[Enregistrement électronique]
Le mardi 26 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, la séance est ouverte.
La méthode que nous avons adoptée est d'entendre d'abord tous les témoins faire leurs exposés. Nous avons ensuite trois périodes de questions de 10 minutes. S'il y a d'autres questions, nous passons à des tours de cinq minutes. Je vous laisserai répondre aux questions, bien sûr, et vous constaterez peut-être que mes collègues poseront toutes leurs questions d'un coup pour que je ne leur coupe pas la parole. Nous autorisons cela puisque nous vous laissons tout le temps nécessaire pour répondre.
Je crois que certaines personnes ont demandé de passer dans un certain ordre. Tout le monde peut faire son exposé et je ne vois pas d'inconvénient à ce que les témoins décident de l'ordre dans lequel ils souhaitent prendre la parole.
Tout d'abord, je vous présente M. Ralf Jürgens, coordonnateur de projets du Réseau juridique canadien VIH/sida et membre du conseil d'administration. Du Service correctionnel du Canada, le commissaire Ole Ingstrup; de Aboriginal People in Prisons, Pat Sasakamoose-Tait; et de Prisoners with HIV/AIDS Support Action Network, Rick Lines.
C'est tout ce que j'ai à ma liste. S'il faut présenter quelqu'un d'autre, n'hésitez pas à le faire.
Monsieur Ingstrup, c'est vous qui allez commencer. Allez-y.
M. Ole Ingstrup (commissaire, Service correctionnel du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, et bon après-midi, mesdames et messieurs.
Je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte de venir vous entretenir de la question très importante du VIH et du sida, et du rapport entre cette question et les détenus des établissements fédéraux.
Je suis accompagné de deux personnes du Service correctionnel du Canada. Karen Wiseman, commissaire adjointe, Services à la haute direction. Elle m'aidera à répondre à vos questions et prendra des notes si nous n'avons pas tout au bout de la langue. Il y a aussi M. Robert Climie, qui dirige nos services de santé au Service correctionnel du Canada. Il pourra répondre à vos questions plus directement liées à la santé.
Le Service correctionnel du Canada est l'organisme qui est chargé de l'administration des délinquants qui purgent une peine d'au moins deux ans. Nous sommes l'un des services correctionnels qui dans le monde entier s'occupent des délinquants pendant tout le processus correctionnel - depuis la période qui suit immédiatement l'imposition de la peine jusqu'à la mise en liberté sous condition, en passant par l'emprisonnement, et enfin, jusqu'à l'expiration de la peine.
C'est une assez grande organisation. Nous gérons 41 pénitenciers: 11 établissements à sécurité maximale, 19 à sécurité moyenne et 11 à sécurité minimale. Nous administrons également 15 centres correctionnels communautaires, des foyers où les gens peuvent rester quand ils sont mis en liberté sous condition. Et nous avons 64 bureaux de libération conditionnelle au Canada. De plus, nous avons passé de nombreux contrats, environ 160, pour des centres résidentiels avec des organismes privés comme la Société Saint Léonard, l'Armée du Salut et un certain nombre d'autres organismes.
Nous avons en tout quelque 14 000 détenus en moyenne et quelque 7 000 personnes qui sont surveillées dans la collectivité.
Je constate que le mandat du comité est de se pencher sur les répercussions que la pauvreté, ainsi que d'autres formes de marginalisation, ont sur la prestation des services relatifs au VIH et au sida. Certes, voilà des questions que connaissent bien les délinquants.
[Français]
N'oublions pas que les personnes qui sont envoyées dans les établissements correctionnels font partie, règle générale, des personnes les plus marginalisées de la société.
Selon notre expérience, l'incarcération est souvent liée à la pauvreté. De nombreux types de mauvais traitements dans le passé, l'éclatement de la famille, la violence et la dépendance à la drogue et à l'alcool ont joué un rôle très important dans le passé d'un grand nombre de délinquants.
Plus de 80 p. 100 de tous les délinquants dans les institutions pénitentiaires fédérales purgent une peine d'une durée déterminée, ce qui veut dire qu'ils vont inévitablement finir à un moment donné par revenir dans la collectivité, grâce à une forme graduelle et contrôlée de mise en liberté sous condition ou à l'expiration de la peine.
Notre défi chez nous, au Service correctionnel du Canada, consiste donc à les aider afin de rendre leur transition vers la collectivité aussi sécuritaire que possible, ce qui englobe bien sûr les questions de santé.
[Traduction]
À l'heure actuelle, il n'existe dans la loi rien qui prévoit des tests obligatoires. Ces tests sont donc facultatifs au Service correctionnel du Canada. Cela réduit notre capacité de recueillir des données précises pour connaître l'étendue exacte de l'infection à VIH et du sida au sein de la population carcérale.
L'information dont nous disposons montre toutefois que, au mois de septembre 1996,128 détenus sur 14 000 avaient subi un test qui s'est révélé positif pour ce qui est du VIH, et17 avaient le sida. Cela représente une augmentation considérable d'environ 45 ou 46 p. 100 par rapport aux 109 détenus atteints par le VIH ou le sida qui se trouvaient dans les établissements fédéraux en avril 1994.
Lorsque des données ont été recueillies pour la première fois dans les pénitenciers fédéraux, en décembre 1988, on ne comptait que 14 cas d'infection à VIH et aucun de sida.
D'après les cas signalés, on sait évidemment qu'environ un détenu sur 100 est infecté par le VIH ou a le sida. Ce taux est, je crois, environ 10 fois celui de la population générale, selon Santé Canada.
En octobre et en novembre 1995, en réponse à une recommandation du comité d'experts sur le sida et les prisons, nous avons mené un sondage national auprès des détenus afin de voir le genre de renseignements que l'on pouvait en tirer. C'est très compliqué. Nous avons pris un échantillon aléatoire de près de 4 300 détenus de sexe masculin et ce sondage présentait des données sur les comportements à haut risque.
Les chiffres obtenus indiquent que sur cet échantillon de près de 4 300, 26 p. 100 des détenus qui ont répondu ont dit qu'ils avaient eu des «pratiques risquées», comme on dit, comme le partage des aiguilles, les tatouages et des relations sexuelles sans protection. Plus précisément, 11 p. 100 s'étaient injecté une drogue illicite; 6 p. 100 avaient eu des relations sexuelles avec un autre détenu de sexe masculin et 68 p. 100 de ces 6 p. 100 l'avaient fait sans protection; sur les répondants, 45 p. 100 s'étaient fait tatouer et 17 p. 100 avaient eu la peau percée pour une raison ou une autre. Pour ces deux pratiques, une forte proportion d'entre eux n'étaient pas certains de la propreté du matériel utilisé.
Naturellement, voilà des conclusions qui nous inquiètent beaucoup. Cela inquiète beaucoup le Service correctionnel du Canada. Je sais qu'il y a des tas de choses que l'on peut faire, mais je vais vous donner quelques exemples de ce que nous faisons.
Nous avons établi des programmes destinés à renseigner les détenus sur le VIH et le sida, et à les sensibiliser aux dangers associés à certains comportements. Nous travaillons à élargir et à améliorer ces programmes. Tous les détenus reçoivent de l'information sur le VIH au moment de leur admission et se voient offrir de subir un test de dépistage.
Nous continuons d'accorder une importance primordiale à la formation du personnel; l'accent est mis sur les questions auxquelles doivent faire face les agents de correction et le personnel des services de santé.
Troisièmement, nous venons de terminer au pénitencier de Dorchester au Nouveau-Brunswick, un projet pilote qui est à mon avis très intéressant. Ce projet montre que cette forme de sensibilisation par des pairs est très utile. Les détenus conseillent d'autres détenus et leur expliquent combien il est important de ne pas se livrer à des activités à risque élevé. Ils sont très bien renseignés sur ce qu'il faut faire pour prévenir la propagation du VIH et d'autres maladies transmissibles dans les prisons et aident les personnes infectées. Cette initiative a été bien accueillie dans l'ensemble par les détenus et par la direction et le personnel de l'établissement. Nous devons recevoir un rapport à ce sujet d'ici une semaine environ, avec d'autres détails, mais dans l'ensemble, cela semble avoir été très bien accueilli. Nous allons maintenant voir comment appliquer ce programme dans les autres pénitenciers fédéraux.
[Français]
En février dernier, la région de Québec organisait une conférence à laquelle participaient un certain nombre d'organismes clés, dont des représentants de l'Office des droits des détenu(e)s, afin d'envisager des mesures de prévention ainsi que des façons de se comporter à l'égard de ceux qui sont atteints de la maladie. Je crois comprendre qu'on parle de tenir éventuellement une deuxième conférence au Québec.
[Traduction]
Au cours des années, nous avons été forcés de faire des choix difficiles dans le but de contenir la transmission du VIH et du sida. Les relations sexuelles entre les détenus constituent en principe des infractions disciplinaires. Ce n'est pas approuvé par le service. Nous avons néanmoins commencé à distribuer des condoms en janvier 1992 dans le but de prévenir la propagation du VIH et du sida - nous constations déjà que cela se développait - et évidemment, d'autres maladies infectieuses, car nous sommes conscients que nous aurons beau faire de notre mieux, nous n'arriverons probablement jamais à éliminer totalement les comportements à risque élevé.
D'ailleurs, je ne connais aucun système correctionnel qui pourrait prétendre en avoir fait autant.
Selon une politique nationale du Service correctionnel du Canada, chaque établissement doit veiller à ce que tous les détenus aient librement accès à des condoms, à des lubrifiants, à des digues dentaires et à des trousses de désinfection à l'eau de javel.
Je tiens à le répéter, monsieur le président, nous n'encourageons pas les comportements à risque élevé. L'utilisation combinée des divers moyens de détection à notre disposition - je pense aux fouilles, aux analyses d'urine, aux chiens-détecteurs et à divers outils techniques, comme des appareils spéciaux détectant les résidus de drogue sur les vêtements et d'autres objets et des caméras vidéo - a eu un énorme effet dissuasif dans les établissements ces dernières années.
Ainsi, en 1993, un peu plus de 31 p. 100 des tests d'urine faits au hasard étaient positifs, révélant la présence de drogue dans l'organisme. Au fur et à mesure que ces tests sont devenus plus fréquents, le taux a nettement diminué et se situe actuellement à 11 p. 100.
Le SCC offre aux délinquants un large éventail de programmes de lutte contre la toxicomanie afin de répondre à leurs besoins. Chaque année, plus de 5 000 d'entre eux suivent des programmes et 3 400 reçoivent du counselling. Une étude sur notre Programme prélibératoire pour toxicomanes montre une diminution de 54 p. 100 du taux de nouvelles condamnations chez les délinquants qui ont suivi ce programme au complet.
Cela étant dit, j'estime qu'il y a encore une lacune dans notre stratégie visant à prévenir la transmission du VIH, et c'est notre capacité d'offrir des programmes adaptés aux besoins des femmes et des Autochtones. J'entends veiller à ce que nous mettions sur pied des programmes spéciaux pour ces délinquants suivant les recommandations 11 et 12 du docteur Jürgens.
À cette fin, je pourrai compter pour ce faire sur des personnes-clés de mon équipe: la sous-commissaire pour les femmes, récemment nommée, la coordonnatrice nationale des questions touchant le VIH et le sida, le conseiller national sur les questions autochtones ainsi qu'un aîné que nous sommes en train de recruter pour l'administration centrale.
[Français]
Nous sommes résolus à lutter efficacement contre la propagation du VIH dans les établissements fédéraux. Il y a toutefois de nombreuses questions complexes d'ordre juridique, éthique et social qui entrent en ligne de compte. Évidemment, les questions de sécurité sont également très importantes pour nous. L'échange d'aiguilles en est un exemple. Le Service correctionnel du Canada ne possède pas un programme d'échange dans ses établissements. Il étudie toutefois avec soin ce que font d'autres administrations en vue de formuler une meilleure réponse aux recommandations du rapport du Dr Jürgens. Il en va de même en ce qui concerne la recommandation sur le traitement d'entretien à la méthadone dans les établissements correctionnels.
