[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 février 1997
[Traduction]
Le vice-président (M. Dhaliwal): La séance est ouverte.
Tout d'abord, je souhaite la bienvenue aux témoins de ce matin. Si j'ai bien compris, chacun des groupes représentés aimerait faire un exposé de cinq minutes avant de passer à la période des questions. Cela me convient.
Nous avons deux groupes, le Drug Education Coordinating Council, puis Mothers Against Drunk Driving and Parents Against Drugs. Voilà donc les deux groupes, mais il y a aussi le Council on Drug Abuse and Concerns Canada. Commençons par M. Burford.
M. Fred Burford (président, Conseil sur l'usage abusif de la drogue): Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, je vais faire une introduction afin que vous sachiez qui sont les témoins.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Très bien.
M. Burford: Ensuite, je présenterai l'exposé du Conseil sur l'usage abusif de la drogue.
Bonjour, monsieur le président et honorables membres du Comité permanent de la santé. Nous vous remercions de nous permettre de vous faire part de vive voix de l'expérience et du point de vue des quatre organismes communautaires que nous représentons et dont vous entendrez les témoignages dans l'ordre suivant: Conseil sur l'usage abusif de la drogue, CUAD, par moi-même, Fred Burford; Concerns Canada, par Karl Burden, qui sera assisté par Ben Jenkins à la période de questions; Parents Against Drugs, PAD, par Diane Buhler, qui est accompagnée d'Annabelle Williams, directrice générale du PAD à Kingston; et Mothers Against Drug Driving, MADD, par John Bates.
Chaque organisme présentera un exposé différent, mais appuie celui des autres. Nous sommes en effet tous préoccupés par l'abus et, dans certains cas, l'usage de l'alcool, du tabac, de la marijuana et d'autres substances. Nous favorisons une approche globale comprenant des mesures efficaces de prévention, d'intervention et de traitement ainsi que l'application de la loi. Comme le président l'a mentionné, nous faisons partie du Conseil coordonnateur de l'éducation sur la drogue, CCED, créé en 1983 et formé de vingt organismes membres. Le CCED vise à favoriser la communication et la collaboration entre les intervenants, dont la liste figure à l'annexe A.
Le CCED et les quatre organismes présents aujourd'hui ont bénéficié de subventions de la Stratégie canadienne antidrogue lancée en 1987. En voici quelques exemples.
En 1987, le PAD et le CUAD ont reçu des subventions pour le démarrage de leurs programmes de sensibilisation par les pairs, dans le cadre duquel des étudiants du secondaire apprennent à sensibiliser de façon interactive des étudiants du cycle moyen à la question de l'usage de l'alcool, du tabac et d'autres drogues. Le programme offert par le PAD s'adresse aux étudiants de 8e année et celui du CUDA à ceux de 9e et 10e année. Depuis l'automne 1989, ces programmes sont financés par la Masonic Foundation of Ontario. Il s'agit donc en quelque sorte d'un modèle: la Stratégie canadienne antidrogue fournit les fonds de démarrage, et une organisation prend ensuite la relève. Depuis lors, bien des étudiants et écoles ont bénéficié du programme.
En 1993, Concerns Canada, le PAD et le CUDA ont collaboré à la tenue d'un atelier d'une journée sur les programmes d'intervention dans les écoles. L'atelier était financé en partie par une subvention de la Stratégie canadienne antidrogue.
En 1994, le Conseil coordonnateur de l'éducation sur la drogue, de concert avec la Fondation de la recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie et sept autres organismes, ont organisé la conférence de deux jours intitulée Family Portraits tenue dans le cadre de l'Année internationale de la famille. Une importante subvention de la Stratégie canadienne antidrogue a permis la tenue de cet événement.
Nous avons également reçu d'autres subventions pour lesquelles nous sommes très reconnaissants.
Maintenant, je parle au nom du Conseil sur l'usage abusif de la drogue. Créé en 1969, cet organisme communautaire sans but lucratif élabore et présente des programmes d'éducation préventive sur l'alcool, le tabac et les autres drogues. Ces programmes s'adressent principalement aux adolescents, aux parents et aux enseignants.
Le CUAD et le PAD croient fermement en l'efficacité de l'éducation par les pairs. Nous avons en effet constaté que les étudiants du cycle supérieur qui reçoivent une formation peuvent exercer une influence très positive sur les étudiants de 8e, 9e et 10e année. Les programmes recourent à diverses activités où les étudiants forment de petits groupes de discussion dirigés par des animateurs étudiants. Ceux-ci ne portent pas de jugement et apprennent à créer une ambiance dans laquelle les plus jeunes étudiants se sentent à l'aise d'exposer leurs points de vue. Les recherches attestent de l'efficacité des programmes d'éducation par les pairs, comme vous le constaterez à l'annexe B.
Vous trouverez à l'annexe C un exemple d'évaluation d'un programme d'éducation par les pairs du CUAD donné en décembre 1996 à des étudiants de 9e année par des animateurs du cycle supérieur qui avaient reçu une formation. Les deux derniers éléments de cette évaluation sont particulièrement intéressants. La section s'adresse aux jeunes qui consomment ou essaient actuellement des drogues illicites; on y lit: «Le programme m'a aidé à décider de ne pas consommer de drogues illégales ou cesser d'en prendre.» Les étudiants de 9e année ont attribué une cote de 3,9 sur une échelle de 1 à 5. Ainsi donc, 80 p. 100 d'entre eux ont estimé que l'aide était efficace. Étant donné les résultats positifs des programmes du CUAD et du PAD, nous recommandons d'appuyer sans réserve les programmes d'éducation par les pairs.
Le programme du CUAD a été élaboré par Don Smythe, un consultant du Conseil qui a également élaboré le programme «Strategies in Drug Education», STRIDE, destiné aux étudiants de 7e, 8e et 9e années. Le directeur de l'école secondaire qui a présenté ce programme d'intervention à des étudiants de 9e année en septembre 1990 estime que parmi les programmes qu'il a essayés, c'est celui qui donne les meilleurs résultats. Il attribue cette réussite à l'actualité du programme et à l'importance que celui-ci accorde aux interactions entre pairs.
Nous recommandons qu'un programme intégré sur le tabac, l'alcool, la marijuana et d'autres drogues soit donné au moins de la 5e à la 9e années, au moyen de méthodes modernes faisant appel à beaucoup d'interactions entre pairs. Les animateurs doivent être bien formés et disposer de suffisamment de temps pour donner le programme.
Conformément aux approches de prévention et d'intervention que nous privilégions, nous souhaitons que les lois antidrogue soient humaines. La principale controverse suscitée par le projet de loi C-8 a trait au cannabis. Le projet de loi, tel qu'il a été adopté, a été fortement critiqué, notamment parce que comme la Loi sur les stupéfiants, il prévoit un casier judiciaire pour les personnes accusées et condamnées pour possession d'une petite quantité de cannabis destinée à un usage personnel. Or, un casier judiciaire singularise une personne et peut lui causer des difficultés à trouver un emploi, à étudier dans un établissement d'enseignement ou à voyager dans d'autres pays. C'est en raison de ces considérations légitimes que, depuis 1984, le CUAD s'oppose à l'établissement d'un casier judiciaire lorsqu'une personne est accusée pour une première fois de possession de marijuana.
Lors des audiences du comité sénatorial, le CUAD a recommandé, sur le conseil de son avocat, M. Fedunchak, l'un des avocats les plus dynamiques au Canada qui a défendu 200 personnes contre lesquelles des accusations relatives à la drogue avaient été portées, que le paragraphe 4(5) du projet de loi, partie I, infractions et peines, infractions particulières, soit modifié comme suit:
- b) les dossiers sur un adolescent ou un adulte, sauf les renseignements
- - le document d'inculpation initiale -
- ne mentionneront que la possession de 30 grammes de cannabis (marijuana) ou moins, ou de un
gramme ou moins de cannabis (résine), et ne feront nullement mention d'une sanction ou d'un
prononcé de sentence.
Permettez-moi d'apporter des précisions sur la modification proposée. Elle cadre avec le système existant et ne nécessite aucun changement important. Les mêmes formulaires peuvent être utilisés. Ces formulaires comprennent: «les renseignements», qui font état de l'accusation portée, de la date, de l'heure, de l'endroit et des résultats; et le relevé judiciaire, qui renferme toujours le numéro de référence des «renseignements» sur la personne.
Grâce à ce changement, la sentence ou la sanction ne figureront plus dans le dossier. Par conséquent, la condamnation n'y apparaîtra plus. En pratique, cela signifie - et vous avez des documents que vous pourrez lire plus tard... Voici un exemplaire du formulaire sur «les renseignements». Il n'est pas jaune. On l'utilise initialement lorsque la personne est accusée. Au bout du compte, on y inscrit la sentence. Ce document est généralement dans une enveloppe.
Voici un exemple de dossier. Il est aussi blanc. À droite, on voit les résultats de l'affaire, c'est-à-dire la sanction ou la sentence. C'est là qu'on voit que la personne a un casier judiciaire.
Avec le changement que propose Ben Fedunchak, en retournant la page, on peut voir, sur la droite, que si une accusation a été portée pour possession de marijuana, il y aurait un espace vide parce que l'infraction ne serait pas inscrite. Par conséquent, ce dossier ne serait pas un casier judiciaire parce qu'il ne comporterait pas les condamnations.
M. Fedunchak en a discuté avec bon nombre de ses collègues et avec des juges, et tous y ont réagi favorablement. J'espère donc que les membres du Comité permanent de la santé ne feront pas la sourde oreille comme les membres du comité sénatorial. Je ne pense pas qu'ils aient vraiment compris. C'est pour cela que nous avons annexé «les renseignements» et le dossier judiciaire à notre mémoire.
Vous y trouverez également les diverses façons de répondre correctement aux questions. Lorsqu'un employeur ou un établissement d'enseignement vous demande si vous avez été reconnu coupable d'une infraction criminelle, la réponse juste est non, car la sentence ou la sanction ne sont pas inscrites au relevé judiciaire. Ils ne sont pas censés poser la question suivante: «Avez-vous un casier judiciaire?» S'ils posent cette question, il faut répondre par la négative, parce que vous n'avez pas été reconnu coupable d'une infraction criminelle. Aucune sentence ou sanction ne figure au relevé.
Aux postes frontaliers, on peut vous demander n'importe quoi. On peut vous renvoyer si l'on n'aime pas la façon dont vous mâchez votre gomme. Mais si l'on vous pose la question de savoir si vous avez un casier judiciaire, vous répondez: «J'ai été accusé mais je n'ai pas été condamné.» Avez-vous été accusé d'une infraction criminelle? Réponse: «Oui, mais je n'ai pas été condamné.» Avez-vous été condamné pour une infraction criminelle? Réponse: «Non». La loi peut être libellée de manière que le changement proposé ne s'applique qu'à la première accusation de possession de marijuana, ou à la deuxième, selon l'effet souhaité.
Je vous ai donné le numéro de téléphone et de télécopieur de M. Fedunchak pour que vous puissiez communiquer avec lui si vous voulez des éclaircissements. Je ne suis pas avocat; vous feriez donc mieux de lui parler. Quelqu'un du gouvernement fédéral lui a déjà demandé des renseignements en juillet, mais, évidemment, c'était après l'adoption du projet de loi C-8.
Évidemment, on a recommandé dans certains mémoires présentés au comité sénatorial de supprimer les restrictions légales visant le cannabis ou de tellement banaliser l'usage de cette drogue dans la loi que cela reviendrait à éliminer ces restrictions. On avance généralement dans ces mémoires que d'autres gouvernements ayant apporté des changements semblables n'ont pas enregistré de hausse importante de l'usage du cannabis, mais on oublie pour les besoins de la cause ce qui s'est produit dans l'État de l'Alaska, où la possession de cannabis pour usage personnel a été légalisée en 1976 et où des groupes de parents ont forcé la tenue d'un scrutin à l'échelle de l'État en 1990, après qu'on eut constaté que la légalisation avait fait augmenter l'usage de cette drogue et les problèmes rencontrés par les adolescents. Par conséquent, la population a voté majoritairement pour qu'on criminalise de nouveau l'usage du cannabis, ce qui s'est concrétisé en mars 1991.
Le CUAD voulait aussi connaître l'opinion des étudiants ontariens âgés de douze à dix-huit ans. Lorsqu'une école secondaire instaure notre programme d'éducation par les pairs, nous demandons que les étudiants plus âgés formés par notre consultant sondent les plus jeunes sur le plan de l'information et les attitudes. Un des énoncés se lit comme suit: «Si l'on supprimait les restrictions légales visant le cannabis, je commencerais à en faire usage ou j'en prendrais davantage». Au cours des deux dernières années, 1 427 étudiants, issus de 18 écoles, se sont dits d'accord avec cet énoncé sur les 4 903 qui ont été sondés. Cela signifie qu'il y aurait 29 p. 100 de plus d'étudiants qui commenceraient à faire usage de cannabis ou qui en prendraient plus, et qui seraient donc plus à risque. Voir l'annexe D.
Si l'on applique ces résultats à l'échelle du pays, ce sont 725 000 étudiants âgés de 12 à 18 ans qui courraient davantage de risques. Cela serait une augmentation énorme qui aurait un effet désastreux.
Je vous remercie. Nous profiterons de la période de questions pour discuter plus en détail de prévention, d'intervention, de traitement et d'application des règles.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Au nom du comité, je voudrais obtenir des éclaircissements sur certains aspects de votre exposé, en commençant par vos dernières observations sur l'étude qui a été faite. Vous dites que 29 p. 100 des étudiants ont dit qu'ils utiliseraient le cannabis si cela n'était pas interdit par la loi.
