[Enregistrement électronique]
Le lundi 13 mai 1996
[Traduction]
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue aux députés, aux sénateurs ainsi qu'aux autres participants qui sont présents.
Après avoir terminé notre table ronde, tous les participants auront l'occasion de dialoguer. Si une personne fait une remarque intéressante que l'un d'entre vous souhaite approfondir plus tard, il sera possible de tenir aussi des conversations personnelles.
Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes dans la salle ainsi qu'à celles qui suivent nos délibérations. Cet après-midi et demain, nous tiendrons un colloque parlementaire télévisé sur les emplois, l'environnement et le développement durable, sous les auspices du Sous-comité de la sensibilisation à l'environnement pour un développement durable, conformément à l'article 108(2) du Règlement.
Les membres du sous-comité sont: Monique Guay et Gérard Asselin du Bloc québécois, Paul Forseth du Parti réformiste, Jean Payne et John Finlay du Parti libéral et je suis la présidente.
Ce colloque a pour objet de sensibiliser davantage les parlementaires au développement durable et de leur fournir des exemples concrets d'activités organisées au niveau des collectivités, des entreprises, de l'industrie et du gouvernement qui prouvent que le développement durable est réalisable.
[Français]
Je souhaite la bienvenue à tous les participants ainsi qu'à tous les députés et sénateurs.
[Traduction]
J'invite les participants et les députés à se présenter.
Je vais commencer par moi. Je m'appelle Karen Kraft Sloan; je suis députée de York - Simcoe et secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement.
M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Je suis John Godfrey, secrétaire parlementaire du ministre de la Coopération internationale et de la Francophonie, en même temps qu'un observateur intéressé. J'ai déjà siégé au conseil d'administration de l'organisme Pollution Probe.
M. Christopher Henderson (président-directeur général, groupe Delphi): Je m'appelle Christopher Henderson, je suis le président-directeur général du groupe Delphi.
M. Cullen (Etobicoke-Nord): Je m'appelle Roy Cullen. Je suis député d'Etobicoke-Nord et je m'intéresse à ce sujet depuis des années, ayant travaillé dans l'industrie forestière, dans les secteurs privé et public.
M. Caccia (Davenport): Je suis Charles Caccia de Toronto.
Mme Ann Davis (partenaire, Services environnementaux, KPMG): Je m'appelle Ann Davis. Je suis la partenaire responsable des pratiques environnementales chez KPMG.
Mme Nola-Kate Seymoar (Institut international du développement durable): Je m'appelle Nola-Kate Seymoar. Je suis vice-présidente de l'Institut international du développement durable, dont le siège social se trouve à Winnipeg, ou plutôt Winterpeg.
M. Jon Grant (président, Corporation «Canada Lands»): Je m'appelle Jon Grant. Je porte aujourd'hui trois casquettes: je suis le président-directeur général sortant de Quaker Oats, président sortant de la Table ronde de l'Ontario sur l'environnement et l'économie et j'occupe actuellement le poste de président de la corporation Canada Lands.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Je m'appelle Jean Payne, je suis députée de St. John's, à Terre-Neuve.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Je m'appelle Paul Forseth. Je suis le député de New Westminster - Burnaby, membre du Parti réformiste, et représentant de mon parti pour les questions environnementales au Comité permanent de l'environnement.
[Français]
M. Harvey Mead (président, Union québécoise pour la conservation de la nature et membre de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie): Harvey Mead. Je suis président de l'Union québécoise pour la conservation de la nature et membre de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.
[Traduction]
M. Henry Lickers (directeur, Département de l'environnement, Conseil des Mohawks d'Akwesasne): Je suis Henry Lickers, directeur du Département de l'environnement du Conseil des Mohawks d'Akwesasne.
M. Reed (Halton - Peel): Je suis Julian Reed, député de Halton - Peel; sur le plan personnel, je m'investis énormément dans les questions liées au développement durable.
Mme Miriam Wyman (Women and Sustainability Network): Je m'appelle Miriam Wyman, je viens de Toronto et suis l'ancienne coordinatrice du groupe Women and Sustainability Network.
Jack Mintz (professeur, économiste, Comité technique des affaires en matière de taxation des entreprises, ministère des Finances): Je m'appelle Jack Mintz, et j'occupe actuellement environ trois postes différents. Pour ne citer que les deux les plus pertinents, je suis en général professeur de gestion à l'Université de Toronto mais, à l'heure actuelle, je suis l'économiste détaché au ministère des Finances à Ottawa dans le cadre du programme Clifford Clark.
[Français]
M. Asselin (Charlevoix): Bonjour. Je m'appelle Gérard Asselin. Je suis député de la circonscription de Charlevoix et représentant du Bloc québécois, l'Opposition officielle, au Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Cela me fait plaisir de vous accueillir ici, cet après-midi, au nom de l'Opposition officielle. Soyez assurés que tous les membres du comité et du sous-comité ont travaillé ensemble à la réussite de ce forum.
[Traduction]
Nigel Roome (professeur, Environnement et Affaires, Faculté des études administratives, Université York): Je m'appelle Nigel Roome. Je suis titulaire de la chaire Erivan K. Haub des affaires et de l'environnement, à l'École d'administration Schulich de l'Université York, à Toronto.
[Français]
M. Adams (Peterborough): Je m'appelle Peter Adams. Je suis le député fédéral de la circonscription de Peterborough. Je suis aussi le président du caucus libéral de l'Ontario.
M. Duhamel (Saint-Boniface): Bonjour. Je m'appelle Ron Duhamel
[Traduction]
et je suis le député de Saint-Boniface, au Manitoba.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Notre table ronde compte d'éminentes personnalités. Notre discussion sera très informelle. Nous commencerons toutefois par des exposés de la part des trois principaux participants, lesquels nous parleront du développement durable vu sous leur angle personnel et du rapport entre celui-ci et la création d'emplois.
Après avoir entendu leur exposé, je donnerai la parole à tous ceux qui la demandent, en établissant une liste de noms. Je vous demanderais de vous en tenir à trois à cinq minutes par intervention. Je sais que cela semble très court lorsque l'on veut parler de développement durable, mais notre objectif aujourd'hui est d'avoir une vue d'ensemble, de mieux comprendre les idées et points de vue de personnes différentes sur cette question. C'est pour nous une façon d'avoir une idée de ce qui se passe à l'extérieur.
Je signale également que puisque le colloque est télévisé, nos discussions seront enregistrées sur bandes vidéo, lesquelles pourront être transmises à nos écoles, à nos collectivités, etc. Si cela intéresse l'un d'entre vous, nous pourrons en parler plus tard.
Pour le moment, je voudrais vous présenter nos trois principaux intervenants: Jon Grant, qui s'est déjà présenté en tant que PDG sortant de Quaker Oats, et qui est actuellement membre de la Commission canadienne des affaires polaires, ainsi que président de la corporation Canada Lands; nous entendrons ensuite Henry Lickers, membre du Conseil des Mohawks d'Akwesasne, au Québec et Miriam Wyman, ancienne coordinatrice de Women and Sustainability Network à Toronto.
M. Grant: Merci beaucoup, madame la présidente.
Je voudrais, pendant les dix minutes qui m'ont été allouées, essayer d'aborder un maximum de points et d'approfondir éventuellement trois d'entre eux.
Je voudrais tout d'abord vous dire que tout ce que l'on entend dire au sujet de l'environnement de nos jours, notamment qu'il n'est plus au centre des préoccupations du grand public, n'est à mon avis qu'une aberration momentanée de ce qui représente à long terme une inquiétude continuelle des consommateurs.
Les emplois et l'économie viennent de toute évidence en haut de la liste des préoccupations chaque fois que l'on fait un sondage, mais si l'on demande aux gens ce qui les inquiète principalement d'ici les cinq ou dix prochaines années, c'est l'environnement et la qualité de l'air que nous respirons, de l'eau que nous buvons et des aliments que nous mangeons qui viennent nettement en tête. C'est pourquoi je tiens à dire d'emblée que cette préoccupation ne va pas disparaître et que, en fait, elle va même s'accroître avec le temps.
La deuxième remarque que j'aimerais faire sur le même sujet, c'est que l'environnement est l'une des rares choses qui ne connaissent aucune frontière dans le monde. Autrement dit, tous les éléments qui le composent se déplacent librement d'un coin à l'autre du monde: nous respirons le même air et, la plupart du temps, nous buvons la même eau. Ce n'est donc pas une question d'intérêt national.
Prenons l'exemple de la situation dans l'Arctique à l'heure actuelle. D'après moi, l'Arctique est une cuvette. Vous savez qu'on parle des puits environnementaux: l'Arctique en est un sans écoulement. En un mot, la circulation des courants aériens et, dans une grande mesure, la circulation des eaux dans les océans font que bon nombre de produits contaminants émanant de pays, par exemple, comme la Russie ou même les États centraux américains finissent par se retrouver dans l'Arctique. Ainsi, le dernier environnement vierge que possède notre pays, et dont il contrôle environ 25 p. 100 de la masse, est en fait l'objet de sérieuses menaces du point de vue environnemental.
Comme vous le savez, ceux d'entre nous qui habitent le sud de notre pays passent tellement de temps à se préoccuper d'eux-mêmes qu'ils sont inconscients non seulement du risque d'ordre humain de détérioration environnementale dans l'Arctique mais également du problème mondial à long terme qui en découlera.
À mon avis, les entreprises du secteur privé se préoccupent beaucoup plus de l'environnement que le gouvernement fédéral, si je peux me permettre de vous le dire, lequel n'a pas encore trouvé le moyen de nommer un commissaire à l'environnement ou au développement durable, ou quel que soit le titre qu'on voudra bien lui donner.
Lorsque je suis devenu président de la table ronde de l'Ontario, l'un de nos objectifs était d'inciter les grandes sociétés non seulement à se préoccuper bien davantage de la gérance de l'environnement, mais également de faire état de cette activité dans leurs rapports annuels. Aujourd'hui nous sommes passés d'un chiffre pratiquement nul il y a dix ans à un certain nombre d'entreprises qui consacrent actuellement un chapitre distinct de leurs rapports annuels à décrire leurs activités en matière de gérance environnementale, en précisant ce qu'elles faisaient par le passé, ce qui s'est produit l'an dernier et ce qu'elles comptent faire l'an prochain - c'est extraordinaire - des sociétés comme Avenor, Noranda, Dofasco, Consumers Gas, pour n'en citer que quelques-unes.
Ce que je cherche à dire, c'est que le secteur privé, en tout cas pour ce qui est des grandes sociétés, a vraiment pris en main la gérance de l'environnement car c'est logique par rapport à ses activités. Les entreprises qui se préoccupent de la conservation des ressources et des économies en matière d'utilisations, par exemple l'électricité ou l'eau, se préoccupent davantage de l'efficacité et de la productivité, ont tendance à produire de façon plus efficiente et sont plus concurrentielles non seulement au Canada mais également sur la scène internationale.
La boucle est pratiquement bouclée lorsqu'on parle de gérance de l'environnement. Les employés des entreprises qui mettent véritablement ce principe en pratique sont en général plus satisfaits de l'environnement dans lequel ils travaillent, c'est-à-dire leur milieu de travail. Ils rentrent chez eux et disent à leurs voisins et à leurs enfants pour qui ils travaillent. Ils en sont fiers.
Chez Quaker, il y a un certain nombre d'années, lorsque nous nous sommes lancés pour la première fois dans ce genre d'activités, les études que nous avons effectuées ont non seulement révélé que les employés étaient plus productifs et plus intéressés par ce qui se passait dans leur entreprise, mais également que nos fournisseurs et nos clients s'intéressaient également de plus près aux activités de Quaker. Tout le monde y gagnait.
Ce qu'il vous est possible de faire, à mon avis, cet après-midi et demain, c'est d'établir le lien entre le principe de la gérance environnementale ou du développement durable, ou quelle que soit la façon dont on veut le définir, et l'idée que, en réalité, cela permet aux employés d'une entreprise de s'intéresser davantage à ce que fait leur employeur, tout en rendant l'entreprise plus concurrentielle, non seulement à l'échelle nationale mais également sur le plan international. C'est le résultat final.
Au niveau de la collectivité, la plupart du temps, cela a pour effet de rendre les gens beaucoup plus conscients des activités menées au niveau local. Savez-vous par exemple que nous allons dépenser dans notre pays, au cours des dix prochaines années, 24 milliards de dollars pour l'amélioration de nos systèmes d'adduction d'eau et d'égout? Si nous réduisons notre consommation d'eau de 50 p. 100, en nous alignant sur le niveau européen, nous pourrons pratiquement économiser non seulement ces 24 milliards de dollars, mais surtout, nous réduirons la quantité d'effluents qu'il faudra traiter dans les systèmes d'écoulement.
Je le répète, cette question représente à mon avis un élément important de notre façon de vivre.
La question suivante, qui est la plus importante, c'est que nous sommes les seuls animaux au monde à penser aux générations futures - du moins nous l'espérons. Parfois, nous nous posons des questions. Pour ceux d'entre nous qui ont des enfants et des petits-enfants, la question qu'il nous faut nous poser lorsqu'on parle de gérance environnementale et de développement durable est la suivante: Allons-nous laisser à la génération suivante notre monde dans le même état que lorsque nous l'avons reçu? Dans bien des cas, la réponse est négative.
Même si l'initiative peut venir de la collectivité et vient des entreprises en matière de création d'emplois, il faut également que vous, députés du gouvernement actuel, tant au niveau fédéral que provincial, bien sûr, donniez l'exemple. Vous devez ouvrir la voie. Vous devez donner aux gens une orientation générale et de l'espoir.
Les gens à l'heure actuelle cherchent à s'accrocher à quelque chose. Une des choses sur lesquelles ils pourraient commencer à se concentrer est l'idée qu'il est possible de créer un meilleur environnement, une société plus productrice, une qualité de vie plus propre à l'avenir. Nous ne faisons rien pour y parvenir. Par notre faute, les gens sont très sceptiques.
Aujourd'hui, les jeunes qui sortent de l'école ont bien du mal à trouver de l'emploi, et pourtant, les écoles secondaires et même les universités ne parviennent guère à enseigner le développement durable. À l'exception de l'université de Nigel, il n'y en a qu'une ou deux au Canada qui enseignent le développement durable en tant que cours de base de l'enseignement professionnel. La prochaine génération qui sortira des universités ne sera pas plus sensibilisée à la gérance environnementale et au développement durable que les générations précédentes. Il y a donc un véritable manque à ce niveau.
Je voudrais conclure sur les points suivants, sur lesquels nous pourrons revenir ultérieurement au cours des discussions.
En tant qu'êtres humains vivant sur cette planète, nous devons respecter les droits des générations futures. Rien n'est parfait, mais je ne pense pas qu'il existe aujourd'hui un autre sujet qui puisse aussi bien réunir les gens de tous les milieux et de toutes les nationalités, qui puisse aussi bien motiver les gouvernements et l'ensemble de la société, citoyens comme gens du monde industriel; cette idée sera la plus importante du XXIe siècle.
Merci beaucoup.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Grant.
Monsieur Lickers, s'il vous plaît.
M. Lickers: Lorsqu'on m'a invité à cette table ronde, j'en ai été quelque peu contrarié. Pourquoi inviter un biologiste à venir parler de développement durable?
Je vais commencer par une petite histoire qui vous montrera un peu la façon de penser des Autochtones.
Ce sont deux petits vieux qui sont assis sur le bord d'une rivière et qui pêchent. Au cours de la conversation, ils se rendent compte qu'ils viennent d'horizons très différents. Le premier raconte qu'il a étudié le droit, qu'il a été employé dans différentes compagnies et qu'il a travaillé très dur toute sa vie. Finalement, à 65 ans, il peut désormais pêcher aussi souvent qu'il le veut. L'autre dit qu'il est Autochtone, qu'il a vécu toute sa vie près du lac et qu'il connaît parfaitement ce lac. Il y a pêché toute sa vie.
Il me semble que ces deux hommes se sont joyeusement dépensés à essayer de trouver le moyen de profiter de la même ressource et qu'ils ont fini par se retrouver au même endroit en train de pêcher dans le même lac.
En tant qu'Autochtones, nous savons que pour comprendre le monde, il faut regarder les sept dernières générations. Si l'on remonte jusqu'à la septième génération, on a les connaissances dont on a besoin pour prendre aujourd'hui les décisions importantes. Mais nous disons également qu'il faut se projeter de sept générations dans l'avenir et voir les visages de ceux qui vont naître, qui vont sortir de terre, car ce sont les enfants qui vont sentir les conséquences de nos actions.
