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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 mai 1996

.0905

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Diane Daghofer et Mme Debra Reid de l'Institut national de nutrition.

Nous allons vous demander de nous faire un bref exposé pour que nous puissions avoir le temps de vous poser des questions pertinentes.

Mme Diane Daghofer (membre, Institut national de nutrition): Bonjour, good morning. Merci de nous avoir donné la chance de comparaître devant votre comité ce matin.

[Traduction]

J'aimerais d'abord vous expliquer brièvement ce qu'est l'Institut national de nutrition et vous indiquer certaines de nos réalisations dans le domaine de la nutrition chez les enfants. Je céderai ensuite la parole à ma collègue, le Dr Debra Reid, qui vous fera part des besoins les plus pressants.

D'abord, l'Institut national de nutrition est un organisme national à but non lucratif fondé en 1983 dans le but de faire avancer les connaissances et la pratique en matière de nutrition. Nous nous sommes taillés une réputation enviable comme interlocuteur crédible et objectif et comme catalyseur du changement. Nous sommes les premiers à promouvoir au Canada la recherche et l'information dans le domaine de la nutrition, et nous avons pour objectif d'influer sur les politiques publiques en la matière dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Notre institut a réussi à former un partenariat tout à fait unique avec les gouvernements, l'industrie, les professionnels de la santé et les universités, pour réaliser ses objectifs en coopération et en collaboration. Nous sommes régis par un conseil d'administration réunissant des experts dans une foule de domaines représentant toutes les régions du Canada. Nos fonds nous viennent principalement de sources privées, mais lorsque nous avons des projets spécifiques, nous sommes financés en partie par des ministères gouvernementaux tels que Santé Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Notre institut a fait des recherches en nutrition pour toutes les étapes de la vie, mais puisque vous vous intéressez surtout aux jeunes enfants de moins de six ans, je me limiterai à nos réalisations dans ce groupe d'âge.

Notre institut est d'avis que l'influence principale en matière de santé nutritionnelle chez les jeunes enfants, c'est la famille, sous toutes ses formes, sans oublier les services de garde qui jouent également un rôle important. Étant donné que la plupart des petits Canadiens sont gardés à la maison, la notion de famille inclut également les nombreux gardiens. Dès lors que l'on parvient à établir à un âge tendre un mode de vie sain et une attitude saine à l'égard des aliments, ceux-ci peuvent jouer un rôle clé et permettre d'éviter nombre de maladies reliées à l'alimentation et se déclarant plus tard au cours de la vie. En effet, les désordres alimentaires et les maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, le cancer et l'obésité, ont toutes des liens très serrés avec l'alimentation. Comme je l'ai déjà dit, les bonnes habitudes alimentaires se prennent très tôt.

En ce qui concerne le cadre sur la santé de la population, que vous connaissez tous certainement, les travaux de l'institut ont surtout porté au cours des 12 dernières années sur les bases de notre action, même si nous nous sommes aussi intéressés aux deux autres sujets. En ce qui concerne les facteurs individuels, nous avons entrepris plusieurs programmes de sensibilisation de la population, afin de communiquer avec les individus et leur famille pour améliorer leurs connaissances et leurs habiletés en matière de nutrition et pour les aider à adopter de saines habitudes alimentaires.

Nous sommes à mettre au point un programme de communication portant sur tout le régime alimentaire afin de faire comprendre aux consommateurs qu'une bonne alimentation, faisant entrer tous les groupes d'aliments dans un régime équilibré, est un objectif accessible.

Pour ce qui est des facteurs collectifs, la plupart de nos recherches se font conjointement avec des représentants des industries alimentaire et pharmaceutique, avec des professionnels de la santé, des groupes tels que la Société canadienne de pédiatrie et les décideurs politiques qui se joignent à nous de façon active ou dans un rôle consultatif.

Comme je l'ai dit, nous nous sommes surtout attardés aux bases d'action. La recherche de l'Institut vise à aider les consommateurs à acquérir, individuellement, de saines habitudes alimentaires et à développer leurs compétences eu égard à la nourriture et à la nutrition. Nous offrons également des bourses pour aider financièrement des chercheurs au niveau post-doctoral qui étudient dans les facultés de médecine un peu partout au Canada.

L'Institut communique avec le réseau canadien de la nutrition par le truchement de publications, de conférences et de symposiums. En 1989, nous avons oeuvré avec un réseau d'organes fédéraux, provinciaux et territoriaux sur la nutrition en vue d'élaborer des lignes directrices canadiennes et de promouvoir la santé nutritionnelle au cours de la petite enfance. Ces lignes directrices ont été distribuées à des professionnels de la santé et à des services de garde partout au pays. Depuis, notre publication trimestrielle Rapport s'est penchée sur la santé des enfants. Nous vous avons apporté des exemplaires de ces éditions, de même que des exemplaires de «Bouchées-santé» et du «Point INN» qui se sont également intéressés aux enfants.

Au cours des cinq dernières années, notre effort en matière de politique publique s'est surtout traduit par l'élaboration du document «La nutrition pour un virage santé: voies d'action». Nous sommes heureux d'avoir joué un rôle dans la formation du comité directeur conjoint qui a supervisé le projet et d'avoir participé activement à sa concrétisation. Nous sommes d'autant plus ravis que le ministère fédéral de la Santé a veillé à ce que le plan d'action soit le fruit de consultations poussées et de discussions rigoureuses avec tous les intervenants.

.0910

Nous croyons que ce document constitue maintenant le cadre voulu pour s'attaquer à bon nombre des principaux problèmes auxquels nos enfants font face en matière de santé. Notre institut s'engage d'ailleurs à agir dans les quatre domaines d'action définis dans le plan: le renforcement des pratiques alimentaires saines; le soutien des populations vulnérables sur le plan nutritionnel; la poursuite des efforts visant à accroître la disponibilité d'aliments favorisant une alimentation saine; et l'appui à la recherche en nutrition. Bon nombre de nos anciens programmes allaient dans ce sens, et je vous assure que tous nos programmes futurs sont dans la lignée de ces voies stratégiques.

J'aimerais maintenant laisser Mme Debra Reid vous parler de la nutrition chez les enfants et des principaux problèmes recensés par l'Institut. Mme Reid dirige les programmes de recherche de l'Institut et est également diététicienne spécialisée en santé publique pour le programme de santé destiné aux parents et aux enfants de la municipalité régionale d'Ottawa-Carleton.

Mme Debra Reid (membre, Institut national de la nutrition): Merci à ma collègue et bonjour à tous les membres du Comité permanent de la santé.

[Français]

Bonjour, madame la présidente. Il me fait plaisir de faire partie de ce duo dynamique qui va amorcer ce matin nos discussions et discours sur l'alimentation et les enfants.

[Traduction]

Pour commencer, je veux féliciter le comité d'avoir mis l'accent sur la santé, et la santé des enfants. En tant que leaders de notre société, nous devons non seulement aider les familles à s'occuper de leurs enfants, mais nous devons également accepter cette responsabilité collective qui est de susciter et de créer le milieu propice pour que nos enfants soient nourris et chéris.

Je cherchais une comparaison pour ma comparution ce matin, et je suis certaine qu'elle vous a traversé l'esprit à vous aussi. Ce matin, comme je conduisais le long d'une route bordée par des pruniers et des cerisiers en fleurs, je me suis rendu compte que l'arbre grandit comme pousse la branche. C'est au cours de la petite enfance que nous formons de futurs adultes sains.

Nous qui regardons nos enfants grandir sous nos yeux, nous devons nous rendre compte que cet investissement prétendument à long terme dans leur santé vient à maturité relativement vite et que nos enfants auront droit de voter très vite.

Je vous félicite également de vous attarder à la question de la nutrition chez nos chers trésors.

[Français]

Bien sûr, étant diététiste, je ne cache pas mon intérêt pour la nutrition.

[Traduction]

Je suis sûre que d'autres vous ont répété à quel point des aliments nutritifs sont essentiels pour la croissance du petit enfant et son bon développement. Pour paraphraser ce que d'autres ont dit, la santé et le bien-être des individus et la prospérité d'une nation exigent que la population soit bien nourrie. C'est ce qu'a dit le comité directeur conjoint dirigé par le gouvernement fédéral et qui a élaboré le plan national sur la nutrition pour le Canada.

[Français]

C'est de justesse, en faisant des culbutes administratives hier, que nous avons réussi à vous procurer des copies de ce document,

[Traduction]

que j'ai le plaisir de partager avec vous ce matin.

Il s'agit d'un document merveilleux, fruit d'une réflexion poussée, qui est un modèle de collaboration et de consultation. C'est un modèle enviable, comme j'ai pu le constater la semaine dernière lorsque j'assistais à une conférence en Alberta avec des collègues des États-Unis, qui en sont toujours pour leur part à l'élaboration d'un plan national d'action américain.

Ce document a reçu l'appui du ministre de la Santé - originaire lui aussi du Cap-Breton - et du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Il semble que ce soit toute une réussite politique que d'avoir l'appui de deux ministres. Ce document a été possible grâce à la participation de divers secteurs, des provinces, d'organisations non gouvernementales et de groupes communautaires. Ce document me servira de cadre de réflexion, car je voudrais attirer votre attention sur certains des grands défis qui se posent à ceux qui ont à coeur la santé nutritionnelle des jeunes enfants.

Le document «Voies d'action» décrit la situation actuelle en termes de nutrition et décrit les facteurs qui contribuent aux choix alimentaires qui influent, par ricochet, sur la santé nutritionnelle. À la page 4, dans l'encadré de gauche, on voit que le plan national met déjà en lumière quatre grands problèmes qui sont directement associés à ce groupe d'âge.

.0915

Le quatrième paragraphe explique qu'au cours de la dernière décennie, la prévalence de l'obésité chez les enfants a augmenté de 14 à 24 p. 100 chez les filles et de 18 à 26 p. 100 chez les garçons.

Au paragraphe suivant, les pratiques d'allaitement maternel varient à travers le Canada, une moyenne de 75 p. 100 des mères choisissant d'allaiter, mais seulement 30 p. 100 persévérant pendant quatre à six mois.

Au paragraphe suivant, le taux de bébés de petit poids au Canada est de 5,7 p. 100, mais il peut grimper jusqu'à 10 p. 100 dans certains segments très défavorisés de la population vivant en milieu urbain, un taux comparable à ceux des pays en voie de développement.

L'avant-dernier paragraphe nous semble crucial et sous-tend le problème de la nutrition chez les jeunes enfants: on dénombre près de 460 banques d'aliments desservant plus de deux millions de Canadiens, dont presque un million d'enfants.

Vers quoi devons-nous diriger nos efforts pour améliorer la santé nutritionnelle des enfants? À partir de la page 12, vous trouvez quatre voies stratégiques. Chacune de ces voies présente des mesures à prendre qui peuvent modifier les déterminants identifiés dans le cadre sur la santé de la population. Je suis convaincue que vous connaissez ce cadre par coeur et que vous pouvez le réciter à l'envers comme à l'endroit devant vos amis.