M. Burford: C'est exact, 29 p. 100 commencerait à en faire usage ou en prendrait plus. Quel que soit le cas, ils seront plus exposés.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Ma deuxième question porte sur la décriminalisation du cannabis ou de l'utilisation de la marijuana. Si j'ai bien compris - et corrigez-moi si je me trompe - , vous êtes favorables à la décriminalisation dans la mesure où vous ne recommandez pas de casier judiciaire pour les personnes qui font l'objet d'une première accusation de possession, mais vous estimez qu'il faudrait probablement un casier judiciaire pour la deuxième ou la troisième accusation... Et aussi dans les cas où les quantités sont réduites. Vous ne voulez donc pas que les personnes reconnues coupables d'une première accusation aient un casier judiciaire, comme c'est le cas maintenant, en vertu du Code criminel.
M. Burford: Au moins pour la première fois.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Mais vous n'êtes pas en faveur de la décriminalisation totale de l'usage de la marijuana et du cannabis. N'est-ce-pas?
M. Burford: Non. Il faudrait adopter la même procédure que dans n'importe quelle autre infraction au Code criminel. Par conséquent, il ne faudrait pas décriminaliser. L'important, c'est que peu importe la décision, en cas de première, deuxième ou troisième possession - je propose les deux premières - , il ne faudrait pas que l'accusation entraîne un casier judiciaire. Il n'y aurait pas de condamnation.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Autrement dit, la sanction à long terme que subirait cette personne pour cette condamnation est trop lourde, et si elle pouvait apparaître comme n'étant pas une condamnation, cela l'aiderait à long terme. Est-ce bien cela que vous dites?
M. Burford: Oui. Très souvent, lorsqu'un jeune est impliqué, c'est parce qu'il essaye le produit et qu'on l'attrape par hasard. Nous estimons tout simplement que le prix à payer est trop élevé dans la mesure où on le stigmatise.
De plus, sachez que, ayant été directeur d'école secondaire pendant plus de 13 ans, j'ai constaté que le risque d'avoir un casier judiciaire n'avait aucun effet dissuasif. Les jeunes n'avaient même aucune idée de ce que cela signifiait.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Merci beaucoup. Après le deuxième exposé, vous allez peut-être nous en dire plus, Fred.
Passons à Karl Burden.
M. Karl N. Burden (directeur général, Concerns Canada): Au nom de Social Action & Legislation Committee of Concerns, Canada, je voudrais vous remercier de nous avoir permis de nous adresser à vous aujourd'hui.
Tout d'abord, je voudrais vous présenter notre organisation. Concerns Canada, une division de Alcohol and Drug Concerns, Inc., est un organisme indépendant rassemblant des citoyens, et doté d'une charte nationale. Il représente ses membres sur des questions sociales d'importance vitale en ce qui concerne l'abus d'intoxicants, notamment la publicité et les lois sur l'alcool et la drogue. Nous avons pour mission de promouvoir et d'encourager des modes de vie positifs sans dépendance à l'alcool, au tabac et à d'autres drogues.
Comme la création de notre organisme remonte au siècle dernier, nous surveillons depuis très longtemps les tendances dans la consommation de drogues licites et illicites. Bien que la défense d'intérêts sociaux soit une tâche importante, la plupart de nos travaux aujourd'hui concernent l'éducation des spécialistes grâce à deux instituts, dont l'un se trouve à Hamilton et l'autre à Vancouver; les cours d'intervention à l'intention des conducteurs condamnés pour conduite avec facultés affaiblies et qui purgent des peines liées à la consommation d'alcool et de drogue; et les documents et programmes pour les enfants et les jeunes.
Aujourd'hui, nous avons deux points à l'ordre du jour. Le premier porte sur les inquiétudes concernant le statut juridique de la marijuana et d'autres drogues appelées «drogues de la rue». Le second porte sur les initiatives de prévention réussies en matière d'alcool au volant, initiatives auxquelles nous participons.
En tant qu'organisation, nous nous inquiétons de plus en plus parce que bon nombre de spécialistes et de Canadiens ont aujourd'hui tendance à sous-estimer la marijuana. Nous entendons des commentaires comme: «ce n'est pas aussi dangereux que l'alcool ou le tabac», ce qui laisse entendre que la marijuana est assez inoffensive. Toutefois, d'après toutes nos études sur le sujet, nous en sommes arrivés à une conclusion très différente. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une liste exhaustive des effets de la marijuana, en voici certains qui nous causent des inquiétudes. Dans notre mémoire, nous avons dressé la liste des sources de ces renseignements; je ne vais donc pas les mentionner dans mon exposé.
La marijuana cause des troubles de mémoire à court terme et des problèmes d'apprentissage. Elle réduit les fonctions cognitives et entraîne des troubles qui s'aggravent avec la durée et la fréquence de consommation. D'après certains chercheurs, ces déficiences ne sont peut-être pas réversibles.
Permettez-moi d'ajouter ici que le Dr Nadia Solowij de l'Université Macquarie à Sydney, en Australie, a dit être préoccupée par le fait que la période la plus intense d'utilisation du cannabis coïncide avec celle où l'on se développe le plus sur les plans éducatif, intellectuel et émotif. Évidemment, à titre d'ancien professeur d'étudiants toxicomanes à haut risque, je partage cette préoccupation.
La liste se poursuit. Le cannabis endommage le système immunitaire. Il abîme les poumons et entraîne des risques de cancer, qui sont de 50 p. 100 à 70 p. 100 plus élevés que les risques liés à l'usage du tabac.
Ce qui nous préoccupe le plus, car nous travaillons auprès de personnes ayant conduit avec des facultés affaiblies, c'est l'affaiblissement du contrôle des véhicules motorisés, comme le montre une étude sur des pilotes dans des simulateurs de vol: en effet, 24 heures après avoir fumé une seule cigarette de marijuana, les pilotes faisaient atterrir leur avion avec un écart pouvant aller jusqu'à 24 pieds à gauche ou à droite de l'axe de la piste. En 1995, l'État du Tennessee a signalé que la drogue avait remplacé l'alcool comme première cause de décès sur ses autoroutes. Ici, le problème réside dans le fait qu'il est si difficile d'établir l'affaiblissement des facultés par la marijuana.
En dépit du fait que les adeptes de la drogue disent le contraire, l'usage de la marijuana crée la dépendance. Cette dépendance est très bien expliquée dans les ouvrages spécialisés sur la question.
L'utilisation de la marijuana pendant la grossesse entraîne des changements de poids et de taille, ainsi que des anomalies neurologiques chez le nouveau-né.
Le cannabis produit 50 p. 100 de plus de goudron que la même quantité de produit du tabac, et le goudron contient plus de 150 hydrocarbures complexes, y compris des substances cancérigènes.
Le cannabis accélère la fréquence cardiaque jusqu'à 50 p. 100, ce qui crée un risque pour les personnes souffrant d'hypertension artérielle, ou de problèmes cardiaques.
Chez les personnes ayant des antécédents de problèmes émotifs ou de santé mentale, l'utilisation régulière du cannabis peut susciter des symptômes ou les aggraver.
L'usage quotidien d'une quantité importante de cannabis peut entraîner une dépendance physique et créer un état de manque. Je dois ajouter que le cannabis vendu dans nos rues aujourd'hui est beaucoup plus fort que celui du début des années 80.
Certains chercheurs ont affirmé que la marijuana ne tue personne, comme si cela signifiait qu'elle ne présente aucun risque grave pour la santé. Mais je vous invite à lire les observations ci-jointes... J'ai distribué des exemplaires d'une lettre du Dr Janet Lapey, directrice générale du Conseil coordonnateur de l'éducation sur la drogue; elle déclare que la marijuana peut tuer d'au moins neuf façons différentes, fût-ce de manière indirecte. Il s'agit notamment de la mort causée par des accidents de voiture, la consommation excessive d'alcool due à l'affaiblissement des facultés par la consommation de marijuana, les maladies pulmonaires, les crises cardiaques et le cancer, qui sont tous des problèmes causés ou aggravés par la consommation de marijuana.
Même si les consommateurs de marijuana ne souffrent que d'une partie des problèmes de santé et de croissance énumérés ci-dessus, il est justifié de maintenir le statut juridique actuel de cette drogue. Nous n'aimerions pas que l'on emprisonne ou que l'on donne un casier judiciaire à des jeunes gens qui essayent ou qui utilisent rarement la marijuana. Cependant, des policiers assez haut placés nous ont dit que ceux qui obtiennent de telles sentences aujourd'hui ont d'abord été accusés d'infractions beaucoup plus graves, comme le trafic ou l'importation, et c'est grâce au plaidoyer de culpabilité que la sentence est ramenée à la simple possession.
Nombre de ceux qui préconisent la légalisation ou la décriminalisation comme stratégie de réduction des dommages ne tiennent pas compte de l'incidence de leurs recommandations sur les personnes qui se trouvent au bas de l'échelle en matière d'utilisation des drogues, à savoir les enfants et les adolescents qui essayent la drogue. Lors d'un récent symposium parrainé par le Conseil coordonnateur de l'éducation sur la drogue et la Fondation de recherche sur la toxicomanie, leDr Jessica Warner, chercheur à la fondation, a noté dans son analyse des attitudes à l'égard du cannabis et de son utilisation chez les élèves du secondaire en Ontario, que l'une des raisons fréquemment avancées par les jeunes pour justifier l'usage de la marijuana est la perception d'un manque de consensus chez les adultes à ce sujet. Je pousserais l'audace jusqu'à suggérer que l'une des tâches de ce comité devrait peut-être consister à lever cette équivoque relative à la marijuana.
Compte tenu des pratiques actuelles d'application de la loi, la décriminalisation ou la légalisation de la marijuana n'est pas nécessaire. Qui plus est, si cette drogue est décriminalisée ou légalisée, les jeunes Canadiens en déduiront simplement que la marijuana n'est pas considérée comme étant dangereuse ou une menace grave pour la santé. Par conséquent, nous nous opposons fermement à toute démarche dans ce sens.
Je ne vais aborder la deuxième moitié de mon mémoire que de façon générale. Elle porte sur les programmes auxquels nous participons actuellement. Le premier vise les personnes accusées ou reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies. Depuis plus de 12 ans, nous collaborons avec le ministère ontarien du Solliciteur général et des Services correctionnels pour offrir un programme aux conducteurs reconnus coupables de conduite en état d'ébriété, et hier même, nous avons lancé un nouveau programme appelé KEYS à Brampton pour les personnes accusées de cette infraction. La différence entre les deux programmes réside dans le fait que le premier est financé par le gouvernement tandis que le second est financé par les contrevenants. Nous recommandons vivement que l'on mette l'accent sur le second, compte tenu de la situation qui prévaut dans notre pays.
Le deuxième volet de nos activités de prévention consiste à distribuer des documents aux jeunes conducteurs et aux adolescents qui envisagent de conduire dans un avenir proche. Nous avons produit une brochure en bande dessinée intitulée Risky Realities: the Real Story on Drinking and Driving, qui en est à sa deuxième édition et qui est extrêmement populaire auprès de la population cible. Le format en bande dessinée a été choisi délibérément pour que les jeunes soient plus susceptibles de lire la brochure. Au fur et à mesure que le lecteur avance dans l'histoire, on le renvoie à des ressources supplémentaires où il prend connaissance de certaines implications d'une accusation de conduite avec facultés affaiblies.
Par exemple, l'une des sections est intitulée «Welcome to Five Years on the Bus». Elle dit tout sur l'incidence financière d'une simple condamnation, qui peut faire passer une prime d'assurance- automobile jusqu'à 11 200 $ par an, ce qui signifie évidemment pour la plupart des jeunes qu'ils devront se contenter de l'autobus pendant quelques années.
Nous mettons en oeuvre des programmes d'intervention sociale et d'éducation comme ceux que j'ai décrits afin d'accomplir notre mandat. Nous essayons de trouver beaucoup d'autres moyens d'atteindre les jeunes pour les empêcher de se livrer à la consommation de substances illicites.
Nous vous remercions de nous avoir donné la parole aujourd'hui.
Ben Jenkins, qui m'accompagne, participera au débat pendant la période des questions.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Merci beaucoup pour votre exposé.
Permettez-moi de demander quelques éclaircissements pour les membres du comité et pour moi-même. En ce qui concerne la conduite en état d'ébriété, pourriez-vous comparer la répression de cette infraction au Canada et dans d'autres pays, comme la Grande-Bretagne? Sommes-nous beaucoup plus indulgents dans ce domaine? Je crois que la Grande-Bretagne impose des sanctions beaucoup plus lourdes en cas de conduite en état d'ébriété. À l'intention des membres du comité, pourriez-vous comparer la situation du Canada à celle des autres pays?
M. Burden: Je présume que John Bates pourra donner une réponse plus définitive quand il aura l'occasion de parler. Je sais qu'en Scandinavie, les conséquences sont assurément plus graves qu'au Canada. Pour ce qui est de la situation en Grande-Bretagne, je ne suis pas en mesure de faire une comparaison. Je sais que le Canada tentera de durcir sa position et je pense que nous commençons à devenir une figure de proue à cet égard. Mais je m'en référerai à John, qui est l'expert en la matière.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Nous attendrons que John fasse son exposé.
Ma deuxième question est la suivante. Vous nous avez donné un aperçu assez long des effets néfastes de la marijuana et du cannabis. À votre avis, devrions-nous changer d'attitude face à l'abus de drogue? Bien des témoins nous ont dit que les anciennes façons de procéder n'ont pas fonctionné et que nous devons prendre des initiatives audacieuses pour combattre la toxicomanie. La démarche adoptée jusqu'ici par la société canadienne n'a pas fonctionné et nous devons chercher de nouveaux moyens de régler le problème. Les tenants de cette thèse ont un très bon argument: si cela n'a pas fonctionné par le passé, devrions-nous maintenir le statu quo? Devons-nous changer notre perception des toxicomanes? Quelle est votre position là-dessus?
