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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 novembre 1996

.1544

[Traduction]

Le président: Bienvenue à tous. Comme vous le savez, nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-66, Loi modifiant le Code canadien du travail (partie I), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats et d'autres lois en conséquence.

.1545

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui des représentants de la Western Grain Elevator Association. Ils sont venus de loin pour nous rencontrer et nous leur en sommes fort reconnaissants. Nous accueillons ainsi le directeur administratif, M. Ed Guest, la présidente du Comité des ressources humaines, Mme Bonnie DuPont, et le conseiller juridique de l'association, M. James P. Carwana.

Voici comment nous procédons. Les témoins disposent de 10 à 15 minutes pour présenter un aperçu de leur mémoire. Nous passons ensuite à la période de questions et réponses, les interventions se faisant dans l'ordre suivant, le Bloc québécois, le Parti réformiste puis le Parti libéral.

Nous avons hâte d'entendre vos commentaires. Vous pouvez commencer.

M. Ed H. Guest (directeur administratif, Western Grain Elevator Association): Monsieur le président, messieurs et mesdames les députés, je présenterai les commentaires généraux puis je demanderai à ceux qui s'y connaissent plus de répondre aux questions. Je n'ai donc pas besoin d'assumer de responsabilités.

Je dois tout d'abord m'excuser car notre mémoire n'est disponible qu'en anglais. Faute de temps, nous n'avons pu préparer qu'une version dans cette langue. Je crois que les commentaires que nous faisons dans ce mémoire décrivent bien la réaction du secteur céréalier. Je lirai donc le texte intégral du mémoire. J'espère que l'on pourra demander aux services gouvernementaux de traduire le document en français pour le distribuer plus tard à ceux qui voudraient avoir une copie dans cette langue.

La Western Grain Elevator Association et la British Columbia Terminal Elevator Operators Association sont heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité.

La Western Grain Elevator Association représente les neuf grandes compagnies céréalières de l'ouest du Canada. Ces compagnies offrent leurs services aux agriculteurs des quatre provinces de la région à plus de 1 000 points dans les Prairies canadiennes. Elles sont également propriétaires de plus de 99 p. 100 de tous les élévateurs à grain de l'ouest du Canada et de tous les silos terminus de Vancouver, Prince Rupert et Thunder Bay.

La British Columbia Terminal Elevator Operators Association, affiliée à la WGEA, a été mise sur pied en 1957. Il s'agit d'un organisme composé d'employeurs chargés de la négociation collective au nom de ses membres avec les syndicats représentant leurs employés. Au nombre des membres de l'association, il y a une coopérative, un consortium de coopératives, des coopératives dont les valeurs sont cotées en bourse, un consortium de compagnies céréalières et une compagnie céréalière privée.

Nos associations félicitent le gouvernement de nombre de changements qui figurent dans le projet de loi. Tout particulièrement, nous croyons que les changements qui suivent permettront d'améliorer le processus de négociations collectives pour divers secteurs, notamment le secteur céréalier.

La création d'un processus de consultation à étape unique qui ne doit pas durer plus de 60 jours, sauf si toutes les parties touchées en conviennent autrement, permettra de rationaliser le processus de négociation et de rendre la conciliation plus efficace.

La modification qui vise à donner au Conseil canadien des relations industrielles l'autorité d'inclure des membres supplémentaires venant de l'organisation des employeurs dans une désignation comportant plusieurs employeurs permettra de rationaliser la négociation en réduisant le nombre d'unités de négociation, ce qui accroîtra la stabilité de divers secteurs comme le nôtre.

La décision d'exiger un avis de 72 heures avant une grève ou un lock-out et le nouveau préavis, si ces mesures ne sont pas prises en fonction du libellé de cet avis, permettront d'assurer une transition plus ordonnée à un arrêt de travail pour les employés, les employeurs et les tierces parties.

La proposition visant la tenue d'un scrutin secret dans les 60 jours précédant un arrêt de travail permettra certainement d'assurer que l'on a bien réfléchi à la question avant de prendre cette mesure.

De telles propositions amélioreront le processus de négociation pour tous les intervenants. Il s'agit de mesures positives qui améliorent la négociation collective et qui accroissent l'efficacité et la compétitivité des industries canadiennes.

Nous félicitons le gouvernement d'avoir pris des mesures pour s'assurer que les différends dans des secteurs autres que le secteur des grains n'auront pas un impact sur la circulation des grains. On connaît l'importance du secteur céréalier pour l'ensemble du pays, et si le Code du travail du Canada s'applique à cette industrie, c'est parce que la loi constitutionnelle considère que les élévateurs mettent en cause les intérêts de l'ensemble du Canada.

À ce sujet, dans une décision récente, la Cour suprême du Canada a déclaré: «Les expéditions de céréales à partir des terminaux de l'Ouest, à Vancouver et à Prince Rupert, ont déjà une importance économique considérable pour le pays.» Plus récemment, le ministre du Travail du Canada a observé que si on avait nommé un conciliateur pour régler un différend de manutention des céréales sur la côte ouest, c'était «à cause de la nécessité de préserver la santé du secteur de la manutention céréalière pour le bien de l'économie canadienne et pour préserver la réputation internationale du Canada qui est considéré comme un fournisseur de blé fiable».

.1550

Il est certain que des problèmes surgissent lorsque la circulation des céréales est affectée par des différends dans d'autres secteurs. Ces différends n'ont rien à voir avec les forces concurrentielles mondiales qui affectent l'industrie céréalière, et il n'est pas possible de les résoudre en faisant jouer les forces économiques qui déterminent les relations entre les parties de l'industrie céréalière. On peut utiliser des différends qui n'ont rien à voir avec l'industrie céréalière pour prendre le secteur céréalier en otage. La Commission d'enquête industrielle sur les relations industrielles dans les ports de la côte ouest a conclu qu'il était arrivé à l'industrie du débardage d'utiliser sa capacité d'interrompre les exportations de céréales comme un atout caché.

À ce sujet, la commission a déclaré, et je cite:

Je ne vous lirai pas le reste, mais inutile d'ajouter que la commission n'a pas été très contente de la situation qu'elle a trouvée sur la côte ouest à l'époque. Elle a conclu que les exportateurs de céréales souffraient très souvent lorsque les négociations collectives des débardeurs n'aboutissaient pas. Par exemple, tout récemment, en 1995, il a fallu légiférer pour empêcher un arrêt dans le secteur céréalier à cause d'un lock-out de superviseurs-débardeurs. La même chose s'est produite en 1994 pour mettre fin à une grève des débardeurs, qui désorganisait les exportations.

Il faut absolument que les différends entre les parties dans d'autres secteurs se limitent à ces secteurs, et que ces différends ne viennent pas toucher l'industrie céréalière. En faisant de cette industrie un otage dans des différends dans d'autres secteurs, on entame gravement la compétitivité et la solidité du Canada qui est un fournisseur de céréales important dans l'économie mondiale.

À l'heure actuelle, le secteur céréalier canadien est en pleine transition car on tente de baisser les coûts et d'augmenter la productivité. On procède à une refonte importante du cadre réglementaire gouvernemental, et la législation qui régissait jadis les subventions tarifaires a maintenant été abrogée. Le résultat, c'est qu'il en coûte maintenant deux fois plus aux agriculteurs pour acheminer leur production, ce qui exerce des pressions sur tous les autres intervenants dans la chaîne des exportations, qui doivent maintenant devenir plus efficaces et réduire leurs coûts.

En même temps, les agriculteurs canadiens se heurtent à une concurrence accrue de la part d'autres pays, qui cherchent eux aussi à réduire leurs coûts et à devenir plus efficaces. Dans ce climat de compétitivité internationale accrue, il est particulièrement important pour le Canada de garder ses clients, et pour ce faire, nous devons prouver que nous sommes un fournisseur de céréales stable.

D'ailleurs, pour l'industrie céréalière, la plus grande menace, c'est le manque de confiance de ses clients en ce qui concerne la responsabilité de fournisseurs du Canada. Le groupe qui s'occupe de la commercialisation des céréales de l'Ouest a récemment eu des discussions avec un certain nombre d'acheteurs. Le président de l'office chinois des approvisionnements alimentaires et le directeur du système d'achat japonais ont tous deux déclaré que leurs principales préoccupations, c'étaient les délais provoqués par les différents syndicaux dans le port de Vancouver.

.1555

Les préoccupations des clients qui achètent les céréales canadiennes ont fait l'objet de nombreux rapports. La majeure partie de ces rapports signalent des problèmes sur la côte ouest.

Après avoir entendu les interventions de toutes les parties intéressées, la Commission d'enquête industrielle a conclu qu'il était important de réussir à dissocier les différends dans le secteur de la manutention céréalière des différends dans d'autres secteurs. La seule question restant étant la méthode pour y parvenir.

La commission a déclaré qu'à son avis le secteur de la manutention céréalière méritait d'avoir un régime de relations industrielles propre pour régir toutes les relations d'un bout à l'autre du système. Nous sommes toujours en faveur de cette proposition qui simplifierait les responsabilités syndicales en matière de manutention céréalière, mais en attendant, le projet de loi est un pas dans la bonne direction si l'on veut isoler les différends de ce secteur des différends dans d'autres secteurs.

Toutefois, même après l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi, il restera important de contrôler l'efficacité des changements pour pouvoir déterminer le succès des moyens choisis pour parvenir à l'objectif. Si des problèmes d'ordre pratique surgissent en ce qui concerne la méthode choisie, les associations pensent que le gouvernement devrait envisager de simplifier encore le système en plaçant la fonction de chargement des céréales sous la responsabilité du syndicat des travailleurs céréaliers, le Grain Workers Union. C'est de cette façon là seulement que le gouvernement pourra s'assurer que le secteur céréalier n'est pas pris en otage chaque fois qu'il y a un différend chez les débardeurs.

Il faut noter aussi qu'en retranchant les céréales de l'équation des différends dans d'autres industries, le projet de loi facilitera la négociation collective dans ses autres industries.

La Commission d'enquête industrielle a observé, comme je l'ai dit tout à l'heure, que par le passé d'autres parties s'étaient servies des céréales comme d'un atout pour éviter une véritable négociation et se livrer à ce qu'elles appellent des négociations superficielles.

En enlevant les céréales du tableau, ces autres industries seront forcées de négocier sérieusement leurs propres problèmes, et par voie de conséquence, elles en profiteront elles-mêmes, de même que tous ceux qui sont touchés par le secteur céréalier canadien.

Voilà pour les bonnes nouvelles.

Nous sommes tout à fait en faveur de la proposition contenue dans le projet de loi et qui a pour effet de responsabiliser les employeurs qui font appel à des travailleurs de remplacement. La négociation collective doit maintenir le droit des deux parties de mettre à l'épreuve leur position économique sur le marché; c'est un dernier ressort dans le mécanisme de règlement des différends.

Le projet de loi fait intervenir le Conseil des relations industrielles dans les différends et donne à une partie seulement le droit d'entamer des poursuites. Cette partie, c'est le syndicat. Cela constitue un énorme déséquilibre dans la loi.