Ce cadre fournit des orientations stratégiques et présente les mesures qu'il est possible de prendre pour s'assurer de la santé nutritionnelle des bébés et des jeunes enfants nos trésors.

La première voie stratégique, c'est le renforcement des pratiques alimentaires saines: en effet, les politiques nationales en matière de nutrition servent effectivement de base aux programmes de saine alimentation. Santé Canada a récemment publié un supplément à ces lignes directrices en vue d'une alimentation saine, en mettant l'accent sur les enfants d'âge préscolaire, c'est-à-dire sur les enfants de deux à cinq ans. Nous attendons avec beaucoup d'impatience les révisions qui seront apportées aux lignes directrices sur l'alimentation des nourrissons et sur la nutrition au cours de la grossesse. Vous voyez que ces documents parrainés par le gouvernement fédéral sont en fait un élément clé de la stratégie globale.

Quant aux actions prioritaires privilégiées, j'attire votre attention sur la première et la septième notamment: on suggère de travailler à l'incorporation et au maintien des services de nutrition dans des services complets de santé offerts au sein des structures communautaires existantes et à venir, d'aider les collectivités à venir en aide aux familles et à créer l'environnement, et de promouvoir l'allaitement maternel et d'améliorer l'accessibilité des groupes communautaires de soutien à l'allaitement.

Passons maintenant à la deuxième voie stratégique, qui est le soutien des populations vulnérables...

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Nous avions prévu dix minutes seulement pour votre exposé. Donc, je vous demanderais de terminer rapidement pour qu'on puisse vous poser quelques questions.

Mme Reid: D'accord. Voici les quatre voies d'action:

[Traduction]

il s'agit donc du renforcement des pratiques alimentaires saines, du soutien des populations vulnérables sur le plan nutritionnel, de la poursuite des efforts visant à accroître la disponibilité d'aliments favorisant une alimentation saine; et de l'appui à la recherche en nutrition.

En guise de conclusion, notre institut vous exhorte à intégrer à vos recommandations les voies stratégiques appropriées en vue d'une meilleure nutrition et d'une meilleure santé de même que nos voies d'action. Ce plan d'action a justement été conçu pour encourager le partenariat, l'adoption généralisée et la diversité pour favoriser la croissance de petits Canadiens forts et sains.

[Français]

M. Dubé (Lévis): Vous étiez parties d'un bel élan. J'ai tenté de voir un peu où vous alliez. Je trouve cela bien intéressant et, de toute façon, le document va rester et on pourra le consulter.

J'ai deux questions. À première vue - vous m'excuserez de ne pas avoir eu le temps d'examiner votre document de fond en comble - , la question qui me saute aux yeux est de savoir qui devrait mettre cela en action et quel rôle vous envisagez pour les gouvernements fédéral et provinciaux, compte tenu du fait que la Constitution stipule que la santé est de compétence provinciale. Vous êtes-vous demandé qui devrait faire quoi et quels devraient être les rôles des autres partenaires? La question est courte, mais la réponse pourrait être longue.

.0920

[Traduction]

Mme Reid: En ce qui concerne la mise en oeuvre et qui devrait faire quoi, je crois que l'on a bien choisi le titre en parlant de «Voies d'action». Cette démarche était parrainée par le gouvernement fédéral et se fondait principalement sur les engagements pris à l'égard du reste du monde, comme vous pouvez le lire dans le préambule. Notre gouvernement national peut évidemment être le maître d'oeuvre, mais il doit également laisser la place au partenariat, au partage des responsabilités, à la diversité et à la participation de tous les intervenants, qu'il s'agisse d'organisations fédérales, provinciales ou non gouvernementales, afin que, individuellement et collectivement, tous y trouvent leur compte.

Ainsi, le gouvernement fédéral pourrait pour sa part commencer par ses propres suggestions, en tenant compte peut-être des «Voies d'action», et faire en sorte que la nutrition fasse partie de toutes les initiatives fédérales touchant les jeunes enfants, puisque cela relève de sa compétence. Dans le cas de sondages et d'enquêtes menés conjointement avec Statistique Canada, on pourrait peut-être songer à y ajouter la composante «nutrition», ce qui permettrait d'évaluer la situation à l'échelle du pays.

Vous comprenez que le gouvernement peut nous aider de bien des façons en mettant sur pied une collecte d'information nationale et en s'occupant de la vérification de l'information.

Mme Daghofer: Je suis d'accord. Le gouvernement fédéral a certainement un rôle très puissant à jouer en termes de collecte de l'information et de diffusion de celle-ci; il ne s'agit pas nécessairement pour lui de le faire lui-même, mais il pourrait peut-être demander à des ONG, comme notre institut, de mettre la main à la pâte, puisque nous avons déjà effectué ce type de recherche et lancé ce genre de programme de sensibilisation de la population.

Le plan précise que tout le monde peut mettre la main à la pâte, depuis les collectivités jusqu'au gouvernement fédéral. Certains domaines tels que la sécurité du revenu qui est à la base d'une nutrition appropriée, relèvent manifestement du gouvernement fédéral. Si vous lisez le document, vous verrez clairement dans quels domaines le gouvernement fédéral peut être le chef de file soit directement, soit par le truchement d'organismes comme notre institut.

[Français]

Mme Reid: En fait, il lance la balle à tout le monde au lieu d'assumer ses responsabilités.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Szabo.

M. Szabo (Mississauga-Sud): Merci beaucoup de votre exposé. Je suis heureux de voir que nous continuons de recevoir beaucoup d'informations, mais je dois vous avouer ma frustration, qui ne dépend pas seulement de vous. Il semble que tous les éducateurs et tous ceux qui ont ce sujet à coeur savent tout ce qu'il faut savoir. Mais savez-vous qui ne sait rien? Ce sont les Canadiens ordinaires, en bas de l'échelle, qui ne savent rien.

Si la nutrition est à ce point un élément clé dans le développement sain d'un enfant afin qu'il devienne un adulte sain, j'essaie de comprendre jusqu'à quand il faudra faire des recherches et étudier pour en apprendre encore plus sur ce qui est bon et sain dans l'alimentation de base. Autrement dit, si nous en sommes ici aujourd'hui, et que nous voulons être là demain, comment faire pour passer d'ici à là?

C'est bien beau de préparer des lignes directrices, de faire de la recherche et de faire un certain suivi, dans la mesure où chacun de ceux qui reçoivent un livret comme celui-ci le lit jusqu'au bout et entend parler de la situation globale. Mais ce que l'on voudrait savoir, je suppose, c'est où en sont les individus? Que peut-on dire du tableau à l'échelle individuelle? Peut-on se rendre dans tous les quartiers du Canada pour demander aux Canadiens ce qu'ils savent de la nutrition? Vous, vous connaissez bien les principes de la nutrition. Mais comment faire pour que tous les Canadiens en sachent autant que vous?

.0925

Ce qui nous motive, c'est que la santé chez les jeunes enfants se traduit par toutes sortes d'avantages ultérieurs: baisse des coûts des soins de santé, des coûts sociaux, des coûts de la justice pénale, moins grand nombre de décrocheurs au secondaire, moins de violence familiale, meilleures valeurs familiales et meilleures valeurs sociales. La nutrition fait partie de tout cela. C'est pourquoi l'on parle de stratégie de prévention en vue d'une bonne santé. Il ne suffit pas de dire que la nutrition, c'est bien. Que pouvons-nous faire, ici même, et que pouvez-vous faire? Si vous devez publier un autre document, pouvez-vous nous dire comment nous devrions enseigner aux Canadiens ce qui est important dans ce document, pourquoi c'est important et ce qu'ils peuvent faire? Il faut pouvoir passer du général au particulier.

Vous nous avez apporté ce livret aujourd'hui, que je ne peux pas lire maintenant. C'est un très joli livret, mais à qui s'adresse-t-il? Il s'adresse à des gens comme vous, dans d'autres organismes qui adorent lire là-dessus; mais je ne vois rien dans ce livret qui s'adresse au Canadien ordinaire qui pourrait présenter des risques du point de vue de la santé parce qu'il ne sait pas ce que c'est qu'une bonne nutrition.

Que pouvez-vous conseiller à notre comité en termes de stratégie pour l'individu? Faites-moi une seule recommandation concrète et dites-moi ce que nous devons dire à notre tour aux Canadiens pour qu'ils comprennent mieux ce que c'est que la nutrition.

Mme Daghofer: Je ne puis que partager votre sentiment de frustration, et à notre Institut, nous nous attaquons particulièrement à ce problème depuis 18 mois. Je sais que depuis notre création, nous avons privilégié la recherche, en vue d'établir notre réputation auprès des professionnels de la santé. Nous sommes une petite ONG et les résultats de nos travaux sont communiqués aux Canadiens par le biais d'autres professionnels de la santé.

Il y a dans notre trousse une brochure intitulée Bouchées-santé destinée précisément au Canadien moyen. Depuis 18 mois, nous avons amorcé un changement de cap. Nous avons fait énormément de recherches dans le domaine que vous avez mentionné, ce qu'il convient de dire aux Canadiens pour les aider sur le plan de la nutrition. Nous avons identifié quatre obstacles principaux à une bonne nutrition dans l'esprit des Canadiens. Il y a énormément de confusion à cet égard. Les gens sont bombardés de messages de toutes parts à propos de ce qui constitue une bonne alimentation. Certains de ces messages sont fort valables, mais d'autres, malheureusement, émanent de groupes marginaux qui visent la promotion de leurs propres objectifs, et non nécessairement la santé nutritionnelle. La confusion est donc un problème important.

Les Canadiens pensent qu'il en coûte plus cher de manger mieux, ce qui est une méprise. Ils estiment qu'il faut plus de temps et d'efforts pour préparer un repas nutritif plutôt que de choisir un repas prêt-à-servir. Ils ne considèrent pas qu'un sac de légumes congelé, c'est du prêt-à-servir, ce que cela peut certainement être. Le quatrième domaine qui fait l'objet de préoccupations encore une fois est lié à toute la question de la commodité et du temps.

M. Szabo: D'accord. Ça, c'est la situation telle qu'elle existe. C'est le problème. Vous connaissez aussi votre objectif. Cela dit, quelle méthode recommandez-vous, quelle stratégie? Faut-il produire une brochure? Organiser les projets dans les écoles? Faire des conférences un peu partout? Il faut que vous ayez un plan d'action. Nous ne souhaitons pas publier un rapport qui se borne à énoncer le problème, sans plus. Nous voulons préciser la nature et les conséquences du problème, tout en proposant des objectifs et des stratégies précises pour les atteindre.

J'espère qu'après votre comparution, vous pourrez amorcer cette réflexion. Votre groupe possède énormément de connaissances et d'informations, mais il y a sans doute quelqu'un qui sait quelle est la meilleure voie à suivre, en termes de stratégies de communication, pour réaliser nos objectifs.

