[Enregistrement électronique]
Le mercredi 30 octobre 1996
[Traduction]
Le coprésident (M. Duhamel): Mesdames et messieurs.
[Français]
messieurs, mesdames,
[Traduction]
nous attendons l'arrivée de mon coprésident, M. Dupuy, mais je pense que nous devrions probablement commencer. Le temps file et nous ne disposons que d'une période limitée.
Voici comment nous avons procédé jusqu'ici. Nous n'établissons pas d'ordre particulier. Nous procédons de gauche à droit et de droite à gauche. Nous vous avons demandé de faire en sorte que votre intervention soit la plus brève possible. En aucun cas, nous ne voulons que vous ne dépassiez dix minutes, parce que nous n'aurons tout simplement pas assez de temps pour les questions et les réponses par la suite. Donc,
[Français]
s'il vous plaît, essayez de ne pas dépasser 10 minutes.
[Traduction]
Le deuxième point...
[Français]
Bonjour, monsieur Dupuy. Je m'excuse.
[Traduction]
J'ai pensé que peut-être vous...
Le coprésident (M. Dupuy): Vous pouvez poursuivre.
Le coprésident (M. Duhamel): D'accord.
Le deuxième point que je veux préciser est le suivant: après les exposés, il y aura une période de questions. Normalement, je donne la parole à mes collègues - mon coprésident, M. Dupuy; mes collègues de droite, comme MM. Speller et Cullen; et M. Sauvageau à ma gauche. Ceux-ci vont vous interroger, puis il pourra y avoir un échange d'informations.
[Français]
un échange entre vous tous.
[Traduction]
Cela étant dit...
[Français]
M. Sauvageau (Terrebonne): [Inaudible - La rédactrice].
Le coprésident (M. Duhamel): Qui sait? Mais ils ne s'intéressent pas au commerce extérieur et à ces choses. Ils ont d'autres priorités.
Oh, oh, je n'aurais pas dû dire cela.
[Traduction]
Le déroulement de cette réunion est exempt de toute partialité.
Puisqu'on y est, je me demande si M. Dupuy aurait quelque chose de particulier à ajouter à ce sujet.
Le coprésident (M. Dupuy): Non, absolument pas.
Le coprésident (M. Duhamel): D'accord.
Bienvenue. Je vais commencer par ma droite. Je demanderais donc au porte-parole en chef de l'organisation de bien vouloir prendre la parole en premier. Merci.
[Français]
M. John Le Boutillier (président du conseil de direction, Association canadienne des producteurs d'acier): Je vous remercie, monsieur le président. Je m'appelle John Le Boutillier et je président et chef de direction de Sidbec-Dosco. Je suis également président du conseil de l'Association canadienne des producteurs d'acier. Je suis accompagné de Mme Jean Van Loon, présidente de notre association, et de M. Don Belch, de Stelco, qui est président de notre comité sur le commerce.
L'Association canadienne des producteurs d'acier représente tous les producteurs d'acier primaire du Canada. Nous fabriquons de l'acier primaire dans six provinces. Au total, nous avons33 600 employés. Nous avons des opérations en amont et en aval de la fabrication d'acier dans huit provinces.
Les ventes sont, au total, de l'ordre de 11 milliards de dollars. Les exportations totalisent3,8 milliards de dollars. L'industrie sidérurgique canadienne est compétitive. Nos coûts de production sont inférieurs à ceux des États-Unis, de l'Allemagne, du Japon et de la Corée du Sud.
Nous avons connu une augmentation de la productivité de l'ordre de 50 p. 100 depuis 1990. Notre industrie est une industrie ouverte. Entre 30 et 40 p. 100 des livraisons d'acier sont exportées et 80 p. 100 de ces exportations le sont aux États-Unis.
Les importations représentent un tiers du marché canadien, et 60 p. 100 de ces importations viennent des États-Unis. Nous importons matières premières et équipement. Depuis sept ans, nous avons fait énormément d'efforts pour tenter de convaincre les États-Unis d'éliminer les barrières relatives au dumping dans le cadre de l'ALENA.
Nous avons besoin de lois qui imposent une certaine discipline aux exportateurs étrangers. Les compagnies étrangères cherchent à se débarrasser de leurs restants en les vendant en dehors de leur pays. Ceci leur permet de conserver intacte la structure des prix chez eux. Les compagnies d'import-export, celles qu'on appelle les traders, font ce travail pour eux. Quand on considère la taille de plusieurs compagnies étrangères, les restants peuvent causer beaucoup de dommages à un petit marché comme le marché canadien.
Nous avons donc besoin d'outils pour nous protéger contre de telles importations qu'on pourrait qualifier d'opportunistes ou d'importations pirates. En somme, nous avons besoin du même niveau de protection que notre plus proche partenaire. C'est une question d'équité que nous soyons sur le même pied qu'eux.
À court terme, nous ne voulons pas devenir un marché ouvert au dumping d'acier étranger. À long terme, nous voulons demeurer concurrentiels par rapport aux États-Unis en ce qui a trait aux nouveaux investissements. Nous croyons fermement que cela améliorerait nos chances de négocier de nouvelles règles avec les États-Unis.
[Traduction]
Dans l'ensemble, la LMSI fonctionne bien, mais certains aspects importants ont besoin d'être améliorés.
Premièrement, la loi doit habiliter Revenu Canada à recueillir davantage de données représentatives concernant les prix et les coûts en vigueur sur les marchés des exportateurs étrangers.
Deuxièmement, il faut aussi permettre à Revenu Canada de pouvoir user de discrétion lorsqu'il s'agit de faire porter à l'exportateur étranger et non à l'importateur canadien la responsabilité relative à l'adoption de pratiques commerciales loyales et à l'acquittement d'amendes. La seule façon d'y arriver consiste à recourir en même temps au système rétrospectif d'imposition de droits.
Troisièmement, il faut rationaliser les procédures suivies par le TCCE et clarifier certaines définitions cruciales de la loi servant à déterminer s'il y a eu préjudice.
Quatrièmement, il faudrait reconnaître clairement à Revenu Canada le pouvoir d'enquêter et d'intervenir lorsqu'il y a contournement des ordonnances antidumping.
Enfin, nous devrions conférer à Revenu Canada le pouvoir de réagir rapidement lorsque des exportateurs étrangers essaient de se soustraire aux conséquences d'une décision en faisant entrer leurs produits à l'avance.
Bref, nous avons besoin des outils nécessaires pour mettre au pas les exportateurs étrangers de produits faisant l'objet d'un dumping. L'imposition de droits antidumping est une mesure exceptionnelle. Elle a touché 1 p. 100 des importations canadiennes dans les années 90. Elle doit être efficace lorsqu'on y a recours. C'est une question d'équité. Les règles du jeu doivent être égales.
Nous avons besoin de mesures comparables à celles adoptées par les États-Unis si nous ne voulons pas devenir le lieu de dumping par excellence en Amérique du Nord.
À long terme, nous voulons faire concurrence aux États-Unis pour obtenir l'argent des investissements, et nous voulons disposer de meilleurs moyens pour négocier un changement avec les États-Unis.
J'aimerais souligner qu'il y a eu certains malentendus concernant l'incidence des récents changements apportés par Revenu Canada. Nous avons ici un document qui, nous l'espérons, rétablira les faits. Si vous désirez en avoir un exemplaire, nous le ferons circuler.
[Français]
Le coprésident (M. Duhamel): I like that very much. Merci beaucoup. J'ai beaucoup apprécié cette présentation que vous avez faite à l'intérieur des 10 minutes allouées. C'est fort apprécié.
[Traduction]
Monsieur Jarvis.
M. Don Jarvis (directeur exécutif, Association canadienne des fabricants de pâtes alimentaires): Je représente l'Association canadienne des fabricants de pâtes alimentaires et je suis le seul représentant de cette industrie présent ici aujourd'hui.
L'Association canadienne des fabricants de pâtes alimentaires regroupe les entreprises qui produisent des pâtes alimentaires sèches et d'autres produits de pâtes alimentaires pour le marché canadien et pour l'exportation.
Quatre sociétés composent l'association: Borden Foods Canada, qui a des usines à Montréal et à Lethbridge en Alberta; Primo, une division de Nabisco Limitée, qui possède d'une importante usine à Toronto; Grisspasta, dont l'usine est située à Longueuil sur la rive sud, au Québec; et Italpasta, qui a une usine de pâtes alimentaires à Brampton en Ontario. Nous sommes les seuls fabricants de pâtes alimentaires sèches au Canada.
Les fabricants canadiens de pâtes alimentaires appuient l'objectif énoncé par le ministre des Finances, Paul Martin, lors de l'annonce du présent examen de la LMSI, à savoir que le Canada doit offrir à ses industries une protection équivalente à celle offerte par ses partenaires commerciaux à leurs propres industries.
Ces deux dernières années, notre association et l'industrie canadienne ont acquis une expérience de première main de la LMSI, puisqu'elles ont entrepris d'obtenir que des mesures compensatoires et antidumping soient prises, dans ce cas-ci, à l'égard des importations italiennes.
À ce jour, notre industrie n'a pas réussi à obtenir des règles de concurrence équitables sur le marché canadien qui lui permettent de rivaliser avec ces produits de dumping subventionnés.
Le mémoire remis précédemment explique avec un peu plus de détails la situation au Canada. De même, il expose plus loin la situation aux États-Unis, qui est très semblable à celle qui prévaut au Canada, et précise qu'au même moment, l'industrie américaine des pâtes a demandé à être protégée contre ces mêmes produits de dumping subventionnés. Malheureusement, les pratiques actuelles au Canada nuisent à notre industrie, alors qu'aux États-Unis, on a réagi avec rapidité et efficacité pour faire échec au commerce déloyal des pâtes alimentaires.
Par exemple, en raison du préjudice causé au marché canadien, les fabricants canadiens de pâtes alimentaires, qui détenaient environ 90 p. 100 du marché canadien des pâtes alimentaires sèches, au début des années 90, n'en détiennent plus maintenant qu'environ 70 p. 100. Au cours des trois dernières années, soit jusqu'à la fin de 1995, l'industrie canadienne - les quatre entreprises - a perdu au-delà de 25 millions de dollars de profits.
J'aimerais profiter de la période de discussion pour m'attarder sur certaines des observations précises formulées au sujet de la différence entre les modes d'intervention américain et canadien, mais je vais attendre la période de questions et la discussion en table ronde pour aborder ce sujet.
L'un des problèmes graves auxquels nous sommes maintenant confrontés en raison de la divergence des conclusions tirées par l'un et l'autre pays par suite de leurs enquêtes respectives est le suivant: le Canada est maintenant le lieu de dumping en Amérique du Nord pour les produits italiens et turcs. Monsieur le président et messieurs les membres du comité, j'ai ici quelques exemples de produits turcs que l'on retrouve maintenant sur le marché canadien. Leur apparition date de l'été dernier. Parce que les Américains imposent maintenant des droits élevés à l'égard de ces produits, ceux-ci commencent maintenant à être écoulés sur le marché canadien, ce qui accroît encore plus la concurrence à laquelle doivent faire face les producteurs canadiens. Je vais en laisser une copie au greffier.
En guise d'introduction, j'aimerais faire plusieurs observations importantes.
1. Une solide protection contre la concurrence déloyale exercée par les pays étrangers doit être maintenue par le Canada, en particulier en ce qui a trait aux produits alimentaires et agricoles.
2. Il faut définir clairement le préjudice et la causalité. Selon notre expérience, la détermination du préjudice sensible par le TCCE n'est pas faite de façon cohérente. Aux États-Unis, la CCI examine les causes du préjudice sans toutefois en soupeser les effets.
3. Nous recommandons que le comité se penche sur des moyens d'établir certains mécanismes officiels entre les États-Unis et le Canada, lorsque des plaintes semblables sont examinées en même temps.
4. Les gouvernements qui subventionnent inutilement l'industrie et la production agricole continueront à le faire.
Dans notre mémoire, nous donnons un exemple de politique d'investissement insensée qu'appliquent actuellement les gouvernements du Canada et du Québec à notre industrie et dont l'objectif consiste expressément à tirer parti de la nouvelle barrière commerciale imposée par les États-Unis à l'égard des pâtes alimentaires italiennes. Nous pourrons y revenir pendant la période de questions si vous le désirez. Notre industrie est donc d'avis que la protection offerte grâce à l'imposition de droits compensateurs doit être maintenue dans la LMSI.
5. Cinquièmement, nous sommes conscients des préoccupations qui doivent entrer en ligne de compte en ce qui concerne les consommateurs et les industries d'aval. Toutefois, le comité et la LMSI doivent faire en sorte que les intérêts des industries d'amont soient eux aussi pris en considération. Nous avons joint à notre mémoire une lettre de la Commission canadienne du blé dans laquelle celle-ci exprime son appui à l'industrie canadienne des pâtes alimentaires et expose ses préoccupations au sujet de la diminution des ventes de blé dur occasionnée par le dumping au Canada de pâtes alimentaires italiennes subventionnées.
Monsieur le président et messieurs les membres du comité, cela clôt mes observations préliminaires. Il me tarde maintenant de passer à la discussion en table ronde.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci, monsieur Jarvis.
Nous allons maintenant passer à Mme Marsden. À vous.
Mme Sandra Marsden (présidente, Institut canadien du sucre): Je vous remercie, monsieur le président. Je vous sais gré de nous permettre aujourd'hui de présenter notre point de vue aux sous-comités et de répondre à vos questions.
Je m'appelle Sandra Marsden et je suis présidente de l'Institut canadien du sucre. Je suis accompagnée de M. Greg Tereposky, qui est assis derrière nous et qui pourra m'aider, au besoin, à répondre à certaines questions après l'exposé.
