[Enregistrement électronique]
Le mardi 26 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite à tous la bienvenue. Comme vous le savez, aujourd'hui, nous examinons le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence.
Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir des porte-parole de l'Association canadienne des radiodiffuseurs: M. Michael McCabe, président-directeur général; Mme Celese Ivey, directrice de la gestion des ressources humaines à Global Television; M. Peter Miller, vice-président directeur et conseiller juridique général, et Mme Angela Roberge, analyste de la politique sociale.
Avant la réunion, je vous ai expliqué la façon dont se déroulaient nos audiences. Vous disposez de 10 à 15 minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi d'une période de questions et de réponses. Je vous cède la parole.
M. Michael McCabe (président-directeur général, Association canadienne des radiodiffuseurs): Merci, monsieur le président, et bonjour à tous.
[Français]
Bonjour, mesdames et messieurs.
[Traduction]
Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner. Comme nous sommes les premiers, nous sommes frais et dispos, du moins je l'espère, tout comme vous, d'ailleurs.
[Français]
L'Association canadienne des radiodiffuseurs est une association professionnelle nationale défendant les intérêts des stations et réseaux de radio et de télévision privés qui comptent parmi les employeurs assujettis à la réglementation fédérale. Elle fait partie des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, FETCO ou ETCOF, qui, à ce qu'on me dit, comparaîtront devant le comité et lui présenteront par écrit des observations détaillées sur le projet de loi C-66 modifiant le Code canadien du travail, partie I. L'ETCOF traitera dans son mémoire des points du projet qui touchent tous ses membres, et l'ACR appuie ses observations.
[Traduction]
En plus des préoccupations qu'ils ont en commun avec les autres membres des ETCOF, les radiodiffuseurs ont des appréhensions uniques quant à la législation des relations industrielles. Les stations privées sont la première et, souvent, la seule source de nouvelles, d'information et de divertissement des Canadiens dans les petites localités. Nos émissions rivalisent tous les jours avec celles de la plus grande source d'information et de divertissement du monde: je parle des États-Unis. Jusqu'ici, la concurrence nous a souri.
Soixante-dix pour cent des services de radiodiffusion télévisuelle et sonore consommés par les Canadiens sont fournis par des stations privées canadiennes. Cinquante-deux pour cent des émissions regardées et 83 p. 100 des émissions écoutées par les Canadiens sont diffusées par des stations privées canadiennes. Si la législation du travail nous empêche de faire des affaires et qu'elle force, de la sorte, nos auditeurs, téléspectateurs et annonceurs à se tourner vers les stations américaines, les radiodiffuseurs privés canadiens ne pourront vraisemblablement pas récupérer leur part du marché et le manque à gagner.
C'est pourquoi nous tenions à vous faire un exposé distinct. Nous sommes conscients que vous nous avez invités à témoigner pour entendre nos préoccupations particulières et nos suggestions en vue de faciliter l'atteinte des objectifs visés dans le projet de loi à l'étude.
Ce que nous avons à dire se limite à trois articles particuliers du projet de loi qui touchent les radiodiffuseurs: le recours à des travailleurs de remplacement; les nominations au sein du Conseil canadien des relations industrielles et la capacité des syndicats à communiquer avec les travailleurs à distance.
Avant de passer à ces sujets particuliers, nous souhaitons nous déclarer publiquement en faveur du projet de loi C-66. Il est clair que le processus de consultation amorcé par l'ex-ministre du Travail Lucienne Robillard et mené à terme par l'actuel ministre Gagliano durant les rencontres de consultation qui ont eu lieu un peu partout au pays avec les employeurs et les groupes de travailleurs a joué un rôle important dans l'élaboration du projet de loi à l'étude. Il a en effet permis de régler plusieurs questions litigieuses, ce dont il faut féliciter les ministres Robillard et Gagliano.
La question la plus épineuse étudiée durant le processus de consultation a été la possibilité, pour l'employeur, d'avoir recours à des travailleurs de remplacement durant des grèves et des lock-out. Nous constatons avec plaisir que le projet de loi n'empêche pas le recours légitime à des travailleurs de remplacement durant un conflit de travail.
Le nouveau paragraphe 94(2.1) décrit toutefois les circonstances dans lesquelles pareil recours est interdit. Nous sommes d'accord avec l'esprit de cette disposition. Cependant, selon nous, le libellé est trop vague, ce qui pourrait entraîner diverses interprétations et des abus. Grâce à quelques légères modifications du libellé que nous avons incluses dans notre mémoire, on pourrait rendre la disposition plus claire.
Tout comme les ETCOF, nous estimons qu'il faudrait libeller l'article dans le sens des recommandations du groupe d'étude Sims selon lequel il ne faudrait pas utiliser des travailleurs de remplacement en vue de nuire délibérément à la capacité de représentation des syndicats et à la négociation collective. Un libellé révisé à cet égard contribuerait à éviter les poursuites coûteuses provoquées par un recours excessif à l'article tel que projeté et à son interprétation erronée, sans quoi les syndicats pourront prétendre que tout recours à un travailleur de remplacement est une pratique déloyale.
La simple insertion du mot «délibéré» au paragraphe projeté 94(2.1) obligerait le syndicat à prouver la mauvaise foi de l'employeur. Cependant, les radiodiffuseurs estiment qu'il conviendrait, par souci d'une plus grande clarté, de préciser dans une disposition distincte que le fardeau de la preuve incombe au syndicat.
Il faudrait clairement énoncer le grand principe de droit selon lequel la preuve incombe à celui qui fait l'affirmation, puisque le conseil aura le pouvoir, essentiellement, de faire cesser toute activité de l'employeur ou, dans le cas du radiodiffuseur, de faire fermer la station s'il est interdit à l'employeur d'utiliser des travailleurs de remplacement.
Pour ce qui est de la nomination des membres au Conseil canadien des relations industrielles, nous sommes, là encore, d'accord avec le projet de loi. La structure de représentation au sein du conseil décrite dans le projet de loi a tout notre appui. Il est essentiel qu'employeurs et employés aient une représentation égale au sein du conseil, grâce à des consultations avec le ministre.
À notre avis, la loi serait plus musclée si elle prévoyait aussi des consultations concernant la nomination du président et des vice-présidents. Il faudrait que les membres, le président et les vice-présidents du conseil aient non seulement une connaissance pratique des relations industrielles, comme le mentionne le projet de loi, mais qu'ils connaissent aussi jusqu'à un certain point le fonctionnement d'une entreprise.
Par conséquent, nous recommandons que l'article 10.1 soit modifié de manière à permettre la tenue de consultations avec le ministre avant la nomination du président et des vice-présidents par le gouverneur en conseil. On fera ainsi en sorte que, à l'instar des membres du conseil, le président et les vice- présidents aient la confiance des employeurs et des employés au service desquels ils travaillent.
Nous estimons aussi qu'une fois le projet de loi à l'étude adopté, il faudrait prévoir dans le règlement un processus officiel et périodique de consultation au sujet des nominations au conseil qui engagerait la participation des principaux employeurs et groupes d'employés comme les ETCOF, l'ACR et les groupes syndicaux.
Enfin, nous aimerions dire quelques mots au sujet des propositions relatives à la capacité du syndicat de communiquer avec les travailleurs à distance. Comme vous le savez, le milieu de travail contemporain ne se limite souvent pas aux locaux de l'employeur. Le paragraphe projeté 109.1(1) reconnaît le principe du télétravail et donne au syndicat la possibilité de communiquer avec les travailleurs à distance après en avoir fait la demande comme il convient. Le conseil pourrait donc exiger de l'employeur qu'il fournisse au syndicat les noms et coordonnées des travailleurs à distance.
Nous ne sommes pas contre ce paragraphe, car nous estimons essentiel pour le syndicat de pouvoir communiquer avec tous les employés membres de l'unité de négociation. Toutefois, le fait que ce paragraphe n'exige pas que l'employé autorise la communication de pareils renseignements personnels nous préoccupe. Si l'employeur communique cette information au syndicat sans le consentement de l'employé, il y aura violation des rapports de confiance et de confidentialité qu'entretient l'employeur avec l'employé. De plus, de nombreux employés refusent que des renseignements personnels à leur sujet soient communiqués par crainte de compromettre leur sécurité personnelle.
Nous estimons qu'une simple modification du paragraphe 109.1(1) projeté pourrait préserver le rapport essentiel de confiance entre employeur et employé et ne pas compromettre la sécurité personnelle des employés. Il faut que le Parlement préserve le droit fondamental à la protection de la vie privée des Canadiens. Nous proposons à cette fin, dans notre mémoire, certains changements au libellé.
[Français]
Le projet de loi C-66 marque, à notre avis, un jalon important dans la modernisation du Code canadien du travail. Les amendements mineurs que nous suggérons d'y apporter aideront à assurer que les radiotélédiffuseurs privés respectent l'esprit et la lettre de la loi malgré la concurrence toujours plus vive à laquelle ils font face.
[Traduction]
Nous vous remercions de nous avoir invités à exposer nos vues aujourd'hui. Nous répondrons maintenant volontiers à vos questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Je cède maintenant la parole à M. Ménard.
[Français]
M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Je me joins à vous pour souhaiter la bienvenue à nos témoins qui, comme vous le savez, brisent la glace, puisque ce sont les premiers témoins que nous avons le plaisir d'entendre sur ce projet de loi.
J'aimerais peut-être aller plus en détail concernant l'interprétation que vous faites du paragraphe 94(2.1) sur la question des travailleurs de remplacement. Je crois comprendre que vous proposez d'ajouter, dans le libellé du projet de loi, le mot «délibéré» et le mot «membre». J'aimerais que vous m'expliquiez très concrètement quelles sont vos appréhensions et en quoi ces précisions sont utiles. Pour notre part, notre inquiétude est que ce ne soit pas très opérationnel. Vous savez qu'on aurait souhaité que ça aille beaucoup plus loin et que ce soit véritablement indiqué comme une pratique déloyale dans une disposition du Code canadien du travail qui permette de déposer des plaintes à cet effet.
Je pense qu'on pourrait se réclamer de l'expérience du Québec qui, depuis 1977, a des dispositions assez précises. J'aimerais donc que vous m'expliquiez quelles sont vos appréhensions et en quoi le fait d'ajouter le mot «délibéré» et le mot «membre», «membre» renvoyant bien sûr à l'unité de négociation, va permettre au Conseil des relations industrielles d'avoir une jurisprudence plus claire, et en quoi ce sera un plus dans l'équilibre auquel on essaie de parvenir dans les relations de travail.
M. McCabe: Merci, monsieur Ménard. Si vous me le permettez, je vais parler en anglais pour être plus clair.
[Traduction]
Je commencerai à vous répondre, puis je demanderai à Celese Ivey, qui travaille dans une station tous les jours et connaît donc bien l'application du Code canadien du travail, de vous en parler. Enfin, notre conseiller juridique, Peter, aura peut-être, lui aussi, quelque chose à ajouter.
Notre première impression, c'est que l'on a cherché, avec succès, à atteindre un certain équilibre dans le projet de loi. Nous voulions donc faire en sorte que cet équilibre soit réellement atteint et qu'il puisse être maintenu tout au long de la période d'application de la loi et, plus particulièrement, durant les conflits.
Selon nous, le recours aux travailleurs de remplacement est un élément essentiel de cet équilibre. Effectivement, il devrait être interdit, dans la loi, d'avoir recours à des travailleurs de remplacement pour miner la capacité de représentation du syndicat, pour nuire au processus de négociation collective. La difficulté réside dans la façon de juger que l'employeur utilise des travailleurs de remplacement pour miner le syndicat, pour nuire au processus de négociation. Nous craignons qu'on puisse prétendre - et cet argument a été invoqué parfois durant le débat public - que tout recours à des travailleurs de remplacement nuit au processus de négociation et au syndicat.