Le développement durable devient donc la façon d'assurer l'équilibre entre les besoins d'aujourd'hui, de la génération présente, et ceux des générations futures, car ce seront elles qui nous jugeront. Dans la culture haudenosaunie, nous avons des outils très simples dont nous nous servons pour bien saisir ce type de transfert. L'un d'entre eux s'appelle la Grande loi de la paix. «La Grande loi de la paix» peut sembler une expression bien emphatique lorsqu'on la prononce de cette façon, mais c'est à cause de la façon dont elle est traduite du haudenosauni. Or, il existe toujours une deuxième traduction pour chacune de nos expressions, et celle-ci peut aussi se traduire par «la façon d'être gentil». C'est sans doute l'expression qu'utilisait ma mère lorsqu'elle nous demandait de jouer gentiment dans le jardin.
En matière de développement durable, nous constatons aujourd'hui qu'il nous faut trouver de nouvelles règles du jeu pour jouer gentiment tous ensemble. On ne peut plus en laisser un rudoyer les autres ou accaparer le bac à sable, car nous constatons que les ressources sont de plus en plus rares, et que nous atteignons le fond du bac à sable.
Je voudrais vous parler de cette notion de durabilité d'un point de vue autochtone. Nous considérons que le développement durable comporte des sphères de responsabilité à un niveau individuel. En tant qu'haudenosauni vivant dans ma communauté, j'ai envers cette communauté la responsabilité de faire un travail utile, de mener une activité qui tienne compte de ma responsabilité envers la terre, envers ma famille, envers mes amis, envers ma nation et envers les gens qui m'entourent. À Akwesasne, j'ai participé à la création de notre Département de l'environnement et j'y ai travaillé pendant 20 ans, me consacrant aux effets environnementaux de l'activité humaine et aux problèmes des Grands Lacs. Nous avons également cherché à venir en aide à notre réserve.
Ma famille, elle aussi, s'intéresse au monde. Ma femme, mes enfants, ma mère et mon père, de même que les anciens de ma communauté, aident ma famille à assurer cette subsistance. Et ma responsabilité envers la communauté est d'avoir dans ma famille les enfants dont j'ai besoin. Nous disons que les Haudenosaunis ne doivent avoir que trois enfants par famille: un pour remplacer la mère, un autre pour remplacer le père, et un troisième pour l'hiver cruel.
Une communauté considère la structure qui l'entoure. Elle considère ses connaissances, ses ressources, sa volonté politique et sa diversité; et dans cette diversité, elle élabore les organismes et les institutions qui peuvent assurer sa pérennité.
À Akwesasne, nous avons la forêt modèle de l'est ontarien, une très vaste entité qui réunit l'industrie, le gouvernement de l'Ontario et Akwesasne. Nous avons l'Institut des sciences environnementales du fleuve Saint-Laurent, qui vise lui aussi à créer de l'emploi. Dans toutes les régions du Canada, nous avons un système de connaissances naturalisées qui considère cinq communautés du Canada pour voir comment assurer notre collaboration.
La communauté d'Akwesasne a connu bien des vicissitudes depuis que ses activités économiques traditionnelles se sont effondrées. Nous essayons maintenant de relancer ces activités économiques à partir de nos connaissances et des sciences que les membres de notre communauté ont apprises auprès de la société occidentale, notamment dans les domaines de l'aquaculture et des pêches.
Une nation a envers ses citoyens la responsabilité d'assurer une bonne répartition, entre les régions, de la durabilité des ressources, de la diversité, des connaissances et de la volonté politique. Les communautés peuvent se prendre en charge, mais il leur manque diverses choses. Elles doivent pouvoir transférer de l'information d'une région à une autre, transférer des biens, des services ou des ressources entre elles, et le faire de façon équitable.
Nous considérons que la Confédération a été créée dans de bonnes intentions, car c'est de cette façon que les nations peuvent collaborer. La nation haudenosaunie a présenté aux Nations Unies la façon dont elle conçoit la régénération et la restauration des territoires haudenosaunis dans21 communautés différentes au Canada et aux États-Unis.
Enfin, nous avons un domaine spirituel qui englobe tout cela. Dans ce domaine spirituel, nous nous intéressons à tous ceux qui peuvent proposer une réflexion, un principe philosophique ou une idée sur ce qu'il faut faire en matière de développement durable.
Encore une fois, nous en revenons aux valeurs individuelles fondamentales. C'est à l'individu qu'incombe la responsabilité envers la terre d'agir de façon à assurer sa subsistance et celle de sa famille pour les sept générations à venir.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, monsieur Lickers.
Miriam Wyman, s'il vous plaît.
Mme Wyman: Merci. Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invitée à cet événement. Je tiens en particulier à féliciter Karen Kraft Sloan et son comité pour avoir pris cette excellente initiative. Nous connaissons depuis longtemps l'importance de cette démarche et nous savons à quel point il est difficile de maintenir le développement durable au programme des autorités politiques.
De 1990 à 1992, les organisations non gouvernementales, le gouvernement, l'entreprise et l'industrie se sont entendus comme ils ne l'avaient jamais fait auparavant dans ce pays. Le rôle du Canada au Sommet de la terre était de fixer une norme internationale de participation du monde des affaires, de l'industrie, de la jeunesse, des autochtones et des organisations non gouvernementales, mais le Canada n'a pas respecté cette norme.
Nous sommes revenus du Sommet de la Terre débordants d'enthousiasme et déterminés à poursuivre le dialogue multisectoriel qui avait caractérisé les deux ans de préparation de ce sommet. On a créé un projet de société, un vaste partenariat multisectoriel de Canadiens déterminés à réfléchir, à dialoguer et à trouver des solutions permettant d'engager notre pays dans la voie d'une plus grande durabilité. Un leadership s'est manifesté et de grandes institutions ont proposé leurs ressources.
Après deux ans de travail acharné et quelques succès remarquables, il y a eu un changement de gouvernement, et l'engagement des autorités politiques et des institutions envers le projet de société s'est évanoui. Deux événements récents devraient marquer la conclusion de ce projet de société. Certains d'entre vous ont participé à la réunion de mars, à Montréal, sur l'emploi, l'économie et les moyens de subsistance durables. Le deuxième est un projet qui attend encore de voir le jour; c'est une trousse d'information sur la durabilité au niveau communautaire, à laquelle plusieurs d'entre nous sont en train de travailler. Elle devrait être disponible prochainement sur papier et sur support électronique.
La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, que nous connaissons tous puisqu'elle est devenue un modèle à l'échelle mondiale en tant que tribune consacrée à des sujets litigieux, connaît un ralentissement marqué. Certains d'entre nous se demandent même si le développement durable constitue toujours sa vocation première.
Il y a eu un petit article dans le Globe and Mail de la fin de semaine où l'on disait que les ministres de l'Environnement des pays du G-7 souhaitent que l'on organise un nouveau Sommet de la terre pour marquer le cinquième anniversaire du Sommet de Rio. Je serais curieuse de voir la présentation que pourrait faire le Canada à une telle réunion.
On a pris tout un ensemble d'engagements importants sur le papier pour définir des politiques, des stratégies et des actions, mais il me semble que les choses importantes se produisent à la base et qu'elles ne sont pas soutenues par des changements d'orientation qui traduiraient un véritable engagement envers la durabilité. Voilà notamment pourquoi le développement durable me rend quelque peu morose ces jours-ci, et lorsque je me suis mise à réfléchir à toutes les choses positives dont il fallait que je parle, j'ai décidé qu'en fait, j'allais vous parler de la morosité que m'inspirent ces considérations.
Je constate une grande activité de la part de certaines personnes, de certains groupes, de certaines communautés, mais ces efforts ne sont pas suffisamment soutenus en haut lieu. Il semble même qu'on y fasse obstacle à tous les échelons.
À mon avis, rien ne s'oppose à ce que le simple citoyen prenne les choses en main; c'est comme cela que les mouvements les plus dynamiques ont toujours réussi à s'implanter, et je ne pense pas qu'il en aille différemment pour le développement durable. Cependant, je tiens à dénoncer les politiques d'obstruction, les chefs qui refusent de diriger et les responsabilités que l'on rejette aux plus bas échelons, ce qui ne saurait permettre de résoudre les grands problèmes. Il faut que l'action à la base et l'orientation politique se renforcent mutuellement. Dans ce cas, elles n'en seront que plus efficaces et permettront un véritable changement. Ce n'est pourtant pas ce qui se passe actuellement.
Henry Lickers a dit ce que signifiait la durabilité, je n'ai donc pas d'autres définitions à en donner. Je pense que nous partageons tous des points de vue très semblables.
Au cours des 20 dernières années, je me suis consacrée à la participation de la population aux prises de décision en matière d'environnement. Pour moi, il s'agit là de l'éducation environnementale au vrai sens du mot. Je travaille avec des gens qui s'efforcent d'infléchir les décisions qui les concernent, qui ont une incidence sur leur vie, leurs communautés et leur environnement, et je constate toujours que lorsque les gens s'engagent eux-mêmes dans l'action, les plans sont meilleurs et leur aboutissement est mieux soutenu.
Je me suis présentée aujourd'hui en tant que représentante de Women and Sustainability Network. Ce réseau - je parlerai tout à l'heure de son évolution - fait partie des nombreuses victimes des engagements abandonnés envers les organisations non gouvernementales, en particulier envers les groupes de femmes, depuis le Sommet de la terre.
Dans le cadre de mon travail, je m'occupe principalement de la participation des femmes aux activités environnementales, et ce parce que les femmes continuent à être au coeur même du mouvement de protection de l'environnement et s'en font les grandes championnes, car elles semblent comprendre très bien que le développement durable englobe les aspects économiques, environnemental et sociétal et qu'il représente la santé, le bien-être, la sécurité ainsi que l'affranchissement de la peur et de la violence.
Ce que nous devrions être en train de faire cet après-midi, c'est de regarder le documentaire de l'ONF sur Marilyn Waring, cette économiste néo-zélandaise qui s'est penchée sur les multiples aspects du travail des femmes qui ne sont pas comptabilisés dans les comptes nationaux.
Il faut que je souligne deux choses. D'abord, le travail non rémunéré effectué par les femmes pour tenir maison et s'occuper des familles fait pour la première fois l'objet d'une question dans le recensement canadien actuellement en cours. Mais il y a un envers à de la médaille: Studio D, la tribune canadienne pour les femmes cinéastes, dont les films - notamment celui sur Marilyn Waring - ont été vantés un peu partout dans le monde parce qu'ils mettaient en lumière le point de vue des femmes, n'existe plus.
Mon irritabilité s'explique aussi par la tension que l'on ressent entre toutes les activités visant le développement durable, d'une part, et l'inaction, d'autre part. Beaucoup de femmes travaillent en vue de la durabilité. Certaines d'entre elles sont bien connues: ce sont des femmes comme Elizabeth Dowdeswell, qui était directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l'environnement, et Leone Pippard, qui a aménagé le parc marin du Saint-Laurent et dirigé le groupe d'étude sur l'éducation à la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie et qui travaille d'arrache-pied pour créer un programme de communication national semblable à ParticipAction, programme qui prônerait le développement durable.
Il est malheureux que le gouvernement fédéral n'ait pas encore reconnu l'importance d'un programme national de ce genre qui ferait le lien entre les nombreux efforts déployés un peu partout au Canada, efforts qui représentent un mouvement social vers une plus grande durabilité.
Ce sont aussi des femmes comme Ursula Franklin, qui a déjà affirmé que nous devrions traiter l'environnement tout comme nous traitons les Américains, et qu'ainsi l'environnement ne s'en porterait que mieux.
Je pense aussi aux milliers de femmes qui ne sont pas aussi bien connues: les femmes qui militent contre l'épandage des pesticides dans les parcs et les cours d'école, celles qui vont voir les grandes entreprises de collecte de déchets et les forcent à reconnaître leur responsabilité lorsqu'elles acceptent des millions de gallons de déchets dangereux, et qui les incitent à devenir des citoyens corporatifs beaucoup plus responsables, enfin, celles des régions éloignées et des localités autochtones qui démontrent de façon irréfutable que leurs localités ont été beaucoup trop souvent des lieux de décharge pour les déchets des villes.
Si ces femmes déployaient autant d'efforts dans leurs propres milieux, c'est notamment parce qu'elles se préoccupaient de la santé, de la sécurité, de la hausse faramineuse des taux de cancer et de maladies respiratoires, et parce qu'elles avaient la conviction que tous ces éléments étaient directement liés à l'environnement. Elles déploient ces efforts malgré des obstacles énormes tels que l'indifférence, le manque flagrant des ressources, des compressions dans les programmes de bien-être, de formation, de services sociaux, d'éducation et de garderies, et l'augmentation des frais de transport combinés à une diminution des services. Tous ces reculs prouvent que le Canada a renié l'engagement qu'il a pris à des tribunes internationales comme le Sommet de la terre, le Sommet du développement social et la Conférence des femmes tenue l'automne dernier à Beijing.
Il est difficile de ne pas se décourager certains jours. Je n'ose imaginer ce que serait la situation si ces efforts étaient déployés dans un climat d'aide et d'encouragement. J'espère que je vivrai encore assez longtemps pour pouvoir en faire l'expérience.
À la suite du Sommet de la terre, ma partenaire et moi-même avons réussi à aller chercher des fonds nous permettant de sonder les femmes pour savoir ce qu'elles entendaient par durabilité, pour identifier les critères de cette durabilité et essayer d'établir le type de réseau qui serait le plus utile pour ces femmes, dans leurs activités visant la durabilité. Nous avons parlé avec des professionnels des communications, avec des femmes qui s'occupent de «développement» international. J'utilise ce terme à dessein, car je crois que nous avons encore beaucoup à apprendre des femmes des pays en développement, c'est-à-dire des femmes des Premières nations, des femmes des villes et des campagnes et des hommes aussi, puisqu'il semble y avoir toute une différence entre la façon dont les hommes et les femmes perçoivent la notion de durabilité. J'aimerais vous exposer certaines de ces différences.
Lorsque nous avons demandé quels étaient les obstacles à la durabilité, nous avons constaté que les hommes parlaient de l'économie, des systèmes politiques actuels, de la nature réductrice de la technologie, de la nécessité pour la recherche de définir clairement les limites et les capacités de charge, et des activités dans des domaines traditionnels tels que les mines et les forêts. Autrement dit, les hommes mettaient surtout l'accent sur le contrôle des gens, des systèmes et des technologies.
Les femmes, quant à elles, nous ont dit très clairement qu'il y avait trop peu de femmes dans des rôles de décisionnaires, et que c'était là un obstacle clé à la durabilité. Les femmes ont tendance à s'intéresser plus à la vie de leurs collectivités et à celle de leurs familles. Elles ressentent l'urgence de la situation et sont très sensibles à la nécessité d'avoir une vision à long terme. Les femmes reconnaissent également le besoin d'agir devant l'incertitude et sans informations définitives.
Ces divergences dans les points de vue découlent, d'après nous, de la façon différente dont les hommes et les femmes se définissent eux-mêmes. Les hommes se définissent d'habitude par leurs «mois» public et au travail, tandis que les femmes perçoivent qu'elles ont une identité au travail, de même que dans leurs familles et dans leurs collectivités. Ces divergences témoignent une fois de plus de l'importance d'assurer un débat équilibré, que l'on soit homme ou femme, voire un débat multiculturel, en vue de définir une vision plus commune de la durabilité et de meilleures façons d'y parvenir.
Aucune de celles qui ont pris part à notre étude n'a lié durabilité et croissance économique. L'accent était mis sur la suffisance à long terme, le développement des gens, de leurs compétences et de leurs capacités. Pour parvenir à la durabilité, l'essentiel est d'abord de défaire tout ce qui va à l'encontre de la durabilité.
La durabilité, c'est beaucoup plus que la gestion de l'environnement, car cela fait appel au commerce, à la finance, à l'environnement, à la santé, à l'éducation, au travail, à la culture, et surtout aux gens. Il faut inventer de nouvelles formes de communication, d'organisations et d'institutions qui puissent rassembler toute la gamme des intérêts pour joindre tous les efforts en vue de la durabilité. Les politiques de durabilité doivent «informer» les actions visant cette durabilité, et les actions locales doivent à leur tour «informer» les politiques. Une fois que les politiques et les actions avanceront au même pas, la transition sera bien entamée.
Vous trouverez sur la table des résumés du rapport, et nous pouvons fournir sur demande notre rapport complet.
