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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 9 mai 1996

.0859

[Traduction]

La présidente: Bonjour à vous tous. Il est 9 heures et il y a quorum. Pour un sous-comité, un moins grand nombre de personnes suffit autour de la table, dans la mesure où deux partis sont représentés, ce qui est le cas ce matin.

Je souhaite la bienvenue à Simone et John Joanisse.

Conformément à l'article 108(1) du Règlement, nous étudions le projet de loi C-222: mise en garde sur les contenants de boissons alcoolisées. Il s'agit du projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue Paul Szabo.

Je sais que vous avez un mémoire écrit. Nous tentons de limiter les exposés à cinq ou sept minutes, ce qui nous donne tout le temps voulu pour poser des questions. Je vous en prie.

.0900

Dr John Joanisse (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente, et merci à vous, membres du comité de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.

Ce n'est pas sans une certaine nervosité que nous comparaissons devant vous. Nous craignons que si notre exposé n'est pas à la hauteur, cela risquera de diminuer l'importance du message que nous voulons transmettre.

Permettez-nous de nous présenter. Nous sommes, dans un cas, adjoint législatif de députés fédéraux, de longue date - il conviendra peut-être mieux de parler de routier du parti - et, dans l'autre, d'un médecin qui pratique la médecine familiale et qui est présentement directeur du personnel d'un hôpital général local.

En tant que parents de trois enfants en parfaite santé, nous avons décidé de partager notre bonne fortune avec plusieurs enfants ayant des besoins spéciaux; nous en avons adopté trois. Le troisième enfant, une fille, nous est arrivée en 1986; elle souffrait alors du syndrome d'alcoolisme foetal (SAF). C'est à cause de cette enfant que nous avons décidé de consacrer notre expertise et notre énergie à la prévention du syndrome d'alcoolisme foetal. Nous avons déposé auprès du greffier un mémoire qui explique brièvement le SAF. Nous vous prions d'en prendre connaissance et de lire également les nouveaux articles que nous vous présentons aujourd'hui et de nous poser toute question qui vous semblera opportune. Nous allons tout de même résumer l'essentiel de notre position.

Pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Nous voulons vous parler de responsabilité - responsabilité en matière de syndrome d'alcoolisme foetal.

Il incombe aux scientifiques, c'est-à-dire aux chercheurs, une responsabilité, celle d'observer les défauts congénitaux et de faire enquête sur leur cause. Ils sont arrivés à la conclusion irréfutable qu'il existait des liens indiscutables entre le SAF et les effets de l'alcoolisme foetal (EAF). Ces effets sont d'ordre physique, neurologique, comportemental et émotif.

C'est comme si le cerveau du foetus était un ordinateur mal câblé. L'incidence est de l'ordre de 1 sur 600 à 1 sur 1 000 mais en visant cela on sous-évalue l'importance du problème. Parmi les déficiences congénitales, c'est la plus commune. On n'en guérit pas. Aucun médicament ne peut la faire disparaître.

Nous avons appris aujourd'hui dans les médias que le père d'un enfant atteint d'une affectation métabolique transmissible dévastatrice donne des conférences, ici à Ottawa, sur la nécessité de trouver un nouveau remède - un nouveau remède de Lorenzo. Vous avez peut-être vu le film fort touchant à ce sujet. La comparaison au SAF en plutôt affaire de contrastes.

Le SAF ne se manifeste par aucun défaut physique majeur. Peu d'effets sont visibles. Ces effets ne touchent pas l'enveloppe ou la gaine de cellules nerveuses, mais le nombre de neurones et leurs connections.

Aucun remède n'est à l'étude. Nous pouvons cependant prévenir le SAF. En effet, c'est tout à fait évitable.

Un dernier fait scientifique, d'une grande importance: aucun niveau d'exposition sans effet n'est connu, même si, dans les études scientifiques, on parle de l'absorption d'une once et demie à deux onces à la fois.

Néanmoins, chef des services de santé des États-Unis était arrivé à la conclusion, il y a plusieurs années, que l'étiquetage était important puisqu'il était vraisemblable que la consommation régulière à un niveau plus faible entraînait des réactions.

Par conséquent, la recherche est exhaustive, les données scientifiques sont objectives, les liens sont bien établis.

Où résident les responsabilités? L'industrie des boissons alcoolisées a la responsabilité, au même titre que n'importe quel fabricant de drogues, d'étiqueter comme il faut une drogue dont les effets toxiques et tératogènes sont connus. Aucune autre drogue n'est si largement vendue dans le commerce. Pourtant, celle-ci se vend sans qu'aucune contre-indication, dans le cas de grossesse par exemple, ne figure sur les contenants. Commercialiser un produit, c'est conclure un contrat avec le consommateur. La responsabilité est évidente.

Souhaitons-nous vraiment que notre population court des risques auxquels s'expose l'acheteur lorsqu'il s'agit d'une future mère et qu'un enfant innocent à naître pourrait en réalité en subir des effets durant toute sa vie?

L'industrie des boissons alcoolisées combat-elle cette mesure législative à cause du coût de l'étiquetage? Je ne le crois pas. On craint plutôt les effets qu'aurait une étiquette avertissant toute femme en âge de porter un enfant des risques courus. Il se pourrait qu'elle se demande si elle est enceinte avant de prendre un verre. Et je dis bien «un verre».

Évidemment, l'industrie court le risque de perdre un créneau. Qu'adviendrait-il, en effet, si cette drogue qu'est l'alcool inquiétait davantage?

Le secteur des boissons alcoolisées a rejeté toute responsabilité. Ceux qui le dirigent ne se comportent pas en bons citoyens. Ils ont reconnu devant le comité permanent du gouvernement antérieur que l'étiquetage était facile à mettre en application... Ils menacent de retirer le peu d'argent qu'ils dépensent pour l'éducation du public dans un effort ultime pour défendre la position immorale qui est la leur.

.0905

Quelle est donc la responsabilité du gouvernement? Par le truchement de Santé Canada, le gouvernement a l'obligation envers ceux qu'il représente de veiller à ce que toutes les drogues soient accompagnées d'étiquettes qui fournissent l'information voulue sur leur utilisation en toute innocuité, de manière à protéger le public de toute possibilité - je dis bien possibilité - de problèmes découlant d'un produit. Il suffit de se rappeler la catastrophe de la thalidomide pour comprendre l'importance de la direction générale de la protection de la santé.

Le coût de la réglementation en vaut-il la chandelle? Il faut mettre dans la balance le coût d'un règlement par rapport à la perte de vies productives, un cas sur 600 naissances. Il s'agit de 10 millions de dollars contre 2,7 milliards de dollars consacrés annuellement au SAF. Sans être vérificateur général, on peut faire soi-même le calcul.

Par ailleurs, on peut bien imaginer que Santé Canada s'exposerait à des poursuites en cas de recours collectif de la part du réseau SAF, dont les membres sont très bien informés, si ce ministère se laissait inviter au cinq à sept du secteur des boissons.

Et le milieu médical? Les médecins ont assumé certaines responsabilités. L'AMC s'est prononcé clairement en faveur du projet de loi C-222 dans le mémoire qu'elle a déposé devant votre comité. L'Association canadienne des infirmières continue de soutenir la cause de la prévention et de souligner les effets constructifs de l'étiquetage, de pair avec la sensibilisation du public. Nous vous avons apporté quelques-uns de leurs articles.

À titre de chef du personnel, je sais que les hôpitaux de la région s'efforce de favoriser un milieu plus propice aux nourrissons, selon les normes de l'Organisation mondiale de la santé. Cela implique l'allaitement maternel généralisé et une série d'autres mesures importantes susceptibles de protéger l'environnement du nouveau-né.

Le bébé victime du syndrome d'alcoolisme foetal n'est même pas en mesure de téter comme il faut ni le sein, ni le biberon. Nous sommes dans une situation ridicule, tout à fait paradoxale. Nos obstétriciens consacrent une partie importante de leur temps à détecter le plus tôt possible les problèmes de grossesse. Or, dans le cas qui nous intéresse, il se peut bien souvent qu'ils agissent trop tard, même s'ils rencontrent la patiente enceinte très tôt, dès le résultat du test de grossesse. Il est déjà trop tard pour la prévention à ce moment-là et une vie de plus risque d'être moins productive qu'elle aurait pu l'être.

L'étiquetage n'est que l'une des solutions à un problème qui comporte de nombreux aspects. Néanmoins, on ne peut en faire abstraction. On ne peut négliger l'occasion d'empêcher même un petit nombre de cas en prétendant que telle ou telle mesure n'est pas une solution miracle. D'ailleurs, en médecine, il y a peu de solutions miracle.

Contrairement à ce qui se passe dans l'industrie des boissons alcoolisées, il y a des gens qui n'ont pas peur d'assumer leurs responsabilités. C'est le cas de votre comité, de sa présidente et du député qui a proposé le projet de loi C-222. Dans ses réunions, votre comité peut s'appuyer sur les travaux du comité qui l'a précédé en 1992, qui a étudié le SAF et qui a formulé des recommandations claires à l'époque. Votre comité peut recevoir des témoins, même des gens ordinaires comme nous; en fait surtout ceux qui ne sont pas motivés par l'intérêt financier. Enfin, votre comité peut se demander sérieusement ou réside l'intérêt des Canadiens, et non pas nécessairement celui d'un seul secteur d'activité économique.

[Français]

Pourquoi sommes-nous ici? C'est parce que la responsabilité de vivre avec ces enfants nous revient finalement à nous, les parents. Qui serait mieux en mesure de vous faire part de l'aspect humain de cette tragédie qu'on aurait sans doute pu prévenir?

Plus tôt cette année, à la suite de l'introduction de ce projet de loi, mon épouse et moi adressions des lettres à tous les députés les avisant du très grave problème que représente le syndrome d'alcoolisme foetal. Des lettres d'appui nous sont parvenues des députés de tous les partis politiques, et nous vous en remercions. C'était très encourageant.

Dans sa plus récente lettre, la secrétaire parlementaire de la ministre de Santé de l'époque, Mme Marleau, nous indiquait son plein appui à ce projet de loi et à notre entreprise. Imaginez notre étonnement lorsque nous apprenions récemment, en lisant le Citizen, les hésitations du ministre actuel à l'égard de ce même projet de loi. Pourquoi ce revirement soudain?

[Traduction]

Le changement d'opinion n'est certainement pas attribuable à de nouvelles données scientifiques, ni au milieu médical. Il ne vient certainement pas des enfants touchés ou de leurs parents. Alors, que s'est-il passé? C'est moi qui vous le demande.

Si ce projet de loi n'est pas adopté, je serais offensé à titre de contribuable et d'électeur, aussi bien qu'à titre de médecin et d'administrateur et, ce qui importe encore davantage, à titre de parent et d'être humain.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente: Merci, docteur Joanisse. Je trouve vos arguments fort convaincants.

[Français]

Madame Picard.

Mme Picard (Drummond): Madame la présidente, je n'ai pas de questions en ce moment.

.0910

[Traduction]

La présidente: John.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci de votre exposé. Vous avez parlé avec passion, éloquence et intelligence. Je vous en suis reconnaissant.

Je ne conteste nullement ce que vous dites au sujet du syndrome d'alcoolisme foetal. Tel n'est pas mon propos. Vous avez dit que les formes d'intervention nécessaires étaient multiples. Je suis tout à fait d'accord. À mon avis, il s'agit notamment d'une responsabilité qui relève de Santé Canada.

Je continue toutefois de me demander si l 'étiquetage servirait à quelque chose. Les résultats de recherche ne sont pas nécessairement convaincants... Tout dépend évidemment de ceux qui présentent la recherche.

Mme Simone Joanisse (témoignage à titre personnel): Vous avez retenu ce commentaire.

M. Murphy: En effet.

Pouvez-vous donc m'aider à mieux comprendre?

Mme Joanisse: Cette question nous touche évidement de très près...

M. Murphy: Bien entendu.

Mme Joanisse: ...et elle fait partie de notre vie de tous les jours. C'est le deuxième aspect. Nous avons beaucoup lu sur la question depuis que nous avons décidé de défendre la cause de la prévention. De la recherche a été faite.

Je ne suis pas Earnscliffe. Je ne fais pas partie du groupe de lobbyistes qui a comparu et qui a effectué la recherche pour le compte du secteur des boissons. Nous sommes nos propres lobbyistes. D'après nos lectures... je ne pourrais vous donner de résultats empiriques, mais on prétend qu'un léger changement a été constaté aux États-Unis après l'adoption de l'étiquetage. «Léger» est tout de même valable comme terme. En effet, un enfant de moins atteint du SAF, croyez-moi, c'est déjà toute une économie. Voilà un premier argument. Deuxièmement, nous donnons à une vie son plein potentiel.

Revenons donc à l'étiquetage. L'inscription sur les bouteilles américaines est trop petite. Nous en sommes conscients, je crois. Nous l'avons constaté. Il y a peut-être trop de texte. Nous le savons aussi. J'ai eu l'occasion d'entendre M. Hill lorsqu'il a pris la parole à la Chambre à la première lecture. En effet, il faudrait peut-être que l'inscription soit plus concise et plus frappante. Je l'ignore.

L'étiquetage est affaire de culture. Prenons le débat sur le contrôle des armes à feu. Nous avons tout d'abord établi une norme de comportement. Il se peut que cela empêchera quelqu'un de venir tirer sur moi dans ma maison. Dans quelques décennies, la norme fera partie de notre culture: nous nous définirons comme des gens paisibles qui ne ressentent pas le besoin de faire suivre leur fusil partout. Dans le cas qui nous intéresse, c'est la même chose. L'introduction est graduelle. Les gens vont finir par avoir le réflexe d'y penser.

Selon le lobby des boissons alcoolisées, 95 p. 100 - et d'ailleurs le pourcentage s'est accru à diverses reprises au cours de l'entretien; à la télé on a même parlé de 98 p. 100 - des gens savent qu'il ne faut pas consommer d'alcool lorsqu'on est enceinte. J'en ai parlé à mes collègues et à votre personnel, des gens plutôt intelligents, d'après moi. Je leur ai posé la question. Personne n'a pu me dire pourquoi il ne faut pas consommer d'alcool lorsqu'on est enceinte. Ce n'est tout simplement pas une bonne idée, m'ont-ils répondu. Oui, mais pourquoi? Ils ne connaissaient pas l'effet de l'alcool; pourtant ce sont des gens bien renseignés.

Ainsi, pour moi, l'étiquetage n'est que le début d'une lourde tâche. Je le sais bien. Il faut également sensibiliser le public.

Et c'est ce qui va se produire. Nous l'avons constaté lorsque nous avons visité l'un de nos fils en Californie. L'avertissement figure sur les étiquettes aux États-Unis, comme vous le savez. Cependant, dans les bars, il y a au-dessus du bar un écriteau en grosses lettres qui dit: «Si vous êtes enceinte, ne consommez pas d'alcool». Et puis, si vous allez aux toilettes, c'est inscrit là aussi: «Si vous êtes enceinte, abstenez-vous de boire de l'alcool». Donc, ce n'est qu'une question de temps.

Venez vivre avec un enfant atteint du SAF et vous verrez si cela a de l'importance.

M. Murphy: Je n'en doute pas un instant.

Voyez-vous d'autres façons médicales de lutter contre ce problème?

Mme Joanisse: Quand je rentre le soir à la maison, je passe devant un panneau qui montre un cerveau. La légende est la suivante: «Votre compagnon de route». C'est un élément de la campagne de 10 millions de dollars que mène l'industrie. C'est fantastique. Je n'ai cependant jamais vu un panneau montrant un enfant atteint du syndrome d'alcoolisme foetal dont la légende serait la suivante: «La cuite qui dure toute une vie».

Je sais que l'industrie a investi dans la lutte contre le SAF. Je sais qu'elle accorde aussi des fonds au Centre canadien de lutte contre les toxicomanies. Ce qu'on ne sait pas, c'est que des bénévoles travaillent à ce centre un après-midi par semaine.

Il ne fait aucun doute que l'industrie investie des fonds dans la lutte contre le SAF. Il faut cependant faire davantage, et je crois que l'étiquetage n'est qu'un début. Cette mesure sensibilisera l'industrie, le public et les propriétaires de bars notamment à l'importance de cette tragédie.

M. Murphy: Vous pensez donc qu'on devrait installer des panneaux à ce sujet dans les bars?

Mme Joanisse: Oui, mais il faut aussi mettre une mise en garde sur les étiquettes. Je ne vais pas vous dire d'oublier ces mises en garde. Il faut que le message se voie bien et soit frappant.

Dr Joanisse: Il faut aussi sensibiliser les médecins au problème. Cela ne fait aucun doute, mais cela n'exclut pas les mises en garde sur les étiquettes. Il faut que la sensibilisation des médecins commence dès la faculté de médecine. On commence d'ailleurs à le faire. À mon hôpital, des obstétriciens et des pédiatres savent bien que le SAF est causé par la consommation de l'alcool. Très bien, mais de combien d'alcool s'agit-il? Un seul verre suffit.

Je ne peux pas croire que le lobby des fabricants de boissons alcoolisées ratent ainsi l'occasion de bien paraître. Il leur en coûterait très peu. Ils ne s'opposent certes pas à la mesure en raison de son coût. Je crois qu'ils craignent qu'elle ne mène à un changement d'attitude au sujet de l'alcool.

M. Murphy: Je comprends très bien la gravité du problème parce que dans mon domaine, la santé mentale et la psychiatrie, on voit beaucoup d'enfant qui manifestent le symptôme que vous avez décrit. Très souvent, on ne savait même pas qu'il pouvait être attribuable au SAF.

Mme Joanisse: C'est juste. C'est cependant une autre affaire.

M. Murphy: Vous oeuvrez à changer les attitudes des gens. C'est incroyable. Je suis tout à fait convaincu de la gravité du problème. Je me demande simplement si cette mesure sera efficace ou s'il ne faudrait pas intervenir d'autres façons, soit en sensibilisant le public davantage.

Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Murphy.

Monsieur Szabo, il s'agit de votre projet de loi.

M. Szabo (Mississauga-Sud): Lorsque les représentants de l'industrie ont comparu devant nous, ils ont fait valoir que 95 p. 100 des gens étaient au courant de l'existence du SAF. Lorsque le Comité permanent de la santé a cependant demandé au National Crime Prevention Council quel était, à leur avis, le pourcentage de femmes qui connaissaient l'existence du SAF, ils ont répondu que ce pourcentage était très faible. Il nous incombe donc, madame la présidente, de vérifier les faits.

J'espère que vous pourrez nous aider, parce que comme mon ami vient de le souligner, ce que nous souhaitons à tout prix c'est de trouver une mesure efficace. Il ne sert à rien d'adopter une loi si celle-ci n'a aucune chance d'être utile.

J'ai ici un document, madame la présidente, que je remettrai à la greffière pour qu'elle en distribue un exemplaire à tous les membres du comité. Il s'agit d'un document du National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism sur lequel j'aimerais avoir l'avis du docteur Joanisse. Je vais reformuler ce qui y est dit.

