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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 mai 1996

.1532

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Oliver): Je vous demande votre attention, s'il vous plaît. La séance du Comité mixte spécial sur un code de conduite est ouverte.

Notre ordre du jour prévoit un exposé de M. James Robertson, de la Bibliothèque du Parlement, qui nous exposera les questions à l'étude et nous donnera un bref aperçu de certains des témoignages déjà entendus par le comité.

J'aimerais d'abord que M. Robertson nous donne un aperçu complet de toute la question à l'étude avant que nous posions nos questions. Je vous demande donc de réserver vos questions jusqu'à ce qu'il ait terminé. Nous pouvons préparer une liste de questions et les lui poser après son exposé. Il aura donc l'occasion de nous décrire toute la situation.

Si nous sommes d'accord, M. Robertson a maintenant la parole. Vous avez une question?

[Français]

Mme Tremblay (Rimouski - Témiscouata): Madame disait qu'on avait une motion. Est-ce qu'on peut y voir tout de suite, pendant qu'on a le...

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Oliver): Non, nous devons être plus nombreux pour examiner des motions.

[Français]

Mme Tremblay: Très bien.

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Oliver): Lorsque d'autres membres du comité arriveront, je saisirai le comité d'une autre motion. Nous devons cependant être plus nombreux.

Je vous en prie, monsieur Robertson.

M. James Robertson (Service de recherche, Bibliothèque du Parlement): Merci, monsieur le président.

Je fais partie du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement et je suis affecté à votre comité depuis le début. Je tiens à souligner que ma collègue, Margaret Young, du Service de recherche, travaille aussi pour le comité. Elle participe en ce moment à une autre réunion, mais nous avons préparé cet exposé ensemble. Elle se joindra à nous si notre réunion se poursuit après que l'autre réunion à laquelle elle assiste sera terminée.

Comme le sénateur Oliver l'a mentionné, l'objet de la séance d'information d'aujourd'hui est de renseigner les nouveaux membres du comité sur ce qui s'est passé au comité au cours de la dernière session, en plus de rafraîchir la mémoire de ceux et celles qui étaient déjà membres du comité quant à ce que nous ont dit les témoins.

Le comité a été créé il y a environ un an et a tenu diverses réunions à l'automne 1995. Je vais résumer les principaux arguments présentés par les témoins qui ont comparu au comité, en mettant l'accent sur les thèmes ou les questions les plus pertinentes aux délibérations du comité. Je signale que de très nombreuses discussions intéressantes et importantes ont eu lieu avec un certain nombre de témoins, mais dans certains cas, elles allaient au-delà du concept même d'un code de conduite. Cependant, nous pourrons discuter plus tard de ce qu'ils ont dit au cours de ces discussions.

.1535

À la fin, nous discuterons de certaines des questions qui ont surgi dans le contexte des séances du comité. Au début, je tiens à signaler qu'un cahier d'information a été préparé à l'intention des membres du comité, et je crois qu'on l'a distribué à tous. Il contient des renseignements de nature générale sur la question des conflits d'intérêts en particulier et dans une certaine mesure sur le code de conduite. On y présente certains renseignements de base et on relate l'évolution de cette question, qui fait l'objet de discussions depuis un certain nombre d'années au palier fédéral. Ce cahier contient une foule de documents, notamment divers projets de loi d'initiative ministérielle, des documents sur l'affaire Sinclair Stevens, et même le rapport Sharp-Starr, qui remonte au début des années 80.

Le document le plus pertinent est peut-être le rapport du comité qui a précédé le vôtre, et qui était un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur le projet de loi C-43. Ce comité, qui était présidé par le sénateur Stanbury et M. Blenkarn, a préparé un rapport et formulé un certain nombre de recommandations en vue de l'établissement d'un régime relatif aux conflits d'intérêts pour les députés et les sénateurs. Il y a eu des problèmes avec le gouvernement précédent, qui voulait son propre régime. Le comité parlementaire et le gouvernement n'ont pu en venir à un accord, et la question n'a jamais été résolue.

Le rapport de ce comité est inclus dans ce cahier, et il sert de base à une grande partie des témoignages entendus au comité. Il donne probablement un point de départ, du moins dans certains domaines, aux délibérations du comité.

Je pense qu'on a distribué une note d'information contenant la liste des témoins qui ont comparu devant le comité. Nous les avons regroupés dans sept catégories différentes. À côté de chaque nom figure le numéro du fascicule des délibérations du comité où apparaît le témoignage en question. Par conséquent, si vous voulez plus de détails sur ce qu'ils ont dit, vous pouvez lire le compte rendu de leur témoignage.

En bref, la première catégorie est celle du gouvernement et du Parlement, qui comprend des personnes comme M. Wilson, conseiller en éthique, Mitchell Sharp, conseiller en éthique auprès du premier ministre, Mark Audcent, conseiller parlementaire auprès du Sénat, et Diane Davidson, avocate générale auprès de la Chambre des communes.

Le comité a ensuite entendu un certain nombre de commissaires des provinces. Ils tenaient une réunion à Ottawa, et nous avons pu en réunir cinq d'entre eux. M. Evans, de l'Ontario, a également comparu séparément.

Je dois signaler que le jurisconsulte du Québec avait été invité à comparaître devant le comité, mais il n'était pas en bonne santé, et son mandat achevait, de sorte qu'il a décliné l'invitation. Les noms de ceux qui ont comparu sont énumérés sous la rubrique Commissaire des provinces.

Le comité a également entendu un certain nombre de spécialistes des sciences politiques, qui ont pour la plupart déjà écrit au sujet des questions d'éthique et de conflit d'intérêts. Nous avons entendu un représentant d'un groupe d'intérêts public appelé Démocratie en surveillance. Nous avons entendu aussi deux lobbyistes du secteur privé et un certain nombre de représentants des médias. Nous avons entendu notamment l'éditeur du Citizen et celui de l'Ottawa Sun, ainsi que deux journalistes de renom, Don McGillivray et Hugh Winsor. Il y a eu enfin deux consultants du secteur privé qui conseillent diverses entreprises du secteur privé sur des questions d'éthique, M. Grainger et M. Nitkin.

Et comme je l'ai dit, à côté de chaque nom figure le numéro du fascicule des délibérations où vous trouverez le compte rendu de leur témoignage.

M. Wilson, conseiller en éthique du gouvernement du Canada, a été le premier témoin à comparaître devant le comité. Il a présenté un certain nombre d'arguments. Il s'est dit d'avis qu'il était très important que le comité ne limite pas les activités non parlementaires des simples députés et des sénateurs, parce que cela pourrait limiter la variété de gens qui pourraient vouloir devenir parlementaires, et parce que l'on reconnaît qu'il y a une différence entre le pouvoir et l'accès à l'information dont jouissent les parlementaires comparativement aux ministres, aux secrétaires d'État et aux secrétaires parlementaires.

.1540

Il a cependant admis une fois que des conflits d'intérêts surgiraient...

[Français]

M. Laurin (Joliette): Est-ce que le témoin parle de documents que nous avons entre les mains en ce moment?

Mme Tremblay: Quand il parle des fascicules 1, 2 et 3, où sont ces fascicules? Issues 1 and 2, qu'est-ce que c'est au juste?

[Traduction]

M. Robertson: Je suis désolé. Le numéro de fascicule correspond au compte rendu des délibérations du comité précédent. C'est indiqué seulement à titre de référence future. Il n'y a pas d'autres documents. Il s'agit des Procès-verbaux et témoignages du comité. Je m'excuse de la confusion.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Est-ce dans le document qu'on a distribué?

M. Robertson: Non, les membres du comité devraient les obtenir du service de distribution ou par l'entremise de la greffière. La greffière pourrait probablement les faire parvenir aux membres du comité qui les demanderont.

[Français]

M. Laurin: Je pensais que le témoin parlait d'un document que nous avions déjà entre les mains. Je n'en demande pas une copie.

[Traduction]

M. Robertson: Non, le seul document est la liste des témoins qui ont comparu devant le comité, et nous avons préparé cela à titre de référence future, et non pour l'exposé d'aujourd'hui.

