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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 27 novembre 1996

.1539

[Traduction]

Le président: Je déclare ouverte cette séance du Sous-comité du développement durable humain du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Nous avons un programme assez chargé aujourd'hui. Nous avons le grand honneur de recevoir l'honorable Alfonso Gagliano, le ministre du Travail, avant le ministre de la Coopération internationale et le ministre des Affaires étrangères. Ces trois ministres se partagent la compétence du sujet qui nous occupe, le travail des enfants. Le ministre Gagliano s'est montré particulièrement actif, en concertation avec le ministre des Affaires étrangères et d'autres ministères, dans ce domaine.

Après cette présentation, je souhaite la bienvenue au ministre et lui donne la parole. Monsieur Gagliano.

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail): Je vous remercie, monsieur le président et chers collègues.

[Français]

Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à discuter avec vous du travail des enfants, une question qui préoccupe et bouleverse tous ceux qui, comme vous et moi, dénoncent avec énergie l'exploitation économique des enfants.

.1540

Les mauvais traitements infligés aux enfants figurent parmi les violations les plus odieuses des droits fondamentaux de la personne. Il s'agit aussi d'une question extrêmement complexe, profondément ancrée dans la pauvreté et influencée par plusieurs facteurs comme la culture, les pratiques sociales et les traditions.

[Traduction]

Vous avez déjà entendu le message de mes collègues, le ministre de la Coopération internationale et celui des Affaires étrangères. Mon propos complète le leur et s'inscrit dans le cadre de mes responsabilités à l'égard du milieu de travail.

Aux termes de mon mandat, je dois notamment gérer la participation du Canada à l'Organisation internationale du travail, dont notre pays est membre depuis sa création, en 1919. L'OIT est la seule organisation tripartite du système des Nations unies.

Nous avons fortement appuyé les activités de l'OIT en matière d'élaboration de normes ainsi que ses efforts en vue de renforcer les normes fondamentales du travail à l'échelle internationale. Je mentionnerai en particulier l'adoption de dispositions visant à éliminer l'exploitation des enfants par le travail, ainsi que de vastes travaux de recherche, la diffusion d'informations à jour et la fourniture d'une assistance technique.

Au cours de la conférence annuelle de l'OIT qui a eu lieu au mois de juin dernier, à Genève, nous avons appuyé une résolution demandant à tous les États de se mobiliser en vue d'éliminer graduellement le travail des enfants.

[Français]

De plus, le Canada appuie sans réserve la décision prise par l'OIT d'inscrire le travail des enfants à l'ordre du jour de sa conférence annuelle de 1998. Cette conférence aura essentiellement pour objet l'élaboration d'une nouvelle convention qui permettra de faire cesser les pires formes d'exploitation de l'enfant par le travail.

Je peux vous assurer que nous travaillerons en étroite collaboration avec les provinces de même que les organisations patronales et syndicales en vue de préparer la position du gouvernement canadien sur cette nouvelle convention. Et, bien sûr, nous participerons activement à l'élaboration de la convention.

Nous prendrons aussi connaissance avec le plus grand intérêt de l'étude récemment publiée par l'OIT qui s'intitule Le travail des enfants: l'intolérable en point de mire.

Ce document d'actualité porte sur l'exploitation des enfants par le travail. Il passe en revue les lois et les pratiques tant au niveau national qu'international. Enfin, il propose des solutions pratiques pour soustraire les enfants à la servitude pour dettes, à la prostitution ainsi qu'à des activités et des travaux dangereux.

[Traduction]

Aux termes de mon mandat, je suis également tenu de veiller à ce que le Canada respecte les obligations définies par l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, l'un des deux accords parallèles de l'Accord de libre-échange nord- américain, l'ALÉNA.

Protéger les droits des enfants et des jeunes gens dans le domaine du travail est l'un des11 principes que le Canada s'est engagé à observer. Le travail des enfants a été expressément désigné comme l'une des questions au sujet desquelles le Canada, les États-Unis et le Mexique réalisent des activités coopératives.

Le refus de mettre en application la législation sur le travail des enfants est également l'une des questions visées par toutes les procédures que prévoit l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail. Je songe en particulier à la tenue de consultations coopératives au niveau des ministres, aux évaluations comparatives effectuées par des experts indépendants et à un processus complet de règlement des différends dans les cas de plaintes relatives à des pratiques gouvernementales.

[Français]

Comme vous le savez sans doute, nous ne disposons pas des chiffres exacts sur le travail des enfants au Canada. La plupart des normes du travail relèvent de la compétence des provinces et des territoires. C'est donc essentiellement à ce niveau que se font les activités de collecte des données, de suivi et d'exécution.

Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de cas au Canada où des enfants et des jeunes gens travaillent de façon illégale, c'est-à-dire pendant un trop grand nombre d'heures, pendant les heures de classe ou dans des endroits ne convenant pas à des enfants. Cependant, nous avons besoin de données sur le genre de problèmes qui peuvent exister en dehors des heures de classe et sur les cadres de travail informels où l'on retrouve des enfants.

À cet égard, je travaille avec mes homologues provinciaux afin d'avoir une meilleure idée de la situation au Canada.

[Traduction]

En février prochain, nous participerons à la conférence sur le travail des enfants organisée dans le cadre du Programme de travail coopératif établi aux termes de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail. Nous ne doutons pas que cette rencontre contribuera à faire plus de lumière sur ce dossier et suscitera de nouveaux travaux de recherche au Canada et dans les autres pays signataires de l'ALÉNA.

.1545

On me demande parfois pourquoi nous n'avons pas ratifié la Convention 138 de l'OIT, qui porte sur les lois nationales fixant l'âge minimum à partir duquel les enfants peuvent travailler. En fait, le Canada applique déjà dans une large mesure les principes qui sous-tendent la Convention 138. S'il ne l'a pas ratifiée, c'est qu'il faudrait que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s'entendent sur la question et respectent les modalités de ce texte. Or, il y a certaines divergences entre les exigences de la convention et la situation au Canada.

En effet, aucune administration au Canada n'interdit toutes les formes de travail, et notamment pas les travaux légers dans le cas des enfants de moins de 13 ans. Nous estimons ici que le fait d'accomplir des travaux légers en dehors des heures de classe peut être bénéfique aux jeunes sur les plans de l'apprentissage et de la socialisation.

La nouvelle convention de l'OIT sur le travail des enfants, qui doit être examinée en 1998, traitera plus directement de la question que ne le fait la Convention 138. Elle visera les pires formes d'exploitation des enfants par le travail, soit la servitude pour dette ou l'esclavage, le travail exécuté dans des conditions dangereuses ainsi que la prostitution et la pornographie infantiles. Une fois cette nouvelle convention adoptée, nous étudierons la possibilité que le Canada la ratifie.

[Français]

Monsieur le président, tout comme mes collègues, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Coopération internationale, je suis d'avis que nous devons utiliser nos ressources limitées de la manière la plus efficace possible.

Je suis heureux que le Programme du travail participe à la contribution de 700 000$ accordée par le gouvernement canadien dans le cadre du Programme international pour l'abolition du travail des enfants de l'OIT.

Il s'agit d'un projet visant à élaborer des lignes directrices à l'intention des décideurs et des spécialistes du domaine qui veulent prendre des mesures durables contre le travail des enfants.

L'analyse qui sera effectuée portera sur six pays, à savoir le Brésil, le Kenya, les Philippines, la Tanzanie, la Thaïlande et la Turquie. Les leçons qui en seront tirées faciliteront l'élaboration d'autres programmes. Elles serviront aussi à l'élaboration d'un guide sur les meilleures pratiques dont pourront se servir les décideurs d'autres pays, qu'il s'agisse des gouvernements, des organisations patronales ou syndicales ou d'autres ONG.

L'expérience démontre que, si l'on veut vraiment mettre un terme au travail des enfants, il faut qu'un vaste consensus social se dégage dans les différents pays. Toute action efficace doit passer par une approche globale et progressive faisant intervenir toutes les couches de la société.

Il ne fait aucun doute que nous devons travailler avec acharnement à l'élimination des formes abusives du travail des enfants. De concert avec toutes les parties intéressées dans ce dossier, le gouvernement du Canada est déterminé à faire sa part, toute sa part, en vue d'atteindre cet objectif.

Encore une fois, je vous remercie pour votre invitation. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions, monsieur le président.

Le président: Merci. Vous avez une question, madame Debien?

Mme Debien (Laval-Est): Bonjour, monsieur le ministre, et bienvenue au comité. Merci également d'avoir accepté de participer aux travaux.

Vous dites à la page 1 de votre document, à propos du travail des enfants et de l'exploitation de ce travail, que c'est «une question extrêmement complexe, profondément ancrée dans la pauvreté et influencée par plusieurs facteurs comme la culture, les pratiques sociales et les traditions».

Je voudrais vous dire d'emblée que jamais les députés du Bloc québécois n'accepteront de considérer que la culture, les pratiques sociales, les traditions et la pauvreté peuvent être des prétextes à faire travailler les enfants. C'est la première chose qui doit être bien claire.

.1550

L'autre question que j'aimerais vous poser a trait à l'ALÉNA, c'est-à-dire l'Accord de libre-échange nord-américain. On sait que le Mexique est un pays où le travail des enfants et son exploitation sont très importants.

J'aimerais savoir d'abord si, dans les discussions que vous avez eues sur l'ALÉNA ou que vous aurez dans le cadre des échanges commerciaux avec le Mexique, cette question a été abordée avec le gouvernement mexicain.

À la page 6 de votre document, vous dites au troisième paragraphe qu'il y aura une analyse qui va porter sur six pays, à savoir le Brésil, le Kenya, les Philippines, etc., dans le cadre d'un projet de l'OIT.

Savez-vous pourquoi on n'a pas inclus l'Inde dans la liste de ces pays? La plupart des intervenants venus nous rencontrer ont dit que ce pays était l'un des pires pays au niveau de l'exploitation du travail des enfants. Il y avait aussi le Pakistan et la Chine, des pays avec lesquels le gouvernement canadien entretient de plus en plus de relations commerciales.

J'aimerais que vous me donniez une réponse à ces questions-là, du moins aux deux dernières, la première n'étant qu'un commentaire sur la position du Bloc concernant la pauvreté et le fait que la culture ne peut en aucun cas servir de prétexte au travail des enfants.

M. Gagliano: Dans ma déclaration, j'expliquais pourquoi il en est ainsi, mais je suis tout à fait d'accord que la pauvreté ne doit pas être la raison. D'ailleurs, aucune autre raison ne devrait s'appliquer.

Je suis allé au Mexique au mois de mai à la réunion des trois ministres du Travail des pays de l'ALÉNA. Nous avons eu notre réunion annuelle et nous avons discuté de toute la situation du travail. D'ailleurs, nous faisons une étude comparative des pratiques dans nos trois pays respectifs, pour ensuite assurer un suivi et élaborer des politiques qui pourraient faire l'objet d'échanges possibles entre les trois pays de l'ALÉNA.

À la fin de février, il y aura une conférence sur le travail des enfants et la jeunesse. Nous allons y participer, et c'est là qu'on va discuter directement avec les délégations des États-Unis et du Mexique. C'est un sujet que nous allons soulever, et nous voulons nous assurer en tant que pays de l'ALENA que nous étudions ce problème très épineux et que, dans nos pays respectifs, l'enfant soit protégé et ne travaille pas illégalement.

Nous avons contribué 700 000$ pour ajouter d'autres pays. Je vais laisser mon sous-ministre adjoint vous donner la réponse, mais je crois qu'il y a 24 pays, dont l'Inde. Madame Senécal.

Mme Nicole Senécal (sous-ministre adjoint, Travail, ministère du Développement des ressources humaines): Il y a un certain nombre de contributeurs et ce nombre augmente de plus en plus, car les grands pays veulent tous contribuer. On a parlé de 700 000$. L'OIT, dans le cadre des consultations avec nous, a choisi ces pays-là. Cela ne veut cependant pas dire que ce n'est que pour ces pays-là qu'il faut des lignes directrices. Il y en aura d'autres.

Notre contribution de 700 000$ a particulièrement touché ces pays-là, mais l'OIT, en tant qu'organisation, se préoccupe de tous les pays où il y a de gros problèmes en termes du travail des enfants.

.1555

M. Gagliano: Nous sommes au courant des mesures que le gouvernement de l'Inde est en train de prendre, des mesures dont nous sommes satisfaits parce qu'elles vont dans la bonne direction. Le gouvernement se préoccupe de l'Inde. Celle-ci a des projets conformes à nos vues, c'est-à-dire rendre publics les noms des entreprises qui encouragent le travail des enfants ou qui emploient des enfants. Avec l'OIT, nous continuons à encourager ces mesures afin de dénoncer tous ceux qui abusent des enfants.

[Traduction]

M. Martin (Esquimalt - San Juan de Fuca): Monsieur le ministre, je vous remercie. Madame la sous-ministre et collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour traiter de cette question très importante.

Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème en disant que la prostitution infantile, la servitude pour dette et l'esclavage sont les symptômes du problème plus vaste de la pauvreté dans ces pays en développement. Par ailleurs, dans ces pays - vous connaissez très bien la situation au Kenya et dans un certain nombre d'autres pays - le rythme d'accroissement de la population est extraordinaire, avec des taux de croissance démographique dépassant 3,4 p. 100 dans certains cas.

Il est très difficile de faire face à une telle explosion. Comment peut-on améliorer la situation socio-économique des catégories les plus défavorisées lorsque leur population augmente si vite?

J'ai deux questions pour vous. Voici la première. J'aimerais savoir si vous travaillez avec l'OIT, la Banque mondiale et ces pays pour mettre sur pied des établissements de crédit de type «banque verte», où les gens pourraient obtenir des microprêts de façon à s'aider eux-mêmes. Cela s'est avéré une méthode assez efficace dans divers pays du monde.

Deuxièmement, travaillez-vous avec l'ACDI et l'OIT pour attaquer le problème de l'explosion démographique dans ces pays en leur fournissant des moyens de contrôle des naissances sûrs, efficaces et facilement disponibles? Il me semble qu'il ne pourra y avoir de progrès à long terme tant que la population de ces pays augmentera à un tel rythme. Je sais que c'est un sujet politiquement très délicat, mais il me semble qu'il faut s'y attaquer.

M. Gagliano: Mon collègue, le ministre de la Coopération internationale est responsable de l'ACDI, l'organisme chargé de ces questions.

En tant que ministre du Travail, je suis responsable de nos activités dans le cadre de l'OIT. La direction du travail et des ressources humaines de mon ministère travaille très activement avec d'autres pays à la rédaction de la nouvelle convention sur le travail des enfants, en prévision de la conférence de 1998. Voilà mon rôle, dans le cadre de ma compétence à l'égard de l'OIT.

Comme je l'ai également dit dans ma déclaration, nous soulevons aussi le sujet avec les pays membres de l'ALÉNA, dans le cadre de l'accord parallèle portant sur le travail. Nous travaillons donc avec l'OIT et avec l'ALENA, nos partenaires dans le libre-échange nord-américain.

M. Martin: Y a-t-il une coordination?

M. Gagliano: Oui. Comme je l'ai dit, nous travaillons à l'adoption d'une nouvelle convention en 1998. Lors de la réunion annuelle de l'OIT, tous les efforts porteront sur le travail des enfants. Dans l'intervalle, nous agissons au sein de l'ALÉNA. Fin février, nous aurons une conférence sur le travail des enfants et le travail des jeunes en général.

M. Martin: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Godfrey.

M. Godfrey (Don Valley-Ouest): J'aimerais revenir à toute la question de la Convention 138. En lisant votre déclaration - et je cherche à comprendre - je ne vois pas quelle est la grande raison pour laquelle nous n'avons pas ratifié cette convention. La difficulté était-elle d'obtenir l'accord des provinces et des territoires? Ou bien s'agissait-il, comme vous le donnez à entendre au paragraphe suivant, que les enfants de moins de 13 ans, chez nous, accomplissent des travaux légers?

