que le régime a besoin d'être réformé. Quels sont les trois principaux changements que vous apporteriez?

M. Clark: Tout d'abord, quand vous parlez d'atténuer la sévérité, je suppose - et je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous là-dessus. Je suis même en désaccord avec vous. Le régime ne devrait tenir compte d'aucune semaine où le travailleur ou la travailleuse a eu une rémunération nulle, mais si vous me dites qu'il vaut mieux ne couper que deux doigts au lieu de quatre, je suppose que cela fait moins mal.

.1005

La récupération fiscale fait partie de la réforme proposée, je le sais, mais vous ne tenez pas compte - et je sais que vous avez entendu à ce sujet les témoignages de travailleurs de la construction - de la nature cyclique du travail dans certains secteurs, comme celui de la construction et de la réparation navale et celui du bâtiment.

Nous avons une section locale qui vous a présenté un exposé et dont 70 p. 100 ou 75 p. 100 des membres sont sans emploi à l'heure actuelle. Ils passent parfois un an ou deux sans travailler et, dans certains cas, ils passent même trois ou quatre ans sans travailler. Soit dit en passant, ces travailleurs ne sont pas ceux qui sont assis bien confortablement chez eux et qui attendent simplement leur chèque d'assurance-chômage, comme le donne à entendre le projet de loi à l'étude. Ils se déplacent d'un bout à l'autre du pays. Il y a même des efforts en cours pour réinstaller des travailleurs au Japon. Ce n'est pas comme si les gens ne voulaient pas travailler.

Ces gens-là pourraient toucher des prestations d'assurance-chômage pendant assez longtemps, et c'est là où, à mon avis, la récupération fiscale a des lacunes. Ces gens-là pourraient être sans travail pendant deux, trois ou quatre ans, puis se trouver un emploi où ils gagneraient plus que le maximum et, quand viendrait le temps de faire leur déclaration d'impôt, ils pourraient avoir à rembourser toutes les prestations qu'ils auraient reçues, ou 30 p. 100 des prestations, si l'on tient compte du dénominateur et de tout le reste. Ils pourraient se retrouver de nouveau sans emploi en février, au moment de remplir leur déclaration d'impôt, et devoir rembourser toutes leurs prestations antérieures.

La réforme ne tient pas compte du cycle complet du travail de certaines personnes. Par ailleurs, le maximum de la rémunération sera gelé. Or, quand on tient compte de l'inflation, ce maximum, s'il est gelé au niveau actuel de 39 000$, ne représentera plus en dollars constants que 36 000$ en l'an 2000.

Cela, ça m'inquiète beaucoup, tout comme le fait que, sans consultation de la population, on fasse des distinctions entre catégories de citoyens et qu'on se mette à faire du ciblage. C'est une des choses qui m'inquiète le plus dans ce projet de loi. Il dresse l'un contre l'autre citoyen, province et région. S'il y a un facteur de désunion actuellement au Canada, c'est le sort que le gouvernement fait à nos programmes sociaux.

Le président: Monsieur Clark, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait un exposé fort circonstancié. Comme je l'ai déjà dit, nous allons tenir compte de tous les arguments que vous avez soulevés pour améliorer le projet de loi. Merci beaucoup.

.1007

.1010

Le président: La séance est ouverte. Nous sommes à Halifax, en Nouvelle-Écosse, et nous allons maintenant entendre le Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse, représenté par sa présidente, Mme Catherine McDonald.

Mme Stella Lord (attachée de recherche, Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse): Permettez-moi de faire une correction. Je m'appelle Stella Lord et je suis attachée de recherche. C'est moi qui ferai l'exposé à la place de Catherine McDonald, au nom du Conseil consultatif de la Nouvelle-Écosse.

Le président: Merci de cette précision. Comme vous le savez, nous préférons que les exposés durent 10 et 15 minutes, après quoi nous passons aux questions. Je vous cède la parole.

Mme Lord: Merci. Au nom du Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse, je suis heureuse de vous faire part de certaines de nos inquiétudes au sujet du projet de loi C-12.

Auparavant, j'aimerais vous présenter Mary DesRoches, du Nova Scotia Women's FishNet. Elle vous décrira les effets que risque d'avoir cette loi sur les femmes et leurs familles dans les villages de pêche de la Nouvelle-Écosse.

Je veux d'abord parler de la formule du calcul des heures et de ce que cela suppose pour les travailleurs à temps partiel et pour la période ouvrant droit aux prestations. Je discuterai ensuite des craintes que suscite la réduction des prestations, surtout pour les travailleurs occasionnels ou saisonniers, ou ses conséquences pour les femmes et leurs familles dans notre province.

Assujettir un plus grand nombre de travailleurs à temps partiel au régime d'assurance-chômage n'est pas en soi une mauvaise idée. Il y a trois raisons à cela. D'abord, comme ailleurs au Canada, la Nouvelle-Écosse connaît une augmentation spectaculaire du travail à temps partiel depuis 20 ans. Environ 70 p. 100 de tous les travailleurs à temps partiel, comme vous le savez sans doute, sont des femmes.

Deuxièmement, un grand nombre de gens, femmes y compris, occupent à contrecoeur un emploi à temps partiel: 34 p. 100 des Canadiennes étaient dans cette situation en 1993. Le chiffre était de 20 p. 100 en 1989. Cela montre l'ampleur du sous-emploi, que n'illustrent pas les statistiques actuelles du chômage.

Troisièmement, il faut aussi savoir qu'un grand nombre de femmes choisissent de travailler à temps partiel en raison de leurs responsabilités familiales et autres. Par exemple, dans l'enquête de 1995 sur la population active, plus du tiers des femmes mais à peine 15 p. 100 des hommes disent avoir choisi de travailler à temps partiel de leur plein gré ou en raison de leurs responsabilités familiales.

Trop longtemps les femmes ont été pénalisées sur le marché du travail pour avoir essayé de concilier leur emploi et leurs obligations et leurs tâches familiales. Par exemple, les prestations, la sécurité d'emploi et les normes de travail dans le cas des emplois à temps partiel ou atypiques, comme le travail saisonnier ou occasionnel, sont souvent de deuxième ordre.

Pour ces raisons et en raison de la tendance politique et économique actuelle en faveur de la restructuration et de la réduction des effectifs, la travailleuse à temps partiel doit avoir plus facilement accès à la sécurité du revenu qu'offre l'assurance-chômage. C'est pourquoi l'assujettissement d'un nombre plus important de travailleurs à temps partiel au régime d'assurance pourra se révéler un pas dans la bonne direction. Toutefois, nous entretenons de sérieux doutes face à l'adoption de la formule du calcul des heures pour déterminer la période ouvrant droit aux prestations et à propos de l'allongement de cette période pour les nouveaux venus sur le marché du travail. Nous estimons que cela annulera une partie des effets positifs de l'inclusion de ces travailleurs dans ce système car cela signifie que certains d'entre eux devront travailler plus longtemps pour avoir droit aux prestations. Nous en avons des exemples précis dans notre mémoire.

Comme le temps presse, je vais passer immédiatement à nos recommandations. Nous recommandons que le calcul des heures et la nouvelle période ouvrant droit aux prestations ne soient pas adoptés sous leur forme actuelle et que le gouvernement trouve d'autres moyens d'assurer la rémunération des travailleurs à temps partiel qui travaillent moins de 15 heures par semaine.

.1015

Nous recommandons que le gouvernement revienne à la période de 20 semaines pour les périodes de maternité, parentales et de maladie. Nous nous inquiétons en particulier du fait que la proposition actuelle semble venir saper le congé de maternité vu la façon dont la période est déterminée.

Il faut que le gouvernement cesse de traiter différemment les nouveaux venus sur le marché du travail puisque ce sont ceux qui risquent le plus d'être au chômage.

J'aimerais maintenant parler des conséquences de l'étalement et de la règle de l'intensité pour les travailleurs occasionnels ou saisonniers. Comme vous le savez, la région du Canada atlantique se caractérise par son fort coefficient d'emplois saisonniers en raison de la nature même de son économie, qui repose sur la pêche, l'exploitation forestière et le tourisme. Comme l'intention du gouvernement semble être de changer le comportement des travailleurs, il suppose qu'ils peuvent eux-mêmes décider le moment de leur mise en disponibilité, déterminer les dates de la saison touristique ou de la campagne de pêche, la présence du poisson à pêcher et à transformer et le nombre d'heures de travail.

Par ailleurs, il est faux de croire qu'il n'y a que les hommes qui occupent des emplois saisonniers ou qui sont fréquemment mis en disponibilité. C'est pourtant l'impression qui se dégage des documents produits par le ministère du Développement des ressources humaines. En Nouvelle-Écosse, il n'est pas rare que les femmes travaillent dans les usines de transformation du poisson et occupent la plus grande part des emplois reliés au tourisme. Vous n'ignorez pas que le nouveau régime d'étalement fondé sur le nombre de semaines consécutives de travail risque de toucher sérieusement les femmes qui occupent ces emplois, surtout dans les usines de transformation du poisson, puisque ce genre de travail se caractérise par les mises en disponibilité et le travail discontinu.

Ceux qui risquent déjà d'être mis en disponibilité seront donc doublement pénalisés sous le nouveau régime. Cette façon de calculer les prestations aura de graves effets sur les femmes seules qui occupent un emploi saisonnier et instable et sur les femmes qui ont une famille et qui dépendent des emplois saisonniers en Nouvelle-Écosse.

Deuxièmement, j'aimerais discuter de la disposition relative au maximum de la rémunération assurable et à la récupération. Certes, ces dispositions toucheront davantage les travailleurs à temps plein que les travailleurs à temps partiel ou les gagne-petit. Les femmes risquent moins d'être touchées par ces dispositions que les hommes parce qu'un plus petit nombre de femmes que d'hommes touchent des salaires supérieurs à la moyenne. Il faut néanmoins tenir compte des conséquences que ces changements auront sur les femmes et leurs familles. Le Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse est convaincu que la présence accrue des femmes sur le marché du travail peut leur être avantageuse et favoriser leur autonomie. Nous reconnaissons toutefois qu'à cause de leurs responsabilités familiales et de leur situation défavorisée dans la population active, de nombreuses femmes appartiennent à une famille où l'homme est le principal ou l'unique soutien de famille. C'est surtout le cas dans les régions rurales où le chômage est particulièrement élevé.

Nous nous inquiétons également du fait que ces dernières années, l'accroissement de la présence sur le marché du travail des femmes avec enfants est souvent le résultat d'une nécessité économique plutôt que d'un choix. Aux prises avec un revenu familial moindre et une sécurité de revenu fragile, les femmes qui ne travaillent pas déjà à plein temps seront tentées de chercher un emploi pour augmenter leurs heures de travail, qu'elles le veuillent ou non. Vu l'absence de garderies, le partage inéquitable du travail domestique, les petits salaires et les problèmes financiers, les femmes qui sont dans cette situation devront faire face à un stress accru.

La tension financière dans la famille pourra aussi contribuer à la violence familiale et à une plus grande vulnérabilité des femmes. En effet, des indices donnent à penser que cela se produit déjà en Nouvelle-Écosse, surtout dans les régions rurales frappées par la crise de la pêche. Cette crise a déjà des conséquences graves chez nous et est une source de tension pour les femmes et leurs familles dans plusieurs villages de pêche de la province. Cette réforme ne fera qu'exacerber les difficultés des femmes et des familles qui dépendent des emplois saisonniers en Nouvelle-Écosse.

Nous demandons que le gouvernement retire les propositions concernant l'application d'une moyenne et la clause d'intensité, qui auraient un effet négatif sur les femmes occupant des emplois instables à faible salaire.

Nous demandons également que le gouvernement revienne sur la question de la réduction des prestations maximales et de la récupération fiscale.

Nous demandons que le supplément des prestations d'assurance soit accordé à ceux qui ont des personnes à charge, plutôt qu'en fonction du revenu familial. Nous nous préoccupons en particulier de l'orientation prise, qui met l'accent sur le revenu familial, et de la politique sociale en général.

.1020

Nous demandons également - et ceci ne figure pas dans le mémoire que nous vous avons envoyé par télécopieur; nous allons modifier notre mémoire et vous en faire parvenir une version mise à jour - que l'on consacre des audiences distinctes aux conséquences des changements de l'assurance-chômage pour les travailleurs du secteur des pêches.

Je voudrais maintenant céder la parole à Mary DesRoches, qui a des préoccupations spécifiques à formuler sur ces différentes questions.

Mme Mary DesRoches (animatrice communautaire et membre du comité, Nova Scotia Women's FishNet): Comme vous le savez, les pêches dans les provinces Atlantiques sont en crise. Dans l'actuel système de gestion, où l'on applique des quotas, la pêche au poisson de fond est fermée périodiquement lorsqu'on calcule les quantités débarquées. Il y a donc des interruptions dans les semaines de gain des pêcheurs et des ouvriers des usines de transformation. De ce fait, la nouvelle configuration du régime d'assurance-chômage, où il faut avoir une moyenne de X nombre de semaines avant de pouvoir réclamer des prestations, va avoir un effet dévastateur sur ces travailleurs.

Je sais qu'on a prévu un règlement distinct pour l'industrie de la pêche. Mais jusqu'à maintenant, tout indique que seuls ceux qui sont considérés comme pêcheurs professionnels auront droit à l'assurance-chômage des pêcheurs. Cela voudrait dire que les membres d'équipage ne seraient pas visés par le nouveau règlement d'assurance-chômage. J'aimerais avoir des précisions à ce sujet.

Le président: Je crois savoir que cette question doit être réglée dans un projet de loi distinct de celui qui nous occupe.

Mme DesRoches: Il est évident qu'elle doit être réglée séparément, mais il semble que seuls les pêcheurs professionnels auront bénéficié de l'assurance-chômage des pêcheurs. Si tel est le cas, cette nouvelle politique de l'assurance-chômage va avoir un effet dévastateur sur les membres d'équipage; or, ils n'en ont pas été informés. Ils n'en seront informés que lorsque la nouvelle réglementation sera publiée. Si les choses doivent se passer ainsi, il faudrait faire davantage de consultation et d'information, de façon que ces travailleurs sachent à quoi s'en tenir.

Le président: Je vais porter cette question à l'attention des membres du comité, des fonctionnaires et du ministre. Vous soulevez là une excellente question.

Mme Lord: Notre exposé est terminé.

Le président: C'est parfait, nous pouvons passer aux questions et aux réponses.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: Merci, mesdames, pour votre présentation. J'ai parcouru votre mémoire, et il est très bien fait et très clair. Pourriez-vous me parler de la consultation que vous avez faite auprès des citoyens et des citoyennes avant d'en arriver à ce point de vue et à ces recommandations? Avez-vous eu le temps d'en faire une? J'aurai d'autres questions par la suite.

[Traduction]

Mme Lord: Nous avons eu un peu de temps pour faire de la consultation. Notre service est très occupé. Nous sommes responsables de toutes sortes de politiques en Nouvelle-Écosse. Nous n'avons qu'une attachée de recherche, si bien que nos possibilités de consultation sont limitées dans le temps. Mais nous avons consulté les femmes du groupe de Nova Scotia Women's FishNet. Nous avons aussi consulté les femmes des syndicats, de même que notre conseil, évidemment, qui est très bien introduit auprès des milieux ruraux de Nouvelle-Écosse. Donc, nous avons effectivement fait de la consultation.

[Français]

M. Dubé: C'est intéressant et cela renforce votre mémoire. J'aurais maintenant un commentaire. La présentation de votre groupe est très importante parce que, comme vous l'avez dit, et c'est la même chose au Québec, les emplois à temps partiel sont surtout occupés par des femmes et des jeunes. Vous avez dit que 70 p. 100 des emplois à temps partiel étaient occupés par des femmes.

.1025

Je voudrais vous remercier d'avoir présenté ce point de vue. Comme cela a un impact très particulier chez les femmes et les jeunes, je trouve important que vous ayez pu faire votre présentation et je voudrais vous dire, au nom de l'Opposition officielle, que nous appuyons toutes vos recommandations. Continuez votre travail.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dubé. Je donne maintenant la parole à M. Regan.

M. Regan: Madame Lord et madame DesRoches, je vous souhaite la bienvenue. C'est toujours agréable de parler à des gens de Halifax.

Je voudrais formuler un certain nombre d'arguments, puis je vous poserai une question. Je ne sais pas si vous savez qu'il s'agit là de l'un des premiers projets de loi dont le gouvernement ait analysé en détail les effets sur les hommes et les femmes; finalement, cette mesure semble plus favorable aux femmes qu'aux hommes. J'ai pensé que cette information pouvait vous intéresser.

Il y a longtemps que je me préoccupe du travail à temps partiel involontaire, des gens qui veulent travailler à plein temps mais qui ne le peuvent pas parce qu'il y a des choses dans le système qui les piègent dans la pauvreté dans un sens, qui forcent les gens à travailler à temps partiel. Un exemple, c'est le système qui dit que vous devez travailler 15 heures par semaine pour avoir droit à des prestations d'assurance-chômage, ce qui fait que certains employeurs n'engagent que des travailleurs à temps partiel. À mon avis, l'un des avantages du système reposant sur le calcul des heures, c'est qu'on décourage les employeurs de faire cela, dans des entreprises comme La Baie et les autres grands magasins à rayons, etc. Je pense que c'est important pour les femmes, particulièrement pour celles qui sont chef de famille.

J'aimerais maintenant passer à la question des amendements proposés par les membres de votre comité. J'ignore si vous êtes au courant des trois amendements que nous avons proposés. Andy Scott a proposé un amendement qui règle la question des interruptions, question que Mary DesRoches a soulevée, amendement qui ferait qu'on ne compterait pas les semaines sans rémunération dans une période de référence de 26 semaines. Pour la vaste majorité des travailleurs saisonniers du Canada atlantique, cela réglerait le problème des interruptions.

L'autre chose, c'est parce qu'on va passer au système des heures: dans bon nombre de ces localités où il y a des travailleurs saisonniers, 87 p. 100 d'entre eux font plus de 35 heures par semaine. Ils finissent par en bénéficier parce que si, par exemple, ils font une semaine de 70 heures, cela compte pour deux semaines et cela compte aussi pour ce qui est de la durée de la période de prestations.

Le deuxième changement, que j'ai proposé, a trait au dénominateur. Vous savez peut-être que selon le projet de loi actuel, dans les régions fortement touchées par le chômage, le dénominateur dépasserait de quatre semaines la période d'admissibilité, et qu'on n'aurait pas à travailler de semaine supplémentaire dans les régions où il y a moins de chômage. À mon avis, cela signifie qu'on n'a pas besoin d'incitatif dans ces régions. Moi je dis qu'il faut avoir un système flexible aux termes duquel, quelle que soit la période d'admissibilité, on n'aurait qu'à ajouter deux semaine où qu'on soit. Comme le taux de chômage change, les gens auraient ainsi un encouragement; il serait plus facile ou plus difficile d'obtenir de l'assurance-chômage, mais le système ne causerait pas de grands torts et ne créerait pas les complications qu'on aurait avec quatre semaines.

La dernière chose concerne la règle de l'intensité. Mme Augustine, de notre comité, propose qu'on exempte les personnes des familles à faible revenu de l'application de cette règle de l'intensité. Je crois que c'est très important pour les femmes...

[Difficultés techniques - Éditeur]

.1029

.1042

Le président: Nous reprenons nos travaux. Nous sommes maintenant à St. John's, Terre-Neuve.

Pouvez-vous nous entendre?

M. Gregory Anthony (président, Newfoundland and Labrador Employers' Council): Oui, nous vous entendons.

Le président: Nous allons maintenant entendre M. Gregory Anthony, président du Newfoundland and Labrador Employers' Council, et Marilyn Pike, présidente-directrice générale. Est-ce exact?

M. Anthony: Oui, c'est exact.

Le président: Comme vous le savez, notre comité est chargé d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Nous avons grandement bénéficié des avis que nous ont donnés les Canadiens d'un océan à l'autre, et nous comptons bien sûr nous servir de votre exposé pour améliorer ce projet de loi.

Comme vous le savez, nous disposons d'une demi-heure. Vous pouvez prendre 10 à 15 minutes pour votre exposé, après quoi il y aura une séance de questions et de réponses de 10 à 15 minutes. Merci beaucoup et bienvenue. Vous pouvez commencer.

M. Anthony: Merci beaucoup. Nous remercions le comité permanent de nous avoir invités aujourd'hui à faire connaître nos vues, et nous serons heureux de prendre part à la séance de questions et de réponses à la fin.

À titre d'information, le Newfoundland and Labrador Employers' Council est un groupe d'employeurs à but non lucratif qui a été fondé en 1982 pour faire valoir les intérêts économiques et commerciaux des employeurs de Terre-Neuve et du Labrador.

On trouve dans presque tous les secteurs commerciaux et industriels de la province,des entreprises, organisations et associations qui sont membres du NLEC, qui emploient plus de60 p. 100 des travailleurs de la province. En 1994, le conseil des employeurs a sondé ses membres sur des questions liées à l'état de l'assurance-chômage. Nos membres et employeurs de la province ont déclaré de manière générale que le système s'était écarté de son but original.

Nos membres sont vivement préoccupés par la mesure dans laquelle les employeurs ou les travailleurs de la province se servent du système actuel pour compléter leur revenu régulier. De toute évidence, tel n'était pas le but initial de ce programme, et nos membres aimeraient qu'on y apporte des changements qui restaureraient la vocation originale du programme, à savoir fournir une aide temporaire aux personnes qui n'ont plus de revenu du fait qu'elles ont perdu leur emploi.