[Traduction]
Mes collègues et moi sommes d'avis que le rapport de M. Ralf Jürgens est très instructif à cet égard. Nous continuerons de compter sur son aide et de collaborer avec lui, ainsi qu'avec d'autres personnes et d'autres organismes qui peuvent nous faire part de leur savoir-faire et nous donner leurs conseils.
Il y traite de l'obligation morale et juridique qu'ont les gouvernements de permettre aux prisonniers de se protéger contre le VIH, même si ceux-ci s'adonnent à des activités illégales ou interdites. Je pense qu'il est plus efficace de donner aux détenus les connaissances et les moyens nécessaires pour se protéger que de les contraindre à subir des tests ou de les isoler. Cela est plus sûr non seulement pour les détenus eux-mêmes, mais également pour les collectivités où ils retourneront vivre un jour.
J'ai presque terminé mon exposé, monsieur le président. Je suis très heureux d'annoncer que les responsables des services correctionnels fédéraux et provinciaux ont convenu, à leur réunion des 5 et 6 novembre, d'unir leurs efforts pour trouver des solutions à ce très grave problème.
[Français]
En plus de travailler en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux, le Service correctionnel du Canada accentuera son partenariat avec les services de santé et d'autres organismes compétents, tant au Canada qu'à l'échelle internationale.
Aux termes de la Loi sur les systèmes correctionnels et la mise en liberté sous condition, nous sommes tenus de fournir à chaque détenu les soins de santé essentiels conformément aux normes professionnelles reconnues.
Nous voulons également nous assurer que nos idées et nos actions dans ce domaine crucial reflètent notre énoncé de mission et nos valeurs fondamentales.
[Traduction]
Monsieur le président, je vous remercie, de votre patience et de m'avoir permis de faire ces observations préliminaires.
Le président: Je vous remercie, monsieur le commissaire. Vous avez dépassé quelque peu le temps qui vous avait été imparti, mais nous vous pardonnons. Les membres du comité voudront sans doute vous poser des questions au sujet de votre exposé.
Nous allons maintenant entendre le représentant du Réseau juridique canadien VIH/sida.
Vous avez la parole, monsieur Ralf Jürgens.
M. Ralf Jürgens (coordonnateur de projet et membre du Conseil d'administration, Réseau juridique canadien VIH/sida): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs. Je suis ici aujourd'hui en tant que représentant du Réseau juridique canadien VIH/sida, le seul organisme communautaire de bienfaisance à oeuvrer au Canada dans le domaine des questions de politique et de droit soulevées par le VIH/sida.
Le réseau a rédigé à l'intention du sous-comité un mémoire détaillé sur le VIH/sida et la discrimination, et il a récemment rendu public un rapport de 200 pages sur le VIH/sida en prison. Des copies de ces documents vous ont été remises.
Dans ma brève présentation d'aujourd'hui, j'aborderai succinctement le sujet de la discrimination reliée au VIH/sida au Canada, pour en venir aux problèmes soulevés par le VIH/sida dans nos prisons.
L'année 1996 en a été une d'espoir pour les personnes qui vivent avec le VIH ou le sida. De nouveaux médicaments prometteurs ont été approuvés, et un grand nombre des personnes qui ont eu la bonne fortune d'y avoir accès ont commencé à se rétablir, au point de parfois cesser de considérer le sida comme une maladie inévitablement mortelle. Toutefois, le VIH/sida demeure différent des autres maladies.
Tandis que la majorité des maladies suscitent la sympathie et le soutien de la famille et de l'entourage, les personnes vivant avec le VIH ou le sida sont encore craintes et fuies. Aujourd'hui,15 ans après le début de l'épidémie, la discrimination contre les personnes vivant avec le VIH/sida demeure une préoccupation fondamentale au Canada. Les personnes vivant avec le VIH/sida perdent encore leur emploi, se voient refuser des soins médicaux, un logement, une garderie pour leurs enfants, etc..
Encore la semaine dernière, le réseau recevait l'appel d'un professeur d'une école montréalaise, où un élève venait de révéler à des professeurs et des copains qu'il vivait avec le VIH. La réaction se caractérisait par la peur et le rejet, non pas la compassion. Quinze ans après le début de l'épidémie et en l'absence complète de risque pour les autres élèves et les professeurs, certains professeurs souhaitaient pourtant que l'élève soit renvoyé. Ceci n'était pas qu'un cas isolé; chaque semaine, le réseau et d'autres organismes communautaires dans tout le Canada reçoivent des appels semblables.
Une telle discrimination envers les personnes vivant avec le VIH/sida est dévastatrice, non seulement pour les individus eux-mêmes, mais également pour la communauté et, en particulier, pour les efforts en vue d'empêcher la propagation du VIH/sida. La discrimination entraîne des coûts économiques considérables pour la communauté: ceux qui pourraient continuer à travailler risquent de se voir contraints à dépendre de l'aide sociale. Les droits de la personne doivent être protégés non seulement parce qu'il est juste de le faire, mais parce que la lutte contre la discrimination accroît l'efficacité du programme de prévention du VIH.
Permettez-moi de soulever à votre intention quelques-uns des problèmes liés au VIH/sida en prison. Plus de 60 particuliers et organismes consultés au début de 1995 ont exprimé leur frustration à l'égard de l'inaction des systèmes correctionnels et des gouvernements, et demandé au Réseau juridique canadien VIH/sida et à la Société canadienne du sida d'entreprendre un projet sur le VIH/sida dans les prisons. Cofinancé par Santé Canada et le Service correctionnel du Canada, le projet a mené des recherches approfondies et une vaste consultation, il a visité des prisons au Canada et en Suisse, et produit un rapport final qui a été fort bien accueilli au Canada et à l'échelle internationale.
Voici ce que nous avons constaté: au Canada, depuis 1987, le Comité consultatif national sur le sida, la Société royale du Canada, le Comité parlementaire sur le sida, le Réseau de soutien et d'action des prisonniers/ères vivant avec le VIH/sida, PASAN, puis le Comité d'experts sur le sida et les prisons, CESP ont tous exhorté les systèmes correctionnels fédéral et provinciaux de mettre en place des mesures pour réduire le risque de transmission du VIH dans les prisons canadiennes.
Au nombre de ces mesures, mentionnons la distribution de condoms, d'eau de Javel, de méthadone et de matériel d'injection stérile. Sur le plan international, des recommandations similaires ont été mises de l'avant, notamment par l'Organisation mondiale de la santé. Toutefois, neuf ans après les premières recommandations déposées au Canada, on est encore bien loin de faire le nécessaire.
Le Service correctionnel du Canada manque à ses responsabilités morale et légale d'agir sans tarder pour endiguer la propagation d'agents infectieux parmi les détenus et pour mieux prendre soin des détenus vivant avec le VIH ou d'autres infections. Des mesures efficaces adoptées hors de prison avec le soutien et le financement du gouvernement - telles la fourniture de matériel d'injection stérile et de programmes d'entretien à la méthadone pour les utilisateurs de drogue injectable - ne sont toujours pas adoptées dans les prisons fédérales canadiennes, même si des systèmes correctionnels d'autres pays ont démontré qu'il est possible de les appliquer avec succès et avec l'appui des détenus, des employés, des autorités carcérales, des politiciens et du public.
Même s'il a accepté un grand nombre des recommandations du CESP, et en dépit des quelques initiatives positives mentionnées par M. Ingstrup - comme la distribution d'eau de Javel et de condoms - le Service correctionnel du Canada a trahi nombre des promesses qu'il a faites en 1994 et il demeure réticent à affronter la réalité du VIH et de l'usage de drogue en prison; certaines des plus importantes recommandations du CESP, comme celles de rendre la méthadone accessible et d'entreprendre un projet pilote sur la distribution de matériel d'injection stérile, avaient été rejetées.
Il est nécessaire d'agir immédiatement. Les taux d'infection à VIH parmi les détenus des prisons canadiennes sont déjà dix fois plus élevés que dans le reste de la population et des études montrent qu'au moins un détenu sur trois est infecté par le virus de l'hépatite C. D'autres systèmes correctionnels - en Suisse, en Allemagne, en Australie, par exemple - mettent du matériel d'injection stérile et de la méthadone à la disposition des détenus. L'évaluation de ces programmes a révélé des résultats clairement positifs. Il y a eu amélioration de l'état de santé des détenus, diminution du partage des seringues, aucune augmentation de la consommation de drogue et aucune attaque à la seringue. Les employés des prisons qui étaient réticents face à l'introduction de ces programmes y accordent maintenant leur appui. Comme le dit le directeur de l'une des prisons en Suisse que j'ai visitée en mars de cette année, la drogue est une réalité dans les prisons. Il ajoute qu'il ne peut pas fermer les yeux et l'ignorer. Le personnel appuie ce projet. La distribution d'aiguilles stérilisées fait maintenant partie du travail quotidien, et elle n'est pas un sujet de controverse.
Le fait de mettre de l'eau de javel, des aiguilles stériles et des programmes de méthadone à la disposition des détenus n'équivaut pas à fermer les yeux sur l'usage de drogue ni à céder aux détenus le droit d'en consommer. Cela représente une mesure de santé pragmatique et nécessaire. C'est la reconnaissance du fait que, même si la réduction de l'usage de drogue demeure un objectif important, la réduction de la propagation du VIH et d'autres agents infectieux est encore plus cruciale.
Par contraste, s'opposer à la distribution de condoms, d'eau de javel et de matériel d'injection stérile aux détenus et vouloir soumettre tous les détenus au dépistage du VIH et à la ségrégation s'ils sont séropositifs sont des approches dangereuses. J'ai été content d'entendre M. Ingstrup dire que le Service correctionnel du Canada reconnaît lui aussi que cette approche n'aboutirait à rien. En effet, il est largement reconnu que le dépistage obligatoire et la ségrégation sont des mesures inefficaces, injustifiées et discriminatoires. Elles sont en outre extrêmement coûteuses. Les systèmes carcéraux qui les appliquaient au début de l'épidémie les ont abandonnées à cause de leur coût élevé et du peu de résultats qu'elles offrent. C'est le cas par exemple du système carcéral australien. Le dépistage obligatoire et la ségrégation créeraient une dangereuse illusion de sécurité. Chacun doit plutôt se protéger, en prison comme ailleurs, en appliquant des précautions universelles.
Les détenus retournent dans la société. Protéger leur santé en prison, c'est protéger la santé de toute notre communauté. Aucun détenu n'a reçu ni ne mérite la peine de contracter une infection mortelle. Aucun employé de prison ne mérite de contracter le VIH au travail. Le dépistage obligatoire et la ségrégation ne les protégeront pas. Pour les protéger, il faut appliquer dans nos prisons les mesures de santé publique qui ont démontré leur efficacité dans notre communauté et dans les prisons d'autres pays.
En conclusion, 15 ans après le déclenchement de l'épidémie de VIH, le sida provoque encore des craintes, des malentendus et des réactions irrationnelles. À moins de faire un effort concerté en prison et à l'extérieur, pour réprimer l'épidémie de VIH et l'épidémie de la peur, des préjugés et de la discrimination, les acquis et les investissements faits jusqu'à aujourd'hui risquent d'être perdus. Si l'on abandonnait la stratégie nationale sur le sida et si l'on réduisait le financement de la lutte antisida, on ne ferait que des économies à court terme. À long terme, cela conduirait à l'infection et à la mort, autrement évitables, d'un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes, à la discrimination contre les personnes séropositives ou autrement affectées et à des coûts humains et financiers exorbitants.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Jürgens. Nous vous sommes reconnaissants.