M. Burden: Personnellement, en tant qu'ancien éducateur, comme je l'ai dit, dans l'enseignement primaire et secondaire, j'estime que tout changement qui attire beaucoup l'attention du public sur la décriminalisation ou la légalisation indiquerait aux jeunes que cette drogue est moins dangereuse que leurs parents et d'autres personnes ne le prétendent. Par conséquent, nous pensons que la tendance actuelle, qui consiste à faire preuve d'une indulgence très discrète dans l'application des lois au lieu de changer ces dernières en tant que telles, est probablement une façon beaucoup plus intelligente d'aborder le problème.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Merci.
Le témoin suivant est Mme Diane Buhler, de Parents Against Drugs.
Bonjour, Diane.
Mme Diane Buhler (directrice générale, Parents Against Drugs): Avez-vous des exemplaires de notre mémoire?
Le vice-président (M. Dhaliwal): Les avez-vous en français et en anglais?
Mme Buhler: Non, je suis désolée.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Pouvons-nous les distribuer aux membres du comité, Antoine? Malheureusement, nous n'avons que la version anglaise.
M. Dubé (Lévis): Oui.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Merci.
Nous préférerions - et nous le demandons - que tous les témoins fournissent des mémoires dans les deux langues officielles pour faciliter le travail des membres du comité. Mais nous allons distribuer la version anglaise.
M. Burden: Mes filles ne sont pas encore bilingues à ce point.
[Français]
M. Dubé: C'est un fait pour lequel il ne vaut pas la peine de faire de l'obstruction.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dhaliwal): Allez-y.
Mme Buhler: Merci. Je suis ici pour faire un bref exposé au nom de Parents Against Drugs, une organisation ontarienne qui a été lancée en 1983 en raison des préoccupations des parents à l'égard de leurs enfants toxicomanes.
D'organisme d'entraide que nous étions au début, nous sommes devenus une organisation provinciale fournissant une gamme de services d'éducation et d'appui visant à prévenir la toxicomanie chez les jeunes.
Dans un instant, vous entendrez mon homologue de Kingston.
Ma première observation concerne la nature du dommage lié à la toxicomanie chez les adolescents. D'après mon expérience familiale et au sein du service d'intervention auprès des jeunes, il est évident que la toxicomanie chez les jeunes a un profil de plus en plus complexe, très souvent caractérisé par la recherche de sensations, la dépression, l'aliénation, la colère et l'agression. Dans un récent mémoire adressé au projet de rationalisation du Substance Abuse Bureau de l'Ontario, PAD a souligné la nécessité d'une gamme d'options de traitement intensif et complet pour les jeunes si nous voulons combattre leur toxicomanie et les aider à faire un changement positif pour l'avenir. Nous devons consacrer des ressources à l'examen de programmes de traitement qui seront efficaces chez ces jeunes, dont les problèmes sont nombreux.
Ma deuxième observation concerne le rapport entre les substances. J'ai choisi délibérément le terme «substances» ou «drogues» parce que les jeunes toxicomanes des années 90 ne consomment pas une seule drogue licite ou illicite. Évidemment, l'usage spécifique d'une seule drogue est variable. Cependant, d'après les études de la Fondation de recherche sur la toxicomanie, il existe un rapport important entre le tabac, l'alcool et la marijuana. Nous vous avons distribué des informations à ce sujet.
Une fois de plus, l'on sait que le tabagisme précoce est un précurseur à l'abus ultérieur d'autres substances, notamment l'alcool et d'autres drogues. Par conséquent, dans le cadre de l'éducation préventive, il faut adopter à la fois une démarche intégrée sur l'usage du tabac, de l'alcool et d'autres drogues et une démarche propre à chaque substance.
En plus du tabac, de l'alcool et de la marijuana, nos jeunes clients consomment diverses autres substances, surtout des hallucinogènes comme le LSD, les champignons magiques, l'Ecstasy et les méthamphetamines. Je trouve intéressant que le débat sur la criminalisation ou la décriminalisation des substances soit lancé par des scientifiques enfermés dans leur tour d'ivoire qui soulignent la nécessité de réduire les dommages liés aux conséquences criminelles de l'usage illégal de la marijuana, et parfois de l'héroïne. Quelle place fait-on à nos jeunes clients, qui consomment à la fois le tabac et la marijuana avec des hallucinogènes et des méthamphetamines?
En outre, nous avons constaté que dans au moins 50 p. 100 de nos familles, une accusation pénale a précipité leur recours à vos services. Phénomène intéressant, même si les parents nous contactent au sujet de l'utilisation de drogues par leurs fils ou leurs filles, il y a eu un seul cas depuis trois ans d'accusation pénale relativement aux drogues illicites. Toutes les autres accusations concernaient les voies de fait, le vandalisme, le vol, l'entrée par effraction et la prostitution.
Ma dernière observation concerne l'éducation des parents. Étant donné qu'on ne leur a pas communiqué un message clair sur l'utilisation des drogues, les parents ne savent pas trop comment en parler à leurs enfants. Une telle communication peut sembler compliquée parce que les adolescents font souvent l'expérience de diverses sensations nouvelles et sont généralement influencés par leurs pairs. Cependant, les parents peuvent communiquer le message selon lequel l'usage de toute drogue comporte des risques graves, que ce soit ou non la première fois qu'on la consomme, qu'on l'utilise rarement ou souvent, surtout chez les adolescents. Je pense qu'il s'agit là d'un message qu'on pourrait véhiculer clairement dans le cadre de la stratégie nationale antidrogue.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Merci.
Annabelle.
Mme Annabelle Williams (directrice générale, Kingston, Parents Against Drugs): Je tiens à remercier le comité de donner la parole à tous les témoins présents, et surtout à moi qui représente la section PAD de Kingston.
Depuis 10 ans, nous offrons nos services à Kingston et dans les régions environnantes. Nous avons commencé par offrir un service d'aide téléphonique aux parents dans le besoin et souvent en crise. Nous avons créé un conseil communautaire et nous avons établi PAD Kingston au sein de la collectivité et dans les régions voisines. À partir de ces débuts modestes, nous avons mis au point des services exceptionnels pour promouvoir le bien-être collectif. Actuellement, nous sommes financés uniquement par la collectivité de Kingston, même si nous demandons souvent une subvention de base aux organismes gouvernementaux et autres.
Nous avons créé un groupe d'appui aux parents qui demeure à ce jour un élément clé de notre organisation. Ce groupe a constaté que les parents avaient besoin d'une voix pour exprimer leurs besoins.
Vous avez reçu un exemplaire de mon exposé; par conséquent, je me contenterai de passer en revue certains domaines que nous avons examinés. Je voudrais vous montrer que nous sommes une organisation communautaire. Cependant, nous offrons des services qui sont importants pour notre collectivité.
Au cours des quatre dernières années, PAD Kingston a élaboré un programme intitulé Choice, destiné aux jeunes de la 5e à la 8e années. Nous avons constaté qu'il existait des programmes dans les écoles secondaires. Ce que nous avons appris des élèves du secondaire... Nous avons mené une étude auprès des élèves du secondaire, et ils nous ont dit qu'il serait important de commencer à un jeune âge, car il aurait été important pour eux d'avoir ces informations quand ils étaient beaucoup plus jeunes. C'est ce que nous avons fait. C'est là que nous nous sommes concentrés, car nos ressources étaient tellement limitées.
Actuellement, nous rejoignons de 800 à 900 élèves par an. Dans notre collectivité, ce chiffre est assez important. Nous faisons tout ce travail de façon bénévole, avec des animateurs bénévoles que nous formons au centre PAD de Kingston.
Nous sommes fiers de notre créativité. Il a été dit que nous devons faire preuve d'innovation. Je pense que c'est ce que nous faisons avec nos jeunes dans la région de Kingston. Avec leur aide - en fait, les jeunes sont représentés dans la prise de décision - , nous élaborons des programmes prévoyant l'éducation par les pairs et le jeu de rôle dans le cadre d'un programme de théâtre. Bon nombre de jeunes sont vraiment réceptifs à ce programme. Ils voient venir leurs camarades et cela donne vraiment un visage humain aux jeunes gens qui consomment peut-être des drogues mais qui font des progrès et se donnent les moyens de s'en sortir.
Nous veillons à ce que les jeunes soient consultés sur leurs programmes par l'évaluation et la représentation. Nous avons des statistiques. Même si nous sommes une petite organisation, nous recueillons des statistiques. Nous constatons que les élèves bénéficient effectivement des cours que nous élaborons.
À notre avis, il est très important de noter que nous fournissons un excellent service avec l'aide de bénévoles. Nous avons un conseil d'administration communautaire engagé et des animateurs qui sont formés à PAD Kingston pour offrir certains programmes scolaires. Au cours des deux dernières années, la demande de services a augmenté au-delà de nos possibilités budgétaires, et cela nous préoccupe évidemment.
Pour vous donner une idée, je suis la directrice à plein temps. Pour l'instant, je travaille à temps partiel, mais j'espère bientôt travailler quatre jours par semaine, et j'ai une secrétaire. Voilà l'effectif.
Pour notre organisme, il serait important que ce comité veille à ce que des fonds soient accordés à des organismes qui non seulement respectent leurs engagements, mais qui en outre, sont accessibles et répondent aux besoins de la collectivité. Nous avons besoin d'un financement stable pour répondre à ces besoins. Pour maintenir la santé des collectivités, il faut commencer par proposer en permanence des services éducatifs et des activités à nos jeunes.
Dans notre collectivité, nous recevons un nombre croissant de demandes des parents, car les jeunes ont tendance à goûter de plus en plus tôt à la drogue. Pourtant, nous avons un effet positif auprès des jeunes. Si nous voulons continuer à répondre aux besoins de la collectivité, il faut que grâce au Comité permanent de la santé, les organismes de base comme le nôtre reçoivent les moyens nécessaires pour intégrer leurs programmes à chaque collectivité.
Nous avons reçu des demandes de différentes localités proches de Kingston. Nous sommes maintenant présents jusqu'à Smith's Falls, et même au-delà. On nous a demandé de venir pour parler de nos programmes Choices et Parents Matter.
Nous sommes donc un petit organisme de base, mais nous ne demandons qu'à grandir.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Merci beaucoup. Je peux vous assurer que ce comité comprend l'importance des groupes comme le vôtre qui font un travail préventif en milieu scolaire.
Mme Williams: Je signale que nos interventions ne coûtent pas un sou aux écoles. Les commissions scolaires mettent à notre disposition une classe dont nous faisons notre centre de ressources; nous leur en sommes évidemment reconnaissants, mais tout le reste est gratuit.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je crois que M. Bates va faire le dernier exposé.
M. John Bates (fondateur de Mothers Against Drunk Driving et directeur des affaires publiques): Je vous remercie de nous accueillir.
En ce qui concerne le contexte de notre organisation, nous avons débuté il y a 15 ans, à l'issue d'une discussion réunissant cinq personnes autour d'une table de cuisine. Nous sommes maintenant un très gros organisme national et nous ne sollicitons pas de fonds publics, car nos propres activités de financement ont donné des résultats extraordinaires.
Il se trouve que l'étiquetage de l'alcool figurait dans notre tout premier énoncé de politique, il y a 14 ans. L'étiquetage est toujours l'une de nos principales revendications.
Je vais survoler rapidement mon texte, car nous pouvons répondre à certaines des questions que vous avez posées, monsieur le président.
Tout d'abord, cessons de nous illusionner. L'alcool est une drogue, au même titre que la cocaïne, l'héroïne ou toute autre drogue dite illicite. C'est un produit psychodysleptique toxicomanogène.
Le fait que l'alcool soit une drogue licite ou légale ne modifie en rien son statut de drogue dangereuse. En fait, le préjudice social causé par l'alcool dépasse celui de toutes les drogues illicites combinées. Chaque année, les drogues illicites tuent environ 500 personnes, alors que l'alcool en tue 19 000. Cela ne peut pas continuer. Environ 1 500 personnes meurent dans des accidents de voiture imputables à l'alcool. L'alcool est présent dans environ 65 p. 100 des accidents mortels de motoneiges, dans 50 p. 100 de tous les crimes violents, etc.
Lorsque l'honorable Paul Szabo a présenté le projet de loi C-222 à la Chambre des communes en décembre 1995, il a magnifiquement exposé le problème que cause l'alcool à la société. Il n'y a pas grand-chose à ajouter, et je n'essaierai même pas de le faire. Mais nous nous demandons toujours pourquoi l'alcool est le seul produit de consommation qui ne soit pas assujetti aux lois sur l'étiquetage. Pourquoi? Cela n'a aucun sens. Compte tenu de la mortalité, de la morbidité et de la misère engendrées par l'alcool, pourquoi refuse-t-on de prévenir les Canadiens de ce danger?
Il serait sans doute intéressant de se demander pourquoi l'industrie se préoccupe tant de cette question. Ses objections portent sur plusieurs domaines, mais en dernière analyse, elle semble considérer que l'étiquetage va coûter très cher, qu'il ne sera pas efficace et qu'il va faire peur aux consommateurs. Elle dit constamment que rien ne prouve que l'étiquetage soit efficace, mais cet argument est tout à fait futile. C'est de toute évidence à l'industrie qu'il incombe de prouver que l'étiquetage n'est pas efficace, et non pas à nous de prouver qu'il l'est.
Je voudrais faire une mise en garde. Lorsque le gouvernement va commencer à parler d'étiquetage de l'alcool - et l'honorable Paul Szabo peut en témoigner - , vous allez affronter le lobby le plus arrogant et le plus riche qui soit. Nous le combattons depuis des années. Les compagnies d'alcool ont des millions de dollars pour s'opposer à l'étiquetage. Les véritables motifs de leur refus ne sont pas ceux qu'elles invoquent. Elles savent que l'étiquetage va diminuer leurs ventes.
