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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 février 1997

.1532

[Traduction]

Le président: Comme il y a quorum, je déclare la séance ouverte.

Notre sous-comité a aujourd'hui le plaisir d'accueillir les représentants du vérificateur général du Canada, dont M. David Rattray, vérificateur général adjoint. Le comité examine le chapitre 27 du rapport du vérificateur général du Canada, rendu public en novembre 1996, sur la communauté canadienne du renseignement - le contrôle et la responsabilisation. M. Rattray est avec nous aujourd'hui pour nous aider dans cet examen.

Monsieur Rattray, vous avez une déclaration à faire. Vous pourriez peut-être aussi nous présenter vos collègues.

M. David Rattray (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Oui, monsieur le président. Merci.

Au nom du vérificateur général du Canada, M. Denis Desautels, j'aimerais remercier le comité de cette occasion de discuter du chapitre 27 du rapport de novembre 1996.

Je suis accompagné par Henno Moenting, directeur principal de l'équipe chargée de la vérification récente des dispositions en matière de contrôle et de responsabilisation de la communauté canadienne du renseignement.

M'accompagne également cet après-midi, sans cependant siéger à la table, Ron Wolchuk. Ron et Rona Shaffran, qui ne peut être ici aujourd'hui, ont tous deux joué un rôle clé dans la vérification qui nous intéresse aujourd'hui.

[Français]

Le premier rôle du Bureau du vérificateur général du Canada est de servir le Parlement. Si je le mentionne, c'est pour souligner le caractère indépendant de nos vérifications et examens. Notre objectif est de fournir au Parlement des informations, des avis et des assurances en toute objectivité. Comme le prévoit le Règlement de la Chambre des communes, nos rapports sont renvoyés au Comité des comptes publics. Cependant, nous accueillons favorablement toute demande d'information de la part d'autres comités ou sous-comités parlementaires comme le vôtre.

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous présenter les résultats de notre évaluation des dispositions en matière de contrôle et de responsabilisation qui caractérisent la communauté canadienne du renseignement et qui sont exposés dans notre rapport de novembre 1996.

.1535

[Traduction]

J'aurais trois observations à faire au sujet de notre discussion d'aujourd'hui. Tout d'abord, nous n'allons rien présenter de nouveau, c'est-à-dire aucune information qui n'est pas contenue dans notre rapport de novembre. Nous nous ferons un plaisir de préciser, dans la mesure du possible, les questions soulevées dans le rapport déposé devant la Chambre. Toutefois, nous ne pouvons, par exemple, citer d'autres cas à l'appui d'un argument, ou discuter de sujets débordant le cadre de notre rapport public.

Deuxièmement, certaines observations sont fondées sur des renseignements qui peuvent être classifiés. Il se peut donc que notre capacité de répondre soit limitée dans de tels cas.

Enfin, nos vérifications visent généralement la mise en oeuvre de politiques et de programmes. Nous n'exprimons aucune opinion sur les questions d'ordre politique qui pourraient y être associées.

Je vais demander à Henno Moenting de vous donner un aperçu de la vérification, et notamment de notre démarche ainsi que des grandes lignes des observations et conclusions qui figurent dans notre rapport.

M. Henno Moenting (directeur principal, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Dans cette vérification, nous visions essentiellement deux résultats: premièrement, donner un aperçu de la Communauté du renseignement au Canada et du rôle du renseignement - tant le renseignement de sécurité que le renseignement étranger - au sein du gouvernement; deuxièmement, déterminer la nature, la portée et le fonctionnement des dispositions en matière de contrôle et de responsabilisation en vigueur dans la Communauté du renseignement et à en informer le Parlement. Nous avons ciblé le contrôle et la responsabilisation en raison de leur importance pour cette communauté et de l'intérêt qu'y portent le Parlement et le public. Selon nous, cette vérification renforce la mission du bureau qui est de fournir information, assurance et avis objectifs au Parlement et d'améliorer le contrôle parlementaire sur les deniers publics et l'emploi de meilleures méthodes de gestion dans l'administration publique.

[Français]

Il importe de souligner que nous n'avons pas examiné les activités opérationnelles de la communauté du renseignement, bien que nous ayons eu accès à certaines informations à ce sujet, lorsqu'il nous a été nécessaire de constater comment certaines mesures de contrôle étaient appliquées en pratique. Nous n'avons pas non plus, dans la présente vérification, évalué la qualité de la gestion financière et des mesures de contrôle financier ou tenté de mesurer la valeur des résultats obtenus par rapport aux ressources affectées aux activités de renseignement.

Nous avons effectué la vérification dans les organismes et les unités qui recueillent, analysent et diffusent les renseignements ainsi que dans ceux qui coordonnent ou surveillent leurs opérations. La communauté canadienne du renseignement, selon la définition que nous en avons donnée aux fins de la présente vérification, est décrite dans la pièce 27.2, page 27-9 du rapport.

[Traduction]

C'est la première fois qu'une vérification du genre est faite, non seulement au Canada, mais, à notre connaissance, ailleurs dans le monde. Elle a été complexe à planifier et à mener, compte tenu du caractère délicat du sujet et de la nécessité de prendre des dispositions particulières de sécurité. Le travail a exigé beaucoup de soin et de discipline. Il a également fallu y mettre le temps voulu pour établir la confiance réciproque, ce qui a par la suite facilité l'accès aux personnes et aux documents nécessaires à notre travail. Comme l'a signalé le vérificateur général dans son communiqué du 26 novembre 1996, le fait même de cette vérification témoigne des progrès en matière de responsabilisation dans ce secteur délicat des activités gouvernementales.

Aux fins de la présente vérification, nous avons défini la communauté canadienne du renseignement comme étant composée d'un certain nombre d'organisations chargées de la collecte, de l'analyse et de la diffusion du renseignement de sécurité et du renseignement étranger, ainsi que des organismes qui coordonnent ou surveillent leurs activités. Selon nos estimations, cette communauté a dépensé quelque 440 millions de dollars en 1995-1996, ce qui représente une baisse d'environ 13 p. 100. en dollars constants, au cours des cinq dernières années. Nous signalons également qu'un certain nombre d'autres ministères et organismes, par exemple la GRC, Citoyenneté et Immigration, Revenu Canada Douanes, qui ne font pas partie de la communauté du renseignement selon notre définition, entretiennent néanmoins avec elle des rapports étroits.

Le Service canadien du renseignement de sécurité est le premier responsable de la collecte, de l'analyse et de l'information en matière de renseignement de sécurité. Cependant, d'autres sources répondent aux besoins du Canada en matière de renseignements étrangers, notamment les signaux interceptés par le Centre de la sécurité des télécommunications et les renseignements étrangers réunis au Canada par le Service canadien du renseignement de sécurité, à la demande du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Défense nationale. Contrairement à la plupart de ses alliés et adversaires, le Canada n'a pas de service chargé de recueillir des renseignements étrangers à l'extérieur du pays.