Six mois après l'adoption des mises en garde sur les étiquettes, 21 p. 100 des adultes américains disaient en avoir pris connaissance et 18 mois après, c'était 27 p. 100 des adultes américains qui disaient avoir lu l'étiquette. Ce sont parmi les jeunes femmes et les gros buveurs, soit deux groupes à risque, que se trouvait le plus grand nombre de personnes ayant dit avoir lu les mises en garde. Le document conclu que ceux qui ont vu la mise en garde étaient plus susceptibles d'éviter de conduire lorsqu'ils avaient bu ou de boire lorsqu'ils devaient conduire. Ce n'est que quelques-uns des faits qui ressortent de ce document.

La question de savoir comment évaluer l'efficacité. L'efficacité se mesure-t-elle au degré de sensibilisation aux problèmes ou à un changement d'attitude? À titre de médecin, John, pourriez-vous nous dire si l'expérience américaine qui est, je crois, celle qui a le plus de pertinence pour nous est suffisamment longue pour qu'on la considère concluante? Puisque les données datent de 1992-1993, suffisamment de temps s'est-il écoulé pour qu'on puisse juger si les attitudes ont changé ou si les gens sont simplement davantage sensibilisés au problème?

Dr Joanisse: Je crois qu'il ne fait aucun doute que l'étiquetage est efficace. Je ne suis pas un chercheur ni un statisticien, mais les jeunes femmes enceintes qui viennent me consulter me demandent si ce qu'on lit sur les paquets de cigarettes, à savoir qu'il n'est pas bon de fumer pendant la grossesse, est bien vrai. Si ces femmes posent ce genre de questions, c'est parce qu'elles ont lu l'étiquette. Elles demandent donc plus d'information.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne ciblons pas ceux qui abusent de l'alcool. Je ne dis pas qu'on ne peut rien pour eux, mais je ne pense pas que l'étiquetage soit très efficace dans leur cas. Nous ciblons simplement les personnes qui ne sont pas conscientes du problème. Nous voulons amener ces femmes à se poser des questions. Nous voudrions qu'elles y réfléchissent deux fois avant de boire. Si elles le font, peut-être qu'elles ne boiront pas. Elles voudront peut-être obtenir plus d'information, et c'est une bonne chose que nous puissions leur en fournir. Si l'industrie des boissons alcoolisées, Santé Canada et l'AMC veulent faire leur part pour fournir plus d'information, ce ne peut qu'être bénéfique. Nous voulons simplement permettre à ces femmes de réfléchir à la question.

.0920

M. Szabo: J'ai une dernière brève question. Je m'adresse à vous à titre de médecin ou, de parent d'un enfant atteint du SAF et aussi à titre de militant. À combien estimez-vous le nombre de femmes qui connaissent maintenant l'existence du SAF ou qui sont conscientes des conséquences de la consommation d'alcool pendant la grossesse?

Mme Joanisse: Permettez-moi d'abord d'intervenir. Après avoir entendu les arguments présentés par les fabricants de boissons alcoolisées et après avoir lu ce rapport, j'ai effectué mon propre petit sondage. En prévision de ma comparution ici aujourd'hui, j'ai demandé à des jeunes femmes enceintes qui sont les amies de nos enfants plus âgés ainsi qu'à certaines collègues si elles connaissaient l'existence du SAF, et elles m'ont répondu que non. Ces femmes connaissent notre fille et sa situation. Elle est jolie, nous l'amenons partout où nous allons et c'est tout ce qu'ils savent à son sujet.

Elles ne connaissent pas l'existence du SAF. Elles ne savent pas que les problèmes de notre fille seront peut-être dus au fait que sa mère a consommé un verre d'alcool par jour pendant ses trois premiers mois de grossesse, deux verres par jour pendant six mois ou, un verre pendant neuf mois ou qu'elle a peut-être été ivre une fois. Ils ne font pas le lien.

Je crois que plus on forcera les gens à discuter du problème, et plus nous amènerons aussi l'industrie à s'y intéresser, mieux ça vaudra pour tout le monde. La même chose vaut pour ce qui est de la conduite en état d'ivresse. Nous visons à sensibiliser les buveurs modérés ou tout simplement celles qui consomment un verre d'alcool pendant leur grossesse.

La présidente: Monsieur Hill.

M. Hill (Macleod): Vous avez dit quelque chose qui m'a frappé. Moi j'aimerais une étiquette qui soit très visuelle. Une étiquette qui montrerait, par exemple, une femme enceinte de profil sur laquelle il y aurait un X. Ne pensez-vous pas que ce genre de symbole sera plus efficace qu'un texte qui risque d'être difficile à lire?

Mme Joanisse: J'ai vu l'un des vos collègues regarder au microscope ces bouteilles américaines. Oui, il y a certainement des gens qui ne liront pas les étiquettes. J'ai écouté votre premier discours à la Chambre, et je suis d'accord avec votre idée d'un symbole. C'est de cette façon que nous avons procédé pour alerter les gens aux risques du tabac et l'avantage, c'est qu'un symbole est multilingue. J'aimerais qu'on le voie bien. Je ne voudrais pas qu'on cache le symbole dans le coin droit inférieur. Il faudra qu'on puisse le voir. J'aime cette idée, moi qui bois un verre à l'occasion seulement.

M. Hill: Docteur Joanisse, nous avons souvent discuté de la possibilité que l'industrie des boissons alcoolisées adopte volontairement cette mesure. Notre association, l'Association médicale canadienne y est fermement favorable. Je crois cependant que notre association rate l'occasion qui lui est donnée de collaborer avec l'industrie au financement de ce programme. Je crois que les organismes qui oeuvrent dans le domaine de la santé pourraient participer à la mise en oeuvre d'un programme conjoint. Qu'en pensez-vous?

Dr Joanisse: Je suis d'accord avec vous. Je crois que l'AMC et l'industrie devraient collaborer, mais pour l'instant, notre association n'y est pas prête.

La présidente: Monsieur Scott.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): J'aimerais ajouter quelque chose dans la même veine. J'ai aussi assisté à la réunion à laquelle participait Claudette Bradshaw de Moncton et qui portait sur le programme Bon Départ. Tout le monde veut venir en aide aux enfants. Il s'agit simplement de trouver la façon de le faire. Madame Bradshaw est responsable d'un programme visant à aider les enfants à risques de Moncton.

Madame Bradshaw a fait remarquer que ces étiquettes ne permettraient pas vraiment d'atteindre les gens auprès desquels elle intervient. Elle faisait remarquer que dans bien des cas, les parents des enfants dont elle s'occupe ne savent pas lire. Cela revient à ce que Grant disait.

Il s'agit de savoir si cette mesure est la façon la plus efficace d'atteindre le groupe que nous ciblons. Voilà ma question. J'aimerais savoir si on a fait des recherches là-dessus.

.0925

Mme Joanisse: L'industrie soutient également, monsieur Scott, qu'on ne rejoindra pas ainsi les femmes qui boivent.

Il y a aussi le problème de la pauvreté. La plupart des débits de boisson dans les grandes villes se trouvent dans les quartiers pauvres. Des statistiques à ce sujet existent pour Vancouver, Toronto et Montréal. C'est dans les quartiers pauvres qu'on trouve le plus grand nombre de débits de boisson.

Bien des gens vont dans les bars. C'est vrai que s'ils ne débouchent pas la bouteille, ils ne la voient pas, mais la personne qui la débouche voit bien que la femme est enceinte. Parfois cela se voit. Ceux qui la savent et ceux qui se trouvent autour d'elle voient bien qu'elle est enceinte. Nous voulons évidemment amener les gens à changer leurs attitudes. Cela ne surviendra pas du jour au lendemain, et il est vrai que la mesure ne sera pas efficace dans le cas de celles qui ont déjà donné naissance à un enfant.

M. Scott: Je ne m'inquiète pas tellement de l'efficacité de l'étiquetage. J'ai suffisamment étudié le dossier du tabac pour savoir que l'étiquetage est efficace. Il s'agit simplement ici de bien cibler nos efforts. Est-ce bien la meilleure façon de rejoindre le groupe-cible?

Mme Joanisse: Vous finirez par rejoindre ces gens. N'importe quelle femme en âge d'avoir des enfants pourrait donner naissance à un enfant atteint du SAF. Ce ne sont pas seulement les personnes à risque qui peuvent avoir des enfants atteints de cette maladie.

Dr Joanisse: Faut-il qu'il s'agisse de la meilleure mesure pour qu'elle soit efficace?

M. Scott: Non, mais il nous faut faire des choix.

La présidente: Madame Picard.

[Français]

Mme Picard: Madame Joanisse, j'aimerais savoir si certaines femmes sont plus à risque que d'autres. Selon ce que je comprends et ce que les témoins nous disent au sujet du syndrome d'alcoolisme foetal, quand on prend un verre de vin par jour, comme c'est le cas dans certaines cultures, on risque de mettre au monde un enfant qui développe de tels problèmes.

Qu'est-ce qui arrive dans le cas des femmes qui ne savent pas encore qu'elles sont enceintes? Dans ma culture, dans ma famille, nous buvons du vin en mangeant. Lorsque je suis devenue enceinte, je ne l'ai su qu'au bout de trois mois et demi et, dans l'autre cas, qu'au bout de quatre mois. Pourtant, mes deux filles sont tout à fait normales et n'ont aucun problème de ce genre.

J'aimerais savoir si l'abus d'alcool fait en sorte que nous sommes à risque ou si nous sommes toutes à risque.

Dr Joanisse: Ça ne se limite pas à l'abus. Il y a une relation directe entre la quantité consommée et les effets: c'est un graphique en ligne droite, une réponse à la dose. La question qui se pose est justement celle que vous posez: pourquoi certaines mères qui ont consommé, tout à fait innocemment, une très faible quantité d'alcool portent-elles des enfants tout à fait normaux? On ne le sait pas.

Il y a certainement un problème multidimensionnel à ce niveau-là. Il se peut qu'il y ait une prédisposition - je dépasse ici totalement ma compétence - au plan génétique. Un foetus serait sans doute plus à risque qu'un autre qui serait exposé à la même quantité d'alcool. C'est ce que l'on constate dans plusieurs cas. La manifestation du syndrome dépend de plusieurs facteurs. Ainsi, ce qui est tout à fait inoffensif dans votre cas serait nocif chez quelqu'un d'autre, et ce pour des raisons qu'on ne connaît pas pleinement à l'heure actuelle. Mais le risque est là. Je suis très heureux que vos enfants se portent bien; c'est aussi le cas des nôtres. Je dois avouer que nos trois enfants naturels sont maintenant assez grands et que je ne me souviens pas si mon épouse avait consommé un peu d'alcool durant ses grossesses.

Mme Picard: On parle aussi de plusieurs cultures, dont celle des Français. J'ai une foule d'amies françaises. Elles sont saines, leurs enfants aussi. Pourtant, on sait qu'en France, cela fait partie de la grande culture. Même les enfants boivent un verre de vin au repas, comme les nôtres boivent un verre de lait. Je n'arrive pas à comprendre.

.0930

Les hommes qui ont des problèmes d'alcoolisme n'engendrent-ils pas des enfants qui auront des problèmes? L'alcoolisme du père ne serait-il pas aussi un problème pour le foetus?

Dr Joanisse: Il semble que non. L'effet toxique de la drogue se transmet et nuit au développement du foetus dès la deuxième semaine de gestation. Il ne semble pas y avoir de changement au niveau du sperme, de l'aspect génétique du chromosome même. Tout se passe plutôt après ce stade, lorsque l'enfant est dans la matrice.

Mme Picard: Merci beaucoup.

Dr Joanisse: En ce qui a trait à la culture, les études qu'on a vues ont été faites surtout, et peut-être exclusivement, en Amérique, particulièrement aux environs de Seattle. Je ne crois pas que les scientifiques de France ou d'ailleurs en Europe se soient penchés sur cette question. Je m'aventure peut-être sur une chose sur je laquelle je ne devrais pas me prononcer.

Est-ce parce qu'une loi exige le port de la ceinture de sécurité que dans notre pays... Vous connaissez l'argument.

Mme Picard: Oui, oui.

Dr Joanisse: Merci de votre question.

[Traduction]

La présidente: Avant de terminer, vous avez fait allusion, Dr Joanisse et Simone, aux remarques du ministre de la Santé. Il est regrettable que le ministre ait donné son avis avant que nous n'ayons pu entendre tous les témoins, mais à sa décharge, je dois dire que M. Murphy l'a mis sur la sellette en lui demandant son avis. Il nous faut maintenant convaincre le ministre que le projet de loi mérite d'être adopté.

C'est la dernière séance que nous consacrons à l'audition de témoins. Nous passerons à l'étude article par article mardi. Cela aiderait Nancy si... Nous avons appris que le syndrome de l'alcoolisme foetal cause des malformations congénitales ainsi que des problèmes de comportement et d'apprentissage, mais savez-vous si des organismes gouvernementaux canadiens recueillent des données nationales et provinciales sur ses problèmes médicaux? A-t-on essayé d'évaluer les coûts médicaux liés au SAF?

Mme Joanisse: J'ai travaillé un peu avec le Fetal Alcohol Support Network à Toronto. Vous allez entendre le point de vue de Santé Canada un peu plus tard. J'étais à une conférence en même temps qu'une représentante de Santé Canada. Elle nous a montré les résultats de certaines recherches et une politique que le ministère était en train de mettre au point de concert avec l'AMC, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada et de l'Association des pédiatres où il était question du nombre de cas, puisque c'est cela que vous voulez savoir, je pense, ils ont parlé de un cas sur 500 ou un cas sur 600. D'après les experts, on sous-évalue l'importance du problème en parlant de un cas sur 600. Ce serait plutôt un cas sur 500. C'est ce qu'on m'a dit à ce moment-là.

À part cela, dans la politique en question... j'ai essayé de l'obtenir d'un adjoint législatif du ministre, mais je n'ai pas réussi à le joindre. La politique que le ministère élaborait à l'époque, c'est-à-dire en février dernier, énonçait très clairement les conclusions de divers organismes et même de Santé Canada selon lesquels on n'a établi aucun niveau de consommation d'alcool sûr pendant la grossesse. Ces mots sont très importants. Ce sont les conclusions tirées des recherches sur le nombre de cas et le moment où l'alcool fait du tort au foetus.

L'une des choses que nous avons laissées au comité est un tableau que j'ai ramené de cette conférence. Ce tableau montre à combien de semaines la consommation d'alcool fait du tort au cerveau, à combien de semaines elle a un effet sur l'ouïe, à combien de semaines elle a des conséquences pour les membres, et ainsi de suite. Vous voudrez peut-être y jeter un coup d'oeil. Je répète que nous représentons nos propres intérêts ici.

La présidente: Merci beaucoup. Vous vous représentez très bien. Nous vous remercions d'être venus. Votre témoignage a été très instructif. Tout ce que je peux faire, c'est de vous remercier d'avoir pris le temps de comparaître ce matin même si vous avez un horaire très chargé à l'hôpital Montfort. Merci, Simone.

Dr Joanisse: Merci de m'avoir écouté.

La présidente: Merci beaucoup et bonne chance.

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Nos prochains témoins représentent MADD Canada.

Bonjour, monsieur Bates et madame Meldrum. Merci d'être venus témoigner devant le comité. Si j'ai bien compris, monsieur Bates, vous en êtes le fondateur et le directeur national.

M. John Bates (Fondateur et directeur du Conseil national, Mères contre la conduite en état d'ébriété): C'est exact.

La présidente: Si j'ai bien compris, madame Meldrum, vous êtes une victime.

Mme Jane Meldrum (présidente du Conseil national, Mères contre la conduite en état d'ébriété): Je suis maintenant présidente du Conseil.

La présidente: Je m'excuse. Vous avez un exposé à nous faire et nous sommes prêts à vous écouter. Pourriez-vous essayer de vous en tenir à cinq ou sept minutes? Merci.

Mme Meldrum: Je serai très brève.

Madame la présidente et membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités ce matin pour nous permettre d'appuyer le projet de loi C-222.

Dans trois jours, le 16 mai, ce sera le sixième anniversaire du jour où notre monde familial s'est effondré. Notre fils unique est monté comme d'habitude dans sa voiture pour se rendre à son travail. Il ne savait pas qu'un tueur, un conducteur en état d'ébriété, était aussi sur la route ce soir là et qu'il deviendrait sa victime.

Certains de nos amis ont adopté un petit garçon il y a plus de 30 ans et, à mesure que ce petit garçon a grandi, leur vie familiale est devenue un cauchemar. Pourquoi? Il était atteint du syndrome d'alcoolisme foetal. Nous nous rappelons toutes les conséquences horribles de la thalidomide, qui empêchait les membres du foetus de se développer. Ce médicament a rapidement été retiré du marché.

L'alcool arrête le développement du cerveau du foetus, mais nous luttons encore pour qu'on mette une étiquette de mise en garde sur ce produit. Ce serait bien plus facile si la solution au problème de l'alcool était aussi simple que la solution au problème de la thalidomide l'était.

Nous avons des étiquettes de mise en garde sur les produits du tabac et des zones sans fumée, mais personne qui fume du tabac ne tue ou ne mutile des innocents dans des actes criminels liés à leur habitude. Nous n'avons aucune protection contre les consommateurs d'alcool et contre tous les crimes découlant de la consommation de l'alcool.

Je sais que le fait d'apposer une étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées ne résoudra pas les énormes problèmes causés par l'alcool, mais je pense que ce serait un pas dans la bonne voie. MADD appuie donc pleinement le projet de loi C-222 et demande au Parlement de considérer qu'il s'agit non pas d'une question politique, mais plutôt d'une question humanitaire.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, madame Meldrum.

Monsieur Bates, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Bates: Oui, madame la présidente. J'ai remis un mémoire au comité et je crois savoir qu'il a été distribué. Je n'essaierai donc pas de le lire en entier. Je vais simplement vous parler des points saillants.

Notre organisme a été créé il y a une quinzaine d'années et portait alors le nom de PRIDE, c'est-à-dire People to Reduce Impaired Driving Everywhere. L'un des points principaux de notre tout premier énoncé de principes portait justement sur les étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées. Nous jugions que c'était extrêmement important et essentiel pour résoudre le problème.

Nous devons cesser de nous leurrer. L'alcool est une drogue, au même titre que la cocaïne, l'héroïne, ou toute autre drogue que l'on qualifie d'illégale. Ce statut est indiqué dans la pharmacopée. C'est une substance psychotrope qui crée l'accoutumance. Nous ne devons pas nous faire d'illusions. Le fait que l'alcool soit légal, une drogue légale, ne change en rien son statut de drogue dangereuse.

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D'ailleurs, les dommages sociaux causés par l'alcool surpassent ceux de toutes les autres drogues illicites réunies. On estime qu'environ 500 personnes meurent tous les ans des effets des drogues illégales dans notre pays. Chaque année, environ 19 000 Canadiens meurent de causes liées à l'alcool. Par exemple, quelque 1 500 personnes perdent la vie, comme le fils de Jane, dans un accident de la route causé par l'alcool au volant; l'alcool est responsable de 65 p. 100 des accidents mortels de motoneige, de 50 p. 100 de tous les crimes de violence... Je ne vais pas décrire tous les ravages causés par l'alcool parce que l'honorable Paul Szabo a exposé le problème de façon très complète et éloquente dans sa déclaration à la Chambre, le 7 décembre 1995, en présentant le projet de loi C-222.