Par ailleurs, curieusement, les compagnies voudraient nous faire croire que deux verres par jour sont bénéfiques pour le coeur. C'est ce qu'affirment certaines études. Mais il y a bien d'autres choses qui sont tout aussi bénéfiques pour le coeur, comme la vitamine E, la vitamine C et l'exercice. Malheureusement, ceux qui clament les mérites de l'alcool passent sous silence les ravages qu'il cause dans la société. Il serait difficile de concevoir une mesure sanitaire qui provoque autant de misère et de mortalité que l'alcool. Je n'ai pas besoin de parler de la cirrhose, du syndrome d'alcoolisme foetal ni des accidents de voiture.
Il faut en conclure que les intérêts de l'industrie de l'alcool sont pour l'essentiel incompatibles avec ceux de la population canadienne. Ce qui est bon pour les brasseries n'est pas nécessairement bon pour l'ensemble de la société.
Venons-en à quelques cas précis. Tous les médicaments délivrés sur ordonnance et les médicaments brevetés de l'annexe F comportent sur leurs étiquettes une mise en garde. Les utilisateurs de Diazepam ou de Valium, par exemple, sont invités à ne pas consommer d'alcool lorsqu'ils prennent le médicament. Les deux substances ont un effet synergique. Chez une personne qui prend du Diazepam, deux bières feront autant d'effet qu'une quantité bien supérieure de bière. Les facultés seront affaiblies, sans que cela apparaisse à l'ivressomètre. C'est notamment pour cela que les statistiques sur la conduite avec facultés affaiblies ne sont pas très élevées.
Certains médicaments pour le rhume, par exemple, font carrément peur; sur l'étiquette d'une marque très connue, on peut lire ceci:
- En cas de somnolence, ne pas conduire et ni faire fonctionner de machinerie lourde. Ne pas
combiner avec de l'alcool ou avec un analgésique hypnotique ou narcotique, un produit
psychothérapeutique ou un médicament contre l'hypertension.
- Est-ce que les buveurs de bière qui on un rhume de cerveau pensent à cette mise en garde ou en
connaissent-ils même l'existence? Ne faudrait-il pas un avis sur les bouteilles d'alcool qui
dirait: «Ne combinez le contenu avec aucun médicament»? Si le fabricant de comprimés contre
le rhume précise qu'ils ne doivent pas être combinés à l'alcool, le fabricant d'alcool devrait
préciser que l'alcool ne doit pas être combiné aux comprimés contre le rhume. S'il ne fait pas, le
système n'a aucun sens.
- Mise en garde officielle: (1) Le ministère de la Santé estime que les femmes ne doivent pas boire
d'alcool pendant la grossesse à cause des risques d'anomalies à la naissance. (2) La
consommation de boissons alcooliques altère les facultés nécessaires pour conduire une voiture
ou faire fonctionner certaines machines, et peut provoquer des problèmes de santé.
Monsieur Szabo, voici pour votre collection.
M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Il a donné les bouteilles pleines à l'autre comité.
M. Bates: M. Szabo en a toute une caisse. Je l'ai vue.
M. Volpe: Il l'a apportée en tant qu'élément de preuve.
M. Bates: En voici une autre des Bermudes. Les habitants des Bermudes sont des gens brillants. La preuve, ils ne paient aucun impôt sur le revenu.
M. Volpe: Ils ont aussi du soleil.
M. Bates: Ils ont du soleil, de la bonne cuisine et de bons produits.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Nous devrions peut-être aller là-bas pour examiner leurs politiques.
M. Bates: Vous devriez.
Ils en ont beaucoup là-bas, Paul.
M. Burford: Les Bermudes ne légaliseront jamais la marijuana.
M. Bates: Ils ne vendront jamais non plus de bouteilles d'alcool sans y apposer des étiquettes contenant une mise en garde.
Je vais m'arrêter ici. Je ne vois tout simplement pourquoi nous ne pouvons avoir des étiquettes. La raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, c'est pour demander que le projet de loi C-22 soit renvoyé devant la Chambre avant que des élections soient déclenchées afin qu'il soit adopté et que nous emboîtions ainsi le pas au reste du monde, notamment aux États-Unis. Une chose très curieuse au sujet de l'étiquetage, c'est que ces mêmes sociétés qui ont comparu devant le comité spécial qui a examiné le projet de loi C-22 font maintenant des tirages dédoublés pour le Canada et les États-Unis. Le fait de ne pas avoir d'étiquetage leur coûte en fait plus cher. Si l'étiquetage existait, elles ne seraient pas obligées d'avoir deux séries d'étiquettes.
Vous avez posé une question, monsieur, au sujet des peines. Eh bien, les peines n'ont rien à voir avec tout cela. Les gens ne commettent pas un crime afin de se faire prendre. Nous avons commis de nombreuses erreurs dans la bataille contre l'alcool au volant, notamment en pensant que des peines sévères allaient apporter quelque chose.
En Scandinavie, ils avaient également des peines plus sévères, et on en a parlé dans le monde entier. C'est devenu un mythe scandinave. Ils sont tout aussi pires que nous.
Nous avons pris la mauvaise voie en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété. La conduite en état d'ébriété qui cause la mort et des blessures graves est le fait de gens qui ont moins de 0,165. Notre première erreur, c'est de ne pas avoir adopté une tolérance zéro. C'est ce qu'ils ont fait en Suède. Ils sont allés jusqu'à 0,02 et nous devrions faire la même chose.
Il n'existe aucune loi au pays qui dit qu'on ne peut conduire si on a consommé de l'alcool. Bien sûr, on peut conduire après avoir consommé de l'alcool. On peut le faire jusqu'à ce qu'on ait consommé 80 milligrammes d'alcool pour 100 millilitres de sang. Nous devrions abaisser le niveau à 0,02, comme l'a fait la Suède.
Deuxièmement, nous savons qui sont les tueurs. Ce sont ceux qui consomment de l'alcool excessivement. Lorsque nous leur mettons la main au collet, nous devons les empêcher de conduire une voiture et ce, à vie, qu'il s'agisse d'une première, d'une deuxième ou d'une troisième infraction, tant qu'ils ne sont pas allés dans un centre de désintoxication pour alcooliques et qu'ils ne peuvent prouver à un tribunal médical qu'ils n'ont plus de problème d'alcoolisme.
Il existe une autre façon d'empêcher ces gens de conduire une voiture. C'est ce qu'on appelle un interrupteur d'allumage qui empêche le conducteur de faire démarrer le moteur s'il a consommé de l'alcool. Ce genre de système est à toute épreuve. Si nous imposons une suspension à vie, et nous savons que 40 p. 100 vont sans doute conduire une voiture de toute façon, il suffit d'installer un interrupteur d'allumage sur leur voiture et la voiture ne pourra démarrer si l'interrupteur détecte le moindre pourcentage d'alcool dans leur système. S'il détecte un pourcentage inférieur à 0,02, qui est généralement considéré comme la plus petite quantité qu'il est possible de mesurer, 15 minutes plus tard le système déclenche le klaxon et les clignotants de la voiture pour avertir la personne de subir un autre test, etc.
C'est ce qu'il faut faire. Nous commettons tellement d'erreurs et il y a toujours 1 500 à 2 000 personnes par an qui sont tuées sur les routes. Nous nous attaquons à ce problème depuis 15 ans, et nous avons imposé des peines extrêmement sévères. Je pense que l'article 245 du Code criminel prévoit une peine de 14 ans pour avoir causé un décès et une peine de 10 ans pour avoir causé des blessures graves. Pourtant, il n'y a eu aucune réduction marquée dans l'incidence de conduite avec facultés affaiblies. On nous dit constamment qu'il y a moins de gens qui sont tués. Certainement, mais c'est grâce aux coussins pneumatiques de sécurité, à une plus grande utilisation des ceintures de sécurité, grâce aux pneus à carcasse radiale, à de meilleures routes, etc. Nous n'avons pas fait ce qu'il fallait faire jusqu'à présent.
Une chose qui fonctionne bien, c'est le contrôle routier ponctuel. La crainte de se faire prendre est plus importante que tout le reste.
Nous avons commis beaucoup d'erreurs. Le moment est venu de changer notre façon de procéder.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je vous remercie beaucoup, monsieur Bates.
J'aimerais poser une question au sujet de l'étiquetage parce que nous avons consacré beaucoup de temps et d'efforts à cette question, tout particulièrement M. Szabo. Les paquets de cigarettes comportent des mises en garde. Pensez-vous que moins de gens fument en raison de ces mises en garde?
M. Bates: Je crois que plus de gens essaient de cesser de fumer en raison de ces mises en garde. Moi j'en prends note. Quand je lis que je vais mourir si je fume, j'y réfléchis à deux fois.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je vous remercie beaucoup.
La parole est maintenant à M. Dubé.
[Français]
M. Dubé: J'aimerais d'abord dire que j'ai beaucoup de respect pour chacun et chacune d'entre vous qui vous dévouez à la santé des gens et au bien collectif. Avant de poser ma question, je dirais que la formule de ce matin est intéressante, même si je la trouve un peu paradoxale.
Vous savez qu'on étudie présentement le projet de loi C-71 sur le tabac, ce qui a provoqué un certain débat ce matin, notamment grâce à M. Bates. En effet, on est en présence de produits qui sont actuellement illégaux, comme la marijuana ou d'autres drogues, et à côté, d'un produit légal qui est la colle. On a également le tabac qui est encore un produit légal et qui est pourtant dangereux pour la santé. La seule différence que l'on pourrait noter, c'est la fameuse notion d'abus.
On nous dit qu'il faut corriger les problèmes de santé, mais qu'il ne faut pas décriminaliser la marijuana parce que ce serait une grande erreur. Il faut être compréhensif et se dire que c'est probablement moins dangereux que les drogues dures, mais qu'il ne faut pas la décriminaliser.
D'un autre côté, il y a l'alcool, qui est non seulement décriminalisé mais également légalisé, sauf quand on se fait prendre en soufflant dans le ballon parce qu'on en a abusé. Cette vérification n'existe pas en ce qui concerne les drogues légères. Ce serait peut-être un progrès s'il y avait un test, notamment pour les conducteurs d'automobile à facultés affaiblies, qui permette de les mesurer d'une façon quelconque comme on le fait pour l'alcool.
Je n'ai pas de questions à poser à quelqu'un en particulier. Je veux donner l'occasion à chacun d'exprimer son point de vue. Je suis membre du Comité de la santé depuis à peine six mois et j'ai été exposé à toutes sortes de commentaires de personnes qui soutiennent des études dont les résultats sont contradictoires à d'autres études. Certains disent que la marijuana n'est pas dangereuse pour la santé et qu'elle ne crée pas de dépendance. Il y en a d'autres qui disent le contraire. Très franchement, il nous est très difficile de nous faire une idée précise là-dessus. Je pense qu'il faudra demander un jour des preuves supplémentaires pour essayer de clarifier au mieux le sujet.
Voici une question plus banale. Il est interdit de voler, n'est-ce pas? Vous allez me dire que ça n'a pas de rapport avec la discussion que nous avons en ce moment, mais nous sommes bien d'accord sur le fait que voler est illégal. Pourtant, nous savons qu'il y a des gens qui vont voler malgré tout, ce qui fait que nous fermons nos automobiles à clé et que nous installons des systèmes antivol dans nos maisons pour nous protéger. Mais les voleurs ne sont pas nombreux. On parle de 5 p. 100 de la population et peut-être moins, mais à cause d'eux, on est obligés de s'équiper de toutes sortes de systèmes, d'avoir des lois, un système de police et bien d'autres choses. Je fais une analogie avec les produits dangereux dont on parle.
Dans la plupart des cas, dans le cas d'une population bien éduquée, consciente de sa santé, ayant de bons parents et tout le reste, on n'aurait besoin ni de lois ni de tous ces systèmes. Si des gens faisaient de telles choses, on pourrait les pointer du doigt et leur dire qu'ils sont coupables d'agir ainsi. Mais il faut dire que souvent, et nous le savons par des études faites par le Comité de la santé, ces gens sont aussi des victimes.
Ces gens-là, les voleurs ou les délinquants, sont des victimes. Ils souffrent. Le plus souvent, les gens qui abusent de l'alcool ou de la drogue sont des gens malheureux, qui sont mal dans leur peau.
Que devrait-on faire pour aider ces gens-là? Il ont besoin d'aide. Il faudrait les considérer non pas comme des coupables mais plutôt comme des victimes. Qu'est-ce que la société devrait faire? Que devrions-nous faire tous ensemble pour mieux aider ces gens-là? Au lieu de penser à la façon dont on pourrait les aider, on est plutôt en train de débattre de la façon dont on pourrait se protéger par de meilleurs systèmes antivol ou par plus de policiers. On les considère comme des coupables et non comme des victimes. J'exagère peut-être un peu, monsieur le président, mais je pose une question existentielle. Qui veut bien y répondre?
[Traduction]
M. Burford: Diane Buhler voudrait d'abord répondre à la question.
Mme Buhler: Je crois que la question fondamentale est une question de santé. Il s'agit de savoir si un consommateur occasionnel de drogues penserait qu'il s'agit d'une question de santé. Ce serait le cas de certains, mais pas d'autres.
Je ne peux vous répondre que pour ce qui est des jeunes. Nous nous préoccupons surtout des jeunes et c'est auprès d'eux que nous intervenons. Les jeunes ne consomment pas une seule drogue. Je ne sais pas si on peut vraiment dire que les consommateurs de cannabis et de marijuana sont des victimes et que les consommateurs d'autres drogues sont des prédateurs... Il y a des jeunes dans les deux groupes. Ils consomment des drogues. Ils font grand cas du fait qu'il s'agit d'une herbe naturelle qu'ils appellent «la mauvaise herbe de Dieu», mais on peut dire la même chose des champignons magiques. Ils croissent aussi naturellement.