J'ai essayé de mettre la main sur le texte de la Convention 138. Il me semblait qu'elle porte essentiellement sur le travail abusif, et n'interdit pas toutes les formes de travail. Je ne sais donc pas dans quelle mesure cela changerait quelque chose à notre situation, mais vous pouvez peut-être nous en dire plus.

.1600

Toujours à ce sujet, avons-nous participé initialement à la rédaction de la Convention 138 comme nous semblons participer à l'élaboration de la convention suivante? Y a-t-il une meilleure probabilité que nous ratifiions la convention suivante, ou bien passons-nous notre temps à rédiger des conventions sans les signer?

M. Gagliano: Tout d'abord, le problème que nous avons au Canada à l'égard de la 138 est l'âge minimum. Nous travaillons sur la nouvelle convention depuis le tout début. Nous avons activement milité pour la tenue d'une conférence sur les formes abusives de travail infantile et nous travaillons également très fort à la rédaction de la convention.

Je vais vous donner un exemple. Allons-nous considérer qu'une jeune personne qui distribue des journaux le matin souffre d'une forme d'exploitation? C'est là le problème. La convention établit un âge minimum et je viens de vous donner un exemple que tout le monde peut comprendre. Ce que nous voulons viser dans la nouvelle convention, c'est le problème des formes abusives de travail.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous considérons que certaines formes de travail, telles que des travaux effectués après les heures d'école peuvent faciliter la socialisation des jeunes et leur donner également une expérience qui leur sera utile plus tard.

M. Godfrey: Eh bien, si la nouvelle convention va traiter principalement des formes abusives de travail des enfants, telles que la servitude pour dette ou l'esclavage, le travail dans des conditions insalubres et dangereuses, la prostitution et la pornographie infantiles, pourquoi y a-t-il le moindre doute que nous la ratifiions?

Y a-t-il des gouvernements provinciaux dans notre pays qui jugent cette exploitation défendable? Est-ce que la ratification n'est pas presque automatique? Que signifie cette dernière phrase où vous dites: «Une fois cette nouvelle convention adoptée, nous étudierons la possibilité que le Canada la ratifie»?

M. Gagliano: Notre souhait est de voir la convention adoptée. Mais nous ne savons pas sous quelle forme elle le sera, en 1998. De nombreux pays sont membres de l'OIT et nous ne savons pas quelle sera la forme finale. Si elle est telle que nous l'espérons et telle que nous souhaitons la voir adoptée, nous la ratifierons. Nous participons. Nous sommes membres du comité organisateur. Nous militons pour cette conférence et nous avons voté pour sa tenue. Nous travaillons à la rédaction de la convention.

Je pense qu'il serait irresponsable de ma part, en tant que ministre du Travail, d'annoncer que nous ratifierons une convention dont nous ne connaissons pas encore le texte.

N'oubliez pas notre système fédéral. Avant de ratifier en tant que pays, je dois avoir l'accord de mes collègues provinciaux. Si je faisais une telle déclaration, ils m'accuseraient de décider pour eux. Je dois donc respecter la compétence des provinces.

M. Godfrey: Ce sera ma dernière question. Est-ce que la nouvelle convention, en droit ou en pratique, aura préséance sur la 138? Est-ce que cette dernière devient lettre morte parce que la nouvelle couvre le même sujet de façon plus détaillée?

M. Gagliano: La Convention 138 subsistera. La nouvelle convention est une convention nouvelle et elle aura une existence propre.

M. Godfrey: Je vous remercie.

M. Gagliano: Il n'y a pas de quoi.

Le président: Oui, certainement.

M. Gagliano: Je vous prie de m'excuser, j'ai oublié de présenter mes collaborateurs. Comme ils m'accompagnent toujours partout, je n'y pense pas. Nicole Sénécal est mon sous-ministre adjoint et Yves Poisson mon directeur général responsable des politiques.

M. Yves Poisson (directeur général, Politique stratégique et partenariats, ministère du Développement des Ressources humaines): Je voudrais juste ajouter que l'OIT est en train de revoir toutes les conventions. Ce sera un travail assez long, et la Convention 138 sera l'une de celles couvertes. Vu son sujet, elle subsistera probablement. Mais la nouvelle convention sera un instrument de type différent. Elle sera rédigée de manière différente, dans un esprit plus moderne.

.1605

M. Godfrey: À ce sujet, la Convention 138 a-t-elle été particulièrement efficace dans un pays donné, et dans quelle mesure est-elle appliquée?

M. Poisson: Je ne connais pas le nombre exact des pays qui l'ont ratifiée. C'est probablement moins de 50, mais ce n'est pas 49. Ce n'est pas un nombre très important. Il y a 174 pays membres de l'OIT. Le problème ici, comme le ministre l'a expliqué, est le sujet très particulier dont elle traite.

Mme Sénécal: Je précise que 56 pays l'ont ratifiée.

[Français]

M. Godfrey: Ça monte.

M. Gagliano: C'est comme la température.

M. Godfrey: Mais pas à Ottawa.

[Traduction]

Le président: Si je puis poser une question à titre de président, dans quelle mesure les provinces participent-elles à la négociation et à l'étude de cette future convention, et à quel stade?

M. Gagliano: Mes fonctionnaires et ceux des provinces se concertent. Nous espérons avoir au début de l'année prochaine une réunion de tous les ministres du Travail du Canada, et nous y aborderons certainement l'Organisation internationale du travail et la signature par les provinces de l'accord de l'ALÉNA.

C'est l'un des sujets dont je vais traiter avec mes collègues, encore que l'accord international peut être signé et exécuté par le gouvernement fédéral.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Paré.

[Français]

M. Paré (Louis-Hébert): Je vais poursuivre sur la question soulevée par M. Godfrey. J'ai compris l'explication que vous avez donnée concernant le fait que le Canada n'a pas ratifié la Convention 138. Puisque le Canada a accepté les accords parallèles, l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, doit-on comprendre qu'on n'a pas beaucoup de choses à attendre des accords parallèles de l'ALENA puisque ceux-là, vous les avez ratifiés?

M. Gagliano: J'essaie de faire le lien avec votre question. Je m'excuse.

M. Paré: Si vous n'avez pas ratifié la Convention 138 parce qu'elle est en partie de compétence provinciale et que, d'autre part, vous avez ratifié l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail...

M. Gagliano: Je comprends maintenant.

M. Paré: Je comprends que c'est une...

[Inaudible - La rédactrice].

M. Gagliano: Non, pas tout à fait. D'ailleurs nous avons signé l'ALÉNA et actuellement, la province de l'Alberta a signé. L'accord précise qu'il faut 25 p. 100 des travailleurs canadiens afin que nous puissions intervenir en cas de litige. C'est pour ça que je travaille très fort avec mes collègues.

Selon mes renseignements, le Québec doit signer bientôt, et j'espère que d'autres programmes vont suivre afin que nous puissions avoir cette représentation de 25 p. 100 des travailleurs qui ont signé l'accord de l'ALÉNA, même si actuellement nous sommes partenaires complets. Mais il reste toujours que, dans un litige, on peut toujours se retrouver avec moins de 25 p. 100 des travailleurs représentés, puisque le fédéral représente à peu près 10 p. 100 de la main-d'oeuvre canadienne.

Il faut que tout le monde signe la Convention 138 avant qu'on puisse la ratifier comme pays.

M. Paré: À la page 4 de votre déclaration, vous dites:

J'aimerais savoir qui le «nous» inclut. Est-ce que c'est seulement le gouvernement?

M. Gagliano: C'est une conférence de l'ALÉNA. Alors, ce sont les États-Unis, le Canada et le Mexique.

.1610

Je dis «nous» puisque je suis responsable du Programme du travail du ministère et que j'ai l'intention d'y participer personnellement.

M. Paré: Est-ce que des organisations patronales et syndicales feront partie de votre délégation?

M. Gagliano: Oui. D'ailleurs, des comités de travail y participent, et on fera une délégation. Aussi, des provinces sont invitées à participer.

M. Paré: Dans les milieux du travail, on avait espéré, au moment où on signait des accords de libre-échange, pouvoir introduire des clauses sociales dans le domaine des normes minimales de travail. Est-ce qu'on peut encore espérer que cela se produise ou si cela été évacué du moule du néo-libéralisme, qui n'a rien à voir avec le Parti libéral?

M. Gagliano: Parlez-vous en général ou des droits des enfants?

M. Paré: En général, mais si on arrivait à convenir de clauses protégeant les normes sociales et les normes du travail, il serait peut-être plus facile d'introduire des clauses protégeant les enfants.

M. Gagliano: Si vous faites allusion à l'accord international du commerce, la position du gouvernement canadien est que, pour le moment, étant donné qu'il n'y a pas un consensus de tous les pays, c'est à l'OIT qu'on devrait discuter des droits des travailleurs et de toute la question des clauses sociales. Un jour, s'il y a consensus, on pourra avancer, mais pour le moment, notre position est qu'on doit porter ce débat à l'OIT. À mon avis, on pourra faire du progrès.

M. Paré: J'aurais une toute petite dernière question, si vous permettez.

L'Association canadienne des exportateurs a déjà proposé elle-même de convenir d'un code volontaire de conduite relativement aux droits de la personne. Je pose la question au ministre du Travail: comment réagiriez-vous personnellement à un code de conduite qui engloberait les droits des enfants?

M. Gagliano: Actuellement, nous avons accepté la protection des droits des enfants et tous les principes connexes, mais j'aimerais voir le code avant de me prononcer. Toute notre politique est basée sur l'accord volontaire des parties. À mon avis, c'est comme cela qu'on va faire des progrès réels. Quand on force, on n'a pas le résultat escompté. S'il y a des accords volontaires, nous serons bien sûr prêts à les appuyer, mais j'aimerais voir le code dont vous parlez avant de me prononcer.

M. Paré: Merci.

[Traduction]

Le président: Madame Gaffney.

Mme Gaffney (Nepean): Merci beaucoup.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Au sujet de cette étude de l'OIT, Le travail des enfants: l'intolérable en point de mire, pourrais-je en avoir une copie, si ce n'est pas un document trop volumineux?

M. Gagliano: Oui.

Mme Gaffney: Excellent.

M. Gagliano: J'en prends note et verrai si nous en avons une copie ou pouvons nous en procurer une. Je la ferai parvenir au greffier. Nous avons un résumé du document que nous pouvons vous remettre tout de suite.

Le président: Il a déjà été distribué.

Mme Gaffney: Il a été distribué? Je dois l'avoir quelque part, dans ce cas. Je suis réellement confuse. Merci beaucoup.

M. Gagliano: Il n'y a pas de mal. Nous avons tous ce problème, sur la Colline.

Mme Gaffney: Nous recevons beaucoup de documents à lire.

M. Gagliano: Trop, parfois.

Mme Gaffney: Je tiens à vous féliciter de ce que l'OIT ait adopté la position qu'elle a prise. Je pense que c'est le sujet sur lequel tout le monde aujourd'hui se concentre.

.1615

Je reviens d'une réunion aux Nations unies lundi et mardi derniers. Dans l'un de ses programmes, l'UNICEF verse, par l'intermédiaire de l'ACDI, le montant qu'un enfant gagnerait à nouer des tapis, par exemple, à la famille afin que cet enfant puisse aller à l'école au lieu de travailler. C'est donc avec nos crédits, et c'est assez impressionnant, à mon avis.

Mais tout ce sujet est très délicat. Je suppose que ces pays avec lesquels vous travaillez ont exprimé leur accord. Est-ce pour cela que vous avez choisi ces cinq pays?

M. Gagliano: Permettez-moi de rectifier, c'est l'OIT.

Mme Gaffney: L'OIT. Désolée, encore une fois.

M. Gagliano: Nous participons au financement de recherches et d'études qui faciliteront l'établissement de quelques modèles, de quelques normes, pour aider ces pays et d'autres qui ont des problèmes de travail des enfants.

Mme Gaffney: Pour nous éloigner de l'OIT et nous rapprocher de chez nous, nous, les parlementaires, sommes membres de nombreuses organisations mondiales telles que l'Association parlementaire du Commonwealth, l'Union interparlementaire ou le Groupe Amitié Canada. Je pense qu'il y a là une excellente occasion pour ces pays de se concerter, particulièrement au sein de l'APC, qui regroupe tous les pays du Commonwealth.

J'en ai parlé deux fois au comité exécutif de l'APC et je sais qu'il y a une réticence de la part du Canada à prendre la tête du mouvement. À votre avis, que pourrait faire le Canada au sein de ces organisations? Avez-vous des idées là-dessus?

M. Gagliano: Ce que je vais dire n'est pas nécessairement en ma qualité de ministre du Travail. Je n'ai rien à voir avec l'Association parlementaire du Commonwealth, mais je peux coiffer mon chapeau de leader parlementaire adjoint.

Nous pensons qu'il est important qu'une délégation parlementaire voyage à travers le pays pour rencontrer d'autres délégations parlementaires et étudier la question. C'est un rôle de parlementaire que nous encourageons. Naturellement, nous devons le faire dans les limites de nos moyens. Nous sommes en détresse financière, et le ministre des Finances essaie de mettre de l'ordre dans nos affaires financières et nous avons dû apporter des coupures. Mais je pense qu'il faut préserver la délégation parlementaire.

Vous avez mentionné quelques organisations internationales telles que l'UIP et d'autres. C'est important. J'ai assisté moi- même à quelques-unes de ces conférences pendant mes 12 années sur la Colline. J'y ai beaucoup appris, et elles étaient l'occasion d'avoir des échanges de vues avec des collègues.

Parfois, les affaires internationales ne bougent pas aussi vite qu'on le voudrait. Il faut du temps. Mais je pense que, par le passé, tous nos prédécesseurs qui ont eu l'occasion de voyager à l'étranger avec les délégations parlementaires ont certainement fait un bon travail. C'est pourquoi le Canada est aujourd'hui ce qu'il est. Nous sommes respectés à l'échelle internationale et invités à participer partout, car notre position est connue. On sait à l'étranger combien nous sommes attachés aux droits de la personne. Je pense que c'est notre marque de commerce, si je puis utiliser cette expression, car nous sommes très en vue sur le plan des droits de la personne. C'est ce que l'on me dit chaque fois que je voyage, que ce soit à titre de député ou en qualité de ministre. Je pense que nous devons continuer dans cette voie. Je ferai tout mon possible, mais je n'ouvre pas la porte, le budget...

Mme Gaffney: Non. Cela pourrait faire partie des recommandations du sous-comité. Nous devrions en faire l'une de nos suggestions ou recommandations au comité permanent, afin de retirer l'avantage maximal du travail que font nos associations parlementaires, puisque ces dernières nous permettent de rencontrer des parlementaires de pratiquement tous les pays du monde.

Où se tiendra la conférence? Est-ce ici, au Canada?

M. Gagliano: Elle aura lieu la dernière fin de semaine de février, à San Diego, aux États-Unis.

Le président: Merci beaucoup, madame Gaffney. Monsieur Flis.

M. Flis (Parkdale - High Park): J'ai besoin de votre conseil, monsieur le président, car je remarque que ceci est une table ronde. Est-ce que le ministre sera présent pour entendre le témoignage des autres invités ou va-t-il devoir partir?

M. Gagliano: Malheureusement, je ne peux pas. J'ai un autre engagement.

.1620

M. Flis: Ce qui m'amène ici, c'est l'un de mes mandants, qui a attiré mon attention sur le sort des intouchables dans le système des castes indien, où des fillettes de six ans sont consacrées à «leurs dieux» ou quelque chose du genre, puis livrées à la prostitution et au travail infantiles.

Leur nombre est de 51 millions, est-il indiqué ici - je regarde le mémoire du témoin suivant, qui sera présenté par Yogesh Varhade, du Centre Ambedkar pour la justice et la paix - et, monsieur le ministre, vous avez dit être informé des plans du gouvernement indien en matière de lutte contre le travail des enfants. Est-ce que, dans le cadre de ce plan d'action, il projette de s'attaquer au système des castes vieux de 3 000 ans et au sort des intouchables, ou bien s'agit-il uniquement de mesures cosmétiques destinées à camoufler le problème réel, ainsi que le croit notre prochain témoin?