M. Wilson a en effet reconnu et signalé que des conflits d'intérêts pourraient survenir parce que vous avez des parlementaires qui représentent leurs commettants. Il estimait que la meilleure façon de résoudre cette question réside dans la divulgation, c'est-à-dire en s'assurant qu'on divulgue les actifs, les passifs et les activités non parlementaires, et cela comprendrait une divulgation des actifs et des passifs des conjoints et des personnes à charge.

Il a également préconisé qu'on envisage comme option le retrait, c'est-à-dire que lorsqu'un parlementaire se trouverait dans une situation de conflit d'intérêts, il ou elle devrait s'abstenir de participer à la décision en question, mais ce serait un cas relativement rare.

M. Wilson a remarqué que le code pourrait contenir un ensemble de principes. Il a fait allusion au code du premier ministre à l'intention des ministres, que nous avons inclus dans le cahier d'information. Il commence, dans la partie un, par une liste de dix principes généraux qui doivent régir les actions et le comportement des ministres et des secrétaires parlementaires auxquels le code s'applique.

Il y a également un rapport qui vient de paraître en Grande-Bretagne, le rapport Nolan, qui fait aussi référence à certains principes généraux.

M. Wilson a soulevé un certain nombre d'autres questions, y compris l'acceptation de voyages et de cadeaux, ainsi que la nécessité de mettre à jour les dispositions relatives aux contrats dans la Loi sur le Parlement du Canada. Cette loi contient des dispositions distinctes pour le Sénat et la Chambre des communes. Dans les deux cas, elle empêche les députés et les sénateurs de signer des contrats avec le gouvernement du Canada ou de participer à des contrats, en particulier lorsqu'il s'agit de travaux publics. Cela a créé une certaine confusion, et il est évident que ces articles doivent être mis à jour.

M. Wilson était d'avis qu'un bon point de départ pour la discussion pourrait être le rapport du comité mixte précédent, qui a formulé un certain nombre de recommandations sur la mise à jour et la modification de ces articles. Il a également fait remarquer que la loi ontarienne vient d'être modifiée et contient des indications pouvant nous guider quant aux dispositions relatives aux contrats. Par exemple, un député ou un sénateur peut avoir un intérêt dans une entreprise ou être actionnaire d'une société. Tant que le parlementaire ne s'occupe pas des activités quotidiennes de cette entreprise, rien n'empêche l'entreprise de conclure des contrats avec le gouvernement.

M. Wilson a également remarqué qu'il serait bon d'avoir quelqu'un qui donne des conseils sur des questions liées à un code de conduite, mais il n'a pas appuyé l'idée d'avoir un mécanisme indépendant pour l'application du code. Il a dit que les greffiers des deux Chambres pourraient peut-être être les personnes auxquelles la divulgation serait faite, et il s'est dit d'avis que le fait que ces personnes rempliraient cette fonction ne soulèverait pas trop de controverses.

En ce qui concerne la question du lobbying, M. Wilson n'a pas formulé de propositions spécifiques quant à la façon dont ce secteur pourrait être régi par le code de conduite.

.1545

En résumé, il estimait que les députés et les sénateurs devraient être assujettis à un code de conduite modeste qui inclurait certaines exigences relatives à la divulgation, mais sans plus, ajoutant qu'il serait peut-être bon d'y inclure certaines règles spécifiques quant aux cadeaux et aux voyages, mais sans plus, ainsi que des principes généraux qui établiraient un équilibre entre les intérêts privés et les responsabilités publiques. Il a pris soin de préciser que le code devrait être relativement modeste.

Le comité a également entendu Diane Davidson, avocate générale auprès de la Chambre des communes, ainsi que Mark Audcent, légiste adjoint et conseiller parlementaire du Sénat. Leur témoignage a été très utile, car ces témoins traitent confidentiellement avec les députés et les sénateurs qui viennent leur demander conseil ou de l'aide, et ils connaissent donc les problèmes que pose la loi actuelle, ainsi que le type de questions et de difficultés avec lesquelles les parlementaires sont aux prises.

M. Audcent a passé en revue les dispositions actuelles de la Loi constitutionnelle, de la Loi sur le Parlement du Canada et du Code criminel, ainsi que le Règlement du Sénat et celui de la Chambre des communes.

Il a fait remarquer que les dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada portant sur les contrats ont un urgent besoin d'être modernisées. Ces dispositions existent depuis 1878 et n'ont pas été beaucoup changées depuis. Il a également dit qu'il était difficile d'appliquer aux parlementaires les dispositions du Code criminel, parce qu'il y est question de fonctionnaires, et les députés et les sénateurs ne sont généralement pas considérés comme étant des fonctionnaires du Parlement. Les tribunaux ont donc eu certaines difficultés à trouver comment appliquer ces articles aux politiciens.

M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Monsieur le président, je voudrais demander l'indulgence de tous et interrompre nos délibérations un instant seulement.

Étant donné la grande taille de notre comité, il est difficile d'obtenir le quorum, mais, par chance, un autre membre du comité vient d'arriver, tout à fait spontanément. Étant donné cette spontanéité, je veux en profiter pour proposer la motion suivante, maintenant que nous avons le quorum nécessaire pour adopter des motions: que, nonobstant la motion adoptée le jeudi 23 avril 1996, le comité rembourse les frais de déplacement de deux témoins du groupe ETHOS.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Vous avez entendu la motion. Quelqu'un veut-il en débattre?

Le sénateur Di Nino (Ontario): Est-il possible d'avoir une idée approximative de ce que cela va coûter?

M. Boudria: C'est simplement pour deux témoins.

Le sénateur Di Nino: Oh, je vois. C'est donc le tarif habituel.

M. Epp (Elk Island): Ces témoins viennent-ils de France?

Le sénateur Di Nino: Non, du Québec.

M. Epp: Je ne savais pas si nous autorisions les déplacements dans le monde entier.

Le coprésident (le sénateur Oliver): En temps normal, nous remboursons les frais de déplacement d'un témoin qui comparaît devant le comité. Dans ce cas précis, ils viendront à deux, et nous voulions leur fournir une aide financière pour venir du Québec à Ottawa en vue de comparaître devant notre comité. Nous demandons donc au comité d'approuver le remboursement des frais d'une personne de plus.

M. Epp: Pourquoi faire? Est-il vraiment nécessaire d'entendre deux témoins? Un seul ne suffit pas à présenter la position du groupe?

M. Boudria: Il y a un certain nombre de raisons, et notamment le fait que le Code civil en vigueur au Québec est différent et que la législation québécoise dans ce domaine est la plus avancée de toutes. En outre, je pense que nous n'avons pas encore entendu de témoins du Québec.

Au lieu d'inviter deux groupes différents à comparaître, nous aurons deux témoins qui représentent le même groupe - c'est ce qu'ils souhaitent apparemment - pour nous présenter leur mémoire. Soyons honnêtes: ça ne coûte pas vraiment très cher pour venir de Montréal.

[Français]

Mme Tremblay: Un aller-retour Rimouski-Montréal en avion coûte plus de 1 000 $. C'est deux fois plus cher qu'un aller à Paris pour une personne.

[Traduction]

La motion est adoptée

Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci beaucoup.

Veuillez excuser cette interruption, monsieur Robertson. Veuillez poursuivre.

M. Robertson: Je comprends qu'il vous faille profiter du quorum lorsque vous l'avez.

Comme je le disais, M. Audcent, légiste adjoint et conseiller parlementaire auprès du Sénat, a signalé certains obstacles auxquels on s'est heurté, compte tenu du libellé actuel du Code criminel, où il est question de fonctionnaires, ou officials; il y a aussi certains problèmes liés aux dispositions actuelles de la Loi sur le Parlement du Canada qui sont tout à fait dépassées.

.1550

Il a fait remarquer également que, d'après son expérience, un grand nombre de sénateurs lui demandent conseil. Il est en mesure de les aider, mais il doit les avertir qu'il leur donne simplement son appui personnel et que cela n'a qu'une valeur restreinte. Il a dit que s'il était possible de concevoir un système grâce auquel les sénateurs et les députés pourraient obtenir des conseils fiables, cela leur faciliterait nettement la vie.