La parole est maintenant à Pat Sasakamoose-Tait, qui est éducatrice et conseillère.
Mme Patricia Sasakamoose-Tait (conseillère autochtone et éducatrice en matière de sida, Centre d'amitié autochtone Katarokwi): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, ttunse. Je suis conseillère autochtone et éducatrice en matière de sida et je travaille au Centre d'amitié autochtone Katarokwi, dans le cadre de la stratégie ontarienne HIV/sida à l'intention des Autochtones. Puisque nos bureaux se trouvent à Kingston, je vais régulièrement dans les prisons. En effet, si Kingston a été choisi plus précisément, et non pas exclusivement, c'est à cause du fait que là-bas nous sommes tout près de nombreux établissements fédéraux.
Les tristes statistiques témoignant d'une surreprésentation des Premières nations en prison sont éloquentes et, malheureusement, ces chiffres ne font qu'augmenter. Aujourd'hui, 14 p. 100 de toute la population carcérale dans les établissements fédéraux est autochtone, même si nous ne représentons que 2 à 3 p. 100 de la population canadienne. Les statistiques provinciales témoignent d'un déséquilibre encore plus alarmant.
On trouve dans la plupart des rapports préparés sur la prison, et concernant plus particulièrement les Autochtones en prison, des propositions d'orientations précises, des recommandations claires, et la reconnaissance honnête des lacunes. En conséquence, on a constaté certains progrès réalisés dans la prestation de programmes qui reconnaissent les caractéristiques uniques et spéciales nécessaires pour répondre à la population autochtone carcérale.
Parmi les directives émises par le Service correctionnel du Canada, en particulier le paragraphe 702(5) de la directive correctionnelle - et je vais paraphraser - les besoins de tous les contrevenants autochtones doivent être recensés et des programmes et des services doivent être élaborés et mis en oeuvre pour répondre à ces besoins. Cette directive est un échec flagrant pour ce qui est des détenus atteints du sida ou séropositifs, qui ont besoin d'être renseignés par des conseillers bien informés et sensibilités à leur sort. Dans toute la région ontarienne, on ne trouve aucun programme VIH/sida qui serait intégré aux tous nouveaux programmes visant les détenus autochtones. Là où l'on a formé des équipes de pairs pour la santé, on constate l'absence totale de représentants autochtones. Les outils de formation des pairs ont été mis au point sans que l'on se donne la peine de consulter ou d'inclure la participation de représentants des premières nations.
On peut donc s'interroger sur les motifs de cette omission évidente. Aurait-on complètement fait fi des recommandations du rapport intitulé le VIH et le sida dans les prisons préparé par le Comité d'experts sur le sida et les prisons? A-t-on tout simplement oublié? Même si l'on peut se réjouir des remarques et des engagements de M. Ingstrup, il faut reconnaître que les progrès ont été très lents et que les conséquences des retards sont catastrophiques et mortelles. D'après le rapport de suivi de 1996 au rapport du CESP de 1994, rien n'a changé pour les contrevenants autochtones. Cette situation est inexcusable car il existe des options, des solutions de rechange à cet état de chose aberrant. Il suffit de se reporter aux recommandations du CESP.
Le rapport réclame que des guérisseurs et des médecines traditionnelles soient mis à la disposition des détenus. Et pourtant, dans un document récent concernant les détenus fédéraux et les thérapies de rechange, il n'en est pas question, mais l'on préconise le t'ai chi, le yoga et l'acuponcture.
Des programmes de sensibilisation et de prévention devraient être élaborés. Ces programmes devraient être confiés pour ce qui est de l'élaboration et de la prestation à des organismes autochtones, tout en étant appuyés financièrement par le Service correctionnel du Canada. Les détenus des premières nations devraient être intégrés, pour des questions de santé, à des équipes de pairs correspondant à leur culture. Ces équipes devraient être appuyées par le Service correctionnel.
En Ontario, ce sont dans tous les cas des organisations communautaires qui s'occupent de la sensibilisation, du counselling et de la formation pour ce qui est du VIH/sida chez les détenus. Le Service correctionnel du Canada ne leur fournit que peu de financement, sinon aucun. Comme la plupart des organismes sociaux, nous souffrons aujourd'hui d'un manque de fonds déplorable. J'ai moi-même dû pour ma part frapper aux portes pour avoir la possibilité de présenter mon programme de sensibilisation au VIH/sida dans les prisons. Pourtant, j'avais donné aux agents de liaison un bref résumé de ce qui était disponible et de ce que je pouvais faire pour leurs établissements particuliers. J'ai offert de faire un exposé devant le nouveau personnel, quand il était encore en cours de formation, mais on a refusé mon offre.
Quant à la sensibilisation des prisonniers, des programmes offerts dès leur incarcération garantiraient que ces hommes et ces femmes prennent des décisions éclairées pendant le temps où ils purgent leur peine et au moment de leur libération. Il faut aller au-delà des documents écrits qu'on leur fournit car il se peut qu'ils ne les lisent jamais, dans bien des cas parce qu'ils ne peuvent pas lire.
Il s'agit ici d'une maladie mortelle. Il faut prendre des mesures responsables et proactives. Les trousses d'eau de javel et les condoms sont un bon point de départ, mais cela ne mène à rien si cela ne va pas de pair avec un programme de sensibilisation élaboré et dispensé de manière adéquate. À défaut de cela, les détenus se laissent aller à un sentiment erroné de sécurité. Ce genre de mesure ne constitue qu'un palliatif.
Il faut entreprendre des projets innovateurs. Il faut prévoir des services de counselling avant les tests et après les tests, des programmes de sensibilisation du personnel, des tests anonymes, des programmes de distribution d'aiguilles stérilisées, et tout cela en consultation étroite avec les communautés autochtones et les détenus. Au bout du compte, c'est la société qui va profiter de ces mesures car pour la plupart, les détenus la réintègrent un jour ou l'autre.
Je propose en outre qu'un conseiller spécial auprès du commissaire des prisons ou du ministre de la Santé soit nommé pour s'occuper exclusivement des détenus autochtones atteints du VIH ou d'autres affections. Cette personne devrait absolument être choisie à l'extérieur de l'administration.
En terminant, je tiens à vous dire que, pour les Autochtones, l'appartenance s'étend au-delà de ces murs et de ces clôtures. Notre volonté est ferme même si le travail est difficile. Notre volonté d'agir mérite d'être reconnue.
Une fois de plus, nous vous donnons l'occasion, monsieur Ingstrup, de prouver qu'il y a de la place, dans le système judiciaire, pour l'honneur et l'intégrité. Une fois de plus, nous nous en remettons à vous dans l'espoir que les promesses ne seront pas des paroles vides de sens et que les engagements seront autre chose que des feuilles d'automne que la neige vient couvrir et qui ne seront plus bientôt que du terreau.
Je ne puis vous remercier de m'avoir invitée aujourd'hui, étant donné que je n'ai pas pu constater le résultat de ces audiences. Je n'ai pas encore eu l'occasion de voir les effets de vos recommandations sur les détenus autochtones qui dépendent du système judiciaire un peu partout au Canada. Un jour, j'espère pouvoir vous dire à tous meegwetch.
Le président: Merci, madame Sasakamoose-Tait, de cet exposé. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Je tiens à signaler que nous sommes un sous-comité du Comité permanent de la santé. Nous allons préparer un rapport. Vous êtes ici comme témoins pour que nous puissions tous apprendre.
Je tiens à dire à tous ceux qui sont ici que le commissaire n'est pas au banc des accusés. Il est ici pour témoigner devant nous, lui aussi, et toute question qui lui sera adressée viendra des membres du comité.
Nous espérons certainement que notre rapport entraînera des changements; autrement, nous avons mieux à faire.
Nous passons maintenant au groupe suivant de témoins. J'espère que les témoins comprendront que, si nous les avons groupés, c'est uniquement pour respecter notre calendrier parlementaire.
Notre quatrième groupe de témoins est composé du Réseau de soutien et d'action des prisonniers/ères vivant avec le VIH/sida et de M. Rick Lines.
M. Rick Lines (coordonnateur des activités de liaison, Réseau de soutien et d'action des prisonniers/ères vivant avec le VIH/sida): Bon après-midi. Je représente le PASAN, le Prisoners with HIV/AIDS Support Action Network de Toronto. Le PASAN est le seul organisme communautaire qui, au Canada, se consacre tout particulièrement à offrir aux détenus, aux ex-détenus et aux jeunes contrevenants des services d'éducation, de soutien et de défense liés au VIH.
Depuis 1993, nous avons oeuvré auprès de 130 détenus qui vivent avec le VIH et le sida et qui proviennent d'un peu partout au Canada. À l'heure actuelle, nous fournissons des services liés au sida à des détenus adultes et jeunes dans plus de 25 établissements en Ontario.
Nous sommes heureux de constater que le Sous-comité parlementaire sur le sida a reconnu l'importance de faire enquête sur les obstacles que doivent surmonter les détenus pour avoir accès à des services liés au sida. Pourtant, si nous sommes encore en train de discuter de cette question aujourd'hui, c'est justement parce que les services correctionnels n'ont pas su prendre les mesures qui s'imposaient face à la crise du sida qui sévit au Canada à l'heure actuelle.
Depuis bientôt cinq ans, le PASAN préconise la mise en oeuvre d'une stratégie globale et communautaire de lutte au VIH et au sida dans le milieu carcéral canadien. C'est la publication du document où nous proposions les grandes lignes d'une telle stratégie en juin 1992 qui a incité le Service correctionnel du Canada à créer le Comité d'experts sur le sida et les prisons. À peine deux ans après la publication du document du PASAN, le comité d'experts publiait lui-même un rapport qui venait appuyer nos recommandations et exhorter à nouveau le SCC de mettre en oeuvre une stratégie globale de lutte au sida. Or, nous voici réunis encore aujourd'hui, plus de deux ans après le rapport du comité d'experts constitué par le SCC lui-même et plus de quatre ans après les recommandations initiales du PASAN, et nous ne faisons encore que parler des mesures que pourrait prendre le Service correctionnel pour lutter contre le sida.
Dans les organisations communautaires de services auprès des personnes qui vivent avec le sida un peu partout au Canada, on sait quoi faire. Les recommandations sont déjà là. Il existe déjà des propositions et des programmes concrets.
Les questions que nous nous posons sont les suivantes. Pourquoi le Service correctionnel n'agit-il pas pour mettre en oeuvre ces recommandations? Pourquoi n'agit-il pas avec célérité pour mettre en oeuvre les recommandations de son propre comité d'experts? Pourquoi ne se laisse-t-il pas convaincre par les résultats des projets de santé en milieu carcéral qui ont été tentés en Europe de la viabilité des recommandations du comité d'experts?
Ce sont des questions qui sautent aux yeux et la nécessité de prendre des décisions est claire. Or, le temps passe. En prison, des gens meurent et deviennent séropositifs, alors qu'on pourrait l'éviter. Ne pas agir dès maintenant équivaut à condamner à mort certaines personnes.
Le Service correctionnel continue de nous dire sa volonté de lutter contre le VIH et le sida et ne cesse de répéter aux organisations de services aux personnes vivant avec le sida un peu partout au Canada que le SCC a fait de grands progrès à cet égard. Pourtant, aujourd'hui, nous devons nous poser la question une fois de plus: quel a vraiment été le chemin parcouru par le SCC?