Je trouve choquant que le monde soit resté immobile pendant toutes ces années et que nul n'ait élevé la voix. Je suis heureux de voir que notre prochain témoin élève la voix. Il est l'un d'eux.

Mais que faisons-nous dans le cadre de nos relations bilatérales avec l'Inde pour essayer de l'amener à changer les choses? Ce n'est pas facile, car ainsi que le rappellera le prochain témoin en citant les paroles de notre premier ministre lors de sa visite en Inde en janvier: «ils disposent de lois, mais en raison des différences de la société, ils ne sont pas là où ils voudraient être».

Je ne sais pas ce qu'il entend par «différences de la société», mais je ne pense pas que nous puissions couvrir une telle exploitation des enfants sous prétexte que c'est un système vieux de3 000 ans.

M. Gagliano: Monsieur le président, je suis ministre du Travail et ne peux parler au nom de mes collègues. Je sais que le gouvernement du Canada, qu'il s'agisse du premier ministre ou d'autres ministres, soulève la question à chaque occasion, à chaque rencontre bilatérale. Peut-être la meilleure réponse que je puisse donner est-elle de vous dire ce que nous savons, de source diplomatique, sur l'action du gouvernement de l'Inde ou sur ce qui se fait dans la région.

Selon un article de presse récent, par exemple, le ministre du Travail de l'Inde a apparemment publié une liste d'entreprises qui emploient illégalement des enfants. C'est de cela que je parlais en réponse à une question précédente.

La South Asia Association of Regional Corporations, qui a sept pays membres - le Bangladesh, le Bhoutan, l'Inde, les Maldives, le Népal, le Pakistan et le Sri Lanka - a tenu une réunion ministérielle en août de cette année et adopté à l'unanimité une résolution engageant les membres à éliminer toute forme de travail infantile d'ici 2010 et de mettre fin au travail des enfants dans des conditions dangereuses.

Le ministre du Commerce indien a récemment rendu obligatoire l'étiquette Kaleen à compter du 1er septembre 1996.

Je pense que l'évocation de ce problème lors de nos entretiens bilatéraux au cours des dernières années a eu quelque effet. Est-ce que cela suffit? Je suppose qu'il faudra attendre pour le savoir.

Vous avez parlé de vos mandants et du prochain témoin. Ils vous citeront des faits ou des cas concrets. Je pense que, dans le cas de l'Inde comme d'autres pays - chaque pays est souverain - le plus efficace est de les exposer. Vous verrez que même à l'intérieur d'un pays où le problème est aigu, les autorités commencent à dénoncer leurs propres ressortissants qui se livrent à ces pratiques illégales.

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Je pense donc que nos efforts diplomatiques - notre politique consistant à convaincre au lieu de simplement ériger un mur entre eux et nous parce que nous ne sommes pas d'accord avec ce qu'ils font - commencent à porter fruit. J'espère que cela continuera et, bien entendu, que les résultats se matérialiseront et que nous vivrons dans un monde meilleur.

M. Flis: Dans le mémoire de M. Varhade, que j'ai lu, il formule d'excellentes recommandations sur ce que le Canada pourrait faire. L'une est que les sociétés canadiennes et étrangères actives en Inde, au Népal et ailleurs se voient interdire de recourir à toute main-d'oeuvre enfantine et soient tenues responsables dans leur propre pays.

Existe-t-il au Canada une législation interdisant aux entreprises canadiennes d'exploiter ou d'utiliser la main-d'oeuvre enfantine à l'étranger?

M. Gagliano: Ce que je puis dire, et je ne suis pas expert en droit international, c'est que lorsqu'une société canadienne est implantée à l'étranger, elle doit respecter la législation du pays concerné. J'espère donc qu'elles le font, et si elles ne le font pas, il faut les dénoncer.

M. Flis: Permettez-moi d'être très clair à ce sujet, monsieur le ministre, car c'est une recommandation que le sous-comité pourrait faire. Nous n'avons pas, à l'heure actuelle, de législation interdisant aux sociétés canadiennes d'utiliser la main-d'oeuvre enfantine à l'étranger.

M. Gagliano: Je ne pense pas qu'il existe de telle loi.

M. Flis: Je pense que nous avons là quelques recommandations concrètes à formuler à notre gouvernement.

Le président: Nous avons entendu pas mal de témoignages en ce sens.

M. Flis: Je n'utilise qu'un exemple ici, vu le manque de temps. Nous adresserons d'autres recommandations encore au ministre.

Le président: Monsieur le ministre, aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. Gagliano: Je crois que le gouvernement prépare une loi sur la prostitution, mais je ne peux vous donner de réponse exhaustive. Je pense qu'il faut vérifier exactement ce qui se fait. Mais, assurément, nous tenons à ce que nos entreprises qui sont actives à l'étranger... Si le comité formulait cette recommandation, nous l'examinerons de près.

M. Flis: Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. S'il n'y a pas d'autres questions, je vais saisir cette occasion pour vous remercier, de même que madame Sénécal et monsieur Poisson, de ce précieux témoignage. Il va grandement faciliter nos travaux.

Vous aurez remarqué que nous n'avons pas commandé de café aujourd'hui. C'est parce que je vous ai vu faire du cappuccino à la télévision, pendant la fin de semaine. Nous savions que notre café serait loin de pouvoir rivaliser avec votre cappuccino, mais j'espère que lorsque vous reviendrez, nous aurons une machine à cappuccino et que vous pourrez nous faire une démonstration de vos talents. Merci beaucoup d'être venu et de vos propos des plus intéressants.

M. Gagliano: Je vous remercie, monsieur le président. Peut- être que la prochaine fois où vous m'inviterez, j'apporterai du cappuccino.

Le président: Eh bien, ce moment viendra d'autant plus vite! Je vous remercie.

Nous allons faire une courte pause avant d'entendre le témoin suivant.

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Le président: Nous reprenons la séance et souhaitons la bienvenue aux témoins. Je dois commencer par présenter des excuses. Nous devrons partir pour un vote. La cloche retentira à17h15 et le vote aura lieu à 17h30.

Mme Gaffney: Pourrons-nous revenir, si nous n'avons pas terminé?

Le président: Nous reviendrons si nous n'avons pas terminé. J'invite les témoins à être aussi concis que possible. Nous passerons ensuite aux questions.

Je devrais peut-être présenter d'abord les témoins: M. Yogesh Varhade, que M. Flis a déjà partiellement présenté, du Centre Ambedkar pour la justice et la paix, dont il est le président; Kathleen Ruff, du Canadian Anti-Slavery Group; Bob Thomson, directeur général de Fair TradeMark Canada; Linda Tripp, vice- présidente, et Matthew Scott, chargé de la politique publique, de Vision mondiale Canada. Soyez tous les bienvenus.

Christopher Lowry est à un autre comité, si bien que Street Kids International sera peut-être représenté plus tard seulement.

Là-dessus, j'invite chacun à faire un exposé aussi bref que possible, vu l'importance du sujet. Monsieur Varhade, voulez-vous commencer?

M. Yogesh Varhade (président, Centre Ambedkar pour la justice et la paix): Je vous remercie, monsieur le président.

Human Rights Watch, un groupe de réflexion de Washington, D.C., a publié en date du16 septembre 1996 un rapport sur le travail des enfants en Inde.

Il chiffre la main-d'oeuvre enfantine en Inde à 110 à 125 millions. Sur ce nombre, de 15 à20 millions sont en servitude pour dettes. Afin que vous puissiez mesurer l'ampleur de ce problème, le nombre des enfants asservis en Inde équivaut presque à la population de l'Amérique du Nord.

Une question se pose. Ce système perdure depuis 3 000 ans. Pourquoi encore aujourd'hui? Comment peut-on manquer à ce point de compassion? Comment peut-on être si cruel avec les enfants de son prochain?

La cause première du travail des enfants et de l'asservissement réside dans le système de castes vieux de 3 000 ans et la pratique de l'intouchabilité.

Selon les croyances religieuses hindoues, les êtres humains ne naissent pas égaux. Ce système de castes et l'existence d'une catégorie placée plus bas que tout, les hors-castes du système de castes indien, est responsable du traitement de toute cette population, équivalente à presque celle de l'Amérique du Nord, les 250 millions d'esclaves du système de castes hindou. Ces intouchables et leurs enfants sont comme des non-entités, des non-êtres, la boue de l'humanité. On traite mieux les chats et les chiens.

Comprenez bien cela. C'est comme une licence officielle, en pratique et en théologie, si bien qu'ils peuvent violer, tuer, brûler et frapper ces enfants et leurs parents et les corps nus des femmes. Ils peuvent punir de toutes les façons possibles pour montrer que le système des castes... le système des castes fait leur délice.

La haute caste, moins de 15 p. 100 de la population, contrôle 85 p. 100 de la richesse nationale, de l'argent, des médias, du pouvoir, de l'administration, de la police et de la magistrature. De ce fait, et bien que la constitution indienne contienne les solutions... La pratique de l'intouchabilité est un délit communal. La pratique du travail des enfants est un délit communal. La pratique de la prostitution enfantine sanctifiée est un délit communal. Mais ces pratiques sont encore vivaces. La situation ne change pas, car la volonté du gouvernement n'a guère changé au cours des 50 dernières années.

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Je ne pense pas non plus qu'elle change très facilement, même si le gouvernement actuel a peut-être un désir plus sincère de réformer le système indien. Je le reconnais.

Mais à moins que la pression internationale n'augmente, je ne pense pas que les choses vont changer. Human Rights Watch, dans son rapport, indique que la pauvreté et les traditions de caste continuent à sévir en Inde rurale. Près de 50 millions d'enfants, certains ayant à peine six ans, continuent de travailler dans l'asservissement en violation des lois nationales et internationales. Le plus souvent en raison d'impératifs économiques, les enfants travaillent au sein de leur famille asservie ou sont vendus individuellement, plus ou moins comme esclaves.

Le rapport de l'OIT souligne:

Le problème est immense. Il représente un défi pour chaque société civile du monde. C'est pourquoi nous parlons des façons dont nous pouvons amener la guérison de la société.

En 1993, j'ai assisté à une conférence mondiale sur les droits de l'Homme à Vienne, où le Canada a joué un rôle de premier plan à notre appui. Les députés canadiens, de concert avec le gouvernement canadien, ont essayé d'obtenir que l'intouchabilité soit érigée en délit collectif dans les ébauches de résolution. Le gouvernement indien, avec l'appui de la Chine, a réussi à bloquer la tentative.

Je veux dire aux députés que nous avons beaucoup apprécié toute leur aide. Nous devons continuer à travailler.

Dans le rapport récent du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, en août 1996... Nous avons participé à cette conférence et l'Inde a présenté son rapport périodique, pour la première fois en dix ans. Il laissait à désirer et le CEDR n'a pas mâché ses mots en exprimant sa désapprobation devant le caractère incomplet du rapport de l'Inde. À notre initiative, il a exprimé l'avis que la protection donnée aux nôtres en Inde est insuffisante, que le nombre de violations des droits de l'homme, d'après les statistiques indiennes elles-mêmes, est très élevé, et que les exclus n'ont pratiquement aucune chance de survie.

Le comité a exprimé des recommandations très fermes dans son rapport du 22 août. Premièrement, il a pris acte de ce que l'Inde omet de protéger sa population marginalisée. Deuxièmement, il dit qu'il faut punir les auteurs des violations des droits de l'Homme. Troisièmement, il dit que des réparations satisfaisantes n'ont pas été versées. Tout cela doit être fait.

En outre, l'Inde doit commencer à éduquer toute sa population par une campagne soutenue de façon à éliminer la séparation institutionnalisée entre caste supérieure et caste inférieure, la mentalité qui est responsable du travail des enfants. Le travail des enfants n'est pas un problème de pauvreté. C'est le résultat de système de séparation en castes inférieure et supérieure qui façonne la mentalité des masses.

Le comité a demandé également au gouvernement indien de publier ces rapports dans tous les grands journaux. Je me ferai un plaisir de vous remettre des copies de ce document. Le gouvernement indien n'a pas effectué cette publication dans les journaux indiens comme le demandait le comité. Le Canada doit faire pression sur l'Inde afin qu'il le fasse.

Voyons ce qu'il est possible de faire dans cette situation.

Le Canada a joué un rôle très important dans le démantèlement de l'apartheid en Afrique du Sud. Ceci est un apartheid en Asie du Sud encore beaucoup plus cruel. Fort de cela, le Canada peut jouer le même rôle important dans la libération de notre peuple. Ce sont des millions de vies qui sont en jeu. En dépit de toutes les dispositions constitutionnelles, c'est la volonté qui manque. Les pressions internationales pourraient susciter cette volonté.

Nous avons des recommandations précises. Premièrement, demander à l'Inde et aux pays d'Asie du Sud-Est où vivent des Hindous et où le système de castes existe à mettre en application leurs dispositions constitutionnelles pour garantir pleinement le respect des droits de l'Homme. Ils peuvent appliquer pleinement les lois.

Deuxièmement, l'ACDI, en collaboration avec les pays du G-7, pourrait mettre en oeuvre des programmes en vue de la libération, de la rééducation et de la réinsertion des enfants qui travaillent dans ce continent, par le biais du financement de microprojets très concrets. Les grands projets ne font pas grand-chose pour éliminer la pauvreté. Des projets menés par un pays seul n'apportent pas grand-chose sur le plan de l'élimination de la pauvreté.

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Troisièmement, les pays du G-7 devraient mettre en place un système de contrôle des produits fabriqués avec de la main-d'oeuvre enfantine. Il faut un contrôle en Inde même, tout comme dans les pays occidentaux. Les compagnies étrangères, comme notre ami Jesse Flis l'a indiqué, toute société travaillant en Inde, doit être contrôlée également - celles qui ont leur siège dans un pays occidental. Si elles emploient de la main-d'oeuvre enfantine, elles doivent être punies selon la loi.

Le Canada peut également apporter son aide à la mise en place d'un système de sensibilisation aux droits de la personne et de contrôle de leur respect. Ce que nous demandons au Canada - vu sa réputation en matière de maintien de la paix dans le monde, il est particulièrement bien placé - c'est d'aider l'Inde à mettre sur pied un comité, avec l'aide des pays du G-7, en vue de rendre l'aide internationale conditionnelle au respect intégral des lois et des droits de la personne.

C'est un développement important survenu en 1993 qu'à la Conférence mondiale sur les droits de l'Homme, avec 1 000 ONG, nous ayons réussi à faire adopter une résolution demandant aux Nations unies d'oeuvrer pour l'éradication de la pratique de l'intouchabilité d'ici l'an 2000, faute de quoi le pays subirait des sanctions. Je pense qu'il faut faire parvenir à l'Inde et aux pays d'Asie du Sud un message clair pour qu'ils sachent que la société civile dont l'Inde prétend faire partie ne tolérera plus ce système déshonorant et déshumanisant.

On peut le contrôler par le biais des systèmes financiers internationaux. Les Nations unies peuvent nous envoyer tous les rapports spéciaux, y compris le rapport sur le racisme et le rapport sur le travail des enfants. L'ONU peut étudier le système, et en débattre en son sein au niveau civil. Nous avons concentré nos efforts au cours des six dernières années sur l'intervention aux Nations unies, et nous continuons notre lutte. Comme l'a fait remarquer un jour le porte-parole canadienMaurice Strong, le Canada doit se montrer proactif plutôt que réactif à l'aube du XXIe siècle.

Il faut renforcer les ONG formées par les exclus et les ONG internationales qui oeuvrent dans ce domaine, afin qu'elles puissent aider l'ACDI à faire tout le possible pour amener des changements dans la société. L'ACDI peut améliorer les communications entre les différentes ONG d'exclus et la communauté internationale. Il faut élargir le réseau déjà établi par le CRDI en Inde.

Il faut également dispenser une éducation sanitaire aux populations marginalisées, aux femmes et aux enfants, sur une beaucoup plus grande échelle.