Ce n'est pas, selon nous, l'esprit de la loi à l'étude. L'article précise clairement qu'il existe des recours légitimes à des travailleurs de remplacement. Nous estimons donc qu'il importe de prouver clairement que l'employeur agit délibérément. En d'autres mots, si le syndicat conteste le recours à un travailleur de remplacement, il faut qu'il le fasse pour une raison. Il faut éviter que l'on puisse contester tous les travailleurs de remplacement et que chaque contestation soit jugée valide. Il faut que les instructions données au conseil soient claires.
Jusqu'ici, nous étions préoccupés par le fait que le conseil actuel - je suppose que l'on peut en débattre - privilégiait les syndicats. Nous aimerions que le Parlement énonce clairement qu'il faut que l'employeur ait délibérément et intentionnellement eu recours à des travailleurs de remplacement pour miner la capacité de représentation du syndicat.
Je demanderais maintenant à Celese de vous illustrer le bien- fondé de cette appréhension au moyen d'exemples probants.
[Français]
Mme Celese Ivey (directrice des ressources humaines, Global Television, Association canadienne des radiodiffuseurs): Bonjour, monsieur Ménard.
[Traduction]
Je reconnais que le Québec a effectivement une législation en vigueur dans ce domaine. Cependant, les autres provinces vont dans le sens contraire. Étant donné qu'elles sont à la recherche de relations de travail plus utiles avec les syndicats, elles vont dans le sens de ce qu'ont fait les services de médiation et de conciliation pour trouver des moyens de négocier à la satisfaction des parties sans qu'il soit nécessaire de recourir au lock-out ou à la grève.
Avec ce processus en place, s'il était question de lock-out ou de grève, l'employeur et le groupe de représentation des employés auront à régler de très graves questions. Comme tel, si le recours à des travailleurs de remplacement s'impose, le syndicat, lorsqu'il demandera que soit interdit ce recours, devra en préciser la raison exacte. Pour résoudre cette question, il faut qu'il soit obligé de fournir la raison, de sorte que l'on sache à quoi s'en tenir quant à la façon de faire avancer les pourparlers. Sans de telles exigences, sous le coup de l'émotion et de l'excitation, nous craignons que le climat soit moins serein et qu'il soit plus difficile d'en arriver à un compromis.
L'exemple que mentionne M. McCabe est celui de la station de la côte Est que nous avons récemment acquise, soit MITV. Pendant les huit années qui ont précédé l'acquisition, elle a accumulé un déficit de 26 millions de dollars. Nous l'avons remise à flot et nous l'avons réorganisée et restructurée de façon à rendre son exploitation viable et à continuer d'employer les gens qui y travaillent.
Tout récemment, nous avons obtenu l'accréditation pour tous les postes de notre service de l'information, sauf un. C'est une ordonnance d'accréditation extrêmement limitée. Elle ne donne pas beaucoup de marge de manoeuvre à la station, en cas de conflit, pour assurer la continuité du service des informations.
Les bulletins d'informations sont très importants. Avant de travailler à la gestion des ressources humaines, je travaillais au service des informations. Les Canadiens méritent d'obtenir en premier les nouvelles produites au Canada. Il s'agit d'informations sur les questions qui les intéressent. Cette information est cruciale aux besoins de leur entreprise, et nous estimons donc impératif de continuer à la leur offrir. Nous craignons que si seulement un membre de la salle des dépêches est exclu du groupe de négociation et que le conseil interdit le recours à des travailleurs de remplacement, nous soyons incapables de produire l'information. Le téléjournal ne serait plus diffusé. Les téléspectateurs n'auraient plus le choix.
[Français]
M. Ménard: Je comprends donc que vous souhaitez qu'il y ait des règles du jeu qui soient claires. Vous nous invitez à être extrêmement vigilants sur le fait qu'il doit y avoir des directives très précises qui doivent être connues à l'avance. D'après votre raisonnement, est-ce que ces directives doivent émaner du législateur ou est-ce que le Conseil doit lui-même, avec son expertise, son expérience et la jurisprudence déjà existante, faire connaître des directives très claires, un peu comme dans d'autres sujets?
La Commission canadienne des droits de la personne a eu le mandat de le faire lorsqu'elle a eu de nouveaux pouvoirs concernant l'équité salariale. Selon vous, les directives doivent-elles venir du législateur ou du Conseil?
[Traduction]
M. McCabe: Selon nous, il faudrait que la loi adoptée par le Parlement soit très explicite, comme elle peut souvent l'être. Du fait surtout que le conseil est tout nouveau, il faudrait que le Parlement s'efforce d'être très clair, particulièrement à ce sujet particulier qui a donné lieu à tant de litiges. Nous craignons, si le Parlement ne l'est pas, d'être piégés, en ce sens que presque tout recours à des travailleurs de remplacement serait interdit. Je ne crois pas que ce soit l'objectif du projet de loi ou du Parlement. Il faudrait donc être très clair.
Le président: Je vous remercie. Monsieur Johnston.
M. Johnston (Wetaskiwin): Vous avez proposé dans votre mémoire que l'on prévoit des consultations préalables à la nomination du président et des vice-présidents. Vous allez jusqu'à proposer une modification qui permettrait la consultation avec le ministre avant la nomination du président et du vice-président par le gouverneur en conseil. Pouvez-vous nous en dire davantage au sujet de ce que vous envisagez comme processus de consultation? Qu'engagerait-il et quels pourraient en être les résultats?
M. McCabe: J'aimerais revenir sur un des points que j'ai fait valoir plus tôt, dans ma déclaration liminaire. À notre avis, la consultation qui a précédé le projet de loi à l'étude a été exemplaire. Ce que vous avez devant vous en est la preuve. Je ne crois pas que les ministres, particulièrement le ministre Gagliano, aient eu la tâche facile durant ces réunions, mais, en bout de ligne, je suis convaincu que c'était la bonne façon de faire. La loi n'en est que meilleure. Je recommande le processus aux autres ministres.
Le principe de la consultation semble s'être étendu à la nomination des membres au sein du nouveau conseil, et nous l'appuyons. Cependant, nous nous demandons pourquoi il s'arrête là et n'inclut pas la présidence et la vice-présidence. Il nous semble que le président et le vice-président sont ceux qui donnent le ton et qui orientent les travaux du conseil.
Lors des consultations préalables à la nomination des trois membres de chaque partie, je m'attendrais que l'on s'efforce de proposer les noms non pas des plus militants, des extrémistes de part et d'autre, mais de personnes au tempérament judicieux qui sont disposées à voir les deux côtés de la médaille, à faire preuve de bon sens et à entendre raison. Il ne semble pas y avoir de raison particulière pour laquelle le ministre, à qui reviendra quand même le choix, ne pourrait pas être tenu de consulter et pourquoi il ne serait pas à l'avantage de chacun que les noms du président et des vice-présidents soient proposés de façon officielle au ministre. Cette façon de procéder nous semble simplement la suite logique de ce qui est prévu actuellement dans le projet de loi.
M. Johnston: En ce qui concerne la communication au syndicat des noms et coordonnées, et ainsi de suite, des travailleurs à distance, votre suggestion selon laquelle il faudrait d'abord obtenir la permission de l'employé est certes bonne, et je l'appuie.
Les obligations du successeur prévues dans la mesure législative à l'étude vous préoccupent-elles en tant que groupe? Dans l'affirmative, quelles sont au juste vos préoccupations?
M. McCabe: Je vais d'abord voir... Non, le comité de l'industrie qui a épluché le projet de loi à l'étude n'a fait aucune remarque à ce sujet.
M. Johnston: D'accord. J'attendrai peut-être jusqu'au prochain tour avant de continuer mes questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Johnston. Monsieur Nault.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci, monsieur le président.
J'aimerais que vous m'expliquiez, d'un point de vue juridique, pourquoi vous estimez essentiel d'ajouter dans l'article concernant les travailleurs de remplacement le mot «délibéré». Je sais d'expérience que le conseil des relations de travail s'efforcera de voir comment on peut décider qu'un employeur cherche à contourner le processus de négociation collective en faisant appel à des travailleurs de remplacement. Le droit du travail a montré que c'est lui qui interprétera cette partie.
J'aimerais que vous me donniez les raisons juridiques pour lesquelles vous estimez essentiel d'inclure cela dans le projet de loi quand, en fait, les membres du conseil des relations de travail se chargeraient de l'interpréter, de toute façon.
M. Peter Miller (vice-président directeur et conseiller juridique général, Association canadienne des radiodiffuseurs): En fait, c'est par souci de clarté. Vous avez raison de dire que l'on pourrait laisser le conseil interpréter cet article. On pourrait espérer que pareille interprétation raisonnable inciterait à invoquer l'article aux fins énoncées et dans le sens des recommandations du groupe de travail Sims. Cependant, le droit a pour grand principe que, plus le libellé est clair, plus il est probable que l'on obtiendra le résultat recherché.
Comme l'a fait remarquer Celese, l'article du projet de loi sera invoqué lorsque les tensions entre le patronat et le syndicat seront maximales et les susceptibilités, très vives. Il faudra qu'il soit très clair.
Par conséquent, après avoir examiné les recommandations du groupe Sims et la manière dont il atteint l'équilibre mentionné, nous avions l'impression générale qu'en ajoutant un mot comme «intentionnellement», il n'y aurait pas d'équivoque. En tant qu'avocat, si le mot n'y était pas, j'arguerais certes que l'expression «dans le but de miner» établit clairement qu'il faut que ce soit délibéré. Mon argument serait cependant encore plus puissant si le mot «intentionnellement» figurait dans le libellé.
De la même façon, pour ce qui est du fardeau de la preuve, bien que la maxime dont nous avons parlé dans notre exposé - il incombe à celui qui fait l'affirmation de la prouver - porterait de nouveau à croire qu'en règle générale, il appartient au syndicat de prouver l'intention, si la loi le dit clairement, la situation sera nette, ce qui évitera le recours à cet article pour des fins autres que ce qui était prévu, en pleine crise.
M. Nault: Si vous estimez nécessaire d'inclure le mot «intentionnellement», pouvez-vous m'en donner une définition?
M. Miller: Vous me posez une bonne question. Encore une fois, on pourrait prétendre - et j'imagine que les avocats futés du syndicat prétendraient - que les travailleurs de remplacement minent effectivement la capacité de représentation des syndicats et que, par conséquent, tout recours à ces travailleurs sert à cette fin. Quand on ajoute le mot «intentionnellement», on établit clairement qu'il faut prouver la mauvaise foi de l'employeur.
Je suis d'accord que l'ajout n'est pas absolument crucial. L'article ne serait pas flou sans cet ajout. Par contre, d'après nous, compte tenu de l'esprit dans lequel on a prévu cet article et, particulièrement, du fait que le groupe de travail a dit qu'il souhaite simplement empêcher le recours illégitime aux travailleurs de remplacement, il est logique que le Parlement en témoigne le plus fidèlement possible.
M. Nault: Dernier point que je voulais aborder avec vous, dans votre mémoire, à la page 2, là où il est question du choix des membres du Conseil canadien des relations industrielles, vous dites que les membres du conseil, le président et les vice-présidents devraient non seulement avoir une connaissance pratique des relations industrielles, comme le prévoit le projet de loi, mais qu'ils devraient aussi connaître jusqu'à un certain point le fonctionnement d'une entreprise.