.1045

Le conseil est d'avis que la notion de complément de revenu n'a pas sa place dans un programme d'assurance-chômage, et que le programme devrait se préoccuper de venir en aide aux personnes qui sont privées de leur gagne-pain temporairement et qui ont besoin d'assistance pour réintégrer le marché du travail le plus vite possible.

Le sondage qu'a fait le conseil des employeurs en 1994 a permis d'identifier entre autres choses les préoccupations que voici.

Premièrement, il y a des éléments dans le système actuel qui découragent le travail. Essentiellement, plusieurs employeurs ont mentionné le fait que des prestations élevées découragent les gens d'accepter des emplois moins rémunérés ou le travail à temps partiel. Bon nombre de nos employeurs ont dit qu'il était difficile de trouver des travailleurs à temps partiel pour occuper certaines fonctions.

On a dit aussi qu'on versait souvent des prestations élevées à des demandeurs dont les revenus annuels étaient déjà très élevés.

Troisièmement, on trouvait que les périodes de référence étaient trop courtes, qu'il était trop facile de toucher de l'assurance-chômage après avoir quitté son emploi. Essentiellement, ces employeurs avaient à l'esprit des situations où les employés pouvaient interjeter appel des décisions initiales qui leur niaient le droit aux prestations, et des situations où l'on accordait l'assurance-chômage dans des circonstances que les employeurs jugeaient inappropriées.

Je pense que la préoccupation la plus généralisée tenait au fait que le système était vulnérable aux abus.

Le conseil des employeurs est très heureux de voir qu'on a tenu compte d'un grand nombre de ces préoccupations, et le conseil juge qu'avec la mise en oeuvre du nouveau système d'assurance-emploi, on pourra assurer la viabilité du programme sans imposer de fardeau financier supplémentaire à ceux qui versent les cotisations, et que le programme va commencer à ressembler à une sorte d'assurance qui fournit un soutien temporaire aux personnes qui se retrouvent temporairement déplacées.

La fédération du travail de la province a accusé le gouvernement fédéral de voler le système.Le conseil des employeurs est d'avis que ce n'est pas le cas, et que sans ces changements, c'est nous qui allons nous voler nous-mêmes des emplois, et qu'il faut apporter ces changements si l'on veut assurer la création d'emplois et la croissance de l'emploi dans notre pays.

Ce nouveau programme permettra de réaliser des économies sur deux plans. Tout d'abord, on pourra investir dans la formation, ce qui profitera aux employeurs qui trouveront ainsi une main-d'oeuvre mieux qualifiée dans la province, ainsi qu'aux employés qui acquerront ainsi plusieurs compétences, ce qui leur permettra de changer d'emplois plus rapidement et de réduire le temps où ils devront compter sur l'assurance-chômage, si jamais ils en ont besoin.

Deuxièmement, nous espérons que le système remettra entre les mains des employeurs l'argent qu'ils pourront utiliser pour élargir leurs entreprises, ce qui créera ainsi plus d'emplois, et l'on sait que c'est le secteur privé qui devra créer des emplois dans notre pays et non le secteur public.

Même si le projet de loi C-12 imposera des coûts supplémentaires aux employeurs, du moins à court terme, soit des coûts directs parce qu'ils seront obligés de verser des cotisations qu'ils n'avaient pas à verser auparavant, comme dans le cas des travailleurs à temps partiel, et des coûts indirects qui prendront la forme de coûts administratifs supplémentaires, nous croyons que l'abaissement à long terme des taux de cotisation et la création d'une main-d'oeuvre mieux qualifiée et plus flexible compenseront ces désavantages.

Le conseil des employeurs de la province a certaines préoccupations concernant les prestations de soutien du revenu et les prestations d'emploi prévues dans le projet de loi C-12. Le premier problème que nous constatons pour ce qui est du programme de prestations de soutien du revenu est le coût plus élevé que les employeurs auront à payer, dont je vous ai déjà parlé.

Le deuxième problème, c'est que pour certains employeurs le programme risque d'entraîner des coûts administratifs plus élevés au départ. Nous espérons que le problème sera atténué grâce au remboursement des cotisations pour les PME, même si nous croyons savoir qu'il s'agit d'une mesure temporaire. Nous aimerions que l'on suive ce programme de façon permanente afin de déterminer son incidence sur les PME, surtout en ce qui concerne les travailleurs à temps partiel, car, du moins à Terre-Neuve, les PME ont tendance à faire appel de plus en plus aux travailleurs à temps partiel.

.1050

Notre conseil a déjà entendu plusieurs inquiétudes au sujet des prestations d'emploi. La première porte sur la mise en oeuvre du programme et la formation qui sera offerte. Par le passé, beaucoup d'employeurs estimaient que la formation était plutôt symbolique. On ne cherchait pas à s'assurer que les compétences enseignées dans le cadre de ces programmes de formation correspondaient aux besoins.

La Commission provinciale de mise en valeur de la main-d'oeuvre essayait de faire cela en identifiant les ensembles de compétences qui seraient nécessaires à l'avenir, et en prévoyant des mécanismes pour s'assurer que l'offre de ces compétences correspondait à la demande. Cependant, la commission a malheureusement subi une réduction draconienne du financement fourni par DRHC. Par conséquent, elle est inactive à toutes fins utiles. Nous estimons qu'il s'agit d'une lacune importante qu'il faut combler. Il faut s'assurer que les fonds affectés à la formation sont dépensés à bon escient, que les secteurs où il y a une demande et une demande accrue sont identifiés, et que les mesures sont prises pour garantir que l'offre des compétences est suffisante.

On craint aussi que le gouvernement fédéral ne finance ni directement ni indirectement les employeurs qui envoient leurs employés suivre un cours de formation. Nous pensons que c'est une façon importante d'empêcher le chômage. Lorsque les employeurs embauchent des gens, ils embauchent des personnes ayant des ensembles de compétences pour faire certaines tâches. Si, à la suite des changements dans l'industrie ou des changements technologiques, cet ensemble de compétences ne répond plus à leurs besoins, il faut qu'il y ait un rajustement. Si l'employeur n'a pas les fonds nécessaires pour offrir cette formation sur place, les employés finissent par être mis à pied, par toucher l'assurance-emploi, et par être recyclés ou par recevoir des prestations en vertu du programme.

Nous pensons que si un élément du programme permet aux employeurs d'offrir un programme de formation, il sera possible de réduire le recours à l'assurance-chômage ou à l'assurance-emploi. Les employeurs pourront de cette façon continuer à respecter leurs engagements vis-à-vis de leurs employés actuels.

Troisièmement, nous jugeons qu'il faut consacrer davantage d'attention à la préparation d'un inventaire des ensembles de compétences dans la province et dans tout le pays. Malheureusement, il y a une pénurie de renseignements concernant les compétences qui existent dans la province. Je pense que c'est probablement le cas dans tout le pays. Par l'entremise des éléments de formation et d'éducation du programme d'assurance-emploi, nous voudrions que des fonds soient fournis, soit par le biais de la Commission de mise en valeur de la main-d'oeuvre, soit directement par le programme d'assurance-emploi lui-même, afin d'identifier les lacunes et les surplus des compétences qui existent à l'heure actuelle. De cette façon, on pourra faire les rajustements nécessaires au niveau de la formation pour s'assurer que les compétences des employés correspondent à la demande.

Il faut le faire maintenant parce que nous ne connaissons pas la situation actuelle et il faudra continuer à le faire pour procéder aux ajustements nécessaires pour prévoir et anticiper les besoins.

Il plaît au conseil des employeurs de constater que le ministère du Développement des ressources humaines prend des mesures pour ralentir l'augmentation des cotisations pour les petites entreprises. La fluctuation de ces cotisations a des effets pervers au niveau des entreprises. Si une réserve pouvait être créée afin d'éviter les augmentations pendant les périodes de récession puis des diminutions pendant les périodes fastes, les patrons auraient moins de mal à tenir la barre.

Tout le monde ou à peu près reconnaît que les petites entreprises sont la locomotive de la croissance économique tout particulièrement à Terre-Neuve. Il faut donc absolument éviter que les prélèvements obligatoires fassent obstacle à la croissance. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le remboursement des cotisations aux petites entreprises et la diminution globale des cotisations dégageront des sommes qui pourront être réinvesties dans le secteur privé pour y créer encore plus d'emplois.

.1055

Pour ce qui est des abus, je crois qu'on peut dire sans crainte qu'il n'existe pas de système sans abus et celui-là ne fera certainement pas exception. Cependant, en supprimant certaines des incitations à l'oisiveté, les tentations d'abus seront peut-être moins fortes.

Je crois qu'il faut faire une distinction entre ceux qui abusent du système et ceux qui s'en servent incorrectement par ignorance. Pour nous, ceux qui travaillent juste ce qu'il faut chaque année pour réclamer l'assurance-chômage et en percevoir les prestations sans chercher activement de nouvel emploi tant que ça dure abusent du système. Certes, c'est peut-être une minorité, mais elle existe. Il y a aussi ceux qui perçoivent des gains non déclarés tout en percevant l'assurance-chômage - la prétendue économie souterraine. Je crois que les mesures qui incitent à déclarer tous les gains au titre des prestations de revenu dans le nouveau programme apportent un début de solution dans ces deux cas. Nous en sommes donc heureux.

Même s'il n'est pas très populaire de le dire, il y a des travailleurs qui quittent leur emploi une fois qu'ils ont fait le nombre de semaines nécessaire pour toucher l'assurance-chômage. Selon nos membres, ce ne sont malheureusement pas des cas isolés. C'est ce que notre questionnaire de 1994 nous a appris.

Ensuite il y a ceux qui se servent incorrectement du système par ignorance. Ce sont avant tout des travailleurs saisonniers qui du fait du genre d'industrie pour lequel ils travaillent ont toujours considéré l'assurance-chômage comme un complément de revenu plutôt que comme une mesure de prévention en cas de perte temporaire de revenu. Ils se sont habitués à un système qui leur offre une protection supplémentaire pendant leurs périodes régulières de chômage. S'il y a des personnes et des familles dont les revenus annuels ne sont pas suffisants pour leur assurer l'essentiel nécessaire pour vivre, c'est la fiscalité ou d'autres programmes de soutien du revenu qui devraient prendre en charge leurs besoins et non pas un programme d'assurance-chômage. Les employeurs veulent que l'assurance-chômage retrouve son rôle initial, son rôle d'assistance financière destiné aux travailleurs entre deux emplois et qu'elle permette de réduire la durée de cette période chômée.

Tant que les prestations d'assurance-chômage ou que les prestations d'assurance-emploi continueront à être utilisées comme un complément de revenu, ce programme continuera à être un fardeau tant pour les employeurs et pour les employés que pour les créateurs de prospérité et d'emplois tant au niveau provincial qu'au niveau national.

Pour ce qui est des prestations d'emploi et de la formation, comme pour beaucoup d'autres mesures proposées dans ce nouveau régime d'assurance-emploi, l'approche choisie est d'un pragmatisme rafraîchissant. Encore une fois, je ne pense pas être injuste en disant que l'aide à la formation offerte aux prestataires d'assurance-chômage au cours des dernières années a été assez mal utilisée. Améliorer les qualifications de la main-d'oeuvre est nécessaire et positif, mais il faut en même temps que cette formation soit en prise avec la réalité et corresponde à la carrière choisie. La formation pour la formation n'est pas une utilisation acceptable des fonds publics et il faudra désormais nous assurer que la formation correspond à la demande dans la province concernée.

Nous avons noté que le nouveau programme d'assurance-emploi abandonnera la pratique passée d'achat de sièges dans des établissements postsecondaires pour y placer des prestataires. Il est évident que ce n'est plus le moyen approprié pour aider les chômeurs à se trouver une carrière. Encore une fois c'est une initiative que les employeurs voient d'un bon oeil.

Il faut que le ministère du Développement des ressources humaines travaille en étroite collaboration avec la collectivité, les employeurs en particulier, pour déterminer les priorités de formation ainsi que les compétences et les qualifications qui seront nécessaires demain. À cet égard, donner des moyens supplémentaires à la Commission de mise en valeur de la main-d'oeuvre est très important car c'est elle qui peut le mieux déterminer la formation nécessaire, la demande actuelle, la demande à plus long terme, le mieux assurer que les programmes nécessaires qui soient dispensés par des collèges privés ou par des établissements publics sont en place pour répondre à cette demande.

La Fédération du travail a dit que les prestations d'emploi ne sont en rien créatrices d'emplois. Je crois qu'ils veulent surtout parler des subventions salariales, des suppléments de revenu, d'une aide à l'activité indépendante, et des partenariats de création d'emplois auxquels la partie du programme consacrée aux prestations d'emploi fait allusion.

.1100

Ce n'est pas l'objectif de l'assurance-chômage et je ne pense pas que c'est ce que propose le nouveau système d'assurance-emploi. Le gouvernement fédéral n'est pas là pour créer des emplois. Ce n'est pas son rôle. Son rôle et le rôle de cette partie du programme sont de fournir aux employés les compétences nécessaires et la formation nécessaire pour qu'ils puissent accéder aux emplois existants et pour leur donner en même temps une certaine souplesse leur permettant, en cas de changement d'emploi, d'avoir une multitude de cordes à leur arc et réduisant au maximum la durée des périodes chômées.

Je crois que demain il nous faudra des employés à compétences multiples, à formation multiple et qu'il faudra enterrer la notion de formation unique. En conséquence, la formation sera justement un élément très important.

Le conseil des employeurs ne considère pas le programme de prestations d'emploi du système d'assurance-emploi comme un moyen de création d'emplois. Pour nous c'est un moyen pour cette fin. C'est le secteur privé qui créera ces emplois. Le secteur public offrira la formation nécessaire et les compétences nécessaires afin que nous ayons des travailleurs qui puissent remplir ces postes lorsqu'ils seront créés.

Je crois que nous avons pratiquement utilisé nos 15 minutes. Ce sont tous les commentaires généraux que nous tenions à faire concernant le nouveau régime d'assurance-emploi tel qu'il est décrit dans le projet de loi C-12. Je crois pouvoir dire que les employeurs de notre province le considèrent comme une étape positive sur le chemin de l'amélioration et de la modification du système.

Nous aimerions que chacun des éléments proposés soit inclus.

Il y a eu un certain nombre de discussions au sujet de l'abandon de la règle de l'intensité à cause des problèmes qu'elle cause aux travailleurs saisonniers. Je crois que la règle de l'intensité est un élément important de la modification de l'ensemble du système. Je crois que les problèmes des travailleurs saisonniers et d'autres travailleurs concernant la règle de l'intensité peuvent être réglés par d'autres moyens. Le système d'assurance-chômage ne doit pas être une panacée universelle et il doit retrouver son objectif original.

Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie infiniment de votre exposé.

Nous passons maintenant à la période des questions et des réponses. M. Dubé d'abord, suivi de M. McCormick.

[Français]

M. Dubé: Merci à nos témoins. Monsieur Anthony, comme vos membres sont surtout des employeurs, je comprends votre position.

Lors de votre examen du projet de loi, avez-vous porté une attention particulière à la nouvelle règle d'admissibilité pour les nouveaux prestataires, ceux qui auraient besoin du régime d'assurance-chômage pour la première fois?

Il sera désormais nécessaire d'avoir travaillé 910 heures pour avoir droit à l'assurance-chômage. Parmi les groupes qui sont les plus à risque dans ce domaine, vous savez qu'il y a les femmes qui veulent réintégrer le marché du travail, mais il y a aussi les jeunes.

Pourquoi est-ce que je vous parle des jeunes? Comme vous le savez, à Terre-Neuve, le taux de chômage est très élevé. Lorsque j'y suis allé, il y a un an et demi, plusieurs groupes de témoins nous ont parlé de l'exode des jeunes de votre province pour chercher du travail ailleurs.

Il y a un risque que ce phénomène s'amplifie si nous n'avons pas la capacité, dans certaines régions du pays, de retenir les jeunes pendant les périodes où ils sont sans travail.

.1105

Cela aura des conséquences économiques importantes. À la longue, même vos membres risquent de manquer un jour de main-d'oeuvre au niveau des jeunes. Avez-vous examiné cet aspect?

[Traduction]

M. Anthony: Oui, nous l'avons examiné. Nous ne pensons pas que le passage de 20 à 26 semaines ou à l'équivalence en heures aura un effet négatif. Tous les éléments de ce nouveau programme sont indissociables et il faut considérer l'ensemble pour le comprendre. Il ne faut pas non plus marcher sur le court terme.

Jusqu'à présent on a trop souvent opté pour des mesures ponctuelles, pour des petits changements ici ou là pour contenter des groupes d'intérêts particuliers. Cette nouvelle approche est rafraîchissante car elle considère à long terme les besoins de demain du pays en matière d'assurance-emploi.

Je vous accorde que les Terre-Neuviens sont probablement parmi les plus gros usagers de ce système. Ceux qui feront appel au système pour la première fois devront à compter du 1er juillet avoir travaillé 26 semaines plutôt que 20. Il ne faut pas non plus oublier dans ce contexte que désormais le régime sera fondé sur les heures.

Pour commencer, seront désormais couverts tout un tas de gens qui avaient le nombre de semaines suffisant, mais qui ne remplissaient pas les conditions parce que leurs semaines faisaient moins de 15 heures ou qu'ils gagnaient moins de 163$. Je crois aussi comprendre que le programme permettra aux employés d'additionner les heures de travail faites pour plusieurs employeurs et d'obtenir ainsi le nombre d'heures nécessaires pour avoir droit aux prestations. Encore une fois, ces heures qui autrefois ne comptaient pas compteront désormais.

Je ne pense pas que le passage de 20 à 26 heures réduira grandement le nombre d'ayants droit. Je crois que les autres mesures, en particulier le calcul fondé sur les heures et l'inclusion de toutes les heures travaillées, compenseront cette augmentation du nombre de semaines de travail nécessaires pour avoir droit aux prestations.

Il faut que ce programme d'assurance vise les travailleurs déplacés. Les employeurs se sont toujours plaints, et certainement les employeurs de cette province, du fait qu'ils étaient considérés comme un supplément de revenu. Je crois qu'en relevant le seuil initial, c'est l'intégrité de tout le système qui est préservé alors qu'abaisser ce seuil permettrait à des personnes qui autrement n'y auraient pas eu accès d'avoir accès encore plus tôt aux prestations. C'est encourager la transformation de ce régime en supplément de revenu alors qu'il a pour vocation d'aider les travailleurs entre deux emplois.

[Français]

M. Dubé: Vous dites que cela représente une différence de seulement six semaines, mais il faut voir que, dans certaines régions - je crois que c'est le cas de Terre-Neuve - , il suffisait d'avoir l'équivalent de 300 heures pour obtenir l'assurance-chômage. Le nouveau régime va exiger 910 heures, soit trois fois plus d'heures qu'auparavant. Donc, il ne s'agit pas simplement d'un changement mineur. Dans le cas des jeunes, c'est un changement important. Il sera nécessaire d'accumuler trois fois plus d'heures.

Je n'ai pas les chiffres avec moi ce matin, mais je sais que cela représente des coupures globales importantes pour la population de Terre-Neuve. Souvent on s'attarde à l'aspect individuel de la chose, mais si on regarde cela de façon macro-économique, on voit que des millions de dollars de moins seront versés dans l'économie de Terre-Neuve. Avez-vous évalué cet aspect-là?

.1110

[Traduction]

M. Anthony: Si on considère la perte initiale, il est évident qu'elle est spectaculaire. Je crois que d'une manière générale les employeurs de cette province, surtout ceux dans le secteur de la vente de détail, souhaitent des mesures intérimaires pour amortir le choc. Mais encore une fois, je crois qu'il faut s'éloigner des considérations à court terme. Les changements proposés visent le long terme de ce qui est nécessaire pour améliorer le régime d'assurance-chômage. Se servir d'un problème à court terme pour condamner les changements nécessaires à long terme n'est pas la bonne approche.

Il faut simplement incorporer des mesures qui amortiront l'impact de ces problèmes à court terme car tout changement entraîne automatiquement des problèmes à court terme. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour rejeter ce que nous considérons comme étant une bonne initiative, une initiative intelligente. Je crois que les avantages à long terme réalisés bénéficieront autant aux employeurs qu'aux employés.

Pour les employeurs, nous espérons qu'à long terme les taux de contribution seront réduits. C'est ce qui semble ressortir de cette proposition. Nous espérons aussi que les employeurs bénéficieront d'une main-d'oeuvre plus compétente et plus versatile. Ce sera tout avantage pour les employeurs. Cela leur permettra, surtout à Terre-Neuve, d'attirer les investisseurs et de créer ces emplois qui n'existent pas actuellement et dont l'absence pousse nos jeunes à l'exil.

Toutefois, je ne pense pas qu'on doive conclure à l'impossibilité du projet parce qu'à court terme, il entraînera une perte d'argent. Il faut regarder plutôt le long terme et inclure des mesures d'application immédiate afin d'en atténuer l'impact.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à M. McCormick.

M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox and Addington): Merci beaucoup de cet exposé. Il m'a plu.

Je suis persuadé que ce projet de loi répond à nombre de vos préoccupations au sujet de l'utilisation faite de l'assurance-chômage par le passé. Comme vous l'avez constaté, le projet de loi passe d'un soutien passif à un soutien actif. Je suis heureux de constater que vous appuyez nombre de ces changements.