Nos conclusions ont été renforcées par le «Canadian Women's Budget», que certains d'entre vous connaissent peut-être. Il s'agit d'un rapport publié en 1993 par la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté. Cette ligue aborde la sécurité sous un angle qui exige un nouvel ordonnancement des priorités gouvernementales et une reformulation de ses politiques. Les femmes de cette ligue disent préférer le plein emploi au chômage, les échanges commerciaux équitables au libre-échange, les soins aux enfants à la pauvreté chez les enfants, les taxes sur les sociétés aux profits des sociétés, et la paix à la guerre.
Notre objectif, c'est la sécurité sociale, économique et environnementale pour tous les citoyens, mais nous avons besoin d'un gouvernement qui s'engage à atteindre ces objectifs, et qui visera la justice sociale et l'égalité dans la distribution des ressources de la société.
En 1994, l'Institut de recherche sur le développement durable de l'Université de la Colombie-Britannique a tenu une conférence préparatoire en vue de la Conférence des femmes à Beijing. La conférence préparatoire a attiré plus de 600 femmes qui oeuvraient dans les cercles politiques, et qui sont venues expliquer ce qu'étaient pour elles les grands obstacles à la durabilité. L'IIDD a appuyé cette conférence en créant un guide électronique des ressources, le Women and Sustainable Development: Canadian Perspectives, et un prospectus que vous trouverez également sur la table. L'IIDD a produit ce guide en version Windows et MacIntosh.
À l'automne dernier, au moment de la Conférence des femmes à Beijing, «Mother Jones» publiait un numéro spécial sur les femmes dans le monde. Je ne sais pas si certain d'entre vous l'ont vu, mais j'en ai apporté un exemplaire comme référence.
Peu après, Les Ami(e)s de la Terre - Canada publiait un numéro spécial de la circulaire «Earth Worth» sur les femmes et l'environnement, dont certains exemplaires se trouvent aussi sur la table.
Je ne sais certainement pas ce que nous réserve l'avenir, mais je sais pourtant que les Ami(e)s de la Terre - Canada et «Ginergy Books» collaborent actuellement à l'écriture d'un livre portant sur la santé des femmes et l'environnement et qui essaie de faire les liens entre les deux. Je vais d'ailleurs m'occuper de la coordination de ce projet.
Le mouvement féministe nous a appris que ce qui est personnel est aussi politique, et que les femmes ne sont pas mieux placées que les hommes du point de vue génétique pour faire la cuisine, le ménage, la lessive et prendre soin des enfants. Nous devons tous travailler ensemble pour sauver le monde.
Le mouvement écologique nous a appris quant à lui qu'il fallait penser à l'échelle mondiale mais agir à l'échelle locale. Le Sommet de la terre m'a enseigné quant à lui que cela ne suffisait plus. Il faut comprendre quelle incidence nos gestes quotidiens peuvent avoir sur les êtres humains qui habitent ailleurs et sur les événements qui se produisent ailleurs. Nous sommes engagés dans un processus évolutif qui modifie la nature propre de la participation, et la mondialisation fait partie de cette évolution. Tout cela prend beaucoup de temps et il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais il me semble que nous devons également apprendre comment penser à l'échelle locale et agir à l'échelle mondiale.
Je ne sais trop comment ce que je viens de vous dire se traduit en termes d'emplois. Mais ce que je sais, c'est qu'il reste encore beaucoup à faire, qu'il faut discuter à fond de ce que l'on entend par durabilité et qu'il faut aussi réfléchir à cette divergence de perceptions; il est donc essentiel que nous tous réunissions autour d'une même table tous ceux qui ont des opinions divergentes et tous ceux qui agissent sur différents fronts.
Merci.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup. J'espère que nous pourrons le faire cet après-midi.
J'aimerais mentionner que Gar Knutson, député de Elgin - Norfolk, John Finlay, député d'Oxford, et Stan Dromisky, député de Thunder Bay - Atikokan, se sont joints à nous.
Nous accueillons également cet après-midi des étudiants: Shannon Armstrong, de l'École secondaire A.Y. Jackson; Jessica Hillary de l'École secondaire de West Carleton; Cindy Hough de l'Université Queen; et Daniel Merritt, professeur du groupe de soutien du Réseau scolaire canadien de l'École secondaire publique Louis Riel. Ces étudiants vous feront tous une démonstration de la Voie verte d'Environnement Canada à la fin de la table ronde et j'encourage tous ceux qui participent à cette table ronde à se joindre à la démonstration qui sera donnée par Rosaline Frith et Jean Séguin d'Environnement Canada.
J'aimerais également mentionner que Gary Gallon vient aussi de se joindre à nous. Monsieur Gallon, vous pourriez peut-être vous présenter?
M. Gary Gallon (Institut canadien des affaires et de l'environnement): Je représente l'Institut canadien des affaires et de l'environnement.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): De Montréal?
M. Gallon: En effet.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Nous allons ouvrir notre discussion, puisque nous avons entendu certains points de vue divergents sur la question. Même si je sais que c'est difficile, je vous demanderais de limiter vos commentaires et vos réponses à trois à cinq minutes.
Monsieur Forseth? Voulez-vous ouvrir la ronde?
M. Forseth: Je m'adresse à M. Grant, que j'ai été heureux d'entendre, mais M. Gallon voudra peut-être réagir lui aussi.
Nous avons une élection provinciale qui s'en vient en Colombie-Britannique. Un autre sondage a donc été fait récemment pour demander à la population quelles étaient les questions qui la préoccupaient. Fait à noter, on a parlé d'environnement. Les commentateurs politiques ont même été surpris de voir que la population demandait encore au gouvernement de se pencher sur les questions environnementales. En dépit de l'évolution constante des programmes électoraux, l'environnement reste toujours d'actualité. Chaque fois que l'on veut parler de politique et de droit, le sujet refait surface. Vous aviez donc raison de parler comme vous l'avez fait dans vos commentaires d'ouverture.
J'ai une question assez simple à poser, mais il vous faudra peut-être pas mal de temps pour répondre. Nous voulons des emplois et une économie prospère: comment continuer à améliorer notre niveau de vie sans toutefois détruire la nature? Vous sembliez relativement optimiste lorsque vous avez dit que les affaires et le commerce ne nuisaient pas nécessairement à la protection de la planète. Pourriez-vous nous en parler un peu plus, sous l'angle des affaires? Pouvez-vous expliquer votre optimisme lorsque vous affirmez que la croissance économique ne doit pas nécessairement endommager la planète? Il n'est pas nécessaire que les deux s'excluent mutuellement, mais on a parfois l'impression que c'est la seule façon pour les médias de parler d'environnement. Le développement durable est-il véritablement possible? Ou est-ce plutôt que nous nous leurrons, que nous rêvons en couleur, et que c'est impossible?
M. Grant: Je vais me lancer.
Laissez-moi vous donner un exemple intéressant qui s'applique aux deux côtes canadiennes. À l'heure actuelle, en raison d'une pénurie de pâte à papier dans certaines régions de la côte Ouest et sur la côte Est, l'industrie des pâtes et papier se déplace de la côte Ouest jusqu'au Yukon et jusqu'au Labrador, dans l'est. On y abat des arbres d'environ 200 ans qui ont quelque 12 pouces de diamètre. Avant même de répondre à votre question, je vais vous poser la question suivante: cela peut-il être considéré comme du développement durable pour qui que ce soit? Est-ce du développement durable pour l'environnement? Est-ce de l'emploi que l'on qualifierait de durable, puisque après votre contribution ponctuelle comme travailleurs forestiers, vous vous retrouvez encore au chômage? Troisièmement, est-ce un développement durable pour une société, pour l'ensemble de la collectivité, s'il se trouve une ville ou un village à proximité? À ces trois chapitres, il nous faut répondre que le développement n'est pas durable, ni sur la côte est ni sur la côte ouest.
Je voudrais faire une observation pour récapituler. Il y a deux ou trois choses qui sont importantes. Premièrement, les Canadiens doivent apprendre à penser à l'intérêt du pays et aussi à rendre des comptes pour les ressources qu'ils utilisent.
Cela peut sembler d'un optimisme béat, mais bien souvent, certaines compagnies sont beaucoup plus efficaces que d'autres et sont beaucoup mieux en mesure de faire face à la situation. Chacun s'efforce toujours de devenir plus efficace, plus productif, de s'attacher davantage à la conservation, mais on ne peut pas survivre si l'on ne peut pas affronter la concurrence des autres pays. Il faut aussi se poser les mêmes questions à chaque fois qu'un produit importé au Canada ne correspond pas aux critères que nous fixerions nous-mêmes sur le plan du respect de l'environnement. On ne peut pas se gargariser de mirifiques projets de développement durable tout en important des produits dont la fabrication dégrade l'environnement ailleurs dans le monde.
Ce n'est pas une question facile. Je n'aime pas l'expression «développement durable». Je trouve que c'est un oxymoron. Ce sont deux mots contradictoires et cela ne fait qu'embrouiller tout le monde. J'aime bien l'expression «gérance environnementale», parce qu'il me semble que c'est exactement ce que nous sommes en tant qu'êtres humains: nous sommes les intendants de la prochaine génération.
Je pense que nous pouvons être plus efficaces et aller davantage dans le sens de la conservation et je pense que nous pouvons continuer de croître en utilisant moins de ressources: 50 p. 100 moins d'eau, 50 p. 100 moins d'électricité. Je parle trop longtemps, mais vous comprenez où je veux en venir. Ce que je dis, c'est que si nous faisons preuve d'intelligence, nous réussirons. D'autres pays s'y prennent mieux que nous, à bien des égards et dans de nombreux secteurs, mais on n'y arrivera pas en coupant des arbres vieux de 200 ans et on ne pourra pas maintenir ce secteur ou l'emploi en faisant repousser les mêmes arbres au même endroit ou en essayant de conserver en place la ville qu'on est censé construire dans la région pour maintenir cette activité. C'est pure folie. C'est insoutenable. Nous devons absolument changer d'optique et commencer à réfléchir à ce que nous pourrions faire dans ce domaine.
J'ai donné une réponse fort longue à votre question et je ne suis pas sûr de m'en être bien tiré.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci.
Professeur Roome, je vous prie.
M. Roome: Je pense qu'il est très important de faire la distinction entre la durabilité et la protection et la gestion de l'environnement. Je pense qu'en confondant les deux, nous nous plaçons dans une situation extrêmement difficile.
Je songe à ce qu'on a vu émerger dans les pays industrialisés partout dans le monde: un changement important dans le comportement des entreprises au cours des 15 dernières années. Ce changement a été particulièrement stimulé par le rapport de la Commission Brundtland et le mouvement qui a abouti au Sommet de la terre, mais ce mouvement s'est traduit principalement en termes de gestion et de protection de l'environnement et l'on voit une grande diversité d'approches qui sont adoptées en la matière.
On entend parler de l'«éco-efficience», concept lancé par le Conseil des entreprises pour le développement durable et des compagnies comme Dow Chemical. Nous assistons à la naissance de mouvements autour de l'écologie industrielle et à l'émergence d'une pensée dans ce domaine. Nous voyons émerger le mouvement de la gestion environnementale axée sur la qualité totale. Nous voyons maintenant, surtout au Canada, l'adoption de systèmes de gestion environnementale fondés sur des travaux effectués par le British Standards Institute et ensuite par l'Association canadienne des normes, travaux qui ont été repris par l'Organisation internationale de normalisation. Nous verrons bientôt le lancement d'une ébauche d'un système international de gestion de l'environnement.
Je crois que les compagnies font du très bon travail en adoptant ces repères et ces modèles de comportement. Mais il y a dans les milieux universitaires et aussi dans les milieux des affaires tout un débat sur le rapport qu'il y a entre tout cela et la durabilité, parce que le programme du développement durable ne se limite pas à la gestion de l'environnement. Le développement durable met en cause la justice et le respect des gens. Il s'agit de faire en sorte que chacun ait un accès équitable aux ressources, autant dans notre génération que pour les générations futures. Ce concept met en cause à la fois le bien-être économique et le bien-être environnemental. La gestion environnementale recouvre une partie de cette notion, mais pas la totalité.
Cela me place dans une position très difficile quand j'essaie d'enseigner à des étudiants en administration des affaires les notions de gestion de l'environnement et de développement durable, parce que je peux leur enseigner les notions qui ont cours aujourd'hui, c'est-à-dire la gestion de l'environnement. Je peux leur enseigner la norme ISO 14001. Cela les prépare pour demain, la semaine prochaine ou même l'an prochain. Mais la plupart de mes étudiants ont moins de 30 ans. Je crains que la plupart d'entre eux ne pensent pas en fonction d'un avenir très lointain. Très peu d'entre eux songent même au fait qu'ils seront sur le marché du travail, d'une façon ou d'une autre, jusqu'en l'an 2031, alors que la plupart d'entre eux vont prendre leur retraite, à supposer qu'ils puissent prendre leur retraite à l'âge de 65 ans - je sais que c'est parfois mis en doute - ou jusqu'en 2035.
Le monde de 2035, au Canada, en Europe occidentale et en Amérique du Nord, sera très différent. Le monde des affaires tel que nous le connaissons aura subi des changements immenses. Il faut essayer, si l'on veut réfléchir aux questions de développement durable, d'envisager à quoi le monde ressemblera. Je vous invite à considérer qu'il sera bien davantage fondé sur le savoir. Il sera davantage axé sur les chefs et sur la réalité virtuelle. Les frontières que l'on connaît et qui sont, je pense, importantes pour nos institutions vont commencer à s'effondrer. Les gens seront alternativement au travail et en chômage. Les propriétaires du capital vont passer d'une compagnie à l'autre. Les compagnies vont évoluer beaucoup plus rapidement, elles vont décliner, changer, se transformer.
Je pense qu'il est d'une importance fondamentale pour nous de s'assurer que dans cet avenir virtuel, où les frontières seront beaucoup moins importantes qu'aujourd'hui, certaines choses restent immuables. Or les seules choses qui seront immuables, à mon sens, seront les principes, l'éthique, les valeurs, la justice, le respect, la générosité et le partage, et tout ce que Henry a abordé de façon très sensée et de son propre point de vue, et je pense que Miriam en a fait autant. Je pense que la responsabilité nous incombe, en tant que professionnels de l'enseignement et aussi dans les organisations professionnelles, de revenir aux valeurs, à la responsabilité et à la morale, parce que nous en avons perdu à ce chapitre depuis 150 ans, depuis que nous avons mis en branle l'organisation moderne de la société dans l'ouest du Yorkshire, dans les villes industrielles du Royaume-Uni.
Nous avons réalisé des progrès extraordinaires au cours des dernières années, mais quand on parle de développement durable, il s'agit vraiment d'un programme pour le prochain millénaire. Nous vivrons des changements douloureux et très profonds et il faudra réintroduire les principes dans le monde des affaires.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Roome.
Monsieur Adams, je vous prie.
M. Adams: Madame la présidente, à titre de membre du comité, je tiens à remercier nos conférenciers, Jon Grant, Henry Lickers et Miriam Wyman, ainsi que tous les autres participants autour de la table et dans la salle. Nous sommes en présence d'un groupe de gens fort intéressants. Je veux aussi vous remercier, madame la présidente, d'avoir pris l'initiative d'organiser ces colloques.
Je voudrais faire une déclaration de portée plus générale qui fait suite à ce que Nigel Roome vient de dire.
Je pense que la plupart des gens ici présents connaissent l'analogie que l'on fait entre la révolution de l'hygiène publique, à laquelle on peut essentiellement attribuer notre présence à tous ici et le fait que notre espèce soit présente en si grand nombre sur la planète depuis quelques siècles, et ce qui se passe actuellement dans le monde de l'environnement et du développement durable. Cette analogie est la suivante.
Les gens voyaient autour d'eux des gens mourir, des bébés mourir, et leur préoccupation a donné naissance à une sorte de science, qu'il s'agisse de la science traditionnelle ou moderne, et les gens ont fait le lien entre le manque d'hygiène et certaines créatures que l'on a par la suite appelées microbes, et le fait que les gens mouraient. Des notions scientifiques ont émergé ici et là et, soit dit en passant, bien des gens s'y sont opposés avec véhémence à l'époque.
Puis, à mesure que l'acceptation de la science devenait plus généralisée, une technologie a été mise au point. Il s'agissait particulièrement de construire des égouts. La technologie est apparue et elle était disponible. Pourtant, il y avait encore des gens qui avaient des objections: cela coûtait très cher.
