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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 20 mars 1997

.1537

[Traduction]

Le président (M. John English (Kitchener, Lib.)): La séance est ouverte.

Je souhaite la bienvenue à tous les députés ainsi qu'aux deux invités d'aujourd'hui, M. James Michel et M. Bernard Wood de l'OCDE. Ils nous parleront aujourd'hui du Comité d'aide au développement et du rapport sur la coopération en matière de développement. J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Michel et à M. Bernard Wood, que je connais depuis de nombreuses années. J'aimerais aussi souhaiter bon retour au Canada à M. Wood. Il dit préférer Ottawa à Paris, et avait des choses bien intéressantes à dire au sujet du climat et des grèves et de bien d'autres choses encore. Bon retour à Ottawa, même si ce n'est que pour un bref séjour.

Après cette affirmation d'un goût douteux, j'aimerais céder la parole à nos invités. D'abord,M. Michel.

M. James Michel (président, Comité d'aide au développement, Organisation pour la coopération et le développement économique): Monsieur le président, merci beaucoup. Je peux dire en toute franchise que c'est à la fois un honneur et un plaisir de comparaître cet après-midi devant le sous-comité avec M. Wood pour vous faire part de notre enthousiasme face à ce que nous considérons comme des perspectives prometteuses pour une coopération internationale efficace et propice au développement international.

Le rapport de 1996 sur la coopération en matière de développement, le rapport sur le travail du Comité d'aide au développement, qui a été mis à la disposition du comité, expose une stratégie adoptée en 1996 par le Comité d'aide au développement dans un rapport intitulé Le rôle de la coopération pour le développement à l'aube du XXIe siècle.

[Français]

En français, le titre est: Le rôle de la coopération pour le développement à l'aube du XXIème siècle.

[Traduction]

Ce document a aussi été mis à la disposition du comité et les membres en ont reçu des exemplaires.

.1540

Le document de stratégie s'appuie à son tour sur un énoncé de politique antérieur adopté par le comité l'année précédente et qui s'intitulait Development Partnerships in the New Global Context. L'idée de partenariat de développement n'est pas nouvelle. En effet, un éminent Canadien,M. Pearson, avait fait partie d'une commission qui déjà en 1969 employait ce terme. Dans la pratique toutefois la coopération en matière de développement n'a pas nécessairement retenu cette notion de partenariat, et c'est une idée qu'il faut remettre en lumière, croyons-nous, à l'aube du XXIe siècle.

L'énoncé de 1995 renforçait cette idée, selon le principe que les partenariats ont deux grandes caractéristiques. D'abord, ils doivent viser le développement par une politique complète et intégrée et un cadre stratégique qui englobe la stabilité et la sécurité, de saines politiques économiques, le développement social et l'investissement dans les ressources humaines, une bonne administration de type participatif, la durabilité environnementale et d'autres facteurs clés.

Deuxièmement, il doit y avoir un partage des tâches, où la responsabilité première de la formulation et de l'exécution de ces politiques et de ces stratégies globales revient au pays en voie de développement. Le rôle des intervenants extérieurs n'est pas de développer le pays de quelqu'un d'autre - on doit le faire pour soi-même - mais plutôt d'apporter un soutien coordonné aux efforts de prise en charge déployés localement et qui renforcent la capacité qu'on a de mener à bien ces stratégies originaires du milieu même.

Partant de là, donc, les dirigeants de l'agence d'aide et les ministres du développement de 21 pays et de la Commission européenne, les 22 membres qui constituent le Comité d'aide au développement, ont entrepris de diriger et d'assurer une bonne partie de la rédaction de ce rapport sur le façonnement du XXIe siècle. Ils y ont travaillé pendant un an, de 1995 à 1996. Il y a eu au moins six réunions et peut-être plus de fonctionnaires de très haut niveau qui ont fourni des contributions écrites entre ces rencontres, ce qui a abouti à ce rapport, qui a été adopté à la réunion au sommet des ministres et des dirigeants d'agence en mai de l'année dernière, et auquel a souscrit le conseil ministériel de l'OCDE quelques semaines plus tard. C'est donc maintenant la politique officielle de l'OCDE. Le rapport a été bien accueilli et on y a souscrit dans diverses rencontres internationales, notamment à la réunion des pays du G-7 à Lyon l'année dernière et à celle des ministres des Finances du Commonwealth en septembre.

J'aimerais décrire la stratégie, parce que c'est sur cela que je m'appuie au départ pour dire que je pense que notre situation s'est beaucoup améliorée et que nous avons d'excellentes possibilités d'assurer le développement au XXIe siècle. Trois éléments entrent en ligne de compte. D'abord, une vision. La vision se définit par des objectifs mesurables de bien-être économique, le développement social et la durabilité environnementale. Le deuxième élément est un concept de partenariat effectif qui respecte la propriété locale, renforce les capacités locales et encourage la participation et l'autosuffisance. Le troisième élément est un système plus efficace de coopération internationale, qui dispose de ressources adéquates, d'une coordination améliorée, d'un meilleur système de surveillance et d'évaluation ainsi que d'une base élargie de participation, de sorte qu'on ne fasse pas appel qu'à quelques pays de l'OCDE mais qu'on en fasse une vaste priorité internationale dans un cadre de politiques cohérentes. Tout cela afin que nous n'ayons pas de politiques agricoles, commerciales ou financières qui contredisent les politiques de développement.

De ces trois éléments, ce sont les objectifs qui ont retenu le plus l'attention internationale. Ils relèvent du domaine économique. D'abord, l'idée de réduire de moitié d'ici 2015 la proportion d'indigents. Elle découle de la proposition mise de l'avant au sommet social de Copenhague qui consistait à faire disparaître l'indigence. Ce que nous avons tenté de faire, c'était de fixer un objectif provisoire à atteindre dans un délai déterminé, de sorte qu'on passe dans les pays en voie de développement d'une proportion de 40 à 15 p. 100 de gens qui vivent ou subsistent avec un revenu de 370$ par année. L'objectif est ambitieux, mais la recherche effectuée montre que c'est faisable.

.1545

Deuxièmement, sur le plan social, au lieu de retenir un seul objectif, les ministres et les dirigeants d'agence en ont choisi quatre - tous inspirés des réunions des Nations Unies de Pékin, de Copenhague et du Caire: d'abord, l'enseignement primaire universel d'ici 2015; deuxièmement, l'égalité des hommes et des femmes, et à titre d'indicateur de la réalisation de cet objectif, la suppression d'ici 2005 de l'écart entre les inscriptions de garçons et de filles à l'école primaire et secondaire; troisièmement, une nette amélioration d'ici à 2015 des taux de survie des nouveau-nés, des enfants et des mères; et enfin, l'accès universel aux services de santé liés à la reproduction, notamment le contrôle des naissances, et cela d'ici à 2015. On voit donc que l'an 2015 est la dernière année pour la réalisation de ces objectifs.

Troisièmement, dans le domaine environnemental, les ministres et les dirigeants d'agence ont choisi comme indicateur la stratégie de développement durable recommandée à la Conférence de Rio en 1992. Au lieu de se contenter de dire que chacun doit se donner une telle stratégie, on a encore là tenté de fixer un objectif qualitatif durable en disant que d'ici à 2005 tous les pays devraient mettre en place une stratégie qui permettra d'ici à 2015 de constater un renversement des tendances en ce qui concerne la disparition des ressources environnementales. Encore là, 2015 est la date-butoir.

J'aimerais dire trois choses au sujet de ces objectifs, parce que j'estime qu'ils sont très importants, qu'ils orientent la coopération en matière de développement sur les résultats. Mais ils pourraient être mal compris. Je tiens à préciser que bien qu'il s'agisse d'objectifs mondiaux correspondant à une vision mondiale, l'intention n'est pas d'imposer des objectifs de l'extérieur. Souvenons-nous que le deuxième élément de cette stratégie est un partenariat mettant l'accent sur la propriété locale et la capacité locale. Nous concevons donc ces objectifs comme le point de départ d'un dialogue avec des partenaires en développement qui doivent fixer leurs propres objectifs nationaux en tenant compte de leurs propres conjonctures. Ils constituent une vision.

En outre, je pense qu'il est important de souligner qu'ils représentent seulement une vision. On ne peut pas prétendre qu'ils soient complets ni qu'ils excluent les objectifs existants déjà élaborés dans l'ensemble des conférences de l'ONU. Ils ont été choisis à partir de là pour donner une image cohérente de ce que pourrait être l'avenir, mais ils sont représentatifs sans être exhaustifs. Le problème tient en partie au fait qu'il y avait tant d'objectifs que si l'on tente de tout englober, il arrive qu'on s'y perde et qu'on empêche la communication en essayant de communiquer trop.