L'assurance-emploi, grâce aux cinq outils prévus à la partie II de ce projet de loi, offrira un soutien accru aux communautés. Votre association se compose essentiellement de grandes et moyennes entreprises et de quelques entreprises de moindre envergure, lesquelles sont toutes nécessaires pour assurer la vitalité de nos localités.

Un autre aspect de ce projet de loi qui a peut-être retenu votre attention, c'est le fait que les personnes qui n'étaient pas admissibles, celles qui touchent l'assistance sociale et qui n'ont pas fait partie de la population active au cours des trois dernières années, peuvent maintenant présenter une demande. Nous pensons que jusqu'à 45 p. 100 de ces personnes pourraient être admissibles et se prévaloir d'un des cinq outils prévus à la partie II du projet de loi.

En ce qui concerne les petites entreprises, vous avez mentionné les frais accrus qu'entraîneraient les formulaires et la paperasse à remplir pour les travailleurs à temps partiel. Toutefois, je pense que cet aspect est plus que compensé par les économies liées aux relevés d'emploi de ces travailleurs. Les relevés d'emploi constituent un fardeau réel pour de nombreuses petites entreprises. Je pense donc que leur tâche sera grandement allégée. Le système de calcul des heures fera une grande différence et le formulaire ne sera pas si compliqué. Vous en entendrez dire beaucoup de bien.

Vous avez fait valoir qu'il faut recenser les compétences dont les travailleurs en chômage ont besoin. Cela a été fait et sera fait. Le système d'information sur le marché du travail et le marché électronique des emplois, et d'autres mécanismes, aideront les chômeurs à identifier les compétences dont ils ont besoin. Dans de nombreux bureaux de Développement des ressources humaines, on trouvera des centres de ressources qui offriront aux clients les outils nécessaires pour identifier des emplois, des compétences et leurs besoins de formation.

Avez-vous des commentaires sur certains de ces points?

M. Anthony: Tout d'abord, en ce qui concerne l'augmentation des coûts pour les petits employeurs, je ne veux pas y accorder trop d'importance. Nous considérons en fait qu'il s'agit d'un problème à court terme. Ce sera surtout difficile probablement pour les petits employeurs qui font appel à un grand nombre d'employés à temps partiel et qui devront maintenant verser les cotisations de l'employeur. Toutefois, je le répète, je pense qu'il y a d'autres considérations qui sont plus importantes et que les dispositions prévues et les avantages à long terme répondront à nos préoccupations à cet égard.

.1115

J'aimerais prendre quelques instants pour revenir à ce que vous avez dit au sujet des compétences requises et de leur définition. Je reconnais que certaines propositions dans ce plan semblent répondre à nos préoccupations, mais nous ne saurions trop souligner à quel point nous sommes préoccupés par cet aspect. J'ai rencontré, ces dernières années, divers groupes syndicaux que cet aspect préoccupe de plus en plus aussi.

Nous tenons à nous assurer que la proposition prévoit non seulement de recenser les compétences qui existent, de sorte que les employeurs sauront ce qui est disponible et sauront s'ils doivent tenter d'obtenir des programmes directement ou par pression afin de s'assurer que les compétences nécessaires seront disponibles, mais également nous aimerions savoir comment l'on procédera pour coordonner l'information et s'assurer que son accès est facile non seulement pour les employés pour ce qui est des compétences nécessaires, mais pour les employeurs afin qu'ils sachent ce qui est disponible et pour les éducateurs du secteur privé et du secteur public afin qu'ils puissent déterminer quels programmes offrir à l'avenir.

Dans le secteur privé, on offre une formation pour laquelle il n'y a pas suffisamment de demandes. À mon avis, c'est un problème, puisque nous formons des gens pour des emplois qui n'existent pas, alors que dans d'autres régions... Par exemple, à Terre-Neuve actuellement, il est évident que la demande d'opérateur de foreuse au diamant est forte, bien supérieure à l'offre, mais à ma connaissance, il n'y a pas de programme qui offre ce cours.

À mon avis, c'est vraiment comme si la main gauche ne savait pas ce que fait la droite. Nous aimerions que l'on inclue un élément de coordination dans ce système. Peut-être est-ce possible grâce aux ententes de Développement des ressources humaines fédérales-provinciales, mais la coordination est essentielle et il faut pouvoir avoir accès à l'information et l'offrir de façon simple aux employés, aux employeurs, aux syndicats, aux organismes communautaires et aux éducateurs de façon à ce que chacun puisse prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les ajustements voulus sont faits.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé. Nous avons évidemment dûment noté tous vos arguments et nous les utiliserons, dans toute la mesure du possible pour améliorer ce projet de loi. Encore une fois, je vous remercie.

M. Anthony: Merci.

Le président: Nous entendrons maintenant de l'Atlantic Institute for Market Studies: M. Brian Crowley, président, et M. Doug May, membre du conseil et conseiller en recherche.

Monsieur Crowley, vous êtes ici et M. May, je crois, est à Terre-Neuve, c'est bien cela?

M. Brian Crowley (président, Atlantic Institute for Market Studies): Oui.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue. M. May n'est pas encore là, je pense.

M. Crowley: Oui, je pense qu'il sera sans doute dans la salle dans un instant. Pouvons-nous attendre son arrivée?

Le président: Certainement.

M. Crowley: Entre-temps, monsieur le président, puis-je m'assurer que chacun des membres du comité a reçu copie et de notre mémoire, expédié par la poste à l'avance, et du document que j'ai remis au greffier intitulé Towards Sustainable Development in Atlantic Canada.

Le président: Oui, je suis persuadé que les documents ont été distribués.

M. Crowley: Parfait.

.1120

Le président: Je vous souhaite la bienvenue, monsieur May. M. Crowley est ici à Ottawa. Nous avons hâte d'entendre votre exposé sur les moyens d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada.

Comme vous le savez, nous disposons d'environ une demi-heure. Vous pouvez consacrer 10 à 15 minutes à votre exposé et ensuite nous passerons aux questions et réponses.

M. Crowley: Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Je suis le président de l'Atlantic Institute for Market Studies. Doug May, que vous voyez à l'écran, fait partie du conseil d'administration de l'institut et est conseiller en recherche.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas l'Atlantic Institute for Market Studies, je dirai qu'il s'agit d'un groupe d'analyse apolitique et non partisan de questions sociales et économiques dont les membres et partisans incluent des personnes connues du milieu des affaires, des milieux professionnels et universitaires de la région de l'Atlantique et de tout le pays.

Nous tous à l'institut partageons une préoccupation principale, celle de nous assurer qu'un examen complet et approfondi est fait de toute la gamme des options réalistes visant le développement de l'économie de la région de l'Atlantique. Vu la dépendance bien connue de notre région à l'égard du financement gouvernemental, et la crise financière dans le secteur public, nous estimons que ce travail revêt une urgence particulière en ce moment. C'est justement ce qui nous amène, tout naturellement, à parler de la question à l'ordre du jour aujourd'hui, la réforme de l'assurance-chômage.

Vous avez notre mémoire. En outre, vous avez maintenant en main un mémoire détaillé dans lequel nous analysons les réformes de l'assurance-chômage, lequel a été préparé pour le compte de l'institut par Doug May et le professeur Morley Gunderson, directeur du Centre des relations industrielles de l'Université de Toronto.

Puisque nous avons si peu de temps, mesdames et messieurs, je vais me lancer immédiatement dans un bref résumé de ce que nous voulons dire. Je vais tenter de m'en tenir à sept ou huit minutes, pour ensuite demander à Doug s'il a quelque chose à ajouter.

Je pense que l'on peut dire que tout le monde reconnaît au Canada que quelque chose ne va vraiment pas dans le régime actuel d'assurance-chômage. Les sondages révèlent que c'est tout autant le cas dans la région de l'Atlantique qu'ailleurs. Les habitants de la région de l'Atlantique sont tout à fait en faveur d'une réforme de l'assurance-chômage.

Les auteurs du mémoire que vous avez devant vous considèrent que l'assurance-chômage comporte trois grands problèmes.

Tout d'abord, les mesures incitatives inhérentes à l'assurance-chômage ont un effet pervers tout sur le plan économique que sur le plan social. Les mesures incitatives sont importantes. Les employeurs, les gouvernements et les travailleurs de notre région réagissent à ces mesures d'une façon qui nuit à l'économie et qui est particulièrement dévastatrice pour les populations âgées des régions rurales, c'est-à-dire certains des plus vulnérables dans la région de l'Atlantique. Pourtant ce sont ces mêmes mesures incitatives qui séduisent les générations plus jeunes dans la région de l'Atlantique et les font succomber à une routine de dépendance envers l'assurance-chômage. Une fois pris dans l'engrenage, les obstacles pour y mettre un terme peuvent sembler extrêmement intimidants et insurmontables.

Deuxième grand problème, l'assurance-chômage tente d'intégrer deux aspects très différents au sein d'un même programme. Il y a le programme d'assurance-emploi et le programme d'assistance sociale dont les objectifs sont tout à fait opposés. C'est justement le conflit entre ces objectifs qui déchire le régime d'assurance-chômage.

Le programme repose sur peu de principes d'assurance et par conséquent, ses prestations sont attribuées de façon capricieuse et dévastatrice sur le plan économique, comme par exemple lorsqu'on subventionne, à même l'assurance-chômage, les emplois peu spécialisés, saisonniers, aux dépens d'emplois bien rémunérés, à plein temps, à l'année longue.

Cette farce économique est financée par les charges sociales, méthode qui a fait ses preuves pour détruire des emplois. Le fardeau de ces charges incombe à 80 p. 100 des travailleurs. Ne faites pas attention à la formule officielle prévue dans le projet de loi. Des études révèlent qu'incontestablement, 80 p. 100 des employés supportent le fardeau réel des cotisations de l'assurance-chômage. Pour un programme d'assistance sociale à peine déguisé, les charges sociales constituent une méthode de financement particulièrement perverse et régressive.

Troisième grand problème, l'assurance-chômage est complètement injuste. Cet aspect découle de la nature du régime comme programme d'assurance et comme programme d'assistance sociale.Il n'y a aucune justification - et je tiens à le répéter - qui permet de croire que l'assurance-chômage se justifie comme méthode de promotion de l'égalité sociale.

.1125

En Nouvelle-Écosse, l'assurance-chômage subventionne à raison de 100 millions de dollars les ménages dont le revenu dépasse les 60 000$. Je pense que cela mérite d'être répété. L'assurance-chômage, au cours de la dernière année pour laquelle nous avons des chiffres, a permis de diriger 100 millions de dollars vers des familles dont les revenus dépassaient 60 000$, mais uniquement 30 millions de dollars aux ménages dont les revenus étaient inférieurs à 10 000$.Je pense que c'est scandaleux.

À Terre-Neuve, 40 p. 100 des ménages dont les revenus dépassaient les 70 000$ - dépassaient les 70 000$ par année, mesdames et messieurs - ont touché des prestations d'assurance-chômage alors que 25 p. 100 seulement des ménages qui ont gagné moins de 10 000$ ont touché des prestations.

Mesdames et messieurs du comité, la question qui se pose alors est la suivante. Les modifications proposées par le gouvernement à l'assurance-emploi répondent-elles au défi que pose une réforme?

Eh bien, de l'avis des auteurs du mémoire que vous avez sous les yeux, non. Cela ne signifie pas, mesdames et messieurs, qu'il n'y a pas d'améliorations dans ce que propose le gouvernement. Nous avons souligné et même loué certaines de ces améliorations tant dans le mémoire que dans le document de recherche. Toutefois - et c'est très important - il n'y a aucun changement fondamental. La réforme proposée ne fait que modifier légèrement un régime vicieux et régressif. Or ce régime réclame une réforme fondamentale.

Selon nos analyses, l'assurance-chômage ne réduit que légèrement certaines des distorsions et mesures incitatives les plus perverses du régime d'assurance-chômage, mais ce de façon tout à fait marginale. Permettez-moi d'attirer votre attention sur le fait suivant: les propositions du régime d'emploi augmenteront en fait la répartition inéquitable des prestations qui favorisent déjà, d'une façon disproportionnelle, les bien nantis. L'assurance-emploi continuera à subventionner les industries saisonnières aux emplois peu spécialisés et à accorder même des prestations régionales élargies dans les régions à taux de chômage élevé.

Ainsi, mesdames et messieurs, on continuera à empêcher la redistribution des ressources et des emplois des secteurs peu spécialisés en déclin vers les industries et aux régions montantes et on continuera de décourager l'acquisition de compétences.

Enfin, bien que la réforme réduise les prestations versées dans la plupart des cas, aux familles à revenu élevé - et je sais que vous êtes au courant - vous ne savez peut-être pas que les familles à faible revenu feront face à une réduction encore plus grande. Il faut le démontrer, mesdames et messieurs. Faites l'analyse des propositions gouvernementales sur l'assurance-emploi en utilisant le modèle SPSM de DRHC. Cela ne s'est jamais fait. À ma connaissance, c'est la première fois qu'il en est question publiquement.

Selon le modèle SPSM, la plupart des ménages qui touchent l'assurance-chômage et dont les revenus dépassent 50 000$ perdront moins de 1 p. 100 de leur revenu disponible alors que la plupart des familles dont le revenu est inférieur à 20 000$ feront face à une diminution de leur revenu disponible de 3 à 5 p. 100. Nous nous servons du propre modèle SPSM du gouvernement. Nous avons obtenu ces chiffres au moyen d'une simulation faite par Doug May, qui est à Saint John's. Il pourra vous en dire plus long à ce sujet.

Pour terminer ma partie de l'exposé, j'aimerais mentionner que je sais pertinemment que de nombreuses personnes qui reconnaissent que le régime d'assurance-chômage est mauvais prétendront néanmoins que le moment est mal choisi pour une réforme. Ces personnes ont tort, mesdames et messieurs, non pas parce qu'une réforme de l'assurance-chômage ne ferait pas mal, au contraire, mails elles ont tort précisément parce que de ce point de vue, il n'y aura jamais de moment où cela ne fera pas mal. Plus nous attendons, plus le prix de cette réforme sera élevé, non pas uniquement sur le plan économique, mais sur le plan humain - en termes de déplacement, de perte de revenu et d'incertitude accrue.

Nous vous demandons, mesdames et messieurs du comité, nous vous exhortons, en fait nous vous implorons, de ne pas abandonner la région de l'Atlantique encore une fois aux griffes d'un régime bien intentionné mais profondément faussé et préjudiciable, qu'il s'appelle assurance-chômage ou assurance-emploi. Prenez le taureau de la réforme par les cornes maintenant.

Les auteurs des documents que vous avez devant vous estiment qu'avec une bonne gestion et si l'on est prêt à courir des risques politiques, on peut réussir cette transition vers un régime à croissance économique soutenu à long terme dans la région de l'Atlantique. Nous pensons que ceux qui en profiteront principalement, appartiennent à un groupe qui n'a jamais touché de chèque d'assurance-chômage: nos fils et nos filles et la génération suivante.

Doug, avez-vous quelque chose à ajouter?

.1130

M. Doug May (membre du conseil et conseiller en recherche, Atlantic Institute for Market Studies): Merci, Brian. Il y a quelques points que j'aimerais mentionner. Tout d'abord - le modèle SPSM n'est pas le modèle de DRHC mais bien de Statistique Canada. Nous avons probablement utilisé une version plus récente que DRHC.

Je vais ajouter quelques commentaires. Il est clair pour tous que nous sommes en difficulté ici. La situation n'est guère reluisante. C'est particulièrement vrai lorsque l'on songe aux travailleurs qui n'ont plus d'option dans le secteur des pêches.

Comment faire face à ce problème? Comment pouvons-nous surmonter cette tragédie? Tout d'abord, nous ne pouvons pas tout cacher sous le tapis. Il faut faire face à ces difficultés honnêtement. Pour ceux qui se trouvent pris, surtout en région rurale, surtout certains jeunes et même des gens dans la quarantaine, il faut tenter d'en sortir tout en laissant leur dignité à ces gens. Très franchement, monsieur le président, certains pourront s'adapter, d'autres pas.

Donc, dans l'examen des solutions au problème, je demanderais aux membres du comité de se demander comment nous pouvons nous adapter, et ce au moindre coût. Demandez-vous qui en fait est le plus apte à s'adapter. Nous avons formulé des solutions qui se trouvent dans notre mémoire.

Tout d'abord, les jeunes - et je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de professeur d'université. Tant d'étudiants qualifiés ne sont pas venus à mes cours simplement parce que nombre de leurs collègues ont décidé par le passé de décrocher, peut-être après la neuvième ou la dixième année, et d'aller travailler à l'usine de transformation de poisson ou d'aller travailler comme bûcheron ou Dieu sait quoi. Ces gens, dont un grand nombre reçoit des prestations dans le cadre de LSPA, ont très peu d'options.

Je dois également demander aux députés d'où doit venir cet argent. Qui a le moins besoin de cet argent? Qui en a le plus besoin? Les économistes parlent toujours de débouchés, de solutions de rechange. Quels sont les débouchés dans cette région?

Nous avons été témoins des réductions apportées par le biais du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Nous avons vu ce qui s'est passé. Nous semblons refuser l'argent à certains de ceux qui sont le plus dans le besoin. Pourtant année après année, ceux qui ont des emplois saisonniers, qui se tirent assez bien d'affaires, reçoivent des suppléments. Je demande simplement aux députés si, à leur avis, cela est juste.

Je n'ai qu'une dernière chose à ajouter. La modification du système offre très peu d'options. Vous devez donc être très prudents. Je demanderais aux représentants de DRHC d'être également très prudents lorsqu'ils essaient d'évaluer l'incidence sur le comportement et les incidences à long terme dans certaines régions de l'Atlantique. Après avoir étudié les données, monsieur le président, je crois que l'incidence sur les plus démunis pourrait être encore plus radicale que le ministère ne le pense. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à la période des questions. M. Dubé, suivi de M. Easter.

[Français]

M. Dubé: J'ai parcouru le mémoire très rapidement parce que je ne l'ai reçu que ce matin. Il est intéressant puisqu'il apporte un point de vue très différent de ceux qu'on entend habituellement.

Votre système d'évaluation est basé sur le principe du revenu familial. C'est une façon de voir les choses, bien qu'il faille tenir compte que les chiffres que vous mentionnez, de l'ordre de plus de 60 000$, peuvent à première vue sembler élevés. Vous êtes sans doute conscient que c'est une approche un peu particulière face à un problème qui est somme toute social, mais aussi très individuel. Vous parlez de système d'assurance. Vous vous plaignez du fait que le régime actuel a tendance à confondre sécurité sociale et assurance. Vous utilisez toutefois comme indicateur le revenu familial dans votre réflexion finale.

.1135

Je n'ai peut-être pas bien lu votre mémoire, mais votre approche me semble contradictoire. Pouvez-vous me donner des explications?

M. Crowley: La réponse est assez simple. On s'est posé la question. Si, comme on le croit, on est en pleine crise fiscale au Canada, il faut, pour chaque programme social, qu'on se demande si on donne les prestations à ceux qui en ont vraiment besoin. L'analyse des revenus familiaux nous démontre très clairement que de ce point de vue-là, les prestations d'assurance-chômage ne vont pas à ceux qui en ont besoin, mais à ceux qui ont déjà des revenus très élevés.

Le régime est en partie un système d'assurance et il est normal que quelqu'un qui gagne un revenu très élevé reçoive plus d'argent lorsqu'il perd ce revenu. C'est le point qu'on a soulevé dans notre mémoire: si on veut un système dont le but est de venir en aide à ceux qui en ont besoin, il faut séparer ce système du Régime d'assurance-chômage. Dans notre mémoire, nous proposons notamment de fusionner ça avec le système fiscal et de créer, à toutes fins pratiques, un système de revenu annuel garanti, afin que seuls les gens à bas revenu reçoivent des prestations. Il est normal de tenir compte des revenus familiaux. Sur le plan international, dans les régimes d'assurance-chômage et les système de supplément du revenu, on tient compte, dans la vaste majorité des cas, des revenus familiaux.

Du point de vue de l'opinion publique, je crois que la grande majorité des Canadiens appuient le principe voulant que seuls les gens ayant besoin d'un supplément de revenu doivent recevoir ce supplément-là.

Le système actuel garantit un supplément de revenu à certaines personnes qui n'en ont pas besoin, si on compare leur revenu au revenu industriel moyen, par exemple. Telle est notre pensée à cet égard.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Easter.

M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président.

Je suis déconcerté par les statistiques que j'ai sous les yeux. Tout d'abord, monsieur Crowley, j'aimerais dire quelques mots sur cette idée que les cotisations font disparaître les emplois. Je suis un employeur. Lors de ses audiences sur les programmes de sécurité sociale, le Comité du développement des ressources humaines a entendu des milliers de témoins de toutes les régions du pays, et je crois que seuls deux témoins se préoccupaient des cotisations.

À titre d'employeur, je ne crois pas que les cotisations fassent disparaître les emplois. En fait, à mes yeux, le système d'assurance-chômage, et je parle à titre d'entrepreneur de la région atlantique, est important parce qu'il aide des travailleurs très qualifiés pendant la saison morte; de cette façon, ces travailleurs peuvent reprendre leur emploi lorsqu'il devient à nouveau disponible.