Puis, les dirigeants de l'époque - et je suis certain, madame Wyman, que les politiciens ont été les derniers - ont graduellement accepté qu'il y avait un lien entre l'absence d'hygiène et le fait que des gens mouraient. Ils ont accepté qu'il y avait une technologie et qu'il fallait la mettre en application, même si elle était coûteuse.
La révolution de l'hygiène publique a eu lieu, non pas parce que les dirigeants l'ont acceptée, mais parce que les gens, au niveau individuel, ont acquis la conviction que l'hygiène et tout ce qui s'y rapporte était d'une importance vitale dans leur vie. Ainsi, dans leur intimité la plus profonde, les gens ont commencé à agir différemment, comme nous le faisons tous aujourd'hui. Et c'est ainsi, même si je simplifie quelque peu, que la population mondiale a doublé, quadruplé et s'est multipliée par huit, jusqu'à nos jours.
Ce que je dis, c'est que les préoccupations existent à l'heure actuelle. Nous possédons aussi les connaissances scientifiques, traditionnelles et autres. La technologie existe également, comme divers groupes nous le rappellent. Certains parmi les dirigeants - nul doute que les politiciens seront les derniers - sont conscients de ces problèmes, mais mon argument porte sur nous tous, au plan individuel: chacun de nous, dans sa vie privée, ne se comporte pas comme si le développement durable était un élément essentiel dans nos vies. C'est cette vie privée, dans l'intimité, qui compte.
Soit dit en passant, le meilleur indicateur de cela, c'est que dans notre société, en dépit de la conscientisation qui s'est opérée, le niveau de consommation individuel continue d'augmenter. Et cela, même parmi les gens qui sont ici présents et qui sont tout à fait engagés envers cette cause.
Je pose donc la question suivante à nos conférenciers, et je poserai des questions semblables dans les colloques ultérieurs: que devons-nous faire d'autre pour nous convaincre catégoriquement, de manière que dans nos propres vies privées, nous adoptions les principes du développement durable à titre d'élément essentiel dans notre vie, comme la plupart des gens en sont déjà convaincus à mon avis.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, monsieur Adams.
Monsieur Mead, je vous prie.
[Français]
M. Mead: J'ai trouvé très intéressant le fait que vous nous invitiez à nous adresser à des élus qui avaient étudié un questionnaire. Ma préoccupation, dans ma réflexion pour la table ronde, était l'activité de chaque député dans sa circonscription. Jon Grant a dit dans ses commentaires que le sustainable development is a win/win situation.
J'aimerais faire quelques mises en garde. Elles sont peut-être associées à mes cheveux grisonnants et aux 30 années pendant lesquelles j'ai milité dans le domaine. Je voudrais souligner ce que j'appellerais les effets pervers du développement durable.
Peter Adams vient de dire que science is there. Que la science y soit ou non, il arrive souvent qu'on ne décide pas en fonction de nos connaissances et, pire encore, en fonction des problèmes majeurs comme la question des changements climatiques. La science n'arrivera jamais à nous prouver ce qu'il faut faire avant qu'il nous faille agir.
Deuxièmement, pour chaque action, il y a une réaction. Vous nous avez demandé de préparer des exemples concrets. Donc, j'ai préparé trois exemples concrets pour chacune des tables rondes qui s'en viennent.
La première porte sur la gestion des déchets.
À Québec, nous avons une usine de pâtes et papier, la Daishowa Inc. qui, il y a cinq ou six ans, a été obligée de faire face à une décision américaine d'exiger des fournisseurs canadiens un contenu en fibres recyclées de 30 à 40 p. 100. On exigeait que les compagnies canadiennes installent des usines de désencrage, comme on les appelle.
La Daishowa a dépensé 30 millions de dollars pour être en mesure de recevoir, désencrer, récupérer et recycler le papier. Elle n'a pas augmenté son marché pour autant. Son marché est le même. En même temps, elle a été obligée de fermer ses opérations forestières sur la côte nord, le long du Saint-Laurent. Des centaines d'emplois ont été perdus dans de petites communautés rurales qui dépendaient beaucoup plus de leurs quelques emplois que les grandes villes où il peut y avoir beaucoup de changements.
Donc, il y a des emplois perdus et il y en a d'autres de gagnés. Ce sont les élus qui ont un problème quand des emplois sont perdus dans leur circonscription. La réaction de leurs électeurs ne sera pas la même que lorsque des emplois sont gagnés dans leur circonscription.
Deuxièmement, parlons de l'efficacité énergétique. On pense pouvoir améliorer l'efficacité énergétique à la maison, au travail, dans toute la société. Cela fait 20 ans que nous le savons. Si nous réussissons le coup, nous allons avoir une baisse de la demande, une baisse des ventes et une baisse des emplois dans plusieurs secteurs au Québec. On a des syndicats dont les effectifs dépendent de la construction. Par exemple, les barrages sont très importants pour certains syndicats et pour le secteur privé aussi.
Donc, il faut qu'on devienne plus efficace. Cependant, dans certaines circonscriptions, des syndiqués diront à leurs députés qu'ils vont perdre leur emploi si les élus mettent en oeuvre un programme d'efficacité énergétique. En rénovation, il y a des emplois disponibles qui pourraient compenser pour cela, mais ils risquent d'être dans d'autres circonscriptions.
Le troisième et dernier exemple porte sur la prévention de la pollution. Au Québec, la gestion du fumier de cochon est actuellement un dossier prioritaire. Nous avons un gros surplus et beaucoup de projets pour le compostage du fumier et des déchets d'usines de pâtes et papier. Les deux peuvent aller ensemble. Mais pensez-y: si nous réussissons à éliminer les déchets des usines de pâtes et papier ou des fermes, le secteur de la vente des engrais chimiques va en prendre un coup.
Les circonscriptions où sont situées les usines qui produisent des engrais chimiques peuvent se trouver à l'extérieur du Québec. À ce moment-là, ce seront tous les députés fédéraux qui seront impliqués et non pas seulement le député de Charlevoix.
Je termine en me référant à ce que Jon Grant a dit. On a estimé à 24 milliards de dollars les besoins en travaux d'infrastructure d'égouts et de systèmes d'eau potable. À moins qu'il n'ait changé de groupe, il représente le secteur des industries environnementales. Si Jon Grant réussit à faire disparaître ce besoin d'investissement de 24 milliards de dollars, Gary Gallon commencera alors à vous appeler parce qu'il a justement besoin des emplois générés par les 24 milliards de dollars.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Mead.
Monsieur Reed, je vous prie.
M. Reed: Je suis peut-être l'une des rares personnes ici présentes à avoir vraiment mis le dernier sou de ma ligne de crédit dans une entreprise de développement durable, parce que je suis convaincu qu'une entreprise verte peut être durable.
Cette aventure s'est avérée passionnante pour moi et j'ai découvert, au cours du processus d'approbation nécessaire pour lancer un projet, un fardeau de réglementation qui constitue presque un obstacle insurmontable et qui met en cause tous les paliers de gouvernement. Je crois que la raison en est que chaque ministère fonctionne avec des oeillères, en fonction de ses propres priorités. Un ministère qui se préoccupe par exemple de la qualité de l'air n'est pas guidé par les mêmes priorités qu'un autre qui se préoccupe au premier chef de la disponibilité du carburant. Il me semble que dans ces conditions, les ministères se font concurrence; ils rivalisent tous pour capter l'attention des décideurs.
J'ai trouvé intéressante l'observation que John a faite sur l'utilisation de l'eau. Dans la ville où j'habite on construit actuellement de nouveaux lotissements. Je me demande si, dans l'un ou l'autre cas, on a proposé un plan pour séparer les eaux grises des eaux d'égout, afin d'utiliser les premières pour arroser les jardins, ou encore prévoyant l'installation de citernes pour capter l'eau de pluie. Rien de cela ne se fait, pourtant la technologie ne date pas d'hier.
Je crois donc que les gouvernements doivent rattraper leur retard par rapport à l'industrie. Nous avons beaucoup de retard, et j'ai donc deux suggestions fondamentales. La première est que le gouvernement doit identifier les entreprises qui pratiquent le développement durable ou une bonne gérance, pour reprendre l'expression de John. Cela fait, dans la mesure du possible, il doit leur laisser les coudées franches.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, monsieur Mead.
Nous entendrons maintenant Gary Gallon, qui fera une transition intéressante.
M. Gallon: Merci, madame la présidente. C'est un plaisir pour moi de témoigner devant vous aujourd'hui, compte tenu de tous les bons amis que j'ai autour de la table.
L'expression «développement durable» a autant de définitions différentes qu'il y a de semaines dans l'année. À chaque fois que nous en discutons, nous ajoutons au moins une nouvelle nuance à la définition. J'ai apporté avec moi un document que je déposerai au comité et qui fait l'historique du développement durable. Cela remonte essentiellement à 1971, année où l'un de nos compatriotes nommé Maurice Strong a travaillé à l'organisation de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement tenue à Stockholm.
Où en sommes-nous au Canada aujourd'hui, en 1996, dans le dossier du développement durable? Le Canada commence à être le remorque d'autres pays à cet égard. Nous avons du retard par rapport au Japon, à l'Allemagne, à la France. De nombreux pays sont plus avancés que nous dans l'élaboration de programmes et d'initiatives efficaces en matière d'environnement.
Ce que le Canada doit faire maintenant, après avoir été parmi les meneurs de 1970 à 1995, c'est de faire le point et de se demander s'il est encore le pays vert, le pays de l'environnement par excellence. Ce que nous devons faire maintenant, c'est agir de façon décisive dans environ sept dossiers différents. Dans bon nombre d'entre eux, le gouvernement fédéral a commencé à prendre des initiatives.
Le premier est le respect de l'environnement dans notre programme d'acquisition, c'est-à-dire d'inclure dans nos activités d'acquisition des initiatives de protection de l'environnement et d'économie d'énergie.
Deuxièmement, nous devons accélérer le passage aux initiatives environnementales volontaires, par opposition à la réglementation, mais tout en conservant une certaine réglementation. Ces initiatives doivent être dotées d'échéanciers et d'objectifs. Il faut également énoncer une série de conséquences et veiller à ce qu'il y ait un examen par les pairs au niveau des compagnies et des intervenants et veiller à accélérer l'amélioration environnementale au Canada et à réaliser vraiment un développement durable.
Troisièmement, il faut une LCPE solide. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement est à l'étude. La plupart d'entre nous y ont participé. Nous comptons bien voir cette Loi canadienne sur la protection de l'environnement renforcée à l'issue de ce processus.
Quatrièmement, il faut appuyer les ententes environnementales internationales, qui semblent être le moteur du mouvement mondial vers le développement durable: l'accord CITES; la convention de Bâle; l'Organisation internationale du commerce et son groupe sur l'environnement; et maintenant, bien sûr, nous avons notre propre commission environnementale dans le cadre de l'ALENA, la Commission de coopération environnementale.
Cinquièmement, nous devons favoriser le progrès technologique. Il faut mettre au point des technologies et des procédés dans les domaines de la prévention de la pollution, des procédés internes, de la conservation d'énergie et de l'efficience dans la fabrication des produits. N'oublions pas que tout produit qui n'est pas à sa place constitue en fait de la pollution. Si Jon renverse son café sur le plancher, le produit n'a plus aucune valeur pour lui. Pour éponger le dégât, il faut un peu de temps et d'énergie. C'est la même chose dans le cas de tout produit chimique qui s'échappe d'une usine. Il faut donc conserver ces produits dans l'usine et s'en servir.
Enfin, l'énergie renouvelable, l'efficacité énergétique: c'est la voie de l'avenir, surtout si l'on tient compte des ressources non renouvelables comme les combustibles fossiles et surtout le pétrole brut si facile d'accès. Ces combustibles fossiles sont des matières premières importantes dans les secteurs des produits chimiques et de l'énergie et il est important de les économiser en favorisant les énergies renouvelables et en redoublant d'efforts pour améliorer l'efficacité énergétique.
L'industrie de l'environnement évolue constamment: il y a eu d'abord, dans les années 1970, la lutte contre la pollution; dans les années 1980, c'était plutôt la prévention de la pollution. Aujourd'hui, dans les années 1990, cette industrie de l'environnement, dont le chiffre d'affaires annuel est de 11 milliards de dollars, s'inscrit dans un processus de changement, de facilitation des activités dans les usines, de développement durable et de gestion de l'environnement.
Merci.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Gallon.
Gérard Asselin.
[Français]
M. Asselin: D'abord, permettez-moi de signaler que des gens se sont joints à nous. Vu que c'est télévisé, ceux qui ont trouvé cela intéressant ont probablement décidé de poursuivre avec nous.
Comme je le disais, je m'appelle Gérard Asselin. Je suis député de Charlevoix et je représente le Bloc québécois, l'Opposition officielle, au Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Le gouvernement et l'Opposition officielle ont tout mis en oeuvre pour la réussite de ce forum.
Je tiens encore une fois à souhaiter la plus cordiale bienvenue à tous les témoins, à tous ceux qui ont accepté l'invitation du sous-comité.
Je voudrais aussi remercier le personnel de la Chambre des communes qui collaborera, dans les prochains jours, à la réussite de ce forum.
Je voudrais aussi féliciter tous les intervenants, tous ceux qui ont pris la peine de faire de la recherche et de nous présenter de la documentation et des mémoires pour notre bénéfice et celui de l'ensemble de nos commettants.
Le forum d'aujourd'hui est un excellent moyen de sensibilisation. D'abord, il faut sensibiliser la population à l'importance de l'environnement. Le forum doit aussi servir de moyen d'éducation. On invite de plus en plus les commissions scolaires, les écoles à offrir, à la base, un programme d'éducation environnementale aux enfants du primaire et du secondaire.
On sait que l'éducation se fait aussi dans le milieu de travail. On doit être éduqués à préserver notre environnement. L'environnement, c'est l'affaire de tous. J'espère que ce forum sera une excellente tribune d'information et de formation pour l'ensemble de ceux qui se préoccupent par l'environnement.
Je dis aussi que c'est un excellent moment pour nous, en tant qu'élus, de prendre position. Il y a ici plusieurs députés représentant tous les partis politiques et provenant des quatre coins du Canada.
On doit être préoccupés par la protection de l'environnement, que ce soit l'air, l'eau ou la terre. La qualité de l'environnement est une affaire de santé. Si on a un mauvais environnement, on aura un jour ou l'autre des problèmes de santé. La raison en sera d'abord la mauvaise qualité de l'air. On respire l'air qui nous entoure et, souvent, cet air est pollué par des gaz, des fumées, du monoxyde de carbone. Si la qualité de l'air est mauvaise, on subira des pluies acides qui détruiront nos érablières et nos cultures agricoles.
Comme on le disait plus tôt, le plus grand filtre d'air est nos forêts, nos arbres. On doit se préoccuper de notre environnement en ajoutant des arbres sur nos propriétés et en empêchant tout gouvernement, provincial ou fédéral, de permettre des coupes à blanc. On doit obliger ceux qui en feront ou qui en ont fait à planter des arbres.
L'eau potable, on le sait, est notre principale source de vie. De plus en plus, on se doit de traiter les eaux usées. Les municipalités y investissent beaucoup d'argent aujourd'hui. Combien de municipalités québécoises déversaient toutes leurs eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent? Combien de tonnes de calcium, de sable, de produits chimiques étaient introduites dans les neiges, qui étaient par la suite déversées dans le fleuve Saint-Laurent? Au Québec, le fleuve Saint-Laurent était reconnu - et il l'est encore car il y a beaucoup d'améliorations à faire - comme l'une des plus grosses fosses septiques à ciel ouvert au monde. On doit se préoccuper de la qualité de l'eau. On doit éliminer les dépotoirs à neige pour la protection de nos lacs et de nos rivières.
En terminant, je voudrais dire un mot sur la terre. Je parlais plus tôt d'enfouissement sanitaire. Il doit y avoir des normes très sévères afin d'obliger les municipalités à enfouir leurs déchets non récupérables. Aujourd'hui, presque tout est récupérable. On sait que l'eau de pluie est filtrée par la terre; il y a beaucoup de sources souterraines. Il faut également éliminer les produits dangereux qu'on a tendance à étendre sur la terre.
Permettez-moi de confirmer aux gens ici présents que le Bloc québécois offre toute sa collaboration pour la protection de l'environnement et ne ménagera aucun effort pour faire respecter le plan d'action du gouvernement et son programme environnemental.