Ce déséquilibre empêche un employeur de prendre des dispositions quelconques pour continuer à fonctionner pendant un différend de travail et supprime toute notion d'armes égales dans ce match économique qui se joue entre les parties.

Les employés en grève peuvent généralement se débrouiller très bien pendant plusieurs jours au début d'un différend avant de se heurter à de véritables difficultés économiques. Pour y parvenir, on fait appel à plusieurs moyens: dernier chèque de paye, salaire de grève, épargnes, second revenu, recours au crédit, etc.

Beaucoup d'employeurs exposés à la concurrence, en particulier la concurrence des marchés internationaux, ne peuvent pas se permettre un arrêt de travail de 60 jours. Cela pourrait avoir des effets désastreux. Les clients vont chercher des fournisseurs ailleurs et très souvent, ne reviennent pas.

L'industrie céréalière prend des engagements envers ses clients dans ces marchés mondiaux qui sont très concurrentiels. Lorsqu'un client décide d'acheter, la sécurité des approvisionnements, surtout lorsqu'il s'agit de produits alimentaires, est un facteur très important. En empêchant l'industrie de poursuivre ses opérations, on porte atteinte à la sécurité des approvisionnements alimentaires de nos clients. La nouvelle loi pourrait aggraver encore nos problèmes et nous faire perdre des marchés en rendant ces approvisionnements incertains.

.1600

Même le groupe de travail chargé de cette étude a reconnu que les dispositions du projet de loi sur les travailleurs de remplacement provoqueraient beaucoup d'incertitude, à la fois pour les parties et pour les clients. Dans son rapport, ce groupe a expliqué que ce type de proposition provoquerait forcément beaucoup d'incertitude. À l'époque, il avait noté, et je cite:

Dans un tel climat d'incertitude, un syndicat peut toujours prétendre que l'intervention de travailleurs de remplacement est une atteinte à ses droits à la représentation. Tout litige est dangereux lorsqu'il s'agit de conserver des clients internationaux. Comme les résultats d'un litige sont toujours incertains, les clients s'adressent à d'autres fournisseurs pour éviter de voir leur approvisionnement en provenance du Canada interrompu par une décision contraire. Par conséquent, non seulement la nouvelle proposition relative aux travailleurs de remplacement introduit un déséquilibre dans le processus des négations collectives, mais elle est en même temps une source d'incertitude, cette même incertitude qui a si mauvaise réputation parmi les clients du marché international.

Nous pensons que les dispositions législatives, quelles qu'elles soient, devraient chercher systématiquement à établir un climat de certitude en ce qui concerne les paramètres légaux. En l'absence de critères clairs en ce qui concerne ces paramètres, nous considérons que la législation sera forcément imparfaite, et qu'elle créera plus de problèmes qu'elle n'en résoudra.

En conservant à l'industrie son droit de continuer à fonctionner, on minimise également la nécessité de légiférer ou d'imposer un arbitrage pour forcer un retour au travail. Par le passé, ces règlements imposés par des tierces parties ont toujours posé des problèmes à l'industrie céréalière sur le plan de la concurrence. Nous pensons que la loi devrait tenter d'empêcher une intervention au lieu de multiplier les possibilités d'intervention en favorisant une prolongation du litige.

En résumé, monsieur le président, honorables députés, ce projet de loi qui contient des dispositions sur les travailleurs de remplacement va faire pencher la balance des négociations collectives en faveur des syndicats et des employés. Il créera plus de situations de litige, et les interventions extérieures en cas de différends se multiplieront. De plus, il imposera à tous les intéressés, y compris les clients internationaux qui achètent les céréales canadiennes, un climat d'incertitude. C'est une incertitude qui, immanquablement, portera atteinte à la réputation du Canada, qui est considéré comme un fournisseur de céréales à qui ont peut faire confiance.

Nous pensons que plusieurs dispositions du projet de loi amélioreront les négociations collectives en simplifiant le processus de négociation et en réduisant le nombre des intervenants. La nouvelle loi apportera également plus de certitude dans certains domaines en exigeant un préavis de lock-out en cas de grève, et également un scrutin secret pour décider d'un arrêt de travail. Les dispositions qui exigent le maintien des services aux cargos céréaliers sont une mesure positive qui permettra de dissocier l'industrie céréalière canadienne des autres secteurs en cas de différend syndical dans ces secteurs-là.

Malheureusement, beaucoup d'autres dispositions du projet de loi sur les travailleurs de remplacement auront un effet inverse. Les dispositions relatives aux travailleurs de remplacement créeront un déséquilibre dans le système de négociations collectives en donnant aux syndicats un droit que le patronat n'a pas. D'autre part, avec ce projet de loi, les litiges vont se multiplier et l'incertitude va augmenter. Il y aura incertitude en ce qui concerne l'interprétation de cette disposition législative, et incertitude également en ce qui concerne les résultats potentiels. Ce genre de choses a un effet inverse de l'effet recherché et portera atteinte à la réputation du Canada qui est connue sur la scène internationale comme un exportateur à qui on peut faire confiance.

Voilà qui termine nos observations. Je note en terminant que les compagnies suivantes font partie de la Western Grain Elevator Association: Wheat Pool; Cargill Limited; Manitoba Pool Elevators; Parrish & Heimbecker, Limited; N.M. Paterson & Sons Limited; Pioneer Grain Compagny, Limited; Saskatchewan Wheat Pool; United Grain Growers Limited; Weyburn Inland Terminal Limited; et deux autres compagnies qui appartiennent collectivement à ces compagnies-là: la Prince Rupert Grain Ltd. et la Pacific Elevators Limited.

Je vous remercie pour votre patience.

Le président: Merci beaucoup pour cet exposé particulièrement sérieux et important.

Nous allons maintenant passer aux questions et commencer par M. Ménard du Bloc.

.1605

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Monsieur le président, je me joins à vous pour souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je suis un député montréalais et je vous prie d'excuser mon ignorance et le fait que l'industrie céréalière ne m'est pas aussi familière qu'elle devrait l'être. Je vous rassure toutefois immédiatement en vous disant que je ne demande pas mieux que d'apprendre. Accepteriez-vous de nous tracer un portrait des principales étapes et des principaux postes de travail que l'on retrouve au sein des organisations que vous représentez?

Je sais que vous représentez les neuf principales compagnies céréalières qui représentent 99 p. 100 des silos de l'Ouest. Je suis un député urbain, un enfant de l'asphalte, dois-je dire, et j'aimerais vous demander si vous accepteriez, pour qu'on comprenne bien la portée de l'article qui accorde un traitement un peu préférentiel à toute la question de la manutention et du préavis obligatoire, de nous tracer les principales étapes auxquelles vous êtes soumis comme employeurs et de faire des liens avec les marchés d'exportation. Il y a un fil conducteur dans votre exposé, bien sûr, relativement à la question de la fiabilité de l'approvisionnement. Je poserai deux autres questions lorsque j'aurai compris le tableau d'ensemble.

[Traduction]

M. Guest: Je ne sais pas très bien comment je vais pouvoir vous donner les détails que vous me demandez. Si vous voulez que je commence au niveau de l'exploitation agricole, je peux certainement le faire.

Nos membres sont propriétaires d'élévateurs qui sont dispersés un peu partout. Un producteur céréalier apporte sa production à nos élévateurs. Il y a environ 1 150 élévateurs. À ce stade, nous entreposons le grain dans des réservoirs. À ce niveau-là, certaines compagnies sont syndiquées, d'autres ne le sont pas. Nous répartissons ensuite ces chargements en lots de wagons ferroviaires qui les acheminent vers un terminal. Au terminal - et là encore, nos membres sont propriétaires de ces installations - les céréales sont mélangées, triées et nettoyées avant d'être acheminées vers les bateaux.

Il y a deux types de céréales. Il y a les grains de la commission contrôlés par la Commission canadienne du blé, et il y a les grains hors-Commission qui sont mis en marché dans le privé. Environ 80 p. 100 de toute la production céréalière est considérée comme du grain de la commission: il s'agit de blé et d'orge. La majeure partie de ces contrats de vente pour la production alimentaire, c'est-à-dire du blé et de l'orge, est vendue cinq ans d'avance, la livraison s'effectuant aux termes de contrats de livraison qui peuvent être conclus de six semaines à six mois d'avance.

Est-ce que cela répond suffisamment à votre question en résumé? Nous avons des syndicats dans les zones rurales et nous avons des syndicats aux terminaux.

[Français]

M. Ménard: Ma question peut vous sembler bizarre et je m'en excuse encore. Vous nous avez décrit six opérations. Il était pour moi très important d'avoir une vue d'ensemble parce que, je m'en confesse, l'industrie que vous représentez ne m'est pas très familière.

Maintenant, je comprends que de la production, on passe aux élévateurs; des élévateurs, on passe au chargement dans les wagons, puis vers les terminaux où on fait le tri de deux sortes de blé, et enfin à l'expédition par bateau. Nous avons donc six opérations. Là où vous souhaitez avoir la protection maximale pour qu'il y ait le moins d'arrêts de travail possible, c'est à la dernière opération. Est-ce que je me trompe? C'est toute la question du chargement.

[Traduction]

M. Guest: C'est exact.

[Français]

M. Ménard: C'est parfait. Vous n'avez pas idée du service que vous m'avez rendu. Comme vous pouvez le constater, j'ai fait un tableau que je vais conserver et chaque fois qu'il sera question de l'industrie céréalière, je saurai maintenant, par le menu détail, de quoi on parle.

Un des points de votre exposé me surprend. On peut finalement admettre que l'on est favorable à la partie syndicale ou à la partie patronale et que le recours à la grève est toujours un moyen ultime. Vous vous êtes réjouis du fait que l'on avait simplifié le processus de conciliation et y avez donné votre aval. Vous semblez penser que ce processus constituera une façon un peu plus diligente de procéder et que le recours, dans certaines situations très précises, à des travailleurs de remplacement que rendra possible le Conseil canadien des relations industrielles sera inéquitable. Vous craignez qu'une seule partie ne soit représentée et croyez que ce recours pourra devenir généralisé.

.1610

Vous ne voyez pas comment on pourrait interpréter de manière nuancée la possibilité que l'on mine le droit de représentation d'un syndicat. Cela ne vous semble pas être un concept significatif.

Je voudrais que vous élaboriez sur ce point de vue. Êtes-vous inquiet parce que vous croyez qu'il n'existe pas actuellement de jurisprudence et que vous pensez que l'équilibre ou la représentation du Conseil ne vous permettra pas de vous faire entendre, ou si vous croyez qu'il n'y a pas présentement de directives et souhaitez que des directives soient élaborées par les législateurs ou un tribunal quasi judiciaire?

[Traduction]

M. James P. Carwana (conseiller juridique, Western Grain Elevator Association): Les arguments de l'industrie céréalière présentent deux aspects. Le premier aspect, c'est que, comme un certain nombre d'autres industries, le secteur céréalier considère que cette modification fait pencher la balance en faveur des syndicats par rapport à la situation qui a toujours existé.

