[Enregistrement électronique]
Le mercredi 25 septembre 1996
[Traduction]
Le président suppléant (M. Godfrey): Je tiens à préciser aux membres du comité et aux membres substituts que M. English qui préside habituellement le sous-comité avait d'autres engagements, d'où ma présence dans le fauteuil aujourd'hui.
J'aimerais demander à M. Crawford s'il veut bien se joindre à nous, à la table. Il y a beaucoup de place, et nous serions heureux de l'avoir parmi nous. La visite d'autres parlementaires, y compris de Mme Finestone, nous fait toujours plaisir.
Nous n'arrivons pas à nous rappeler si M. Martin, du Parti réformiste, devait être ici aujourd'hui, mais nous espérons qu'il viendra.
[Français]
Certains documents sont en anglais seulement et ne seront pas donc pas distribués par les représentants parlementaires. Les témoins en ont apporté des exemplaires et les ont peut-être distribués à certains membres du comité.
[Traduction]
La séance d'aujourd'hui sera consacrée à entendre les porte- parole de plusieurs groupes à deux sujets. Il faut préciser que nos travaux porteront surtout, cet automne, sur la question du travail des enfants dans les pays en développement et sur leurs droits. Toutefois, nous sommes aussi conscients que la main-d'oeuvre enfantine n'est pas une question isolée, qu'il existe, dans diverses sociétés, d'autres questions très importantes en matière de droits de la personne. Nous croyons savoir également que nos visiteurs d'aujourd'hui auront peut-être quelque chose à dire au sujet de la question plus générale des droits de la personne dans les pays qui les intéressent.
Je fais donc appel à votre indulgence: aujourd'hui, nous ferons d'une pierre deux coups, c'est-à-dire que nous étudierons la question plus générale des droits de la personne dans certains pays et, lorsqu'il y a lieu, que nous nous arrêterons aux questions que soulève la main-d'oeuvre enfantine dans ces mêmes pays.
Quatre organismes nous ont envoyé des porte-parole aujourd'hui. Je demanderais à chacun de se présenter.
M. Thu-Van Lam (commissaire des droits de la personne, Fédération vietnamienne du Canada): Bonjour, je suis Thu-Van Lam et je représente la Fédération vietnamienne du Canada.
M. Minh Tri Truong (Fédération vietnamienne du Canada): Mon nom est Minh Tri Truong, et je suis également de la Fédération vietnamienne du Canada.
M. Hai Ngo (coordonnateur, International Committee for a Free Vietnam): Je m'appelle Hai Ngo et je suis coordonnateur général du International Committee for a Free Vietnam dontRex Crawford est le président.
M. Tan Tri Nguyen (Alliance for Democracy in Vietnam): Moi, je suis Trin Nguyen. J'ai été détenu arbitrairement au Viet Nam. Je représente l'Alliance for Democracy in Vietnam.
Mme Rebecca To (Federation for a Democratic China, Democracy China-Ottawa): Bonjour, je suis Rebecca. Je remplace mon époux, Michael To, qui est président de la Federation for a Democratic China. Il préside également Democracy China-Ottawa.
Mme Penny Sangar (Canadian Friends of Burma): Je m'appelle Penny Sangar, et voici Kevin Heppner. Nous sommes tous deux du Canadian Friends of Burma.
Le président suppléant (M. Godfrey): Le plus merveilleux, c'est que tous nos invités se sont regroupés pour produire à notre intention un ordre du jour, ce qui me fait facilite beaucoup la tâche. Je crois donc que je me contenterai de faire essentiellement ce qu'on me demande. J'ai constaté que, dans la vie, particulièrement dans la vie conjugale, cette décision est fort sage.
J'ignore combien d'autres membres du comité en ont reçu un exemplaire. Avez-vous tous l'ordre du jour proposé? Je crois que l'on est en train de le distribuer pendant que je parle. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le suivre.
[Français]
Vous avez reçu vos exemplaires, madame Debien et monsieur Paré? Vous êtes d'accord sur l'ordre du jour?
[Traduction]
J'invite donc, comme le propose l'ordre du jour, la Fédération vietnamienne du Canada à faire son exposé, après quoi nous en discuterons.
J'aimerais demander aux auteurs de l'ordre du jour s'ils ont prévu que toutes les questions seront posées à la fin et si toute la période de 15 minutes est consacrée aux exposés?
M. Lam: J'aimerais réserver les 20 dernières minutes ou la dernière demi-heure à la discussion.
Le président suppléant (M. Godfrey): Voici ce que je vous propose: il vaut mieux, si l'on veut avoir une demi-heure de discussion, faire des exposés courts. La séance a débuté cinq minutes avant l'heure, ce qui nous donne cinq minutes de plus de débat. Un peu de discipline! Veuillez commencer votre exposé.
M. Lam: Avant de commencer, j'aimerais remercier le sous- comité, au nom des porte-parole des quatre organismes oeuvrant pour le respect des droits de la personne dans des pays asiatiques. Nous sommes responsables, croyons-nous, de vous renseigner sur la réalité de la vie dans ces pays, qui font beaucoup de commerce avec le Canada. Nous vous savons gré de nous donner l'occasion de vous parler de ces pays asiatiques, particulièrement du Viet Nam.
Nous sommes extrêmement reconnaissants aux Affaires étrangères d'avoir soulevé la question des droits de la personne au Viet Nam lors de la réunion du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, en novembre dernier.
J'espère que les renseignements que nous vous donnerons aujourd'hui vous seront utiles pour rendre l'aide du Canada plus efficace et le commerce avec ces pays plus avantageux pour le Canada comme pour les pays comme la Birmanie, la Chine et le Viet Nam.
J'invite maintenant mon collègue, M. Tri Truong, à prendre la parole en premier.
M. Truong: Je vous remercie.
Je représente la Fédération vietnamienne du Canada, organe de coordination des associations membres de tout le Canada. Nos membres sont essentiellement des réfugiés vietnamiens qui sont arrivés au Canada durant les années 1970 et 1980.
Nous tenons à vous décrire les conditions de vie actuelles au Viet Nam, dans la mesure où elles intéressent la politique étrangère du Canada. Nous espérons ainsi aider le gouvernement du Canada et le ministère des Affaires étrangères à mieux évaluer un pays dont les liens commerciaux avec le Canada se resserrent.
À notre avis, la réforme actuellement entreprise au Viet Nam par le régime communiste n'est qu'une solution superficielle aux nombreux problèmes de ce pays et ne fait qu'y enraciner la corruption et les pratiques illégales.
Comme bon nombre d'entre vous le savent peut-être, le Viet Nam s'est lancé dans un programme de réforme vers la fin des années 1980. Jusqu'ici, il s'est buté à de nombreux obstacles, et il semble que le problème fondamental demeure: la structure politique du pays à laquelle le gouvernement refuse de s'attaquer. Jusqu'ici, il a réussi à éviter la réforme politique.
Ce que la réforme actuelle n'a pas réussi à accomplir, c'est de se débarrasser du régime unipartite du Viet Nam. Le conservatisme politique de ce pays représente, selon nous, un des principaux obstacles à la réforme dont la portée, comme nous nous en rendons compte maintenant, ne peut plus se limiter à l'économie si l'on souhaite réaliser une croissance à long terme et un développement durable.
Le Viet Nam semble avoir besoin que la communauté internationale lui rappelle constamment qu'il faut effectuer des changements d'envergure et plus productifs.
Cette année, a eu lieu, au Viet Nam, le huitième congrès du Parti communiste. L'événement a marqué une importante progression dans le processus décisionnel du pays. Il s'agit, en réalité, du plus important événement tenu par le parti au pouvoir, tous les cinq ans. Lors de ce congrès, l'ambivalence vietnamienne face au changement a eu pour conséquence que le parti au pouvoir a réaffirmé le rôle de l'État dans l'économie alors que le gouvernement appuie une plus grande libéralisation du marché. Par conséquent, le Viet Nam est ballotté par deux courants opposés.
Une position aussi incohérente témoignait au mieux de la piètre appréciation que font les dirigeants des liens étroits qui existent entre les institutions politiques et économiques et faisait ressortir la nécessité d'assortir la réforme économique d'une réforme politique.
En plus de limiter la libéralisation économique, le monopole permanent exercé par le Parti communiste entraîne aussi le non- respect de droits de la personne fondamentaux au Viet Nam. Là aussi, ce sont d'autres conséquences du manque de réforme politique au Viet Nam. On impose de sérieuses restrictions à l'exercice du droit à la liberté religieuse, du droit à la liberté d'expression et du droit à la liberté de presse, ainsi que du droit d'assemblée et d'association pacifiques.
De 1976 à aujourd'hui, de nombreux Vietnamiens ont été à plusieurs reprises arrêtés pour avoir pacifiquement revendiqué un régime pluraliste permettant une plus grande liberté d'expression et la pratique religieuse. L'ampleur des décisions arbitraires au pays est aggravée par un système judiciaire imparfait et politiquement partial.
Les Nations Unies ont envoyé un groupe ayant pour mission d'étudier les détentions arbitraires au Viet Nam. Ce groupe a fait plusieurs recommandations à son retour, en 1994. Il cherchait, par ces recommandations, à remédier au manque de transparence et d'impartialité du système judiciaire vietnamien. Cependant, les autorités vietnamiennes ont jusqu'ici rejeté les recommandations.
Mes autres collègues vous en diront davantage au sujet des autres conséquences qu'a le manque de liberté politique, sur le plan tant des conditions de détention que des droits des enfants, au Viet Nam.
Étant donné la situation que je viens de vous décrire, que peut faire le Canada pour favoriser le changement et le développement au Viet Nam?
La communauté vietnamienne du Canada appuie la politique d'engagement adoptée jusqu'ici par le Canada dans ses relations avec le Viet Nam, dans la mesure où l'établissement et l'entretien de voies de communication favorisent un dialogue efficace et préservent les liens. Nous souhaitons que le contact avec le Viet Nam contribue à promouvoir le changement dans ce pays. Dans cette optique, les critères d'efficacité de la politique étrangère auront peut-être besoin d'être revus périodiquement, l'essentiel étant de réussir à favoriser le changement.
En tant que Canadiens d'origine vietnamienne, nous sommes conscients de la tradition démocratique du Canada et de sa réputation dans le domaine des droits de la personne. Nous sommes également sensibles au fait que, durant cette période de mondialisation, il faut que le Canada revoie sa politique étrangère pour tenir compte d'impératifs internationaux et régionaux.
Ceux qui favorisent la conciliation insisteront peut-être sur le besoin pour le Canada d'être compétitif et s'opposeront au recours patent à des mesures économiques pour favoriser le changement politique dans des pays comme le Viet Nam, ceux-là même où, selon nous, un changement politique s'impose.
Par contre, vu sous un angle plus général et plus global qui tient compte des questions de développement durable et de démocratisation, la situation pourrait justifier l'adoption d'une position plus responsable et plus affirmative. L'adoption par le Canada d'une telle position pourrait à long terme s'avérer des plus avantageuses puisqu'elle engagerait le Canada à réaliser des objectifs d'organismes multilatéraux dans la mesure où ils s'appliquent aux besoins et aux droits de la population de son partenaire, c'est-à-dire dans la mesure où ils s'appliquent aux Vietnamiens.