On peut étudier ces recommandations en détail. Dans chacune, il y a une possibilité pour le Canada d'agir. Il suffit qu'il y ait un désir réel au Canada, qui est l'un des membres les plus respectés de la société civile dans le monde occidental d'aujourd'hui. Le Canada a également une obligation morale. Ainsi que l'a dit M. Ambedkar, qui était le premier ministre de la Justice de l'Inde et le père de sa constitution, le monde a le devoir de rompre les fers et de libérer tous ceux qui vivent dans l'esclavage dans leur société.

Le ministre a dit tout à l'heure que le gouvernement de l'Inde se montre intéressé. Il continuera à se montrer intéressé pendant encore 50 ans, et des milliers et des millions d'enfants malheureux continueront à mourir dans les travaux forcés et dans la servitude. Il faut trouver une solution. La société occidentale doit nous aider. Elle doit nous aider dans ce mouvement de libération. Puisqu'il y a déjà un précédent où le Canada a joué un rôle de tout premier plan, je pense qu'il peut faire beaucoup en ce sens.

Nous ne parlons pas de l'action passée du gouvernement indien. Nous parlons de l'avenir. Le moment est opportun. Le gouvernement indien actuel est un peu ouvert au changement. Il a besoin qu'on le pousse. Il a besoin qu'on l'aide. Il a besoin que la communauté internationale lui fasse savoir qu'elle a sérieusement l'intention de détruire ce système déshumanisant et démoralisant, ce qui n'a que trop tardé. Ce système aurait dû disparaître depuis longtemps, mais il survit toujours dans la pratique. Il est impératif qu'il disparaisse. C'est la vie de millions d'enfants qui est en jeu.

Je vous remercie de votre attention.

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Le président: Je vous remercie, monsieur Varhade.

Je veux souhaiter la bienvenue également à Christopher Lowry, de Street Kids International, qui arrive tout droit du Comité de la justice, je suppose. Vous avez été occupé dans les comités aujourd'hui.

La prochaine intervenante est Kathleen Ruff, porte-parole du Canadian Anti-Slavery Group. Madame Ruff.

Mme Kathleen Ruff (porte-parole, Canadian Anti-Slavery Group): Je veux remercier le comité de l'important travail qu'il fait par le biais de ces audiences sur le travail des enfants. Le Canadian Anti-Slavery Group est un mouvement populaire qui compte des adhérents d'un bout à l'autre du pays. Il est affilié à Anti- Slavery International, qui a son siège au Royaume-Uni et est l'une des organisations de pointe dans le monde dans la campagne contre le travail des enfants en servitude.

Je félicite en particulier le comité d'avoir précisé qu'il s'attarderait surtout aux aspects les plus extrêmes de l'exploitation des enfants, tels que la servitude pour dettes, la prostitution, le travail dans des conditions insalubres et dangereuses. Je pense que cette approche est tout à fait louable. C'est à ce niveau que le comité peut accomplir le plus et obtenir le plus de résultats concrets.

Je voudrais tout d'abord décrire les conditions qui favorisent la servitude des enfants. J'aborderai ensuite les mesures pratiques que le Canada pourrait prendre à cet égard, la façon dont le Canada pourrait réellement faire une différence s'il décidait certaines mesures de nature pratique dans le sens du changement.

Anti-Slavery International signale que plusieurs millions d'hommes, de femmes et d'enfants sont aujourd'hui des travailleurs asservis, particulièrement en Asie, mais aussi en Amérique centrale, en Amérique du Sud et en Afrique. Dans un rapport qui vient tout juste d'être publié, Human Rights Watch estime qu'il y a entre dix et 15 millions d'enfants travaillant dans la servitude rien qu'en Inde. La servitude pour dettes est reconnue comme de l'esclavage par les Nations unies.

Le comité des Nations unies - le groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage - tient des séances chaque année sur cette question, mais cette dernière a fait l'objet jusqu'à présent d'un manque d'attention scandaleux à l'échelle internationale. Ce n'est que tout récemment qu'elle commence enfin à retenir l'attention qu'elle mérite.

La servitude pour dettes constitue une forme d'esclavage où les enfants n'ont aucun droit et ne jouissent d'aucune protection contre les sévices. Certains sont nés en état de servitude, d'autres sont achetés parfois dès l'âge de six ans et d'autres encore se font prendre par ruse. Ils vivent dans des conditions épouvantables, sont assujettis à des sévices physiques, psychologiques et sexuels extrêmes, souffrent de malnutrition et de maladies diverses. S'ils commettent une erreur dans leur travail ou tentent de s'échapper, on les punit. Les médecins spécialistes au Pakistan parlent du syndrome de l'enfant captif, lequel est responsable d'un grand nombre de décès d'enfants.

Nous parlons donc là d'un problème généralisé d'exploitation de millions d'enfants travailleurs dans le monde. Je pense que la préoccupation du comité à l'égard des formes d'exploitation les plus flagrantes des enfants signifie qu'il doit prêter une attention particulière à cette question de la servitude pour dettes des enfants. Tant que l'on ne s'attaquera pas à ce problème, il est peu probable que l'on puisse progresser sur d'autres plans en matière d'exploitation des enfants par le travail car, dans un marché mondialisé, si l'on tolère cela pour des millions d'enfants, d'autres enfants verront leurs conditions de travail ramenées au même niveau.

J'aimerais parler des circonstances qui donnent naissance à la servitude pour dettes. L'extrême pauvreté d'un pays est l'un des principaux facteurs qui contribuent à la servitude. Ce n'est toutefois pas le seul ni le plus important. L'élément clé est la volonté politique. Je pense qu'il est très important que le comité en prenne conscience, car la pauvreté est un problème auquel il faut s'attaquer et auquel il faut remédier. Mais il n'excuse ni ne justifie la servitude ou l'exploitation des enfants par le travail. Le comité doit bien veiller à ne pas en faire un prétexte pour tolérer la poursuite de cette pratique.

La servitude prospère là où les élites commerciales et financières disposent d'un pouvoir excessif sur les régimes politique, juridique et policier; là où on ne s'efforce pas suffisamment de satisfaire les besoins fondamentaux comme l'instruction gratuite pour tous, les soins de santé et les services sociaux; là où existent de grossières inégalités sociales et économiques; et là où des groupes sont marginalisés et victimes de discrimination parce qu'ils font partie de castes inférieures, de peuples autochtones ou de minorités religieuses.

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Une récente étude des Nations unies montre que certains États extrêmement pauvres ont néanmoins réalisé des progrès beaucoup plus grands que d'autres pays plus riches pour ce qui est de réduire l'exploitation des enfants, leur fournir une éducation primaire et secondaire, réaliser l'égalité des sexes dans l'enseignement, les soins de santé et parvenir à des niveaux supérieurs d'alphabétisation des adultes.

Comme vous le savez, un fort niveau de scolarisation est l'une des façons les plus efficaces d'éliminer l'exploitation des enfants par le travail. Lorsque les enfants sont à l'école, ils ne sont pas exploités dans un atelier et ils acquièrent la possibilité et l'espoir de mener une vie décente.

Le rapport des Nations unies cite en exemple Kerala, en Inde, un État de 29 millions d'habitants qui, en dépit de son extrême pauvreté, a virtuellement éliminé la servitude et l'exploitation des enfants. Le taux de scolarisation au niveau primaire est de 100 p. 100. La moyenne nationale en Inde n'est que de 62 p. 100. Au Pakistan, elle est de 37 p. 100. Le taux d'alphabétisation des adultes est également élevé au Kerala, de même que le degré d'égalité entre hommes et femmes.

En d'autres termes, il importe que nous réalisions tous que la servitude et l'exploitation des enfants par le travail ne peuvent être tolérées. N'utilisons pas l'excuse de la pauvreté ou de la culture ni aucun autre argument pour les laisser se poursuivre.

Deuxièmement, pour ce qui est des facteurs internationaux donnant naissance à la servitude, le problème du travail des enfants asservis et exploités a été exacerbé par l'idéologie de la mondialisation et son obsession à l'égard des profits commerciaux, à l'exclusion des besoins humains, de l'intérêt public et de l'environnement. La mondialisation a éclipsé la priorité du bien public et contraint les pays à tailler dans les programmes gouvernementaux tels que ceux pour l'éducation et la santé. Les enfants se voient maintenant refuser l'accès à l'école et les pauvres en paient un prix très lourd.

Comme on peut le lire dans le rapport de 1995 de l'UNICEF, intitulé La situation des enfants dans le monde:

Que peut faire le Canada pour éliminer la servitude? Nous pensons que le Canada peut faire un certain nombre de choses très concrètes. Nous pensons que le Canada peut adopter une approche énergique, constructive et positive qui, au lieu de punir, récompense les bonnes actions. C'est l'approche qui se reflète dans nos recommandations.

Notre première recommandation est que, au niveau international - au G-7, au FMI, à la Banque mondiale, à l'Organisation mondiale du commerce, comme dans ses propres programmes d'aide - le Canada fixe comme priorité la satisfaction des besoins humains fondamentaux; que le Canada insiste pour que, avant l'adoption de toute mesure, on procède à une évaluation de son impact sur les pauvres, et particulièrement sur les enfants; et que la mesure soit adoptée seulement lorsqu'il est prouvé qu'elle contribuera à faire diminuer l'écart de pauvreté et aidera les personnes qui vivent dans la pauvreté.

En d'autres termes, nous recommandons que le Canada appuie le développement axé sur les personnes; que le Canada appuie des règles commerciales plus équitables pour le tiers monde, des règles qui en avantageront les populations au lieu de leur faire du tort; et que le Canada utilise ses propres règles commerciales pour fournir un supplément d'incitatifs et de récompenses aux industries et aux pays qui accomplissent des progrès démontrables dans l'élimination de la servitude.

Notre deuxième recommandation est que le Canada clame haut et fort, ici comme à l'étranger et à toutes les occasions, que la servitude est inacceptable et qu'il faut y mettre un terme immédiatement. N'ayez aucune tolérance à l'égard de l'esclavage. C'est un crime contre l'humanité. Il est totalement inadmissible que des millions d'enfants soient réduits à l'état d'esclaves à la fin du XXe siècle et que les produits de l'esclavage se retrouvent sur le marché canadien.

Ces abus se sont perpétués pendant si longtemps parce qu'on les a tolérés. Le monde est resté silencieux. Et la pratique se perpétuera jusqu'à ce qu'un mouvement public lui fasse opposition, tant à l'intérieur des pays que sur la scène internationale, jusqu'à ce qu'une réelle pression force les gouvernements à agir et à appliquer leurs propres lois interdisant la servitude.

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Nous recevons constamment des supplications de la part de groupes de défense des droits des enfants en Asie, en Amérique centrale et en Amérique du Sud pour que les Canadiens et leur gouvernement s'élèvent contre la servitude et l'exploitation des enfants et en fassent un enjeu international. Ils pensent que seul l'appui de la communauté internationale amènera un progrès.

Les Canadiens ont été très fiers de la ferme intervention de Lloyd Axworthy lors de la conférence mondiale sur la prostitution des enfants et a déclaré que le Canada se tiendra à la pointe du combat. Il a déclaré que le moment est venu de s'attaquer à l'esclavage et à la prostitution des enfants et que la communauté mondiale doit faire savoir qu'elle ne tolérera plus une telle exploitation.

Nous vous exhortons à faire votre part pour mettre fin au silence et à l'indifférence à l'égard du fléau que constitue le travail en servitude. Nous vous exhortons à en faire une priorité pour le gouvernement, aux Nations unies et au sein de l'Association des parlementaires du Commonwealth. Il est extrêmement important que votre comité se saisisse de cette cause et exige en clair l'élimination rapide de la servitude.

La recommandation trois est que le Canada finance les organisations communautaires luttant contre le travail en servitude. Le Canada n'a pas les moyens financiers d'éliminer la pauvreté dans le tiers monde, ni de faire sortir les millions d'enfants asservis de l'esclavage et d'empêcher que des millions d'autres soient réduits au même état demain. Pour que le Canada obtienne des résultats, ce que nous souhaitons tous, il est crucial que le comité formule des recommandations précises et stratégiques.

Dans des pays comme l'Inde et le Pakistan, la constitution et certaines lois spécifiques interdisent l'asservissement. Ces lois décrivent des mesures très claires, pratiques et efficaces qui doivent être appliquées immédiatement: tout travailleur asservi doit être affranchi sur-le-champ, tous les travailleurs affranchis ont droit à des fonds de réadaptation qui les aideront à s'établir, quiconque utilise des travailleurs asservis doit être inculpé et puni, l'information sur le droit à l'affranchissement des travailleurs asservis doit faire l'objet d'une grande diffusion, des comités locaux de vigilance doivent être établis pour faire respecter la loi etc.

Ces lois mettraient un terme à la servitude du jour au lendemain, si elles étaient appliquées. Or, elles ne le sont pas. La police, les fonctionnaires et les magistrats sont souvent de mèche avec les riches hommes d'affaires et propriétaires terriens qui utilisent de la main-d'oeuvre asservie. Il est même arrivé que des fuyards qui sont allés demander l'aide de la police aient été ramenés à leur propriétaire. Les organisations de libération des travailleurs asservis et les groupes de défense des droits de la personne qui tentent d'invoquer la loi pour aider les travailleurs à s'affranchir sont souvent victimes de persécutions, d'emprisonnement, de violence et de menaces.

Avec une telle tradition et dans un tel climat de non-respect des lois et de violence, il est irréaliste à ce stade de compter sur un système d'inspection pour faire appliquer la loi. Il est irréaliste de compter sur une action volontaire.

Ce qui ferait une grosse différence serait que le Canada appuie la société civile, les ONG, dans leur rôle catalyseur consistant à surveiller, à dénoncer, à saisir la justice et à forcer les autorités à appliquer les droits garantis par la loi. La South Asia Coalition Against Child Servitude, par exemple, représente 250 groupes qui travaillent activement à affranchir les enfants asservis, à organiser des écoles et des maisons d'accueil. La Human Rights Commission du Pakistan oeuvre elle aussi pour libérer les travailleurs asservis. Le Canada pourrait fournir des crédits pour aider ces groupes à intenter des procès, à faire le point des progrès ou de l'absence de progrès dans l'application de la loi, à rédiger et diffuser des rapports sur le sujet.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre un instant, madame Ruff. Comme l'indique la lumière clignotante, nous allons avoir un vote dans 25 minutes environ. J'ai regardé votre mémoire et il est assez volumineux. Pourriez-vous l'abréger?

Mme Ruff: Bien.

Aidez donc les groupes qui luttent contre l'asservissement. Aidez les groupes catalyseurs qui travaillent concrètement en vue du changement.

La quatrième recommandation est que le comité appuie la campagne Rugmark. Cette campagne a su très efficacement mettre à l'avant-plan le problème de la main-d'oeuvre asservie. Elle offre aux entreprises une solution de rechange positive que les consommateurs et le public peuvent appuyer, et elle a eu un gros impact. Je demande que le Canada accorde au moins son soutien moral à cette campagne. Une entreprise canadienne appuie déjà la campagne Rugmark. Le gouvernement pourrait encourager cette initiative et inciter les employeurs à adopter une attitude responsable à l'égard de la main-d'oeuvre asservie.

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Enfin, je demande au Canada qu'il exige que tout projet financé par lui ou par des organisations internationales telles que la Banque mondiale et les organisations des Nations unies, comporte l'engagement formel et contraignant du pays bénéficiaire de ne pas recourir au travail en servitude. En outre, ces projets doivent faire l'objet d'une inspection de la part d'une partie indépendante. S'il apparaissait que des travailleurs asservis sont utilisés, le financement international serait supprimé. Le Canada peut user de son poids international pour mettre en lumière la servitude des enfants.

J'aimerais vous remettre ce document, par l'intermédiaire du greffier. J'ai effectué une analyse du rapport que vous a fait parvenir UNICEF Canada. Je signale que ce rapport exprime la position d'UNICEF Canada, et non celle d'UNICEF International à New York ni d'UNICEF en Inde.

Je pense que ce rapport laisse énormément à désirer. En toute équité, il importe que vous preniez connaissance des critiques qu'on peut lui adresser.

UNICEF International publiera un rapport sur le travail des enfants dans quelques semaines. Je pense qu'il est extrêmement important que votre comité en prenne connaissance lorsqu'il sortira.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie. C'était un exposé très intéressant et vous avez très bien su l'abréger. J'aimerais que les députés soient aussi efficaces que vous.