Nous nous posons encore des questions, comme tout le monde et comme le grand public, je pense. De toute façon, nous sommes mystifiés. Pourquoi l'alcool est-il le seul produit de consommation à ne pas être soumis aux lois sur l'étiquetage? Pourquoi?

Je pense que la Chambre doit répondre à cette question. Ce sont nos politiques qui doivent répondre à cette question. Nous voulons connaître la raison. Même une boîte de soupe n'est pas exemptée des lois sur l'étiquetage. Malgré toute la mortalité, la morbidité et la misère que cause l'alcool, est-il sensé de refuser de mettre les Canadiens en garde contre les dangers qu'ils courent, au moment de la consommation et de la vente? Est-ce logique? Bien sûr que non. C'est ridicule.

Parlons un peu de l'industrie. Comme on l'a si bien dit déjà, les objections de l'industrie semblent reposer sur trois raisons. D'après l'industrie, les étiquettes coûteront cher, ce qui n'est pas le cas. Les fabricants pensent que les étiquettes ne feront aucune différence, mais ce n'est pas vrai, car elles feront peur aux gens, ce qui est de toute façon une bonne idée.

On arrive ensuite à la question de savoir si les étiquettes seraient efficaces ou non. De toute évidence, c'est à l'industrie de prouver que les étiquettes n'ont aucun effet, plutôt qu'aux défenseurs de la santé et de la sécurité de prouver qu'elles en ont un. Ce n'est que raisonnable.

Presque tous les produits dangereux dans notre société portent une étiquette de mise en garde. On peut songer à toutes sortes d'exemples. Les tondeuses à gazon ont une étiquette disant qu'on ne doit pas mettre la main sous la tondeuse lorsqu'elle est en marche. Personne ne songerait à mettre sa main sous la tondeuse lorsqu'elle est en marche de toute façon, alors pourquoi apposer une étiquette pour le rappeler si ce n'est pas efficace? L'industrie a probablement apposé l'étiquette pour éviter des poursuites en justice, mais cela fonctionne certainement. C'est pour cela que l'industrie a mis les étiquettes. Tout le monde le fait.

Ce devrait être une question de bon sens. La drogue la plus dangereuse, celle qu'on offre en vente libre, devrait être reconnue par tous comme une drogue. Si elle ne l'est pas à l'heure actuelle, c'est à cause de l'un des lobbys les plus puissants au Canada à l'heure actuelle, celui des boissons alcoolisées.

Maintenant, si les membres du comité n'ont pas encore subi les assauts de ce lobby, ce sera bientôt le cas; il en va de même pour tous vos collègues de la Chambre. Il y a maintenant 15 ans que je me bats contre ce groupe de pression et je connais sa puissance. Il a de l'argent. Inutile de vous dire que nous nous présentons à ces audiences avec des moyens minimes alors qu'eux déballent tout un arsenal.

Pourquoi ces gens-là ont-ils peur de cette loi? Pourquoi font-ils tant de bruit? Ils ont pris tous les moyens inimaginables. Pourquoi? Il n'y a qu'une seule raison. Croyez-moi, ce n'est pas le coût. C'est parce que cette loi aura un effet sur les ventes et la consommation. C'est pourquoi ils ne veulent pas de ces étiquettes. S'ils n'en veulent pas, c'est exactement pour la même raison que celle pour laquelle nous les voulons: cela abaissera la consommation, diminuera les abus et les cas d'ivresse au volant.

Ces gens-là vendent de l'alcool librement, comme une chose qu'on fait naturellement tous les jours. Molson a sa fameuse campagne de responsabilisation, mais c'est cette même entreprise qui présente des annonces à la télévision où des enfants dévalent une pente en vélo de montagne, puis remontent la même côte en portant leur vélo sur leur dos. C'est le genre de chose que les buveurs de bière font.

Dans une autre réclame de cette même entreprise, on voit des jeunes se jeter en parachute en bas d'une falaise de 1 000 pieds, et cette entreprise a le culot incroyable de produire une autre campagne où elle dit qu'il faut boire en adulte responsable. Pourtant, on ne lui fait pas le moindre reproche.

Et si on disait, d'accord, vous pouvez mettre des étiquettes santé sur vos produits? Il y a des études qui tendent à montrer qu'on peut diminuer les maladies cardio-vasculaires en buvant deux verres par jour. Si le gouvernement autorisait cela, pensez-vous un seul instant que l'industrie s'opposerait à ce qu'on mette de telles étiquettes sur ses bouteilles? Tout le monde se presserait pour les mettre. Il va sans dire qu'ils seraient d'accord.

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Revenons à cette histoire de santé dont on parle. Est-ce qu'on peut considérer l'alcool...? L'industrie vinicole aux États-Unis a demandé au gouvernement américain la permission de mettre des étiquettes santé sur ses bouteilles. Il existe toutes sortes de choses qui, selon les médecins présents, ont exactement le même effet que le prétendu ingrédient dans le vin rouge. La vitamine E, l'AAS ou acide acétylsalicylique, un mode de vie sain, peu de gras: il y a des tas de moyens, qui valent mieux que l'alcool, de réduire l'incidence des maladies cardio-vasculaires.

La présidente: Monsieur Bates, vous en êtes à neuf minutes. Pourriez-vous conclure pour que nous puissions vous poser des questions?

M. Bates: Il y a un tas d'autres choses qui sont étiquetées.

La présidente: On en reparlera sans doute au cours de la période des questions et réponses. Ce serait plus approprié.

M. Bates: Je dirais seulement une chose. On s'attend à ce que notre gouvernement gouverne. On s'attend à ce que le gouvernement fasse des choses qui profitent aux gens et non à l'industrie de l'alcool. Nos intérêts s'excluent mutuellement.

La présidente: Merci beaucoup.

Madame Picard.

[Français]

Mme Picard: Je n'ai pas de questions.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Szabo.

M. Szabo: Merci Jane et John. Je vous félicite de porter ce flambeau depuis au moins 15 ans, et probablement davantage.

Chose certaine, il y a des problèmes qui apparaissent. L'un d'entre eux a trait à l'efficacité.

Les chiffres que vous mentionnez, 19 000 décès: savez-vous combien de victimes cause l'alcoolisme au Canada? Je crois que ce chiffre de 19 000 est pour 1994 ou 1993. Est-ce qu'on sait dans quel sens cela évolue?

M. Bates: Chose curieuse, comme nous l'avons dit, près de 10 p. 100 des Canadiens boivent trop. Il en va de même en Suède, où les lois sont très sévères. C'est vrai partout. Ce taux de 10 p. 100 semble assez généralisé. Pour ce qui est de l'ivresse au volant, plus de gens disent aujourd'hui qu'ils prennent le volant après avoir bu, en fait, qu'il y a 15 ans, lorsque les campagnes de sensibilisation ont commencé.

M. Szabo: Vous dites que vous avez combattu l'industrie. Vous dites qu'elle est très puissante. Je ne peux pas dire moi-même que je l'ai combattue. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous tenez tant à nous mettre en garde contre les efforts de ce groupe de pression.

M. Bates: Ceux qui sont en faveur de ce projet de loi, comme l'a dit l'intervenant précédent, n'ont rien à gagner ici. Je n'ai pas touché un sou pour ce que je fais depuis 15 ans. Tout cela n'est que bénévolat. Je n'ai d'autre intérêt à l'esprit que la santé et la sécurité publiques. Mon père, le Dr Gordon Bates, était un médecin très connu. On lui a décerné l'Ordre du Canada. Tout cela remonte à lui. Si nous nous préoccupons de la santé et de la sécurité publiques, nous devons tous faire quelque chose et pas seulement nous contenter de payer notre facture de gaz avant de mourir.

M. Szabo: J'ai une dernière question. Il y a un autre aspect que j'ai remarqué, et j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. On dit que les Canadiens ont le droit de savoir si des produits peuvent mettre leur santé en danger, si on en abuse, et c'est ce qu'on fait avec l'étiquetage. Que diriez-vous si l'on décidait de ne pas imposer d'étiquetage? Qu'en serait-il de votre droit de savoir ou du droit d'informer les gens et de les laisser prendre leurs propres décisions? Qu'en diriez-vous?

M. Bates: Je serais tout aussi en colère qu'il y a 15 ans. Le pouvoir du groupe de pression dont nous parlons est tel qu'il a réussi à faire passer l'alcool pour une drogue à statut spécial. La plupart des gens ne le considèrent même pas comme une drogue, et pourtant, c'en est une. Cela vous dit la puissance de ce groupe de pression.

Je croyais que votre comité créerait un sous-comité chargé de déterminer pourquoi l'alcool jouit de ce statut spécial. C'est la seule drogue qu'on peut consommer sans étiquette.

Si vous lisiez la même chose à propos d'une pilule contre le rhume, par exemple... Norman Panzica m'a dit hier - et c'est un des meilleurs experts pharmaceutiques du pays - que un plus un égale quatre. Si l'on prend, par exemple, 10 milligrammes de diazépam et une bière, tout à coup, l'effet sur le cerveau équivaut à celui qu'auraient quatre bières. Et nous aurions ici un conducteur aux facultés affaiblies, mais un alcootest ne décèlerait aucune présence d'alcool dans son sang. On ne sait pas combien de gens se sont fait tuer ainsi.

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Toute drogue qui affecte le système nerveux central a un effet synergique lorsqu'elle est consommée avec de l'alcool, et cela comprend les cachets contre le rhume. Si vous lisiez une étiquette indiquant ce qu'il ne faut pas consommer avec cette pilule, c'est-à-dire si on vous déconseillait de mélanger cette pilule à de l'alcool, vous ne mélangeriez jamais ces deux produits. Pourtant, rien sur les étiquettes d'alcool n'indique qu'il ne faut pas en consommer avec des médicaments.

Est-ce qu'on ne devrait pas avertir les gens qui ont un rhume de ne pas boire de bière s'ils prennent des cachets, des antihistaminiques? Cela ne tombe-t-il pas sous le sens? C'est absurde. Personne ne peut l'expliquer. En tout cas, pas moi.

La présidente: Merci. Monsieur Hill.

M. Hill: Merci beaucoup. Vous n'avez pas vraiment répondu à la question que Paul a posée au sujet de la fréquence des problèmes dus à l'alcool. On nous a dit dans les termes les plus vifs que le programme visant à réduire l'ivresse au volant avait eu un effet positif. Il y a donc eu une évolution dans la fréquence de ce problème au cours des 10 dernières années?

M. Bates: Non. J'imagine que vous pouvez considérer cela comme une anomalie. Tous les gens vous diront publiquement qu'ils sont contre l'ivresse au volant, mais tout le monde boit quand même avant de conduire. Comme je l'ai dit, les études démontrent qu'il y a en fait plus de gens qui conduisent aujourd'hui après avoir bu qu'auparavant.

Le taux de mortalité baisse, mais cela n'a rien à voir avec la réduction du nombre d'incidents d'ivresse au volant. Cette baisse est attribuable aux pneus radiaux, aux ceintures de sécurité, aux coussins gonflables, au blindage des voitures et à l'amélioration des routes.

Cependant, c'est pourquoi le nombre de blessures est à la hausse. Donc le nombre d'accidents attribuables à l'ivresse au volant, si l'on en croit les statistiques policières, est à la hausse.

M. Hill: D'accord. J'imagine que puisque vous ne parlez pas de l'importance du syndrome d'alcoolisme foetal - vous parlez beaucoup plus de l'ivresse au volant et du mélange d'alcool et de médicaments et de je ne sais quoi d'autre - vous ne seriez donc pas favorables à une simple étiquette graphique montrant une femme enceinte avec une croix dessus.

M. Bates: Je ne dis pas que je ne serais pas favorable à cela; je suis pour tout ce qui aura pour effet d'abolir le statut spécial de l'alcool. Ce serait sûrement un bon début. Bien sûr, je serais favorable à cela.

M. Hill: La suggestion de notre collègue Paul va dans le sens d'une étiquette verbale qui rejoint vos préoccupations. Donc, j'imagine que mon idée de l'étiquette graphique n'atteindrait pas votre objectif.

M. Bates: Cela n'atteindrait pas nécessairement notre objectif, mais ce serait un début. Chose certaine, nous sommes en faveur de n'importe quoi. On pourrait seulement dire, par exemple, que l'alcool n'est pas nécessairement bon pour vous tout le temps.

Si ces gens peuvent apposer une étiquette comme celle-ci - il s'agit du Sweet 'N' Low - où l'on dit qu'il ne faut pas en consommer sans consulter son médecin, alors que tout le monde en consomme, pourquoi ne pas mettre une telle étiquette sur l'alcool?

M. Hill: Enfin, je dois dire que j'ai pensé à mes propres enfants lorsque vous avez parlé des ces adolescents qui se jettent d'une falaise dans l'annonce de Molson.

M. Bates: C'est exactement le problème qui se pose. Ce groupe de pression dont je parle a convaincu le gouvernement de l'Ontario, soit le Ministère de la consommation et des relations commerciales, d'écarter les activités dangereuses des règlements régissant la publicité en vertu de la Loi sur les permis de vente d'alcool. C'est ce qu'il a fait. Ils sont assez forts pour obtenir cela. On a donc le droit de montrer aujourd'hui des jeunes qui boivent de la bière et qui se jettent en bas d'une falaise de 1 000 pieds en parachute. Ils sont contents. Ils s'en fichent. Ils vendent de la bière. C'est leur travail.

Nous essayons de sauver des vies. C'est notre travail, le vôtre aussi, et de toute évidence, celui de M. Szabo.

La présidente: Monsieur Scott.

M. Scott: Je veux seulement répondre à ce qui a été dit au sujet de l'ivresse au volant. Je n'ai aucune raison de croire ce que je vais dire, je ne parle que d'instinct. N'est-il pas vrai que l'opération de relations publiques entourant l'ivresse au volant a fait comprendre aux gens que c'était mal de conduire après avoir bu, et que les gens comprennent maintenant qu'il ne faut pas prendre le volant après avoir consommé de l'alcool?

M. Bates: J'aimerais que ce soit le cas.

M. Scott: Donc cela veut tout simplement dire que les gens comprennent mieux qu'il y a 20 ans qu'il ne faut pas conduire en état d'ébriété. Avant, s'ils étaient trop ivres pour marcher, ils prenaient leur voiture. Maintenant ils comprennent bien que c'est bien de l'ivresse au volant dont il est question.

M. Bates: Vous avez parfaitement raison. On en riait autrefois. On entendait des gens comme Dean Martin dire par exemple: «J'étais en train de chercher mes clés dans le terrain de stationnement quand un imbécile m'a marché sur la main.»

On entendait des blagues comme ça; on n'en entend plus aujourd'hui. Ce n'est pas drôle, comme Jane et des milliers d'autres comme elle, dans le pays, vous le diront. Tous les ans, dans notre pays, près de 1 500 personnes se retrouvent dans la situation de Jane.

M. Scott: Je ne voulais pas laisser entendre que tout cela n'a pas eu d'effet. Je pense que cela a eu un effet profond, que les gens sont conscients...

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M. Bates: C'est là le problème: tout le monde sait qu'on ne doit pas le faire. J'imagine que tout le monde sans exception le sait, mais ils le font quand même. Et ce sont eux qui représentent les 10 p. 100 qui font tous les mauvais coups.

La présidente: Merci, monsieur Scott.

Puis-je poser une question moi aussi? Vous avez dit que la responsabilité incombe à l'industrie des boissons alcoolisées. Il y a quelques années, le gouvernement a rejeté la responsabilité sur les bars, les brasseries, ou quiconque sert des boissons alcoolisées. Si une personne quitte un bar et est impliquée dans un grave accident en rentrant chez elle, la responsabilité incombe au propriétaire du bar parce qu'il a servi des boissons alcoolisées à cette personne.

Comment avons-nous pu imposer une responsabilité aux tenanciers de bars sans faire la même chose pour l'industrie de la bière ou de l'alcool? Quelqu'un a-t-il jamais entamé des poursuites ou un recours collectif contre l'industrie dans ce genre de situation?

M. Bates: Vous avez déjà entendu à ce sujet M. Robert Solomon, de l'Université Western Ontario, qui est probablement le plus grand expert du pays dans ce domaine.

Un jour ou l'autre, le cas se présentera. Je pense que la loi parle de la dernière personne qui sert le client. Si le client est arrivé au bar avec un taux d'alcoolémie de 0,08, et qu'il en ressort avec un taux de 0,165 et tue quelqu'un, c'est la dernière personne qui lui a servi à boire qui est responsable en vertu de la loi.

Pourquoi cette responsabilité ne s'applique-t-elle pas à l'industrie de la bière... Si j'étais brasseur, je serais mort d'inquiétude. Un jour, quelqu'un dira qu'il a bu telle ou telle marque.

La présidente: Il y a des poursuites dans le cas des prothèses mammaires en silicone. Les Américaines et les Canadiennes en ont finalement eu assez. Elles se sont unies pour lancer un recours collectif. Je ne comprends pas qu'il n'en soit pas de même en l'occurrence. Vous dites que le cas pourrait se présenter bientôt?

M. Bates: Il se présentera sûrement un jour.

La présidente: Y a-t-il d'autres questions? Sinon, nous allons excuser les témoins.

Mme Meldrum: Je voudrais simplement dire qu'il ne faut pas seulement insister sur le syndrome d'alcoolisme foetal dans nos mises en garde. L'alcool est un facteur dans tous les crimes. Je le constate à la Cour d'appel. Qu'il s'agisse d'homicide involontaire ou de meurtre, d'exploitation des enfants ou d'abus sexuel, l'alcool est un facteur. Les juges le notent constamment.

Je pense donc que la mise en garde devrait couvrir tous les cas. L'alcool n'est pas traité avec toute la prudence qu'elle requiert. L'alcool n'est pas considéré comme la drogue dangereuse qu'il est. C'est une drogue psychotrope, mais personne ne semble vouloir l'admettre. L'alcool devrait toujours être traité avec la plus grande prudence.

M. Bates: Quelque 50 p. 100 de tous les crimes violents, y compris les agressions sexuelles, sont reliés à l'alcool. Je conviens avec Jane qu'il faut commencer quelque part.

La présidente: Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer. Vous êtes deux témoins très importants.

M. Bates: Merci de nous en avoir donné l'occasion.

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La présidente: Nous reprenons la séance.

Nous sommes heureux d'accueillir maintenant, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Floyd Roland, député d'Inuvik à l'Assemblée législative; John Quirke, sous-ministre, ministère de la Sécurité et des Services publics et Alan Downe, conseiller principal, Projets spéciaux, ministère de la Sécurité.

Soyez les bienvenus, messieurs. Nous savons que vous venez de loin et nous avons hâte de vous entendre. Je suis sûre que vous aurez d'excellentes suggestions à nous faire.