Les jeunes sont des victimes parce qu'ils utilisent toutes sortes de substances hallucinogènes. Les raisons qui les incitent à le faire sont nombreuses. Ces raisons sont parfois banales et d'autres fois, profondes.
J'ai entendu beaucoup de gens soutenir que la criminalisation de la consommation de drogues ne fait qu'aggraver le tort causé parmi des gens innocents, mais je ne pense pas qu'on se préoccupe beaucoup de les aider. Je sais que nous cherchons à aider ces victimes. C'est exactement le rôle de notre organisme. Il nous est parfois cependant très difficile d'aider ces gens.
Je suis cependant d'accord avec vous pour dire que c'est le principe qui devrait nous guider. Si on modifie un jour la loi, j'espère qu'on le fera pour cette raison-là et pour cette seule raison.
Je crains cependant que ce n'est pas la voie dans laquelle nous nous dirigeons. Si ces changements sont précédés d'efforts sur les plans de la santé et de l'éducation, je les appuierai. Je crois cependant qu'on aborde la question beaucoup trop à la légère parce qu'on soutient qu'une drogue donnée ne présente aucun risque.
Si par ailleurs de grandes campagnes d'éducation visaient à faire ressortir les dangers que présente le cannabis tout en insistant sur le fait qu'on veut aider les consommateurs de cette drogue, je crois que ce serait une façon intelligente de s'attaquer au problème. Mais ce n'est pas ce que nous faisons.
J'appuie ce qu'a dit Karl, c'est-à-dire que tout changement doit d'abord être précédé d'efforts en vue d'aider les gens. Autrement, on continuera à insister sur le fait que les drogues ne présentent aucun risque. Je crois que nous sommes actuellement dans une impasse.
On a demandé s'il fallait changer la façon dont nous intervenons auprès des jeunes parce que notre stratégie ne fonctionne pas. La réponse est oui. Nous avons besoin de changer la façon dont nous intervenons de toute urgence. Je crois que la situation était meilleure il y a cinq ans. On avait alors constaté une diminution de la consommation des drogues. On constate aujourd'hui une augmentation à cet égard. Plus de jeunes fument. C'est comme si on se frappait la tête sur un mur. Nous travaillons d'arrache-pied en vain. Cela nous incite évidemment à essayer de trouver des moyens d'intervention qui sont plus efficaces. Comment peut-on cependant le faire lorsqu'on insiste sur une seule drogue, le cannabis, alors que les jeunes consomment tout un ensemble de drogues.
Au niveau de l'expérimentation, c'est possible. Il y aura beaucoup plus de jeunes qui répondront oui à la question, qui diront l'avoir essayé, mais avoir cessé d'en consommer. Je dirais que le cannabis est consommé au stade de l'expérimentation et qu'ensuite, il n'est plus consommé.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Monsieur Hill.
M. Hill (Macleod): Merci. Je vous remercie de votre exposé. Je comprends vos préoccupations à l'égard de ce problème.
Selon M. Burford, le fait d'avoir consommé de la marijuana à une occasion ne devrait pas être passible d'une sanction criminelle. Comme j'aime que les choses se déroulent dans l'ordre, j'aimerais que chacun d'entre vous me dise s'il est ou non de cet avis.
Mme Williams: Vous voulez savoir s'il devrait en être ainsi?
M. Hill: Oui ou non.
Mme Williams: Oui.
M. Hill: Vous êtes donc d'accord avec M. Burford pour dire qu'une première condamnation pour possession de marijuana ne devrait pas être criminalisée. Vous êtes d'accord?
Mme Williams: Eh bien, je...
M. Hill: Je demanderais à chacun d'entre vous de dire simplement si vous êtes ou non de cet avis.
Mme Williams: En tant que représentants d'un organisme, nous devons...
Mme Buhler: Vous parlez d'une infraction passible d'un casier judiciaire. Pourrait-on être précis?
M. Hill: Êtes-vous d'accord avec lui?
Mme Williams: Cela entraînerait donc un casier judiciaire.
M. Hill: À son avis, une première infraction pour possession de marijuana ne devrait pas être criminalisée. Êtes-vous d'accord?
Mme Buhler: Il a dit qu'une accusation criminelle serait portée, mais qu'elle n'entraînerait pas de casier judiciaire advenant une condamnation.
M. Hill: Oui.
Mme Buhler: D'accord.
Mme Williams: Une accusation criminelle, oui, mais...
M. Hill: Êtes-vous d'accord?
Mme Williams: Je suis d'accord.
Mme Buhler: Je suis d'accord.
M. Hill: Manifestement, vous êtes d'accord. Je ne veux pas de longue explication, je veux seulement...
M. Burden: Puis-je intervenir?
M. Hill: D'accord.
M. Burden: Tout dépend des circonstances entourant l'accusation. Si l'accusation originale portait sur un crime plus grave, je ne serais pas d'accord. S'il s'agit d'un simple cas de possession, sans plus, à ce moment-là, je serais d'accord.
M. Bates: Je suis d'accord avec Fred. Je dirais la même chose pour une première infraction de conduite avec facultés affaiblies avec taux de .08. Cela non plus ne devrait pas être criminalisé. Ce ne sont pas ces gens-là qui sont à la source du problème.
M. Hill: Monsieur Bates, vous avez dit dans votre exposé que les étiquettes sont obligatoires sur les bouteilles de boissons alcoolisées aux États-Unis depuis des années, sans que cela ait eu des conséquences négatives pour l'industrie, et qu'il n'y a pas de raison de croire que les fabricants de boissons alcoolisées canadiens en souffriraient. C'est ce que vous avez dit.
M. Bates: Oui.
M. Hill: Quelques instants plus tard, vous avez ajouté que l'industrie craignait de voir baisser ses ventes, soit qu'elles allaient baisser.
M. Bates: Bien sûr. Il n'y a pas...
M. Hill: Ces deux déclarations sont contradictoires.
M. Bates: Non, pas vraiment. Il n'y a pas de raison financière. Les raisons invoquées par l'industrie pour faire croire que cela va coûter plus cher sont factices. Ce ne sera pas la conséquence. Bien sûr, cela va réduire la consommation d'alcool, et nous croyons que ce sont les deux aspects d'une même réalité.
M. Hill: Je vous conseillerais de retirer votre première déclaration de votre exposé car elle est contradictoire. Je sais qu'une telle initiative réduirait les ventes. Je souhaite réduire les ventes. Mais votre première affirmation, selon laquelle l'industrie ne souffrirait pas, est contradictoire avec votre deuxième affirmation. Je vous invite à y réfléchir.
M. Bates: Très bien.
M. Hill: La troisième chose que je voulais... et voilà que j'ai un trou de mémoire. C'est incroyable, mais je devrai céder mon tour.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je suis sûr que cela vous reviendra. D'ailleurs, vous aurez de nouveau la parole.
Monsieur Szabo.
M. Szabo (Mississauga-Sud): Je tiens à vous remercier tous d'être venus car il est toujours fort intéressant d'entendre des gens qui, comme vous, oeuvrent sur le terrain. Il va de soi que vous êtes les personnes qui connaissez le mieux cette réalité puisque vous traitez avec des clients et des gens qui ont été touchés par ces problèmes.
Posée hors contexte, la question de savoir si les étiquettes donneraient des résultats est plutôt injuste si l'on considère qu'après le crucifix et la Croix-Rouge, le symbole le plus reconnu dans le monde est Coca-Cola. Or, la société Coca-Cola ne vend pas son produit d'une seule façon. Elle a des chansons, une étiquette, une couleur, un refrain publicitaire, des commanditaires, de la publicité, elle offre des prix - c'est omniprésent. Elle fait flèche de tout bois, et cela fonctionne. Par conséquent, si l'on veut obtenir des résultats, il faut adopter des approches multiples. C'est ça l'idée.
Voyez ce que font les sociétés de tabac. Leurs options ne sont pas nombreuses, mais elles continuent de s'associer à des organisations et à des manifestations diverses. C'est une stratégie brillante, et elles ne ratent aucune occasion. Il ne faut donc pas avoir une démarche unique. Les étiquettes ne représentent qu'une façon d'aborder le problème. Si vous voulez contrer les effets néfastes sur la santé ou mettre en relief le mauvais usage d'une substance, il faut envisager de le faire de multiples façons afin de constamment sensibiliser les gens. Il faut que cela fasse partie de la réalité à tout moment.
Je ne serais jamais d'accord... On peut attendre que le monde s'arrête de tourner et ensuite mettre à l'essai des étiquettes pour voir si elles donnent les résultats escomptés parce que le monde est en constante évolution. Il est influencé par de nombreux facteurs. Il n'est donc pas pertinent de se demander si les étiquettes sont efficaces.
Ce matin, j'ai commencé à lire un livre intitulé The Divorce Culture. J'aimerais avoir vos commentaires à cet égard. Il m'a rappelé qu'il existait de nombreuses approches - encore la multiplicité. L'approche préventive, corrective, curative, etc. En matière de divorce, on y précise qu'on peut faire ce que font la plupart d'entre nous, militants et responsables politiques, et interdire ou pénaliser certaines choses pour régler un problème après coup et, dans une certaine mesure, essayer de le prévenir. Mais certains autres facteurs sociaux entrent en jeu et, de plus, il s'agit de jeunes. Tout le monde semble croire que ce sont les jeunes qui sont au coeur du problème.
Savez-vous que dans la province de l'Ontario, pour la première fois en dix ans, le nombre de condamnations pour conduite avec facultés affaiblies a augmenté? Et vous savez quoi? Cela n'a rien à voir avec les jeunes. En fait, ces derniers ont appris davantage au sujet du chauffeur désigné. Ils ont déjà compris le message. Savez-vous à qui était attribuable cette hausse? À tout le monde, sauf les jeunes.
Le pendule est allé trop loin. Nous jetons le blâme sur des groupes marginaux, et nous avons oublié tous les autres.
Le message que j'ai retiré de la lecture de cet ouvrage, The Divorce Culture, c'est qu'il existe des problèmes sociaux qui, à la base, contribuent à énormément de problèmes qui existent dans notre société. L'un des pires maux de notre société est l'éclatement de la famille. Cinquante pour cent des enfants de moins de 20 ans connaîtront l'expérience d'un divorce dans leur famille. Cette absence de supervision parentale, cette carence se traduit par un piètre état de santé, des problèmes de comportement et une possibilité accrue de démêlées avec la justice criminelle. Cela débouchera sur un manque d'appui, d'où la tendance à s'enfoncer dans certains problèmes comme la consommation de tabac, d'alcool, de drogues, etc.
Je ne pense pas que le défi consiste à trouver l'unique solution au problème, mais plutôt d'élaborer une multitude d'approches pour le régler. Le premier pas consiste à reconnaître que dans une grande mesure, nous avons abandonné les meilleurs intérêts de nos enfants en faveur des nôtres.
Je m'excuse d'avoir été aussi volubile. Je suis très impressionné. Je suppose que l'important, c'est la réduction des préjudices...
Le vice-président (M. Dhaliwal): Vous voyez comme je suis bon prince en tant que président. Je vous ai accordé tout ce temps pour un long préambule.
M. Szabo: Désolé.
Cela dit, la réduction des préjudices est la question centrale. Je constate que les mesures prises jusqu'à maintenant se sont soldées par un échec. Par conséquent, pourquoi ne pas décriminaliser cela? Pourquoi ne pas assouplir les règles? Ainsi, il y aura dans notre société des drogues moins coûteuses, plus sûres, ainsi que moins de violence. Cela revient pratiquement à condamner ce que nous faisons à l'heure actuelle et à prendre la résolution d'essayer autre chose.
Ma question est la suivante: a-t-on des preuves qu'en tant que modèle, la réduction des préjudices est une démarche valable?
Mme Williams: Nous avons à Kingston une école qui rivaliserait avec n'importe quelle école de quartiers déshérités d'une grande ville. Dans les classes, nous devons varier ce que nous enseignons à nos enfants. Dans une classe, nous avons dû avoir recours à la théorie de la réduction des préjudices car sur 26 élèves, 15 consommaient régulièrement de la drogue. C'est un cas rare, mais cela existe. Dans un tel contexte, le fait de leur dire qu'il y a des étiquettes sur ceci ou cela n'aura aucune influence sur ces jeunes car ils sont déjà sur la mauvaise pente.
À la réflexion, je pense que nous devons choisir avec soin nos stratégies de prévention et nos méthodes d'éducation des enfants.
Ce qui est intéressant à Kingston, c'est que nous ne nous bornons pas à enseigner aux enfants, nous travaillons aussi avec les parents. Nous essayons de coordonner notre programme «Choix» avec notre programme «Les parents, c'est important», pour que les parents participent pratiquement au même processus d'apprentissage que les enfants. À mon avis, c'est très important car, derrière chaque problème de toxicomanie se cache un problème familial. Ce n'est pas seulement le jeune ou l'enfant qui est en cause. Vous avez mis là le doigt sur quelque chose d'important.
Nous avons constaté que la réduction des préjudices était utile à nos jeunes parce que nous ne leur faisons pas de sermons. Nous ne les incitions pas à faire ceci ou cela. Essentiellement, on leur racontait que s'ils continuaient à consommer régulièrement, ils pouvaient avoir une chance ici et là, mais qu'autrement, ils devraient en subir les conséquences. Nous leur communiquions simplement notre propre point de vue et nous avons constaté que cela marchait très bien.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Monsieur Jenkins, je crois que vous vouliez intervenir.
M. Ben Jenkins (membre, conseil d'administration, Concerns Canada): Oui. À mon avis, cela revient au commentaire de M. Dubé au sujet de la réduction des préjudices également car si j'ai bien compris, c'est ce qu'il voulait dire ou en tout cas, c'était le sens de son intervention.