Mme Davidson, de la Chambre des communes, a signalé que depuis le début de la nouvelle législature, le Bureau de régie interne a adopté des règlements administratifs concernant l'utilisation des ressources mises à la disposition des députés par la Chambre des communes. Selon elle, cela a beaucoup atténué bon nombre des problèmes qui se posaient par le passé, tout en donnant aux députés une orientation plus précise qu'auparavant.

Elle a également signalé qu'au début de la législature son bureau a communiqué avec tous les députés en leur offrant de les rencontrer pour discuter de questions relatives aux conflits d'intérêts. Bon nombre des députés ont accepté cette offre. Là encore, ce rôle éducatif que joue son bureau est très important et été bien accueilli.

De concert avec M. Audcent, elle a reconnu que les dispositions actuelles de la Loi sur le Parlement du Canada posaient des problèmes, qu'elles suscitaient beaucoup de confusion et d'incertitude et qu'elles ont même créé des problèmes pour certains députés.

Quant à la forme que devrait prendre le code de conduite, M. Audcent et Mme Davidson semblent tous deux opter pour un code non législatif mis en place par le biais d'une résolution de la Chambre plutôt que par une loi du Parlement.

Quant à savoir qui sera chargé d'appliquer ce code, qu'il s'agisse d'un fonctionnaire actuellement en poste ou d'un commissaire quelconque, ces deux personnes n'ont pas donné leur avis. Elles signalent simplement qu'il y a diverses options possibles.

Je le répète, le comité a entendu le témoignage de certains commissaires provinciaux:M. Evans, commissaire à l'intégrité de l'Ontario; M. Clark, commissaire à la déontologie de l'Alberta; l'honorable Ted Hughes, de la Colombie-Britannique; Derril McLeod, commissaire aux conflits de la Saskatchewan; et M. Mitchell, commissaire aux intérêts des parlementaires de Terre-Neuve. Tous ces commissaires appliquent un code de déontologie régissant les conflits d'intérêts, et ils ont tous convenu que la voie législative est préférable à une résolution de la Chambre.

Il convient de signaler que la loi de l'Ontario a été modifiée dernièrement; elle s'appelle désormais: Loi sur l'intégrité des députés. Comme l'a expliqué M. Evans, cette modification avait pour objet d'insister sur le côté positif et aussi d'élargir sa portée pour qu'il ne s'agisse pas simplement d'un régime visant les conflits d'intérêts.

Dans ses rapports annuels, M. Evans fournit un résumé des conseils que viennent lui demander les députés de l'Assemblée législative de l'Ontario. Il signale que, au fil des ans, bon nombre des conseils qui lui ont été demandés ne se limitent pas aux conflits d'intérêts. Les députés veulent pouvoir compter sur quelqu'un qui comprenne leur situation et puisse leur donner des conseils objectifs.

Les autres provinces en cause ont généralement adopté un système s'inspirant de la législation ontarienne, tant la loi actuelle que celle qui l'a précédée.

Les cinq commissaires qui ont comparu devant le comité ont abordé un certain nombre de thèmes communs. Certains d'entre eux ont dit qu'il importe de prévoir des principes généraux dans le code. Cela semble être un style plus moderne de rédaction d'un code de déontologie, lequel ne porte plus uniquement sur les conflits d'intérêts, mais s'étend également sur les principes d'intégrité.

Ils ont aussi en général souligné l'importance d'un responsable indépendant chargé de veiller au respect des règles imposées aux députés. À leur avis, un commissaire a besoin de cette indépendance pour assumer les fonctions de sa charge et garantir la reddition de comptes de la part des députés aux termes de cette loi.

Par exemple, M. Evans a déclaré ceci:

.1555

M. McLeod, de la Saskatchewan, et M. Hughes, de la Colombie-Britannique, ont également reconnu qu'ils jouissaient d'une indépendance sur le plan politique et autres et d'un poste garanti et que les tâches qui leur étaient confiées auraient été beaucoup plus difficiles à réaliser s'ils ne donnaient pas l'impression d'être totalement indépendants et impartiaux.

Les commissaires appliquent tous des régimes visant la divulgation des biens par les conjoints des parlementaires. Dans la plupart des cas, le député est tenu de divulguer les éléments d'actif et de passif de son conjoint.

Aucun des commissaires n'a fait état de problèmes importants relativement à la divulgation de la part des conjoints et des personnes à charge. M. Evans, sauf erreur, a signalé qu'il arrive à l'occasion qu'un conjoint de député refuse de fournir ces renseignements, mais que, une fois que l'affaire est révélée au grand jour, l'année suivante, on peut compter sur la collaboration du député et de son conjoint.

Certains commissaires ont indiqué qu'il est important ou utile que les députés puissent s'adresser à quelqu'un. Le commissaire de l'Alberta a décrit son rôle comme étant à 90 p. 100 celui d'un prêtre et à 10 p. 100 celui d'un policier.

Les commissaires ont tous insisté sur le rôle qu'ils jouent en offrant des avis aux députés concernant des questions de droit, en général pour protéger les députés contre tout problème futur, à condition que les faits aient été entièrement divulgués au commissaire. Ce qu'il faut, c'est que les députés aient une personne à qui s'adresser pour être rassurés le cas échéant et obtenir des conseils.

Tous les commissaires ont dit dans leur témoignage qu'il leur paraît opportun d'appliquer des normes différentes aux titulaires de charges publiques, comme les ministres et les secrétaires parlementaires, par rapport à celles qui visent les autres parlementaires.

Ils ont conclu en signalant que leurs lois respectives prévoient que le commissaire doit recommander à l'assemblée législative de sa province les sanctions à imposer en cas d'infraction au code, mais que c'est à l'assemblée législative de prendre la décision finale à cet égard. Le commissaire fait enquête et recommande une sanction, mais il ne peut pas l'imposer. C'est à l'assemblée législative proprement dite que revient cette tâche.

Dans la plupart des cas, les commissaires ont déclaré que ce genre de choses ne s'étaient produites qu'à de très rares occasions. La plupart du temps, le simple fait de savoir qu'il existe un système, une personne à qui s'adresser, suffit à faire en sorte que les problèmes soient résolus avant d'en arriver là.

Parmi les universitaires qui ont témoigné se trouvaient Ian Greene, Maureen Mancuso et Michael Atkinson. Il s'agit de trois universitaires qui, de concert avec certains confrères, préparent une étude sur l'attitude des Canadiens, des médias et des élus politiques relativement à l'éthique.

Le professeur Greene a parlé des principes éthiques et de règles plus précises, disant qu'il préconisait une bonne série de principes généraux accompagnés de règles suffisamment détaillées, mais pas trop, pour faciliter l'application du régime. Les autres étaient du même avis que lui sur ce point.

À son avis, le format du code actuel du premier ministre est bon s'il s'agit d'un code de conduite ou d'un code de déontologie. Il a également signalé que presque tous les pays qui fonctionnent selon le régime parlementaire de Westminster, à l'exception du Canada, appliquent un code de conduite à leurs députés ainsi qu'à leurs ministres, et que, la plupart du temps, ces systèmes prévoient au moins la divulgation des biens des députés.

Il a invoqué certaines raisons justifiant l'élaboration d'un code de conduite, et, parmi les plus importantes, indiqué les suivantes: favoriser des valeurs communes, faciliter la résolution de dilemmes en matière d'éthique, évaluer l'acceptabilité des pratiques actuelles, diminuer le nombre de scandales et donner une image plus positive des élus politiques. Selon lui, cela encouragera un nombre croissant de gens dont le sens moral est très développé à se lancer en politique.

Le professeur Mancuso connaît particulièrement bien le système en vigueur en Grande-Bretagne. Elle a rédigé un ouvrage intitulé The Ethical World of British MPs. Elle a interviewé certains députés britanniques et en a tiré certaines conclusions.

Au Royaume-Uni, la seule exigence imposée aux députés est la divulgation. Elle estime toutefois que cela n'est pas suffisant, car il n'existe aucun consensus en matière d'éthique entre les députés britanniques. Les différents députés abordent le même problème sous des angles différents et dans une perspective différente. Ils ne sont pas toujours d'accord sur ce qui constitue une bonne conduite morale.

