[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 mai 1996
[Traduction]
La présidente: Bonjour, tout le monde. Nous avons le quorum. Un sous-comité n'a pas besoin d'un quorum aussi important qu'un comité permanent normal de la Chambre des communes pour commencer une réunion.
Je vous souhaite la bienvenue. Nos témoins sont membres de l'Association des distillateurs canadiens. Nous avons à l'ordre du jour, conformément à l'article 108(1) du Règlement, une étude sur le projet de loi C-222, mise en garde sur les contenants de boissons alcooliques. Comme vous le savez certainement, c'est le projet de loi de mon collègue M. Szabo.
Nous avons un horaire très chargé. Nous allons entendre cinq organisations différentes ici ce matin en deux heures. Vous rendez certainement compte que cela nous donne peu de temps et je vous prie de m'en excuser.
Monsieur Veilleux, je crois que vous êtes prêt à commencer.
M. Ronald B. Veilleux (président et directeur administratif, Association des distillateurs canadiens): Merci beaucoup, madame la présidente, membres du comité.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Peter Chubb, vice-président, Affaires gouvernementales et industrie, chez Corby Distilleries Ltd., et de Mlle Sandi Bokij, recherchiste et spécialiste de l'information à notre association.
Je vous remercie de nous avoir invités à vous faire part du point de vue de notre association sur les étiquettes de mise en garde. Nous avons remis un document détaillé à ce sujet aux membres du comité, mais je voudrais vous présenter notre position finale. Des changements mineurs ont été apportés dans les deux langues. Dans les minutes qui viennent, je vais résumer cet exposé.
L'Association des distillateurs canadiens représente 95 p. 100 des distillateurs du Canada. Nous avons pour mission de protéger et de renforcer la viabilité de notre industrie et de servir les intérêts de ses membres. Personne ne se préoccupe plus que nous du problème que pose la consommation excessive de nos produits. Nous sommes résolument contre la conduite en état d'ivresse, la consommation d'alcool par les mineurs et toutes les formes d'abus d'alcool. Nous disons également qu'avant de boire, les femmes enceintes devraient consulter leur médecin au sujet de l'alcool et de toutes les autres questions reliées aux soins de santé.
Dans ce contexte, nous remettons au comité des documents présentant les programmes lancés par notre association et les sociétés qui en sont membres. Ils sont dans cette chemise.
[Français]
Notre position sur le syndrome alcoolique foetal et sur les autres questions sociales et de santé reliées à la consommation abusive de l'alcool part de deux principes fondamentaux. Premièrement, nous sommes convaincus que chacun a intérêt à recevoir de l'information scientifique objective quant aux effets positifs et négatifs de la consommation d'alcool sur la santé.
[Traduction]
Deuxièmement, comme de nombreux experts, nous pensons que la mesure de prévention la plus efficace est une intervention directe de la part des prestataires de soins de santé et la sensibilisation; les personnes à risque ont particulièrement besoin d'être sensibilisées. Notre association est d'avis que les étiquettes de mise en garde ne constituent pas le meilleur moyen de diminuer ou d'éliminer les abus et les risques potentiels pour la santé reliés à l'alcool, surtout du fait que les Canadiennes et les Canadiens sont déjà généralement au courant des dangers que présente l'abus d'alcool.
Nous souscrivons à l'idée que la promotion de la santé consiste à permettre aux gens de mieux prendre en main et d'améliorer leur santé. La responsabilité individuelle exercée par des consommateurs bien informés est, en fin de compte, la façon la plus efficace de lutter contre l'abus d'alcool.
[Français]
Nous croyons, entre autres, que pour combattre le syndrome alcoolique foetal, il faut avant tout intervenir auprès des femmes alcooliques et de leurs partenaires masculins aussi alcooliques. En d'autres termes, nous préconisons une approche conçue précisément pour résoudre un problème particulier de consommation abusive d'alcool.
[Traduction]
Un exemple de méthode utile qu'appuie notre association est la création d'un service d'information sur le SAF par le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies.
J'aimerais déposer l'évaluation de ce service après une année de fonctionnement. Les résultats sont extrêmement positifs. Chaque fois que cela est possible, nous collaborons avec les gouvernements, les services publics de santé, les éducatrices et les éducateurs, la police et de nombreux autres partenaires dans l'ensemble du pays à l'organisation de programmes de sensibilisation à l'alcool destinés à lutter contre la consommation excessive et à encourager une attitude responsable face à la boisson, sans chercher à détourner la majorité des Canadiennes et des Canadiens qui consomment de l'alcool raisonnablement et modérément du plaisir social et de la source de détente que cela leur procure. Nous pensons que ces mesures de santé publique et ces efforts de sensibilisation ont plus de chances de donner des résultats lorsqu'ils s'appuient sur des connaissances scientifiques solides et à jour et sont expressément adaptés aux problèmes reliés à l'abus d'alcool.
Je vous remets les bibliographies des études concernant les étiquettes de mise en garde. Pour résumer ces études, le mieux est de citer un passage d'un exposé présenté à votre comité la semaine dernière, le 25 avril 1996. Je cite un extrait du paragraphe 1 de la page 2 de l'exposé présenté par le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies:
- Il y a de fortes chances que de telles mises en garde ne soient pas prises en considération par
ceux-là mêmes qui devraient le plus en tenir compte. Une des caractéristiques des personnes
qui abusent de l'alcool est leur refus ou leur incapacité de reconnaître les problèmes que leur
comportement crée pour eux-mêmes et pour leur entourage. Il est peu vraisemblable que des
étiquettes de mise en garde suffiront à changer cette réalité.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Veilleux.
Nous accordons généralement 10 minutes à chaque groupe, mais nous devrons prendre moins de temps à cause de notre horaire. J'aimerais que nous puissions nous limiter à cinq minutes pour chaque question et sa réponse.
[Français]
Mme Picard (Drummond): Je n'ai pas de questions pour l'Association à ce moment-ci.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Hill.
M. Hill (Macleod): Merci, madame la présidente. Je suis désolé de ce retard involontaire.
Vous avez dit que l'intervention directe était la meilleure façon de prévenir le syndrome alcoolique foetal et c'est évidement absolument exact. Le problème que pose l'intervention directe est que nombre des femmes qui abusent de l'alcool ne consultent pas un médecin au début de leur grossesse. En fait, elles ont tendance à le faire plutôt tardivement. J'ai personnellement vu des femmes se présenter avec des problèmes reliés à l'alcool à la toute fin de leur grossesse.
Le deuxième problème que je vois est que ces femmes sont souvent analphabètes et je ne pense pas qu'elles accordent la moindre attention à des étiquettes de mise en garde. J'aimerais donc savoir ce que vous pensez d'une étiquette représentant une femme enceinte vue de profil, image qui serait barrée d'un X. Cela servirait à deux choses: transmettre un message aux femmes analphabètes et le transmettre également à leurs proches; il s'agit des femmes qui boivent pendant leur grossesse et ne consultent pas de médecin.
M. Veilleux: Notre opinion au sujet des étiquettes de mise en garde, c'est par cela que je commencerai, est très claire. Au Canada, chacun sait que, comme toutes sortes d'études l'ont montré... On peut lire à la page 3 du mémoire présenté la semaine dernière au comité par la Fondation de la recherche sur la toxicomanie:
- Il convient de noter que, d'après l'Enquête nationale sur la consommation d'alcool et de drogue
du Canada de 1994, plus de 95 p. 100 des Canadiennes et Canadiens de plus de 15 ans savaient
que l'alcool peut occasionner des problèmes de santé, des accidents de la circulation et des
complications lors de la grossesse.
En outre, grâce aux recherches et au travail de la FRT et du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, nous savons tous que les gens qui abusent de l'alcool ne changeront pas leur comportement à cause des étiquettes de mise en garde. À mon avis, ce n'est pas la meilleure façon de dépenser de l'argent pour communiquer avec les groupes à risque. La meilleure façon, je le répète, est la sensibilisation.
J'ajouterai que, selon nous, si nous pouvions avoir des programmes excellents comme celui du Québec intitulé Éduc'alcool, où, très tôt, à l'école, on apprend aux enfants à être des consommateurs responsables s'ils doivent un jour consommer de l'alcool, ce serait un bon début. Il faut que les gens se rendent compte des aspects positifs aussi bien que des aspects négatifs de l'alcool. Les enfants doivent se rendre compte très tôt, même avant de commencer à fréquenter quelqu'un ou à faire quoi que ce soit d'autre, que la consommation excessive est quelque chose de très négatif. Il y a actuellement de bons programmes concernant les étudiantes et étudiants des universités; ils donnent de bons résultats. Il serait bon que nous puissions également lancer des programmes dans les écoles.
M. Hill: Les associations parlent avec beaucoup d'empressement des programmes volontaires qu'elles entreprennent et vont entreprendre à l'avenir. Pour être franc, je me refuse à croire qu'un étiquetage, quel qu'il soit, n'ait aucune valeur éducative, parce que les personnes concernées ont un entourage. Je pense que les programmes portant sur une activité socialement inacceptable comme l'ivresse au volant, programmes auxquels vous êtes associés, ont contribué à sensibiliser les gens. Ce n'est sans doute pas la personne susceptible de conduire en état d'ivresse qui va s'arrêter. Ce sont ses amis qui lui diront qu'elle ne doit pas agir ainsi et lui proposeront de la reconduire ou de lui trouver un taxi. Il faudrait la même chose pour une femme enceinte, une amie ou quelqu'un qui la prenne par l'épaule et lui dise que c'est dangereux et que, pour le bien du bébé, elle devrait boire moins, même si ce n'est que pendant quatre ou cinq mois.
J'aimerais donc que les distillateurs prennent eux-mêmes de telles initiatives. Vous dites que le centre dont vous avez parlé a obtenu d'excellents résultats. Comme je n'exerce plus depuis deux ans, je n'en ai pas vu les résultats dans ma ville où je me suis occupé d'une énorme quantité d'autochtones qui buvaient trop. Expliquez-moi donc quelles mesures vous prendriez de votre propre chef.
J'aimerais mieux ne pas avoir à légiférer. Je préférerais vivement sensibiliser les gens. Je suis contre l'omniprésence du gouvernement. Mais je suis réellement convaincu que, si les distillateurs ne prennent pas d'énormes mesures de leur propre initiative, vous subirez un contrecoup qui n'est pas dans votre intérêt.
M. Veilleux: Madame la présidente et monsieur Hill, nous avons lancé plusieurs programmes et, pour répondre à votre question, je voudrais vous en signaler deux.
Nous avons réalisé une brochure en collaboration avec la Fondation de recherche sur les toxicomanies de l'Ontario - la même que celle qu'ont réalisée la Régie des alcools de l'Ontario et l'Addictions Foundation du Manitoba. Des milliers et des milliers d'exemplaires de cette brochure sont remis aux médecins et distribués dans leurs cabinets avec le plein appui de la Fondation de recherche sur les toxicomanies, de notre secteur et des régies des alcools de ces provinces.
Voilà le genre de message que les gens reçoivent et comprennent. Pourquoi? C'est très simple. Si c'est nous qui diffusons ce message, les gens ne le croient pas parce qu'ils disent que nous voulons qu'ils consomment plus. Si les fondations de lutte contre la toxicomanie qui le font, les gens ne les croient pas parce qu'ils ont l'impression que ces organismes veulent les faire cesser complètement de boire. Si nous intervenons ensemble, comme nous l'avons fait dans ce cas et si nous présentons un message unique aux consommateurs, ces derniers ont l'impression que c'est un message objectif. Ils le lisent, ils le comprennent et ils le mettent en pratique. Voilà le résultat de nos recherches.
À mon avis, cela étant, un message objectif adressé à la population cible, les gens à risque, sera considérablement plus efficace que n'importe quelle étiquette. Si nous avons un peu d'argent à dépenser, je pense qu'il vaut mieux le consacrer à ce genre de programmes plutôt qu'à d'autres.
Nous avons une brochure comme celle-ci au Manitoba et une en Ontario. Nous en avons fait une autre en Alberta qui est maintenant distribuée dans l'ensemble du Canada. Nous adressons aux jeunes, aux étudiants de première année d'université qui vivent pour la première fois en dehors du domicile familial, qui ont un nouvel appartement et un peu d'argent en poche. Nous avons tous connu cela.
La présidente: Je dois passer à la question suivante. Madame Picard.
M. Veilleux: Comprenez-vous où nous voulons en venir, madame la présidente?
La présidente: Oui, j'étais en train de lire la brochure. Merci.
[Français]
Mme Picard: Monsieur Veilleux, bonjour. Je voudrais vous poser une question à caractère économique. Savez-vous combien coûtent actuellement vos programmes de prévention et de sensibilisation? Combien dépensez-vous pour la publicité de vos produits? Avez-vous évalué les coûts de l'implantation des mises en garde sur les contenants de boissons alcoolisées? Pouvez-vous me dire si la mise en oeuvre de cette mesure coûtera quelque chose au gouvernement?
M. Veilleux: Madame Picard, nous estimons que nous dépensons de deux à trois millions de dollars par année pour des programmes de cette nature. Ce sont des programmes que notre association et nos membres ont lancés. Tous nos membres lancent des programmes et il y en a qui sont en vigueur depuis 1940. Vous aurez un aperçu de ces programmes-là dans le dossier qu'on vous a remis.
C'est un montant relativement petit et j'aimerais expliquer pourquoi. Au Canada, notre industrie vaut environ 3,5 milliards de dollars. Comme vous le savez bien, 87 p. 100 de cette somme, soit 2,9 milliards de dollars, retourne au gouvernement en guise de taxes. Il ne reste donc que600 millions de dollars pour l'industrie.
Avec ces 600 millions de dollars, il faut acheter le maïs, le blé, etc. Il faut distiller le produit, le faire vieillir pendant des années, l'embouteiller, apposer des étiquettes, le distribuer, faire le marketing, etc., payer nos taxes - parce qu'on paie des taxes - et enfin payer nos employés. Il reste un petit profit à la fin. S'il n'y avait pas de profit, on ne serait pas là. Mais le profit n'est pas énorme.
On ne peut investir beaucoup d'argent dans ces programmes-là, mais on en investit parce qu'on trouve qu'il est très important que notre industrie communique avec les groupes à risque. C'est ce qui explique que nous ne dépensions que trois millions de dollars environ par année pour ces programmes.
En ce qui a trait à la publicité - j'aimerais vous référer à M. Chubb qui a peut-être des données plus précises - , j'aimerais vous envoyer les dernières données plus tard, parce que je ne les ai pas en tête. Je pense que notre industrie, globalement, dépense environ 30 millions de dollars par année en marketing. Il y a un peu de publicité, mais ce sont plutôt des promotions.
Je n'ai pas de chiffres quant aux coûts de l'implantation. Je mentirais au comité si je vous donnais un chiffre précis, parce que je n'en ai pas. Cependant, je sais que c'est plusieurs millions de dollars. Si on parle de plusieurs millions de dollars, il est évident que cela aura un impact sur nos autres programmes.
On est convaincus qu'il faut continuer nos programmes, mais on ne pourra le faire avec la même intensité qu'auparavant.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Chubb, alliez-vous faire des commentaires?