Nous avons plusieurs propositions à faire au gouvernement du Canada et au ministère des Affaires étrangères: soulever la question des graves violations de droits de la personne au Viet Nam auprès des dirigeants du gouvernement vietnamien, leur demander de manifester leur volonté de respecter les droits de la personne, entre autres en libérant les dissidents non violents, et leur imposer ce respect comme une condition préalable à l'amélioration des relations commerciales entre le Canada et le Viet Nam. À notre avis, une démocratisation du Viet Nam contribuera à assurer un plus grand respect de la règle du droit qui, à défaut d'autre chose, peut faciliter l'expansion des relations commerciales dans ce pays.
Deuxième point, nous vous demandons de transmettre au premier ministre du Canada nos préoccupations causées par la contradiction entre la politique énoncée des libéraux et l'agenda commercial actuel du gouvernement libéral dominé par le commerce avec des pays asiatiques comme la Birmanie, la Chine et le Viet Nam, qui ne font pas très bonne figure en matière de respect des droits de la personne.
Nous ne sommes pas d'accord que des échanges commerciaux avec ces pays favoriseront, à eux seuls, la démocratisation à moins que des conditions précises n'y soient associées et à moins que ces pays ne puissent être persuadés d'emprunter la voie de la démocratie, par exemple en tenant des élections libres, en procédant à des procès équitables et en respectant la règle du droit.
Dernier point, nous demandons au Canada d'assumer le rôle de chef de file au sein des tribunes internationales comme l'APEC, la Francophonie, et les Nations Unies en vue de sensibiliser la République socialiste du Viet Nam aux normes internationales en matière de droits de la personne, d'aider à l'obliger à s'y conformer et d'en assurer le suivi. Nous savons que le Viet Nam souhaite devenir membre de l'APEC; nous souhaitons que le respect des droits de la personne soit un critère dans l'évaluation des candidats à l'adhésion à ce groupe.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président suppléant (M. Godfrey): Je vous remercie beaucoup. Voilà une entrée en matière fort utile.
C'est maintenant au tour de M. Hai Ngo de prendre la parole pour le compte du International Committee for a Free Vietnam.
M. Ngo: Monsieur le président, membres du comité, au nom du International Committee for a Free Vietnam, j'aimerais vous entretenir brièvement de cet organisme, de même que de ses buts et objectifs.
L'International Committee for a Free Vietnam a été fondé en 1984 par feu M. Huy et il a été officiellement inauguré en décembre 1986, à Bruxelles. En 1989, la première section canadienne a été inaugurée, sous la présidence de David Kilgour, de David Walker et de Howard McCurdy. Cette année-là, elle comptait 33 députés. De 1989 à 1994, c'est M. Kilgour qui en était le président. De 1994 à 1996, ce fut au tour de Ted McWhinney. Le président actuel de la section canadienne estM. Rex Crawford. Nous comptons maintenant 97 députés et ex-députés.
La section canadienne a été la première. Nous en avons maintenant une seconde: la section américaine.
[Français]
La section américaine a été inaugurée le 6 novembre 1991 à Washington sous la présidence de M. Paul Vankerkhoven, le président mondial, avec le membre du Congrès américain Robert Dornan, premier président de la section américaine. À ce jour, la section américaine compte 180 membres dont des députés, sénateurs et personnalités politiques aux États-Unis.
Un autre comité international a été inauguré le 15 octobre 1992 à Canberra en Australie. Il a compté sur la participation de M. Crawford et était sous la présidence de M. Stephen Young et du général Homer Smith. La présidence est actuellement assumée par le sénateur Jim Short, maintenant ministre des Finances, et la sénatrice Helen Coonan.
Le député Philip Rudock, ministre des minorités ethniques et de l'immigration, en fait aussi partie.
[Traduction]
Nous avons pour but de promouvoir la démocratie, la liberté d'expression et la liberté d'information. Nous prônons ce genre de démocratie pour les Vietnamiens à l'intérieur du Viet Nam, avec l'appui des Vietnamiens à l'étranger. Nous soulevons toujours la question des recommandations, en exhortant le gouvernement du Canada et la communauté internationale à presser le gouvernement du Viet Nam de libérer immédiatement toutes les personnes incarcérées ou détenues pour avoir exercé paisiblement leurs droits civils et politiques fondamentaux.
Nous exhortons aussi le gouvernement du Canada, ainsi que la communauté internationale, à inciter le gouvernement du Viet Nam à changer et à rendre ses lois conformes aux normes internationales en matière de droits de la personne ainsi qu'à éliminer les violations des droits fondamentaux des Vietnamiens.
Nous aimerions aussi demander au gouvernement du Canada d'aider le gouvernement du Viet Nam à réaliser... de son système juridique et pénal, tel que recommandé par les Nations Unies: une équipe de travail en matière de détention arbitraire; pour les observateurs de l'extérieur, demander l'accès aux tribunaux, aux prisons, aux camps de travail... qui sont assignés à d'autres formes de détention. C'est le cas actuellement d'un chef religieux bouddhiste, qui est isolé dans un certain secteur. Si une délégation canadienne, surtout le comité des affaires étrangères, se rendait au Viet Nam, nous aimerions que l'on demande ce genre d'accès.
Je ne voudrais pas prendre davantage de votre temps. M. Tri, membre de l'Alliance for Democracy in Vietnam, s'est rendu au Viet Nam pour aider à organiser la conférence économique. Jusqu'en 1995, il était un prisonnier politique au Viet Nam. Je cède maintenant la parole à M. Tri.
M. Nguyen: Monsieur le président et membres du comité des affaires étrangères, je m'appelle Nguyen Tan Tri.
Je crois savoir que la communauté vietnamienne du Canada s'est adressée à votre comité, l'an dernier. Dans son exposé, elle a parlé des violations des droits de la personne au Viet Nam en citant des exemples de cas vécus par certains étrangers d'origine vietnamienne. Mon nom figurait parmi tant d'autres dans cet exposé.
Avant de commencer, j'aimerais vous remercier tous - le comité des affaires étrangères, la Chambre des communes et le gouvernement du Canada - d'avoir usé de votre influence et d'être intervenu auprès du gouvernement communiste du Viet Nam. Je suis convaincu que je dois ma libération ainsi que celle de mes collègues à la collaboration de votre gouvernement avec d'autres démocraties libérales.
Je veux également vous remercier de m'avoir invité à prendre la parole ici aujourd'hui au sujet de la conjoncture actuelle au Viet Nam.
Je vous décrirai des abus commis au Viet Nam par le régime communiste. Vous êtes tous probablement conscients des violations des droits de la personne qui y ont été commises dans le passé. Les mauvais traitements persistent encore aujourd'hui au Viet Nam. Je sais de quoi je parle: j'en ai malheureusement été le témoin pendant deux ans.
Je m'explique: en 1993, un groupe d'Américains d'origine vietnamienne et moi souhaitions organiser une conférence au Viet Nam. Nous nous y sommes rendus pour aider le Mouvement pour l'unité du peuple et la démocratie au Viet Nam en y organisant une conférence internationale de développement économique. Des groupes de gens d'affaires, des représentants gouvernementaux, et ainsi de suite, devaient assister à cette conférence, à Ho Chi Minh-Ville. Certains députés de la Chambre des communes du Canada prévoyaient, eux aussi, y assister. Le thème était la croissance économique du Viet Nam. Pareille conférence n'a rien d'inusité, en Occident.
Bien que nous ayons obtenu du gouvernement communiste du Viet Nam l'autorisation de tenir la conférence et de l'organiser à un certain hôtel, notre groupe a été arrêté deux semaines avant le début de la conférence. Ses membres étaient accusés de complot en vue de renverser le gouvernement.
Tout ce dont j'ai été témoin et tout ce que j'ai enduré vous sera décrit. Rappelez-vous que je n'ai pas été le seul à vivre cette expérience. J'ai rencontré des centaines de personnes dans la même situation que moi durant ma détention.
Le gouvernement communiste du Viet Nam nie immanquablement qu'il y ait des violations des droits de la personne. Il a publiquement déclaré au monde entier que le Viet Nam respecte la liberté, la démocratie et les droits de la personne, afin d'alléger les pressions de l'embargo américain et de remédier à l'isolement de la communauté internationale.
En Occident, nous vivons dans un régime pluripartite et le régime parlementaire permet la discussion libre de toutes les décisions gouvernementales. Par contraste, le Viet Nam est sous la houlette d'un petit groupe de dirigeants du Parti communiste vietnamien et du gouvernement. Ils ont le monopole entier de toute l'activité gouvernementale. Ils procèdent à des arrestations arbitraires et oppriment tout organisme, groupe ou particulier qui ose faire part de ses préoccupations ou laisse savoir qu'il souhaite la liberté, la démocratie et un changement politique pacifique.
Au chapitre de l'économie, le gouvernement communiste vietnamien est prêt à faire tout ce qu'il faut pour attirer les entreprises et l'investissement étranger. Il ferme les yeux sur les Vietnamiens de l'étranger qui investissent et font des affaires au Viet Nam. Une fois sur place, ces Vietnamiens sont à la merci du pouvoir qui leur confisque leurs biens et leurs avoirs commerciaux. Ces pratiques scandaleuses sont illégales ici. Pourtant, au Viet Nam, comme il n'y a pas de loi assurant la protection des gens, cela ne peut être illégal.
Le fait qu'il n'y ait pas de système juridique donne lieu à des abus de pouvoir. J'en ai fait l'expérience au cours de ma détention au Viet Nam. Pour tromper l'opinion publique internationale, le Viet Nam a annoncé la création d'un appareil judiciaire avec une branche criminelle et une branche civile. Toutefois, le gouvernement n'applique pas et ne pratique pas la loi. Les arrestations et les procès dépendent uniquement de la décision du dirigeant local du Parti communiste.
Dans mon cas, j'ai été arrêté et on m'a demandé de signer un document d'arrestation et d'emprisonnement temporaire afin de justifier légalement une détention temporaire. C'est arrivé uniquement parce que je suis un ressortissant américain. Cette étape n'existe absolument pas pour les ressortissants vietnamiens. Après l'expiration de mon document d'arrestation et d'emprisonnement temporaire, le gouvernement communiste vietnamien a continué à me laisser en prison sans prononcer de sentence, sans jugement et sans audience. Après de nombreuses objections et protestations, les pouvoirs locaux vietnamiens m'ont annoncé que rien ne pouvait être fait tant qu'ils ne recevraient pas d'ordre du dirigeant le plus haut gradé. Cette situation a duré très longtemps.
Beaucoup de prisonniers politiques ont été arrêtés au Viet Nam et, jusqu'à présent, n'ont pas eu de procès. En cas de procès, les défendeurs ne jouissent d'aucune protection juridique. Dans les affaires politiques, les procès se déroulent à huis clos, ne sont pas annoncés et ne prévoient pratiquement aucune représentation par avocat. Dans mon cas, nous n'avons pas eu d'avocat du tout.
Lorsqu'une personne est arrêtée, un enquêteur l'interroge et rédige un rapport. Ce rapport est alors présenté comme preuve au procès, si un procès a lieu. L'accusé ne peut pas discuter du contenu du rapport de l'enquêteur ni le contester, même s'il n'est pas exact. Le contenu du rapport peut toutefois être modifié si vous avez l'argent nécessaire pour soudoyer l'enquêteur.
Dans mon cas personnel, j'ai contesté le rapport devant le juge à cause d'accusations fausses portées contre moi. On m'a renvoyé comme si je n'avais jamais parlé. Le jugement est purement arbitraire et ne se fonde pas sur la jurisprudence ou une loi codifiée.