Mme Daghofer: Si vous me permettez de continuer, je peux vous dire que nous ne nous sommes pas bornés à réfléchir à la question. En fait, nous présentons demain un exposé devant une douzaine de grands fabricants alimentaires au Canada pour leur offrir un plan de sensibilisation de la population. Ce plan prévoit une campagne télévisée, ainsi qu'un bulletin qui serait distribué gratuitement par les détaillants, les épiceries, et qui cherche précisément à contrer ces obstacles à une bonne nutrition. Nous voulons faire des progrès dans ce dossier et commencer à éduquer les Canadiens. Chose certaine, nous ne sommes qu'un seul groupe, et nous ne pouvons tout faire par nous-mêmes, mais comme vous pouvez le constater, nous déployons déjà des efforts pour recueillir des fonds en vue de réaliser ces objectifs.

[Français]

M. Dubé: Dans le but d'en savoir plus long, j'ai consulté l'Annexe 3 de votre plan d'action, où il est question de documents de travail de référence. Deux paragraphes ont attiré mon attention: le cinquième, où il est question du document Programmes sur la qualité et la salubrité des aliments au Canada, une revue des programmes fédéraux de réglementation des aliments, et le sixième, où vous parlez du document Examen des programmes nationaux, une revue des programmes canadiens touchant trois axes du CIN.

.0930

Vous serait-il possible de mettre ces deux documents à la disposition des membres du comité?

Mme Reid: Je crois que ces documents sont disponibles par le biais de Santé Canada, probablement auprès de M. Aiston, directeur général de la Direction des affaires internationales.

M. Dubé: Monsieur le président, peut-on demander à la greffière de nous obtenir ces documents?

Mme Reid: C'est un processus de collaboration

[Traduction]

dirigé par le gouvernement fédéral. L'Institut national de nutrition a été un important partenaire de la création du processus. Voilà pourquoi nous sommes ravies de le partager avec vous et d'attirer votre attention là-dessus ce matin. Nous croyons qu'il s'agit d'une base pour agir.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Y a-t-il d'autres questions? Mesdames, je vous remercie pour l'exposé que vous nous avez livré et aussi pour le tout nouveau document qui vient de sortir. Il me semble très intéressant et on va l'examiner.

Je vous remercie d'être venues nous rencontrer ici, et je vous souhaite bonne chance.

Nous allons faire une pause de quelques minutes.

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.0936

La vice-présidente (Mme Picard): Bonjour.

Nous allons maintenant entendre Mmes Gilmore et Shea, représentantes du Service de santé publique de la ville de Toronto. Nous vous demandons, mesdames, de nous livrer un exposé d'une dizaine de minutes pour nous permettre de vous poser par la suite des questions pertinentes.

La parole est à vous.

[Traduction]

Mme Julia Shea (directrice, Santé publique, Services de nursing et d'éducation, Service de santé publique, ville de Toronto): Merci. Nous sommes heureux de pouvoir prendre la parole devant vous aujourd'hui au nom du Service de santé publique de la ville de Toronto.

Les contraintes financières qu'on impose actuellement à tous les paliers de gouvernement font que c'est un véritable défi que de respecter les engagements pris envers les enfants du Canada. Je songe notamment à la résolution adoptée en 1989 à la Chambre des communes par tous les partis visant à éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000, à l'affirmation du principe selon lequel les enfants devraient être les premiers à avoir accès aux ressources de toutes les nations, en période d'austérité comme de prospérité, au Sommet mondial pour les enfants organisé par les Nations Unies en 1990, ainsi qu'à la proposition du gouvernement actuel d'assurer la sécurité du revenu pour les enfants par le biais du processus d'examen de l'aide sociale.

Je félicite le comité d'avoir décidé d'étudier la santé des enfants, de tenir des consultations et de formuler des recommandations précises au gouvernement fédéral. Je suis convaincue que grâce à ce processus, les principes fondamentaux auxquels nous avons adhéré seront maintenus et concrétisés, et que nous maintiendrons le cap en dépit de la turbulence associée à la réduction des déficits.

Je vais vous parler de ce que je crois être la vision que nous partageons de l'équité pour tous les enfants au Canada sur le plan de la santé. C'est une vision dans laquelle tous les enfants peuvent exercer leur droit à des choses fondamentales comme l'accès à une alimentation convenable, au logement et à des services essentiels, à l'affection, à de bons soins, à la protection contre la violence sociétale et familiale et à une gamme complète d'ouvertures et de défis éducatifs.

Je tiens à dire à quel point le Service de santé publique de Toronto appuie avec enthousiasme les programmes de Santé Canada qui, à notre avis, sont des étapes vers la réalisation de cette vision. Cependant, je dois ajouter que nous nous inquiétons de l'orientation de la politique sociale fédérale, politique qui semble avoir pour conséquence d'aggraver la pauvreté enfantine, de renier des services cruciaux pour les familles ayant de jeunes enfants et peut-être même de miner la santé des enfants du Canada.

La santé des enfants est depuis toujours une priorité du Service de santé publique. Notre mandat, à l'instar de tous les services de santé publique de la province, est de prévenir la maladie et de protéger et de promouvoir la santé communautaire. Nous considérons l'enfance et la petite enfance comme des points de départ très importants car nous savons qu'en aidant au développement d'enfants sains nous jetons les assises d'une communauté saine. Si nous ne sommes pas en mesure d'identifier les problèmes ou d'augmenter la compétence des familles et de leurs enfants au cours de cette période précoce, il sera beaucoup plus difficile et coûteux de réagir plus tard.

Les services de santé publique ont un objectif pluridisciplinaire qui englobe des infirmières de santé publique, des nutritionnistes, des diététiciennes, des professionnels et des non-professionnels du développement communautaire, des médecins et des dentistes. Nous faisons la promotion de la santé chez les enfants dans notre communauté de diverses façons, notamment en organisant des programmes de sensibilisation sur la nutrition pour les parents, d'éducation des parents, de santé buccale, d'immunisation, de défense de cas et de politiques et d'organisation communautaire.

Une importante partie de notre travail de promotion de la santé enfantine se fait grâce à une collaboration avec Santé Canada, par le biais d'initiatives relevant de Grandir ensemble comme le Programme de l'art d'être parents - Personne n'est parfait, le Programme d'action communautaire pour les enfants, le Programme de nutrition prénatale du Canada, le Programme national d'allaitement maternel et le Programme des bébés en santé.

L'efficacité de ces programmes repose sur l'effectif du service et sur les membres de la collectivité qui y participent. Ces derniers ont réussi à rejoindre parents et enfants, à l'étape pré et postnatale, ainsi qu'au cours des années préscolaires, et contribuent à offrir des services essentiels pour améliorer la santé des enfants dans notre communauté, comme l'accès à des aliments nutritifs, un appui prénatal et une aide aux parents, des conseils sur l'art d'être parents et sur la santé, et le développement de réseaux communautaires.

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Malheureusement, le succès de ces programmes est assombri par l'incidence des réductions énormes aux transferts sociaux fédéraux-provinciaux. À la suite de l'élimination du Régime d'assistance publique du Canada en avril 1996 et de la création du Transfert social canadien, les transferts aux provinces pour les services sociaux et de santé devront absorber des compressions de 25 p. 100, soit environ 7,4 milliards de dollars, au cours des deux prochaines années.

En Ontario, on prévoit que cette perte se chiffrera à 990 millions de dollars environ en 1996-1997, et qu'elle atteindra les 3 millions en 1998-1999. Cela ne manquera pas de se traduire par des réductions supplémentaires aux programmes sociaux en Ontario, programmes qui ont déjà subi des coupures radicales depuis un an.

Au cours de l'année dernière, la situation des familles à faible revenu à Toronto a empiré, notamment pour ce qui est de l'accès aux composants de base d'une bonne santé. En octobre 1995, lorsque l'Ontario a réduit ses dépenses d'aide sociale de 21,6 p. 100, environ un enfant de moins de 18 ans sur trois vivait de l'aide sociale. Un tiers de ces enfants avaient moins de cinq ans. À l'heure actuelle, 30 p. 100 des enfants de Toronto vivent de l'aide sociale, et des milliers d'autres vivent dans des foyers qui doivent se débrouiller avec le salaire minimum. Par conséquent, plus d'un tiers des enfants de Toronto vivent dans la pauvreté, ce qui représente environ 35 000 enfants.

La Régie de la santé de Toronto sait que certaines familles vivant de l'aide sociale n'étaient pas capables de se procurer l'essentiel pour la santé même avant les coupures récentes. Nous pensons que la présente vague de réductions des services sociaux va miner encore davantage la santé des habitants les plus vulnérables de Toronto, les enfants. La baisse des taux d'aide sociale a laissé les familles avec des revenus plus de 40 p. 100 inférieurs au seuil de faible revenu de Statistique Canada.

En outre, la province de l'Ontario a dû couper radicalement les fonds des programmes de services sociaux destinés aux communautés à faible revenu. Par conséquent, les services sont réduits et, dans certains cas, supprimés précisément au moment où on en a le plus besoin. L'incidence cumulative de ces coupures sur les familles pauvres avec enfants a augmenté leur dénuement matériel et suscité chez eux un sentiment de désespoir.

Depuis sept mois, notre service participe à des projets qui commencent à identifier l'incidence sur la santé des coupures apportées à l'aide sociale et aux services communautaires. Nous contribuons à un projet de recherche participatoire de nature communautaire, à la coalition inter-agences du Toronto métropolitain, à des projets de recherche appuyés par le service de recherche sur la vie et la santé urbaines de l'Université de Toronto, et notre personnel de première ligne s'affaire à la collecte d'information liée à de la vie communautaire.

Même si ces projets n'en sont qu'au stade préliminaire, ils nous permettent d'obtenir des renseignements concrets quant aux difficultés que connaissent les familles à faible revenu avec enfants. D'après des renseignements émanant du service des centres d'accueil du Toronto métropolitain, les enfants représentent le groupe à la croissance la plus forte parmi les nouveaux sans-abri. Le nombre de familles dirigées par des femmes qui comptent sur des refuges a augmenté de 53 p. 100 en novembre 1995, comparativement à novembre 1994, alors que celui des couples avec enfants a augmenté de 27 p. 100. En janvier 1996, les demandes d'expulsion présentées par les propriétaires au bureau du shérif étaient de 25 p. 100 supérieures à l'année précédente.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Madame Shea, Mme Gilmore doit-elle aussi prendre la parole?

[Traduction]

Mme Shea: Non, nous allons simplement répondre aux questions ensemble.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Pourriez-vous terminer rapidement?

[Traduction]

Mme Shea: Au cours de la même période, le nombre de familles avec enfants qui ont eu recours à l'aide à l'enfance et qui ont dû partager des logements a doublé. Cette situation soulève des inquiétudes au sujet de l'adéquation et de l'encombrement des logements où habitent les enfants. Une étude sur la santé infantile en Ontario a constaté qu'on peut attribuer au manque d'espace à la maison un ralentissement du développement physique moteur du et intellectuel moteur et que cela peut expliquer le manque d'assiduité à l'école.