M. Peter Chubb (vice-président, Affaires du gouvernement et de l'industrie, Association des distillateurs canadiens): Non, madame la présidente. Mon collègue a laissé entendre que nous pourrions vous indiquer exactement à combien se montaient nos dépenses de publicité et que nous fournirons ces chiffres au comité plus tard.
La présidente: Vouliez-vous ajouter quelque chose, madame Picard?
[Français]
Mme Picard: Cela coûterait-il cher à l'industrie et serait-ce une mesure envisageable que de remplacer les étiquettes en inscrivant, au bas de la promotion, un message qui pourrait dire quelque chose comme: «La modération a meilleur goût»?
M. Chubb: Certains d'entre nous le font déjà.
[Traduction]
La question est de savoir si nous mélangeons un message publicitaire et une invitation à la modération. Nous tendons à séparer les messages de modération ou ceux qui incitent à une utilisation raisonnable de ceux qui portent sur le plaisir de boire. Pour leur part, les brasseurs ont choisi une autre méthode. Ils vous en parleront tout à l'heure. Molson invite à la prudence et Labatt dit d'autres choses. Mais oui, nous invitons les gens à être raisonnables parce que la modération a tellement meilleur goût.
[Français]
Quel est le message?
M. Veilleux: «La modération a meilleur goût.» Je suis certain que c'est une chose qu'on pourrait envisager. Moi, je dis définitivement oui à cela.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Szabo.
[Traduction]
M. Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur Veilleux, je veux vous dire merci. Vous nous avez envoyé beaucoup de documents. Je veux vous féliciter et rendre hommage à votre association et à ses membres pour tout le travail que vous essayez de faire afin d'encourager une utilisation responsable de vos produits. C'est un message important.
Êtes-vous fiers de ce programme? Pensez-vous qu'il est très important?
M. Veilleux: Fier de nos programmes?
M. Szabo: Pensez-vous que les initiatives que vous avez prises sont importantes?
M. Veilleux: Oui, nous sommes très fiers de ces programmes. Nous pensons que ces programmes, qui visent en fait les gens qui boivent trop, sont bien adaptés et sont nécessaires pour résoudre les problèmes auxquels nous faisons face dans notre pays.
M. Szabo: Si l'on introduisait les étiquettes de mise en garde et que cela vous coûte de l'argent, votre association aurait-elle l'intention de mettre un terme à certains de ces programmes ou à tous?
M. Veilleux: J'ai répondu à cela en français, mais je vais le répéter, madame la présidente.
Monsieur Szabo, j'ai dit que nous ne disposons bien entendu que d'une quantité d'argent limitée. J'ai expliqué que notre industrie a un chiffre d'affaires de 3,5 milliards de dollars dont83 p. 100 correspondent aux taxes. Les pouvoirs publics récupèrent donc 2,9 milliards de dollars sous forme de taxes. Sur les 600 millions de dollars qui restent, il nous reste un peu de profit, parce que sans cela, nous ne serions pas ici.
M. Szabo: Quel est le taux moyen de rendement de ce genre de...?
M. Veilleux: Je ne sais pas. Je n'ai pas accès à cela. Nos membres sont des sociétés autonomes.
M. Szabo: Je voudrais dire une dernière chose.
La présidente: Il vous reste beaucoup de temps.
M. Szabo: Peut-être que d'autres membres du comité voudraient poser des questions.
Monsieur Chubb, j'aimerais vous demander toute une série d'autres choses, mais vous venez de dire que les distillateurs ont tendance à séparer le message publicitaire relatif aux produits du message de modération, à la différence des brasseurs. Vous avez dit, en fait, que vous souhaitez vous assurer que votre message est clair et reflète l'objectif que vous cherchez à atteindre. Je voudrais demander à n'importe lequel d'entre vous si c'est un message raisonnable? Essayez-vous par là de vendre votre produit ou est-ce, à votre avis, une mise en garde?
M. Chubb: Je vais répondre à cette question, si vous le voulez bien. Nous considérons cela comme une mesure de sensibilisation.
M. Szabo: La bière moussante, le vin raffiné, le gin tonique désaltérant... On le voit bien, c'est la même chose. «Ces consommations... ont toutes la même teneur alcoolique. Ne vous fiez donc pas aux apparences.» La toute dernière chose mentionnée est: «De plus, ne buvez jamais d'alcool avant de prendre le volant.»
Si je regardais cette affiche, si elle était accrochée au mur de mon commerce ou ailleurs, cela ne constituerait ni pour moi ni pour personne d'autre une mise en garde ou un message relatif à la santé, mais bien une publicité pour des boissons alcoolisées. Elles sont si attrayantes si appétissantes: n'auriez-vous pas envie de boire ce beau grand verre frais? Ce n'est pas brutal... C'est très habile - très habile. Je pense donc que cette publicité est en elle-même une contradiction.
Laissez-moi donc vous poser juste une question.
M. Chubb: Puis-je vous répondre? Pour préciser les choses, j'ai essayé d'exprimer cela dans une publicité.
Je remarque que vous avez un de mes produits là, sur la table. Une publicité pour Canadian Club n'est rien d'autre qu'une publicité pour Canadian Club. Si Hiram Walker et Corby Distilleries, les sociétés que je représente et qui vendent Canadian Club dans notre pays, présentent un message incitant à la modération, il ne portera pas sur Canadian Club. Voilà ce que je veux dire.
La campagne d'affichage à laquelle vous faites allusion visait en fait à sensibiliser les consommateurs au fait que toutes les consommations normales se valent. Nous avons constaté au fil du temps que de nombreux consommateurs avaient l'impression erronée que les alcools distillés étaient en quelque sorte des «liqueurs fortes» - c'est l'expression qu'on utilise souvent - alors que la bière et le vin favorisaient plus la modération. Il s'agit simplement de leur faire comprendre qu'un verre de vin contient la même quantité d'alcool qu'un verre de bière ou qu'un gin tonic, c'est tout.
M. Szabo: Je comprends.
M. Veilleux: Madame la présidente, puis-je ajouter quelque chose? Je voudrais également dire que nous avons distribué environ un demi-million de ces affiches. On les trouve dans les cabinets de médecin, les postes de police et les écoles dans tout le pays; les gens peuvent ainsi se rendre compte de cette équivalence. Je ne crois pas que ce soit une publicité habile. Je m'insurge contre cela. Ce n'est pas une publicité habile, c'est un message incitant à la modération. Voilà ce que c'est - et rien d'autre.
M. Szabo: Monsieur Veilleux, à la fin de votre déclaration, vous avez dit qu'une étiquette de mise en garde ne servirait à rien par elle-même. Vous avez également dit que, d'après les experts, cela ne modifierait pas l'attitude des buveurs excessifs.
J'ai trouvé que vous pesiez très bien vos mots. Ne pensez-vous pas qu'une étiquette indiquant «la consommation d'alcool pendant la grossesse peut entraîner des malformations congénitales» constitue en elle-même un message éducatif? Êtes-vous d'accord pour dire que même les choses que vous faites - affiches, films, toutes sortes de choses - constituent une forme de sensibilisation et que nombre de vos publicités ne visent pas véritablement à amener les alcooliques à cesser de boire mais servent plutôt de rappel à la réalité ou de moyen de convaincre les gens de ne pas trop boire à un moment critique et d'attirez momentanément leur attention sur ce problème. C'est une approche plutôt préventive que thérapeutique. Êtes-vous d'accord avec cette façon de voir?
M. Veilleux: Je vais essayer de répondre, madame la présidente. Le message que vous avez mentionné, selon lequel une femme enceinte ne devrait pas boire d'alcool, est un bon message éducatif. Cela ne fait aucun doute. Nous sommes cependant d'avis que les étiquettes de mise en garde ayant une telle teneur n'ont aucune efficacité. Ce n'est pas nous qui le disons, mais vos propres experts, ceux de la Fondation de la recherche sur la toxicomanie, la plus grosse fondation du pays. C'est leur travail. C'est pour cela qu'ils reçoivent de l'argent du gouvernement de l'Ontario. Le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies est financé par le gouvernement fédéral. Ces deux organismes ont dit très clairement lors de leur intervention devant ce comité que cela ne donne aucun résultat.
Selon nous, la meilleure façon de faire en sorte que le message que vous avez cité touche les gens qui en ont besoin est de les sensibiliser, de cibler les femmes enceintes ou qui ont l'intention de le devenir pour s'assurer qu'elles comprennent bien que l'abus d'alcool peut leur occasionner des problèmes. Le message qu'on leur adresse est très simple et très clair: si vous êtes enceinte et voulez boire de l'alcool, il faut d'abord que vous en parliez avec votre médecin. C'est la personne la mieux à même de vous dire quoi faire ou ne pas faire. Les étiquettes de mise en garde ne peuvent pas jouer ce rôle.
M. Szabo: Alors, pourquoi la Fondation de la recherche sur la toxicomanie et le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies appuient-ils l'utilisation de ces étiquettes?
La présidente: Excusez-moi, monsieur Szabo.
M. Veilleux: Puis-je répondre?
La présidente: Faites vite.
M. Veilleux: Ces deux groupes, la FRT et le CCLT, ont dit qu'elles ne serviraient à rien mais qu'il fallait quand même les mettre. Voilà ce qu'ils ont dit.
La présidente: Si le comité n'y voit pas d'inconvénient, je vous demanderai de me prouver ce que vous avancez. Cela fait suite à ce que disait Mme Picard. J'aimerais m'assurer - et je suis sûre que le comité est d'accord avec moi - de l'efficacité des programmes que vous avez mentionnés, des résultats que donne le matériel éducatif que vous avez diffusé. Nous aimerions avoir une sorte de... Si vous pouviez nous faire parvenir cela, peut-être aujourd'hui ou un peu plus tard.
M. Veilleux: Oui.
La présidente: Cette brochure-là, celle que vous avez distribuée dans les universités, contient vraiment plusieurs messages différents. Vous parlez de l'alcool, mais aussi de la sexualité. Je ne sais pas pourquoi vous mélangez les deux. Peut-être est-ce à cause de mon âge - je n'en sais rien - , mais je trouve cela un peu choquant. Quel effet cherchez-vous à obtenir avec cette annonce? Est-ce là ce qui se passe dans les universités de nos jours? Est-ce cela la réalité et suis-je simplement déconnectée de la réalité?
M. Chubb: Si vous me le permettez, madame la présidente, vous avez absolument raison. Je suis d'accord avec vous. Mais cette campagne, «if you drink, don't bowl», a été entièrement élaborée en collaboration avec des jeunes gens de l'Alberta qui fréquentent des écoles postsecondaires et ont l'âge légal pour boire, soit 18, 19 et 20 ans. Ce sont eux qui nous ont dit que, si nous voulions les convaincre et essayer de modifier leur comportement ou de les sensibiliser au problème, le mieux était de s'exprimer comme eux. C'est eux qui ont créé cette campagne.
Je ne suis pas surpris que vous soyez choquée; vous n'êtes pas la seule dans ce cas. Mais la population cible, les jeunes qui sont loin du domicile familial pour la première fois et qui ont 18, 19 et 20 ans, pensent qu'ils n'ont jamais rien vu d'aussi bien.
La présidente: Je me demande ce qu'en pensent leurs parents.
M. Veilleux: J'ajouterais que ça marche. Les sondages indiquent clairement que cette campagne modifie le comportement des jeunes qui abusent de l'alcool. C'est cela qui est important dans ce programme.
La présidente: Je n'ai pas pu m'empêcher de poser cette question.
Merci beaucoup. Votre mémoire nous a beaucoup appris. Nous allons l'étudier. Nous pencherons sur tous ces mémoires avant la fin de la session à la mi-juin. Merci d'être venu.
Le groupe suivant représente l'Institut du vin canadien. Monsieur Soleas et monsieur Diston, bonjour. Bienvenue au Sous-comité qui s'occupe du projet de loi C-222.
M. David Diston (consultant, Institut du vin canadien): Je suis David Diston, consultant auprès de l'Institut du vin canadien. Je remplace le président de cet institut, Roger Randolph, qui est malheureusement sorti de l'hôpital hier matin seulement et ne peut pas participer à cette réunion.
Je suis accompagné par George Soleas. George est président du comité technique de l'Institut du vin canadien et directeur de la recherche et du développement des Vins Andrès Limitée.
J'ai la chance d'être plus ou moins en retraite, mais j'occupais auparavant un poste de cadre chez Vincor International Inc.
Vous avez notre mémoire détaillé. Ce matin, nous aimerions mettre l'accent sur trois questions qui y sont abordées. M. Soleas parlera du travail réalisé par l'Institut du vin canadien et d'autres personnes au sujet des avantages qu'une consommation modérée de vin peut représenter pour la santé.
En deuxième lieu, je voudrais souligner ce que l'Association des distillateurs canadiens a déjà exposé de façon assez détaillée ce matin, et je ne m'étendrai donc pas longuement là-dessus. Le fait est que toutes les recherches montrent que le public est très conscient des dangers associés à une consommation excessive d'alcool. Il semble que, dans ce sens, les étiquettes de mise en garde ne rendraient pas les gens plus conscients du problème. Il est extrêmement difficile de toucher le nombre relativement limité de gens qui ne sont pas conscients des dangers que pose une consommation excessive d'alcool. La recherche confirme apparemment que les étiquettes de mise en garde ne contribuent pas à atteindre ces gens-là. Vu ce qu'est malheureusement le mode de vie des gens qui consomment régulièrement des quantités excessives d'alcool, ils ont tendance à ne pas lire ce genre de choses.
Donc, pour ne pas perdre de temps, je demanderai à M. Soleas de parler des travaux que nous avons réalisés au sujet des effets bénéfiques d'une consommation modérée. Nous pensons que certaines des formes de mise en garde proposées risqueraient d'avoir un effet négatif à cet égard.
M. George Soleas (président, Comité technique et directeur de la recherche du développement de «Andres Wines Limited», Institut du vin canadien): Je vous demanderai de m'excuser de faire un exposé assez technique aujourd'hui, mais je pense que c'est nécessaire pour mettre tout le monde au courant de nos activités.
La coutume de boire du vin avec modération est le fruit d'une sagesse accumulée au fil des siècles. Toutefois, depuis une vingtaine d'années, de nombreuses études - qu'il s'agisse d'études épidémiologiques, cliniques ou in vitro ou encore d'études effectuées sur des animaux - ont montré que l'alcool, surtout le vin, accroît la longévité et diminue les insuffisances coronariennes.
À quoi est dû ce résultat? L'alcool augmente la quantité de lipoprotéine de haute densité, le bon cholestérol. En fait, de nombreux médecins et chercheurs vous diront aujourd'hui que, pour chaque tranche d'un dixième d'unité d'augmentation de ce produit, le risque d'insuffisance coronarienne diminue de 25 p. 100. Certaines études montrent que si vous consommez jusqu'à deux verres par jour - il ne s'agit pas d'en boire 14 le dimanche soir - , c'est-à-dire si vous buvez avec modération, vous pouvez réellement diminuer votre risque d'insuffisance coronarienne de 50 p. 100. Cela réduit fortement le taux de coagulation du sang, qui est un facteur dans les insuffisances coronariennes et les thromboses cérébrales. L'alcool est une importante composante du vin, qui en contient 10 ou12 p. 100.