Une deuxième chose que j'aimerais dire à propos de ces objectifs, c'est qu'ils visent tous la situation des indigents. C'est très clair dans le cas de l'objectif de la lutte contre la pauvreté. Mais je pense que l'on peut affirmer, dans tous les cas, qu'on ne peut réduire de moitié la pauvreté, ni améliorer sensiblement le taux de survie des nouveau-nés, des enfants ou des mères sans s'occuper des populations les plus pauvres et les plus défavorisées de la terre. On ne peut avoir une stratégie de développement qui ne vise que le sommet. Il faut aussi tenir compte des problèmes des plus démunis.

.1550

Enfin, une dernière chose que j'aimerais dire à propos des objectifs, c'est qu'en les adoptant, les ministres et les dirigeants d'agence ont très clairement dit, et c'est d'ailleurs en caractères gras dans le rapport, qu'il faut s'efforcer d'atteindre ces objectifs en fonction de mesures qualitatives et que les questions de responsabilité démocratique, la protection des droits de l'homme, la règle du droit continueront de faire partie intégrante du programme de coopération en matière de développement, parce qu'ils sont nécessaires à l'établissement de sociétés de type participatif qui soient transparentes et plus responsables et propices au développement.

Au-delà des objectifs, le deuxième élément fait appel à des partenariats réels où le point de départ du développement est le pays lui-même. Les efforts de coopération visent à encourager la participation et l'engagement sur place et à renforcer les capacités locales. Ce qui signifie qu'il n'existe pas de modèle unique de partenariat mais plutôt tout un ensemble de dialogues et de pactes résultant de ces dialogues qui traduisent les besoins, les engagements et les capacités de chaque pays, lesquels sont très différents les uns des autres.

L'idéal, c'est une stratégie de développement conçue localement qui résulte de ce dialogue et qui puisse attirer un soutien international coordonné et supplanter des stratégies de coopération multilatérales et parfois confuses que mènent les donateurs.

Depuis l'adoption de ces objectifs, nous nous occupons de leur réalisation, dont la responsabilité incombait largement aux membres du Comité d'aide au développement et non pas à l'OCDE en tant qu'organisation. Ces éléments sont la diffusion de la stratégie et de dialogue portant sur celle-ci; la définition de ces partenariats à partir d'un dialogue avec chacun des pays en développement; et la constitution d'une capacité de surveillance, de production de rapport et d'évaluation.

Ce travail est en cours maintenant et constituera une grande partie de la tâche courante du Comité d'aide au développement et du secrétariat de l'OCDE. Il fera appel non seulement à la coopération en matière de développement, mais à d'autres secteurs de l'OCDE. Nous sommes impatients de travailler avec nos collègues des secteurs du commerce, de l'environnement, de la gestion des affaires publiques, de l'agriculture et d'autres encore, en vue de mener à bien cet effort visant à favoriser une approche complète du développement durable.

Monsieur le président, le secteur de la coopération en matière de développement devient de plus en plus complexe. Nous ne nous situons plus dans le contexte de la Guerre froide, ni d'un monde bipolaire. Nous faisons face à un ensemble de pays beaucoup plus diversifiés. L'aspect financier du développement est maintenant beaucoup complexe. Nous nous trouvons devant un ensemble d'institutions multilatérales beaucoup plus complexes. Nous devons trouver des moyens de concilier tous ces facteurs.

Nous espérons que cette stratégie y contribuera et ne sera pas qu'une vision de plus qui nous amènera à parler d'une stratégie du CAD, d'une stratégie de la Banque mondiale, d'une stratégie des Nations Unies, mais qu'au contraire nous pourrons en arriver à partager une vision et un cadre commun propices au dialogue et à une entente sur les rôles et les contributions permettant un développement fondé sur l'appropriation par les intervenants locaux.

Dans cet esprit, nous sommes impatients de collaborer avec nos membres. Nous espérons bénéficier du soutien des parlements de nos membres, parce que c'est un domaine où nous ne pouvons pas d'une part présenter aux pays en développement une idée nouvelle et réduire nos propres efforts et, d'autre part, nous attendre à ce qu'ils accueillent ce message avec enthousiasme.

Nous sommes impatients de communiquer avec nos collègues de l'OCDE et d'autres parties de la communauté internationale et de travailler avec eux. À nouveau, je pense que nous avons une occasion unique d'exploiter une vision partagée quant à la façon d'améliorer la qualité de vie de tous au XXIe siècle, et nous sommes convaincus que nous devons agir maintenant si nous voulons que cette vision devienne réalité au cours du siècle qui vient.

Merci beaucoup pour votre attention. M. Wood et moi-même sommes maintenant disposés à échanger des vues avec vous ou à répondre aux questions que vous aimeriez nous poser.

.1555

Le président: Merci beaucoup, monsieur Michel.

J'aurais dû dire en présentant M. Michel qu'il a pendant un certain temps travaillé auprès de l'Agence de développement international des États-Unis et qu'il en a aussi été administrateur suppléant. Il connaît évidemment très bien toutes ces questions.

M. Wood est bien connu d'un bon nombre d'entre nous à titre de directeur fondateur de l'Institut Nord-Sud, lequel a déjà comparu devant le comité ainsi que devant le Comité plénier des affaires étrangères. Il connaît bien les comités parlementaires et je suis sûr qu'il participera activement à notre discussion.

Cela dit, y a-t-il des questions?

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Je suis très heureux qu'on vous accueille au Sous-comité du développement durable humain. Je vous ai écouté énoncer les objectifs que vous fixez pour les prochaines années en matière de développement international et je ne peux pas m'empêcher de faire un parallèle entre ces objectifs, qui me semblent tout à fait louables, désirables et nécessaires, et les moyens qui permettraient d'atteindre ce développement. Je vais me permettre d'énumérer un certain nombre d'éléments, et je pense que le document que vous nous présentez énonce le même avis.

Je suis d'avis que la seule façon d'éliminer la pauvreté est de véritablement mettre l'accent sur le développement durable et d'investir davantage dans la réponse aux besoins humains fondamentaux. Si, au départ, on accepte ce postulat, il faut regarder ensuite concrètement ce qui se passe dans presque tous les pays industrialisés. Il y a une tendance nette vers la diminution de l'aide publique au développement; c'est vrai au Canada et c'est vrai dans les pays de l'OCDE.

On observe à peu près partout qu'on est en train d'exacerber les relations commerciales sans tenir compte de beaucoup d'autres facteurs. À l'OMC, on observe peu ou pas d'intérêt à adopter des clauses sociales qui permettraient de soutenir le développement. On constate à peu près partout, et c'est vrai ici aussi, que le pourcentage de l'aide publique que l'on accorde aux besoins humains fondamentaux est de moins de 20 p. 100.

Je présume que, dans les pays développés, dans les autres pays de l'OCDE - enfin vous m'apprendrez peut-être une bonne nouvelle ou quelque chose d'extraordinaire - , 90 p. 100 de l'aide va à la satisfaction des besoins humains fondamentaux, mais j'ai peur que vous ne me disiez pas cela. On continue d'observer des dépenses excessives dans les pays en développement pour les budgets de la défense. On observe à peu près partout un refus de lier l'aide au développement au respect des droits de la personne. On observe que la mondialisation, en exacerbant la compétitivité, exerce finalement une forte pression à la baisse sur les conditions de travail, pas seulement dans les pays en développement, mais même dans les pays industrialisés, comme le Canada.

Ma question est la suivante: comment pouvez-vous être optimiste? Est-ce que vous êtes optimiste par nécessité ou si vous pourriez nous démontrer qu'on devrait l'être?

[Traduction]

M. Michel: Merci beaucoup.

Je pense, d'abord, que je suis d'un naturel optimiste. Peut-être faut-il l'être pour travailler dans le domaine du développement. Mais je suis aussi optimiste parce que je suis convaincu que nous nous entendons de plus en plus sur la façon d'aborder ces questions et nous sommes de plus en plus déterminés, au sein des pays en voie de développement, des institutions multilatérales et des pays industrialisés, à travailler de concert. La nécessité d'investir dans la satisfaction des besoins humains est certainement une chose désormais reconnue.