L'Institut canadien du sucre est une association commerciale qui a été créée en 1966 pour représenter tous les fabricants canadiens de sucre raffiné. Au Canada, le sucre raffiné est produit à partir de sucre de canne brut importé et de betteraves à sucre cultivées ici. Nous avons six usines réparties dans six provinces canadiennes, de Saint John à Vancouver.
En plus des emplois directs créés dans les raffineries et dans les usines et du soutien indirect offert aux producteurs canadiens de betteraves à sucre, les prix du sucre raffiné au Canada jouent un rôle d'intrant crucial pour l'industrie alimentaire canadienne et cette contribution est importante tant sur le plan national qu'international.
L'intérêt de l'Institut canadien du sucre à l'égard du processus d'examen de la LMSI découle de notre expérience récente avec la loi. J'aimerais vous faire part brièvement de cette expérience et des recommandations qu'elle nous a inspirées.
D'abord, permettez-moi de vous donner un petit aperçu du marché du sucre. Comparativement à ses principaux partenaires commerciaux, le marché canadien du sucre est unique au sens où, n'étant assujetti à aucune réglementation, il est totalement libre. La plupart des autres pays industrialisés - les États-Unis et l'Europe en sont les premiers exemples - appuient leurs industries du sucre grâce à un prix de soutien qui leur permet de maintenir leur prix bien au-delà de celui du marché mondial. Pour vous donner un exemple, le prix du sucre brut sur le marché mondial est de l'ordre de 10,5c. US la livre, tandis que le prix de soutien sur le marché intérieur américain est de 22,5c. la livre.
Ces programmes ont entraîné une augmentation sensible de la production intérieure, laquelle s'est accompagnée de mesures de contrôle des importations pour protéger les producteurs du pays contre la concurrence étrangère. Parallèlement, des subventions à l'exportation et d'autres programmes sont mis en oeuvre pour encourager le dumping des excédents sur les marchés libres comme celui du Canada. Les fondements de ces programmes n'ont pas été remis en question par l'ALENA et par l'OMC.
Tout au long des années 80 et au début des années 90, l'industrie canadienne du sucre a été de plus en plus menacée par le dumping d'importations subventionnées. Elle a été en mesure de compenser en partie la chute des prix grâce à d'impressionnantes mesures d'austérité et de rationalisation. Quatre usines ont fermé leurs portes dans les années 80 en raison en partie de l'accroissement des exportations de sucre raffiné et des ventes aux fabricants de produits alimentaires à des fins d'exportation. Malheureusement, dès la fin de 1994, il n'y avait plus guère de possibilité de compressions des coûts ou de croissance des exportations.
La position des exportateurs américains est celle qu'ils peuvent poursuivre leur concurrence sans crainte de représailles de la part de l'industrie canadienne, puisque les restrictions aux frontières ont été accrues plutôt que réduites en vertu de l'Accord sur l'OMC. Les prix du sucre provenant de l'UE continuent à dégringoler, et il n'y a là rien de surprenant compte tenu des énormes excédents de sucre disponibles pour l'exportation. Pour vous donner une meilleure idée, en 1995, les exportations européennes de sucre étaient de l'ordre de cinq millions de tonnes, tandis que le marché canadien du sucre raffiné dépassait à peine le million de tonnes.
Dans ce contexte, le seul recours possible pour l'industrie canadienne du sucre consistait à faire valoir ses droits en vertu de la LMSI. En mars 1995, Revenu Canada a donc entrepris une double enquête pour décider du bien-fondé d'imposer des droits antidumping et compensateurs. Des mesures préliminaires d'imposition de droits ont été prises en juillet 1995 pour protéger l'industrie, et le TCCE a rendu sa décision relative à l'existence d'une menace de préjudice en novembre 1995.
Permettez-moi de citer l'une des conclusions du Tribunal pour justifier sa décision. Le Tribunal a conclu qu'il était «convaincu que raffineurs nationaux ne peuvent demeurer viables si le niveau de la marge bénéficiaire nette continue d'être aussi bas» et que:
- ...la menace de préjudice causé par le dumping d'importations subventionnées met en péril
l'existence d'au moins une raffinerie canadienne de sucre, ainsi que de deux usines de
transformation de la betterave à sucre.
- Rappelez-vous qu'il y a six usines au pays.
J'ai seulement quelques commentaires à formuler au sujet de l'efficacité de la loi actuelle. De façon générale, nous trouvons que celle-ci est efficace et bien appliquée. Mais il est certainement possible d'en rationaliser encore davantage les modalités. Nous avons deux observations à formuler en ce qui concerne le fonctionnement du TCCE. D'abord, nous recommanderions que le TCCE soit tenu d'exiger le dépôt mémoires détaillés de la part de toutes les parties intéressées. Il est évidemment dans l'intérêt du plaignant de présenter des mémoires détaillés, mais la qualité du fonctionnement du TCCE et des renseignements disponibles y gagnerait certainement si toutes les parties étaient tenues de présenter des mémoires détaillés.
Nous recommanderions également que le TCCE soit habilité à intervenir avant que Revenu Canada ne rende sa décision préliminaire. Cela permettrait, par exemple, de faire en sorte que les questionnaires soient clairement établis et que l'information demandée soit utile et exacte.
Pour ce qui est de savoir si la LMSI tient compte des intérêts de toutes les parties, nous estimons que celle-ci est plus que satisfaisante à cet égard et que son application est transparente et équitable. Ce résultat est possible grâce à l'imposante documentation exigée par l'industrie nationale, aux réponses détaillées obtenues aux questionnaires, aux mémoires présentés par toutes les parties intéressées, aux rapports et à l'argumentation détaillés fournis par le tribunal et son personnel, ainsi qu'aux très longues audiences publiques et à huis clos. Nous nous sommes prévalus non seulement des modalités applicables en matière de détermination du préjudice, mais aussi de celles portant sur l'intérêt public et des dispositions régissant les demandes d'examen en vertu de l'article 76.
En résumé, je dirais que l'industrie canadienne du sucre est favorable au maintien de la LMSI, particulièrement pour les secteurs où les gouvernements étrangers faussent l'influence exercée par les forces du marché concurrentiel intérieur. Toute initiative visant à remplacer ou à supprimer la protection offerte par l'imposition de droits antidumping et compensateurs ne devrait pas s'appliquer à des produits comme le sucre raffiné. Je vous remercie.
Le coprésident (M. Duhamel): Je vous remercie, madame Marsden.
Si votre collègue veut se joindre à nous à la table, il n'y a aucun problème. Nous n'avons qu'à nous tasser un petit peu.
Il est timide. Nous allons poursuivre.
[Français]
Mme Diane Brisebois (présidente, Conseil canadien du commerce au détail): Bonjour.
Le coprésident (M. Duhamel): Bonjour.
Mme Brisebois: Je m'appelle Diane Brisebois et je suis présidente du Conseil canadien du commerce au détail. Je vous présente mon collègue, M. Darrel Pearson du cabinet Gottlieb & Pearson, qui est notre expert-conseil dans ce dossier.
[Traduction]
Je vous remercie de nous permettre de comparaître devant le comité aujourd'hui. Même si notre mémoire a été distribué aux membres, permettez-moi de vous donner un bref aperçu du Conseil canadien du commerce de détail et des secteurs qu'il représente.
Le Conseil canadien du commerce de détail - que j'appellerai ici le Conseil - représente au-delà de 6 000 détaillants, qui vont des marchands indépendants aux chaînes régionales, aux magasins à rayons, aux marchands de masse et aux magasins de rabais. Nos membres représentent tous les secteurs de produits de consommation et le nombre de nos associations affiliées et sectorielles s'élève maintenant au-delà de 100. Nos deux plus importantes associations parentes sont le Conseil canadien de la distribution alimentaire et l'Association canadienne des chaînes de pharmacies. Toutes appuient évidemment notre mémoire aujourd'hui.
Les ventes totales générées par nos entreprises membres et nos associations affiliées dépassent les 165 milliards de dollars. Notre industrie emploie 1,4 million de Canadiens.
La vente au détail a sensiblement évolué au cours des dix dernières années. Notre marché est de plus en plus concurrentiel et son envergure de plus en plus mondiale. De nos jours, non seulement les détaillants sont des importateurs de marchandises, mais ils achètent et vendent aussi leurs produits sur les marchés étrangers et créent ainsi de nouvelles sources de revenus et de dollars fiscaux canadiens. Les détaillants sont devenus plus sensibles à l'évolution du commerce depuis qu'ils cherchent à offrir aux consommateurs un plus grand assortiment de produits de plus grande valeur.
Aujourd'hui, nous abordons trois questions dans notre mémoire. Premièrement, celle du processus de règlement, deuxièmement celle de l'intérêt public et troisièmement celle de la détermination du véritable importateur. Chacune de ces questions est très importante pour les détaillants qui très sensibles aux conséquences des mesures prises pour empêcher le dumping et la subvention des biens de consommation vendus par l'intermédiaire du réseau de distribution au détail.
Ces mesures peuvent certainement ajouter au coût des achats faits par les détaillants, que ce soit en raison de l'application de droits spéciaux ou de l'augmentation des prix exigés par les fournisseurs nationaux bénéficiant de la protection de la LMSI, sans compter les coûts administratifs et juridiques imputables aux démarches entreprises en vertu de la LMSI.
Comme vous pouvez le constater, notre point de vue se démarque de celui des autres intervenants réunis ici aujourd'hui.
Lorsque le recours à ces mesures cause un préjudice aux détaillants, les fournisseurs canadiens qui demandent une protection peuvent également être touchés très rapidement, car les détaillants ne peuvent passer les coûts additionnels aux consommateurs et leur fournir une valeur et un choix intéressants, ce qui fait décroître les marchés.
Le Conseil reconnaît qu'il y a lieu dans certains cas de protéger des industries canadiennes. Les recommandations présentées dans le mémoire ne visent pas à réduire le niveau de protection nécessaire, mais à supprimer la protection superflue et à définir clairement les obligations.
Je prierais maintenant mon confrère, M. Pearson, de présenter son exposé. Je vous remercie.
M. Darrel Pearson (conseiller principal, Commerce international, Conseil canadien du commerce de détail): Monsieur le président, j'aborderai brièvement trois questions.
D'abord, le processus de règlement prévu dans la LMSI est très limité. Les recommandations du conseil portent entre autres sur la divulgation à l'avance de la plainte à toutes les parties ayant un intérêt opposé, l'application régulière de la loi en ce qui a trait à la validité de la plainte, la possibilité pour toutes les parties ayant un intérêt opposé de participer au besoin au processus afin de clore l'enquête rapidement, et enfin, la réduction de la portée de la plainte ou son règlement raisonnable.
Il est recommandé de permettre aux détaillants de participer dès le début au processus pour qu'ils émettent leur avis sur la validité de la plainte. On vise ainsi à réduire l'envergure de l'enquête en en retirant les produits à l'égard desquels l'industrie canadienne ne subit pas véritablement de préjudice.
Le Conseil recommande également que les clients et les détaillants intentent des poursuites pour régler les litiges par une augmentation des prix ou par la suppression du dumping ou des subventions. Les détaillants ont intérêt à faire ces démarches et sont à même de déterminer quelle augmentation de prix serait raisonnable et pourrait être répercutée sur les consommateurs.
Enfin, le Conseil recommande de mettre en place un mécanisme qui permet d'éviter le dépôt de plaintes non fondées. Le TCCE effectue assez rapidement un examen de la plainte, mais ne permet pas aux parties ayant un intérêt opposé de fournir de l'information, d'être entendues par le tribunal ou de soumettre un mémoire. En grande partie en raison du peu d'information qui lui est fournie, il est rare que le tribunal tranche une affaire en se fondant sur l'étude de la plainte.
Les détaillants portent aussi un grand intérêt à l'enquête d'intérêt public prévue pour permettre au TCCE de déterminer s'il y a lieu d'évaluer le montant total des droits antidumping et compensateurs. Le tribunal cherche à déterminer s'il est dans l'intérêt de la population de réduire les montants de ces droits. Le tribunal n'a cependant pas défini précisément en quoi consiste l'«intérêt public» lorsqu'il a étudié des dossiers antérieurs. Il considère en effet qu'il importe avant tout de mettre fin aux préjudices et aux retards. Les droits spéciaux n'ont donc été réduits que dans un seul cas, et dans l'affaire en instance depuis 1984 mettant en cause les droits compensateurs sur le maïs américain.
Le Conseil recommande que l'enquête d'intérêt public permette au tribunal de réduire plus souvent le montant des droits antidumping et compensateurs. Il faut établir des critères économiques et des règles pour que cette question puisse être réglée de façon plus objective.
En outre, les situations évoluent, et le tribunal n'est aucunement tenu d'envisager la tenue d'une enquête d'intérêt public après avoir tiré des conclusions relativement aux préjudices ou aux retards. Il peut arriver qu'au cours des cinq années suivant la décision du tribunal, une nouvelle conjoncture donne lieu à une réduction des droits antidumping et compensateurs, par exemple: une réduction des coûts et d'autres causes de préjudices non liées au dumping et aux subventions; la disparition de certains producteurs canadiens; l'incapacité des consommateurs d'absorber tous les droits antidumping ou compensateurs, ce qui a pour effet de faire décroître les marchés non seulement au détriment des détaillants mais aussi des producteurs canadiens qui cherchent à protéger leur marché. Une fois que le tribunal a tiré ses conclusions, une enquête d'intérêt public devrait être instituée.
Le fait que les parties ayant un intérêt opposé doivent déclarer leur intérêt lors d'une enquête d'intérêt public tenue avant l'audition des questions relatives aux préjudices et aux retards a également causé des difficultés. En réalité, cela doit être fait avant que les avocats déposent et s'échangent des preuves, ce qui le plus souvent donne lieu à une déclaration sans portée. La déclaration devrait pouvoir être faite ultérieurement.