Hier, l'environnement était l'affaire des autres. Aujourd'hui, disons-nous que l'environnement est notre affaire et, que cela vienne du fédéral, du provincial ou du municipal, lorsqu'il y aura des investissements à faire dans ce domaine, nous ne nous déchargerons pas de nos responsabilités.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Je vais lire la liste des trois prochains intervenants, mais avant de le faire, je tiens à faire savoir que dans une quinzaine de minutes, à peu près, nous accepterons trois questions du parquet. Nous semblons gérer notre temps raisonnablement bien, alors si notre greffier, Norm Radford, peut s'en occuper, nous voudrions entendre trois questions ou observations émanant de l'assistance.
L'intervenant suivant sur ma liste est Jack Mintz, qui sera suivi de Jean Payne et deChris Henderson.
M. Mintz: Merci beaucoup madame la présidente. Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de vous entretenir de la politique environnementale. En fait, je voudrais revenir à la question de M. Forseth qui, je crois, a visé juste quand il a évoqué toute la question des rapports entre l'économie et la politique environnementale.
Je crois que bien souvent, les économistes s'en prennent aux environnementalistes parce que les économistes ont souvent tendance à croire que les forces du marché sont parfaites et qu'en conséquence, il n'est pas vraiment nécessaire d'appliquer les mesures de type interventionniste comme celles qu'on recommande.
Par contre, je crois que les environnementalistes s'en prennent parfois aux économistes parce qu'ils sont absorbés par certaines questions très importantes associées au développement durable, comme la qualité de l'air et de l'eau et la réduction du gaspillage, mais ils ont souvent tendance à oublier certains autres objectifs économiques dont il faut tenir compte.
Ma position, c'est qu'en fait, la politique environnementale est une bonne politique économique et qu'il n'y a pas vraiment de compromis entre les deux. La raison en est que les économistes se préoccupent bel et bien du prix des biens et des services dans une économie donnée, c'est-à-dire que le prix optimal entraînera la meilleure répartition possible des ressources et la création du plus grand nombre d'emplois. Je pense que tel est le point de vue général des économistes.
Sur le plan de l'environnement, ce que beaucoup d'économistes soutiennent, et c'est le cas de bon nombre de mes amis à l'Université de Chicago, c'est qu'en fait, le grand problème de la politique environnementale est que bien souvent, les gens ne tiennent pas compte des coûts qu'ils pourraient imposer à d'autres citoyens, ou des coûts que des entreprises pourraient imposer à d'autres entreprises en n'intégrant pas les coûts environnementaux dans leur politique globale d'établissement des prix. À mes yeux, telle est la question vraiment fondamentale.
En fait, dans bien des cas, on pourrait soutenir - et on peut en donner l'exemple des compagnies qui rejettent du soufre dans l'atmosphère ou qui pollue l'eau - que cela pourrait nuire à certains secteurs comme la pêche ou l'agriculture qui dépendent des ressources. Par conséquent, si l'on réussissait à établir des prix qui tiendraient compte de tout cela, on aurait manifestement une meilleure répartition des ressources et les secteurs qui ont subi dans le passé les conséquences de ce mauvais alignement des prix en sortiraient gagnants. Mais, bien sûr, les industries qui n'ont pas intégré ces coûts dans leurs prix seraient perdantes.
Telle est la véritable difficulté. À un moment donné, à cause de ces distorsions de prix causées par des considérations environnementales, certaines industries vont produire trop, celles qui nuisent à l'environnement, tandis que d'autres, qui ont été touchées négativement, se trouvent à sous-produire. Si l'on veut changer cela, tout comme lorsqu'on veut changer une politique quelconque, on peut être obligé de réaffecter les ressources pour en enlever à certains secteurs et en ajouter à d'autres.
Cela n'entraîne pas nécessairement une perte d'emplois. En général, cela peut même créer des emplois. Par exemple, les travaux que nous avons menés à l'Université de Toronto montrent que pour les pratiques de gestion des déchets, en modifiant les encouragements pour se détourner de ce que l'on pourrait appeler les secteurs de ressources non renouvelables exigeant beaucoup de capitaux à ce que l'on pourrait appeler les secteurs de l'énergie renouvelable ou du recyclage, on peut en fait créer des emplois. C'est dû en partie au fort coefficient de main-d'oeuvre de certains types de procédés associés au recyclage, mais c'est également attribuable en partie aux gains d'efficacité que l'on obtient dans l'économie parce que les prix sont mieux établis.
Et si ce ne sont pas vraiment les emplois qui sont en cause, alors quoi? Pour ma part, je crois que tout est affaire d'initiative. Mais c'est un problème très complexe et je ne pense pas que l'on puisse accuser des particuliers ou les gouvernements d'avoir complètement failli à la tâche, parce qu'il faut consentir énormément d'efforts pour surmonter ces problèmes.
Une série de problèmes est associée à la coordination internationale. Par exemple, sur les questions relatives à la qualité de l'air et de l'eau, par exemple le dossier du réchauffement planétaire, il faut que bon nombre de pays se mettent d'accord pour appliquer des mesures qui permettront clairement de mieux répartir les ressources afin de prévenir les problèmes qui surgiraient si l'on ne s'attaquait pas à ces dossiers.
Évidemment, ce type de coordination internationale complique les choses pour un gouvernement d'un pays pris isolément comme le Canada qui, bien qu'appartenant au G-7, est tout de même l'un des plus petits du monde. Une telle coordination devient plus facile au niveau des forums internationaux, comme on l'a vu avec la Banque mondiale et les organismes des Nations Unies qui ont essayé d'organiser une telle coordination internationale.
La question de savoir qui prend l'initiative se pose également sur la scène fédérale-provinciale. Par exemple, la distorsion des prix est un problème considérable sur le plan de la gestion des déchets. Les gens produisent trop de déchets parce qu'ils n'ont pas à payer le coût de leur élimination. C'est ce qu'on a dit tout à l'heure.
Comment mieux établir les prix? Dans une large mesure, les municipalités peuvent agir au niveau local, mais leurs politiques d'établissement des prix se heurte à de grosses difficultés lorsqu'elles doivent coordonner leur action avec d'autres municipalités et affronter en même temps les problèmes politiques qui se posent quand on demande aux gens de payer les coûts d'élimination de leurs déchets.
Comme cela pose des problèmes au niveau local, il faudrait peut-être que les provinces interviennent et essaient de convaincre les municipalités d'améliorer leurs politiques d'établissement des prix. Les choses se compliquent également au niveau interprovincial lorsqu'il s'agit de déchets dangereux. Cela met en cause le rôle du gouvernement fédéral. Là encore, qui doit prendre l'initiative et comment les gens peuvent-ils agir ensemble pour régler les problèmes d'environnement.
Le troisième élément a trait aux générations futures. Par exemple, si les générations futures pouvaient voter aujourd'hui, je me demande si elles voteraient pour les mêmes mesures que les générations actuelles en ce qui concerne l'établissement des prix des ressources non renouvelables et les politiques qui en découlent.
Les générations futures n'ont pas le droit de vote aujourd'hui et on ne tient pas compte de leurs préférences lorsqu'on prend des décisions politiques. Il faut donc prendre des initiatives pour s'assurer qu'elles ne sont pas oubliées. Comme nous l'avons vu, beaucoup de gouvernements s'inquiètent de plus en plus de l'avenir, de maîtriser le déficit et de toutes les responsabilités qui vont être imposées aux générations futures. Évidemment, la responsabilité environnementale fait partie de ce legs forcé que nous laissons aux générations futures. Nous devons absolument penser à ces générations futures pour donner un prix réaliste à nos politiques environnementales.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci.
Jusqu'à présent, nous avons assez bien respecté les délais, mais nous commençons à prendre un peu de retard. Je vous demanderais donc de limiter vos observations au temps dont vous disposez.
Jean Payne.
Mme Payne: Merci, madame la présidente.
Je souhaite la bienvenue à tous nos participants.
J'aimerais discuter des relations entre l'écosystème et l'environnement ou vice-versa. Je viens d'une région qui a été frappée par la pire, que je sache du moins, catastrophe écologique que notre pays ait jamais vu. Quand vous parlez de gestion des déchets, j'imagine que vous parlez surtout de produits chimiques, mais j'aimerais discuter d'un autre type de gestion des déchets.
Dans le secteur des pêches, nous entrons dans une époque... Un moratoire a été imposé à la pêche sur la côte Est et la même chose se produira probablement d'ici peu sur la côte Ouest. J'ai été élevée dans une région rurale de Terre-Neuve, et je me souviens d'avoir vu des millions et des millions de petites morues autour des quais de la région. Ce qui les attirait, c'était surtout les déchets qu'on déversait de ces quais, et dans tous les ports autour de tous les océans, on faisait la même chose. Ces déchets nourrissaient le poisson.
Aujourd'hui, on essaie d'obtenir le même résultat en élevant des petites morues dans des piscicultures, mais le résultat n'a absolument rien à voir, le poisson ne ressemble pas à ce qu'il était, et ne se compare pas non plus par le nombre ou par la taille à ce que je voyais quand j'étais enfant.
Est-ce que nous avons tiré des leçons de nos erreurs passées, ou bien refaisons-nous sans cesse les mêmes erreurs? Est-ce que la technologie qui a détruit nos pêches est toujours en usage? Que je sache, nous ne faisons aucun effort pour changer cela, et nous continuons à nous plier aux désirs des grosses sociétés. Effectivement, il y a à Terre-Neuve beaucoup de gens qui n'ont pas de travail. Ces gens-là ont répété pendant des années qu'il faudrait imposer un moratoire, et pendant tout ce temps, ce sont les grosses sociétés qui avaient besoin d'argent que nous écoutions.
Si certains d'entre vous ont des observations à ce sujet, j'aimerais les entendre.
Madame la présidente, je pourrais développer ce thème pendant très longtemps, mais pour gagner du temps, je m'en abstiendrai.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci pour ces observations très courtes.
Monsieur Henderson.
M. Henderson: Merci, madame la présidente.
Je vais commencer par vous dire pourquoi, à mon avis, nous nous trouvons ici aujourd'hui, après quoi je vous soumettrai quelques observations.
J'ai supposé que ce forum devait permettre de jeter un regard sur le développement durable et sur les aspects positifs. Je vous en soumets quatre, à titre de sujet de réflexion.
De toute évidence, nous voulons obtenir quelque chose de positif et assurer la protection de l'environnement, de nos écosystèmes et de notre biodiversité. Nous voulons obtenir quelque chose de positif en créant des emplois durables; nous voulons obtenir quelque chose de positif en réduisant les dépenses du gouvernement et, enfin, en respectant les ententes internationales que nous avons signées sur le plan de l'environnement.
Ma mère me répétait souvent qu'il valait mieux agir que discuter et que ce ne sont pas les mots qui comptent mais les actes. Comme c'est aujourd'hui le lendemain de la fête des Mères, je vais vous donner trois possibilités d'action qui, à mon avis, méritent d'être étudiées très sérieusement par le Parlement du Canada et par les Canadiens.
On parle d'utiliser l'énergie; je vais vous expliquer pourquoi l'énergie canadienne est la plus coûteuse et la plus mal utilisée. Il y a au Canada 318 communautés isolées qui ne font pas partie du réseau de distribution hydro-électrique et qui, pour la plupart, sont des communautés des Premières nations qui relèvent du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Dans ces communautés, l'électricité coûte environ 35c. le kilowatt-heure, alors qu'ici, elle coûte environ 7c. On pourrait penser que les gens économiseraient l'électricité quand elle coûte si cher, chercheraient à utiliser des appareils plus efficaces et à observer un peu plus strictement les règles commerciales. Or, dans ces communautés, il y a une surconsommation d'électricité de l'ordre de 30 à 40 p. 100, ce qui augmente les coûts dans la même proportion. Pour notre part, nous surconsommons dans la même proportion. Voilà une chose dont ce comité pourrait s'occuper et qui, à mon avis, mérite d'être étudiée.
Jon Grant et Harvey Mead ont parlé de l'eau. Les coûts de construction ne s'élèveraient pas à24 milliards de dollars, mais plutôt à 78 milliards de dollars. D'après des recherches effectuées par notre compagnie en prévision de la table ronde nationale, des travaux qu'Harvey verra d'ici peu, la facture pour l'infrastructure est d'environ 78 milliards de dollars, et cela continue à augmenter. La bonne nouvelle, c'est que beaucoup de choses sont possibles pour y remédier. Par exemple, au bord de l'Outaouais il y a une ville qui utilise 110 litres d'eau par personne par jour. Les résidents paient leur eau, mais pas à plein prix. Toutefois, de l'autre côté de la rivière, les résidents ne paient pas l'eau, cela fait partie de la taxe foncière. De ce coté-là de la rivière, les gens utilisent environ 310 litres d'eau par jour. Il y a une bonne raison à cela: le prix et les considérations économiques constituent souvent un outil utile.
Comment le Canada doit-il s'y prendre pour passer à un régime où les résidents paieront la totalité du coût de l'eau? Certaines conclusions de la table ronde nationale méritent d'être étudiées et réalisées. J'ai l'intention de soumettre des propositions concrètes au gouvernement fédéral.
La santé est ne chose qui tient à coeur aux Canadiens. J'ai parlé tout à l'heure de la santé publique, expliquant que si nous avons choisi un régime de santé publique, c'est pour des raisons de santé humaine et environnementale. Deux exemples idiots... C'est la saison des éliminatoires de hockey. Quand les machines Zamboni nettoient la glace, elles émettent un dérivé d'oxyde nitrique qui reste à la surface de la glace. Cela provoque des crises cardiaques ou des palpitations chez six à huit Ontariens (le plus souvent des jeunes hommes), et c'est la même chose dans le reste du pays. Nous les traitons dans les hôpitaux où il en coûte environ 80 000$ par crise cardiaque. Il semblerait logique d'améliorer les machines Zamboni, mais nous ne le faisons pas.
Pourquoi est-ce important pour le développement durable? Je vais vous donner un exemple criant. Je ne peux pas vous parler de Terre-Neuve, car c'est une situation que je ne connais pas, mais je peux vous parler du centre-ville de Toronto, de Vancouver et de Montréal.
Les dépenses du gouvernement pour l'assurance-invalidité ont augmenté de façon astronomique depuis 10 ans. La moitié de cette augmentation est due à des maladies pulmonaires chez des sujets de 50 ans et plus qui, pour la plupart, vivent dans ces grandes villes. Notre système de santé consacre des fonds de plus en plus considérables au traitement de ces maladies. Ce sont de très grosses sommes de fonds publics. La solution serait d'améliorer la technologie automobile, d'intensifier la lutte antipollution et d'encourager les transports en commun. On pourrait considérer également le système de bien-être social. Le Conseil du premier ministre sur la santé pourrait envisager, entre autres choses, d'établir des rapports étroits entre l'enveloppe de l'environnement et celle de la santé. Vous ne pouvez pas agir seul car c'est une responsabilité provinciale, mais vous pouvez agir sur le plan des paiements de transfert.
Voilà donc les suggestions que je soumets à votre attention. À mon avis, vous avez déjà fait beaucoup en adoptant une loi qui crée un poste de Commissaire au développement durable et instaure des plans ministériels de développement durable. Insistez. À mon avis, si vous encouragez le ministère à pousser les choses dans ce sens, vous verrez qu'on peut faire beaucoup sur le plan du développement durable. Merci.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, monsieur Henderson.
Nous allons entendre trois autres participants après quoi nous aurons d'autres questions.Roy Cullen, Ann Davis et le Dr Nola-Kate Seymoar.
M. Cullen: Madame la présidente, merci de nous avoir invités. Au cours des deux jours qui viennent, j'espère que nous réussirons à faire des progrès ou que du moins nous réussirons à sensibiliser les gens au développement durable.
Dans l'ensemble, les gens raisonnables souscrivent à la notion du développement durable. En effet, il s'agit de préserver les arbres qui produiront des fruits. On a peut-être abusé de la terminologie, elle est peut-être mal comprise, ce qui lui enlève de son attrait, mais c'est toujours un but extrêmement souhaitable. J'aurais tendance à penser comme M. Grant que gérance de l'environnement est un terme mieux choisi. À mon avis, ce dont nous discutons vraiment, c'est du rythme, de la portée et de la dynamique du changement.
Je reviens aux observations de M. Mead et plus particulièrement à un cas précis dont j'aimerais discuter en détail. Il s'agit de l'usine de recyclage Daishowa près de Québec qui, à mon avis, est un exemple assez typique des problèmes auxquels nous nous heurtons, cette nécessité de concilier les considérations environnementales et les considérations économiques ou la concurrence.
Ce qui est ironique, c'est que cette usine de recyclage, qui est typique de l'industrie en générale, aurait peut-être survécu si elle avait été construite à Boston, ou encore si les améliorations avaient été apportées à une usine de Boston. En effet, ce qui fait notre force dans le secteur forestier, c'est en grande mesure la proximité des produits de base.