Le second aspect, comme vous l'avez dit, c'est l'incertitude. Chaque fois qu'une nouvelle disposition favorise les litiges, et à notre avis c'est justement l'effet de cette disposition... La Commission Sims, elle-même, a observé dans son rapport que cela n'était pas clair. Nous pensons que cela favorisera l'incertitude, nous pensons que les marchés internationaux auront de graves inquiétudes en ce qui concerne l'issue des litiges, une issue qui sera différente dans chaque cas. C'est une source d'incertitude. Or, toute forme d'incertitude est un facteur important pour un client qui achète des produits alimentaires tels que les céréales et le blé.

[Français]

M. Ménard: Je crois que c'est là qu'il faut nuancer le raisonnement. Il est évident que votre prémisse est bonne. Il est évident que la grève est toujours un geste de perturbation. Personne autour de cette table ne saurait soutenir le point de vue contraire. Mais, à partir du moment où c'est balisé par un processus comme celui que propose le gouvernement, et je ne prétends pas qu'il soit le meilleur - vous savez bien que je suis issu d'une province qui a clairement dit que le recours à des travailleurs de remplacement devait être compté au titre des pratiques déloyales - , on se retrouve avec un processus qui est beaucoup plus fini et beaucoup plus complexe que celui que le gouvernement met de l'avant.

Cela dit, à partir du moment où un tribunal quasi judiciaire statuera qu'il est légitime de recourir à des travailleurs de remplacement, ne croyez-vous pas qu'on se retrouvera dans une situation où on fera intervenir un certain nombre d'étapes et où les choses seront un peu «régulées», comme dirait ma collègue, la députée de Mercier, qui affectionne ce terme? On reconnaît que la grève est un geste ultime. Il est évident que le refus de fournir la prestation de services est un geste ultime en relations de travail. Comment pouvez-vous soutenir que cela a le caractère péremptoire et absolument inquiétant que vous lui prêtez? Comment cela vous amène-t-il à penser qu'on ne devrait absolument pas s'en préoccuper et interdire de manière absolue le recours à des travailleurs de remplacement?

[Traduction]

M. Carwana: En ce qui concerne cette modification, nous pensons qu'il vaudrait mieux conserver le statu quo. Le Code du travail du Canada ne contient pas actuellement de dispositions en ce qui concerne les travailleurs de remplacement. À l'heure actuelle, tout le monde comprend les règles du jeu, elles sont bien claires, et nous pensons que la situation devrait demeurer inchangée.

[Français]

M. Ménard: Vous nous avez toutefois dit en note préliminaire que vous reconnaissiez qu'il y avait eu des arrêts de travail qui ont causé des problèmes majeurs. Vous reconnaissez que les commissaires de Sims étaient très inquiets du secteur industriel et des arrêts de travail qui ont eu lieu dans l'Ouest. Comment pouvez-vous nous dire qu'il y a eu par le passé des situations extrêmement regrettables et des conflits extrêmement graves et en appeler au statu quo?

[Traduction]

Mme Bonnie DuPont (présidente, Comité des ressources humaines, Western Grain Elevator Association): Il faudrait faire une distinction entre les deux éléments du processus dont M. Guest a parlé tout à l'heure. Il est certain que dans nos terminaux de la côte ouest, à Vancouver et à Prince Rupert, nous avons eu depuis une vingtaine d'années des troubles syndicaux graves qui ont terriblement terni la réputation du Canada, un pays qui était jadis considéré comme un fournisseur de céréales et d'oléagineux à qui on peut faire confiance.

.1615

Comme M. Guest l'a mentionné, nos clients internationaux, par exemple l'office chinois de l'alimentation, et nos clients japonais, nous disent que cette instabilité les a encouragés à chercher d'autres fournisseurs dans d'autres pays. Laissons ce problème de côté. Soit dit en passant, c'est un problème qui a été étudié très attentivement par tous ceux qui ont étudié les modifications à la partie I, un problème auquel nous pensons avoir trouvé une solution intéressante.

En ce qui concerne les dispositions relatives aux travailleurs de remplacement, ce ne sont pas tant les terminaux céréaliers de la côte ouest qui seraient touchés, mais surtout l'industrie céréalière des Prairies. En effet, pour les entreprises agricoles, il est absolument crucial que la production céréalière, céréales et oléagineux, quitte les Prairies.

Si une loi interdisait le recours aux travailleurs de remplacement - soit dit en passant, nous avons déjà connu des conflits de travail dans les Prairies - , nous craignons que cela nous empêche de fournir des services de base aux agriculteurs en cas d'arrêt de travail. Il est très frustrant pour nos clients de ne pas pouvoir acheminer leur grain jusqu'aux ports, et il serait tout aussi frustrant pour eux de ne pas pouvoir vendre leur grain. Comme M. Carwana l'a souligné, cela ne nous aiderait en rien à convaincre nos clients à l'étranger qu'ils peuvent compter sur les producteurs canadiens.

Ce qui importe surtout pour nous c'est qu'on ne compromette d'aucune façon la réputation de fournisseurs fiables que se sont taillés les céréaliculteurs canadiens sur les marchés internationaux. Nous savons que nos céréales n'ont pas leurs pareilles au monde, mais nous savons aussi que d'autres pays voudraient bien nous prendre nos marchés. Il nous faut donc maintenir à tout prix notre réputation de fiabilité sur les marchés internationaux.

Le président: Je vous remercie, madame DuPont. Madame Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde (Mercier): L'image que j'ai de quelques conflits dans le grain auxquels nous avons été mêlés ici évoque plutôt le problème que les travailleurs nous disaient rencontrer, soit les lock-outs que vous faisiez et qui forçaient le Parlement à intervenir pour forcer le retour au travail.

Je comprends que l'article 87.7 proposé dans le projet de la loi a pour but d'empêcher que cela ne se produise. Puisque vous ne l'avez pas visé, je suppose que vous êtes d'accord sur l'article 87.7 et je pense que c'est tant mieux.

J'aimerais vous poser une question sur la disposition des 60 jours. Il me semble que cette disposition, que vous semblez accueillir favorablement, n'est pas de nature à assurer les relations de travail dont vous avez besoin pour que l'industrie du grain puisse constamment répondre à la demande. En effet, si les travailleurs ne peuvent exercer le droit de grève que s'il a été acquis dans les 60 jours, ne risque-t-on pas d'arrêter un processus de négociation qui irait bien? Si l'entente n'est pas conclue au bout de 60 jours, les travailleurs risquent de perdre leur droit à la grève, ce qu'ils ne veulent pas perdre. En conséquence, ils pourraient choisir de ne pas régler et iraient chercher un nouveau mandat. Vous savez qu'il leur faudrait alors ralentir les négociations, parce qu'on ne va pas chercher un vote de grève quand ça va bien. Ils pourraient aussi alors déclencher la grève juste pour ne pas perdre le droit de grève.

.1620

J'ai été praticienne des relations de travail, et ces dispositions m'ont inquiétées quand je les ai vues. Il me semble qu'au lieu d'introduire de la fluidité et de la flexibilité dans le processus de négociation, elles risquent au contraire de figer les rapports entre les parties.

Alors qu'un processus pourrait bien aller, s'il n'y avait pas règlement au bout de 60 jours, deux choses pourraient se produire: soit que les travailleurs se mettent en grève même si un règlement est possible, soit qu'ils arrêtent la négociation pour aller chercher un nouveau mandat de grève, interrompant ainsi le processus.

Vous n'avez peut-être pas prêté attention à ce point. Le projet de loi comporte de nombreuses dispositions; on peut être d'accord sur des principes sans que le libellé des articles nous convienne. Il me semble qu'on devrait, avant d'accepter ces dispositions et de les figer dans la loi, se pencher davantage sur cette disposition. Selon moi, elle n'assure pas un processus de négociation qui puisse accélérer le règlement.

J'aimerais vous entendre à cet égard.

[Traduction]

Mme DuPont: Je vous remercie de cette question.

Nous avons certainement réfléchi à cette question lorsque nous avons examiné le projet de loi. Les négociations sont toujours longues dans notre secteur. Un rapport de conciliation vient en fait tout juste de régler un cas qui datait du 1er janvier 1993. Les négociations dans notre secteur ont donc souvent été très longues, en particulier sur la côte ouest.

Nous nous sommes réjouis de voir qu'on proposait ces modifications parce que le processus actuel nous semblait sans fin. Autrement dit, les négociations pouvaient s'éterniser sans jamais aboutir, à la grande frustration des parties. Nous sommes donc heureux qu'on propose une limite de 60 jours, délai qui peut être prorogé avec l'accord des deux parties.

Vous avez demandé ce qui devrait se passer si les négociations progressaient bien et qu'on approchait de l'expiration du délai de 60 jours. Dans notre secteur à tout le moins, les parties s'entendraient dans ce cas pour demander un prolongement de délai au ministre et intensifier ensuite les négociations pour essayer d'éviter une grève.

Dans notre secteur - et je suis sûre que nos employés pensent comme nous - , nous voulons éviter les grèves à tout prix. Ce que nous voulons, c'est d'en arriver à une entente. Nous voulons qu'il n'y ait pas d'entrave à la circulation des céréales. Nous ne pouvons pas parler au nom d'autres secteurs, mais nous aurions recours à cet article d'abord pour accélérer les négociations afin d'en arriver à une entente et, s'il nous était impossible de parvenir à une entente dans les 60 jours prévus, nous demanderions ensuite au ministre de prolonger le délai afin de nous permettre de poursuivre nos négociations.

Le président: Je vous remercie, madame DuPont.

Monsieur Johnston.

M. Johnston (Wetaskiwin): Je vous remercie, monsieur le président.

Mon collègue décidera peut-être de poser une question. Le comité y voit-il une objection?

Le président: Absolument pas.

M. Johnston: Très bien.

Vous avez dit que la disposition portant sur les travailleurs de remplacement avantagerait les syndicats au détriment des employeurs. Quelle serait, à votre avis, une meilleure solution? Craignez-vous que le conseil rende des décisions qui soient davantage favorables aux syndicats qu'aux employeurs? Pourriez-vous nous donner des précisions à cet égard.

Mme DuPont: Monsieur Johnston, permettez-moi de répondre à votre question.

.1625

Lorsqu'il nous est apparu dans le cadre de nos discussions que le gouvernement fédéral envisageait d'interdire le recours aux travailleurs de remplacement - et il semble que c'est une possibilité qui a bien été envisagée - , cela nous a grandement inquiétés parce que nous estimions qu'on avait toujours eu recours de façon très responsable aux travailleurs de remplacement dans le secteur fédéral. On y a d'ailleurs eu recours dans notre secteur non pas sur la côte ouest ni dans nos terminaux, mais dans les Prairies. On n'y a nullement eu recours pour miner la capacité de représentation d'un syndicat ou pour amener les syndiqués à répudier leurs dirigeants syndicaux. On y a simplement eu recours pour pouvoir maintenir un certain niveau de services. Nous avons donc effectivement craint que cette disposition fausse l'équilibre des rapports entre employeurs et employés et confère aux syndicats trop de pouvoirs.

Lorsque nous avons participé aux discussions du groupe de travail Sims et que nous avons fait valoir cette position, on nous a informés que le gouvernement avait modifié sa façon de percevoir les choses et cela se reflète dans le projet de loi.