Enfin, il y a la question de la détermination du véritable importateur, celui qui est tenu de verser des droits spéciaux. La LMSI définit «importateur» comme la personne qui fait effectivement l'importation des biens. Or cette personne n'est pas nécessairement l'importateur attitré. Dans certains cas, ce sont les clients canadiens de l'importateur qui sont réputés être les véritables importateurs et sont tenus de payer les droits spéciaux. Il est déjà assez difficile pour un importateur de déterminer si ses marchandises font l'objet de dumping et d'évaluer le coût de certains droits spéciaux additionnels. Pour les clients de l'importateur, cela est impossible et il est injuste de leur imposer ces responsabilités.
Le Conseil soulève le fait que ses membres peuvent être considérés comme des importateurs bien que le titre leur ait été donné après que des dispositions relatives à l'importation et au commerce ont été prises pour limiter les droits qu'ils sont tenus de payer sur le prix demandé par les fournisseurs.
Comme recommandé par le Conseil, on devrait établir des limites à la recherche du véritable importateur, en autant que le titre soit passé au client de l'importateur après l'importation. Dans ces cas, le tribunal ne devrait pas tenter d'établir qui est véritablement l'importateur, mais plutôt qui est l'importateur attitré.
Enfin, comme je l'ai fait remarquer précédemment et comme l'a aussi souligné Mme Brisebois, les mesures antidumping et compensatoires revêtent une importance croissante pour les détaillants. Ceux-ci comparaissent de plus en plus souvent devant le TCCE, aussi bien en qualité d'importateurs et de clients d'entreprises canadiennes que d'importateurs en gros. Des causes portant entre autres sur des chaussures, des articles d'habillement, de bureau et de papeterie, des articles récréatifs, des automobiles, des produits industriels, commerciaux et alimentaires, notamment des pâtes, ont été entendues.
Ils sont donc de plus en plus présents dans le processus pour ce qui est de déterminer s'il y a eu dumping, subvention, préjudice ou retard. Ils ont toutefois trouvé ces procédures très pénibles, et estiment qu'il serait très avantageux d'approuver les recommandations proposées dans les mémoires qu'ils ont soumis.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci.
Nous allons maintenant entendre un dernier commentaire. Le prochain porte-parole est...?
M. Ken MacDonald (directeur, Élaboration des politiques, Association des fabricants de pièces d'automobile du Canada): Je suis ravi de m'adresser à vous au nom de l'Association des fabricants de pièces d'automobile du Canada (AFPAC). J'ai à mes côtés M. Bob Taylor de Fabricated Steel, une entreprise membre de l'Association dont le chiffre d'affaires annuel est de225 millions de dollars et qui compte quelque 1 100 employés. M. Taylor exposera de façon très concrète les conséquences de certaines modifications proposées à la LMSI.
M. Peter Clark, de la société d'experts-conseils Grey, Clark, Shih & Associates, d'Ottawa, m'accompagne également.
L'AFPAC représente les producteurs canadiens de pièces auprès de l'industrie automobile internationale. La pétition que nous soumettons aujourd'hui expose le point de vue de la majorité de nos membres, auquel ne souscrivent toutefois pas les aciéries qui appartiennent à notre association.
Je décrirai d'abord le contexte dans lequel nous évoluons. L'industrie automobile occupe une place prépondérante dans l'économie canadienne. Elle procure en effet quelque 500 emplois dont92 000 sont des emplois directs dans la fabrication de pièces et 52 000 dans l'assemblage de véhicules.
Des reportages récents réalisés par les médias ont montré que ces emplois sont parmi les mieux payés et les plus stables de l'industrie, et ont des retombées positives dans d'autres secteurs. Chaque dollar dépensé dans le secteur de l'automobile génère en effet 3 $ dans le reste de l'économie. À titre de comparaison, l'industrie sidérurgique procure environ 33 000 emplois directs.
Les constructeurs de véhicules automobiles et les fabricants de pièces évoluent dans un contexte commercial particulier. Le Pacte de l'automobile permet aux États-Unis et au Canada d'importer et d'exporter en franchise entre les deux pays des véhicules assemblés et des pièces. D'après Revenu Canada, depuis l'entrée en vigueur de la LMSI et du Pacte de l'automobile, aucun préjudice n'a été rapporté relativement à des articles importés, et un seul produit a fait l'objet d'une enquête. Autrement dit, depuis la conclusion du pacte les échanges commerciaux ont été sans histoire, c'est-à-dire qu'il n'y a eu ni enquêtes ni poursuites relativement à du dumping.
Le pacte ne vise toutefois pas les matériaux utilisés pour fabriquer les pièces. Nous ne devons donc jamais oublier le fait que si l'importation de matériaux américains pour la fabrication de pièces d'automobile devenait coûteuse ou problématique, les fabricants de pièces et d'automobiles transféreraient probablement la production aux États-Unis.
Il importe que vous sachiez que, grâce au Pacte de l'automobile et à l'ALENA, les industries canadienne et américaine de l'automobile et des pièces automobiles sont maintenant fortement intégrées. Je veux dire par là que l'ensemble des pièces et des voitures fabriquées au Canada, qu'il s'agisse par exemple de la Crown Victoria, la Chevrolet Lumina et la Chrysler LH, sont destinées aussi bien au marché canadien qu'au marché américain. De même, d'autres modèles construits aux États-Unis sont destinés aux marchés des deux pays. En 1990, il s'est construit au Canada quelque 2,4 millions de véhicules, dont 90 p. 100 ont été exportés.
Il en va de même pour les pièces. Certaines ne sont fabriquées qu'au Canada, mais sont destinées aux marchés canadien et américain. De nombreux échanges transfrontaliers sont donc nécessaires pour que l'industrie demeure dynamique avec sa structure actuelle.
Le Canada importe des matières premières comme l'acier, des polymères destinés à la fabrication de la mousse pour sièges, et des produits chimiques qui servent à la fabrication de revêtements. Environ la moitié des pièces d'automobile fabriquées au Canada sont en acier, et par conséquent je parlerai à plusieurs reprises de ce matériau pendant mon exposé.
Je tiens à souligner que les fabricants des pièces utilisent surtout de l'acier canadien, mais pour un certain nombre de raisons, ils doivent en de nombreuses occasions avoir accès à de l'acier et à d'autres matières venant de États-Unis et d'autres pays. Comme certains d'entre vous savent sans doute, la raison la plus importante de cette exigence est que les fabricants de pièces d'automobile et les constructeurs d'automobiles recourent à ce qu'on appelle la «méthode de production au moment adéquat», c'est-à-dire qu'ils se font livrer les pièces dont ils ont besoin par les fabricants, plutôt que de garder d'importants stocks.
Il arrive cependant que les aciéries canadiennes ne soient pas en mesure de livrer l'acier aux fabricants de pièces à la date convenue, ce qui oblige ceux-ci à trouver d'autres fournisseurs, aux États-Unis et dans d'autres pays. Ils se procurent l'acier principalement auprès de centres de services qui fabriquent, entreposent et distribuent de l'acier et achètent une partie appréciable des matières premières qu'ils utilisent aux États-Unis.
Il arrive en outre que les constructeurs d'automobiles - Chrysler, GM ou Ford - précisent à leur client que l'acier d'une compagnie particulière sera utilisé dans la fabrication de la pièce. C'est pourquoi il faut parfois importer des matériaux de l'étranger.
Bon nombre de fabricants de grosses pièces donnent par ailleurs en sous-traitance la fabrication de composants à des fabricants de plus petites pièces. Il arrive parfois que ces derniers doivent faire appel à un centre de service car ils achètent l'acier en petite quantité ou achètent de plus petites pièces, ce qui explique le fait qu'on doive recourir à des fournisseurs d'acier américains et étrangers.
Enfin, certains types d'acier et de produits chimiques ne sont tout simplement pas fabriqués au Canada.
Voici brièvement quelles sont les conséquences de cette situation. L'industrie sidérurgique a demandé à quelques reprises au gouvernement de faire, à la manière américaine, des enquêtes et des sondages sur le dumping, des examens rétrospectifs des droits et de prendre d'autres mesures encore. L'industrie reconnaît que cette façon de procéder rendrait les enquêtes beaucoup plus fastidieuses et onéreuses pour les répondants, mais affirme dans ses énoncés de position antérieurs qu'elle pourrait contraindre les États-Unis à assouplir les règles et les pratiques de dumping.
Des intervenants qui ont déjà pris la parole devant vous, par exemple l'Association des importateurs et la firme Gottlieb & Pearson, ont déjà exposé clairement les raisons pour lesquelles cette façon de procéder pour modifier la politique commerciale des États-Unis ne peut donner des résultats satisfaisants. Nous approuvons sans réserve leurs mémoires, et avons peu à ajouter à ce sujet.
Pour notre industrie, les conséquences sont encore plus sérieuses. Il est difficile, voire impossible, d'importer de l'acier d'autres pays lorsque des droits de dumping allant de 87 à155 p. 100 sont perçus sur un nombre croissant de produits en acier venant des États-Unis ou d'autres pays. Ces droits sont imposés en raison du fardeau administratif lié aux importations, et sans qu'il ait été prouvé que ces aciéries ont déjà eu recours au dumping ou causé un préjudice.
Je passe maintenant la parole à M. Taylor.
M. Bob Taylor (coordonnateur, Trafic des douanes, Fabricated Steel Products (Fabco)): Je présente cet exposé au nom de Fabricated Steel Products. À notre usine de Windsor - nous en avons également à Dresden et à Ridgetown (Ontario) - nous utilisons annuellement quelque 66 000 tonnes d'acier. De ce nombre cette année, 5 p. 100 ont été importées des États-Unis.
À l'instar de General Motors, Ford, Chrysler et Nissan, et comme cela se fait depuis longtemps dans l'industrie de l'automobile, nous faisons affaire avec des revendeurs auxquels nous achetons l'acier au prix comptable. Nous incorporons ce coût à celui de notre produit, que nous expédions ensuite aux constructeurs. Nous exportons environ 85 p. 100 de notre production. Nous utilisons une tôle mince à froid fabriquée par une entreprise américaine qui ne se sert pas d'un acier travaillé de haute qualité. Pourquoi donc faire affaire avec cette entreprise, me demanderez-vous? Tout simplement parce que notre client l'exige. Nous n'avons pas le choix si nous voulons garder ce client.
Nous utilisons en outre des matériaux résistants à la corrosion que nous devons importer des États-Unis. Les usines tentent de nous faire croire que tout va comme sur des roulettes, et qu'elles livrent le produit à temps, mais ce n'est pas le cas. Elles ont souvent un retard de quatre à six semaines. Or, on ne peut fermer une entreprise de construction automobile et compter faire des affaires au Canada. Nous pouvons vous montrer les promesses de livraison de ces entreprises, qu'ils répètent ensuite en repoussant les délais. Telle est la situation dans l'industrie.
Pendant ce temps, trois des grandes aciéries annoncent une augmentation de prix. Nous avons abordé la question en février dernier lorsque ces entreprises ont soumis un rapport sur la façon de demander de l'information et sur les moyens que Revenu Canada compte prendre pour contrôler celle-ci. J'avais alors avancé qu'aux États-Unis, un certain nombre d'intervenants se retireraient du marché, mais on ne m'a pas cru. Par ailleurs, 100 personnes n'ont pas répondu au questionnaire. Pourquoi? Parce que les États-Unis n'ont pas besoin du Canada. Peut-être avons-nous besoin d'eux pour que les prix demeurent concurrentiels, mais ils n'ont pas besoin de nous.
Quelles sont les conséquences de cette situation? L'exercice d'un monopole par les producteurs d'acier? Cela est possible. Mais ont-ils pour autant le droit de hausser leurs prix? Cela faisait peut-être partie de leurs projets. Il n'est pas très sensé de compter que nous... Vous avez si bien fait en nous donnant le Pacte de l'automobile, en nous encourageant à élargir nos marchés et à prendre des initiatives.
Les producteurs d'acier ont également tiré parti de la situation. Quand on utilise des matériaux canadiens dans une proportion de 95 p. 100 et que 85 p. 100 de la production est exportée aux États-Unis... Est-il nécessaire de leur accorder ce genre de protection tout simplement pour intimider les États-Unis et tenter de leur faire modifier leurs lois? Non. Ils ont choisi de faire des affaires sur le marché américain parce que cela est financièrement possible.
Leurs systèmes d'information peuvent produire les renseignements nécessaires pour mettre leur produit sur le marché. Les États-Unis pour leur part sauf les grandes aciéries, ne veulent pas le faire; le marché n'est pas suffisant. Où cela nous laisse-t-il? Si nous voulons placer des commandes urgentes d'acier auprès de ces gens, nous nous exposons à des tarifs de 87 p. 100 qui pourraient s'appliquer à General Motors à Oshawa ou à un tarif de 155 p. 100 qui sera annoncé prochainement sur la résistance à la corrosion et qui pourra aussi être appliqué à GM à Oshawa. Ce sont nous les boucs émissaires, pas eux. Notre industrie a-t-elle besoin de cela? Je ne le crois pas.
Vous avez très bien réussi à nous donner du travail. Vous nous avez donné l'ALENA. Nous avons appris à remplir la paperasse liée à cet accord. Nous avons l'AALA; nous avons appris à nous occuper de cela aussi.
C'est une question de s'arranger pour que l'information se rende sur le marché afin de pouvoir assurer la commercialisation et nous avons appris à le faire, tout comme Stelco, Dofasco et les autres aciéries.