La discussion et le débat ont déjà beaucoup trop duré. Depuis déjà bien des années il aurait fallu agir. Il est maintenant urgent de le faire. Il faut que le gouvernement fédéral prenne l'initiative de mettre en oeuvre une stratégie globale de lutte au VIH et au sida dans l'intérêt des adultes et des jeunes qui forment la population carcérale de notre pays. Les organisations de lutte au sida administrent avec succès, depuis plus de dix ans, des programmes communautaires de soutien et de prévention partout au Canada. Il nous faut rendre ces mêmes programmes disponibles à la population carcérale. Il ne faut rien de moins et rien de moins ne fera l'affaire.
Du même coup, il nous faut de la part du gouvernement fédéral un engagement de renouveler la stratégie nationale de lutte contre le sida. Il ne sert à rien de discuter de la mise en oeuvre de ces programmes si notre gouvernement fédéral n'est pas disposé à s'engager à soutenir sur les plans financier et politique les initiatives de prévention, de soutien et de recherche en matière de VIH et de sida et d'en faire une priorité au-delà de mars 1998. Le simple fait que nous soyons réunis ici aujourd'hui et que le sous-comité parlementaire ait cerné le problème de l'accès aux services liés au sida illustre bien à quel point il est nécessaire de poursuivre une stratégie globale de lutte au VIH et au sida au Canada.
Si le gouvernement fédéral avait adopté les recommandations du PASAN en 1992, ou même celle du comité mixte en 1994, le Canada aurait pu devenir le chef de file mondial sur les plans de l'innovation et de l'efficacité en matière de programmes de prévention du VIH et de promotion de la santé en milieu carcéral. Or, le manque de volonté d'agir du Canada, encore en 1996, fait en sorte qu'il se classe loin derrière bon nombre de pays européens où il existe déjà, comme nous l'a ditM. Jürgens, des programmes innovateurs en matière de prévention du VIH et du sida et de réduction de leurs effets néfastes. De tels programmes, et je pense notamment aux programmes de distribution d'aiguilles stérilisées en milieu carcéral qui existent dans plusieurs pays, nous permettent de constater clairement que ces mesures sont non seulement possibles, mais...
Le président: Puis-je vous demander de parler un peu plus lentement? Nos interprètes ont de la difficulté à vous suivre. Je m'excuse.
M. Lines: J'ai la fâcheuse habitude de parler très vite. Je m'en excuse.
Le président: Nous n'allons pas vous bousculer. Prenez tout votre temps.
M. Lines: J'ai l'habitude de parler trop longtemps et donc de me faire couper la parole, et c'est pourquoi je cherche à tout dire tout de suite.
Le président: Nous pourrions le faire également, mais nous allons vous accorder une certaine latitude.
M. Lines: De tels programmes, et je pense notamment aux programmes de distribution d'aiguilles stérilisées en milieu carcéral qui existent dans plusieurs pays, nous permettent de constater clairement que ces mesures sont non seulement possibles, mais qu'elles sont sûres, efficaces et rentables.
Les audiences d'aujourd'hui portent plus particulièrement sur les populations marginalisées. Bien que les détenus aient de toute évidence à surmonter des obstacles particuliers pour avoir accès aux services en matière de sida, le milieu carcéral en tant que tel n'est pas à l'origine d'une telle marginalisation. La plupart des gens aboutissent en prison parce qu'ils font eux-mêmes partie des groupes de la société qui sont marginalisés. Ainsi, l'emprisonnement est l'aboutissement de la marginalisation sociale. Après l'incarcération, le détenu doit encore surmonter toute une série d'obstacles avant d'avoir accès aux services liés au sida.
De plus, même si c'est devenu un cliché que de le dire, il est très vrai qu'il n'y a pas de riches en prison. Il suffit de passer un certain temps en prison ou de travailler avec des détenus pour constater que la vaste majorité des personnes incarcérées sont des pauvres. Parmi eux, il y a un nombre disproportionné de gens de couleur et de membres des Premières nations et, pour la majorité, ils sont consommateurs de drogues.
Ainsi, même si les recommandations que j'ai formulées plus tôt sont essentielles pour que les détenus puissent commencer à surmonter les obstacles dont nous avons parlé, il est tout aussi important que nous commencions à nous interroger sur les raisons qui font que les gens aboutissent en prison et à nous demander comment il faudrait changer les structures sociales et les lois pour offrir aux personnes et aux communautés des solutions de rechange à l'incarcération.
Comme élément clé du processus, il y a lieu de revoir à fond la politique du Canada en matière de drogues, qui n'a rien fait du tout pour réduire la disponibilité ou l'utilisation de drogues. Notre politique nationale en matière de drogues n'a eu comme seul résultat que l'incarcération de milliers de délinquants non violents. Il s'agit de personnes dont le seul crime est leur dépendance à l'égard d'une substance proscrite.
Les décideurs canadiens doivent envisager la toxicomanie dans l'optique des soins de santé et non pas dans l'optique de la loi et de l'ordre. Plus vite ils le feront, plus vite notre société pourra commencer à aspirer aux objectifs sociaux que la lutte antidrogue devait nous permettre d'atteindre mais à l'égard desquels elle a échoué si lamentablement.
Les élus et les décideurs doivent évaluer d'un oeil critique les politiques de tolérance zéro en matière de consommation de drogue au Canada et avoir le courage d'adopter des approches nouvelles, imaginatives et efficaces. Nous devons prévoir pour les utilisateurs de drogues des mesures sociales et médicales autres que l'incarcération. Nous devons rendre plus accessibles les programmes de traitement à la méthadone et d'autres programmes de substitution pharmacologique. Nous devons créer des programmes de prescription à l'intention des utilisateurs de drogues. Nous devons nous pencher sérieusement sur la possibilité de décriminaliser certaines catégories des drogues proscrites.
Des programmes analogues lancés tout d'abord à Merseyside, au Royaume-Uni, ont été adoptés avec grand succès dans diverses villes européennes.
Les politiciens et les décideurs canadiens doivent aller au-delà des belles paroles et des préjugés concernant le VIH/sida et les personnes incarcérées qui prennent malheureusement beaucoup de place dans les débats sur ces questions.
Le temps des discussions et des études est révolu depuis longtemps. Nous connaissons les enjeux. Nous savons que, selon des évaluations conservatrices, le taux d'incidence d'infections par VIH dans les prisons canadiennes est plus de dix fois supérieur à ce qu'il est pour l'ensemble du Canada.
Et, en dernière analyse, il n'est pas seulement question de VIH. En milieu carcéral, on constate une augmentation spectaculaire de l'hépatite B et C ainsi que la menace d'infection par tuberculose. Il est donc clair que des évaluations et des changements s'imposent dans l'ensemble du système carcéral. Compte tenu de la situation, il est clair que le gouvernement doit agir dès maintenant pour protéger la santé des personnes concernées aussi bien que de l'ensemble de la population canadienne.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lines.
Je crois que nos témoins suivants sont Sébastien Brousseau et Jean-Pierre Fontaine Védrine de l'Office des droits des détenus.
M. Sébastien Brousseau (coordonnateur, Office des droits des détenu(e)s du Québec): Il s'agit en effet de l'Office des droits des détenus.
[Français]
Le président: Merci.
M. Brousseau: Monsieur le président, membres du comité, je m'appelle Sébastien Brousseau et je représente l'Office des droits des détenu(e)s. L'Office des droits des détenu(e)s est un organisme à but non lucratif qui existe depuis 1972 et qui vise la promotion et la protection des droits des personnes emprisonnées, des ex-détenus ainsi que de leurs familles.
Déjà, en 1988, notre organisme organisait une conférence de presse avec le Comité SIDA-AIDE Montréal pour alerter l'opinion publique et les autorités des centres de détention au fait que certains détenus porteurs du virus ou ayant les symptômes du sida étaient victimes de discrimination.
Nous pensions que la situation changerait rapidement. Aujourd'hui, en 1996, on se retrouve devant le sous-comité et on se rend compte que l'expression utilisée par M. Jürgens, «trop peu et trop lentement», reflète bien la réalité du Service correctionnel du Canada. Je ne serais absolument pas surpris de nous voir encore, dans cinq ou dix ans, devant un sous-comité à nous poser les mêmes questions sur les mêmes enjeux.
Les enjeux auxquels je fais allusion se regroupent à trois niveaux. Le premier niveau est la prévention du sida en prison. Le deuxième niveau est l'accès à des soins de santé adéquats pour les détenus. Le troisième niveau est la libération compassionnelle ou humanitaire pour les détenus en phase terminale.
Concernant la prévention du sida en milieu carcéral, nous croyons que le Service correctionnel du Canada possède une obligation morale et juridique de prévenir la transmission du sida. Cette obligation découle notamment des garanties constitutionnelles de la Charte canadienne des droits et libertés et des textes internationaux qui alimentent les droits et libertés des personnes. La propagation du sida est un fléau et il faut agir rapidement. Aux États-Unis, par exemple, le sida est déjà la principale cause de mortalité en prison.
Afin de prévenir la propagation du sida, nous endossons les différentes recommandations que fait M. Ralf Jürgens dans son rapport, à savoir la disponibilité, pour les détenus, de condoms, lubrifiants, eau de javel, seringues et aiguilles. Ces objets doivent être facilement accessibles de façon discrète et confidentielle.
Cependant, contrairement à M. Jürgens, nous ne croyons pas nécessaire d'obtenir le consentement du personnel institutionnel pour mettre en place un système de distribution de seringues et d'aiguilles. Le droit à la santé, à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne sont des droits inhérents à la personne humaine, emprisonnée ou non, et seul un intérêt public plus grand pourrait justifier une atteinte à ses droits, ce qui n'est pas le cas ici.
La prévention du sida en milieu carcéral passe aussi par l'éducation. Il ne suffit pas, pour le Service correctionnel, d'organiser deux journées de sensibilisation à la prison de Kingston pour se décharger d'une obligation qui pourrait sauver des vies. L'éducation doit viser les détenus afin de leur inculquer des comportements qui ne sont pas à risque, mais aussi les gardiens et membres du personnel pour les aider à bien gérer les cas qui se présenteront à eux.
Quant à l'accès à des soins de santé adéquats pour les détenus, une personne détenue est une personne qui, par définition, conserve tous ses droits, sauf celui de circuler librement dans la société. L'alinéa 4e) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition établit:
e) le délinquant continue de jouir des droits et privilèges reconnus à tout citoyen, sauf de ceux dont la suppression ou restriction est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée;
Il semblerait donc qu'une accessibilité, une quantité ou une qualité de soins moindres que ceux de la population générale ne serait pas permise par la loi parce que cela ne constitue pas une conséquence nécessaire de l'emprisonnement. Les tribunaux canadiens ont d'ailleurs confirmé que le droit à la sécurité inclut le droit d'un détenu à des soins médicaux appropriés, car une condamnation criminelle n'entraîne pas l'abandon du droit à l'intégrité corporelle. D'ailleurs, de nombreux textes internationaux viennent confirmer le droit des détenus d'obtenir des soins de santé équivalents à ceux de la population normale.
Il apparaît que, malgré le principe pourtant reconnu que les détenus ont le droit d'obtenir des soins de santé équivalents à ceux offerts à la population, la réalité est tout autre. L'Office des droits des détenu(e)s considère que le libellé même de l'article 86 de la Loi sur le système correctionnel est discriminatoire. Cet article mentionne, et d'ailleurs M. Ingstrup l'a bien dit, que le Service correctionnel vise à ce que chaque détenu reçoive les soins de santé essentiels et qu'il ait accès, dans la mesure du possible, aux soins qui peuvent faciliter sa réadaptation et sa réinsertion sociale.
Dans les pénitenciers, l'autorité administrative possède toute la discrétion pour décider ce qui est essentiel ou non. Trop souvent, les soins essentiels se définissent comme les soins minimums. Cette absence de dispositions législatives explicites et détaillées sur les soins de santé en milieu carcéral, accompagnée d'une grande autorité administrative, laisse place à des possibilités d'abus.