Nous continuons de croire qu'il n'y avait pas vraiment de raison de changer le statu quo. Le système en place fonctionnait bien et au début du processus de discussion, sept provinces sur dix au Canada ne voyaient pas l'utilité de prévoir une disposition touchant les travailleurs de remplacement dans leur code de travail. À la fin des discussions, huit provinces sur dix étaient de cet avis.

Voilà donc les raisons qui sous-tendent notre position. Nous pensons toujours avoir agi de façon responsable par le passé. Nous n'avons pas tiré parti de la situation pour miner la crédibilité des syndicats et nous aurions préféré le statu quo.

Le président: Monsieur Hermanson.

M. Hermanson (Kindersley - Lloydsminster): Je vous remercie, monsieur le président.

Je siège au Comité de l'agriculture et j'apprécie le fait qu'on me permette de participer à cette séance, étant donné que ce sujet revêt une grande importance pour le secteur agricole de l'Ouest. Je souhaite la bienvenue aux témoins qui représentent très bien les intérêts des membres de la Western Grain Elevator Association.

M. Guest: Nous existons depuis la fin des années 1800 à titre d'organisme privé. Il est intéressant de constater que jusqu'ici, nous nous sommes tirés d'affaire sans devoir témoigner devant des comités comme celui-ci.

M. Hermanson: J'aimerais signaler pour la gouverne de plusieurs membres du comité qui, pour la plupart, ne viennent pas de l'ouest du Canada et qui, à l'exception de M. Johnston et moi-même, n'ont pas de lien direct avec le secteur agricole, la taille de l'industrie...

M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox et Addington): J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'aimerais faire remarquer à mon honorable collègue...

M. Hermanson: Vos racines sont-elles dans l'Ouest?

M. McCormick: ... j'ai des racines dans l'Ouest et dans toutes les régions agricoles du Canada. J'ai récolté du grain en janvier, en décembre, en novembre, en octobre, en septembre et en août. J'ai chargé le blé à la pelle et je l'ai transporté en camion. Je voulais simplement signaler le fait qu'il y a d'autres députés qui connaissent assez bien l'agriculture.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Très bon rappel au Règlement.

Monsieur Hermanson.

M. Hermanson: La plupart des agriculteurs ne récoltent pas leur blé à cette époque-là de l'année, alors je ne sais pas s'il faut vraiment vous prendre au sérieux.

M. McCormick: Je l'ai fait et je sais que d'autres agriculteurs l'ont fait aussi dans de nombreuses provinces à l'occasion...

Le président: Cela peut donc donner lieu à un débat.

M. McCormick: Je ne fais que répliquer à une observation qui vient d'être faite, monsieur le président. Je vous remercie.

M. Hermanson: Je vous remercie, monsieur McCormick.

Je voulais que les témoins aient l'occasion de pouvoir expliquer au comité à quel point cette industrie est importante et qu'ils nous disent aussi ce qui leur apparaît juste. On donne souvent en exemple l'industrie automobile. On mentionne aussi souvent le cas de l'industrie sidérurgique. Le cas des 16 000 employés de la Canadian Airlines International est aussi presque considéré comme une crise nationale. J'admets évidemment qu'il s'agit d'une question très importante.

Je suis un député qui fait la navette en avion entre Ottawa et la Saskatchewan. Je ne survole même pas toutes les terres agricoles entre ces deux parties du pays, mais je vois quelle est l'importance de l'industrie agricole au Canada et je sais combien de gens en vivent. Tant les exploitants de silos que les syndicats réclament d'être traités avec justice, mais on oublie toujours de tenir compte dans ces discussions des intérêts des tierces parties innocentes dont le mode de subsistance même est menacé lorsqu'il y a conflit de travail.

Je ne suis pas ici pour blâmer ni le patronat ni les syndicats. Les torts sont souvent partagés lorsqu'il y a lock-out ou grève.

.1630

Pourriez-vous nous donner une idée de la taille de l'industrie et de la vulnérabilité des producteurs. Si un contrat est conclu avec le Japon, il faut le respecter. Il y a des contraintes de temps. Il faut que ce produit se rende de la ferme à l'acheteur au Japon. Il n'y a pas beaucoup de façons de s'y prendre. Les arrêts de travail touchent souvent plus d'un port et le réseau ferroviaire est parfois touché. Je ne sais pas si ce projet de loi permet vraiment de protéger les intérêts des tierces parties innocentes, c'est-à-dire les intérêts de ceux qui sont vraiment lésés par ces arrêts de travail.

M. Guest: Je vous remercie. Monsieur Hermanson, nous allons nous mettre à deux pour répondre à cette question. Bonnie vous parlera des intérêts des parties lésées.

Quant à la taille de l'industrie, environ 130 000 familles réparties dans les trois provinces dont la population totale est peut-être de 2,5 millions d'habitants oeuvrent dans le secteur agricole. Étant donné qu'en moyenne on considère qu'une famille compte 3,5 personnes, vous pouvez sans doute multiplier ce chiffre par entre 3 à 5.

Quiconque connaît l'intersection Portage et Main à Winnipeg sait que l'industrie bancaire fait de grands profits dans notre région et que l'industrie agricole constitue l'autre pilier de notre économie. On vient tout juste de terminer la construction du centre Toronto Dominion à l'angle Portage et Main et si l'industrie agricole disparaissait de la ville de Winnipeg, cet immeuble serait vide.

Les ventes directes de l'industrie agricole représentent entre 5 et 8 milliards de dollars. Entre 40 et 45 p. 100 des produits en vrac passant par le port de Vancouver sont des produits agricoles.

Voici comment on aurait pu répondre à une question précédente. Imaginez-vous un entonnoir. Les agriculteurs se trouveraient au haut de l'entonnoir et les silos terminus à Vancouver, à Prince Rupert et à Thunder Bay se trouveraient au bas où il y a le goulot. Voilà pourquoi nos préoccupations ne sont pas les mêmes.

Madame DuPont.

Mme DuPont: Permettez-moi d'ajouter ceci. Le Canada exporte chaque année plus de 30 millions de tonnes de céréales et d'oléagineux vers plus de 80 pays. Les exportations de grains du Canada sont donc importantes et c'est la façon dont ces exportations sont acheminées vers les marchés mondiaux qui fait notre réputation.

Revenons à la situation des agriculteurs. À certains moments, le producteur a l'impression que tout lui échappe: les conditions qui prévalent sur les marchés internationaux, le prix des céréales, les contraintes législatives découlant des accords commerciaux et même le temps. Notre ami a dit avoir déjà récolté du grain en janvier et c'est certainement ce qui va se produire en Alberta cette année. Il y a tout simplement trop de variables qui interviennent. Les relations de travail sont une autre variable dont il faut tenir compte et à l'occasion, les 130 000 céréaliculteurs de l'Ouest canadien ont l'impression que leurs employés les tiennent en otage.

M. Hermanson: L'excédent de la balance commerciale du Canada est attribuable en grande partie aux exportations agricoles. C'est donc tout le Canada qui en profiterait si les 130 000 céréaliculteurs des Prairies pouvaient compter sur un système de transport fiable.

Vous avez exposé vos réserves au sujet du recours aux travailleurs de remplacement. J'aimerais aborder rapidement un autre sujet qui est celui de l'arbitrage des propositions finales, le mécanisme qui ne semble plaire ni à votre association ni aux syndicats. Or, l'expérience montre que c'est parfois la façon la plus juste de régler les conflits de travail parce qu'ils n'écartent pas le processus de négociations collectives auquel les syndicats croient beaucoup. Mais si ces négociations achoppent, vous disposez du mécanisme que je crois le plus juste pour dénouer rapidement l'impasse et pour éviter un lock-out et une grève et ainsi protéger la tierce partie innocente, l'une des plus importantes industries au Canada.

.1635

Mme DuPont: Au fil des ans, nous avons examiné une foule de solutions qui pourraient être appliquées dans notre secteur. Nous avons examiné toute la gamme des solutions possibles - services essentiels, arbitrage des propositions finales et le reste. Je crois que, dans notre secteur, on s'entend généralement pour dire que la solution économique qui découle de la capacité des parties soit à déclencher la grève soit à décréter le lock-out après des négociations sérieuses et responsables a toujours sa raison d'être. Notre secteur n'est donc pas enclin à opter pour l'arbitrage des propositions finales. Nous estimons que les solutions de ce genre encouragent parfois les parties à négocier avec moins de sérieux. Nous croyons que les parties en cause dans notre secteur devraient avoir la possibilité de négocier et de négocier sérieusement, de mettre leurs différends sur la table et de les résoudre, quitte à recourir par la suite à cette possibilité économique.

M. Hermanson: Si les négociations ne se font pas avec tout le sérieux voulu, n'est-ce pas plutôt parce qu'on croit que le gouvernement interviendra au moyen d'une loi d'urgence? Peu de temps après que j'ai été élu, il y a eu un lock-out sur la côte ouest. Une loi d'urgence a rapidement été adoptée à la Chambre - j'étais moi-même partie à ce processus - , mais cette loi prévoyait en fait l'arbitrage des propositions finales. Ainsi, cette possibilité existe déjà, mais nous n'en avons pas moins eu beaucoup de conflits. Les parties ne négociaient pas de bonne foi parce qu'elles s'attendaient à ce que le gouvernement intervienne.

Mme DuPont: Vous avez tout à fait raison, et nous croyons que c'est souvent ce qui s'est produit.

Au total, nous avons eu 13 conflits de travail sur la côte ouest depuis 1982. Bon nombre de ces conflits ont bien sûr été réglés par une loi ordonnant le retour au travail et l'arbitrage. Cependant, aux termes de la modification proposée, et vraisemblablement aux termes de la nouvelle loi, bon nombre de ces conflits n'auraient pas interrompu le mouvement du grain. Dix des 13 conflits ne mettaient pas en cause les employeurs ou les syndicats de notre secteur. Il s'agissait de conflits qui ne touchaient qu'accessoirement nos employés, mais qui ont tout de même eu pour effet d'arrêter le mouvement du grain.

Nous estimons donc que l'amendement proposé pourrait faire beaucoup pour faciliter le mouvement du grain depuis la côte ouest.

M. Hermanson: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Hermanson.

Passons maintenant du côté des libéraux avec M. Nault.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci, monsieur le président, et merci à la Western Grain Elevator Association.

Je voudrais aborder sans tarder la question de ce que mes collègues d'en face appellent l'arbitrage obligatoire. Que pensez-vous, d'après votre expérience, des règlements imposés dans le contexte de la négociation collective? C'est exactement de cela qu'il s'agit ici. Vous avez indiqué qu'il y en avait eu 13, mais il me semble que vous devriez nous décrire ce qui se produit quand une tierce partie vient imposer un règlement dans un secteur. À vrai dire, si compétents soient-ils, nos arbitres ne comprennent pas la situation de façon intime puisqu'ils ne la vivent pas quotidiennement. Comment cela a-t-il influé sur le secteur depuis 1982? Je veux essayer de comprendre quelles sont au juste les conséquences de l'arbitrage obligatoire.