À cet égard, je pense que cela rappelle également les propos de M. Szabo au sujet de la société dans laquelle nous voulons vivre.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire quels sont mes antécédents. J'ai été agent antidrogue à la GRC, en Ontario, pendant 25 ans. J'ai pris ma retraite en 1991, et je dirige maintenant ma propre entreprise, Drug Awareness Strategies. J'aide les entreprises à régler les problèmes de toxicomanie.
Par conséquent, toute décriminalisation serait très favorable à mon entreprise, mais je m'y oppose. Je vous invite à ne même pas envisager de le faire. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
Je suis ici à titre de membre du conseil d'administration de Concerns Canada et de membre du Réseau de prévention de la toxicomanie des Amériques, initiative de l'ONU pour l'hémisphère occidental.
Je voudrais vous parler de la réduction des préjudices. Comme M. Dubé l'a mentionné, cette théorie se fonde sur la prémisse qu'il y aura toujours, au sein de la population, un certain nombre de personnes qui consommeront de la drogue, et il a tout à fait raison. Si l'on accepte cette prémisse et qu'on s'attache à concentrer les ressources disponibles pour réduire ces préjudices au minimum, en fait on détourne les ressources du problème en soi. Il faut être très prudents, sans quoi nous risquons de devenir partie au problème, plutôt que partie à la solution.
Permettez-moi de donner l'exemple de l'alcoolisme... Je ne sais pas si certains d'entre vous connaissent ce problème en particulier. On ne donne pas une bière tous les trois jours à un alcoolique pour l'aider à s'en sortir. Parallèlement, je conçois mal que l'on donne aux héroïnomanes des aiguilles gratuites pour empêcher qu'ils contractent le sida. À quel moment devient-on partie au problème? En l'occurrence, on leur donne les moyens de continuer de consommer. On peut le faire pour des raisons humanitaires très valables, mais au bout du compte le résultat est assez radical: on leur permet de s'enfoncer dans leur maladie, sans compter que cela livre un message plutôt curieux aux jeunes.
C'est une question très complexe, et il faut l'examiner sous tous ses aspects. Comme M. Dubé l'a dit, peu importe ce que l'on peut faire, un petit pourcentage de la population va opter pour le crime, que ce soit le vol ou autre chose.
À cet égard, je voudrais faire une analogie avec le viol. Le viol est interdit par la loi au Canada. Pourtant, nous savons qu'un certain pourcentage de citoyens vont commettre un viol. Que devrions-nous faire? Devrions-nous organiser pour ces violeurs potentiels des relations sexuelles avec une femme toutes les deux semaines ou tous les trois mois? Le parallèle est là.
Lorsque je travaillais à la GRC, à Peterborough, j'appliquais les lois antidrogue, et j'ai arrêté de tout jeunes adolescents pour des délits mineurs relatifs à la drogue, surtout des cas de possession. J'avais constaté que cela ne donnait rien, de sorte que j'ai décidé de les ramener à leurs parents, et de leur expliquer quelle était la drogue en question, les circonstances de l'arrestation, et je répondais à toutes leurs questions. En partant, je leur servais l'avertissement que si je reprenais cette jeune personne en question, il devrait subir les rigueurs du système judiciaire.
Je consignais tout cela dans un grand livre et, après un an ou deux, j'ai constaté que deux éléments entraient en jeu. Si les deux éléments étaient présents dans la famille, je ne revoyais plus jamais ces jeunes. Ces deux éléments étaient la discipline et la bonne communication. Lorsque je dis discipline, je ne parle pas de châtiment corporel. Je parle de règles dont la transgression se traduit par certains conséquences. C'est en fait ce qu'est notre droit pénal. Comme Fred l'a dit dans son exposé, le droit pénal existe, et la plupart des gens le respectent. Évidemment, il y aura toujours des brebis égarées, mais c'est la nature humaine.
Le concept de la réduction des préjudices est très dangereux car dès lors qu'on accepte cette prémisse et qu'on s'attaque aux ramifications du problème plutôt qu'au problème de base, au lieu de réduire les préjudices, on s'engage dans tout un débat duquel il est très difficile de sortir. C'est poser le pied sur la première marche vers la légalisation totale.
Je n'ai absolument rien contre le recours à des stratégies de réduction des préjudices, comme les aiguilles gratuites, les drogues gratuites, et ce genre de choses, si l'héroïnomane en question affirme vouloir régler son problème dans le contexte d'un centre de traitement reconnu. À ce moment-là, qu'on leur donne tout ce qu'il faut pour qu'ils se débarrassent de ce problème. Mais pour ce qui est de simplement leur fournir le matériel de consommation, sans engagement de la part du toxicomane, on n'aboutira jamais à rien avec cela.
Mon père disait qu'on pouvait amener un cheval à l'étang, mais qu'on ne pouvait le faire boire. En l'absence de cet engagement, on n'aboutira à rien, peu importe les efforts qui seront déployés. Malgré toutes les bonnes raisons qu'on peut avancer sur le plan humanitaire pour agir ainsi, il n'en reste pas moins que l'on ajoute au problème.
J'aimerais aborder une autre question avant d'abandonner ce sujet en particulier. On dit souvent que les anciennes méthodes ont échoué. Le président a mentionné d'entrée de jeu qu'il y avait eu des exposés en ce sens. Je conteste cela énergiquement. D'ailleurs Diane Buhler a dit elle-même qu'il y a cinq ans, nous avions assisté à un déclin.
Si l'on remonte à cinq ans, on constatera que les politiciens de l'époque - M. Mulroney a affirmé que c'était une épidémie et M. Reagan a déclaré la guerre à la consommation de drogues - ont fait preuve de leadership, de sorte que tout le monde savait que c'était un comportement inacceptable. Et tout le monde - les vedettes de rock, les enseignants, les parents et les travailleurs sociaux - leur ont emboîté le pas et ont à leur tour proclamé que c'était un comportement inacceptable. Il y avait des programmes de prévention et d'éducation, et les chiffres étaient à la baisse. Aux environs de 1990-1991, la volonté politique s'est effritée, les ressources ont diminué, il y a eu des compressions, etc., et on a constaté que la consommation de drogues revenait en force. Je pense que les anciennes méthodes avaient du bon.
Pour ce qui est des options judiciaires, après 25 ans d'expérience dans la GRC, je peux vous dire que lorsqu'un agent de police arrête quelqu'un, peu importe l'infraction - prenons l'exemple de la possession de marijuana - , c'est à lui de décider de porter des accusations ou non. C'est un niveau d'examen. Si des accusations sont portées, le procureur lui demandera à quoi il a bien pu penser puisqu'il s'agit là d'une infraction mineure, ajoutant qu'il lui fait perdre son temps. C'est un autre niveau d'examen. Puis, l'avocat de la défense entre en scène, et veut savoir pourquoi l'agent a jugé bon de porter des accusations dans le cas de cette infraction mineure. C'est un autre niveau d'examen. Puis il y a le juge, qui prend connaissance de la preuve. C'est encore là un autre niveau. Ensuite, au-dessus du juge, il y a une cour d'appel. Ce sont tous les niveaux d'examen qui sont appelés à intervenir avant que l'on puisse porter une accusation.
Quant au juge, il peut opter pour une absolution inconditionnelle, ce qui signifie qu'il n'y aura pas de verdict de culpabilité et pas de peine; il ne reste aucune trace. Ou il peut dire que les circonstances justifient une absolution sous condition, auquel cas il y a verdict de culpabilité, mais si le contrevenant fait des travaux communautaires ou se plie aux conditions requises pour sa peine, que ce soit trois mois six mois ou un an, ou que ce soit, encore une fois il ne reste aucune trace. Pas de casier judiciaire. Ou il peut faire une déclaration de culpabilité.
Après tous ces niveaux d'examen, on peut penser qu'une déclaration de culpabilité est justifiée, qu'il s'agisse de la première infraction ou de la cinquantième.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Merci beaucoup, monsieur Jenkins, pour cette explication.
Fred.
M. Burford: Monsieur le président, Ben Jenkins vient de réagir à cette idée qu'une nouvelle approche s'impose. Je ne vais assurément pas tout répéter en détail, mais comme nous l'avons déjà dit, une nouvelle approche a été adoptée à la fin des années 70 et au début des années 80. Par l'entremise de l'Ontario Secondary School Principals' Council, je participais aux efforts menés en matière d'éducation sur la toxicomanie. Tant et aussi longtemps que cette approche était appuyée par toutes les parties en cause, elle a donné de bons résultats. Voilà une nouvelle démarche qui a fonctionné.
Elle a été abandonnée dans les années 80. Si elle a été abandonnée, c'est sans doute - et je ne blâme personne - que l'on a commencé à se préoccuper du sida et de la violence familiale, et que les écoles ont dû accorder leur attention à ces problèmes. Je ne critique pas les raisons qui ont mené à son abandon, mais dans les faits, cette nouvelle approche n'a duré que quelques années.
Il faut donc revenir à cette approche et redonner à l'éducation une place centrale. Voilà la nouvelle démarche qu'il faut adopter, au lieu de prendre des mesures qui vont laisser entendre à la population qu'il n'est plus répréhensible de consommer de la marijuana. Car ce serait effectivement le message qui serait livré, et il serait embrassé par une partie importante de notre population, d'aucuns ayant dit qu'au Canada quelque 725 000 jeunes seraient touchés.
En guise de comparaison, dans un cas de cambriolage ou de vol, c'est de choses matérielles qu'il s'agit. Mais lorsqu'on parle de toxicomanes ou d'alcooliques, c'est d'êtres humains dont il est question et en l'occurrence, étant donné que nous nous intéressons particulièrement aux jeunes, ce sont de jeunes êtres humains dont la vie risque d'être gâchée. C'est une conséquence très sérieuse.
Évidemment, en tant que citoyen, le vol a de quoi inquiéter. Je pense qu'on peut appliquer l'analogie de Ben au sujet du viol ou des excès de vitesse. Il n'y a pas de mouvement puissant en faveur d'une nouvelle approche face aux excès de vitesse, en dépit du fait que ces infractions sont constantes. Je suis sûr qu'à Ottawa, comme à Toronto, on voit quantité de gens brûler des feux rouges. Pourtant, je n'ai pas encore entendu parler d'un mouvement collectif pour changer notre façon de faire car il existe dans notre système judiciaire des références de base à cet égard.
Je me souviens très bien d'avoir entendu le Dr John Macdonald, qui a déjà été président de la Fondation de la recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie, dire en 1982, ou dans ces environs-là, qu'en raison de tous les problèmes associés à deux drogues légales, le tabac et l'alcool, il était absolument insensé que les autorités envisagent de modifier la loi interdisant la consommation de marijuana, sachant pertinemment que cela se traduirait par une augmentation de la consommation. À mon avis, nous savons très bien que cela causerait une augmentation.
Au nombre des victimes des alcooliques, des adeptes du tabac, des joueurs invétérés ou des consommateurs de drogues illégales, on retrouve toujours leur famille et leurs proches. Ce réseau s'étend et les préjudices causés transcendent ceux que subit le consommateur lui-même.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je suis désolé...
M. Burford: C'est tout ce que je voulais dire.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Nous avons cette salle jusqu'à 11 heures seulement. Par conséquent, je demanderais aux participants de raccourcir leurs préambules et d'être concis dans leurs questions.
Monsieur Murphy.
M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Je vous remercie d'être venus et j'apprécie que vous ayez coordonné vos efforts. Après vous avoir entendu parler, surtout de ce qui se passe sur le terrain, je peux vous dire que vous prêchez aux convertis.
Je voudrais savoir deux choses. Premièrement, je demanderais à Karl de m'en dire un petit peu plus long au sujet du programme qui impute le coût de la réadaptation au contrevenant.
Par ailleurs, ayant oeuvré dans le domaine de la psychiatrie et de la santé mentale pendant une trentaine d'années, je connais bien la coordination. À mon avis, il faut que nous ayons au niveau fédéral une politique globale, qui, ensuite, s'étendrait au niveau provincial. Cependant, cela n'aura guère de valeur à moins que ses effets ne s'étendent jusqu'à la population, jusqu'au coeur des collectivités.
Les représentants des groupes MADD et PAD préconisent des approches différentes. Vous parlez tous de la même clientèle, et pourtant vous avez tous des programmes différents. Selon mon expérience, si tous ces programmes pouvaient faire l'objet d'un effort de coordination à l'échelle communautaire, ils auraient une chance de succès.
Je crois que vous avez tous dit qu'il y a quelques années, c'était davantage la démarche en vigueur. Nous avons quelque peu perdu du terrain à cet égard. Je ne pense pas que nous ayons perdu totalement cet esprit, car je connais des tas de gens très engagés qui font du beau travail dans leurs collectivités, mais vous vous situez davantage au niveau national - c'est-à-dire sauf dans votre cas.
De quoi avons-nous besoin? Quels sont les ingrédients nécessaires pour rallier les forces d'éducation, de MADD, et de tous les divers groupes et les amener à oeuvrer de façon coordonnée dans les collectivités? Nous avons tendance à faire cavalier seul et à constituer des groupes ayant des centres d'intérêt particuliers. Cependant, c'est dans l'ensemble de la même population qu'il s'agit. Je voudrais donc que l'un d'entre vous me dise comment nous pourrions coordonner les efforts déployés dans de multiples collectivités un peu partout au pays. Je pense que c'est là que se décidera la bataille.
M. Burden: Je vais répondre d'abord à la première partie de votre question. Notre organisation dessert à l'heure actuelle quelques 1 000 clients par année par l'entremise de divers programmes du ministère du Service correctionnel de l'Ontario, surtout dans la région du grand Toronto métropolitain. Lorsque les personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies adhèrent à notre programme, elles en sont déjà au stade de la probation. C'est dire que le délai qui s'écoule entre le moment de l'infraction et le moment du cours est très long. Dans certains cas, cela peut aller jusqu'à des années.