En considérant que le Service correctionnel du Canada s'acquitte de son obligation en donnant seulement les soins essentiels, nous croyons qu'il y a une discrimination puisque la population générale peut obtenir beaucoup plus que les soins essentiels dans n'importe quel hôpital ou clinique de quartier. Les gens atteints du sida en prison ont difficilement accès à des soins spécialisés et à des traitements expérimentaux. Ils ont de la difficulté à rencontrer un médecin sur une base fréquente et régulière.
De plus, les problèmes rencontrés lors des transferts de pénitenciers et l'absence presque totale de confidentialité sont des contraintes supplémentaires auxquelles le détenu doit faire face.
Il est manifestement contraire à la Charte canadienne des droits et libertés, à son article 15, d'imposer un double standard dans la qualité, la quantité ou l'accessibilité des soins de santé donnés à la population en général et ceux donnés aux détenus. Et pourtant, c'est la réalité.
Monsieur Védrine, qui est à côté de moi, va vous parler plus tard de quatre cas précis qui démontrent qu'il y a vraiment une différence de qualité et de quantité entre les soins de santé donnés aux gens qui sont victimes du sida à l'intérieur des murs et ceux donné aux victimes du sida à l'extérieur des murs.
Le troisième point concerne les libérations compassionnelles ou humanitaires. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit, à son article 121, la possibilité d'une libération conditionnelle dans les cas suivants:
a) il est malade en phase terminale;
b) sa santé physique ou mentale risque d'être gravement compromise si la détention se poursuit;
c) l'incarcération constitue pour lui une contrainte excessive difficilement prévisible au moment de sa condamnation;
Les sidéens peuvent donc bénéficier de cette protection pour éviter de mourir en prison, tout comme on peut bénéficier de la protection donnée par l'article 12 de la Charte canadienne contre les peines et traitements cruels et inusités. Malheureusement, souvent pour des raisons sécuritaires, la Commission nationale des libérations conditionnelles est réticente à octroyer de telles libérations aux sidéens. À cet effet, je vous réfère au cas de P.G., tel qu'il appert dans un texte de l'ODD, dont vous avez une copie et dont M. Védrine vous parlera un peu plus tard.
Nous croyons que la création de maisons de transition adaptées aux besoins des sidéens s'impose. Ces établissements seraient suffisamment sécuritaires pour répondre aux normes de la Commission nationale des libérations conditionnelles, tout en étant un lieu plus propice pour ces gens qui souffrent. De plus, en étant à l'extérieur des murs, les détenus sidéens en maison de transition pourraient accéder plus aisément aux soins spécialisés que nécessite leur état de santé.
En conclusion, l'Office des droits des détenu(e)s demande au Service correctionnel du Canada d'appliquer les recommandations citées dans le rapport de M. Jürgens et d'établir des maisons de transition adaptées aux besoins des sidéens.
Le président: Merci.
[Traduction]
Monsieur Fontaine Védrine.
Avant que vous ne commenciez, et sans vouloir abréger quoi que ce soit, je dois dire que nous devons quitter la salle à 17 heures. Nos questions seront très brèves après votre exposé.
[Français]
M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Monsieur le président, le vote n'a-t-il pas lieu à 17 h 30?
[Traduction]
Le président: Cette salle est réservée par un autre groupe à compter de 17 heures. Nous allons tenter d'y rester un peu plus longtemps.
De toute manière, je vous prie de poursuivre.
[Français]
M. Jean-Pierre Fontaine Védrine (psychologue, Office des droits des détenu(e)s du Québec): Je m'appelle Jean-Pierre Fontaine Védrine et je suis psychologue clinicien. J'avais prévu de vous présenter quatre cas, mais je vais vous en présenter seulement un ou deux.
J'ai eu l'occasion, dans ma pratique de psychologue contractuel à l'Établissement Port-Cartier dans la région de Québec, établissement fédéral du Service correctionnel du Canada, d'être confronté dès 1989 à des cas de personnes séropositives qui devenaient sidéennes.
Mais je voudrais d'abord faire un petit préambule. J'ai choisi d'évoquer des cas particuliers. Je voudrais surtout tenter d'ébranler les belles certitudes organisationnelles du Service correctionnel. Si je tentais, par la voie du discours, de mener un débat philosophique avec une institution de cette taille, je serais à coup sûr perdant.
Le Service correctionnel a en effet l'art et la manière de se protéger derrière des textes et des procédures. Il en faut bien dans une institution de cette taille, mais il est aussi vrai que dans la clinique, la pratique au quotidien, on nous oppose quelquefois ces textes qu'il est très difficile d'utiliser avec des clients ou des patients. Il y a au Service correctionnel des textes comme celui qu'on appelait, en 1988-1989, «La mission du Service correctionnel du Canada». Si vous regardez la qualité littéraire et la qualité de présentation de ce texte qui, à mon avis, s'adresse au grand public, vous serez d'accord avec moi pour dire que c'est un texte remarquable.
Cependant, il y a le texte et il y a l'esprit du texte. Comment font les employés du Service correctionnel pour essayer de conjuguer, dans la réalité, cette approche philosophique? C'est plus difficile que cela en a l'air. On peut comprendre qu'un officier qui a le mandat de surveiller les gens manque parfois à l'esprit de ce texte. Mais ce glissement entre le texte et l'esprit est aussi le fait des professionnels.
Il n'est pas rare de rencontrer, au sein même des grands établissements du Service correctionnel du Canada... Je pense à des unités de santé mentale, à des centres de psychiatrie, des psychologues, des psychiatres et des médecins qui se sentent un peu liés par le contrat ou le rapport d'employé qu'ils ont avec le Service correctionnel du Canada.
Autrement dit, ce qui prime, c'est plus l'état d'esprit du Service correctionnel que les obligations professionnelles des ordres professionnels provinciaux.
Bref, je constate et déplore la potentialité de certains intervenants qui se retrouvent pour le moins freinés dans leur élan créatif compte tenu, malheureusement, de la lourdeur du modèle organisationnel.
Je voudrais vous parler d'un cas qui a défrayé un peu la chronique. L'Office des droits des détenu(e)s en avait parlé abondamment. À la demande de son procureur, j'ai rencontré Pierre Gravel. Comme la famille était d'accord pour publiciser son nom, je me permets de l'évoquer. Ce monsieur était incarcéré à l'Établissement Centre fédéral de formation à Montréal.
Sidéen dont la maladie est bien documentée, sa fatigabilité l'amène à se déplacer en fauteuil roulant. Je l'ai vu en tant que psychologue externe, à la demande du procureur qui défendait ses droits, parce que les détenus, même s'ils ont fauté, ont quand même un certain nombre de droits. Il passe prochainement devant la Commission nationale des libérations conditionnelles et espère vraiment être libéré pour des raisons humanitaires ou compassionnelles, comme disait le Dr Jürgens.
Malgré ses exactions passées et la nature très particulière de celles-ci, nous recommandons une libération conditionnelle dans une ressource pour sidéens en phase terminale. La Maison Amaryllis, organisme qui ne veut dépendre d'aucune ressource gouvernementale, réserve cependant un lit pour les ex-détenus à Montréal. Je prends soin de présenter le dossier à cette ressource. Je constate que Pierre a de la difficulté à obtenir les traitements les plus récents en usage dans les cliniques spécialisées comme la Clinique L'Actuel à Montréal. Il y a un décalage temporel. Je ne dis pas que c'est voulu, mais on n'applique pas les dernières thérapeutiques.
Le jour de l'audience, Mme le commissaire déclare que ce dont ont besoin les sidéens, c'est d'amour. Cela dit, comme elle connaît fort bien la Maison Amaryllis, elle considère que le risque de remettre M. Pierre Gravel en liberté conditionnelle est trop élevé. Il y a l'aspect sécuritaire, évidemment. Dans un autre cas présenté dans mon rapport, vous verrez qu'il y a des gens qui pensent qu'étant sidéens, ils risquent d'être libérés plus vite.
Je comprends quelquefois les réticences du Service correctionnel pour des raisons sécuritaires. Il ne s'agit pas de libérer tous les gens gravement malades. Ce n'est pas cela que nous disons, à l'Office des droits des détenu(e)s. Mme le commissaire ajoute que les aspects sécuritaires de la ressource sélectionnée - ce sont des démarches tout à fait personnelles - sont quasi inexistants et n'ont pas lieu d'être dans l'optique thérapeutique de cette maison.
Le cas est très bien documenté sur la décision de la Commission pour des raisons sécuritaires. Malheureusement, sur le plan thérapeutique, je pense qu'il y a une erreur. Toujours est-il que le30 janvier 1995, M. Pierre Gravel est retrouvé sans vie dans la baignoire de la salle de bain du pénitencier.
Parmi les trois autres cas, il y en a un que j'ai évalué dernièrement. Il passe le mois prochain devant la Commission des libérations conditionnelles. Je pense malheureusement qu'il ne sera pas libéré parce qu'il n'existe pas de ressource sécuritaire, soit du Service, soit à contrat avec le Service correctionnel, pour protéger la société des éventuelles exactions d'un monsieur très malade qui s'évaderait par la porte de derrière et qui irait refauter. C'est la prémisse importante de la Commission et c'est aussi très important pour le Service correctionnel.
Je ne veux pas généraliser quatre cas particuliers. Ce sont des cas cliniques. Ce que je vois, c'est que le détenu arrive au pénitencier où il a ou n'a pas un test de dépistage. Il peut le demander et c'est respecté. Deuxièmement, il a le résultat. Troisièmement, s'il est séropositif, il y a un suivi microbiologique et une médication standard.
Pour la région de Québec-Montréal, il y a un contrat de service avec la Cité de la santé à Laval, je crois.
Quatrièmement, il y a dégradation de l'état physique et psychologique, bien entendu, parce qu'une des variables les plus importantes pour un sidéen est le stress. Il semblerait, d'une manière quasi démontrée, que le système immunitaire a tendance à s'affaiblir pour des raisons biologiques et microbiologiques, mais aussi des raisons de stress. Je vous dirai que le deuxième facteur de stress sur l'échelle générale de stress, après la mort du conjoint, est justement l'emprisonnement.
Il faut essayer de se mettre dans la peau de quelqu'un qui est gravement malade et qui se retrouve dans un milieu extrêmement stressant. En effet, il y a demande de libération compassionnelle - je reprends l'idée car je trouve le qualificatif joli - absence de ressources externes prévues par le Service correctionnel du Canada dans la communauté et refus d'une libération compassionnelle. Le stress devient très fort et, dans le meilleur des cas, le détenu-patient - c'est comme ça que j'aime l'appeler - est libéré in extremis avant son décès.
Voici les recommandations que je pourrais vous faire. Pourquoi prévoir un plan de traitement à l'extérieur dans une ressource communautaire habilitée par le Service, dans le cadre des fameux contrats de service que M. Ingstrup évoquait dans son exposé, puisque la première variable est le stress? Deuxièmement, comme l'issue de la maladie est encore aujourd'hui fatale, ce qui permet aux patients de survivre, c'est justement l'espoir, le souhait de se retrouver dans un milieu calme et rassurant où ils pourront se nourrir adéquatement et reprendre contact avec un entourage affectif significatif. Troisièmement, ils devraient avoir la possibilité d'obtenir dans la communauté les derniers traitements, qui donnent des résultats de plus en plus encourageants, et de bénéficier de l'influence positive des multiples groupes de soutien, parce qu'il y a beaucoup de groupes de personnes séropositives ou sidéennes qui s'entraident.
J'ai remarqué, en travaillant sur un autre rapport à l'Office des droits des détenu(e)s, et j'en suis un peu étonné, que dans l'unité régionale de santé mentale qui est rattachée à l'Établissement Archambault, il y avait des places prévues pour les sidéens, et je me demande pourquoi. À part les cas extrêmes, où on constate une atteinte neurologique, et j'espère qu'ils seront libérés avant cette phase, je me demande comment on peut décider de mettre des sidéens à l'intérieur d'une ressource réservée à des gens qui ont des problèmes de maladie mentale.