M. Floyd Roland (député d'Inuvik, Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest): Merci, madame la présidente.

Je m'appelle Floyd Roland et je suis député de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest pour la circonscription d'Inuvik. Deux représentants du ministère de la Sécurité et des Services publics, de Yellowknife, sont avec moi ce matin. Il s'agit de M. John Quirke, sous-ministre, et de M. Alan Downe, conseiller principal et également coordonnateur d'une importante révision de la Loi sur les boissons alcoolisées des Territoires du Nord-Ouest.

J'aimerais profiter de cette occasion pour vous saluer au nom du ministre de la sécurité et des Services publics, l'honorable Jim Antoine, qui n'a pu malheureusement venir à la réunion d'aujourd'hui à cause de certaines obligations pour lesquelles il s'est engagé au préalable dans sa circonscription du Nahendeh. Je peux vous dire toutefois que M. Antoine est très intéressé par les travaux actuellement en cours sur votre projet de loi d'initiative parlementaire, et c'est avec plaisir que je représente le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en son nom.

Madame la présidente, les questions que vous soulevez en ce qui a trait au projet de loi C-222 sont des questions importantes pour les résidents et pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. D'ailleurs, nous nous intéressons depuis longtemps à tous les problèmes de santé et d'ordre social reliés à la consommation excessive ou irresponsable d'alcool. Au cours des dernières années, nous sommes devenus de plus en plus préoccupés par la fréquence du syndrome d'alcoolisme foetal et ses conséquences au sein de notre population. Les décès et les blessures résultant de conduite en état d'ébriété, ainsi que les accidents de travail sont tout aussi dévastateurs pour les familles et les communautés des Territoires du Nord-Ouest que pour celles des autres provinces et territoires du Canada.

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Nous croyons qu'en sensibilisant davantage le public aux risques associés avec une consommation excessive ou irresponsable d'alcool, il est possible de faire des progrès importants permettant de régler ces problèmes. Nous croyons que les consommateurs qui se rendent dans les magasins d'alcool des Territoires du Nord-Ouest, et partout ailleurs au Canada, doivent être informés des risques qui accompagnent la décision personnelle de consommer des boissons alcoolisées, particulièrement en ce qui a trait à la quantité prise. C'est pourquoi, en 1992, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a approuvé une politique permettant l'ajout d'étiquettes de mise en garde pour la santé sur les contenants de boissons alcoolisées, et nous continuons de le faire depuis lors. Notre gouvernement est l'un des deux seuls gouvernements à avoir une telle politique au Canada; l'autre étant celui du Yukon.

La Société des alcools du Territoires du Nord-Ouest est responsable de notre programme d'étiquetage qui est exécuté grâce à des arrangements avec les propriétaires privés et les gérants des magasins d'alcool. Le personnel des magasins met les étiquettes adhésives sur les bouteilles de vin et les spiritueux, ainsi que sur les caisses ou les contenants de six cannettes de bière avant de les placer sur les rayons.

L'expérience s'est avérée positive. Nous avons constaté que l'étiquette de mise en garde sensibilise efficacement le consommateur aux risques reliés à la consommation de boissons alcoolisées. Notre programme d'étiquetage est devenu un moyen important, pour ne pas dire essentiel, de promotion de la santé en ce qui a trait à l'alcool.

Étant donné notre expérience dans le domaine, madame la présidente, nous sommes heureux de voir qu'un projet de loi visant à modifier la Loi sur les aliments et les drogues est déposé devant la Chambre des communes, d'autant plus que, après être resté au Feuilleton, ce projet de loi est déposé à nouveau. C'est avec plaisir que nous profitons de l'occasion pour vous faire part de nos commentaires sur le sujet, et de notre point de vue sur certains témoignages déjà soumis à votre sous-comité.

Premièrement, nous tenons à vous dire que nous appuyons fortement l'adoption du projet de loi C-222. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous savons que le fait de mettre des étiquettes de mise en garde pour la santé sur les contenants de boissons alcoolisées est une bonne chose à faire. Nous savons que c'est un moyen efficace. Si le projet de loi d'initiative parlementaire n'est pas sanctionné, nous continuerons notre programme d'étiquetage via la Société des alcools des Territoires du Nord-Ouest. D'une façon ou d'une autre, les consommateurs qui achètent des boissons alcoolisées dans les magasins d'alcool des Territoires du Nord-Ouest verront encore des étiquettes de mise en garde. Nous pensons toutefois qu'il serait possible d'augmenter la sensibilisation des consommateurs en général, si le message était donné à tous les Canadiens.

De plus, au cours des consultations entreprises dans le cadre de la révision de la Loi sur les boissons alcoolisées, de nombreux participants ont demandé pourquoi c'est le gouvernement qui endosse la responsabilité de financer et d'appliquer le programme d'étiquetage et non pas l'industrie. Les modifications proposées à la Loi sur les aliments et les drogues auraient pour effet d'assurer un même message dans toutes les provinces et dans tous les territoires tout en donnant à l'industrie des boissons alcoolisées la responsabilité de fournir ce message, ce qui serait plus normal selon de nombreux septentrionaux.

Nous avons porté jusqu'ici un grand intérêt aux travaux reliés à ce projet de loi et je voudrais prendre un moment pour commenter quelques témoignages déjà reçus par votre sous-comité. Certains témoins ont déclaré que, selon des recherches faites sur les étiquettes de mise en garde, ces dernières seraient inefficaces. Nous n'en sommes pas convaincus. Ce que nous pouvons dire surtout, c'est que la plupart des travaux actuels de recherche sur le sujet ne sont pas concluants. Il est difficile de faire des généralisations à partir d'études ayant pour but d'examiner des méthodes d'étiquetage mixte aux États-Unis et de les comparer à l'efficacité des étiquettes de mise en garde utilisées dans les Territoires du Nord-Ouest ou à celles proposés dans le projet de loi C-222. Nous avons également remarqué que beaucoup de ces études ont tendance à examiner l'impact des étiquettes de mise en garde de façon isolée plutôt que de les considérer comme un des éléments d'une stratégie visant à promouvoir la santé.

Nous avons également suivi avec un certain intérêt les présentations que vous avez reçues de témoins en ce qui concerne l'impact des coûts de cet étiquetage pour les entreprises de brassage, les caves vinicoles et les distillateurs du Canada. Franchement, les arguments reçus sont un peu surfaits. Nous ne nions pas que l'étiquetage entraînera des coûts additionnels, cependant nous nous permettons de remettre en question l'importance de l'impact financier comme le suggèrent certains de ces témoins entendus le 2 mai.

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En effet, dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons probablement les méthodes les plus inefficaces que l'on puisse imaginer en matière d'étiquetage de produits alcoolisés et pratiquement aucune économie d'échelle. Toutefois, le coût total annuel de notre programme s'élève à moins de 60 000 $. Nous sommes persuadés que l'industrie canadienne des boissons alcoolisées dispose de la technologie et de l'expertise de production qui lui permettra de réduire au minimum les coûts reliés à un programme d'étiquetage digne de foi et bien visible.

Parmi les suggestions présentées, il y a celle soutenant que, si l'industrie doit dépenser de l'argent pour l'étiquetage des produits, elle ne sera pas en mesure de soutenir les programmes actuels de sensibilisation et d'annonces publicitaires pour une consommation responsable. Là encore, nous avons de la difficulté à le croire. Nous savons qu'une valeur commerciale considérable est rattachée aux campagnes de sensibilisation lancées par l'industrie. Nous savons, par exemple, que lorsque les consommateurs voient l'affiche de l'Association des brasseurs canadiens représentant Paul Molitor en train de prendre le taxi pour entrer à la maison en toute sécurité, ces consommateurs pensent au message de l'affiche, à savoir: il ne faut pas conduire après avoir bu. Mais en même temps, ils pensent aussi: «hé, Paul Molitor boit de la bière!»

Lorsque les distillateurs canadiens font la promotion du slogan «un verre est un verre», ils font également comprendre aux consommateurs qu'ils devraient considérer les spiritueux au même titre que le vin et la bière. Ces messages indirects sont des messages très puissants qui sensibilisent le public à la consommation de boissons alcoolisées, et ce, même s'il n'est pas fait mention de marques spécifiques. De tels messages encouragent également les Canadiens à penser à ces compagnies comme des compagnies responsables et dignes de confiance. Devons-nous vraiment croire que l'industrie des boissons alcoolisées renoncerait à l'occasion de passer des messages aussi efficaces à cause du coût d'un programme d'étiquetage? Probablement pas.

Finalement, nous ne sommes pas d'accord avec les arguments de certains opposants au projet de loi C-222 selon lesquels les étiquettes de mise en garde peuvent causer des dommages non intentionnels. Nous sommes au courant des arguments selon lesquels ces étiquettes exercent une pression indue sur les femmes enceintes et peuvent même être à l'origine d'un nombre accru d'avortements. Nous trouvons qu'il s'agit là de propos offensants et spéculatifs.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous utilisons les étiquettes de mise en garde et elles n'ont pas causé de panique parmi les femmes enceintes. En fait, nous avons plutôt constaté que ces étiquettes offrent aux femmes la possibilité de réfléchir de façon plus rationnelle aux risques reliés à la consommation d'alcool pendant la grossesse.

En bref, nous appuyons le concept d'étiquetage des contenants de boissons alcoolisées et nous encourageons la promulgation du projet de loi C-222. Les étiquettes de mise en garde véhiculent un message que l'industrie aussi bien que les gouvernements reconnaissent. Ils savent qu'ils vendent des produits uniques en leur genre et sont conscients des risques que la consommation de ces produits présente. Les étiquettes de mise en garde ouvrent la porte à d'autres programmes de sensibilisation et d'autres stratégies de promotion de la santé. Nous aimerions les voir sur les contenants de boissons alcoolisées de chaque province et de chaque territoire du Canada.

Par la même occasion, nous aimerions faire un certain nombre de recommandations en ce qui a trait à l'amélioration du projet de loi. Les étiquettes sont plus efficaces lorsqu'elles sont clairement visibles. Nous suggérons que des normes minimales spécifiques soient incluses, dans les règlements peut-être, pour la présentation de l'étiquette. On pourrait également y inclure des exigences quant à la couleur de l'étiquette afin que celle-ci soit distincte de la couleur de l'étiquette du fabricant, et que les caractères et formats soient d'une grosseur et d'une grandeur minimales.

Les étiquettes sont plus efficaces quand le message est clair. Nous suggérons que l'en-tête du message indique qu'il s'agit d'un avertissement. Nous recommandons également l'utilisation d'un langage simple. Sur les étiquettes utilisées dans les Territoires du Nord-Ouest, nous trouvons utile d'employer le mot «vous».

Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous savons que la conduite en état d'ébriété ne se limite pas aux automobilistes. Dans le Nord, comme dans d'autres régions du Canada, des accidents, parfois mortels, se produisent lorsque des gens conduisent des motocyclettes, des bateaux, des motoneiges ou des véhicules tout- terrain alors qu'ils sont en état d'ébriété. Nous vous suggérons donc vivement de modifier le message en substituant les mots «véhicule à moteur» à «automobile».

L'introduction de la nouvelle loi devrait être accompagnée d'une stratégie de Santé Canada ayant pour but d'évaluer l'efficacité de la démarche sur une période de cinq ans.

Toutefois, les présentes recommandations ne devraient pas être perçues comme un moyen de ralentir la sanction du projet de loi. Nous croyons qu'il faut agir maintenant, et que des améliorations mineures, si nécessaire, peuvent être apportées au moment de la mise en application initiale d'un programme d'étiquetage, ou par la suite.

.1015

Pour terminer, madame la présidente, nous vous remercions encore une fois de nous avoir invités à venir parler devant votre sous-comité et nous souhaitons que vous prendrez de bonnes décisions en ce qui a trait à cet important projet. Je signale en outre, madame la présidente, que nous avons apporté quelques exemples d'étiquettes que nous avons apposées sur les bouteilles. Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Roland. Nous sommes heureux d'entendre quelqu'un comme vous qui a lancé le programme. Je suis sûre qu'il y a beaucoup de questions.

Madame Picard.

[Français]

Mme Picard: Merci de votre exposé. Monsieur Roland, j'aimerais savoir ce qui a incité ces gouvernements à prendre des mesures visant l'apposition d'étiquettes sur les bouteilles.

[Traduction]

M. Roland: Madame la présidente, c'est au moment où nous faisions l'examen de la Loi sur les boissons alcoolisées que diverses organisations ont communiqué avec le gouvernement pour exprimer leurs préoccupations à cet égard. Je vais diriger les questions techniques à M. Quirke.

M. John Quirke (sous-ministre, ministère de la Sécurité et des Services publics, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest): Merci, madame la présidente.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous nous préoccupons des effets de la consommation d'alcool dans les collectivités éloignées. Par l'entremise de diverses associations, dont le NWT Status of Women Council, les habitants des Territoires du Nord-Ouest nous ont demandé de faire quelque chose pour alerter la population quant aux effets négatifs de la consommation d'alcool. Les membres de l'Assemblée législative se sont rendus aux voeux de la population puisque, en 1992, nous avons apposé ces étiquettes.

[Français]

Mme Picard: J'aimerais savoir ce qui arrive aux gens qui ne sont pas capables de lire ou qui parlent une autre langue.

[Traduction]

M. Quirke: Madame la présidente, nous estimons que toute personne qui achète de l'alcool ou en boit est arrivée à un âge où elle est capable de lire. Les étiquettes sont en anglais seulement. Nous savons que ceux qui ne parlent pas cette langue en demandent la signification. Du moins, c'est ce que m'a appris mon expérience personnelle.

[Français]

Mme Picard: Les gens qui voudront se procurer de l'alcool iront dans n'importe quel débit de boissons et prendront une bouteille même s'ils ne savent pas lire. S'ils ont envie de boire, ils achèteront un vin.

Je voudrais aussi savoir si vous prévoyez mettre en oeuvre des mesures autres que l'étiquetage, telles que la sensibilisation de la population.

[Traduction]

M. Roland: Nous avons quelque chose qui ressemble à une stratégie de promotion de la santé dans les Territoires du Nord-Ouest. Comme je siège au Comité permanent de l'enveloppe sociale, qui traite de la santé, de l'éducation, de la justice et du logement, je sais que nous collaborons avec ces divers ministères pour transmettre un message clair au sujet de la consommation d'alcool. En outre, d'autres groupes sont de plus en plus sensibilisés à cette question, particulièrement depuis que se multiplient les cas de SAF et de EAF. On se rend compte qu'un grand nombre de nos citoyens sont touchés par ce problème.

M. Quirke pourra vous donner davantage de renseignements.

M. Quirke: Pour répondre à votre question au sujet de nos programmes, il existe en effet d'autres programmes au sein du ministère de la Sécurité et des Services publics dont relève la Régie des alcools.

Par exemple, si vous achetez une bouteille de vin dans l'un des magasins d'alcool des Territoires, votre bouteille vous sera remise dans un sac sur lequel figurent deux messages: «Si vous buvez, ne prenez pas le volant» et «Pour l'amour de votre bébé, ne buvez pas». Nous avons aussi publié des livres sur la santé et sur la consommation d'alcool, tant en anglais qu'en inuktitut, pour rejoindre les consommateurs de l'Arctique de l'Est. Nous puisons aussi à d'autres sources dans le cadre de notre programme permanent de sensibilisation de la population.

M. Alan Downe (conseiller principal, Projets spéciaux, ministère de la Sécurité et des Services publics, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest): En sus de ce qui se fait au ministère de la Sécurité et des Services publics, d'autres ministères participent à une stratégie à plusieurs volets de promotion de la santé, stratégie dont un élément important est l'apposition d'étiquettes de mise en garde.

.1020

Depuis quelques années, nous avons créé 43 centres communautaires de lutte contre l'alcool et la toxicomanie, dans bien des cas dans de petites collectivités. Ces centres s'attachent à éduquer, la sensibiliser la communauté au sujet des dangers d'une consommation excessive d'alcool et de drogue, et préparent des programmes de prévention à l'intention des écoles et des villages.

Dans nos écoles, les programmes de promotion de la santé englobent des modules éducatifs au sujet de la consommation d'alcool et de drogue. Dans le cadre de ces programmes, on fournit des renseignements sur les toxicomanies et on met l'accent sur la nécessité de faire des choix responsables. De nombreux enseignants que nous connaissons intègrent à leurs exposés devant les classes l'information qui figure sur l'étiquette de mise en garde.

Comme tous les autres gouvernements du Canada, nous participons activement aux activités de la semaine annuelle de sensibilisation à la toxicomanie, encore une fois en mettant l'accent sur les questions de choix individuel. Il est important de s'informer - d'ailleurs à titre de consommateurs, vous avez le droit d'être informés - au sujet des effets de l'alcool sur la santé.

En outre, notre gouvernement vient récemment d'accorder la plus haute priorité au bien-être de la collectivité. Cette nouvelle approche que nous avons embrassée souligne qu'il est important de faire connaître aux habitants du Nord les risques que posent certains comportements pour la santé, ainsi que les ressources disponibles pour les aider à contrer ces risques et à faire des choix éclairés au sujet de leur mode de vie. Encore là, nous considérons que c'est le genre de message qui se marie très bien avec les étiquettes de mise en garde.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Monsieur Hill.

M. Hill: Messieurs, j'espérais que vous viendriez ici pour nous dire: «Nous faisons l'expérience des étiquettes depuis quatre ans, et voilà les résultats». Voilà ce que nous souhaitions vivement vous entendre dire lorsque nous vous avons invités ici. Manifestement, si vous avez pris tout un éventail de mesures, il est difficile d'attribuer à l'une ou l'autre des résultats positifs, mais pouvez-vous nous faire part de données - un pourcentage moindre de SAF, moins d'accidents de motoneige - qui nous prouvent que le programme a été efficace?

M. Roland: La Régie des alcools a procédé à un examen qui nous a permis d'obtenir certains résultats. Je pense que de façon générale, notre population en voit déjà les effets, mais je vais laisser M. Downe vous fournir des renseignements plus concrets.

M. Downe: Comme vous le savez, monsieur, il est très difficile de répondre à votre question. Ce genre de recherche est très difficile à faire. Un grand nombre d'études précédentes ont donné des résultats à partir desquels il est difficile de généraliser car la recherche en question portait sur le programme américain d'étiquetage. Si l'on compare l'ampleur, la visibilité et l'efficacité apparente des étiquettes américaines et des étiquettes des Territoires du Nord-Ouest qui sont apposées sur les produits alcooliques en provenance des États-Unis vendus dans nos magasins, vous constaterez qu'il y a une énorme différence. Quant à savoir si l'on peut généraliser les résultats des études effectuées sur le programme d'étiquetage américain pour mesurer l'efficacité du nôtre, ce n'est pas sans poser de graves problèmes.

Cela dit, je tiens à mentionner qu'on peut abuser des études. Dans le Nord, nous avons appris une leçon au fil des ans, soit qu'on utilise à meilleur escient nos ressources en traitant avec les gens de façon traditionnelle, c'est-à-dire en se rendant dans les collectivités et en écoutant ce que les habitants ont à dire, plutôt qu'en dépensant des milliers ou des centaines de milliers de dollars pour que des sociologues du sud du pays fassent des études d'une généralisabilité et d'une validité limitée.