J'ai le privilège de connaître plusieurs personnes très compétentes qui travaillent pour le conseil et plusieurs médiateurs du gouvernement fédéral qui ont brillamment réussi à aider les employeurs et les employés à s'entendre. Je ne crois pas avoir jamais entendu dire qu'ils devaient bien connaître l'activité d'une entreprise pour être efficaces.
J'aimerais donc savoir ce que vous entendez par là. Nous avons tous compris que l'important est de connaître la loi, de comprendre le régime des relations de travail et les relations entre employeurs et employés. Par contre, c'est la première fois qu'on entend que, pour agir comme médiateur, pour relancer la négociation et pour aider les employeurs et les employés à signer une convention collective, il faut connaître intimement l'industrie visée, qu'il s'agisse des chemins de fer, des compagnies aériennes ou de je ne sais quoi encore. J'aimerais savoir pourquoi cette question a tant d'importance à vos yeux.
M. McCabe: Comprenons-nous bien, monsieur Nault: nous ne proposons pas que les membres du conseil connaissent notre industrie ou, en fait, qu'ils aient à connaître l'industrie particulière où il y a conflit, loin de là! Nous souhaitons, en réalité, que les membres du conseil n'aient pas, d'une part, que des connaissances théoriques ou, d'autre part, que des connaissances juridiques. Après tout, il est question ici d'une mesure législative d'ordre économique.
Si je puis faire un parallèle, quand, comme bien d'autres, nous faisons des recommandations concernant la nomination de membres au CRTC, organe analogue avec lequel nous traitons périodiquement, nous rappelons constamment que peu nous importe que ces membres connaissent l'industrie de la radiodiffusion ou quoi que ce soit au sujet des télécommunications. Par contre, nous demandons qu'ils soient au courant des lois économiques auxquelles sont soumises les entreprises, qu'ils soient conscients que, dans des dossiers comme ceux-là, c'est l'avenir économique du pays et des entreprises qui est en jeu.
Soit dit en passant, je ne propose pas que l'on nomme uniquement des gens d'affaires. Ce genre de connaissances se retrouve aussi bien chez les travailleurs qui font, eux aussi, partie de l'entreprise commerciale.
Nous ne nous sommes peut-être pas fait suffisamment bien comprendre. Ce que nous souhaitons, c'est que l'on choisisse des personnes qui comprennent l'importance de l'activité économique pour le pays, la collectivité, les travailleurs et l'entreprise et qui se prononceront en fonction de ce critère plutôt que de critères théoriques ou strictement juridiques. C'est tout.
M. Nault: J'ai donc une question supplémentaire à vous poser. Laissez-vous entendre que les nominations faites au cours des quelques dernières années n'ont pas été bonnes, que le conseil des relations de travail tel que nous le connaissons ne s'est pas révélé une bonne institution et qu'il faut que soit le ministre, soit le gouvernement repense sa façon de choisir les membres? Est-ce là où vous voulez en venir?
M. McCabe: Puis-je demander à Celese de répondre à cette question?
Mme Ivey: D'après mon expérience, le Conseil canadien des relations de travail penche en faveur des syndicats et privilégie un vieux processus, un processus qui ne convient plus aux syndicats et aux employeurs actuels.
Je sais aussi qu'une étude de marché commandée par le ministère du Développement des ressources humaines porte sur le rôle du Conseil canadien des relations de travail en vue de trouver le moyen de mieux l'adapter aux besoins de sa clientèle. Il en a été constamment question durant les consultations qu'a tenues le ministre à l'échelle du pays, tant du côté patronal que du côté syndical. Les deux se sont dit frustrés par le conseil.
Le problème ne tient peut-être pas tant au choix des membres comme tel - c'est peut-être davantage lié aux instructions qu'ils ont ou n'ont pas reçues - qu'au processus dans lequel ils se sont enracinés, perdant de vue la dynamique du marché et le marché lui- même. Voilà le problème avec lequel nous sommes aux prises, qu'il s'agisse du conseil des relations de travail ou du CRTC. Le monde a évolué et il continue de changer. Il importe au plus haut point de maintenir l'équilibre. Ainsi, les deux parties pourront négocier en fonction du nouveau cadre dans lequel elles évoluent.
M. Nault: Je vais me montrer un peu plus énergique; selon moi, vous n'avez pas répondu à la question.
J'aimerais que vous me disiez plus catégoriquement si, en fait, vous estimez que les membres du conseil... Effectivement, nous pouvons dire que le processus dans le cadre duquel il évolue n'est pas parfait. C'est un processus très accusatoire. Chaque fois que l'on fait appel au conseil, il y a des gagnants et des perdants. C'est pourquoi on dit toujours qu'il vaut mieux éviter d'y faire appel, qu'il vaut mieux essayer de s'entendre.
Cependant, cela étant dit, lorsque vous faites appel au conseil, j'essaie de savoir... Êtes-vous en train de dire que les membres du conseil ont un penchant particulier, qu'ils ne comprennent pas l'économie, les lois économiques auxquelles obéit le milieu des affaires et le besoin de maintenir l'équilibre?
J'essaie simplement de voir si c'est là que vous voulez en venir. Dans la négative, vous pouvez peut-être nous donner plus de détail quant à la façon dont vous vous y prendriez pour choisir des membres plus éclairés - évidemment, s'ils ne l'étaient pas dans le passé.
Mme Ivey: M. McCabe répondra au nom de l'association en tenant compte du point de vue de Global.
M. McCabe: Vous comprendrez que certaines questions dont est peut-être saisi le conseil mettent Celese dans une situation délicate, étant donné qu'elle fait partie de la direction d'une de nos entreprises.
Cependant, je répondrai au nom de l'industrie. Nous pensons effectivement que les membres du conseil actuel, de la façon dont ils s'acquittent de leur mandat, n'ont pas été aussi conscients des besoins changeants du milieu des affaires, du marché, que nous l'aurions souhaité. En réalité, le fait que le projet de loi à l'étude prévoie la création d'un nouveau conseil dont les membres seraient nommés d'une autre façon nous porte à croire que nous ne sommes pas les seuls à le penser.
Nous sommes d'accord avec la nouvelle façon préconisée. Nous soutenons uniquement que, dans le choix des membres du nouveau conseil, il faudrait chercher des personnes qui comprennent l'évolution et le dynamisme du marché. Je suppose que Mme Ivey l'a dit mieux que moi, en fin de compte: nous avons besoin de personnes tournées vers l'avenir, plutôt qu'ancrées dans le passé.
M. Nault: Monsieur le président, je vous remercie.
Le président: Merci.
M. Proud a une brève question à vous poser.
M. Proud (Hillsborough): Si je puis poursuivre dans la même veine, c'est-à-dire la composition du nouveau conseil... Lorsqu'il tient des audiences sur des questions particulières et qu'il traite avec vous, j'ose croire que le conseil bénéficie des conseils d'experts de l'industrie, qu'ils en fassent partie ou non. Il faudrait certes qu'il reçoive les conseils de la direction et des employés, selon moi. En fait, je ferais une recommandation en ce sens au ministre. Lorsque le conseil tient des audiences, quelle que soit l'industrie particulière en jeu, il faudrait qu'il ait l'avis d'experts. Ainsi, il saurait exactement à quoi s'en tenir, en termes de dollars et de tout le reste.
M. McCabe: De toute évidence, c'est important. Toutefois, je répète que ce que nous souhaitons, c'est que les membres du conseil suivent l'évolution du marché. Nous ne pouvons plus nous fier aux bonnes vieilles méthodes. Il est plus difficile de faire des affaires, et la concurrence est très vive. Effectivement, s'ils sont bien conseillés, les membres du conseil devraient pouvoir... Ils devraient pouvoir peser les conseils reçus des experts et prendre des décisions valables pour toute l'économie.
M. Proud: Voici ce que nous espérons comme résultat de ces délibérations: que, dans le nouveau milieu de travail, les décisions soient prises en contexte. C'est ce que nous souhaitons comme résultat final de cet exercice et d'autres...
M. McCabe: C'est incontestablement l'esprit du projet de loi.
M. Miller: Nous utilisons l'expression «économie de l'information mondiale» à toutes les sauces. Cependant, elle comporte deux éléments très importants. D'une part, elle est mondiale. Il n'est pas question uniquement d'industries nationales, mais d'industries qui rivalisent avec celles d'autres pays. La solution de rechange évidente aux industries réglementées par le gouvernement fédéral au Canada est les États-Unis où, en règle générale, le recours aux travailleurs de remplacement, entre autres, n'est pas interdit.
L'expression dit bien, aussi, «économie de l'information». Encore une fois, il est question d'information, plutôt que de produits. L'élément main-d'oeuvre qui entre dans la création de cette information peut varier énormément. Voilà quelque chose que le groupe de travail Sims a clairement recommandé. En effet, dans sa recommandation au sujet des travailleurs de remplacement, par exemple, il dit que, si la possibilité d'avoir recours à des travailleurs de remplacement
- ... est éliminée, les employeurs s'organiseront de manière à réduire leur dépendance à l'égard
des employés permanents en vue d'être moins à leur merci. Tous y perdront, employeurs
comme employés.
C'est ce genre de raisonnement que nous estimons vital, c'est- à-dire la nécessité, pour la population et les membres du conseil, de voir la conjoncture sous cet angle. La situation est très différente d'il y a 20, 30 ou 40 ans.
Le président: Madame Lalonde.
[Français]
Mme Lalonde (Mercier): À vous entendre, il semble évident que la meilleure solution serait de ne pas avoir de syndicat.
Je peux comprendre, mais le mouvement syndical existe.
[Traduction]
M. McCabe: Je...
[Français]
Mme Lalonde: Vous demandez que le Conseil comprenne que vous vous battez dans l'économie globale contre des concurrents très puissants - nous en sommes et nous comprenons - , mais il ne peut pas faire fi des besoins et des règles minimales qui font que les travailleurs doivent pouvoir établir avec vous un rapport de force. Appelons-le comme on veut, mais je pense que le véritable terme est «rapport de force». Pour que les deux parties puissent, dans une négociation, finir par s'en sortir le mieux possible, il faut qu'il y ait un rapport de force. Et pour qu'il y ait un rapport de force, il faut qu'il puisse s'exercer. S'il est trop facile d'avoir des travailleurs de remplacement, il n'y a plus de rapport de force.
[Traduction]
M. McCabe: Il est en réalité très injuste de laisser entendre que nous préférerions qu'il n'y ait pas de syndicat du tout. Je crois que nous...
[Français]
Mme Lalonde: Je voulais vous fâcher. Merci.
[Traduction]
M. McCabe: Nous avons clairement établi que nous appuyons le projet de loi et que nous sommes contre le recours illégitime à des travailleurs de remplacement. Par contre, tous les recours ne sont pas illégitimes. Il faut qu'il y ait un juste milieu. Il faut prévoir des situations où les syndicats, d'une part, et l'entreprise, d'autre part, peuvent poursuivre leur activité. Ce que nous cherchons à accomplir ici, c'est en réalité d'obtenir que le Parlement soit clair au sujet de l'équilibre à maintenir.
Ce que nous proposons nous imposera un fardeau énorme, soit de faire en sorte qu'en tant qu'employeurs, nous ne pratiquons pas l'antisyndicalisme, que nous ne nous lançons pas dans des processus qui mineront les efforts déployés par le syndicat en vue de s'organiser ou de défendre sa cause. Nous aurons tout autant d'obligations que les employés.
[Français]
Mme Lalonde: J'ai une petite question. Après ce que vous avez dit, je ne comprends pas votre opposition au paragraphe 109.1(1) qui dit:
109.1(1) Sur demande d'un syndicat, le Conseil peut, par ordonnance, exiger la remise à un représentant autorisé de celui-ci nommément désigné des noms et adresses des employés dont le lieu de travail habituel ne fait pas partie des locaux...