En plus des effets de l'alcool, les composés phénoliques du vin, qu'on trouve sur la peau des raisins et qui se diffusent dans le vin pendant la fermentation, sont d'excellents antioxydants. J'ai vu à la télévision hier soir qu'une étude sur la vitamine E va paraître aujourd'hui dans le New England Journal of Medicine. Nous avons comparé les effets de la vitamine E et des composés phénoliques du vin. En fait, ces composés préviennent de 10 à 20 fois plus fortement l'oxydation du mauvais cholestérol. Or, s'il n'est pas oxydé, il n'est pas si mauvais que ça. C'est donc sans doute une des raisons pour lesquelles le vin et l'alcool peuvent réduire le risque d'insuffisance coronarienne.
Ces composés phénoliques du vin ont également pour effet de dilater les vaisseaux sanguins. Ils produisent un composé appelé facteur relaxant d'origine endothéliale. En fait, ils assouplissent les vaisseaux sanguins. Ils inhibent la production dans le sang de certains composés qui entraînent des inflammations appelées leucotriènes ou prostaglandines. D'après certains scientifiques, cela réduit le stress. C'est quelque chose que je ne peux pas mesurer, mais certaines études le prouvent.
Je viens de revenir d'une conférence sur le cancer à Washington. De nombreuses communications portaient sur les composés chimiques essentiels présents dans le vin rouge et le vin blanc qui inhibent en fait la tumorigénèse ou la croissance du cancer.
Voilà donc les avantages qu'on pourrait tirer d'une consommation modérée de vin. Cela fait partie d'un mode de vie sain que l'industrie du vin a toujours encouragé.
En 1993, l'Organisation mondiale de la santé, en collaboration avec la Harvard Medical School of Public Health, a mis au point ce qu'on appelle la pyramide alimentaire méditerranéenne dans laquelle la consommation modérée de vin est recommandée comme composante d'une alimentation saine.
Le gouvernement britannique a récemment établi des niveaux recommandés de consommation d'alcool. Le gouvernement des États-Unis conseille, lui aussi, de consommer du vin avec modération dans ses lignes directrices en matière d'alimentation et le gouvernement du Canada en fait autant.
J'ai récemment lu dans le New York Times qu'en présentant les nouvelles lignes directrices lors d'une conférence de presse, le Dr Philip Lee, secrétaire adjoint à la santé, a déclaré: «À mon avis, la consommation modérée de vin pendant les repas est bénéfique. Il y avait jadis d'importants préjugés contre les boissons alcoolisées. Passer d'une opposition résolue à l'alcool à la reconnaissance de ses effets bénéfiques est un gros changement.»
D'après un autre article,
- Philip R. Lee, secrétaire adjoint à la santé et aux services humains, a déclaré: «De nouvelles
constatations scientifiques montrent que la consommation modérée d'alcool peut être bonne
pour la santé. Nous ne recommandons pas aux gens de boire.» Mais, pour dire vrai, il a ajouté:
«C'est ce que montrent les recherches. Et il ne faut pas dissimuler les faits scientifiques.»
[Français]
Mme Picard: Vous nous avez parlé des avantages de la consommation modérée du vin, mais j'imagine que vous êtes conscient des accidents attribuables à la surconsommation des produits du vin.
Vous investissez, vous aussi, dans des programmes de prévention. J'aimerais savoir combien vous dépensez en publicité et en programmes de prévention. Avez-vous calculé quel serait votre coût pour l'implantation des étiquettes? Je sais que vous allez me répondre que cela coûte cher. Qu'est-ce qui coûte cher là-dedans?
[Traduction]
M. Diston: Madame la présidente, je peux m'engager à fournir ces renseignements. Je ne les ai pas pour le moment. Je pense que M. Randolph l'aurait su, mais je n'ai rien mis à ce sujet dans ma trousse d'information quand j'ai été chargé de venir faire cet exposé. Je m'engage à fournir nos meilleures estimations au comité dès que possible, ce qui devrait vouloir dire immédiatement.
La présidente: Merci. Monsieur Hill.
M. Hill: Monsieur Soleas, il est vrai que la consommation modérée d'alcool, et en particulier de vin, a très peu d'effets négatifs et qu'elle a, en fait, des effets positifs, mais vous êtes à côté de la question quand vous dites qu'il y a, dans de nombreux pays, des programmes diététiques qui recommandent la consommation modérée d'alcool. Vous reconnaîtrez que nulle part dans le monde un de ces programmes ne recommande la consommation d'alcool pendant la grossesse.
M. Soleas: Je suis d'accord avec vous. Aucun programme ne recommande la consommation d'alcool pendant la grossesse.
M. Hill: Vous reconnaîtrez, j'en suis sûr, que, dans ces conditions, cela pose d'importants problèmes aux profanes et qu'on ne sait pas avec certitude si une consommation même modérée d'alcool pendant la grossesse ne porte pas préjudice au foetus.
M. Soleas: Docteur Hill, madame la présidente, je n'ai absolument rien vu de publié dans quelque revue scientifique que ce soit qui donne à penser qu'une consommation modérée d'alcool peut nuire au foetus. Néanmoins, nous n'encourageons pas les femmes à boire pendant la grossesse.
La thèse que je défends est que les étiquettes de mise en garde que l'on propose sont ambiguës, trompeuses et reflètent une attitude alarmiste. C'est une stratégie inefficace et dépassée. On les utilise aux États-Unis depuis six ans. D'après une étude du Dr Hankin sur les étiquettes de mise en garde contre le SAF, publiée en 1993 dans le Journal of Public Policy and Marketing, les femmes qui ne courent aucun risque de nuire à leur bébé du fait de leur consommation d'alcool réduisent se mettent à boire légèrement moins. Celles dont la consommation d'alcool atteint un niveau dangereux - et c'est elles qui forment le groupe à risque - ne modifient pas le moins du monde leur consommation.
M. Hill: Je reviens donc à ma question précédente, que, je suis sûr, vous avez entendue, puisque je conviens qu'un message verbal peut poser des problèmes pour le groupe ciblé. Un dessin spécifiquement conçu pour les femmes enceintes - cette idée a-t-elle été bien ou mal accueillie par l'industrie du vin?
M. Diston: Madame la présidente et monsieur Hill, je pense que notre point de vue est quasiment identique à celui qu'a exprimé l'Association des distillateurs canadiens.
J'ajouterai, docteur Hill, qu'à mon avis, vous avez raison pour ce qui est du fait qu'il est souhaitable que les personnes à risque soient avisées par leurs proches qu'il est déconseillé de consommer de l'alcool pendant la grossesse. Je pense que c'est bien. De la même façon qu'on a fait prendre conscience aux gens de conseiller aux buveurs de prendre un taxi au lieu de conduire leur auto, une prise de conscience identique serait souhaitable dans le cas des risques pour la santé liés à la grossesse. Je pense que le public est suffisamment au courant de ces problèmes et des problèmes potentiels pour que toute personne fréquentant une femme enceinte sache qu'il faut la mettre en garde.
M. Hill: Pour finir, pourriez-vous me dire quels programmes volontaires votre institution est prête à entreprendre afin que cela se fasse et que les législateurs n'aient pas à prendre des mesures répressives à votre endroit?
M. Diston: Pour ce qui est de placer des étiquettes de mise en garde sur le contenant, nous ne sommes pas en faveur de cette méthode.
M. Hill: Vous êtes contre cela, mais que proposez-vous d'autre?
M. Diston: Si la loi l'exige, nous le ferons, bien entendu.
Nous participons au programme Éduc'alcool au Québec. Avec d'autres organismes, l'industrie du vin a parrainé une conférence sur la santé à Toronto il y a deux ans en apportant une forte participation financière et diverses autres contributions. Certaines de ces questions y ont été étudiées. Nous vous indiquerons la somme que nous avons dépensée quand nous vous enverrons les renseignements dont nous venons de parler.
Notre industrie est beaucoup plus petite que les deux autres secteurs des boissons alcoolisées. Les deux tiers du vin vendu au Canada sont importés mais ceux d'entre nous qui produisent le tiers restant apportent leur contribution à certaines de ces activités et nous vous donnerons les détails.
La présidente: Merci, docteur Hill.
Madame Chamberlain, avez-vous une question?
Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): J'aimerais avoir une précision de la part duDr Hill. Les questions que vous avez posées concernaient le syndrome d'alcoolisme foetal et les femmes enceintes. On a très peu parlé des enfants.
Madame la présidente, vous avez fait un commentaire au sujet de l'affiche. En tant que mère de trois adolescents, dont deux, qui ont 17 et 19 ans, sont à l'âge critique... Docteur Hill, cette sensibilisation n'est-elle pas tout aussi importante? C'est une question sincère. Je n'ai pas très bien compris ce qu'il y avait derrière ces questions.
La présidente: Il n'est pas ici aujourd'hui à titre de témoin.
Mme Chamberlain: Non, n'est-ce pas...?
La présidente: Il peut poser toutes les questions qu'il veut. Le projet de loi concerne le syndrome de l'alcoolisme foetal.
M. Hill: Laissez-moi répondre afin que les autres membres du comité sachent où je me situe. Je pense qu'une loi est légitime lorsque le problème touche des gens qui ne sont pas directement responsables. Il est très utile d'avoir une loi sur la fumée secondaire. C'est le cas également pour le foetus, qui n'a pas son mot à dire. Le reste, pour moi, est une question d'éducation.
Mme Chamberlain: Merci. Je voulais simplement une précision.
La présidente: Monsieur Murphy.
M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Dans tout ce débat, nous recevons des messages contradictoires. Nous avons parlé du fait que le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies et d'autres organismes disent que rien ne prouve que ces étiquettes sont utiles, mais qu'il faut quand même les utiliser. Le Dr Hill a signalé l'aide apportée par des jeunes gens à d'autres parce qu'ils avaient lu quelque chose sur une bouteille d'alcool, ce qui peut donc inciter à agir.
Je pense que certains des programmes de sensibilisation réalisés par vous et par d'autres sont excellents. Je suis de ceux qui seraient prêts à dire cela. Si ces étiquettes peuvent avoir un impact même minime, je pense qu'il faut les utiliser. Que répondez-vous à cela?
M. Diston: Je pense que nous répondrions que nous n'avons vu aucune preuve que des étiquettes de mise en garde pourraient être utiles. Il ne semble pas qu'elles donnent le résultat que nous cherchons à obtenir. Toutes les recherches effectuées montrent que les gens sont déjà de plus en plus conscients du problème.
M. Murphy: Madame la présidente, nous avons entendu des gens nous parler des études et des choses comme ça, et je me demande si le comité ne devrait pas étudier la question de façon un peu plus approfondie et examiner les études existantes. Nous devrions peut-être nous adresser à quelqu'un qui pourrait nous dire: «Voici les études qui ont été faites. Les étiquettes n'ont aucun intérêt, elles ne donnent aucun résultat, elles ne contribuent en rien à améliorer la prise de conscience ou le comportement des gens.» Nous devrions peut-être voir plus de choses. On proclame à tout vent que ces études ont été réalisées, que les étiquettes ne donnent aucun résultat, mais je pense qu'il nous faudrait plus de preuves.
La présidente: C'est une bonne question. Pour compléter ce qu'a dit M. Murphy, combien de ces études incluent des femmes? Combien incluent des femmes enceintes? Y a-t-il eu des expériences portant sur elles?
M. Soleas: Oui. De nombreuses études ont été publiées dans des revues très prestigieuses comme The Lancet, The British Medical Journal ou The New England Journal of Medicine. Nous vous en avons envoyé quelques-unes - je suis sûr que Roger Randolph vous les a envoyées - et le message est clair. Je serais prêt à vous en envoyer d'autres.
La présidente: Pouvez-vous les envoyer au comité afin que nous puissions les examiner?
M. Soleas: Oui.
La présidente: Merci. Monsieur Pillitteri.
M. Pillitteri (Niagara Falls): Certains pensent peut-être que je fais partie de ce comité parce que je suis directement concerné, mais ce n'est pas du tout le cas, je le dis clairement.
Je connais David Diston. Lorsque je lui ai dit pour la première fois que j'ouvrais une vinerie, son premier commentaire a été le suivant: «Si vous voulez vous retrouver avec une petite fortune en vendant du vin, il faut que vous ayez une grosse fortune au départ, mais vous y trouverez bien du plaisir.»
J'ai d'ailleurs toujours bu de façon modérée et j'ai assez de vin pour pouvoir m'y baigner du matin au soir, il n'a donc jamais été question pour moi d'en abuser. Je pense que toute personne qui a des liens étroits avec le vin a plus tendance à le respecter qu'à en abuser. C'est la sensibilisation, pas seulement celle réalisée de mon propre chef, qui a beaucoup plus d'effet que l'étiquetage.
Comme David Diston l'a signalé, nous avons très peu notre mot à dire sur le marché canadien. Nous n'en représentons qu'un tiers. Les deux tiers du vin consommé au Canada viennent d'autres pays.
Nous faisons également face à un dilemme dans notre propre pays, sur notre propre marché national: les autres pays avec lesquels nous sommes en concurrence sur notre propre marché dictent en fait les prix et les conditions de la concurrence dans ce secteur. D'autres pays, en particulier en Europe, les Français et les Italiens, subventionnent fortement le vin qu'ils exportent au Canada. Pour eux, s'introduire sur notre marché représente simplement un facteur de coût supplémentaire de quelques sous.
Les gens pensent que, dans l'industrie du vin ontarienne en particulier, on peut gagner énormément d'argent, qu'elle est très perfectionnée. Si certains de nos amis lisaient certains magazines, s'ils savaient certaines des choses qui se passent dans l'agriculture, parce que je rattache le vin à l'agriculture... Si une bouteille de vin coûte 6,40 $, il n'en reste pour nous que 2,28 $. J'ai dit que cela nous «reste», mais j'oubliais de vous dire tout ce que le fabricant doit investir pour gagner ces 2,28 $. Il y a la bouteille, le bouchon, l'étiquette, la main-d'oeuvre, les taxes sur les entreprises, mais surtout les raisins utilisés pour faire le vin.
La présidente: Vous pouvez utiliser la totalité de vos cinq minutes pour faire une déclaration. Vous en avez déjà utilisé trois et demie.
M. Pillitteri: J'ai utilisé trois minutes et demie, mais je voulais juste poser une simple question. Si ce projet de loi est adopté, il faudra bien sûr que l'industrie s'y plie, mais vous restera-t-il encore une possibilité quelconque de rester autosuffisant au Canada si nous ajoutons d'autres facteurs de coût? Le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces ne tiennent parfois pas compte de cela.
Notre industrie se porte-t-elle assez bien pour qu'au lieu de la sensibilisation, nous passions à l'étiquetage, augmentions les prix et imposions des coûts supplémentaires alors qu'elle pourrait réellement être autosuffisante? Est-ce utile quand les études montrent que cela ne donne aucun résultat?
La présidente: Il ne vous a laissé qu'une demi-minute.
M. Diston: Je suis d'accord avec M. Pillitteri pour dire que l'industrie du vin est fortement surimposée, madame la présidente. Le coût éventuel de la mise en oeuvre de cette décision ne changera rien à notre situation vis-à-vis de nos concurrents parce qu'elle s'appliquera autant aux fournisseurs étrangers qu'aux fournisseurs canadiens.