En ce qui concerne le recyclage, notre nation approvisionne en papier journal environ un tiers des marchés du monde. Les programmes de collecte les plus agressifs du Canada permettent de récupérer, dans le meilleur des cas, 7 ou 8 p. 100 du papier journal que nous vendons dans le monde entier. Par conséquent, si nous essayons d'imposer à l'industrie une certaine proportion de matériaux recyclés, une ambition très louable sur le plan de l'environnement, nous imposons un handicap à notre industrie sur les marchés internationaux. En fait, il serait plus logique d'installer les usines de recyclage dans le nord-est des États-Unis et en Californie parce que là-bas, elles seraient plus près des marchés et de la matière première.
Bref, il est ironique que Daishowa, ou la compagnie que vous avez citée, ait essayé de le faire au Canada pour faire preuve de son sens des responsabilités. Je ne connais pas les détails de ces opérations, mais je sais que c'est un problème pour l'ensemble de l'industrie.
Pour revenir à la question ou aux observations de M. Grant, si je parle de l'industrie forestière, c'est que je connais particulièrement bien ce secteur; le problème en Colombie-Britannique, ne tient pas tant à une pénurie de pâte de papier qu'à une surabondance. La pénurie se situe au niveau des rondins et des arbres.
En Colombie-Britannique, on a décidé de réserver plus de terre à d'autres types d'utilisation, qu'il s'agisse de réserves sauvages ou de zones récréatives, etc., et par conséquent, les coupes autorisées diminuent. L'industrie, pour approvisionner ses usines, doit aller chercher du bois plus loin, en Alaska, au Yukon ou en Alberta. Un grand nombre de communautés dépendent de ces usines, et également de l'industrie minière, pour assurer leur survie.
C'est une question qu'on pourrait poser à juste titre au gouvernement de l'Alberta, du Yukon et peut-être de l'Alaska: est-ce que ce type d'activité peut être qualifiée de durable dans ces juridictions? En Colombie-Britannique, on a fait des compromis entre industrie forestière et zones sauvages, zones récréatives et autres types d'utilisation des terres, et c'est le nouveau moteur de ce genre d'activité.
Je reviens au raisonnement de Jon Grant au sujet de l'avenir des générations futures. À mon avis, il ne faut pas oublier non plus les générations actuelles dans cette équation. Je ne prétends pas connaître cette équation, mais les décisions que nous prenons, le rythme auquel nous progressons ont souvent des répercussions directes sur les emplois d'aujourd'hui.
Bientôt, l'industrie forestière n'aura aucun effet direct sur les emplois dans Etobicoke-Nord. Je le sais, ou du moins j'en suis assez certain, et c'est une considération qu'il ne faut pas oublier. Quand nous réglementons l'environnement, nous avons tendance à prendre des mesures les unes après les autres, et tout cela fini par s'accumuler. Nous continuons à ajouter des morceaux à cet échafaudage réglementaire, mais je me demande si quelqu'un prend du recul et se demande dans quelle mesure cela affecte notre compétitivité et notre industrie.
Il y a un autre élément qui pourra se glisser inaperçu, c'est l'argument de la meilleure technologie disponible. Si une compagnie doit dépenser 8 millions de dollars pour réduire le risque posé par les effluents de 0,001 p. 100, est-ce que cela vaut la peine? À mon avis, ce sont des questions que nous devons nous poser.
Je suis d'accord avec ceux qui prétendent que nous pouvons tirer parti de nos technologies environnementales sur la scène internationale. Dans notre industrie forestière, on en voit des exemples avec les technologies à 0-effluent ou en circuit fermé. Ce genre de choses pourraient nous permettre d'assainir notre environnement encore plus vite et, en même temps, de tirer parti de cette technologie sur le marché mondial. Cela offre donc des possibilités, mais nous devons procéder avec précaution.
Merci.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Cullen.
Ann Davis, je vous en prie.
Mme Davis: Merci.
J'aimerais revenir sur des observations qui ont été faites tout à l'heure et également sur certains éléments de la documentation qui a été envoyée en prévision de cette discussion.
Dans cette documentation, on lit que le changement n'est possible que si les particuliers modifient leur comportement de consommateurs et se conduisent d'une façon plus respectueuse envers l'environnement. Cela nous remet à l'esprit des arguments avancés tout à l'heure par Peter Adams: que pouvons-nous faire pour persuader les particuliers de changer leur comportement privé? On peut discuter de la façon dont l'argument est présenté dans la documentation, mais en fin de compte, c'est absolument nécessaire si nous voulons faire du développement durable une réalité.
Cela dit, le plus difficile va être de convaincre et d'encourager les particuliers de changer leur comportement. Aujourd'hui, on a beaucoup parlé des moyens de mesurer le changement, des moyens de financer le changement et peut-être également certains éléments de la réforme réglementaire. Mais en fin de compte, le plus important, c'est de trouver les moyens de convaincre les gens de changer leur comportement.
La firme pour laquelle je travaille et notre groupe environnemental ont mis au point un sondage sur la gestion environnementale. Comme Nigel l'a dit tout à l'heure, la gestion environnementale n'est pas le seul élément du développement durable. Cela dit, c'est un élément qui mérite d'être étudié.
Tout récemment, nous avons fait un sondage parmi 1 587 organismes. Nous avions déjà fait un sondage en 1994, et celui-ci est mis à jour. Nous avons demandé à toutes ces organisations, entre autres, quels facteurs les motivaient, qu'est-ce qui les poussait à prendre des mesures sur le plan de l'environnement? Nous voulions savoir quels éléments provoquaient des changements de comportement.
Malheureusement - cela ne me surprend pas, mais c'est tout de même décevant - les deux principales réponses continuent à être: la réglementation et la responsabilité civiles et criminelles des membres des conseils d'administration. Cela ne nous a pas surpris, mais je reconnais que nous avons trouvé cela décevant.
En effet, les organismes - et c'est peut-être vrai également pour les particuliers - continuent à réagir à la menace ou à des considérations de crainte au lieu de chercher à tirer parti de l'occasion que cela pourrait offrir. Je ne prétends pas que cela soit vrai de tous les organismes. Jon Grant a parlé de certains qui sont... Je pense qu'il a dit «plus progressistes», qui comprennent les possibilités. Mais dans la réalité des choses, il semble que pour la plupart des gens, la menace soit plus réelle que les occasions de progrès.
Que pouvons-nous faire pour modifier cette équation, pour convaincre les gens d'évoluer et de tirer parti des possibilités au lieu de se contenter de réagir à des menaces? Eh bien, nous pourrions d'une part créer des possibilités ou encore permettre au marché d'accorder des encouragements au lieu de céder à la tentation d'une surdéréglementation. On a parlé tout à l'heure du fardeau de la réglementation, et je suis d'accord avec ce qui a été dit. Il ne nous faut pas nécessairement plus de règlements, mais plutôt des règlements différents, des règlements qui permettent au marché d'offrir des encouragements ou, pour reprendre les termes éloquents que nous avons entendus tout à l'heure, laisser la voie libre aux forces du marché.
À mon avis, les organismes qui réagissent le mieux aux encouragements offerts par le marché se trouvent dans les secteurs des ressources naturelles, peut-être parce que l'environnement les touche de beaucoup plus près, ou peut-être aussi parce qu'ils voient plus clairement la situation dans leur propre cycle d'affaires. Pour d'autres organismes, l'environnement n'est pas tout à fait aussi proche. Son impact est à plus long terme. Cela est probablement vrai également pour les particuliers, et c'est la raison pour laquelle il faut encourager les gens à penser aux générations futures en plus des générations présentes.
Une observation personnelle; cette semaine, je fais installer un compteur d'eau dans ma maison de Toronto qui n'en avait pas jusqu'à présent. Ce qui m'a encouragé à faire cela, c'est que la ville de Toronto m'a annoncé qu'elle paierait une partie du coût du tuyau d'adduction jusqu'à la limite de ma propriété à condition que je fasse installer un compteur. Une fois ce compteur installé, je vais pouvoir commencer à payer une partie du coût de l'eau. Ce genre de chose me semble justifié. En même temps, j'ai l'impression que cela risque de me coûter moins cher. En attendant, cela me force à changer de comportement. Autrement, j'aurais pu continuer à payer gaiement un taux forfaitaire aussi longtemps que la ville me laisserait faire, et cela, bien que je travaille dans le domaine de l'environnement, ce qui me pousse à prendre des engagements personnels un peu plus sérieux.
Nous devons donc trouver ces moyens. On a parlé tout à l'heure de la machine Zamboni. Nous avons besoin de trouver des encouragements d'ordre économique. C'est malheureusement la réalité des choses. Faute de cela, les gens ne changeront pas leur comportement.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, madame Davis.
Madame Seymoar.
Mme Seymoar: Je dois dire que j'adore le développement durable. La raison est que j'ai l'esprit pratique et que j'aime résoudre les problèmes. Il y a neuf ans, je travaillais à Terre-Neuve comme directrice exécutive à la Commission d'enquête sur l'assurance-chômage. Nous nous occupions des provinces de l'Atlantique, du secteur manufacturier et de l'Ontario.
À l'époque, nous trouvions que nous avions du génie parce que nous avions décidé d'aborder la question non seulement sur le plan des aspects économiques de l'assurance-chômage, mais également sur le plan des aspects sociaux et communautaires. Il nous semblait que cette position était révolutionnaire. Nous avions omis l'environnement. Si nous en avions tenu compte, le secteur de la pêche ne connaîtrait peut-être pas un tel marasme, et en tout cas, les programmes d'assurance-chômage et de développement communautaire seraient en meilleure posture.
À mon avis, ce qui donne une véritable force à cette idée, c'est l'intégration de ces trois éléments: l'économie, l'environnement et la santé de la société. C'est la raison pour laquelle nous devons en tenir compte.
L'institution pour laquelle je travaille tente d'appliquer au niveau pratique et décisionnel toutes ces grandes théories et autres recherches universitaires. Nous avons donc préparé à l'intention des parlementaires un document adapté aux trajets en avion: on peut le lire d'un bout à l'autre entre deux aéroports, du moins si on est de Winterpeg. Il s'intitule «Making Budgets Green» (Rendre les budgets plus verts). Il est accompagné d'un livre très épais à l'intention de tous les responsables qui ont besoin de consulter la documentation de recherche. Je crois que ce livre-là s'intitule également «Making Budgets Green».
Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une série d'exemples de mesures neutres sur les plans budgétaire ou financier qui sont à la fois positives pour l'environnement, pour l'économie, et à long terme, pour la population et pour les régions concernées. Ce document contient une multitude d'exemples de ce genre de choses. Au Canada, on discute des taxes sur les produits carbonés comme si cela ne s'était jamais fait ailleurs. Il y a des taxes sur différents types de production de l'énergie. Il y a toutes sortes d'exemples d'endroits où on a fait des expériences qui pourraient nous être très utiles.
Le second document qui se lit très vite est intitulé «L'emploi et le développement durable - Des possibilités pour le Canada». Là encore, un grand nombre d'exemples extraordinaires tirés de tout le pays, de meilleurs moyens et à plus long terme de créer des emplois ou d'assurer leur durabilité.
J'ai deux autres observations à faire; d'une part, je pense qu'il est temps d'arrêter de parler des emplois comme si cela ne regardait que nous. Je suis grand-mère, et quand je regarde ma petite-fille de quatre ans et demi, Katie, je me dis qu'elle n'a aucune chance d'avoir un seul emploi pour toute sa vie dans le même secteur. En fait, ses parents non plus, et la plupart d'entre nous non plus.
J'en viens au genre de travail que nous faisons. Si nous commençons à penser en termes d'unités familiales économiques durables, nous pourrons échapper à cette idée d'un emploi unique, d'une carrière qui commence à 20 ans, ou au moment où on obtient son diplôme pour se terminer à 65 ans. Nous devons absolument nous débarrasser de cette notion.
La troisième chose qui me paraît importante porte sur deux éléments. D'une part, nous devons choisir les bons principes. Je suis d'accord avec Nigel quand il dit que tout le reste est en train de changer. C'est donc une question de principes: il faut identifier ces principes, et les utiliser pour mesurer l'efficacité de nos programmes, et déterminer s'ils vont dans la bonne direction.
Enfin, je dois vous dire que nous assistons de plus en plus à l'émergence d'une société civile. Cela va peut-être vous choquer, mais le gouvernement devient de moins en moins important. La société civile envoie le gouvernement au diable pour assumer de plus en plus de responsabilités.
J'ai assisté à une réunion où on discutait de citoyenneté environnementale, le programme canadien lancé par Environnement Canada qui est sur le point de prendre des dimensions internationales. C'est le PNUE qui lance ce programme. Nous étions donc un groupe de Canadiens qui, tous, avaient participé au lancement du programme il y a six ou sept ans. Environnement Canada a cessé de financer officiellement ce programme qui porte maintenant un nom différent, mais qui en fait se poursuit de la même façon. Autour de la table, les gens se plaignaient de cette triste situation, et tout d'un coup, nous nous sommes demandé pourquoi. Parmi nous, personne n'avait l'intention de s'en désintéresser. C'est un programme très actif dans les collèges communautaires canadiens, très vigoureux à toutes sortes d'égards. Si le gouvernement veut jouer un rôle utile, il a tout intérêt à annoncer la couleur.
Il est certain que le gouvernement a moins d'argent, il faut le reconnaître. Cela lui donne moins d'influence, et en même temps cela va permettre au secteur privé et aux organismes communautaires d'exercer de plus en plus d'influence et de pouvoir.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Il y a encore six personnes sur la liste des participants, mais j'aimerais que nous prenions une courte pause. Je pense qu'il y a quelques personnes qui veulent poser des questions. Peut-être les intéressés pourraient-ils se présenter au micro. Veuillez d'abord vous présenter.
M. Steve Hart (témoigne à titre personnel): Je m'appelle Steve Hart, je suis président de l'Association canadienne des industries de l'environnement. Madame la présidente, j'aimerais faire trois observations et ensuite lancer trois défis au régime politique.
Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter sincèrement d'avoir organisé cette rencontre. Je sais que nous devons cet événement à votre initiative et votre enthousiasme. Je crois pouvoir affirmer que l'environnement et ce que nous étudions ici constitue probablement, par pur hasard, une des questions qui unit tous les niveaux du monde politique. Peut-être cet exemple peut-il être transposé dans d'autres sphères aussi.
J'aimerais faire deux ou trois observations. Tout d'abord, je pense que l'industrie que nous représentons actuellement vit probablement une plus grande évolution que d'autres secteurs industriels. Ceux qui parmi nous ont commencé il y a 10 ou 15 ans dans le secteur des émissions de cheminée ne seront plus en affaires dans dix ans si nous ne diversifions pas.
Toute l'évolution dans notre secteur est axée sur la gamme des nouveaux règlements adaptés. Je parle de la réglementation qui suscite l'innovation technologique qui répond à des objectifs et est accompagnée de mesures volontaires et d'instruments économiques. C'est la voie de l'avenir. Les entreprises qui pourront aider les secteurs industriels traditionnels à s'adapter seront celles qui survivront.
Je pense qu'à moins que les sociétés, les entreprises comme les nôtres, ne commencent à vraiment gagner de l'argent grâce aux solutions, il n'y aura pas de solutions. Il doit y avoir une motivation économique si nous voulons trouver des solutions. Nous pouvons aider.
Parlons maintenant des trois défis. Le terme «harmonisation» est un peu, si je peux me permettre de le dire, un mot proscrit à l'heure actuelle dans le domaine des relations fédérales-provinciales, surtout après les retombées de l'affaire Haines. Toutefois, nous estimons que ce n'est que grâce au leadership - et j'emploie le mot «leadership» utilisé souvent par Jack Mintz - du régime politique tant au palier fédéral que provincial que nous pouvons nous sortir des difficultés actuelles.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Une de nos entreprises a dû faire homologuer la même pièce d'équipement, pour faire la même chose, dans quatre provinces différentes, à quatre moments différents. C'est du gaspillage pur et simple. Voilà un défi pour le gouvernement.
Un autre défi, c'est de coordonner les efforts gouvernementaux qui en grande partie ne le sont pas actuellement afin de commercialiser nos services à l'échelle internationale. On pourrait ainsi vraiment aider l'industrie à gagner du terrain.