À l'heure actuelle, les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada, ainsi que tous les gouvernements du monde occidental, sont aux prises avec des déficits écrasants et essaient d'améliorer leur situation financière. Ce serait une erreur coûteuse que de se concentrer sur des solutions financières à court terme qui risquent de façon fortuite de nuire à la santé des enfants. Les pouvoirs publics doivent réagir face à ces écueils et formuler des stratégies qui atténueront l'incidence négative sur les enfants de cette période d'austérité.

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Nous savons que divers groupes, dont Campagne 2000, un groupe d'intervention, et l'Institut canadien de la santé infantile, ont proposé de constituer un fonds d'investissement social pour répondre aux besoins économiques précis des familles avec enfants. D'ailleurs, tout récemment, le premier ministre de la Saskatchewan, M. Romanow, a annoncé qu'il entendait présenter une proposition analogue à la prochaine conférence des premiers ministres.

Nous demandons instamment à votre comité de recommander que le gouvernement fédéral envisage et mette en oeuvre une stratégie de cette nature. Une telle stratégie devrait prévoir des normes nationales exécutoires qui feraient en sorte d'assurer à tous les enfants du Canada les mêmes chances de vivre en santé.

Merci.

Nous sommes disposées à répondre aux questions au sujet de nos programmes précis. Lorsque nous avons préparé notre exposé, nous ne savions pas qu'il aurait fallu les expliquer en détail. Nous n'avons fait qu'un survol.

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Szabo.

M. Szabo: Je n'ai qu'une ou deux brèves questions. Pouvez-vous dire au comité ce qui, à votre avis, constitue la pauvreté ou la pauvreté infantile?

Mme Joanne Gilmore (consultante en santé des parents et des enfants, Bureau de la santé publique, ville de Toronto): Ce qui constitue la pauvreté?

M. Szabo: Oui, vous en avez parlé. Vous avez dit qu'il y avait une augmentation de la pauvreté infantile. Il doit donc y avoir une...

Mme Gilmore: Nous nous fondons sur le principe du seuil de faible revenu de Statistique Canada.

M. Szabo: Quel est-il?

Mme Gilmore: Je n'ai pas le chiffre en tête. Je suis désolée.

M. Szabo: D'accord. Avez-vous une idée de la nature des familles en question? Plus précisément, s'agit-il de familles éclatées à la suite de divorces et de séparations? Quel pourcentage des familles dont nous parlons à Toronto sont dans cette catégorie?

Mme Gilmore: Je ne peux pas vous citer ces chiffres de mémoire. Je suis désolée.

M. Szabo: Si je soulève cette question c'est qu'à l'occasion d'une émission de ligne ouverte à Calgary, un expert a téléphoné pour m'interroger à ce sujet. J'avais fait une proposition pour venir en aide aux familles.

Il m'a dit que 50 p. 100 des familles vivant en milieu urbain étaient «divorcées» et m'a demandé ce que l'on pouvait faire pour elles? Si une famille a un revenu collectif de 35 000$ ou 40 000$ par an, cela représente un revenu moyen acceptable. En cas de rupture des parents, ce sont tous les membres de la famille qui, d'après la définition de Statistique Canada, vivent maintenant dans la pauvreté. La seule raison c'est que maintenant il y a une deuxième résidence à payer, ce que ne peuvent se permettre la plupart des personnes qui sont dans la salle compte tenu de leur situation financière actuelle.

L'éclatement du couple, le divorce, est sans doute la principale cause de la pauvreté infantile.

Mme Shea: Vous avez tout à fait raison.

M. Szabo: J'espère que tout en continuant de défendre les enfants qui malheureusement vivent l'éclatement de la cellule familiale, ce qui représente un pourcentage élevé des familles, vous prenez parallèlement des initiatives pour promouvoir les valeurs familiales, ce qui représente une bonne prévention. Voilà le genre de chose qui nous intéresse. Je suis sûr que votre organisation a des renseignements à ce sujet.

J'aimerais qu'en vous fondant sur votre expérience, vous puissiez nous dire combien... Vous avez parlé des familles dirigées par des femmes. Je connais un peu le dossier puisque j'ai déjà été membre de la Régie du logement de la région de Peel. La moitié des unités de logements sociaux étaient habitées par des familles dirigées par des femmes. Il y a lieu de se demander pourquoi. Il ne s'agit pas de mères célibataires. Ce sont des familles dirigées par des femmes. Elles n'étaient pas chefs de familles monoparentales dès le départ. C'est le résultat d'autre chose.

Une fois le problème cerné, il ne suffit pas nécessairement d'y consacrer beaucoup d'argent pour le régler. Le mot clé de notre étude est le mot «prévention». Nous essayons de déterminer la genèse de certains de ces problèmes. Je pense que l'éclatement de la famille est un facteur critique. Je suis sûr que vous avez des renseignements à ce sujet.

Mme Gilmore: Malheureusement, je n'ai pas apporté de statistiques. Je ne peux vous en citer de mémoire, mais vous avez raison. Mais ce n'est pas seulement l'éclatement de la cellule familiale qui crée les familles monoparentales. Le problème comporte deux composantes. Comme vous le dites, il y a un grand nombre de couples qui divorcent et où la femme se retrouve seule avec les enfants, ce qui l'amène à vivre dans la pauvreté. Il y a par ailleurs les femmes célibataires, habituellement des adolescentes, qui tombent enceintes alors que le mariage n'a même pas été envisagé.

Vous parlez de prévention, mais jusqu'où faut-il aller? Lequel vient en premier, la poule ou l'oeuf? À la ville de Toronto, nous passons beaucoup de temps à travailler dans les écoles... On peut s'efforcer de rejoindre les enfants quand ils sont encore jeunes, avant la puberté. Mais il ne suffit pas d'aller leur parler des différentes parties du corps, des changements qui vont se produire, etc. Il faut aussi leur expliquer comment prendre des décisions éclairées en matière de relations interpersonnelles et leur expliquer ce que c'est qu'une relation saine.

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Voilà le genre de choses que nous essayons de faire pour réduire la fréquence des ruptures familiales. Nous essayons aussi de faire de l'éducation sexuelle le plus tôt possible. Il faut essayer d'influer sur les décisions que prennent les adolescents, à savoir le moment où ils choisiront de commencer à avoir des relations sexuelles, la façon dont ils s'y prendront pour se protéger. Il faut les amener à penser à la protection.

Par ailleurs, il y a une tendance manifeste: Les filles de mères célibataires ont tendance à le devenir à leur tour. Les enfants qui sont élevés dans un milieu pauvre, par une mère célibataire qui vit aux crochets de l'assistance sociale, prennent leur mère comme modèle de comportement.

La situation comporte tant d'éléments culturels qu'on ne peut pas commencer à travailler avec des enfants de 12 ans. Il faudrait voir si nous ne pourrions pas intervenir plus tôt, lorsque les enfants sont jeunes. Nous pouvons travailler avec les mères pour les aider à acquérir de l'estime de soi, à s'accepter dans le rôle de mère et à stimuler leurs enfants. Elles peuvent faire un effort de réflexion sur ce que représente leur vie.

Grâce à ces programmes, nous enregistrons certains succès avec des mères qui, une fois qu'elles ont une meilleure image d'elles-mêmes, ont un sens d'appartenance à la communauté et sentent qu'elles peuvent réaliser quelque chose. Leurs perspectives changent et on peut espérer les réintégrer dans la main-d'oeuvre active.

Est-ce bien à cela que vous pensiez?

M. Szabo: C'est parfait.

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Volpe.

M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Merci, madame la présidente.

Je ne voudrais pas priver mes collègues de la possibilité de poser d'autres questions, car je pense que Mme Gilmore vient de se rapprocher du sujet que le comité veut aborder.

Une idée m'est venue à l'esprit lorsque j'écoutais la présentation de Mme Shea sur la situation actuelle. Je crois que dans l'une de vos études, avant les réaménagements financiers entrepris par le gouvernement fédéral, il y avait un graphique indiquant un point utopique où tout était parfait.

Mme Shea: J'en doute, mais c'est une bonne question.

M. Volpe: Il est important de la poser, car depuis les réaménagements financiers entrepris il y a quelques années, on note, d'après les autres statistiques que vous m'avez données, un lien de cause à effet entre les derniers budgets et la pauvreté dans ce domaine, du moins à Toronto. Il doit donc exister d'autres statistiques indiquant qu'auparavant, la situation était bonne.

Mme Shea: Je n'ai pas vraiment étudié ce sujet. Je doute qu'il existe des données sur la question, mais j'apprécie vos propos.

Mme Gilmore: Je ne sais pas s'il y a eu vraiment une époque où la situation était satisfaisante, mais il est bien certain qu'elle s'est détériorée. La banque alimentaire Daily Bread indique qu'entre 1995 et 1996, parmi les familles qui fréquentent cette banque alimentaire, il y a eu une augmentation de 68 p. 100 du nombre des enfants desservis, ce qui me semble très significatif.

M. Volpe: En effet, mais je ne suis pas certain qu'on puisse obtenir aujourd'hui une réponse indiquant pourquoi c'est significatif.

Cette banque alimentaire a commencé ses activités alors que Toronto connaissait la plus fameuse période de prospérité de l'histoire du pays. Les taux d'emploi à l'époque étaient très élevés. En fait, il y avait suremploi. Celui qui voulait un emploi en obtenait un. Je ne me trompe pas dans ce que je dis. Vous savez ce que je veux dire. Au milieu des années 1980, celui qui voulait un emploi à Toronto n'avait qu'à choisir, il pouvait en changer en cours de journée et en obtenir un autre avant la fin de l'après-midi.

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Je ne suis donc pas certain que le lien de cause à effet dont vous parlez soit universellement acceptable.

Mme Gilmore: Mais vous parlez des années 80. Peut-être que...

M. Volpe: Oui, mais vous avez parlé de la banque alimentaire, et elle a commencé ses activités...

Mme Gilmore: Je parlais de changements survenus l'année dernière.

M. Volpe: Elle a ouvert en plein milieu d'une période de prospérité. Vous semblez suggérer qu'il existe un lien de cause à effet lorsque l'argent abonde. Je me souviens d'une époque où l'argent coulait à flots, et c'est précisément à cette époque-là que la banque alimentaire a ouvert et a commencé ses activités.

Mme Shea: À cette époque, il ne devait s'agir que d'une réaction à une situation d'urgence.

M. Volpe: C'était une situation d'urgence en plein milieu d'une époque de prospérité. La réponse consisterait-elle à augmenter les crédits?

Mme Shea: Pas nécessairement.

Mme Gilmore: Ce n'est pas uniquement une question d'argent. Il faut mettre en oeuvre d'autres mesures de soutien pour les familles. Nos programmes ont enregistré certains succès.