Il me semble que justement, parce qu'on entre dans une période où la technologie permet de travailler à domicile, si on veut adapter le Code du travail et permettre la syndicalisation, il faut que les travailleurs puissent avoir le choix. Il ne s'agit pas de n'importe quelle situation, et on dit que «le Conseil peut, par ordonnance», ce qui veut bien dire qu'il doit exercer son jugement. C'est dans le cadre de l'accréditation puisque c'est à l'article 49: «Accès aux locaux de l'employeur». Alors, il me semble que vous devriez être d'accord sur ça parce qu'autrement, c'est nier aux syndicats les moyens modernes de faire du syndicalisme.
[Traduction]
M. McCabe: Soyons clairs: cet article a notre appui. Nous n'y sommes pas opposés. Le milieu de travail a évolué: vous avez raison, les employés ne travaillent pas tous dans les locaux de l'employeur. Pourtant, ils demeurent des employés de l'entreprise. La situation évoluera probablement encore. Cet article du projet de loi est important.
Tout ce que nous demandons, c'est que l'on respecte la vie privée de l'employé et que le Parlement le précise. Je ne crois pas que l'on nuise à l'application de cet article si on exige simplement que l'employeur demande à l'employé s'il désire qu'un représentant du syndicat puisse communiquer avec lui, compte tenu que le syndicat connaît la question et est informé de la réponse. J'ose croire que nous ne chercherions pas à influencer l'employé de quelque façon que ce soit, que nous ne tenterions pas d'embrouiller la question ou d'intimider l'employé.
C'est la protection de la vie privée de nos employés qui nous préoccupe et, en fait, parfois aussi leur sécurité personnelle. Nous ignorons s'ils souhaitent qu'on communique avec eux à la maison. Nous ne souhaitons pas nous interposer, mais simplement obtenir d'abord l'autorisation.
[Français]
M. Miller: Par exemple, si le but de tout ce qu'on fait ici est de protéger le travailleur, il semble raisonnable de demander au travailleur s'il consent à ce qu'on donne l'adresse de sa maison pour qu'on puisse lui envoyer de l'information sur la grève, etc. Ça semble raisonnable.
[Traduction]
Le président: Monsieur Johnston.
M. Johnston: Ma collègue parle d'un rapport de force et de la capacité de survivre. Je suis sûr, dans son cas, qu'elle pense en termes de syndicat.
Par cette mesure législative, le ministre a dit et répété plusieurs fois qu'il tente d'atteindre un équilibre. Ce qu'il dit au sujet du syndicat vaut aussi pour l'employeur.
J'aimerais savoir si, en tant que groupe d'experts, vous seriez satisfaits, pour ce qui est des travailleurs de remplacement, si le règlement d'application de la loi à l'étude précisait les agissements qui sont réputés miner la capacité de représentation d'un syndicat?
Je comprends pourquoi ils sont inquiets. Les syndicats ne veulent pas se retrouver dans la situation où l'employeur emploie facétieusement des travailleurs de remplacement, des travailleurs qu'il pourrait en fin de compte substituer à ses membres en lock-out ou en grève, des travailleurs de remplacement qui volerait des emplois. Cela nous mènerait tout droit au genre de conflit que veulent éviter l'employeur et l'employé.
Vos craintes seraient-elles apaisées si le règlement énonçait clairement ce que l'on entend par miner la capacité de représentation ou par antisyndicalisme afin que les parties de part et d'autre sachent à quoi s'en tenir?
M. McCabe: Je pense qu'il serait très utile que le règlement le précise. Ce que nous voulons faire valoir ici de façon générale, c'est que le Parlement doit être aussi clair que possible. Si on en donne une définition dans le règlement, je pense que cela sera dans l'intérêt des deux parties.
M. Miller: Il faut toutefois préciser que cela présente certaines difficultés. Tout d'abord, je pense que cela sera extrêmement difficile à expliquer dans un règlement. Deuxièmement, il ne faut pas oublier la souveraineté du Parlement; la volonté du Parlement exprimée par le biais des lois a la primauté et les règlements et toutes les interprétations des tribunaux y sont assujettis. Par conséquent, si la loi même n'est pas absolument claire, il est impossible de la modifier ou de la redéfinir par le biais de règlements, de politiques ou d'interprétations. Il serait donc préférable que cela soit inscrit dans la loi. Mais comme vous le proposez, il pourrait s'agir d'une solution de rechange s'il était impossible, pour quelque raison que ce soit, d'apporter les changements que nous proposons à la loi.
M. Johnston: Donc, si je vous comprends bien, vous préféreriez que le projet de loi énonce de façon précise dans quelles circonstances il serait acceptable de recourir à des travailleurs de remplacement et quand le recours à des travailleurs de remplacement pourrait être interprété comme de l'antisyndicalisme.
M. McCabe: Non. Ce que nous avons proposé, c'est l'ajout du mot «délibéré» et de l'exigence selon laquelle il appartient au syndicat d'en fournir la preuve. Nous aimerions que ces changements soient apportés au projet de loi. Mais malgré la difficulté, nous considérons que toute aide supplémentaire susceptible d'être fournie au conseil par voie de règlement serait effectivement utile.
M. Johnston: En ce qui concerne la durée du mandat, avez-vous des problèmes ou des recommandations concernant la durée du mandat proposé pour le poste de président ou de vice-président? La durée du mandat proposé est-elle suffisante, trop courte ou trop longue?
M. McCabe: Nous la trouvons suffisante. Je pense qu'elle leur donne suffisamment de temps pour se familiariser avec leurs fonctions et faire du bon travail et n'est pas longue au point où ils s'incrustent dans leur poste sans qu'on puisse les en déloger et cessent de réfléchir. Je m'excuse, cela m'a échappé!
Le président: J'espère que vous n'avez pas la même opinion des députés.
M. McCabe: Cela m'a traversé l'esprit et je me suis dit non, c'est impossible. Puis je me suis dit que le même commentaire vaut pour moi.
Le président: Sur cette note positive...
M. Johnston: Une brève question supplémentaire.
Le président: Très brève.
M. Johnston: Pour ce qui est de décider si le recours à des travailleurs de remplacement constitue ou non de l'antisyndicalisme, est-ce que cela donnera lieu immédiatement à l'établissement de précédents, et les jugements rendus par la suite se fonderont-ils sur ces précédents?
M. Miller: Il est clair que la première fois qu'une nouvelle disposition de ce genre est contestée, la première fois que des précédents sont établis, ils peuvent avoir une influence déterminante aussi bien dans un sens que dans l'autre. Par conséquent, cela illustre à quel point il est important qu'une loi soit claire, car plus elle est claire, plus on peut être sûr que les premiers précédents établis iront dans le sens que nous souhaitons et non dans un sens différent.
M. Johnston: Donc, nous pouvons nous attendre à ce que la première fois que le conseil sera appelé à prendre une décision, cela suscitera beaucoup d'émotion et de vives discussions...
M. Miller: Ce sera une décision très difficile, effectivement.
Le président: Je vous remercie, monsieur Johnston.
Au nom du comité, je tiens à vous exprimer nos remerciements les plus chaleureux et les plus sincères pour ce que je considère être une très bonne façon d'entamer nos audiences. Vous nous avez indiqué clairement qu'au cours de notre étude du projet de loi C-66, nous devons tenir compte de l'évolution du milieu de travail et également du processus utilisé pour résoudre divers problèmes de nature syndicale-patronale. D'après les questions qui vous ont été posées, je constate que les députés ont beaucoup apprécié votre contribution au processus. Nous vous tiendrons au courant de tous les changements apportés, le cas échéant. Je suis sûr que nous nous tiendrons tous au courant des changements, tout comme les membres du Conseil des relations de travail.
M. McCabe: Merci beaucoup.
Le président: Nous allons faire une pause de cinq minutes.
Le président: La séance reprend.
Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir Mme Sharon Glover, accompagnée de M. Doug Gilbert, de la Chambre de commerce du Canada.
Vous avez la parole.
Mme Sharon Glover (vice-présidente directrice, Relations gouvernementales et politiques, Chambre de commerce du Canada): Je vous remercie, monsieur le président. Au nom des membres de la Chambre de commerce du Canada, nous tenons à vous remercier de nous avoir offert l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter des modifications au Code canadien du travail apportées par le projet de loi C-66.
Je suis accompagnée aujourd'hui de Doug Gilbert, un associé de l'étude d'avocats Heenan Blaikie.
La Chambre de commerce du Canada est l'association commerciale la plus importante et la plus représentative du Canada. Nos membres représentent toute la gamme des entreprises privées et nous confient le rôle de porte-parole des milieux d'affaires.
Notre réseau de 500 chambres de commerce communautaires nous permet d'avoir des partenaires affiliés dans chaque circonscription fédérale. Ce réseau compte plus de 170 000 membres dont un grand nombre d'employeurs réglementés par le gouvernement fédéral, qui seront touchés par les changements apportés à la partie I du Code canadien du travail.
Comme vous le savez sans doute, un grand nombre des employeurs que nous représentons, dont des intervenants importants dans le domaine des transports, dans le secteur des télécommunications et des banques, s'occupent de fournir les nombreux services publics essentiels du pays et forment l'infrastructure de l'économie canadienne.
Depuis longtemps, la chambre participe activement au dialogue d'ordre public qui a débouché sur les modifications à la partie I du Code canadien du travail. En avril 1995, nous avons d'ailleurs présenté au gouvernement fédéral un mémoire concernant l'interdiction relative aux travailleurs de remplacement.
En novembre de la même année, nous avons présenté un mémoire au groupe de travail Sims, responsable de l'examen de la partie I et avons participé au processus de consultation de ce même groupe. En juin de cette année, nous avons répondu officiellement au rapport du groupe de travail par un autre mémoire.
Avant d'aborder les dispositions particulières du projet de loi en question, nous devons toutefois vous faire part, au nom des employeurs que nous représentons, de notre mécontentement au sujet du calendrier des audiences de votre comité. Nous ne croyons pas qu'un préavis de quelques jours soit suffisant pour nous permettre de préparer notre comparution. Nous savons que tout le monde est très occupé mais nous aurions aimé avoir un peu plus de temps pour répondre à ce projet de loi. Nous aimerions également apporter deux précisions avant de commencer.
Premièrement, même si vous avez peut-être l'impression que toutes les dispositions du projet de loi ont fait l'objet d'une consultation en bonne et due forme, cela n'est tout simplement pas le cas. En fait, ce projet de loi traite d'un certain nombre de questions qui n'ont fait l'objet d'absolument aucune consultation. On pourrait le comparer à un arbre de Noël où l'arbre est sain mais où chacun semble y avoir accroché ses modifications préférées.
Deuxièmement, ce projet de loi traite d'au moins une question en particulier qui, selon l'assurance que nous avions obtenue du ministre, ne devait pas être incluse dans le projet de loi. J'aborderai ces deux points dans l'ordre.
En ce qui concerne le premier point, certains éléments clés du projet de loi n'ont pas fait l'objet de consultations - par exemple, l'abrogation de la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats. Cette loi permet à Statistique Canada de recueillir de l'information sur les syndicats. Plus précisément, cette loi s'appelait à l'origine la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et s'appelle désormais la Loi sur les déclarations des personnes morales.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas cette loi, il s'agit du seul document public qui fournit, entre autres, des données financières sur les syndicats. En 1992, les syndicats au Canada ont recueilli plus d'un milliard de dollars en revenu. Nous considérons tout à fait inacceptable que le public canadien soit désormais privé d'une source d'information sur la taille, la nature et la puissance financière de ce secteur de notre société.