Monsieur Thomson, je suis désolé, mais nous n'aurons probablement guère de temps. Nous devons partir dans une dizaine de minutes. Pourriez-vous vous limiter à cette durée? Merci beaucoup.

M. Bob Thomson (directeur, Fair TradeMark Canada): Fair TradeMark Canada est un organisme sans but lucratif. Nous ne sommes pas un organisme de charité et nous ne sommes pas non plus une entreprise. Nous n'avons pas d'activités commerciales, mais nous vendons des permis d'utilisation d'un logo - ce logo devrait figurer dans la documentation qui vous a été remise - à des compagnies canadiennes acheteuses de café, de thé, de cacao, de sucre et de miel produits dans le respect de ce que nous appelons des conditions justes.

Je ne vais pas traiter directement de la question de la main- d'oeuvre enfantine. Il y a de nombreuses personnes qui vont comparaître devant vous et qui en savent beaucoup plus que moi.

Pour ce qui est du thé, nos critères font tout particulièrement état du travail des enfants, car c'est là un problème en Asie, d'où provient le gros du thé pour lequel nous accordons des licences. Ces critères prévoient, essentiellement, que les compagnies qui achètent du thé le fassent dans des conditions qui soient respectueuses des lois nationales et des conventions de l'OIT en matière de main-d'oeuvre enfantine. Il y a d'autres critères également qui s'appliquent.

J'aimerais entretenir brièvement le comité de l'étiquette de commerce équitable comme mécanisme, vu que vous avez entendu parler de Rugmark, qui est une étiquette qui fonctionne selon le même principe. Le consommateur perçoit l'étiquette comme étant la garantie de certaines qualités ou de certains critères, tout comme l'étiquette Woolmark ou les écolabels garantissent certaines qualités.

Nous sommes une société sans but lucratif, et nous comptons au Canada, parmi nos membres, l'Organisation catholique canadienne pour le développement et la paix, l'Église unie du Canada, Vision mondiale Canada, le Fonds de justice sociale des travailleurs canadiens de l'automobile, le Fonds humanitaire des métallos, CUSO et plusieurs autres organisations non gouvernementales.

Nous accordons sous licence à des compagnies canadiennes un logo que les consommateurs pourront, nous l'espérons, voir dès l'an prochain dans les rayons des supermarchés. Au départ, il figurera sur les emballages de café, garantissant que le café a été produit dans des conditions «justes». Nous pouvons également accorder des licences pour le thé, car nous faisons partie d'une fédération internationale. Nous sommes en vérité une organisation de type franchisé.

Les succursales européennes - il s'agit là d'initiatives nationales du mouvement Fair TradeMark - ont très bien réussi. Le café «juste» se vend dans 35 000 supermarchés européens sous 130 marques de commerce différentes. En 1995, nous avons reconnu 24 millions de livres de grains de café vert sous le label, qui a été apposé sur les produits vendus sous ces 130 marques de commerce dans ces 35 000 supermarchés. Cela représente, selon la taille du marché national concerné, entre1 et 5 p. 100 du marché national du café.

Entre 60 et 80 p. 100 des Canadiens, et des consommateurs de façon générale, disent qu'ils achèteraient des produits écologiques ou produits de façon équitable si ceux-ci étaient disponibles.

Notre expérience du marché européen a été que c'est le cas de seulement 1 à 5 p. 100 des gens, et ce seulement dans des conditions bien particulières. Il faut, notamment, que le produit soit de bonne qualité. Les gens ne vont pas acheter un produit tout simplement parce qu'il apaise leur conscience. Il faut qu'ils obtiennent quelque chose de valable pour leur argent.

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Il faut par ailleurs que le produit soit très disponible, ce qui signifie qu'il ne doit pas être cantonné à des magasins spécialisés. Il doit être en vente dans la plupart des supermarchés.

Troisièmement, ce qui est le plus important, la prétention que le produit est vert ou «d'origine équitable» doit être certifiée par un organisme indépendant, pour que les gens n'aient pas l'impression qu'il s'agit tout simplement de battage publicitaire. Les consommateurs sont devenus très sceptiques à l'égard des affirmations écologiques en particulier: si le paquet est vert, alors le produit doit être sans danger pour l'environnement.

Nous avons établi un mécanisme qui permet de garantir que tel tapis a été fabriqué sans l'intervention de main-d'oeuvre enfantine. Rugmark essaie de faire la même chose, et remporte un certain succès, mais non sans difficulté. Nous avons une assez bonne expérience en Europe en ce qui concerne le café, le thé, le cacao, le sucre - qui, ajoutés ensemble, donnent du chocolat - et le miel.

Nous avons un mécanisme en vertu duquel nous tenons un registre de groupes de producteurs qui sont organisés démocratiquement et qui peuvent garantir que le supplément payé par le consommateur retourne dans la poche des agriculteurs eux-mêmes.

Nous accordons des licences à des importateurs qui sont des courtiers. Nous accordons des licences à des usines de torréfaction pour que celles-ci puissent apposer le logo sur leurs emballages. Nous avons des contrats dont nous pouvons surveiller l'exécution. Nous avons accès aux dossiers et aux livres des sociétés de façon à être en mesure de garantir que les chiffres donnés relativement aux volumes de café achetés correspondent bien aux volumes vendus. Nous avons une marque déposée qui est protégée. Elle a été déposée au Canada, pour l'ensemble des marchés. Nous avons des bases de données sur les achats de produits et les transactions de ventes, ce qui nous permet de suivre toute la chaîne.

Tout le mécanisme est autofinancé. L'argent provient des droits de licence. Il s'agit d'un mécanisme de marché. Ce n'est pas une aide en tant que telle.

J'ai distribué hier de la documentation, dont notre trousse de campagne et des dépliants. Je constate que certains d'entre vous l'avez. J'ai également remis il y a quelques instants à la greffière une petite note expliquant qu'au Parlement européen on sert du café produit équitablement. J'ai été tenté de demander au ministre s'il consomme du cappuccino «équitable».

Malheureusement, nous n'avons pas encore de compagnies de café canadiennes qui ont une licence leur permettant de vendre une partie de leur café dans ces conditions, mais nous sommes en train de monter une campagne destinée aux consommateurs et qui montrera que les gens veulent appuyer des initiatives genre anti-boycott.

Nous faisons la promotion d'une option positive pour les consommateurs. Nous croyons que cela a attiré pas mal d'attention au niveau local, du côté de groupes confessionnels.

Nous espérons, au cours des mois à venir, expédier par la poste plusieurs milliers de lettres de consommateurs canadiens à des compagnies de café pour leur montrer qu'il y a des gens qui sont vraiment prêts à acheter du produit «équitable» et qu'en tant que mécanisme de commercialisation, cela peut servir à établir des partenariats entre agriculteurs, courtiers en café et en thé, usines de torréfaction, empaqueteurs de thé, consommateurs et supermarchés, ce afin d'avoir un impact positif sur le marché. En d'autres termes, l'on récompensera les compagnies qui font des choses positives, au lieu de les punir pour les choses négatives qu'elles font.

Le président: Merci beaucoup. Vous avez merveilleusement bien respecté la limite de temps prévue.

Monsieur Lowry, pourriez-vous faire votre exposé en l'espace de cinq minutes?

M. Christopher Lowry (directeur des ressources éducatives, Street Kids International): Oui.

Le président: Si nous pouvions entendre votre témoignage tout de suite, nous pourrions alors faire une pause et revenir par la suite. Allez-y, monsieur Lowry.

M. Lowry: Oui. Je vais quelque peu condenser notre mémoire écrit.

Je suis venu ici pour vous présenter la perspective d'un organisme qui s'occupe d'enfants qui travaillent dans le secteur informel. Nous oeuvrons partout dans le monde aux côtés d'organisations qui s'intéressent au sort des travailleurs juvéniles. Il ne s'agit pas d'enfants qui travaillent en servitude de dette ou qui travaillent dans des usines ou dans le secteur agricole, mais bien d'enfants de la rue, qui vivent dans la rue, souvent par choix, et qui y gagnent de l'argent.

Le mandat de Street Kids International est de promouvoir l'indépendance et le respect de soi parmi les enfants de la rue du monde entier. Cela signifie que nous tentons de les soutenir, les enfants des rues et les enfants qui travaillent. Nous défendons les jeunes dans leurs droits et dans leurs besoins, dans leur lutte pour la justice et nous faisons ce que nous pouvons pour remédier à la difficulté d'accès par eux aux services de base.

Avant d'examiner les programmes dont nous nous occupons, il serait peut-être utile de nous pencher sur la réalité que vivent ces enfants. La rue est un milieu très complexe pour les jeunes, fascinant, plein d'aventure et de possibilités, mais également très dangereux. C'est une école d'apprentissage continu par l'expérience, où la question n'est pas de réussir ou d'échouer à ses examens, mais bien de survivre.

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C'est peut-être votre capacité d'éviter la prison. L'appareil judiciaire est souvent plus dangereux pour les enfants que la rue. Les meilleurs intervenants ont un respect infini pour l'amour de la liberté qu'ont les jeunes, ainsi qu'une immense compassion face à leurs souffrances.

Street Kids International a délibérément choisi d'être un organisme de petite taille basé à Toronto. Nous n'avons pas de bureaux dans différents pays et nous ne sommes pas un organisme de financement. Notre travail est fondé sur le respect de la lutte indépendante des enfants de la rue eux-mêmes et c'est pourquoi nous nous efforçons de respecter l'autonomie des organismes locaux travaillant dans la rue. Nous ne voulons pas frapper à leur porte pour leur présenter notre programme venu du Nord. Nous essayons de travailler avec des partenaires locaux, selon leurs priorités, et respectons et appuyons ce qui existe déjà, persuadés que nous sommes que le travail durable sur le terrain, qu'il s'agisse d'améliorer le système éducatif ou l'accès à l'éducation ou autre, doit être effectué au niveau local par des gens qui sont prêts à rester sur place chez eux, et à faire le nécessaire.

À l'heure actuelle, nous travaillons dans le cadre de partenariats communautaires en Tanzanie avec un groupe appelé Kuleana, qui veut dire «nourrir» en swahili; en Zambie avec le YWCA; et en Équateur avec le Programme des enfants au travail. Nos partenariats avec des organismes communautaires peuvent donner naissance à différents types d'activités, qui sont déterminés par les organismes locaux. À ce titre, au menu de nos activités de coopération, on peut trouver: initiation à la petite entreprise et au microcrédit, formation de personnel, acquisition d'aptitudes administratives, consultation sur la levée de fonds et production de ressources éducatives.

Nous avons produit des films d'animation sur la toxicomanie et le SIDA, et dont nous nous servons pour éduquer des enfants de la rue dans un grand nombre de pays. Notre projet le plus récent s'appelle «boîte à outils». Je le mentionne, car il s'agit de l'autre côté positif de tout cela. Si nous admettons qu'il y a des jeunes qui travaillent, alors il nous faut admettre que les gens qui travaillent avec eux devront un peu mieux comprendre la réalité de leur quotidien et s'engager auprès d'eux dans le contexte de ce qui constitue pour eux leurs besoins et leurs choix.

La boîte à outils comprend un film d'animation sur vidéo et un manuel offrant des histoires, des jeux et des exercices qui renseignent les jeunes sur le monde du travail et leur proposent des façons d'améliorer leur situation par une interaction efficace avec les autres. Souvent, les jeunes travaillent seuls et ils sont de ce fait plus exposés au danger.

L'ironie est que nous appuyons la convention selon laquelle les enfants ont le droit de ne pas travailler, le droit d'apprendre et de jouer; or, nous mettons à l'essai des moyens d'améliorer leur capacité d'acquérir des compétences et de se prendre en main. Dans le meilleur des mondes, les enfants ne travailleraient pas, mais aujourd'hui, nous devons aller à la rencontre des enfants de la rue qui travaillent, là où ils se trouvent, dans leur réalité, pour les aider à améliorer leur bien-être.

Il y a un mouvement international contre l'exploitation commerciale des enfants, qui lutte contre l'exploitation et la maltraitance des enfants par les fermes, dans les fours, les mines, le usines, les bordels, les ateliers de misère et les maisons privées, qui échappent dans bien des coins du monde à toute législation. Notre travail va dans le sens des efforts déployés par l'OIT et la société de lutte contre l'esclavage et de nombreux groupes régionaux qui réclament l'application des lois internationales en matière de main-d'oeuvre enfantine et l'accès universel à l'éducation. Nos efforts s'inscrivent également dans la lutte pour les droits des travailleurs infantiles, telle que celle menée par des groupes comme le Mouvement pour les enfants et les adolescents au travail, au Nicaragua.

Les enfants ont le droit de jouer et d'apprendre d'une part, et le droit de travailler avec dignité et en bonne santé et d'avoir librement accès à l'éducation primaire de l'autre. Dans ce contexte, nous partons du principe que les services visant les enfants de la rue et les enfants au travail doivent, premièrement, respecter les choix des enfants; deuxièmement, les aider à rejeter l'exploitation et l'abus; et, troisièmement, leur offrir des possibilités appropriées d'apprendre.

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Les jeunes dans la rue qui réussissent à éviter d'exploiter les autres, de vendre leur corps, de se faire du mal ou de commettre des crimes graves sont ceux qui se débrouillent pour apprendre comment faire les difficiles transitions dans la dure réalité de la rue. Le projet auquel je me consacre à l'heure actuelle vise à cerner comment ils doivent faire et quelles aptitudes on doit leur offrir à chaque étape du processus. Je pense qu'il importe de savoir qu'il y a des millions d'enfants qui ne travaillent pas pour de gros employeurs et qui aimeraient être protégés par la Convention desNations unies relative aux droits de l'enfant, vu que les enfants ont le droit...

Le président: La sonnerie s'est arrêtée. Cela veut dire que les députés devraient être en route pour la Chambre. Nous allons revenir.

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Le président: Nous allons maintenant reprendre. Nous nous excusons de ce qui est arrivé. C'était quelque peu confus à la Chambre. Par conséquent, au lieu que cela ne prenne que 20 minutes, comme je pense l'avoir dit à l'un de vous, cela nous a accaparés pendant une heure et quart. Merci beaucoup de nous avoir attendus.

M. Lowry était en train de nous faire sa présentation. Je suppose qu'il a terminé.

Mme Tripp et M. Scott pourraient maintenant faire leur exposé.

Mme Linda Tripp (vice-présidente, Relations internationales et gouvernementales, Vision mondiale Canada): Vous nous avez remerciés d'être restés. J'aimerais vous remercier d'être revenus.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, Vision mondiale Canada est honorée de pouvoir ainsi participer à cette discussion en table ronde toujours rétrécissante sur la main-d'oeuvre enfantine. C'est un sujet relativement auquel nous avons une expérience considérable. C'est par ailleurs un privilège pour nous de comparaître aux côtés de ces autres organisations, avec lesquelles les membres de l'équipe de Vision mondiale collaborent dans de nombreux pays et pour lesquelles nous avons énormément de respect.

Vision mondiale Canada est une organisation humanitaire chrétienne internationale d'aide et de développement, qui a une expérience de plus de 45 ans dans la lutte contre la pauvreté et l'injustice, et ce dans plus de 100 pays. Nos programmes visent le développement durable communautaire, axé principalement sur la création de possibilités pour les enfants du monde. Nous travaillons en partenariat avec des ONG partout sur la planète et nous jouissons du soutien privé que nous accordent plus de 350 000 Canadiens de partout au pays.

Notre rapport condamne aussi durement que cela est possible l'exploitation de travailleurs juvéniles manifestée sous forme d'exploitation sexuelle, d'esclavage et de service militaire. La terrible complexité du problème des travailleurs juvéniles est telle qu'aucune solution ne peut, à elle seule, être efficace. La seule solution est d'aborder le problème de la main-d'oeuvre enfantine dans le monde en développement dans le cadre d'une démarche holistique. Malheureusement, de telles solutions sont complexes et exigent les efforts coordonnés de gouvernements, d'ONG et du secteur privé. En élaborant des solutions, il nous faut tenir compte de l'incidence qu'ont le milieu familial de l'enfant et les conditions économiques de la société sur le potentiel de développement équilibré et en bonne santé des enfants, d'où la nécessité d'avoir une approche holistique.