Et c'est précisément ce que nous faisons depuis deux ans dans le cadre de l'examen de la loi concernant les boissons alcoolisées. Chose certaine, les consultations et les assemblées publiques ont permis de faire ressortir que les habitants des diverses collectivités estiment que les étiquettes de mise en garde ont fait une différence. Ils nous ont fait part de multiples anecdotes que nous pourrions partager avec vous si nous avions davantage de temps. Ce sont des anecdotes qui montrent comment ils ont pu constater cette différence.

Nous savons également que chaque année, depuis la mise en oeuvre du programme d'étiquetage, on a constaté une légère baisse de la consommation d'alcool, dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous ne sommes plus les plus gros consommateurs d'alcool au Canada.

Nous savons qu'il y a eu une réduction des dommages à la propriété et des accidents dus aux collisions impliquant des véhicules motorisés.

Il y a aussi eu une augmentation du nombre de personnes dirigées vers des services de traitement des toxicomanies, et une augmentation des soins prénataux.

Nous savons qu'on est davantage conscient du problème et qu'on en parle davantage au niveau communautaire. Croyez-moi, j'en ai beaucoup entendu parler au moment de la tenue de ces assemblées publiques. On nous disait que nous devrions modifier la législation sur les boissons alcoolisées. On est donc davantage sensible aux effets de la consommation d'alcool sur la santé.

.1025

Madame la présidente, je vous induirais en erreur si j'attribuais tous ces changements aux étiquettes de mises en garde. Chose certaine, la réduction des dommages à la propriété provoquée par des accidents d'automobile est sans doute due dans une grande mesure à l'amélioration de nos routes. Les autres stratégies de sensibilisation que nous avons mentionnées tout à l'heure ont certainement elles aussi eu un effet. Mais nous pensons que les étiquettes de mises en garde sont une composante importante de nos efforts dans ce domaine.

M. Hill: Vous avez dit que ces étiquettes coûtent 60 000 $. Vous nous avez cité des chiffres comme 7c. la bouteille pour les étiquettes. Manifestement, ce n'est pas une étiquette à 7c. la bouteille. Combien en coûte-t-il par étiquette?

M. Quirke: Un rouleau de 500 étiquettes coûte 1,50 $. Le coût total d'apposition des étiquettes sur environ 1,9 million de contenants a été de 57 000 $.

M. Hill: L'application manuelle des étiquettes peut-elle se faire dans un marché beaucoup plus grand, à l'échelle du Canada?

M. Quirke: Comme M. Roland l'a mentionné dans son exposé, notre méthode d'apposition des étiquettes sur les bouteilles ne constitue sans doute pas la façon la plus efficace ou efficiente d'utiliser la main-d'oeuvre. Cela est indéniable. Je ne pense pas qu'il soit efficace d'apposer les étiquettes manuellement dans tout le pays si l'on considère que notre population compte 15 millions d'habitants...la province de Québec. Les territoires comptent environ 65 000 habitants, et les ventes de boissons représentent environ 25 millions de dollars. Comme je l'ai dit, ce n'est peut-être pas une façon très efficiente de procéder, mais nous continuons quand même. Il ne nous en coûte pas très cher, peut-être 0,002c. la bouteille. Je souhaiterais qu'on puisse faire beaucoup mieux grâce à des moyens mécaniques, etc., mais cela en vaut certainement la peine.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Hill.

Monsieur Scott.

M. Scott: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je ne peux résister à l'envie de signaler que, tranchant en cela sur tous ses collègues qui ont des macarons verts, M. Hill a abandonné le sien pour en adopter un bleu. Je ne suis pas trop sûr de ce que cela signifie.

Des voix: Oh, oh!

M. Scott: Je n'avais pas l'intention de poser de questions, mais je me sens obligé de le faire en ma qualité de sociologue du Sud - je plaisante.

Je voudrais redéfinir la question de l'efficacité car nous en sommes à discuter de l'efficacité de l'étiquetage en général, ce qui n'est pas vraiment important à mes yeux. J'aimerais que l'on discute de l'efficacité de l'étiquetage par rapport à un groupe très précis, soit le groupe cible qui nous intéresse.

Je voudrais savoir si le ministère ou vous-même, ce qui serait également fantastique - a en mains des recherches permettant de déterminer s'il y a ou non des indicateurs socio-économiques capables de recenser ceux qui sont les plus susceptibles d'être touchés, particulièrement parmi les femmes enceintes. Je ne veux pas dire touchés par les effets de l'alcool. Je veux savoir s'il y a ou non un groupe cible de personnes qui ignorent le problème. Dans une perspective de sensibilisation, y a-t-il un groupe en particulier qui est moins susceptible d'être déjà au courant du problème? Si c'est le cas, est-ce là la meilleure façon de lui communiquer l'information pertinente? Dans ce contexte, pouvez-vous répondre?

Je crois aussi que l'analphabétisme est un grand problème. Pauline a dit que les gens étaient capables de lire les étiquettes. Or, environ un quart de la population adulte du pays ne peut lire un texte de neuvième année. Je pense qu'il est très important de reconnaître qu'il s'agit là d'un problème authentique.

M. Roland: Merci, madame la présidente.

Vous vous inquiétez de l'efficacité des étiquettes et vous souhaitez que le gouvernement en apporte la preuve. Vous voulez aussi savoir s'il y a une clientèle cible que l'on pourrait viser. Tout ce que je peux vous dire, moi qui viens d'une collectivité de 3 500 habitants, c'est qu'il n'y a pas un seul type de personnes qui fréquente le magasin des alcools.

.1030

M. Scott: Je veux que ce soit bien clair. Je vous demande s'il existe un groupe de gens qui ignorent que l'alcool peut avoir cet effet. Je ne parle pas des gens qui boivent, mais de ceux qui prennent la décision de boire de façon éclairée ou non; je me demande simplement si c'est le meilleur moyen de rejoindre les gens qui prennent cette décision sans être bien informés.

M. Roland: Nous essayons de rejoindre les jeunes. La sagesse vient avec l'âge et c'est vrai pour nous tous. Avec le temps, nous voyons les effets des actes que nous avons posés dans le passé. Il faut donc donner aux jeunes des avertissements qui sont le fruit de notre expérience à nous, parce que nous avons tous entendu parler du SAF et des EAF, mais auparavant, on ne faisait pas le lien. Auparavant, les gens disaient simplement de certaines personnes: «Elle n'a pas toute sa tête». Ce n'était pas attribué à quelque chose de précis. Mais aujourd'hui, nous en avons la preuve.

M. Downe: Je voudrais ajouter quelque chose aux observations de M. Roland, très brièvement.

La population des Territoires du Nord-Ouest est extrêmement jeune. Pour revenir à une question que posait tout à l'heure Mme Picard, c'est justement l'un des facteurs qui nous ont motivés, à savoir que 50 p. 100 de notre population a moins de 25 ans. Cela nous donne un groupe cible très important que nous voulons sensibiliser en faisant prendre conscience personnellement aux jeunes, comme M. Roland vient de le dire, que l'alcool peut bel et bien causer des malformations congénitales et qu'il en cause effectivement.

Soit dit en passant, pour revenir à la question de l'alphabétisation, ce groupe cible lit très bien l'anglais. Nous avons dans les Territoires du Nord-Ouest un système d'éducation qui a fait des progrès considérables au fil des années. Ce groupe cible lit parfaitement l'anglais et les gens lisent nos étiquettes. Enfin, juste avant notre départ, des étudiants d'une école de Yellowknife, membres de l'organisation Students Against Drunk Drivers, avaient entendu parler de notre comparution; ils ont communiqué avec nous pour s'assurer que nous présentions une série de points qu'ils voulaient transmettre par notre entremise au sujet des mises en garde en matière de santé, parce que c'est un dossier qui leur tient à coeur. Nous allons d'ailleurs remettre ce document à la greffière.

Pour revenir à votre premier énoncé, monsieur, il y a deux sortes de conscientisation. Il y a la prise de conscience personnelle de quelqu'un qui prend connaissance de l'avertissement sur l'étiquette et qui se dit, ma foi, je ferais mieux de me renseigner davantage à ce sujet. Mais il y a également une conscientisation plus générale, plus globale, et nous avons constaté un changement à cet égard dans les Territoires: la sensibilisation des protecteurs du public, des gens qui travaillent dans les bars, la prise de conscience des familles qui se reflète dans les discussions familiales, dans le débat public. Nous constatons une amélioration de ce côté. Je trouve que c'est d'une valeur inestimable.

Quand je fréquentais l'Université Acadia, où vous étiez professeur, on m'a enseigné l'importance de la prudence dans ce genre de recherches, mais j'ai aussi appris toute la valeur de la sensibilisation générale de la population.

M. Scott: Je ne sais trop qui était professeur à l'Université Acadia, mais dans les circonstances, étant donné que certains ont dû répondre à des questions sur les antécédents professionnels, je ferais mieux de dissiper tout malentendu: ce n'est pas moi.

M. Murphy: C'est moi le coupable. J'ai enseigné à temps partiel au Département de sociologie de l'Université Acadia pendant 25 ans.

Je vous félicite de votre exposé. Il était vraiment bien fait. Je vous félicite également de vos efforts et de votre travail de pionnier. Vous avez pris l'initiative de nombreuses interventions pour vous attaquer à un problème dont vous avez manifestement pris conscience en tant qu'habitants du Nord.

On a déjà répondu à la plupart des questions que j'allais poser.

Quelle a été la réaction de l'industrie à votre initiative visant à apposer des étiquettes de mise en garde sur les bouteilles? Y a-t-il eu des discussions avec les représentants de l'industrie au sujet d'un partenariat et du partage des coûts dans le cadre de ce projet?

M. Quirke: Cette initiative a été prise unilatéralement par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, en réponse aux préoccupations exprimées par les habitants. Il n'y a eu absolument aucune communication avec l'industrie.

.1035

Vous avez utilisé le mot «partenariat». À bien des égards, je crois qu'il y a toujours de la place pour le partenariat dans bon nombre de nos entreprises, mais de façon générale, je me méfierais fort de tout partenariat avec l'industrie des boissons alcoolisées. Nous nous préoccupons de la santé des habitants des Territoires. L'industrie s'intéresse à la santé de sa propre entreprise. Étant donné ces deux points de vue divergents, il serait très difficile ou contraignant de constituer un quelconque partenariat avec l'industrie.

M. Murphy: Y a-t-il eu une réaction quelconque de l'industrie à la suite de l'apposition des étiquettes de mise en garde?

M. Quirke: L'industrie n'a jamais communiqué officiellement avec le ministère ni avec le gouvernement au sujet de nos étiquettes de mise en garde.

M. Szabo: On a beaucoup parlé d'efficacité. Il y a une chose qui m'inquiète: toutes les données et tous les documents de recherche sur lesquels j'ai pu mettre la main, en m'adressant à la Bibliothèque du Parlement et à la bibliothèque de la Fondation de recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie, datent de 1992 ou 1993. Ces données ne sont pas très actuelles.

Je voudrais citer un passage de ce document du Groupe de recherche sur l'alcool de l'Institut de recherches médicales de San Francisco, de l'Université de Berkeley, en Californie, daté du 17 février 1992. On y décrit ce qui s'est passé au cours des premiers mois après la mise en oeuvre. Dans le résumé de l'article, on dit ceci:

Cette étude porte sur les six premiers mois suivant la mise en oeuvre.

J'ai ici une autre étude de la même organisation qui indique qu'au cours des six premiers mois suivant la mise en oeuvre, les deux tiers des bouteilles ne portaient pas encore d'étiquettes à cause du décalage entre l'entrée en vigueur et l'écoulement des stocks. On n'avait donc même pas une chance raisonnable de tomber dessus au cours des six premiers mois, mais on a quand même constaté une sensibilisation nettement accrue.

Le ministre de la Santé a soulevé la question de l'efficacité et c'est là-dessus que porte ma question.

Le directeur de l'Association des brasseurs du Canada a comparu devant nous le 2 mai et il nous a dit que pratiquement tous les Canadiens, à 95 p. 100 et plus, savent que l'alcool risque de causer des problèmes de santé, surtout pendant la grossesse, et que l'abus d'alcool nuit à la capacité de conduire ou de faire fonctionner des machines. D'après l'industrie, 95 p. 100 des Canadiens sont déjà au courant de cela. Je devrai vérifier, mais je crois qu'il a ajouté par la suite que l'on s'efforce de rejoindre les 5 p. 100 restants.

Qu'avez-vous à dire au sujet de ces affirmations faites par l'industrie au sujet de la sensibilisation?

M. Roland: Nous, dans les Territoires du Nord-Ouest, ne croyons pas à ces chiffres. Nous avons constaté que l'on peut faire dire n'importe quoi aux chiffres, il suffit d'avoir le pouvoir et l'argent voulus. Cela dit, je ne porte pas d'accusations.

Nous savons qu'il y a dans les Territoires une fraction importante de la population qui n'est pas illettrée. Ces gens-là savent lire et ils comprennent fort bien ce qu'ils lisent et les émissions qu'ils écoutent. Mais si l'on aborde les gens dans la rue, comme vous l'a dit ce matin même le premier intervenant, pour leur demander s'ils connaissent précisément les risques, on n'obtient pas ce taux de 95 p. 100.

M. Szabo: Vous avez pris une décision de votre propre chef, parce que vous vous occupez de santé publique. Je m'intéresse également à toute la notion de responsabilité du gouvernement de renseigner les gens et du droit des gens d'être renseignés et mis en garde au sujet d'un produit qui peut leur faire du tort. Je ne sais trop si votre gouvernement a une position là-dessus.

Comment réagiriez-vous à l'énoncé suivant: les gouvernements ne devraient pas choisir un produit en particulier et mettre les gens en garde contre ses dangers, mais il devrait plutôt faire toutes les mises en garde voulues en se fondant sur des critères bien définis et laisser les gens déterminer quels conseils ils vont suivre ou qui ils vont croire?

.1040

M. Roland: En matière de santé, nous avons pris cette décision, de notre propre chef, pour la simple et bonne raison que nous en voyons les effets de façon continue, non seulement sur les enfants, mais aussi sur les familles et sur le coût du système d'éducation, pour les besoins spéciaux, etc.

Nous voyons cela sous l'angle du gouvernement. C'est notre responsabilité de protéger tout le monde, et pas seulement un groupe limité. Et à quel coût? Nous payons déjà des sommes phénoménales pour nous attaquer aux conséquences de l'alcool: l'incapacité permanente, etc.

Nous avons donc décidé que nous devions faire quelque chose à ce sujet, qu'il fallait intervenir. Pendant des années, les gouvernements ont été passifs, c'est-à-dire qu'ils ont décidé d'agir après-coup, pour essayer de remédier aux problèmes à coup de cataplasmes, mais voici que nous décidons de passer à l'action. Le temps est venu d'agir. Voilà notre position.

M. Szabo: Madame la présidente, je voudrais féliciter officiellement le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest de nous avoir montré la voie à suivre au sujet de ce très grave problème de santé. Merci.

La présidente: Madame Picard.

[Français]

Mme Picard: Vous êtes sans doute au courant que depuis quelques années, au Québec, à la suite de programmes de sensibilisation à l'alcool au volant, on a constaté une baisse du nombre de jeunes qui conduisaient en état d'ébriété. Ces programmes de sensibilisation, diffusés par le biais de la télévision et de la publicité, avaient été mis sur pied et financés par le gouvernement du Québec en partenariat avec les divers producteurs de boissons alcoolisées.

Les jeunes se sont pris en main et ont été très sensibilisés au fait qu'il ne faut pas conduire en état d'ébriété. Quand ils sortent le soir, les jeunes s'organisent pour désigner l'un d'entre eux comme conducteur, et ce dernier ne consommera pas du tout d'alcool; ils s'organisent ainsi et chacun prend son tour.

Croyez-vous vraiment que l'étiquetage à lui seul soit une mesure assez importante qui se traduirait par une sensibilisation de la population au syndrome de l'alcoolisme foetal et au danger de boire quand on prend le volant?

[Traduction]

M. Downe: Absolument pas. Si nous avons donné l'impression que l'étiquetage à lui seul permettra, selon nous, d'atteindre ce résultat, alors nous nous sommes lourdement trompés aujourd'hui.

Nous croyons toutefois, et nous savons par expérience que le fait d'apposer une étiquette de mise en garde sur le produit lui-même est un élément important d'une campagne de promotion de la santé qui permettra d'obtenir les résultats que vous venez d'énumérer. Nous croyons qu'à certains égards, l'étiquetage est la pierre d'assise de tout cet édifice.

Et même si ça ne l'est pas, même si l'on peut parfois douter de son efficacité, même si la recherche n'est pas concluante, je crois que les instructions que nous avons reçues de notre gouvernement sont de pécher par excès de prudence plutôt que l'inverse. Nous voulons nous assurer de faire absolument tout ce qui est en notre pouvoir, d'utiliser tous les outils dont nous disposons, pour faire en sorte que notre campagne de promotion de la santé soit efficace.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup. Je pense que notre temps est écoulé.

L'un des messages que je retiens de votre intervention, c'est que le gouvernement, et plus précisément Santé Canada, a la responsabilité d'avertir nos concitoyens de tous les dangers, qu'ils soient dus à l'alcool ou à autre chose. Je suppose que nous avons été quelque peu négligents à cet égard. Je ne sais trop comment nous allons nous y prendre pour apposer une étiquette sur toutes les bouteilles, mais il faudra trouver le moyen de le faire.

Merci beaucoup d'être venus. Vous êtes venus de loin et votre exposé nous a vraiment donné matière à réflexion. Je vous remercie chaleureusement.

M. Quirke: Merci.

La présidente: Nous entendrons maintenant le Dr Guilfoyle, qui représente le Council of Chief Medical Officers of Health. Son mémoire ne nous a été présenté qu'en anglais et il faudra donc l'envoyer à la traduction avant de pouvoir le distribuer.

C'est bien cela, docteur Guilfoyle? Merci.

.1045

.1048

La présidente: Bienvenue, docteur Guilfoyle, et merci d'être venu. Nous avons entendu ces dernières semaines des exposés fort intéressants. Nous en sommes à la dernière semaine et vous êtes l'un des derniers intervenants. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Vous avez la parole.

Dr John Guilfoyle (président, Council of Chief Medical Officers of Health for Canada): Merci beaucoup.

[Français]

C'est avec plaisir que je fais cette présentation ce matin.

[Traduction]

Je ne poursuivrai pas en français, je voulais seulement reconnaître l'importance de cette dimension.

J'ai apporté des acétates que certains d'entre vous ne pourront malheureusement pas voir à moins de regarder derrière vous.

À titre de président du Council of Chief Medical Officers of Health for Canada, je voudrais d'abord vous toucher un mot de notre organisation. Il s'agit d'un groupe réunissant les principaux responsables dans le domaine de la santé d'un bout à l'autre du Canada. La plupart d'entre nous sommes chargés, dans nos régions respectives, d'administrer et de faire respecter la loi en matière de santé publique dans nos provinces et territoires. Nous estimons avoir collectivement une certaine responsabilité pour ce qui est de recommander des mesures visant à promouvoir et à améliorer la santé des Canadiens.