Mais j'aimerais savoir sur quoi vous fondez ce commentaire. À mon avis, je dois l'avouer, vous semblez supposer que l'assurance-chômage est le problème plutôt que... il est peut-être vrai qu'il existe des problèmes; nous le reconnaissons tous, et c'est pourquoi nous apportons des modifications au régime. Mais qu'en est-il des secteurs saisonniers, de la pénurie d'emplois dans certaines des régions éloignées? Cela ne fait-il pas également partie du problème? Qu'en pensez-vous?

De plus, pour ce qui est des chiffres que vous avez utilisés, dans le haut de la page 6 - et je lirai votre document - vous parlez de 60 000$ et de 10 000$. Avez-vous des chiffres qui sont plus réalistes, entre 25 000$ et 40 000$? Quelle est l'incidence à ce niveau? Avez-vous étudié la récupération qui ferait descendre les niveaux de revenus élevés tels que proposés dans le projet de loi? Avez-vous tenu compte de cet aspect?

.1140

M. Crowley: Monsieur le président, on me pose plusieurs questions. J'essaierai de répondre assez rapidement à certaines d'entre elles. Je compterai sur M. Easter pour me le signaler si j'oublie certaines questions.

Tout d'abord, vous avez posé une question très intéressante au début de vos commentaires quand vous avez dit que vous étiez un employeur et que vous étiez conscient du fait que l'assurance-chômage permet de maintenir une population active qualifiée. C'est un commentaire intéressant parce que ça fait ressortir une chose dont je suis convaincu, soit que l'assurance-chômage à plusieurs égards est une subvention accordée aux employeurs. Il s'agit d'une subvention à des employeurs particuliers. Une subvention offerte aux employeurs saisonniers, une subvention financée principalement par les travailleurs des secteurs qui ne sont pas saisonniers.

En d'autres termes, vous devez penser à l'endroit dont provient cet argent. Vous enlevez de l'argent à ceux qui travaillent à temps plein, toute l'année, peut-être quelqu'un qui reçoit le salaire minimum en travaillant dans un restaurant à Toronto ou qui s'occupe de l'entretien dans un hôpital à Calgary. Vous prenez cet argent et vous le transférez à un employeur dans la région atlantique pour que ce dernier puisse s'assurer que ses travailleurs restent dans la région pendant la saison morte, ce qu'ils ne pourraient pas faire si cette subvention n'existait pas. Si la subvention n'est pas maintenue, l'employeur devra offrir de meilleurs salaires à ses employés s'il veut que ces derniers restent dans la région.

Monsieur le président, je crois qu'il faut se demander sérieusement si nous devons maintenir ce genre de subvention. Après tout, ces subventions pénalisent ceux qui détiennent les emplois que vous voulez créer et donnent une subvention aux emplois qui, comme M. Easter l'a signalé avec raison d'ailleurs, sont les plus nombreux dans la région atlantique.

Ce qui m'amène à la prochaine question. Pourquoi retrouve-t-on tant d'emplois de ce genre dans la région atlantique? Je crois qu'on peut se demander ce qui vient en premier, l'oeuf ou la poule, mais je dois certainement dire, monsieur le président, que tout semble indiquer que l'assurance-chômage a encouragé la création ou l'expansion d'une économie fondée sur l'emploi saisonnier à court terme parce que ce type d'emploi est subventionné. Une des grandes règles de l'économie, mesdames et messieurs, est que si vous subventionnez quelque chose, cette chose deviendra encore plus populaire. Si le système d'assurance-chômage taxe les emplois à plein temps permanents et transfère cet argent dans le secteur des emplois saisonniers, vous aurez donc plus d'emplois saisonniers et moins d'emplois à plein temps. C'est aussi simple que cela.

Je suis convaincu que Doug aura des commentaires à faire sur la répartition des prestations d'assurance-chômage selon les niveaux de revenu. Vous avez raison de signaler que dans mes commentaires je n'ai parlé que des groupes à faible revenu et des groupes à revenu élevé, parce que je crois que c'est là que la différence est la plus évidente. Évidemment, Doug, dans le rapport qu'il a préparé l'année dernière pour le C.D. Howe Institute, intitulé Between a Rock and a Hard Place, a des tableaux détaillés qui portent sur tous les niveaux de revenu. Je suis également convaincu qu'il a des commentaires à faire sur l'incidence des cotisations d'assurance-chômage sur la création d'emplois.

Le président: Merci, monsieur Crowley. Monsieur May.

M. May: Merci beaucoup.

C'est une question intéressante. Après tout, qu'est-ce qui est venu en premier, l'oeuf ou la poule? Je crois qu'en fait le système d'assurance-chômage comme l'a signalé Brian a créé des secteurs subventionnés. C'est ce qui s'est créé. Ainsi, on détermine qu'il s'agit là du seul type d'emplois disponibles. C'est vrai, parce que comme on le constate si souvent dans la région atlantique, ceux qui ont les connaissances et la formation nécessaires quittent la région. D'autres industries existaient peut-être dans la région auparavant, mais les choses ont bien changé.

Pour ce qui est des chiffres, M. Crowley a également parlé du rapport Between a Rock and a Hard Place. Il y a plusieurs annexes et tableaux à la fin du document qui analysent la situation dans la région atlantique, province par province. De plus, dans le document que le professeur Gunderson et moi vous avons remis ce matin, vous retrouverez une ventilation détaillée en fonction du niveau de revenu. On compare ainsi à l'annexe, aux tableaux 8a et 8b, le régime actuel d'assurance-chômage et le régime d'assurance-emploi proposé.

Le président: Je tiens à vous remercier pour votre présentation. Vous avez mentionné des statistiques fort intéressantes que nous étudierons lorsque nous essaierons d'améliorer le projet de loi. Merci beaucoup.

M. Crowley: Merci.

.1145

Le président: Notre prochain témoin est également à St. John's, Terre-Neuve. Nous entendrons maintenant des représentants du St. John's Board of Trade.

M. Easter: Pendant qu'on attend le prochain témoin, j'aimerais signaler quelque chose. L'étude effectuée sur l'industrie saisonnière accuse simplement le programme d'assurance-chômage de subventionner les industries saisonnières. Ce n'est peut-être pas entièrement faux, mais je crois qu'il faudrait indiquer officiellement que cette étude a également fait ressortir que ces industries saisonnières génèrent une certaine activité économique. Ce secteur n'est actif peut-être que pendant une certaine période de l'année, mais génère beaucoup d'activités, de richesses, crée des emplois et des emplois douze mois de l'année dans d'autres secteurs. En d'autres termes, des gens disposent d'emplois à temps plein grâce aux activités des industries saisonnières.Je voulais simplement faire ressortir cet aspect de la question.

Le président: Je pense que vous avez présenté un excellent argument et nous en avons pris bonne note.

Nous allons faire une pause d'une ou deux minutes en attendant Ann Rose, présidente duSt. John's Board of Trade.

.1146

.1148

Le président: La séance reprend et je souhaite la bienvenue à Ann Rose, présidente duSt. John's Board of Trade. Comme vous le savez, nous examinons le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, et nous aimerions entendre votre point de vue afin de nous aider à améliorer le projet de loi.

Mme Ann Rose (présidente, St. John's Board of Trade): Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui. Comme vous le savez certainement, les questions liées à l'assurance-emploi sont de nature très délicate pour la population de Terre-Neuve. À titre de présidente de la plus grande organisation d'affaires de la province, qui représente 550 entreprises employant plus de 20 000 personnes, je m'intéresse vivement aux conséquences qu'entraîneront pour le monde des affaires les changements proposés à l'assurance-chômage.

Le St. John's Board of Trade reconnaît qu'un pays où l'on travaille et une économie saine vont de pair. S'assurer que les Terre-Neuviens et les Canadiens qui ont perdu leur emploi bénéficient d'un soutien temporaire du revenu ainsi que des outils nécessaires pour trouver d'autres possibilités d'emploi...

[Difficultés techniques - Éditeur]

Des employés et des employeurs ont abusé du processus actuel. Il est devenu un programme d'assistance sociale et nous pensons qu'il ne répond plus à son objectif original. Le St. John's Board of Trade est heureux de voir que le gouvernement répond au besoin de changement en prenant les mesures nécessaires pour moderniser le programme d'assurance-chômage.

Bien que la mesure législative ne soit pas parfaite, le Board of Trade est généralement en faveur de l'ensemble des réformes proposées au programme d'assurance-chômage dans le projet de loi C-12 et reconnaît combien il est important de réaliser certains objectifs économiques essentiels.

.1150

À titre de représentants d'une région à chômage élevé, nous avons toutefois d'autres préoccupations et des suggestions à faire sur la façon d'adapter le programme à notre région. Nous espérons que l'idée d'établir des programmes «absolument uniformes» dans notre pays, qui comporte des régions diverses, est chose du passé.

On a trop longtemps tenté d'utiliser le programme d'assurance-chômage comme solution à un trop grand nombre de nos problèmes sociaux. L'assurance-chômage aurait dû avoir un objectif et un seul: servir de mesure pour aider ceux qui sont temporairement sans travail. Le programme n'aurait pas dû avoir d'autre objectif. Nos autres problèmes sociaux et le chômage structurel, je pense, sont des questions auxquelles il faudrait remédier par d'autres programmes.

En décembre 1993, le gouvernement de Terre-Neuve a proposé un programme de supplément du revenu. Ce programme est fondé sur une analyse des problèmes économiques particuliers à notre province qui ont contribué à son sous-développement, notamment les conséquences d'une main-d'oeuvre relativement moins instruite que la moyenne et très dépendante des programmes de sécurité du revenu.

Bon nombre des éléments proposés dans le programme de supplément du revenu sont inclus dans les changements que vous proposez à l'assurance-chômage, y compris des mesures d'encouragement aux études et à la création d'entreprises, ainsi qu'une amélioration des prestations versées aux salariés à faible revenu. Mais il y a un élément clé qui n'a pas été inclus, à notre avis, dans les changements proposés à l'assurance-chômage, et qui figurait dans le programme de supplément du revenu, et il s'agit du supplément du revenu de base ainsi que du supplément au revenu de travail.

Le St. John's Board of Trade craint que si l'on ne présente pas de telles mesures compensatrices, les Terre-Neuviens assisteront à une baisse importante de leur revenu et à une augmentation du nombre de personnes ayant besoin d'aide sociale, ou encore l'émigration d'un grand nombre de personnes de notre province.

Des tentatives précédentes pour effectuer une refonte complète de la sécurité du revenu ont échoué parce qu'elles n'ont pas veillé à assurer un soutien du revenu de base aux familles à faible revenu. La proposition de réforme du programme de soutien du revenu aborde cette question en tenant compte des besoins en revenu des familles à faible revenu. L'objectif du supplément du revenu de base est d'assurer un supplément du revenu de base à tous les citoyens ayant peu ou pas de revenus. Ce programme garantirait la sécurité d'un revenu de base à toutes les familles et à tous les particuliers, quelle que soit leur situation, et permettrait à chaque famille de continuer de recevoir ce revenu tant que le revenu gagné n'aurait pas remplacé le supplément du revenu de base à un niveau de revenu qui réduirait la dépendance envers le programme de sécurité du revenu.

L'objectif du programme de supplément au revenu de travail est d'encourager les gens à travailler en ajoutant au revenu des salariés à faible revenu. Le programme de supplément au revenu de travail encouragerait les gens à faire partie de la population active en ajoutant à leur faible revenu. Il encouragerait également les gens à travailler plus longtemps en continuant de les récompenser pour leurs efforts, quel que soit le nombre de semaines travaillées. Le programme de supplément du revenu augmenterait les revenus des particuliers à faible revenu et améliorerait la prospérité des familles.

On propose de financer ce programme en réaffectant des fonds provenant du compte d'assurance-chômage, de l'aide sociale et des prestations fiscales pour enfants.

Le programme de supplément du revenu comporte plusieurs autres éléments et pour votre gouverne, nous avons joint à notre mémoire un appendice contenant cette proposition de 1993.

Il reste encore plusieurs questions à régler, mais il y a lieu d'admirer l'objectif de résoudre les problèmes particuliers à Terre-Neuve, auxquels on a tenté de s'attaquer pendant tant d'années.

Le St. John's Board of Trade est heureux que le projet de loi C-12 comprenne des dispositions visant à renforcer les conditions d'admissibilité aux prestations d'assurance-chômage. Le fait d'augmenter de six semaines le nombre de semaines de travail requis pour les primo-demandeurs pour avoir droit à des prestations réduira l'attrait du travail saisonnier et à temps partiel qu'offrent plusieurs de nos industries, des emplois qui, combinés aux prestations d'assurance-chômage que reçoivent les employés, paient souvent plus que des emplois de débutants à plein temps.

Nous appuyons également la mesure gouvernementale en vue de réduire de 50 à 45 semaines la période maximale pendant laquelle les prestataires peuvent recevoir des prestations.

Nous appuyons aussi le fait que le régime d'assurance ne sera plus fondé sur les semaines de travail, un montant hebdomadaire minimal et maximal étant assuré, mais sera dorénavant fondé sur la rémunération totale et le nombre total d'heures travaillées, à partir du premier dollar et de la première heure. Ce nouveau régime permettra de mieux tenir compte de la variété des conditions d'emploi qui existent actuellement sur le marché du travail.

La modification permettra de simplifier les exigences relatives aux déclarations des employeurs et à la perception des cotisations. Elle découragera aussi les abus et contribuera à compenser les mesures qui découragent les gens de chercher à garder plus longtemps leur emploi.

Le projet de loi C-12 contient une règle d'intensité, qui réduit graduellement les prestations reçues en fonction du nombre de semaines pendant lesquelles une personne a reçu des prestations d'assurance au cours des cinq années précédentes.

La décision qu'a prise le gouvernement d'insérer ce nouvel élément dans le régime d'assurance-chômage est encourageante, mais nous croyons que les restrictions imposées aux prestations des particuliers qui ont très souvent recours au régime sont trop modérées. La réduction maximale est seulement de 5 p. 100 des prestations, en plus d'une réduction de 1 p. 100 pour chaque période supplémentaire de 20 semaines de prestations reçues au cours des cinq années précédentes. En outre, le taux plancher de 5 p. 100 pour la réduction totale des prestations signifie que seuls les particuliers qui gagnent le taux de salaire maximum de 750$ par semaine verraient leurs prestations réduites de façon importante.

.1155

Le St. John's Board of Trade propose donc qu'on instaure graduellement un système de remboursement accéléré pour les personnes qui ont très souvent recours au régime. Cela réduirait grandement les éléments de dépendance et la distorsion négative liée au régime actuel. On pourrait aussi s'attaquer à ces problèmes en augmentant les cotisations payées par les personnes qui ont fréquemment recours au régime.

Nos propositions contribueraient à rapprocher davantage le programme d'un véritable programme d'assurance pour lequel on paie des primes et où la protection varie en fonction du risque.

Le St. John's Board of Trade appuie l'idée d'un renforcement du système de remboursement pour les travailleurs à revenu élevé qui utilisent fréquemment le régime, comme le propose le projet de loi C-12. En vertu du nouveau régime, les prestataires qui ont un revenu élevé et qui ont reçu des prestations au cours des cinq dernières années devront rembourser une partie de leurs prestations dans le cadre du régime fiscal.

De même, nous sommes heureux que le projet de loi C-12 prévoie des prestations supplémentaires pour les salariés à faible revenu. On canalisera ainsi des ressources supplémentaires vers les personnes qui en ont le plus besoin pour réintégrer le marché du travail.

En raison de l'amélioration de la situation économique, combinée aux modifications déjà apportées au programme afin de réduire le total des prestations versées, le compte d'assurance-chômage a connu dernièrement des excédents. Le surplus devrait atteindre 5 milliards de dollars d'ici 1996 et entre 9 et 10 milliards de dollars d'ici 1997.

Le St. John's Board of Trade est d'avis qu'on ne devrait jamais laisser l'excédent du compte d'assurance-chômage dépasser 5 milliards de dollars. C'est une protection plus que suffisante en prévision d'une phase descendante du cycle économique. Tout excédent dépassant ce montant est inutile et réduit la capacité des employeurs d'embaucher d'autres employés. Nous reconnaissons que le compte doit accumuler un excédent afin qu'on puisse être certain que les cotisations seront suffisantes pendant un ralentissement de l'économie pour qu'on n'ait pas à augmenter les cotisations des employeurs et des employés. Cependant, nous croyons qu'un excédent de 5 milliards de dollars constitue une protection raisonnable et tout excédent dépassant cette somme indique clairement que les charges sociales sont trop élevées. La partie de l'excédent dépassant 5 milliards de dollars devrait être remise à ceux qui ont cotisé au régime, les employeurs et les employés, sous forme de cotisations réduites.

Le St. John's Board of Trade a longtemps soutenu qu'il existe un lien incontestable entre les modifications apportées aux charges sociales et la création d'emplois. Nous croyons qu'une réduction des charges sociales en ce moment amènerait les entrepreneurs à décider d'employer plus de travailleurs. On augmenterait ainsi le nombre de contribuables, ce qui ferait monter les recettes du gouvernement. En outre, il y aurait moins de personnes qui recevraient des prestations d'assurance-chômage et d'aide sociale, ce qui réduirait les dépenses gouvernementales.

Le St. John's Board of Trade reconnaît que la formation visant spécifiquement à aider les travailleurs à acquérir les compétences professionnelles dont on a besoin quelque part au Canada peut donner des résultats. Le projet de loi C-12 prévoit que certains prestataires pourront obtenir des prêts d'emploi ou des subventions qui leur donneront les ressources nécessaires pour fréquenter des établissements d'enseignement provinciaux ou d'autres établissements reconnus afin d'acquérir les compétences nécessaires pour obtenir un emploi.

La priorité du gouvernement, en ce qui concerne l'utilisation de tout nouveau crédit lié au programme d'assurance-chômage, devrait viser des mesures dont les avantages sont démontrés et dont les résultats seront immédiats - c'est-à-dire la réduction des cotisations des employeurs et des employés.

Étant donné les avantages douteux que représentent les programmes de formation, le St. John's Board of Trade propose que le gouvernement consulte les industriels afin de mieux axer les mesures de formation et de s'assurer que les crédits disponibles seront judicieusement dépensés.

En terminant, le St. John's Board of Trade tient à répéter que la meilleure façon pour le gouvernement de créer des emplois est de favoriser un contexte propice à la prospérité des entreprises et des employés canadiens. Le gouvernement a eu la sagesse de désigner la réforme de l'assurance-chômage comme un pilier de sa politique visant le renouveau économique et la création d'emplois. À bien des égards, le projet de loi C-12 apporte une amélioration importante au programme actuel d'assurance-chômage et reçoit notre appui.

Un certain nombre de dispositions du projet de loi contribueront à accroître l'efficience et l'efficacité du programme, à en simplifier l'administration par les employeurs tout en rendant le travail plus attrayant, en raison de la réduction du montant des prestations et de leur durée. À d'autres égards, cependant, comme l'absence de réduction des cotisations et la lenteur des réformes de certains programmes de soutien du revenu, le projet de loi ne va pas assez loin et devrait être modifié en conséquence. Le gouvernement doit séparer l'assurance-chômage des programmes de soutien du revenu et instaurer des mesures pour tenir compte des circonstances particulières à diverses régions du pays.

Je vous remercie beaucoup et je suis maintenant prête à répondre à vos questions.

Le président: Avez-vous des questions, monsieur Byrne?

M. Byrne (Humber - Sainte-Barbe - Baie Verte): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole pour la première fois au Comité permanent du développement des ressources humaines. Je vais poser une question rapide à Mme Rose.

Vous avez mentionné une suggestion que vous préconisez, à savoir qu'on augmente les cotisations de ceux qui ont fréquemment recours au régime. Je suppose que cela inclurait les travailleurs saisonniers. Ils seraient considérés comme des usagers fréquents.

.1200

Je me permets de vous demander si vous préconiseriez également qu'on augmente les cotisations des employeurs des secteurs industriels saisonniers afin de les encourager à prolonger leur saison de travail. Pensez-vous que cela constituerait un encouragement approprié aussi pour les employeurs?

Mme Rose: Je voudrais vous répondre en vous parlant de deux secteurs. Premièrement, nous suggérons dans notre mémoire qu'on adopte des mesures différentes pour les travailleurs saisonniers, notamment les travailleurs de Terre-Neuve dans le secteur de la pêche et celui de la construction, et nous disons qu'un programme d'assurance n'est pas celui qui convient pour les travailleurs saisonniers ou le chômage structurel. En ce qui concerne l'augmentation des cotisations, je pense que les employeurs et les employés doivent en payer une part égale.

Le président: Je vous remercie, madame Rose, de votre exposé. Nous allons certainement prendre note de tous vos arguments et nous utiliserons ceux qui conviennent pour améliorer le projet de loi C-12. Merci beaucoup.

Mme Rose: Merci beaucoup.

Le président: Nos témoins suivants sont également de Saint-John's, à Terre-Neuve. Ils représentent la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador. Nous ferons une brève pause afin de donner aux témoins le temps de prendre place.

.1202

.1208

Le président: Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador. Comme vous le savez, le comité tient des audiences pour entendre les Canadiens d'un océan à l'autre, afin de recevoir des conseils sur la façon dont nous pourrions améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Nous avons hâte de vous entendre.

Mme Elaine Price (présidente, Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador): Merci. Nous avons un certain nombre d'arguments à présenter. Nous comprenons que votre temps est limité et nous ferons de notre mieux pour respecter votre horaire.