En fin de compte, les consommateurs devront payer leur vin plus cher si cela constitue un important facteur de coût, comme je pense que ce sera le cas, surtout pour de nombreux vins importés. Dans le cas des petites vineries canadiennes, dont beaucoup survivent à grand peine, c'est en fait le consommateur qui paiera.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Diston.
Madame Picard, avez-vous une autre question?
[Français]
Mme Picard: En 1989, les États-Unis ont adopté une loi qui exigeait l'apposition d'étiquettes. Vous êtes-vous opposés à cette loi-là lorsque les États-Unis ont décidé de réglementer?
[Traduction]
M. Diston: Pour autant que je sache, l'Institut du vin canadien ne s'y est pas opposé. Nous avons considéré cela comme une question interne aux États-Unis. Je suis sûr que le Wine Institute et d'autres organismes du même genre aux États-Unis, qui n'ont rien à voir avec nous - leur siège est en Californie ou dans d'autres États - ont fait part de leurs réserves et ont recommandé de ne pas adopter une telle mesure, mais qu'on n'a pas tenu compte de leurs objections à ce moment-là. Pour autant que je sache, nous ne sommes certainement pas intervenus de cette façon.
[Français]
Mme Picard: Actuellement, exportez-vous vos vins aux États-Unis?
[Traduction]
M. Diston: En quantités extrêmement limitées. Les vineries canadiennes exportent bien moins 1 p 100 de leur production aux États-Unis. La plupart des exportations de vin canadien vont au Royaume-Uni et dans certains pays des Antilles et de l'Extrême-Orient. Nous exportons un peu aux États-Unis, mais très, très peu.
[Français]
Mme Picard: D'autres pays ont-ils adopté une loi concernant la mise en garde sur les contenants?
[Traduction]
M. Diston: Oui, à ma connaissance, certains autres pays ont un étiquetage non pas identique, mais similaire. Les États-Unis ne sont pas les seuls.
[Français]
Mme Picard: Est-ce que certaines études ont démontré l'efficacité de ces étiquettes sur les contenants ou est-ce très peu significatif si ce n'est pas accompagné de programmes de prévention?
[Traduction]
M. Diston: Je ne suis pas un expert en ce qui concerne certains de ces autres pays, maisM. Soleas est peut-être au courant des études qu'on y aurait faites.
M. Soleas: Je ne suis pas au courant d'études réalisées dans ces pays. Je suis au courant de celles qui ont été faites aux États-Unis.
M. Diston: Je crois, mais je ne peux pas vous l'assurer, qu'il y en a eu au Royaume-Uni.
La présidente: Je pense que nous devrions accorder quelques minutes à M. Szabo puisque c'est lui qui est à l'origine de ce projet de loi.
M. Szabo: Vous étiez d'accord avec le point de vue des distillateurs, selon lequel le niveau de connaissance des risques liés à l'abus de boissons alcooliques était très élevé, atteignant 95 p. 100 dans certains cas. Il en découle donc, je pense, que les étiquettes ne sont pas nécessaires parce que tout le monde est au courant. Est-ce que, de façon générale...
M. Diston: Non, je crois que vous interprétez mal mes propos.
M. Szabo: La suite de ma question serait la suivante: si le niveau de prise de conscience est déjà très élevé, pourquoi essayons-nous de le renforcer au moyen d'affiches et de toutes sortes d'autres choses?
M. Diston: Nous pensons que les autres formes de sensibilisation ont sans doute de meilleures chances d'atteindre le nombre limité de personnes restantes et de renforcer la prise de conscience des membres des groupes à risque élevé.
M. Szabo: Très bien, je comprends.
Il y a une longue liste de problèmes qui sont liés à l'abus d'alcool, notamment 19 000 décès et un coût de 15 milliards de dollars. Pensez-vous que les conséquences de l'abus d'alcool se situent donc maintenant à un niveau acceptable et qu'il ne faut pas en faire plus pour toucher cette dernière tranche de 5 p. 100?
M. Diston: Non, nous ne pensons pas que c'est acceptable.
M. Soleas: Absolument pas, mais il me semble qu'il vaut mieux que l'industrie consacre ses ressources à des programmes de sensibilisation visant ces groupes à risque plutôt que tout le monde.
Mme Chamberlain: Je voudrais faire un commentaire. Mon collègue, M. Szabo, a signalé que ces bouteilles avaient été achetées aux États-Unis et qu'elles comportaient une mise en garde. J'étais là, j'ai bien regardé et j'ai vraiment dû regarder de très près pour voir cette mise en garde. Je fais ce commentaire parce que je pense qu'à certains égards, cela confirme ce que ces gens-là nous disent.
Une voix: Il faudrait que nos étiquettes soient beaucoup plus grandes.
Mme Chamberlain: Oui, beaucoup plus grandes. Je demanderai aux membres du comité d'y jeter un coup d'oeil. Elles ne sont pas toujours placées au même endroit, ce qui n'est pas très bien. Je ne les avais jamais vues auparavant.
La présidente: Merci d'être venus. Je voudrais vous demander une chose avant que vous ne partiez. Comme le groupe précédent, vous avez répété constamment que vous réalisiez des programmes de sensibilisation auprès de la population de votre propre initiative. Pourriez-vous fournir au comité des preuves de l'efficacité de ces programmes?
M. Diston: Je ferai de mon mieux.
La présidente: Nous vous en serions reconnaissants.
Le groupe suivant est l'Association des brasseurs du Canada, qui est représentée par quatre témoins: M. Morrison, président et directeur administratif, M. Sleeman, président, M. Collins, vice-président exécutif, affaires publiques et corporatives et M. Millette, président et directeur général de l'Association des brasseurs du Québec.
M. John Sleeman (président, Association des brasseurs du Canada): Bonjour. Je suis président-directeur général de Sleeman Brewing and Malting, une brasserie familiale de Guelph en Ontario. Je suis également président de l'Association des brasseurs du Canada.
Je voudrais vous remercier de nous donner la possibilité de comparaître devant vous ce matin pour discuter, au nom des 24 brasseurs membres de notre association au Canada, de la question de l'apposition d'étiquettes de mise en garde sur les contenants de boissons alcoolisées.
Nous avons fourni des documents au comité. Notre déclaration d'ouverture sera donc brève, d'autant plus que nous sommes un peu en retard ce matin.
C'est, pour nous, un problème très important. Je dirai, pour commencer, que l'Association des brasseurs canadiens appuie entièrement l'objectif visant à réduire l'abus d'alcool. Nous avons depuis longtemps des programmes visant à encourager un comportement plus raisonnable de la part de la minorité de Canadiennes et de Canadiens qui consomment trop d'alcool. Notre association et ses membres, qui représentent 99 p. 100 de la production nationale de bière, présentent des programmes de sensibilisation à la télévision, à la radio, dans les médias imprimés et distribuent des brochures dans les points de vente. Ces programmes mettent, de façon générale, l'accent sur la modération et, à l'inverse, sur le prix que la société et tous ses membres ont à payer en cas de consommation excessive.
En outre, nous avons formé des partenariats avec des organisations professionnelles pour élaborer et mettre en oeuvre des programmes ciblant directement les gens qui risquent le plus d'abuser de l'alcool. Nous finançons également des activités de recherche fondamentale sur les conséquences de la consommation d'alcool sur la santé et le comportement. Je voudrais vous parler pendant quelques instants de certains de ces partenariats.
Le premier nous unit au Collège des médecins de famille du Canada. Lorsque la documentation scientifique et les résultats de discussions avec des chercheurs ont démontré qu'un nombre croissant d'études établissaient un lien entre la consommation constante d'alcool pendant la grossesse et le SAF, les brasseurs et le Collège des médecins de famille ont préparé et lancé des programmes de sensibilisation au SAF. En outre, nous avons financé, de concert avec Santé Canada, un programme couvrant un plus vaste éventail de problèmes liés à l'alcool. Un comité directeur composé de médecins de famille représentant chaque région du pays a effectué des recherches et élaboré un programme qui fournit aux médecins les outils dont ils ont besoin pour identifier en temps voulu les gens qui risquent le plus d'abuser de l'alcool et intervenir alors auprès d'eux.
Nous avons également un partenariat avec l'Association des médecins autochtones du Canada. Pour encourager les autochtones à consommer de l'alcool avec modération, les brasseurs ont financé la recherche et le développement par cette association d'un programme intitulé «Au nom des nôtres». Ce programme a été élargi en février avec le lancement d'une nouvelle campagne de sensibilisation à l'aide d'une vidéo, conçu par les médecins autochtones et financé par les brasseurs. Cette vidéo met l'accent sur la protection de la santé des autochtones enceintes et les met expressément en garde contre le syndrome d'alcoolisme foetal.
Nous avons également un partenariat avec BACCHUS Canada. Les brasseurs appuient cet organisme qui préconise l'usage modéré de l'alcool par les élèves des établissements d'enseignement postsecondaire du pays. On prépare du matériel et des messages adaptés à ce groupe d'âge pour les utiliser dans plus de 100 collèges et universités du Canada.
De surcroît, nous avons un partenariat avec le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies. L'une des préoccupations soulevées en 1992 lors d'une série de colloques nationaux portant sur le syndrome d'alcoolisme foetal, le SAF, était le manque de ressources mises à la disposition des groupes communautaires cherchant à se renseigner sur la façon d'aborder le problème aussi bien sur le plan du traitement que de l'élaboration de programmes de prévention. Les brasseurs canadiens ont accepté de financer un centre de ressources sur le SAF au Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie. Ce centre fournit des renseignements aux groupes communautaires ou aux particuliers dans l'ensemble du pays par téléphone ou au moyen d'un réseau informatique.
Au cours des 10 dernières années, les financiers ont consacré près de 100 millions de dollars aux programmes pour la modération et aux partenariats. Aucune autre industrie n'a investi plus de ressources humaines et financières que les brasseries canadiennes pour promouvoir l'usage modéré de leurs produits. Nous poursuivons notre engagement envers ce que nous concevons comme une responsabilité collective et sociale.
Nous sommes convaincus qu'en combinant une publicité directe au moyen de messages télévisés ou radiodiffusés, de publicité imprimée, d'affichage dans les points de vente et de partenariats avec divers groupes, comme ceux que nous avons mentionnés ce matin, nous continuerons de contribuer grandement à l'adoption d'un comportement responsable de la part des consommateurs.
Je demanderai à Yvon Millette de continuer.
[Français]
M. Yvon Millette (président et directeur général, Association des brasseurs du Québec, Association des brasseurs du Canada): C'est ainsi qu'à l'instar de tous les programmes mis de l'avant par les brasseurs, une recherche minutieuse est effectuée afin d'assurer la pertinence des messages et des programmes éducatifs destinés aux différents auditoires.
Pour le Québec, par exemple, les programmes ne sont pas simplement des traductions ou des adaptations des programmes nationaux, mais sont conçus spécialement par des agences québécoises pour découper les programmes selon la population et selon les habitudes des Québécois.
Nous croyons que tous les efforts et les ressources doivent être mis en place efficacement afin d'assurer le succès de nos programmes éducatifs. Notre implication dans ces programmes n'est pas simplement symbolique, mais un honnête et sincère effort au cours des années afin d'assumer notre rôle de bon citoyen corporatif. Je crois sincèrement que les programmes éducatifs que les brasseurs ont mis de l'avant au fil des ans sont les plus efficaces pour traiter des problèmes d'abus d'alcool.
[Traduction]
M. Sleeman: Merci, Yvon.
Je demanderai à Sandy Morrison, président de l'Association des brasseurs, de dire quelques mots.
M. Sandy Morrison (président, Association des brasseurs du Canada): Passons directement à la mesure proposée, l'obligation d'apposer des étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées; nous pensons que cela ne contribue aucunement à réduire l'abus d'alcool. Depuis que de telles étiquettes ont commencé d'être utilisées aux États-Unis en 1989, de nombreuses études, auxquelles d'autres ont fait allusion, ont montré qu'elles ne modifient pas le comportement des gens qui abusent de l'alcool.
Les brasseurs du Canada ont récemment fait effectuer un sondage au Canada pour déterminer si un étiquetage obligatoire tel que proposé par le projet de loi C-222 fournirait en fait des renseignements nouveaux aux consommatrices et consommateurs. Vous trouverez les résultats complets de ce sondage dans notre mémoire.
Il a révélé, premièrement, que la quasi-totalité de la population, plus de 95 p. 100, savaient que l'alcool peut occasionner des problèmes de santé, surtout pendant la grossesse, et que la consommation excessive d'alcool réduit la capacité à conduire un véhicule ou à utiliser du matériel lourd. Deuxièmement, quand on leur proposait plusieurs méthodes possibles de lutte contre l'abus d'alcool, les personnes sondées ont, régulièrement et à une forte majorité, appuyé précisément les types de programmes d'information et de sensibilisation ciblés que nous avons mis au point et que nous finançons. Quinze pour cent au plus considéraient, par contre, les étiquettes de mise en garde comme un moyen efficace.
Sauf votre respect, le projet de loi C-222 ne peut pas être présenté comme répondant au souhait exprès de la population canadienne de disposer de programmes efficaces permettant de régler le problème de l'abus d'alcool, surtout compte tenu de l'existence d'autres programmes de sensibilisation et d'intervention tels que ceux que nous offrons.
M. Sleeman: Ce qui nous préoccupe beaucoup est l'effet que ce projet de loi pourrait avoir sur les programmes actuels prônant la modération. Si la loi nous force à apposer des étiquettes sur nos bouteilles, nous avons deux options. Nous pouvons répercuter sur les consommateurs les 10 à12 millions de dollars que cela coûtera annuellement. Cela correspondrait à une augmentation de2,5 p. 100 de la taxe d'accise, alors que le consommateur canadien paie déjà les taxes sur la bière les plus élevées du monde. Nous pourrions également couvrir le coût de ces étiquettes à même les revenus annuels de l'industrie, en utilisant vraisemblablement les fonds actuellement consacrés à prôner la modération. En cette période de limitation des ressources tant pour le gouvernement que pour le secteur privé, nous pensons qu'il faudrait utiliser l'argent disponible là où il a les effets les plus positifs. Nous pensons également que les programmes ciblés présentent de bien meilleures chances de réussite que l'étiquetage.
Outre les coûts annuels constants de 10 millions de dollars à 12 millions de dollars entraînés par l'impression d'une étiquette supplémentaire et son apposition sur nos contenants, nous aurions à faire une dépense initiale de 30 millions de dollars pour apporter à nos systèmes de production les changements nécessaires pour répondre à cette exigence d'un étiquetage de mise en garde.
Dans ma société, par exemple, il m'est absolument impossible d'apposer cette étiquette obligatoire sur notre bouteille. Il faudra que je l'élimine et que j'en achète de nouvelles parce que, vu la façon dont nous réalisons l'embouteillage, la bouteille descend en tournant le long de la chaîne et il est impossible d'apposer une étiquette ailleurs que sur le col. Il faudrait donc jeter ces bouteilles. Elles existent depuis 100 ans. Elles sont faites sur le modèle de celles de mon grand-père. Je devrais donc me débarrasser d'une partie du patrimoine de ma société, introduire de nouvelles bouteilles et l'équipement nécessaire pour apposer les étiquettes.