Mme DuPont: Comme vous l'avez dit, un certain nombre de conflits ont été réglés après que le Parlement a été rappelé et qu'un arbitre a été nommé. Bon nombre de ces conflits n'avaient pas nécessairement d'incidence sur nos employés. Dans le cas toutefois des conflits mettant en cause les débardeurs, le résultat net était bien souvent de faire augmenter considérablement les salaires et les coûts, de sorte que ces hausses se répercutaient sur le système.

.1640

Ces règlements nous ont causé des difficultés en ce sens que nos relations avec les syndicats représentant les travailleurs des terminaux de la côte ouest ont suivi celles des débardeurs. Ainsi, il s'est installé une espèce de parité entre les débardeurs et le Grain Workers Union, qui a pour effet de faire augmenter nos coûts. Cette hausse se répercute malheureusement sur les prix que nous demandons aux agriculteurs. C'est donc un phénomène qui nous coûte cher.

Pour ce qui est de notre syndicat et des difficultés que nous avions, nous avons tout d'abord tenté de les régler nous-mêmes, mais elles ont finalement été réglées par l'intervention de tierces parties; dans le cas le plus récent, nous tentions de mettre en place un régime d'activités continues à nos terminaux de la côte ouest. Étant donné l'énorme investissement que représentent ces terminaux de l'Ouest canadien, nous étions d'avis qu'il nous fallait les faire tourner 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, tout en prévoyant des primes raisonnables pour le travail en fin de semaine.

Nous avons eu affaire à un arbitre en 1991. L'arbitrage s'est soldé par une recommandation que nous ne pouvions tout simplement pas appliquer. Nous ne pouvions pas l'appliquer en raison des coûts prohibitifs qu'elle aurait entraînés.

Nous avons eu beaucoup de mal à nous accommoder des règlements arbitrés ou imposés par de tierces parties, tant ceux qui nous touchent indirectement en raison de nos liens avec le secteur du débardage que ceux qui ont une incidence plus directe sur nous.

M. Nault: En fait, j'essaie de savoir si la Western Grain Elevator Association préfère le régime existant, qui vous permet de négocier collectivement avec vos employés, ou un autre régime, qu'il s'agisse d'arbitrage obligatoire, d'arbitrage des propositions finales ou d'un mécanisme quelconque qui ferait en sorte que vous ne seriez pas aussi disposés à vous asseoir à la table avec vos employés et à en arriver à une solution.

Mme DuPont: Nous préférons pouvoir négocier collectivement avec nos employés et tenter d'en arriver à des solutions raisonnables avant l'intervention d'une tierce partie.

M. Nault: D'accord. Je voulais que votre position soit consignée au compte rendu, car certains d'entre nous qui ne connaissent peut-être pas aussi bien l'Ouest que mes deux collègues d'en face s'imaginent que les gens de l'Ouest se passeraient tous de la négociation collective. Certains sont d'avis qu'il faudrait changer le régime existant pour pouvoir protéger le mode de vie de celui-ci ou de celui-là, mais le régime que nous avons est en place en quelque sorte depuis plus de 100 ans; il est reconnu par le Code canadien du travail et il fonctionne assez bien. Nous essayons de le moderniser, et je voulais simplement que cela soit consigné dans le compte rendu.

Je voudrais maintenant aborder la question suivante, celle qui semble vous causer le plus de difficultés: les travailleurs de remplacement. Si j'ai bien compris, vous n'avez jamais fait appel à des travailleurs de remplacement de l'extérieur dans votre secteur; vous avez toujours utilisé des travailleurs de remplacement qui étaient déjà à votre service - des gestionnaires et d'autres. Si vous avez rarement recours à des travailleurs de remplacement, pourquoi avez-vous l'impression que cela serait nocif pour votre secteur en particulier?

Mme DuPont: Vous avez parfaitement raison de dire que nous avons très peu souvent recours à des travailleurs de remplacement. Nous n'y avons jamais eu recours sur la côte ouest. Le seul cas dont j'ai moi-même en connaissance est celui d'une récente grève - je crois que c'était en 1994 - contre une des compagnies céréalières des Prairies. La compagnie a effectivement fait appel à son personnel de gestion et de surveillance ou à des gens qui préféraient ne pas faire la grève et qui souhaitaient participer au maintien des activités de la compagnie. Alors, vous avez parfaitement raison sur ce point. Nous y avons rarement fait appel.

Nous avons toutefois eu connaissance de cas qui se sont produits ailleurs. D'après nos recherches, il semble que cela pourrait créer des difficultés pour le maintien de l'activité commerciale en question, puisque l'entreprise continuerait à exercer son activité sans pouvoir faire entrer les gens dans ses installations pour s'en occuper.

.1645

Ce que nous craignons - parlons du cas des Prairies, puisque c'est là que la question serait la plus controversée - , c'est que, si nous n'avons pas le droit de faire appel à des travailleurs de remplacement ou si ce droit était restreint de quelque manière, nous ne puissions pas fournir de services de livraison ni accepter de livraisons de nos clients-agriculteurs ou de nos exploitants-agriculteurs.

M. Nault: Voilà justement où je voulais en venir. Avez-vous l'impression que, si vous n'avez pas le droit d'utiliser des travailleurs de remplacement, vous n'avez pas non plus le droit de montrer à vos gestionnaires ce qu'il faut faire pour maintenir le service? Dans la plupart de vos silos des Prairies, vous n'avez sans doute pas plus de deux ou trois employés.

Mme DuPont: C'est juste, mais n'oubliez pas que nos employeurs qui travaillent dans les silos, même s'ils occupent des postes de gestionnaires, font tout de même partie de l'unité de négociation. Ils sont syndiqués.

M. Nault: Lors de la dernière grève dont vous avez parlé, je crois savoir que le service a pu être maintenu en grande partie, bien que sur une base peut-être plus restreinte, en faisant appel aux gestionnaires de ces petits silos des Prairies. Est-ce bien le cas?

Mme DuPont: C'était très restreint. Le service était très restreint pendant la grève en Saskatchewan.

M. Nault: D'accord. Je passe maintenant à une dernière question. Je crois qu'elle s'adresse plutôt au juriste qui fait partie du groupe que nous avons devant nous aujourd'hui.

Nous avons déjà beaucoup entendu parler à notre comité du fait que la disposition concernant les travailleurs de remplacement causera des difficultés excessives aux employeurs, qu'elle permettra aux employés de se servir du moindre prétexte pour demander au conseil d'intervenir et d'invoquer n'importe quel argument pour montrer le préjudice causé au syndicat.

Je veux vous fournir un exemple qui peut vous servir de point de comparaison. En 1984, des amendements ont été apportés à une disposition en particulier, de manière à prévoir un droit de refus. Je me souviens - avant de m'engager en politique j'étais de l'autre côté de la clôture - que les employeurs avaient soutenu que le secteur en serait complètement bouleversé. Tout un chacun refuserait de travailler pour des raisons d'hygiène et de sécurité au travail et les employés demanderaient constamment au conseil d'intervenir et déposeraient toutes sortes de griefs. Cela ne s'est jamais concrétisé. Une fois la mesure adoptée et une fois que le conseil a eu l'occasion de démêler le légitime du futile, le tout s'est fait très rapidement, et nous avons pu poursuivre nos activités. La disposition était invoquée pour des motifs légitimes ayant trait à l'hygiène et à la sécurité au travail, et elle l'est toujours. C'est une excellente disposition du code, à mon avis.

Étant donné que la disposition relative aux travailleurs de remplacement ne s'appliquerait que dans des cas bien restreints, ne pensez-vous pas que la situation serait semblable?

M. Carwana: La loi concernant les travailleurs de remplacement diffère de celle que vous avez évoquée à plusieurs égards qui sont importants. Elle s'en distingue notamment par le fait qu'elle entre en vigueur dès qu'il entre en vigueur dès qu'il y a grève ou lock-out. Bien souvent, la situation est alors très différente de celle des relations de travail normales dont vous parlez, où l'employé qui a des raisons de craindre pour sa santé ou sa sécurité veut refuser de travailler. Les émotions que déclenche la grève ou le lock-out peuvent parfois faire en sorte de donner à ces choses une nuance tout à fait différente que lorsqu'il s'agit de questions relatives à l'hygiène ou à la sécurité. Quand il y a des pressions économiques qui s'exercent - dans le processus de négociation collective, il est souvent question des pressions économiques qui s'exercent sur les deux parties - , le syndicat peut avoir tendance, surtout quand la loi n'est pas claire, comme l'a reconnu la Commission Simms, à essayer d'atténuer les pressions en se servant de cela comme d'un outil pour empêcher le recours aux travailleurs de remplacement.

M. Nault: J'ai du mal à comprendre votre argument. Quand une grève est en cours et qu'on fait appel à des travailleurs de remplacement, que vous vous présentez devant le conseil et que le syndicat se présente aussi devant le conseil parce qu'il y voit une atteinte aux droits des travailleurs, êtes-vous d'avis que quelque chose change tout d'un coup? La grève se poursuit toujours, vous êtes toujours devant le conseil et vous entendez un grief en particulier. Voulez-vous dire que cela change la dynamique de ce qui se passe sur le terrain?

J'ai du mal à suivre votre argument. J'essaie de comprendre pourquoi les employeurs semblent penser que le fait d'aller devant le conseil, comme cela peut se faire à l'heure actuelle pour cause de négociations injustes, de pratiques de travail injustes... Pendant une grève, il peut se produire une foule de choses pour lesquelles le syndicat peut demander l'intervention du conseil. Il s'agirait tout simplement d'une autre chose qui viendra s'ajouter à la liste. J'essaie de comprendre pourquoi vous pensez qu'il serait si difficile que le conseil se prononce sur cette question pendant une grève ou un lock-out.

.1650

M. Carwana: Un des principaux arguments - et il en était question dans le rapport de la Commission Sims - tient au fait que cela pourrait avoir un effet direct sur la capacité de l'employeur de continuer à exercer son activité. Il s'agit là d'un élément fondamental de l'équation économique qui est en cause dans la négociation collective.

Divers commentateurs en ont parlé, notamment Paul Weiler dans son ouvrage intitulé Reconcilable Differences. Le groupe de travail Woods a indiqué très tôt l'aspect réciproque de la chose: le droit de l'employeur de continuer à exercer son activité et le droit de l'employé de chercher du travail ailleurs pendant une grève.

Quand on se met à jouer avec cet équilibre et qu'on entrave le droit de l'employeur d'exercer son activité alors qu'on n'entrave en aucune façon les droits de l'employé, on crée une situation de déséquilibre. L'employeur se trouve alors à faire face à toutes sortes de problèmes auxquels les syndicats et les employés n'ont pas à faire face relativement à cette équation économique.

Le président: Monsieur McCormick, puis Mme Lalonde.

M. McCormick: Merci.

J'ai simplement une courte question à vous poser, mais je ne m'attends pas à ce que vous puissiez y répondre dans l'immédiat.

Vous avez parlé de vos préoccupations. J'avoue que, malheureusement, nous ne pouvons pas vous aider pour ce qui est des conditions climatiques, un des facteurs qui influencent votre capacité d'amener les récoltes au marché.