Ainsi par exemple, j'étais emprisonné avec un autre ressortissant américain qui était membre du comité organisateur de la conférence. À notre premier procès, nous avons été condamnés à sept ans et quatre ans d'emprisonnement respectivement. J'ai protesté le verdict. Mon ami, M. Tran Quang Liem, s'en est abstenu. Il ne pensait pas que protester changerait la durée de notre sentence. Au cours du deuxième procès, M. Liem n'était pas présent. Non seulement le juge n'a-t-il pas modifié ma sentence, mais il n'a pas non plus changé celle de M. Liem. Le juge a déclaré que le verdict qui s'appliquait à moi n'était pas justifié. Il a alors déclaré qu'il prononcerait une nouvelle sentence. Ce qui est ironique, c'est que la nouvelle sentence était la même que la première.
Autre exemple, pendant ma détention, j'ai partagé ma cellule avec un garçon de 13 ans qui avait été arrêté à la suite d'une dispute où un autre jeune avait été blessé. Ce garçon a été jugé comme un adulte et condamné à cinq ans de prison.
Ces exemples vous montrent qu'au Viet Nam, les procès et le processus pénal sont arbitraires et ne sont qu'une formalité qui permet de justifier les décisions du gouvernement communiste du Viet Nam. Les jugements sont mal rendus, le juge respectant la décision du dirigeant haut gradé du Parti communiste.
Au cours de ma détention, j'ai vu mes coprisonniers être battus et torturés. Mis à part les mauvais traitements infligés aux détenus et aux prisonniers politiques, le gouvernement communiste vietnamien utilise tous les moyens pour exercer des pressions sur les prisonniers. Il menace la sécurité de la famille du prisonnier au Viet Nam, le questionne aux petites heures de la nuit. Mentalement exténué, physiquement épuisé, le prisonnier est à la merci de ses interrogateurs.
Beaucoup d'entre vous avez entendu parler des conditions difficiles dans lesquelles vivent les prisonniers ou en avez vu la description dans des films ou des livres. Permettez-moi de vous dire que cela n'a rien à voir avec la réalité qui est bien pire.
Je me suis retrouvé dans une petite cellule de six mètres carrés, avec trois autres prisonniers. Chacun de nous disposait d'un espace équivalent à un mètre pour dormir, s'asseoir et marcher. Nous dormions sur le sol en ciment. Il y avait également une toilette dans la cellule qui était bouchée la plupart du temps, si bien que souvent, les excréments débordaient. Nous recevions une ration de dix litres d'eau par jour pour boire, nous laver, nettoyer, laver nos vêtements, etc. Il n'y avait dans cette cellule qu'un trou de onze centimètres carrés pour nous permettre de respirer. L'un après l'autre, chacun s'approchait de ce trou pour respirer. Compte tenu de telles conditions insalubres, il est courant que les prisonniers aient toute sorte de maladies, la gale, etc. Tout médicament autorisé, apporté par les familles, se révèle inutile.
Au Viet Nam, les prisonniers politiques et les chefs religieux sont incarcérés dans un endroit distinct et isolé. Ils sont torturés physiquement et mentalement, leur réputation et leur dignité sont injuriées chaque jour.
Le Viet Nam n'autorise pas des groupes extérieurs ou des organismes humanitaires internationaux à contrôler ou inspecter ses prisons.
Les atrocités que l'on vous a décrites font malheureusement partie des réalités de la vie des habitants du Viet Nam. Non seulement doivent-ils travailler dur, mais aussi ne peuvent-ils pas jouir librement de leur terre.
Je supplie votre comité de prendre en compte la réalité des violations des droits de la personne qui se produisent au Viet Nam. J'incite le gouvernement canadien à en tenir compte, lorsqu'il traite avec le gouvernement communiste du Viet Nam. Ma libération et celle de mon ami sont les premières du genre au Viet Nam depuis 1975. Elles ont été possibles, car les pays de la communauté internationale se sont penchés sur la question et ont exercé des pressions sur le gouvernement vietnamien.
Les pressions exercées par les États-Unis conjointement avec le Canada et l'Australie sur le gouvernement communiste vietnamien à propos des violations des droits de la personne au Vietnam ont porté fruit. En 1993, une semaine après la visite de M. Christopher, secrétaire d'État américain, le gouvernement communiste du Viet Nam a condamné le professeur Nguyen Dinh Huy à quinze ans, ainsi que d'autres membres du Mouvement pour l'unité du peuple et la démocratie à des peines de quatorze ans à quatre ans. Des chefs religieux bouddhistes et tous les autres prisonniers politiques qui avaient soulevé la question de la liberté et de la démocratie pour le peuple vietnamien ont également été condamnés après le départ de M. Christopher.
Grâce aux pressions exercées par les pays occidentaux, le gouvernement communiste vietnamien a accepté de me libérer ainsi que de libérer mon ami, M. Liem. Nous avons été rapidement déportés du Viet Nam et finalement libérés en 1995. Le Canada, les États- Unis, l'Australie et l'Europe ont joué des rôles clé dans le passé à l'égard des violations des droits de la personne perpétrées par le gouvernement communiste vietnamien. Avec votre appui constant, je suis confiant que la liberté et la démocratie reviendront un jour au Viet Nam.
Monsieur le président, membres du Comité des affaires étrangères, j'ai reçu hier soir une télécopie des chefs de la religion Cao Dai en Ontario qui soulèvent la question de l'arrestation de leurs chefs au Viet Nam. Nous vous demandons instamment de prendre les mesures pertinentes et d'user de votre influence pour obtenir la libération des chefs de la religion Cao Dai au Viet Nam.
J'aimerais de nouveau saisir l'occasion qui m'est offerte pour remercier le président et les membres du comité d'avoir exercé des pressions sur le gouvernement du Viet Nam communiste en faveur de mon compatriote, M. Liem, et de moi-même. Nous sollicitons encore votre aide précieuse pour obtenir la libération du professeur Nguyen Dinh Huy et des membres du Mouvement pour l'unité du peuple et la démocratie. Merci.
Le président suppléant (M. Godfrey): Merci, monsieur Tri. Je crois que nous nous rendons tous compte qu'il vaut beaucoup mieux entendre des témoignages de première main au sujet des violations que d'en lire le récit. Merci.
Nous passons maintenant à M. Lam, qui dispose de 15 minutes pour nous parler du travail et de la situation des enfants au Viet Nam.
M. Lam: Monsieur le président et honorables membres du sous- comité, la situation des enfants au Viet Nam n'est pas meilleure que celle des hommes ou des femmes. Toute discussion sur le travail des enfants et d'autres questions de travail au Viet Nam tend à faire ressortir l'absence de tout cadre juridique susceptible d'évaluer les activités et les pratiques dans ce domaine. En fait, au Viet Nam, le droit du travail reste inadéquat et ne résout pas les questions essentielles comme la réglementation des salaires, la protection de la santé des travailleurs, la sécurité des travailleurs et les syndicats.
Les employés et les travailleurs n'ont pas le droit de créer des syndicats indépendants pour faire part de leurs préoccupations; ils doivent adhérer à des syndicats parrainés par l'État. En d'autres termes, les grèves sont sévèrement limitées par le gouvernement. Il n'y a pas non plus d'âge limite pour l'embauche des travailleurs, si bien qu'il est courant d'employer des enfants. L'embauche se fait souvent de façon informelle à l'extérieur du lieu de travail et peut également être facilitée par des pots-de- vin. Les employés mineurs ont la préférence, à cause des plus bas salaires qu'il faut leur verser.
On a besoin de davantage de données sur les questions de travail, ainsi que sur d'autres sphères d'activités au Viet Nam, mais le Viet Nam a tendance à considérer toute enquête internationale comme de l'ingérence dans ses affaires internes. Par conséquent, la documentation dont on dispose actuellement est fondée sur des sources privées comme les journaux étrangers ou nationaux.
Ces sources de nouvelles permettent de donner un aperçu des conditions dans les grands centres urbains où les pauvres émigrent en grand nombre pour fuir la campagne des régions du centre où sévit la famine. Il est tout à fait courant de voir dans les villes des enfants qui essayent de gagner leur vie dans la rue comme vendeurs de journaux, de galettes de riz, de billets de loterie, de charbon. Ils sont parfois cireurs de chaussures, transporteurs de marchandises ou conducteurs de pousses, employés par des coopératives d'État. Combien gagnent-ils par jour? Parfois de 40 à 60 cents américains.
Alors qu'il s'agit là d'emplois très mal payés, ils offrent moins de risques d'abus comparés aux emplois dans les services de la restauration ou de l'hôtellerie, lesquels peuvent facilement conduire à la prostitution. Dans le Paris-Match de juin 1994, on pouvait lire que sur les 100 000 prostituées enregistrées, la plupart formées par le gouvernement et ses offices de tourisme, la moitié étaient âgées de moins de 18 ans. Lorsque Jean-Claude Guillebaud raconte sa visite dans un club de nuit financé par la police de la ville de Hanoi, il doit admettre que les serveuses sont des adolescentes qui, en Europe, ne pourraient même pas entrer dans un bar à cause de leur jeune âge.
Les enfants s'adonnent à une autre activité: ils mendient dans la rue auprès des touristes ou vont manger leurs restes. À l'entrée des restaurants, on voit toujours un groupe d'enfants de six à dix ans, anémiques et amaigris, qui attendent le départ des clients pour finir leurs assiettes. Par ailleurs, on peut voir beaucoup d'enfants sur les terrains de décharge chercher des objets réutilisables qu'ils peuvent revendre. On dit que tous ces enfants sont prédisposés à d'innombrables maladies à cause d'un manque d'hygiène et d'une mauvaise alimentation.
Dans la campagne ou dans les montagnes, il est courant que les enfants de sept à quinze ans aident leurs parents. Beaucoup d'enfants manquent également l'école pour garder leurs jeunes frères et soeurs. Dans un district près de Ho Chi Minh-Ville, sur 56 000 enfants, plus de 11 000 ne pouvaient aller à l'école, car ils devaient aider leurs familles à gagner leur vie.
Le problème le plus grave qui se pose est celui des adolescentes de moins 16 ans qui sont vendues à des réseaux professionnels de prostitution ou des organisations de tourisme du sexe. Ces jeunes filles sont extrêmement vulnérables aux maladies sexuellement transmissibles, puisqu'elles ne sont pas protégées par des mesures de prévention de la santé. Comme au Cambodge, on assiste donc à une intensification du sida au Viet Nam et l'on risque de ne plus pouvoir endiguer cette maladie.
Les statistiques indiquent ce qui suit: prostituées de moins de 16 ans, 7 p. 100; toxicomanie chez les jeunes de moins de 15 ans, 8 p. 100; prostituées atteintes de maladies sexuellement transmissibles, 10 p. 100. Très souvent, ces adolescentes de la rue peuvent finir en prison, où elles sont détenues avec des criminels adultes ou des prisonniers politiques et où elles sont exposées à tout genre d'abus.
Nguyen Chi Thien, poète vietnamien, qui a passé 26 ans en prison pour son oeuvre, parle des enfants dont il a partagé la cellule au Viet Nam:
À leur arrivée en prison, ces enfants sont ravissants; tout petits,
ils n'ont pas besoin de pantalons, étant donné que la chemise des
prisonniers leur arrive aux chevilles.
Je cite un autre poème intitulé Le Petit:
Oh, membres de l'humanité, pouvez-vous imaginer pareille chose? Un
prisonnier de huit ans? Pourtant, au cours de ma longue vie de
prisonnier, j'en ai rencontré des milliers.