Le programme d'assurance-chômage est un élément crucial du réseau de sécurité du revenu qui vise à protéger le revenu et le niveau de vie des gens pendant des périodes de chômage et de difficultés économiques. En raison de la dernière série de compressions importantes, moins de la moitié des chômeurs du Canada reçoivent actuellement des prestations d'assurance-chômage. La proposition dont vous êtes saisis contient d'autres mesures de compressions, qui réduiront encore considérablement l'accès aux prestations et leur niveau. Environ un tiers seulement des chômeurs auront droit aux prestations d'assurance-chômage.

.1210

La Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador estime que l'adoption du projet de loi C-12 détruira le programme d'assurance-chômage et fera disparaître ses principes d'assurance. Les modifications proposées auront un effet dévastateur sur les travailleurs en chômage, leurs familles et leurs collectivités.

Il n'y a aucune justification financière pour ces compressions massives. La caisse d'assurance-chômage aura un bon excédent de plus de 5 milliards de dollars d'ici la fin de cette année. D'après les prévisions du gouvernement fédéral, cet excédent passera à quelque 20 milliards de dollars d'ici l'année 1998.

Le changement du nom de la mesure législative représente un virage fondamental, car au lieu de se concentrer sur la sécurité du revenu, on s'oriente vers les services en matière d'emploi, qui devraient être financés à même le Trésor, à notre avis, au lieu de provenir du compte d'assurance-chômage. Il est absolument inacceptable qu'on affecte ces crédits à autre chose que l'assurance-chômage. Cet argent appartient aux travailleurs et aux employeurs. Le gouvernement ne contribue pas à la caisse d'assurance-chômage; il est seulement l'administrateur du programme.

Le gouvernement n'a pas le droit de modifier unilatéralement le concept original du programme d'assurance-chômage ni son objectif. Le projet de loi tout entier est fondé sur le principe qu'il y a des emplois disponibles, supposant que les gens qui sont sans emploi ont un choix, qu'il existe des emplois s'ils sont disposés à travailler. Cette façon de penser ne tient pas compte de l'existence du chômage structurel au Canada.

Le taux officiel de chômage est actuellement de 10,4 p. 100, alors que le taux réel de chômage est beaucoup plus élevé, quand on tient compte des gens qui ont renoncé à chercher du travail et des travailleurs à temps partiel qui veulent travailler à plein temps.

Dans la province de Terre-Neuve et du Labrador, le chômage a toujours été beaucoup plus élevé que la moyenne nationale. Présentement, il se situe officiellement à 20 p. 100. Le taux réel de chômage, cependant, dépasse 50 p. 100, et atteint même 90 à 100 p. 100 dans certaines parties rurales de Terre-Neuve et du Labrador.

On ne tient pas compte des diverses structures du marché du travail, lorsqu'on pénalise les travailleurs temporaires, à temps partiel et saisonniers, en limitant leur accès aux prestations et en réduisant le niveau de ces prestations. Les emplois permanents à plein temps disparaissent graduellement et un nombre de plus en plus grand de gens doivent chercher des emplois temporaires, à temps partiel et faiblement rémunérés. Les travailleurs de notre province seront pénalisés parce qu'ils travaillent dans des industries à caractère saisonnier, parce qu'il est impossible de travailler hors saison à cause du climat ou du produit, ou encore de la nature du service, et parce qu'il n'y a pas d'autres emplois disponibles.

Présentement, la politique économique du gouvernement fédéral est axée sur la réduction à grande échelle des dépenses gouvernementales au lieu de viser à augmenter les recettes afin de favoriser le développement économique et la création d'emplois. En outre, le gouvernement fédéral et la Banque du Canada sont en désaccord sur ce qu'ils appellent un taux acceptable ou naturel de chômage de 8 à 10 p. 100.

Compte tenu du fait qu'il est possible d'adopter une autre politique économique réaliste et que la caisse d'assurance-chômage compte un excédent, les compressions massives prévues dans le projet de loi C-12 constituent une attaque absolument injustifiée contre les chômeurs et leurs collectivités.

Les changements proposés aux prestations toucheront de façon disproportionnée les gens qui sont justement le moins en mesure de le supporter. Les travailleurs à temps partiel et les travailleurs temporaires qui ont des emplois faiblement rémunérés, en particulier les femmes et les jeunes, seront les plus durement frappés.

Le gouvernement fédéral a fait grand cas des avantages du calcul de toutes les heures travaillées pour un employeur dans la formule d'admissibilité, mais ce changement positif est largement compensé du fait qu'on double l'exigence relative au nombre d'heures de travail par semaine, qui passe de 15 à 35 heures, de sorte que pour être admissible, une personne doit travailler au moins 420 heures, et selon le taux de chômage, cette augmentation peut aller jusqu'à 750 heures. Les nouveaux venus sur le marché du travail devront dorénavant travailler 910 heures pour être admissibles. Le fait que les prestations soient maintenant fondées sur le nombre d'heures de travail pourra aider certains travailleurs qui ne sont pas admissibles actuellement, mais des dizaines de milliers d'autres, ceux qui travaillent quelques heures à des emplois à temps partiel, ne seront plus admissibles. Quiconque travaille moins de 35 heures par semaine devra travailler plusieurs semaines de plus qu'en vertu du régime actuel.

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Ceux qui arrivent sur le marché du travail, ceux qui ont reçu précédemment des prestations d'assurance-chômage, mais dont les prestations ont cessé il y a 12 mois ou plus, et ceux qui ont connu une interruption de travail pour quelque raison que ce soit devront faire face à une période d'admissibilité plus longue que les autres. Plusieurs entrants sur le marché du travail commencent à travailler à temps partiel ou dans un poste temporaire. Ces gens ne vivent pas tous chez leurs parents ou avec un conjoint. Plusieurs travaillent pour payer les choses essentielles à la vie et dans plusieurs cas, il s'agira de femmes qui n'ont pas pris d'emploi afin de pouvoir s'occuper de leurs enfants ou de parents âgés.

Les travailleurs temporaires comptent pour une partie importante de la population active à Terre-Neuve et au Labrador. Notre géographie et notre structure économique font que beaucoup de gens ne peuvent pas trouver d'emplois permanents. Sur le marché du travail de notre province, cette tendance augmente plutôt que de diminuer, les employeurs faisant appel à un plus grand nombre de travailleurs temporaires pour remplacer des employés permanents. Le gouvernement fédéral prétend que ces travailleurs se trouveront dans une meilleure position. Cependant, un examen plus approfondi révèle les lacunes du nouveau régime. La nouvelle méthode utilisée pour calculer les prestations aura des conséquences graves pour les personnes dont le travail est saisonnier, temporaire ou occasionnel.

À compter du 1er juillet 1996, les prestations seront calculées en fonction de la rémunération des 14 semaines précédant immédiatement la demande de prestations, et l'on inclura le temps d'inactivité, au lieu du calcul actuel de la moyenne des 12 semaines précédentes pendant lesquelles la personne a travaillé. Cela entraînera une chute importante des prestations hebdomadaires, qui s'accentuera même encore après le 1er janvier 1997, quand la formule sera modifiée encore une fois pour tenir compte des 16 semaines précédant immédiatement la demande de prestations. On nous dit que cette formule sera éventuellement modifiée pour arriver à une période fixe de 20 semaines.

La nouvelle méthode utilisée pour calculer les prestations impose une pénalité importante à ceux qui n'ont pas travaillé pendant 14 semaines consécutives immédiatement avant d'être mis à pied. Lorsqu'une personne connaîtra une longue période sans travail suivie d'une brève période de travail, son taux de prestations dégringolera. Les travailleurs temporaires constituent également le groupe qui sera frappé le plus durement par les pénalités infligées aux réitérants, et beaucoup de travailleurs saisonniers à revenu élevé, comme ceux du secteur de la construction, de la coupe du bois et de la pêche, seront lourdement pénalisés par l'augmentation du taux de remboursement jusqu'à 100 p. 100 des prestations d'assurance-chômage.

Les femmes continuent de dominer le secteur faiblement rémunéré du marché du travail, gagnant moins, travaillant moins d'heures et ne recevant pas de prestations. Certaines de ces femmes profiteront des modifications apportées au règlement, mais la plupart n'en profiteront pas. La protection assurée à bien des femmes travaillant à des emplois temporaires faiblement rémunérés sera considérablement réduite. Il leur sera très difficile d'être admissibles aux prestations parce qu'on doublera le nombre d'heures de travail requis, et si elles y parviennent, elles seront doublement pénalisées. Leurs prestations seront considérablement réduites par le dénominateur de la période fixe, et également par la règle de l'intensité. Plusieurs personnes qui reçoivent les prestations de maternité, de paternité et de maladie, verront leurs prestations éliminées ou réduites en raison de l'augmentation des conditions d'admissibilité et de la limitation des prestations de maternité, de maladie et d'accidents aux prestataires qui ont travaillé plus longtemps.

Contrairement aux mythes répandus par le gouvernement du Canada, les réitérants n'organisent pas leur vie en fonction de l'assurance-chômage. Le nombre de réitérants a augmenté ces dernières années pour la même raison que le nombre de travailleurs temporaires et occasionnels a augmenté. Le marché du travail a changé. De moins en moins de travailleurs sont capables de trouver du travail régulier à plein temps. Il est difficile de se trouver un nouveau travail régulier à plein temps. Il est également difficile de réintégrer la population active sur une base régulière après une mise à pied. Une fois déplacés, les travailleurs se retrouvent en bas de la liste d'ancienneté et sont par conséquent plus susceptibles d'être mis à pied. Ils ne choisissent pas de vivre ainsi. C'est plutôt la nature du marché du travail actuellement.

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La nouvelle disposition qui pénalise les réitérants ne fait qu'empirer une situation déjà difficile. Les réitérants seront assujettis à un taux de base réduit, perdant 1 p. 100 pour chaque période de 20 semaines pendant lesquelles ils ont reçu des prestations au cours des cinq dernières années. Ils sont également assujettis à une mesure agressive de récupération à un niveau beaucoup moins élevé de revenu.

La Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador déplore l'idée de pénaliser les chômeurs dont les cycles de travail résultent de la structure du marché du travail dans notre province. L'établissement d'un régime d'assurance-chômage à deux paliers est discriminatoire et va complètement à l'encontre de l'objectif original et des principes de notre programme d'assurance-chômage.

Nous sommes heureux que la définition d'un «assuré» comprenne les personnes qui ont reçu des prestations au cours des trois ou cinq dernières années, parce que dans le passé, on limitait les services d'emploi à ceux qui recevaient actuellement des prestations. Toutefois, nous avons certaines préoccupations au sujet de cet article de la loi, qui fait passer une trop grande part de la responsabilité du gouvernement au particulier, parce qu'on suppose encore une fois que c'est le chômeur qui ne fait pas assez d'efforts pour trouver un emploi, et que les emplois existent, si seulement les gens en cherchaient d'une manière efficace.

La disposition selon laquelle le chômeur partagera les coûts des services d'emploi suppose encore une fois que le chômage est la responsabilité du particulier. En outre, lorsqu'on suppose que cette personne est capable de payer, on ne tient pas compte du très faible niveau de prestations payables en vertu du nouveau régime aux personnes mêmes qui ont le plus besoin de formation, et l'on restreint en réalité l'accès aux services d'emploi alors que tous les chômeurs devraient y avoir droit.

Nous comprenons qu'une certaine coordination est nécessaire entre les services d'emploi du gouvernement fédéral et les politiques des gouvernements provinciaux, mais la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador est extrêmement préoccupée par l'intention manifestée par le gouvernement à cet égard. Nous craignons que la mesure ouvre la voie à la mise en oeuvre d'un régime de supplément du revenu. Nous sommes complètement en désaccord au sujet de l'hypothèse de la dépendance qui sous-tend ce dernier programme et nous tenons à souligner encore une fois que nous sommes en faveur d'un régime d'assurance-chômage fort et viable, mis en oeuvre en fonction des concepts et des principes originaux du programme.

Le partenariat et la coopération avec d'autres organismes pour assurer des services d'emploi nous paraissent inacceptables s'ils servent de moyen pour privatiser des services publics, comme des expériences passées semblent le suggérer. Nous avons de graves préoccupations quant à la qualité, à la normalisation et à l'imputabilité, lorsque des services d'enseignement post-secondaire, de formation ou d'orientation en matière d'emploi sont confiés au secteur privé. Lorsque des services sont assurés par le secteur public, on sait que le gouvernement élu par la population, par les contribuables, doit finalement rendre des comptes. Un établissement privé doit seulement rendre des comptes à ses actionnaires, ou s'il s'agit d'un établissement à but non lucratif, à un conseil d'administration composé de bénévoles.

En plus de privatiser de plus en plus les services de Développement des ressources humaines, le gouvernement fédéral est en train de fermer plus de 115 Centres d'emploi du Canada et de réduire les services à 200 autres centres, remplaçant des conseillers gouvernementaux par des kiosques semblables aux guichets bancaires automatiques. Ces mesures vont à l'encontre de l'engagement pris par le gouvernement:

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Le projet de loi énumère un certain nombre de mesures visant à permettre aux participants assurés d'obtenir un emploi, notamment des subventions salariales et des suppléments de revenu. L'essai de ces méthodes qui tiennent du rafistolage a montré que très peu de prestataires de l'assurance-chômage profitaient d'un emploi permanent après l'arrêt de la subvention salariale ou du supplément de revenu et que les quelques travailleurs qu'on gardait occupaient des emplois faiblement rémunérés et peu sûrs. Nous soutenons même que ces mesures encouragent les employeurs à embaucher des travailleurs dans des emplois faiblement rémunérés.

Ce dont les gens ont besoin, ce sont de vrais emplois qui paient bien. Pour qu'ils en aient, le gouvernement fédéral doit modifier l'orientation de sa politique économique afin d'assurer de bons emplois, avec des revenus suffisants et stables, à tous les Canadiens.

La Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador désapprouve l'abaissement des cotisations des employeurs. Contrairement à ce qu'avancent les entrepreneurs, rien ne prouve que la réduction des cotisations des employeurs favorisera la croissance économique ou, ce qui est encore plus important, la création d'emplois. Nous sommes d'avis que le programme d'assurance-chômage ne doit pas être considéré ou administré comme une taxe, comme le veulent le gouvernement et l'entreprise. Le principe de la réduction des coûts pour les entreprises en vue de favoriser l'investissement économique a même été critiqué par un rapport du FMI de 1995, qui s'interrogeait sur l'efficacité des avantages fiscaux consentis aux entreprises.

Dans notre province, les compressions appréhendées représentent une perte d'environ 150 millions de dollars par année en prestations d'assurance-chômage pour notre économie. Les économies pour les employeurs d'un million de dollars tirées de la réduction des cotisations font contraste avec les compressions massives que subiront les travailleurs sans emploi, si ces changements sont approuvés. Si l'on ajoute cette baisse des cotisations des employeurs au déplacement de fonds qui se fera des prestations des travailleurs aux employeurs sous la forme de subventions salariales, il est évident que le gouvernement fédéral redistribue la richesse en prenant aux travailleurs pour donner aux employeurs, particulièrement les grandes entreprises.

Nous savons que le gouvernement fédéral a mené des projets pilotes pour mesurer la faisabilité d'une fusion de toutes les formes de sécurité du revenu, y compris l'assistance sociale, qui seraient administrées par un guichet unique. La Fédération du travail juge parfaitement inacceptable toute confusion entre l'assurance-chômage et l'assistance sociale, ou la formation obligatoire et l'assistance-travail. Nous avons les plus vives appréhensions quant à la disposition de ce projet de loi qui autorise les provinces à mettre en oeuvre ces projets-pilotes. Cette nouvelle réalité sapera les normes nationales des programmes de sécurité du revenu et encouragera certaines provinces à imposer l'assistance-travail pour des raisons politiques.

La Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador invite le comité à restaurer le principe original du programme d'assurance-chômage, d'en élargir l'accès et d'en hausser les prestations. Notre mémoire comporte un certain nombre de suggestions dont le comité peut tenir compte pour réaliser cet objectif.

À Terre-Neuve et au Labrador, avec les changements qu'on propose, les revenus de l'assurance-chômage seront réduits de 1,1 milliard qu'ils étaient en 1992 à seulement 300 millions de dollars par année. Cette perte de 140 millions de dollars par année pour l'économie provinciale, conjuguée aux compressions massives dans les paiements de transfert fédéraux et les programmes provinciaux, rendra à peu près impossible toute croissance économique et toute création d'emplois.

La Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador croit que l'on fait payer aux travailleurs le prix de la gestion désastreuse de notre économie. On ne peut que conclure que ces réductions draconiennes dans les prestations d'assurance-chômage s'insèrent dans la stratégie de compétitivité du gouvernement et de la grande entreprise, qui veulent créer une économie déréglementée, à bas salaires, où les chômeurs seront si démunis qu'ils accepteront l'assistance-travail et les autres manigances des employeurs visant à rémunérer les travailleurs le moins possible car les subventions salariales du gouvernement encourageront les employeurs à ne verser que de bas salaires ou le salaire minimum.

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Les coûts humains des changements qu'on propose seront immenses. La conjugaison des compressions massives dans l'assurance-chômage et des réductions importantes dans l'assistance sociale qui résulteront du nouveau transfert fédéral en matière de santé et programmes sociaux plongera un plus grand nombre de familles de notre province dans la pauvreté.

Le taux de pauvreté familiale à Terre-Neuve et au Labrador est le plus élevé au Canada à18,1 p. 100, et à l'heure actuelle, 32 000 enfants de moins de 18 ans vivent dans la pauvreté.

En cette Année internationale des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté, nous implorons le gouvernement fédéral de repenser le projet de loi C-12 afin de consolider le système d'assurance-chômage au lieu de le détruire. Nous avons la conviction que les changements qu'on propose dans le projet de loi C-12 auront pour effet de détruire le régime d'assurance-chômage que nous connaissons.

Le président: Merci beaucoup, c'était un exposé très bien pensé et très complet. Votre mémoire a sûrement répondu aux questions que nous avions. Vous y traitez de tous les détails du projet de loi que nous devons analyser.

Au nom des membres du comité, je peux vous dire que certains amendements ont déjà été adressés au comité et traitent des questions que vous soulevez, particulièrement en ce qui concerne les interruptions, le dénominateur et la règle de l'intensité.

Les membres du comité, à l'exception de M. McCormick, n'ont aucune question.

M. McCormick: Je vous remercie vivement de votre exposé. Je tiens seulement à mentionner le fait que le témoin de votre province qui vous a précédée a parlé de la demande pour une certaine formation. Par exemple, on a dit qu'on manque aujourd'hui de foreurs au diamant dans votre province. Je connais fort bien plusieurs petites villes et régions de votre vaste province. Je l'ai parcourue de long en large. À mon avis, nous devons reconnaître qu'il y a là plusieurs possibilités. Le tourisme est promis à un très bel avenir.

Le premier rêve des gens partout en Amérique du Nord et au Canada, c'est d'avoir leur propre entreprise. Je me demande si vous avez examiné ces autres outils avant de leur tourner le dos. Je crois que les mesures visant à encourager le travail indépendant et à aider les gens à se lancer en affaires peuvent être très positives, sans parler des partenariats de création d'emplois.

Pour en revenir à Voisey Bay et à ces foreurs au diamant, il ne s'agit pas d'un projet à court terme. On admet maintenant que ce sera la première mine du Canada. Ça pourrait devenir la première mine du monde entier. Si l'on ajoute à cela la nouvelle découverte de champ de pétrole, cela va aider la province à s'en sortir. Il y aura des possibilités pour les petits entrepreneurs qui pourront apporter une contribution réelle à l'économie et qui trouveront leur profit. Je voulais savoir si vous aviez des remarques à faire à ce sujet.

Mme Price: Oui, j'ai certainement une remarque à faire à ce sujet. Premièrement, je tiens à dire que Terre-Neuve et le Labrador ont toujours été riches en ressources naturelles. Notre province a toujours été immensément riche de ce côté. Le problème, c'est la redistribution de la richesse parmi nos gens, pas seulement dans notre province mais partout au pays.

Les Terre-Neuviens et Labradoriens sont certainement optimistes quant au potentiel de l'exploitation pétrolière et de Voisey Bay, et nous espérons qu'on favorisera une nouvelle approche à l'exploitation de nos ressources dans notre province, une approche qui profitera à la majorité des travailleurs qui vivent dans notre province et non seulement à quelques-uns.

Je tiens à dire aussi que je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que le premier rêve de tous les gens est de posséder leur propre entreprise. Le premier rêve de la plupart des gens que je connais aujourd'hui, particulièrement les travailleurs et les familles que la Fédération du travail représente, c'est de trouver un emploi et de le garder, de trouver un emploi qui offre un salaire décent, un emploi qui leur permet de pourvoir aux nécessités élémentaires de la vie, un emploi qui leur permettra de faire instruire les enfants et de bien vivre, pas comme des millionnaires, mais bien.

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Donc, nous ne sommes peut-être pas d'accord sur certains plans, mais je suis d'accord avec vous pour dire que Terre-Neuve est très riche et l'a toujours été. J'espère vivement que l'exploration et les découvertes qui se font au niveau de nos ressources naturelles apporteront une prospérité authentique aux gens de notre province.