.1600

J'aimerais revenir à la nécessité d'adopter des stratégies globales qui tiennent compte de l'environnement politique, de l'environnement physique et de l'environnement humain, ainsi qu'à la capacité des gens et des institutions de travailler ensemble en tenant compte du capital social ou du développement des capacités.

Par exemple, je pense que la Banque mondiale, avec ses programmes d'adaptation structurels qui portent essentiellement sur l'environnement politique, reconnaît de plus en plus qu'il ne s'agit pas que d'une question purement économique. Il faut tenir compte de la durabilité sociale et politique des réformes politiques, et ces programmes doivent tenir compte des besoins des gens. Le développement n'est pas affaire de politique ni de statistique, il concerne les gens. Je pense qu'on le reconnaît de plus en plus.

Les fonds disponibles pour l'aide au développement se raréfient. Nos statistiques accusent toujours un an de retard parce qu'il faut un an pour recueillir l'information et la traiter, mais pour 1995, bien que ce soit à peu près la même chose en dollars constants, soit environ 60 milliards de dollars, quand on tient compte du taux de change et de l'inflation, on constate une diminution de 8 ou 9 p. 100 à l'échelle mondiale pour ce qui est de toutes les contributions et les dépenses des membres du CAD aux agences multilatérales et aux programmes d'aide bilatéraux.

Parallèlement, cette base de 60 milliards de dollars est demeurée assez constante au fil des ans. Dans le rapport préparé cette année, on trouve des tableaux très intéressants qui montrent les tendances en matière d'aide au développement et en ce qui concerne d'autres contributions en développement. Un de ces tableaux montre que si l'aide au développement s'est maintenue entre 50 et 60 milliards de dollars au cours des 10 dernières années, les contributions privées ont nettement diminué.

Je pense que nous devons prendre acte de cette nouvelle complexité qui a changé la composition des apports aux pays en développement. Nous devons utiliser les ressources financières qui nous sont accordées à des conditions de faveur pour l'aide au développement de manière à aider les pays à améliorer leur capacité d'accéder à des apports privés, de gérer leurs propres économies et d'éviter la fuite des capitaux afin que ces fonds puissent être investis sur place pour aider ces pays à cesser de dépendre de l'aide extérieure.

La disproportion des budgets militaires est une question problématique, et nous avons passé deux jours à en discuter ici à Ottawa. Je saisis l'occasion pour féliciter le gouvernement du Canada d'avoir pris l'initiative d'inviter le Comité d'aide au développement à se pencher sur cette question des dépenses militaires. Ce n'était pas un point que nous jugions prioritaire.

C'est le ministre des Affaires étrangères du Canada qui le premier a écrit au secrétaire général de l'OCDE, et c'est le Canada qui a alors organisé la série de discussions informelles qui ont mené à cette conférence. Je pense que cette conférence changera quelque chose à la coopération internationale relativement à cette question des dépenses militaires, non pas en ce qui a trait seulement au montant, mais aussi au processus que suivent les pays pour décider de la façon d'équilibrer le développement et la sécurité nécessaires à celui-ci ainsi qu'à la manière d'assurer un meilleur développement et une meilleure sécurité en réduisant les dépenses militaires.

Une des choses que nous constatons, c'est que depuis plusieurs années, le montant brut des dépenses militaires diminue dans les pays en développement comme dans les pays industrialisés. Ce qui n'enlève rien à la gravité du problème. Le problème demeure grave, et il l'est davantage dans certains pays que dans d'autres. Mais dans différents pays, nous voyons aussi que des mesures sont prises, et que la société civile et les gouvernements examinent l'ensemble de ces questions de sécurité et de développement et s'interrogent sur la façon de fonctionner de façon plus participative et démocratique.

.1605

Je pense que nous avons tiré des leçons des processus suivis par des pays en voie de développement - des pays comme l'Afrique du Sud et l'Éthiopie, qui étaient représentés à la conférence tenue à Ottawa cette semaine et qui y ont participé - et nous pourrons maintenant grâce à la coopération en matière de développement collaborer plus efficacement pour renforcer leurs efforts visant à améliorer la sécurité et le développement en tenant compte de la réduction du budget militaire.

Bien sûr, la mondialisation et la concurrence risquent d'entraîner des souffrances et des difficultés pour les individus. Par ailleurs, la mondialisation et l'intensification du commerce offrent des possibilités d'élargissement accéléré de l'économie mondiale. Il me semble que notre tâche à tous est de concevoir des politiques qui feront que ce processus de mondialisation s'effectue de manière que les gens demeurent au centre des processus de développement et que cela devienne le mot d'ordre qui guide tous nos efforts, que nous parlions de processus nationaux ou internationaux.

J'ai confiance que dans un monde où les communications se multiplient, où les gens ont de plus en plus la possibilité de participer à la vie politique, ce qui est un des grands changements de la dernière décennie - surtout dans les pays en développement, nous nous rapprochions d'une vision du développement qui soit davantage centrée sur les populations.

Pour toutes ces raisons, je demeure optimiste. Je conclus ainsi mes observations.

[Français]

M. Bernard Wood (chef du Secrétariat du Comité d'aide au développement, Organisation de coopération et de développement économiques): Monsieur le président, si vous pouvez tolérer encore un peu d'optimisme, je vais ajouter un mot ou deux en réponse aux défis qu'a lancés le député. Je peux citer deux autres éléments pour compléter les propos de M. Michel.

Je viens de recevoir le rapport de votre sous-comité sur l'exploitation de la main-d'oeuvre infantile. C'est très, très bien de voir que vous avez trouvé utile, au cours de ce travail, le travail accompli par l'OCDE dans ce domaine. Dans l'encadré de la page 10 de votre rapport, on voit très bien quelques domaines dans lesquels la coopération pour le développement pourrait renforcer la tendance vers une approche au développement beaucoup plus humaine.

Je pense pouvoir vous dire qu'au cours de ce débat au sein de l'OCDE, nos collègues de différentes disciplines, sur les questions de main-d'oeuvre d'une part et les questions d'échange d'autre part, avaient trouvé à plusieurs points de vue que les contributions positives qui pourraient faciliter l'aide au développement étaient un élément de grande valeur dans la résolution de ces questions qui sont, comme vous venez de le dire, très, très difficiles et très complexes. Voilà.

Je pense aussi au lien avec les questions de dépenses militaires. Nous avons vu que les mesures positives qu'on peut prendre en renforçant les capacités des institutions des pays en voie de développement de surveiller, de discipliner la population et de contrôler les dépenses dans ce domaine à un certain niveau, ne sont pas prioritaires pour la population et empêchent d'engager certaines dépenses en vue d'activités dans le domaine social. Ce sont des mesures encore très positives et, même avec des dépenses assez limitées parfois, on peut faire beaucoup dans ce domaine. Vous allez voir, à la lecture des rapports qui vont venir dans ce domaine, qu'il y a beaucoup à dire.

Un deuxième élément que je pourrais citer et que je trouve aussi très encourageant, c'est le fait qu'il y a deux mois, nous avons tenu à Mexico une réunion coparrainée par le gouvernement du Mexique et le Comité d'aide au développement, où on a rassemblé nos pays membres avec une vingtaine de pays en développement qui sont maintenant en mesure de faire leur propre contribution à l'aide au développement de leurs pays voisins et d'autres pays en développement, en prenant leur propre expérience récente de développement ainsi que des mesures concrètes pour des programmes de coopération.

.1610

Cette réunion était fascinante. Les représentants de ces autres pays étaient venus de partout dans le monde et on a discuté de la philosophie de la coopération. Franchement, on a beaucoup appris dans les deux sens de leur expérience très pratique, souvent limitée en termes d'argent dépensé, mais très bien ciblée dans beaucoup de cas pour une contribution élargie. Ça veut dire que ce monde est en grande mutation. La distinction traditionnelle entre les pays donateurs et les pays récipiendaires est beaucoup plus intéressante maintenant que nous voyons des pays qui agissent à la fois à titre de donateurs et de récipiendaires.

Le président: Merci, monsieur Wood. Monsieur Paré, avez-vous d'autres questions?

M. Philippe Paré: J'aimerais rappeler que, dans un rapport récent sur le développement, l'Institut Nord-Sud a fait une analyse de l'aide publique canadienne et s'est penché sur ce que le Canada retire de l'aide publique canadienne. Les chiffres ne sont pas très encourageants; on découvre que le niveau de l'APD canadienne est d'environ 2 milliards de dollars et que le Canada va chercher 4,8 milliards dans les pays en voie de développement de toutes sortes de manières, dont des intérêts, des retours d'aide liée, etc. C'est un premier commentaire.