Pourquoi les enfants doivent-ils avoir de si nombreuses activités pour survivre? Pour le comprendre, il est important d'évaluer la situation générale des enfants au Viet Nam. D'après la Banque mondiale, le Viet Nam est l'un des pays les plus pauvres du monde, même si depuis 1993, il s'agit du troisième exportateur de riz.
D'après un rapport de l'ACDI publié en janvier 1996, le revenu per capita au Viet Nam s'élève à 170 $ américains. L'aide internationale et bilatérale apportée par l'entremise d'organismes comme la Banque mondiale, l'UNICEF, la Francophonie et l'ACDI n'ont pas empêché les conditions sociales de péricliter au Viet Nam. Cela a des répercussions sur la santé et l'éducation des enfants, en particulier.
Sous un régime autoritaire et coercitif comme celui du Viet Nam, la plupart du budget national est affectée aux soi-disant secteurs de sécurité qui occupent l'armée et la police. Seule une petite part du budget est affectée aux programmes sociaux comme les soins de santé, la culture et l'éducation. Les services de santé sont payants.
À l'hôpital, les patients doivent payer leur chambre, les médicaments et les consultations des médecins et soudoyer d'autres travailleurs hospitaliers pour obtenir des soins adéquats. Le taux de mortalité des enfants de moins d'un an est de 54 p. 100. Par ailleurs, 25 p. 100 de la population souffre de problèmes d'alimentation et 45 p. 100 des enfants de moins de cinq ans sont d'un poids insuffisant. Le Viet Nam est toutefois connu comme étant le troisième exportateur de riz du monde.
Malgré la pénurie de riz dans le nord et le centre du Viet Nam, le gouvernement continue d'augmenter les exportations de riz du pays. Ce problème s'explique par un mauvais calcul des besoins, assorti à une mauvaise coordination des politiques économiques.
Dans le domaine de l'éducation, les enseignants sont gravement sous-payés et doivent avoir des emplois supplémentaires comme vendre des médicaments sur le marché noir, donner des leçons particulières, vendre des pâtisseries, conduire des taxis. Les écoles sont mal meublées et sont sous-équipées, quand bien même les élèves doivent payer leurs études primaires et secondaires.
Les inscriptions peuvent dépendre de coûts supplémentaires, de soi-disant contributions, sans lesquelles les demandes sont rejetées par les autorités scolaires. Ainsi, plus de 30 p. 100 des enfants âgés de 10 à 18 ans ne peuvent aller à l'école. Beaucoup d'entre eux doivent aller sur le marché du travail.
En 1995, le rédacteur du Los Angeles Times indiquait que la société export-import du gouvernement employait 100 enfants mineurs.
Même si les enfants finissent leurs études, les perspectives d'emploi demeurent sombres pour les diplômés, alors que les chances de ceux qui ont l'expérience du commerce sont bien meilleures.
On n'accorde donc pas une grande valeur sociale ou économique à l'éducation. Pour beaucoup, il ne vaut tout simplement pas la peine d'aller à l'école et les familles ont souvent besoin de leurs enfants pour gagner plus d'argent.
C'est pour les raisons ci-dessus que d'après les statistiques officielles faites à Hanoi en décembre 1994, on dénombre 2,2 millions d'analphabètes sur une population de 29 millions. Cela correspond à 8 p. 100 de la population des 15-35 ans. Cinquante mille enfants de moins de 18 ans vivent dans les rues de Hanoi; c'est la même chose à Ho Chi Minh-Ville. Ces enfants connaissent la malnutrition, une mauvaise hygiène, la toxicomanie, la violence, les abus sexuels, la prostitution et la criminalité.
Pour terminer, la situation des enfants au Viet Nam suscite une vive inquiétude. Comme l'avenir d'un pays repose sur ses jeunes, celui du Viet Nam semble sombre. Le pays peut avoir du mal à se développer vraiment si ses enfants sont privés de soins et d'éducation.
Nous estimons que le gouvernement vietnamien n'a pas réussi à préparer la génération de demain et qu'il doit encore trop compter sur l'aide et l'investissement étrangers. Nous croyons que les pays qui reçoivent l'aide d'organismes comme l'ACDI ont aussi un rôle actif à jouer dans l'éducation et la préparation de leurs citoyens.
Dans sa déclaration devant la 52e session des droits de l'homme à Genève en 1996, l'honorable Lloyd Axworthy a indiqué qu'il n'y a peut-être pas pire injustice dans le monde que la violation des droits de l'enfant. Le Canada a annoncé récemment qu'il allait axer sa politique étrangère sur les enfants. J'invite d'autres pays à nous imiter en ce sens.
Nous espérons que, dans le cadre de son aide bilatérale et multilatérale au Viet Nam, le Canada incitera ce pays à accorder la priorité à la santé et à l'éducation des enfants pour atteindre un développement durable assorti d'une justice sociale véritable.
Je vous remercie.
Le président suppléant (M. Godfrey): Merci, monsieur Lam.
Cet exposé nous a menés au deuxième thème de l'après-midi: les droits des enfants. Nous allons maintenant continuer sur ce thème avec M. Kevin Heppner de l'association Canadian Friends of Burma, qui va nous parler de la condition des enfants en Birmanie.
M. Kevin Heppner (directeur, Karen Human Rights Group, Canadian Friends of Burma): Merci.
En fait, j'avais pensé que Christine Harmston pourrait commencer à ma place et vous parler de ce dont elle a été témoin au cours de son récent voyage en Birmanie et du travail accompli par Friends of Burma ici au Canada.
Le président suppléant (M. Godfrey): Très bien.
Mme Christine Harmston (coordonnatrice, Canadian Friends of Burma): Je suis allée en Birmanie en mai et en juin derniers pour le Congrès de la Ligue nationale pour la démocratie qui a eu lieu à Rangoon. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Aung San Suu Kyi et de rencontrer un grand nombre de membres de la Ligue pour la démocratie qui, au cours de la nuit, ont été enlevés, arrêtés et condamnés à de longues peines de prison.
De Rangoon, j'ai pu me rendre dans les états ethniques et dans diverses villes du pays où j'ai pu voir et entendre par moi-même ce qui se passe en matière de droits de la personne dans ce pays. Je peux vous assurer que la situation empire depuis la libération de Suu Kyi. Le CERLO est encouragé par l'investissement étranger, qui assure son existence, de même que par l'absence d'ingérence protocolaire de la part des autres pays membres de l'ANSEA. Dans l'ensemble, alors que d'autres pays occidentaux, tels les États-Unis et l'Union européenne, raffermissent leur position à l'égard de la Birmanie, le CERLO détient encore très fermement les rennes du pouvoir et exerce un plein contrôle sur la population.
Au cours de mon séjour, j'ai pu voir partout des enfants casser des pierres le long des routes pendant des heures sous la menace du fusil. Le travail forcé est généralisé dans tout le pays. Les enfants sont très souvent obligés de remplacer leurs parents désignés au travail forcé parce que ceux-ci doivent continuer de travailler aux champs pour nourrir leur famille ou ne veulent pas s'absenter de leur travail de peur de perdre leur emploi. Ce sont donc très souvent les enfants qui vont aux travaux forcés.
D'ailleurs, ils ne vont pas à l'école. On a créé l'Union and Solidarity Development Association, qui est en quelque sorte le parti politique du CERLO et les enfants sont contraints d'assister aux rassemblements dénonçant le mouvement démocratique en Birmanie et vantant les activités du CERLO. Lorsqu'ils n'assistent pas à ces rassemblements, ils sont expulsés de l'école.
J'ai vu dans l'armée du CERLO des enfants soldats qui m'ont dit avoir 13 et 14 ans. J'ai entendu dire que des enfants de 12 ans faisaient défection de l'armée du CERLO. Ils ne savaient absolument pas pourquoi ils se battaient. Ils avaient pour ainsi dire été obligés de joindre les rangs de l'armée. Ils savaient qui étaient leurs ennemis et qu'ils devaient les tuer. Avant d'aller se battre, beaucoup d'entre eux sont forcés de consommer de l'alcool et des drogues qui leur font perdre la tête, les rendent très agressifs et leur feront poser des gestes contraires aux droits de la personne et condamnés par la communauté mondiale, par les Nations Unies. Ils attaquent les villageois sous la menace de représailles contre eux ou les membres de leur famille.
De plus, le trafic d'enfants, de jeunes garçons et filles, dans des circuits de prostitution en Thaïlande se poursuit. J'ai rencontré dans les états ethniques des chefs religieux qui voient tous les jours des petites filles être attirées dans des voitures conduites par des femmes. On leur dit qu'elles s'en vont en Thaïlande pour gagner de l'argent et travailler; de toute évidence elles ignorent qu'elles vont faire de la prostitution. Mais c'est le sort qui les attend.
Depuis mon séjour en Birmanie, de nouvelles mesures de répression ont été prises contre le mouvement démocratique. Les membres du mouvement démocratique, à part Suu Kyi, font l'objet d'arrestations massives - s'ils assistent aux rassemblements les fins de semaine ou posent le moindre geste anti-gouvernemental. La situation ressemble à un état d'urgence. Les menaces ne cessent de croître à l'endroit de Suu Kyi et du parti lui-même.
Le moral de la population en général est au plus bas, mais on croit encore en une lueur d'espoir pour bientôt. Il faut que des changements se produisent sous peu. Les choses ne peuvent continuer ainsi.
Les enfants, les plus jeunes citoyens, sont certes les plus jeunes victimes de cette situation et jouent un grand rôle dans la mise en place de l'infrastructure de la Birmanie. Ce sont eux qui construisent les routes, les bases de l'armée et les chemins de fer. Et plus particulièrement dans la région du gazoduc, au sud de la Birmanie, ils subissent de terribles abus et nombreux sont ceux qui meurent.
Le CERLO consacre moins de 2 p. 100 de son budget national aux soins de santé. Une énorme proportion des enfants birmans, 55 p. 100 d'entre eux je crois, n'ont pas plus d'une cinquième année. Seulement 5 p. 100 d'entre eux vont à l'école quelques années de plus. Les normes en matière de santé et d'éducation en Birmanie sont donc déplorables.
Je vais m'arrêter ici, mais je dirai simplement qu'après avoir pris connaissance des comptes rendus que les médias nous transmettent et des nouvelles que reçoit quotidiennement l'association Canadian Friends or Burma, la situation ne cesse de se détériorer.
Je cède maintenant la parole à Kevin Heppner. Kevin se rendra à Bruxelles dans quelques jours pour témoigner, devant l'Union européenne, sur la question du travail forcé en Birmanie. Penny vous parlera ensuite abondamment de ce que fait l'association Canadian Friends of Burma relativement à cette question.
Le président suppléant (M. Godfrey): Monsieur Heppner.
M. Heppner: Je suis le directeur du Karen Human Rights Group. Nous exerçons nos activités dans les régions rurales de Birmanie. Nous entrons dans le pays en passant par des territoires que ne contrôle pas la junte du CERLO; nous envoyons des gens dans les villages et nous nous y rendons nous-mêmes pour interviewer les villageois et les réfugiés et pour rassembler des photographies et des preuves à l'appui de ce qui se passe dans la campagne.
Je crois qu'il est important de remarquer que la guerre civile sévit toujours en Birmanie, peu importe ce qu'en dit le CERLO. Des organismes continuent d'y lutter activement contre le régime et contrôlent le territoire. Le CERLO aime à faire savoir qu'il a conclu avec un grand nombre de groupes des cessez-le-feu qui sont en fait très fragiles et ne règlent aucun problème politique.