Je me demande si, dans votre bureau, vous avez des chiffres sur... Vous avez parlé des coûts des règlements accordés aux débardeurs, et le reste. Je me demande combien il en coûte aujourd'hui, ou en dollars de 1993 par exemple - les coûts les plus récents pour lesquels vous avez des chiffres - par rapport à ce qu'il en coûtait il y a 10 ans pour amener, mettons, une tonne de grain de Ceylon ou de Pennant, en Saskatchewan, jusqu'à la côte ouest pour la charger sur un navire. D'après les chiffres actuels, les salaires ont effectivement augmenté, mais le transport sur la côte se fait tellement bien...

C'est une question sérieuse. Je me demande simplement si vous avez des chiffres quant à ce qu'il en coûte aujourd'hui par rapport à ce qu'il en coûtait auparavant.

Mme DuPont: Nous n'avons pas de chiffres à vous donner ici, monsieur McCormick, mais nous serions heureux d'obtenir l'information et de la télécopier au comité.

Je puis néanmoins vous dire sans crainte de me tromper qu'il en coûte beaucoup plus aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Les compagnies ont beaucoup investi dans les nouvelles technologies pour leurs installations de la côte ouest, de sorte qu'elles ont réalisé des gains de productivité qui leur ont permis de limiter les coûts, mais pour ce qui est des salaires, nous avons certainement vu nos coûts à cet égard augmenter de façon très considérable.

M. McCormick: Je m'intéressais aux coûts globaux.

Mme DuPont: Nous vous obtiendrons cette information.

M. McCormick: Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.

M. Guest: Je voudrais toutefois faire une mise en garde: le montant ne sera peut-être pas aussi considérable que vous l'auriez imaginé, à cause des millions de dollars qui ont été dépensés en infrastructure afin d'essayer de limiter les coûts.

M. McCormick: D'accord.

M. Guest: Tout dépend aussi de quels coûts vous voulez parler - les coûts pour l'acheteur, les coûts pour le producteur ou les coûts pour le manutentionnaire - car ils varient énormément. Comme vous le savez, les tarifs exigés des agriculteurs pour le transport du grain viennent de doubler.

M. McCormick: J'en suis effectivement très conscient.

M. Guest: Je voulais simplement vous mettre en garde: les coûts ne sont pas aussi révélateurs qu'ils peuvent le sembler.

M. McCormick: Il y a le coût du boisseau de grain à la ferme et le coût du boisseau de grain au moment du chargement sur le navire.

M. Guest: Je m'engage à vous envoyer les chiffres que vous demandez, mais je vous indiquerai clairement ce qu'ils veulent dire, pour qu'il n'y ait pas de confusion possible.

M. McCormick: Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.

Le président: Madame Lalonde, suivie de M. Grose.

[Français]

Mme Lalonde: Ma première remarque porte sur votre intervention au cours de laquelle vous disiez que la période de 60 jours pouvait être prolongée à la suite d'un accord des parties. Je ne vous ai pas contredit, même s'il me semblait que ce n'était pas le cas. J'ai fouillé à travers le projet de loi et, à ma connaissance, ce n'est pas le cas. C'est vrai pour l'avis de 72 heures, mais pas pour celui de 60 jours. Je vous recommande de porter attention à la question des travailleurs de remplacement puisque je pense qu'elle peut avoir des conséquences sur la flexibilité. C'était ma première remarque.

.1655

Ma deuxième porte sur les travailleurs de remplacement. Dans le fond, ne craignez-vous pas qu'il y ait une jurisprudence qui établisse rapidement qu'il ne peut y avoir de travailleurs de remplacement et qui permette de continuer les opérations sans que ce soit interprété comme une attaque à la capacité de représentation du syndicat?

[Traduction]

M. Carwana: Je crois qu'il était question tout à l'heure de la situation qui a eu cours jusqu'à maintenant, et Mme DuPont vous a expliqué un peu les origines de la proposition, notamment les discussions sur le résultat de tout cela et les discussions qui ont suivi.

Pour l'instant, notre position, c'est - et cela a toujours été notre position - qu'il n'y a pas lieu de modifier la loi à cet égard. Tout le monde comprend la loi telle qu'elle s'applique à l'heure actuelle.

[Français]

Mme Lalonde: Autrement dit, selon vous, la jurisprudence est telle qu'il y a déjà équilibre entre les parties. Est-ce bien ce que vous dites?

[Traduction]

M. Carwana: Comme je l'ai dit tout à l'heure, la négociation collective a souvent été qualifiée de lutte économique entre employeurs et syndicats.

Mme Lalonde: C'est ça.

M. Carwana: Un certain nombre de commentateurs - le groupe de travail Woods, le professeur Weiler - ont dit par le passé que l'équilibre que nous avons à l'heure actuelle est celui qui convient, en ce sens que l'employeur peut continuer à exercer son activité dans la mesure où il est capable de le faire et que les employés ont la possibilité de se trouver un autre travail dans la mesure où cela leur est possible. Les commentateurs parlent de cette réciprocité, de cet équilibre, depuis plusieurs années, et ils considèrent généralement que l'équilibre est celui qui convient.

[Français]

Mme Lalonde: Mais je comprends que vous pourriez aussi répondre oui à ma question.

[Traduction]

M. Carwana: Pour ce qui est de l'industrie, elle est d'accord: l'équilibre est approprié. L'équilibre actuel est approprié.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Grose, une dernière question.

M. Grose (Oshawa): Merci, monsieur le président. J'aimerais commencer par mettre les choses au point. Je n'ai jamais touché à un boisseau de grain de ma vie et pour moi un élévateur, c'est un truc qui me fait monter du premier au sixième étage.

Cela dit, nous avons pratiquement fait le tour de la situation pour les grains qui vont vers l'ouest. Sauf erreur, il y en a aussi qui vont vers l'est, n'est-ce pas? à partir de la tête des Grands Lacs. Cela vous concerne-t-il aussi, et avez-vous le même genre de problèmes de relations industrielles de ce côté-là, ou sommes-nous d'une nature si calme et si paisible que nous ne vous causons jamais de problèmes? J'aimerais que vous me disiez un petit peu ce qui se passe pour le transport des grains dans cette direction.

M. Guest: Depuis dix ans que je suis membre de cette association, nous avons eu deux sessions de négociation qui ont pris plus de 18 mois. Nous avons connu trois grèves en 15 ans. Une ou deux fois nous nous sommes fait imposer un retour au travail dans des conditions... l'arbitre était content, car ni le syndicat ni l'employeur n'étaient contents, ce qui peut être interprété comme un bon compromis.

Nous n'avons pas le même problème d'engorgement pour le chargement du grain à Thunder Bay que sur la côte ouest. Mais à part cette exception, tout le reste est identique. Ce sont les mêmes compagnies, les mêmes terminaux, le même scénario, sauf pour le chargement.

M. Grose: Merci. Vous avez répondu à ma question.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Monsieur Guest, madame DuPont, monsieur Carwana, je vous remercie infiniment de votre exposé très instructif. À en juger par le nombre de questions, il semble que vous avez suscité beaucoup d'intérêt et beaucoup de réflexions. Merci beaucoup et bon retour.

.1700

M. Guest: Nous vous remercions. Nous vous enverrons les réponses que nous vous avons promises.

Le président: Nous vous en saurons fort gré.

M. Johnston: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. J'aimerais présenter une motion au comité.

Le président: Allez-y, lisez votre motion.

M. Johnston: Monsieur le président, je propose qu'étant donné la situation critique de Canadien International, ce comité s'engage immédiatement à réviser l'article 108.1 du Code canadien du travail pour permettre aux employés de voter sur l'offre de restructuration proposée par l'employeur.

Le président: Y a-t-il des questions? Monsieur Nault.

M. Nault: Monsieur le président, avant de débattre de cette motion, il reste une motion de la dernière réunion. Je crois qu'il serait plus à propos de commencer par celle-là. Lorsque nous en aurons terminé, nous pourrons passer à la motion de M. Johnston. Je suis impatient de participer à ce débat, car j'ai une certaine expérience, mais j'aimerais qu'on commence par régler le sort de cette autre motion.

Le président: Oui, je suis d'accord avec votre interprétation. Il s'agit de la motion relative à l'étude article par article qui a préséance sur la motion de M. Johnston. Monsieur Nault, vous avez cette motion?

M. Nault: Oui, monsieur le président. Je vous relis la motion qui a été déposée hier:

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, comme nous le disions hier, je crois que nous pourrions accepter de commencer l'étude article par article mardi prochain.

Cependant, compte tenu de la complexité du projet de loi et du caractère éminemment technique de certains des articles, le gouvernement est-il prêt à accepter que nous prenions deux jours pour l'étude article par article? Je sais bien que le secrétaire parlementaire nous avait dit le 10, mais nous terminerions le 12.

Une voix: Les 10, 11 et 12, ça fait trois jours.

M. Ménard: Nous pourrions prendre une journée de plus.

[Traduction]

Le président: Très bien, mais dans ce cas je demanderai aux membres du comité que ce ne soit pas le 11 décembre; ce sera le 9 décembre. Nous commencerons lundi et nous terminerons mardi.

[Français]

M. Ménard: Non, pas le lundi! Nous ne sommes pas ici le lundi.

Mme Lalonde: Ça ne me dérange pas.

M. Ménard: On avait dit mardi.

[Traduction]

Le président: Nous finirons mardi. C'est ce dont nous avons convenu.

[Français]

M. Ménard: Non, nous avions convenu mardi.

[Traduction]

Le président: C'est exact, mais vous voulez deux jours.

[Français]

M. Ménard: Oui, mardi et mercredi.

[Traduction]

Le président: Pour terminer le mardi, le seul moyen d'avoir vos deux jours, c'est de commencer le lundi. Si vous voulez vos deux jours autrement, ce n'est pas possible, car nous avons déjà convenu de terminer l'étude article par article le 10 décembre. Donc, pour avoir deux jours, il faut commencer le 9 décembre.

Par contre, si j'ai bien compris, monsieur Johnston, venant de l'Ouest, c'est pour vous difficile de commencer le 9 décembre, et, monsieur Ménard, vous estimez aussi que le lundi pose un problème.

[Français]

M. Ménard: J'avais cru comprendre hier que nous commencerions mardi. Est-ce que vous parlez de lundi prochain ou de lundi dans deux semaines? De l'autre? D'accord. Si c'est l'autre lundi, on peut s'entendre.

[Traduction]

Le président: Nous commencerions donc le lundi 9 décembre, et tout devrait être terminé mardi soir, le 10 décembre.

[Français]

M. Ménard: Ce ne sera pas terminé dans l'ensemble.

[Traduction]

Le président: Laissez M. McCormick... je vous redonnerai la parole.

.1705

M. McCormick: J'avais cru comprendre hier, quand nous avons accepté de reporter la mise aux voix de cette motion à aujourd'hui, que nous commencerions mardi en prolongeant la séance autant qu'il le faudrait pour faire notre travail, comme nous l'avons déjà fait, et que tout serait terminé mardi. Je croyais que nous nous étions mis d'accord. Je voulais simplement en avoir la confirmation.

Le président: Oui, mais le seul changement, c'est que nous ne commencerons pas mardi; nous commencerons lundi.