Je vais traiter tout d'abord de la prostitution enfantine, que nous préférons appeler l'esclavage sexuel. Beaucoup d'autres aujourd'hui... et je suis certaine que vous avez entendu beaucoup d'explications détaillées là-dessus dans le cadre de vos tables rondes, alors, vu l'heure, je serai brève. Tout simplement, nous recommandons que le gouvernement canadien, et en particulier les missions commerciales comme Équipe Canada, fassent des problèmes des droits de la personne, et tout particulièrement l'exploitation sexuelle des enfants, un facteur important à la table des négociations commerciales avec l'Asie.

Hier, Matt et moi-même avons comparu devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques dans le cadre de son examen du projet de loi C-27. Nous lui avons dit qu'il faudrait selon nous que le Canada renforce ses mesures législatives extra-territoriales en ce qui a trait à la prostitution des enfants. Nous en expliquons les raisons dans notre mémoire et proposons notamment un amendement au paragraphe 212(4) du projet de loi.

Troisièmement, il conviendrait de renforcer les mesures disciplinaires et de sensibiliser davantage les militaires du monde entier, et particulièrement les soldats canadiens participant à des missions de secours, afin de veiller à ce que les soldats ne continuent pas de rester impunis lorsqu'ils participent à l'exploitation sexuelle des enfants.

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Nous ne voulons pas dire, par là, que les soldats canadiens s'adonnent à ce genre d'activité. Nous n'en avons pas de preuves documentées, mais nous disposons néanmoins de renseignements selon lesquels là où les forces des Nations unies sont déployées, la prostitution des enfants augmente à un rythme parallèle. Ce fut le cas au Cambodge, lorsque des troupes y ont été envoyées pour encadrer les élections. Nous trouvons ignoble que des forces militaires envoyées par lesNations unies participent à l'exploitation d'enfants. Notre recommandation s'inscrit donc dans un contexte de prévention, de façon à s'assurer que les membres des Forces canadiennes ne s'adonnent jamais à ces activités haineuses.

En ce qui concerne l'esclavage ou l'asservissement d'enfants, Vision mondiale Canada reconnaît que pour nombre des plus pauvres habitants de la terre, l'emploi d'enfants est le seul moyen pour ceux-ci et leur famille de survivre. Mais nous nous empressons d'ajouter que le travail des enfants ne devrait être autorisé que dans le respect des conditions qui suivent, et que l'on appelle communément «conditions de travail léger»: tout d'abord, la santé, la sécurité et le développement à long terme de l'enfant doivent être une priorité pour son employeur; deuxièmement, l'apprentissage et l'avancement de l'enfant doivent compter au moins autant sinon plus que son potentiel de production.

Il nous faut souligner que ces conditions doivent être présentes et s'appliquer de la même façon aux filles et aux garçons. Comme nous le savons tous, les filles sont encore plus vulnérables et davantage exploitées que les garçons, surtout en ce qui concerne les possibilités d'accès à l'éducation et aux soins de santé.

Notre rapport met beaucoup l'accent sur la conduite et les normes en matière de relations et de commerce internationaux canadiens, ce parce que nos bureaux situés dans certains des plus importants centres de main-d'oeuvre enfantine du monde ont inscrit le commerce très haut sur la liste des domaines prioritaires en matière d'intervention relativement à la main-d'oeuvre enfantine. Selon nos experts locaux sur le terrain, s'il y a autant de travailleurs juvéniles à l'heure actuelle, et si leur nombre ne cesse d'augmenter, c'est pour des raisons commerciales. L'approvisionnement en travailleurs juvéniles est abondant et bon marché, et la demande des pays occidentaux et du Nord en produits bon marché est tout aussi forte. Partant, toute solution au problème doit tenir compte des forces économiques qui sont à l'origine du phénomène. Cela signifie qu'il faudra, entre autres choses, réglementer l'industrie.

D'un point de vue canadien, tenter d'influer sur les pratiques en matière de travail des enfants à l'étranger suppose inscrire dans le lexique du commerce international la main-d'oeuvre enfantine. Le défi sera de contenir le travail des enfants à l'intérieur de la zone réglementée. Des restrictions ou des embargos généraux applicables aux biens produits par des enfants menaceraient de pousser ces enfants dans les zones non réglementées. Notre crainte est que des interdictions générales de faire travailler des enfants poussent ces mêmes enfants dans des occupations plus dangereuses, sans reconnaître les employeurs qui créent des milieux de travail plus sûrs, plus sains et plus équitables.

La réglementation de très grosses industries dans les pays où le gouvernement exerce peu ou pas du tout de contrôle est extrêmement difficile. Cependant, étant donné que des gouvernements étrangers, comme le gouvernement canadien, et que les ONG n'ont que peu de possibilités de surveiller le respect de normes, toute réglementation concernant l'exploitation de travailleurs juvéniles doit être suffisamment liée à des incitations économiques pour que son application soit assurée. Quel que soit le moyen retenu, qu'il s'agisse de pénalités pour l'intransigeance ou de récompenses pour la mise en oeuvre de politiques et de pratiques progressistes, les employeurs, les entreprises et les sociétés doivent être convaincus que la suppression de l'exploitation des travailleurs juvéniles est dans leur intérêt et constitue le meilleur investissement de leurs ressources.

En conséquence, Vision mondiale Canada exhorte le gouvernement canadien à assortir le commerce et l'aide liée aux résultats obtenus par les pays qui ont une histoire d'exploitation des enfants, surtout en Asie du Sud. Vision mondiale Canada presse également le gouvernement canadien de ne pas imposer d'embargo général sur les produits fabriqués par des enfants, mais plutôt de chercher une collaboration avec les ONG et le secteur privé en vue de l'établissement de normes, afin que les enfants qui travaillent le fassent dans des conditions saines. Ce sont les pratiques de «travail léger» que j'ai évoquées tout à l'heure.

La troisième question que nous abordons dans notre mémoire est celle des enfants soldats. La raison pour laquelle nous inscrivons cette question sous la rubrique «travail des enfants» est que nous traitons sur le terrain avec des enfants qui ont été kidnappés et obligés à travailler, que ce soit en portant des fournitures et des armes ou en accordant des faveurs sexuelles aux soldats, dans le cas des jeunes filles.

Il est vrai que c'est souvent le fait d'armées informelles comme la Lord's Resistence Army, dans le nord de l'Ouganda, où nous avons lancé des programmes, à Gulu, avec des garçons et des filles, que nous tentons de sauver.

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Il nous faut d'autre part reconnaître qu'un groupe de travail des Nations unies oeuvre présentement à l'élaboration d'un protocole facultatif dans le cadre de la Convention relative aux droits de l'enfant, dont on espère qu'il sera approuvé lors de la session finale en janvier. Il a été reconnu qu'à l'heure actuelle, l'âge minimum pour le recrutement et la participation à des activités militaires n'étant que de 15 ans, c'est un échec. Il faut porter l'âge minimal à 18 ans. Lors de notre travail de préparation de notre mémoire, le Canada n'était pas prêt à appuyer le seuil de 18 ans. Par la suite, j'ai reçu une lettre du ministre Axworthy, disant que le Canada s'est déjà engagé en faveur du non-recrutement de personnes âgées de moins de 18 ans.

Cela nous a fait plaisir, mais nous espérons que le Canada utilisera toute son influence internationale, à l'occasion des diverses tables rondes internationales auxquelles il participera pour veiller à ce que les enfants ne soient pas conscrits, ni utilisés, ni kidnappés en vue de leur participation à des hostilités.

Encore une fois, Vision mondiale Canada favorise une approche holistique au développement en vue de résoudre le problème de la main-d'oeuvre enfantine. Nous savons bien que nous ne pouvons pas tout simplement dire aux gouvernements que c'est leur responsabilité; il nous faut intervenir au niveau macro ainsi qu'au niveau micro.

Pour vous donner un exemple tangible de ce que fait Vision mondiale, dans une région particulière de l'Inde - et ce n'est là qu'un exemple - nous avons libéré 203 travailleurs juvéniles en servitude des dettes de leur famille. Mais il s'agit de s'attaquer à la racine du problème. Nous offrons de la formation professionnelle à ces familles, afin de permettre aux parents d'acquérir de nouvelles capacités susceptibles de leur permettre d'exercer un plus grand contrôle sur leur vie et de gagner de meilleurs revenus. Nous inscrivons les enfants dans notre programme de parrainage d'enfants en vertu duquel leurs frais d'inscription à l'école sont payés et leurs livres achetés. Les enfants sont ainsi libérés et peuvent aller à l'école. Ils jouissent ainsi de leur enfance, au lieu de la vivre dans l'esclavage.

Nous croyons que notre programme de parrainage n'est qu'un exemple de la façon dont les familles et les collectivités peuvent reprendre le contrôle de ce qui leur arrive et devenir les maîtres de leur propre destinée. Le parrainage des enfants ne vise pas uniquement les enfants, mais toute la communauté. Il englobe les aspects santé et hygiène et permet aux gens d'acquérir de nouvelles compétences de façon à surmonter les circonstances qui les ont enfermés dans le cycle de la pauvreté. Nous pensons en effet qu'il nous faut faire notre part au niveau local également.

L'histoire de l'engagement de Vision mondiale à l'égard des enfants est riche en expérience, en information et en compréhension, et nous sommes tout particulièrement reconnaissants de pouvoir partager tout cela avec vous ici, dans le cadre de cette tribune. Nous disposons de nombreuses ressources supplémentaires que nous nous ferions un plaisir de mettre à la disposition des membres du comité, et ce à tout moment.

Mesdames et messieurs, comme je l'ai hier expliqué au Comité permanent de la justice et des questions juridiques, l'exploitation des enfants, quelle qu'en soit la forme, est une chose haineuse. Nous applaudissons aux efforts déployés par le Canada pour enrayer l'exploitation des enfants. Le problème est énorme, et nous tous - gouvernements, ONG, le secteur privé, les leaders communautaires, les familles et les agences d'application de la loi - devrons unir nos efforts pour y mettre fin. Cependant, au bout du compte, il ne s'agit pas de statistiques; il s'agit d'enfants à qui on arrache brutalement leur innocence, leur espoir et leur avenir. Ce fut un privilège pour nous, aujourd'hui, d'être, pendant ces courts instants, la voix de ceux qui, souvent, ne peuvent pas faire entendre la leur.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Tripp.

Monsieur Scott, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. Matthew Scott (chargé de relations publiques, Vision mondiale Canada): J'aimerais tout simplement ajouter que le mémoire que nous avons présenté hier, relativement au projet de loi C-27, au Comité permanent de la justice et des affaires juridiques, est disponible pour les membres du comité ou d'autres témoins que cela intéresse.

Le président: Merci beaucoup, et merci des nombreuses suggestions très intéressantes que vous nous avez faites. Nous en tiendrons compte.

Avant de passer aux questions, je tiens à souligner que deux invités que nous devions entendre n'ont pas pu venir. Il s'agit de deux représentants de Développement et paix. Mme Lachance, qui devait venir, a malheureusement eu un accident et est tombée. Si j'ai bien compris, elle a dû être hospitalisée.

En ce qui concerne l'autre personne, M. Bertrand, il semblerait que l'on ait malencontreusement invité le mauvais M. Bertrand. Nous avons demandé au bon M. Bertrand de comparaître la semaine prochaine mais, malheureusement, le préavis était trop court. Il nous a néanmoins dit qu'il enverrait un mémoire au sous- comité.

.1845

Tous nos voeux pour un prompt rétablissement sont bien sûr adressés à Mme Lachance, et nous attendons avec impatience de recevoir le texte de M. Bertrand. En tout cas, en ce qui concerne ces deux participants, l'un n'a pas pu venir à cause d'un accident, et l'autre à cause d'un malentendu. Voilà qui explique leur absence aujourd'hui.

Cela étant dit, j'aimerais maintenant que l'on passe aux questions. Je pense que nous avons entendu un très grand nombre de suggestions fort intéressantes.

[Français]

Madame Debien.

Mme Debien: Je voudrais tout d'abord vous remercier, mesdames et messieurs, d'être venus participer à nos travaux. Je voudrais aussi vous remercier pour les solutions très concrètes que vous avez faites au sous-comité concernant l'exploitation du travail des enfants et les différentes façons d'y remédier. Je partage la plupart de vos recommandations.

Vous avez souligné pour la plupart l'absence de volonté politique à l'intérieur même des pays concernés par cette problématique de l'exploitation des enfants. C'est M. Varhade en particulier qui a vraiment mis le doigt sur cette problématique en Inde.

Malgré les lois qui existent à ce niveau-là, il y a une absence de volonté politique évidente de parvenir à régler ces problèmes, et ce n'est pas le seul pays asiatique où l'on peut constater cette situation-là.

Parallèlement, vous avez demandé que la volonté politique canadienne s'exprime de différentes façons, en particulier en Asie où sévissent principalement ces formes d'exploitation. Il y en a aussi en Amérique latine et sur le continent africain, mais la plupart des intervenants nous ont parlé de la problématique de l'Asie et de l'Asie du Sud-Est.

Vous savez que l'une des principales recommandations que vous faites n'est pas du tout conforme aux objectifs de la politique commerciale canadienne.

Vous savez très bien que le gouvernement canadien ne veut pas lier toutes les questions du commerce aux questions des droits de la personne. Vous le saviez, je pense, avant de venir ici.

Par contre, certaines propositions nous ont été faites, entre autres par le Québec, les Métallurgistes unis d'Amérique et différents syndicats. On nous parlait de pactes de développement. Je pense que vous en avez déjà entendu parler.

Je partage entièrement votre opinion quant aux liens qui devraient exister entre le commerce et les droits de la personne et donc, évidemment, les droits des enfants. Nous savons très bien que le gouvernement canadien est actuellement préoccupé par ses liens commerciaux avec les tigres et les lions de l'Asie du Sud-Est.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces pactes de développement. Est-ce que vous considérez que ce pourrait être une avenue dans laquelle le gouvernement canadien pourrait s'engager, compte tenu qu'on sait, au départ, qu'il ne sera jamais question de lier les droits de la personne, le commerce et l'aide internationale?

[Traduction]

M. Varhade: Merci, madame, de montrer votre compassion envers ces millions d'enfants qui souffrent.

.1850

Le gouvernement canadien a officiellement annoncé sa politique. Dans un des discours qu'il a prononcés en février, le ministre Axworthy a dit que le Canada peut conjuguer commerce international et droits de la personne. Il a dit que les politiques de son gouvernement allaient dans la pratique aller dans ce sens.

Nous sommes convaincus que le gouvernement canadien va donner suite à sa promesse, et ce que nous avons recommandé ici c'est que l'on examine la question et que l'on crée un système de surveillance de l'évolution de la situation dans l'Asie du Sud, où des millions d'enfants sont prisonniers du système des castes.

Le point de départ est l'examen du système par un comité du G- 7, présidé par le Canada. Celui-ci pourra faire beaucoup en portant la question aux niveaux national et international ainsi qu'aux États-Unis, et en demandant la réalisation de rapports spéciaux sur le système qui existe en Inde et en Asie du Sud. On pourra commencer à discuter de cette question dans le cadre du comité des membres de la société civile.

En demandant progressivement à l'Inde de ne faire rien d'autre que tout simplement mettre en application ses propres dispositions constitutionnelles - auquel cas l'on ne peut même pas parler d'ingérence dans les affaires du pays - l'on pourra commencer à changer les choses sur le plan de l'éducation en matière de droits de la personne, à punir les personnes coupables de violations des droits de la personne conformément aux lois de l'Inde, à appliquer les lois qui existent déjà en Inde relativement à la main-d'oeuvre enfantine, et, en poussant les gouvernements de l'Asie du Sud, le Canada pourra très certainement s'acquitter des responsabilités qui lui reviennent en vertu des promesses qu'il a faites aux citoyens. J'espère que ce travail se poursuivra.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Quelqu'un d'autre aimerait-il répondre à cette question? Madame Tripp?