Il y a ainsi des violations des droits de la personne tant dans ce que vous pourriez appeler les zones de conflit, où il y a risque de conflit, que dans les zones sans conflit, où le CERLO exerce le plein contrôle.
Dans les zones de conflit, nous avons constaté que le CERLO a durci ses tactiques militaires depuis la fin de 1995. Il ne cherche pas autant maintenant à négocier des cessez-le-feu. Sa nouvelle tactique militaire consiste plutôt, dans n'importe quel secteur où il semble y avoir un risque de résistance, à délimiter une région géographique qui peut s'étendre sur plusieurs centaines de kilomètres carrés et à ordonner à chaque village qui s'y trouve de déménager dans les cinq ou sept jours sans quoi les soldats tireront à vue sur ses habitants. Des ordonnances écrites sont envoyées dans les villages. Nous en avons réuni des exemples; il y est souvent précisé qu'après les délais fixés, l'armée tirera à vue, comme s'il s'agissait d'ennemis, sur les femmes, les hommes et les enfants qu'elle verra dans les villages. Les gens sont alors transférés dans des camps de travail militaires, où on les utilise pour les supposés projets de mise en place des infrastructures, qui sont surtout des routes et des voies ferrées qui permettront de consolider le contrôle militaire dans les régions où habitent les populations ethniques.
Tout cela se rattache à leur stratégie de guerre civile qui consiste à éliminer l'appui accordé par les civils aux groupes d'opposition, à tenter de séparer les deux. Pour ce faire, ils s'en prennent aux populations civiles plutôt qu'aux groupes d'opposition. C'est ainsi qu'ils mènent actuellement des campagnes dans plusieurs régions où ils font des ouilles systématiques au moment des récoltes, brûlent toutes les provisions alimentaires de même que les villages et forcent les gens à se rendre dans des camps de réfugiés. Par exemple, depuis février dernier, dans quelque 450 villages de l'État de Shan, environ 80 000 personnes ont reçu l'ordre de quitter les lieux si elles ne voulaient pas qu'on les tire à vue. Dans l'État de Kayah, quelque 200 villages ont connu le même sort. Le CERLO envoie de plus en plus de bataillons armés dans ces régions pour détruire tous les villages.
Les gens bien sûr ne veulent pas aller dans les camps de travail où il n'y a ni nourriture ni médicaments. Comme on leur permet rarement de partir, lorsqu'ils ont épuisé les provisions de riz qu'ils ont emportées avec eux, ils commencent à souffrir de la faim et doivent tenter de s'échapper. Comme ils ne veulent pas aller dans ces camps de travail forcé, la plupart d'entre eux essaient de fuir et de se cacher dans la forêt. Des régions entières deviennent des zones de tir libre, où la seule façon de vivre pour eux consiste à se réunir à une ou deux familles et à se cacher dans la jungle où ils risquent d'être exécutés si des patrouilles du CERLO les repèrent. Ils seront exécutés ou devront faire du travail forcé en permanence, puisqu'on les accusera d'être des sympathisants rebelles.
Nous sommes donc aux prises avec un énorme contingent de personnes qui sont déplacées à l'intérieur du pays. Une minorité réussit à se rendre dans les pays limitrophes, en Thaïlande et dans d'autres pays, et pourtant il y a quelque 120 000 personnes dans les camps de réfugiés en Thaïlande et peut-être 500 000 cachées dans des villes thaïlandaises. Il y en a 300 000 au Bangladesh qui ont pour la plupart été refoulées en Birmanie et qui s'enfuient de nouveau, sans compter les situations similaires dans d'autres parties du pays.
Cependant, dans les régions du pays sous le joug du CERLO, où il n'y a ni combat ni risque de combat, la situation est assez semblable, le CERLO ayant doublé la taille de son armée depuis 1988. Il a annoncé qu'il voulait une armée d'un demi-million d'hommes.
Son but est de contrôler la population. Le CERLO déverse encore plus de bataillons militaires non seulement dans les zones de conflit mais dans toutes les zones sans conflit du centre du pays. Il stationne d'autres bataillons dans toutes les régions.
Dans un village rural typique, on peut trouver un ou deux bataillons armés, de nouveaux bataillons y arrivant constamment. Autour de certains villages, on a fait passer le nombre de bataillons de un à cinq ou six au cours des dernières années. Quand ils arrivent dans une région, les bataillons confisquent un grand nombre de terres agricoles, en expulsent les habitants qu'ils utilisent pour la construction des camps militaires et ensuite comme serviteurs ou porteurs de munitions.
Habituellement toutes les semaines ou tous les mois, les villages sont sommés, par exemple, d'envoyer 50 travailleurs le lendemain matin à 6 heures, et s'ils n'obtempèrent pas, ils sont la cible d'obus d'artillerie. On arrête, torture et exécute souvent les anciens des villages qui ne satisfont pas aux demandes de travail forcé.
De même, les bataillons qui n'ont pas à combattre se lancent de plus en plus dans des combines lucratives. Ils confisquent les terres agricoles et forcent ensuite les villageois à travailler pour eux; ils s'adonnent à des cultures commerciales qui seront souvent exportées ou vendues à des entreprises étrangères à des fins profitables. Comme ils ne peuvent convertir leurs profits birmans en kyat, la monnaie du pays, qui n'a pas de valeur, ils utilisent l'argent pour acheter des produits agricoles qui sont souvent cultivés sur des terres confisquées, par des personnes contraintes au travail.
Un village qui doit fournir de la main-d'oeuvre reçoit aussi, à intervalles réguliers, la visite de groupes de soldats qui se livrent au pillage du bétail et des biens. Les villageois doivent verser de l'argent tous les mois à l'armée, à chaque bataillon qui se trouve dans le secteur. Ils risquent de se faire arrêter à tout moment si l'on doute le moindrement qu'ils s'opposent au gouvernement.
Il y a ensuite la question des quotas. Lorsque le CERLO ne veut pas se donner la peine de confisquer les terres cultivées, il exige de tous les agriculteurs une portion sans cesse croissante de leurs récoltes. Ceux-ci doivent céder la moitié ou plus de leur récolte à l'armée pour rien ou presque rien. Le CERLO destine ce riz à l'exportation pour montrer au reste du monde que l'économie du pays croît grâce à ce marché. En attendant, cette pratique a entraîne une crise du riz au sein du pays. Les prix ont doublé, voire triplé, depuis l'an dernier et les gens meurent de faim dans tout le pays.
Des gens à Rangoon et à Mandalay, des centres urbains, sont réduits à consommer de la bouillie de riz ou l'eau de cuisson du riz parce qu'ils ne peuvent même pas acheter le riz nécessaire à leur subsistance.
Telle est la situation qui sévit dans tout le pays. Tout le tissu social se désagrège. L'économie périclite, contrairement à ce que montrent les chiffres du gouvernement. Une infime minorité s'enrichit. La majorité des gens s'appauvrissent. L'accroissement des investissements étrangers fait monter en flèche le prix des produits de base. Les gens n'ont plus les moyens de subvenir à leurs besoins, même s'ils ont du travail.
Même dans les zones où il n'y a pas de conflit, jusqu'à 20 p. 100 de la population des villages doit fuir parce qu'elle ne peut plus y vivre. Les gens ne peuvent pas faire tout le travail forcé.
Les enfants sont, bien sûr, parmi les principales victimes de cette situation. Ils sont directement touchés par la désintégration de leurs collectivités de même que par le travail forcé. Comme Christine a commencé à vous le dire, en Birmanie, les enfants sont mobilisés dès qu'ils sont assez forts pour casser ou transporter une pierre, soit entre 8 et 10 ans. Pour le transport de munitions au front, l'armée fait habituellement appel à des enfants un peu plus âgés. Elle recrute des filles et des garçons de 12 ans pour transporter 10 ou 20 kilos d'obus de mortier sur la ligne de feu.
D'habitude, les ordres écrits transmis aux villages pour réclamer de la main-d'oeuvre ne précisent pas qui doit faire le travail forcé. Normalement, on fonctionne selon un système de roulement. On demande souvent une ou deux personnes par maison, sans exception, peu importe si la maison abrite une famille de sept enfants ou une grand-mère veuve et sa petite-fille de huit ans. Tous doivent contribuer.
C'est ainsi que le travail forcé mobilise beaucoup d'enfants, surtout pendant la saison de croissance vu que, pendant la saison des pluies, la famille cultive pour assurer sa subsistance l'année suivante. Les enfants finissent par être obligés d'exécuter le travail forcé parce que les parents doivent travailler aux champs pour nourrir la famille.
La saison des pluies, bien sûr, est aussi la période la plus dangereuse pour exécuter le travail forcé sur ces projets d'infrastructure. C'est à ce moment que les talus s'effondrent et que les enfants sont enterrés vivants par exemple.
Il y a aussi la conscription forcée. L'armée, dans la plupart des régions, obligera un village à lui céder une ou deux recrues par mois. L'armée préfère les enfants parce qu'ils sont plus influençables.
La plupart des déserteurs du CERLO que j'ai rencontrés dans la région ont entre 14 et 16 ans. Certains d'entre eux étaient déjà dans l'armée depuis au moins deux ans. Une fois qu'ils y sont, ils n'ont plus de contacts avec leur famille. Ils n'ont droit à aucun congé. Ils sont souvent réengagés automatiquement après plusieurs années. Les officiers les forceront à poser des gestes contraires aux droits de la personne en leur confisquant toutes leurs rations, en les vendant sur le marché noir et en leur disant d'aller piller leur nourriture dans les villages. Ils leur disent également d'aller réunir dans les villages la main-d'oeuvre qui sera contrainte au travail. S'ils ne ramènent pas le nombre de personnes requises, ils sont eux-mêmes battus. Les enfants sont entraînés dans cet engrenage qu'ils ne comprennent et dont ils ne peuvent s'échapper.
Le taux de mortalité infantile est très élevé. La malnutrition existe partout, y compris dans les villes. On voit de plus en plus de mendiants dans les rues. Comme je l'ai dit, il y a une pénurie de riz qui pousse les gens au désespoir. Plusieurs centaines de réfugiés économiques fuient tous les jours en Thaïlande où ils travaillent sur les chantiers de construction, comme esclaves ou dans les bordels.
Devant une situation semblable, il ne suffit pas de faire un don à l'UNICEF, dont les interventions sont temporaires. Il faut plutôt considérer les choses dans leur contexte politique. L'envoi de vivres en Birmanie ou d'autres mesures semblables n'amélioreront rien non plus. C'est la situation politique qu'il faut regarder.
Je crois que certains gouvernements commencent à s'en rendre compte. Je sais que le ministère des Affaires étrangères du Canada n'encourage pas activement les échanges commerciaux là-bas. La Communauté européenne tient des audiences la semaine prochaine pour révoquer ses privilèges commerciaux au CERLO. Le gouvernement américain a eu des discussions au sujet de sanctions. Divers gouvernements commencent à en avoir assez de cette situation. Il est donc à espérer que les choses continuent d'évoluer dans ce sens. Mais ce sont vraiment les Canadian Friends of Burma qui réclament que des mesures soient prises.
Le président suppléant (M. Godfrey): Merci. Compte tenu de l'heure et de la superbe discipline dont a fait preuve le groupe, je me demande si Mme Sangar veut qu'on lui accorde une minute pour conclure. Ou préférez-vous attendre la période des questions qui vous permettrait peut-être de préciser certains des points qu'ont abordés vos associés?