Voulez-vous que je vous parle des programmes destinés aux futurs parents? À Toronto, nous sommes particulièrement fiers de nos programmes Healthiest Babies Possible, Healthy Beginnings et Parents Helping Parents.

Le programme Healthiest Babies Possible existe depuis un certain temps, et nous l'avons évalué. Il s'agit d'un programme de visites à domicile pour les femmes enceintes à risque élevé. Le programme ne porte pas uniquement sur la nutrition; il vise à soutenir et éduquer la future mère. Nous savons qu'en intervenant selon une approche holistique pour lui donner un soutien personnalisé et pour l'éduquer, nous pouvons réduire l'insuffisance de poids à la naissance. Nous avons déjà remarqué une différence et des améliorations importantes.

Le programme Healthy Beginnings a été entrepris en collaboration avec les banques alimentaires à l'intention des femmes enceintes, dont nous essayons de combler les besoins. Il y a maintenant des programmes parallèles dans le cadre de la nutrition périnatale et des programmes de soutien. Pour notre programme Parents Helping Parents, nous avons pris des travailleurs profanes et nous les avons formés...

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Je vous demanderais d'être brève parce que d'autres membres du comité voudraient vous poser des questions.

[Traduction]

Mme Gilmore: Bien. Si vous voulez que j'en reste là, c'est parfait.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Dubé.

M. Dubé: Je vous remercie de nous avoir présenté la situation particulière de Toronto.

Ayant siégé au Comité permanent du développement des ressources humaines, j'ai une bonne idée des effets des changements amenés par le Transfert social canadien.

Je vous dis tout de suite que je ne partage pas nécessairement l'opinion de M. Volpe là-dessus. Nous sommes dans des situations différentes sur le plan politique.

Vous êtes du Service de santé publique de la ville de Toronto. Il existe aussi des programmes et des services du gouvernement de l'Ontario en plus de ceux du fédéral dont Santé Canada. À Toronto, administrez-vous les programmes provinciaux et fédéraux ou avez-vous vos propres programmes?

Selon vous, y a-t-il dédoublement entre les trois niveaux de gouvernement en ce qui a trait au sujet dont on parle aujourd'hui, soit la santé des enfants? Y a-t-il un ménage à faire là-dedans? Tout est-il parfait ou s'agit-il simplement d'un manque d'argent?

[Traduction]

Mme Shea: Je peux peut-être commencer.

La situation n'est pas parfaite, mais je ne pense pas qu'il y ait de chevauchement. Nous sommes mandatés par la province de l'Ontario en vertu de la Loi sur la protection et la promotion de la santé pour assurer des services à la collectivité de Toronto. Il en va de même pour les 43 autres services de santé de la province de l'Ontario.

Par ailleurs, nous avons choisi de participer à certains programmes fédéraux, comme «Y a personne de parfait» et à l'occasion, nous ajoutons notre propre programme. Par exemple, les services de santé publique de la ville de Toronto sont financés conjointement par la province et la ville de Toronto. Nous obtenons 60 p. 100 de notre financement de la province pour exécuter les programmes qui nous sont confiés et 40 p. 100 de la ville de Toronto.

Les choses sont un peu différentes dans le reste de la province, mais les autres services de santé publique sont tous financés conjointement. La situation n'est pas parfaite, mais je ne pense pas qu'il y ait de chevauchement. Qu'en pensez-vous, Joanne?

Mme Gilmore: Non, je ne vois pas de chevauchement.

Mme Shea: C'est une formule très efficace. Elle nous donne la liberté d'entreprendre des programmes comme «Y a personne de parfait» et de le mettre en oeuvre dans nos communautés. Nous y trouvons des gens pour prendre la relève. Ce programme a même été l'une de nos plus grandes réussites. Mais nous exécutons également des programmes provinciaux, conformément aux directives que nous sommes tenus de respecter.

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[Français]

M. Dubé: Le gouvernement fédéral a procédé à des réductions dans le Transfert social canadien, et l'on connaît tous l'orientation du nouveau gouvernement de l'Ontario face au programme de compressions. La ville de Toronto a-t-elle fait la même chose en ce qui a trait aux 40 p. 100 dont elle est responsable?

[Traduction]

Mme Shea: Oui. Nous avons effectivement perdu du personnel. Nous avons fait l'expérience de ce qu'on appelle la rationalisation. Nous ne pouvons plus desservir le même nombre de personnes à tous les niveaux de la hiérarchie, de la direction supérieure au personnel de première ligne. Il faut trouver des solutions pour assurer le service avec des effectifs réduits, en réaménageant les priorités. En un sens, nous devons travailler plus intelligemment avec moins de ressources, comme tout le monde s'efforce de le faire.

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Scott.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci beaucoup, madame la présidente.

Je voudrais réagir à l'échange entre les témoins et M. Volpe sur l'abondance des emplois et l'argent qui coule à flots à Toronto; c'est un peu le rêve devenu réalité pour quelqu'un des Maritimes.

M. Volpe: Vous en faites l'expérience maintenant, alors que nous l'avons faite il y a dix ans.

M. Scott: Vous vous placez d'un point de vue macro-économique. Je constate l'exaspération que suscite le gouvernement en imposant toutes ces réductions de dépenses et en traitant le problème d'une manière qui est incompatible avec le reste de notre action. C'est ce que je constate, et je partage tout à fait ces préoccupations.

Cela étant dit, il faut néanmoins reconnaître que la société est actuellement le théâtre d'un phénomène qui nous dépasse. En effet, les citoyens sont de plus en plus réticents à fournir les ressources nécessaires au fonctionnement de ces programmes. Partout, on entend parler de réduction des impôts et des budgets gouvernementaux nécessaires à la réalisation des programmes. En tant que dirigeants responsables, nous ne sommes pas nécessairement tenus d'adhérer à ces points de vue, mais nous devons reconnaître qu'ils existent. Pour nous tous, c'est une obligation.

Nous pouvons analyser notre action afin de découvrir pourquoi les gens ne sont pas aussi favorables à ces programmes qu'ils devraient l'être, si vous voyez ce que je veux dire. Il faut établir un lien direct avec la population, de façon qu'elle comprenne exactement ce qu'implique une réduction des impôts, notamment en matière de disparition de programmes.

Il faut convaincre les Canadiens de la pertinence de ces mesures. Il n'est pas nécessaire d'accorder à qui que ce soit le bénéfice du doute, mais nous devons assurer le succès des programmes, de façon à convaincre les membres de nos collectivités de l'efficacité de leur exécution. Ils seront alors plus disposés à nous donner l'argent nécessaire à leur continuation.

Je dis cela pour répondre à vos interrogations concernant notre action. Je pense que ces programmes ont quelque chose d'utile. Certaines personnes estiment que jusqu'à maintenant, nous n'avons pas résolu certains problèmes en leur consacrant de l'argent. Mais je ne pense pas que nous puissions les résoudre en les privant de financement. Il faut trouver la solution la plus efficace.

En tout cas, ma question est simple. Savez-vous si des recherches ont été faites pour évaluer les différents systèmes d'affectation de ressources qu'on peut utiliser pour régler le problème très particulier qui nous occupe? Nous savons tous que les carottes sont meilleures que les «Smarties». Nous savons tous ce que nous devons savoir. L'information est disponible. Le problème, c'est qu'elle ne rejoint pas ceux à qui elle serait utile. Comment leur faire parvenir cette information, de façon qu'ils prennent les meilleures décisions sur le terrain? Que ce soit en matière d'alimentation, d'activités sexuelles ou autres, est-ce qu'on a fait de la recherche sur ce défi de marketing social?

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Mme Gilmore: Il n'y a pas eu de recherche détaillée à ce point. Nous savons que les stratégies multiples donnent de meilleurs résultats. Il ne faut pas miser sur une stratégie unique. Par exemple, certains enfants ont un poids inférieur à ce qu'il devrait être. On peut les aider en leur donnant une bonne alimentation, ou bien en leur proposant une stimulation psychosociale. Mais si on combine ces différentes formes d'interventions, on les aidera beaucoup plus.

Il existe donc de la recherche sur les stratégies multiples. Les services de santé ont recours à des stratégies globales et à des stratégies ciblées destinées à certains groupes de population. Vous me posez là une question de 64 millions de dollars.

M. Scott: Elle n'en vaut sans doute plus que 32 maintenant.

Mme Shea: Je ne pense pas qu'il s'agisse de recherche complète actuellement. S'il en existe, nous ne la connaissons pas.

M. Scott: Merci.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Nous n'avons plus le temps de vous poser d'autres questions. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer. Je suis désolée d'avoir dû interrompre votre exposé; c'était très intéressant mais notre horaire est chargé.

Je vous souhaite bonne chance dans vos démarches et dans le travail que vous faites auprès des pauvres. Ce que vous livrez à cette population la plus démunie, par le biais de vos services, est admirable. Merci beaucoup et bonne fin de journée.

Les prochains témoins sont de la Coalition de nutrition périnatale de Toronto.

Bonjour, mesdames. J'aimerais présenter aux membres du comité Mme Sonja Nerad, coordonnatrice du programme Healthy Beginnings, et Mme Maureen McDonald, coordonnatrice du Programme Parkdale Parents' Primary Prevention Project.

Mesdames, nous vous demandons de nous livrer un bref exposé d'une dizaine de minutes pour nous permettre de vous poser par la suite les questions pertinentes. Vous avez une demi-heure pour nous faire connaître les choses que vous avez à nous livrer en ce qui a trait à la santé des enfants.

[Traduction]

Mme Sonja Nerad (coordonnatrice du programme Healthy Beginnings, Coalition de nutrition périnatale de Toronto et programmes de soutien): Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Sonja Nerad et je suis coordonnatrice du programme Healthy Beginnings et Stop 103. Je suis accompagnée de Maureen McDonald, la coordonnatrice du programme Parkdale Parents' Primary Prevention Project, qui concerne également la ville de Toronto.

Mais aujourd'hui, nous représentons la Coalition de nutrition périnatale et des programmes de soutien de la ville de Toronto, qui a été formée en juin 1994. Cette coalition comprend sept programmes de nutrition périnatale et de soutien, qui visent à favoriser la santé et le bien-être de la mère et de l'enfant avant et après la naissance.

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Nos objectifs sont de proposer nos programmes aux femmes enceintes à risque élevé, de favoriser la collaboration et d'obtenir les fonds nécessaires à la réalisation des programmes, d'identifier les lacunes et d'intervenir de façon à assurer une couverture complète à Toronto, tout en évitant les dédoublements, de faciliter une évaluation permanente des programmes et de promouvoir un effort d'évaluation coordonnée, et de partager l'information, les stratégies et les ressources.

Mme Maureen McDonald (coordonnatrice du programme Parkdale Parents' Primary Prevention Project, Coalition de nutrition périnatale de Toronto): Au Canada, les cas de poids insuffisants à la naissance représentent 5,5 p. 100 de l'ensemble des naissances, alors qu'à Toronto, cette proportion est de 6,1 p. 100.