Vous avez parlé du flux des capitaux privés, monsieur Michel. Vous dites que de plus en plus, il est vrai que l'aide publique diminue. Par contre, les flux privés augmentent. J'ai une question très précise sur cet élément. Quelle influence aura ce flux de capitaux privés sur l'endettement des pays?

[Traduction]

M. Michel: Les fonds privés vont là où ils seront bien utilisés. Cela fait partie du processus compétitif de mondialisation dont vous avez parlé. Les fonds privés sont acheminés vers les pays en développement et bien qu'ils soient toujours fortement concentrés et que les fonds aient tendance à aboutir dans les pays les plus grands et les plus dynamiques, il y en a aussi qui vont vers un grand nombre de petits pays, à l'économie modeste.

Je pense que tout cela contribue à créer un climat où les pays en développement vont tenter d'attirer davantage de fonds. C'est l'investissement privé, et la technologie qui l'accompagne, qui permet de créer des emplois, de verser des impôts et de renforcer le développement humain et l'infrastructure du pays, afin que celui-ci ne dépende pas indéfiniment de la générosité des autres.

Quand on parle aux gens des pays en développement, ils disent qu'ils ne veulent pas être dépendants; ils veulent être indépendants. Ils veulent pouvoir se tenir debout et participer et contribuer à la société mondiale. Nous le voyons, par exemple, à la réunion de Mexico, dont a parlé M. Wood. Il y a des pays qui sont toujours bénéficiaires, mais qui participent à des efforts de coopération, où ils sont aussi donateurs.

Je pense que les apports de capitaux privés font partie intégrante du processus de développement. Ils représentent une part de plus en plus importante de l'économie mondiale. L'économie canadienne bénéficie probablement plus que jamais de sa position dans le monde, et je pense que c'est vrai pour la quasi-totalité des pays de l'OCDE. Le commerce mondial croît plus rapidement que ne progresse la croissance économique. Il croît plus facilement que ne progresse l'économie de chacun des pays de l'OCDE.

.1615

Bien que ce mouvement de ressources privées soit un défi et exige beaucoup de ces pays, surtout les pays en développement qui n'ont pas d'institutions bien établies, cette coopération en matière de développement peut les aider à se doter de systèmes financiers réglementaires efficaces et de systèmes environnementaux qui les protègent des investisseurs sans scrupules qui peuvent chercher à s'implanter chez eux pour éviter les contraintes environnementales d'autres pays. Nous devons utiliser la coopération en matière de développement et les ressources auxquelles on a accès à des conditions favorables de manière à contribuer à cette capacité qu'ont les pays en développement de participer à l'économie mondiale. J'estime donc que les deux sont complémentaires et non pas contradictoires.

[Français]

Le président: Monsieur Wood.

M. Wood: Je parlerai brièvement de la question de l'endettement et dirai que tout le monde fait maintenant très attention de ne pas endetter davantage les pays les moins avancés. On a traité de ces problèmes au sein des institutions multilatérales et bilatéralement. Dans presque tous les cas, nos flux officiels vers les pays les plus pauvres sont maintenant majoritairement sous forme de dons; ainsi, il n'y a pas d'endettement supplémentaire.

[Traduction]

Le président: Madame Gaffney.

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Merci.

Ce que j'ai à dire rejoint sans doute les propos de l'intervenant qui m'a précédée. La population mondiale, comme le disait hier quelqu'un, je pense, augmente d'une Chine par année ou d'un Toronto par semaine, et je trouve cela renversant. Établir un rapport entre cette croissance et la taille d'une ville de votre propre province vous permet de bien comprendre à quel rythme le monde évolue.

À la conférence du Caire, la Conférence de l'ONU sur la population mondiale et le développement, on a saisi les différences entre les diverses nations du monde ainsi que les différents problèmes qu'elles ont. Je suis vraiment contente que vous soyez optimistes, parce que cela me fait penser à l'époque lointaine où quand j'étais enfant on versait les quelques sous qu'on avait pour aider les enfants d'Afrique. C'est un peu comme si nous en étions encore là. Rien ne semble avoir changé au fil de toutes ces années où l'on a versé des sous dans un pays et des millions de dollars dans un autre. Rien ne semble avoir changé dans certains pays, en Afrique en particulier.

Je trouve encourageante la situation des pays d'Amérique centrale où le rétablissement de la paix est en cours et où l'on parle du dispositif militaire, qui semble en passe d'être ramené à des proportions plus normales au Guatemala, et aussi au Salvador. Mais cela ne me semble pas être le cas dans d'autres régions du monde. Je trouve cela vraiment très décourageant, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

J'aimerais aussi savoir si vous êtes optimistes face à l'établissement de l'équité entre les sexes d'ici à 2005. Ma foi, nous en sommes encore ici même à lutter contre la discrimination entre les sexes. Vos objectifs sont très nobles, mais je me demande si vous faites vraiment preuve de réalisme en espérant permettre l'accès à la planification des naissances d'ici à 2015. C'est ce que vous avez dit dans votre déclaration. Je ne sais pas. Je ne suis pas aussi optimiste que vous. Je pense que nous devons avoir des objectifs, nous devons aller dans ce sens.

Vous obtenez 60 milliards de dollars par an. Parlez-vous seulement de votre organisation? Partagez-vous ce montant avec le FMI ou la Banque mondiale?

M. Michel: C'est pour tout.

Mme Beryl Gaffney: Pour tout? Cela couvre une multitude d'organisations de développement.

M. Michel: Quand je parle de 60 milliards de dollars, cela représente environ 95 p. 100 ou plus de la totalité de l'aide publique au développement de par le monde. Ces sommes proviennent des budgets des pays membres du Comité d'aide au développement, et elles représentent leurs contributions aux organisations multilatérales et à leurs programmes bilatéraux.

Mme Beryl Gaffney: M. Paré a mentionné le fait que sur le plan financier le Canada tire plus d'avantages que ce que cela lui coûte. Pouvez-vous expliquer cela, s'il vous plaît?

M. Michel: Je ne connais pas bien les statistiques qu'il a citées. Je me demande si peut-être elles ne portent pas...

Mme Beryl Gaffney: Disposez-vous des 2 milliards de dollars par opposition aux 4 milliards de dollars qui nous reviennent?

M. Michel: Je pense que les 2 milliards de dollars font partie des capitaux qui vont du Canada aux pays en développement en provenance de sources publiques, et les 4 milliards représentent le total des sommes qui reviennent au Canada de diverse provenance. Je dirais que le total... Eh bien, au lieu de faire une simple approximation, je pourrais vérifier. Il y a un mouvement net de capitaux privés des pays du CAD vers les pays en développement. Dans le cas du Canada, les apports de fonds privés qui vont du Canada aux pays en développement sont de l'ordre de 2 milliards de dollars tandis que l'aide publique est d'environ 2 milliards de dollars. Donc si l'on combine les fonds privés et les fonds publics combinés - et je suppose que ces fonds ne sont pas seulement des fonds publics mais des fonds publics et privés - alors vous n'avez pas cet écart.

.1620

Mme Beryl Gaffney: De combien ce montant de 60 milliards de dollars a-t-il été réduit au cours des cinq dernières années? Combien était-ce il y a cinq ans?

M. Michel: En dollars constants, après correction pour l'inflation, c'était d'environ60 milliards de dollars. Tout cet argent venait du secteur public.

Mme Beryl Gaffney: Oui, je sais.

M. Michel: Ce montant en dollars courants fluctue un peu. Si vous comptez en dollars de 1994, si vous faites la correction voulue pour tenir compte du taux de change et de l'inflation, il y a cinq ans, c'était d'environ 60 milliards de dollars, c'était aussi d'environ 60 milliards de dollars il y a 10 ans, et cette année, c'est d'environ 60 milliards de dollars. Il y a baisse du pourcentage que cela représente par rapport à l'économie des pays donateurs parce que ces économies grandissent tandis que leurs crédits diminuent. Ce qu'ils consacrent à la coopération au développement, dans plusieurs cas, baisse plus vite que l'ensemble des compressions budgétaires. Pour ce qui est du montant d'argent réservé à la coopération au développement, ça fluctue d'une année à l'autre.