.1600

D'après elle, les mêmes divergences existent au sein du Parlement canadien. Elle estime que les députés veulent absolument être mieux informés sur la façon de résoudre des problèmes d'éthique.

Le professeur Atkinson a résumé un projet pilote mis en oeuvre à Guelph, en Ontario, où on a effectué certains sondages au sujet de l'attitude des Canadiens à l'égard de leurs élus politiques. Dans l'ensemble, le résultat n'était guère positif, et on espère pouvoir effectuer un sondage national plus global sous peu.

Le comité a entendu le témoignage de certains journalistes. Comme je l'ai déjà dit, deux éditeurs et deux journalistes chevronnés ont comparu. Voici ce qu'a déclaré M. Paton, du Ottawa Sun:

Les deux éditeurs du Sun et du Citizen d'Ottawa soutiennent que les Canadiens n'ont plus confiance dans leurs institutions. Voici ce qu'a déclaré l'un d'entre eux:

Ils ont tous deux insisté sur l'importance d'une divulgation totale et publique de tous les intérêts financiers, y compris ceux des conjoints et des membres de la famille immédiate. Ils ont également recommandé d'une part qu'il soit interdit aux parlementaires de participer à des décisions susceptibles de favoriser leurs intérêts personnels, d'accepter des cadeaux et des avantages autres que ceux d'une valeur minimale, et qu'ils soient tenus de divulguer tout ce qu'ils acceptent éventuellement, et d'autre part l'adoption de règles relatives aux contrats avec le gouvernement.

Ils se sont dits d'accord avec le principe d'un commissaire à l'éthique indépendant, nommé par le Parlement et relevant de lui, et doté de vastes pouvoirs en matière d'application.

Selon eux, tous les parlementaires devraient être assujettis au même code. Ils estiment que la population se moque bien des distinctions faites entre un ministre, un secrétaire parlementaire et un simple député ou un membre non exécutif de la Chambre des communes ou du Sénat. Selon eux, les Canadiens mettent plus ou moins tous les élus politiques du gouvernement fédéral dans le même panier.

Après une discussion et des questions des membres du comité, ils ont en effet convenu qu'il existait peut-être des différences entre les exigences imposées aux ministres et aux secrétaires parlementaires d'une part, et celles qu'on impose aux autres députés d'autre part, en particulier en ce qui concerne les activités non parlementaires et les activités commerciales.

Don McGillivray, de Southam News, est l'un des rares témoins qui ne pensent pas qu'un code de conduite soit une bonne idée. Il préfère que le comportement des parlementaires leur soit dicté par eux-mêmes, leur conscience et les électeurs. Il doute qu'un code puisse être assez détaillé et tout de même assez général pour répondre à tous les besoins. M. McGillivray dit que la règle qui devrait guider le comportement des parlementaires devrait consister à se demander comment ils se sentiraient si l'affaire faisait la une du Globe and Mail le lendemain matin. L'un des autres témoins a parlé, je pense, d'y aller au pifomètre.

Des voix: Oh, oh.

M. Robertson: Hugh Winsor, du Globe and Mail, estime que le code doit s'appliquer à tous. Il est en faveur d'une pleine divulgation des intérêts financiers et des activités commerciales, y compris en ce qui concerne les conjoints. Il estime qu'un code pourrait contribuer dans une certaine mesure à améliorer la perception des politiciens par la population. Mais un code ne concerne pas seulement les apparences. On doit également se préoccuper du mérite intrinsèque des actions des parlementaires et des rôles qu'ils jouent au Parlement.

Le comité a entendu deux lobbyistes du secteur privé. Susan Murray est présidente d'une société de lobbying du secteur privé qui travaille pour divers clients privés et à différents paliers du gouvernement. Elle estime que la grande majorité des politiciens et des lobbyistes sont honnêtes et essaient de servir l'intérêt public.

Son entreprise applique un code de conduite dans l'exercice de ses activités, et elle estime qu'il est important que les parlementaires se donnent aussi un code de conduite. Elle a signalé que des lobbyistes sont en train d'élaborer aussi des codes de conduite.

À son avis, l'intégrité et l'impartialité constituent le fondement de l'éthique dans le secteur public. Les gens s'attendent à ce que les parlementaires soient honnêtes et n'utilisent pas leur poste pour retirer des avantages personnels indus.

Elle dit que la population canadienne veut voir les politiciens s'engager à respecter des normes d'honnêteté, de responsabilité et d'intégrité. Elle convient cependant qu'aucun règlement ne pourra jamais permettre de régler d'avance tous les cas possibles. Un code restera toujours un processus continu.

Elle est en faveur de normes plus élevées pour les ministres, mais elle pense que les sénateurs et les députés devraient obéir aux mêmes règles. Elle est l'un des rares témoins qui n'étaient pas en faveur du concept de la divulgation dans le cas des conjoints.

.1605

L'honorable Jean-Jacques Blais est avocat et lobbyiste-conseil à l'heure actuelle. Il est un ancien parlementaire. Il admet qu'il faut un code de déontologie. Il estime qu'en plus d'imposer la divulgation, un code devrait inclure des sanctions appréciables et l'obligation de respecter les normes d'éthique les plus élevées. Il estime qu'on enverrait ainsi un message très positif à la population canadienne.

Il n'accorde pas tellement d'importance à l'idée d'une divulgation publique de la situation financière. Il pense qu'une divulgation confidentielle à un commissaire quelconque pourrait suffire, sans toutefois préciser tout à fait jusqu'à quel point cette divulgation irait.

Dans la plupart des régimes, la divulgation complète est faite au commissaire, qui rend ensuite public un résumé des actifs et des passifs. Dans la plupart des cas, cela n'inclut ni la valeur des actifs, ni les biens purement personnels comme une résidence, une voiture et des biens qui n'ont aucune valeur réelle autre que pour un usage personnel.

M. Blais estime que le gros des députés et des sénateurs, bien que ne participant pas directement à la prise de décisions, font réellement partie du processus. Leurs fonctions ne consistent pas seulement à voter au Parlement. Ils participent au fonctionnement du parti, à des caucus et à des comités, et ils peuvent influencer le processus de prise de décisions. Il estime donc qu'un code de déontologie doit s'appliquer à eux. Il approuve aussi cependant l'idée que des conditions et des exigences plus strictes devraient peut-être s'appliquer aux ministres et aux secrétaires parlementaires.

Il est en faveur de la nomination d'un commissaire à l'éthique qui rendrait compte au Parlement et estime que cette personne devrait être nommée d'une manière non partisane et avoir le pouvoir de recommander des sanctions. Il est l'un des rares témoins, ou du moins l'un des témoins, qui estiment que la fonction de parlementaire devrait être un emploi à plein temps. Il se demande s'il reste vraiment beaucoup de temps ou d'énergie aux parlementaires pour exercer des activités non parlementaires, même s'ils le veulent.

Ce sont là les principaux témoins qui ont comparu. Comme je l'ai dit, le comité a entendu un certain nombre d'autres témoins. Nous pourrions certainement en discuter plus en détail si les membres du comité le désirent, mais les thèmes soulevés par ces témoins dont je viens de parler sont les principaux que le comité a entendus.

En octobre dernier, un document intitulé «Questions à étudier» a été préparé à votre intention, et je pense qu'on l'a distribué à tous les membres du comité. Je vais le parcourir très brièvement.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Tout le monde a-t-il ce document en mains?

M. Robertson: Je le crois.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Je vous en prie, poursuivez.

M. Robertson: Je vais me contenter de le parcourir assez rapidement, en vous soulignant les thèmes ou les questions qui ont été soulevés. Ce n'est certainement pas exhaustif, et vous ne devez pas nécessairement traiter de toutes ces questions. Le document vise seulement à vous faire réfléchir sur certaines des idées qu'on a soulevées, soit dans le contexte de l'audition des témoins, soit au sujet de la façon dont on règle certaines questions dans d'autres gouvernements.