[Français]

Mme Debien: Mme Tripp pourrait peut-être...

[Traduction]

Mme Tripp: Je me suis par inadvertance présentée à une réunion à laquelle je n'avais pas été invitée, il y a de cela environ un an, lorsque M. Ouellet était ministre des Affaires étrangères. C'était une réunion avec des gens d'affaires. J'étais arrivée de bonne heure et je pensais que c'était la réunion de l'ONG qui avait déjà commencé.

La conversation était très intéressante. Il était question de la Chine et des relations commerciales du Canada avec la Chine. J'ai entendu les gens d'affaires dire à tour de rôle qu'ils étaient en faveur de la position du Canada relativement aux droits de la personne mais que si l'on n'était pas à la table, l'on ne pouvait exercer aucune influence sur quoi que ce soit. Il me faut dire qu'en ce qui concerne les gens qui étaient à la table - et c'étaient des gens d'affaires - il ne semblait pas qu'il était à leurs yeux impossible d'établir un lien entre l'activité commerciale et les droits de la personne.

Je pense qu'il nous faut en tout cas lier nos relations commerciales au respect des droits de la personne en ce qui concerne les enfants. Ce n'est peut-être pas assez; cela ne couvrira peut-être pas toutes les violations des droits de la personne, mais je pense qu'il nous faut, au minimum, lier nos échanges commerciaux à l'application des droits de la personne aux enfants.

Nous avons pu constater l'envergure de la réaction suscitée par Craig Kielburger. Le premier ministre a changé son programme pour le rencontrer.

Il s'agit en partie de saisir le public canadien de toutes ces questions. Ce défi en matière de sensibilisation nous revient en tant qu'ONG. Je pense qu'il incombe également au gouvernement de se tenir debout et d'assumer ses responsabilités.

On ne cesse de nous parler de l'influence qu'exerce le Canada sur la scène internationale. Le Canada devrait pouvoir continuer de travailler avec les «pays plus développés» en vue de démarches davantage conjointes, afin de ne pas être seul. Je ne pense pas que nous soyons prêts à accepter comme réponse que parce que les deux choses ne sont pas liées à l'heure actuelle, elles ne peuvent pas l'être. Il nous faut commencer quelque part.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Y a-t-il encore autre chose, madame Debien?

Mme Debien: Non.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Madame Ruff.

Mme Ruff: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Je pense que le moment serait bien choisi pour le Canada de faire preuve de leadership en matière de pactes de développement et d'inscrire la question des droits de la personne à l'ordre du jour. Je crois que les entreprises qui exportent commencent à être prêtes à reconnaître qu'il leur faut tenir compte de l'aspect respect des droits de la personne car cela préoccupe de plus en plus les consommateurs.

Reebok vient de diffuser un communiqué de presse. Devant le succès remporté par la campagne Rugmark, la société Reebok a lancé une initiative du même genre visant l'équipement sportif fabriqué au Pakistan par des enfants qui sont dans la servitude pour dette et qui sont exploités. Reebok veut obtenir un engagement que ne seront pas utilisés des travailleurs juvéniles exploités et pouvoir faire des vérifications dans les différents lieux de travail.

.1855

Je pense que l'on commence à voir des sociétés responsables dire: oui, nous convenons qu'il ne devrait pas y avoir de conflit entre le fait de faire affaire et les droits de la personne; nous pouvons faire les deux choses ensemble.

Je pense néanmoins qu'il faut que le gouvernement canadien joue le rôle de leader. Un élément critique est l'exercice d'un contrôle indépendant. Nous avons pu constater la réussite de la campagne de Gap, où, là encore, les consommateurs s'étaient montrés très préoccupés. Cela a exercé des pressions sur la société, qui a convenu d'accepter des contrôles indépendants de façon à garantir le respect de son propre code de conduite. Je pense que plus l'on parviendra à faire cela dans une optique positive, en récompensant les employeurs et les pays qui font des progrès considérables et qui font preuve de bonne volonté... Je pense que le Canada pourrait jouer un rôle très stratégique dans ce domaine à l'échelle internationale. Et le comité, en faisant des recommandations dans ce sens, pourrait lui aussi jouer un rôle extrêmement positif.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Je pense, monsieur Thomson, que c'est également là que vous vous insérez dans ce processus, en ce qui concerne les entreprises. Auriez-vous quelque chose à ajouter à cela?

M. Thomson: Le comité pourrait peut-être recommander à ses collègues à la Chambre de suivre l'exemple du Parlement européen et de demander à votre cafétéria de vous servir du café et du thé produits de façon équitable.

Des voix: Oh, oh!

M. Thomson: Faites tout simplement une contribution aux ventes de café, afin que les agriculteurs obtiennent un juste prix pour leur thé et leur café et aient un revenu qui leur permette d'éduquer leurs enfants, de travailler en tant qu'adultes, de préparer leurs enfants pour le travail et de ne pas avoir à les vendre comme esclaves.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Madame Debien, vous avez encore quelque chose?

[Français]

Mme Debien: Je voudrais poser une question à M. Thomson.

Dans le cadre de l'expérience que vous menez dans le secteur du café, quels sont les mécanismes de surveillance pour s'assurer que les producteurs de café n'exploitent pas les enfants?

On parle plus précisément de cette expérience du café, mais vous savez que, dans les pays de l'Asie et de l'Asie-Pacifique, la plupart des enfants exploités ne travaillent pas en usine.

Mme Ruff parlait tantôt de l'expérience de Reebok, qui a des mécanismes de surveillance dans les usines qui se trouvent dans les villes importantes. Mais la majeure partie de l'exploitation du travail des enfants se fait en milieu rural, dans de tout petits villages, où les mécanismes de contrôle sont presque impossibles à mettre en oeuvre.

Il pourrait y avoir énormément de gens et, à mon avis, il y en a, qui utiliseraient le principe de l'étiquetage pour essayer de vendre leurs produits. On sait très bien que cet étiquetage pourrait être falsifié ou provenir de fausses sources. On sait très bien également qu'il n'y a aucun mécanisme de contrôle qui permet de dire que oui, ce tapis n'a pas été fait dans des conditions d'esclavage ou d'exploitation des enfants. C'est là, à mon avis, qu'est le problème. Il est au niveau des mécanismes de contrôle, et vous avez en Inde exactement le même problème. Malgré la loi qui existe contre l'exploitation du travail des enfants, le gouvernement n'a pas de mécanisme de contrôle. Comme il n'y a pas de volonté politique, il n'y aura pas de mécanisme non plus.

Quant aux gens qui font du commerce, leur principal problème est au niveau de l'absence de contrôle et de surveillance. Tant qu'on n'aura pas réglé ce problème et qu'on n'aura pas mis sur pied des mécanismes de contrôle, on pourra faire tout l'étiquetage qu'on voudra, mais l'esclavage des enfants va perdurer.

M. Thomson: Je m'excuse. J'ai compris votre question en français, mais je vais y répondre en anglais.

Mme Debien: Je vous en prie.

M. Thomson: Je sais qu'il y a la traduction.

.1900

[Traduction]

Le mouvement international d'étiquetage pour confirmer qu'un produit répond aux critères en matière de commerce équitable s'intéresse au café, au thé, au cacao, au sucre et au miel. Le café est, de loin, le produit le plus important, de par les volumes vendus. Ce café provient largement d'Amérique latine et d'Afrique.

Nous travaillons avec un demi-million d'exploitations familiales. Nous ne travaillons pas avec les grosses plantations. Le travail des enfants existe vraisemblablement dans le secteur du café en Amérique latine et en Afrique, mais ne constitue pas un gros problème, en tout cas pas aussi gros que celui qui existe dans l'agriculture en Asie.

Nous autorisons également du thé. La situation en ce qui concerne le thé est différente car nous en autorisons qui provient de plantations en Inde, au Népal, au Bangladesh et au Sri Lanka. Les mécanismes de contrôle que nous avons mis en place sont tels que pour qu'un empaqueteur ou un importateur de thé puisse utiliser notre logo, il ne peut acheter qu'auprès de sources accréditées par nous.

Dans le cas du thé, nous choisissons des plantations où soit il y a un syndicat, soit la direction a accepté de travailler conjointement avec un comité de travailleurs représentatif qui décide de la façon dont sera dépensé l'argent correspondant à la prime pour commerce équitable.

Nous exigeons également des plantations qu'elles respectent les lois locales. Dans tous les cas et dans tous les pays où nous accréditons des plantations comme sources de produits respectueux des règles de commerce équitable, il faut que les enfants aillent à l'école. Il nous faut des garanties que les enfants vont à l'école s'ils travaillent à temps partiel, par exemple, dans la cueillette du thé.

Nous rendons visite à chaque plantation. Un membre du comité international d'autorisation pour le thé, qui sera peut-être un Européen, se rend en Inde, au Sri Lanka, au Bangladesh ou au Népal et fait... La plantation doit être visitée et les conditions vérifiées au préalable. Nous avons dans chacun des pays des experts-conseils qui parlent la langue du coin et qui font eux aussi des visites régulières. Ils font des visites-surprises.

Nous avons des questionnaires. Lorsqu'une plantation demande d'être enregistrée, il lui faut remplir un questionnaire expliquant combien d'enfants travaillent sur la plantation et quelles possibilités scolaires sont offertes place. Les visites que nous y rendons nous permettent de vérifier ces renseignements.

Chaque plantation doit être visitée au moins une fois par an. Nous surveillons également l'importation de thé et le processus de vente de thé en vertu de contrats avec des importateurs et des exportateurs autorisés. Nous avons accès à leurs livres et nous avons des bases de données. Par exemple, si un importateur nous dit qu'il a acheté x tonnes de thé auprès d'une plantation donnée pour un prix donné, il lui faut nous envoyer une copie du contrat.

Nous faisons parvenir une copie du contrat, par la poste ou par télécopieur, au comité des travailleurs et à la direction de la plantation concernée. Ils doivent nous fournir la preuve, sous forme de photocopie de relevés bancaires, qu'ils ont bel et bien touché la prime. Il leur faut ensuite nous dire comment a été dépensé l'argent correspondant à la prime.

Encore une fois, lorsque nous faisons nos visites, nous vérifions qu'ils ont bien dépensé l'argent comme ils nous l'ont dit en discutant avec les travailleurs eux-mêmes. Comme vous l'avez dit, le système n'est pas infaillible. Le mécanisme de contrôle et d'accréditation est néanmoins relativement exhaustif et nous permet de déterminer, de façon indépendante, s'il y a eu ou non des violations flagrantes.

Dans le cas du thé, l'argent est en réalité déposé dans un compte spécial, que contrôlent et la direction et les travailleurs. S'il y a un syndicat dans une plantation, dans bien des cas c'est celui-ci qui décide, au nom des travailleurs, comment l'argent sera dépensé.

On nous dit ensuite comment l'argent a été dépensé, qu'il se soit agi d'acheter des latrines ou autre chose du genre. Nous ne permettons pas que l'argent soit consacré à des services d'éducation, au logement ou à des améliorations aux conditions de travail, que les lois de l'Inde et du Sri Lanka exigent des propriétaires de plantation. Nous ne laissons donc pas les administrateurs des plantations se soustraire aux obligations en matière de conditions de travail qui leur reviennent en vertu de la loi. Ils ne peuvent pas utiliser leur prime pour commerce équitable à cette fin. Il leur faut, pour cela, s'appuyer sur leurs propres revenus. Dans ce sens-là, donc, il y a plusieurs exigences dont nous nous servons pour veiller...

.1905

Nous-mêmes sommes des associations indépendantes des églises, des syndicats et des organisations non gouvernementales. Nous n'avons nul intérêt dans le négoce du thé ou du café et nous n'en bénéficions pas, si bien que nous sommes indépendants également de ce point de vue.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Merci beaucoup, monsieur Thomson.

Puisqu'il ne reste plus que Mme Debien et moi-même, vous allez devoir autoriser la présidence à poser quelques questions. M. English a demandé d'être excusé car il a dû partir prononcer un discours quelque part.

Madame Ruff, nous vous avons interrompue un peu abruptement. Si je me souviens bien, vous critiquiez le rapport d'UNICEF Canada sur Rugmark. Cela m'a surprise, et j'aimerais donc que vous nous donniez quelques explications supplémentaires et nous disiez pourquoi.

Mme Ruff: Je vous ai remis une analyse écrite qui indique toutes les raisons, mais je peux vous donner une courte explication.

Lorsqu'il s'agit de déterminer les stratégies que le Canada peut suivre, je pense qu'il importe d'analyser tout l'éventail des choix et des stratégies. Or, le rapport ne contient pas de telles analyses ni de comparaisons des résultats que l'on peut attendre des différentes stratégies. Par exemple, on y trouve la recommandation que le Canada maintienne ses pratiques traditionnelles sur le plan du financement des projets de développement outre-mer, mais sans analyser les résultats de ces pratiques. On y recommande que le Canada transfère une partie de ses crédits de développement consacrés aux enfants à l'éducation primaire. Certes, on ne peut qu'être en faveur du financement de l'éducation primaire, mais les crédits canadiens ne permettent de scolariser qu'une partie infime des enfants indiens qui ne vont pas à l'école. Donc, bien que tout le monde soit en faveur du financement des écoles, cela ne résout pas fondamentalement le problème ni ne s'attaque aux causes sous-jacentes du problème.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Et moi qui vantais ce rapport comme quelque chose de très positif. C'est l'une des choses dont l'UNICEF m'avait parlé aux Nations unies, à New York - le travail qu'elle fait par le biais de l'ACDI.

Mme Ruff: Il ne fait aucun doute que tout projet qui apporte des fonds pour le développement des enfants est une bonne chose. Les auteurs du rapport d'UNICEF Canada disent qu'il faut se demander si une approche a un impact sensible sur les problèmes sous-jacents à l'exploitation des enfants, si elle va contribuer sensiblement à la solution de ces problèmes. Par exemple, le rapport dit que le fait qu'un petit pourcentage seulement des enfants exploités travaillent dans l'industrie du tapis, c'est une raison de ne pas appuyer la stratégie. Mais si vous prenez le même étalon et que vous l'appliquez au financement des écoles primaires, vous pouvez dire la même chose. Donc, si vous établissez un étalon, nous disons qu'il faut l'appliquer à toutes les stratégies, et que les écoles financées par le Canada ne concernent qu'un pourcentage infime des enfants.

Le fait qu'un programme ne touche qu'un pourcentage infime d'enfants ne signifie pas qu'il ne soit pas une bonne stratégie en soi. Il faut se demander s'il est efficace comparé à d'autres stratégies, s'il a le mérite de mettre à jour le problème, s'il accentue ou non la pression sur les gouvernements de ce pays afin qu'ils appliquent leurs propres lois en matière de travail des enfants.

Le rapport applique cet étalon uniquement à Rugmark et conclut que Rugmark ne va pas régler le vaste problème de l'exploitation des enfants par le travail. C'est vrai, mais je ne pense pas qu'aucune approche suffise seule à résoudre le problème dans son ensemble et les politiques suivies jusqu'à présent n'ont certainement pas changé grand-chose au problème d'ensemble. Ma critique est donc que, si l'on va utiliser un étalon, il faut appliquer le même à tous les programmes et analyser et comparer entre elles les différentes approches, ce que ne fait pas le rapport.

Un autre reproche majeur est que l'industrie du tapis utilise notoirement beaucoup d'enfants asservis. Le rapport d'UNICEF Canada reconnaît lui-même que 50 p. 100 des enfants sont asservis. Il existe quantité de rapports qui signalent la gravité de la situation des enfants asservis dans l'industrie du tapis, mais le rapport commence par une citation qui brosse un tableau très rose du travail dans ces ateliers. Nous pensons qu'il faudrait donner la priorité aux enfants qui connaissent les conditions les plus pénibles - les enfants asservis dans l'industrie du tapis. Donc, le fait de mettre en exergue une citation qui peint une image très rose des enfants travaillant dans l'industrie du tapis nous préoccupe, car nous pensons que la priorité devrait être donnée à l'exploitation dont souffrent la moitié des enfants dans cette industrie.