Le tableau dont j'ai parlé dans notre rapport annuel, le tableau 3.1, montre que la base est assez stable, et c'est au niveau des apports du secteur privé qu'on voit une évolution dynamique. Par le passé, les apports privés représentaient moins de la moitié du total; Les apports publics formaient le gros des ressources affectées aux pays en voie de développement. C'est aujourd'hui l'inverse: les deux tiers des apports proviennent aujourd'hui du secteur privé. Il y a aussi un petit montant, ce qu'on appelle les «autres apports publics», qui ne constituent pas des mesures d'aide à des conditions de faveur mais qui proviennent de sources publiques, et le total de l'aide au développement demeure d'environ 60 milliards de dollars. Mais ce n'est qu'environ le quart des 240 milliards de dollars qui sont versés aux pays en voie de développement.

Il y a donc un changement qui révèle un portrait plus compliqué. Il faut tenir compte de cette complication et aborder les questions de développement en se disant que les pays en voie de développement attirent aujourd'hui, dans de nombreux cas, des investissements privés qui n'y étaient pas autrefois. Je pense donc que cela nous montre comment nous pouvons utiliser nos ressources...

On a parlé de l'Organisation mondiale du commerce. À la conférence de Singapour, l'Organisation mondiale du commerce a décidé de tenir une rencontre spéciale en haut lieu plus tard cette année, rencontre qui doit porter sur les risques de marginalisation des pays moins développés dans un système commercial globalisant. Nous, du Comité de l'aide au développement, avons tenu récemment une rencontre conjointe avec l'Organisation mondiale du commerce, la CNUCED et la Commission du commerce international, soit une rencontre regroupant le tiers des organismes commerciaux à Genève. On s'est interrogé sur ce que font les agences de coopération au développement pour consolider la capacité des pays en voie de développement dans ce contexte commercial élargi, de telle sorte qu'ils seront moins menacés de marginalisation et mieux à même de participer au système commercial global.

Des organisations comme la Coalition mondiale pour l'Afrique nous a exprimé le même genre d'intérêt. Le forum sur la politique de la Coalition mondiale pour l'Afrique de l'automne dernier portait sur la réaction des marchés aux réformes économiques: que fait le secteur privé après que les réformes ont été adoptées? Encore là, ça va trop lentement, mais d'après ma propre expérience en Amérique latine, je vois aujourd'hui certaines choses se produire dans plusieurs pays africains, les mêmes choses qui se sont produites dans les pays d'Amérique latine au cours des années 80 qui ont contribué au progrès qu'ils font aujourd'hui.

.1625

Il y a toujours un décalage. L'an dernier, 12 pays de l'Afrique sub-saharienne ont signalé des taux de croissance de plus de 5 p. 100. Une croissance supérieure à celle de la plupart des pays de l'OCDE. Ce n'est qu'une année, et une partie de l'explication tient à la hausse modeste du prix des denrées, mais on voit aussi l'effet de la réforme des politiques; on y voit l'effet de la consolidation des capacités humaines. On constate que ces pays, qui étaient presque dépourvus d'institutions montrent des capacités humaines de plus en plus impressionnantes dans la gestion des problèmes.

Pour ce qui est des populations, j'ai ici un article qui fait la joie d'un optimiste. Le titre dit: «La terre est moins peuplée qu'on ne s'y attendait, selon les Nations Unies». Dans une large mesure, on se demande ce qui a changé. L'une des choses qui a changé, c'est le fléchissement de la croissance démographique. Je pense que ce fléchissement est attribuable dans une large mesure à l'efficacité de la coopération au développement. Une partie des fonds que vous avez donnés sert aujourd'hui à changer les choses parce que d'après nos projections, la croissance démographique mondiale n'est pas aussi rapide que l'on prévoyait il y a quelque temps. Elle pourrait fort bien se stabiliser dans la deuxième partie du siècle prochain - la population pourrait encore être très élevée, la terre plus peuplée qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Il y a une autre chose que nous avons constatée et qui permet d'être optimiste, et c'est que cette période de croissance démographique a été extraordinaire. On se rappelle qu'il y avait deux milliards d'habitants sur la planète en 1927; en 1997, là il y en a 5,5 milliards. Une évolution spectaculaire. En dépit de cela, la production agricole a augmenté 20 p. 100 plus rapidement que la population, et les gens consomment environ 20 p. 100 plus de calories qu'au début du siècle, à l'époque où il n'y avait que deux milliards d'habitants sur terre.

Encore là, la recherche qu'on a faite sur la productivité et l'agriculture a contribué à la coopération au développement.

Oui, je demeure optimiste. Nous avons des raisons d'espérer, des raisons pour rester solidaires et des raisons pour agir.

Mme Beryl Gaffney: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Madame Debien.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Il y aurait une chose que j'aimerais faire dans un premier temps à la suite de la remarque de Mme Gaffney. J'aimerais situer le CAD dans son contexte. Si je comprends bien, vous êtes un organisme de coordination et de réflexion de l'OCDE concernant l'ensemble de la problématique de l'aide au développement. Vous n'êtes pas un dispensateur d'aide au développement, vous ne subventionnez pas et vous n'aidez pas les pays en voie de développement. Un certain nombre de pays font partie de votre organisme et de l'organisme plus général qu'est l'OCDE.

Vous avez mentionné, dans les documents que vous nous avez remis, que les pays membres du Comité d'aide au développement consacrent chaque année tout près de 60 milliards de dollars à l'aide publique au développement. J'ai cependant cru comprendre que cette année, il y a eu un recul d'environ 9 p. 100 en termes réels de la contribution des pays membres, donc une diminution de9 p. 100 de l'aide publique au développement, ce qui confirme l'affirmation que M. Paré faisait tout à l'heure, à savoir qu'il y a, de façon à peu près généralisée dans tous les pays, une diminution de l'aide publique au développement. Connaît-on cette diminution de 9 p. 100 seulement pour 1996 ou si elle couvre une période de temps plus longue?

.1630

Vous émettez de grands objectifs généraux pour les pays membres du CAD et je fais encore ici allusion à la question de M. Paré, qui parlait plus tôt des dépenses militaires. Est-ce que le CAD émet des objectifs très globaux auxquels les pays membres peuvent décider de se conformer ou pas? Est-ce qu'il y a des critères? Est-ce que le CAD est autorisé à émettre un certain nombre de critères pour les pays membres, en leur disant par exemple que l'aide au développement devrait être absolument liée à toute la question des dépenses militaires dans un pays concerné, ou si ce sont tout simplement de grands objectifs et des voeux pieux que vous émettez aux pays membres, lesquels sont absolument libres d'en tenir compte ou de ne pas en tenir compte? Votre réponse me permettrait de m'interroger sur la pertinence de votre organisme, d'une part.

D'autre part, vous avez décidé cette année, si j'ai bien compris, de retenir l'égalité entre les hommes et les femmes comme un objectif vital pour le développement et les efforts d'aide au développement. J'aimerais vous parler d'un processus ou d'une formule dont on entend souvent parler depuis quelque temps au Canada et aussi aux États-Unis, je crois; il s'agit du microcrédit. On parle beaucoup, beaucoup, beaucoup de la formule du microcrédit pour venir en aide aux femmes surtout. Du moins, je pense que dans sa formule originale, le microcrédit était orienté vers l'aide aux femmes. J'aimerais qu'en votre qualité de responsable du CAD, vous nous donniez vos impressions du microcrédit et de l'espèce d'engouement qu'il semble y avoir actuellement à ce sujet, à la suite du dernier sommet de Washington. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.

Ce sont mes trois questions, observations et commentaires.

[Traduction]

M. Michel: Merci beaucoup.

Tout d'abord, je suis heureux de confirmer, comme vous dites, que le Comité d'aide au développement lui-même n'a aucun programme opérationnel. Il s'agit d'un forum dont les membres, qui proviennent des principaux pays donateurs du monde - quand je dis «principaux», comme je l'ai dit plus tôt, je veux dire par là que 95 p. 100 de l'aide provient des pays membres du comité - trouvent utile de se réunir pour comparer leur expérience et trouver des orientations communes à leurs programmes en vue des objectifs qu'ils partagent.

Le comité fait quatre choses. Tout d'abord, il oriente l'action. La stratégie que je vous décrivais plus tôt est un principe très général qui a été adopté par les pays membres, par les ministres et par les responsables d'organismes qui sont représentés au comité. On articule ainsi une vision faite d'objectifs mesurables, et cela renforce la notion de partenariat.

Le comité adopte aussi divers principes directeurs dans des domaines particuliers, par consensus. Par exemple, le comité a adopté des lignes directrices sur la participation et la saine gestion.