Je vous remercie et je remercie particulièrement M. le député Ménard de nous avoir invités.
[Traduction]
Le président: Je remercie tous les témoins. Nous nous efforçons de conserver la salle un peu plus longtemps. Une autre réunion devait commencer à 17 heures. Nous tenterons de la faire déplacer vers une salle plus petite. Nous y travaillons.
Nous passons maintenant à un tour de questions de dix minutes, en commençant par l'opposition officielle.
[Français]
M. Ménard: Vous savez combien j'attendais cette rencontre. J'avais déposé une motion un peu après les Fêtes parce qu'il m'apparaissait important, avant de remettre le rapport - parce que l'exercice auquel on se livre peut sembler académique, mais va beaucoup plus loin qu'écouter des gens - de faire en sorte que l'on s'engage dans une discussion un peu plus large que celle que l'on peut avoir au Parlement.
Je vais partir du principe que la bonne foi se présume et que la mauvaise foi se prouve. Au point où on en est, c'est un petit peu le sentiment qu'on doit avoir sans être complaisant. Je vais adresser quatre questions sans interruption pour avoir une réponse globale à la fin.
Je voudrais adresser ma première question à M. le commissaire du Service correctionnel du Canada. Monsieur le commissaire, est-ce que vous pouvez nous dire très concrètement qu'à votre connaissance, vous et vos prédécesseurs avez toujours pris tous les moyens qui étaient à votre disposition pour éviter que des gens ne meurent en prison? J'ai moi-même fait plusieurs représentations au nom de familles qui voulaient sensibiliser le Service correctionnel du Canada à la nécessité d'obtenir des soins spécialisés pour ces gens. Il est certain qu'on ne s'attend pas à ce qu'il y ait en prison un Gervais Fréchette et d'autres gens spécialisés en sida, mais j'espère que vous pourrez assurer à ce comité que vous avez toujours, vous et vos subalternes, pris en toutes circonstances les moyens qui étaient à votre disposition pour vous assurer qu'il y ait des gens et des services spécialisés.
J'espère aussi que vous serez éloquents sur les commentaires que le comité pourra faire dans son rapport pour doter le Service correctionnel des ressources nécessaires, étant entendu que tout le monde admet ici que, quoi qu'on ait fait dans la vie, on ne mérite pas de manquer de dignité dans les derniers moments de sa vie.
Ma deuxième question est aussi pour M. le commissaire. J'aimerais, essentiellement par curiosité, connaître un peu les liens que vous entretenez avec l'Office des droits détenu(e)s et Ralf Jürgens, dont le nom est revenu à plusieurs reprises. J'aimerais que vous nous disiez aussi quelle est votre position face au rapport et si nous avons bien compris que votre porte est toujours ouverte et que les membres de ce comité peuvent avoir votre parole qu'à l'avenir, l'Office des droits des détenu(e)s et l'équipe de Ralf Jürgens pourront avoir accès à vos locaux quand ils en auront besoin.
J'adresserai ma troisième question à Ralf Jürgens, que je remercie d'abord d'avoir pris énormément de temps pour approfondir cette question-là. Vous nous avez bien fait voir qu'il y a un certain nombre de choses positives dans les prisons, entre autres la distribution de condoms et les programmes d'éducation pour le personnel, mais vous nous avez aussi clairement fait voir que, contrairement à d'autres pays, le Canada n'est pas allé assez loin concernant les traitements à la méthadone et la distribution de matériel stérile.
C'est pourtant un paradoxe, parce qu'il n'y a pas un député qui ne sait pas que les programmes de distribution de seringues dans certains milieux et d'échange de seringues dans différentes communautés au Canada ont d'abord été financés dans le cadre de la Stratégie nationale sur le sida.
Monsieur Jürgens, je voudrais vous demander pourquoi, à votre point de vue, on refuse de franchir les deux autres étapes subséquentes. Quels sont les conseils que vous souhaiteriez donner au comité pour que l'on puisse faire une pression bien sentie sur le Service correctionnel du Canada pour qu'il accède aux deux autres revendications qui font partie de votre rapport?
Je vais adresser ma quatrième et dernière question à M. Fontaine Védrine. Comment pourrions-nous vous être utiles? Je sais que vous avez une sensibilité très particulière aux droits des détenus et que vous ne prenez pas position pour la morale puisque l'aide que souhaitez apporter aux gens n'a rien à voir avec la sentence qu'ils ont obtenue.
Ce sont des prisonniers, et vous partez du principe qu'ils ont des droits et que ces droits doivent être respectés. Alors, comment pourrions-nous être utiles à votre organisation dans la bataille qui est la vôtre? J'aimerais que vous nous donniez des pistes concrètes pour qu'on puisse être, dans ce Parlement, un relais à l'action entreprise par votre organisation il y a déjà pas mal d'années.
Voilà mes questions. Je reviendrai au deuxième tour. Merci.
[Traduction]
M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Je me demande, monsieur le président, s'il ne vous faut pas une motion de consensus pour permettre aux intervenants d'avoir un temps de réponse au moins égal. Cela nous mènerait à 17 h 30 environ, selon mon extrapolation.
Le président: Nous avons réussi à conserver la salle. Nous devrions également nous interrompre si la sonnerie du vote retentissait. Ce serait à 17 h 30. Si le comité souhaite poursuivre au-delà de 17 heures...
M. Volpe: Je m'interrogeais au sujet de l'attribution de dix minutes pour les questions.
Le président: J'ai déjà interrompu M. Ménard et maintenant il groupe toutes ses questions. Je n'interromprai pas ceux qui vont répondre. Je dirai également aux témoins que tout témoin à qui on n'a pas posé une question peut cependant répondre à la question une fois qu'elle a été posée. Je crois qu'il en a posé quatre.
Je commencerai par M. Ingstrup.
M. Ingstrup: Sur le plan pratique, je ne sais si j'ai été imprudent, mais j'ai réservé un siège sur un vol vers Edmonton à 19 h 30. Je suppose que vous prévoyez terminer la séance à l'heure prévue - ou bien devrais-je prendre des dispositions?
Le président: Si vous devez partir, vous le pouvez. Vous nous obligeriez si vous pouviez répondre avant de le faire.
M. Ingstrup: Merci beaucoup. Je vais m'efforcer de répondre à la question.
[Français]
La première question était: est-ce qu'on a fait tout ce qu'on pouvait, tout le temps et partout, pour éviter que des détenus meurent? Je ne pense pas qu'un gestionnaire responsable puisse répondre par oui ou par non à cette question. Je peux dire que chaque fois que je vois la possibilité d'améliorer la situation sur le plan de la santé ou sur le plan de la sécurité des détenus, j'agis de la façon la plus responsable par rapport à la situation.
Si on fait une comparaison entre ce qu'on a fait dans le Service correctionnel du Canada et ce qu'on a fait ou on est en train de faire dans presque tous les autres services correctionnels du monde que je connais, monsieur le président, cette comparaison nous fournit la preuve que nous avons fait beaucoup.
On peut avoir l'impression, monsieur le président, que le Service correctionnel n'a presque rien fait, mais il n'y a que quatre ou cinq institutions pénitentiaires dans le monde qui appliquent des programmes d'échange de seringues.
Évidemment, cela n'est pas une question aussi facile à juger qu'elle l'est dans la société, parce que chez nous, il faut prendre en considération la sécurité générale des autres détenus, des employés, etc.. C'est dans ce contexte, monsieur Ménard, qu'on étudie la question.
M. Ménard: Y compris les soins spécialisés? Quand on porte à votre connaissance qu'un détenu a besoin de soins spécialisés, vous le référez à un médecin spécialiste.
M. Ingstrup: Encore une fois, il est difficile de déterminer combien doit être fait pour que ce soit assez. Pourtant, comparativement à beaucoup d'autres services, on a une cote assez élevée. Il y a probablement des services spécialisés qui pourraient être améliorés. Je n'en doute aucunement et nous allons le faire.
Je peux vous dire, monsieur le président, que nous allons étudier de façon globale toutes les recommandations qui nous sont soumises. Les recommandations, les observations et la preuve qu'on trouve dans le Rapport Jürgens sont très importantes pour nous. Nous les prenons au sérieux et, aussitôt que nous en aurons fini avec les études, nous allons essayer de développer une stratégie globale contre le sida et les autres maladies du genre au Service correctionnel du Canada.
[Traduction]
J'espère bien que nous serons en mesure de le faire d'ici le printemps, mais il s'agit d'une question complexe et il y a davantage à faire que si on faisait la même chose en dehors du milieu carcéral. Il faut tenir compte d'un certain nombre d'aspects. Par exemple, il est bien vrai que certaines expériences ont été tentées dans divers pays pour ce qui est des seringues et des programmes de traitement à la méthadone. Nous allons certainement les étudier dans une perspective tout à fait constructive. Par contre, il est également vrai que, dans ces pays, on n'a pas adopté de politique générale à cet égard.
En Suisse, deux établissements ont adopté une telle politique - elle existe depuis deux ou trois ans - mais les autres établissements n'ont pas suivi. J'aimerais savoir pourquoi. Quelles sont les raisons? Nous allons étudier tout cela avec le plus grand sérieux.
[Français]
En ce qui concerne votre deuxième question, monsieur, si on le veut, on peut travailler avec l'Office des droits des détenu(e)s.
M. Ménard: Entretenez-vous des contacts assidus?
M. Ingstrup: Il y a évidemment un contact entre notre région du Québec et l'Office. Si l'Office voulait établir une personne contact à Ottawa, je serais prêt à travailler avec elle, à une condition toutefois: c'est qu'on reconnaisse que nous gérons un système pénitentiaire et non pas la société en général. Cela peut modifier les propositions de temps en temps. Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Jürgens, je crois que la question suivante s'adressait à vous.
[Français]
M. Jürgens: Oui. La question était: pourquoi refuser de franchir les deux étapes suivantes, soit la disponibilité de la méthadone et la disponibilité des seringues stériles?
Il faut d'abord faire une distinction entre la méthadone et les seringues stériles. Je pense qu'il n'y a vraiment pas de bonne raison de ne pas rendre la méthadone immédiatement disponible.
D'ailleurs, ici au Canada, le Service correctionnel provincial de la Colombie-Britannique vient d'adopter une telle politique. Les systèmes pénitentiaires qui offrent un traitement à la méthadone sont beaucoup plus nombreux que ceux qui mettent des seringues à la disposition des prisonniers. C'est très clairement une question de santé et cela pourrait être fait tout de suite.
En ce qui concerne la distribution de seringues, j'avoue que le problème est plus épineux, mais il n'y a pas de bonne raison de ne pas mettre un projet pilote en oeuvre, pas seulement dans une prison du Canada, mais dans plusieurs.
On dit souvent que mettre des seringues à la disposition des prisonniers serait fermer les yeux sur l'usage de drogues. On dit aussi que cela créerait une menace à la sécurité dans les institutions. En fin de compte, je crois qu'on craint surtout la réaction du public. Je vais prendre deux minutes pour élaborer sur ces trois points.
Premièrement, distribuer des seringues stériles ne veut pas dire fermer les yeux sur l'usage des drogues dans les institutions; c'est une mesure de santé publique. Cela se fait au Canada en dehors des prisons et depuis longtemps. On a compris qu'il fallait d'abord protéger la santé des personnes qui, pour une raison ou pour une autre, font usage de drogues.