Nous savons que les soins immédiats requis par ces bébés coûtent extrêmement cher, soit1 500$ par jour, ce qui, compte tenu d'une durée moyenne d'hospitalisation de 40 jours, peut donner un coût total de 60 000$ par bébé.

Il existe un certain nombre de facteurs qui augmentent le risque de l'insuffisance de poids à la naissance. C'est notamment la pauvreté, une mauvaise alimentation avant et pendant la grossesse, la monoparentalité, les grossesses chez les adolescentes, l'insuffisance ou l'absence de soins prénatals, la présence d'un partenaire violent, le stress, le tabagisme, la consommation d'alcool, la toxicomanie et le stress en milieu de travail.

Environ 75 p. 100 des cas de décès ou de maladies du nouveau-né concernent des bébés nés avec une insuffisance de poids. La prévention de l'insuffisance de poids à la naissance permet de prévenir de graves problèmes de santé chez des bébés innocents et peut même leur sauver la vie, tout en épargnant au système des soins de santé et aux contribuables le coût des soins immédiats requis par ces enfants.

Il faut ajouter aux coûts chroniques imposés au système des soins de santé par les cas d'insuffisance de poids à la naissance les coûts émotionnels et psychologiques associés à l'investissement permanent dont les familles ont besoin. Des études montrent que l'élément le plus important pour un bon développement de l'enfant, c'est la sollicitude que lui témoigne sa famille.

Lorsqu'une nouvelle mère manque d'estime de soi et de confiance en elle-même, elle risque de ne pas pouvoir établir les liens d'attachement particulièrement indispensables à l'enfant à cette étape essentielle de son développement, ce qui risque d'avoir des conséquences pour les relations entre la mère et l'enfant pendant toute la vie de ce dernier. C'est pourquoi il est essentiel que les programmes canadiens de nutrition soient très complets et s'étendent au-delà de la période de six mois qui suit la naissance pour venir en aide aux parents au cours des premières étapes du développement de l'enfant.

Les programmes canadiens de nutrition prénatale et d'action communautaire destinés aux enfants sont non seulement un bon investissement, mais également un investissement essentiel pour l'avenir du Canada. À STOP 103, par exemple, dont le budget provient à 15 p. 100 du programme canadien de nutrition périnatale, le taux d'insuffisance de poids à la naissance était de 4,7 p. 100 en 1995, c'est-à-dire un taux bien inférieur à la moyenne nationale. Dans le reste de la collectivité, ce taux était de 6,7 p. 100.

L'efficacité de ces programmes saute aux yeux à la lecture des données. Un programme complet de soutien et de nutrition périnatale coûte environ 60 000$ par an. Si chaque programme permet d'éviter un seul cas d'insuffisance de poids à la naissance, il justifie ainsi son financement.

Les éléments essentiels de ces programmes interviennent à l'occasion de visites informelles, et notre but est de rejoindre le plus grand nombre de femmes enceintes à risque élevé. Par conséquent, les membres de la famille étendue, les frères et soeurs plus âgés, les amis et les enfants sont les bienvenus.

Nous avons des bénévoles que nous recrutons spécifiquement en fonction des besoins linguistiques des participantes. Tous les programmes sont de nature communautaire et collaborative; ils sont exécutés par des équipes multidisciplinaires comprenant des infirmières, des diététiciens, des travailleurs sociaux, des visiteurs à domicile, des spécialistes en éducation de la petite enfance et des travailleurs communautaires. Il en résulte une réaction plus holistique aux problèmes polymorphes complexes auxquels doivent faire face les femmes enceintes à risque élevé.

Les programmes comprennent un service de counselling en situation de crise et des mesures de soutien individuel et collectif. Ils proposent également des séances d'éducation informelle et, parfois, des cours prénatals plus structurés. Le personnel assure une éducation permanente grâce à des vidéos, des cours et de la documentation présentés en différentes langues.

On ne juge personne, on répond aux besoins des participantes et on essaie de rejoindre tous les éléments de la population de Toronto. Pour faire en sorte que les programmes répondent bien aux besoins des participantes, ces dernières interviennent dans leur gestion par l'intermédiaire des conseils consultatifs. Comme il s'agit de programmes collaboratifs et que les organismes du partenariat travaillent en coopération étroite, les participantes peuvent être référées d'un programme à un autre; on évite ainsi de les laisser sans ressource pour le cas où elles auraient encore besoin de soutien pendant les premières étapes du développement de leur enfant.

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Par exemple, à Parkdale, le centre des ressources parent-enfant est l'un des partenaires du projet. Il offre de l'aide aux familles pendant la petite enfance et les années préscolaires. Le service de santé publique de Toronto applique un programme appelé Parents Helping Parents, grâce auquel des infirmières assurent un suivi auprès des nouvelles mères chez qui on a décelé un risque élevé; il y a donc une gestion intensive et personnalisée des dossiers des familles les plus vulnérables.

Nous veillons à ce qu'aucun dossier ne soit égaré. Nous pouvons assurer un suivi et aider les femmes à faire des choix d'orientation positifs pour elles-mêmes pendant toute la période préscolaire de leur enfant. Nous leur assurons l'accès à des services de garderie officiels ou informels. Lorsqu'elles rendent visite au centre, les femmes participent à différentes activités, notamment à des démonstrations de tricot, de couture et de cuisine, où elles peuvent faire connaissance.

Mme Nerad: Les programmes canadiens de nutrition périnatale financent la fourniture de suppléments alimentaires à Toronto. Cette mesure fait suite à de nombreuses études qui ont établi un lien entre l'alimentation et l'issue de la grossesse.

Les fonds permettent de fournir chaque semaine du lait et du jus d'orange aux participantes. Malheureusement, cela ne suffit pas à modifier sensiblement leur régime alimentaire. Lorsqu'une femme a d'autres enfants, elle leur accorde la priorité sur elle-même et sur l'enfant à naître. On ajoute donc au lait et au jus d'orange des paniers d'alimentation fournis par les banques alimentaires locales.

Autrefois, la qualité des approvisionnements des banques alimentaires dépendait des collectes de denrées, mais elle était assez constante vers la fin de l'été et de l'hiver. Néanmoins, depuis les restrictions de l'assistance sociale imposées en octobre dernier en Ontario, la clientèle des banques alimentaires a augmenté de 50 p. 100, alors que les approvisionnements sont restés les mêmes. C'est pourquoi l'aide alimentaire destinée aux femmes enceintes diminue rapidement.

Nos programmes proposent également de l'information concrète sur la façon de cuisiner à prix modique et sur la valeur nutritive des aliments. Au cours des visites, on propose des goûters nutritifs. Récemment, le personnel a cependant remarqué que les participantes sont de plus en plus nombreuses à faire de ces goûters leurs petits déjeuners ou leurs déjeuners.

Nous savons par expérience que les femmes apprennent beaucoup les unes des autres, c'est pourquoi nos programmes favorisent l'aide et le soutien mutuels, en particulier dans des domaines comme l'allaitement et l'établissement d'un lien affectif entre la mère et l'enfant.

L'évaluation est aussi un élément important. Elle nous permet de contrôler l'efficacité des programmes et de veiller à ce qu'ils suivent l'évolution des besoins des familles. Après les consultations, le personnel se réunit chaque semaine pour étudier l'évolution du programme et pour décider de son orientation future.

La plupart des programmes proposent une aide matérielle sous forme d'équipement et de vêtements pour les enfants. À la fin du programme post-natal, chaque participante reçoit une photo-souvenir.

Mme McDonald: Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle essentiel dans les premières phases de développement des enfants en maintenant ou en augmentant sa participation aux programmes de nutrition périnatale. Je voudrais maintenant résumer les thèmes abordés au cours de cet exposé, qui figurent dans le mémoire que vous allez recevoir.

Les programmes de nutrition périnatale et les programmes d'action communautaire destinés aux enfants sont non seulement un investissement sage, mais également un investissement essentiel pour l'avenir des enfants et du Canada.

Le gouvernement fédéral doit assurer un financement de base stable aux programmes intégrés de nutrition et d'aide périnatales. Ces programmes ont permis de réduire l'insuffisance de poids à la naissance dans les cas à risque élevé. Un programme complet coûte environ 60 000$ par an. Si chaque programme permet d'éviter un cas d'insuffisance de poids à la naissance, cela suffit à justifier son financement.

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Il importe de reconnaître la totalité du coût des besoins en suppléments alimentaires. Une bonne partie des denrées offertes par les programmes est fournie en nature par des organismes de charité.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Je vous demanderais de terminer rapidement, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme McDonald: Bien.

Du fait de l'augmentation de la demande auprès des banques alimentaires, l'aide alimentaire destinée aux femmes enceintes diminue rapidement. Le gouvernement fédéral pourrait aussi jouer un rôle décisif pour informer le public de l'importance de la santé périnatale, en particulier pour les femmes à risque élevé.

Nous vous remercions d'avoir écouté notre exposé. En conclusion, je voudrais dire qu'il faut tout un village pour élever un enfant, et qu'on ne l'élève pas seulement avec du pain.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Merci. Monsieur Dubé.

M. Dubé: Je vous félicite pour ce que vous faites. Les images nous aident à comprendre. J'aimerais savoir d'où vient le financement de votre programme. Vous dites que vous souhaitez que le gouvernement fédéral maintienne un certain niveau de financement. Recevez-vous directement du gouvernement fédéral de l'aide pour ce programme?

[Traduction]

Mme McDonald: Oui. Le programme d'action communautaire pour enfants de Santé Canada finance des programmes dans toutes les régions du pays. Mon projet a différentes sources de financement. Nous avons un programme prénatal ainsi que d'autres programmes qui vont au-delà de la période prénatale. Les programmes de nutrition prénatale sont financés par Santé Canada.

[Français]

M. Dubé: Êtes-vous subventionnés par le gouvernement provincial ou par la ville de Toronto?

[Traduction]

Mme McDonald: Non, nous ne sommes subventionnés que par des fonds provinciaux et municipaux, nous recevons une aide en nature et nous recevons le soutien de nos organismes partenaires. Nous recevons une aide en nature sous la forme du temps que nous consacrent chaque semaine deux infirmières et un diététicien spécialiste en santé publique. Par ailleurs, les locaux sont mis gratuitement à notre disposition et on nous fournit gratuitement un soutien administratif.

Mme Nerad: Pour compléter ce que vient de dire Maureen, son programme est financé par l'intermédiaire du programme d'action communautaire pour enfants et de son élément prénatal. La plupart des autres programmes de soutien alimentaire prénatal à Toronto sont financés par le projet canadien de nutrition prénatale, qui offre une base de financement beaucoup plus modeste, et ces programmes ne proposent donc pas le soutien postnatal étendu qu'offre le projet Parkdale.

Comme je l'ai indiqué, environ 15 p. 100 de mon projet est financé par Santé Canada. Le reste du financement provient de sources locales.