D'autres éléments importants de ce projet de loi, qui n'ont pas fait l'objet de consultations sont les dispositions relatives à la manutention des grains. Non seulement contestons-nous le fait qu'une question aussi importante ait été inclue dans le projet de loi sans avoir été abordée dans le rapport du groupe de travail Sims, mais nous considérons que la disposition proposée par le projet de loi est une solution fondamentalement peu judicieuse à un problème complexe de relations de travail. En fait, nous avons beaucoup de difficulté à accepter qu'advenant une grève dans une installation portuaire, on accorderait la priorité aux céréales sur toute autre marchandise.
Ce ne sont pas uniquement les céréales qui sont touchées par un conflit portuaire et les répercussions économiques de la fermeture d'un port sont tout aussi importantes pour les exportateurs et les importateurs d'autres produits comme les produits forestiers, le charbon, le soufre, le potassium et les produits pétrochimiques. Nous sommes convaincus que ce genre de dispositions qui créent des règles du jeu inégales pour divers secteurs de l'économie est inutile et ne favorisera pas les investissements au Canada.
La deuxième question que nous aimerions porter à votre attention concerne l'inclusion de certains éléments dans le projet de loi qui, selon l'assurance que le ministre lui-même nous avait donnée lors des consultations de ce printemps, ne devaient pas en faire partie. Ces dispositions, qui traitent des travailleurs à distance, un aspect qui n'a pas été abordé lors des consultations générales des deux dernières années et qui a figuré dans le rapport du groupe de travail Sims, n'auraient pas dû faire partie du projet de loi. En fait, en août dernier, le ministre Gagliano a mis sur pied un processus de réflexion collective ou de consultation expressément conçu pour traiter des questions qui se rattachent au régime de travail souple. Nous estimons que la question des travailleurs à distance devrait être traitée uniquement dans le cadre de ce processus.
Les deux dispositions du projet de loi que nous aimerions approfondir concernent l'interdiction relative aux travailleurs de remplacement et les travailleurs à distance. En ce qui concerne la première question, c'est-à-dire l'interdiction partielle du recours à des travailleurs de remplacement lors d'arrêts de travail légaux, nous tenons avant tout à exprimer notre objection aux raisons, ou à l'absence de raisons, invoquées pour modifier le code afin d'y inclure une telle disposition. Nous contestons le bien-fondé de cette réforme. Nous sommes convaincus qu'aucune des parties intéressées ou régies par le code, surtout les employeurs, n'a réclamé une révision de cette partie du code.
De même, en raison du caractère unique du secteur fédéral, il est impossible d'invoquer l'expérience d'autres provinces, notamment le Québec et la Colombie-Britannique, qui ont restreint le recours à des travailleurs de remplacement durant des arrêts de travail légaux, pour justifier l'adoption de telles restrictions. Les activités des entreprises du secteur fédéral ont par définition une portée interprovinciale, nationale ou internationale. Les entreprises fédérales comprennent de nombreux réseaux importants et intégrés, dispersés sur de grandes distances. Elles assurent dans une grande mesure les services publics essentiels et constituent l'infrastructure de l'économie canadienne. Souvent, les entreprises fédérales sont les seules à offrir ces services au pays. Empêcher l'employeur du secteur fédéral de maintenir ses activités équivaut par conséquent à empêcher l'économie nationale de fonctionner.
Enfin, si le motif invoqué pour restreindre le recours à des travailleurs de remplacement par les employeurs est de remédier à un déséquilibre dans les rapports de force entre le patronat et le syndicat, nous invitons de nouveau le gouvernement fédéral à revoir sa position. Comme nous l'avons indiqué par le passé, l'arme équivalente à la grève dont dispose l'employeur n'est pas le lock- out mais sa capacité à subir une grève. Ce principe a été reconnu par les commentateurs du rapport Woods en 1968.
Après une étude approfondie, le rapport Sims a même déclaré:
- Des travailleurs de remplacement peuvent être nécessaires pour soutenir la viabilité
économique d'une entreprise dans un climat économique difficile conjugué à des exigences
syndicales inacceptables. Il est important dans un système de négociation collective libre que
les employeurs conservent cette option, sans qu'elle soit restreinte par une interdiction générale
de quelque nature que ce soit. Si cette option est éliminée, les employeurs, pour éviter d'être
vulnérables, commenceront à se structurer de manière à devenir moins dépendants d'une
main-d'oeuvre permanente, ce qui nuira autant aux travailleurs qu'aux employeurs.
Je demanderai à mon collègue Doug Gilbert d'aborder brièvement l'interdiction partielle relative aux travailleurs de remplacement.
M. Doug Gilbert (Chambre de commerce du Canada): Bien que la Chambre considère qu'il n'est pas justifié d'intervenir à cet égard, il ne fait aucun doute que le libellé actuel du projet de loi est préférable à une interdiction absolue du recours à des travailleurs de remplacement en cas de grève. Mais même dans sa forme actuelle, ce libellé est insatisfaisant et il y a certainement lieu de l'améliorer.
Le libellé du paragraphe 94(2.1) du projet de loi introduit une nouvelle notion dans le domaine des relations de travail au pays. Je ne connais aucune loi du travail qui utilise cette notion de capacité de représentation, et ce libellé pose de réels problèmes. Je ne crois pas que ces dispositions correspondent à l'objectif énoncé dans les recommandations du groupe de travail Sims.
Pour évaluer ou analyser le libellé du paragraphe 94(2.1), il faut revenir aux principes de base. Le Code canadien du travail en prévoit deux et des dispositions semblables se trouvent dans tous les statuts du pays qui régissent la négociation collective. Ces dispositions se trouvent à l'article 36 du Code canadien du travail, qui établit l'exclusivité du syndicat en tant qu'agent de négociations une fois qu'il est accrédité et qui exige que l'employeur traite avec le syndicat pour tout ce qui touche aux conditions d'emploi. Le deuxième principe fondamental se trouve à l'article 50 du code et ici encore il existe des dispositions semblables dans toutes les provinces. Ce principe oblige les deux parties à négocier de bonne foi et à faire tous les efforts raisonnables pour conclure une convention collective.
Ces deux principes sont le fondement de la négociation collective dans notre pays et ce sont des principes bien compris et établis. À notre avis, si le gouvernement doit intervenir dans ce domaine, il devrait étoffer les dispositions relatives aux travailleurs de remplacement en cas de grève et mieux les intégrer aux notions établies et bien connues, plutôt que de créer une série de principes entièrement différents ou établir une nouvelle terminologie du genre «miner la capacité de représentation».
Simplement pour vous donner un exemple, ces deux notions sont couramment invoquées dans les différends portés devant la Commission canadienne des relations du travail et d'autres tribunaux du travail au pays, et elles sont bien comprises. Si nous examinons la première, l'exclusivité des droits de négociation, qu'est-ce que cela signifie dans le contexte d'un différend concernant la négociation collective? Les conseils ont soutenu uniformément que cela signifie que l'employeur doit traiter avec le syndicat; que l'employeur doit être prêt à rencontrer le syndicat; que l'employeur ne peut refuser de traiter avec certains employés qui font partie du comité de négociation; qu'il est interdit à l'employeur de communiquer directement avec les membres de l'unité de négociation dans le but de court-circuiter le syndicat; et qu'il est interdit à l'employeur de jeter le discrédit sur le syndicat et sur le déroulement des négociations. Toutes ces règles ont été établies progressivement sur 30 ou 40 ans, soit depuis que cette notion existe et elles sont bien connues.
En ce qui concerne l'autre principe qui sous-tend la négociation collective - à savoir l'obligation de négocier de bonne foi - nous savons très bien ce que cela signifie également. Cela signifie que l'employeur ne peut pas se présenter à la table de négociation pour participer à des activités superficielles destinées à éviter de conclure une convention collective; que l'employeur ne peut pas adopter de positions intransigeantes à la table de négociation, pas plus que le syndicat; que l'employeur doit être prêt à discuter des exigences de l'autre partie en matière de négociation, tout comme le syndicat; et qu'il doit y avoir divulgations dans certains cas afin que la négociation puisse se dérouler de façon intelligente.
En fonction de ces deux principes, nous avons une idée claire de ce que la loi prévoit et exige. Les parties le savent et lorsqu'elles s'y heurtent, le Conseil des relations de travail les ramène sur le droit chemin et les incite à faire preuve d'honnêteté à la table de négociation. Tels sont les principes sur lesquels il faudrait miser si un changement de cette nature doit effectivement être apporté au code.
Il suffit d'examiner de près le paragraphe 94(2.1) pour s'apercevoir qu'il y a des problèmes. Il s'écarte des concepts compris et jette effectivement la confusion dans un domaine où les parties n'en veulent surtout pas au chapitre de leurs droits et obligations. Je soulignerais tout d'abord que certains pourront dire que cela découle directement du rapport Sims et qu'il n'y a donc pas de problème. Si vous lisez le rapport Sims, vous vous apercevrez que le projet de loi y fait des emprunts ponctuels. Il ne reprend pas toute la recommandation Sims et je pense qu'il est essentiel que vous le sachiez.
La recommandation Sims sur ce point porte sur un recours qui vise à miner la capacité de représentation d'un syndicat - je ne pense pas que ces mots soient bien choisis; il y en a de meilleurs. Si vous vous reportez à la page 131 du rapport, vous pouvez lire:
- Que, si la preuve est faite que le recours aux travailleurs de remplacement pendant un conflit
vise à miner la capacité de représentation d'un syndicat et non à atteindre des objectifs légitimes
de négociation, une telle pratique soit considérée comme étant déloyale.
L'arbitre qui examinera une demande en vertu de cet article d'ici un an, ou à une autre date, comprend que d'après le gouvernement, il y a un équilibre entre miner la capacité de représentation et atteindre un objectif légitime de négociation. Cela peut vouloir dire que l'employeur ne peut tout simplement pas se permettre l'augmentation que demande le syndicat ou qu'il ne peut pas se permettre l'interruption du travail, s'il veut survivre et qu'il doit donc avoir recours à des briseurs de grève pour préserver son entreprise économique. Aujourd'hui, ce serait un objectif légitime et je dirais que tel serait le cas également dans n'importe quelle autre compétence. Le projet de loi C-66 ne retient toutefois que la première partie de l'équation et omet la seconde. À mon avis, il devrait vous sembler important de souligner le recours aux briseurs de grève, lorsqu'un objectif légitime de négociation est envisagé.
Le fait que le projet de loi utilise un nouveau concept - la capacité de représentation - pourrait créer toute une nouvelle jurisprudence. Nous savons ce que nous voulons empêcher. Nous voulons empêcher que l'employeur n'adopte un mauvais comportement dans le but de contrecarrer le fonctionnement du processus de négociation. Comme je l'ai dit, nous avons des principes bien établis qui servent à le faire. Pourquoi ne pas s'en inspirer? Pourquoi ne pas utiliser ce que nous comprenons?
Lorsque l'on introduit un nouveau concept comme celui-ci, soit miner la capacité de représentation, je crois que l'on ouvre inévitablement la porte à des procédures. Vous invitez les parties à se présenter devant le Conseil pour savoir ce que cela veut dire, car, d'après elles, ce n'est pas la même chose que les tactiques déloyales de négociation, ce n'est pas la même chose que la non- reconnaissance des syndicats; sinon, pourquoi le gouvernement utiliserait-il de nouveaux mots? Cela ne peut que provoquer et précipiter des procédures inutiles; je pense que vous vous y attendez; il suffit d'écouter les déclarations du mouvement syndical.