Nous sommes convaincus que si nous pouvions intervenir plus rapidement après l'infraction, notre taux de succès serait plus élevé. Ce serait particulièrement le cas si notre intervention pouvait se situer avant la comparution devant le tribunal, car à ce moment-là, toutes les parties sont motivées pour faire en sorte que la peine finale soit aussi courte que possible pour l'individu en question. Nous avons donc lancé un programme en ce sens, et nous croyons que le gouvernement provincial de l'Ontario envisage de l'imposer à titre de deuxième étape vers la suspension du permis de 90 jours qui vient tout juste d'être imposée.
Ce que l'on souhaite, c'est que le plus tôt possible après l'infraction, le contrevenant suive un cours. Dans notre cas, ce cours est d'une durée de 12 heures réparties sur quatre jours. On y envisage divers scénarios. Premièrement, on ne suppose pas d'entrée de jeu que le client est un toxicomane. Nous essayons, par l'entremise d'un modèle éducatif, de fournir à l'individu suffisamment d'informations pour qu'il puisse porter lui-même un jugement sur son propre comportement. Certaines recherches font ressortir que si l'on assujettit à un traitement une personne alcoolique qui refuse d'admettre qu'elle a un problème, elle va se rebiffer et prétendre qu'elle ne devrait pas suivre le cours. Voilà pourquoi les bienfaits du cours sont mitigés.
Cependant, si on les place dans un contexte éducatif et qu'on leur donne la possibilité de comprendre le caractère répétitif des problèmes découlant de leur consommation d'alcool, et là où ils dépassent les bornes, même si ce n'est pas facile à cerner, s'ils commencent à analyser leurs propres habitudes de consommation, ils constatent qu'ils sont pratiquement des alcooliques invétérés, et ils deviennent soudainement leur propre juge. Cela leur ouvre les yeux et à ce moment-là, ils sont plus ouverts à ce que nous pouvons leur dire.
C'est l'objectif que vise ce programme, que nous considérons être une étape précédant le traitement. Nous espérons évidemment qu'à la fin du programme, le participant demande de l'aide supplémentaire. C'est à ce moment-là que nous le dirigerons vers un centre de traitement.
Nous estimons également que le fait que les frais de participation au programme soient à la charge du participant augmente sa motivation. Lorsque c'est le gouvernement qui paie la note, la tendance, c'est de ne pas prendre tout cela trop au sérieux. Quand le participant paie la note, le programme lui est plus profitable.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Monsieur Bates, je crois que vous voulez faire une remarque.
M. Bates: Je voulais simplement ajouter que notre organisme était au départ très petit, mais il compte maintenant des sections dans tout le pays, soit de Vancouver à Terre-Neuve. Nous comptons maintenant 30 000 membres et adhérents. Notre siège social se trouve à Mississauga. Nos sources de financement, notre orientation et nos lieux d'activité sont bien connus. Tout le monde intervient sur le terrain. Du siège social à la section de Bobcaygeon, on vend des articles pour ramasser des fonds afin que nous puissions offrir ce programme éducatif.
Pour poursuivre rapidement dans la même veine que M. Dubé, je ne connais aucune loi où que ce soit qui ait réussi à complètement éliminer la criminalité. J'entends aussi par là les infractions au code de la route. Il est illégal de conduire à une vitesse excessive, mais cela n'empêche pas les gens de le faire. Les vols de banque sont aussi interdits par la loi, mais les voleurs ne s'en préoccupent guère.
Nous avons aussi beaucoup compter sur quelque chose qui ne fonctionne pas, c'est-à-dire ce qu'on appelle les campagnes de sensibilisation du public. Je ne peux pas penser à un autre crime contre lequel on lutte de cette façon. Une campagne de sensibilisation du public du type «Dissuadez vos amis de faire des vols de banque», ne réglera en rien le problème des vols de banque. C'est un fait. À preuve, la campagne visant à dissuader les gens de conduire en état d'ivresse ne les a pas vraiment dissuadés de le faire.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Fred, vous avez le dernier mot.
M. Burford: Monsieur le président, je pense qu'il s'agit d'une très bonne question. Je crois qu'en Ontario, on a jeté les bases d'une intervention communautaire dans ce domaine en faisant appel aux écoles, aux intervenants du domaine de la santé publique, à la police et aux médecins. Il s'agit simplement d'encourager ce genre d'initiative.
Nous avons déjà pu constater l'efficacité d'un plan d'intervention communautaire de deux jours dans le cadre duquel un conférencier sachant très bien parler aux gens du problème de l'alcoolisme et de la toxicomanie anime une discussion dans la communauté, et notamment dans les écoles. En fait, cette approche fonctionne mieux si les écoles servent de centre d'intervention.
Quelqu'un doit prendre l'initiative, et je crois que ce serait utile si c'était le gouvernement fédéral, ce qui aurait un effet d'entraînement sur les gouvernements provinciaux et sur les municipalités. Les bases d'une telle intervention ont été jetées. Il existe depuis plusieurs années en Ontario des groupes d'action communautaire et on peut dire qu'ils ont ouvert la voie. Il s'agit maintenant d'aller plus loin.
J'aimerais aussi insister sur le fait que nous ne jetons pas le blâme sur les jeunes. Parents Against Drugs et CODA offrent des programmes purement éducatifs. Nous comptons sur les jeunes qui font preuve d'un sens de responsabilité pour qu'ils donnent l'exemple aux enfants plus jeunes qui les côtoient. Nous ne sermonnons absolument pas les jeunes.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Monsieur Volpe, avez-vous une question à poser?
M. Volpe: Mesdames et messieurs, je vais essayer d'allonger ma question et d'abréger mon préambule.
Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui. J'ai rencontré pour la première fois Fred Burford il y a environ 18 ans. Ce qu'il a dit aujourd'hui et ce que ses collègues autour de la table ont répété, c'est quelque chose que j'ai déjà entendu il y a 18 ans. À l'époque, l'utilisation de la marijuana se répandait de plus en plus et les directeurs d'école secondaire de votre conseil et d'autres conseils estimaient même que cela avait atteint un niveau critique. Vous avez fait valoir devant votre auditoire ce jour-là qu'il fallait essentiellement attribuer ce phénomène à l'éclatement de la famille nucléaire telle que nous la connaissions alors ou telle que nous nous en souvenions avec nostalgie.
Vous avez donné en exemple le cas de deux communautés importantes de Toronto, la communauté juive et la communauté italienne. Vous étiez d'avis que l'éclatement de la famille traditionnelle dans des communautés où la famille a toujours eu une grande importance semblait se traduire par des problèmes de comportement chez les enfants, et en particulier chez les garçons.
Je me souviens que l'étude dont vous parliez concluait que l'abus des drogues parmi les jeunes garçons de ces deux communautés se rapprochait du taux d'abus dans les communautés comptant plus de membres. Votre organisme estimait que cette situation était aussi attribuable au fait que la société se montrait plus tolérante à l'égard de l'utilisation des drogues et notamment de l'utilisation de la marijuana.
Je crois que M. Jenkins dirait que ce genre d'évaluation et de jugement était courant dans des communautés comme la communauté juive et la communauté italienne il y a 20 ans. À cette époque, tous les membres de ces communautés considéraient le comportement de l'ensemble des membres de la communauté comme étant la norme. Cette cohésion sociale s'est effondrée avec l'intégration. Les membres de ces communautés ne pouvaient plus se tourner vers leur communauté pour obtenir l'appui nécessaire. Maintenant, nous comptons tous sur des organismes comme l'organisme que dirige l'ancien patron de M. Jenkins pour fixer des normes.
Pensez-vous que cette évaluation de la situation est toujours valable aujourd'hui?
M. Burford: Beaucoup de facteurs doivent être pris en compte. Le problème des drogues se répand dans de nombreuses autres communautés au sein desquelles les liens communautaires sont très forts, par exemple la communauté grecque. Vous avez donné en exemple deux communautés comptant beaucoup de membres, au sein desquelles la famille a toujours joué un rôle très important, soit les communautés italiennes et juives de Toronto.
Diane, vous savez sans doute mieux que quiconque d'entre nous ce qu'il en est dans le cas de la communauté juive.
M. Volpe: Il vous renvoie la balle, Diane, mais je voulais en venir... je voulais revenir à John Bates...
M. Burford: C'est un problème qui nous préoccupe encore beaucoup. La situation à l'époque a fait des victimes qui se manifestent aujourd'hui, tout comme il y en aura qui se manifesteront dans dix ans à cause de la situation d'aujourd'hui.
M. Volpe: Je ne formulais pas une critique, Fred. Je pensais simplement qu'à l'époque - et peut-être que Diane devrait répondre à la question - , vous donniez en exemple ces deux communautés parce que les membres de l'auditoire les connaissaient bien. Tout le monde savait à l'époque que la cohésion familiale, la surveillance constante, la discipline, la communication, l'ascendance sociale et le désir de favoriser les communications - tout ce qu'on peut considérer comme étant positif - étaient en voie de disparaître.
Je me demande simplement si l'on doit attribuer à ces facteurs l'effondrement de la discipline personnelle, sans laquelle on ne peut pas lutter contre l'alcool et les drogues comme la marijuana, ou s'il faut l'attribuer à un autre facteur.
Mme Buhler: Si vous me le permettez, j'essaierai de répondre à la question, qui se rapproche de celle de M. Szabo.
Nous devons composer avec l'éclatement des familles. Comme l'a fait ressortir notre conférence Portraits de famille, ce phénomène social revêt une grande importance. Je ne pense pas qu'il convienne de s'intéresser seulement à une ou deux communautés puisque les valeurs familiales revêtent de l'importance dans toutes les communautés. Les changements qu'on constate dans les valeurs familiales touchent toutes les communautés.
Il ne fait aucun doute que ce phénomène de même que la situation du marché de l'emploi préoccupent beaucoup les jeunes aujourd'hui. Notre dernière conférence a fait ressortir le fait que les jeunes d'aujourd'hui ont un niveau de stress très élevé.
Il ne fait aucun doute que l'éclatement des familles y est pour quelque chose. Nous ne jetons pas le blâme sur les jeunes, nous ne jetons pas non plus le blâme sur les parents. C'est un fait de société.
On peut à tout le moins espérer qu'il y ait amélioration pour ce qui est des perspectives d'emploi des jeunes. Le problème à cet égard est d'envergure.
Il y a aussi ce qui se passe à l'intérieur des familles. Les familles doivent comprendre le stress que ressentent les jeunes, car on ne peut s'attendre à ce que la situation de l'emploi n'ait pas d'incidence sur eux. Les jeunes ne savent tout simplement pas à quoi s'attendre. Tout est incertain. Toutes les familles s'inquiètent de la situation, aussi bien celles qui viennent d'arriver au pays que celles qui y sont depuis longtemps. Toutes les familles se trouvent dans la même situation.
Il s'agit de facteurs très importants qu'il faut replacer dans leur contexte et avec lesquels il faut composer.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je regrette, monsieur Volpe, mais votre temps est écoulé.
Monsieur Dubé, avez-vous une autre question à poser?
[Français]
M. Dubé: Il reste très peu de temps. Je voudrais m'assurer que vous avez compris que ce que j'ai voulu dire plus tôt était très large. Je sais que mes propos ont suscité des réflexions. La position de notre parti, le Bloc québécois, l'Opposition officielle, n'est pas de critiquer ce qui se fait dans le milieu pour régler ces problèmes. Bien au contraire, nous pensons que les actions que vous faites méritent qu'on trouve des ressources pour que vous puissiez en faire davantage. J'ai bien apprécié tous vos commentaires à cet égard. Vous pourriez me dire que c'est facile pour moi de tenir un tel discours puisque je suis dans l'opposition et que ce n'est pas moi qui décide du budget comme le fait M. Martin. C'est vrai.
C'est ce que j'ai toujours pensé, même avant d'être député, alors que j'étais un intervenant dans le domaine du loisir et des sports et que j'oeuvrais au niveau des jeunes. Lorsque j'avais 20 ans et que j'en étais au début de mon intervention professionnelle, j'étais parmi ceux qui pensaient que quand on faisait participer les gens aux sports, il n'y avait pas de problèmes de drogue. Mais on se rendait bien compte, comme le soulevait M. Volpe, qu'on avait finalement le même genre de problèmes et que même dans le domaine du sport, la formule «un esprit sain dans un corps sain» ne fonctionnait pas tout le temps. Il y avait autre chose.
Comme vous le disiez, j'ai l'impression qu'un peu de politique entre en jeu. Au cours des années 1980, les politiciens s'étaient engagés dans une lutte antidrogue féroce. Je suis conscient des efforts que vous, un ancien de la GRC, avez faits lorsque vous étiez policier dans cette lutte antidrogue et que vous n'aviez pas toujours en main les moyens pour lutter efficacement contre ces drogues qui entrent de partout. Le Canada est entouré d'océans. J'ai vu dans mon coin de petits avions qui réussissaient à déjouer les radars et qui jetaient dans les lacs des cargaisons de drogues en sacs que les gens allaient récupérer six mois plus tard.
Je sais que ce n'est pas facile, mais il me semble qu'il faut faire une lutte féroce, une lutte mondiale contre cela. Je serais moins inquiet au sujet de la marijuana si ce n'était du fait que, de plus en plus, on se rend compte que des bandes criminalisées, que je n'ai pas besoin de nommer, ajoutent des matières au haschisch. C'est sûrement pareil dans les autres provinces. Ces gens ajoutent des matières pour rendre plus dépendants plus rapidement les jeunes à qui ils vendent ce mauvais stock. C'est pire.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dhaliwal): Avez-vous une question à poser, monsieur Dubé? Nous n'avons plus beaucoup de temps.
[Français]
M. Dubé: Je vous encourage à continuer et vous assure que, de notre côté, nous essaierons de convaincre les gens du gouvernement.