[Français]

M. Dubé: Et le reste?

[Traduction]

Mme Nerad: Le reste des fonds provient de sources locales par l'intermédiaire de l'organisme qui parraine le programme. Évidemment, il s'agit d'un programme très instable, car nous ne savons jamais si nous allons disposer des fonds nécessaires pour poursuivre la coordination du projet.

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Szabo.

M. Szabo: Votre exposé était très intéressant.

Connaissez-vous bien le SAF?

Mme McDonald: S'agit-il du syndrome d'alcoolisme foetal?

M. Szabo: Oui.

Mme McDonald: Oui, je le connais.

M. Szabo: Dans ce cas, vous savez sans doute qu'il occasionne un retard de croissance et qu'il a sans doute une incidence sur l'insuffisance de poids à la naissance. Avez-vous une idée du pourcentage des enfants victimes de ce syndrome parmi les gens dont vous vous occupez?

Mme McDonald: En fait, nous demandons à toutes nos participantes si elles consomment de la drogue ou de l'alcool. Lorsqu'elles en consomment, elles sont référées à un programme spécifique qui leur propose une aide plus efficace.

À la demande de Santé Canada, nous procédons à un cycle d'évaluation sur deux ans qui nous permet d'assurer un suivi à partir de ces questions et d'observer les résultats sur une période de deux ans. Mais dans l'immédiat, je ne peux pas vous parler de ces résultats.

.1025

M. Szabo: Savez-vous si le phénomène est fréquent?

Mme McDonald: Non, il ne l'est pas... La population de Toronto est très diversifiée, et nos participantes viennent de milieux culturels très divers. Bien souvent, la consommation d'alcool ne fait pas partie de leurs traditions. Nous leur posons la question et nous assurons un suivi lorsqu'elles répondent par l'affirmative, de façon à les aider plus efficacement, mais je pense que les femmes qui consomment de l'alcool ne représentent actuellement qu'une très faible proportion de nos participantes.

M. Szabo: Nous avons étudié cette question dans le cadre d'un sous-comité du Comité de la santé. Ce qu'on remarque à propos du SAF, c'est qu'il ne nécessite pas une consommation importante d'alcool. Le syndrome est parfois dû à une consommation occasionnelle lors d'événements spéciaux et selon les circonstances, c'est comme si la femme enceinte jouait à la roulette et perdait tout.

Avez-vous l'intention d'approfondir cette question? Étant donné que l'un des effets principaux du syndrome d'alcoolisme foetal est le retard de croissance, qui intervient nécessairement dans les cas d'insuffisance de poids à la naissance, est-ce que votre mandat ne devrait pas comporter un volet d'éducation ou de promotion de l'éducation dans ce domaine?

Mme McDonald: En fait, nous intervenons déjà dans ce domaine lorsqu'une femme signale que l'alcool lui pose un problème. Mais dans notre communauté proprement dite, c'est non pas l'alcool, mais la consommation d'autres drogues illicites comme l'héroïne et le crack qui fait problème.

L'un de nos organismes commanditaires est un grand hôpital. Il a entrepris un programme de distribution de méthadone à l'intention des femmes enceintes, qui leur assure un soutien constant pendant toute la grossesse. Il existe également d'excellents programmes intégrés qui sont organisés par la ville de Toronto. L'un d'entre eux s'appelle «Breaking the Cycle»; c'est un programme d'action communautaire destiné aux enfants. Voilà autant de mesures qui concernent le syndrome d'alcoolisme foetal.

M. Szabo: Une dernière question. Avez-vous une idée du coût total d'un cas d'insuffisance de poids à la naissance? Combien cela coûte-t-il aux Canadiens?

Mme McDonald: Si le bébé nécessite une hospitalisation de 40 jours, il en coûte 60 000$.

M. Szabo: Merci.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Y a-t-il d'autres questions? Mesdames, je vous félicite pour l'excellent travail que vous faites autour de vous, auprès de ces femmes qui en ont besoin. Je sais que lorsqu'on travaille dans des programmes communautaires, il faut donner beaucoup de son temps. Souvent, la rémunération n'est pas tellement élevée. On sait que ces programmes sont subventionnés et que celles qui en paient le prix sont celles qui y militent. Vous devez vous sentir valorisées lorsque vous rencontrez ces femmes qui viennent vous revoir et qui ont pu donner naissance à des enfants en pleine santé. Je vous félicite et je vous encourage à continuer votre bon travail. Merci.

[Traduction]

Mme McDonald: Merci beaucoup.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Nous allons faire une pause de quelques minutes.

.1029

.1035

La vice-présidente (Mme Picard): Nous reprenons nos travaux. Nous avons le plaisir de recevoir nos derniers témoins. Ce sont, du Dispensaire diététique de Montréal, Mme Louise Desaulniers, présidente, et Mme Marie-Paule Duquette, directrice administrative.

Mesdames, nous vous demandons de nous livrer un bref exposé d'un dizaine de minutes pour que nous puissions vous poser par la suite des questions pertinentes.

Je vous rappelle que nous devons quitter cette salle à 11 h. Mesdames, la parole est à vous.

Mme Louise Desaulniers (présidente, Dispensaire diététique de Montréal): Je remercie les membres du comité de nous avoir invitées.

Je voudrais d'abord vous présenter la mission du Dispensaire diététique de Montréal, qui existe depuis déjà 116 ans. La mission précise du Dispensaire est de promouvoir la santé dans la communauté et particulièrement la santé des femmes enceintes dont la grossesse présente des risques.

Je vais demander à notre directrice administrative de vous brosser un tableau beaucoup plus concret de nos activités.

Mme Marie-Paule Duquette (directrice administrative, Dispensaire diététique de Montréal): Sur les transparents, on voit la maison du Dispensaire. Au Dispensaire, on reçoit chaque année au-delà de 2 600 femmes enceintes de milieux défavorisés.

L'indicateur de pauvreté de ces femmes-là se lit facilement. En effet, 97 p. 100 d'entre elles ont un revenu insuffisant et 10 p. 100 d'entre elles n'ont aucune source de revenu. Entre 10 et 14 p. 100 des mamans qui nous sont envoyées n'ont pas un cent pour manger ou payer leur loyer. Trente pour cent d'entre elles n'ont pas atteint neuf ans de scolarité, 10 p. 100 sont des adolescentes âgées de 12 à 17 ans, plusieurs sont des jeunes qui ont connu des problèmes de santé et à peu près 30 p. 100 ont des problèmes de santé.

Si on veut améliorer la santé des enfants, il faut prévenir la naissance de bébés de faible poids. Actuellement, au Canada, un enfant sur 17 qui naissent pèse moins de 2 500 grammes à la naissance, donc moins de cinq livres et demi.

On sait également que parmi ces bébés de petit poids, un sur six pèse moins de 1 500 grammes et risque beaucoup de souffrir d'handicaps physiques et mentaux et d'autres problèmes. Également, ce sont des bébés qui coûtent très très cher à la société.

On sait que le taux des bébés de petit poids s'est maintenu à 6 p. 100 au cours des 10 dernières années au Canada, alors que dans les pays développés, il est d'environ 4 p. 100.

On sait que

[Traduction]

l'insuffisance de poids à la naissance constitue une charge très lourde pour le système de soins de santé.

[Français]

Un bébé de petit poids, comparativement à un bébé de poids normal, a trois fois plus de risques de souffir d'un retard mental, de paralysie cérébrale ou d'un learning disability. Ces enfants sont plus maladifs, ils ont sept fois plus de chances d'être victimes d'abus ou de négligence et d'adopter plus tard un comportement de criminel.

Vous avez probablement tous pris connaissance du child at risk dont le Sénat avait détaillé toute la problématique.

Chez les enfants de petit poids, les maladies cardiovasculaires, le diabète et l'hypertension sont beaucoup plus fréquents.

Tout le monde est affecté par la naissance de ces bébés de petit poids. Il y a les parents, les grands-parents et aussi toute la société, parce qu'ils coûtent très très cher.

Chaque année, au Canada, comme l'indiquent les études de coûts-bénéfices qui ont été menées au Dispensaire, on dépense au moins 130 millions de dollars pour les soins des bébés de petit poids à la naissance. Ces chiffres sont basés sur des études de coûts-bénéfices qu'on a faites au Dispensaire.

.1040

La pauvreté est le premier des facteurs qui peuvent être associés à la naissance d'un bébé de petit poids. C'est vraiment le facteur numéro un. Dans cela, on trouve un cumul de facteurs. Actuellement, en milieux défavorisés, les taux de bébés de petit poids vont de 10 jusqu'à 16 p. 100, comparativement au taux de 4 ou 5 p. 100 qu'on constate dans des milieux non défavorisés.

Selon le docteur Kramer, dans 75 p. 100 des cas, le faible poids des bébés est attribuable à un apport nutritionnel insuffisant et à un poids prégravide insuffisant, c'est-à-dire à la maigreur de la mère. Les bébés de petit poids naissent aussi de personnes de petite stature, de personnes qui ont connu des histoires obstétricales décevantes, qui ont eu un bébé de petit poids auparavant, et de femmes qui fument. Ces conditions se retrouvent chez la majorité de la clientèle que l'on voit au Dispensaire.

Quand les clientes nous sont recommandées, on fait un relevé alimentaire et on se rend compte que 56 p. 100 des mamans n'ont pas un apport suffisant en protéines pour répondre à leurs besoins nutritionnels en plus des besoins nutritionnels de l'enfant qu'elles portent.

Dans 16 p. 100 des cas, ces mamans souffrent de maigreur et dans 28 p. 100 des cas, elles n'ont pas gagné dix livres à la 20e semaine de grossesse. Également, dans 30 p. 100 des cas, elles ont eu antérieurement un bébé de faible poids et dans 15 p. 100 des cas, elles fument. Les femmes qui fument sont surtout d'origine canadienne et de jeunes adolescentes.

Au Dispensaire, on a mené une étude sur les coûts du loyer pour voir quel pourcentage de leur revenu les familles devaient dépenser pour payer le loyer. Elles dépensent 46 p. 100 de leur revenu pour se loger. C'est donc dire qu'il ne reste plus rien pour se nourrir.

Sur la diapositive suivante, on voit que quand les familles doivent dépenser 46 p. 100 de leur revenu pour se loger, il ne leur reste que 10 p. 100 de leur revenu pour la nourriture. C'est pourquoi on assiste à une multiplication des banques alimentaires. Ces femmes sont vraiment mal nourries.

Finalement, on sait qu'une maman qui débute sa grossesse dans un état nutritionnel déficitaire devra apporter des ajustements nutritionnels très importants pour assurer un développement optimal à l'enfant. Dans nos études, on voit qu'une intervention peut permettre de réduire de 50 à 75 p. 100 l'incidence de bébés de petit poids et de réduire de 55 p. 100 l'incidence de bébés de très petit poids à la naissance, ceux qui pèsent moins de 1 500 grammes.