Dans ces lignes directrices, vous allez constater qu'il y a un élément qui porte sur la réduction des dépenses militaires excessives. Cela vous montre que les pays membres se sont entendus sur les moyens appropriés de régler ces problèmes. Il s'agit de lignes directrices globales. On ne dit pas à tel pays de réduire l'aide au pays X ou au pays Y, ou de donner davantage d'argent au pays Z parce que celui-ci a réduit ses dépenses militaires. Il s'agit d'orientations générales relativement au soutien aux pays qui ont réduit leurs dépenses militaires, au rôle que jouent les militaires et les civils dans la vie économique, et au moyen que peut prendre la coopération au développement pour encourager la réduction des dépenses militaires.

.1635

Le comité a adopté d'autres lignes directrices sur le développement du secteur privé. Dans ces lignes directrices, vous allez constater un élément qui porte sur le microcrédit. Le comité a adopté ces lignes directrices par consensus, il s'agit d'une approche commune à la coopération au développement, afin qu'il y ait meilleure coordination et plus d'efficience et d'efficacité dans cet effort commun.

Le comité examine également les programmes et les politiques des pays membres. Nous vous avons remis un exemplaire du rapport de l'an dernier qui portait sur le programme du Canada au milieu de 1994. Dans cet examen, entre autres choses, nous regardons ce que le pays membre fait pour mettre en oeuvre la stratégie et pour observer les orientations auxquelles il a adhéré.

Deux membres du comité sont nommés inspecteurs. De concert avec le secrétariat, ils préparent une étude assez exhaustive. Puis tous les pays membres du comité participent à une séance de questions et réponses d'une journée. Ça ressemble beaucoup à une audience législative, où le pays membre qui est examiné est interrogé sur ce qu'il fait et sur l'efficacité de ses mesures, et c'est fait dans un contexte d'adhésion à des orientations.

Depuis 1994, comme vous le voyez dans le livre qui porte sur le Canada, c'est publié et tout le monde en reçoit copie. C'est sûrement décrit dans un livre qui s'intitule The Reality of Aid, qui est publié par un consortium d'organisations non gouvernementales, et on en parle dans la presse.

Nous avons un système auquel tous nos membres adhèrent. Nous n'imposons rien. Nous ne sommes pas un tribunal et nous ne sommes pas un parlement. Nous ne pouvons pas édicter de lois et dire aux pays membres qu'ils sont liés par ces lois, mais nous sommes un forum pour le dialogue.

Nous produisons ces statistiques et ces rapports, et nous amenons les pays membres à rechercher un consensus sur des lignes directrices qui ne sont pas des généralités sur le dénominateur commun le plus bas. Il s'agit de textes qui ont un contenu et un sens. Puis nous examinons les pays membres pour mesurer leur rendement selon ces lignes directrices. Nous avons maintenant des objectifs pour le XXIe siècle qui nous permettront aussi de demander des comptes.

C'est moins l'autorité juridique ou législative que l'accord consensuel et la publicité qu'on donne à nos efforts qui font l'influence du comité.

Je vous dirais que cette influence ne doit pas être sous-estimée. Je pense que lorsque nous faisons cet examen, on s'intéresse de très près à ce que font les pays membres, et cela a un effet sur la gestion des programmes.

Pour ce qui est des buts, vous avez posé une question au sujet du microcrédit. Je pense que nous avons contribué à la publicité qui entourait ce sommet sur le microcrédit. Nous avons participé à l'élaboration du mandat du groupe consultatif qui viendra en aide aux pays les plus pauvres et qui est formé par la Banque mondiale, qui était l'un des parrains du sommet, et c'est l'un des résultats de ce sommet sur le microcrédit de février. Nous avons invité Sam Daley-Harris, l'organisateur de la conférence, à Paris pour donner une séance d'information aux représentants des pays membres du CAD et au secrétariat de l'OCDE.

.1640

Ce n'est pas la seule solution. Je pense que c'est un élément important qui permettra aux gens pauvres de participer plus vite à leur société et de contribuer au progrès de leurs pays.

Le développement ne peut pas se faire du haut vers le bas. Il faut un développement axé sur les gens et qui font appel à eux. Dans ce contexte, je pense que le microcrédit a un rôle important à jouer. Toutefois, je pense qu'il faut éviter de créer des systèmes qui ne sont pas viables, qui ne vivent qu'à coups de subventions, qui dépendent de systèmes où les institutions prêteuses n'exigent pas de rendement rigoureux ou de remboursement.

Il ne faut pas commettre d'erreurs, et le microcrédit est vulnérable aux bonnes intentions qui ne sont pas viables économiquement et qui ne répondent pas à l'objectif visé. Un microcrédit bien géré est un élément important d'une stratégie complète de développement. Nous avons tous vu ce que le microcrédit a réussi à faire dans les pays en voie de développement.

Vous avez raison de dire que les femmes pauvres sont souvent celles qui ont participé à ces projets et contracté des emprunts à leurs antécédents de remboursement sont en effet incomparables. Je pense que dans le cas de la Banque Grameen du Bangladesh, on a maintenant là-bas près de huit millions d'emprunteurs, dont la plupart sont des femmes. Comme vous le savez, le sommet du microcrédit de février avait pour but d'étendre ce service à 100 millions de familles. Si vous faites crédit à 100 millions de familles et que cela les aide à se sortir de leur misère, vous avez fait beaucoup pour réaliser cet objectif. Oui, nous pensons que c'est important, mais nous pensons que cela doit être examiné dans le contexte d'une stratégie globale.

Le président suppléant (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Bonjour. Je m'appelle John Godfrey et je vous prie de m'excuser pour mon retard, monsieur Michel et Bernie. Je remplace John temporairement à la présidence du comité. Et il me faut vous dire que je suis le prochain intervenant sur la liste.

Dans ce processus consensuel qui vous permet de produire ces documents, qu'advient-il des idées neuves? De toute évidence, vous n'êtes pas là pour lancer des idées neuves. Pour être très précis, je veux revenir sur ce que vous avez dit, monsieur Michel, au sujet de l'Amérique latine. Lorsque vous avez dit pourquoi vous étiez optimiste, vous avez mentionné le taux de croissance de quelques pays qui dépassait les 5 p. 100, et c'était pour une année.

Il y a une nouvelle école de pensée, une économie de la nouvelle croissance, qui est associée à des gens comme Paul Romer, Elhanan Helpman, et dans notre propre pays, Richard Lipsey. Ils vous répondraient que la politique sociale la plus importante qu'un pays puisse avoir, c'est une croissance très élevée, à la condition que les résultats de cette croissance soient répartis équitablement, et ils disent que ce système est supérieur à n'importe quel mécanisme de redistribution imaginable, et que la compréhension de ces processus est même parfois contre-intuitive. Il faut par exemple être ouvert aux idées neuves.

Je remarque dans l'annexe du document que nous avons devant nous que vous dites qu'un cadre de politique bien fait encourage la stabilité des économies en croissance où le secteur privé joue un rôle complet, etc. C'est certainement compatible avec une idéologie ancienne et non compétitive, si vous voulez, avec des marchés ouverts et tout le reste.

Comment une organisation comme la vôtre se débrouille-t-elle tout d'abord avec un ensemble de notions assez audacieuses, où la croissance économique n'est pas considérée comme un mystère total, n'est pas exogène, et est fondée sur l'innovation et une certaine compréhension des technologies? Comment incorporez-vous cela dans votre travail? Comment vous assurez-vous, je dis cela à la blague, qu'il n'y ait pas de transmission des nouvelles idées et que dans l'absorption et la métabolisation de ces idées, les pays en voie de développement ne ratent pas les occasions qui s'offrent à eux?

M. Michel: Il y a sans doute des occasions qui se perdent, des coûts de renoncement à certaines options parce que notre organisation fonctionne au consensus, et cela prend plus de temps. En revanche, le mécanisme du consensus au sein de l'OCDE marche très bien. Parce qu'on fonctionne au consensus, aucun pays n'est en mesure d'en dominer un autre parce que n'importe quel pays peut refuser de participer au consensus. Inversement, comme aucun pays ne veut jouer les trouble-fête, chacun est encouragé à participer au consensus.