.1910

Les auteurs du rapport conviennent ensuite que la servitude pour dettes est une chose épouvantable, mais ajoutent que, puisque seul un petit nombre d'enfants sont dans cette situation, ils ne vont pas traiter de ce problème. Ils ne formulent aucune recommandation pour lutter contre l'asservissement des enfants, et cela nous choque. Le seul passage où l'on parle de ces enfants, c'est dans la conclusion du rapport, à la page 21...

La présidente suppléante (Mme Gaffney): On vient de me dire - désolée de vous interrompre - qu'apparemment un autre rapport est imminent, qui sera beaucoup plus favorable.

Mme Ruff: Cela nous inquiète. Nous avons une lettre d'UNICEF Inde qui parle de l'énorme succès de la campagne Rugmark sur le plan de la sensibilisation à ce problème. Cette lettre d'UNICEF Inde dit également...

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Pourriez-vous abréger un peu vos réponses? J'aimerais que M. Varhade puisse intervenir également là-dessus, et j'ai une autre question pour Mme Tripp.

Mme Ruff: D'accord.

Elle fait état de l'évaluation récente effectuée par M. Fuad Kronfol, pour le compte du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada. Le rapport de M. Kronfol n'a pas encore été publié par le gouvernement; cependant, je joins une lettre adressée par M. Kronfol au rédacteur du Oriental Rug Magazine, où il dit tout le bien qu'il pense de l'initiative Rugmark. Nous aimerions demander qu'une copie de ce rapport soit déposée au comité, pour la gouverne des membres.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Je vous remercie.

Monsieur Varhade, j'ai l'impression que vous connaissez de première main la situation qui a existé en Inde pendant de nombreuses années - en tout cas à l'époque contemporaine - , la situation aujourd'hui et ce que nous pouvons faire pour y remédier. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus.

M. Varhade: Je vous remercie, madame. J'aimerais vous en dire un peu plus, puisque j'ai manqué un peu de temps dans mon exposé tout à l'heure.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Oui, c'est vrai, et je vous prie de nous en excuser.

M. Varhade: Avant de vous parler de solution, je dois vous expliquer un peu mieux le système. Ce sont des données très importantes pour qui veut comprendre la situation.

Son origine remonte à environ 3 000 ans. Selon les spécialistes de l'Inde, aux alentours de1500 avant Jésus-Christ, la race indo-aryenne a envahi l'Inde, en provenance du nord-ouest de l'Inde, imposant une défaite aux populations indigènes locales. Elle a détruit leur civilisation et inventé ces croyances religieuses de façon à asservir ces populations vaincues et les réduire en esclavage. En bref, on a inventé le système de castes de façon à rendre permanente la domination de ces privilégiés.

Au fil des siècles, la mentalité des masses a été imprégnée de cette notion que les hors-castes sont des gens intouchables qui, selon les croyances religieuses hindoues, n'ont aucun droit. Ils sont prédestinés à être les esclaves des maîtres hindous des castes supérieures. C'est inscrit dans les croyances religieuses, dans ce que l'on appelle le code de lois Manhu. C'est là le livre des croyances religieuses hindoues où sont énoncées les lois de la religion hindoue. Il y est dit en toutes lettres que la caste supérieure des brahmanes, la caste des prêtres, peut utiliser les intouchables de basse caste comme bon leur semble, comme esclaves. L'intouchable est censé être vêtu de haillons et ne rien posséder, et sa fonction est de servir le maître. Il est censé vivre des déchets de nourriture qu'on lui jette.

.1915

Cette mentalité de la religion s'est propagée au fil des ans. Les gens en sont devenus tellement imprégnés que la solution ne survient pas, même après l'indépendance de l'Inde, même après l'abolition du système.

Ce qu'il fallait faire pour ces gens marginalisés a été fait dans le cadre des dispositions constitutionnelles. C'est ce que l'on appelle la Loi sur l'intouchabilité, qui érige la pratique de l'intouchabilité en délit criminel en vertu de la constitution indienne, et qui prévoit des sanctions graves contre les contrevenants. Mais ce qui se passe, en réalité, c'est que tout le système est aux mains de la caste supérieure, qui représente moins de 15 p. 100 de la population, et il est très commode pour elle de disposer de ces esclaves pendant encore des siècles. Cette caste est donc directement opposée à tout changement, et c'est elle qui détient tout le pouvoir.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Nous comprenons bien cela, mais aujourd'hui le monde commence lentement à prendre conscience. Nous disons que ce n'est plus acceptable et que nous voulons que cela change. Comment convaincre les Indiens? Que pouvons-nous faire vis-à-vis de l'Inde pour que ce changement s'opère en Inde?

M. Varhade: En fait, la solution réside en Inde autant qu'en dehors de l'Inde.

Il y a peu, le Parlement indien a renforcé la législation de façon à punir sévèrement la pratique de l'intouchabilité. D'autres modifications ont encore été apportées en 1989, et le gouvernement indien a déclaré récemment qu'il mettra en place un mécanisme rigoureux de mise en application de ces lois.

La même chose peut se faire à l'égard du travail des enfants. Ce que le gouvernement canadien peut faire, c'est demander à l'Inde d'appliquer très sérieusement ses propres mécanismes constitutionnels parce que la protection des droits d'une population aussi vaste vous préoccupe. Voilà la première chose.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Mais le Canada est un si petit pays comparé à l'Inde. Par quel moyen le Canada peut-il convaincre l'Inde de faire cela? Comment faut-il s'y prendre? Une personne a préconisé d'utiliser le mécanisme du G-7. Mais que proposez-vous?

M. Varhade: En fait, je suis très en faveur du rapport récent du Comité CEDR desNations unies. Ce comité a prononcé un jugement - le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale - et le Canada peut exprimer son approbation de principe de ce rapport qui contient des conclusions très fermes et émane d'un organe très respecté des Nations unies. L'Inde est l'un des signataires de la convention sur l'élimination du racisme, et c'est donc là un point de départ. L'Inde est également signataire de la convention sur l'abolition du travail des enfants, de même que de la convention sur l'abolition de la prostitution rituelle des enfants.

La situation, donc, est que chacune de ces choses a été portée devant les Nations unies. De ce fait, l'Inde craint aujourd'hui un peu de voir ternir son image de grande démocratie - soi-disant - et apparaisse comme une démocratie pour quelques privilégiés et non les masses. C'est le bon moment, car le gouvernement de gauche qui vient d'arriver au pouvoir est plus ouvert au changement, mais il est surtout préoccupé par la gestion quotidienne du pays et par les problèmes courants. À moins d'un recentrage de ces préoccupations, la situation ne changera pas.

Le Canada, avec l'aide des pays du G-7, peut commencer à exercer une surveillance en ouvrant d'abord la discussion avec ses partenaires du G-7, qui sont en quelque sorte les bailleurs de fonds de l'Inde. Commencez par mettre en place un mécanisme de surveillance de la façon dont l'Inde applique ses propres lois.

Deuxièmement, l'Inde discute actuellement d'une éducation nationale en matière de droits de la personne. Les discussions ont déjà commencé avec la Commission des droits des minorités, en Inde. C'est donc le moment idéal pour pousser à la roue et faire savoir à l'Inde que vous êtes intéressés à contribuer à mettre en place un système pour assurer cette éducation. Mais il faut un mécanisme de contrôle des progrès réalisés et de l'exécution des promesses faites.

Je pense que le moment ne pourrait être mieux choisi, car le gouvernement actuel risque de ne durer que 12 ou 18 mois. Si le mouvement fondamentaliste revient au pouvoir, tout va tomber à l'eau. Voilà donc l'aide que nous attendons.

Enfin, les pays du G-7 peuvent lier l'aide qu'ils fournissent chaque année à la libération de ces millions d'esclaves.

.1920

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Nous avons rencontré beaucoup de personnalités de haut niveau aux Nations unies, la semaine dernière. À chacune nous avons parlé des droits de l'enfant et des pays qui sont signataires de cette charte.

Si jamais il a existé un véhicule pour agir, c'est par le biais des droits des enfants, par l'intermédiaire des Nations unies. L'impression que j'ai retirée est que le moment est opportun. C'est aujourd'hui le sujet «sexy» - pardonnez-moi l'emploi de ce mot - dans le monde, l'idée qu'il faut mettre fin aux traitements abominables des enfants dans le monde.

Le Brésil est un pays où l'on abat les enfants dans les rues. J'espère que notre rapport reflétera ces excellentes recommandations contenues dans chacun de vos mémoires, et pourront trouver sur cette base quelque solution à soumettre au comité permanent. Je vous en remercie donc.

Madame Tripp, vous avez critiqué dans votre exposé la politique préconisée à l'égard du travail des enfants par le comité du Congrès américain. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus et nous dire ce que le gouvernement canadien devrait faire de différent.

Mme Tripp: J'ai commencé par dire que la situation est complexe et que, par conséquent, les solutions seront, elles aussi, complexes. Il faut une approche holistique.

L'expérience nous a montré qu'avec ces sortes d'embargos généralisés ou interdictions de tout produit fabriqué par de la main-d'oeuvre enfantine, la réaction immédiate de ces entreprises est de mettre à la porte tous ces enfants. Mais qu'arrive-t-il ensuite à ces derniers? Où vont-ils?

Ils n'ont pas de pécule. Ils travaillent là pour survivre. Ce n'est pas nécessairement parce que leurs parents sont chômeurs. Leurs parents peuvent bien être employés, ou malades ou quelque chose, mais la famille n'a pas assez d'argent pour survivre. Ces enfants sont donc alors obligés de chercher un autre travail. À moins qu'il n'y ait une solution de rechange telle qu'une aide pour les envoyer à l'école, ils descendent d'un échelon encore et se retrouvent...

Oxfam a mené une étude après la loi Harkin, je pense. Il y a eu cette réaction consistant à mettre à la porte tous ces enfants qui travaillaient, mais il semble que jusqu'à 30 000 d'entre eux se soient retrouvés dans le commerce du sexe. C'est pourquoi nous sommes opposés à ce genre de mesure généralisée.

Nous reconnaissons que, dans le meilleur des mondes possible, les enfants ne travailleraient pas. Les enfants iraient tous à l'école. Mais nous ne vivons pas dans le meilleur des mondes et c'est pourquoi nous disons qu'il faut une concertation avec les entreprises qui emploient ces enfants pour garantir que les critères de travail soient respectés.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): La politique actuelle du gouvernement canadien consiste à chercher à concilier le commerce international et les pressions en faveur des droits de la personne. Êtes-vous d'accord avec cela?

Mme Tripp: Oui, à condition que l'on ne se contente pas de vaines paroles.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Une simple façade.

Mme Tripp: M. Gagliano a dit cet après-midi qu'il n'y a pas, à sa connaissance, de législation canadienne liant l'exploitation des enfants et le commerce. Quel aveu de la part du Canada, qui se veut l'un des pays humanitaires de pointe. Les paroles ne suffisent pas; il faut aussi avoir des mécanismes d'exécution et de contrôle, comme nous l'avons tous dit.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Il y a quelques semaines, des représentants du patronat nous ont parlé ici de ce qu'ils font pour s'assurer que leurs entreprises n'utilisent pas de main-d'oeuvre enfantine. Levi Strauss a un programme merveilleux. La société Alexanian Carpet s'assure que les tapis qu'elle importe ne sont pas noués par des enfants. Je pense donc que nous pouvons faire une campagne de sensibilisation auprès de l'industrie canadienne et obtenir des résultats concrets dans ces pays.

Mme Tripp: Oui, et c'est pourquoi nous disons que personne ne peut tout faire seul, même pas des sociétés comme Gap ou Reebok. Les entreprises regardent le profit, et peu m'importe qu'elles le fassent pour des raisons altruistes ou pour protéger leurs profits. Mais on peut déclencher un effet domino, si bien que Levi Strauss et Gap feront des émules. Il faut saisir les moments favorables et en profiter pour sensibiliser les entreprises à long terme, et pas seulement à court terme.

.1925

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Nous avons des sociétés multinationales. Nortel travaille à l'échelle du monde - en Chine et en Corée maintenant, je crois. Mitel, Newbridge et ces entreprises de haute technologie sont tous implantés à l'étranger. Nous devrons apprendre à collaborer avec ces compagnies. Nous n'attendons pas d'elles qu'elles prennent de la main-d'oeuvre à rabais.

Mme Tripp: Il faut aussi, à l'occasion, savoir être ferme et dire non. Il faut récompenser les bonnes actions mais aussi condamner les mauvaises. Nous devons montrer que nous sommes sérieux et savoir dire non. Cela peut parfois coûter quelque chose au Canada, mais il faut appuyer les paroles par des actes.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Je ne suis pas certaine que le gouvernement soit prêt à aller jusque-là, mais moi peut-être.

Mme Tripp: C'est nous le gouvernement, non?

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Il se trouve que je siège de ce côté-ci de la Chambre, mais...

Monsieur Varhade.

M. Varhade: Juste un mot. Kathleen a apporté ce rapport de l'UNICEF et nous en avons parlé tout à l'heure. Il est lamentable qu'une organisation comme l'UNICEF dépose un tel rapport et affirme que le tissage des tapis est quelque chose de si amusant pour les enfants. Ce rapport devrait être mis au panier sans même être lu.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Je ne l'ai pas lu.

M. Varhade: J'ai été saisi quand elle m'a expliqué à quel point les conditions peuvent être dures. C'est intolérable. Des milliers de nos enfants sont enfermés dans cette servitude, et ils suffoquent. Ils meurent dans ces ateliers. Comment cela pourrait-il être quelque chose d'agréable? Voilà le premier point.

Deuxièmement, j'ai indiqué dans mon exposé que l'ACDI devrait orienter ses programmes vers deux types de projets.

Le premier est la libération, la réinsertion et la rééducation de la main-d'oeuvre enfantine, totalement. Dans mes conférences aux Nations unies, je vois un large consensus de beaucoup de gouvernements occidentaux; eux aussi sont intéressés par des projets de ce type. Le comité pourrait contribuer en encourageant les principaux organismes à orienter nombre de projets en ce sens, et le financement pourrait venir aussi d'autres pays du G-7, le Canada donnant l'exemple.

Deuxièmement, il faudrait mettre sérieusement l'accent sur l'éducation en matière de droits de la personne dont on discute actuellement en Inde. Le rapport du CEDR condamnait la situation des droits de la personne en Inde et formulait des recommandations au gouvernement indien. Il est censé publier un autre rapport en janvier 1998. C'est un outil très important, très efficace pour commencer, car il revient à dire: vous avez violé les droits humains fondamentaux et la dignité de ces personnes pendant des siècles; vous devez changer cela, et vous devez indemniser les victimes.

Donnez-leur les privilèges d'une éducation en matière de droits de la personne, ainsi qu'une réinsertion économique et une éducation nationale. Et publiez ce rapport à l'échelle nationale, dans tous les grands journaux. Ce que je demande à votre comité, c'est de commencer à exiger que l'Inde publie ce rapport. Je me ferai un plaisir d'en remettre un exemplaire au greffier du comité. Demandez-leur de faire cela, conformément à la convention du CEDR. C'est un point de départ.

Pour le reste, on peut commencer par créer un comité des pays du G-7, lequel contrôle le développement économique de l'Inde. Ce serait 80 p. 100 de la solution. Je milite dans ce domaine depuis 30 ans, depuis l'école, et je pense que c'est la solution. Tant que la pression internationale ne montera pas, l'Inde n'écoutera pas. L'Inde n'écoutera certainement pas. Rien ne changera.

C'est la vie de millions d'enfants qui est en jeu. Nous avons besoin de votre aide.

La présidente suppléante (Mme Gaffney): Merci beaucoup.

Je veux remercier chacun d'entre vous. Vous avez fait preuve de beaucoup de patience. Veuillez nous excuser de vous avoir gardés si tard. Personne n'a encore dîné, mais moi j'ai l'habitude.

Vos mémoires ont été excellents, absolument excellents. Je vous remercie encore une fois. Je vous souhaite un bon restant de soirée.

La séance est levée.

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