Deuxièmement, parlons du problème créé par rapport à la sécurité. Dans les prisons du monde où les seringues sont distribuées, les systèmes correctionnels ont trouvé des façons de répondre aux craintes du personnel. Je pense qu'il est très important d'engager le personnel dans l'opération. Je ne donne pas un droit de veto au personnel dont Sébastien Brousseau a déjà parlé. Cependant, il faut s'engager tout de suite, au Canada, dans un échange avec le personnel, avec les prisonniers, etc., pour discuter des problèmes de sécurité et, ce faisant, éviter qu'il s'en pose.
Enfin, on craint la réaction du public. Distribuer des seringues dans les prisons canadiennes est une action qui comporte aussi une dimension politique. Je crois qu'il est important de se pencher sur la réaction qu'a entraînée la publication de ce rapport. Dans les médias, à part une ou deux exceptions, la réaction a été très favorable. Nous avons eu leur appui de même que celui de la majorité de la population.
J'ai participé à beaucoup d'émissions radiophoniques; beaucoup de gens appuyaient notre position. Je pense qu'il est important de dire clairement que le public au Canada appuie certaines mesures et commence à comprendre que la question ne concerne pas que les prisonniers. La population commence à comprendre que les prisonniers font partie de la communauté et que tout ce qu'on fait ou ne fait pas dans les prisons peut avoir un impact majeur sur la santé de tous les Canadiens. C'est pour sauvegarder la santé de tous les Canadiens qu'il faut adopter ces mesures.
En terminant, je vais prendre 30 secondes pour répondre à M. Ingstrup qui nous a posé une question.
[Traduction]
Pourquoi n'a-t-on pas adopté la distribution d'aiguilles stérilisées dans toutes les prisons en Suisse? Bonne question. Il est vrai qu'on a commencé en 1993 à distribuer des aiguilles dans certaines prisons en Suisse et que cela ne se fait pas dans tous les établissements. J'ai visité certaines prisons suisses plus tôt cette année et j'ai justement posé la même question. On m'a répondu qu'il n'était pas nécessaire de distribuer des aiguilles dans toutes les prisons.
Dans d'autres prisons, on prend d'autres mesures. On rend disponible le traitement à la méthadone, on crée des ailes sans drogue, et on cherche à régler les problèmes de diverses façons. Les détenus peuvent le faire savoir s'ils souhaitent véritablement se débarrasser de leur toxicomanie et participer à un programme de traitement à la méthadone. C'est à eux de décider. Le détenu qui souhaite abandonner la drogue s'en être traité à la méthadone et qui souhaite avoir des chances raisonnables de ne pas avoir accès à de la drogue peut être placé dans une aile sans drogue. C'est un choix qui est offert aux détenus.
Bien qu'il soit important de mettre sur pied des programmes de distribution d'aiguilles stériles, il n'est probablement pas nécessaire de le faire dans tous les établissements. Nous devons donner un choix aux prisonniers, et c'est ce qui se fait en Suisse.
Le président: Merci.
Monsieur Fontaine Védrine, la quatrième question s'adressait à vous, si je ne m'abuse.
[Français]
M. Fontaine Védrine: Je vais être assez bref. En tant que psychologue, j'interviens bénévolement à l'Office des droits des détenu(e)s. Je serais d'accord avec M. Ingstrup. La semaine dernière, j'ai fait une boutade en disant que l'Office pourrait aussi être celui des droits et des obligations des détenu(e)s.
Je veux dire par là que je ne suis pas là pour défendre n'importe quoi. Je crois, en tant que professionnel oeuvrant dans le cadre du Service correctionnel du Canada, qu'il faudrait peut-être que les professionnels soient systématiquement tous membres en règle de leurs ordres professionnels pour améliorer les choses et, à l'extrême limite, qu'on donne la permission aux détenus de porter plainte. Le mot peut faire peur, mais les détenus devraient pouvoir s'adresser, par exemple, à l'ordre des psychologues ou au Collège des médecins pour savoir si tel ou tel service reçu a été dispensé selon les règles de l'art ou pas.
Je me permettrai de passer la parole à Sébastien Brousseau pour les questions concernant davantage sur l'Office des droits des détenu(e)s comme petite organisation.
M. Brousseau: M. Ménard demandait comment le sous-comité pouvait être utile à l'Office des droits des détenu(e)s. Nous sommes un petit organisme communautaire qui a toujours fonctionné avec très peu de moyens et nous en sommes fiers. Si on veut aider l'Office des droits des détenu(e)s, il faut aider d'abord et avant tout aider les détenus.
Comment cela? En prenant en considération les recommandations de M. Jürgens et en faisant en sorte qu'elles soient appliquées maintenant, et non pas dans 10 ou 15 ans.
Le taux de suicide est très élevé dans les prisons au Canada. Le taux de récidive est aussi très élevé. On constate que l'emprisonnement ne fonctionne pas dans certains cas ou n'est pas la meilleure solution. Beaucoup de recherches sont faites dans le monde sur la criminologie, même au Service correctionnel, mais très peu d'initiatives sont prises. Il y a très peu de nouveau, très peu de changements.
Donc, ma réponse est qu'il faut vraiment poser des actions concrètes, d'avant-garde, et que l'ensemble du système en profitera. En fait, tous en bénéficieront, tant les détenus que la société, parce que la récidive est un fardeau énorme pour la société.
[Traduction]
Le président: Monsieur Ringma, c'est votre tour.
[Français]
M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Je vais poser ma question en anglais, mais si quelqu'un veut répondre en français, ce sera encore mieux. Merci.
[Traduction]
Je vais m'efforcer d'être rapide. J'ai à peu près trois questions. La réponse à la première peut être donnée très rapidement.
J'aborde la question dans l'optique de l'intérêt public. J'ai justement entendu M. Jürgens parler à plusieurs reprises de l'opinion publique. Nous ne pouvons pas y échapper, selon moi. Que nous suggère l'opinion publique, au juste? L'opinion publique, d'après moi, comporte une bonne dose d'ignorance, et je ne m'exclue pas en l'affirmant. Je ne suis pas suffisamment renseigné sur cette question.
Comme première question, j'aimerais savoir qu'est-ce qui nous empêche d'imposer un programme de dépistage obligatoire. La Charte des droits et libertés nous empêche-t-elle de soumettre les détenus au dépistage à leur entrée en prison ou à une autre mesure du genre?
Y a-t-il quelqu'un qui connaît la réponse à cette question? Je suppose que c'est lié à la Charte des droits.
M. Ingstrup: Nous avons notamment demandé un avis à ce sujet au ministère de la Justice il y a un certain temps déjà. Selon l'avis dont nous disposons il existe certaines difficultés possibles dans la loi en générale et dans plusieurs articles de la Charte. Nous sommes à évaluer notre situation particulière avec le ministère de la Justice.
M. Ringma: Ce n'est pas tout à fait clair mais c'est probable.
M. Ingstrup: Pas encore, mais c'est ce qu'on nous dit.
M. Lines: Je pourrais ajouter que les tests obligatoires ne sont pas une stratégie efficace pour combattre la propagation du VIH. Cette stratégie ne s'est pas avérée efficace, et cela, parce qu'elle donne aux gens une fausse impression de la façon dont ils peuvent se protéger du VIH, et également à cause des particularités de ce test.
En effet, il y a une période de latence qui peut aller jusqu'à 14 semaines ou plus, une période qui s'écoule entre le moment où un individu contracte le virus VIH et le moment où un test devient positif. Si le test est administré pendant cette période de latence, les résultats peuvent très bien être faussement négatifs.
Là encore, c'est l'antithèse du message de santé publique disséminé par Santé Canada et les ministères de la Santé, un message qui cherche à éduquer les gens et à les convaincre de se protéger de la transmission du VIH, sans parler de certaines précautions légales dont d'autres vous parleront mieux que moi.
M. Ringma: Merci beaucoup.
Madame Sasakamoose-Tait, je suis vraiment désolé de vous entendre dire que l'opinion de la population autochtone a été pratiquement ignorée. Vous avez fait allusion à un rapport du CESP, ou quelque chose de ce genre. Je ne sais pas de quoi il s'agit. Ce ne serait pas, par hasard, la commission royale? D'accord, c'est autre chose.
Avez-vous eu l'occasion de lire le rapport de la Commission royale sur les Autochtones qui vient d'être publié après cinq ans d'étude? C'est un rapport qui contient des milliers de pages, et j'imagine qu'on doit y parler de la situation des Autochtones en prison?
Mme Sasakamoose-Tait: Je n'ai pas encore eu le temps de lire ce document.
M. Ringma: Vous ne l'avez pas lu.
Le président: Il a des milliers de pages.
Mme Sasakamoose-Tait: C'est exact.
Le président: Je viens de le commencer.
Mme Sasakamoose-Tait: Cela dit, je ne voudrais pas qu'on se méprenne, je ne prétends pas que rien ne se fait, qu'il n'y a pas de programmes destinés aux Autochtones, car ce n'est pas le cas. En attendant, nous n'en sommes pas encore où nous voudrions être. Il est certain que les aînés n'ont pas un rôle suffisant et que les contrevenants autochtones n'ont pas suffisamment l'occasion d'avoir recours aux aînés et aux guérisseurs.
Tout à l'heure, je parlais avant tout des programmes de lutte contre VIH/sida, des services de spécialistes et des ressources disponibles dans le système judiciaire. De nouveaux programmes innovateurs ont été mis à l'essai dans tout le pays, et je ne prétends certainement pas le contraire. Dans d'autres cas, il faut regretter que les programmes sur le VIH ne fassent pas partie intégrante de ces projets.
M. Ringma: Merci.
Monsieur Ingstrup, avez-vous une réponse au sujet de la commission royale, très vite?
Le président: Vous avez passé le cap des trois minutes. Vous avez le temps.
M. Ringma: Oui, mais d'autres attendent leur tour.
M. Ingstrup: Nous avons regardé le rapport, je crois qu'il a 4 000 pages.
Le président: J'en suis à la page 6.
Des voix: Oh, oh!
M. Ingstrup: Monsieur le président, je crains que nous vous ayons dépassé. Aux pages 152 à 154, on y mentionne le sida dans les communautés autochtones, mais je ne pense pas qu'il soit question des prisons. Il s'agit plutôt de la communauté.
Cela dit, on en parle peut-être ailleurs dans le rapport, mais nous avons cherché, et pour l'instant nous n'avons rien trouvé.
Toutefois, je suis d'accord avec Mme Tait, il existe d'excellents programmes destinés aux Autochtones, des programmes qui font appel aux aînés, et dans le cas des prisons, il reste encore un certain travail d'intégration.
Tout comme vous, nous pensons qu'il est nécessaire d'améliorer les choses.
M. Ringma: J'ai une troisième et dernière question à l'intention de quiconque veut y répondre.
Je le répète, la réaction du public est que, pour l'amour du ciel, quand les gens sont en prison, les drogues, les relations sexuelles, etc, devraient être totalement absentes. Pourquoi manquez-vous à ce point d'efficacité? C'est une question sur laquelle tout le monde insiste. On essaie de faire preuve de pragmatisme, et pour être pragmatiques, vous fournissez le désinfectant, les préservatifs, les lubrifiants, etc..
Les Canadiens considèrent toujours que dans la mesure où les détenus sont derrière les barreaux et ne sont pas censés disposer de drogues, comment se fait-il qu'ils en aient? Les gens n'ont pas une bonne impression de ce qui se passe dans les prisons.
Je vous pose donc la question suivante, qui nous ramène un peu à ce qu'a dit M. Jürgens sur les prisons suisses: le Service correctionnel a-t-il essayé de désigner des prisons dans lesquelles on ne tolérerait absolument aucune drogue, aucune activité sexuelle, ni quoi que ce soit de contraire aux bonnes moeurs, comme dans l'une de ces prisons suisses? Si cela a été fait, quels en ont été les résultats?