Mme Sangar: Je me contenterai d'une demi-minute pour dire que je suis très heureuse de revenir ici pour signaler à ce comité et à ses prédécesseurs... Je crois que c'est la quatrième fois que je viens ici et Kevin est aussi déjà venu. Je vois des visages familiers, des gens que le sort de la Birmanie intéresse. Nous n'avons constaté aucun changement à la politique gouvernementale. Nous comptons bien nous-mêmes discuter avec vous, à la fin de cette séance, de certaines des initiatives que nous prenons à l'heure actuelle en l'absence de changement. Nous espérons avoir votre appui. Merci.
Le président suppléant (M. Godfrey): Merci beaucoup.
Nous respectons notre horaire et j'en remercie tout le monde. Nous terminons maintenant notre tournée assez complète de l'Asie, après le Vietnam et la Birmanie, en jetant un coup d'oeil à la Chine. Madame To.
Mme To: Monsieur le président et membres du sous-comité - de même que M. Lam, merci d'avoir invité le représentant de la Chine - je vous prie d'excuser mon mari qui est en dehors de la ville. J'espère être en mesure de bien le remplacer.
Je suis ici en tant que porte-parole de deux organismes, la Fédération pour une Chine démocratique, organisme international qui regroupe entre 200 et 500 membres du monde entier, et Democracy China Ottawa, un organisme local qui rassemble des membres de différents horizons et de différentes nationalités. Nous sommes d'avis que la Chine doit accéder pacifiquement à la démocratie.
J'aimerais commencer en disant que nous savons que le ministre des Affaires étrangères de Chine, M. Qian Qichen, était de passage à Ottawa jeudi dernier. D'après l'édition du 20 septembre du Globe and Mail, M. Qian aurait déclaré que la Chine ne s'inquiète pas de ce que le reste du monde pense de sa réputation en matière de respect des droits de la personne. Voilà bien sûr qui est très décevant. Le Canada n'a pas ménagé ses efforts au cours des dernières années pour faire comprendre aux autorités chinoises qu'il est important que tous les gouvernements reconnaissent la valeur universelle des droits de la personne. Cela signifie qu'il nous reste encore du travail à faire dans le cas de la Chine. Democracy China Ottawa aimerait travailler de pair avec les membres du sous-comité pour faire avancer la cause des droits de la personne en Chine.
Au cours de la dernière année, nous avons constaté une détérioration importante en ce qui a trait au respect des droits de la personne en Chine. Nous croyons que les autorités chinoises sont enhardies par l'absence de fortes protestations de la part de la communauté internationale, le Canada y compris. La persécution en Chine augmente de façon alarmante dans trois principaux domaines. Je veux parler de la politique, de la religion et du traitement réservé aux minorités.
Sur le plan politique, le dissident Wei Jinjsheng a de nouveau été condamné à 14 années de prison après avoir déjà purgé une peine de 14 ans et demie. Il tentait simplement d'organiser une exposition d'oeuvres d'art pour venir en aide aux familles des victimes du massacre de la Place Tiananmen. Un autre dissident important, Chen Ziming, a été renvoyé en prison malgré qu'il souffre d'un cancer, de l'hépatite B et d'une maladie cardiaque. On lui a refusé tout traitement.
Le leader étudiant Wang Dan a été enlevé le 25 mai 1995 sans mandat. On ne sait toujours pas où il se trouve.
M. Bao Tong, un aide principal de l'ancien premier ministre Zao Ziyang, n'a pas le droit de retourner chez lui après avoir purgé la totalité de sa peine de sept ans.
La torture et les traitements inhumains sont monnaie courante dans les prisons chinoises. Nombre de tortures ont entraîné la mort. M. Chen Longde, un dissident de la province de Zhejiang, a subi tellement de tortures cette année qu'il a tenté de se suicider. Sa femme a aussi été arrêtée cette année et torturée. Elle aussi a tenté de se suicider. Tout cela se produit malgré le fait que la Chine est signataire de la Convention des Nations Unies contre la torture.
Depuis avril dernier, un nombre incalculable de membres ont été arrêtés à Xinjiang pour avoir soulevé des minorités. Nous ne savons toujours pas combien de personnes ont été exécutées ou arrêtées.
L'oppression chinoise contre les Ouïghours et les Tibétains se poursuit. Comme vous le savez, la Chine a choisi son propre enfant pour être l'incarnation du panchen lama. Il s'agit d'une violation évidente des droits religieux des Tibétains. L'enfant qu'avaient choisi les Tibétains est entre les mains des Chinois. Nous ne savons pas où il se trouve ni s'il est toujours vivant.
Monsieur le président, il ressort que notre approche souple a mené à l'intransigeance, comme en fait foi l'attitude de M. Qian, le ministre des Affaires étrangères. La communauté mondiale ne doit pas accepter que la Chine continue de persécuter et de torturer ses dissidents politiques, sa minorité nationale et ses groupes religieux.
Monsieur le président, nous demandons au sous-comité d'être plus explicite et plus direct avec le gouvernement chinois à partir de maintenant. Nous sommes impatients de continuer de travailler avec vous sur la question des droits de la personne en Chine.
De même, nous avons des recommandations. Nous estimons qu'il est contradictoire que la Chine, de même que n'importe quel autre pays, siège au sein du Comité des droits de la personne des Nations Unies vu qu'elle n'a ratifié ni le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ni le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Nous demandons instamment au gouvernement chinois de signer ces documents immédiatement et de les respecter.
Nous exhortons également la Chine à observer les traités qu'elle a signés dont la Convention contre la torture et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes.
Nous prions aussi instamment la pression sur le gouvernement chinois de continuer à protéger les droits de la personne des citoyens de Hong Kong, comme il a été convenu dans la déclaration conjointe et comme il a été établi dans la loi fondamentale de même que dans la déclaration des droits de Hong Kong.
Nous aimerions appuyer l'idée de lier l'aide au développement à la performance en matière de respect des droits de la personne pour que cette aide ne serve pas à accroître les capacités répressives du gouvernement chinois. L'aide étrangère du Canada à la Chine devrait être évaluée en fonction de chaque projet, avec la participation des organisations non gouvernementales en cause.
Nous sommes en faveur de liens commerciaux continus entre des entreprises privées canadiennes et leurs partenaires en Chine. Cependant, nous estimons que le coût des droits de la personne sera bien servi par la mise en place d'un code de conduite pour les entreprises canadiennes qui font du commerce avec la Chine ou y investissent. Un code de ce genre empêcherait les entreprises de s'engager dans des activités qui renforcent le contrôle de l'état, exposent les travailleurs à des conditions dangereuses et limitent leur capacité de s'organiser démocratiquement.
La Chine a signé la Convention internationale contre la torture, mais tout indique qu'elle ne l'observe pas. Nous exhortons le gouvernement chinois à autoriser l'accès des prisons à un comité international de la Croix Rouge pour assurer que les prisonniers sont traités humainement.
Je vous remercie.
Le président suppléant (M. Godfrey): Merci beaucoup.
Merci à vous tous de nous avoir aidés à respecter notre horaire. Vous vous en êtes si bien tirés que nous disposons en fait d'une demi-heure pour les questions, comme M. Lam l'avait espéré.
Je dois présenter des excuses à l'avance, car j'imagine que vers 17 h 30, nous entendrons la sonnerie. Nous devons voter à 17 h 45.
[Français]
Je propose que nous commencions en accordant dix minutes aux députés du Bloc québécois. Je ne sais pas si vous allez vous partager ce temps. Nous verrons par la suite.
Mme Debien (Laval-Est): Je voudrais d'abord remercier tous nos invités d'avoir accepté de participer à nos travaux.
Vous nous avez fait une description assez sévère et dramatique de la situation des droits de la personne, tout particulièrement au Viêtnam et en Chine. Je mets un peu de côté le cas de la Birmanie et de la violation des droits des enfants puisqu'on me dit, et vous l'avez vous-même précisé, qu'actuellement le ministère des Affaires étrangères du Canada et celui des États-Unis imposent beaucoup de restrictions au commerce avec ce pays. Le Canada entretient toutefois des relations commerciales importantes avec le Viêtnam et la Chine.
C'est dans ce contexte que j'aimerais peut-être aborder la première partie de ma question. Dans un premier temps, vous nous avez présenté, tout comme au gouvernement canadien, un certain nombre de propositions. Dans un cas, on a demandé de l'aide gouvernementale pour permettre au Viêtnam de mettre en oeuvre la réforme de son système judiciaire. On a demandé au Canada d'inciter le Viêtnam à exiger la libération des détenus et le respect de la loi. On a demandé au gouvernement canadien d'étudier tous les cas de violation des droits de la personne au Viêtnam. On a aussi insisté afin qu'on rappelle au Viêtnam les cas de violation des droits de la personne. Il y a ici un élément supplémentaire. On nous dit également de fixer des conditions pour continuer à échanger et à entretenir des liens commerciaux avec le Viêtnam. L'intervenante qui a nous a parlé des problèmes chinois a aussi soulevé cet aspect.
Or, vous savez qu'actuellement, dans le cadre de la politique étrangère du Canada et surtout en rapport avec les derniers gestes que le gouvernement canadien a posés, on insiste davantage sur des mesures diplomatiques feutrées afin de ne pas nuire aux intérêts commerciaux du Canada, toujours du point de vue de la situation des droits de la personne.
J'aimerais que vous me disiez si, compte tenu de la gravité de la situation que vous nous avez décrite, principalement au Viêtnam et en Chine, vous appuyez la position canadienne concernant des mesures diplomatiques que je qualifie de feutrées afin de sensibiliser le Viêtnam et la Chine au respect des droits de la personne.
Je voudrais ici faire une dernière intervention. Un intervenant, le premier que nous avons entendu si je me souviens bien, a souligné que le Canada devait avoir une position plus responsable face à la violation des droits de la personne, en particulier au Viêtnam et en Chine. J'aimerais lui demander ce qu'il entendait par une position plus responsable de la part du Canada, en particulier face au Viêtnam, puisque c'est un intervenant du Viêtnam qui soulignait cet aspect.
Voici le sens de ma première intervention.
Le président suppléant (M. Godfrey): Commençons par le Viêtnam, peut-être.
M. Truong: En parlant de position responsable du Canada, je voulais dire que nous aimerions voir le Canada adopter une position qui ne tienne pas seulement compte du commerce, mais aussi des facteurs de développement du Viêtnam et du rôle moral que le Canada tient sur la scène internationale. C'est ce que je voulais dire par responsable.
Il faudrait aussi, si on insistait sur le commerce, avoir des critères d'efficacité parce que, selon nous, le commerce constituerait un moyen d'influence pour promouvoir le changement au Viêtnam. Si ces moyens n'étaient pas efficaces, il faudrait les réviser, ainsi que les critères, avec des faveurs commerciales ou des restrictions qui s'imposeraient le cas échéant.
M. Ngo: Il faudrait aussi parler de la relation bilatérale ou multilatérale entre le gouvernement canadien et le gouvernement du Viêtnam. En principe, nous ne nous opposons pas à la relation entre le Viêtnam et le Canada parce qu'un intérêt mutuel existe entre les deux pays.
Mais je souhaiterais que chaque fois qu'on traite de questions touchant le bien-être économique ou humanitaire, on soulève la question des droits de la personne. On devrait poser des conditions avant de donner à quelqu'un. C'est ce que nous avons fait depuis une vingtaine d'années. On a posé des questions et demandé, mais qu'est-ce qu'on a reçu? Rien du tout. On a continué à donner des millions et des millions de dollars venant des impôts qu'ont payés les Canadiens. Moi, je suis contre.