Notre vérification a permis de confirmer que le contexte du renseignement est devenu plus complexe et plus instable depuis la fin de la guerre froide. À notre avis, cette complexité accrue ainsi que la rapidité des changements exigent une coordination et une orientation claires. De plus, elles imposent la nécessité d'un cadre de contrôle et de responsabilisation où l'accent doit être mis sur l'observation des lois et de la politique aussi bien que sur le rendement.

.1540

Nous sommes arrivés à cette conclusion: grâce à la combinaison de mécanismes tant externes qu'internes, il existe d'importantes dispositions en matière de contrôle et de responsabilisation. De plus, des mesures prises au cours des dernières années ont permis de renforcer ces dispositions. La nomination récente d'un commissaire au Centre de la sécurité des télécommunications et l'orientation gouvernementale donnée à la communauté dans le cadre de priorités nationales qu'ont approuvées les ministres en sont de bons exemples récents.

Le Parlement a joué un rôle plus actif en matière de renseignement de sécurité que de renseignement étranger. Cependant, nous constatons que plusieurs autres organismes externes au gouvernement jouent un rôle de surveillance et d'examen. En plus du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité et du commissaire au Centre de la sécurité des télécommunications, dont c'est la tâche, je pense, par exemple, à des organismes comme le Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée, la Commission canadienne des droits de la personne et, évidemment, à notre bureau.

En matière de contrôle et de responsabilisation, nous avons constaté que le gouvernement énonce l'ordre des priorités qui permet d'orienter et de coordonner les activités de la communauté par l'intermédiaire du Bureau du Conseil privé. Deuxièmement, nous avons conclu que les fonctions ministérielles de contrôle et de reddition de comptes à l'égard du SCRS sont dynamiques et régulières, qu'elles bénéficient du soutien voulu et que les procédures pertinentes les rendent possibles dans des secteurs importants et délicats de l'activité du renseignement étranger. Dans les principaux organismes de collecte des renseignements, nous avons constaté que les activités opérationnelles s'appuyaient sur des plans, des politiques et des procédures clairs. Enfin, nous avons trouvé que le ministère de la Justice exerce un rôle important de contrôle juridique et de consultation.

Malgré les dispositions déjà établies en matière de contrôle et de responsabilisation, nous en sommes cependant arrivés à la conclusion qu'il n'y a pas lieu d'être complaisants, compte tenu de la nature des fonctions de renseignement et des défis qu'aura à relever la communauté du renseignement. Nous signalons des occasions d'améliorer les dispositions déjà prises, notamment par les mesures suivantes:

Premièrement, renforcer le leadership et la coordination, notamment en vérifiant avec plus de minutie les budgets et les dépenses de la communauté du renseignement par rapport aux priorités nationales et en apportant une plus grande contribution aux produits de cette communauté.

Deuxièmement, améliorer le processus d'établissement des priorités nationales, notamment en procédant aux approbations avec plus de célérité, en assignant mieux les tâches et en évaluant systématiquement la collecte de renseignements par rapport aux priorités approuvées.

Troisièmement, intégrer la mesure et le suivi du rendement de la communauté du renseignement dans son ensemble ainsi que l'établissement des priorités et la gestion des ressources par le gouvernement.

Quatrièmement, établir, aux ministères de la Défense nationale, des Affaires étrangères et du Commerce international, des directives ministérielles à caractère général et des processus d'examen interne visant les fonctions de renseignement.

Cinquièmement, considérer les avantages d'un cadre législatif pour le Centre de la sécurité des télécommunications.

Sixièmement, voir à améliorer les relations entre le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité et les membres du sous-comité.

Septièmement, améliorer la mesure et l'évaluation du rendement au SCRS et au CST.

M. Rattray: Dans sa réponse officielle à notre évaluation, réponse qui fait partie de notre rapport, la communauté du renseignement a notamment souligné qu'elle jugeait nos observations valables et constructives. On y laissait entendre également que certaines de nos propositions, tout au moins, coïncidaient avec les objectifs de la communauté du renseignement.

Nous tenons à signaler que notre bureau a normalement l'habitude de faire un suivi de ses vérifications après deux ans. Ainsi, nous prévoyons faire rapport au Parlement vers la fin de 1998 des résultats de notre suivi dans cette vérification.

J'espère que ces quelques explications de notre vérification et de nos constatations visant les dispositions en matière de contrôle et de responsabilisation dans la communauté canadienne du renseignement ont été utiles au sous-comité.

Nous sommes maintenant prêts à répondre à toutes vos questions relatives à cette vérification.

Le président: Je vous remercie tous les deux.

Avant de passer aux questions, au nom des parlementaires et du Parlement, je tiens à féliciter le vérificateur général d'avoir fait une telle vérification qui, sauf erreur, est la première en son genre. C'est un événement. Il est rassurant pour le Parlement de savoir que les mécanismes mis en place répondent aux attentes des contribuables canadiens. Je vous en remercie et je vous en félicite.

Nous passons maintenant aux questions. Comme à l'habitude, dix minutes par intervenant.

[Français]

Monsieur Langlois.

M. Langlois (Bellechasse): Je ferai peut-être quelques commentaires de nature éditoriale, monsieur le président. Jusqu'à 15 h 15, j'étais décidé à ne pas venir, puis je me suis rendu compte qu'il n'y aurait probablement pas quorum aux fins de l'audition des témoins. Je suis donc venu par respect pour nos témoins et pour vous aussi, monsieur le président, sachant que depuis le début de la législature, vous avez consacré beaucoup de vos énergies à essayer d'établir des liens de confiance et à rétablir les ponts avec le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité et avec le Service lui-même.

.1545

Cela étant dit, mes commentaires seront plutôt de nature éditoriale. Comme il est noté dans le Rapport du vérificateur général, au point 27.62 plus particulièrement, il y a des parlementaires qui sont extrêmement déçus de l'attitude du CSARS vis-à-vis d'eux, et j'en fais partie.

Ces personnes, lorsqu'elles ont comparu devant nous, se sont la plupart du temps comportées en témoins hostiles qui croyaient n'avoir aucun compte à rendre au Parlement et au comité dont nous sommes l'émanation. Effectivement, nous avons eu droit à très peu de réponses. En général, les témoins regardaient l'horloge en attendant que les dix minutes de droit de parole soient expirées.