La première question est l'application d'un code de conduite. Il y a d'une part les ministres, les secrétaires d'État et les secrétaires parlementaires. Ces gens sont actuellement assujettis au code de conduite du premier ministre, mais ce code ne s'applique pas aux whips ou aux titulaires de certains autres postes. Dans la plupart des gouvernements, on impose à ces personnes des normes plus élevées qu'à toutes les autres, mais elles doivent respecter les exigences ordinaires imposées aux parlementaires.

L'une des questions à résoudre consiste donc à se demander à qui doit s'appliquer un code de conduite. Doit-il s'appliquer à tous les parlementaires? Doit-il s'appliquer seulement aux parlementaires qui ne sont pas ministres, secrétaires d'État ou secrétaires parlementaires? Doit-il s'appliquer à tous, quitte à ajouter des exigences supplémentaires pour certains? Faut-il un code pour les députés et un autre pour les sénateurs? Ce sont toutes des questions dont on a discuté.

Le code de conduite a habituellement une portée plus grande eu égard à la conception traditionnelle qu'on se fait du code relatif aux conflits d'intérêts. La plupart des études et des travaux effectués au palier fédéral au cours des 15 à 20 dernières années portaient davantage sur les conflits d'intérêts, c'est-à-dire les cas où votre intérêt personnel et vos responsabilités publiques entrent en conflit.

Votre comité a le mandat d'élaborer un code de conduite qui pourrait se limiter aux conflits d'intérêts ou inclure d'autres éléments. Naturellement, les éléments qu'il devrait inclure peuvent être aussi nombreux que le comité le voudra. Il pourrait traiter notamment du comportement des députés pendant la période des questions. Je sais qu'un certain nombre de témoins estiment que le comportement des parlementaires à la Chambre ne contribue pas à la réputation de la politique, mais quant à savoir si c'est le genre de choses que vous voulez inclure...

.1610

Il convient de signaler que le Bureau de régie interne possède certains pouvoirs en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada et que le Sénat a un Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui possède des pouvoirs comparables, bien qu'il ne les ait pas exercés aussi pleinement. Ces comités ont compétence exclusive en ce qui concerne l'utilisation des ressources fournies aux députés et aux sénateurs. Il faudra discuter de l'incidence qu'aura un code de conduite sur le fonctionnement de ces comités.

Quels seraient les principaux éléments d'un code de conduite? Comme nous l'avons dit, un certain nombre de témoins ont fait remarquer qu'il serait bon de commencer par des principes fondamentaux et généraux visant à guider le comportement des parlementaires. Ensuite, il faudrait une définition de ce qui constitue un conflit d'intérêts, ce qui amène la question de savoir à quel moment le conflit survient. Vous préoccuperez-vous seulement de conflits d'intérêts apparents, ou inclurez-vous également les conflits d'intérêts éventuels ou perçus?

On peut fixer un certain nombre de règles. Certains témoins estiment que c'est bien d'avoir des principes généraux dans la plupart des cas, mais que dans d'autres cas il faut des règles plus détaillées. Les parlementaires veulent un guide. On peut préparer des règles simples, mais elles peuvent également être rédigées de manière à aider dans le cas de choses comme des cadeaux, des marques d'hospitalité, des voyages et d'autres avantages personnels. Doit-on permettre ces choses? Si elles sont permises, faut-il les divulguer? Faut-il imposer des limites annuelles pour chaque donateur? Et ainsi de suite.

Les autres choses mentionnées ici relèvent de la question des conflits d'intérêts ou de l'éthique: favoriser des intérêts personnels, utiliser sa position pour influencer une décision, utiliser des renseignements obtenus dans l'exercice des fonctions de sa charge, déclarer un intérêt personnel ou se retirer d'un débat ou d'une décision. Il y a certains cas où il peut y avoir un conflit, et on peut le résoudre en déclarant l'existence du conflit et en s'abstenant de participer au débat et au vote. On peut également se limiter à faire une déclaration. Certains soutiennent que les parlementaires sont élus ou nommés et qu'ils ont un rôle à jouer, de sorte que tant que les gens sont au courant de la nature du conflit, les parlementaires devraient alors pouvoir participer à tous les travaux.

La divulgation semble être une question qui jouit de l'appui de la plupart des témoins entendus par le comité, et c'est certainement l'un des éléments adoptés par la plupart des provinces. Comme je l'ai mentionné, la plupart des régimes requièrent la divulgation confidentielle à un commissaire, suivie de la divulgation publique d'un résumé des documents ou des renseignements.

Cela nous amène également à la question de la divulgation des intérêts du conjoint. Suivant le raisonnement du comité mixte précédent, d'après le droit de la famille de nos jours, le conjoint et le politicien sont traités comme une unité égale, et, en cas de rupture du mariage, chaque conjoint a droit à 50 p. 100 environ des biens matrimoniaux. Par conséquent, il est pertinent de savoir ce que fait le conjoint et quelles sont ses sources de revenu ou ses activités.

Cela peut créer des problèmes en ce qui concerne le respect de la vie privée, mais on peut les résoudre en stipulant que certains renseignements concernant le conjoint doivent être divulgués confidentiellement au commissaire, qui pourra ensuite divulguer publiquement sous une forme beaucoup plus limitée les activités et les revenus du conjoint.

L'autre question consiste à déterminer s'il y a lieu d'inclure d'autres membres de la famille, et lesquels. Doit-on inclure seulement les enfants à charge ou étendre l'obligation à d'autres membres de la famille, comme les frères, les soeurs, les parents, les enfants adultes et d'autres?

Il y a également d'autres moyens d'assurer le respect des règles. Il y a la question du lobbying, qui est spécifiquement incluse dans le mandat du comité. Il y a aussi la question des contrats avec le gouvernement. Comme je l'ai signalé, M. Wilson et d'autres ont remarqué que les dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada ont besoin d'une mise à jour et d'une modernisation. Il y a également la question des activités non parlementaires. Actuellement, les ministres et les secrétaires parlementaires ne peuvent pas occuper un emploi, diriger une entreprise ou pratiquer une profession en dehors de leurs fonctions officielles, mais il n'y a pas présentement de restrictions à cet égard pour les autres parlementaires.

La principale question, ou l'une des principales questions, à ce moment-là, consiste à déterminer qui appliquera le code. Faut-il que ce soit un fonctionnaire? Faut-il que ce soit un employé du Parlement, comme le greffier de la Chambre ou du Sénat? Faut-il que ce soit un tiers, comme par exemple un commissaire ou un groupe de commissaires? On a d'abord suggéré, au cours de la dernière législature, la création d'une commission de trois personnes, qui seraient nommées par le Parlement pour appliquer tout code de conduite.

.1615

On confie normalement à ces personnes un certain nombre de fonctions différentes. D'une part, elles recueillent les renseignements qui leur sont divulgués et les rendent publics ou les préparent à être publiés. Elles jouent également un rôle de conseiller et d'éducateur. Elles parlent aux parlementaires, leur expliquent certaines choses, leur donnent des conseils et des avis. A la demande de la Chambre ou du Sénat, elles effectuent également des enquêtes et recommandent des sanctions si elles estiment qu'il y a eu infraction. Dans plusieurs provinces, ces personnes remettent aussi des rapports annuels au corps législatif pour l'informer de ce qui se passe et de la façon dont les choses fonctionnent.

Comme je l'ai dit, la plupart des témoins préféreraient que ce soit un juge ou un politique à la retraite nommé par le Parlement et comptable devant lui, mais ils ont fait d'autres propositions, comme le greffier de la Chambre ou du Sénat, ou d'autres candidats.

S'il faut créer une nouvelle fonction, il faudra probablement une loi à cet effet pour autoriser les dépenses occasionnées. On pourrait modifier une loi existante, comme la Loi sur le Parlement du Canada, ou en adopter une nouvelle. Il faudra alors voir si le reste du code doit être incorporé dans une loi ou dans une résolution de la Chambre ou du Sénat ou des deux. Les témoins sont divisés sur ce point, dont le comité devra débattre.

Je m'arrêterai ici. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions si vous en avez. Les autres députés qui siégeaient au comité lors de la dernière session voudront peut-être aussi intervenir.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci beaucoup. Votre exposé était excellent.