Enfin, il y a environ 15 ans, paraissait un merveilleux petit livre - qui est peut-être dépassé - intitulé The Future Health of Canadians. La principale thèse de cet ouvrage, c'était que toute l'industrie de la santé au Canada était à l'envers. Essentiellement, nous avions un régime médical créé pour guérir les malades au lieu d'être axé sur la prévention. C'est à partir de cette thèse que l'on a mis en place un programme anti-alcool, un programme antitabac, un programme de ceinture de sécurité, ParticipAction, et tout ce que nous prenons maintenant pour acquis. Je mets le régime politique et tout particulièrement le gouvernement fédéral au défi de faire la même chose pour l'environnement.
Merci, madame la présidente.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci.
M. Stephen Hazell (témoigne à titre personnel): Je m'appelle Stephen Hazell. Je suis avocat et directeur de l'évaluation environnementale chez Marbek Resource Consultants Ltd., ici à Ottawa.
J'aimerais que les participants - ceux qui ne sont pas des parlementaires - répondent à la question suivante: Comment les parlementaires, à titre individuel, peuvent-ils promouvoir le développement durable. Je pense que c'est là une question importante pour les députés qui sont ici aujourd'hui. C'est une question importante à laquelle il faut réfléchir au cours des quelques prochains jours.
J'ai ici quelques suggestions à faire. Tout d'abord - et la plupart de gens ici présents le savent, même si l'on n'en a pas parlé beaucoup, et seuls Chris et Jon Grant en ont quelque peu abordé le sujet - il y a les modifications à la Loi sur le vérificateur général, qui sont entrées en vigueur cette année. Ce sont là des instruments très puissants dont disposent les députés fédéraux.
Il y a un Commissaire à l'environnement et au développement durable, qui sera nommé bientôt, j'espère. La loi en outre oblige les ministères à produire des stratégies de développement durable. Les ministères doivent rendent compte de ces stratégies au Parlement. Il y a aussi les rapports qui figurent dans le budget principal des dépenses. Ce sont des instruments très puissants si vous voulez en tirer partie.
Je rappelle que même si le Commissaire relève du vérificateur général, le vérificateur général lui-même rend compte au Parlement. Il ne relève pas du gouvernement; il relève du Parlement. C'est donc votre institution, et il vous appartient d'en tirer partie le plus possible.
À mon avis, c'est là un moyen qui s'offre au parlementaires qui veulent agir, et j'invite les autres intervenants à proposer d'autres moyens. Merci.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup. Nos séances de demain porteront sûrement sur des applications plus pratiques de ces choses.
Nous sommes un peu en retard, mais je suis très heureuse de la conversation que nous avons eue ici, de votre participation active.
Comme je l'ai dit, j'ai encore six participants sur ma liste. Je pense que tout le monde a eu la chance de parler au moins une fois, et je cède donc la parole à John Godfrey.
M. Godfrey: J'aimerais établir un lien entre la dernière observation et celle qu'a faiteMiriam Wyman au tout début de notre discussion: il s'agissait du défi qui se pose à chaque député fédéral qui veut agir à titre personnel.
J'ai été un peu surpris d'entendre Miriam Wyman dire que le développement durable n'a rien à voir avec la croissance économique. Je suis de ceux qui croient qu'il s'agit de croissance économique, et je répète ce qu'a dit Nola-Kate Seymoar, à savoir qu'il existe de toute évidence un cercle vertueux où interviennent la croissance économique, la vulnérabilité écologique et le progrès social.
Je ne crois pas qu'on ait même besoin de changer les mesures ou la structure des coûts. Je pense qu'on peut se servir du bon vieux PIB, sans intervention du vérificateur général, pour parvenir à cette conclusion, parce que la nouvelle théorie économique de la croissance fait fond sur l'importance d'une croissance inspirée par les idées.
Ce qui m'amène au deuxième point. Dans mon secteur de Toronto, soit Don Valley-Ouest, se trouve un parc industriel classique, le secteur industriel de Leaside, qui a été créé au cours de la seconde guerre mondiale. On y produisait essentiellement du matériel de guerre. Il y a là toutes sortes de choses horribles, il y a aussi de bonnes choses, et les manufactures du bon vieux temps n'y sont plus.
Ce que nous voulons faire, c'est encourager précisément ce genre de croissance économique. En marge de cela, nous créons ce qu'on appelle le nouveau village médiatique, qui est en réalité un ensemble d'entreprises inspirées par des idées qui vont se spécialiser dans l'Internet, le disque optique compact, et tout le reste. Mais à l'intérieur de tout cela, nous avons des entreprises spécialisées qui ne se contentent pas de recycler mais qui font des choses comme... Il y a une entreprise, la Sandman Eco, qui produit une burette absolument ravissante pour la verrerie en se servant d'un mélange de verre qui provient du système de recyclage.
Je ne pense pas que la partie soit facile sur le plan économique pour ces entreprises, mais je crois qu'elles vont contribuer fortement à la croissance économique traditionnelle. Il ne faut donc pas croire qu'il y a une contradiction entre la croissance économique et le développement durable.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, John. Nous allons maintenant entendreStan Dromisky.
M. Dromisky (Thunder Bay - Atikokan): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je considère tout ce problème à partir d'une perspective globale, et ce faisant, je vous invite à visualiser le globe avec moi. Il y a sur terre des millions et des millions de grains de maïs. J'aime bien cette analogie avec le pop-corn parce que c'est comme ça, à mon avis, qu'on envisage tout le problème environnemental. Les solutions apparaissent comme des grains de maïs qui éclatent ici et là. Chaque fois qu'un grain de maïs éclate, cela veut dire qu'on cherche une solution à un problème lié à l'environnement.
Cependant, qu'est-ce qui fait éclater le maïs? C'est la chaleur. Et qui produit la chaleur? Ce sont des gens compétents, des gens qui se soucient de l'état de leur environnement. Ils produisent assez de chaleur pour que l'on prenne des décisions, qu'elles soient d'ordre économique ou politique.
Je veux dire par là que l'on a pris une décision, qu'il y a de l'action. Peu importe s'il s'agit d'un changement de comportement ou d'un changement environnemental. Il se passe des choses positives.
Si nous regardons la planète, nous constatons que la grande majorité des graines qui ont éclaté sont regroupées dans certaines régions du monde. Comment se fait-il que tant de graines aient éclaté, disons en Amérique du Nord? Pourquoi tant de graines ont-elles éclaté en Europe? Pourquoi y en a-t-il si peu en Amérique du Sud, en Amérique centrale, en Afrique et ailleurs dans le monde?
En y regardant de près, vous constaterez qu'il y a un rapport direct, très positif et solide, entre les mesures prises et, en général, le degré et le niveau d'éducation des collectivités concernées. Plus on est instruit dans ces collectivités, plus on réagit positivement aux problèmes écologiques.
Cela m'amène à quelque chose de très fondamental à mon avis. Cela ne se produira pas de façon ponctuelle. Cette démarche éducative ne se fera pas dans des conseils d'administration. Cela ne se fera pas uniquement, disons, au sein d'un comité, dans un comité permanent de la Chambre des communes. Ce sera une initiative conjointe de toutes les parties concernées. Ce sera un effort communautaire, au vrai sens du terme.
Il faut effectuer des changements d'ordre politique, économique et ainsi de suite, concernant le fondement éducatif qu'on est en train d'établir, la recherche en cours, les informations qui s'accumulent, afin que nous puissions prendre des décisions rationnelles relatives à l'environnement dans lequel nous vivons.
Quand nous voyons un citoyen très instruit qui s'enchaîne à un chêne, nous disons: «C'est fantastique!». Mais pendant ce temps, le même jour, des centaines de milliers d'hectares de forêt vierge sont détruits ailleurs.
Notre préoccupation doit aller bien au-delà du chêne que nous avons dans notre quartier. Notre vision doit porter beaucoup plus loin que ce qui se passe dans notre cour, car voyez-vous, notre cour s'étend jusqu'en Afrique. Elle s'étend jusqu'en Amérique du Sud.
Nous devons nous sensibiliser au point de nous poser la question suivante: «Combien de temps encore pouvons-nous tolérer que nos voisins polluent notre environnement, détruisent notre mode de vie et nuisent à la vie de nos enfants, petits-enfants, etc.? Cela ne peut se produire que dans le cadre d'un effort communautaire.»
Je pourrais faire de nombreuses recommandations, madame la présidente, mais je les ferai demain. Merci.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): D'accord. Merci beaucoup, monsieur Dromisky.
Monsieur Lickers.
M. Lickers: C'est intéressant. Ayant écouté, je voulais simplement faire quelques observations.
D'abord, que signifie cette idée de retraite? Je ne sais pas qui... Tout le monde se retire de la vie. Chez les Autochtones, l'idée de retraite n'existe pas. Cela me semble être le moment où une personne cesse d'assumer certaines responsabilités au sein de la collectivité. Je sais que dans notre région, par exemple, quand on vieillit, on n'est plus obligé de soulever les balles comme le font les jeunes.
Il me semble avoir entendu quelqu'un là-bas dire qu'on change d'emplois à mesure que l'on avance dans la vie, et que rien n'est plus acquis. Eh bien, pour une fois, le mode de vie autochtone est maintenant en vogue, car on nous licencie toujours chaque semaine, alors nous sommes...
Des voix: Oh, oh!
M. Lickers: ...allons d'un emploi au suivant. Nos aînés... Que je sache, Ernie Benedict et Jake Swamp n'ont pas pris leur retraite et continuent de parcourir le monde pour faire oeuvre éducative et essayer de convaincre les gens. En matière de développement durable, c'est peut-être une notion qu'il faudrait abandonner.
Je vais tâcher de choisir mes mots. Nous devons nous garder de faire appel à la notion de gérance. Pour cela, il faudrait que nous ayons fait la preuve de notre compétence, ce qui n'est pas le cas. Laissons donc cette notion de côté. Nous devrions toutefois nous efforcer de remplir ce rôle. La récompense viendra quand la septième génération reconnaîtra notre oeuvre. Alors seulement, nous pourrons évoquer ces questions, mais pas maintenant.
Je vous dirai en terminant qu'effectivement, on peut expliquer pourquoi les pays d'Europe et d'ailleurs se mettent à chercher des solutions. Cela n'a rien à voir avec l'éducation. Ces gens-là doivent vivre sur leur territoire, ils n'ont nulle part où aller.
Ainsi, les autochtones qui vivent sur leur territoire depuis très longtemps y sont attachés car il leur est devenu précieux. Nous ne voulons pas que quoi que ce soit lui arrive.
Pourtant, on devrait adopter des règlements, quelques règlements très simples, qui pourraient nous aider. Une société devrait peut-être exiger que le chef de la direction et les cadres habitent dans une localité pendant 50 ans au moins, qu'ils gravissent les échelons dans cette localité, et qu'ils vivent de préférence en aval des usines.
On devrait interdire à une ville de s'approvisionner en eau en amont de l'endroit où elle déverse ses eaux usées. On devrait exiger qu'elle s'approvisionne immédiatement en aval de cet endroit pour qu'elle voie un peu à quoi cela ressemble.
Permettez-moi d'ajouter que le développement durable peut être joyeux et qu'il convient très bien au regard que les autochtones pose sur le monde. Je regarde autour de cette table aujourd'hui... nous sommes un groupe de participants.
Des voix: Oh, oh!
M. Lickers: ...très sérieuse. On n'a pas beaucoup entendu d'éclats de rire. Cela me préoccupe car dès que mon grand-père et les miens prennent un air très sombre, je sais immédiatement qu'il y a quelque chose qui va affreusement mal.
Je le répète, il faudrait qu'en matière de développement durable, nous cherchions les éléments joyeux. Il faudrait que cela éveille de la joie dans nos coeurs. Et cela prend la forme des paroles de mes enfants, de nos enfants, de nos aînés, de nos femmes et des gens de notre collectivité.
En terminant, je tiens à remercier vos enfants, vos conjoints, les hommes et les femmes de votre collectivité qui ont fait un sacrifice en vous permettant de venir ici. Ce n'est pas nous que vous devriez remercier mais eux car ce sont eux qui ont fait le sacrifice nécessaire pour nous permettre d'être ici.
Je sais pour ma part, que je peux adresser les mêmes remerciements à mes enfants et à ma femme qui ont fait le sacrifice nécessaire pour que je vienne ici.
Merci.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, Henry.
L'après-midi a été long mais agréable et je remercie chacun de sa patience car je sais que nous sommes un groupe très volubile. De toute façon, il faut que nous fassions preuve de discipline pendant encore quelque temps mais ensuite, vous pourrez vous entretenir librement et joyeusement les uns avec les autres.
Nous avons dépassé le temps prévu, la liste est donc close. Toutefois, qu'à cela ne tienne, nous devrions profiter de notre rencontre pour laisser les idées fuser autour de cette table. J'ai le nom de John Finlay.
M. Finlay (Oxford): Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé au colloque d'aujourd'hui et qui ont su nous captiver par leurs propos si éloquents et si novateurs. Il nous faudra un certain nombre d'heures pour faire le point sur tout ce que nous avons entendu.
Madame la présidente, je veux vous faire part de quelque chose. J'ai bien fait mes recherches, et j'ai lu les notices géographiques qui nous ont été remises. Je constate que M. Rees n'est pas là et qu'il n'a pas pu prendre la parole, mais ce que j'ai lu dans sa notice biographique avait une certaine résonnance pour moi. Je veux simplement vous lire ce qui m'a frappé et en tirer trois conclusions.
Il y a de cela bien des années, le club de Rome, qui comptait parmi ses membres un célèbre premier ministre canadien, a publié un ouvrage intitulé «Les limites de la croissance».
M. Rees dit que ses travaux actuels portent surtout sur la mise au point et l'application de deux concepts: l'«empreinte écologique» et la «capacité de transport approprié», qui servent d'indices terrestres de la durabilité ou du manque de durabilité. L'analyse éco-empreinte montre qu'il faudrait l'équivalent d'au moins deux autres planètes Terre munies de la technologie de l'heure, rien que pour maintenir de façon durable la population mondiale actuelle au niveau d'aisance matérielle qu'on connaît en Amérique du Nord.
Madame la présidente, c'est là une observation qui fait beaucoup réfléchir. Pour ma part, j'en tire les conclusions et les questions suivantes. Tout d'abord, nous devons stabiliser la population mondiale. La Chine essaie de le faire par la réglementation. Le Canada y est déjà parvenu; c'est-à-dire que notre population augmente, mais cette croissance est principalement due à l'immigration. Nous occupons ainsi une place importante dans le monde. Cependant, notre population n'augmente pas parce que notre taux de natalité augmente. Cette dénatalité est surtout attribuable, selon moi, au fait que nous sommes une société d'abondance. Au fur et à mesure que les pays en développement pourront participer davantage à cette société d'abondance qui existe dans divers pays du monde, le taux de natalité baissera.
Deuxièmement, les sociétés industrialisées doivent modérer leurs attentes, gaspiller moins et consommer moins d'énergie. Nous devons nous soucier de ceux qui sont nos voisins sur cette planète et leur accorder une part plus grande des ressources de la terre, non pas seulement par sollicitude, mais par nécessité, celle de notre survie. Sinon, nous serons engloutis ou nous étoufferons dans nos propres déchets.
Troisièmement, nous devons améliorer notre technologie, comme Julian Reed et d'autres le laissent entendre, et mettre fin à nos stupidités, comme l'a dit Jon Grant.
Je me suis rendu à quelques reprises dans l'Arctique depuis dix-huit mois, et j'ai pu voir que toutes les routes dans l'Arctique mènent à un dépotoir. Chaque dépotoir contient des déchets contaminants, toxiques et qui empoisonnent l'environnement.
Jon Grant a parlé du «cloaque de l'Arctique». Il nous en coûtera sans doute trois fois plus pour dépolluer l'Arctique qu'il en a coûté pour déverser les déchets qui s'y trouvent.
Voilà donc mes trois conclusions, madame la présidente.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Finlay.
Charles Caccia, vous avez la parole.
M. Caccia: Merci, madame la présidente.
Je tiens à dire brièvement que la séance de cet après-midi a été très utile et instructive et qu'on ne peut guère ajouter quoi que ce soit à ce que Stan et Jon ont déjà dit.
J'ai l'impression que nous allons tout droit vers l'abîme si nous ne prenons pas garde, et Jon a évoqué quelques-unes des raisons qui m'amènent à cette conclusion quand il nous a donné une vue d'ensemble de cette situation à l'extérieur du Canada.
D'après les indices de l'OCDE, les tendances en matière de pollution de l'air, du sol et de l'eau ne sont guère encourageantes. Pour ce qui est de la redistribution de la richesse, l'aide au développement international est en baisse, ce qui tend à compromettre le principe de l'équité qui est un des trois piliers du développement durable. Enfin, l'écart entre les déclarations et les mesures concrètes s'élargit de plus en plus.