Cela coûterait plus de 5 millions de dollars à Sleeman Brewing. Il nous faudrait plus de cinq ans pour payer cela. L'argent que nous devrions utiliser pour engager de nouveaux employés et assurer l'expansion de notre entreprise servirait à apposer ces étiquettes sur les bouteilles. Cela aurait de graves répercussions sur mon entreprise.
La présidente: Vous parlez déjà depuis 10 minutes.
M. Sleeman: Je n'ai que quelques mots à ajouter. Puis-je continuer ou voulez-vous que je m'arrête?
La présidente: Terminez simplement, s'il vous plaît.
M. Sleeman: Je ne vais plus suivre les notes que nous avions préparées et je dirai, pour conclure...
La présidente: Il y a encore la période de questions et de réponses.
M. Sleeman: ... que nous voulons continuer à encourager une utilisation responsable de nos produits et à investir dans les programmes dont nous avons constaté la réussite au cours de ces dernières années.
La présidente: Merci beaucoup. Je suis désolée de limiter ainsi votre temps de parole, mais tout le monde est impatient de vous poser des questions.
Madame Picard.
[Français]
Mme Picard: J'aimerais féliciter les membres de votre association pour leur implication dans tous ces programmes éducatifs et dans les publicités choc qui ont démontré l'efficacité de la sensibilisation à l'abus de l'alcool.
Vous avez commencé à parler de coûts et c'est ce qui m'intéresse ce matin. Je vais reprendre les questions que j'ai posées aux autres associations. Combien dépensez-vous actuellement pour vos programmes de sensibilisation et vos publicités? Combien dépensez-vous pour la promotion de vos produits?
Avez-vous calculé les coûts de l'implantation des étiquettes? J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur les coûts de l'apposition d'étiquettes sur les bouteilles.
M. Millette: Pour ce qui est de la première partie de votre question, madame Picard, les dépenses reliées aux programmes éducatifs ont été, en moyenne, au cours des dix dernières années de 9,5 millions de dollars, d'où les 95 millions de dollars dont parlait M. Sleeman dans sa présentation. Ce sont des programmes qui venaient des associations brassicoles canadiennes et des différentes provinces, ainsi que des compagnies membres qui ont présenté des programmes au fil des années.
Pour ce qui est de l'autre partie de votre question, à savoir les coûts reliés aux étiquettes, on parle d'environ 37 millions de dollars en frais d'immobilisation et en modification d'équipement, donc en coûts de capital pour ajuster la production afin d'apposer les étiquettes sur les contenants.
En ce qui a trait aux dépenses d'exploitation, les dépenses sont de l'ordre de 10 à 12 millions de dollars par année. Pour l'an un, on parle d'environ 45 millions de dollars pour l'ensemble de l'industrie brassicole canadienne.
Mme Picard: J'imagine que vous étiez là, en 1989, quand les États-Unis ont adopté leur loi sur les étiquettes. L'Association des brasseurs du Canada s'est-elle opposée à cette loi? Vous êtes-vous manifestés contre l'adoption de ce projet de loi?
M. Millette: Si vous me permettez une boutade, madame Picard, je vous dirai que nous nous intéressons davantage aux lois canadiennes et provinciales. Il nous faut quand même pas mal de temps pour suivre l'évolution de ces lois et règlements.
Que je sache, notre industrie n'a pas fait de représentations lors de l'adoption de cette loi américaine.
Mme Picard: Combien cela vous coûte-t-il actuellement? Quand vous exportez vos produits aux États-Unis, vous êtes obligés de vous soumettre à leurs normes. Avez-vous évalué combien vous coûte le respect de ces normes?
M. Millette: Je n'ai pas ce chiffre ici. Vous me parlez des exportations?
Mme Picard: Oui.
M. Millette: Non, sinon que les lignes d'embouteillage des produits destinés à l'exportation sont restreintes, de façon à limiter les coûts. Je n'ai pas ce chiffre ici.
Mme Picard: Mais vous avez des études, je crois, qui démontrent que cette loi est plus ou moins efficace. Savez-vous si cette loi américaine a été modifiée depuis son adoption en 1989?
M. Millette: Elle n'a pas été révisée, mais on parle de plus en plus, dans les milieux brassicoles américains, de revoir cette formule. Je vois, dans la correspondance des différentes industries américaines liées aux boissons alcooliques, qu'on devrait revoir cette loi puisqu'elle est inefficace. Les études le démontrent de façon assez claire.
Mme Picard: Existe-t-il aux États-Unis, par le biais de vos associations, des programmes de sensibilisation comme on retrouve ici au Canada? Ont-elles des programmes de sensibilisation comme les nôtres, reliés à ces mises en garde?
M. Millette: Certains programmes éducatifs télévisés traversent aux États-Unis, entre autres certains programmes sportifs, et sont vus par les Américains. Mais vous comprendrez que nous avons déjà certains coûts reliés aux étiquettes de mise en garde. C'est une question d'efficacité dans l'allocation des ressources. Nous voulons éviter qu'il y ait duplication, bien sûr.
[Traduction]
M. Morrison: J'ajouterai simplement qu'il est juste de dire que l'Association nationale des brasseurs américains n'a pas de programmes éducatifs généraux comme ceux que nous avons au Canada. Aux États-Unis, chaque brasserie à ses propres programmes, mais il n'existe pas de programme national global comme au Canada.
La présidente: Merci. Monsieur Szabo.
M. Szabo: J'ai demandé aux groupes précédents si ces programmes étaient importants ou non. Ce que je voudrais savoir est si vous êtes vraiment convaincus qu'ils sont importants et décidés à les mettre en oeuvre. Je pense que M. Sleeman a répondu à cette question au nom des brasseurs en disant qu'ils les supprimeront s'ils doivent procéder à cet étiquetage. Donc, ils ne sont pas importants.
Maintenant, j'aimerais...
M. Sleeman: Je voudrais exprimer mon désaccord.
M. Szabo: Bon, vous pourrez répondre quand j'aurai fini, d'accord?
M. Sleeman a parlé des programmes de sensibilisation. Il n'y avait que ce mot, «sensibilisation», dans tout ce que vous avez dit. M. Morrison a ensuite dit que 95 p. 100 des gens étaient sensibilisés. C'est le chiffre qu'il a utilisé. Le groupe précédent avait dit qu'il cherchait en fait à atteindre les 5 p. 100 de personnes non sensibilisées.
Toutefois, ce que vous reprochez à l'étiquetage, si je comprends bien votre intervention, est qu'il ne contribue pas à prévenir l'abus d'alcool et qu'il ne modifie pas les comportements. Les étiquettes n'ont aucun effet sur le comportement. Elles ne préviennent pas l'abus et n'empêchent pas les alcooliques de boire. Mais ce que vous faites est bien, vos programmes éducatifs sont bien parce qu'ils favorisent la prise de conscience. Personne, absolument personne n'a dit que ce que vous faites contribue le moins du monde à prévenir l'abus d'alcool ni à modifier les comportements. Vous n'avez abordé qu'un aspect de la question et j'espère que vous pourrez me dire ce qu'il en est.
Je voudrais poser une question à M. Sleeman, puisque les brasseurs ne vont pas dépenser ces10 millions de dollars. Le ministère de la Santé a déjà pris connaissance de cela et dit que cela allait coûter 10 millions de dollars à Santé Canada puisque l'industrie a dit qu'elle n'allait pas dépenser 100 millions de dollars au cours des 10 prochaines années, ou 10 millions de dollars par an. Cela n'a rien à voir avec la réglementation... Je vais terminer ma question et vous pourrez alors y répondre.
Je suppose que vous connaissez le programme SIMDUT, le Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail. L'alcool éthylique, l'éthanol, est une substance mentionnée à la partie II de la Loi sur les produits dangereux. Il y est indiqué que tout produit contenant plus de 0,1 p. 100 d'éthanol constitue une substance mentionnée à l'annexe D2A au même titre que les autres produits cancérigènes et tératogènes.
Dans votre entreprise, là où vous utilisez ce produit, avez-vous des étiquettes de mise en garde pour vos employés, les avertissant de la présence de cette substance dans vos installations, particulièrement pour ce qui est du risque potentiel pour les femmes enceintes?
M. Sleeman: Je pensais que nous étions ici aujourd'hui, monsieur, pour parler des étiquettes de mise en garde sur les bouteilles et non pas de ma façon de gérer mon entreprise.
M. Szabo: Eh bien, monsieur, en vertu de la Loi sur les produits dangereux, il est obligatoire au Canada d'avertir les gens qu'ils risqueraient d'être exposés à des blessures si un produit n'était pas utilisé comme il le doit.
En fait, ma question concerne probablement plutôt Santé Canada. Si l'on met en garde des gens lorsqu'il y a plus de 0,1 p. 100 d'éthanol dans des produits présents sur leur lieu de travail, il me paraît évident que nous devrions avoir des mises en garde identiques dans ce cas-ci. La loi exige que cela soit fait sur les lieux de travail.
M. Sleeman: Quand aurai-je la possibilité de dire quelque chose?
M. Szabo: Je croyais que vous l'aviez fait. Je vous en prie, allez-y.
M. Sleeman: Si vous regardez les étiquettes, vous remarquerez que nous disons déjà aux gens combien il y a d'alcool dans la bière. On indique le chiffre de 5 p. 100. Notre façon de mettre en garde les gens à propos du produit qu'ils vont consommer est de consacrer 100 millions de dollars en 10 ans à leur dire comment l'utiliser correctement.
Ce que nous voulons dire est que nous n'avons pas le mauvais rôle; nous cherchons à préconiser une utilisation responsable, pas seulement à sensibiliser les gens. Vous acharnez sur un élément, mais nous cherchons à encourager l'utilisation responsable. Voilà pourquoi nous dépensons de l'argent en affiches ou en annonces diffusées à la télévision. Ce que nous vous disons, monsieur, c'est que les étiquettes ne donnent pas les résultats recherchés.
M. Morrison: Pour répondre à votre question concernant spécifiquement la sensibilisation, on aurait pu avancer cela il y a 20 ans lorsqu'on connaissait mal le syndrome de l'alcoolisme foetal. Une étiquette de mise en garde était nécessaire à l'époque puisque les gens n'étaient généralement pas au courant. Au lieu d'utiliser les étiquettes, les brasseries se sont lancées dans un programme de sensibilisation à assez grande échelle en collaborant avec les professionnels de la santé et Santé Canada. Les preuves sont là: les gens au courant sont passés de pratiquement 0 p. 100 à plus de95 p. 100.
Nous mettons maintenant l'accent sur des programmes menés conjointement avec l'Association des médecins autochtones du Canada et le Collège des médecins de famille du Canada pour aller au-delà de la sensibilisation et passer à des programmes entraînant un changement des comportements. Ce sont des programmes ciblés. En effet, au lieu de rechercher seulement la sensibilisation, nous cherchons maintenant à modifier le comportement.
Un bon exemple de changement d'attitude et de comportement dû aux initiatives du gouvernement et de l'industrie est la conduite en état d'ébriété. Il y a une vingtaine d'années, on ne considérait pas cela comme une activité socialement inacceptable; aujourd'hui, oui. Voilà quelque chose d'efficace. Les cas de conduite en état d'ébriété ont diminué de 38 p. 100 au cours de la dernière décennie. Il y a encore du travail à faire, mais c'est pour cette raison que nous pensons que nos programmes, qui sont mis en oeuvre en collaboration avec des professionnels de la santé pour chercher surtout à modifier le comportement des personnes qui en ont besoin, sont beaucoup plus efficaces que le fait de consacrer ces ressources à l'utilisation d'étiquettes de mise en garde disant aux gens quelque chose qu'ils savent déjà.
M. Pillitteri: En entendant cette série de questions, j'ai pensé pendant un moment que nous aurions peut-être dû nous occuper des déchets toxiques. J'avais l'impression que c'était de cela que nous parlions et non pas de l'étiquetage. Je ne comprends pas ces questions.
Revenons à notre sujet. C'est un problème qui concerne le Canada. Nous avons également mis l'accent sur l'exportation, etc. Mais dites-moi, est-ce que les choses changent au Canada? Y a-t-il maintenant ce qu'on appelle les microbrasseries? Est-ce pour cela que certains ne font pratiquement aucune exportation? Est-il possible que, du fait qu'il y a tant de nouveaux venus dans votre secteur depuis une dizaine d'années, nous avons tendance à avoir un marché local canadien plutôt qu'à mettre l'accent sur l'exportation? Je sais que c'est ce qui se passe dans mon secteur. Quelle est la situation dans l'industrie brassicole? Les coûts correspondants auraient seulement des répercussions locales.
M. Sleeman: Ce qu'il y a d'intéressant en ce qui concerne la bière au Canada est que les ventes sont généralement stagnantes. Sans vouloir offenser mes collègues de Molson et de Labatt, leurs ventes sont généralement stagnantes. Ils doivent chercher à exporter.
La croissance se fait du côté des petites brasseries, comme Sleeman et Upper Canada en Ontario, Big Rock dans l'ouest du Canada et McAuslan au Québec. Ce sont elles qui connaissent une croissance dans une industrie qui est par ailleurs en stagnation. Ce sont de petites entreprises. Elles n'ont pas de ressources financières suffisantes pour apposer des étiquettes sur les bouteilles et elles ne le font pas pour le moment parce qu'elles ne peuvent pas exporter; elles vendent leurs produits au Canada.
Ce sont les nouveaux venus qui sont en croissance. Ils accordent la même importance à une utilisation responsable. Ils contribuent aux programmes menés par les grandes brasseries parce qu'ils n'ont pas moyen d'en faire autant tout seuls. Apposer des étiquettes sur les bouteilles poserait de très grosses difficultés financières à ces entreprises.
M. Morrison: Monsieur Pillitteri, je pense qu'il est important de revenir sur la question qu'a posée M. Szabo à propos du fait que nous aurions dit que, s'il faut mettre des étiquettes, nous laisserons tomber nos programmes.
La réalité est que nous devons tous faire des choix dans notre pays. Le gouvernement est de cet avis. Il serait bien d'avoir des lits d'hôpitaux prêts à accueillir des malades et des scanners dans chaque ville, mais ce n'est pas possible. Nous devons faire des choix. Ce que nous voulons faire est utiliser cet argent le plus efficacement possible. Nous critiquons cette loi parce qu'elle détournerait ces ressources vers un programme inefficace.
M. Pillitteri: Pour en revenir à l'étiquetage aux États-Unis, est-il identique partout? Doit-il être le même dans tous les États des États-Unis? Je sais que ce n'est pas le cas pour le vin, mais les exigences sont-elles identiques pour la bière?
M. Morrison: C'est un étiquetage national.
La présidente: Madame Chamberlain.
Mme Chamberlain: Madame la présidente, merci de votre indulgence. Je sais que je ne fais pas partie du comité.
Je voudrais dire deux choses. Premièrement, je pense que c'est vraiment important et nous devons rendre hommage à ces industries pour l'argent qu'elles consacrent volontairement à ces programmes. Je ne pense pas qu'il faudrait les attaquer. Il est important de comprendre qu'elles le font volontairement.