M. Boudria vient en tête de liste; il sera suivi de Mme Tremblay. Pourrais-je d'abord toutefois poser une question? Tout au long de votre exposé vous avez dit qu'il a été proposé d'adopter un code distinct pour les ministres et les secrétaires parlementaires. Vous n'avez jamais dit que ce code s'appliquerait aux présidents de comités. Pourquoi?

M. Robertson: Aucun témoin n'a suggéré que les présidents de comités soient traités différemment. Rien n'empêche qu'ils le soient. Si les ministres et secrétaires parlementaires ont de tout temps été traités de manière distincte, c'est qu'ils sont nommés par le premier ministre, qui peut les révoquer. Qui plus est, ils ont accès à des renseignements confidentiels. Ils reçoivent des documents d'information et assistent à des séances d'information, ce dont ils pourraient faire usage pour leur profit personnel. Le risque de conflit d'intérêts est donc plus grand.

Le coprésident (le sénateur Oliver): N'en est-il pas de même pour les présidents?

M. Robertson: Oui, c'est souvent le cas. Cela signifie aussi qu'il n'est pas nécessaire... Il pourrait y avoir des règles particulières pour les présidents des comités. Elles n'auraient pas à être les mêmes pour les ministres et les secrétaires parlementaires, mais vu leurs fonctions et avantages particuliers, ils devraient être assujettis à des règles supplémentaires. L'idée est intéressante.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Boudria.

M. Boudria: Merci, monsieur le président. J'ai aimé votre exposé.

Il y a si longtemps que nous étudions ceci. Sans faire traîner davantage le dossier, je voudrais qu'on accomplisse deux choses. D'abord que le résultat soit simple, et ensuite que ce soit une amélioration par rapport aux règles actuelles. Après avoir entendu les témoins je dois constater qu'il n'y a pas de consensus sur l'ampleur des choses à rectifier, ni même sur la nécessité d'adopter de nouvelles règles.

Pour ma part, je ne suis pas tout à fait d'accord lorsqu'on dit qu'il n'est pas vraiment nécessaire d'avoir de nouvelles règles. Bien sûr, nous en avons, mais elles sont un peu partout. Elles ne sont pas codifiées. Elles se retrouvent dans le Code criminel, la Loi sur le Parlement du Canada, le Règlement, et que sais-je encore. Ce n'est pas codifié.

.1620

Ce qu'il nous faut, c'est peut-être la codification de ce qui existe déjà, pour que l'on ait toutes les règles sous la main. Ensuite, nous pourrions étoffer et améliorer ce qui existe. La plupart d'entre nous ne connaissent sans doute pas toutes les règles auxquelles nous sommes assujettis.

Dans le cas de l'Ontario, par exemple... Cela fait si longtemps que je commence à oublier. Je vais demander à notre attaché de recherche de me rafraîchir la mémoire.

Vous avez dit que le commissaire ontarien - ou quel que soit son titre - peut fournir des avis aux députés qui le consultent. Peut-il aussi - je lui ai déjà posé la question, mais j'ai oublié la réponse - fournir aux parlementaires une lettre qui les rassure sur la situation, comme le fait le conseiller à la déontologie au Québec? Si mon souvenir est bon, il produit une lettre si on lui demande son avis. Celle-ci a presque force de loi, car si quelqu'un met en doute la régularité de telle ou telle situation, le parlementaire peut invoquer cette lettre qui établit que tout est dans l'ordre. Dans ces cas-là, c'est l'arroseur qui est arrosé.

Autrement dit, l'effet est double, tandis que dans le cas actuel, sans règles... Parfois une accusation est portée, et il n'y a pas moyen de se disculper. Dans ce cas-ci, la personne est blanchie.

Savez-vous si l'Ontario a prévu un cas comme celui-là? D'abord, est-ce que c'est prévu au Québec?

M. Robertson: Oui, d'après ce que je sais du système québécois. Le jurisconsulte est à la disposition du député de l'Assemblée nationale qui veut lui exposer certains faits. Il produit alors un avis, une lettre, que le député peut invoquer.

En Ontario, M. Evans dispose des mêmes pouvoirs en vertu de la nouvelle Loi sur l'intégrité des députés. Je ne suis pas certain que l'objectif était le même à l'origine, mais c'est l'effet qu'elle a. Si les députés lui communiquent les faits, il produit un avis fondé sur cette information. Tant que cette information est juste, le député peut invoquer cet avis. S'il est attaqué, il peut faire valoir l'avis du commissaire à l'intégrité. Il dit que cela rassure beaucoup les députés et que beaucoup d'entre eux lui demandent son avis.

M. Boudria: Savez-vous si la même chose existe dans les autres codes provinciaux?

M. Robertson: Les autres commissaires donnent beaucoup de conseils, mais je ne crois pas qu'ils aillent jusqu'à produire une lettre comme celle-là. Les députés peuvent s'adresser à eux pour obtenir des conseils, mais je ne pourrais vous affirmer qu'ils peuvent invoquer leur avis.

C'est la tendance actuellement dans les régimes modernes. Ceux-ci ont vu le jour à différentes époques, au cours des 10 ou 20 dernières années, et certains sont plus modernes que d'autres.

Le coprésident (le sénateur Oliver): C'est ce que M. Audcent réclamait, n'est-ce pas?

M. Robertson: Oui.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Il ne peut que donner un avis juridique, a-t-il dit, mais on ne peut pas l'invoquer parce qu'il s'agit d'un avis personnel.

M. Boudria: Ce n'est pas l'avis d'un jurisconsulte.

M. Robertson: Exactement.

Il a dit qu'il y a au moins... Je n'ai plus les détails en tête. Dans un cas - et c'est peut-être un des commissaires qui l'a signalé... C'était à propos des anciens parlementaires, je crois. Lorsqu'ils ne sont plus des parlementaires, ils ne tombent plus sous la juridiction de l'assemblée législative. Les tribunaux pourraient finalement décider de les y assujettir. Cela crée des difficultés à certains commissaires. Ils pourraient vous donner le feu vert pour effectuer une transaction parce que cela ne contrevient pas au code régissant l'après-mandat, mais les tribunaux pourraient voir les choses autrement.

Encore une fois, les commissaires trouvent que cela les met en porte-à-faux parce qu'ils pourraient donner des avis sans être assurés que le tribunal les respecterait.

.1625

M. Boudria: Changeons de sujet pour un instant et parlons de divulgation. Beaucoup de gens sont en faveur. Certains sont en faveur de la divulgation qualitative, d'autres de la divulgation qualitative et quantitative. Certains ont dit que les parlementaires ne devraient pas être les seuls à divulguer des renseignements; leur conjoint devrait le faire, et leurs enfants aussi, même s'ils n'habitent plus à la maison. Cela voudrait dire que le fils d'un député qui habite en Colombie-Britannique devrait révéler à son père ou à sa mère député ce qu'il possède.

J'essaie de me souvenir qui a dit cela; peut-être pourrez-vous m'aider. C'était peut-être les deux journalistes ou les deux éditeurs. Est-ce qu'ils ont été les seuls à faire cette proposition que je trouve un peu étrange?

M. Robertson: Je sais que l'éditeur du Sun et celui du Citizen ont...

M. Boudria: Est-ce qu'ils l'ont proposé tous les deux, ou est-ce que c'était un des deux seulement?

M. Robertson: Les deux, je crois. Ils ont dit qu'il faudrait divulguer intégralement l'actif et le passif ainsi que les activités. À leur avis, cela devrait valoir pour le conjoint ainsi que pour tous les membres de la famille. J'ignore s'ils avaient réfléchi à tout ce que cela suppose, mais, quand ils ont répondu aux questions, il est apparu que cela voulait dire que le député aurait à révéler l'actif et le passif de son fils de 32 ans qui habite à Vancouver, par exemple.

Vu les difficultés qu'on a eues par le passé à amener le conjoint à faire ces révélations, je pense que l'on aurait beaucoup de mal à forcer les enfants qui sont d'âge adulte à les fournir eux aussi.

M. Boudria: En effet.

Ce sont les seuls points sur lesquels je voulais que l'on me rafraîchisse la mémoire.