Sur la prochaine rétroprojection, nous avons, à la rubrique des criminels, les chefs des services de santé des diverses provinces et territoires.

Nous avons une vision qui est celle d'un peuple en santé vivant dans des communautés en santé. Notre engagement, c'est de promouvoir, d'améliorer et de protéger la santé des Canadiens et ce n'est pas seulement nous, spécialistes de la santé, qui avons cet objectif, mais nous croyons qu'il est aussi partagé par bien d'autres organismes qui composent notre société et qu'il ne se confine pas au secteur des soins de la santé.

Pourquoi sommes-nous ici? Ce n'est pas strictement une question de mise en garde à propos des boissons alcoolisées. Notre façon de percevoir la santé change du tout au tout. Ce n'est pas nouveau, mais peut-être commence-t-on seulement à le percevoir - nous commençons à nous rendre compte que les répercussions, sur notre santé, de tout ce que nous faisons doit nous préoccuper car nous constatons que d'avoir trop mis l'accent sur le traitement des maladies et les énormes dépenses que nous devons consacrer à leur soulagement ont peut-être mené à une insuffisance de fonds pour promouvoir les mesures qui serviraient à garder notre société en santé. Quels sont les facteurs qui sont bons pour notre santé et qui nous gardent heureux? Ce sont les emplois, les bonnes relations familiales, le genre d'environnement dans lequel nous vivons ainsi que les comportements que nous choisissons.

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Notre société est interpellée par ces stratégies qui servent à garder notre population en santé. Sur quoi fondons-nous ces stratégies? Nous les fondons sur les faits observés, sur des principes et sur nos valeurs. Du point de vue du praticien en hygiène publique que je suis, j'ose espérer que nous les fondons aussi sur la pratique d'une bonne hygiène publique.

En réalité, donc, voici pourquoi nous sommes ici - pour parler d'alcool, pour parler de la relation qui existe entre notre société et l'alcool. Nous oublions parfois que l'alcool est une substance chimique puissante, qui crée la dépendance, qui altère la perception et qui est toxique pour tous les êtres humains. Dans notre société, il est la cause de presque autant de maux que le tabac. On n'a qu'à citer le cancer de la bouche et de la gorge, les maladies du foie, les lésions neurologiques, les déficiences alimentaires - et j'en passe. Il a créé plus de toxicomanes que toute autre drogue au Canada.

Contrairement à ce qui attire notre attention, ce sont ceux qui consomment modérément qui sont les plus nombreux à avoir des problèmes. Il y a un petit nombre de personnes qui ont énormément de problèmes et des problèmes énormes et ils sont surreprésentés dans nos prisons, au niveau du syndrome d'alcoolisme foetal et autres maux dont on vous a parlé. Mais si l'on prend les problèmes massifs causés par l'alcool, la plupart attaquent la santé de ceux qui boivent avec modération parce qu'il y a énormément de gens qui boivent avec modération.

Avec l'alcool, plus on boit, plus le problème est énorme. Un certain nombre d'organismes dont le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et l'Association médicale canadienne, à titre de stratégie d'hygiène publique, ont proposé qu'on devrait diminuer la consommation d'alcool par habitant des actuels huit litres par an à six, question de stratégie d'hygiène publique.

Comment y parvenir? La mise en garde sur les bouteilles de boissons alcoolisées est-elle de mise? Si, comme c'est à mon avis le cas pour tout organisme du gouvernement, ce qui nous intéresse c'est une politique en matière d'hygiène publique, il nous faut promouvoir, protéger et préserver la santé de la population. Quelles seraient alors les stratégies utiles?

Il y a d'abord la stratégie englobante de la conscientisation. Voilà le point de départ. Si l'on n'est pas conscient du problème, on ne fera rien. La conscientisation mène au questionnement et le questionnement, à l'action. C'est le moteur du tout changement à la société. Il en a été ainsi pour le tabac. Et quand nous avons donné le droit de vote aux femmes. Toutes sortes de changements imprévisibles se sont produits ainsi. Il y a trente ans, l'idée d'un médecin décriant le tabagisme comme un problème pour la société aurait été tournée en ridicule parce que c'est dans les rangs de sa profession - ma profession - qu'on trouvait le plus haut taux de fumeurs à l'époque.

Alors, que penser de ce projet de loi? Le projet de loi est utile. Il attire l'attention des Canadiens sur un changement que nous constatons: l'alcool a une incidence néfaste sur le bien commun et sur la santé et nous voulons informer et sensibiliser tout le monde à ce sujet. L'industrie, les consommateurs, tout le monde dans notre société doit se rendre compte que le problème existe. L'alcool cause beaucoup de souffrances et tue les gens - vous avez entendu les détails et il faut que ça se sache. C'est un outil éducatif. Ce n'est peut-être pas le meilleur outil, il y aurait peut-être d'autres meilleurs qu'on aurait pu utiliser, mais il constitue néanmoins un bon outil utile.

C'est un baromètre qui témoigne de notre inquiétude. Si nous posons des étiquettes sur tout, y compris les chaussures, les aspirateurs Hombres et les fèves au lard, nous sommes aussi bien de mettre des étiquettes sur l'alcool. Cette étiquette reflète nos valeurs partagées, c'est-à-dire nous voulons que tout le monde sache... Personnellement, je suis au courant de l'impact de l'alcool, mais je ne suis pas convaincu que chaque adolescent qui commence à boire le sait, ou que chaque mère ou que toute autre personne est au courant. Alors il s'agit d'un baromètre de notre valeur partagée, c'est-à-dire que nous nous intéressons à la santé des autres.

Il s'agit d'un engagement par rapport à la santé de tout le monde, maintenant que nous possédons des données scientifiques et des connaissances plus profondes, et nous n'allons pas simplement rien faire et permettre à une substance qui a nui à la santé de générations et de générations de gens, une substance qui a fait énormément de tort au cours des siècles, de continuer ses ravages. L'heure est arrivée d'agir. Nous avons les données requises. L'alcool, à titre de drogue à usage récréatif, peut faire du mal, et alors il va falloir prévoir une stratégie de santé publique qui tienne compte de cela.

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Nous avons déjà pris des mesures à cet effet, ce qui correspond à une politique publique saine. Si cette politique publique vise à améliorer, à promouvoir et à protéger la santé de tout le monde, c'est une mesure qui est parfaitement cohérente par rapport à cette politique.

Je tiens à proposer quelques suggestions qui pourraient améliorer ce projet de loi. Je crois qu'il faut viser plus large dans les mises en garde relatives à la santé. On ne devrait pas simplement viser les femmes ou ceux qui boivent lorsqu'ils sont au volant. À mon avis, si le Canadien viril moyen savait que la consommation d'alcool réduit la taille de ses testicules, il voudrait peut-être croiser les jambes un peu plus lorsqu'il est accoudé au bar et il serait peut-être un peu moins pressé de boire sa 10e bière.

L'alcool a d'autres effets sur les gens et nous devrions tous le savoir. Il peut avoir un impact sur la fertilité et sur le système immunitaire. Il peut causer toute une gamme d'effets mineurs et majeurs sur la santé. Je crois que tout message qu'on veut transmettre doit passer au crible d'un groupe témoin afin de s'assurer de la précision et de la facilité de compréhension du message. Il faut envisager d'utiliser d'autres langues. Il faut peut-être envisager de se servir de symboles, parce qu'il y en a qui ne savent pas lire et qu'il est important que le message passe.

Tout à l'heure, on a donné des statistiques. Dans le secteur de la promotion de la santé, il faut se rappeler qu'entre 40 et 60 p. 100 de la population lit au niveau d'un écolier en 6e année au maximum. Le message doit donc être simple. Il faut envisager des symboles.

L'autre problème qui se pose, et je crois qu'il s'agit du plus grand obstacle, c'est l'industrie elle-même. Dans le cadre d'une politique de santé publique, d'une politique publique saine, il est évident qu'il faut réduire la consommation d'alcool dans notre société. Peut-être qu'une petite quantité d'alcool peut être une bonne chose, mais ce n'est pas encore établi. Si on arrive à déterminer cette quantité voulue, il faudrait l'indiquer sur les étiquettes. Entre-temps, du point de vue de la santé publique, la stratégie qu'il faut avancer, c'est bel et bien la réduction de la consommation d'alcool au Canada et dans le monde entier. C'est conforme à la stratégie de l'Organisation mondiale de la Santé et à celle d'un bon nombre d'instances de santé publique. Cela veut dire que l'industrie va vendre moins de bière, moins d'alcool, moins de spiritueux. Voilà le message.

Alors, il va falloir se brancher et déterminer comment nous allons pouvoir travailler en collaboration avec vous; travailler avec les cultivateurs qui vont planter moins d'orge de brasserie; travailler avec tout le secteur de l'accueil pour déterminer comment fournir le même genre de divertissement sans ce volet destructif qu'est l'alcool; bref, comment s'amuser sans se griser. Les êtres humains ont toujours fait preuve de beaucoup de créativité lorsqu'il s'agit de divertissement. Au fil des siècles, nous avons pu démontrer comment les produits chimiques qui agissent sur nos cerveaux créent, dans l'ensemble, plus de problèmes que de solutions. Peut-être sommes-nous arrivés à l'aube du jour où nous pourrions jouir de la meilleure santé possible et, en même temps, nous amuser sans avoir recours aux substances qui nous font du mal.

En guise de conclusion, l'étiquetage des boissons alcoolisées n'est qu'un petit pas, une petite pièce, mais c'est une pièce décisive. C'est un grand tournant pour ce qui est des préoccupations de la société à l'égard de ce produit. Je ne voudrais pas que le comité sous-estime l'importance de ce que vous allez faire en ce qui a trait à la politique de santé publique.

La présidente: Merci beaucoup. C'est très bien.

Madame Picard.

[Français]

Mme Picard: Merci de vos quelques mots en français; nous les avons appréciés.

Lorsqu'ils achètent une bouteille de vin ou de la bière, les gens sont souvent influencés par la publicité sur les produits alcoolisés. On se présente à un magasin de la Société des alcools, au Québec, et on y achète des boissons alcoolisées. Combien de gens se donnent la peine de lire l'étiquette indiquant la provenance du vin, et combien prendront la peine de lire ces petites étiquettes à l'endos? C'est là le problème. La première fois qu'on voit une telle étiquette, c'est assez frappant, mais à la longue on s'y habitue. C'est comme les avertissements sur les paquets de cigarettes. Au début, les gens étaient très frappés quand ils lisaient: «Le tabac tue»; «Le tabac peut causer le cancer», etc. Mais aujourd'hui, lorsque je vais chez un dépanneur, je remarque que les gens ne les regardent plus.

.1100

Comment peut-on sensibiliser les gens à long terme à l'importance de reconnaître que si on est enceinte, l'alcool peut causer des problèmes ai foetus?

Dr Guilfoyle: Nous avons besoin d'une stratégie faisant appel à multiples moyens. L'étiquetage des boissons alcoolisées n'est qu'une petite partie d'une grande stratégie visant à diminuer la consommation d'alcool dans notre société. Doit-on changer les affiches, mettre l'accent sur un autre élément après un certain temps? Si nous reconnaissons le problème, notre but doit être de prévenir la population des dangers de l'alcool, mais les stratégies pour atteindre ce but peuvent changer. Les affiches peuvent être ennuyeuses après un certain temps.

Mme Picard: Merci beaucoup.

[Traduction]

M. Hill: Vous êtes l'un des premiers professionnels de la santé à nous dire qu'il serait aussi raisonnable d'annoncer les effets salutaires de l'alcool que de faire part de nos préoccupations quant aux effets nocifs, et pourtant, vous voulez réduire la consommation générale. C'est presque antithétique.

Dr Guilfoyle: Antithétique... Je crois qu'il faut fonder nos décisions sur la preuve. Les données unissent; les théories divisent. Si nous avons des preuves qui montrent que l'alcool, pris isolément, a un effet bénéfique sur la santé, je crois qu'il faut le vendre. Je crois que nous devons le prescrire, comme nous le faisons pour d'autres produits que nous donnons aux gens, si nous en avons la preuve.

Ensuite, je crois qu'il faut intégrer cette preuve dans toute stratégie de promotion de la santé, si c'est logique. Si ce n'est pas logique... Et en ce moment, étant donné la prépondérance de la preuve que nous détenons, à savoir qu'en réduisant la consommation d'alcool par habitant, on réduit du même coup le fardeau pour la société, il semble que ce soit encore un objectif utile de santé globale à proposer à la société.

M. Hill: Vous avez aussi dit que cette approche lancerait un signal, que c'était un grand tournant, mais je vous ai entendu dire aussi que ça ne serait peut-être pas la meilleure approche. Pourriez-vous me préciser cette déclaration?

Dr Guilfoyle: Oui. Je crois que les points soulevés... À titre d'exemple, il y a des gens qui fréquentent les bars et qui ne voient jamais la bouteille. On leur donne des boissons à partir d'un distributeur. Les gens ne seront donc pas tous au courant de, et exposés à, cette composante éducative.

Il pourrait y avoir d'autres stratégies complémentaires, si c'est notre rôle de sensibiliser les gens. Ce n'est qu'une composante d'une stratégie de sensibilisation. Alors, lorsque je dis que si tout ce qu'on fait c'est ceci... Je crois qu'on pourrait faire mieux.

M. Hill: Enfin, vous avez dit qu'on pourrait l'améliorer avec un symbole. Avez-vous un symbole préféré?

Dr Guilfoyle: Pas vraiment. J'ai même un problème en ce qui a trait aux symboles dans la promotion de la santé. Ce n'est qu'un préjugé personnel. La plupart de nos symboles semblent indiquer qu'il ne faut pas faire quelque chose.

J'aimerais beaucoup mieux des symboles qui glorifient le meilleur état de santé possible. En d'autres mots, ce serait un dessin qui symboliserait automatiquement que je ne prends pas de médicaments, que j'arrive à vivre sans béquille, et que je ne prends pas de drogues et n'en ai pas besoin.

Dans une stratégie de sensibilisation aux drogues, je crois qu'il faut promouvoir l'idée que les êtres humains se débrouillent bien sans médicaments, que leur production d'endorphines leur est grandement suffisante. Un symbole qui ferait la promotion de cette idée m'intéresserait.

Pour ce qui est de ce sujet particulier, en ce qui a trait à l'étiquetage de mise en garde des boissons alcoolisées, vous pourriez apposer des symboles de femmes enceintes, de conduite d'une voiture, et d'autres drogues tels que les médicaments d'ordonnance, avec une barre qui traverserait le symbole... Vous pourriez faire toutes sortes de choses.

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L'une des questions intéressantes est la suivante: est-ce qu'on devrait agir en tant que parent lorsqu'on boit? C'est un concept intéressant, n'est-ce pas? Vous pouvez boire combien de verres avant que les conseils que vous donnez à votre enfant de quatre ans ne soient plus fiables?

Il y avait autrefois un crime ayant trait à l'écrasement des enfants par leurs parents. Certaines morts subites et inexpliquées d'enfants résultent encore de mères et de pères qui écrasent leurs enfants. «Ne dormez pas avec votre enfant si vous avez trop bu» pourrait être un autre message utile, parce que dans toutes les provinces, il y un certain nombre de morts à chaque année parce que des gens qui ont trop bu dorment dans le même lit que leur bébé... Ils se réveillent et le bébé est mort. Ils ont écrasé leur bébé. C'était un crime grave à Londres au XVIIIe siècle à l'époque victorienne, mais cela arrive encore et c'est lié à la consommation d'alcool.

La présidente: Merci.

Monsieur Szabo.

M. Szabo: Docteur, votre présentation m'a appris bien des choses, du moins dans certains domaines. L'une des choses que vous avez dites, qui met en lumière la controverse ou l'opposition entre la communauté des professionnels de la santé et le secteur des boissons alcoolisées, c'est que vous soutenez - pour ce qui est d'une norme de santé publique - que la consommation par habitant devrait être réduite de huit litres à six. C'est une réduction de 25 p. 100 de la consommation d'alcool.

Ceci voudrait dire d'énormes pertes de revenus et de bénéfices pour ce secteur. Les pertes de recettes seraient également importantes pour le gouvernement du Canada. Avez-vous songé aux conséquences économiques de l'établissement de ces objectifs? Pouvez-vous nous donner une idée du résultat net si nous y parvenions?

Dr Guilfoyle: À ma connaissance, et je crois si nous abordons le concept des objectifs de santé, c'est une démarche très compliquée que nous avons à peine commencé à aborder en ce pays... Plusieurs provinces ont fait les premiers pas dans cette voie. À ma connaissance, et évidemment je ne suis qu'un économiste très mineur et sans expérience, j'ai cru comprendre que l'incidence de l'alcool, les effets négatifs, destructeurs, est d'environ 12 milliards de dollars par année. Si les ventes d'alcool sont réduites de 25 p. 100, je ne sais pas s'il aura la même incidence en ce qui a trait aux revenus. Et ce n'est que l'argument financier.

Si l'on songe que la morbidité pourrait être réduite de 25 p. 100 - ou d'un pourcentage quelconque - c'est de la valeur ajoutée. Vous avez probablement raison en ce qui a trait à l'équation financière, mais je dirais que les bienfaits pour la société sont beaucoup plus importants.

M. Szabo: Docteur, connaissez-vous l'étiquetage actuel aux États-Unis?

Dr Guilfoyle: Oui.

M. Szabo: Pouvez-vous commenter la qualité de cet étiquetage et de la probabilité qu'il soit efficace?

Dr Guilfoyle: Je crois que l'étiquetage aux États-Unis est assez inoffensif. Les étiquettes ne sont pas très attrayantes, sur le plan visuel. Elles sont difficiles à voir. Il n'y a que deux ou trois messages. Premièrement, je dirais que l'étiquette doit être visuellement attrayant. Tous arrivent à voir les noms ici. Il se peut qu'on ne voit rien d'autre, mais nous avons les noms. L'un des défis pour nous, dans la promotion de la santé, c'est que nous n'avions ni les ressources ni la créativité pour rendre nos mises en garde aussi attrayantes que peuvent le faire les différents secteurs avec leurs produits.

M. Szabo: Docteur, en ce qui a trait au droit du public de savoir lorsqu'un produit est dangereux, je crois que vous m'avez peut-être entendu dire un peu plus tôt que nous avons imposé l'étiquetage dans d'autres domaines et qu'il peut être nécessaire, en fonction de certains critères. Je crois que même avec le système d'information sur les matières dangereuses dans les lieux de travail il y a déjà dans les brasseries et les distilleries, des étiquettes de mises en garde à l'intérieur de l'usine, parce que les composantes des matières premières peuvent nuire à la santé des travailleurs. Mais lorsqu'on arrive au produit fini, il n'y a pas de mises en garde pour les autres personnes.