La question que je veux poser est un peu comme celle de Paul même si je ne suis en fait pas d'accord avec sa façon de procéder. N'est-il pas vrai que ces étiquettes ont été introduites aux États-Unis parce que les États n'exigent pas l'indication de la teneur en alcool, alors que le Canada le fait? Notre situation est bien différente à cet égard, n'est-ce pas?
M. Sleeman: En ce qui concerne la vente de bière aux États-Unis après la prohibition, il était illégal d'indiquer la teneur en alcool sur l'étiquette des bouteilles. Donc, les consommateurs, s'ils étaient mal informés, ne savaient pas ce que contenait ce produit et le danger qu'il pouvait présenter pour la santé. Ces étiquettes ont notamment été imposées aux États-Unis parce qu'il n'y avait pas d'autre mise en garde concernant l'alcool, alors que nos bouteilles comportent déjà une étiquette de mise en garde.
Des changements sont récemment intervenus aux États-Unis. Coors a gagné un procès et peut maintenant indiquer la teneur en alcool sur son étiquette. Mais pendant des années, en fait depuis le début de ce programme, l'un des principaux facteurs a été que les Canadiens étaient déjà informés de la teneur en alcool alors que les Américains ne l'étaient pas.
La présidente: Monsieur Murphy.
M. Murphy: Permettez-moi de féliciter cette industrie pour son programme éducatif et de rendre hommage à sa contribution à la vie économique du Canada.
Je ne suis ici que pour parler des étiquettes et du fait de savoir si elles auront un effet quelconque. Voilà ce que je veux essayer de déterminer.
Nous savons que d'autres pays que les États-Unis ont adopté cet étiquetage et l'ont fait avant eux. Vu les preuves présentées et les études dont on nous a parlé qui indiquent que ces étiquettes n'auront aucun effet, pourquoi les États-Unis sont-ils allés de l'avant? Pourquoi?
M. Sleeman: Je pourrais seulement me livrer à des spéculations. Je n'ai pas la réponse à cette question. Je ne sais pas si quelqu'un ici connaît les raisons de cette décision.
M. Morrison: Je pense qu'il y a eu un concours de circonstances aux États-Unis. D'une part, chaque État, et il y en a beaucoup, envisageait d'adopter un message différent. Les brasseurs étaient évidemment inquiets d'avoir à utiliser 48 ou 52 étiquettes différentes sur leurs produits ayant une distribution nationale. D'autre part, il y a la tendance à entamer des procédures judiciaires qui caractérise la société américaine. Des avocats américains ont laissé entendre qu'il serait dans l'intérêt des entreprises d'accepter un étiquetage de mise en garde comme moyen de défense contre les procès concernant leurs responsabilités relativement à leurs produits.
La situation dans ce secteur aux États-Unis était donc quelque peu différente de la nôtre.À notre avis, nous acquittons de notre responsabilité sociale grâce à nos programmes, nous indiquons la teneur en alcool sur l'étiquette de nos produits et, par conséquent, nous ne sommes pas prêts à accepter volontairement l'apposition d'étiquettes de mise en garde.
M. Murphy: Que disent vos juristes? Je comprends ce que vous dites au sujet des États-Unis et des risques de procès. Si nous avions des étiquettes dans notre pays, est-ce que cela accroîtrait ou diminuerait la responsabilité des entreprises?
M. Morrison: Je ne suis pas juriste et j'hésiterais donc à répondre à cette question.
M. Sleeman: Je ne sais pas. Je ne pense pas que nous soyons en mesure de répondre à cette question, ni qualifiés pour le faire. Je suis désolé.
La présidente: Je vais ajouter maintenant une question brève et je pense que je l'ai posée également aux autres groupes. Je vous félicite pour votre collaboration volontaire avec Santé Canada ainsi qu'avec les médecins de famille et ceux de l'ensemble du pays. Pouvez-vous fournir au comité des preuves quelconques de la réussite de votre programme? Deuxièmement, quels pourcentages représentent la contribution de Santé Canada et celle de l'Association des brasseurs?
M. Howard Collins (vice-président exécutif, Association des brasseurs du Canada): Nous participons à part égale à certains de ces programmes alors que, pour d'autres, notre contribution financière est plus importante, mais nous sommes certainement heureux de ces partenariats. Nous avons des renseignements au sujet de certains de ces programmes. M. Morrison a parlé tout à l'heure de l'évolution de la sensibilisation au SAF. Nous avons des renseignements au sujet des autres programmes et je serais heureux de les fournir au comité.
Madame la présidente, il y a une autre chose. Nous ne nous sommes pas penchés en détail sur ces programmes ce matin. Nous avons des exemplaires des documents ici et nous aimerions les remettre au comité si cela est possible.
La présidente: Je vous en prie. Cela serait utile.
M. Morrison: Pour répondre à la question concernant la recherche, nous avons des détails au sujet des recherches mentionnées dans notre mémoire au comité, et je le remettrai au greffier.
La présidente: Merci beaucoup.
Je vous remercie à nouveau de vous être présentés devant le comité. Je vous présente nos excuses pour le temps qui vous a été accordé. La discussion a été un peu précipitée mais votre exposé valait la peine. Merci.
Le comité va s'interrompre pendant une ou deux minutes. Il reste deux groupes et on m'indique que nous disposons de la salle jusqu'à midi.
La présidente: J'invite les membres du comité à reprendre place autour de la table. Je pense que nous sommes prêts à recommencer.
Nous avons des témoins qui représentent Teamsters Canada. Bienvenue, messieurs. Je crois que vous avez dû attendre. Nous avons quelques minutes de retard, mais ne vous inquiétez pas - vous aurez votre demi-heure. Qui va commencer?
M. François Laporte (directeur des affaires gouvernementales, Teamsters Canada): Madame la présidente, je suis accompagné ce matin de Serge McDuff, directeur du syndicat pour la brasserie Labatt de LaSalle à Montréal et de M. Hugues Pelletier, directeur du syndicat à l'usine Molson-O'Keefe à Montréal.
[Français]
Avant d'entreprendre notre présentation, je désire vous remercier de nous donner aujourd'hui l'occasion de faire connaître le point de vue de notre organisation en ce qui a trait au projet de loi C-222. Ceux qui ont l'habitude des comités permanents de la Chambre des communes savent que nous n'intervenons que dans les cas où les intérêts de nos membres sont en jeux et non pour le simple plaisir de nous faire entendre.
Plusieurs ignorent que quelque 4 500 des 95 000 membres du syndicat des Teamsters au Canada sont à l'emploi des brasseries. Au Québec seulement, nos effectifs dans l'industrie brassicole se chiffrent à 4 000 travailleurs et travailleuses. En Ontario, on compte près de 500 teamsters oeuvrant dans cette industrie. Le président canadien de notre syndicat, M. Louis Lacroix, est lui-même un ancien travailleur de la brasserie Labatt de ville LaSalle, en banlieue de Montréal.M. Lacroix, étant retenu à Toronto aujourd'hui, ne peut être présent. Il m'a chargé de vous transmettre ses salutations.
Nous ne voulons pas cacher que notre présentation s'inscrit à l'encontre du projet de loi C-222 parce que ses répercussions dépassent largement le concept de l'étiquetage de bouteilles de boissons alcoolisées. Pour plusieurs, il est difficile de s'opposer à un projet de loi qui, à prime abord, peut paraître aussi vertueux. Cependant, notre position va au-delà des valeurs morales et tient aussi compte de la réalité quotidienne de milliers de travailleurs québécois et canadiens.
Cela vous semblera peut-être étrange, mais le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes entendra parler quelque peu de la question de l'emploi dans les brasseries.
Depuis l'adoption des ententes de libre-échange et de l'abolition des barrières interprovinciales pour le commerce de la bière, nous avons, avec l'appui indéfectible de nos membres, mené une lutte sans relâche pour le maintien et le développement de l'emploi dans l'industrie brassicole, et ce malgré les pressions énormes qu'exerce l'arrivée de produits étrangers sur le marché canadien.
Nous devons non seulement faire face à la concurrence étrangère, mais également à des organismes de contrôle provinciaux qui font la promotion de ces produits étrangers au détriment des emplois de nos membres.
Sans cesse, aux tables de négociation, on se charge de nous rappeler que la réalité des années quatre-dix est bien différente de ce qu'elle était jadis, que nous devons tenir compte de la mondialisation et de la compétitivité de l'industrie. Ces arguments, nous les entendons des dizaines de fois chaque jour, et les travailleurs de l'industrie brassicole sont forcés d'en tenir compte chaque fois qu'ils renouvellent leur convention collective de travail.
Cette réalité nous a forcés à revoir nos méthodes de négociation et à adopter de nouvelles attitudes aux tables de négociation. Les solutions d'hier ne sont plus applicables aux réalités d'aujourd'hui!
L'industrie nous parle de plus en plus des contraintes financières qu'occasionnent les nouvelles réalités du marché quand vient le temps de discuter des questions de formation de main-d'oeuvre et du développement de l'emploi.
Nous n'avons nullement l'intention de faire le procès de l'attitude patronale, puisque la réalité est ce qu'elle est et que nos membres sont tout à fait capables de se rendre compte que les choses ont changé.
Tout cela pour dire que l'industrie brassicole n'a pas besoin d'une autre contrainte financière comme celle que leur imposerait le projet de loi C-222, car il faut toujours garder à l'esprit que, dans notre système de l'offre et de la demande, les coûts de production supplémentaires sont soit refilés aux consommateurs via une hausse des prix à la consommation, soit compensés par des réductions de coûts de main-d'oeuvre. En bout de ligne, ce sont toujours vos électeurs qui paient.
Selon les estimations de l'industrie, l'adoption du projet de loi C-222 représenterait des coûts additionnels de l'ordre de 45 millions de dollars pour la première année et de quelque 12 millions de dollars annuellement pour les années subséquentes. Ce sont là des sommes qui ne seront plus disponibles pour des programmes de création et de maintien d'emploi ou de formation de main-d'oeuvre.
Il n'est pas question pour nous de mettre le gouvernement devant le dilemme de devoir choisir entre la création d'emplois et la prévention de la consommation d'alcool. Cela est trop simpliste. Nous croyons cependant qu'il faille analyser l'efficacité potentielle d'un projet de loi avant de l'adopter.
À notre humble avis, le projet de loi C-222 n'est qu'une pâle tentative pour copier le règlement américain en matière de mise en garde sur les contenants de boissons alcoolisées. Or, l'efficacité des règles américaines est plus que douteuse.
Notre organisation est impliquée dans l'industrie brassicole aux États-Unis depuis les années cinquante. Au sud du 45e parallèle, sur les 1,5 million de travailleurs et travailleuses que nous représentons, plus de 100 000 oeuvrent dans les brasseries. Nos analyses des ventes de bière aux États-Unis nous laissent croire qu'aucune diminution significative de la consommation n'a découlé de l'adoption de la réglementation sur l'étiquette de mise en garde sur les bouteilles de boissons alcoolisées.
Sans vouloir la défendre, l'exemple de l'industrie du tabac, où l'étiquette de mise en garde est plus visible que jamais, démontre bien l'inefficacité d'une telle mesure. Un sondage mené par la firme Earnscliffe Research Communication démontre que la clientèle visée par le projet de loi C-222, soit les femmes enceintes, sont à 95 p. 100 conscientes des risques que présente la consommation de boissons alcoolisées pendant la grossesse. De plus, 99 p. 100 des personnes questionnées savent que la consommation d'alcool peut mettre en cause leur capacité de conduire un véhicule motorisé. Donc, la population en général est fort consciente des répercussions qu'entraîne une consommation abusive, et j'insiste sur le mot «abusive», de boissons alcoolisées.
Même si les objectifs du projet de loi C-222 sont fort louables, nous nous devons d'affirmer que l'étiquette de mise en garde n'aura donc pas pour effet de mieux informer la population ni même de la dissuader de consommer les produits visés.
Donc, le projet de loi C-222 rate totalement la cible et constitue tout au mieux une belle tentative de se donner bonne conscience. Les 45 millions de dollars supplémentaires que devra consacrer l'industrie aux étiquettes seront autant d'argent qui ne sera plus disponible pour les programmes de modération et de réhabilitation.
Nous n'avons pas à justifier ni à défendre les actions des brasseries en cette matière, puisque leurs représentants sont fort compétents dans ce domaine. Les quelque 9,5 millions de dollars consacrés à des programmes s'adressant à des cas problèmes, de même que les 95 millions de dollars déjà versés par les brasseries canadiennes pour des programmes d'éducation et de recherche sociale, sont tout de même une bonne indication de la volonté de l'industrie d'aider les personnes aux prises avec des problèmes de consommation d'alcool.
Dans le quotidien, plusieurs situations où les consommateurs ne prendront pas connaissance de l'étiquette de mise en garde se produiront. L'exemple de la bière servie dans un verre, dans les établissements autorisés, illustre bien ce genre de situations, tout comme les cas de consommateurs de boissons dites fortes, genre gin et autres. Ces gens-là ne voient que très rarement l'étiquette appliquée sur la bouteille de leur consommation. Aussi, les disciples de Bacchus portent généralement beaucoup plus attention à l'année et à la provenance de leur vin qu'à toute autre mise en garde que pourrait porter une bouteille de vin.
Le gouvernement devrait-il exiger que les fabricants d'articles de sport apposent une étiquette de mise en garde sur leurs produits simplement parce que la pratique d'un sport donné peut occasionner de graves blessures? Ou bien devrait-on obliger les fabricants d'automobiles à aviser leurs clients que la conduite d'un véhicule peut s'avérer mortelle si on est impliqué dans un accident? La réponse à ces deux questions est non, parce que la population en général est consciente de ces réalités, tout comme le sont 99 p. 100 des consommateurs de boissons alcoolisées.
Pour terminer, le syndicat des Teamsters est au fait des répercussions négatives d'une consommation abusive d'alcool. Gardez à l'esprit qu'une partie importante de nos effectifs est composée d'individus dont le gagne-pain dépend de l'utilisation d'un véhicule routier. Je me réfère aux 40 000 conducteurs de camions que nous représentons.
Nous sommes également, pour la plupart d'entre nous, des pères et des mères de famille et nous désirons que nos enfants grandissent en étant conscients des conséquences d'une consommation abusive de boissons alcoolisées, mais nous savons fort bien que l'éducation en cette matière va bien au-delà d'une simple étiquette sur une bouteille.
Notre organisation est impliquée depuis des années dans l'établissement de programmes de prévention et d'aide pour les personnes aux prises avec des problèmes de consommation abusive d'alcool.
Nous ne tentons pas de dire qu'il n'existe pas de problèmes reliés à la consommation d'alcool. Cependant, nous disons que le projet de loi C-222 n'est pas la solution à ce problème simplement parce qu'il n'apporte rien de concret et d'efficace contre la consommation abusive de boissons alcoolisées et parce qu'il impose à l'industrie une contrainte financière qui affectera les programmes déjà en place et mettra en danger nos emplois. Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci. Madame Picard.
[Français]
Mme Picard: Monsieur Laporte, vous avez parlé de coûts d'étiquetage de l'ordre de45 millions de dollars pour la première année. Vous pardonnerez mon ignorance là-dessus, mais je ne vois pas comment cela pourrait coûter 45 millions de dollars à l'industrie. Je sais qu'il y a quelque chose de technique là-dedans, mais on a de la difficulté à comprendre, car ce n'est pas notre domaine. Quelqu'un disait plus tôt qu'il fallait changer la bouteille. Pouvez-vous nous donner plus d'information sur ces coûts?