M. Ingstrup: Il y a deux éléments dans votre question. Tout d'abord, en ce qui concerne l'opinion publique, je crois que vous avez raison dans une certaine mesure; nous pouvons donner l'impression d'envoyer un message à double sens. Pourtant, nous avons fait un gros effort pour expliquer que tel n'est pas le cas. Nous disons simplement qu'il est un fait que dans toutes les prisons du monde, il est impossible d'éviter totalement ce genre d'activités, qui comportent un risque énorme. À cet égard, nous sommes d'accord avec M. Jürgens et tous les autres.
D'après nos constatations, les médias, qui représentent l'opinion publique dans une certaine mesure, ont très bien accueilli les programmes de distribution d'eau de javel et de condoms. Les gens comprennent bien qu'il y a des choses incontournables et que nous faisons de notre mieux. Il n'y a pas de système parfait, mais c'était sans doute la meilleure chose que nous pouvions faire à l'époque.
Le deuxième élément de votre question devrait faire l'objet d'une étude dans le cadre de cette stratégie sur les drogues. Un certain nombre de pays européens, y compris mon pays d'origine le Danemark, ont créé dans les prisons des ailes spéciales où toute drogue est interdite et dont sont chassés ceux qui ne respectent pas les règles. Nous n'avons pas encore essayé cela au Canada, mais nous allons étudier ce qui s'est fait ailleurs pour voir ce qu'ont donné ces tentatives.
Certains députés ont dit que nous - et je veux dire par là mon ministre - avons peur de prendre une décision au plan politique. Sauf votre respect, je ne pense pas qu'il en soit ainsi, car de toute façon, quoi qu'on fasse, ce sera toujours une décision d'ordre politique. Le ministre est tout à fait prêt à prendre la bonne décision. Nous voulons faire tout notre possible pour lui mettre tous les éléments en main.
M. Ringma: Merci de vos commentaires.
Le président: Merci beaucoup.
Si vous vous demandez ce que signifie cette sonnerie, c'est qu'on nous convoque pour un vote. Il nous reste à peu près de 15 minutes à une demi-heure.
Je donne la parole à M. Szabo.
M. Szabo (Mississauga-Sud): Je ne poserai qu'une question.
Il y a quelque temps, un médecin et expert renommé est venu dire au comité qu'il existe des facteurs de risque d'après lesquels on peut déterminer pourquoi certaines personnes ne se protègent pas lors d'activités sexuelles. Les deux principaux facteurs qu'il a évoqués m'ont étonné. Il a parlé d'un premier groupe composé de décrocheurs du secondaire, et d'un autre composé de personnes victimes de sévices pendant leur enfance. Ils ont tendance à ne pas se protéger lors d'activités sexuelles parce qu'ils s'en fichent. Voilà la corrélation que faisait cet expert.
Tout cela était nouveau pour moi et j'aimerais savoir si à votre avis, il existe d'autres facteurs prévalant parmi la population carcérale par opposition à l'ensemble de la population qui favoriseraient les activités sexuelles sans protection, expliquant ainsi la plus forte incidence du sida et de la séropositivité parmi la population carcérale.
M. Lines: Je peux vous donner plusieurs éléments de réponse. Une bonne partie de mon travail consiste à visiter les prisons pour sensibiliser les détenus à la prévention du sida, et j'ai toujours constaté que les détenus veulent se protéger du virus du sida. Comme l'ensemble de la société, ils peuvent véhiculer certains stéréotypes concernant les populations à risque; c'est un phénomène qu'on remarque également à l'extérieur des prisons. D'après mon expérience, les détenus risquent davantage d'avoir connu quelqu'un qui est mort du sida, compte tenu particulièrement du grand nombre de toxicomanes en prison.
En ce qui concerne l'activité sexuelle en prison, le principal obstacle auquel on se heurte lorsqu'on parle aux prisonniers, c'est les problèmes d'accessibilité que comporte le monde de distribution des condoms et, comme l'a dit M. Ingstrup, le fait que l'activité sexuelle consensuelle constitue une infraction en milieu carcéral. Nous avons dit à maintes reprises que comme l'activité sexuelle consensuelle constitue une infraction, le détenu qui s'expose à des mesures disciplinaires s'il est surpris avec son partenaire n'est guère incité à prendre le temps de se protéger. Une telle situation n'incite pas le détenu à se faire remarquer en se procurant des condoms.
Par ailleurs, je crois qu'il importe de ne pas surestimer la transmission par les activités sexuelles. Nous nous préoccupons tous de la transmission par les activités sexuelles, mais également par la transmission par le partage de seringues entre toxicomanes.
Le président: Avant de continuer, nous devons libérer certains membres du comité. Il y a un vote dans moins de dix minutes. Tous les députés qui doivent voter peuvent partir. Je vais rester pour terminer l'audition des témoins.
Excusez-nous. Le patron nous donne des ordres. Si le gouvernement est défait, nous allons avoir des ennuis. Le sol est déjà trop gelé pour qu'on puisse y planter des pancartes électorales.
Madame Sasakamoose-Tait, allez-y.
Mme Sasakamoose-Tait: M. Szabo a parlé de deux catégories de personnes qui ne jugent pas utile de prendre des précautions; dans ce contexte, je voudrais parler des Autochtones... de même que des femmes et des prisonniers, qui relèvent des mêmes catégories. Ces personnes sont souvent marginalisées. Les Autochtones, les détenus et les femmes sont marginalisés.
Souvent, les gens de ces catégories ne se jugent pas dignes de prendre soin d'eux-mêmes. Souvent, ils n'ont pas ce sentiment d'amour propre et d'estime de soi qui leur permettrait de prendre les précautions nécessaires pour assurer leur propre sécurité et celle de leurs partenaires.
Je crois que le sentiment de désespoir est caractéristique de la vie en prison. Il est également caractéristique des expériences que peuvent avoir les Autochtones en matière de pensionnat et de relations entre générations. C'est pour cela que les jeunes qui n'ont pas terminé leurs études secondaires... C'est toujours une question d'estime de soi.
Je crois qu'il est important de préciser que ce ne sont pas des gens qui s'en fichent; ils ne se jugent pas dignes de prendre soin d'eux.
Le président: Monsieur Jürgens.
M. Jürgens: Il est vrai de dire qu'il ne suffit pas de distribuer des condoms, des trousses d'eau de javel et des seringues stériles; il faut aussi un effort d'éducation et de soutien, et le modèle d'éducation par les pairs, qui a fait ses preuves, devrait nous être utile à cet égard. Il est également vrai, d'après les études scientifiques, que souvent, les utilisateurs de drogue injectable arrêtent de partager des seringues lorsqu'on leur en fournit des neuves. Des toxicomanes qui ont renoncé au partage et qui prennent soin d'eux recommencent à partager des seringues une fois qu'ils sont en prison, pour la simple raison qu'ils ne peuvent pas se procurer de seringues neuves et qu'ils sont donc obligés d'en partager. Tout cela a été prouvé scientifiquement.
Le président: Merci.
Quelqu'un veut ajouter quelque chose?
[Français]
M. Brousseau: J'abonde dans le même sens que M. Jürgens. J'ajouterai qu'il me semble régner une certaine hypocrisie au Service correctionnel du Canada. D'un côté, on considère que l'homosexualité est une offense, qu'on n'a pas droit à ce genre de rapports sexuels et, d'un autre côté, on distribue des condoms. Tout le monde sait qu'il se consomme de la drogue en prison et qu'il y a très peu de seringues, donc que les gens se les partagent. On sait qu'il y a beaucoup de sida dans les milieux carcéraux, mais on ne distribue pas de seringues.
Je me demande s'il est plus important de protéger la vie de certaines personnes qui sont prison, d'éviter la propagation du virus ou peut-être éventuellement de...
Je dis «peut-être», parce les études démontrent que la distribution de seringues n'accroît pas l'usage des drogues. En 1990, le système correctionnel était contre la distribution de condoms en prison. Aujourd'hui, en 1996, il est pour. On s'aperçoit qu'une des objections qu'il avait à l'époque était la crainte d'accroître ainsi le trafic de la drogue. Les chiffres de M. Ingstrup, obtenus par certains tests, démontrent que l'usage de drogues diminue.
Il existe peut-être des barrières morales, mais d'un point de vue scientifique, du point de vue des experts, tout démontre que la distribution de seringues ou d'aiguilles en prison serait bénéfique pour enrayer la propagation du sida et n'accroîtrait pas l'usage de drogues.
Le président: Merci.
[Traduction]
J'ai parlé avec M. Ménard, et nous avons encore cinq minutes devant nous. Nous ne risquons pas de nous faire exclure, ni même de nous faire réprimander par notre whip.
Je pense qu'il est important de recueillir tous vos commentaires en prévision de notre rapport.
Monsieur Ingstrup, vous avez quelque chose à ajouter.
M. Ingstrup: Notre action va bien au-delà de la formation des détenus en matière d'interdiction de drogue ou de l'élimination de la drogue parmi les détenus ou parmi les visiteurs. Nous avons des programmes d'éducation qui sont parmi les plus avancés au monde. Nous avons un programme de dépistage volontaire qui est précédé et suivi par des séances intensives de counselling. Il n'y a aucune contradiction à proposer des condoms aux détenus tout en interdisant les activités sexuelles. Nous devons reconnaître une réalité incontournable: nous ne pouvons pas tout contrôler.
Vous remarquerez que nous distribuons 80 000 condoms chaque année dans nos prisons. Or, d'après les détenus, 6 p. 100 seulement d'entre eux ont des activités sexuelles et dans 68 p. 100 des cas, ils n'ont pas de protection.
Compte tenu de la situation en ce qui concerne le sida et les programmes de distribution d'aiguilles stériles, nous avons décidé de distribuer des trousses d'eau de javel. Le partage des seringues est dangereux - c'est ce que nous disons aux détenus - mais les trousses d'eau de javel sont là pour permettre aux détenus de nettoyer leurs seringues s'ils se livrent à ce genre d'activités à risque élevé. Dans certains milieux de toxicomanes, il est de tradition de partager la seringue à l'intérieur du groupe. Nous devons donc intervenir sur différents terrains, et c'est ce que nous faisons, je crois.
Il est vrai que je me suis déjà opposé à la distribution de condoms devant le comité sénatorial. J'ai dit la même chose que maintenant, à savoir que nous étudions la question et que nous voulons comprendre toutes les conséquences de notre action avant de l'entreprendre.
Le 1er janvier 1992, nous avons estimé avoir une meilleure compréhension de la situation et nous avons commencé à distribuer des condoms dans les prisons. Nous ne refusons pas de changer de point de vue si nous avons la preuve que nous faisons erreur. En ce qui concerne le programme de méthadone, il est important de faire une distinction entre ceux qui participent déjà à un programme d'entretien lorsqu'ils arrivent en prison, et ceux qui voudraient commencer à en prendre en prison. Le programme de Colombie-Britannique mentionné par M. Jürgens s'adresse à des personnes qui ont déjà commencé à prendre de la méthadone.
Le président: Monsieur Jürgens.
M. Jürgens: Effectivement, le programme de Colombie-Britannique permet seulement aux personnes qui prenaient de la méthadone à l'extérieur de continuer à en prendre en prison, mais les autorités carcérales envisagent de permettre à des détenus de commencer à prendre de la méthadone en prison. De nombreux services pénitenciers à l'étranger permettent aux détenus de commencer à en prendre. C'est donc une perspective qui existe.
Le président: Merci beaucoup.
Je tiens à remercier les témoins de leur participation. Je puis vous donner l'assurance que tous vos commentaires sont pris en note et seront inclus dans notre rapport. Vous nous avez été très utiles et nous avons beaucoup appris. Merci à tous et à chacun. Comme je l'ai dit au départ, nous espérons faire quelque chose de positif dont il sera tenu compte par la suite.
La séance est levée.