Lorsque vous vous apercevez, dans l'industrie de l'estampage, que 50 à 60 p. 100 des coûts d'un produit particulier découlent de l'acier, auxquels s'ajoutent des tarifs de dissuasion de 87 ou de 155 p. 100, vous allez vite vous rendre compte que pour alimenter le marché canadien vous pouvez sortir les matrices du Canada, les installer aux États-Unis et approvisionner le Canada en payant des droits de douane de seulement 1,8 p. 100 dans le cadre de l'ALENA ou même en franchise de droit si le produit y est admissible en vertu du Pacte de l'automobile. Le bon sens, la logique économique vous diront que vous ne resterez pas en affaires très longtemps.
La formule des producteurs d'acier ne nous plaît pas beaucoup.
Le coprésident (M. Duhamel): C'est ce que j'avais compris.
M. Taylor: Nous pensons que certaines choses doivent changer.
Le coprésident (M. Duhamel): Je vous remercie.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de vos contributions. J'ai décelé quelques divergences d'opinion qui donneront certes lieu à certains échanges. Je fais donc comme tous les bons politiciens quand les choses se corsent, je m'en remets aux spécialistes. Mon collègue, M. Dupuy, prendra donc maintenant la relève.
Le coprésident (M. Dupuy): Je suis convaincu que nos collègues députés ont des questions à poser, mais avant de leur céder la parole, je tiens à vous remercier de ce fascinant exposé. Le fait que vos vues ne coïncident pas justifie la présence de notre comité. Nous tenterons par nos échanges d'apporter quelques éclaircissements.
Passons maintenant aux questions. Monsieur Sauvageau, avez-vous des questions à poser?
[Français]
M. Sauvageau: Oui, quelques-unes, s'il vous plaît, monsieur Dupuy.
[Traduction]
Le coprésident (M. Dupuy): Je suis désolé, monsieur Sauvageau, j'avais votre nom, mais M. Speller aimerait commencer.
[Français]
M. Sauvageau: Est-ce qu'on ne commence pas dans ce sens-là? Je n'ai pas levé ma main parce qu'habituellement...
Le coprésident (M. Duhamel): Parce qu'habituellement vous avez la parole en premier. Est-ce bien ce que vous me dites?
M. Sauvageau: C'est toujours ainsi que cela fonctionne.
Le coprésident (M. Duhamel): C'est à vous à décider si vous voulez passer en premier. J'ai l'impression qu'il n'y a pas tellement de difficulté. Simplement, M. Speller avait indiqué clairement qu'il voulait parler le premier.
M. Sauvageau: Probablement que M. Speller a indiqué qu'il voulait parler immédiatement après moi. Je vais donc...
Des voix: Ah! Ah!
Le coprésident (M. Dupuy): Vous avez l'avantage d'avoir deux coprésidents et le deuxième coprésident vous donne la parole.
M. Sauvageau: Merci, monsieur Speller, vous êtes bien gentil.
Je tiens à féliciter ceux et celles qui ont fait une présentation et qui nous ont permis de voir divers aspects du sujet. Nous allons tous essayer, je crois, d'approfondir nos connaissances là-dessus.
Je vais aborder rapidement la question du différend que nous avons porté devant le tribunal. C'est un aspect très technique. Je vais d'abord m'adresser aux trois premiers intervenants. Si mes interventions comportent des erreurs, vous me les soulignerez sans hésiter.
En premier lieu, la représentante de l'Institut canadien du sucre a, si j'ai bien compris, proposé de rationaliser la procédure suivie par le tribunal.
Par ailleurs, il est dit à la page 6 du mémoire de l'Association canadienne des manufacturiers de pâtes alimentaires que le système est accessible, mais long, coûteux et compliqué. C'est une deuxième intervention.
Encore à la page 6, mais cette fois du mémoire de l'Association canadienne des producteurs d'acier, on nous dit:
- Les procédures que suit actuellement le Tribunal canadien du commerce extérieur sont
inutilement longues et lourdes. Par ailleurs, certains des termes et des critères essentiels, que le
tribunal doit prendre en considération, ne sont pas définis dans la loi.
Vous avez un document assez explicite quant aux recommandations visant à améliorer de façon concrète la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Est-ce que vous pourriez expliciter - d'abord vous et ensuite les autres, puisqu'il y a trois personnes qui l'ont proposé sur les cinq qui sont ici - de quelle façon on pourrait rendre ces normes moins lourdes, moins complexes et moins coûteuses? C'est ma première question.
[Traduction]
Mme Jean Van Loon (présidente, Association canadienne des producteurs d'acier): Je peux commencer. Selon nous, il faudrait s'attaquer d'abord aux procédures du TCCE, qui tient de longues auditions orales où les questions se répètent constamment. Nous pensons qu'il serait possible de raccourcir la partie orale des audiences pour les ramener à trois jours et de mettre davantage l'accent sur les mémoires écrits, comme l'ont suggéré d'autres personnes autour de la table.
Nous sommes aussi d'accord avec la suggestion voulant que le personnel du TCCE soit à même de commencer plus tôt son enquête sur le préjudice, afin qu'il puisse cibler le questionnaire et le rendre plus efficace. Nous pensons également nécessaire, pour assurer une plus grande uniformité, de définir dans la loi certains des principaux critères de préjudice.
Nous constatons que nos homologues de l'industrie du tapis estiment que le système fonctionne très bien et qu'il faut donc le conserver et non le modifier. En y regardant de plus près, je remarque que lorsque le tribunal a entendu la cause touchant le tapis, il a adopté une définition de préjudice important qui nous semble être celle qui convient. Quand le tribunal s'est penché sur l'affaire de l'acier laminé à chaud, il n'a pas pris la même définition. Nous voudrions que la définition que nous considérons être la bonne soit inscrite dans la loi.
Il y a également eu des incohérences en ce qui concerne l'accumulation et là encore, nous estimons qu'il faudrait inscrire dans la loi les critères pour l'accumulation qui tiennent compte des contraintes établies par l'Organisation mondiale du commerce. Sinon, le TCCE se verra obligé d'essayer de déterminer lequel des dix verres qu'un gars a avalés l'a rendu saoul. C'est l'effet cumulatif qui compte.
Nous présentons ces suggestions et d'autres encore dans notre mémoire afin que soit effectuée une certaine rationalisation. Nous pensons également que, pour éviter de compliquer les choses, vous pourriez rejeter la recommandation voulant que des commentaires libres puissent être formulés avant qu'une enquête ne soit lancée. L'adoption de cette recommandation ne servirait qu'à ajouter une étape à la procédure.
Actuellement, lorsqu'il y a une plainte convenablement étayée, Revenu Canada entreprend un examen rigoureux afin de déterminer s'il y a lieu de lancer une enquête. D'après le rapport du gouvernement, au cours des années 90, Revenu Canada a été saisi de 170 plaintes convenablement étayées et a lancé 31 enquêtes, soit une proportion de 18 p. 100. Je ne crois pas qu'il ait agi comme paillasson.
Si vous invitez les autres parties à formuler leurs commentaires, il faut donner le temps aux plaignants de répondre, ce qui ajoute toute une étape à la procédure avant même que l'enquête commence.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Jarvis.
M. Jarvis: Je pense que les impressions des manufacturiers de pâtes alimentaires correspondent à peu près à celles des fabricants d'acier, d'après les observations formulées. Il y en a trois en particulier, tirées de notre propre expérience. Le processus d'audience publique du TCCE est très rigoureux et très long. Dans notre cas, l'audience publique a duré huit jours, par rapport à une audience semblable réalisée par le CCI aux États-Unis qui n'a duré qu'une journée. Le contraste est frappant.
Je crois qu'il est possible de resserrer les liens entre le moment où l'enquête de Revenu Canada se termine et des conclusions sont formulées, et le renvoi au TCCE. Dans notre cas, Revenu Canada a commencé son enquête en mai 1995 et l'a terminée en janvier de cette année, après quoi nous avons amorcé le processus du TCCE. L'enquête de Revenu Canada était très rigoureuse, et il nous semble qu'un renvoi officiel au TCCE aurait pu être effectué plus tôt afin de permettre au tribunal de commencer plus rapidement son enquête.
Troisièmement, et nous rejoignons encore à cet égard les manufacturiers d'acier, je crois qu'il serait utile que la LMSI comprenne une définition plus précise du préjudice afin que nous puissions passer plus rapidement à travers toutes ces étapes.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Dupuy): D'autres commentaires?
Mme Marsden: À notre avis, le processus dans son ensemble fonctionne bien. La seule recommandation réelle que nous ayons concerne le processus du TCCE; elle n'est d'ailleurs pas aussi précise que celle présentée par les personnes qui ont parlé avant moi et je crois que nous hésiterions à formuler des commentaires concernant les autres industries, compte tenu des grandes différences. Bien entendu, plus les renseignements dont dispose le TCCE sont complets et exacts, mieux le processus se déroulera, et il est souhaitable que le tribunal obtienne les renseignements voulus au plus tôt.
C'est pourquoi nous avons recommandé que toutes les parties déposent des mémoires détaillés. Nous avons également recommandé que le TCCE puisse commencer plus tôt à se pencher sur les cas afin de se familiariser avec l'industrie et avec l'affaire. Le résultat final pourrait être des audiences plus courtes. Par ailleurs, si l'affaire est complexe, il faut de toute façon plus de temps pour entendre toutes les préoccupations.
Le coprésident (M. Dupuy): Je vous remercie.
Monsieur MacDonald.
M. MacDonald: Ce sont surtout les mesures au début du processus d'enquête qui nous préoccupent. Il a été question il y a quelques instants de l'utilité de la contribution d'un éventuel intimé lorsqu'il s'agit de déterminer si Revenu Canada doit ou non faire enquête d'une plainte. Nous souscrivons à la suggestion voulant que la loi prévoit une notification et exige tout simplement que Revenu Canada informe les éventuels répondants lorsqu'un producteur local demande une enquête.
Je ne propose pas un processus lourd ou judiciaire. Je suggère simplement d'aviser les intéressés car nous avons eu connaissance dans le passé de cas où Revenu Canada a reçu une plainte, et un avocat ou un conseiller d'un éventuel répondant en a eu vent par voie du téléphone arabe, a pu communiquer avec Revenu Canada et mettre fin ainsi à une enquête sans motif qui se serait avérée inutile.
C'est surtout aux premières étapes de l'enquête que la lourdeur du processus et les obstacles inutiles nous préoccupent. Le questionnaire est un document de 80 pages qui est souvent envoyé à un vaste éventail de soi-disant répondants éventuels. Un des témoins a souligné il y a quelques instants qu'un répondant qui ne voit pas un marché important au Canada pour son produit ne répondra pas au questionnaire.
Bien entendu, d'autres processus en cours de route - les réunions de vérification et tout le reste - ajoutent au fardeau. Si l'on demande en outre au plaignant son avis concernant les réponses, par exemple, la situation s'aggravera. L'essentiel est donc que toutes les entreprises se font imposer des droits par Revenu Canada tout simplement parce qu'elles n'ont pas répondu au questionnaire, et ce pour des raisons d'affaires et non parce qu'elles avaient quelque chose à cacher; mais cela entraîne néanmoins la perte de sources.
Le coprésident (M. Dupuy): Merci.
Monsieur Pearson.
M. Pearson: Je vous remercie, monsieur le président.
Pour ce qui est de savoir comment nous pouvons simplifier les choses afin de réduire les coûts... Je pense que la position prise par le Conseil du commerce de détail sur la question des règlements va au coeur de la question. Plus une cause est réglée rapidement, soit en mettant fin à l'enquête ou en en réduisant l'ampleur, plus on réduira les coûts imposés à tous les participants, y compris le gouvernement.
Un représentant de l'industrie sidérurgique a souligné que Revenu Canada n'a donné suite qu'à 31 des 170 causes dont il a été saisi récemment; en outre, on n'a décelé aucun effet préjudiciable dans 20 à 25 p. 100 d'entre eux. Si le sujet avait été étudié plus tôt, il aurait été possible de faire épargner beaucoup d'argent à bien des gens, sans compter les exclusions accordées par le tribunal pour des produits précis visés par la décision.
Il a même été suggéré que le tribunal commence son enquête plus tôt, avant même que Revenu Canada ne constate l'existence de dumping ou de droits compensateurs. Une telle mesure se traduirait par une augmentation des coûts, particulièrement dans les cas où l'on ne constate aucune preuve de dumping ou de subvention. Selon nous, si des discussions ont lieu plus tôt, ce doit être pour régler la question.
Enfin, certains ont suggéré de réduire la durée des audiences devant le tribunal. Je suis certes conscient des lourds coûts imposés aux participants à ces audiences, puisque mon client figure parmi eux. Mais je crois très sincèrement qu'il faut conserver ce qui nous distingue de nos homologues américains, soit la transparence et le processus utilisé par le tribunal qui donne à chaque participant la possibilité de contester l'information présentée. Notre système prévoit un contre-interrogatoire exhaustif qui assure la transparence et nous permet, selon moi, de prendre de meilleures décisions que dans le cadre d'un processus comme celui des États-Unis, où on se contente de déposer des mémoires et de répondre à des questions pendant 15 ou 20 minutes.
Nous avons eu des audiences durant huit jours pour la question des pâtes alimentaires; les audiences ont duré quatre semaines et demie, monsieur le président, pour les autos de la Corée, particulièrement les Hyundai, mais la vérité est sortie puisque le tribunal en est venu à la conclusion qu'il n'y avait pas préjudice. Ni moi ni mon client n'appuyons une réduction de la durée des audiences.
Finalement, en ce qui concerne la question du regroupement des cas soulevée par l'industrie sidérurgique, je comprends très bien leur préoccupation, mais à notre avis, la loi est très claire. Le tribunal a l'habitude de regrouper les cas, sauf dans des circonstances très précises établies par la LMSI. Il commence par examiner l'ensemble de l'affaire et prévoit ensuite des exclusions particulières si des arguments probants sont avancés; il procède ainsi 99 p. 100 du temps; je ne crois pas que ce soit un grand problème.