M. McCormick: Je tiens seulement à dire que je vous comprends tout à fait. J'espère vivement moi aussi que ces ressources naturelles vous apporteront la prospérité, et je vous fais mes meilleurs voeux pour l'avenir. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur McCormick.

Merci, madame Price, de votre exposé. Toutes vos observations ont été dûment notées, et je peux vous assurer que nous en tiendrons compte dans notre amélioration du projet de loi C-12.

Après la séance, nous irons au Québec où nous entendrons les représentants du mouvement Action Chômage Pabok et du Ralliement gaspésien et madelinot. Nous allons faire une pause de cinq minutes.

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Le président suppléant (M. Easter): Pouvons-nous reprendre la séance?

Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Nos témoins maintenant sont le Ralliement gaspésien et madelinot, de Gaspésie et M. Gaétan Cousineau, qui représente deux groupes. Vous avez la parole, monsieur Cousineau.

[Français]

M. Gaétan Cousineau (coordonnateur, Mouvement Action Chômage Pabok Inc.; représentant, Ralliement gaspésien et madelinot): Je représente le Ralliement gaspésien et madelinot ainsi que le mouvement Action Chômage.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Easter): Vous disposez de dix à quinze minutes pour votre exposé, et nous passerons ensuite aux questions.

[Français]

M. Cousineau: M. Robinson parlera le premier et fera lecture de son exposé, si vous le permettez, monsieur le président.

M. Albert Robinson (président, Action Travail Denis Riverin): Bonjour, messieurs.Je serais tenté de dire ouf!, nous avons failli être oubliés, nous qui sommes une des clientèles importantes touchées par la réforme.

Pour débuter, je crois qu'il serait important, pour bien éclairer les membres du Comité sur le contexte économique de la Gaspésie, d'en faire un court historique.

J'avais pensé employer les mots «utile, oui?» dans le titre de mon mémoire; «utile», parce qu'on se demande s'il est bien important d'en présenter un à ce stade-ci, mais il demeure qu'il faut saisir la chance quand elle passe.

Malgré l'ouverture du boulevard Perron en 1929 et la liaison maritime quotidienne entre Sainte-Anne-des-Monts et Sept-Îles en 1951, la Gaspésie s'est très peu développée au cours des trois premiers siècles de son histoire. Déjà, au début de la colonisation, la Gaspésie se plaignait de l'inaction des gouvernements chez elle. Elle est même allée jusqu'à réclamer son annexion au Nouveau-Brunswick.

Les politiques sociales, qui permettent l'épanouissement des possibilités de développement, ne consistaient à cette époque qu'à planifier en fonction des grands centres, attitude qui existe encore aujourd'hui. D'autres groupes réclamaient à l'époque la souveraineté gaspésienne; tant qu'à être abandonnés de nos gouvernements, aussi bien se débrouiller seuls. Les dirigeants prônèrent la mainmise sur la Gaspésie sans pour autant la doter des outils nécessaires.

Plus près de nous, en 1970, un rapport préparé pour le Bureau d'aménagement de l'Est du Québec recommandait au gouvernement, ce qui est très important, de fermer 96 villages du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie et de déplacer 64 446 personnes. Ce fameux rapport Higgins ne sera pas appliqué à la lettre. À quoi bon quand on peut y parvenir plus subtilement par le laissez-faire.

On n'a pas besoin de s'appeler Albert Einstein pour comprendre que rien n'a vraiment changé. Nos exigences sont demeurées les mêmes et les réponses aussi.

Nous n'avons pas vraiment évolué; nous avons tout simplement consommé plus de biens et de services. Nous avons fait l'effort d'adapter la Gaspésie à l'image de l'Amérique alors que nos efforts auraient dû porter sur l'harmonisation avec le territoire, car l'atteinte du développement durable ne peut être possible qu'à travers le respect de l'unicité et de la spécificité de la MRC. Quand je parle de MRC, je parle de la MRC Denis-Riverin et des autres MRC sur le pourtour de la Gaspésie.

Depuis quelques décennies, l'exode de nos jeunes a contribué largement à la baisse de l'entrepreneurship, donc aux possibilités de développement. Comme tous les gens de la Gaspésie le savent, on a beaucoup de jeunes qui quittent la région pour les grands centres. Les programmes sociaux actuels contribuent pour leur part à l'exploitation des travailleurs de la base au lieu de les former en fonction de l'exploitation ou de la production de base.

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La nouvelle mode en politique est de culpabiliser les chômeurs et les assistés sociaux, ce dont se chargent les gouvernements qui se croient propriétaires des services qu'ils gèrent.

Dans une telle situation, pourquoi se demander d'où proviennent l'inertie et l'attente passive des Gaspésiens? Plus de 300 ans de «volonté d'amélioration» des gouvernants ont contribuéà la forger.

Nous devons dès maintenant canaliser cette colère montante pour oeuvrer à un changement positif et déterminant. Que ce soit un changement économique ou de mentalité, c'est aujourd'hui qu'il faut le mettre en oeuvre. L'entrepreneurship, les apprentissages spécifiques et les expérimentations ne sont que quelques-uns des aspects sur lesquels doivent porter nos efforts.

Quant à la concertation du milieu, s'il vous plaît, oublions cela. Hormis les groupes d'individus restreints, seules les Forces armées canadiennes peuvent l'obtenir parce que les soldats n'ont aucun droit à la parole. Il n'y a que des intérêts financiers communs qui peuvent amener les gens à la concertation.

Des actions concrètes vers la consolidation des acquis et l'innovation dans la transformation de nos produits de base sont préférables comme passe-temps à tout le verbiage qu'on entend actuellement.

Si sept personnes sur dix occupent un emploi saisonnier en Gaspésie à l'heure actuelle, à qui revient-il d'agir pour y remédier?

Toute la panoplie d'organismes existant sur notre territoire devrait servir à la mise sur pied d'activités visant à créer un véritable mouvement de développement sur le terrain. La dépense de papier ne doit servir qu'à planifier des actions concrètes, si minimes soient-elles, plutôt qu'à clamer nos malheurs pendant encore 300 ans. L'effort de guerre doit être concentré sur la non-productivité de notre milieu et la restructuration de nos richesses naturelles et être appuyé par une campagne de promotion d'achat sectoriel de haut calibre.

Étant donné la situation actuelle, requérir les services de firmes de haut niveau ou des universités valables s'avère impératif. Nous nous devons de créer un véritable raz-de-marée.Je m'explique; si les universités en région ne s'engagent pas dans le développement des richesses naturelles, des richesses de base là où elles existent, et qui sont là actuellement pour alimenter les grands centres, on n'y arrivera pas.

Sinon, on pourrait rapidement apprendre par les médias qu'en l'an 2296, la MRC Denis-Riverin et les MRC du tour de la Gaspésie, si elles existent encore, réclament de l'aide des gouvernements et la reconnaissance d'un statut particulier.

Comme au début de la colonisation, nous sommes peu nombreux comparativement à la population du reste de la province. Notre population a augmenté, celle des autres aussi. Nous nous sommes admirablement développés grâce aux communications modernes, aux diverses inventions et découvertes, mais les autres l'ont fait encore plus.

Nous ne voulons pas paraître défaitistes mais il faut se rendre à l'évidence: l'aide tant attendue ne viendra jamais en région si la tendance actuelle se poursuit.

Le projet de loi C-111 sur l'assurance-chômage, ou C-12 comme le gouvernement se plaît à l'appeler aujourd'hui, aura comme effet d'attaquer de plein fouet les Gaspésiens et les provinces de l'Est dans ce qu'ils ont de plus fondamental, c'est-à-dire leur dignité, même si le Conseil du patronat dit que la réforme est bonne et qu'on devrait diminuer davantage le taux de cotisation des entreprises.

Ici en région, où sévit le travail saisonnier ou à temps partiel qui touche les forestiers, les pêcheurs, les infirmières et infirmiers, le tourisme, etc., il est inacceptable qu'on applique cette réforme sans tenir compte des problèmes d'emploi qui s'y posent.

Il ne faut pas oublier que la MRC Denis-Riverin vit actuellement un taux de chômage de33 p. 100. La MRC de Pabok, quant à elle, a un taux de 30 p. 100 et celle de La Côte-de-Gaspé, un taux de 22 p. 100.

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Le chef cuisinier qu'est le gouvernement fédéral nous présente un plat sans avoir au préalable obtenu notre assentiment ou sans connaître nos goûts. On ne nous a pas demandé notre opinion avant de formuler cette réforme. Faut-il en conclure que la consultation actuelle sera prise en considération ou s'il s'agit tout simplement d'une stratégie en vue de se donner bonne conscience?

Messieurs les membres du Comité, ici en région, notre niveau de vie est au plus bas, mais pas à cause d'un manque de richesses naturelles car nous en avons. Or, nous serons touchés par la réforme, surtout par l'admissibilité fondée sur les heures travaillées plutôt que sur les semaines. Ce stratagème va entraîner des fraudes sans précédent; l'instinct de survie est là, il ne faut pas l'oublier.

J'en donne un exemple. J'entendais l'autre soir à la télévision qu'il était question, dans un mémoire, d'une semaine de 70 heures. On sait que l'an dernier, les forestiers et les pêcheurs recevaient 815$ semaine. Je pense que cette année, ils ne recevront que 750$. Ils devront maintenant travailler beaucoup plus d'heures pour gagner en une semaine assez d'argent pour être admissibles à l'assurance-chômage. Si on réduit cela à 35 heures, messieurs les membres du comité, et qu'on divise le salaire de moitié, cela ne représente que 375 $. Qui va en souffrir?

Cette règle va contribuer à diminuer le salaire admissible à l'assurance-chômage. Elle va de plus pénaliser les travailleurs à temps partiel qui auparavant étaient admissibles en travaillant 15 heures par semaine. Que dire, messieurs les membres du comité, des nouveaux prestataires du système qui auront à faire 910 heures pour se qualifier? Veut-on vider nos régions de notre jeunesse, ce qui existe déjà sur une grande échelle?

Cette réforme machiavélique nous propose aussi pour le 30 juin 1996 le barème des 14 semaines consécutives. Prenez un forestier; déjà, il lui faudrait faire 35 heures semaine en forêt durant sa saison de travail. À cause des feux de forêt, comme il y en a eu en 1995, il peut faire face à une mise à pied temporaire qui lui fera subir une perte de revenu importante. Il en va de même pour le pêcheur, pour qui le facteur température est déterminant, pour les infirmières à temps partiel et enfin pour les petites entreprises cycliques, qui elles non plus ne seront pas épargnées.

Dans cette savante réforme, on parle aussi de subventions salariales qui inciteront les employeurs à embaucher du personnel. Ce n'est pas inconnu dans notre coin. Cet élément de la réforme est une copie parfaite de la politique d'embauche de la sécurité du revenu, qui a toujours eu pour effet d'occasionner des abus de la part de certains employeurs et de créer chez les travailleurs et travailleuses des déceptions et du désabusement.

Je m'explique. On engage des gens grâce aux subventions du gouvernement pour une vingtaine de semaines. Dès que les subventions sont épuisées, l'employeur déclare que c'est bien malheureux mais qu'il n'a plus d'argent; que l'employé est un bon employé mais qu'il est obligé de le mettre à pied pour en engager un autre. Après deux ou trois semaines, on se rend compte que l'employeur a engagé encore une autre personne, toujours grâce aux subventions du gouvernement. C'est de l'argent gaspillé.

Messieurs les membres du comité, le volet le plus cynique de la réforme, c'est le service national de placement, surtout dans nos régions. Imaginez la trouvaille; on veut implanter un système automatisé d'information, encore une fois sur le dos des plus démunis. On ferme des services dans les centres d'emploi et on nous affirme qu'on va donner un meilleur service. À qui? Aux plus instruits.

Messieurs les membres du comité, plusieurs mesures contenues dans cette réforme visent sans contredit l'appauvrissement des populations régionales.

Quels seront les impacts négatifs reliés à une éventuelle réforme en Gaspésie? Ils seront désastreux pour nos communautés. Vous savez, l'argent est le nerf de la guerre. En plus de connaître une énorme diminution démographique, nous connaîtrons un appauvrissement très marqué. Je ne veux pas dramatiser, mais nous allons connaître une remontée du taux de suicide chez nos jeunes, des dislocations de noyaux familiaux, des pertes immobilières, et j'en passe.

Messieurs, cette réforme aura pour effet de grossir le groupe des assistés sociaux et nous amènera à une réalité comparable à celle des pays sous-développés.

Cette réforme est en train de détruire l'héritage de nos ancêtres. On veut nous enfermer dans un ghetto où les gens des régions seraient amenés à se forger une idéologie de soumission.

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Quelles suggestions faut-il prioriser? Nous ne sommes pas contre une réforme sensible, réfléchie et structurée, une réforme où nous, travailleurs saisonniers, pourrons établir les balises d'une relance de l'emploi. Pour réaliser cet objectif, il faudrait d'abord que nos élus sachent que l'on existe et reconnaissent notre capacité de nous assumer en autant que l'on nous donne les outils pour le faire et l'occasion de le faire.

À Québec, en 1995, des travailleurs ont contribué à la caisse de l'assurance-chômage pour 195 millions de dollars de surplus. Je crois que, devant cette performance, on va cesser de nous taxer de suceurs des provinces de l'Ouest et nous reconnaître le droit d'avoir notre juste part.

Il faut développer dans nos régions des activités de deuxième et troisième transformations. Pour ce faire, le gouvernement doit y inciter les entreprises en leur accordant des allègements fiscaux pour une certaine période, à la condition qu'ils investissent dans des secteurs de deuxième et troisième transformations.

La formation en entreprise peut être subventionnée, mais à la condition expresse que l'employeur et l'employé signent un contrat qui les lie, cela dans le but d'éviter des abus de la part de certains employeurs. De plus, des agents issus du milieu devraient superviser et établir une période probatoire dans le but d'éviter les gaspillages qu'on a connus dans le passé.

Le gouvernement devra inciter ses banques - quand je parle des banques, j'entends les banques nationales du Canada - à rendre disponibles des prêts à risque pour le démarrage de petites entreprises. Quand je parle de prêts à risque, je parle des critères appliqués par les banques qui ne doivent pas être les mêmes que ceux des grands centres où l'industrie est très développée; on devrait être plus souple en région. On devra débureaucratiser le système et par le fait même économiser des sommes énormes. Le gouvernement devra, au sein même des régions, mettre en place un mécanisme d'évaluation bisannuelle sur les stratégies d'emploi et les mécanismes de financement. De plus, cet organisme devra avoir un pouvoir de recommandation.

En conclusion, messieurs les membres du comité, ces suggestions ne sont qu'une partie d'un plan que l'on peut développer en région. Le gouvernement doit reculer dans sa réforme pour donner aux politiques d'emploi que l'on propose le temps de produire des effets. En effet, si les gens sont au travail, la santé financière du gouvernement n'en sera que meilleure et on ne sera pas obligé de se servir des surplus de la caisse de l'assurance-chômage en périodes difficiles. Merci.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Easter): Je vous remercie, MM. Robinson et Cousineau.

Le temps nous presse, car il ne nous reste plus qu'une quinzaine de minutes que nous devons consacrer à votre exposé, monsieur Cousineau, ainsi qu'aux questions qui s'ensuivront.

[Français]

M. Cousineau: Monsieur le président, j'appuie entièrement le début de l'exposé deM. Robinson, à savoir que nous avons failli ne pas être entendus par le comité, nous les Gaspésiens. Cela ressemble beaucoup à ce qui est arrivé en 1994, alors que le comité avait siégé à Rivière-du-Loup, à 600 kilomètres de notre région. Mais heureusement, grâce à la technologie et à une erreur d'aiguillage, nous avons pu comparaître devant vous.

Je ne répéterai pas tous les aspects du problème de l'emploi soulevés par M. Robinson mais, au nom du Ralliement gaspésien et du Mouvement Action Chômage, qui regroupe quelque 4 000 membres à travers la péninsule gaspésienne, je vais m'arrêter à quelques points précis. Vous avez eu le loisir de lire leur document.

L'élément le plus important de la réaction du Ralliement gaspésien à la réforme de l'assurance-chômage concerne l'absence de mesures précises pour aider la création d'emplois.

On note également que le but principal de la réforme serait de réduire le déficit. Tout le monde sait en effet qu'une somme de 5 milliards de dollars provenant de l'assurance-chômage basculera dans le Fonds du revenu consolidé. Inutile de vous dire que ce fonds est constitué uniquement de l'argent des employeurs et des employés. Il devrait donc être utilisé pour consolider les emplois en Gaspésie et en créer de nouveaux.

Le Ralliement gaspésien trouve absolument insuffisant le fonds transitoire de 300 millions de dollars pour le Québec sur trois ans. Quelle part se rendra jusqu'en Gaspésie par rapport au reste de la province? Cette mesure nous semble totalement insuffisante pour une région qui, depuis au moins six ou sept ans, a été la championne des plus hauts taux de chômage et qui détient le plus bas ratio emplois/population du Canada.

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Le Ralliement gaspésien trouve également qu'on n'a jamais démontré que la subvention salariale aux employeurs pouvait développer beaucoup d'emplois. Très souvent, il n'y a pas de suivi de la part des bailleurs de fonds, soit le gouvernement fédéral. Lorsque la subvention ou l'indemnité payée par le régime arrive à expiration, l'employé est souvent mis à pied par l'employeur. Il n'y a donc aucune preuve que la subvention salariale à l'employeur soit si favorable à la création d'emplois.

Finalement, nous sommes d'accord sur l'idée de cotisations qui pourraient faire partie d'une réserve pour compenser les temps difficiles, pour éviter les fluctuations de cotisations dans le régime, en autant qu'on nous donne l'assurance que les employeurs se serviront de cet argent strictement pour le développement de l'emploi ou pour les chômeurs, et non pour réduire le déficit.

Voici, en résumé, quelques-uns des points qui ressortaient du document du Ralliement gaspésien.

Pour ce qui est du Mouvement Action Chômage, notre rencontre avec près de 3 000 ou 4 000 Gaspésiens dans les derniers deux mois nous confirme qu'il y a trois éléments principaux dans la réforme qui doivent absolument être changés et modifiés. On ne peut assimiler la région de la Gaspésie à une région comme Toronto ou Winnipeg, où le taux de chômage est de 5, 6 ou 7 p. 100.

Bien sûr, le comité ou le gouvernement aurait fait des consultations pour connaître l'opinion des gens, sur l'acceptation du nouveau programme d'assurance-chômage. On nous a dit que75 p. 100 des Canadiens étaient d'accord sur les modifications. Cependant, que je sache, les Gaspésiens n'ont pas été consultés. Toutes les manifestations qu'il y a eu dans l'est du Québec, dans les derniers deux mois, suffiraient à vous convaincre que 75 p. 100 des Gaspésiens et Gaspésiennes, des Madelinots et Madeliniennes, et des Néo-Brunswickois sont totalement en désaccord sur cette réforme. Si c'est l'Ouest qu'on a consulté, il faut savoir que sa situation est totalement différente de celle de l'est du Québec.

À 24 heures d'avis, il était un peu difficile de connaître l'opinion des Gaspésiens sur ce qui a failli être notre absence à ce comité. Cependant, nous sommes là aujourd'hui. Oublions donc cette consultation que nous devions faire.

Il y a trois points majeurs, monsieur le président. C'est d'abord la règle d'intensité de 1 p. 100 pour les prestataires fréquents. Il est certain qu'en Gaspésie, 70 p. 100 des prestataires sont devenus admissibles à une période de prestations en travaillant à des emplois temporaires. Ils se retrouvent donc au chômage à chaque année, étant donné la structure de nos emplois qui sont saisonniers et qui durent à peine 10, 12 ou 13 semaines.

Il faut dire que les prestataires d'assurance-chômage étaient environ 15 000 en 1995 par rapport à 18 000 en 1994. Vous trouverez ces chiffres dans les documents en annexe. Il y a donc eu une diminution des prestataires d'assurance-chômage à cause d'exclusions de toutes sortes dues aux modifications apportées à la Loi sur l'assurance-chômage au cours des années précédentes. Donc, la majorité de ces prestataires se retrouveront dans quatre ans avec des prestations de chômage à un taux de 50 p. 100 du revenu gagné. Curieusement, 50 p. 100 est le taux des prestations de chômage aux États-Unis.

Je pense donc qu'on est en train de rendre nos régimes sociaux conformes aux régimes sociaux américains puisque la deuxième règle, qui va frapper très fort les Gaspésiens, est celle des 14 ou 20 semaines pour l'établissement du taux des prestations. Nous savons fort bien qu'un grand nombre de travailleurs sont régis par des lois de 10 semaines, par exemple pour la pêche au homard qui crée de nombreux emplois dans les usines pour un même nombre de semaines. Ces personnes subiront une diminution extrêmement importante de leurs prestations de chômage si on doit diviser le revenu qu'elles auront gagné en 10 ou 12 semaines par 14 en juillet 1996 et par 16 en janvier 1997, ce qui sera le cas dans notre région. Rien ne dit qu'en janvier 1998, ce ne sera pas la norme de 20 semaines qui s'appliquera pour se conformer à la norme américaine.

Il reste que cette norme des 14 à 20 semaines pour établir le taux des prestations va frapper durement tous ceux qui travaillent dans la construction et qui doivent travailler, parfois en dehors de notre région, à deux, trois ou quatre reprises au cours de l'année pour atteindre le nombre de semaines de travail exigé; tous ceux qui, dans les usines de homard et de poisson, sont appelés à travailler pendant un certain temps au début de l'été et plus tard à l'automne, pendant la pêche au hareng, ce qui créera une interruption de deux ou trois mois qui sera comptée dans l'établissement du taux des prestations.