N'y a-t-il pas des contradictions? On a des budgets de prévention. Il fut un temps où je dénonçais à ce comité le fait que le ministère de la Santé coupait dans le curatif. Un centre de ma région qui traite des jeunes toxicomanes ne reçoit plus un sou cette année. On laisse à ces gens la responsabilité de trouver des fonds ailleurs. C'est bien beau de parler de prévention, mais qu'advient-il des jeunes de 16 à 18 ans qui sont des victimes et qui ont besoin d'aide pour s'en sortir? Dans un cas, chez nous, de jeunes toxicomanes sont sur une liste d'attente pendant un an. Il est inacceptable qu'ils doivent attendre un an avant de pouvoir être traités. Tout à l'heure, je parlais de politique, mais ici je suis sérieux, très sérieux. Je vous encourage à continuer.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dhaliwal); Je vous remercie, monsieur Dubé, des mots d'encouragement que vous avez adressés à ces groupes.
Monsieur Hill, avez-vous une dernière question à poser?
M. Hill: Monsieur Burford, j'aimerais plus d'information au sujet de l'expérience menée en Alaska. Ceux qui prétendent que le fait de fumer de la marijuana n'est pas nocif se fondent sur l'expérience menée en Alaska. J'aimerais savoir ce qu'il est advenu pendant cette période de ces fumeurs de marijuana.
M. Szabo: Il faisait froid le jour où ils ont dit ça.
M. Hill: Je suis très sérieux. Certains ont voulu me convaincre que la situation n'avait pas changé au Danemark, en Suisse et en Alaska. Vous avez cependant dit très clairement que le taux d'utilisation du cannabis avait augmenté en Alaska et qu'un nouveau vote avait eu lieu en 1991. Si une réponse à cette question serait trop longue, pourriez-vous nous la fournir par écrit?
M. Burford: J'ai ici un article de journal qui porte sur la question. Je suis sûr qu'on pourra vous en donner un exemplaire.
Des groupes de parents de l'Alaska ont commencé à s'inquiéter beaucoup lorsqu'ils se sont rendu compte que c'est en Alaska que l'on consommait le plus de marijuana aux États-Unis. Ils ont finalement obtenu qu'un vote ait lieu sur la question. Il a fallu d'abord s'entendre pour que ce vote ait lieu, ce qui n'a pas été facile, et 54 p. 100 des électeurs se sont prononcés en faveur de la recriminalisation de la consommation de la marijuana.
M. Hill: Avez-vous cet article avec vous?
M. Burford: Oui.
Le vice-président (M. Dhaliwal): J'aimerais remercier mes collègues pour les excellentes questions qu'ils ont posées et je vous remercie tous de vos excellents exposés et du bon travail que vous faites dans vos communautés. Notre comité attache beaucoup d'importance aux vues des groupes communautaires. Je vous remercie encore beaucoup.
M. Burford: Au nom de nous tous, j'aimerais vous remercier ainsi que les autres membres du Comité permanent de la santé. Je crois que cet échange de vues a été productif et très cordial. Nous vous remercions non seulement de nous avoir permis de participer à cette table ronde, mais aussi de l'accueil qu'on nous a réservé.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je vous remercie beaucoup.
Je demande aux membres du comité de bien vouloir rester parce que nous devons mettre aux voix la motion de M. Hill.
Monsieur Hill, voulez-vous intervenir sur cette motion?
M. Hill: Y a-t-il un problème? M. Keith Martin, qui n'est pas ici, appuie ma motion.
Il s'agit simplement de demander au ministre de la Santé de venir nous donner des précisions au sujet du budget, ce qui est assez...
Le vice-président (M. Dhaliwal): Silence, s'il vous plaît.
Allez-y.
[Français]
M. Hill: Nous désirons que M. Dingwall comparaisse devant notre comité pour discuter des prévisions budgétaires. Voilà la motion.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dhaliwal): Quelqu'un veut-il intervenir sur cette motion?
M. Volpe: Je ne m'oppose pas à ce que le ministre comparaisse devant nous, mais je suis pointilleux ce matin, et je n'aime pas beaucoup le ton de la motion. Il est évidemment bon que le ministre vienne discuter avec nous des prévisions budgétaires.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Proposez-vous que la motion s'arrête après «Budget des dépenses principal»?
M. Volpe: Oui, dès que le Budget des dépenses principal aura été déposé.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Cela vous convient-il, monsieur Hill?
[Français]
M. Dubé: La semaine dernière, en l'absence de M. Hill, le président, M. Simmons, avait formulé une plainte. Puisque j'ai aussi manqué une réunion, j'aimerais que M. Hill nous explique pourquoi il se serait, semble-t-il, opposé à ce que nous engagions des dépenses pour aller rencontrer des groupes sur la question des drogues. Pourrions-nous avoir sa version des faits?
[Traduction]
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je regrette, pouvons-nous d'abord traiter de cette motion? Vous pourrez ensuite soulever cette question.
On propose de mettre un point final à la motion après le mot «déposé». Je présume, monsieur Hill, que cela vous est acceptable.
M. Hill: C'est un amendement amical.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Oui, il s'agit d'un amendement amical. L'amendement amical est acceptable.
Des voix: Adopté.
La motion modifiée est adoptée
Le vice-président (M. Dhaliwal): Nous informerons le ministre qu'il a été invité par le comité à comparaître devant lui à un moment qui conviendra à tout le monde.
M. Dubé a quelques remarques à faire au sujet de notre dernière réunion. Je ne peux certainement pas parler au nom du président qui n'est pas ici aujourd'hui, mais si vous avez quelque chose à dire, monsieur Dubé, allez-y. Notre temps est cependant presque écoulé.
[Français]
M. Dubé: J'avais demandé pourquoi nous ne pouvions pas aller rencontrer des témoins ou, si cela coûtait trop cher, les rejoindre par téléconférence. Je me plains de cette situation. Les témoins que nous avons entendus sont tous des gens très gentils et très corrects, mais malheureusement, très peu d'entre eux proviennent de mon coin ou de la province de Québec. Je fais de telles revendications parce que nous avons des problèmes et que l'ensemble du comité devrait également entendre les situations que nous vivons. Je connais la situation, mais j'aimerais notamment qu'un organisme comme le Centre de toxicomanie Jean-Lapointe de Québec ou celui de Montréal vienne témoigner et que nous entendions quelques autres témoins du Québec. Je suis à la veille de me plaindre parce que jusqu'ici, on n'a rien entendu de ce côté. Je ne m'en plains pas encore, monsieur le président. Le président, M. Simmons, nous avait dit que nous ne pouvions faire ainsi parce que M. Hill nous avait empêchés d'engager des dépenses et d'entendre les gens du Québec. J'aimerais entendre la réponse de M. Hill à ce sujet.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dhaliwal): Au nom de M. Hill, je me permets de faire remarquer que cette question a été abordée avec votre collègue M. Martin.
Le président du Comité de la santé n'était pas très heureux du fait qu'il a été impossible d'obtenir l'approbation du budget de voyage parce que le Parti réformiste, par l'intermédiaire de son représentant M. Hill, estime que le comité ne doit pas se déplacer. Voilà pourquoi le comité n'a pas pu faire approuver un budget de voyage qui lui aurait permis de poursuivre son étude sur les drogues dans d'autres parties du pays.
Je vous demande votre avis, mais je pense qu'il vaudrait mieux laisser cette question au comité directeur.
Une voix: Nous n'en avons pas.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Il n'y a pas de comité directeur. Voilà.
Monsieur Volpe et ensuite M. Hill.
M. Volpe: Ce dont on a discuté la semaine dernière, c'est qu'en raison du fait que le comité n'a pas pu faire approuver un budget de voyage, nous rembourserions les frais de voyage des témoins qui viendraient comparaître à Ottawa, mais nous nous sommes rendu compte que cela allait excéder le budget de voyage réclamé. Je crois que c'est ce que Antoine fait remarquer. Nous avons l'occasion d'entendre des témoins, mais pas dans leur milieu. Nous ratons aussi l'occasion d'économiser de l'argent. Je crois que c'est ce qui frustrait le président du comité.
Je suppose qu'il y a une façon de régler le problème. Vous avez proposé qu'on confie la question au comité directeur, mais nous sommes les membres de ce comité.
Je crois qu'on peut proposer de nouveau un budget de voyage. Si tous les partis s'entendent pour approuver ce budget - étant donné qu'il faut le consentement unanime des trois partis - , nous pouvons réexaminer chaque poste. On pourrait essayer d'obtenir un coût estimatif. Je sais que la greffière essayait d'obtenir le coût estimatif d'un voyage pour le comité qui étudie le projet de loi C-47.
M. Hill a clairement exprimé son point de vue. Malgré le fait que nous avions fait des recherches pour établir ce budget, nous n'avons pas pu le présenter au comité de liaison. Essayons de voir si nous ne pouvons pas nous entendre pour proposer un budget.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Le président a des vues très fermes sur la question et je ne veux pas parler en son nom...
M. Volpe: Je crois que vous sous-estimez le sérieux des vues qui ont été exprimées la semaine dernière.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je ne veux pas m'étendre trop longuement sur cette question parce que nous y avons déjà consacré suffisamment de temps, mais je vais donner la parole à M. Szabo et ensuite à M. Hill.
M. Szabo: Je crois qu'il nous faut parer au plus urgent pour ce qui est du travail du comité sur la stratégie nationale antidrogue. On a demandé aux fonctionnaires du ministère de la Santé qui ont comparu devant nous si le ministère effectuait sa propre étude. Ils nous ont répondu que oui. La stratégie expire le 31 mars. Un certain nombre de groupes, dont le Centre canadien sur l'abus des drogues, devaient savoir s'ils allaient pouvoir compter sur des fonds de fonctionnement après le 31 décembre. Dans le cas contraire, il leur faudrait fermer leur porte. Leurs administrateurs ont adopté une résolution en ce sens.
Je suis un peu préoccupé et je ne sais vraiment pas ce que nous faisons. Les témoignages commencent à devenir répétitifs et j'aimerais certainement entendre le point de vue de tous ceux qui pourraient nous aider à proposer quelque chose de positif au sujet de la stratégie nationale antidrogue. Je ne sais vraiment pas où nous nous dirigeons. Avant de commencer à discuter d'un budget de voyage, je préférerais que nous discutions de l'orientation de nos travaux.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Je vois que cette discussion ne va pas nous mener très loin.
Monsieur Hill, pouvez-vous éclairer notre lanterne?
M. Hill: Je persiste à dire qu'il faut essayer d'économiser le plus possible. S'il est moins coûteux de se déplacer pour entendre nos témoins, je suis prêt à ce que nous en discutions. On ne m'a cependant pas prouvé que c'était le cas. Si vous pouvez me fournir des preuves montrant que le fait de faire venir des témoins à Ottawa va être plus coûteux que le fait pour le comité de se déplacer, montrez-les-moi. Moi, j'aime beaucoup voyager. Mais je m'oppose au fait de voyager pour le simple fait de voyager. Je n'approuverai jamais un budget de voyage si ce n'est pas la façon la plus économique d'entendre nos témoins.
M. Volpe: Vous avez droit à votre point de vue, mais je répète simplement ce qu'on nous a dit la semaine dernière. Je ne crois pas avoir dit quoique ce soit de nouveau.
[Français]
Une voix: Monsieur le greffier, présentez-nous des preuves.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dhaliwal): Une dernière intervention d'Antoine et je devrai ensuite mettre fin à la discussion.
[Français]
M. Dubé: Avant que notre président ne se fâche la semaine dernière, j'avais dit, et il ne m'a pas compris, qu'il existait un compromis qui ne coûterait pas cher. Je sais que le déplacement des députés coûte cher et que nous avons aussi un travail à faire à la Chambre. Le Comité permanent du développement des ressources humaines a déjà eu recours à ce qu'on appelle les téléconférences. Ces dernières ne coûtent pas cher et n'impliquent pas le déplacement de qui que ce soit. Elles représentent un compromis. On peut entendre des gens venant d'un coin précis du pays et discuter de questions que nous désirons soulever. Nous pourrions notamment le faire pour entendre les gens de Québec qui oeuvrent au Centre de toxicomanie Jean-Lapointe. Je suis convaincu que si nous tenons une téléconférence dans le cadre régulier, cela ne nous en coûtera pas cher. On l'a déjà fait. Pourquoi ne pas le faire maintenant?
[Traduction]
Le vice-président (M. Dhaliwal): Comme je l'ai dit plus tôt, le président, M. Simmons, a des vues très fermes sur cette question. Je ne sais pas si on va régler le problème aujourd'hui, mais j'aimerais qu'il soit ici pour participer à cette discussion.
On considère qu'il est important que le comité puisse entendre les témoins sur place etM. Simmons préférerait que le comité adopte un budget qui lui permette de voyager.
Nous avons notamment discuté de la possibilité de tenir des téléconférences. Je ne pense pas qu'on va régler le problème aujourd'hui. Je préférerais que M. Simmons préside la réunion lorsque nous discuterons de nouveau de la question parce qu'il a des vues très fermes sur celle-ci.
M. Volpe: Voici ce que nous pouvons faire pour aborder cette question de façon logique lorsque nous en discuterons en la présence de M. Simmons.
Le greffier a de toute évidence fourni à M. Simmons le coût approximatif du remboursement des frais de voyage des témoins. Nous n'avons pas ce document devant nous. En fonction de cette information, M. Simmons a conclu qu'il serait plus coûteux que le comité se déplace. Nous pourrions demander au greffier de recueillir de nouveau cette information pour que la prochaine fois que nous nous réunissions, nous puissions faire la comparaison. En présence des membres de tous les partis, nous pourrons ensuite tirer nos conclusions. Cela serait très utile.
Le vice-président (M. Dhaliwal): Très bien. Si vous pouvez obtenir cette information, nous reporterons la décision à ce sujet à notre prochaine réunion.
Je vous remercie beaucoup. La séance est levée.