Le coprésident (M. Dupuy): Je vous remercie.
Monsieur Speller.
M. Speller (Haldimand - Norfolk): Je vous remercie, monsieur le président.
Je veux remercier les personnes qui ont présenté des exposés aujourd'hui. Ma première question s'adresse aux producteurs d'acier mais, compte tenu de l'éventail des opinions, je soupçonne que les manufacturiers de pièces d'auto voudront aussi y répondre puisqu'elle concerne certains des sujets qu'ils ont abordés.
Essentiellement, l'association des importateurs affirme que les changements que Revenu Canada a apportés au processus d'examen administratif ont été nuisibles. Je pense que M. Taylor a soulevé le même point. Vous avez dit dans votre exposé que ces changements ont déjà causé la perte de certaines sources d'acier, en ont rendu d'autres très coûteuses et ont considérablement alourdi le processus d'importation. Vous avez affirmé ensuite avoir perdu une source américaine d'acier en raison de la longueur du questionnaire envoyé. Je pense que vous avez présenté le questionnaire et avez indiqué qu'il faisait 83 pages. J'imagine que le questionnaire américain est à peu près 10 fois plus long.
Cela étant dit, est-ce que les producteurs d'acier sont d'accord avec ce que disent les fabricants de pièces d'auto? Est-ce bien vrai? Sont-ce là vraiment les effets des changements apportés à l'examen administratif? Pouvez-vous en particulier me dire ce que vous pensez des commentaires de M. Taylor concernant l'accès à des sources d'acier aux États-Unis? M. Taylor affirme que son client lui impose de prendre son acier aux États-Unis. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un lien entre les deux, je ne vois pas pourquoi il en serait ainsi, mais comment répondriez-vous à ces questions?
Mme Van Loon: Je peux peut-être répondre d'abord de façon générale, et ensuite Don Belch, qui est un fournisseur, pourra aborder à l'aspect pratique touchant l'entreprise.
En premier lieu, en regardant le tableau d'ensemble, on constate que l'examen administratif s'applique uniquement aux provinces qui sont déjà visées par une ordonnance d'antidumping. Le questionnaire a donc été envoyé à des entreprises dont Revenu Canada sait qu'elles ont déjà été impliquées dans l'exportation au Canada de biens sous-évalués.
En deuxième lieu, personne ne paye les tarifs de 87 p. 100 dont tout un chacun parle. Ce chiffre s'applique aux personnes qui refusent de coopérer avec Revenu Canada pour une enquête. Un certain nombre de personnes ont préféré se retirer du marché plutôt que de coopérer avec Revenu Canada; leurs exportations représentent 2,7 p. 100 de tels biens consommés au Canada en 1995. L'incidence n'est donc pas très grande.
M. Speller: S'agit-il des 100 entreprises dont parlait M. Taylor qui n'ont pas...
Mme Van Loon: Enfin, les entreprises qui ont décidé de coopérer avec Revenu Canada font encore l'objet d'un examen et leurs valeurs normales sont à l'étude. C'est la première fois que l'on étudie ces valeurs normales depuis leur établissement en 1993. Il est donc tout à fait raisonnable de les revoir et de s'assurer que les données sur lesquelles se fonde l'examen sont aussi complètes et détaillées que possible.
Je tiens à souligner qu'une de nos entreprises membres exploite une usine aux États-Unis et a dû remplir un de ces questionnaires. Elle a réussi à le faire assez facilement sans aide extérieure; il ne faut donc pas exagérer la difficulté de la tâche.
M. Don Belch (président, Comité sur le commerce, Association canadienne des producteurs d'acier): Je pense que cela répond vraiment à la question de M. Speller.
M. Speller: Ils disent que le prix des produits a augmenté ou augmentera au Canada à cause de cela, mais pas aux États-Unis. Ce serait certainement vu comme anticoncurrentiel pour les gens de notre industrie. Est-ce le cas?
M. Belch: Non, ce n'est pas le cas. Pure coïncidence, on a annoncé le 4 octobre 1996 une hausse du prix de ce produit, l'acier laminé à froid, qui doit prendre effet le 18 novembre 1996. Je dis «pure coïncidence» parce que les producteurs américains avaient déjà annoncé des hausses de prix en août pour le même groupe de produits.
Mais, ce qui est encore plus important quand on pense à l'industrie automobile, c'est que les producteurs de pièces eux-mêmes concluent des contrats annuels avec leurs clients et que nous, les producteurs d'acier, passons des contrats annuels avec les fabricants de pièces. Ainsi, quand ce fut le tour de la feuille d'acier laminé à froid, sujet de préoccupation de M. MacDonald, nous avions déjà conclu des contrats à long terme établissant les prix pour 1997 avec les principaux producteurs de pièces. Le coût de l'acier pour ces pièces en 1997 était déjà décidé avant que les hausses de prix soient annoncées à la population, et ces prix étaient généralement meilleurs que ceux demandés aux petits acheteurs.
M. Speller: Merci. J'aimerais entendre le point de vue des gens de l'industrie des pièces d'automobile.
M. Peter Clark (président, Grey, Clark, Shih & Associates Limited): Monsieur Dupuy, j'aimerais seulement faire quelques commentaires avant que M. Taylor vous fasse part de certaines de ses expériences.
Je trouve très intéressante la façon dont les gens utilisent les chiffres dans cette salle. Lorsque vous avez 10 p. 100 de votre marché qui est assuré par des importations... 2,7 p. 100 de biens consommés correspondent à 27 p. 100 d'importation, ce qui est un chiffre beaucoup plus réaliste. C'est la même chose que dire que 1 p. 100 des importations canadiennes totales fait l'objet de droits antidumping, pourtant si vous considérez uniquement les produits d'acier laminé à plat, vous obtenez un chiffre beaucoup plus élevé.
Le fait est, monsieur, que ces droits sont exigibles - 87,3 p. 100 sur l'acier laminé à froid - de chaque entreprise qui exporte au Canada, à part les cinq qui ont été mentionnées. Il y en a des gens qui ont expédié des produits et versé les droits exigés.
Nous déposerons devant le comité un certain nombre de lettres de fournisseurs américains qui n'ont pas l'intention de répondre à Revenu Canada parce que leur chiffre d'affaires au Canada ne justifie pas les coûts à engager. Je pense que M. Taylor peut nous dire quelque chose au sujet des hausses de prix.
M. Taylor: En ce qui concerne les hausses de prix, je ne sais vraiment pas ce qui s'est passé aux États-Unis, parce que nous ne les suivons pas pour ce qui est de l'acier laminé à plat. Lorsque nous achetons de l'acier, nous l'achetons des aciéries. Nous ne faisons affaire avec aucune aciérie américaine; ce sont toutes des entrepôts, donc tous des acheteurs au comptant. Ce n'est pas le cas ici.
Pour ce qui est des revues de contrats, je répète que nous ne faisons pas... La société Ford Motor vient de s'engager dans le programme d'approvisionnement à l'extérieur. Nous avions l'habitude d'acheter des matériaux directement de Dofasco et des aciéries, mais maintenant que Ford participe à ce programme, c'est elle qui achète ces matériaux. Nous en transformons 20 p. 100. Il n'en reste qu'une petite partie. Nous participons intégralement au programme d'approvisionnement à l'externe de General Motors et à celui de Chrysler. Nous participons aussi au programme de Nissan, ce qui veut dire que nous devons acheter des États-Unis parce que c'est là qu'elle s'approvisionne en acier.
Ce sont des réalités. Ce ne sont pas des chiffres de 1 p. 100 et de 0,5 p. 100. C'est notre quotidien. Quand nous en arrivons au point d'être obligés d'arrêter la production, nous devons avoir accès à notre matière première.
M. Speller: Merci.
Monsieur le président, j'ai une question précise pour M. MacDonald. En fin de semaine, je lisais dans le Globe and Mail que «les entreprises de pièces d'automobile plaident pour l'établissement d'un tarif». Je ne sais pas si vous avez vu cela.
M. MacDonald: Je ne l'ai pas vu.
M. Speller: C'est dans la section affaires canadiennes du Globe and Mail et cela dit: «Appuyez la cause des Trois Grands en faveur du maintien de la redevance prélevée par Ottawa sur les voitures importées».
Essentiellement, vous demandez d'une part la protection des autres fabricants d'automobiles, mais d'autre part vous laissez entendre que les producteurs d'acier, vos fournisseurs, ne devraient pas bénéficier de cette protection. Ne voyez-vous pas là une contradiction?
M. MacDonald: Permettez-moi de répondre à cela. Je suis heureux que vous ayez posé la question. Aucun fabricant de pièces d'automobile ne demande un amoindrissement de la protection contre les importations dommageables. Je veux que ce soit bien clair que l'accent est mis ici sur les besoins ponctuels et pressants d'acier étranger - les situations d'urgence. Nous ne parlons pas ici de grandes quantités d'acier. Nous n'achetons pas de grosses quantités, nous l'avons déjà dit, des États-Unis ou d'autres marchés. Nous achetons le gros, environ 90 p. 100 de notre acier, de source canadienne principalement. Nous n'achetons pas de l'acier américain parce qu'il coûte moins cher.
Nous parlons de situations où l'acier ne peut nous être livré dans les délais prévus. Nous avons besoin de cette soupape de sûreté. C'est la clé. Il y a ces cas-là et quelques autres cas dont j'ai parlé où le client mentionne spécifiquement des fournisseurs américains.
Le gros de l'acier vient du Canada. Nous parlons d'une source de rechange dans les cas particuliers que nous avons mentionnés. Je ne vois là aucune contradiction. Ce n'est pas du tout un marché protégé que nous demandons. De fait, nous demandons que le marché ne soit pas protégé. C'est quand on empêche les compagnies qui fournissent de l'acier provenant de l'extérieur du Canada de vendre de l'acier au Canada que nous voyons un marché protégé qui peut nuire aux intérêts de tout le monde. C'est dans les hausses de prix que nous voyons un marché protégé. Nous en avons parlé il y a quelques instants. Nous n'avons besoin de cette option que dans les cas d'urgence et dans quelques autres cas, pour acheter une petite quantité d'acier de l'extérieur.
M. Speller: Mais en même temps vous souhaitez une augmentation des tarifs prélevés sur les pièces d'automobiles venant de la Corée et de Toyota et...
M. MacDonald: Toyota a construit des usines et embauché environ 2 000 travailleurs à Cambridge en Ontario. Honda a aussi construit une usine, qui vient d'être agrandie à Alliston en Ontario. Ils investissent de l'argent au Canada pour accéder au marché et, franchement, leur position et celle de GM et de Ford, etc., doivent être prises en compte dans la politique tarifaire applicable aux véhicules automobiles complets. Mais je ne vois pas vraiment de rapport entre les deux questions. Nous ne demandons pas de protection indue. Nous parlons de situations d'urgence.
M. Taylor: Dans notre esprit, lorsque nous lisons cela dans le journal, nous pensons bien entendu qu'il y a une grosse différence entre imposer 6 p. 100 sur le véhicule et 150 p. 100 sur les matériaux du point de vue de la compétitivité.
Ken lui parle d'une soupape de sûreté, Nissan n'est pas une soupape de sûreté. Dans le cas de Nissan, il faut se demander si nous voulons que l'entreprise reste au Canada ou non? Voulez-vous qu'elle reste dans le secteur de la fabrication des pièces d'automobiles? Nous sommes trois dans ce secteur d'activité dans le sud de l'Ontario. Ils n'auront pas de problèmes en autant que les matrices sont alimentées. Nous voulons les contrats. C'est aussi simple que cela.
M. Speller: Ne serait-ce pas la même chose pour l'industrie sidérurgique qui veut faire des affaires ici au Canada plutôt que de les donner aux États-Unis?
M. Taylor: Ils pourraient nous fournir d'autres gammes de produits, mais ils sont déjà incapables d'exécuter leurs commandes actuelles.
Le coprésident (M. Dupuy): Monsieur Speller, nous venons de passer 12 minutes sur le sujet. Je vais donner la parole à M. Penson.
M. Penson (Peace River): Merci, monsieur le président. Il y a une diversité intéressante de personnes autour de la table aujourd'hui. Je me rends compte que les points de vue sont très différents.
J'aimerais revenir à ma question fondamentale, à savoir avons-nous vraiment besoin d'une législation sur le dumping dans ce pays? Je sais que les points de vue sont nombreux ici et je voudrais dire que dans une économie intégrée comme la nôtre au Canada et comme celle des États-Unis, où à peu près 87 p. 100 de nos exportations vont aux États-Unis, qui sont aussi notre plus gros fournisseur... Ne parlons-nous pas d'un produit qui nous arrive en grande partie du pays voisin tous les jours par camion, normalement? On ne parle pas de produits de dumping, de 50 millions de tonnes métriques d'acier venant de quelque autre pays, par exemple.
N'est-ce pas simplement pour rendre la monnaie de leur pièce aux États-Unis qui ont adopté une législation concernant le dumping que nous en avons une également, pensant qu'elle est nécessaire pour protéger nos intérêts? Toutes choses étant égales par ailleurs, si l'on pouvait changer cela, les États-Unis sont notre plus important partenaire commercial, ne serait-il pas dans notre intérêt de laisser les marchés déterminer ce genre de question et d'oublier complètement la question du dumping?
Je lance cela comme cela et j'aimerais entendre les commentaires des différents panélistes.
M. Le Boutillier: Dans un marché intégré, la réponse est oui, si nous considérons le Canada, les États-Unis et le Mexique comme un marché intégré, et c'est le cas. Nous expédions entre 30 et40 p. 100 de notre acier aux États-Unis. L'acier utilisé au Canada est importé à 30 p. 100. Nous pensons que, dans un marché intégré, il ne devrait pas y avoir de lois antidumping.