Si cela vous intéresse, j'ai ici la copie d'un article qui a paru dans le cahier affaires du Globe and Mail, le jour après la présentation du projet de loi. Nancy Riche, vice-présidente exécutive du Congrès du travail du Canada est citée comme suit: «J'irais jusqu'à dire que quiconque effectue le travail d'un membre d'un syndicat mine la capacité de représentation du syndicat.» Elle poursuit: «Aucun bureaucrate ne va être d'accord avec moi... mais attendons. C'est le nouveau Conseil qui rendra la décision.» Ce projet de loi lui paraît bien différent et de portée beaucoup plus vaste que la loi actuelle qui prévoit l'obligation pour l'employeur et pour le syndicat de négocier de bonne foi, ainsi que l'obligation pour l'employeur de reconnaître le syndicat et de traiter avec lui comme agent exclusif de négociation.
À mon avis, ce principe de capacité de représentation est dangereux. On ne le retrouve dans aucune autre loi du travail au Canada. Si je dis qu'il est dangereux, c'est parce qu'il ouvre la porte à toutes sortes de suppositions. Qu'est-ce qu'une capacité? C'est un potentiel. Si c'est ainsi que l'interprète un tribunal, vous verrez les requérants dire que l'on a contrecarré leur potentiel, qu'ils auraient pu obtenir 6 p. 100, qu'ils auraient pu atteindre ces objectifs de négociation si l'employeur n'avait pas eu recours à des travailleurs de remplacement. Vous les verrez demander au Conseil ou au tribunal de faire des suppositions au sujet de leur potentiel, de leur capacité d'atteindre ces objectifs au nom de leurs membres. C'est une mauvaise chose qui en plus est inutile.
Vous pourriez procéder de façon beaucoup plus directe pour corriger ce problème qui se pose à vous et que renferme ce projet de loi. Comme je le disais, il vaut mieux l'intégrer dans la loi actuelle en disant par exemple: «Lorsque l'employeur a recours à des briseurs de grève dans le but de se soustraire à son obligation de négocier, une réparation peut être accordée.» Cela permettrait au Conseil du travail de s'appuyer sur la loi et la jurisprudence bien connues de nous tous.
Mme Glover: Pour terminer notre exposé, monsieur le président, nous aimerions aborder une autre question, celle qui a trait aux travailleurs à distance; elle se compose de deux parties. Tout d'abord les listes d'employés remises aux syndicats et ensuite, le fait que l'on permette aux syndicats d'utiliser n'importe quel système de communication de l'employeur pour communiquer avec les employés.
Nous avons pensé qu'il serait utile d'examiner ce qui est actuellement prévu par le Code canadien du travail dans ce domaine. À l'heure actuelle, les syndicats ont la responsabilité de recueillir le nom des personnes qui appuient l'accréditation et de leur faire signer les cartes d'accréditation. Lorsque le syndicat pense qu'il a un nombre suffisant de noms qui lui permet l'accréditation, il présente une demande d'accréditation au CCRT. Le Conseil a alors la responsabilité d'obtenir une liste des noms des organisations ou de la société et de comparer ces listes. Si les syndicats ont l'appui d'un nombre suffisant d'employés, ils sont automatiquement accrédités. Jamais le Conseil n'a donné le nom et l'adresse d'éventuels syndiqués aux syndicats. En fait, le nom et l'adresse des employés sont jugés strictement confidentiels.
Sous sa forme actuelle, le projet de loi permettrait au Conseil canadien des relations industrielles de donner le nom et l'adresse des travailleurs à distance aux syndicats à des fins d'accréditation. Le projet de loi prévoit également que le Conseil doit tenir compte des dispositions relatives à la protection de la vie privée lorsqu'il remet une telle liste. Nous nous posons donc la question suivante: comment le Conseil va-t-il empêcher que ces renseignements soient utilisés abusivement une fois qu'il aura donné le nom et l'adresse des employés?
Pour assurer la protection des renseignements personnels, le ministère de l'Industrie s'appuie actuellement sur un code de l'Association canadienne de normalisation, intitulé «Code type sur la protection des renseignements personnels», en vertu duquel on ne peut utiliser ou divulguer les renseignements personnels dans des buts autres que ceux pour lesquels ils ont été réunis, sauf si la personne visée donne son consentement à cet égard. Nous croyons qu'il faudrait au moins obtenir le consentement des employés avant de communiquer leur nom et leur adresse aux syndicats.
Deuxièmement, nous nous demandons ce qui pourrait arriver si l'on permettait aux syndicats d'utiliser le système de communication électronique utilisé par l'employeur pour communiquer avec les employés. Des questions fondamentales de sécurité se posent, lorsque l'on donne accès à quiconque au système de communication électronique d'une organisation. Ces questions sont examinées en ce moment même par le comité consultatif du gouvernement sur l'autoroute de l'information.
Le projet de loi actuel autorise les syndicats à utiliser les systèmes de communication de la société sans proposer de solution à certaines des questions très difficiles qui se posent à cet égard. Étant donné que le ministre du Travail fait actuellement examiner la question des travailleurs à domicile et que le comité consultatif sur l'autoroute de l'information examine actuellement plusieurs questions soulevées par ce projet de loi, nous croyons qu'il serait prudent de supprimer du projet de loi actuel l'article 50 qui traite des travailleurs à distance.
Doug, vouliez-vous ajouter quelque chose au sujet des travailleurs à distance? Nous conclurons par la suite.
M. Gilbert: Je voulais simplement dire qu'il s'agit d'une intrusion sans précédent. Il existe d'autres situations où du point de vue d'un syndicat, il peut être difficile d'atteindre les travailleurs, mais il existe d'autres solutions à ces problèmes, qui ont déjà été utilisées dans le passé. C'est ce qui figure à l'article 109 du code.
Prenons l'exemple des employés qui travaillent et vivent dans la propriété d'une société; dans un tel contexte, il n'y a aucune obligation de divulguer le nom des employés. Il existe d'autres façons de régler le problème qui se pose lorsqu'on ne peut pas contacter des travailleurs qui travaillent à l'extérieur d'un lieu traditionnel de travail. Comme c'est actuellement prévu dans le processus du Conseil du travail, on pourrait informer ces employés que s'ils souhaitent entrer en contact avec le syndicat - ce syndicat ayant indiqué qu'il voulait les syndiquer - il leur suffit de prendre note de son adresse et de son numéro de téléphone. Ainsi, il est inutile de communiquer l'adresse et le nom des employés et on évite de déranger les gens chez eux.
Je pense donc que l'on peut résoudre ce problème de façon plus équilibrée si le gouvernement a l'intention d'aller de l'avant.
Mme Glover: Pour terminer, nous aimerions simplement répéter la demande que nous faisons au comité. Nous aimerions que vous éliminiez du projet de loi l'interdiction partielle des travailleurs de remplacement. Nous aimerions que vous supprimiez l'article 50 du projet de loi qui traite des travailleurs à distance. Nous aimerions que vous assuriez des règles de jeu équitables dans l'article du projet de loi relatif aux ports. Et nous aimerions que vous fassiez en sorte que les syndicats, comme les sociétés au Canada, relèvent publiquement du gouvernement du Canada. Tels sont les principaux points que la Chambre de commerce du Canada aimerait souligner ce matin. Ceci étant dit, nous sommes prêts à répondre à vos questions et à en débattre plus avant.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Glover et monsieur Gilbert. Votre exposé est approfondi.
Nous allons maintenant passer à M. Ménard, du Bloc. Chacun dispose de huit minutes.
[Français]
M. Ménard: J'ai l'impression que nos témoins sont relativement indisposés et ne sont pas très heureux d'avoir été bousculés par le processus. Pardon?
Une voix: [Inaudible - Éditeur]
M. Ménard: Monsieur le président, arrêtez sur-le-champ mon temps de parole. Vous voyez bien qu'il me coupe la parole.
Je tiens à dire, avec tout le respect que j'ai pour nos amis de la Chambre de commerce, que leur position m'apparaît un peu excessive. Je la trouve d'autant plus excessive que je sais que vous représentez des gens qui sont généralement en quête d'équilibre. Je vais tenter, par mes questions, de bien comprendre votre point de vue.
D'abord, et je pense qu'on peut le comprendre, vous souhaitez que dans le rapport de force qu'il faut aménager - je sais que le terme «rapport de force» ne fait pas partie de votre vocabulaire - , vous êtes inquiets du fait que vous pourriez ultérieurement être privés d'information concernant ce que sont les syndicats.
Je comprends, à la page 3 de votre mémoire, que toute allusion à l'abolition de la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats résulterait pour vous en un outil manquant dans l'évaluation que vous devez faire des différentes circonstances.
Je comprends donc que vous souhaiteriez que, dans le rapport du comité, nous puissions vous donner des outils pour avoir accès à de l'information concernant les syndicats. Est-ce que j'ai bien compris cet aspect-là de votre mémoire?
[Traduction]
Mme Glover: Nous demandons que cela ne soit pas aboli. Nous souhaitons le maintien de la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats - il s'agit des statistiques financières ainsi que de la composition des syndicats.
[Français]
M. Ménard: D'accord. Je crois qu'on peut s'entendre là-dessus parce qu'il y a des choses tout à fait acceptables.
Je suis d'accord avec vous sur un fait. Je pense que si on avait, avant la publication du projet de loi, interrogé un certain nombre de témoins, tant du côté patronal que syndical, sur ce qu'il allait advenir de toute la question du travailleur de remplacement, bien peu auraient prévu la formule hybride que le gouvernement a mise sur la table. On peut dire que ce n'est pas une formule intéressante parce que je crois qu'elle va mécontenter tout le monde du fait qu'elle n'ira pas assez loin pour les syndicats par rapport à ce qui se fait au Québec et en Colombie-Britannique et qu'elle ira trop loin pour la partie patronale.
Puisque vous représentez des organisations patronales et des gens qui sont en droit d'avoir les règles du jeu le plus claires et le plus transparentes possible, est-ce que votre organisation a déjà évalué, dans les provinces où il y avait des dispositions très claires concernant les travailleurs de remplacement, les pratiques déloyales qui pourraient être sanctionnées, et est-ce que vous reconnaissez qu'il y a une corrélation entre l'existence de ces dispositions-là et des règles du jeu plus claires qui faciliteraient des relations de travail plus saines?
Il me semble que vous avez oublié, dans votre exposé, le droit des travailleurs de négocier collectivement leurs conditions de travail. Si on pense que l'on doit arriver à un équilibre dans la société, il faut se dire que les dispositions concernant les travailleurs de remplacement sont indispensables à cet équilibre. Est-ce que vous avez déjà évalué l'impact des deux lois existantes dans les provinces que vous avez mentionnées?
[Traduction]
M. Gilbert: Je conviens avec vous que le droit de représentation par un syndicat et le droit de participer à la négociation collective sont des droits fondamentaux de notre société. Personne toutefois ne gagne à se lancer dans une grève avec l'illusion que les gains que l'employeur ne peut pas se permettre peuvent lui être arrachés. En d'autres termes, lorsque la grève ne correspond pas à la réalité du marché, elle ne sert l'intérêt de personne.
Vous avez demandé si nous avons évalué l'application de la loi dans les provinces qui ont ce genre d'interdiction. Nous l'avons fait. Il suffit de comparer les statistiques de grève des provinces de l'Ontario et du Québec pour la période de 1978 à 1992, lorsque le Québec interdisait les briseurs de grève, contrairement à l'Ontario. On peut expliquer les résultats de nombreuses façons, mais on peut voir sur cette période de 14 ans qu'au Québec - mis à part le fait que la population active y soit légèrement inférieure et corresponde à près de 70 p. 100 de celle de l'Ontario - il y avait plus de grèves, elles étaient plus longues et elles touchaient plus de travailleurs que celles qui se sont produites pendant la même période en Ontario. Cela sans aucun rajustement de l'importance relative de la population active.