Serait-il juste d'affirmer qu'il y a un principe qu'il faut soutenir en ce qui a trait au droit du public de savoir, et qu'il se peut que si nous n'agissons pas pour ce qui est des boissons alcoolisées cette fois-ci, nous allons perdre notre crédibilité auprès du grand public, qui se dira: «Je ne sais pas ce qui pourrait m'être nuisible parce qu'ils ne sont pas cohérents, c'est eux qui choisissent d'inclure ou d'exclure les mises en garde».

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Dr Guilfoyle: Je suis tout à fait d'accord.

L'une des choses capitales pour ce qui est d'élever un enfant, c'est la cohérence. Il faut toujours faire ce que l'on dit qu'on fait. Il faut agir en fonction de ce qu'on dit. Je crois que c'est la même chose ici. Ce n'est pas pour dire que le gouvernement est en quelque sorte notre parent, pas dans ce sens-là, mais il a la responsabilité, un devoir envers le public pour ce qui est d'élaborer une bonne politique et de bonnes stratégies de santé publique. Il faudrait qu'il y ait cohérence entre les différents domaines qui posent problème. Si nous réglementons le secteur, pour le mettre en garde quant aux dangers de l'alcool, on devrait au moins avertir le consommateur moyen, qui en connaît peut-être encore moins que les travailleurs d'un lieu de travail quant aux dangers d'une substance.

M. Szabo: En dernier lieu, docteur, pouvez-vous donner des renseignements au comité...qu'est-ce qui arrive si on tient compte de la croissance de la population et si on normalise la consommation d'alcool par personne? Savez-vous quelles sont les tendances en ce qui concerne la consommation abusive de l'alcool? Est-elle restée stable depuis ces dernières années, ou est-ce qu'elle est à la hausse ou à la baisse?

Dr Guilfoyle: Que je sache, la consommation d'alcool a augmenté jusqu'à il y a quelques années. Récemment, elle s'est stabilisée, et a peut-être baissé dans certains domaines.

Je pense qu'il ne fait aucun doute qu'il y a eu une baisse du nombre d'accidents de voiture dus à la consommation d'alcool. Que je sache, les statistiques montrent bien cette tendance. Donc, je pense qu'il y a eu une réduction dans ce domaine.

Je pense honnêtement que le syndrome d'alcoolisme foetal nous préoccupe beaucoup car notre connaissance de ce syndrome et même notre capacité de le diagnostiquer n'en sont qu'à leur début. Nous venons à peine de commencer à avoir des statistiques de ses effets sur la société. Il y a dix ans, le syndrome d'alcoolisme foetal n'était pas enseigné dans les facultés de médecine. Le sujet n'était pas mentionné dans les manuels. Donc, nous ne sommes pas en mesure de dire si la situation s'améliore ou empire depuis 10 ans. Nous commençons à peine à avoir des statistiques sur ce problème.

Il va sans dire que nous voulons avoir des statistiques et que nous voulons que le nombre de cas diminue à partir de maintenant. Mais à mon avis, il est trop tôt pour savoir si les campagnes menées à l'heure actuelle par différents paliers de gouvernement dans toutes les régions du pays, sont efficaces. J'ai l'impression qu'elles le sont.

Sans avoir de chiffre à l'appui, nous savons qu'il y a des populations à risque au Manitoba. On nous dit que les femmes savent maintenant qu'il y a un lien entre la consommation d'alcool et la grossesse. Cependant, l'un des problèmes c'est que si la consommation par personne n'a pas changé, il y a quand même le danger que les femmes consomment de l'alcool sans savoir qu'elles sont enceintes. Si une femme sait qu'elle est enceinte, elle ne va pas boire, mais souvent les femmes ne savent pas qu'elles sont enceintes pendant les premières semaines et même pendant les deux premiers mois. Même avec des mises en garde, si la consommation globale demeure inchangée, nous risquons de ne pas régler le problème du syndrome d'alcoolisme foetal de façon aussi efficace que nous pourrions le faire si la consommation globale diminuait.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Scott, avez-vous des questions à poser?

M. Scott: Non.

La présidente: Nous vous sommes reconnaissants d'être venu nous présenter votre exposé. Vous avez ajouté un nouveau point de vue. Nous essayons de rassembler tous les éléments, et vous nous avez beaucoup aidés. Merci beaucoup.

Dr Guilfoyle: Je tiens à remercier sincèrement le comité. C'est la première fois que le Council of Chief Medical Officers of Health témoigne au sujet d'un projet de loi qui a une incidence si importante sur la santé des Canadiens. C'était un honneur pour nous d'être ici. Au nom du conseil, je tiens à vous remercier de nous avoir entendus. Nous vous souhaitons beaucoup de chance dans vos travaux.

La présidente: En tant qu'ancienne présidente du Conseil de santé de la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton, je reconnais l'importance de la santé publique dans le domaine de la médecine préventive. Je trouve que vous faites une contribution considérable à la santé des Canadiens. Merci beaucoup.

Dr Guilfoyle: Merci.

La présidente: Nous sommes un peu en retard, mais je crois que nous pourrons terminer à midi.

Nous accueillons maintenant trois représentants de Santé Canada: le docteur George Paterson, M. Byron Rogers et M. Ron Burke. Nous avons également deux autres noms: D. Jacovella et D. Cook. Nous vous souhaitons la bienvenue.

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Nous vous remercions d'être venus. Vous êtes dans la salle depuis un certain temps, donc vous avez entendu quelques-uns uns des exposés. Nous avons entendu un éventail de points de vue assez large, et maintenant nous essayons de rassembler tous ces éléments. J'espère que Santé Canada va nous donner les réponses à toutes nos questions.

Qui veut commencer? Docteur Paterson.

Dr George Paterson (directeur, Direction des aliments, ministère de la Santé): Merci, madame la présidente, de cette occasion que vous nous donnez de s'adresser aux membres du sous-comité sur le projet de loi C-222, à propos de cette importante question des mises en garde sur les contenants de boissons alcoolisées.

Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de plusieurs hauts fonctionnaires du ministère qui seront en mesure de vous fournir plus de détails sur les questions que je vais aborder, si jamais vous avez des questions.

Plus précisément, je suis accompagné de: Doris Cook, de la Direction de l'information et de la politique de santé, qui traitera des aspects politiques des avertissements sur les contenants de boissons alcoolisées; Ron Burke, de la Direction des aliments à la Direction générale de la protection de la santé, qui est ici pour vous offrir des renseignements sur les aspects de la réglementation, si nécessaire; Ann Sunahara, de Justice Canada, notre conseiller juridique qui peut vous parler de certaines répercussions juridiques; et Diane Jacovella du Bureau de l'alcool, des drogues et des questions de dépendance, qui vous donnera des renseignements sur les initiatives et projets de prévention.

Je serai bref pour donner aux membres du comité la chance de nous poser des questions.

Je veux d'abord vous répéter que la mission de Santé Canada consiste à protéger la santé et la sécurité des Canadiennes et des Canadiens. À ce titre, le ministère appuie le principe du projet de loi C-222, qui est de mieux sensibiliser la population aux dangers associés à la consommation abusive d'alcool.

Malgré des baisses encourageantes de consommation depuis une dizaine d'années, la conduite en état d'ébriété demeure un risque important pour la santé publique et la sécurité routière au Canada. En 1992, on estime que plus de 1 600 personnes ont perdu la vie dans un accident de la route provoqué par l'alcool au pays.

Comme vous le savez, le syndrome d'alcoolisme foetal et les effets de l'alcoolisme sur le foetus sont des affections incapacitantes qui entraînent des incapacités qui durent toute la vie et ont d'importantes répercussions défavorables sur les familles et les collectivités, de même que sur nos systèmes de santé et de services sociaux.

Depuis que le comité permanent de la santé a fait rapport sur cette question en 1992, Santé Canada a élaboré un programme stratégique qui incorpore diverses activités dans le but de lutter contre le syndrome d'alcoolisme foetal et freiner l'abus des consommations d'alcool et des drogues, tout en favorisant des grossesses heureuses. Ces initiatives comprennent la distribution d'une brochure qui a reçu un très bon accueil, «L'alcool et la grossesse», un symposium national à Vancouver en 1992, de nombreux ateliers, conférences et évaluations régionales des besoins, ainsi que de nombreux projets portant sur la santé des enfants et la toxicomanie. Je pourrais vous donner plus de détails, si vous le souhaitez.

Depuis 1989, comme vous le savez sans doute, les États-Unis exigent qu'un message semblable à celui que propose M. Szabo soit apposé sur les contenants de boissons alcoolisées. Ce message stipule ce qui suit:

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Les renseignements que nous avons obtenus sur l'expérience américaine donnent une preuve ambiguë de l'efficacité de ces mises en garde. Elles peuvent servir à mieux sensibiliser le consommateur sans toutefois pouvoir être liées à des changements de comportement face à la consommation d'alcool. Le ministère croit donc que des approches autres que des avertissements pourraient être plus efficaces pour permettre au projet de loi C-222 d'atteindre ses objectifs.

Depuis 1989, je puis vous signaler que le nombre de consommateurs d'alcool a diminué de 5,4 % au Canada, sans étiquette de mise en garde sur les contenants de boissons alcoolisées.

Le ministère participe à des initiatives qui jouent un rôle utile pour ce qui est d'informer le public des dangers d'une consommation abusive d'alcool.

À cet égard, je voudrais vous donner des exemples de programmes qui, d'après Santé Canada, pourraient permettre d'atteindre les objectifs du projet de loi C-222: continuer le service d'information sur le syndrome d'alcoolisme foetal et les effets de l'alcoolisme sur le foetus; le programme de sensibilisation des jeunes sur la consommation d'alcool avant d'avoir atteint l'âge requis; les programmes de formation pour les professionnels de la santé sur l'alcool et les autres questions de toxicomanie; les programmes de sensibilisation sur la conduite en état d'ébriété.

Santé Canada a déjà recours à diverses approches, comme des brochures et des vidéos, pour rejoindre le public sur des questions relatives à la consommation abusive d'alcool. De même, les provinces et territoires ont produit des brochures, des messages imprimés sur les sacs, des messages télévisés et des affiches, comme moyen de rappeler aux consommateurs d'alcool les risques d'une consommation abusive.

Santé Canada veut continuer à collaborer avec l'industrie et les autres autorités gouvernementales à de telles entreprises pour faire en sorte qu'un message efficace rejoigne la population.

D'autres options que le ministère trouve intéressantes actuellement seraient les étiquettes standard de boissons, ce qui est fait en Australie, et l'incorporation de mises en garde dans le matériel publicitaire.

Je voudrais aussi invoquer la récente décision de la Cour suprême du Canada rendue le 21 décembre 1995 dans l'affaire Hollis c. Dow Corning - , qui pourrait servir de mesure d'encouragement pour que l'industrie des produits alcooliques communique de façon appropriée, à la population canadienne, des messages d'avertissement sur le problème de la consommation abusive d'alcool.

Cette décision indique que les fabricants ont un «devoir de prudence» pour ce qui est de fournir de l'information aux consommateurs sur les effets de leurs produits. C'est dire que les consommateurs doivent être informés des dangers inhérents à l'utilisation du produit, principalement quand ce produit est ingéré ou implanté dans l'organisme.

Les fabricants peuvent s'acquitter de cette responsabilité en donnant aux consommateurs un avertissement clair et sincère de ces dangers.

Un moyen pour les fabricants de produits alcooliques de s'acquitter de leur devoir d'avertir le public peut très bien être d'incorporer à un message à leur matériel publicitaire. Santé Canada aimerait étudier cette possibilité.

Je veux vous remercier, madame la présidente, de cette occasion que vous nous avez donnée de nous présenter devant le sous-comité qui étudie le projet de loi C-222. J'invite maintenant les membres à poser leurs questions, soit à moi directement ou aux autres représentants de Santé Canada.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Madame Picard.

Mme Picard: Bienvenue au sous-comité. Le ministre déclarait récemment qu'il n'était pas très enthousiaste quant à l'apposition d'étiquettes sur les contenants boissons alcoolisées. Il disait que cette initiative pourrait coûter dix millions de dollars à Santé Canada. Pouvez-vous m'expliquer en quoi consiste cette dépense de dix millions de dollars?

[Traduction]

Dr Paterson: Cela comporte une série d'initiatives, s'étendant de mesures réglementaires à la communication d'informations à la population, ainsi que les recherches supplémentaires qu'il nous faudrait effectuer.

Si vous voulez de plus amples détails sur les initiatives précises, je demanderai à ma collègue Diane de vous les faire parvenir.

[Français]

Mme Diane Jacovella (gestionnaire, Bureau de l'alcool, des drogues et des questions de dépendance, ministère de la Santé): On parle des campagnes de prévention qui devraient être faites afin d'accroître la sensibilisation des gens aux dangers et méfaits de l'alcool. On parle aussi des sommes investies par les industries de l'alcool qui, si elles devaient payer davantage pour l'étiquetage, pourraient décider de ne pas faire de campagne de sensibilisation, comme l'ont fait tout particulièrement les brasseurs dans le passé.

Mme Picard: Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente: Cela suscite une autre question, mais...

Docteur Hill.

.1125

M. Hill: Vous avez signalé que la consommation d'alcool au Canada a diminué d'environ 5 p. 100 depuis que les États-Unis exigent qu'un message soit apposé sur les contenants de boissons alcoolisées. Que s'est-il passé aux États-Unis?

Dr Paterson: Nous n'avons pas les chiffres exacts sur la réduction du nombre de morts aux États-Unis. On pourrait vous les faire parvenir. Nous pouvons vous dire cependant que les résultats de l'expérience américaine sont ambigus ou peu concluants. Les gens qui en ont été le plus conscients et le plus touchés étaient les gros buveurs, ceux qui buvaient plus que la moyenne. C'est certain qu'ils en étaient plus conscients, mais c'est moins certain qu'ils aient réduit leur consommation d'alcool en conséquence.

Il faut faire davantage de recherches pour évaluer l'efficacité des mises en garde imposées aux États-Unis. Mais à l'heure actuelle, ni moi ni mes collègues ne pourrons vous donner une réponse précise, mais nous nous renseignerons et ferons parvenir au comité nos conclusions.

M. Hill: Je veux que vous compreniez exactement ce que je demande. Vous dites que la consommation canadienne d'alcool a diminué de 5,4 p. 100. Plus précisément, le nombre de consommateurs d'alcool a diminué de 5,4 p. 100 au Canada. Ce serait très intéressant de voir s'il y a eu une réduction pareille aux États-Unis. J'en conclurais que ces étiquettes de mise en garde n'ont pas eu un effet très important. Si le nombre de consommateurs d'alcool aux États-Unis a diminué de plus de 5,4 p. 100, je serais très heureux de le savoir.

Vous nous donnez des renseignements très précis sur l'expérience canadienne. Pourriez-vous nous renseigner sur l'expérience américaine?

Mme Jacovella: Pour le moment, je ne peux vous renseigner sur l'expérience américaine. Le Canada a réalisé deux enquêtes nationales sur la consommation d'alcool et de drogues, en 1989 et en 1994, et les résultats publiés cet automne indiquent que la consommation d'alcool au Canada a diminué de 5,4 p. 100. Nous parlons ici du grand public, les gens que ces messages de sensibilisation rejoignent normalement. Ce qu'il faut retenir, c'est que le nombre de consommateurs d'alcool a diminué même sans l'apposition d'étiquettes de mise en garde.

M. Hill: Vous avez parlé aussi des «étiquettes standard de boisson» exigées en Australie. Je ne comprends pas ce que cela veut dire.

Mme Jacovella: Si je ne m'abuse, en décembre 1995, le gouvernement australien a décidé d'utiliser le critère d'une boisson standard au lieu d'imposer une seule étiquette. Dans ses efforts pour sensibiliser la population aux dangers de la consommation abusive d'alcool, le gouvernement australien a décidé d'adopter une formule différente: il décide ce qui constitue une boisson standard et explique qu'un homme ne devrait pas dépasser un certain nombre de consommations par semaine ou par jour. Dans le cas des femmes, le nombre est différent. Les gens voient donc ce qu'ils boivent et combien ils boivent.

Par exemple, une bière forte représente plus qu'une boisson standard. Souvent les gens n'y pensent pas. Ils ne tiennent pas compte du pourcentage d'alcool. C'était donc une façon de sensibiliser les gens aux dangers de l'abus de l'alcool et de les encourager à en limiter la consommation de façon responsable.

M. Hill: Quand le ministre de la Santé a déclaré qu'il n'était pas très enthousiasmé par cette formule, est-ce que cela a eu un effet sur votre...? Je remarque que vous avez clairement souligné le terme «principe». Vous appuyez le principe du projet de loi C-222. C'est intéressant.

Est-ce que cela ne change rien pour vous?

La présidente: Vous avez vu l'article du ministre?

Dr Paterson: Oui. Comme c'est normal, notre position est conforme à celle du ministre. Mais notre position était la même avant que M. Dingwall devienne ministre de la Santé.

Mme Jacovella: Il y a une chose que j'aimerais signaler. Santé Canada joue un rôle de premier plan dans la lutte contre la toxicomanie depuis 1987. Nous cherchons à sensibiliser les Canadiens aux dangers de la consommation abusive d'alcool. Nous travaillons activement dans ce domaine depuis huit ou neuf ans. Nous cherchions à expliquer dans notre mémoire que nous appuyons le principe de mieux sensibiliser la population aux dangers associés à la consommation abusive d'alcool.

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M. Hill: Vous laissez entendre donc que dans ce dossier c'est vous qui menez le ministre, et non pas le ministre qui vous mène.

Dr Paterson: Non, je ne voudrais nullement donner cette impression. Je pense que nos activités s'accordent.

M. Scott: J'aimerais poser une question très précise. Vous travaillez à ce dossier depuis neuf ou dix ans. La partie de votre exposé qui m'a le plus frappé est celle où vous expliquez les effets de l'alcool sur les femmes enceintes. Je connaissais déjà les problèmes de la conduite en état d'ébriété, mais votre explication des effets de l'alcool sur le foetus m'a beaucoup appris.

Je crois qu'il faut rejoindre les Canadiens pour les sensibiliser aux dangers de l'alcool, tout comme vous m'avez sensibilisé ici, même si votre message vise essentiellement à rejoindre les femmes enceintes.

Est-ce qu'on a pu définir le groupe cible dans ce contexte? A-t-on fait des études indiquant le groupe précis qu'il faut rejoindre? Savons-nous qui sont les gens les plus sensibles à ce message? La dernière fois que j'ai essayé de poser une question, j'ai donné peut-être l'impression d'expliquer du point de vue socio-économique qui sont les gens qui boivent. Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. Ce que je veux savoir, c'est comment on peut rejoindre et sensibiliser les gens qui ne sont pas conscients de ces dangers? Je me demande si, dans leur cas, c'est la meilleure façon de les informer.

Dr Paterson: Je passe cette question à ma collègue.

Mme Jacovella: Je ne connais aucune recherche sur l'identité des personnes informées par rapport à celles qui ne le sont pas. Je pense qu'il faut une certaine uniformité dans les messages pour que les gens comprennent véritablement.