Depuis sept ans, nous travaillons, en tant qu'industrie, avec le gouvernement du Canada, nos homologues américains et le gouvernement des États-Unis à l'élaboration d'un meilleur régime entre les deux pays, que ce soit dans une perspective très générale ou selon une approche sectorielle. Nous n'avons avancé à rien, et, pourtant, nous devons soutenir la concurrence.
Nous devons attirer des investissements et continuer d'investir dans la sidérurgie au Canada. C'est à notre avantage. C'est à l'avantage de nos employés. C'est à l'avantage des consommateurs. Si dans 10 ans le Canada ne dispose pas d'une industrie sidérurgique vigoureuse, nos plus importants clients vont en souffrir gravement.
À long terme, c'est vrai, nous devrions abandonner les poursuites en matière de dumping des deux côtés de la frontière. Nous n'en sommes pas encore là. Notre plus important partenaire commercial s'est doté de lois qu'il trouve justes et continue d'appliquer; nous devons nous défendre et ne pas devenir le déversoir de dumping de ceux qui cherchent un marché pour leur acier autour du globe.
M. Penson: N'êtes-vous pas en fait en train d'essayer d'obtenir de meilleures conditions d'accès au marché américain? N'est-ce pas la raison pour laquelle vous voulez une législation «miroir», pour les amener à la table de négociation, si vous voulez?
M. Le Boutillier: «Miroir» n'est pas le bon terme. Nous n'essayons pas d'avoir une législation en tout point identique à celle des États-Unis. Mais à terme, nous aimerions certainement instaurer un régime plus ouvert avec les Américains pour le commerce de l'acier.
Regardez la production d'acier en amont et en aval: nous utilisons des ferrailles, du minerai de fer, de la houille, des produits qui traversent la frontière sans problème.
Nos clients, le secteur des pièces d'automobile, le secteur automobile ont le Pacte de l'automobile depuis 1963. Nous sommes pris entre l'arbre et l'écorce, et nous devons encore faire face année après année à ces poursuites concernant le dumping, ce qui veut dire des révisions, des coûts, qu'il s'agisse de pertes financières, de main-d'oeuvre, d'occasions perdues, de décisions en matière d'investissements. Tant que nous ne serons pas sur un pied d'égalité avec nos fournisseurs et nos clients, nous aurons besoin d'une protection quelconque. C'est tout ce que nous demandons.
M. Penson: Je voudrais continuer un peu sur ce sujet avant de passer à une autre question. Corrigez-moi si je me trompe, mais ce n'est pas tant la quantité de produits importés qui vous font concurrence qui vous préoccupe que l'accès limité dont jouit votre produit aux États-Unis. Ai-je raison?
M. Le Boutillier: Nous sommes prêts à livrer une saine concurrence. Notre acier est concurrentiel. Nous voulons l'accès au marché américain et nous n'avons rien contre l'acier produit aux États-Unis si son prix est compétitif. Nous sommes ouverts à cela.
Le coprésident (M. Dupuy): Monsieur Jarvis, voulez-vous faire un commentaire?
M. Jarvis: Oui, mais nous allons passer de l'acier aux pâtes alimentaires si vous me permettez ce bond prodigieux.
La première observation que j'ai faite dans mes propos liminaires portait précisément sur les produits agricoles et alimentaires. Je pense que même dans le marché nord-américain - et je pense que nous tous ici présents en sommes conscients - les produits agricoles sont subventionnés et continueront de l'être, et c'est certainement le cas pour ce qui est tant du commerce mondial que des produits agricoles.
Prenez les pâtes alimentaires, par exemple: 50 p. 100 de leur coût, c'est en fait le coût du blé dur et de l'eau. Donc, 50 p. 100 du coût des pâtes alimentaires est celui du blé qu'elles contiennent.
Les Européens subventionnent les producteurs de blé. J'ai reçu aujourd'hui dans le courrier un rapport qui dit que le ministère de l'Agriculture des États-Unis pourrait rétablir les subventions sur les exportations de blé. Ainsi, même les Américains maintiennent leurs programmes de subventions. Et on ne parle que du blé; ces programmes existent pour bien d'autres produits agricoles.
Je pense que les produits alimentaires et agricoles sont une catégorie de produits à part. C'est pourquoi j'aimerais prendre mes distances en tout cas avec les producteurs d'acier. Ce n'est pas un marché intégré. Je suis certain qu'il n'y a pas de tarifs. Il y a libre-échange des pâtes alimentaires comme telles, mais pour ce qui est des matières premières essentielles que nous produisons, l'industrie nationale est et continuera d'être subventionnée. Nous pourrions avoir besoin de protection contre cela.
M. Penson: M. Jarvis, lors du dernier cycle de négociations du GATT, l'Uruguay Round, l'agriculture a été incluse pour la première fois. Au moins, nous commençons à constater certains progrès dans l'élimination graduelle des subventions. Elle se fera à un rythme établi, tous les pays membres réduisant leurs subventions de la même façon pendant une période donnée.
Cela ne va-t-il pas être avantageux pour vous? Cela n'équilibre-t-il pas les règles du jeu pour ce qui est des conflits potentiels? Car tous les pays qui ont adhéré à cela, y compris les États-Unis, doivent éliminer graduellement ces subventions au cours d'une période donnée.
M. Jarvis: Je pense que les mots clés ici sont «élimination graduelle». Ce ne veut pas dire une élimination totale, surtout dans le cas de nombreux produits alimentaires - nous pourrions passer tout l'après-midi à les examiner un par un - mais les Européens ne sont certainement pas décidés à éliminer les subventions de leurs programmes en ce qui concerne le blé et bien d'autres produits, et les Américains non plus.
M. Penson: Verriez-vous d'un bon oeil que, lors du prochain cycle de négociations de l'Organisation mondiale du commerce, on veuille pousser encore plus loin l'élimination des subventions?
M. Jarvis: Absolument.
M. Penson: D'accord.
Le coprésident (M. Dupuy): Merci.
[Français]
Monsieur Duhamel.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci, monsieur le président. Même niveau de protection.
[Traduction]
J'ai l'impression qu'il y a vraiment deux écoles de pensée. Spontanément, j'ai envie de dire pourquoi pas? Je veux dire, jouons dur. Mais j'entends d'autres dire, soyons prudents, cela pourrait avoir des répercussions très graves.
J'aimerais dire quelques mots là-dessus. Est-ce que je comprends bien les choses, est-ce qu'il y a vraiment deux groupes, deux idéologies, deux écoles de pensée ici?
Mme Van Loon: Je pense qu'on s'inquiète à juste titre de l'utilisation d'intrants importés dans l'économie canadienne. Ceux-ci sont très importants. Le système canadien témoigne déjà d'une inquiétude encore plus grande pour cette question, et ce de nombreuses façons.
D'abord, la portée des décisions dans les ordonnances d'imposition de droits antidumping est généralement définie avec beaucoup plus de précisions qu'aux États-Unis. Prenons, par exemple, les produits automobiles, il y a, dans le cas de tous les produits importés et destinés à la réexportation, qui selon le document de l'AFTA, représentent 95 p. 100 de la production automobile, un «drawback» des droits payés. Le système canadien essaie déjà de tenir compte de cette différence entre le Canada et les États-Unis.
Cela dit, l'industrie sidérurgique est particulièrement vulnérable au dumping de produits de l'étranger parce qu'il y a surcapacité dans un certain nombre de régions du monde, et les très grosses compagnies peuvent se débarrasser d'un petit excédent seulement par rapport aux besoins de leurs marchés. Cela peut être très nuisible aux marchés canadien ou américain. Tant et aussi longtemps que ces entreprises voudront se débarrasser de leur excédent, mais qu'elles auront de la difficulté à pénétrer le marché américain, elles viendront au Canada.
Le coprésident (M. Duhamel): Pour être plus précis alors, vous voulez que nous soyons plus intransigeants?
Mme Van Loon: Oui.
Le coprésident (M. Duhamel): D'accord.
Ceux qui ne veulent pas que nous nous montrions plus durs, pourquoi?
M. MacDonald: Je doute que je puisse ajouter quoi que ce soit d'autre pour ce qui est des grands thèmes. Nous avons insisté sur la nécessité de sources de remplacement, au besoin. Je vais juste revenir sur certains points qui ont été soulevés par les autres intervenants à propos de la remise des droits de douane.
Le système de remise des droits de douane vous permet, lorsque vous importez un produit, en faites une pièce et la réexpédiez de nouveau au sud de la frontière, de ne pas être assujetti aux droits qui autrement auraient été exigibles et non remboursables. Cela à condition bien sûr que la pièce soit renvoyée dans le sud, ce qui n'est pas du tout certain dans notre industrie. Si General Motors demande à Fabco ou à un autre fabricant de pièces de fabriquer une pièce quelle compte installer sur les Cadillac qu'elle construit au Michigan, mais qu'elle décide ensuite d'utiliser également cette pièce pour sa Chevy Lumina ou un autre modèle construit au Canada, elle n'a, bien sûr, pas droit à une remise de droits dans ce cas.
La ferraille est un autre exemple de biens pouvant faire l'objet d'une remise des droits. Environ 85 p. 100 de l'acier importé par les fabricants de pièces est actuellement admissible à la remise. Les 15 p. 100 restants ne le sont pas.
L'autre aspect à considérer, outre la remise des droits, est le traitement intérieur. Ainsi, lorsque vous vendez suffisamment de produits au sud de la frontière, vous n'avez rien à verser, ni même un droit remboursable. Les dispositions relatives au traitement intérieur exigent cependant le dépôt d'une garantie spéciale. Si votre entreprise n'est pas suffisamment solvable pour offrir cette garantie, alors vous ne pouvez vous prévaloir des dispositions relatives au traitement intérieur; ce qui signifie que vous devez puiser à même vos liquidités pour payer les droits avant d'en obtenir la remise.
M. Taylor: Si je peux me permettre d'intervenir, un détail a peut-être échappé à Ken. Un certain nombre de règles ont été modifiées en ce qui concerne la remise des droits et Ken n'est peut-être pas au courant. Il n'est plus nécessaire d'offrir de garantie, etc.
Mais là n'est pas le seul problème. Vous ou d'autres semblez penser que tous les emboutisseurs exportent leurs produits.
Il existe à Windsor une petite entreprise appelée Titan Tools. Cette entreprise n'exporte pas tous ses produits et n'a pas accès aux usines. Elle n'a pas le tonnage requis. Les instituts, les entrepôts, etc., affirment qu'une pénurie est imminente parce que les usines sabrent dans leurs commandes. Vers qui l'entrepreneur se tourne-t-il alors pour obtenir ce dont il a besoin? S'il veut rester en affaires, il doit dès lors se tourner vers les États-Unis. Il n'exporte pas ce produit. Préféreriez-vous voir les petites entreprises d'emboutissage de ce genre fermer leurs portes? Parce que c'est ce qui va se produire si vous vous montrez plus ferme.
Grâce à l'ALENA et au Pacte de l'automobile, vous nous avez ouvert toutes sortes de possibilités extraordinaires. Ne nous faites pas reculer dans le temps juste pour vous montrer plus ferme envers les États-Unis, parce que ça ne fonctionnera pas. Ça aura l'effet contraire pour nous. Ce sont eux qui vont en profiter.
M. MacDonald: Tenez compte aussi des conséquences pour les petits fabricants de pièces ou les petites entreprises auxquelles M. Taylor fait référence. Ceux-ci peuvent fournir une sous-composante d'une pièce plus importante fabriquée, par exemple, par Magna. S'ils ne peuvent plus fournir la sous-composante en question, cela a une incidence sur Magna. Cela a des répercussions sur les employeurs et les exploitants plus importants.
M. Taylor: Nous avons un autre exemple que nous pouvons vous citer. Il met en cause un fabricant de piscines de Windsor. Celui-ci avait besoin d'acier galvanisé. Il s'est alors adressé aux usines. Il n'avait cependant pas suffisamment de tonnage pour l'obtenir directement des usines. On lui a dit de s'adresser aux entrepôts.
L'année suivante, lorsqu'il s'est adressé aux entrepôts, il s'est rendu compte que celles-ci ne pouvaient les leur fournir à cause de ce qui est arrivé. Les entrepôts n'ont pu obtenir l'acier des usines parce que l'offre en provenance de l'étranger a pratiquement été réduite à néant. Ce qui signifie qu'en tant que consommateur, si vous voulez vous faire installer une piscine hors sol dans votre cour arrière, vous risquez de devoir payer des droits de 155 p. 100 sur les matériaux bruts, sans quoi vous n'aurez pas de piscine ou vous devrez en faire installer une creusée, ce qui fera l'affaire de certains autres fabricants de piscines.
C'est ce qui nous attend. Prenez une entreprise de transport qui achemine par camion des produits Dofasco ou Stelco et différents matériaux d'entrepôt vers le sud. Si du jour au lendemain elle n'a plus d'acier laminé à froid, ni d'acier résistant à la corrosion à rapporter, elle perd sa charge utile.
Qu'arrive-t-il? Les prix du transport augmentent-ils? L'entreprise ne sera pas capable de s'en sortir. Donc, qui va payer la facture? C'est un cercle vicieux. Faire preuve d'une plus grande fermeté n'est pas la solution.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Dupuy): Monsieur Pearson.
M. Pearson: Le Conseil canadien du commerce de détail est aussi d'avis qu'il n'y a pas lieu d'être plus ferme. Je n'ai rien entendu de la part des associations de manufacturiers qui indiquent qu'en matière de dumping, si nous pouvons nous exprimer ainsi, dans le questionnaire auquel il est fait référence ici, Revenu Canada n'a pas été capable de faire preuve de diligence dans l'évaluation de larges marges de dumping. Depuis toujours, Revenu Canada a prouvé qu'il était très capable. Cette demande de plus grande fermeté ne vise pas, en autant que je puis dire, à offrir une protection supplémentaire au marché intérieur.