Lorsque vous parlez de relations qui peuvent se détériorer, je pense qu'elles sont des plus mauvaises à l'heure actuelle. Une nouvelle présidente a été nommée à la tête du CSARS, Me Gauthier. À mon avis, c'est un changement qui est de nature technique. Me Gauthier a une approche des relations publiques beaucoup plus agréable que celle de M. Courtois. Cependant, sur le fond, il n'y a rien de changé. Nous n'avons pas plus de réponses.

On a quand même réussi à obtenir une réponse à une question que j'avais posée à Me Gauthier, alors que les autres membres du CSARS demeuraient silencieux. J'avais demandé si des sanctions avaient été prises à la suite de la destruction ou du changement d'identification du dossier qu'avait contesté M. Manning, chef du Parti réformiste. La réponse de Me Gauthier a été qu'à sa connaissance, on n'avait pas pris de mesures disciplinaires. Jusque-là, le Comité de surveillance avait toujours affirmé que le dossier de Preston Manning n'avait pas été trafiqué. C'était donc un aveu de taille. Pour tout le reste, ce sont des réponses absolument générales que nous avons obtenues.

Nous n'avons même pas eu droit aux documents originaux ou à leurs versions non expurgées que nous avions requises, cela malgré les ordres formels de la présidence. Les témoins ont été évasifs au possible, de telle sorte qu'on peut se demander si le CSARS n'est pas dans une situation de dépendance par rapport au Service lui-même. Je me pose carrément la question: est-ce que ce n'est pas le SCRS qui contrôle le CSARS et lui transmet l'information qu'il veut bien, sachant que ces personnes accomplissent leur tâche à temps partiel?

Ce sont les principales interrogations que j'ai. J'ose espérer que les interrogations soulevées par le président, M. Lee, particulièrement par rapport au Centre de la sécurité des télécommunications, auront une réponse. Très logiquement, il faudra attendre la prochaine législature. Je n'attends plus rien de la 35e Législature par rapport à cela.

J'aimerais quand même vous demander si, de votre côté, vous avez eu des difficultés à avoir accès aux documents du Service. Est-ce qu'ils vous ont communiqué des documents in extenso ou si vous n'avez eu droit qu'à des documents expurgés, censurés ou trafiqués de quelque façon? Avez-vous senti de la résistance lors de votre enquête? Avez-vous reçu une collaboration spontanée? Quel type de relation le Bureau du vérificateur général a-t-il pu établir avec le Service ou avec le Comité de surveillance?

[Traduction]

M. Rattray: Monsieur le président, je vous répondrais que chaque fois que nous avons demandé des renseignements pour mener notre vérification, on nous a communiqué ce que nous demandions. Nous avions conclu des protocoles pour obtenir les renseignements qui nous étaient nécessaires pour mener notre vérification et nous avons bénéficié d'une pleine et entière coopération.

[Français]

M. Langlois: À quoi avez-vous constaté ce que vous rapportez au paragraphe 27.62? Je me permets de le citer pour que le texte apparaisse dans la transcription.

.1550

Faites-vous cette remarque en vous fondant tout simplement sur les procès-verbaux ou sur ce que les journaux en ont rapporté? De quelle façon avez-vous pu constater ce manque évident de coopération et de collaboration entre le Sous-comité sur la sécurité nationale et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité?

[Traduction]

M. Moenting: Monsieur le président, pour l'essentiel nous nous sommes fondés sur les documents publics existants pour faire cette remarque. Nous avons consulté les comptes rendus des audiences publiques ainsi que le rapport du comité. Je dirais que nous avons été frappés à la fois par le contenu et le ton de ces discussions, ce qui nous a incités à faire cette remarque. Elle est donc fondée sur les documents publics.

[Français]

M. Langlois: Parmi les documents que vous avez examinés, y en avait-il qui avaient été transmis par le Comité de surveillance ou par le Service au solliciteur général ou s'il s'agissait uniquement de documents transmis à la branche législative du gouvernement du Canada?

[Traduction]

M. Moenting: Je m'excuse, mais je ne comprends pas très bien le rapport entre votre question et notre remarque. De quel document parlez-vous?

[Français]

M. Langlois: Je parle de documents en général. Je vais reformuler ma question si vous me le permettez. Nous avons compris des témoignages des membres du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité qu'ils entretenaient une relation «privilégiée» avec le solliciteur général et qu'ils nous remettaient souvent à leur bon plaisir les documents qu'ils jugeaient à propos après en avoir biffé les passages qu'ils jugeaient toucher à la sécurité nationale. Cela est déjà assez troublant que des parlementaires se fassent déterminer à l'avance ce qui touche à la sécurité nationale et ce qui n'y touche pas.

Il y a donc, dans la vision du CSARS, des relations privilégiées avec le solliciteur général et d'autres relations, de nature publique, du genre de la vente d'Arctic Power, avec le Sous-comité sur la sécurité nationale. Avez-vous été en possession de données ou avez-vous pu vérifier des données qui n'avaient été transmises qu'au solliciteur général ou au bureau du premier ministre?

[Traduction]

M. Moenting: Non.

Par exemple, lorsque nous avons examiné le travail effectué par le SCRS, le CSARS et le bureau du solliciteur général, nous avons demandé les documents qui, selon nous, nous aideraient dans nos recherches sur les ententes de contrôle et de responsabilité affectant ces fonctions. Ces documents nous ont été communiqués sous une forme non expurgée mais nous ne sommes pas au courant de quelque relation privilégiée que ce soit.

[Français]

M. Langlois: Plus particulièrement dans le cas du Centre de la sécurité des télécommunications - pour lequel le cadre législatif est pour le moins très mal défini puisqu'il faut remonter à des arrêtés en conseil des années 1940 pour trouver les bases juridiques de ce service - , avez-vous souffert du manque d'encadrement juridique de ce service qu'est le Centre de la sécurité des télécommunications au cours des investigations et des enquêtes que vous avez effectuées?

[Traduction]

M. Moenting: Non, cela ne nous a pas posé de difficultés particulières dans nos investigations bien que nous ayons conclu que le Centre de la sécurité des télécommunications remplit des fonctions très délicates et très importantes au nom de l'intérêt national. Ce centre dépense des sommes d'argent considérables et nous croyons que le Parlement devrait pouvoir discuter de ses activités, de ses objectifs et de ses fonctions. Nous croyons qu'il est temps de se demander si oui ou non il serait utile qu'un tel organisme ait un cadre législatif. C'est la suggestion que nous faisons mais personne n'a essayé de nous bloquer dans notre travail.

[Français]

M. Langlois: Est-ce que la documentation ou les renseignements dont vous avez eu besoin par rapport au CST vous ont été fournis par le ministère de la Défense ou par le Bureau du Conseil privé? Par qui ces documents vous ont-ils été fournis?