Depuis 1986, les dirigeants politiques n'ont jamais raté une occasion de faire des déclarations importantes à toutes les tribunes internationales imaginables et il semblait, à Rio, en 1992, que nous avions déjà atteint le millénium. Tous les dirigeants politiques, sauf un - le président des États-Unis - se sont succédé sur l'estrade pour souligner en termes éloquents et convaincants, voire lyriques, l'importance extraordinaire d'intégrer l'économie à l'environnement.
En ce moment même où nous parlons dans cette salle, à cause de l'inertie et d'intérêts territoriaux profondément enracinés, il y a des ministères dont les activités ne concordent pas du tout avec ce que font d'autres ministères ici à Ottawa. Je ne serais pas surpris qu'il en soit ainsi dans les capitales provinciales et je ne serais pas surpris non plus s'il en était ainsi dans bien d'autres capitales du monde.
Et nous devons nous demander: quelle difficulté cherchons-nous à surmonter? Comment se fait-il que nous puissions comprendre le concept du développement durable, que nous puissions le définir, que nous puissions même offrir une solution de rechange, comme Jon Grant l'a fait...? Il a avancé l'idée de la gérance de l'environnement, qui est très attrayante. Mais on semble en même temps laisser de côté l'économie, et cela m'inquiète un peu. Mais comment pouvons-nous être si bons dans les énoncés déclaratoires et la gestion théorique du développement durable, tandis que lorsque l'on en vient à la mise en oeuvre pratique et politique de ce concept, nous nous fourvoyons tous?
C'est pourquoi il est tellement important de surveiller les indicateurs, parce qu'ils nous disent où nous en sommes. C'est pourquoi nous sommes tellement loin de la mise en oeuvre des processus invoqués par Henry Lickers au début de l'après-midi, des processus dont nous avons besoin pour bien travailler en collaboration.
Si nous regardons ce qui se passe en dehors du Canada, nous voyons en Asie un essor économique effréné où l'on ne tient nullement compte de la protection de l'environnement, et encore moins de l'intégration de l'économie et de l'environnement. Nous voyons la Chine avec ses propres objectifs en matière de production d'énergie, des objectifs qui poseront des problèmes énormes au reste de la famille mondiale.
Prenez par exemple le dossier du changement climatique - et pas seulement au Canada - qui a fait l'objet d'un accord international global, mais de très rares pays seulement s'appliquent vraiment à respecter l'engagement pris lors des diverses réunions internationales. Si nous avions pour l'environnement le même leadership politique que nous avons pu voir la semaine dernière dans le cas du projet de loi C-33 concernant l'orientation sexuelle, nous serions probablement dans une bien meilleure situation. De fait, j'en suis à peu près certain.
En terminant, j'ajouterai que les philosophes sont peut-être les personnes qui possèdent les réponses à certaines de ces questions complexes. Je suis énormément rassuré de voir que Kenneth Boulding est maintenant devenu tellement populaire en Amérique. Il y a quelques décennies, il a dit que nous devions apprendre à passer d'une économie de l'époque des cow-boys à une économie de l'ère spatiale.
Je crains que le Canada, qui est encore une nation en développement étant donné que nous sommes partiellement industrialisés et que nous nous développons partiellement, cherche encore une voie, un chemin pour passer de l'économie de l'époque des cow-boys à une économie de l'ère spatiale.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Caccia.
Il y a encore trois personnes qui veulent prendre la parole. Je vous demanderais de limiter vos commentaires à environ 59 secondes. Miriam Wyman.
Mme Wyman: Merci. Je pense pouvoir y arriver.
Je commence toujours à me sentir mieux lorsque j'entends des questions au lieu des déclarations. J'ai l'impression que nous allons dans la bonne direction lorsque des questions commencent à surgir. J'en ai entendu qui sont vraiment intéressantes. Je veux seulement en souligner quelques-unes rapidement.
La question de Stephen Hazell au sujet de la façon dont chaque parlementaire peut promouvoir le développement durable est vraiment importante. Il y a probablement de nombreuses façons pour chacun d'entre vous de le faire dans vos circonscriptions respectives.
Je pense toujours qu'il est vraiment important d'avoir un mécanisme pour unir les efforts vers le développement durable faits dans l'ensemble du pays, et en fait dans le monde entier, afin que nous sachions que nous faisons partie d'un mouvement collectif quelconque qui nous fait progresser dans la bonne direction.
À cet égard, l'une des questions vraiment importantes qu'il faut nous poser, afin que nous puissions réfléchir aux réponses possibles, est celle-ci: Comment saurons-nous que nous sommes dans la bonne voie?
Les femmes de Walpole Island ont donné un certain nombre de réponses vraiment intéressantes à cette question. Elles ont parlé d'une réduction de la mortalité infantile, d'une diminution des taux de cancer, de la disparition de la violence, de la pauvreté et de la faim, lorsque Dow Chemical ferme ses conduites d'évacuation. Voilà le type de choses qui nous interpellent lorsqu'on cherche à répondre à ces questions.
Une autre grande question: quel est le lien entre la durabilité et la souveraineté? La globalisation croissante fait que la durabilité pour le Canada ne peut exister que dans le contexte de la durabilité mondiale. Donc, nous ne pouvons pas nous isoler de cette question. C'est une question très importante.
Comment pouvons-nous éliminer les politiques obstructives? Plus important encore, comment créons-nous des politiques qui viennent aider pour que, en fait, les politiques et les bonnes choses qui arrivent sur le terrain se renforcent de façon positive et ascendante au lieu de se piétiner et de rendre chaque pas aussi difficile?
Comment relions-nous le comportement ici aux implications et aux impacts partout dans le monde? Cette question sur la façon dont nos actes les plus intimes sont reliés au développement durable est une question vraiment importante.
Je pense que les individus doivent voir qu'il y a des choses plus grandes qui se passent qui font que leurs efforts individuels ont du sens au lieu d'être des gouttes minuscules dans un énorme seau. Et si les entreprises, l'industrie et le gouvernement n'aident pas, pourquoi est-ce qu'on devrait recycler notre papier?
C'est sans doute assez de grandes questions pour le moment. J'ajouterai seulement un autre mot de mise en garde à propos de la confiance et des paliers supérieurs de l'éducation. Nous qui habitons dans les parties les plus développées de la planète semblons être ceux qui ont fait le plus de dégâts. Je pense qu'il y a des leçons vraiment importantes à apprendre de ce que l'on appelle les parties moins développées du monde.
Pour terminer, je voudrais revenir sur ce qu'a dit Henry et dire que nous remercions tous ceux qui ont rendu notre présence ici possible.
Merci.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, Miriam.
Jon Grant.
M. Grant: Je ne vais prendre qu'un instant. Je vais revenir sur ce que Stan a dit et je vais finir par un défi.
À la table ronde de l'Ontario et au CRDI, nous avons eu des appels de l'Afrique du Sud, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud nous demandant à les aider à créer des tables rondes. Aujourd'hui, les tables rondes sont en voie de disparition au Canada et peut-être qu'elles ont fait leur temps. Mais il y a des gens dans des villes et des villages qui pensent que le Canada a fait du travail merveilleux sur les tables rondes.
Nous avons des experts comme le docteur Seymoar, Gary Gallon, Harvey Mead et Miriam Wyman, qui en savent beaucoup sur les tables rondes. Nous avons dépensé des milliards de dollars en aide étrangère au Canada et quelques personnes vont en Afrique du Sud pour aider ces gens-là à commencer quelque chose pour eux-mêmes qui sera très efficace.
J'aimerais vous laisser ceci à la fin de la journée: à titre de comité permanent chargé de ce qu'on peut appeler les questions intérieures, une responsabilité étrangère de plus ne coûterait pas très cher et aurait un effet énormément positif dans les pays qui essaient de s'aider et de se développer. C'est un défi qui ne coûte pas cher et qui rapporte beaucoup.
Une voix: Bravo!
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, Jon.
Monsieur Mead, je vous en prie.
M. Mead: Il y a eu une certaine méprise à propos de ce que j'ai dit en français il y a un instant et comme le français prend une fois et demie de plus de place pour faire passer le message, je vais le dire en anglais.
Charles Caccia a parlé des philosophes, les philosophes de formation. Je pense qu'il n'a pas à aller voir plus loin pour trouver une sagesse quelconque.
Et il se dit préoccupé des implications pratiques. J'ai donné trois exemples négatifs parce que je voulais souligner le genre de difficultés que les élus rencontrent lorsqu'ils prennent des décisions ici.
Quelqu'un va être pénalisé chaque fois que quelqu'un d'autre va être avantagé et nous allons faire les choses que nous avons à faire. J'espère que le genre de sagesse nécessaire pour trouver des solutions à moyen terme en découlera.
Daishowa n'a pas fait ça parce qu'elle avait des intentions vertueuses. C'est le marché américain qui les y a forcées et c'était pareil partout au Canada, monsieur Cullen. J'utilisais votre argument à propos de l'ingérence de l'extérieur.
Les deux autres exemples sont des cas où il faudrait des décisions canadiennes, provinciales - n'importe quoi - qui auraient le même genre d'effet.
J'ai une dernière chose à dire à Paul Forseth et à John Godfrey. D'après ce que je sais de la croissance du PIB, c'est qu'il n'a pas grossi dans les 20 dernières années où on a tenu compte des facteurs environnementaux. C'est pourquoi on se sert du développement plutôt que de la croissance.
Je suis d'accord avec Henry Lickers: oublions la tutelle - le développement c'est déjà assez dur - et voyons si on ne peut pas faire autre chose.
Jon, le Québec a annoncé un nouvel organisme qui va peut-être remplacer la table ronde qui n'existe plus - on va le mettre en place au cours des prochaines années - à l'éco-sommet la semaine dernière.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, monsieur Mead.
Si nous suivons ce que Paul Hawken dit dans son ouvrage Ecology of Commerce, ce n'est pas nécessairement du berceau à la tombe, mais du berceau au berceau. Alors quand vous parlez de la mort de la table ronde du Québec, c'est peut-être une nouvelle naissance.
Avant de dire le dernier mot, je voudrais inviter les deux critiques de l'opposition à faire un bref résumé. Tout le monde se soucie du temps des autres.
Paul Forseth.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup. Je suppose que l'on pourrait dire, en résumé, que le développement durable signifie sûrement répondre aux besoins du présent, mais pas nécessairement à tous nos besoins, sans compromettre la capacité de la génération suivante, peut-être de toutes les générations suivantes, de répondre à leurs besoins. Autrement dit, c'est de vivre de façon à ce que d'autres puissent vivre.
Vu ce que j'ai entendu aujourd'hui comme député du Parti réformiste, comme député de la côte ouest et où il y a un des fleuves les plus importants du Canada, le Fraser, qui coule dans ma circonscription, je suis encouragé. Je pense que nous pouvons utiliser nos ressources plus sagement. Nous pouvons investir plus sagement et utiliser le meilleur de la science pour modifier positivement notre comportement comme société, de sorte que lorsque nous abattrons un arbre, nous fournissons du logement et payons pour l'enseignement.
Au fait, c'est la semaine de l'exploitation minière au Canada, et l'exploitation minière ça peut être bon ou ça peut être mauvais. Lorsque l'on extrait du minerai du sol, on peut payer l'assurance-maladie et fabriquer des produits de consommation et lorsque nous pêchons ou lorsque nous cultivons la terre, nous pouvons assurer notre survie. Donc, les choses peuvent être faites bien ou mal. Lorsque nous expliquons ça aux enfants, nous disons qu'il ne faut pas tuer la poule aux oeufs d'or.
L'espoir, c'est de changer, d'améliorer le comportement de la société et de mieux utiliser nos connaissances. Autrement dit, vivre comme il faut et faire ce qu'il faut faire, examiner nos choix de dépenses et comprendre que les forces du marché peuvent être un puissant engin pour le bien. Observons comment nous interagissons avec la planète, comprenons quelles sont les meilleures pratiques et utilisons-les pour que nous puissions prospérer pendant des générations.
En résumé, aujourd'hui nous avons dit que nous pouvons changer, que nous pouvons améliorer les choses et que nous pouvons être de bons gardiens de l'environnement.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci.
Gérard.
[Français]
M. Asselin: Plus tôt, j'ai parlé assez longuement lors de mon appréciation globale de l'ensemble des présentations qu'on nous a faites. Vous nous donnez aujourd'hui, à nous parlementaires, la chance de nous préoccuper de l'environnement, de faire respecter nos programmes environnementaux et d'enjoindre le gouvernement de continuer à mettre en application son plan d'action.
Bien sûr, je joins mes commentaires à ceux de la présidente et de mon collègue du Parti réformiste afin qu'en ce qui a trait à l'environnement et au développement durable, on continue de faire de l'éducation et de la formation pour que nos familles, nos enfants vivent en meilleure santé.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, monsieur Asselin.
Je voudrais remercier mes collègues du sous-comité, le greffier, l'attaché de recherche et Environnement Canada. Ça été un projet immense. Cela a été long mais je suis heureuse que nous ayons enfin complété la première phase.
On a mentionné aujourd'hui, entre autres choses, que la durabilité est un processus. Il faut beaucoup réfléchir. L'idée du monde virtuel dans lequel nous vivons peut-être - la question de savoir si nous avons des emplois qui sont en transition ou si nous changeons de carrière, il nous faut des principes qui nous donnent de la stabilité, quelque chose sur lequel on peut toujours compter. Quand je pense à la durabilité, je pense à l'intégration des préoccupations écologiques, à l'équité et aux questions économiques, aussi bien l'équité à l'intérieur d'une génération qu'entre les générations - et entre les différentes espèces qui peuplent la planète.
J'ai dû faire un exposé au sujet du développement durable jeudi dernier, et j'ai dit qu'il faut regarder et vers le passé et vers l'avenir. Cette remarque a été répétée autour de cette table.
J'ai également évoqué l'image du point bleu pâle. Il est ironique que c'est la science et la technologie de l'Occident qui ont été le catalyseur qui nous a fait comprendre que nous sommes un tout étroitement lié. Pourtant, c'est également la science et la technologie qui causent peut-être la dégradation du point bleu pâle. Il faut que les différents ministères travaillent ensemble. La notion des liens est très importante, et il s'agit de liens à des niveaux différents.
J'ai entendu parler aujourd'hui de travail communautaire, national et international. Il s'agit donc de réfléchir au problème et de prendre des mesures en conséquence. Nous savons que le problème existe et qu'il existe depuis longtemps. Il faut agir. L'idée qui consiste à mettre l'emphase sur les possibilités...
Il est fatiguant de réprimander constamment nos enfants. Il est bon de pouvoir leur présenter un défi ou une possibilité. De cette façon, ils sont satisfaits de ce qu'ils ont pu faire. Si nous étions capables d'offrir des possibilités aux particuliers, aux sociétés, aux collectivités et aux pays... Toute la notion du rôle du gouvernement dans l'époque en mutation que nous traversons.
Nous faisons un peu d'introspection. Il y a des programmes d'écologisation du gouvernement et nous essayons de voir comment nous pouvons améliorer nos façons de faire au sein du gouvernement. Je pense que le commissaire nous sera utile à cet égard.
Il faut également que nous essayions de comprendre le rôle du gouvernement par rapport à la population. Ce rôle consiste peut-être moins à financer des programmes et davantage à être un catalyseur qui appuie les collectivités de sorte que le gouvernement devient plus pertinent. Mais je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que le gouvernement seul ne peut pas tout faire. Une société civile en est une où les personnes comprennent leurs responsabilités à l'égard de la collectivité, de l'environnement naturel, du gouvernement et d'autrui.
Lors de la conférence à laquelle j'ai assisté jeudi, Ethel Blondin-Andrew a dit qu'il est toujours préférable que la population assume ses responsabilités. Je pense que cela résume de façon éloquente ce que c'est que le développement durable.
Moi aussi j'aime les questions, Miriam. Demain, nous aurons des ateliers toute la journée. Donc je m'attends à des questions excellentes.
Je vous remercie de nouveau d'être venus. Nous avons des kiosques intéressants où vous pouvez poser des questions intéressantes. De cette façon, nous aurons l'occasion de nous parler. Il y aura une petite réception plus tard où nous pourrons nous amuser et nous connaître davantage. Après tout, c'est le but de l'exercice. Ensuite, nous aurons la démonstration d'Internet. Merci encore une fois.
La séance est levée.