On a fait une étude sur les enfants d'une maman qui a eu une première grossesse sans un suivi au Dispensaire et une seconde grossesse avec un suivi au Dispensaire. Le poids du bébé traité était supérieur de 107 grammes, et l'incidence des bébés de petit poids avait été réduite de 52 p. 100.

Certaines clientes nous arrivent tard dans leur grossesse et d'autres plus tôt. Donc, très souvent, on n'a pas le temps d'intervenir. Si on peut avoir quatre contacts diététiste-cliente, on augmente le poids du bébé de 200 grammes et on réduit l'incidence de bébés de faible poids de 78 p. 100. Les mamans qui, au départ, étaient mal nourries et n'avaient pas un apport en protéines suffisant ont donné naissance, après notre intervention, à des bébés dont le poids était supérieur de 275 grammes au poids du bébé précédent, qui n'avait pas été traité. On a constaté une réduction de 67 p. 100 du taux de bébés de petit poids. Comme je l'ai dit plus tôt, 56 p. 100 des mamans sont mal nourries quand elles viennent nous voir pour la première fois.

On a également essayé de voir si notre intervention avait le même impact chez les adolescentes. On s'est rendu compte qu'on a réussi à réduire de 47 p. 100 l'incidence de bébés de très petit poids à la naissance. Notre intervention a aussi un effet sur la prématurité.

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Ce tableau a trait aux grossesses gémellaires. Ce sont deux populations à très haut risque de donner naissance à des bébés de petit poids. Par notre intervention, on diminue l'incidence des bébés de faible poids à la naissance chez ces deux groupes: les adolescentes et les grossesses gémellaires et ce, de façon très significative. Il est très rare que des études aient pu démontrer aussi clairement une telle réduction.

Comment en arrive-t-on à avoir un tel effet? Nous avons mis au point une façon très efficace de cibler les clientes à très haut risque et de déterminer quelles sont celles qui ont besoin du supplément alimentaire. On a mis au point ce qu'on appelle une table d'adéquation de revenu. Quand la cliente vient nous voir, on détermine si elle a un revenu suffisant pour bien s'alimenter et le degré de risque qu'elle présente.

Au Dispensaire, on reçoit au-delà de 3 000 mamans qui font appel à nos services. Cette année, on a pu en aider financièrement 2 600 avec nos budgets de subsistance. On établit ce qu'il en coûte au minimum pour se maintenir en santé. À moins de cela, la santé des membres de la famille est affectée. Quatre-vingt dix-huit pour cent de nos clientes n'ont pas ce minimum. Si on doit vivre avec ce minimum, il faut un diplôme universitaire pour pouvoir gérer son argent.

C'est la grille d'adéquation de revenu qui nous permet de déterminer qui peut recevoir le supplément alimentaire.

La vice-présidente (Mme Picard): Je vous demanderais de terminer brièvement.

Mme Duquette: On fournit à nos mamans un supplément alimentaire. On fait des ajustements nutritionnels pour ces mamans et on leur fournit un supplément alimentaire, un litre de lait et des vitamines. Également, c'est avec de la compréhension qu'on peut amener les mamans à créer le lien mère-enfant. On encourage les mamans à allaiter. Une chose est importante: c'est la réduction de 50 p. 100 des bébés de petit poids. On a déterminé dans nos études de coûts-bénéfices que, pour chaque dollar investi, on épargne huit dollars.

Dernièrement, le PCNP nous a fourni une subvention de 70 000$. On a pu donc s'occuper de 293 mamans dont 200 ont accouché avant le 31 mars. Le coût est donc de 350$ par maman. Ces70 000$ nous ont permis de faire économiser plus d'un demi-million de dollars au gouvernement. Je puis vous dire également que 94 p. 100 de nos mamans ont allaité et allaitent encore leur bébé. On leur donne un appui qui est très profitable pour le futur.

S'il y avait des programmes semblables partout au Canada, la somme de 165 millions de dollars qu'on dépense actuellement pourrait être réduite. On pourrait facilement épargner 65 millions de dollars par année en intervenant auprès des mamans durant leur grossesse.

Mme Desaulniers: Dans l'équipe, il y a une diététiste qui, à l'aide de l'évaluation du risque, peut offrir une intervention nutritionnelle adéquate qui, dans un très petit laps de temps, a des résultats à la naissance. Nous recommandons que les services d'une diététiste formée à cette méthode soient inclus dans les projets financés par le PCNP.

Compte tenu de tout ce que Mme Duquette a dit - je ne reviendrai pas sur l'efficacité et le coût minime de 350$ par grossesse qui comprend tous les frais - , nous recommandons qu'une plus large proportion du financement soit accordée à des agences qui appliquent une méthode semblable à la nôtre ou qui seraient formées à cette méthode, qui leur permettrait d'atteindre notre taux d'efficacité. Quand on veut atteindre un taux de bébés de petit poids de 4 ou 5 p. 100, il faut prendre les moyens qui se sont avérés efficaces. Le Dispensaire fait ses preuves depuis au-delà de 50 ans.

Le programme canadien, par des subventions, nous a permis d'offrir à d'autres diététistes du Québec, et du Canada, nous l'espérons, de suivre un stage de perfectionnement de quatre semaines au Dispensaire pour appliquer cette méthode qui donne des résultats. On vous recommande fortement de nous accorder des sommes d'argent pour continuer à le faire et d'encourager les organismes communautaires à suivre cette méthode.

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L'actuel premier ministre est venu lancer son programme au Dispensaire et, en se basant sur l'expérience et les résultats du Dispensaire, a souhaité que cette méthode soit utilisée partout au Canada. On souhaiterait également qu'on forme les personnes qui interviennent auprès des femmes enceintes.

Nous avons mis au point un screening system pour évaluer celles qui sont vraiment à risque sur le plan nutritionnel. Comme Marie-Paule le disait, les études sont très éloquentes. L'intervention nutritionnelle à ce moment-là a des effets très percutants sur la santé du bébé et contribue à réduire les coûts de santé par la suite.

L'expertise du Dispensaire est même imitée par le fameux programme WIC aux États-Unis, qui n'obtient que 25 p. 100 de réduction parce qu'il n'applique pas notre méthode parfaitement. Quand elle est bien suivie et qu'on a eu la chance de former les gens à cette méthode, on a des résultats extraordinaires. On aide toute la société, de même que les portefeuilles, à être en meilleure santé.

Ce sont nos recommandations. On vous remercie de nous avoir écoutées.

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Dubé.

M. Dubé: Vous existez depuis 1879. Vous avez parlé principalement de votre programme, mais vous avez aussi parlé d'une soupe populaire que vous organisez.

Mme Desaulniers: Le Dispensaire était au début une soupe populaire. À ce moment-là, on répondait à tous les besoins de la communauté et des personnes âgées. Mais on s'est rendu compte, dans les années 1950, que les femmes enceintes étaient les plus à risque sur le plan nutritionnel.

Nous développons notre expertise depuis environ 40 ans. Nous recevons prioritairement et même exclusivement les femmes enceintes parce que la demande est tellement plus grande aujourd'hui et que notre expertise est dans ce domaine. Elle est reconnue internationalement.

M. Dubé: Ce sont des gens à l'externe.

Mme Desaulniers: Le Dispensaire est une maison. C'est très accueillant.

M. Dubé: Elles n'y demeurent pas.

Mme Duquette: Elles viennent sur rendez-vous à tous les 15 jours. J'ai beaucoup parlé de l'intervenante, mais au Dispensaire, il y a aussi une dizaine de personnes rémunérées et 120 bénévoles. En plus, il y a des bénévoles qui vont chercher de la nourriture pour nos cuisines. Cette nourriture est donnée aux mamans qui en ont vraiment besoin. Quinze pour cent de nos mamans n'ont pas un cent, n'ont pas d'aide sociale ou d'assurance-chômage. Elles n'ont rien. Il faut donc trouver des moyens pour les nourrir. On leur offre un litre de lait et un supplément d'oeuf par jour. Parfois on leur offre ce qu'on a dans nos cuisines et on fait appel à d'autres membres de la communauté pour les aider.

Entre autres, je pense à une maman enceinte qui a été parrainée par son mari; elle essaie maintenant d'obtenir un bris de parrainage. On en a discuté avec son avocat dernièrement. Il dit qu'elle a perdu sa demande de parrainage et qu'il faudra encore un an avant qu'elle ait de l'argent. Elle n'a pas payé son loyer depuis le mois de décembre. Donc, elle a été évincée. Elle était dans la rue, enceinte. Cela se vit encore ici, au Québec.

M. Dubé: Vous n'êtes pas uniquement financés par le programme. Pouvez-vous nous dire d'où proviennent vos revenus en pourcentages?

Mme Duquette: Cette année, Centraide nous accorde 50 p. 100 de notre budget; 20 p. 100 provient du ministère de la Santé du Québec et 3 ou 4 p. 100 provient du fédéral, dans le cadre du Programme canadien de nutrition prénatale; et environ 30 p. 100 vient des levées de fonds faites par les membres du conseil.

.1055

La vice-présidente (Mme Picard): Y a-t-il d'autres questions? Mesdames, je vous remercie beaucoup de vous être déplacées et nous avoir parlé de la façon dont le Dispensaire diététique de Montréal veille sur la santé des femmes enceintes, des femmes qui en ont besoin, des plus démunies. Je vous invite à continuer votre excellent travail.

Votre exposé et vos commentaires nous seront très utiles pour qu'on puisse faire, dans notre rapport, les recommandations nécessaires au ministère. J'ai trouvé cela très intéressant parce que vous nous apportez des chiffres qui sont très révélateurs quant aux soins que vous dispensez. Merci beaucoup.

M. Dubé: Pourriez-vous rendre disponible au comité l'étude sur les logements?

Mme Duquette: Oui. Je pourrais également vous laisser nos rapports annuels. Je voudrais aussi vous laisser le rapport condensé de ce qu'on a fait, l'an dernier, avec la subvention de 70 000$ et l'argent qu'on a reçu pour la formation.

M. Dubé: Vous êtes parmi les témoins qui ont fait la preuve, au plan scientifique, que leur méthode avait un impact précis.

La vice-présidente (Mme Picard): On vient de me demander si vous pourriez nous fournir vos acétates ou des copies de ces acétates.

Mme Duquette: Oui.

La vice-présidente (Mme Picard): Ce serait bien.

Mme Duquette: Également, je vous ai apporté le petit bulletin qui décrit la matinée d'une diététiste. C'est pour vous donner une idée du style de nos clientes, de leur pauvreté finalement. On a des groupes de mamans qui se rencontrent. On encourage l'allaitement. Certaines mamans aident d'autres mamans qui allaitent. On a aussi des bénévoles qui s'occupent de la nourriture et des vêtements d'enfants. On recueille tous les vêtements d'enfants qu'on peut avoir. En bout de ligne, on est très fières de nos bébés.

La vice-présidente (Mme Picard): Félicitations!

La séance est levée.

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