.1555

[Traduction]

M. Moenting: Ils nous ont été fournis par le Centre de la sécurité des télécommunications. Nous avions sur place un bureau avec toutes les mesures de sécurité nécessaires. Nous pouvions entreposer les documents en toute sécurité. Ceux que nous demandions nous ont été communiqués par le Centre de la sécurité des télécommunications. Nous nous y sommes référés, nous les avons utilisés et à la fin de la vérification nous les avons rendus.

[Français]

M. Langlois: Est-ce que vous avez eu à traiter personnellement avec le juge Bisson, qui a été nommé agent de relations publiques pour le CST? Avez-vous eu à traiter avec le juge Bisson, qui s'appelle l'agent de relations publiques? Il y a probablement un autre terme qui doit être utilisé, n'est-ce pas, maître Rosen? Le commissaire? Très bien.

[Traduction]

M. Moenting: Oui, commissaire.

Nous étions en train de conclure notre vérification lorsque le commissaire a été nommé. Avant de déposer notre rapport, nous avons rencontré le commissaire, à vrai dire pour l'informer de ce que nous avions fait. Il venait tout juste d'être nommé. Il n'était pas encore vraiment entré en fonction, il n'avait pas encore commencé son travail et c'est plus par courtoisie que pour autre chose que nous l'avons informé de notre travail et du contenu de notre rapport. C'est la seule réunion que nous avons eue avec lui.

Le président: Merci, monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois: Merci. Probablement qu'on aura l'occasion, nous aussi, de recevoir une visite de courtoisie.

Monsieur le président, je n'aurai pas d'autres question lors du deuxième tour. Cependant, par respect pour vous, je tenais à me présenter.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci, monsieur le président.

J'essaie de trouver une ligne et je n'y arrive pas. Vous avez dit que depuis la fin de la guerre froide, la collecte de renseignements est devenue plus complexe. Sur quoi vous fondez-vous pour dire cela?

M. Moenting: Nous parlons de cette question dans notre rapport aux paragraphes 27.32 et 27.31.

Ce qui est arrivé depuis la fin de la guerre froide c'est que le nombre de cibles de renseignements s'est multiplié. Elles changent beaucoup plus rapidement. Il n'y a plus la stabilité, si vous voulez, l'unité d'action qui existaient pendant la guerre froide. Il y a beaucoup plus de problèmes aujourd'hui: les armes de destruction massive, le crime organisé transnational, l'espionnage économique, etc - ce sont tous ces problèmes qui aujourd'hui occupent l'avant-scène, si vous voulez. Il y a eu des changements importants au niveau de la technologie qui aident à mieux protéger les secrets mais qui, par contre, je suppose, les rendent plus faciles d'accès. Les choses sont donc plus complexes.

Qui plus est, d'une manière générale, il y a les restrictions budgétaires qui rendent les choses encore plus difficiles, peut-être. Il y a aussi la mondialisation des problèmes et...

M. Gallaway: Vous faites remarquer qu'en cinq ans, en dollars constants, l'argent dépensé par le SCRS a diminué de 13 p. 100, sauf erreur. Je ne sais pas quelle est la moyenne, mais dans les autres ministères l'évaporation budgétaire a atteint 40 p. 100 en un an ou en deux ans. Pensez-vous que la diminution des crédits pour le renseignement - en l'occurrence le SCRS - a nui à sa capacité de remplir son mandat?

M. Moenting: Monsieur le président, ces 13 p. 100 s'appliquent à l'ensemble de la communauté...

M. Gallaway: D'accord.

M. Moenting: ... ce qui inclut le SCRS, le CST et d'autres services.

Sur la base de notre travail de vérification, nous ne sommes pas vraiment en mesure de commenter. Tous les ministères ont vécu des restrictions budgétaires et ont tous dû s'y adapter à leur propre manière, donc nous ne sommes pas en mesure de le dire...

M. Gallaway: Quand a commencé cette vérification?

M. Moenting: Je crois que les premières discussions sur la possibilité d'une vérification dans cette communauté ont commencé à la fin de 1993. Pendant l'année 1994, nous avons assemblé une équipe. Nous avons conclu les protocoles de sécurité et obtenu les attestations de sécurité pour les membres de l'équipe. Nous avons commencé officiellement notre travail en 1995. C'est alors que nous nous sommes rendus dans les organismes et les ministères concernés.

.1600

Nous avons commencé par une enquête préliminaire. C'est notre méthode de travail habituelle. Nous essayons de comprendre ce que nous devons examiner, ce que nous devons vérifier et comment entreprendre la vérification elle-même. Nous avons terminé cette enquête préliminaire en 1995. Nous sommes passés à l'examen en 1996 et nous avons fait notre rapport en novembre.

M. Gallaway: Je ne sais pas exactement ce qui déclenche le travail du Bureau du vérificateur général. Je suppose que chaque vérification a un début officiel et une fin officielle. Nous avons vu la fin officielle. Si en fait il y a eu des discussions sur l'éventualité d'une vérification en 1993 et que le produit final a été déposé en 1996, est-ce le temps moyen que cela prend pour faire une vérification, ou celle-ci était-elle plus complexe? Vous a-t- elle posé un problème particulier?

M. Rattray: Les discussions de vérification ont commencé en 1993, mais c'était un domaine tout nouveau... Comme nous le disons dans notre rapport, c'était la première fois qu'un bureau de vérification national se penchait sur les activités d'une communauté du renseignement de sécurité. Il nous a fallu un certain temps pour déterminer ce qui pouvait être rapporté ou non, comment accéder aux renseignements, quelles formalités remplir pour que notre personnel ait des attestations de sécurité et trouver chez nous les talents internes nécessaires au fur et à mesure qu'ils étaient libérés d'autres tâches de vérification menées à leur terme. Les débuts de cette vérification ont donc été plus longs que pour d'autres et il nous a fallu plusieurs mois pour déblayer le terrain avant de pouvoir soumettre toute cette communauté du renseignement à une vérification de contrôle et de responsabilité.

Nous nous sommes demandé, au début en 1993, si nous soumettrions l'ensemble de la communauté du renseignement à une vérification ou si nous procéderions organisme par organisme. Nous avons essayé de déterminer quel serait le format qui servirait le mieux le Parlement. Ces discussions ont eu lieu en 1993 et nous avons conclu que soumettre l'ensemble de la communauté du renseignement à une vérification et mettre l'accent sur le contrôle et la responsabilité seraient peut-être la meilleure entrée en matière.

Cela nous a pris un certain temps. C'était beaucoup plus difficile que la vérification de certains autres ministères ou organismes.