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Enfin, la troisième norme, qui est aussi importante et punitive, est celle qui porte l'exigence pour l'admissibilité à 420 heures et à 910 heures. Ce nombre d'heures est trois fois plus élevé que l'exigence actuelle, qui est de 300 heures. Dans une région où le taux de chômage est de 17, 20 ou 30 p. 100, il est évident que nombre de personnes ne pourront même pas être admissibles, même si on modifie la norme d'intensité de 1 p. 100 et la norme des 14 et 20 semaines pour calculer les prestations. La porte de l'accès à l'assurance-chômage leur sera totalement fermée à cause des exigences établies dans ce nouveau projet de loi C-12. Il est donc évident que les Gaspésiennes et les Gaspésiens refusent un tel régime puisqu'ils seront les premiers à en faire les frais.

Nous nous permettons d'espérer que, contrairement à ce qui s'est fait lors de la présentation de nos mémoires antérieurs, dans d'autres circonstances ou à propos d'autres modifications à la loi, nos remarques seront prises en considération. Nous aimerions qu'elles fassent l'objet d'un paragraphe particulier dans vos recommandations auprès du gouvernement et du ministre Young. Nous demandons que, vu la particularité de notre région et son taux de chômage, nous puissions jouir de conditions particulières quant à l'accessibilité et à l'admissibilité à l'assurance-chômage.

Ce sont les points principaux de notre mémoire, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à vos questions, si vous en avez.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Easter): Je vous remercie, messieurs.

Monsieur Crête.

[Français]

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Bonjour, messieurs Robinson et Cousineau. Je suis très heureux que vous ayez pu faire votre présentation. Pour permettre aux autres de poser des questions, je vais procéder rapidement.

Il y a deux aspects qui m'apparaissent importants dans ce que vous avez dit. J'aimerais d'abord que vous nous parliez davantage du phénomène du travail saisonnier. Il nous est très difficile, vis-à-vis du ministère ou du Parlement, de défendre le point que les travailleurs saisonniers ne sont pas des gens qui le font volontairement, de réfuter le discours voulant qu'ils soient des... J'aimerais que vous l'expliquiez par des exemples concrets.

La deuxième partie de ma question porte sur un point qui n'a pas été souvent soulevé par d'autres, celui de la gestion du fonds transitoire. On en a vu, des fonds transitoires dans l'est du Québec. Il y en a eu de toutes les sortes depuis 10 ou 15 ans et on n'en a pas toujours obtenu les effets attendus. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus en ce qui concerne le montant d'argent, mais surtout que vous nous disiez qui devrait détenir le pouvoir de décision sur cet argent et quelles modalités devraient s'appliquer à son utilisation.

M. Cousineau: Il est très facile de savoir que les Gaspésiens n'acceptent pas aisément d'être des chômeurs récurrents ou permanents. Par exemple, il y a une semaine, nous avons eu huit pouces de neige. Il y a une semaine et demie, nous avons eu un pied de neige et hier, encore six pouces. Alors, comment voulez-vous que les gens puissent commencer à travailler en forêt à ce temps-ci?

En ce qui concerne la pêche, les rivières ne sont même pas encore «calées». Il faut attendre que les glaces descendent dans la baie des Chaleurs pour arriver à mettre les bateaux à l'eau, ce qui pourrait se faire vers le début de mai, comme cela se produit tous les ans. Dans le cas de la pêche, comme vous le savez, la période est régie par une loi fédérale. On pêche le homard pendant 10 semaines. Il faut ensuite sortir tous les agrès de l'eau. Lorsqu'il n'y a plus d'agrès à l'eau, lorsqu'il n'y a plus d'employeur qui sort le bateau, comment voulez-vous que les hommes de pont et les gens de l'industrie à l'intérieur des usines continuent à travailler? C'est très facile à saisir. Ceux qui ne le comprennent pas devraient venir faire un petit voyage en Gaspésie, pour écouter ce que les gens ont à dire.

Prenons maintenant l'exemple des emplois dans le domaine du tourisme. À Percé, en hiver, la population est d'environ 300 habitants. L'été, à Percé, commence vers le 24 juin et se termine à la Fête du Travail. Avant le 24 juin, il n'y a presque pas de touristes et après la Fête du Travail, il n'y en a presque plus. Si vous faites le calcul, cela donne exactement 12 semaines.

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L'été, il y a donc abondance d'emplois à Percé pendant 12 semaines. Il y a peut-être 2 500 habitants dans la ville durant la période de l'été et peut-être 1 500 emplois disponibles. Lorsque les touristes quittent au mois de septembre, le marchand va-t-il tenir son hôtel ouvert, sa boutique de souvenirs ouverte? Non, il licencie tous ses employés et continue à maintenir la barque lui-même pendant une ou deux semaines pour les quelques touristes qui restent.

Si le comité pense que nous nous accommodons très facilement de cet état de fait, il est complètement à côté de la réalité que les Gaspésiens vivent depuis toujours. Nous avons toujours eu des axes de travail saisonnier et il n'y a jamais eu vraiment de volonté politique d'installer en Gaspésie des usines où on travaillerait à l'année et de favoriser la création d'emplois de plus longue durée.

Il y a eu plein de sommets économiques qui n'ont jamais donné quoi que ce soit. Il y a eu plein de demandes de subventions accompagnées de critères auxquels il est très difficile de satisfaire.

On a beaucoup parlé récemment de l'aide aux travailleurs autonomes. Prenons l'exemple d'un chômeur qui, depuis dix ans, travaille 12 semaines par année à plein salaire et 30 semaines à demi-salaire, puisque 55 p. 100, c'est bien près d'un demi-salaire. Comment voulez-vous que cette personne puisse se présenter dans une institution bancaire pour emprunter 20 000$ afin d'obtenir une subvention de 5 000$ ou de 6 000$ d'un organisme du milieu? C'est totalement impensable.

Ceux qui se demandent pourquoi le programme d'aide aux travailleurs autonomes n'est pas utilisé en Gaspésie ont leur réponse. C'est parce que la faiblesse financière des gens d'ici est tellement grande qu'on ne peut satisfaire aux critères.

Je ne sais pas si ces exemples correspondent à ceux que vous désiriez avoir. Si vous en voulez d'autres, je peux vous en donnez à profusion.

M. Crête: J'aurai une sous-question.

L'autre question qu'il nous faut nous poser actuellement à l'échelle nationale, à l'échelle du Canada, est la suivante; des gens sont venus nous dire que l'application universelle de la règle des 20 semaines partout au Canada créerait de la mobilité de la main-d'oeuvre et qu'ainsi les gens seraient forcés d'aller là où il y a de l'emploi.

Croyez-vous que le Québec et le Canada seraient gagnants avec ce type de solution par rapport à ce que nous ont permis de développer nos programmes sociaux actuels et le régime actuel d'assurance-chômage? Si vous deviez choisir une orientation pour l'ensemble des régions du Québec et du Canada pendant 10 ou 15 ans, comme ce sera le cas avec la réforme proposée, opteriez-vous pour une règle uniforme s'appliquant à tout le monde et dont nous connaîtrions l'impact une fois que les gens auraient commencer à déménager, ou pensez-vous que le Canada ferait mieux de conserver l'orientation qu'il suit depuis 15 ou 20 ans?

M. Cousineau: Examinons la situation suivante: vous avez entre 40 et 45 ans; vous avez travaillé pendant 25 ans; vous avez acquis un certain patrimoine parce que vous avez hérité de la maison familiale. C'est là le lot des Gaspésiens car 60 p. 100 d'entre eux possèdent leur propre maison, leur propre coin de terre. Étant donné cette situation, si vous appliquiez une norme universelle dans tout le Canada dans le but de favoriser la mobilité, eh bien, je ne pense pas que les régions se videraient. Je crois que ce serait l'orientation en ligne droite vers le bien-être social généralisé.

Les gens n'abandonneront pas l'acquis et le patrimoine accumulés pendant 25 ans pour aller travailler dans une région où il ne sont même pas sûrs de se trouver un emploi. En effet, on connaît un problème de l'emploi quand on a 40 ou 50 ans partout à travers le Québec. Il y a un manque d'emplois au Canada. Qu'on soit à Montréal ou à Québec, il y a plus d'emplois, mais il y a plus de gens qui sont à la recherche de ces emplois.

Je vais vous donner un exemple du dynamisme dont font montre les Gaspésiens pour obtenir des emplois. Il y a eu dernièrement cinq emplois disponibles dans une région et il y a eu 250 demandes en quatre heures.

Est-ce que les Gaspésiens se satisfont de boire de la bière et d'être à l'assurance-chômage l'hiver? N'est-ce pas là une preuve évidente que les Gaspésiens veulent travailler à tout prix?

Une autre preuve en est que de nombreux Gaspésiens ont quitté la Gaspésie. Les plus braves, les plus aventuriers, les plus jeunes et ceux qui n'ont pas de famille, ni d'attaches ont quitté la région. Oublions-les. Depuis 1971, environ 15 000 personnes ont quitté la Gaspésie; il y autant de Gaspésiens à Montréal qu'en Gaspésie. Le saviez-vous?

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M. Robinson: J'aimerais ajouter, monsieur Crête, que les Gaspésiens sont fiers d'être Gaspésiens. Ils appartiennent à une région. Nous avons nos coutumes. Vous savez, parfois on prêche et on fait de la publicité concernant certains secteurs de la région. On n'a qu'à penser aux Amérindiens, par exemple, que je respecte beaucoup parce qu'ils tiennent à leurs valeurs. Nous aussi, nous tenons à nos valeurs. Une autre chose est importante, et c'est que les richesses naturelles partent de la base, de la Gaspésie. C'est une chose qu'il ne faut pas oublier.

Comme M. Cousineau l'a dit plus tôt, quand on présente un petit projet de 10 emplois - ce qui est arrivé il n'y a pas très longtemps - et que 95 personnes les postulent alors que ces emplois paient 6,35$ l'heure, croyez-vous que ces gens sont des paresseux? Ce sont des personnes qui reçoivent l'aide du bien-être social et qui pourtant postulent des emplois à 6,35$ l'heure. Ce ne sont pas des paresseux.

Vous parliez des fonds transitoires qui devraient être remis au Québec. Pour ma part, je crois que la meilleure solution serait que tous les programmes soient remis au Québec en plus de l'assurance-chômage. Je pense qu'on pourrait alors se prendre en mains et être plus près du pouvoir. Actuellement, nous sommes loin du pouvoir et on ne veut pas qu'on s'en rapproche. Je pense qu'ainsi, nous serions plus près du pouvoir et que les choses iraient pas mal mieux.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Easter): Nous n'aurons pas le temps de laisser les membres du parti ministériel poser une question, mais M. Regan voudrait vous faire part d'une information.

[Français]

M. Regan: Vous avez dit que vous aimeriez voir ce programme contrôlé par le Québec.Je voulais seulement mentionner que, depuis 1985, les bénéficiaires du Québec ont bénéficié de 46,9 milliards de dollars et ont payé 37,2 milliards de dollars en contributions. Je le sais. Je pense donc qu'il est évident que ce programme fédéral a beaucoup aidé le Québec.

M. Crête: Oui, mais il ne faut pas oublier qu'il y a beaucoup de chômeurs, monsieur.

M. Regan: Oui.

M. Crête: J'aurais aimé mieux les prendre pour la recherche et le développement.

M. Robinson: Il ne faut pas oublier que le Québec, en 1995, a eu un surplus de 195 millions de dollars, monsieur.

M. Cousineau: Il ne faudrait pas oublier non plus, monsieur le président...

[Traduction]

Le président suppléant (M. Easter): Je voudrais vous remercier, messieurs, d'avoir bien voulu venir nous faire votre exposé. Ils sont nombreux, les membres de ce Comité, à être au courant des difficultés des travailleurs saisonniers.

Je suis moi-même de l'Île-du-Prince-Édouard, qui vit surtout de l'agriculture, de la pêche, des forêts et du tourisme, et ces difficultés ne nous sont pas étrangères.

Je vous remercie de tout coeur de votre plaidoyer, dont il sera tenu compte dans notre rapport final. Je vous remercie.

[Français]

M. Cousineau: Je vous remercie de nous avoir écoutés.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Easter): Nous allons interrompre la séance pendant quelques instants avant de passer à Charlottetown.

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Le président suppléant (M. Easter): Nous allons reprendre la séance. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs dames.

Nous avons avec nous cet après-midi Loanne Gallant et Jacinta Deveau, de la Coalition des travailleurs saisonniers de l'Île-du-Prince-Édouard, Gail Ling et Gerry MacDonald, de la Fédération canadienne du travail de l'Île-du-Prince-Édouard.

Je vous souhaite la bienvenue devant le Comité permanent du développement des ressources humaines, qui procède à l'examen du projet de loi C-12. Le temps nous presse, et nous vous demanderions donc, si possible, de nous faire un bref résumé de vos deux exposés, après quoi nous passerons aux questions. Il nous reste en tout que 33 minutes environ.

Mme Jacinta Deveau (représentante, Coalition des travailleurs saisonniers de l'Île-du-Prince-Édouard): Monsieur le président, membres du comité, je voudrais tout d'abord remercier ceux qui nous ont invités à comparaître devant vous.

En tant que travailleuse saisonnière, j'ai de graves inquiétudes quant à l'impact que les modifications à l'assurance-chômage vont avoir sur ma famille, mes amis et notre collectivité. Jamais auparavant un projet de loi, que ce soit du gouvernement fédéral ou provincial, ne m'a autant inquiétée.

Ce projet de loi me semble conçu en partant de l'hypothèse qu'il y avait des emplois tout prêts à remplacer le chèque de l'assurance-chômage, mais en raison du caractère saisonnier de notre économie c'est là une chimère. Il n'y a pas de travail pour les trieurs de pommes de terre pendant la saison où celles-ci poussent, il n'y a pas de possibilité de pêche lorsque le détroit est gelé, et nos touristes préfèrent généralement notre île en été, quand il fait chaud et que les paysages sont verdoyants plutôt que gelés.

Il a beaucoup été question d'«encouragements»: ce ne sont pas des encouragements dont nous avons besoin, mais d'emplois à l'année longue. Je pensais que c'était ce que nous avait promis notre gouvernement actuel.

L'an prochain je toucherai, pour l'assurance-chômage, environ 104$ bruts, au lieu de 185$. Je suis mère de trois enfants, et jusqu'à présent j'ai fait tout ce que j'ai pu pour survivre. Mon chèque ne me permettra même pas de nourrir correctement mes enfants, quant au chauffage, aux vêtements et au logement, mieux vaut n'en pas parler.

Il faut modifier le projet de loi, car des collectivités rurales vont disparaître, celles dont la population de travailleurs saisonniers sera forcée de chercher du travail dans d'autres provinces, où le travail n'est pas tellement lié aux saisons.

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Dans l'Île-du-Prince-Édouard, le travail saisonnier est apprécié, mais on ne comprend pas, d'une façon générale, à quel point les collectivités en dépendent. Nous sommes fiers de ce que nous faisons.

En conclusion je voudrais simplement dire que jamais de ma vie je n'ai eu à lutter autant contre une injustice sociale, et j'espère ne plus jamais avoir à le faire, mais si je suis vraiment acculée, je le ferai.

Le président suppléant (M. Easter): Je vous remercie. Vous avez la parole, Loanne.

Mme Loanne Gallant (représentante, Coalition des travailleurs saisonniers de l'Île-du-Prince-Édouard): Je m'appelle Loanne Gallant, je suis de Miminegash et je travaille dans le secteur du tourisme. Je suis également membre actif du groupe Women in Support of Fishing (Femmes défenseurs de la pêche).

Je suis heureuse de pouvoir prendre aujourd'hui la parole en faveur des travailleurs saisonniers de l'ouest de l'Île-du-Prince-Édouard, car notre voix devait se faire entendre.

La panique gagne l'ouest de notre île, nous ne savons à qui faire confiance, nous ignorons où en sont vraiment les choses, nous sommes tirés à hue et à dia. Ces modifications à l'assurance-chômage vont toucher les gens de bien des façons. Dans mon cas et dans celui de bien d'autres, c'est le dénominateur: je travaille 12 semaines, divisez ce chiffre par 14, et mon assurance-chômage passera de 150$ bruts par semaine à 96$ bruts; je perdrai donc 1 212$ sur une période de 28 semaines. Ni moi ni les autres ne pouvons nous permettre d'être privés de cette somme.

L'interruption va être catastrophique pour la majorité des gens. Quant aux amendements relatifs aux 26 semaines, ils seront impossibles à appliquer aux travailleurs des conserveries, ou à ceux qui travaillent dans l'agriculture, à l'automne et au printemps.

Prenons l'exemple des travailleurs des conserveries. Cette personne travaille un certain nombre de semaines à l'automne, et les autres au printemps. Lorsqu'elle s'inscrira au printemps et remontera en arrière de 26 semaines, elle ne sera pas en mesure d'utiliser les semaines de travail de l'automne. Elle ne répondra pas aux critères. Les semaines doivent être laissées à un calcul sur 52 semaines. Si des amendements doivent être apportés, ce doit être à l'avantage de tous, pas simplement de quelques-uns.

Les travailleurs saisonniers passent l'été dans les localités où ils peuvent travailler; en hiver nous survivons avec l'assurance-chômage. Si ces modifications sont adoptées, nous n'aurons pas de quoi vivre. Mais nous voulons vivre et pour cela nous avons besoin de travailler à plein temps. Nous ne demandons pas votre pitié, ni celle de qui que ce soit: nous demandons qu'on fasse preuve de justice envers nous, et de respect.

Monsieur Young, vous semblez vouloir dire que c'est la Fédération canadienne du travail qui nous incite à lutter contre ces changements, mais nous n'avons pas besoin d'incitations externes, nous savons que nous devons lutter pour nous-mêmes; nos députés, à l'exclusion de Wayne Easter, ont fait leur travail, à ma connaissance, et ont tenu des séances d'information sur ces changements et expliqué aux gens comment ils allaient en être affectés. La Fédération du travail n'était pas disposée à faire le travail à leur place.

L'un d'entre vous voudrait-il s'il vous plaît répondre à ces questions? Comment notre gouvernement peut-il apporter ce genre de changements sachant fort bien qu'il s'en prend à l'existence même des gens, des collectivités et du coeur même de ce pays, en protégeant les riches et les puissants et en punissant les pauvres? Je n'ai maintenant plus de confiance qu'en Dieu, car toute la confiance que j'avais dans le gouvernement s'est dissipée, ce qui m'attriste beaucoup. Je vous remercie.

Le président suppléant (M. Easter): Je vous remercie, Loanne. Avant de passer aux questions nous allons donner la parole, de Gail ou Gerry, à celui qui va faire l'exposé.

Mme Gail Ling (présidente, Prince Edward Island Council of Labour): Le Prince Edward Island Council of Labour est heureux de pouvoir exprimer ici sa position sur cette question si grave.

Je m'appelle Gail Ling, je suis présidente de notre Conseil, et suis accompagnée de Gerry MacDonald, notre secrétaire-trésorier. Nous travaillons tous deux à titre bénévole, tout en étant élus par notre conseil, et tous deux nous sommes membres de la main-d'oeuvre de notre île. Gerry est un ouvrier qualifié, plombier dans la construction, et moi-même je suis technicienne en radiologie dans le plus grand hôpital de soins de courte durée de notre province.

Notre conseil représente environ 1 200 travailleurs des secteurs des soins médicaux, de la construction, de la fabrication, des services publics, pour la ville de Summerside et l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous sommes venus ici aujourd'hui parce que les changements qui ont été proposés à la Loi sur l'assurance-emploi et les répercussions considérables que ces changements auront sur notre province et notre collectivité ne laissent pas de nous causer les plus graves inquiétudes.

J'aimerais commencer par vous dire quelques mots sur la création d'emplois. Selon le gouvernement fédéral, ce que confirment les chefs d'entreprises locaux, la réduction des cotisations payées par les employeurs stimulera la création d'emplois. Ce sont les petites et les moyennes entreprises qui forment le pivot économique de notre pays et de notre province en particulier.

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Une réduction de 7 p. 100 des cotisations ne stimulera en rien la création d'emplois et c'est rêver en couleur que de suggérer le contraire. Le travailleur moyen de notre province gagne 454,03$ par semaine d'après les chiffres de 1994. La réduction proposée correspondrait à une épargne pour l'employeur de 32c. par semaine et de 16,64$ par an. Prenons une entreprise de 20 employés. L'épargne sera de 332,80$ par an. Combien pensez-vous que cet employeur pourra créer d'emplois avec une telle somme?

La Chambre de commerce de l'Atlantique voudrait vous faire croire que ses membres créeront par magie toutes sortes de nouveaux emplois grâce à ces économies. C'est tout simplement faux et ils le savent. Ces économies viendront directement s'ajouter aux bénéfices. Si une augmentation de la main-d'oeuvre génère de plus grands bénéfices, alors là ils embaucheront. À l'inverse, si une réduction de la main-d'oeuvre génère de plus grands bénéfices, ils débaucheront comme nous pouvons le constater depuis quelques années dans notre pays et dans notre province.