Je suis d'accord pour ce qui est de l'intérêt public et l'intérêt mutuel entre les deux pays, mais il faut poser au moins quelques conditions: si vous vous conformez à la première condition, je vous donnerai une certaine somme; si vous vous conformez à la deuxième condition, je vous en accorderai une autre. L'investisseur canadien qui signe un contrat le conclut avec les élites ou les leaders du gouvernement. Vous ne signez pas le contrat avec les petits entrepreneurs vietnamiens là-bas. Donc, indirectement, vous enrichissez le parti communiste du Viêtnam et le gouvernement vietnamien. Seule une petite portion de l'élite du communisme vietnamien jouit de cette sorte de commerce entre les deux pays. Mais le peuple vietnamien n'a rien du tout. C'est ce que je désirais ajouter. Merci.
[Traduction]
Mme Finestone (Mont-Royal): Monsieur le président, puis-je ajouter un point?
[Français]
Votre question est très pertinente.
Ce que je trouve franchement un peu difficile, monsieur Ngo, c'est que c'est très beau de dire qu'on devrait agir dans un tel sens, mais que faire si le gouvernement se montre très intransigeant et ne veut plus rien avoir? Puisque vous venez de cette culture, vous y avez acquis de l'expérience et vous connaissez la langue et la façon dont fonctionnent les affaires. Êtes-vous en mesure de nous dire comment nous pourrions percer ce mur?
[Traduction]
Vous savez, je pense qu'il faut essayer de s'introduire. Où est le point d'entrée? Si vous faites affaire, si vous signez un contrat avec un représentant officiel - malheureusement, M. Lam, je ne pense pas que l'on puisse parler de «représentante officielle», en pareil cas, elles pourraient être tout aussi difficiles - comment faire pour s'assurer que vous arrivez jusqu'au niveau des gens?
J'aimerais également que vous m'éclairiez sur un autre point. S'il n'y a pas de liberté de parole, il n'y a donc pas d'accès à la télévision ou à la radio. Je pensais à l'Allemagne de l'Est où le mur est finalement tombé, car, à force de frapper dessus, on a finalement réussi à le percer. Cependant, les télécommunications existaient. Votre société n'a pas l'avantage d'un réseau étendu de télécommunications.
Comment donc répondez-vous à Maud et à ceux d'entre nous qui vous avons écouté avec chaleur et bienveillance afin d'être en mesure de répondre à vos questions? Nous irions, à mon avis, à l'encontre du but recherché si nous fermions la porte et refusions de faire affaire.
M. Ngo: Permettez-moi de vous présenter la situation sous cet angle. Lorsqu'une grande société se rend au Viet Nam, elle passe par la voie du gouvernement. En 1994, le gouvernement canadien a envoyé une délégation qui s'est adressée aux plus hautes personnalités du gouvernement. Qu'avez-vous donc fait là-bas? Vous avez rencontré les hautes personnalités du pays.
Par conséquent, si vous allez au Viet Nam, si vous vous adressez au représentant du ministère... Si je travaille pour Coca-Cola, et que je vais au Viet Nam pour affaires, peut-être vais-je rencontrer le ministre du Commerce; je pourrais alors lui demander de me présenter aux Vietnamiens qui aimeraient faire affaire. Bien sûr, vous devez soudoyer le représentant au commerce pour obtenir quelque chose, mais, au moins, vous obtenez quelque chose. Si vous arrivez avec cette grande délégation, ces hautes personnalités, vous allez avoir des interlocuteurs de même niveau. Vous n'allez pas rencontrer les petits entrepreneurs.
Mme Finestone: Monsieur le président, puis-je ajouter un point?
Maud, vous pouvez intervenir, si vous voulez.
Mme Debien: Non, ça va.
Mme Finestone: Qu'êtes-vous donc en train de dire? Si l'on envoie une délégation canadienne composée de cinq personnes, on fait savoir au gouvernement vietnamien que ces cinq personnes vont inviter cinq personnes du côté vietnamien à se joindre à elles, avant de demander au ministre de les accompagner - non l'inverse. Cela finira-t-il par avoir un effet?
M. Ngo: Si vous vous rendez au Viet Nam, ne faites pas une visite officielle au niveau ministériel. Vous pouvez leur demander...
Mme Finestone: Je croyais que l'on demandait au ministre de les accompagner.
M. Ngo: - s'ils pouvaient vous présenter à un interprète local de Ho Chi Minh-Ville, à l'exploitant d'une petite usine, ici ou là. Ne faites pas les choses en grand, car le gouvernement contrôle toujours ce qui a de l'importance et ne vous laisse voir que ce qu'il décide que vous pouvez voir.
Vous pouvez toutefois arriver jusqu'aux petits entrepreneurs. Vous pouvez leur dire que vous vous intéressez à leur entreprise et vous pouvez leur poser des questions sur leur travail, etc. Vous pouvez leur demander comment vous pourriez investir chez eux. Vous pouvez atteindre vos objectifs si vous parlez à l'interprète local. Les grandes sociétés et les hautes personnalités concluent toujours des ententes avec les hautes personnalités et les interprètes de même niveau.
Mme Finestone: Les élites.
M. Ngo: Oui.
[Français]
Le président suppléant (M. Godfrey): Monsieur Paré.
M. Paré (Louis-Hébert): La description que M. Tan Tri donnait de son emprisonnement et de son procès me rappelle le cas d'un citoyen de ma circonscription, Trân Triêu Quân, qui est présentement emprisonné au Viêtnam et qui a subi exactement la même situation: des semblants de procès où les juges se transforment en avocats de la Couronne et où les avocats de la défense n'ont même pas le droit de parler aux citoyens qu'ils défendent.
Je trouve que la situation est extrêmement difficile et que la communauté internationale, y compris le Canada, est vraiment complice de ce qui se passe. Il est dramatique de songer qu'au moment où on en parle, quatre ou cinq députés de la Chambre des communes entendent ces témoignages et s'émeuvent et que demain ils se rendormiront sans avoir pu influencer le gouvernement canadien. C'est épouvantable.
J'écrivais dernièrement au ministre des Affaires étrangères au sujet du dossier de Trân Triêu Quân. Dans sa longue lettre de deux pages, il me répondait en énumérant tous les gestes diplomatiques et plus ou moins politiques que le gouvernement a posés. Ces gestes sont manifestement d'une inutilité totale puisqu'après deux ans, Trân Triêu Quân est toujours en prison. Il fut d'abord condamné à l'emprisonnement à vie, puis sa sentence fut transformée en travaux forcés pour 20 ans. Bien que le gouvernement affirme vouloir continuer à faire son possible, il se refuse à poser des gestes que, selon moi, il pourrait poser.
Il m'apparaît insensé que face à des questions aussi fondamentales, les députés du gouvernement et ceux de l'opposition ne puissent pas en arriver à un consensus et mener le même combat. On se range chacun dans son parti politique; les députés de l'opposition gueulent et les députés du gouvernement appuient le gouvernement ou, pire encore, se taisent. Cela n'a aucun bon sens; il est scandaleux d'agir ainsi.
Il y a un élément de solution que le gouvernement se refuse de prendre. L'un des intervenants, M. Tri si je me souviens bien, disait que le Viêtnam était tellement à la recherche d'investisseurs étrangers - et moi je continue la phrase en ajoutant - que cela devrait constituer un levier pour que le Canada, les États-Unis et toute la communauté internationale obligent le gouvernement vietnamien à s'astreindre à un certain nombre de règles s'il désire faire des affaires avec eux.
Je reprendrai un tout petit peu les propos de Mme Finestone. Je suis d'accord qu'il n'y aucun sens à couper l'aide canadienne selon ce que l'on entend. Le Canada pourrait dire que l'aide bilatérale avec le Viêtnam est terminée tant que telle ou telle condition n'est pas remplie et qu'il fera désormais passer l'aide publique canadienne par des organisations non gouvernementales canadiennes et vietnamiennes. Ainsi, l'aide que les Canadiens fournissent au Viêtnam se rendra possiblement à ceux qui en ont besoin et non pas aux détenteurs du pouvoir.
Je suis surpris que la communauté vietnamienne canadienne, composée, je crois, de quelques centaines de milliers de Canadiens, n'arrive pas à influencer le gouvernement. Vous êtes des électeurs et des électrices. Comment se fait-il que vous n'arriviez pas à faire bouger le gouvernement canadien sur ces orientations relatives aux droits de la personne?
M. Truong: Notre communauté compte environ 150 000 Canadiens d'origine vietnamienne. Nous avons commencé à faire des représentations auprès du gouvernement canadien. Nous nous organisons. Nous commençons à avoir des mécanismes pour dialoguer avec le gouvernement du Canada en vue d'exercer des pressions sur le Viêtnam, mais cela semble prendre pas mal de temps. Je suis d'accord avec vous. Je ne sais pas si la Dre Lam aimerait intervenir.
Mme Lam: J'aimerais répondre à la question de M. Paré. La solution reste encore à trouver. Nous sommes des Canadiens d'origine vietnamienne depuis 20 ans, des réfugiés qui ont fui le régime communiste au Viêtnam. Nous sommes au courant de ce qui se passe au Viêtnam. Nous avons essayé de donner des renseignements au gouvernement du Canada pour qu'il évite d'être complice des crimes commis par les communistes.
Nous faisons de notre mieux. Quant à dire si le gouvernement le veut ou pas, s'il est responsable ou non, je trouve qu'il est très difficile de trancher parce que l'intérêt économique prédomine toujours. Que pouvons-nous faire? Quand on parle des valeurs morales du Canada ou bien du genre humain, on se heurte aux autres qui parlent de l'intérêt économique. Notre présence ici aujourd'hui vise à ce que non seulement le Viêtnam mais aussi les autres pays en viennent à une solution tous ensemble avec le ministère des Affaires étrangères du Canada.
Je ne suis pas étonnée que les Vietnamiens réfugiés ici ne soient pas arrivés à modifier la situation au Viêtnam.
C'est très difficile quand il s'agit du communisme et surtout du communisme asiatique. Ce n'est pas comme en Europe. Tous pensaient en 1989, lorsque le Mur de Berlin s'est écroulé, que la même chose se produirait en Asie. Mais ça n'a pas bougé. C'est nous tous ensemble qui devons travailler dans ce sens-là.
Il y a ce qu'on appelle une évolution tranquille. On ne peut pas isoler ces pays au point de vue économique; cela ne fonctionne pas. Il y a longtemps qu'on a isolé Cuba et c'est toujours un pays communiste. Ça n'a pas changé. Nous devrons trouver une autre solution.
Je dirais, à la lumière des renseignements que j'ai reçus de l'ACDI ou d'autres personnes, qu'il faut entamer plus activement ce processus. Il faut présenter des demandes au Viêtnam. On ne peut pas leur demander d'aller ailleurs ni les remplacer par quelqu'un d'autre. Ce n'est pas possible. Il faut par exemple leur demander d'avoir des institutions judiciaires, de reconnaître certaines lois et de les appliquer correctement, non pas d'une façon flexible, d'après leurs intérêts. Je pense que les personnes qui rencontrent le gouvernement du Viêtnam peuvent vous suggérer ces solutions.
Nous avons pu remarquer qu'il y avait récemment eu une amélioration dans l'attitude du Canada envers le Viêtnam. Au lieu de s'en tenir à une diplomatie tranquille, M. Raymond Chan a pris la parole publiquement et demandé qu'on accorde aux droits de la personne une certaine priorité. Cela aura-t-il des effets? Nous verrons, mais des progrès ont déjà été réalisés. J'en remercie le gouvernement.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Godfrey): Merci.