M. Gallaway: Monsieur Rattray, étiez-vous là lorsque ces discussions ont commencé en 1993?

M. Rattray: Oui.

M. Gallaway: À votre avis - je vous demande simplement votre avis - , y a-t-il eu résistance à une vérification manifestée par cette communauté?

M. Rattray: Comme nous n'avions jamais fait de vérification de cette nature auparavant, on nous a gentiment conseillé la prudence, et nous avons essayé d'établir à quoi ressemblait une telle vérification, comment il faudrait l'aborder et comment régler certains des problèmes en termes d'attestation de sécurité à un niveau approprié pour notre personnel, en termes de protocoles pour assurer la sécurité des documents utilisés, en termes de travail sur place, etc. Je dirais que cela procédait plus de la prudence ou de la nervosité, peut-être, qu'autre chose de la part de la communauté du renseignement et de notre propre bureau avant de nous embarquer dans ce genre de vérification.

M. Gallaway: Vous avez utilisé diverses expressions à la signification limitée pour moi: «vérification de contrôle et de responsabilisation», de «vérification S et R», etc. Je ne sais pas à quelle rubrique cela correspond, mais estimez-vous que cet examen des opérations mené par le Bureau du vérificateur général satisfait les normes qui seraient appliquées dans toute autre vérification menée par le vérificateur général dans un ministère ou un service, disons, plus ouvert du gouvernement?

M. Rattray: Absolument. Il ne fait aucun doute pour nous que les normes sont satisfaites. Non seulement les normes que nous fixons pour la transparence mais aussi les normes de vérification fixées par notre bureau et par l'Institut des comptables agréés auxquels nous adhérons. Quant à la méthode de vérification, aux normes, à la planification du travail, à la documentation, au personnel, à l'attestation du rapport, nous accordons à tous ces éléments la marque du professionnalisme de vérification. Nous estimons que cette vérification sous sa forme déposée au Parlement satisfait nos propres normes de qualité.

.1605

M. Gallaway: Vous indiquez que vous recommencerez en 1998.

M. Rattray: C'est la procédure habituelle, monsieur le président. Deux ans après la conclusion d'une vérification, comme celle-ci, nous revenons sur les lieux pour constater quels progrès ont été réalisés par rapport aux observations et aux recommandations et nous faisons par le biais du rapport du vérificateur général au Parlement un rapport sur l'évolution des progrès réalisés après deux ans. Nous nous livrerons vraisemblablement à cet exercice en novembre 1998 ou en décembre 1998 en fonction de la date qui aura été choisie pour le rapport au Parlement.

M. Gallaway: Au premier point du paragraphe 17, vous dites:

J'aimerais vous poser une petite question à propos de ces priorités nationales en matière de renseignement. Comme nous le savons tous, le SCRS a un cadre juridique. En même temps, j'aimerais savoir qui mesure les priorités nationales en matière de renseignement.

Est-ce que le Bureau du vérificateur général détermine si telle ou telle somme consacrée par le SCRS a une entreprise particulière a été d'un bon rendement, si je peux me permettre de voler aussi bas? Par exemple, si le SCRS consacrait une quantité considérable de dollars à faire suivre quelqu'un qui s'est rendu en Allemagne, vous serait-il loisible de déterminer si le danger potentiel causé par cette personne justifie cette dépense? Est-ce que vous allez jusque-là?

M. Moenting: Permettez-moi de répondre. Tout d'abord, pour cette vérification-ci, nous n'avons certainement pas examiné des opérations spécifiques de cette façon. Je ne pense pas d'ailleurs que nous le fassions où que ce soit, que ce soit au SCRS ou pour tout autre ministère ou organisme.

En général, lorsqu'il s'agit d'évaluer l'efficacité d'une politique, d'un programme ou d'une mesure, nous nous attendons que le gouvernement le fasse. Nous nous attendons que ce soient les ministères qui soient responsables de leurs propres actes. Nous les exhortons à l'être, et s'ils ne prennent pas les mesures appropriées, nous faisons les observations qui s'imposent. Dans certains cas, nous pouvons même leur montrer que cela peut être fait.

Dans ce cas-ci, nous avons signalé qu'il y avait de plus amples possibilités de mesurer le rendement, non seulement à l'intérieur de l'organisme, mais également dans les divers ministères et organismes.

M. Gallaway: Au cours de vos vérifications, donc, je suppose que vous avez eu des discussions avec des membres du CSARS.

M. Moenting: Oui, c'est exact.

M. Gallaway: Je suppose qu'on pourrait nous comparer à un convoi: nous sommes dans le wagon arrière et le CSARS est le wagon de tête. Pensez-vous que le CSARS obtienne ce type de renseignement? Autrement dit, tâche-t-il de savoir si les activités du CSRS sont en fait valables en regard des sommes dépensées? Avez- vous examiné cet aspect?

M. Moenting: Non, nous ne l'avons pas examiné, monsieur le président, mais je pense pouvoir dire que le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité se préoccupe plus du respect de la loi et des politiques établies que du respect des principes de rentabilité, pour ainsi dire. C'est à cela que ses ressources sont consacrées.

M. Gallaway: Retournons à votre exposé d'aujourd'hui. Au paragraphe 17, à l'avant-dernier point, vous parlez de l'opportunité d'améliorer les relations entre le SCARS et les membres de notre sous-comité. C'est une recommandation intéressante. Avez-vous des précisions à apporter?

.1610

M. Moenting: Nous présentons quelques autres propositions précises. Toutefois, en général, dans nos vérifications, nous faisons état des problèmes à résoudre, pour laisser à d'autres le soin de trouver le moyen de les résoudre.

Un premier pas dans la bonne direction consisterait peut-être à trouver un terrain d'entente, une vision commune de vos rôles et responsabilités respectifs et de la façon dont ils devraient être coordonnés. À titre d'exemple, il pourrait y avoir une façon commune d'envisager des questions telles que l'accès à des renseignements classifiés ou les responsabilités du CSARS en matière de rapports au sous-comité et au solliciteur général. Il s'agit vraiment de trouver des objectifs communs et d'avoir une vue commune sur les rôles et les attributions de chacun.

M. Gallaway: Si je comprends bien, la séquence des organismes et des personnes qui ont des rapports avec les services du renseignement est la suivante: le premier ministre, le Bureau du Conseil privé, le CSARS et le Cabinet. Selon vous, le CSARS voit simplement si le SCRS - je parle bien du SCRS en particulier - se conforme aux lois en vigueur, s'il ouvre les dossiers de la façon appropriée et s'il agit de façon justifiée. Je crois savoir que des attestations sont accordées et qu'il existe un bureau de l'inspecteur.