Je crois comprendre qu'il y a de la frustration de la part de l'industrie sidérurgique canadienne en ce qui a trait au traitement qui lui est réservé lorsqu'elle exporte vers les États-Unis et aux problèmes de dumping dont elle est victime, mais cette protection, ce resserrement des règles, ne devrait pas être guidée par la loi du talion, parce que cela pourrait mener à des représailles. Je pense que vous avez entendu l'Intervention de mon partenaire, Richard Gottlieb, à ce sujet, je ne vais donc pas m'attarder sur cette question.
Juste pour vous donner un exemple de comment les États-Unis resserrent leurs règles - et ils en sont bien capables, s'ils s'en donnent la peine, bien franchement - en ce qui a trait à l'acier, les cinq grands producteurs d'acier ont répondu à cette question. Ils n'aiment pas le faire, mais ils le font. Cela ne les a pas empêchés de répondre à des questionnaires et d'avoir accès à notre marché.
Comme mes compatriotes ici présents l'ont fait valoir, grâce à l'ALENA, les États-Unis ont obtenu l'élimination de la remise des droits antidumping et compensateurs. Si nous fabriquons un produit à partir de matériaux visés par des droits et l'expédions vers les États-Unis et le Mexique, nous n'aurons bientôt plus droit à une remise des droits antidumping ou compensateurs. C'est là une situation assez contraignante. D'après ce que j'en sais, cette mesure a été décidée à l'initiative des États-Unis.
Selon le Conseil canadien du commerce de détail, nous ne devrions pas nous concentrer - et notre expérience du commerce international au Canada le confirme - exclusivement sur le secteur manufacturier, sur les fabricants plutôt que sur les importateurs. Il y a d'autres secteurs, comme celui du commerce de détail, qui est davantage axé sur les services, qui contribuent de façon significative à l'économie canadienne et au PNB. Mme Brisebois nous a cité des chiffres à cet égard.
Si les détaillants doivent souffrir d'un éventuel resserrement des règles, on ne peut en faire fi. Les consommateurs, comme ils l'ont démontré à l'époque du magasinage transfrontalier, sont prêts à traverser la frontière si les prix deviennent trop élevés. Nous ne prétendons pas qu'avec les taux de change actuels cela va se produire, mais si les détaillants ne peuvent offrir un assortiment de produits de valeur aux consommateurs, ceux-ci ne vont pas acheter au Canada. Lorsque les coûts empêchent d'offrir aux consommateurs l'assortiment et la valeur qu'ils recherchent, c'est exactement ce qui se produit. Ce genre de situation est préjudiciable non seulement aux détaillants, mais aussi aux fournisseurs et aux fabricants.
Le coprésident (M. Dupuy): Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Cullen.
M. Cullen (Etobicoke-Nord): Je vous remercie, monsieur le coprésident.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de vos exposés. La LMSI est un domaine relativement nouveau pour moi, mais j'ai 20 ans d'expérience dans le secteur forestier, à l'échelle privée et publique, je suis donc assez au courant des mesures compensatoires prises par les États-Unis à l'égard du bois-d'oeuvre.
Lorsqu'on parle d'un resserrement des règles de la part des États-Unis, je m'interroge sur ce que les Américains pourraient faire de plus que ce qu'ils font déjà. J'éprouve une certaine sympathie... C'est une question tactique ou stratégique, je suppose, et je pense que M. Duhamel, si je peux me permettre de le faire remarquer, a raison lorsqu'il dit qu'en faisant preuve d'une plus grande fermeté, il faut s'attendre à une réaction de la part des États-Unis.
Je sais que du point de vue de l'industrie des produits forestiers, s'il y a un certain assouplissement de la part de l'autre partie, comme le fait valoir le Conseil canadien du commerce de détail, par exemple, en ce qui a trait à l'intérêt public, disons... L'industrie forestière aurait fait des pieds et des mains pour un certain durcissement des règles en matière d'intérêt public aux États-Unis. Nous avons essayé d'exercer des pressions auprès des constructeurs d'habitations et des gens qui achètent des maisons, mais cela ne s'inscrivait pas dans le cadre du processus officiel.
Pour ce qui est de l'aspect rétrospectif ou prospectif... et dans l'industrie du bois d'oeuvre, nous avons vu tout l'effet que pouvait avoir l'adoption d'une démarche rétrospective à l'égard de l'évaluation des droits. Certains dans l'industrie soutiendront... et je sais que l'ACPPP appuie la position des producteurs d'acier. Ils affirment pourtant défendre le libre-échange et appuyer vos objectifs d'ensemble.
Deux positions différentes sont possibles. On peut adopter la stratégie «oeil pour oeil, dent pour dent» et se montrer plus ferme dans l'espoir de faire bouger les choses. D'autres peuvent s'interroger sur les arguments que nous pouvons invoquer pour obliger les États-Unis à changer. Par exemple, prenons la méthode prospective par rapport à la méthode rétrospective. Si nous adoptons un système rétrospectif... Je ne veux pas répéter la question de M. Duhamel, mais peut-être que cet aspect mérite qu'on s'y attarde un peu. Si nous pouvions concevoir la souricière parfaite... Je sais que c'est impossible, mais il doit y avoir des éléments dans les deux systèmes qui seraient probablement profitables à tout le monde. Peut-être pourriez-vous élaborer là-dessus. Je sais que je fais référence ici à un monde idéal probablement impossible à réaliser, mais pourriez-vous élaborer sur ce que j'ai dit à propos des questions tactiques et stratégiques en cause?
M. Le Boutillier: Permettez-moi de formuler votre question de cette façon: le Canada ne s'expose-t-il pas à des représailles de la part des États-Unis en faisant preuve d'une plus grande fermeté? Nous devons être clairs à ce propos. Nous ne proposons pas que le Canada aille plus loin que les Américains. Nous proposons de rendre notre système plus comparable à celui des États-Unis, pas nécessairement identique, juste plus comparable. Ils peuvent difficilement s'objecter à cela.
Le Department of Commerce des États-Unis a récemment conclu que leur système était plus juste, transparent et équitable, et ils ne se plaignent pas de la présence de l'acier canadien sur le marché américain. Ils n'essaient pas de nous fermer leur frontière, pas plus que nous essayons de fermer la nôtre à l'acier américain.
Jusqu'à maintenant, lors des pourparlers entre gouvernements et des discussions avec notre industrie ou avec nos homologues américains, personne n'a envisagé une meilleure souricière. C'est là où nous en sommes.
Vous avez fait mention de la situation du bois d'oeuvre. Je ne peux imaginer une réaction semblable en ce qui concerne l'acier.
M. Cullen: Admettons que la LMSI soit renforcée, si je peux me permettre cette expression, quel genre de réaction ou de mesure de représailles pourrait adopter les États-Unis au pire des cas? Peut-être que les autres intervenants peuvent répondre eux aussi à cette question.
M. Taylor: Voudriez-vous qu'ils s'en prennent au Pacte de l'automobile? Moi non.
M. Clark: Bien franchement, ils ne pourraient pas faire quoi que ce soit. Nous mettrions fin à l'harmonisation en fonction du plus petit dénominateur commun.
Je pense que le ministre Martin a indiqué dans son communiqué de presse que le Canada essayait de mettre un peu d'ordre dans les échanges commerciaux internationaux et, en particulier, dans les lois commerciales déloyales. À mon avis, c'est très difficile de faire la leçon aux autres lorsqu'on n'est pas soi-même un modèle de vertu.
Le coprésident (M. Dupuy): Tout à fait, en particulier lorsqu'on a soi-même quelques petits péchés à se reprocher.
Des voix: Oh, oh!
M. Le Boutillier: Nous avons essayé de faire valoir à nos amis américains que si nous avions un marché intégré - et ils ont tendance à convenir que le marché Canada-États-Unis est intégré - nous pourrions adopter une démarche commune et décider ensemble des mesures à prendre à l'égard de l'acier importé de l'étranger qui est sous-évalué ou exagérément subventionné. Je pense que ce serait là une démarche très constructive. Nous essayons de vendre cette idée depuis des années. Nous continuons d'en parler mais personne jusqu'ici n'a tendu l'oreille.
M. Cullen: Monsieur le président, pourrais-je poser une question supplémentaire?
Le coprésident (M. Dupuy): Oui, bien sûr, monsieur Cullen.
M. Cullen: L'industrie sidérurgique américaine a fait l'objet de beaucoup de discussions. Dans le secteur forestier, qui est lui aussi constitué en grande partie de fabricants de produits de base, nous avons envisagé ce modèle aux États-Unis. Si vous regardez ce qui se produit dans l'industrie sidérurgique américaine - et vous me corrigerez si je me trompe, parce que je ne suis pas familier avec cette industrie - il y a des quantités énormes d'acier qui arrivent aux États-Unis en provenance de l'étranger. Prenez Pittsburgh, par exemple. Je me suis un peu intéressé à cette question. L'industrie sidérurgique dans cette ville était essentiellement en déclin. On a décidé de s'orienter vers les mini-usines ou vers les marchés à créneaux, si vous préférez. Cet acier qui arrive aux États-Unis n'est-il pas sous-évalué ou fortement subventionné et les États-Unis ne se sont-ils pas gardés de prendre des mesures de représailles?
M. Belch: Les États-Unis ont déjà eu à traiter avec des volumes importants d'acier importé déloyalement pendant les années 70 et 80. Ce commerce déloyal était, la plupart du temps, subventionné par des gouvernements étrangers mais, dans bien des cas, l'acier était sous-évalué.
L'industrie sidérurgique américaine s'est efforcée de régler le problème en recourant à la législation comme nous l'aurions fait avec la LMSI, mais chaque fois qu'une solution convenable était en vue, c'est-à-dire qu'on était près de s'entendre sur le montant des droits compensateurs ou des droits antidumping à imposer, le State Department des États-Unis intervenait pour proposer l'adoption de mesures parallèles afin de limiter les volumes d'importation. Cette façon de procéder n'envoie pas le bon signal au marché. Elle n'envoie pas le message que vous devez établir un prix équitable pour votre produit, que vous devez être suffisamment concurrentiel sur le marché.
Les États-Unis s'en sont donc longtemps tenus à cette façon de procéder. Ce n'est qu'en 1992 qu'ils ont modifié leur approche. Entre-temps, l'industrie avait amorcé son déclin dans la région de Pittsburg et avait présenté des plaintes antidumping. À ce moment-là, la situation était assez exceptionnelle puisque nous étions aussi partie à l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis et que nous envisagions la création d'un marché nord-américain intégré.
Tout comme le Pacte de l'automobile a permis une plus grande réciprocité des échanges, une rationalisation de la production dans les deux pays et une amélioration de la compétitivité de l'industrie de l'automobile et de l'industrie des pièces d'automobile, nous avons commencé à faire la même chose dans l'industrie sidérurgique. L'afflux de marchandises à destination du sud et en provenance du nord était beaucoup plus imposant.
Dans une situation du genre mettant en cause un dumping en provenance de l'étranger, il est très difficile pour l'industrie américaine d'entreprendre des démarches relativement au dumping et de ne pas écouter ses avocats, qui lui disent de faire intervenir le Canada parce que celui-ci fournira une masse critique grâce à laquelle il sera possible d'avoir gain de cause.
Nous avons donc été amenés à intervenir dans des causes où nous n'aurions pas dû légitimement intervenir. Ce n'est pas une conséquence de l'intégration croissante du marché, mais plutôt de l'incapacité des négociateurs de se pencher effectivement sur la question du commerce à l'intérieur de ce marché intégré lorsqu'est intervenu l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis.
Comme vous vous rappellerez, les deux gouvernements avaient cinq ans pour régler la question des droits antidumping et compensateurs, mais les États-Unis n'ont jamais entrepris ces négociations. Le délai a été prolongé de deux ans en vertu de l'ALENA, et encore une fois les États-Unis n'ont jamais abordé la question.
À mon avis, l'industrie américaine elle-même est appelée à changer au fil des ans. C'est une industrie très différente de ce qu'elle était. Elle compte un grand nombre de nouveaux producteurs, et ceux-ci sont plus axés sur le marché. Un jour viendra où on reconnaîtra peut-être que nous évoluons dans un marché intégré.
Dans l'intervalle, nous ne proposons pas de modifier les règles du tout au tout. Nous proposons d'y apporter certains changements qui sont relativement mineurs, compte tenu de la portée de la loi, afin de rendre l'application de la loi semblable dans les deux pays. Si vous ne faites pas cela, les investissements vont continuer à aller davantage vers les États-Unis que vers le Canada. Nous avons deux producteurs canadiens d'acier qui ont investi aux États-Unis depuis le début de ces différends commerciaux, et les raisons qui les ont amenés à le faire tiennent, en grande partie, au fait que cela les place à l'intérieur d'une frontière protégée et qu'il leur est ainsi beaucoup plus facile de faire des affaires. Ce mouvement va s'accentuer, si nous n'avons pas au Canada un régime comparable à celui des États-Unis.
Le coprésident (M. Dupuy): Monsieur MacDonald, vous souhaitez faire un commentaire?
M. MacDonald: Oui, mais je serai bref.
Les fabricants de pièces d'automobile seraient ravis que les règles concernant le dumping entre le Canada et les États-unis soient supprimées, ou que les deux pays assouplissent et harmonisent grandement ces règles. Nous savons par ailleurs que nous prendrions d'énormes risques en proposant de durcir nos propres règles dans l'espoir de persuader les États-Unis de modifier certaines des leurs. Je veux souligner par là que le marché canadien est restreint par rapport au marché américain. Comment pourrions-nous persuader les États-Unis de nous ouvrir davantage leur marché alors que nous leur offrons en échange d'accéder au nôtre, beaucoup plus petit? C'est un élément important à garder à l'esprit.