M. Laporte: Je crois que M. Millette a bien répondu lorsqu'il a parlé des 37 millions de dollars en immobilisation et des 12 millions de dollars de frais d'exploitation. Les brasseries sont beaucoup plus en mesure que nous de vous donner des chiffres précis, mais on sait fort bien qu'il serait nécessaire, dans certaines brasseries, de changer les équipements et, dans certains cas, de changer complètement la bouteille parce que l'étiquette ne peut s'apposer sur la bouteille actuelle. Donc, il y a différents cas, selon les brasseries et selon leur méthode d'embouteillage. C'est assez complexe, mais au niveau des chiffres, M. Millette a bien répondu.
Mme Picard: Je comprends. Je veux savoir comment les choses se passent techniquement et comment il se fait que vous pourriez perdre des emplois.
M. Hugues Pelletier (Molson-O'Keefe, Teamsters Canada): Personnellement, je puis vous dire qu'au niveau de l'étiquetage, nous avons une étiquette d'une largeur d'environ un pouce qui ne couvre pas la bouteille au complet, comme vous le voyez ici, sur une bouteille de Molson Ice.
Pour se conformer aux exigences du projet de loi C-222, il faudrait une étiquette qui enroberait la bouteille et cela exigerait un équipement complètement différent. Pour se conformer à cette demande, il faudrait que les brasseries modifient, à des coûts très élevés, leurs lignes d'embouteillage.
Mme Picard: Donc, vous seriez obligés d'acheter de l'équipement, de nouvelles technologies. C'est cela qui vous ferait perdre des emplois?
M. Laporte: Possiblement, mais il faut aussi garder à l'esprit que, depuis des années, on a négocié, dans nos conventions collectives, des programmes de développement d'emploi. Je peux vous donner des chiffres par rapport à l'emploi dans les brasseries, mais en ce qui a trait aux sommes d'argent qui, à l'heure actuelle, sont consacrées à ces programmes de formation, de maintien d'emploi, etc... Si l'industrie était obligée de dépenser 45 millions de dollars supplémentaires pour ces étiquettes-là, en bout de ligne, il serait inévitable que tous les autres programmes qui sont en place, que ce soit les programmes de prévention de consommation d'alcool ou d'autres programmes reliés à l'emploi, soient affectés. C'est simplement cela, notre argument.
Si on impose une contrainte financière supplémentaire, tous les programmes déjà en place devront peut-être être revus, y compris ceux de création d'emplois.
Pour ce qui est des chiffres dans les brasseries, pour vous donner deux exemples, en 1990, la brasserie Labatt, à Montréal, comptait 1 517 travailleurs; en 1995, aujourd'hui, elle n'en compte que 1 222. C'est donc une perte de 300 emplois uniquement chez Labatt.
Pour ce qui est de Molson-O'Keefe, avant la fusion, les deux brasseries combinées employaient 2 150 travailleurs. Aujourd'hui, chez Molson-O'Keefe, on ne retrouve que 1 190 salariés, et on nous dit que l'objectif de la brasserie est de réduire ce nombre à 850 d'ici l'an 2000. Et on parle de gens qui sont bien rémunérés, qui ont des bons salaires, qui paient des taxes et qui font rouler l'économie.
Si on ajoute des contraintes supplémentaires à l'industrie, peut-être que le chiffre de 850 chez Molson-O'Keefe sera réduit à 600.
Mme Picard: Qu'est-ce qui justifie la perte de ces emplois? Est-ce que ce sont les coûts de production?
M. Laporte: La rationalisation. Dans le cas de Molson-O'Keefe, il y a eu une rationalisation qui a suivi la fusion. Dans le cas de Labatt, il y a eu de la modernisation pour faire face à la nouvelle compétition.
Tout cela entre en ligne de compte aujourd'hui. Nos compétiteurs ne sont plus simplement les brasseries canadiennes, mais aussi les brasseries américaines, les produits importés. Dans le cas du Québec, c'est peut-être la Société des alcools du Québec qui fait la promotion des bières importées au détriment de nos jobs. Il faut mettre tout cela en ligne de compte. Lorsqu'on analyse la situation, on se rend compte qu'aujourd'hui, l'industrie doit être plus compétitive et rationaliser ses opérations. C'est nous qui en payons le coût.
Mme Picard: Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Szabo.
M. Szabo: Merci, messieurs. Je comprends très bien votre situation. Lorsque de nouvelles dépenses sont nécessaires et qu'elles doivent être absorbées par l'entreprise, comme la main-d'oeuvre représente environ les deux tiers ou les trois quarts des frais d'exploitation, elle est bien sûr dans le point de mire. Votre présence ici est donc tout à fait justifiée et je vous remercie de vos explications.
Si l'on disait, à titre d'hypothèse, comme vous l'avez fait, que c'est toujours le consommateur qui paie, ce qui veut dire qu'on ajoute simplement le coût au prix de vente pour le récupérer... Disons que telle est la situation. Disons que les coûts entraînés par l'apposition de cette étiquette sur cette bouteille sont répercutés sur les consommateurs, et qu'on peut supposer que cela n'aurait pas de conséquences sur votre... pourriez-vous nous dire si vous seriez alors en faveur de cet étiquetage?
M. Laporte: Je répète que, comme je vous l'ai dit, cet étiquetage représente des frais d'exploitation supplémentaires.
M. Szabo: Mais si c'était le consommateur qui payait la note, si je payais cela dans le prix de vente, tous ces frais étant alors à ma charge, seriez-vous en faveur de cet étiquetage?
M. Laporte: Il faut aussi tenir compte de l'efficacité de ces étiquettes, comme je l'ai indiqué dans mon mémoire. Si l'on examine la situation aux États-Unis, pour ce qui est des ventes de bière dans ce pays, en ce qui concerne l'industrie dont nous représentons les travailleurs, on constate un impact très limité.
C'est une question très difficile. Vous me mettez sur la sellette. Comme je l'ai dit, il est très difficile d'être contre la vertu, mais, d'après nos constatations, ces étiquettes n'ont qu'un impact très limité. La question est la suivante: pourquoi imposer à l'industrie brassicole des frais supplémentaires qui peuvent avoir des répercussions sur nos emplois?
M. Szabo: Si cela n'entraînait aucun coût supplémentaire pour les brasseries - si par exemple le gouvernement du Canada payait 100 p. 100 des coûts entraînés par l'apposition de ces étiquettes sur les produits dont nous parlons, ce qui veut dire que cela n'aurait absolument aucune répercussion financière sur l'entreprise - seriez-vous en faveur de cet étiquetage comme moyen éducatif...?
M. Laporte: Si cet étiquetage n'avait aucun effet sur notre emploi, je pense que nous n'aurions aucune objection à cet égard et que nous ne serions pas ici aujourd'hui.
M. Szabo: Merci. Vous êtes un ange.
Depuis qu'il est question de cela - et je sais que l'industrie brassicole est très active dans ce domaine - , pouvez-vous me dire si elle est intervenue auprès de vous? Je sais que j'ai reçu des lettres d'employés des brasseries, de Molson et d'autres, et aussi simplement de gens qui ont un emploi. Ces lettres disent toutes à peu près la même chose. Les gens de ce secteur sont-ils intervenus auprès de vous pour discuter de ce qui se passerait si une loi rendait cet étiquetage obligatoire?
M. Laporte: Ils nous ont donné certains renseignements. Je crois qu'ils ont publié un document ou une brochure. Nous en avons tiré quelques chiffres. Ils ont également envoyé des lettres à leurs employés au sujet des répercussions éventuelles de ce règlement.
En outre, comme je l'ai dit, quand je regarde la situation aux États-Unis, pour les chiffres qui viennent de notre propre organisation, nous fondons... les chiffres qui viennent des États-Unis.
En ce qui concerne les frais entraînés par ce projet de loi, les 45 millions de dollars, ce chiffre vient bien sûr des porte-parole de cette industrie. C'est eux qui connaissent le montant de ces frais. Ils sont mieux en mesure que nous d'analyser la situation.
M. Szabo: Puisque vous êtes directement concernés par l'étiquetage, avez-vous vu, dans les usines que vous connaissez, des étiquettes de mise en garde relativement à la présence d'alcool éthylique ou d'éthanol dans les locaux ou là où il y a des employés, comme le requiert le programme SIMDUT, pour inviter les gens à la prudence face à un produit dangereux mentionné à l'annexe D2A, comme un produit cancérigène, etc.? Avez-vous vu cela au sujet de l'alcool éthylique et vous rappelez-vous ce que disait le message?
[Français]
M. Pelletier: L'étiquetage des produits dangereux est un étiquetage à grande dimension, qui est très visible. On n'a pas besoin de lunettes pour le voir. C'est flamboyant, coloré. Il y a des logos et toutes sortes de choses très faciles à voir.
Cela ne se compare pas à l'étiquetage prévu pour une bouteille. Si vos lunettes sont plus ou moins bien ajustées, vous ne pourrez absolument rien voir là-dessus. Cela ne vaut même pas la peine d'être lu.
[Traduction]
M. Szabo: Je suis d'accord avec vous, monsieur Pelletier. J'ai des échantillons ici. Ce sont des produits que j'ai achetés durant la dernière fin de semaine. J'étais à Windsor et j'ai pris un taxi pour aller à Détroit. Ce sont des produits canadiens exportés aux États-Unis et tous comportent ces étiquettes. Voici l'étiquette de la bouteille de Molson Golden. Le texte est bleu sur un fond or, brillant, et je ne peux pas le lire d'ici, même si je mets mes meilleures lunettes.
Ces étiquettes sont vraiment tout à fait inefficaces. Si je devais donner mon avis sur leur efficacité, je dirais qu'elle n'est sans doute pas très grande. Je suis donc d'accord avec vous. La qualité... si c'était lisible... si l'on voulait vraiment utiliser cela comme rappel ou comme moyen d'information ou de sensibilisation, ce ne serait pas une mesure efficace. C'est presque un faux-semblant plus qu'une vraie loi, n'est-ce pas?
[Français]
M. Pelletier: Je suis entièrement d'accord avec vous, sauf qu'on a un produit qui est embouteillé dans une bouteille de 341 millilitres, une bouteille à petite dimension.
Bien entendu, si on pouvait embouteiller dans des jéroboams, on pourrait peut-être mettre des étiquettes plus faciles à lire, mais ce n'est pas le cas. Il faut vivre avec la réalité. Et la réalité de tous les jours est que les gens prennent une bouteille de bière et vérifient la marque. C'est tout. Ils ne veulent pas savoir ce qui est écrit sur l'étiquette, car cela n'a aucune espèce d'importance, à moins qu'il y ait un concours.
M. Szabo: Merci, monsieur.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Pillitteri.
M. Pillitteri: Je suis content que M. Laporte ait répondu à cette question sur ces frais qui disparaissaient d'un coup de baguette magique. Je ne sais pas comment vous avez réussi à y répondre parce que c'était si manifestement une pure hypothèse.
J'ai travaillé dans l'industrie à un moment donné et j'étais syndiqué. Vous avez dit que l'industrie brassicole collaborait avec vous en matière d'éducation et également sur les lieux de travail. Contribuez-vous au contenu des étiquettes, à leur réalisation graphique, etc.?Y participez-vous ou est-ce seulement l'industrie?
M. Laporte: Notre seule contribution concerne le chiffre de nos ventes aux États-Unis; nous l'obtenons de notre organisation. Nous avons examiné les ventes de bière avant 1988 ou 1989 puis en 1991 ou 1992, nous n'avons remarqué aucun changement important. Nous en concluons que l'étiquetage n'a eu aucune répercussion sur les ventes.
Là encore, quand on examine le sondage, on se rend compte que 95 p. 100 des femmes enceintes sont conscientes du danger. On peut encore se demander quelle est l'efficacité de ces étiquettes.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions? Non?
Merci beaucoup d'être venus. C'est très difficile pour vous qui travaillez dans l'industrie brassicole. Il est évident qu'on a dû vous indiquer que des emplois seraient peut-être remis en question si nous adoptions cet étiquetage. Il vous était très difficile, en tant que travailleurs, de répondre à certaines des questions qui vous ont été posées. Ce sont sans doute des questions qui auraient dû être posées à l'industrie, et qui d'ailleurs l'ont été.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie d'être venus. Je sais qu'il était difficile pour vous de répondre à des questions concernant cette industrie alors que vous y travaillez. Merci beaucoup.
Le dernier groupe représente un syndicat, le Brewery, General and Professional Workers' Union, représenté par John McNamee, le vice-président. Merci d'être venu. Allez-y, je vous en prie.
M. John McNamee (vice-président, Brewery, General and Professional Workers' Union): Merci, madame la présidente. Je voudrais remercier le comité de nous donner la possibilité de comparaître devant vous.
Je représente le Brewery, General and Professional Workers' Union; son siège est à Toronto, mais c'est un syndicat ontarien représentant des employés des trois branches du secteur des boissons alcoolisées - la bière, le vin et les liqueurs fortes. Je représente également ici le Canadian Council of Brewery Workers, qui est une fédération pancanadienne des syndicats des brasseries. Ces deux organisations sont quelque peu préoccupées par ce projet de loi.
À titre d'exemple, et peut-être pour faire une digression, je voudrais vous dire quelques mots au sujet de ce que j'ai fait depuis ce matin.
À mon lever, je me suis lavé les dents et douché avec l'eau de Mississauga. Je dois vous dire que ce n'est pas la chose la plus saine au monde. Quand je me suis mis du déodorant - et je ne vais pas trop rentrer dans les détails - , il y avait de l'aluminium dedans. Quand j'ai sorti une chemise propre du sac de nettoyage à sec, je me suis débrouillé pour éviter de m'étouffer en plaçant ce sac sur ma tête. Il n'y avait pas d'étiquette de mise en garde sur le robinet, ni sur le sac, ni sur quoi que ce soit d'autre.
Je me suis fait griller du pain. Je me suis débrouillé pour éviter de m'électrocuter ou de me brûler avec la résistance bien qu'il n'y ait pas d'étiquette de mise en garde sur le grille-pain. J'ai bu du café, la première de la dizaine de tasses que je boirai d'ici la fin de la journée. Il n'y avait aucune étiquette de mise en garde à propos de la caféine. En fait, quand j'ai mis de la crème dans mon café et du beurre sur ma tartine, il n'y avait aucune mise en garde au sujet du cholestérol.
Ensuite, j'ai fait quelque chose d'effrayant. Je suis monté dans mon auto pour aller à l'aéroport. On s'amuse beaucoup dans la circulation à Toronto. Il n'y a pas d'étiquette de mise en garde sur l'auto, mais je dois vous dire que, même si je suis parfaitement prudent, je peux facilement être tué ou gravement blessé sur la route. Ensuite, je suis monté dans un avion. Les avions tombent parfois de 30 000 pieds, ce qui a des conséquences catastrophiques pour les passagers, mais il n'y avait pas d'étiquette de mise en garde.