Prenons par exemple la question de savoir si une certaine quantité d'alcool peut être bonne. Dans les médias, on trouve de nombreux articles ou émissions qui vont dans les deux sens. Je pense que les gens ont besoin de recevoir un message uniforme. Il faut leur faire connaître les faits. Vous, en particulier, vous devez être informés parce que vous devez toujours faire de la prévention et de la sensibilisation auprès des jeunes, en particulier avant qu'ils ne commencent à boire, pour bien leur faire comprendre le tort que l'alcool peut leur faire.

Les professionnels de la santé ont bien du travail à faire en ce qui concerne le SAF. L'un des problèmes avec ce syndrome, c'est que je ne suis pas certaine que les femmes ne connaissent pas le danger. Parfois, elles vivent des situations socio-économiques très difficiles et elles ont beaucoup de mal à cesser de boire. Elles boivent pour différentes raisons sous-jacentes. La sensibilisation ne suffit pas à les convaincre d'arrêter de boire ou de modifier leurs habitudes de consommation. Il faut considérer les causes profondes de leur comportement et l'ensemble des déterminants de la santé.

M. Scott: J'accepte tout cela, mais je pense que l'étiquetage... J'accepte tout le reste: c'est un rappel, qui s'ajoute à d'autres programmes de portée plus générale, etc.

L'exercice est très simple, c'est une méthode par laquelle on informe des gens qui ignorent fondamentalement les risques qu'ils courent; mais dans certaines circonstances, y a-t-il des gens, aujourd'hui, qui ont moins facilement accès à cette information que d'autres? Et est-ce la meilleure façon de leur faire parvenir l'information? Je voudrais savoir s'il y a de la recherche consacrée précisément à cette question.

Je suis bien conscient de la nécessité, pour les professionnels de la santé et pour l'ensemble de la population, de bien comprendre cette situation, et je comprends bien l'intérêt d'une bonne information de la population. L'intervention des pouvoirs publics va-t-elle refléter cette sensibilisation? Voilà les questions qui se posent.

Je vais vous dire l'origine de ma démarche. Une femme a comparu devant notre groupe de travail sur la santé des enfants. Elle nous a dit que son problème, c'était que l'alcool lui faisait du bien - c'est ce qu'elle nous a dit - et qu'elle était déjà bien informée. Les parents des enfants avec qui je travaille ne le savent pas, et je ne suis pas sûr que l'étiquetage puisse véritablement les informer.

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C'est ce qui a déterminé ma démarche, et j'essaie de savoir si tout cela est fondé sur une information fiable, ou si on est dans le domaine de l'anecdote, auquel cas cela ne retirerait du reste rien à l'intérêt du programme.

Mme Jacovella: Vous soulevez là une très importante question. Je crois que c'est également notre point de vue. Il faut faire davantage de recherches pour déterminer la meilleure façon de rejoindre les différents éléments de la population. Je ne pense pas que cette recherche ait été faite. Elle n'est pas encore disponible, mais il faudrait la faire.

M. Scott: Puis-je demander qu'elle soit faite? C'est un point fondamental du débat.

Dr Paterson: Oui. Comme l'a dit Diane, nous y sommes favorables. Évidemment, il y a une limite à l'étendue des recherches qu'on peut mener, et il faut donc fixer des priorités. Mais comme l'a dit le docteur Guilfoyle, quels éléments de la population faut-il viser?

Une bonne partie de la population canadienne est illettrée; par conséquent, les messages auront beau être bien rédigés en anglais et en français, ils ne pourront pas rejoindre les gens de cette catégorie. Il faut faire d'autres recherches sur les meilleurs moyens de rejoindre les différents groupes cibles, qu'il s'agisse des femmes enceintes, des adultes illettrés, des jeunes, etc.

Dans une grande mesure, nous n'avons pas fait beaucoup de recherches originales dans ce domaine au Canada, et pour différentes raisons. Nous avons utilisé la recherche effectuée aux États-Unis, en France et dans d'autres pays. Donc, votre argument est tout à fait valable, et nous allons en prendre note.

La présidente: Je dois maintenant donner la parole à M. Szabo.

M. Szabo: Merci. J'aurais quelques questions à vous poser.

La première partie signale que l'étiquetage aux États-Unis est d'une efficacité douteuse. Pouvez-nous nous donner une liste - ou pouvez-vous me dire combien d'études crédibles indiquent que l'étiquetage est inefficace?

Mme Doris Cook (Direction de l'information et de la politique de la santé, Direction générale de la politique et des consultations, ministère de la Santé): Nous allons vous communiquer toute l'information et les études que nous avons.

M. Szabo: Avez-vous une idée du nombre d'études en question? Combien d'études ont été effectuées? Cinq ou dix?

Mme Cook: Honnêtement, je ne peux pas le dire.

M. Szabo: Bien.

Dr Paterson: Monsieur Szabo, d'après l'information dont nous disposons, le gouvernement américain a fait, au cours des trois dernières années, une quinzaine d'études sur l'effet et l'efficacité de l'étiquetage obligatoire.

M. Szabo: Et d'après les résultats, est-ce qu'il est totalement inefficace ou a-t-il tout de même une certaine efficacité? Voulez-vous dire que d'après des études crédibles, l'étiquetage aux États-Unis n'a absolument aucun effet?

Dr Paterson: Non. Je peux vous signaler trois choses. Tout d'abord, les buveurs excessifs, comme je l'ai dit, sont les plus conscients, puisqu'ils regardent plus souvent la bouteille que ceux qui boivent modérément ou rarement. Pourtant, on a constaté que c'est chez eux que l'étiquetage a le moins d'effet.

Deuxièmement, depuis 1989, les campagnes contre l'alcool au volant ont sans doute eu autant d'influence, sinon plus, que l'étiquetage.

Troisièmement, ce sont les buveurs modérés qui sont le plus sensibles à l'étiquetage, mais la plupart des risques sont liés aux occasions de consommation abusive et à la dépendance alcoolique. Encore une fois, comme l'a dit ma collègue Diane, la dépendance envers les drogues ou l'alcool est un problème bien enraciné qu'on ne peut résoudre par l'étiquetage.

M. Szabo: Vous avez énoncé quatre solutions de rechange à l'étiquetage. La poursuite du programme sur le SAF relève, je suppose, de l'éducation et de la sensibilisation.

Dr Paterson: Oui.

M. Szabo: Il y a un programme de sensibilisation destiné aux jeunes qui concerne la consommation d'alcool avant l'âge légal. Il existe des programmes de formation pour les professionnels de la santé sur l'alcool et les drogues. Je suppose qu'il s'agit de mesures préventives ou curatives... comme le programme ARAI. Et le dernier était un programme de sensibilisation sur la conduite avec facultés affaiblies. Vos propositions de solutions plus efficaces semblent porter pour l'essentiel sur l'amélioration de la sensibilisation.

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Ensuite, vous dites que l'étiquetage n'est pas efficace car il n'est pas lié à un changement de comportement. Les critères que vous utilisez pour mesurer l'efficacité de l'étiquetage portent sur son aptitude à modifier le comportement, mais vous proposez que l'on poursuive l'effort de sensibilisation. Je pense qu'il y a là une contradiction.

Docteur Quirke, vous avez également parlé de l'arrêt Hollis c. Dow Corning, dans lequel les juges disent essentiellement que s'il y avait eu une étiquette de mise en garde, la responsabilité aurait été atténuée. Vous avez porté cette question à notre attention, car il est important que l'industrie prévienne les consommateurs par les moyens appropriés. Cela veut dire que l'étiquetage est ou pourrait être l'un des moyens appropriés. Il y en a peut-être d'autres, mais je ne veux pas vous interroger là-dessus.

Ce sur quoi je voudrais vous interroger va véritablement au coeur du débat, à savoir qu'il y a eu un changement fondamental, madame la présidente. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Le 7 décembre, à la Chambre des communes, la secrétaire parlementaire du ministre de la Santé a pris la parole sur le projet de loi concernant l'étiquetage, et je voudrais citer sa dernière déclaration, à la page 17418 du hansard:

J'espère que tous les députés appuieront ce projet de loi. Nous l'appuyons fermement à Santé Canada. Nous croyons que si nous voulons prévenir les maladies qui peuvent l'être et qui causent beaucoup de tragédies dans nos vies, c'est là une bonne mesure à prendre. Nous avons déjà fait la moitié du chemin. Cela se fait aux États-Unis. Il est temps que nous le fassions au Canada.

Madame la présidente, le greffier a distribué mon document; je suis allé tous les jours à la Chambre des communes pour présenter des pétitions de Canadiens favorables au projet de loi C-222. Le ministre a la responsabilité d'y répondre. Il a signé les pétitions, et voici sa déclaration...

La présidente: Quelle est la date de la déclaration?

M. Szabo: Je suis allé à la Chambre des communes ce matin pour trouver sur mon bureau le document le plus récent déposé hier. C'est la pétition que j'ai présentée le 28 mars. Vous avez ici un document qui en fait partie. La déclaration la plus récente que j'ai reçue est du 28 mars 1996, et on y lit ceci:

Le ministre l'a signé le 28 mars. Il appuie manifestement le projet de loi tel quel.

Vous avez dit publiquement à ce comité que votre position actuelle est conforme au point de vue exprimé par Santé Canada même avant l'arrivée en poste de l'actuel ministre de la Santé. L'honorable ministre Diane Marleau m'a dit: «Je suis favorable à l'étiquetage». La secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé a dit: «Nous portons un grand intérêt aux pétitions que vous avez reçues». Hier encore, à la Chambre des communes, le ministre était favorable au projet de loi.

J'en viens donc à vous demander ce qui a changé entre le moment où ce document est arrivé sur mon bureau et votre comparution devant ce comité.

Dr Paterson: Je ne pense pas qu'il y ait eu de changement, et je voudrais revenir à ma déclaration liminaire. Je pense qu'elle est conforme à ce que disait notre ministre la semaine dernière, à savoir que nous sommes favorables au principe du projet de loi. Rien n'a changé à cet égard. Ce que nous envisageons, c'est une série d'initiatives qui pourraient nous aider à élaborer une meilleure politique dans le domaine de la consommation d'alcool et à améliorer notre effort d'information sur les effets de l'alcool auprès de l'ensemble de la population ainsi qu'auprès d'un groupe cible.

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Donc, je ne pense pas, monsieur Szabo, qu'il y ait eu un changement fondamental. Notre point de vue est tout à fait conforme aux propos de notre ministre. Je n'ai pas lu le hansard auquel vous faites référence, mais je prétends qu'il n'y a pas eu de changement fondamental. Nous sommes favorables au projet de loi dans son principe. C'est ce que nous avons toujours dit et que nous continuons à dire en tant que fonctionnaires du ministère.

M. Szabo: Il y a contradiction entre ce que vous et la secrétaire parlementaire avez dit et cette déclaration signée par le ministre de la Santé. Il faut tirer l'affaire au clair, et nous ne pourrons pas le faire ici.

Excusez-moi. Je dois m'excuser de mon énervement. Je travaille sur cette question depuis un an. Excusez-moi, c'est trop important pour moi.

Je voudrais poser une dernière question, qui me semble essentielle, car à mon avis, la seule chose qui ait véritablement changé, c'est que ce projet de loi a une chance d'être adopté, mais il existe un lobby très puissant dont l'organisation MADD nous a parlé qui permet de comprendre ce qui s'est passé. Je ne sais pas. Je ne veux pas spéculer ni faire d'allégation, mais vous avez également dit dans votre témoignage que votre point de vue - et on pourra vérifier dans le compte rendu - votre point de vue sur cette question d'étiquetage est conforme à celui du ministre de la Santé, même si cela ne représente pas le point de vue de Santé Canada, qui est là pour défendre et protéger les besoins de tous les Canadiens en matière de santé.

Vous avec donc dit que quel qu'ait pu être votre point de vue, vous avez changé d'opinion pour vous aligner sur le point de vue du nouveau ministre. Pouvez-vous indiquer à ce comité quels éléments de preuve, quelle nouvelle recherche ou quels nouveaux éléments de connaissance le ministre de la Santé a pu vous soumettre pour vous faire changer d'opinion et pour transformer votre soutien du projet de loi en un soutien de principe, ou pour vous faire renoncer au point de vue exprimé avant le remaniement ministériel?

Dr Paterson: Non, car au risque de me répéter, comme ma collègue l'a dit, au fil des années, compte tenu de l'information que nous avons recueillie, nous avons conservé un point de vue assez constant quant à la nécessité de s'informer davantage sur l'efficacité de l'étiquetage en tant que seul moyen d'intervention par opposition, disons, à une approche ciblée faisant appel à un ensemble de critères et d'initiatives. Nous avons toujours été favorables à l'objectif du projet de loi en principe, et rien n'a changé à cet égard.

M. Szabo: Vous connaissez bien l'étiquetage aux États-Unis, et vous reconnaîtrez sans doute qu'il revêt diverses formes et qu'il n'est pas très efficace pour communiquer le message. Est-ce bien la bonne façon de le dire?

Voulez-vous revoir ces bouteilles?

Dr Paterson: Oui, c'est bien la bonne façon de le dire.

M. Szabo: Vous êtes d'accord? Donc de façon générale, l'étiquetage américain n'est pas efficace ou pas autant qu'il pourrait l'être comparé à un étiquetage comme celui-ci. Dans ce cas, si l'étiquetage aux États-Unis... et sachant que la recherche dont on dispose actuellement remonte à 1992 ou 1993, alors que je peux vous montrer un document de recherche, si cela vous intéresse, qui indique que deux tiers des produits alcoolisés aux États-Unis ne portaient pas encore d'étiquette six mois après la mise en oeuvre... Cela signifie que les données actuelles sont très partielles. À mon sens, il est très difficile de tirer des conclusions concernant les effets à long terme sur le comportement, car la période d'observation est très brève. Par ailleurs, au cours de cette période, l'effort d'éducation s'est poursuivi, de même que toutes les autres mesures.

Comme vous n'êtes pas certains que ce soit un moyen efficace... comment pouvez-vous dire que l'étiquetage n'est pas efficace alors qu'il s'applique en parallèle avec d'autres éléments? Comment attribuez-vous tel effet à telle cause? Comment peut-on dire que l'éducation est plus importante et que l'étiquetage n'en fait pas partie? Je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus. Comment pouvez-vous en conclure que l'éducation est efficace et, à partir des mêmes résultats, que l'étiquetage ne l'est pas? Ces données de recherche ont une valeur tout juste spéculative.

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Est-ce que vous vous attendez à un appui de la part des États-Unis et d'après votre connaissance de la situation américaine, pensez-vous qu'il va y avoir un changement au cours des cinq prochaines années?

Dr Paterson: Je vais transmettre votre question à ma collègue Diane, puis Anne a quelque chose à dire concernant le domaine de la liberté d'expression.

Mme Jacovella: Je voudrais simplement répondre en ce qui concerne les recherches faites aux États-Unis. Si l'on faisait de nouvelles études actuellement, elles feraient peut-être apparaître des résultats différents. Nous disons qu'avant de décider d'opter pour une solution ou une autre, Santé Canada souhaite considérer toutes les options et adopter un point de vue global. Les résultats des nouvelles études indiqueraient peut-être qu'on peut effectivement s'orienter dans cette voie, mais ce n'est pas ce que suggère l'état actuel des connaissances.

Ann voudrait parler du système juridique canadien, en vertu duquel il est difficile d'agir sans preuves.

Mme Ann Sunahara (conseillère juridique, ministère de la Justice): Malheureusement, il existe une différence fondamentale entre les systèmes juridiques canadien et américain en ce qui concerne la liberté d'expression dans le domaine commercial. Aux États-Unis, cette liberté est moins bien protégée par la Constitution américaine qu'elle ne l'est au Canada, comme l'a affirmé la Cour suprême dans un arrêt récent concernant le tabac.

Cela signifie que lorsqu'on met sur un produit, comme on le fait ici, une étiquette pour dire quelque chose que le fabricant de ce produit ne souhaite pas dire, il a le droit constitutionnel de ne pas le dire, à moins que le message soit attribué au gouvernement du Canada et à moins qu'on ait apporté toutes les preuves nécessaires pour montrer qu'il s'agit de la façon la moins intrusive d'enfreindre sa liberté d'expression. Par conséquent, au Canada, on est soumis à des exigences juridiques bien supérieures à celles qu'impose le système américain.

Par ailleurs, je voudrais faire une distinction entre ces étiquettes et celles qu'on place sur les produits dangereux. Les étiquettes des produits dangereux ne donnent pas d'indication que les fabricants du produit ne veulent pas donner. Les fabricants souhaitent donner les indications en question. Dans une telle situation, le ministère ne fait que normaliser les indications.

Il faut donc faire une distinction entre ces deux situations, de même qu'entre le contexte canadien et le contexte américain.

La présidente: Je vais devoir interrompre cet échange. M. Szabo et M. Scott doivent nous quitter.

J'ai une question importante à vous poser, mais je vais devoir attendre.

Je crois que Mme Picard a quelque chose à ajouter.

[Français]

Mme Picard: Une brève question.

Vous disiez que la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Hollis, avait demandé à l'industrie de communiquer de façon appropriée les messages d'avertissement et de les incorporer dans les messages publicitaires.

Vous sembliez dire que c'était une approche intéressante. Est-ce que Santé Canada a abordé les industries pour leur demander d'incorporer dans leur message publicitaire des avertissements comme «La modération a bien meilleur goût», puisque nous savons que la publicité est bien différente des programmes de sensibilisation?

Je verrais d'un bon oeil l'approche de la décision de la Cour suprême au moment où elles font leur promotion des produits qui pourraient faire l'objet d'un avertissement. L'avertissement pourrait porter sur le syndrome d'alcoolisme foetal ou...

Avez-vous déjà commencé à aborder les industries?

[Traduction]

La présidente: Nous allons perdre notre quorum, et je dois faire approuver une motion; je vous demande donc d'être très bref.

Dr Paterson: C'est une très bonne question. En effet, nous étudions les conséquences de cette décision sur notre réglementation. Avons-nous prévu des consultations auprès de l'industrie? Non, pas encore.

La présidente: Merci beaucoup.

En conclusion, nous savons que l'abus d'alcool dans ce pays représente un coût de près de 1,5 p. 100 du PIB, soit de 12 à 15 milliards de dollars par an. C'est ce qu'on m'a dit. Le gouvernement fédéral recueille sept milliards de dollars par an. Cela devrait nous porter à réfléchir. Il s'agit d'un problème très grave, que nous devons résoudre.

.1155

Je tiens à vous remercier tous d'avoir comparu devant le comité. Nous avons prévu de vous consulter de nouveau.

Dr Paterson: Merci, madame la présidente.

La présidente: Je demanderai aux membres du comité de ne pas partir. Nous devons nous prononcer sur une motion.

M. Szabo: Je propose la motion.

La présidente: Il s'agit d'approuver une dépense de 450 $ pour rembourser Donna Wheway, qui est venue de Vancouver. Elle a trois enfants qui...

Une voix: Le vote!

La motion est adoptée

La présidente: Notre prochaine séance aura lieu mardi, et non mercredi.

La séance est levée.

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