M. Robertson: J'ai deux autres observations à faire, qui découlent de ce que vous venez de dire. Tout d'abord, un certain nombre de commissaires provinciaux ont dit que même dans les cas où ils ne produisent pas de lettre destinée à rassurer le député, ils effectueront une enquête si un problème se pose. Après l'enquête, que la plupart d'entre eux semblent effectuer assez rapidement, en une semaine ou deux dans la plupart des cas, la question est désamorcée. La question a été réglée, ils ont formulé un avis, et ça s'arrête là, au lieu de laisser les choses traîner, ce qui est peut-être le cas à l'occasion aujourd'hui.

L'autre chose, dont il a été question pendant les audiences, c'est de rassembler toutes les règles qui s'appliquent actuellement aux parlementaires. C'est quelque chose que nous pouvons faire pour vous. La difficulté, c'est que certaines d'entre elles sont de nature très juridique et se trouvent dans le Code criminel, par exemple, tandis que d'autres se trouvent dans le Règlement ou dans les règles. Il n'y a donc pas de continuité. Néanmoins, cela vous donnerait une bonne idée des règles qui s'appliquent actuellement aux députés et sénateurs.

Il y a aussi ce document. C'est une liste de deux pages des règles, préparée par l'avocate générale, que nous pouvons remettre aux membres du comité.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Certaines de ces règles sont tout à fait dépassées. Une grande partie de la Loi sur le Parlement du Canada remonte à Mathusalem et doit être mise à jour.

M. Robertson: Oui. Comme M. Boudria le dit, c'est éparpillé un peu partout, et il est très difficile de savoir ce qui s'applique. Rien que de les codifier, ce serait déjà beaucoup.

[Français]

Mme Tremblay: Je voudrais vous remercier pour l'information et les documents que vous nous avez donnés pour nous permettre de faire la réflexion nécessaire pour avancer dans ce domaine.

Dans votre présentation, vous avez dit que l'Ontario venait de faire des modifications. Ont-elles été apportées par l'Ontario après la présentation du commissaire devant ce comité?

[Traduction]

M. Robertson: Non, c'est arrivé juste avant. Je peux vous trouver cela ici très rapidement. La Loi de 1994 sur l'intégrité des députés a été proclamée deux semaines avant sa comparution devant le comité. Elle a donc été votée en 1994 et proclamée en octobre 1995. C'est ensuite qu'il a comparu devant le comité. Dans son témoignage, il a donné une description de la nouvelle loi.

.1630

[Français]

Mme Tremblay: Merci.

Quels arguments principaux les gens invoquaient-ils pour que ce soit administré par un commissaire externe?

[Traduction]

M. Robertson: Je suppose que les commissaires actuellement en poste estiment qu'ils sont avantagés du fait qu'ils ont été nommés par l'assemblée législative. Dans tous les cas, je crois qu'ils ont été nommés par une résolution adoptée à l'unanimité, c'est-à-dire que tous les partis représentés à l'assemblée législative ont voté en faveur de leur nomination. Cela signifie qu'ils avaient au départ la confiance de tous les partis représentés à la Chambre. Ils sont indépendants, et l'on ne peut donc aucunement les accuser de parti pris politique ou de partialité.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Ils sont indépendants dans quel sens?

M. Robertson: Ils sont indépendants du gouvernement, indépendants de tout parti politique. Dans un certain nombre de cas, les commissaires sont d'anciens juges ou des juges à la retraite, et ils sont donc déjà depuis un certain temps à l'écart de toute activité politique. Je pense que le commissaire de l'Alberta est peut-être un ancien politicien, mais il n'était plus député depuis déjà un certain temps.

Ils estiment, je pense, que le fait d'être indépendants leur évite d'avoir à se préoccuper de plaire au premier ministre ou à un parti afin d'être nommés de nouveau. Ils peuvent demeurer en poste tant que l'assemblée législative ou les politiciens ont confiance en eux.

Je pense que les autres membres du comité estimaient qu'il était important pour l'intégrité du régime qu'on les considère à l'abri de l'influence du gouvernement et qu'ils rendent des comptes au Parlement. Un certain nombre de membres du comité ont dit, je pense, que c'était comme pour le vérificateur général. C'est comme le cas d'un certain nombre d'autres personnes nommées par le Parlement: le commissaire aux langues officielles, le commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire à l'information, ainsi que le directeur général des élections, sont tous nommés à leur poste par le Parlement.

[Français]

Mme Tremblay: J'essaie de me rappeler les détails de l'affaire du ministre et de son épouse qui avaient des compagnies.

M. Boudria: Sinclair Stevens.

Mme Tremblay: Stevens? D'accord.

Quels pouvaient être les arguments de Mme Murray pour laisser entendre que la conjointe n'avait pas à divulguer ses biens? Est-ce qu'il y avait une justification, étant donné l'expérience qu'on a déjà eue au Canada?

[Traduction]

M. Robertson: Je ne suis pas certain qu'elle ait donné beaucoup de détails pour expliquer pourquoi elle ne pense pas qu'il convienne de leur appliquer cette règle. Je pense que c'était plutôt une réaction de sa part, et qu'elle voyait peut-être la chose du point de vue selon lequel c'est aux politiciens - aux représentants élus ou nommés, plutôt qu'aux membres de leur famille - que doivent s'appliquer ces restrictions ou ces exigences. Elle est certainement la seule qui l'a dit.

La plupart des gens reconnaissent, je pense, que c'est la personne qui se porte candidate ou accepte une nomination au Sénat, qui est la principale responsable. C'est une atteinte malheureuse, mais inévitable, à la vie privée du conjoint, mais c'est rendu nécessaire à cause du droit de la famille et de divers autres facteurs. C'est un fait, comme l'exemple de Sinclair Stevens l'a montré, qu'on ne peut pas empêcher des conjoints de se parler de questions qui sont soulevées ou qui les intéressent.

Je pense qu'on a dit - M. Boudria, je crois, l'a mentionné au cours de l'une des séances du comité précédent - que la question de la divulgation concernant les conjoints pourrait être reportée après les prochaines élections, afin que, lorsque des gens décideront de se porter candidats, leur conjoint l'accepte en connaissance de cause. C'est-à-dire que si l'on décide dans une famille que l'un des conjoints se portera candidat, l'autre conjoint saura que l'on divulguera ses actifs.

[Français]

Mme Tremblay: Merci.

.1635

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Oliver): Certains des actifs seront divulgués de toute manière, en vertu de la plupart des régimes de droit de la famille. S'il y a communauté de biens entre époux, par exemple, lorsqu'on divulgue les actifs de l'un des conjoints et que l'autre est censé en posséder50 p. 100, il y a donc de toute manière une divulgation partielle.

Nous parlions tout à l'heure de l'un des problèmes qui se posent. Recommandez-vous une sorte de clause privative pour empêcher les juges de s'occuper de cas que peut trancher un commissaire nommé par le Parlement, afin qu'on n'ait pas deux juridictions qui jugent de la même question?

M. Robertson: Je pense qu'il faudrait probablement examiner cette question afin de s'assurer que si le Parlement du Canada, qui a actuellement compétence dans ces matières, choisit de nommer quelqu'un qui sera chargé de prendre la décision, c'est-à-dire le commissaire, les décisions de cette personne ne seront pas utilisées ou remises en question devant les tribunaux. Il n'y a pas encore eu de problème à cet égard au Canada, je pense, en partie parce que les commissaires se contentent de faire des recommandations à la Chambre, qui prend la décision finale.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Qu'en est-il de l'après-mandat?

M. Robertson: Un des témoins a dit que c'était une période très difficile. Je crois qu'on devrait se pencher sur cette question et qu'il devrait y avoir un code pour garantir que la Chambre ait toujours autorité sur ses anciens membres pour s'assurer que les tribunaux ne peuvent pas intervenir pour voir si quelque chose est en règle ou non.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci pour cet éclaircissement.

Sénateur Di Nino.

Le sénateur Di Nino: Merci, monsieur le président.