Je sais qu'il y a d'autres explications, mais si j'étais simple spectateur, je dirais que ce n'est pas ce qui permet nécessairement des relations de travail plus harmonieuses.
Dans la mesure où l'on dispose de preuves empiriques. À mon avis, il est assez évident que cela ne marque pas le début de la paix ou de la stabilité sociale. Ce genre de loi ne donne pas de tels résultats comme on a pu le voir au Québec, lorsque l'on compare cette province avec l'Ontario pour la même période.
[Français]
M. Ménard: Je veux juste comprendre votre témoignage et peut-être vous inviter à déposer les documents pour étayer votre point de vue. Vous nous dites que pour les années considérées, soit de 1978 à 1991 ou 1992, quand vous comparez le Québec et l'Ontario, vous n'arrivez pas à la conclusion que le fait que le Québec se soit doté de dispositions anti-scab a fait en sorte que les relations de travail ont été plus pacifiques, qu'on a eu moins de conflits et que ces derniers ont duré moins longtemps. Est-ce l'analyse que votre organisation a faite? Dans un tel cas, il serait intéressant que l'on puisse disposer des documents qui vous ont permis de vous faire un point de vue, parce que vous savez qu'il y a tout un autre courant qui soutient le contraire.
Je pense que vous rendriez un grand service au comité si vous aviez la générosité de déposer les documents qui vous ont permis de vous faire un point de vue sur ce sujet-là, parce que si jamais on a erré, particulièrement moi qui suis du Québec, on ne demande pas mieux que de reconsidérer notre position. Mais ma compréhension, c'est qu'il y avait un lien très direct entre la durée des grèves et le fait qu'on avait des dispositions anti-briseur de grève et la violence, bien sûr, comme dit ma collègue, la députée de Mercier.
Donc, vous n'êtes pas d'avis que là où il y a des dispositions anti-scab, où on interdit très lucidement et très concrètement les travailleurs de remplacement et où les règles du jeu sont connues, les grèves durent moins longtemps, il y a moins de violence et, au total, les relations sont plus saines. Vous ne vous rendez pas à ce point de vue-là et vous avez de l'expertise qui nous permettrait, comme comité, de partager votre point de vue sur des faits très concrets.
[Traduction]
M. Gilbert: Oui, avec plaisir. La Chambre de commerce a préparé un rapport en avril 1995, je crois, qui renferme ces statistiques ainsi que l'analyse de la performance relative de l'Ontario et du Québec au cours de cette période. Comme je l'ai dit, il y a d'autres explications, mais il ne fait aucun doute qu'en examinant les chiffres, on ne peut pas dire que les résultats ont été bien différents au Québec et qu'il y a eu beaucoup moins de conflits, car les chiffres ne corroborent tout simplement pas cette conclusion.
Il s'agit à mon avis des meilleures données empiriques dont on dispose actuellement, car le Québec a été le premier dans le monde occidental à adopter ce genre de loi. La comparaison au cours de la même période de deux provinces dont l'économie est relativement semblable est probablement la meilleure que l'on puisse trouver pour évaluer si une loi de cette nature donne les résultats avancés par ses défenseurs.
[Français]
M. Ménard: Monsieur le président, on va bien s'assurer que la greffière ou le greffier prenne les dispositions nécessaires pour qu'on ait accès à ce rapport-là et qu'on puisse revenir là-dessus. Ce sera un moment révélateur de ma vie, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Oui, certainement.
Monsieur Johnston.
M. Johnston: Merci, monsieur le président.
Le rapport présenté est très complet, mais j'aimerais soulever deux points. À la page 4, vous vous élevez contre le fait que le grain jouisse d'un traitement préférentiel par rapport à tous les autres produits. À l'époque du rapport Sims et aussi de l'enquête sur les ports de la côte Ouest, certains ont dit que l'arbitrage des propositions finales dans le cas de tout arrêt de travail, qu'il s'agisse d'une grève ou d'un lock-out, serait préjudiciable aux tierces parties, dans les cas où le grain ou un autre produit du genre serait bloqué.
Je me demande si vous pouvez nous dire pourquoi le traitement préférentiel accordé au grain vous cause des problèmes. Par ailleurs, que pensez-vous de l'acceptation de l'arbitrage des propositions finales dans les cas d'arrêts du travail qui ont un effet préjudiciable sur les tierces parties?
M. Gilbert: En ce qui concerne votre première question, le problème qui se pose à la Chambre de commerce découle des intérêts des exportateurs du pays qui ne sont pas des producteurs de grain. Je crois que nous savons tous que les produits forestiers, les automobiles et d'autres produits sont essentiels au bien-être de notre économie. Permettre à un seul produit de circuler, et non à d'autres, crée un avantage pour les producteurs de grain dont les autres exportateurs ne profitent pas. Notre économie dépend également des autres secteurs, je pense donc qu'il s'agit d'un problème assez simple.
L'arbitrage des propositions finales peut, dans certaines circonstances, servir d'outil utile pour résoudre les conflits de relations de travail. Je vais vous donner un exemple. Cet arbitrage est prévu dans certaines lois sur l'éducation en Ontario et il a permis la résolution de conflits - c'est la principale méthode prévue par la Loi sur les relations de travail dans le domaine de l'agriculture, promulguée par le dernier gouvernement de l'Ontario. Cette province s'inquiétait de ce qui pourrait arriver en cas de grève pendant la récolte ou de ce qui pourrait se produire dans le cas des biens périssables à la ferme ou dans l'industrie agro- alimentaire. Le gouvernement a donc adopté l'arbitrage des propositions finales comme méthode de résolution de ces genres de conflits.
Cette loi a été abrogée par le gouvernement actuel, mais elle montre cependant qu'il peut s'agir d'un moyen utile de résolution de conflit dans certaines circonstances. Reste à savoir si vous voulez l'imposer comme option unique ou comme solution de rechange pour résoudre un conflit difficile: c'est une question discutable qui mérite que l'on s'y attarde davantage.
M. Johnston: À mon avis, ce serait certainement préférable puisque ces 20 dernières années, le Parlement a dû imposer le retour au travail à 19 reprises. L'arbitrage des propositions finales ne serait certainement pas aussi maladroit qu'une telle imposition.
M. Gilbert: Cela mène finalement à une entente qui s'apparente davantage aux positions de négociation des parties qu'un contrat obtenu par voie d'arbitrage peut le faire.
M. Johnston: Est-ce que la disposition portant sur les obligations du successeur contenue dans ce projet de loi vous pose des problèmes et, dans l'affirmative, quels sont-ils?
M. Gilbert: Dans la mesure où cette disposition a un impact sur le processus d'appel d'offres au Canada, je crois que le Conseil canadien des relations de travail a soutenu dans un certain nombre de cas qu'il peut s'agir d'un moyen utile et commercialement pertinent d'obtenir des services et de maintenir ainsi à un niveau constant les salaires peu importe comment s'est tiré d'affaires le dernier fournisseur de services, peu importe les changements et les conditions de l'économie. Cela affaiblit le processus d'appel d'offres comme moyen de maintenir les services. Il s'agit d'une de nos préoccupations.
M. Johnston: Sur un point plus philosophique, peut-être aimeriez-vous spéculer - ou peut-être que non - sur la nécessité que les lois du travail canadiennes s'apparentent aux lois américaines, étant donné que c'est notre plus grand partenaire commercial et bien sûr notre plus proche voisin.
Mme Glover: Si vous me permettez de répondre, je crois que le Canada est unique. Nous croyons que les syndicats ont le droit d'exister et qu'il en va de même pour les employeurs; les syndicats ont le droit de faire la grève et les employeurs d'exercer leurs activités. Il s'agit de principes de base.
Les choses se passent très différemment au Canada et je crois que nos valeurs sont éloignées de celles des États-Unis à cet égard. Je ne crois pas que nous ayons besoin d'une législation semblable à celles des États-Unis d'Amérique. Ce dont nous avons besoin, c'est de lois qui nous permettront de rester concurrentiels et d'attirer les investisseurs. La situation de l'emploi n'a de secret pour personne ici. Même s'il ne s'agit pas de la seule chose que considèrent les employeurs lorsqu'ils viennent au Canada, nous croyons fermement qu'ils se penchent sur notre législation du travail et l'attrait qu'elle représente. Nous craignons vraiment beaucoup que tout ce qui ressemble même à une interdiction partielle relative aux travailleurs de remplacement soit mal interprété et nuise aux investissements.
Le président: Je vous remercie, monsieur Johnston.
La parole est maintenant à M. McCormick qui sera suivi de M. Proud.
M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox et Addington): Je remercie monsieur le président de même que les représentants de la Chambre de commerce qui sont venus nous rencontrer.
J'ai une observation à faire au sujet du traitement préférentiel accordé aux services aux navires céréaliers. Il s'agit d'une décision et d'un fait tellement élémentaire: les céréales sont bien sûr un aliment. Nous ne le saurions pas aujourd'hui si nous jetons un coup d'oeil au prix du blé sur le marché mondial, mais étant donné les faits et peut-être les rumeurs relatives aux disponibilités alimentaires dans le monde l'année dernière ou cette année avant la récolte, je crois que l'on pourrait songer à garantir l'exportation des céréales peu importe les circonstances.
En ce qui concerne les travailleurs à distance, il sera très intéressant de permettre aux syndicats de communiquer avec eux aux fins de recrutement. J'ai lu quelque chose hier ou aujourd'hui au sujet d'une banque qui va commencer à exercer ses activités sans avoir investi dans la brique et l'immobilier.
Si l'employé doit manifester le désir d'être contacté... Cela pourrait très bien signifier que tout nouvel employé ou tout futur employé à l'avenir ne serait pas autorisé à communiquer avec un syndicat. Avez-vous des commentaires?
Mme Glover: Comme l'a dit Doug, nous ne nous opposons pas à ce que les syndicats communiquent avec ces personnes. Ils ont toutes sortes de moyens à leur disposition pour ce faire. Pensez à l'Internet et au nombre de gens qui y ont accès. Mais bon sens... Les syndiqués sont des gens très capables. Je suis presque sûre que le Congrès canadien du travail a un site sur le Web. Si les employés veulent communiquer avec le syndicat, il existe des moyens comme celui-là.
De même, qu'arriverait-il si l'on demandait aux entreprises d'informer leurs employés par l'entremise d'un tableau d'affichage. Pour ce faire, il faut qu'elles aient des murs. Qu'arriverait-il si l'on demandait aux entreprises, par l'entremise de leurs communications électroniques, d'afficher un message sur leur babillard électronique à l'intention de leurs employés? Les employés pourraient lire le message et se dire que s'ils ont besoin de plus de précisions, ils peuvent toujours téléphoner à leur syndicat.
Nous ne nous opposons pas à ce que les syndicats communiquent avec les employés mais à la diffusion de leurs noms et de leurs adresses. Nous croyons tout simplement qu'il y a diverses façons de communiquer avec les gens, un point c'est tout.
M. McCormick: Cela va mériter beaucoup de compromis et nous n'avons pas fini d'en entendre parler.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie, monsieur McCormick.
Monsieur Proud.
M. Proud: J'aimerais simplement faire une observation et poser une question.
À la page 4 de votre mémoire, vous dites que ce projet de loi contient d'autres dispositions qui n'ont pas fait l'objet de consultations. Il s'agit de celles qui porte sur l'importante question de la manutention des céréales.
L'une des options proposées par le groupe de travail Sims en réponse à la demande de l'industrie était de maintenir les activités liées à l'amarrage et à l'appareillage des navires céréaliers lorsqu'une grève ou un lock-out avait lieu au port pour d'autres raisons.