Nous aimerions savoir si quelqu'un au ministère du Développement des ressources humaines a fait des calculs pour quantifier le travail supplémentaire que devront assumer les travailleurs de cette province pour compenser la réduction substantielle des prestations qu'ils recevront. D'après les chiffres qui nous ont été communiqués, dans notre province il faudra qu'ils assument quelque 75 000 semaines de travail supplémentaire. C'est l'équivalent de presque 3 millions d'heures-personnes de travail ou dans un contexte plus clair l'équivalent de 15 usines employant 100 travailleurs à plein temps. Est-ce que la proposition de réduction des cotisations de 7 cents va créer cette quantité de travail? Sans intervention divine, certainement pas.

Notre deuxième problème concerne les semaines sans rémunération. La formule qui utilise les périodes hebdomadaires pendant lesquelles l'employé ne perçoit pas de salaire est archaïque et pénalise les plus vulnérables. Un employé qui gagne 10$ l'heure, 40 heures par semaine pendant 12 semaines gagne 4 800$.

À l'heure actuelle, cette personne perçoit 220$ de prestations par semaine. Selon la nouvelle proposition ces prestations retomberont à 188,57$, une réduction de 31,43$ par semaine. Reportée sur la période de prestations de 32 semaines, cela fait une perte de 1 005,76$. Les salariés à faible revenu, et les femmes en particulier, seront très durement touchés par ces réductions. Les familles monoparentales seront les plus vulnérables. S'ils souffrent, leurs familles souffriront aussi.

Nous croyons comprendre que des amendements sont proposés pour atténuer l'impact de ce changement, mais nous vous demandons de comprendre la situation intenable dans laquelle nombre de travailleurs de cette région se retrouveront sans que cela soit de leur faute. Les entreprises ne s'occuperont pas d'eux. Le gouvernement a misérablement échoué dans ses efforts de création d'emplois et que les gouvernements fédéral et provinciaux se déchargent de leurs responsabilités ne fera qu'aggraver le problème.

Il est temps d'abandonner cette course sans merci aux profits et de restaurer nos valeurs et nos principes. Notre pays a toujours fait preuve de générosité et de bonté et nous devrions tous avoir honte de ce qui se passe actuellement chez nous.

La formation en apprentissage est un de nos autres graves soucis. Nous nous opposons au transfert des budgets de formation aux provinces et au secteur privé. Nous craignons une érosion des normes nationales pour lesquelles nous nous sommes battus pendant tant d'années. Nous craignons une érosion du niveau de qualifications des travailleurs de demain. Nous craignons qu'une fois dans le domaine provincial, le favoritisme influe sur les décisions. Nous nous retrouverons avec des centres de formation où les profits l'emporteront sur la mission éducative.

Avec la perte du supplément de revenu pendant les deux premières semaines de formation, beaucoup de gens ne pourront pas se permettre de quitter leur travail pour suivre ces cours, pour se perfectionner ou se recycler. D'après nos recherches, l'apprenti moyen a 25 ans, il est marié et il a un enfant et demi. Il est donc pratiquement impossible aux apprentis de perdre deux semaines de revenu et de subir une réduction de gains de 45 p. 100 pendant leur formation.

La formation en apprentissage a toujours été prise en charge par les partenaires sur le marché du travail et généralement abouti à des possibilités d'emploi. La formation en établissement ne tient pas compte des besoins du marché du travail et aboutit à des excédents dans certains métiers.

Nous aimerions que vous réfléchissiez longuement à ces propositions de changements concernant la formation. L'important sera de vous assurer du maintien de l'intégrité de ces programmes d'apprentissage. Des normes nationales et des contrôles nationaux sont indispensables. Il est crucial de mettre en place une stratégie de formation nationale qui protège et valorise l'apprentissage.

Pour finir, il y a la règle de l'intensité. Les travailleurs saisonniers sont pénalisés parce que sans que cela soit de leur faute ils sont employés par des industries qui ne tournent pas 12 mois sur 12. Nous nous retrouvons avec un double système de prestations pour les travailleurs de notre pays qui endommage le tissu social qui fait la force du Canada depuis plus de 100 ans.

Cette règle de l'intensité doit disparaître. La proposition d'amendement ne règle pas le problème de ce double système et ouvrira la porte à la discrimination.

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Des changements de cette nature ont des répercussions beaucoup plus importantes sur les régions économiquement déprimées comme la nôtre. Ce sont de simples pansements et non pas des remèdes à la maladie. Il est clair qu'il nous manque une véritable solution à notre problème économique. Il est temps que tous les partenaires économiques négocient et proposent conjointement des stratégies de politique économique et de création d'emplois pour le XXIe siècle.

Nous demandons à votre comité de faire effectuer une étude complète et indépendante sur les effets de ces réformes et sur les coûts réels, tant humains que financiers qui y sont associés. Les conclusions de cette commission devront être rendues publiques.

La formule de calcul de la moyenne des gains salariaux ne devrait pas être changée. Il existe dans notre pays des disparités régionales dont il faut continuer à tenir compte dans le régime actuel.

La règle de l'intensité doit disparaître. Le travail saisonnier est un élément de l'économie du Canada qui ne disparaîtra jamais.

En guise de conclusion, mesdames et messieurs, la côte Est en a assez d'être accusée d'abuser des programmes sociaux et de l'assurance-chômage. Il y a plus de prestataires d'assurance-chômage à Montréal que dans toutes les provinces Atlantiques. Nos gens veulent travailler. Ils ont prouvé qu'ils pouvaient être des employés énergiques et qualifiés. Nous n'avons pas rempli notre contrat envers eux en ne développant pas comme il le fallait l'économie canadienne. Nous sommes un pays riche avec quelques problèmes géographiques majeurs. Ces problèmes ne sont pas insurmontables d'après nous et si nous joignons nos efforts ensemble nous réussirons à les surmonter.

Enfin, notre ministre du Développement économique, Robert Morrissey, a dit dans les médias locaux que le gouvernement fédéral visait une réduction de 1,8 milliard de dollars du fonds d'assurance-chômage pour réduire d'autant le déficit du pays. Nous n'aimerions pas du tout que notre régime d'assurance-chômage actuel qui s'autofinance, soit mis en danger dans le simple but de réduire le déficit alors qu'un même objectif aurait pu être atteint d'une manière plus équitable en répartissant de manière universelle les coupures et en ne les faisant pas assumer par ceux qui en ont le moins les moyens.

Merci de nous avoir invités.

Le président suppléant (M. Easter): Merci d'avoir tous été brefs et précis.

Je donne maintenant la parole à l'Opposition officielle, M. Dubé.

[Français]

M. Dubé: Il me fait plaisir de communiquer directement avec vous. Vous n'avez pas besoin de porte-parole puisque vous vous exprimez très bien. Vous avez bien présenté la situation.

Je suis membre du comité depuis deux ans et demi et j'ai eu l'occasion, lors du voyage du Comité du développement des ressources humaines, d'aller dans votre coin du pays et de rencontrer des gens qui faisaient valoir beaucoup des points que vous soulevez aujourd'hui.

Puisque je suis issu d'une région qui s'appelle l'Est du Québec dont les caractéristiques ressemblent beaucoup à celles de votre province, je peux très bien comprendre ce que vous dites, surtout la dernière intervenante qui se dit fatiguée de toujours entendre les gens parler des provinces de l'Atlantique comme de provinces démunies. En visitant votre province, on constate que vous êtes des gens fiers, qui accomplissent des choses importantes dans leur travail saisonnier.

Vous avez l'occasion de le dire aujourd'hui et on devrait le faire savoir à toutes les régions. Vous représentez des régions ressources, riches en ressources naturelles. Si des gens comme vous n'accomplissaient pas ce travail, les gens des grandes villes comme Montréal manqueraient de quelque chose, de ressources premières.

Les gens aiment se dépayser, voir un coin de pays, faire du tourisme. Je n'ai pas de questions. Je cède la parole à M. Proud qui est de l'Île-du-Prince-Édouard. Soyez assuré que l'Opposition officielle, le Bloc québécois, est très sensible à vos revendications. Notre point de vue au sujet des normes nationales est peut-être différent parce que nous tenons beaucoup à l'autonomie du Québec au plan de la formation, une juridiction qui selon la Constitution fait partie des responsabilités des des provinces. Nous appuyons toutes vos autres positions et propositions et vous encourageons à continuer. Nous sommes loin, mais vous avez notre appui. Merci.

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[Traduction]

Le président suppléant (M. Easter): C'est plus un commentaire qu'une question, mais y a-t-il une réponse?

Monsieur Proud.

M. Proud: Je souhaite la bienvenue à votre groupe. Je m'excuse auprès de vous des retards ou des malentendus entourant votre comparution devant notre comité. Je pense qu'il y a eu une erreur généralisée, surtout en ce qui vous concerne, madame Ling. Nous avons connu certains problèmes ici.

Quoi qu'il en soit, vous êtes tous là. Nous avons écouté vos préoccupations, ainsi que celles de groupes comme le vôtre. Pour présenter le revers de la médaille ce matin, nous avons accueilli un groupe, du Canada atlantique aussi, qui nous a dit que l'assurance-chômage était la cause du problème. Entre ces deux extrêmes, nous devons tenter de formuler une politique et une solution.

À la dame qui a dit que Wayne Easter était le seul qui tenait des assemblées publiques, je tiens à dire que j'organise moi-même des assemblées publiques tous les jours où je suis dans ma circonscription de Hillsborough. Je m'intéresse aux changements proposés dans ce projet de loi depuis le début.

Nous y travaillons depuis 1993 et je veux rendre un hommage bien mérité à mes collègues, au nombre de trois, ainsi qu'à tous les autres membres du comité des autres partis qui ont contribué à formuler les propositions d'amendement qui sont à l'étude. Nous espérons pouvoir convaincre le gouvernement qu'il est nécessaire de les adopter pour rendre le projet de loi plus acceptable pour les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard en particulier et pour les Canadiens de l'Atlantique et les Canadiens en général.

À mon avis, l'un des problèmes tient au fait qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois à temps plein à l'Île-du-Prince-Édouard. Mardi, nous avons entendu deux autres groupes de l'Île-du-Prince-Édouard, le conseil exécutif du gouvernement provincial et l'association du tourisme qui ont tous deux relaté leurs efforts pour prolonger la saison de travail et multiplier les occasions d'emploi. J'estime qu'il incombe également à notre gouvernement de créer davantage d'emplois à temps plein. C'est manifestement la voie à suivre pour atténuer la dépendance vis-à-vis des industries saisonnières. Nous aurons toujours des industries saisonnières, mais si nous pouvons créer davantage d'emplois à temps plein, nous aurons moins de problèmes chaque fois que nous devrons procéder à un examen de l'assurance-chômage.

Au sujet des trois amendements portant sur le dénominateur, les interruptions et la règle de l'intensité, s'ils devaient être acceptés, considéreriez-vous cela comme un progrès? L'autre jour, nous nous sommes entretenus avec des représentants de l'Île-du-Prince-Édouard qui nous ont expliqué l'effet concret de la réforme sur des cas authentiques datant de 1995. Si l'on prend en compte les amendements proposés, toutes les conséquences négatives du projet de loi C-12 disparaissent, à l'exception de deux. Je pense que cela représente énormément de progrès et j'aimerais que vous répondiez à mes commentaires.

Mme Deveau: Premièrement, les chiffres que j'ai mentionnés étaient 104$ bruts, par rapport à 185$. Je suis arrivée à ces chiffres après avoir pris en compte tous les amendements.

Avec l'interruption, je crois personnellement que même si l'on revenait à 26 semaines, un grand nombre de personnes se trouveraient écartées.

C'est vrai que nous avons fait énormément de progrès par rapport au projet de loi original, mais je considère que cela n'est pas suffisant. Je vous signale que 104$ bruts, ce n'est pas suffisant pour nourrir mes enfants. J'ai dû cumuler deux emplois l'année dernière pour obtenir cette somme. J'ai maintenant perdu l'un de ces deux emplois, ce qui signifie six semaines de travail de moins.Par conséquent, étant donné que j'avais absolument besoin de travail, de ces six semaines d'emploi, j'ai décidé de me lancer en affaires moi-même. Je vais ouvrir ma propre entreprise d'ici un mois. Cela représente six semaines de travail, mais mon chèque sera toujours de 104$.

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Avec 26 semaines, si je prends le relevé d'emploi pour l'année dernière, seulement 9 de mes semaines travaillées me sont utiles. Je prends donc 9 semaines et je divise par 14. Ensuite, dans l'année, je devrai rembourser 1 p. 100, parce que je sais que je devrai fort probablement toucher des prestations pendant plus de 20 semaines.

Le président suppléant (M. Easter): Jacinta, sur ce point, il est évident que certaines de vos semaines ne tombent pas dans la période de 26 semaines.

Geoff soulevait justement un point à ce sujet. Voulez-vous intervenir, Geoff?

M. Regan: Oui. J'ignore votre niveau de revenu familial, mais vous savez peut-être qu'un supplément de revenu familial complétera le revenu des familles qui dépendent de l'assurance-chômage; ce sera un plus, comparé à ce qui se faisait avant. C'est fondé sur le fait que ce sont des gens à faible revenu. Par ailleurs, une modification stipule que les familles à faible revenu, c'est-à-dire dont le revenu est inférieur à 26 000$, seront exemptées de la règle de l'intensité. J'ignore si cela s'applique à vous, mais il vaut la peine de le signaler.

J'ai d'autres questions, mais nous pourrions peut-être y revenir.

Le président suppléant (M. Easter): Allez-y tout de suite, Geoff.

M. Regan: Une d'entre elles concerne l'apprentissage, que l'une d'entre vous a mentionné. Comme vous le savez, cela relève des provinces. Mais aux termes de l'un des cinq outils prévus dans ce programme à la partie II du projet de loi, à la rubrique des prêts et subventions de perfectionnement, les provinces pourraient décider que l'apprentissage sera financé à même cet outil, par un mélange de prêts et de subventions. Comme cela relève des provinces, les autorités provinciales doivent approuver la mise en oeuvre des prêts et subventions de perfectionnement. C'est l'un des grands changements dans ce projet de loi, de donner davantage de pouvoirs aux provinces. C'est ma première question.

L'autre concerne un témoignage que nous avons entendu ce matin de la part de l'Atlantic Institute for Market Studies. Je voudrais avoir votre réaction à ce sujet. Malheureusement, dans la documentation qu'ils nous ont remise, on donnait deux exemples tirés de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, mais je suis certain qu'il ne saurait y avoir trop de différence, puisque les règles sont les mêmes dans toutes les provinces. Je m'inquiète au sujet du fonctionnement de tout ce système et je me demande si, à votre avis, nous devrions intervenir ou le laisser tel quel. Mais laissez-moi vous dire ce qu'ils nous ont dit.

En Nouvelle-Écosse, en 1992, plus de 18 000 familles ayant un revenu supérieur à 60 000$ ont reçu en moyenne plus de 6 000$ chacune en prestations d'assurance-chômage, et 9 000 familles ayant un revenu de moins de 10 000$ qui ont touché de l'assurance-chômage cette année-là n'ont reçu en moyenne que 3 000$ par famille. Cela veut dire que des familles ayant un revenu supérieur à 60 000$ cette année-là ont reçu plus de 100 millions de dollars du régime d'assurance-chômage - dis bien 8 000 familles en tout. Environ 9 000 familles ayant un revenu de moins de 10 000$ ont reçu moins de 30 millions du régime. Voyons maintenant ce qu'il en est à Terre-Neuve. À Terre-Neuve, les familles ayant un revenu de plus de 70 000$ ont touché 75 millions de dollars en tout; il y a 6 591 familles dans ce cas. Quant aux familles gagnant moins de 10 000$, qui sont au nombre de 4 000, elles n'ont reçu que 14 millions de dollars du régime.

Il me semble que la mesure de récupération prévue dans le projet de loi pour les revenus élevés est une bonne chose, compte tenu de ces chiffres. Il me semble important de pourvoir aux besoins des plus démunis, et c'est ce que nous essayons de faire en les exemptant de la règle de l'intensité et en modifiant les dispositions relatives à l'arrêt de rémunération et au dénominateur, bien que je constate que vous n'êtes toujours pas satisfaits. Il faudra se pencher de nouveau sur ces chiffres. Il me semble que l'objectif devrait être de maintenir l'aide pour ceux qui en ont le plus besoin, sans pour autant maintenir un système en vertu duquel une personne peut, année après année, gagner un très bon revenu et toucher quand même 6 000$ ou 10 000$ chaque année de l'assurance-chômage. Je ne vois pas comment nous pouvons continuer de financer cela à même les cotisations de peut-être 500$ par année que verse une personne qui est dans ce cas.

Le président suppléant (M. Easter): Allez-y, que celui qui veut répondre le fasse.

M. Gerry MacDonald (secrétaire-trésorier, Prince Edward Council of Labour): Dans une famille à faible revenu qui vit sous le seuil de la pauvreté, comme nous avons pu le lire, cela aura une incidence sur la règle du dénominateur. S'ils travaillent 12 semaines, ils gagneront 4 500$ à raison de 10$ de l'heure. Cela réduira leur salaire de 34 $ par semaine, et ils sont déjà en deçà du seuil de pauvreté. J'aimerais voir comment ces données vous aident pour ce qui est de la règle du dénominateur.

M. Regan: Ce n'est pas du tout ainsi que je comprends le fonctionnement de cette règle. Nous devons analyser d'autres données que nous mettons de l'avant parce qu'elles ne correspondent pas à ce que j'ai compris. J'aimerais que M. Scott, qui a proposé l'amendement relatif à l'arrêt de rémunération ou aux semaines creuses, soit ici parce qu'il pourrait mieux vous l'expliquer. Je sais qu'il a fait des recherches qui montrent que pour la majorité des gens des provinces de l'Atlantique, le problème de l'interruption sera réglé grâce à cet amendement. Malheureusement, il n'est pas ici; il pourrait l'expliquer beaucoup mieux que je ne peux le faire.

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Le président suppléant (M. Easter): Je pense toutefois que quand nous aurons l'analyse d'impact, elle montrera que les familles à faible revenu, grâce à des rajustements, bénéficieront d'une augmentation nette de l'ordre de 13 p. 100 par rapport au régime actuel. Il me semble que certains de ces exemples doivent correspondre à la situation des familles à faible revenu. Dans les exemples que nous présentons ici, il y a un secteur très problématique, celui du travail agricole.

Loanne, nous avons demandé au ministère d'examiner votre exemple, mais il nous faut les deux premières semaines de revenu. Il s'agit d'une période de 28 semaines, je crois. Avec les deux premières semaines de revenu, nous pourrions le faire par voie d'amendements, avec la règle de l'intensité et le supplément pour les familles à faible revenu, et voir ce que cela donne. Je ne peux pas vous le fournir maintenant, mais nous vous tiendrons au courant. Avez-vous vos deux premières semaines de revenu, plus ou moins?

Mme Gallant: Non, pas maintenant.

Le président suppléant (M. Easter): Pouvez-vous nous en donner une idée? Si vous pouvez appeler mon bureau ou celui de Georges et les lui remettre, nous demanderons au ministère de se pencher sur les chiffres.

Quelqu'un veut-il faire une dernière observation?

Mme Deveau: Pour ce qui est des questions qu'a posées le député de la Nouvelle-Écosse, nous comprenons bien sûr qu'il se pose un problème à propos de ceux qui touchent des revenus élevés de même qu'à propos de la règle de récupération. Au conseil de notre province, nous avons discuté de cette question et nous pensons qu'il y a moyen de faire quelque chose. Nous ne pensons pas que la récupération se fait au niveau où elle devrait se faire; nous pensons qu'il faudrait peut-être viser un peu plus haut. Mais nous comprenons certainement que le problème se pose. Je ne pense pas que quelqu'un qui gagne 100 000$ par année doive être admissible aux prestations d'assurance-chômage ni qu'on doive subventionner cela.

Ce qui nous préoccupe le plus c'est la situation des travailleurs saisonniers qui gagnent peu. C'est ce à quoi font face nos ouvriers. Dans la plupart des cas, on ne peut pas travailler l'hiver à moins qu'un gros projet soit en cours de réalisation.

Cette année, dans notre province, le dénominateur est de douze plus deux, d'après les chiffres qu'on m'a remis, mais je me demande si quelqu'un au comité s'est demandé ce qu'il en sera l'an prochain et quel sera notre dénominateur. Je pense que nos gens seront durement touchés l'an prochain. Il y aura un gros problème. Nous pourrons revenir quand le cycle sera terminé, mais pour l'instant, ce dénominateur nous cause de graves problèmes eu égard à ce qui attend nos gens l'an prochain.

Le président suppléant (M. Easter): Tout le temps est écoulé. J'aimerais vous remercier.

J'aimerais ajouter quelques points. D'abord, nous attendons une analyse d'impact ce soir,je crois, qui portera sur les incidences prévisibles pour chacune des régions, sur les niveaux de revenu, les régions et les industries. Quand nous l'aurons, elle sera mise à la disposition des gens. Nous poserons aussi la question soulevée par Mme Ling à la page 2 sur le travail additionnel qui serait requis pour compenser la réduction. Nous demanderons au ministère de fournir ce renseignement. Nous essaierons aussi de répondre à la question de Loanne.

Merci d'avoir été brefs et de nous avoir présenté des exemples précis de travail saisonnier.Ce sera utile à tous les membres du comité. Merci.

La séance est levée jusqu'à 15h30.

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