.1645

Ces deux dynamiques interagissent d'une façon telle que les idées ne sont pas étouffées. Ces idées peuvent revenir plusieurs fois, elles sont débattues et elles finissent par être adoptées. Dans ce système, les idées sont en concurrence. Parfois ça prend un peu plus de temps, et, comme je l'ai dit, il y a des coûts de renoncement pour cela. Mais les idées, comme l'importance du capital social dans les nouvelles approches économiques institutionnelles, sont adoptées et intégrées dans les documents du Comité de l'aide au développement par voie de consensus. Je pense que le système est capable d'absorber les idées.

Tout ce rapport sur le XXIe siècle constitue en fait une rupture par rapport à cette notion où l'on mesure l'efficacité de la coopération au développement par les montants que l'on investit et par les contributions. Dans cette approche, on détermine l'efficacité selon les résultats. Puis on examine chaque pays et on décide de la contribution de chaque partie en vue de la réalisation des objectifs qu'on partage. On ne part pas de l'idée préconçue selon laquelle les contribuables des pays industrialisés doivent être les seuls à payer la note. C'est une idée assez neuve. Et elle a été adoptée par voie de consensus.

Le président suppléant (M. John Godfrey): Monsieur Wood, permettez-moi de préciser ma pensée. Le Canada a reçu récemment un autre document de l'OCDE sur sa propre performance, où l'on mentionnait expressément un manque d'innovation par rapport aux autres pays développés. Cette observation se situait dans le contexte d'une comparaison avec les autres systèmes nationaux d'innovation; c'est-à-dire, la façon dont les pays organisent leurs ressources systématiquement pour produire des innovations, et de là, une croissance économique plus élevée.

Rien qu'au sein de l'OCDE, où l'on a ces deux activités différentes, l'une qui est plus axée vers les pays sous-développés, par exemple un document sur le manque d'innovation où il est dit que le Canada est fautif sur ce point, et le genre de travail que vous faites, dans quelle mesure y a-t-il interfécondation? Est-ce qu'on pense que les pays en voie de développement ont aussi des systèmes d'innovation?

M. Wood: La réponse est oui, c'est le cas, et nous établissons ces liens. Nous établissons ces liens de plus en plus. Le document que vous mentionnez est l'oeuvre de l'un de nos processus d'évaluation confraternel. De fait, on montre ici comment fonctionne ce processus et l'on dit au pays où il se situe. L'autre élément ici, c'est qu'il y a un apprentissage qui se fait. Nous empruntons des idées les uns aux autres tout le temps, et nous tâchons de montrer plus de rigueur relativement aux grandes stratégies auxquelles nous adhérons.

Je peux aussi vous donner l'assurance que notre objectif dans la vie n'est pas d'atteindre le dénominateur commun le plus bas. Notre organisation se perçoit comme un pionnier. Je pense que vous devez juger nos produits dans ce contexte, mais nous croyons que nous jouons ce rôle. Bien sûr, rien ne se fait sans l'accord d'un nombre suffisant de pays membres. Il y a toujours des traînards qui ont besoin d'un coup de pouce. Mais nous parvenons à un consensus. Chose intéressante, lorsqu'il y a urgence dans un domaine, la nécessité de coordonner notre effort et d'apprendre les uns des autres est encore plus forte que dans les bons moments, lorsqu'on peut se permettre d'être apathique.

Le président suppléant (M. John Godfrey): Une dernière observation avant de céder la parole à Mme Bakopanos. Dans une vie antérieure, j'ai visité l'OCDE, et c'est là un autre phénomène intéressant, à savoir que parfois le travail le plus intéressant se fait dans la partie la plus oubliée de la maison. Je songeais au travail que l'on fait sur les marchés du travail, et tout le reste, et personne ne se préoccupait de cette partie de la maison que je visitais. Ces gens-là étaient en train de devenir fous et s'amusaient énormément. Mais ce n'est qu'une autre observation.

Je vais redonner ma place au président avant qu'on ne m'en chasse.

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Merci beaucoup.

J'ai une observation sur laquelle j'aimerais avoir votre avis. Dans le document que nous avons reçu sur les nouvelles stratégies pour les défis qui nous attendent, ce que j'ai trouvé de plus intéressant, après les discussions que nous avons eues en comité, c'est le fait que quels que soient les contacts que vous avez dans les pays en voie de développement, vous voulez aussi, comme vous dites dans votre rapport, consolider les capacités humaines et institutionnelles - autrement dit, vous voulez établir des assises solides pour le respect des droits de la personne, des principes démocratiques et tout le reste. Mais ce n'est pas vraiment - et corrigez-moi si j'ai tort - votre objectif en tant que tel, n'est-ce-pas?

.1650

Comme je l'ai dit, c'est surtout un commentaire que je vais faire, et une discussion que je veux amorcer. Je vais vous donner un exemple. Si vous allez dans un pays où il règne une certaine instabilité politique mais où il faut aussi améliorer la condition des gens, comment décidez-vous en dernière analyse? Cette instabilité n'est pas nécessairement le fait d'un gouvernement «non démocratique» en place, mais d'un gouvernement qui ne respecte pas tout à fait, disons, ses parlementaires élus démocratiquement, qui sont emprisonnés parce qu'ils appartiennent à une certaine fraction politique. Quel poids accordez-vous à cela par rapport à la nécessité d'améliorer le développement économique dans ce pays?

M. Michel: C'est précisément le genre de question où les pays membres doivent décider eux-mêmes, et vous allez constater qu'il y a des divergences entre eux. Un pays peut penser qu'il a là la possibilité d'améliorer les conditions de vie. Il peut penser que ce n'est pas un pays complètement fermé, où il n'y a pas moyen de travailler. D'autres pays peuvent penser que la situation est sans espoir et qu'ils n'investiront pas un sou dans un tel pays. Dans certains pays, il peut s'exercer des pressions politiques pour cesser toute intervention, ou pour amorcer une intervention. Vous allez constater...

Mme Eleni Bakopanos: Comment parvenez-vous à un consensus?

M. Michel: Il n'y a pas de consensus. Encore là, si vous prenez connaissance des statistiques de notre rapport, vous allez constater qu'il y a des pays en voie de développement qui touchent de l'argent de certains pays donateurs et d'autres pays en voie de développement qui obtiennent de l'argent d'autres donateurs, et il y en a qui obtiennent une assistance technique de certains pays et d'autres d'autres pays. Certains pays donateurs s'intéressent particulièrement à des pays dont d'autres pays donateurs ne veulent rien savoir, et cela dépend de la politique nationale de chaque pays.

Nous ne nous croyons pas capables d'harmoniser et d'homogénéiser les politiques étrangères de tous nos pays membres afin d'établir une seule politique commune. Nous croyons cependant que là où plusieurs pays partagent un intérêt pour un pays en particulier, nous pouvons mettre en commun nos expériences et mettre à leur disposition un personnel très restreint mais très capable au secrétariat ainsi que des experts qui sont issus des pays membres et qui participent au dialogue sur les politiques. Grâce à ce processus, nous permettons aux pays membres d'être plus efficaces, de partager des informations.

Je vais vous donner un exemple. Nous avons une banque d'évaluations qui montre ce que divers organismes d'aide ont appris au sujet de diverses activités. Soit dit en passant, cette banque est gérée par l'ACDI, par le Canada. Je pense qu'on s'apprête à la brancher sur Internet très bientôt, si bien que tous les pays membres du DAC y auront accès et vous serez mieux à même de trouver des réponses aux questions difficiles que vous posez. C'est un avantage que nous offrons aux pays membres, mais en dernière analyse, ce sont eux qui décident de leur politique étrangère.

Mme Eleni Bakopanos: Je ne vous prêtais pas cette intention. Merci.

Le président: Merci, monsieur Michel, et merci, monsieur Wood. Je crois savoir que vous avez un avion à prendre, et nous devons aller voter dans cinq minutes.

Je tiens à vous remercier tous les deux pour votre exposé. Je sais que vous êtes ici pour assister à une rencontre sur les dépenses militaires et le développement et que vous allez peut-être publier un rapport. Je pense que le comité aimerait beaucoup voir ce rapport, si vous pouvez nous l'envoyer après l'avoir rédigé.

M. Michel: Je peux vous donner l'assurance que vous allez recevoir ce rapport.

Le président: Merci encore de votre aide aujourd'hui. Merci, monsieur Wood et monsieur Michel.

J'aimerais retenir les membres du comité un instant. J'ai quelques questions à vous poser.

Chers collègues, nous avons reçu deux demandes de rencontres, et je veux avoir votre accord pour inviter ces deux groupes après le congé. Il y a premièrement la communauté Baha'i du Canada. Des agents de la Direction générale du Moyen-Orient et de la Direction générale des droits de la personne du ministère des Affaires étrangères ont encouragé ces gens à rencontrer notre sous-comité pour nous parler de la situation de la communauté Baha'i en Iran.