La question se rapporte en fait à celle de Mme Finestone et à ce qui vient d'être dit. C'est une question d'importance, qui probablement pourrait nous occuper toute la soirée. Il se peut que chacun des trois pays donne une réponse différente et j'aimerais les entendre. Peut-être donc pourrions-nous commencer par les pays qui n'ont pas encore posé de questions.
Dans le cas de chaque pays, est-il plus efficace, à long terme, de se concentrer sur les droits de la personne et d'essayer de changer un régime existant, par quelque méthode que ce soit? Ces régimes sont-ils ouverts à ce genre de changement, si les mêmes personnalités restent en place? Ou vaudrait-il mieux renverser ces régimes - j'utilise ces termes de manière dramatique - dans l'espoir que les événements survenus en Europe de l'Est ou qui pourraient survenir ailleurs, auxquels Mme Finestone a fait allusion... les inonder de musique rock ou prendre les mesures nécessaires pour renverser ces régimes. En d'autres termes, nous devrions aller droit au but. Ce ne sont pas ceux sur lesquels nous pouvons avoir de l'influence qui vont être impressionnés.
Où devrions-nous donc concentrer nos efforts? La réponse peut varier d'un pays à l'autre.
Nous pourrions d'abord entendre la Birmanie et ensuite, la Chine.
Mme Sangar: J'aimerais commencer par la Birmanie.
C'est à mon avis, une question fort simple. Je crois qu'il existe certainement des régimes, et la Birmanie est l'un d'entre eux, où non seulement notre engagement actuel ne peut avoir d'effet, mais où il les consolide encore plus à cause des lois du pays. Ces régimes existent bel et bien.
Vous allez dans ces pays et vous apercevez, à l'instar de Petro-Canada et d'autres investisseurs privés, que vous leur donnez des pas de porte. Vous devez ensuite suivre les instructions du CERLO au sujet de l'endroit où vous vous implantez et de la façon dont vous fonctionnez.
Je crois que vous devez poser votre question différemment selon les pays, mais il ne fait aucun doute que d'après notre expérience de cinq ans en Birmanie, il est impossible de travailler sous le régime actuellement au pouvoir. Plus important encore, si nous continuons sur la même voie, nous ne faisons que le consolider et le renforcer. Cela est prouvé par toutes sortes de chiffres qui sortent chaque jour.
M. Heppner: D'après les nombreux propos tenus par les Birmans, il me semble que tout changement éventuel doit provenir du pays lui-même. Pourtant, la Birmanie demande en même temps à la communauté internationale de l'aider à atteindre les objectifs qu'elle vise. En d'autres termes, il ne faudrait pas appuyer le CERLO financièrement par le truchement d'investissements et il faudrait prévoir des sanctions. Cela veut dire qu'il ne faut pas favoriser le CERLO, mais donner au mouvement démocratique un appui politique dans les instances internationales.
J'aimerais clarifier un point qui est apparu dans la première question. Je ne sais pas si ce que j'ai dit a été mal interprété, mais on a dit que le Canada avait imposé des restrictions au commerce en Birmanie. En fait, le Canada n'a imposé aucune restriction au commerce. Lorsque les sociétés consultent le ministère des Affaires étrangères au sujet d'investissements en Birmanie, le ministère leur dit qu'elles devraient examiner la situation et envisager de ne pas faire affaire dans ce pays. Toutefois, il n'y a pas de restriction. En fait, le Canada prend du retard à cet égard par rapport à l'Union européenne et au gouvernement américain, puisque les investissements canadiens augmentent, dans le secteur minier en particulier.
La Birmanie craint essentiellement l'arrivée imminente de M. «Toxique» Friedland, de Vancouver. Ce monsieur est tristement célèbre et si l'on songe aux dégâts qu'il a causés dans des pays qui ont des règlements, on est en droit d'appréhender ce qu'il pourrait faire en Birmanie. Je crains que si nous nous retrouvons ici l'an prochain, nous risquons d'avoir à vous parler de confiscation de biens, de personnes qui se retrouvent sans abri et qui meurent à cause des investissements de ce personnage et des investissements canadiens en général dans le secteur minier de Birmanie.
Mme Harmston: Je voulais simplement dire qu'il faudrait également reconnaître le scrutin populaire. En 1990, le mouvement démocratique a été élu et c'est le régime illégal, actuellement au pouvoir, qui l'a renversé. Il ne faudrait pas reconnaître ce régime. Il ne faudrait pas traiter avec ce régime, mais trouver le moyen de le faire disparaître de manière que ceux qui ont été véritablement élus puissent revenir au pouvoir.
Le président suppléant (M. Godfrey): Je voulais donner la parole à madame To.
Mme To: Je crois que dans le cas de la Chine, il est étonnant de voir ce que l'argent peut faire. Il s'agit d'un gros marché et les gens ne font attention qu'à l'argent [Inaudible - Éditeur] et tout le reste. Le ministre des Affaires étrangères a déclaré que peu lui importe ce que peut penser le reste du monde, car il sait que tout le monde se précipite pour faire affaire en Chine. Je pense que le fait de constamment rappeler l'importance que l'on attache aux droits de la personne et à la démocratie, le fait d'aider le gouvernement à créer un appareil judiciaire, le fait d'amener des juges formés, le fait de suivre cette voie, vaut peut-être mieux que, disons, le renversement de ce gouvernement. Je ne pense pas que cela soit possible. N'abandonnez pas la partie, soulevez la question sans relâche et je suis assez optimiste pour croire que les choses finiront par changer.
Le président suppléant (M. Godfrey): Vous avez répondu à la question indirectement, mais peut-être voulez-vous y répondre...
M. Nguyen: Désolé, mon anglais n'est pas...
[Français]
Le président suppléant (M. Godfrey): Vous pouvez le faire en français si vous le préférez.
[Traduction]
M. Nguyen: Je ne parle pas le français. Puis-je parler en vietnamien et demander à mes amis d'interpréter pour moi?
Le président suppléant (M. Godfrey): Certainement.
M. Nguyen (Interprétation): Je ne pense pas qu'il soit facile de renverser le gouvernement actuel compte tenu des circonstances. Il faudrait par contre exercer des pressions pour que le gouvernement opère des changements, lentement. Les droits de la personne sont notre première priorité. Dès qu'un pays respecte les droits fondamentaux de la personne, ses habitants peuvent opérer des changements, lentement.
À l'heure actuelle, le gouvernement communiste vietnamien arrête tous ceux qui soulèvent pacifiquement la question du changement pour la démocratie et la liberté. Si le gouvernement n'arrête pas ces gens comme ceux qui, par exemple, appartiennent au Mouvement pour l'unité du peuple et la démocratie... Ces gens demandent un changement pacifique et n'ont nullement l'intention de renverser le gouvernement.
Par exemple, les membres du Mouvement pour l'unité du peuple et la démocratie, entre autres, et des prisonniers politiques comme M. Que ou M. Hoat, souhaitent une solution pacifique susceptible d'amener du changement au Viet Nam. Ils ont été arrêtés. Lorsque je suis retourné au Viet Nam en 1993 pour organiser une conférence, j'étais également en faveur d'une solution de changement pacifique.
Nous aimerions que le gouvernement canadien continue d'exercer des pressions sur le gouvernement vietnamien afin que ce dernier change lentement et pacifiquement; ces pressions peuvent se faire dans le domaine des droits de la personne et des libertés civiles fondamentales pour le peuple vietnamien.
Le président suppléant (M. Godfrey): Madame Gaffney.
Mme Gaffney (Nepean): J'aimerais également vous remercier d'être parmi nous aujourd'hui. Je ne pense pas que quiconque dans cette pièce ne partage vos espérances et vos aspirations pour chacun de vos pays. Nous sommes horrifiés par ce qui se passe. En même temps, nous vous comprenons et souhaitons nous diriger sur la bonne voie.
J'aimerais revenir à certains des propos de monsieur Paré. Dans le gouvernement précédent, je siégeais au sous-comité des droits de la personne. Vous disiez qu'en notre qualité de députés, nous ne pouvons pas influer sur les choses. Je ne suis pas d'accord. Je pense qu'en qualité de députés, nous pouvons avoir de l'influence.
J'ai déjà rencontré bien de nos témoins. Je les félicite de ne pas abandonner la partie. Notre sous-comité a fait des recommandations au Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international. La question des droits de la personne va au-delà de l'esprit de parti. Tous les membres du comité doivent, ensemble, essayer de faire comprendre la réalité de la situation à notre gouvernement, au Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international. Je crois que nous devons tous être unis dans ce sens.
Je pense que vous avez tout à fait raison de dire que les gouvernements ne vont pas changer rapidement. Ils vont changer lentement et c'est un point qu'il nous faut admettre. Je pense à deux pays en particulier où je me suis rendue à deux occasions: El Salvador et le Guatemala. Regardez ce qui s'est passé dans ces deux pays où les anciens gouvernements communistes - peu importe leur appellation - sont tombés. Le régime électoral de ces deux pays est maintenant plus démocratique.
Je n'ai pas vraiment de question, mais j'ai quelque chose à dire. J'essaye de donner un éclairage positif à ce que nous devons examiner en tant que comité. Un prêtre canadien installé en Birmanie est la personne qui m'a donné le plus grand espoir de ma vie; il m'a écrit pour me dire qu'il avait écouté mon entrevue sur Radio Canada International. Voici ses propos: Imaginez ma surprise, lorsque j'ai été réveillé à cinq heures du matin par une concitoyenne qui a déclaré être au courant de ce que nous essayons de faire en Birmanie et qui m'a redonné espoir.
Je crois que telle est la question; nous devons avoir cet espoir. Je n'ai pas vraiment de question à poser. J'essaye simplement...
Le président suppléant (M. Godfrey): Non, nous allons bientôt entendre la sonnerie.
Rapidement, s'il vous plaît.
Mme Finestone: Tout d'abord, je pense que le groupe du Viet Nam est un organisme impartial et j'espère,
[Français]
monsieur Paré, que vous ferez partie du regroupement.
[Traduction]
J'aimerais si possible avoir une réponse écrite à ma question, car j'aimerais savoir si nous pouvons, dans la pratique, identifier tout produit fabriqué grâce au travail des enfants et j'aimerais aussi savoir si une telle démarche est constructive ou productive. Si, par vos contacts, vous savez où se pratique le travail des enfants et dans quels endroits au Canada sont vendus les produits qu'ils fabriquent, peut-être pourrions-nous intervenir à cet égard.
Serait-une bonne idée? Devrions-nous le faire? Pourriez-vous nous donner des conseils et contacter le président à un autre moment peut-être? Nous devons aller voter. Cette question s'ajoute parfaitement bien à celle que vous avez posée et à celle que madame Debien, monsieur Paré et mes autres collègues ont également posée.
Vous m'avez malheureusement donné trop d'informations qui me causent un immense chagrin. J'aimerais avoir quelques réponses à cette question.
Le président suppléant (M. Godfrey): Si cela ne vous dérange pas, nous aimerions avoir une réponse de votre part à ce sujet. Nous transmettrons cette information non seulement aux membres réguliers du comité, mais aussi à ceux qui étaient présents aujourd'hui et qui ont manifesté leur intérêt, comme madame Finestone.
Avant de vous quitter de façon légèrement précipitée, puis-je vous demander de voir la greffière au cas où vous auriez des notes sur ce que vous avez dit. Elle voudrait s'assurer que le compte rendu est complet.
La séance est levée.