Remarquez bien que je ne vais pas parler devant le comité du danger pour la santé que représentent mes parents, mais je veux simplement dire que, dans notre société, il n'existe pratiquement aucun produit qui ne soit pas dangereux si on ne l'utilise pas correctement. Alors, pourquoi parler d'une étiquette de mise en garde imposée par le gouvernement pour l'alcool quand n'importe quoi d'autre peut ne pas être utilisé correctement? Je vous demande en vertu de quel principe d'équité, de droit, de science, on peut dire qu'une telle étiquette de mise en garde serait justifiée pour l'alcool mais pas pour les automobiles, le beurre, les grille-pain et toutes les choses de ce genre? Je pense que vous aurez bien du mal à faire ces distinctions.
Pourquoi est-ce que je me sens concerné par l'apposition d'une étiquette de mise en garde sur une bouteille? Qu'est-ce que cela change pour moi? Très franchement, j'y vois une condamnation de l'alcool de bouche. Et en fin de compte, cela va, tout simplement, nous coûter des emplois.
Il faut, de toute évidence, plus d'employés pour produire plus de catégories d'alcool et l'emploi dans ce secteur a diminué en maudit, si vous voulez bien me pardonner cette expression, au cours des quelques dernières années. Rien que dans l'industrie brassicole, nous avons perdu 33 p. 100 des emplois entre 1989 et 1994. Ils sont passés de 19 000 à 13 700 et, depuis lors, il y a au moins deux usines importantes qui ont fermé leurs portes dans notre pays. La situation des distilleries est encore pire, si c'est possible. L'industrie du vin a été considérablement rationalisée et elle emploie également beaucoup moins de gens, même si les pertes d'emploi n'ont pas été aussi nombreuses que dans les deux autres branches.
Il y a de multiples raisons à cela. La rationalisation des usines et des entreprises est un facteur important. La contrebande a accaparé une bonne partie du marché des distillateurs, mais la situation démographique joue également un grand rôle. Notre population vieillit, nous le savons, et, de façon générale, les gens boivent moins. C'est peut-être une bonne chose - pas pour nos membres, mais c'est une bonne chose dans l'ensemble. Par contre, cela nous coûte des emplois.
Je peux vous dire que le fait de placer cette jolie petite étiquette sur toutes les bouteilles que les gens achètent aura des conséquences, mais ces conséquences concerneront les 93 p. 100 de consommateurs qui consomment actuellement de l'alcool avec modération. Je tire ce chiffre d'un rapport préparé par le médecin hygiéniste de la ville de Toronto. En fait, je suis membre du comité consultatif sur l'alcool de Toronto.
Quand on sensibilise les gens, quand on condamne l'alcool de bouche comme une chose néfaste, cela n'a aucune répercussion sur les 7 p. 100 d'habitants de notre pays qui abusent de l'alcool. Cela a des répercussions sur les gens qui croient que ce qu'ils font ne nuit pas à leur santé. Ils vont maintenant lire une étiquette de mise en garde gouvernementale qui non seulement est inexacte, mais dit également que boire de l'alcool en quelque circonstance que ce soit - c'est ce qu'elle dit - est une mauvaise chose. Ces gens-là vont se mettre à boire moins, même si ce n'est pas nécessaire pour eux.
J'ai dit que l'étiquette de mise en garde était inexacte, on constate; quand on la lit - et c'est peut-être une malchance pour moi, je suis avocat, mais j'essaie de surmonter ce problème - et qu'on l'interprète de façon stricte, on en déduit que si je bois un verre de vin en janvier et que je conduis une automobile en mai, ma capacité à conduire ce véhicule est réduite. C'est totalement absurde, mais c'est ce que cette étiquette veut dire.
Un partisan de l'étiquetage vous demandera de daigner faire preuve d'un peu de bon sens. Les gens connaissent les effets de l'alcool. Ils savent qu'un verre bu en janvier aura été éliminé de votre organisme en mai. C'est vrai, ils le savent. Mais dans ce cas, quelle étrange logique peut vous amener à penser qu'ils ne le savaient pas au départ?
Dans notre pays, tout le monde - et peu m'importe ce que disent les sondages - sait que, si on boit trop, on est en état d'ébriété et la motricité fine se détériore. Si on boit trop pendant longtemps, on est malade. Nous savons cela depuis notre enfance. L'alcool existe depuis bien avant la naissance du Christ. Nous avons tous grandi dans une société qui sait ce qu'est l'alcool.
Les gens qui seront fortement sensibilisés par les mises en garde sont ceux qui croient qu'on leur dit que leur consommation actuelle est supérieure à ce qu'elle devrait être. Mais ce ne sont pas eux qui abusent de l'alcool. Ceux qui le font ont déjà acquis une dépendance ou refusent d'admettre quelque chose qu'ils savent très bien. Ceux qui vont croire ce message ou diminuer leur consommation ou encore cesser d'acheter des boissons alcoolisées sont les gens censés qui maintiennent déjà leur consommation à un niveau modéré. Voilà les gens que vous influencerez si vous essayez de réduire la consommation générale au lieu d'attaquer le problème là où il doit l'être.
Je n'ai vraiment pas grand-chose à ajouter à cela sinon que ma conception de la recherche n'est pas la même que celle de l'industrie brassicole. Je ne dispose pas d'autant d'argent ni de tous ces autres moyens. Il y avait un sondage dans le Toronto Star du 23 avril, un de leurs sondages téléphoniques très scientifiques. Je peux vous en fournir un exemplaire si vous le désirez. Il révélait que 88 p. 100 des répondants ne voyaient aucune justification à l'apposition d'étiquettes de mise en garde sur les contenants de boissons alcoolisées. Si on leur avait demandé s'ils étaient prêts à payer la facture de l'apposition d'étiquettes sur les contenants, je peux vous garantir que le chiffre aurait été encore plus élevé.
Je veux tout simplement dire que l'étiquette de mise en garde, telle qu'elle est proposée, est inexacte et déforme les faits. En outre, les gens que vous allez ainsi influencer sont ceux qui usent l'alcool de façon modérée. Cela nous coûtera des emplois et accélérera la chute du nombre d'employés dans ce secteur. Nous ne pouvons pas nous le permettre.
J'ai préparé une déclaration écrite qui, je crois, est en cours de traduction.
La présidente: Oui, c'est exact. Merci beaucoup, monsieur McNamee. Vous nous avez présenté des comparaisons intéressantes qui donnent à réfléchir.
Madame Picard.
[Français]
Mme Picard: Je n'ai pas de questions.
[Traduction]
La présidente: Docteur Hill.
M. Hill: Je suis désolé, en arrivant tard comme cela...
La présidente: Vous laissez votre tour pour le moment? Monsieur Szabo.
M. Szabo: Merci, monsieur McNamee. Vous n'avez pas indiqué si vous êtes électeur dans ma circonscription; j'espère que non, parce que vous n'allez pas aimer ce que j'ai à dire.
M. McNamee: Vous n'aimez peut-être pas non plus ce que j'ai à dire.
M. Szabo: Certaines des choses que vous avez dites me paraissent incroyables. J'étais toutefois d'accord avec l'une d'elles et je veux que vous sachiez tout de suite de quoi il s'agit.
Vous êtes venu nous dire que si nous plaçons ces étiquettes de mise en garde sur les bouteilles, les gens qui recevront le message sont les 93 p. 100 qui consomment ces produits de façon responsable - je suppose que c'est ce que vous voulez dire - et non pas les 7 p. 100 qui en abusent. Et vous avez dit que cela aura pour effet d'amener ces gens responsables, ces 93 p. 100, à consommer en fait moins à cause de ce message, de cette étiquette.
Je pense que c'est probablement la déclaration la plus favorable aux étiquettes que j'ai entendue prononcer par un témoin. Vous m'avez dit qu'elles ont un effet et que 93 p. 100 des Canadiennes et des Canadiens qui les voient vont réduire leur consommation d'alcool à cause d'elles, parce qu'elles sont efficaces. Ils les verront, ils en tireront un enseignement et leur comportement changera. Que répondez-vous à cela?
M. McNamee: Je n'ai rien à répondre, monsieur. Si vous considérez cela comme une déclaration favorable, tant mieux pour vous.
M. Szabo: D'accord. Tout à l'heure, en écoutant les représentants de ce secteur, j'ai cru sentir certaines nuances, une différence entre la prise de conscience d'un problème potentiel et la modification du comportement ou les effets de celle-ci. J'aimerais que l'un d'eux me dise quels effets ils recherchent en fait ou quels critères ils utiliseraient pour déterminer si quelque chose donne des résultats, est efficace. Qu'est-ce qui vous indiquerait que l'effet souhaité est atteint, c'est-à-dire la réduction de l'abus de boissons alcoolisées?
M. McNamee: J'ai un peu de mal à répondre à une question concernant les déclarations qu'ils ont faites. Toutefois, si vous voulez savoir comment je conçois un programme efficace, pour moi, c'en est un qui cherche à toucher les gens qui boivent trop d'alcool ou sont susceptibles de le faire et qui utilisent les ressources disponibles pour leur venir en aide... pas pour les informer, parce que je pense qu'ils savent très bien que l'alcool peut être dangereux si on en abuse, mais plutôt pour qu'ils reconnaissent le danger potentiel et modifient leur comportement en conséquence.
M. Szabo: Je sais que vous êtes là pour défendre les travailleurs et les emplois. S'il est vrai que, comme le dit l'autre syndicat, toute augmentation - et c'est comme une augmentation de la taxe d'accise - est en gros répercutée sur le consommateur...ce n'est pas la faute de l'entreprise. Si un règlement ou une loi exige l'apposition d'une étiquette de mise en garde et que cela augmente les coûts, les dirigeants de ce secteur vous ont-ils dit qu'ils répercuteraient ces coûts ou qu'ils réduiraient la marge brute utilisée pour la création d'emploi et la rémunération des employés?
M. McNamee: S'ils ont un budget pour la création d'emplois, je ne suis absolument pas au courant. Ils ne m'ont rien indiqué de ce genre. Tout ce que je sais, monsieur, c'est qu'en fin de compte, c'est le consommateur ou le contribuable qui paiera. Si c'est le consommateur, cela aura des répercussions sur le volume de ventes parce que nous heurtons déjà à une forte résistance aux prix et nous devons faire face à une forte concurrence étrangère. Si c'est le contribuable... eh bien, monsieur, vous êtes un homme politique. Vous pouvez répondre à cette question mieux que moi.
La présidente: Est-ce que vous voulez encore poser des questions?
M. Hill: J'en ai juste une et je vous demande à nouveau de m'excuser d'avoir été impoli en arrivant en plein milieu de votre exposé.
M. McNamee: Vous en avez au moins entendu la moitié.
M. Hill: Je comprends votre préoccupation au sujet des emplois. Qu'est-il arrivé aux emplois aux États-Unis où ces étiquettes existent déjà depuis un certain temps?
M. McNamee: À ma connaissance, le nombre d'emplois diminue dans ce secteur aux États-Unis, mais il serait malhonnête de ma part d'attribuer une partie quelconque de cette diminution aux étiquettes plutôt qu'à d'autres facteurs. Beaucoup entrent en jeu. Je ne peux pas montrer du doigt un poste quelconque et dire qu'il a été supprimé à cause des étiquettes de mise en garde. Je peux simplement vous dire que cela pourrait contribuer à des pertes d'emplois. Il y a, bien entendu, beaucoup d'autres facteurs.
M. Hill: Dans le même ordre d'idées, qu'est-il advenu de la consommation aux États-Unis depuis l'introduction de ces étiquettes?
M. McNamee: Pour être franc, monsieur, je ne suis pas expert en la matière. Je ne peux rien vous dire au sujet du volume global. Quant à la consommation individuelle, vous en savez peut-être plus que moi.
M. Hill: Quand on plaide une cause, si la situation est hypothétique, il est difficile de se prononcer. Mais si on peut établir une comparaison avec ce qui s'est passé dans un pays voisin, il est vraiment utile de le faire. J'ai essayé de faire cela à de nombreuses reprises, de comparer avec les endroits où on a récemment introduit cette mesure. Je ne pense pas qu'il y ait eu des pertes d'emplois attribuables à cette mesure dans ce secteur aux États-Unis.
M. McNamee: À ma connaissance, il y a bien eu des pertes d'emplois aux États-Unis, mais je ne veux pas en attribuer une proportion quelconque à l'étiquetage plutôt qu'à d'autres facteurs, car il y en a beaucoup qui entrent en jeu. Comme je l'ai dit, il y aussi la rationalisation des entreprises et tout le reste; en outre, la situation démographique est différente aux États-Unis.
M. Hill: Je suis désolé de terminer en posant sans cesse d'autres questions. S'il y avait une méthode grâce à laquelle la sensibilisation des jeunes... Supposons que vous avez une fille. En grandissant, elle prend de plus en plus conscience du problème que représente le symptôme de l'alcoolisme foetal. Appuieriez-vous cela à titre personnel?
M. McNamee: Absolument. Il est hors de doute que...
M. Hill: Si cette méthode n'avait absolument aucune répercussion sur les emplois dans ce secteur, l'appuieriez-vous?
M. McNamee: Je ne sais pas comment on pourrait le garantir. C'est cela qui me préoccupe. Cela aurait certainement des répercussions sur les emplois dans le secteur.
Ne vous méprenez pas. Je ne veux pas le moins du monde dire qu'une femme enceinte ne devrait pas faire attention à la quantité d'alcool qu'elle consomme et peut-être la diminuer, selon la quantité qu'elle boit, et oui, cela aura des répercussions sur le volume de ventes. Je veux tout simplement dire qu'on peut communiquer cette information beaucoup mieux... qu'au moyen d'une étiquette de mise en garde.
En fait, au comité dont je suis membre, le Toronto Alcohol Advisory Committee, nous avons reçu des témoignages de médecins qui nous ont dit que la présentation d'une mise en garde aussi provocante sur une étiquette, sans autre information, est dangereuse pour les femmes enceintes. Si une femme boit de l'alcool et a un enfant et si la santé de cet enfant n'est pas absolument parfaite, cela peut créer chez elle un sentiment réel de culpabilité même si cela n'a rien à voir avec l'alcool qu'elle a consommé.
Ce que j'ai compris comme étant le principal conseil donné par les médecins est que les renseignements relatifs au syndrome de l'alcoolisme foetal, qui est un problème grave, devraient être communiqués par un médecin qui peut faire quelque chose de plus que placer, sur une étiquette, un message tonitruant qui terrifie les gens ou les induit en erreur. Suis-je en faveur de la diffusion de ces renseignements? Oui, certainement.
La présidente: S'il n'y a pas d'autres questions, je vous remercierai d'être venu, monsieur McNamee. Nous serons bien entendu heureux quand le greffier nous remettra votre mémoire dans les deux langues officielles. Merci beaucoup.
J'ai une brève question à poser aux membres du comité avant de lever la séance. Nous avons entendu de nombreux témoins et je pense qu'il conviendrait sans doute que nos recherchistes rassemblent les renseignements obtenus et résument les interventions des témoins pour nous présenter un rapport. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Je crois qu'il faut s'y atteler dès maintenant. Nancy attend un signe d'approbation de notre part afin de pouvoir s'y mettre. Êtes-vous d'accord pour que nous procédions ainsi?
Des voix: D'accord.
La présidente: Merci beaucoup. La séance est levée.