Le CSARS agit, pour ainsi dire, comme organisme civil de surveillance du SCRS, mais uniquement pour savoir si l'on a respecté la lettre de la Loi. Ensuite, notre comité intervient. Nous parlons de 440 millions de dollars. Qui, outre le directeur du SCRS, sait au juste si l'argent est dépensé à bon escient? Qui a une vue d'ensemble?

M. Moenting: C'est sans doute là une question légitime, et je ne sais pas s'il existe de réponse claire. À l'heure actuelle, les opérations de la communauté du renseignement, et non seulement du SCRS, mais aussi des autres composantes, sont jugées par ceux qui reçoivent les informations que ces opérations permettent d'obtenir. Il s'agit donc d'un bon nombre de ministères et d'organismes de l'administration gouvernementale. Toutefois, ces évaluations ne sont pas rassemblées. Il n'existe pas une vue d'ensemble de toutes ces évaluations; la connaissance qu'on a des opérations tend donc à être parcellaire.

Là où elle est la plus complète, c'est au Bureau du Conseil privé. Nous pensons qu'il est possible, là, de l'intégrer de façon plus explicite et d'examiner, par exemple, le rendement obtenu relativement aux priorités nationales établies dans les budgets accordés.

M. Gallaway: Êtes-vous justifiés de croire que le Bureau du Conseil privé fait cela?

M. Moenting: En nous basant sur la réponse que nous avons reçue et publiée avec le rapport, nous croyons que nos propositions coïncident avec les objectifs du BCP. J'imagine que nous verrons bien dans deux ans.

M. Gallaway: Vous voulez dire lors de votre prochaine vérification. J'essaie simplement de savoir.

Le président: J'ai deux ou trois questions. Si vous voulez terminer, je serais ravi de vous laisser la parole.

M. Gallaway: J'ai une dernière question, très brève. Au paragraphe 13, vous dites que votre vérification confirme que la communauté du renseignement opère dans un contexte qui a gagné en complexité. Vous dites:

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De quelles lois parlez-vous? J'ai lu ce long extrait pour vous poser une question toute simple. De quelles lois parlez-vous lorsque vous dites «l'observation des lois»?

M. Moenting: Je pense qu'il s'agit, en général, des lois en vigueur. Dans des cas précis, il peut s'agir de la Loi sur le SCRS. Cela dépend de la loi pertinente pour telle ou telle opération. Il s'agit des lois, au sens le plus large.

M. Gallaway: Très bien. Merci.

Le président: J'aimerais traiter de deux ou trois questions. Vous avez dit un peu plus tôt que vous avez commencé cette vérification vers 1993. J'avais cru comprendre antérieurement que le vérificateur général avait commencé à faire une vérification aux alentours de 1990. Ai-je tort, ou savez-vous ce qui a été fait aux alentours de 1990?

M. Rattray: À l'époque nous avons peut-être examiné cette question comme sujet potentiel, mais en même temps que d'autres questions. Je sais que nous songions à inclure dans le portefeuille la GRC, le Service correctionnel et la Commission nationale des libérations conditionnelles. Je crois que le SCRS était envisagé dans l'ensemble. Nous nous sommes demandé quels éléments de la communauté allaient être examinés. En fait, nous avons commencé par la GRC. Nous sommes ensuite passés à la Commission nationale des libérations conditionnelles puis au Service correctionnel. Nous avons fait cela dans le cadre d'un regroupement de vérifications semblables.

Le président: J'essayais un peu de savoir si en fait vous aviez voulu commencer en 1990 et si le retard n'avait pas été causé par la non-collaboration de la communauté du renseignement. Toutefois, d'après vous, ce n'est pas ce qui s'est passé.

M. Rattray: Nous avons eu des conversations avec de nombreux intervenants au sein de la communauté au sujet de l'opportunité d'entreprendre des vérifications et des dates appropriées, vu leurs priorités. Nous en avons discuté avec la GRC et la Commission des libérations conditionnelles, le Service correctionnel. Nous voulions savoir où ils en étaient dans leur propre évolution, leurs études, leur planification stratégique, et ainsi de suite. À l'époque, ces discussions nous ont amenés à commencer par la GRC.

Le président: Pour votre vérification actuelle, vous avez choisi de vous intéresser à un secteur d'activité que l'on peut appeler «la sécurité et le renseignement». Il s'agit du renseignement aux fins de la sécurité nationale et du renseignement étranger. Vous avez choisi cela de façon aléatoire, pour ainsi dire. Vous vous y êtes intéressés. Les parlementaires, c'est-à-dire les collègues qui m'entourent ici et ceux des comités antérieurs, ont eu le même défi à relever: comment aborder ce secteur? Il s'agit d'un secteur où se juxtaposent des dépenses considérables ainsi que les droits et libertés des Canadiens. Le Parlement s'est retrouvé avec ce sous-comité-ci, qui en général, a ciblé les mêmes organismes que ceux que vous avez choisis pour votre travail. Pouvez-vous me dire comment le vérificateur général en est arrivé à cibler le SCRS, le CST et le BCP? Avez-vous simplement adopté un gabarit qui semblait déjà exister?

M. Moenting: Lorsque nous avons fait notre étude préliminaire, nous ne nous sommes pas intéressés uniquement à ces organismes-là. Nous avons fait un peu de travail à la GRC. Nous avons travaillé avec Douanes et Assises. Nous avons fait du travail à Citoyenneté et Immigration. Nous nous sommes demandé qui, en réalité, s'occupait du renseignement étranger et du renseignement de sécurité. Pratiquement tous les ministères recueillent des renseignements d'un type ou d'un autre.

Nous avons dû à un moment donné resserrer notre champ d'action. À certains égard, on peut dire que celui-ci a été délimité de façon arbitraire, mais il comprenait les ministères qui participaient le plus aux activités du renseignement étranger et du renseignement de sécurité. Ceux que nous avons écartés mais qui auraient pu être pris en considération se sont avérés être plutôt les grands utilisateurs que les grands fournisseurs de renseignements.

Ce n'était pas vraiment un gabarit. Au début, nous avons ratissé large, et ensuite, nous avons rétréci notre champ d'action; il nous a fallu choisir.

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Le président: Le Comité de la justice de la dernière législature et de cette législature-ci s'est doté d'un mandat qui porte sur le SCRS, le solliciteur général, l'ancienne direction générale des infractions en matière de sécurité de la GRC et les organismes de renseignement avec lesquels il existe un protocole d'entente. C'est ce lien qui nous permet de jeter nos regards un peu au-delà du portefeuille du solliciteur général ou du ministre de la Justice.