M. McCormick: C'est justement ce que je voulais dire, monsieur le président; je croyais que nous devions commencer mardi et terminer mardi.

Le président: Nous essayons d'accommoder tous les partis.

M. McCormick: Je n'en doute pas, monsieur le président.

M. Gagnon (Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine): Si tout se faisait mardi, cela nous accommoderait.

M. McCormick: C'est ce que j'avais cru comprendre.

Le président: Non, je suis d'accord. Mais je sais aussi qu'il y a 93 articles. Cela fait pas mal.

M. McCormick: La journée sera longue pour certains, sans aucun doute.

M. Nault: Monsieur le président, nous sommes d'accord. Nous trouverons les députés nécessaires. Je sais que pour certains cela causera des problèmes, mais nous serons là lundi.

Le président: Oui, monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard: Donc, on est disposé à commencer lundi, à accorder deux jours, parce que vous convenez que c'est technique et qu'on parle quand même de plus de 90 articles.

Mme Lalonde: On va apporter des amendements.

M. Ménard: Comme le dit ma collègue, on va apporter des amendements tous plus pertinents les uns que les autres et que le gouvernement va faire siens.

Croyez-vous, monsieur le président, qu'on pourrait quand même se donner la garantie qu'avant de commencer l'étude article par article... Deux questions se manifestent. Peut-on nous assurer que des experts viendront nous parler? Hier, alors que je discutais avec la greffière, il semblait qu'à l'instant où l'on se parlait, les experts n'avaient pas encore été rejoints, ce qui n'était pas sans m'inquiéter. Il serait peut-être sage aussi de s'assurer de la présence de gens extérieurs au ministère, mais aussi du ministère. Il y a une question qui a été soulevée de façon récurrente par les témoins: à qui va incomber le fardeau de la preuve en ce qui a trait à toute la question des travailleurs de remplacement et aux allégations du droit de miner le devoir de représentation des syndicats?

Avant d'entreprendre l'étude article par article, on a le devoir d'avoir toute l'information nécessaire, et cela passe par des témoins indépendants. Mais on devrait peut-être aussi penser au ministère pour obtenir des précisions

Si ces conditions sont réunies, monsieur le président, vous allez pouvoir compter sur notre collaboration diligente.

[Traduction]

Le président: Je vais faire avec ce projet de loi comme je fais avec tous les autres projets de loi. Je ne vais rien changer. Voici comment je vois les choses: nous allons entendre tous les spécialistes, toutes les associations et tous ceux et toutes celles que ce projet de loi concerne et intéresse; nous en entendrons autant que nous pourrons, compte tenu des délais.

Lorsque nous arriverons à l'étude article par article, nous suivrons la tradition, à savoir que les fonctionnaires seront présents pendant cette étude pour nous expliquer le projet de loi article par article. Rien n'est changé. Nous n'allons pas nous lancer dans des innovations pour l'étude article par article. Nous allons nous assurer d'avoir entendu tous les spécialistes nécessaires avant cette étude, mais les fonctionnaires seront là pour l'étude article par article.

[Français]

M. Ménard: Le greffier peut-il nous rappeler rapidement les noms des témoins qui sont convoqués pour la semaine prochaine, ceux qu'on attend? En date d'hier, il n'y avait pas d'experts.

[Traduction]

Le président: Mme Lalonde a reçu une liste cet après-midi, et vous pourriez peut-être vous en parler pour vous informer mutuellement.

Monsieur Nault, j'aimerais que cette réunion soit la plus brève possible.

M. Nault: Je veux simplement signaler que les fonctionnaires seront là. L'opposition a toute une semaine pour déterminer quels professionnels ou spécialistes elle veut faire venir devant le comité. Je n'y vois aucun inconvénient. Il reste que nos fonctionnaires seront là pour répondre aux questions posées par les députés sur la portée de certains articles.

Le président: Nous en sommes toujours à cette motion. Une modification favorable est toujours possible.

La motion est adoptée

Le président: La motion portant sur l'étude article par article se lira donc comme suit:

On pourrait peut-être être plus précis à propos du 10 décembre; généralement la journée se termine à minuit. Est-ce que vous voudriez qu'on inscrive cette heure?

Des voix: D'accord.

Le président: Oui, madame Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde: Pour vous rassurer, nous n'avons pas l'intention d'abuser du temps, bien au contraire. C'est un projet de loi extrêmement important et il y a des articles extrêmement concrets qui vont réglementer la vie des entreprises et des gens.

.1710

[Traduction]

Le président: C'est la raison de cette étude article par article - améliorer le projet de loi, si possible.

[Français]

Mme Lalonde: Mais on a besoin des experts. La liste que vous avez envoyée à mon bureau n'est certainement pas complète et ne comporte pas d'experts. Je pense que ce sont les personnes qu'on a atteintes jusqu'à présent. Elle est complète? Mais il n'y a pas d'experts.

[Traduction]

Le président: Madame Lalonde, certaines fonctions administratives sont la responsabilité du greffier, mais d'autres responsabilités sont celles des parlementaires, de tous les parlementaires. Lorsque nous avons parlé de l'élaboration de cette liste, nous avons dit que les noms, les numéros de téléphone et les adresses devraient être transmises au greffier. Je suppose que certaines règles professionnelles ont été respectées et que je n'ai pas à m'en mêler.

Passons au vote.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, non, cela ne marche pas. Cela fait trois fois que je pose la question. Je la pose pour la dernière fois et j'espère obtenir une réponse.

Dans la liste que nous avons acheminée, parmi les 25 témoins, il y a un certain nombre d'experts dont M. Blouin. Il y en a en fait trois. Peut-être qu'ils ne sont pas disponibles, mais ce serait très étonnant.

Ce que je veux savoir, ce n'est pas compliqué: les a-t-on contactés et qui va venir; et si on ne les a pas contactés, s'apprête-t-on à le faire?

[Traduction]

Le président: Vous avez raison.

[Français]

M. Ménard: Le greffier peut-il nous donner l'information là-dessus?

[Traduction]

Le président: Ce n'est pas très compliqué pour moi non plus.

[Français]

M. Ménard: Je suis content que vous vous rendiez compte de cela.

[Traduction]

Le président: Ce n'est pas le premier projet de loi dont j'ai la responsabilité. C'est assez facile. Vous avez donné votre liste au greffier. Je suis certain qu'il a appelé toutes les personnes dont les noms figurent sur cette liste et qu'on a demandé à ces gens s'ils voulaient comparaître. Cela me semble être la suite logique des événements.

Je vais demander au greffier...

M. Nault: Laissez-moi répondre.

Le président: Ou à M. Nault.

M. Nault: Monsieur le président, pour commencer, il n'y a pas d'accord avec le Bloc pour cette liste. Nous avons un accord avec les réformistes. Nous avons discuté et accepté leur liste. Nous ne nous sommes jamais mis d'accord avec M. Ménard. Nous avons demandé une réunion. Cette réunion n'a jamais eu lieu. Nous étions censés nous rencontrer l'après-midi de ce jour-là. Il n'était pas disponible; nous n'avons donc jamais accepté sa liste.

Le président: Oui.

M. Nault: Quant à M. Blouin, qui était membre du groupe de travail, si vous vous en souvenez, cela pose un gros problème, car cela revient à n'inviter qu'un seul membre de ce groupe de travail. C'est un gros problème. Je crois que M. Blouin n'acceptera pas, simplement parce que cela le mettrait dans une situation très délicate par rapport aux autres membres du groupe de travail. Si nous n'acceptons pas que M. Blouin vienne déposer, c'est parce que cela le placerait dans la situation inconfortable d'être le seul membre du groupe de travail à comparaître. Le fait qu'il vienne du Québec ne change rien à l'affaire. Cela reviendrait à lui demander d'interpréter la décision des autres membres du groupe de travail. C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas d'accord.

Cependant, monsieur le président, je suis toujours disposé à prendre connaissance des intentions du Bloc quant à sa liste de témoins. Ils nous ont donné leurs 25 priorités, je crois. Bien entendu, il y en a qui ne veulent pas venir parce qu'ils sont membres de ces organismes que nous avons déjà entendus - la FETCO et d'autres - et venir ne les intéresse pas. S'ils veulent proposer d'autres témoins, nous pouvons en discuter. Mais je crois que cette discussion devrait avoir lieu après que le sort de cette motion aura été réglé. Il nous reste encore toute la semaine prochaine. Et s'il y a certaines personnes qu'ils aimeraient entendre, j'aimerais en discuter. Cette discussion entre M. Ménard et moi-même n'a pas encore eu lieu.

Le président: Très bien. Y a-t-il une question?

M. Nault: Mettez cette motion aux voix, et qu'on en finisse. J'aimerais passer à l'autre motion.

Le président: Nous allons en débattre maintenant.

[Français]

M. Ménard: Je sais que M. Nault est un homme de bonne foi et j'ai beaucoup apprécié travailler avec lui. Mais il va convenir que, dans un Parlement qui se respecte, il n'est pas de l'obligation de l'Opposition officielle de justifier pourquoi elle inscrit tel ou tel témoin sur une liste. M. Nault n'a pas à présumer si M. Blouin est disponible ou pas, auquel cas il faut se rappeler qu'il était dissident. Pour faire notre travail de façon éclairée, nous demandons que les experts qui figurent sur la liste du Bloc québécois soient contactés.

Si on nous disait qu'ils ne sont pas disponibles, ce serait autre chose, mais avec le respect que j'ai pour M. Nault, je n'entends pas expliquer pourquoi nous avons choisi d'inviter tel ou tel témoin. Le rôle de l'Opposition officielle est de permettre à des gens de s'exprimer. Peut-on accorder la parole au greffier pour qu'il nous dise qui, parmi les experts, a accepté de venir ou pas?

[Traduction]

M. Nault: Ce n'est pas du tout ainsi qu'on procède.

[Français]

M. Ménard: Pardon?

[Traduction]

M. Nault: Ce n'est pas du tout ainsi qu'on procède. Nous avions décidé, si vous vous en souvenez - vous avez peut-être la mémoire courte, mais la mienne est très longue - que nous nous mettrions d'accord sur une liste, et vous pouvez demander confirmation à M. Johnston.

[Français]

M. Ménard: Nous avions...

[Traduction]

Le président: À l'ordre!

M. Nault: Pour éviter le piège du 60-20-20 nous avions décidé de nous mettre d'accord sur une liste. M. Ménard vient de dire qu'en tant que membre de l'opposition il a le droit de choisir les témoins qu'il veut. Monsieur le président, si tel est le cas, nous mettrons aux voix l'invitation de chaque témoin, et c'est la majorité qui décidera.

.1715

Nous vous demandons de nous donner en toute bonne foi les noms des témoins que vous aimeriez entendre. Les noms de ceux avec lesquels nous sommes d'accord seront automatiquement inscrits sur cette liste, et pour les autres nous procéderons par motions. Nous pouvons très bien procéder ainsi. Si M. Ménard croit que certains d'entre nous, qui ne sont pas nés d'hier, vont accepter que ce soit l'opposition qui dicte la liste des témoins... Je m'excuse, mais il n'en est pas question.