.1655

[Français]

M. Philippe Paré: Moi, je n'y vois pas d'inconvénients. Cependant, je me rappelle qu'il y a environ deux semaines, un député libéral avait posé une question en Chambre et la position deM. Axworthy semblait tout à fait claire et bien articulée. Qu'est-ce que ça nous apporterait de plus de les entendre, alors que la position de M. Axworthy me semble aller tout à fait dans le sens de leurs préoccupations?

[Traduction]

M. John Godfrey: J'ai rencontré les Baha'i, et comme M. Paré le dit, ils semblent très satisfaits de ce que nous faisons.

Le président: Je tiens seulement à dire que plusieurs fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, dont M. Paul Dingledine, directeur général de la Direction générale du Moyen-Orient, Barbara Gibson, directrice de la Direction du Moyen-Orient, et Adèle Dion, directrice de la Direction des droits de la personne, nous ont dit qu'il serait peut-être temps pour des représentants de la communauté Baha'i de rencontrer notre sous-comité pour lui dire ce qu'il sait de la situation des droits de la personne en Iran, particulièrement pour ce qui s'agit de la plus grande minorité religieuse de ce pays, les Baha'i. C'est donc à la suggestion du ministère, c'est vrai. Je ne les ai pas encore rencontrés, mais...

M. John Godfrey: Je les ai rencontrés en janvier. Je ne sais pas, quand les avez-vous rencontrés pour la dernière fois?

Mme Beryl Gaffney: Je pense que c'était en janvier, ou après Noël de toute façon.

Mme Eleni Bakopanos: La lettre est du 15 novembre. Donc pourquoi ne répondez-vous pas, monsieur le président, et mentionnez la réponse du ministre à cette question à la Chambre des communes? S'ils sont satisfaits, ça réglera le problème. Sinon, nous pouvons en reparler.

Le président: Vous avez tous rencontré les Baha'i?

M. John Godfrey: Moi oui.

Mme Eleni Bakopanos: Moi non.

Le président: Nous allons leur répondre, et nous allons leur demander s'ils tiennent encore à nous rencontrer, sachant qu'ils ont déjà rencontré certains députés.

L'autre chose, et nous avons déjà parlé de ce groupe, il s'agit de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Elle veut nous parler du handicap à titre de problème relatif aux droits de la personne. Elle est très active en Amérique centrale en collaboration avec des ONG et le gouvernement canadien. Elle veut nous parler de son travail en Amérique centrale. D'accord?

[Français]

M. Philippe Paré: Je trouve ça un peu tiré par les cheveux.

[Traduction]

Le président: Ce groupe a reçu des subventions de l'ACDI et aussi, je crois, du ministère des Affaires étrangères et de Développement des ressources humaines Canada. Il veut nous parler de la condition de la personne handicapée.

Mme Beryl Gaffney: Il existe un groupe ou un organisme qui suit l'évolution en Amérique centrale ici à Ottawa. Je ne sais pas quel lien ces gens ont avec l'Amérique centrale. S'agit-il d'une fédération ou d'un groupe isolé? Qui sont-ils?

Le président: Il s'agit d'un groupe canadien. C'est une organisation qui ressemble à la Fédération des municipalités canadiennes. Elle oeuvre principalement au Canada. Elle est située à l'Université York. Ce qu'elle fait depuis deux ou trois ans, c'est faire valoir que l'état de personne handicapée est un problème relatif aux droits de la personne et elle travaille particulièrement en Amérique centrale.

J'ai parlé à notre ambassadeur au Guatemala hier soir. Il se trouvait dans le même avion que moi. Il venait tout juste de rencontrer ce groupe. Ce groupe est très actif là-bas. J'imagine qu'ils disent là-bas ce qui se fait au Canada au niveau de la condition de la personne handicapée, et il essaie de définir le concept de la personne handicapée dans ces pays. C'est ce que l'ambassadeur semblait dire.

Mme Beryl Gaffney: Il s'agit donc de handicaps?

Le président: Ça nous semblait valoir la peine de les entendre. Nous pourrions peut-être les entendre en même temps qu'un autre groupe à une même séance.

Mme Beryl Gaffney: Nous n'y voyons pas d'inconvénients.

[Français]

Mme Maud Debien: Je n'y vois pas d'inconvénients, mais je trouve qu'on travaille sur des questions très pointues.

.1700

Nous pourrions toujours les rencontrer.

[Traduction]

Le président: Peut-être pourrions-nous les recevoir en même temps qu'un autre groupe? Avons-nous reçu d'autres demandes? Nous n'avons pas reçu d'autres demandes jusqu'à maintenant, de sorte que ce serait le seul groupe.

M. John Godfrey: En fait, il me semble que le sujet pourrait être intéressant si nous l'examinions sous un certain angle. Je me souviens qu'à l'occasion des jeux des handicapés - je ne sais pas trop comment on les appelait - qui ont eu lieu à Halifax, j'ai rencontré un groupe d'athlètes argentins. Ils avaient été blessés lors de la guerre des Malouines. Il était en fait fascinant de les entendre dire comment ils étaient traités dans leur milieu, des valeurs sociales qui sous-tendaient le traitement des personnes handicapées dans une société plutôt macho. Il serait intéressant d'entendre des personnes handicapées d'Amérique latine, mais...

Le président: Je crois qu'il y en a qui y participeront. L'ambassadrice du Nicaragua, je crois, s'intéresse à cette question parce qu'elle a deux membres de sa famille qui sont handicapés et qui s'occupent de cette question. Il y aura donc des représentants des ambassades d'autres pays d'Amérique centrale.

M. John Godfrey: On peut apprendre beaucoup.

Le président: Nous pourrions donc prévoir une rencontre avec eux, et les membres du comité pourront décider s'ils veulent être présents.

Mme Beryl Gaffney: Si vous me le permettez, j'aimerais faire une suggestion... Quand le comité a-t-il été créé, il y a environ un an?

Le président: Non, il y a moins longtemps que cela.

Mme Beryl Gaffney: J'aimerais simplement faire une suggestion. Vous constaterez peut-être qu'au bout d'un certain temps, vous serez inondés de demandes de personnes qui voudront vous rencontrer. Pendant la législature précédente, quand je siégeais à ce comité, le président usait de son pouvoir discrétionnaire pour décider s'il y avait lieu de tenir une séance du comité pour rencontrer quelqu'un de l'extérieur qui se trouvait à Ottawa. Il pouvait décider de rencontrer les visiteurs dans son bureau, auquel cas il faisait savoir aux membres du comité qu'ils pouvaient participer à la rencontre à son bureau. La rencontre était donc moins officielle et il y avait moins de formalités.

Le président: C'est justement ce que nous faisons. Nous essayons de le faire avec tous les membres du comité quand il y a des ministres ou des représentants de l'extérieur qui sont en ville. C'est ce que nous essayons de faire dans la mesure du possible.

Mme Beryl Gaffney: En informez-vous généralement les membres du comité?

Le président: Naturellement, nous avons parfois des problèmes parce que, bien souvent, ces gens sont là le lundi ou le vendredi.

Mme Beryl Gaffney: Oui, bien sûr.

Le président: Il est arrivé que nous soyons un peu gênés du fait que nous accueillions le premier ministre d'Islande ou quelqu'un de ce calibre et que nous n'étions que deux. Alors, dans une certaine mesure, nous avons pour règle de ne pas convoquer le comité au grand complet pour ces rencontres à moins d'être sûrs que nous serons au moins trois ou quatre.

Le groupe en question a demandé à témoigner devant le comité. J'écrirai à la communauté Baha'i pour dire que, comme nous l'avons signalé, certains de ses représentants nous ont déjà rencontrés et que M. Axworthy leur a, semble-t-il, donné des réponses qui les ont satisfaits. Comme quelqu'un d'autre l'a fait remarquer, comme la lettre est datée du 15 novembre, il y a donc eu un certain temps pour tirer les choses au clair. S'ils veulent toujours nous rencontrer, nous pourrions peut-être les accueillir en même temps que... bien que ce serait tout un bond que de passer de l'Amérique centrale à l'Iran. Nous pourrions peut-être accueillir les deux groupes en même temps. Étant donné notre programme déjà chargé, ce serait sans doute une bonne façon de procéder.

Merci beaucoup.

La séance est levée.

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