Nous avons essayé d'inclure sous un même toit la question des grandes dépenses et des grandes atteintes possibles aux droits et libertés des Canadiens. Selon moi, c'est ce qui est à la base du mandat de notre comité. Maintenant que vous avez fait votre vérification, pensez-vous que mettre cela sous un même toit, comme nous l'avons fait ici et comme vous l'avez éventuellement fait dans votre vérification, soit une mesure de synthèse que le Parlement devrait adopter?

M. Rattray: Ce que je dirais à ce sujet, c'est que je n'ai aucune opposition à exprimer. Je pense qu'il s'agit d'une option. Elle semble certainement appropriée. Je n'ai rien d'autre à proposer, aucune solution de rechange pour l'instant.

Le président: Vous avez fait certaines recommandations au sujet de la perspective parlementaire. Abordons une question difficile. La collecte de renseignements qu'effectuent Douanes et Assises, Revenu Canada, Citoyenneté et Immigration, le ministère de la Défense nationale ou même le Centre de la sécurité des télécommunications relève du portefeuille d'autres ministres, d'autres secteurs gouvernementaux. Peut-être devrions-nous nous en tenir à notre propre créneau, c'est-à-dire au SCRS.

Estimez-vous que nous devions ou non aller au-delà du SCRS comme nous l'avons fait? Vous n'avez peut-être rien à dire là- dessus. Trouvez-vous que nous avons agi de façon inappropriée?

M. Moenting: En nous fondant sur le travail de vérification que nous avons fait, nous n'avons certainement rien à dire là- dessus. Nous signalons que le Parlement s'est plus régulièrement intéressé à la question du renseignement de sécurité qu'à la question du renseignement étranger. Dans une grande mesure, cela est dû au travail de ce comité, mais également aux dispositions prévues par la Loi sur le SCRS. Rien dans le travail que nous avons effectué ne pourrait nous amener à dire que le Parlement devrait s'intéresser à la communauté du renseignement d'une telle manière plutôt que de telle autre. Je ne pense pas vraiment que nous ayons la compétence requise pour dire au Parlement comment agir à cet égard, en nous fondant sur le travail que nous avons effectué.

Le président: Eh bien, vous êtes de bon conseil.

Au cours de votre travail, et à votre connaissance, avez-vous eu accès à des documents que l'on pourrait considérer être des documents du Cabinet?

M. Moenting: Au Bureau du vérificateur général, nous avons une procédure qui nous permet d'accéder régulièrement à des documents du Cabinet, pour tous les secteurs. Nous avons eu accès à tous les documents voulus, y compris les documents du Cabinet.

Le président: Très bien.

Vous abordez deux questions dans votre exposé d'aujourd'hui. Vous avez parlé de renforcer le leadership et la coordination au moyen d'un examen plus approfondi des budgets accordés à la communauté du renseignement. À quel mécanisme gouvernemental faut- il recourir pour faire cet examen? Pensez-vous que cet examen doive inclure un examen parlementaire?

M. Moenting: Cette observation ne fait pas référence à l'examen par le Parlement. Pour ce qui est de l'examen par le Parlement, nous tenons à signaler que le Parlement reçoit très peu d'information sur les budgets dans ce domaine. C'est un fait. Nous ne pouvions nous fonder là-dessus.

Ici, nous discutons du mécanisme de coordination centrale dans la communauté qui est centralisé au Bureau du Conseil privé. D'après nous, c'est là qu'on peut voir qui dépense quoi et pourquoi.

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Le président: Il n'y a aucun doute que les contribuables s'intéressent à qui dépense leur argent et comment; c'est pour cela que le Parlement est élu. Mais nous n'avons pas encore trouvé une méthode pratique qui permettrait au Parlement de réviser ou d'examiner de près les budgets des organismes de renseignements.

Il y a eu quelques concessions mutuelles, il y a eu quelques mouvements avec le temps, mais probablement pas assez pour permettre aux contribuables de considérer que les députés élus auront l'occasion de vraiment surveiller ce qu'on fait de leur argent et d'empêcher les activités farfelues.

Je ne dis pas que l'on dépense de façon irresponsable, mais ne pensez-vous pas que le Parlement pourrait et devrait faire plus dans ce domaine?

M. Rattray: J'aimerais revenir au rôle joué par ce bureau. Nous avons déjà examiné certaines opérations dans le passé. Prenons le SCRS comme exemple: nous avons préparé des rapports à l'intention du Parlement donnant des détails sur les dépenses, l'optimisation des ressources, l'économie ou des questions d'efficacité.

Au début des années 90, il y a quelques années maintenant, nous avons examiné l'exécution du programme d'immigration dans toute l'administration gouvernementale. Un processus d'examen des activités du SCRS faisait partie du processus, et nous avons préparé un rapport à l'intention du Parlement.

Cette année, nous avons étudié la construction du siège social du SCRS, et nous avons préparé un rapport à l'intention du Parlement sur les fonds dépensés. Tout cela est public. L'information dans le rapport est là - le Parlement n'a qu'à regarder.

Nos travaux ont donc porté sur les différents éléments de la communauté. Il y aurait bien sûr du travail à faire, comme nous avons vu en examinant les dépenses et en préparant nos rapports.

Pour ce qui est du Parlement, nous essayons de servir son meilleur intérêt. Ce n'est pas à moi d'aller plus loin et de dire que le Parlement devrait faire ceci ou cela - il ne convient pas qu'un fonctionnaire agisse ainsi.

En plus des travaux effectués pour nous assurer que le contribuable en a pour son argent, nous effectuons des travaux financiers. Chaque année, nous certifions les états financiers du Canada. Cela comprend bien sûr les fonds dépensés par les nombreuses entités s'occupant du renseignement et de la sécurité. Donc, par l'entremise de notre rapport, nous offrons une opinion financière au Parlement.

Le président: Avez-vous des questions, monsieur Gallaway?

M. Gallaway: Oui, j'en aurais une, si ce n'est que pour qu'elle apparaisse au procès-verbal.

Vous avez indiqué que cet aspect de la relation entre le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité et ce sous-comité pourrait être amélioré. D'après votre expérience des mécanismes de vérification de toute l'administration gouvernementale, avez-vous trouvé des procédures ou des protocoles qui pourraient nous aider, un moyen d'intégrer cette fonction parlementaire avec la fonction d'examen que le Parlement a déléguée au CSARS?

M. Moenting: On pourrait peut-être prendre notre relation avec le Comité des comptes publics comme modèle. Certains aspects de notre relation avec le Comité des comptes publics ressemblent beaucoup à la relation entre le CSARS et vous-même. On pourrait caractériser cette relation comme étant une de soutien mutuel dans la plupart des cas, à condition bien sûr que le rôle de tous - le Comité des comptes publics, le nôtre, etc - soit bien compris. C'est la seule solution qui me vient à l'esprit et qui pourrait servir comme modèle.