M. Johnston a parlé du nombre de grèves qui ont eu lieu au cours des dernières années. La plupart d'entre elles ont touché le secteur du débardage. Toutes les activités étaient liées au commerce céréalier. Lorsque vous vous demandez pourquoi il n'en va pas de même pour la potasse ou n'importe quoi d'autre, les céréales étant le produit dont on entend toujours parler le plus lorsqu'il y a des problèmes sur la côte. C'est la raison pour laquelle il en est question dans le rapport et qu'il en est tenu compte dans le projet de loi. Les recommandations à cet égard découlaient d'une enquête qu'a menée l'industrie.
Quant à la question des travailleurs de remplacement et des travailleurs à distance, je suppose qu'on ne réussira probablement jamais à satisfaire tout le monde. Je suis convaincu que mes collègues d'en face aimeraient que les travailleurs de remplacement ne soient pas du tout mis en cause. Les entreprises aimeraient pouvoir y recourir. Nous estimons en être arrivés à un compromis là-dessus.
Vous vous inquiétez de la capacité des syndicats de faire appel au Conseil canadien des relations industrielles pour déterminer ce qu'est une pratique déloyale de travail. J'ai suffisamment confiance aux gens qui seront nommés à ce conseil industriel pour croire qu'ils n'accepteront tout simplement pas les interventions superficielles et ne permettront pas au syndicat de rallier tout le monde à sa cause. Je crois que c'est une préoccupation qui a été exprimée à deux ou trois reprises ce matin. Je suis convaincu que tout syndicat qui se présentera devant ce conseil devra être en mesure de prouver qu'il y a intention de miner sa capacité de représentation.
Vous avez également parlé du nouveau libellé en ce qui a trait à la représentation: «dans le but de miner la capacité de représentation d'un syndicat». J'ai une seule question à vous poser à ce sujet.
Si des travailleurs de remplacement sont en place et que le syndicat et l'entreprise poursuivent les négociations, croyez-vous, que ces travailleurs de remplacement devraient alors être autorisés à voter à l'égard de cette convention collective? C'est ma première question. Ne croyez-vous pas que les travailleurs à distance devraient pouvoir communiquer avec les syndicats ou contestez-vous simplement la façon de procéder?
M. Gilbert: En ce qui concerne la première question, la disposition concernant les travailleurs de remplacement pendant une grève, le seul problème que pose selon moi l'expression «capacité de représentation», c'est qu'elle ne fait qu'ouvrir la voie à d'autres interprétations. Il y a une façon beaucoup plus directe de résoudre ce problème. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que le conseil industriel n'acceptera pas d'entendre les plaintes superficielles et n'acquiescera pas à toutes les demandes qui lui seront faites.
Mais pourquoi ne pas donner au conseil industriel des directives claires en ce qui a trait au problème que nous essayons de régler? Je veux parler du problème qui consiste à ramener l'employeur à la table des négociations si celui-ci s'est rendu coupable d'une pratique déloyale envers ses employés et à l'amener à négocier comme il est censé le faire.
Plutôt que de lancer ce concept de capacité de représentation, peu importe ce qu'il signifie... Que pourrait-on faire d'autre que de recourir à des travailleurs de remplacement en cas de grève? Pourquoi ne pas opter pour des idées que nous comprenons? Par exemple, si vous devez négocier de bonne foi, vous devez reconnaître le syndicat. Si vous évitez ces obligations, le conseil cherchera alors une solution.
Ce sont des choses que les deux parties comprennent. Les relations de travail reposent sur le principe que l'autre partie sait à quoi s'attendre du processus. Cela empêche les gens de prendre de mauvaises décisions au mauvais moment.
Pour ce qui est des négociations collectives, nous savons ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Cette approche est très saine. L'idée d'introduire un nouveau concept, qui est inutile à mon avis, dans le simple but de stabiliser...
M. Proud: Est-ce un nouveau concept? Vous pensez vraiment qu'il s'agit d'un nouveau concept? Il existe depuis longtemps.
M. Gilbert: Non. Il ne figure ni dans le code, ni dans...
M. Proud: Peut-être pas, mais il existe depuis longtemps...
M. Gilbert: Il ne figure dans aucune autre loi.
Tout ce que je dis, c'est qu'il y a de meilleures façons d'exprimer ce concept. C'est tout. Il y a des mots plus précis qui permettent d'atteindre l'objectif visé de manière plus directe. Pourquoi utiliser une terminologie nouvelle quand il y a déjà, dans le code, des concepts tout à fait adéquats qui permettraient de régler ce problème?
M. Proud: Un autre groupe vient tout juste de nous dire que nous devrions trouver de nouveaux concepts, délaisser les vieilles formules. Nous recevons toutes sortes de propositions.
M. Gilbert: D'accord. Mais il y a beaucoup de conseils des relations de travail dans cette province et ailleurs qui se sont inspirés de ces concepts pour donner gain de cause aux syndicats qui ont été victimes de pratiques déloyales de la part de l'employeur. Ces concepts ne sont donc pas dépassés.
La reconnaissance du syndicat à titre d'agent négociateur et la tenue de négociations sérieuses en vue d'aboutir à une convention collective sont à la base des relations de travail. Ce ne sont pas des concepts dépassés. Tout ce que je dis, c'est qu'il faudrait s'inspirer de ces concepts dans cette disposition. Il ne faut pas essayer d'introduire des concepts nouveaux et inconnus.
Le président: Brièvement, monsieur Gagnon.
[Français]
M. Gagnon (Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine): Vous avez énoncé quelques inquiétudes sur le fait que cette loi pourrait permettre à des syndicats de communiquer directement avec des travailleurs autonomes, des travailleurs à distance, des pigistes, des gens qui travaillent à contrat. Si je me trompe, l'opposition peut me corriger. Dans les prochaines années, je crois que le tiers des travailleurs seront des travailleurs autonomes, des travailleurs à distance.
Vous semblez vous préoccuper beaucoup du fait que le syndicat pourrait communiquer directement avec ces travailleurs autonomes. À mon avis, il serait en fait souhaitable que les syndicats entrent en communication directe avec ces travailleurs pour vérifier si leurs conditions de travail sont acceptables.
J'ai entendu dire que souvent, les travailleurs à distance qui doivent travailler, non pas aux heures normales de 9 heures à 17 heures, mais les fins de semaine, ne jouissent pas nécessairement des mêmes bénéfices qu'un travailleur qui se trouve en permanence dans un établissement quelconque et qu'ils sont même, la plupart du temps, tenus de payer leur téléphone et de s'occuper de leur emplacement de travail.
J'aimerais bien entendre la Chambre de commerce du Canada à ce sujet. Est-ce que vous avez établi des règles assez formelles auprès des entrepreneurs qui ont des travailleurs à distance? Quels sont les avantages? Quelles sont les conditions? Pourquoi ne pas inviter un syndicat à prendre contact avec eux afin de vérifier si ces gens-là travaillent dans des conditions acceptables?
[Traduction]
Mme Glover: Oui, nous nous sommes penchés là-dessus. En fait, nous comptons mener une étude auprès de travailleurs à distance afin de vérifier s'ils jugent l'expérience positive.
Vous savez, ce n'est pas tout le monde qui veut travailler de neuf à cinq. Le régime de travail souple a pour but de permettre aux gens de fixer leurs heures de travail. Certaines entreprises permettent à des employés de choisir les avantages qui les intéressent.
Donc, le fait de travailler à domicile et à distance n'est pas nécessairement une mauvaise chose en soi. C'est une question que nous examinons. Nous sommes conscients du fait que le monde évolue. Nous voulons obtenir quelques exemples d'expériences positives que nous pourrions peut-être transmettre plus tard au comité.
M. Gagnon: Je serais heureux de les entendre.
Mme Glover: Pour ce qui est de la communication, nous ne voulons pas empêcher les syndicats de communiquer avec ces employés. Nous estimons que les noms et adresses des employés sont des renseignements confidentiels qui ne concernent que les employeurs et les employés. Pourquoi ne pas demander aux employés s'ils veulent parler aux syndicats, ou pourquoi ne pas demander aux employeurs d'afficher un avis sur les lieux de travail? C'est tout ce que nous disons. Il y a de nombreuses façons de parvenir au même but. Nous préférerions qu'on choisisse une autre méthode. C'est tout.
Le président: Madame Glover, monsieur Gilbert, je vous remercie de votre témoignage. Les quatre derniers points que vous avez soulevés résument assez bien votre pensée. Nous allons tenir compte de tous les points de vue lorsque nous proposerons des améliorations au projet de loi. Encore une fois, merci.
Mme Glover: Merci, monsieur le président.
[Français]
Mme Lalonde: Si vous aviez eu davantage de temps, auriez-vous pu nous donner la version française de ce texte?
[Traduction]
Mme Glover: Nous ne l'avons pas encore, mais nous vous la fournirons.
[Français]
Mme Lalonde: Merci.
[Traduction]
Le président: Vous soulevez un très bon point, Madame Lalonde.
M. Gagnon: Monsieur le président, en ce qui concerne les documents bilingues, je pensais que chaque témoin qui se présente devant un comité était tenu déposer une version bilingue de son mémoire avant d'être entendu par le comité.
Le président: Ce serait l'idéal.
[Français]
Mme Lalonde: S'il n'y a pas de texte en français, il faudrait le savoir à l'avance. Si les personnes qui se présentent devant nous n'ont pas eu le temps de faire traduire leurs présentations, il vaut mieux qu'elles attendent deux jours de plus si c'est le temps qu'il leur faut pour la traduction, et nous pourrons entendre d'autres témoins. Nous avons le droit d'avoir les textes en français.
[Traduction]
Le président: Je suis d'accord.
[Français]
Mme Lalonde: Vous n'êtes pas dans une situation idéale, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Non. Je faisais allusion au fait que les témoins ont dit qu'ils n'avaient pas eu suffisamment de temps pour préparer leur texte. Ils n'ont jamais suffisamment de temps, même si cela fait 20 ans que le Code canadien du travail n'a pas fait l'objet d'un examen.
C'est une question, comme vous le savez, qui revient souvent sur le tapis. Nous devons régler ce problème. Nous arrivons parfois, grâce à votre générosité, à poursuivre nos travaux parce que nous avons un service d'interprétation et que certains de nos membres sont bilingues. Nous avons toujours procédé de cette façon au sein du comité. Toutefois, l'idéal serait d'avoir les versions anglaise et française du texte.
Je vais dire au greffier qu'il demande aux intervenants, avant qu'ils ne comparaissent devant le comité, s'ils ont ou non la version française de leur texte. S'ils ne l'ont pas, nous accorderons la priorité aux témoins qui l'ont. Mais notre comité, comme vous le savez, a du travail à faire et nous devons tenir compte de ce facteur.
[Français]
Mme Lalonde: J'ai un bon argument, monsieur le président. Ce qu'on amende, c'est un code qui est fait de dispositions précises et de mots précis. On peut parler anglais, mais on ne connaît pas nécessairement les dispositions précises qui sont celles d'un texte, non seulement d'un texte de loi, mais d'un texte qui est censé régler les rapports entre les parties.
[Traduction]
Le président: Vous avez raison.
M. Gagnon: Il y a des exceptions que je trouverais acceptables, comme les témoignages qui sont recueillis ailleurs. Par exemple, si nous nous trouvions quelque part à Edmonton, en Alberta, alors oui, l'exposé pourrait être présenté dans une seule langue. Toutefois, pour ce qui est mémoires qui sont présentés devant un comité, devant des parlementaires, nous avons un service de traduction et il faudrait y avoir recours.
Le président: Je suis d'accord.
La séance est levée.