Une voix: Votons.

M. Ménard: [Inaudible]

Le président: Un instant. Monsieur Ménard. Pourrions-nous rétablir un peu l'ordre.

Des voix: [Inaudible]

Le président: Je m'excuse, mais pourriez-vous faire un peu silence?

M. Nault: Mettons la première motion aux voix.

Une voix: Exactement.

Le président: Je crois qu'il est nécessaire de rappeler certaines petites choses. Premièrement, il y a cette réunion qui aurait dû avoir lieu entre vous, M. Nault et M. Johnston. C'était votre responsabilité. À vous trois c'est au cours de cette réunion que devaient être débattues les priorités en matière de témoins. Il est évident que vous mettez le greffier dans une situation très inconfortable si vous ne lui proposez pas de liste.

Nous revenons maintenant à la motion portant sur l'étude article par article, et je la mets aux voix.

La motion est adoptée

Le président: La séance est levée.

Des voix: Oh, oh!

M. Johnston: [Inaudible] j'ai posé une question et je veux...

Le président: Je m'excuse, monsieur Johnston. Je peux rouvrir la séance.

M. Johnston: Bon.

Monsieur le président, l'article 108.1 du Code canadien du travail dit que le ministre peut intervenir:

Le président: Très bien.

M. Johnston: Je suggère, monsieur le président, que notre comité entreprenne immédiatement la révision de l'article 108.1 pour permettre aux membres du syndicat de l'automobile et de celui de la fonction publique d'accepter ou de rejeter l'offre faite par leur employeur. Je crois que la situation est certainement suffisamment grave.

Il y a des milliers d'emplois en jeu, monsieur le président. Cela relève certainement de la compétence de ce comité, et nous devrions certainement pouvoir faire quelque chose, et nous devrions faire quelque chose. Merci.

Le président: Merci, monsieur Johnston. Monsieur Nault.

M. Nault: Merci, monsieur le président. Je comprends très bien les intérêts de l'opposition concernant cette question, étant donné que je vis à la frontière de l'Ouest canadien et que je me sers beaucoup de Canadien. Pour commencer, monsieur le président, il faut bien comprendre ce que réclament les membres.

Les conditions de l'article 108.1, qui donne au ministre le droit d'ordonner la tenue d'un vote, sont remplies dès qu'un avis de négociation collective a été donné en vertu de cette disposition. D'abord, il n'y a pas de négociation collective à proprement parler en période ouverte, monsieur le président, mais, surtout, il s'agit ici d'une restructuration d'entreprise qui ne tombe pas sous le coup de cette disposition.

Ils devront peut-être chercher une autre disposition du code, mais il n'y en a peut-être pas, parce qu'il n'existe aucun cas où le ministre peut intervenir si les parties ne sont pas en train de négocier. L'opposition voudra peut-être essayer d'en tirer profit dans l'Ouest, mais le fait est que la décision doit être prise en conformité avec les statuts des syndicats en cause. Ils sont élus démocratiquement, comme nous, et ce qui est en jeu, c'est leur compétence et leur réputation.

.1720

Je suis certain qu'en fin de compte la direction des syndicats prendra la bonne décision. Je crois que l'endroit est mal choisi. De toute façon, la loi ne permet pas ce genre de chose. La refonte de cette disposition irait à l'encontre de son objet premier, qui est d'autoriser le ministre à intervenir pendant la période ouverte à la renégociation de la convention collective.

Cette proposition devrait donc être déclarée irrecevable, monsieur le président. S'il le faut, nous allons voter contre.

Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, pour terminer sur la précédente question en ce qui a trait à la liste des témoins, vous savez qu'on a travaillé très sérieusement depuis le début de l'opération et qu'on est tout disposés...

[Traduction]

M. Johnston: Monsieur le président, cette question est réglée.

Le président: Oui.

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, je souhaiterais revenir là-dessus parce que vous m'avez coupé la parole.

C'est simplement une question de bonne entente pour la suite des opérations, parce que vous m'avez coupé la parole et vous avez ajourné sans qu'on puisse s'entendre.

Je voudrais simplement dire au président que nous sommes disposés à travailler avec diligence. On l'a fait depuis le début, mais on veut avoir la certitude que les experts vont être rejoints. C'est essentiellement ce que je voulais dire.

[Traduction]

Le président: Sauf votre respect, je tiens pour acquis que nous travaillons avec diligence - c'est pour cela que nous sommes ici. L'examen article par article ne convient pas à la discussion de ce que vous soulevez. Nous allons nous en occuper, mais pour l'instant nous allons revenir à...

[Français]

M. Ménard: Vous avez mal présidé parce que vous avez mis fin aux travaux abruptement, de façon cavalière. Ce n'est pas une façon de faire.

[Traduction]

M. McCormick: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je vois où veut en venir mon éminent collègue, et c'est très bien, mais il faut en discuter une autre fois. Son raisonnement se tient, mais il faut passer à l'étude de la motion. Merci.

Le président: Monsieur Harper.

M. Harper (Calgary-Ouest): Merci, monsieur le président. Je voudrais discuter de la motion dont nous sommes saisis pendant quelques instants et répondre du même coup à certains des propos de M. Nault.

Il est clair pour moi que nous ne proposons rien qui aille au-delà de l'article 108.1, sous sa forme actuelle. Là n'est pas la question. La question est de voir si le comité accepte de revoir l'article 108.1 et s'il y a lieu de le modifier. Oui, il y a une situation à régler de toute urgence, mais il y a aussi un problème de fond à examiner.

Je reconnais qu'il n'y a pas de négociation collective en cours; aux termes de l'avis donné en vertu du Code canadien du travail, stricto sensu, c'est vrai, mais c'est une argutie juridique qui nie la réalité, et personne ne l'ignore. Il y a négociation collective entre les parties à l'heure actuelle, très intense d'ailleurs, puisque quatre grands syndicats ont conclu une entente avec leur employeur.

Je crois que la situation actuelle correspond à l'esprit de l'article 108.1, mais que le ministre du Travail ne peut pas s'en mêler à cause du libellé du texte. De toute évidence, l'intérêt public est en jeu, et il y a urgence. Le gouvernement lui-même a déclaré à la Chambre qu'il veut que les travailleurs se prononcent sur l'offre du PDG de Canadien International, M. Benson. Il l'a dit en termes non équivoques. Or, le gouvernement ne dispose pas actuellement de moyen juridique pour le faire. À tout le moins, il pourrait examiner les options législatives qui le lui permettraient, s'il souhaite s'engager dans cette voie.

Pour conclure, monsieur le président, je dirai que la motion ne fait que demander au gouvernement d'entreprendre une étude qui cadre tout à fait avec les souhaits qu'il a exprimés.

Rejeter la motion, ce serait contredire les propos tenus à la Chambre et laisser entendre aux dirigeants des TCA et du SCFP, ce qui serait déplorable, que le gouvernement ne souhaite pas de vote et est prêt à voir l'entente échouer.

.1725

Il me semble donc tout à fait indiqué de voter en faveur de cette étude. La motion ne lie ni le comité ni le gouvernement aux résultats éventuels de l'étude.

Le président: Madame Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde: Monsieur le président, il est évident que ce qui arrive à cette grande entreprise touche davantage les collègues de l'Ouest, mais nous sommes dans un processus de révision du Code canadien du travail, qui a été précédé par une longue étude par une commission qui a siégé sur des questions qui sont de nature à renouveler les relations de travail.

Ce n'est pas la première fois qu'une situation comme celle de Canadian se produit. Pourtant, ceux qui ont travaillé, aussi bien du côté patronal que du côté syndical - en relations de travail, on a toujours un penchant - et qui ont préparé ce qui a donné lieu au projet de loi n'ont été aucunement sensibles à la demande faite par les collègues de l'Ouest.

Selon ma connaissance des relations de travail et de l'esprit qui doit y présider, forcer un vote dans une conjoncture semblable ne mènerait absolument pas à des relations de travail ordonnées. Il me semble qu'il y aura une solution et que les leaders syndicaux vont faire les bonnes choses. Ce n'est pas en adoptant une telle disposition qu'on va régler cette question-là. Encore une fois, je m'exprime surtout du point de vue des relations de travail.

[Traduction]

Le président: Monsieur Nault, n'oubliez pas qu'il y a un vote dans quelques instants.

M. Nault: Ce qui m'inquiète le plus ici, monsieur le président, c'est l'impression que l'opposition, le troisième parti en particulier, cherche à donner aux Canadiens, à savoir que les élus syndicaux se moquent de la survie de la compagnie. C'est tout le contraire. Quand le député de Calgary ou de Kenora - Rainy River dit aux syndiqués qu'ils pourront voter... Il y a beaucoup de variables ici, et on aurait tort de laisser entendre que les syndicats ne veulent pas d'un vote, parce que ce pourrait bien être le contraire s'ils estiment que c'est nécessaire.

On discute ici d'une réduction de salaire de 10 p. 100. Ce n'est pas à traiter à la légère. Ce n'est pas la première fois que cette compagnie demande à ses employés de l'aider à surmonter ses difficultés.

Je me demande toutefois si cela suffira pour assurer la survie de la compagnie pendant trois ou quatre ans. Elle s'attend à ce que son personnel aille jusqu'où? Bien des gens sont d'avis - même les cadres de la compagnie l'ont dit - que la réduction de salaire du personnel ne va pas sauver la compagnie et qu'il faut prendre des mesures plus énergiques.

Monsieur le président, je comprends l'intérêt que mes vis-à-vis portent au dossier. Honnêtement, je pense que ce serait gaspiller le temps du comité. D'ici à ce que nous ayons fait l'étude de cette disposition comme nous l'avons fait pour les autres articles du texte, dont nous débattons et discutons avec les témoins, un consensus qui a pris deux ans à se dégager... ou bien la compagnie sera prospère, ou bien elle n'existera plus d'ici à ce que nous ayons terminé les discussions et entendu les témoins qu'il faut. Pour moi, ce n'est ni indiqué ni nécessaire. Les syndicats et l'employeur feront ce qu'il faut sans que les députés aient à consacrer un temps indu à l'étude de cette disposition.

Le président: Monsieur Johnston, vous voulez intervenir. N'oubliez pas que...

M. Johnston: Monsieur le président, je souscris entièrement à ce qu'a dit mon collègue. Cela a des effets énormes sur les syndiqués, et c'est pourquoi nous disons qu'ils devraient avoir le droit de s'exprimer librement sans avoir à craindre les foudres du syndicat.

.1730

Monsieur le président, je voudrais que l'on mette la motion aux voix et que l'on procède par appel nominal.

La motion est rejetée par 7 voix contre 2

M. Nault: Avant de conclure, pour répondre aux voeux de M. Ménard, j'aimerais savoir quels témoins il voudrait faire comparaître, et tant mieux si nous pouvons nous entendre.

Le président: Bien sûr.

M. Nault: Je n'ai pas vu les noms des témoins qui l'intéressent. J'ai reçu une liste, mais nous n'en avons pas discuté, et j'aimerais qu'on le fasse. Merci.

Le président: Merci, monsieur Nault.

La séance est levée.

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