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Le président: Un élément qui nuit à cette relation est peut- être un des éléments le plus vital du Parlement: la politique partisane. Si je ne m'abuse, le Comité des comptes publics fonctionne sans trop de politique partisane. C'est comme ça que je comprends les choses, même si je n'ai pas siégé au comité. Avez- vous la même impression - que le comité fonctionne sans trop de politique partisane?

M. Rattray: Monsieur le président, après 15 ans de participation directe dans le processus et d'observation d'autres intervenants au Bureau du vérificateur général, je dirais que cela est tout à fait vrai.

Le président: Les futurs membres de ce comité devraient prendre cela en note.

Ma question suivante ne sera pas facile non plus. Dans vos discussions avec le CSARS, a-t-on soulevé des points que ce sous- comité trouverait utile en décidant comment il pourrait aborder les éléments qu'il a en commun avec le CSARS? Je cherche une réponse toute simple, par exemple plus de réunions, moins de réunions, des réunions différentes ou des personnalités différentes.

M. Moenting: Non, monsieur le président, nous n'avons pas abordé ce sujet dans nos discussions avec le CSARS. Nous avons étudié les travaux du comité, la nature et l'étendue de ces travaux en relation avec le SCRS, les modalités de rapport, etc. Sa relation avec ce comité n'a pas été discutée en détail.

Le président: J'aimerais passer à la question des droits et libertés des Canadiens. Au cours de votre processus de vérification, avez-vous constaté qu'il y avait d'autres entités d'examen - comme le Bureau du Conseil privé, d'autres comités parlementaires, le ministère de la Justice, etc. - qui s'intéressaient de près à cette question? Y a-t-il d'autres entités qui se pencheraient sur la question, ou qui pourraient se pencher sur la question, de façon plus efficace - quelque chose que ce comité considère important?

M. Moenting: Au sein de l'appareil gouvernemental, je suppose qu'il y a des entités comme l'inspecteur général du SCRS qui passe une bonne partie de son temps, justement, à s'assurer que le SCRS respecte les droits et libertés de la personne. Le commissaire du CST va certainement voir si la loi est respectée, et va certainement se pencher sur la question des droits et des libertés. Il y a aussi le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire des droits de la personne, j'ose dire aussi, nous-mêmes - mais c'est à peu près ça. Il n'y en a pas d'autres qui me viennent à l'esprit.

Le président: J'aillais demander si vous déconseilleriez au comité de maintenir la question des droits et des libertés comme une de ses préoccupations majeures, mais je devrais peut-être reformuler ma question. D'après vous, devrions-nous maintenir cette orientation? Est-ce que c'est une façon efficace de procéder? Est- ce que ça représente une utilisation adéquate des ressources parlementaires? S'il vous plaît, faites une vérification portant sur nous.

M. Rattray: Monsieur le président, cette question a déjà été discutée.

C'est au sous-comité, et au comité directeur du sous-comité, de décider. En examinant les rôles des entités et leurs relations avec votre comité, vous pourriez vous pencher sur la question, et tourner votre attention vers les entités mentionnées par M. Moenting. Il serait bon de trouver un modus vivendi qui conviendrait à tout le monde, et qui vous permettrait d'avancer dans vos programmes de travail et de maintenir vos principales activités d'examen.

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Le président: Ce comité s'intéresse au CST, même si ce centre est financé par la Défense nationale, dirigé par le Bureau du Conseil privé, utilisé par le ministère des Affaires étrangères, et examiné par ce comité. Il nous intéresse surtout à cause du protocole d'entente qui existe entre le CST et le SCRS. Le CST et le SCRS sont comme deux frères, on pourrait dire.

Vous avez proposé que le Parlement considère un mandat législatif pour le CTE. Avez-vous vu un modèle au Canada ou ailleurs qui pourrait faire l'affaire? Par exemple, vous pourriez proposer la Loi sur le SCRS, qui est un bon modèle, ou peut-être un autre instrument ou protocole. Pourriez-vous nous indiquer si d'après vous il y a un autre modèle dont on pourrait s'inspirer?

M. Moenting: Pour ce qui est des détails de la loi éventuelle, nous ne sommes pas vraiment en mesure d'en parler. Le Royaume-Uni, par exemple, a une loi sur l'administration centrale des services de communication du gouvernement. Ce serait peut-être un bon point de départ.

Le président: C'est une bonne suggestion.

Je voudrais ajouter une petite question supplémentaire, même si le juge Bisson, le commissaire au CST pourrait y répondre. Au cours des dernières années, on a entendu dire que les relations tendues entre les employés et l'employeur au CST causaient certains ennuis et qu'il y aurait peut-être moyen d'améliorer la situation, bien qu'il n'incombe pas au sous-comité de s'en mêler. La question ne semble pas avoir été soulevée dans votre vérification. Pouvez- vous le confirmer?

M. Moenting: Je peux vous confirmer que nous n'avons pas abordé cet aspect au CST. La question n'a pas été soulevée.

Le président: D'accord. Notre attaché de recherche vient de me rappeler qu'il y a encore un point à éclaircir. Un peu plus tôt, j'ai parlé du processus de coordination en vigueur au BCP et vous avez parlé du rôle de coordination que joue le BCP lorsqu'il s'agit d'attribuer les mandats, les tâches, et faire la coordination de l'analyse, et peut-être même l'acheminement du produit. Si je comprends bien, le BCP s'occupe toujours de cette fonction. C'est un point qui revient constamment et il faut toujours procéder à des modifications et des mises à jour. Compte tenu de votre vérification, croyez-vous que la coordination dont se charge le BCP à l'heure actuelle dans le domaine du renseignement et de la sécurité est suffisante?

M. Moenting: Nous pensons que la coordination est bonne, et elle s'est améliorée au cours des dernières années. On a constaté une plus grande collaboration dans la communauté surtout grâce au rôle de coordination du BCP. Il y a plusieurs façons de l'améliorer davantage, et nous les mentionnons dans notre rapport. Même si les choses vont assez bien, il y a quand même moyen de les améliorer.

Le président: C'est rassurant.

Je tiens à vous remercier ainsi que vos collègues d'avoir accompli cette tâche et d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui, pour décrire publiquement ce qui a été réalisé jusqu'à présent.

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J'attends avec impatience vos futurs travaux de suivi de cette vérification. J'espère que c'est le début d'une longue relation harmonieuse entre ce sous-comité et le service du Bureau du vérificateur général que vous avez représenté ici.

M. Rattray: Merci, monsieur le président.

M. Moenting: Merci, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.

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