En outre, si je comprends bien, les producteurs d'acier détiennent déjà une importante part du marché américain. Ils exportent en effet 30 p. 100 de leur production aux États-Unis, et à cela il faut ajouter tout ce que les États-Unis importent sous forme de pièces.
Nous avons déjà décrit la situation de notre industrie, et je crois que les observations que nous avons faites ne nécessitent pas plus ample élaboration.
Le coprésident (M. Dupuy): Monsieur Jarvis, c'est à vous.
M. Jarvis: J'aimerais peut-être également réagir à l'observation de M. Cullen, et revenir à la situation de l'industrie des pâtes alimentaires.
En Amérique du Nord, l'industrie des pâtes alimentaires est fortement intégrée. Les entreprises exploitent en effet au Canada et aux États-Unis des usines qui fabriquent des produits destinés aux deux marchés. Lorsque survient une menace commune - comme les produits turcs et italiens dans le cas qui nous occupe - et que cette menace est confirmée, il y aurait peut-être moyen de trouver ensemble une solution, en recourant par exemple à une mesure de sauvegarde prévue dans l'Accord de libre-échange.
Le coprésident (M. Dupuy): Je vous remercie, monsieur Jarvis.
Monsieur Graham, c'est à vous.
M. Graham (Rosedale): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont pris la parole cet après-midi, ainsi que les organisateurs de ce débat captivant. Je crois que nous avons réussi à cerner précisément le problème auquel nous sommes confrontés, qui est d'établir un juste équilibre entre les règles fondamentales et les règles procédurales de droit, pour que les producteurs canadiens légitimes, dans ce cas-ci les producteurs d'acier, de pâtes alimentaires et de sucre, soient à l'abri de toute concurrence déloyale.
Nous devons également veiller à ce que les consommateurs canadiens de produits importés ne soient pas désavantagés par des prix trop élevés en raison des règles que nous avons adoptées - je pense bien sûr au cas bien connu des exportateurs et des négociants d'automobiles. Ce que je ne comprends toujours pas, et je suppose que d'autres sont dans mon cas, c'est que la situation se répète. Lors de la dernière réforme, on avait tenté de pondérer les lois, alors qu'on s'était déjà penché sur toute la question il y a huit ou dix ans.
Vu l'évolution du contexte mondial, les marchés canadien et américain sont fortement intégrés. Avec le Mexique, l'intégration n'est pas aussi avancée, mais elle l'est déjà plus qu'il y a dix ans sous le régime de l'Organisation mondiale du commerce. Nous sommes cependant toujours aux prises avec le même débat et l'ancien modèle, et c'est ce qui nous préoccupe. Nous devons, je crois, définir une nouvelle organisation car il faudra du temps avant qu'on s'attaque de nouveau à cette tâche. Pouvez-vous nous y aider?
Nous avons écouté. Or, voyez les conséquences du marché intégré. Nous connaissons le point de vue des producteurs d'automobile. S'il leur en coûte plus cher de produire ici, ils déménageront leurs entreprises aux États-Unis. On ne procédait pas de la sorte auparavant, les produits étaient tout simplement plus chers. Aujourd'hui, des centaines d'industries opèrent de cette façon et n'hésiteront pas à déménager aux États-Unis et même au Mexique. Nous sommes bien conscients de cela. Beaucoup d'usines de pièces d'automobile déménagent facilement, et il y a des fabricants dans toutes les régions.
Le cas des pâtes alimentaires constitue aussi un excellent exemple. Le secteur est confronté à la proximité des États-Unis... qui viennent maintenant pratiquer le dumping ici. J'ai entendu parler des expéditions de blé dur vers les États-Unis, qui font en sorte que le prix du blé dur canadien plafonne. Je me suis entretenu avec quelques fabricants de pâtes alimentaires américains, qui jugent la situation inquiétante. Les Américains importent maintenant des pâtes italiennes, et les fabricants de pâtes du pays sont en très mauvaise posture parce qu'ils ne peuvent se procurer du blé dur canadien, moins cher que l'américain. Le même scénario se répète sans fin, et l'industrie du sucre vit la même situation.
Aux producteurs d'acier, je pose toujours la même question. Comment peut-on justifier de ne pas tenir compte des difficultés que rencontrent l'ensemble des secteurs pour résoudre un problème particulier à une ou deux industries? Votre industrie a-t-elle des idées constructives et innovatrices à proposer pour résoudre les difficultés des autres secteurs?
Je connais les divers points de vue sur la question, et M. Belch nous a fait connaître le sien. Nous n'avons pas réussi à trouver des solutions bilatérales ou multilatérales, nous n'avons pas mis en place de nouvelles règles internationales pour remplacer les règles nationales.
M. Jarvis s'est dit d'avis que si nous adoptons une politique de tarifs douaniers, nous devrions prévoir dans l'ALENA des droits de dumping et des droits compensateurs pour les pays étrangers.
Je sens que comme d'habitude, le président souhaite que je pose une question et comme toujours, j'ai attendu la fin pour la poser, comme me l'a appris M. Penson.
Ma question s'adresse à tous les participants présents dans cette pièce, aussi bien les producteurs que les consommateurs. Croyez-vous que la suggestion qui a été faite est raisonnable? Après avoir conclu l'Accord de libre-échange, il faudrait que nous adoptions un tarif douanier commun, ce qui signifie en fait créer un marché commun. Les producteurs et les consommateurs canadiens sont-ils prêts pou un tel changement? Si ce n'est pas le cas, nous ne pouvons pas adopter une résolution visant à nous protéger de l'importation d'acier brésilien ou de pâtes italiennes, tout en continuant à protéger le marché nord-américain. Cette décision nécessiterait une évolution considérable.
Le coprésident (M. Dupuy): Est-ce que quelqu'un souhaite réagir à cette intervention?
Mme Marsden: J'aimerais tout simplement dire que la question est très vaste.
M. Graham: Je m'excuse qu'elle ait été aussi longue.
Mme Marsden: Je crois qu'il convient de poser cette question s'il est possible que se crée au Canada une véritable économie de libre marché. Nous pourrions peut-être envisager d'adopter une politique commune à l'égard du dumping, de la perception de droits compensateurs, de l'adoption de mesures de sauvegarde, et ainsi de suite. Certains secteurs du marché sont toutefois intégrés alors que d'autres ne le sont pas. Des industries très diverses sont représentées ici aujourd'hui, et bien qu'elles possèdent certains éléments communs, elles présentent également des différences.
Comme je l'ai déjà mentionné, la LMSI a été utile pour nous au Canada en raison de sa transparence et de la place qu'elle accorde à l'intérêt public, ce qui permet de résoudre beaucoup des difficultés liées notamment aux conséquences pour les consommateurs. C'est pourquoi je doute que les pays de l'ALENA puissent, à partir du mode de fonctionnement actuel, adopter une politique commune efficace.
Nous pouvons sûrement nous inspirer des pratiques américaines pour rationaliser notre mode de fonctionnement, mais je crois que pour l'essentiel, la LMSI atteint bien son but en ce sens qu'il s'agit d'une mesure provisoire. Lorsqu'il n'y a pas de libre-échange, il faut se protéger de la concurrence et des subventions déloyales... Peut-être plus tard n'aurons-nous plus besoin d'une telle mesure, mais elle est sûrement nécessaire aujourd'hui.
M. Graham: Je vous remercie, monsieur le président.
Le coprésident (M. Dupuy): Merci, monsieur Graham.
Monsieur Pearson.
M. Pearson: Le conseil est, dans l'ensemble, favorable à l'adoption d'un tarif extérieur commun, car à l'heure actuelle les détaillants américains possèdent un net avantage sur ceux du Canada. Je parle ici d'un tarif douanier et non de droits spéciaux. Lorsque des marchandises passent la frontière et qu'elles ont déjà été importées aux États-Unis, elles tombent souvent, à raison ou non, sous le régime de l'ALENA. Nos voisins du Sud seraient donc en faveur de l'adoption d'un tarif extérieur commun.
Il faut voir si ce tarif peut être s'appliquer aux catégories de droits prévues dans la LMSI. Je crois qu'il ne serait pas réaliste de s'attendre, par exemple, à ce que les États-Unis adoptent un système qui interdit la protection antidumping. Beaucoup de produits canadiens sont exportés aux États-Unis... des groupes particuliers de gens d'affaires s'élèvent contre cette exportation lorsque des pratiques commerciales déloyales sont utilisées. Je crois que nous devons nous fixer des objectifs réalistes.
Il faut également garder à l'esprit que la LMSI vise, comme mentionné dans le préambule, à protéger l'industrie canadienne des pratiques commerciales déloyales, ce qui n'a rien à voir, même indirectement, avec les intérêts des producteurs canadiens qui exportent sur les marchés étrangers. La loi statue séparément à cet égard, et c'est ce dont nous avons convenu dans le GATT. Les pays ont convenu d'adopter ce genre de mesure pour protéger leur propre industrie.
Je crois qu'il n'est pas réaliste de vouloir appliquer plus strictement la LMSI pour, comme le propose l'industrie sidérurgique, nous ménager une plus grande part de marché au détriment des industries américaines.
J'aimerais aussi aborder la question soulevée par mes collègues de l'industrie des pâtes alimentaires concernant la Turquie et d'autres détournements qui se produisent lorsque les États-Unis appliquent leurs lois de façon à favoriser leur propre industrie et que nous ne faisons pas de même. À ce sujet, vous vous rappellerez que les États-Unis ont intenté des poursuites contre la Turquie et l'Italie et ont eu gain de cause. Au Canada, des poursuites n'ont été engagées que contre l'Italie. On trouvait également des pâtes turques sur le marché canadien - je ne dis cependant pas qu'il y en avait de grandes quantités - mais autant que je sache, les producteurs de pâtes alimentaires n'ont pas intenté d'action contre la Turquie.
Sur le marché canadien, aucun préjudice n'a été causé. Je ne sais pas comment les choses se sont passées aux États-Unis, mais je présume qu'ils savent comment régler les problèmes séparément. Si, effectivement, les produits turcs qui à l'origine étaient destinés aux États-Unis ont été détournés vers le Canada, les producteurs canadiens peuvent en vertu de la loi déposer une nouvelle plainte. Ils font cependant face à une difficulté, monsieur le président, car ils n'ont pu établir que la présence des pâtes italiennes leur avait causé un préjudice. Mais si celle des pâtes alimentaires turques pose des difficultés plus grandes, et que si effectivement du dumping ou des subventions sont en cause, ils peuvent recourir à cette solution.
Le coprésident (M. Dupuy): Avant de passer la parole à MM. Belch et Le Boutillier, je veux vous informer que la sonnerie de 17 h 30 se fera bientôt entendre, en prévision du vote de 17 h 45. Nous devrons donc raccourcir les questions et les réponses. Je m'excuse auprès de mes collègues qui comptaient prendre la parole de nouveau, mais nous devons suivre les règles de la Chambre.
D'abord M. Belch, puis M. Le Boutillier.
M. Belch: J'aimerais répondre à la question de M. Graham. Il est vrai qu'en Amérique du Nord les marchés de nombreux produits sont intégrés. Lorsqu'il est question de pâtes alimentaires,M. Jarvis tente toujours d'attirer l'attention sur les producteurs d'acier, mais rien ne nous empêche de revenir aux pâtes. Ces deux secteurs évoluent sur un marché intégré et sont confrontés à des pratiques commerciales déloyales d'autres pays. Les Américains - aussi bien le secteur des pâtes alimentaires que l'industrie sidérurgique - ont été très réticents à chercher des solutions communes au problème.
L'industrie sidérurgique se trouve actuellement dans une situation presque semblable. Depuis un certain temps, le marché américain est inondé d'acier russe, et le Canada se trouvera bientôt dans la même situation.
Le Canada fabrique des produits en acier qu'il expédie aux États-Unis, et nos voisins du Sud nous expédient leurs propres produits en acier. Je crois que l'industrie sidérurgique, des deux côtés de la frontière, commence à se rendre compte que si les choses continuent de cette façon, toute l'organisation industrielle du marché intégré sera sapée.
Les industries canadienne et américaine ont exposé le problème à leurs gouvernements, et celui-ci sera étudié aujourd'hui à Paris par le comité de l'acier de l'OCDE.
Je crois que plus les gouvernements américain et canadien collaboreront ensemble, plus il y aura de chances qu'on arrive à définir une politique commerciale pour l'Amérique du Nord et pour les autres pays.
Le coprésident (M. Dupuy): M. Peter Clark a demandé la parole, et ce sera ensuite au tour de Mme Van Loon.
M. Clark: Je serai très bref vu le peu de temps dont nous disposons.
Je crois que si le Canada et les États-Unis s'entendent sur une politique et des règles commerciales, sur un tarif douanier et sur les pratiques déloyales à interdire, les États-Unis n'auront aucune bonne raison de ne pas adopter des règles antidumping communes.
Les politiciens auront ensuite à décider s'ils sont d'accord ou non avec cette orientation, et s'ils veulent qu'elle fasse partie de leur plate-forme électorale aux prochaines élections.
Le coprésident (M. Dupuy): Madame Van Loon.
Mme Van Loon: J'aimerais poser une question. Si les États-Unis croient que leur législation vaut mieux que la nôtre, comment pouvons-nous penser que notre exemple leur fera bonne impression?
Le coprésident (M. Dupuy): Il semble que cette question soit d'ordre surtout théorique, car personne ne semble prêt à y répondre.
Je vous remercie beaucoup d'avoir assisté à cette séance et de nous avoir fait part de votre point de vue.
J'aimerais rappeler à mes collègues que la prochaine séance aura lieu le 18 novembre à 15 h 30, à la pièce 269 de l'édifice de l'Ouest. Merci beaucoup.
La séance est levée.