Je voudrais d'abord dire que moi aussi je m'inquiète du temps que ce comité a dû consacrer ou devra consacrer à cette question. Comme M. Boudria l'a dit, il serait bon d'avoir une codification des choses que nous aurions pu préparer, avec deux ou trois idées découlant des exposés des témoins experts, lesquelles seraient rattachées à chaque composante. Cela pourrait accélérer nos travaux.

J'ai deux ou trois questions à poser. D'abord, il y a eu une suggestion concernant la personne responsable. Je ne sais pas au juste comment le greffier de la Chambre est nommé, mais je sais que le poste de greffier du Sénat est une nomination par décret. Est-ce la même chose pour le greffier de la Chambre?

M. Robertson: Oui.

Le sénateur Di Nino: Je présume que dans les circonstances il serait mal à propos de retenir cette suggestion, à mon avis.

J'ai une autre petite question. Vous avez dit que s'il y avait un code, si on créait un poste indépendant, il faudrait que ce soit prévu dans chacune des lois. Est-ce définitif? Ne pourrait-on pas créer un organisme indépendant qui serait chargé d'appliquer le code, sans devoir passer par la création d'une loi?

M. Robertson: Il ne faut pas nécessairement une nouvelle loi; on pourrait modifier une loi existante. Mais il faudrait prévoir un certain pouvoir statutaire pour créer le poste, pour conférer certains pouvoirs au titulaire, pour le paiement des salaires, etc.

Après tout, le commissaire doit être un haut fonctionnaire du Parlement ou doit rendre des comptes au Parlement, et il faut donc avoir une loi qui définit les pouvoirs et les responsabilités du poste. Il pourrait s'agir d'une loi très simple, mais il faut que le ou les titulaires - il pourrait y en avoir plus d'un - soient régis par une loi quelconque pour que le poste existe et ne puisse pas être changé si la majorité à la Chambre décide de se débarrasser du titulaire. Il faut assurer la permanence du poste.

Le sénateur Di Nino: Je ne pense pas être entièrement d'accord avec vous.

M. Robertson: Il faudra peut-être en discuter, et nous pourrons sans doute examiner cette possibilité plus en détail.

Le sénateur Di Nino: Je voudrais vous poser une autre question. À la page 3 de votre rapport, sous la rubrique «Favoriser des intérêts personnels», à la troisième ligne, on dit: «ou, «indûment», [les intérêts] d'autres personnes». Une chose m'est venue à l'esprit lorsque j'ai lu ce document en prévision de cette rencontre.

.1640

Des témoins ont-ils parlé des possibilités de conflits qui pourraient survenir pour ceux qui, à cause de leur participation bénévole à des organismes...? A-t-on parlé de cette question?

M. Robertson: La question a été abordée de deux façons. D'abord, plusieurs témoins se sont demandé si les députés devraient avoir d'autres intérêts commerciaux ou professionnels. Je crois que Mme Catterall a dit qu'on pouvait être actif dans la communauté sans être rémunéré pour ses efforts. On peut travailler pour une oeuvre de charité à titre de bénévole. Cela présente sans doute les mêmes possibilités de conflits d'intérêts que si l'on est membre d'un conseil d'administration ou si on occupe un poste rémunéré.

On s'est aussi demandé ce qui est permis pour les députés, ou même les ministres, pour ce qui est des intérêts qu'ils pourraient avoir en commun avec d'autres personnes. Par exemple, les ministres de l'Agriculture sont souvent agriculteurs eux-mêmes, et il faudrait donc se demander si un agriculteur devrait pouvoir voter sur une loi qui va s'appliquer aux agriculteurs. Dans la plupart des cas, la loi s'applique à toute une gamme d'agriculteurs, et on pourrait dire que si on représente une circonscription agricole, ou une collectivité agricole, il vaudrait mieux avoir ces intérêts-là soi-même. Mais jusqu'où devrait-on aller? Si on est avocat, devrait-on pouvoir influer sur les décisions législatives qui s'appliqueront aux avocats, même si on ne pratique pas le droit, et ainsi de suite?

Je crois que la question a été soulevée. Si je ne m'abuse, les témoins, et probablement les députés, pensaient qu'il y aurait des problèmes s'il s'agissait d'une interdiction générale. Je ne crois pas qu'on s'est entendu sur les limites à fixer.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Pour être juste envers Mitchell Sharp et Howard Wilson, ils ont tous les deux dit dans leur témoignage qu'ils encourageaient les députés à avoir des intérêts autres que leur travail pour qu'ils puissent ainsi avoir une vue plus large des sujets discutés au Parlement. Non seulement ils ont dit que ce serait une bonne chose, mais ils l'ont aussi encouragé, et ils espéraient que d'une façon ou d'une autre ils pourraient...

Le sénateur Di Nino: Mais il faut quand même faire la distinction entre un ministre de l'Agriculture qui serait agriculteur ou un comptable qui serait membre d'un organisme professionnel et une personne - j'utiliserai mon cas comme exemple - qui aurait été président des scouts dans la région du Grand Toronto il y a plusieurs années. S'il était question d'une loi qui aurait une incidence sur le mouvement scout - je ne sais pas trop comment le dire - et si les scouts pouvaient tirer avantage de ma participation, est-ce que cela me mettrait en situation de conflit d'intérêts?

Je ne sais pas si vous pouvez répondre à ma question. Je voulais juste faire ce commentaire pour que nous puissions en discuter, parce qu'il y a vraiment de grandes différences entre les entités qui sont totalement à but non lucratif, les organismes de charité, et les organisations commerciales qui sont en principe sans but lucratif, telles que les chambres de commerce, etc.

Mme Catterall (Ottawa-Ouest): Je reviens sur ce que disait Don. Il faut se demander quelle impression on donne à la population. Il faudrait fixer des normes pour les députés pour que ces derniers sachent si leurs activités sont conformes à celles des autres députés.

Quant à la perception publique, je crois qu'il est important que les Canadiens puissent savoir quelles restrictions et lois s'appliquent déjà aux députés, et il faudrait aussi que les députés les connaissent. Même si je sais plus ou moins ce que je peux et ne peux pas faire, je ne pourrais pas vous dire exactement ce qui est prévu par le Code criminel et la Loi sur le Parlement du Canada.

Nous devrions voir ce qui existe déjà, en informer les députés, et faire les ajouts nécessaires. À tout le moins, nous devrions dresser une liste ou publier une brochure que tous les députés et la population pourraient obtenir. J'ai été particulièrement intéressée par ce débat, parce que les témoins, experts-conseils, conseillers et experts en déontologie, nous ont montré une autre façon de voir les choses.

.1645

Je crois qu'une déclaration des valeurs qui servirait de guide... Je ne veux pas revenir sur toute la question de la différence qui existe entre la déontologie et les valeurs. Nous allons sans doute y revenir lorsque Jean-Robert Gauthier sera de retour, mais, pour le moment, utilisons les termes librement.

Je crois qu'il nous faudra un credo, si j'ose dire, des principes sur lesquels les députés s'entendraient et qui les guideraient dans leur conduite. Une loi ne pourra jamais vous dire, à tous les égards, ce que vous devriez ou ne devriez pas faire. Qu'on appelle cela un code de conduite ou un code de déontologie, cela me semblerait très utile, et nous voudrons peut-être consulter d'autres conseillers en éthique pour savoir comment faire.

Troisièmement, il y a les intérêts extérieurs. Je crois avoir précisé alors que, d'après l'expérience britannique et les travaux qui ont été menés en Grande-Bretagne, ainsi que d'après certains de nos témoins, cette expression signifie «intérêts financiers de l'extérieur».

Il m'apparaît extrêmement important de se rappeler que les députés peuvent rester au courant des préoccupations de la collectivité en général de toutes sortes de façons autres que les activités menant à des gains financiers. C'est une question dont il m'apparaît important de traiter. Quand on aura reconnu cela, on pourra examiner les questions des intérêts financiers extérieurs à partir d'un autre point de vue.

Je ne crois pas que le système britannique devrait servir de modèle pour le Parlement canadien. J'envisage mal un régime dans le cadre duquel les parlementaires ont une autre carrière à temps plein et tentent de remplir leurs fonctions de parlementaires dans le peu de temps qui leur reste; c'est loin d'être une situation idéale. C'est peut-être plus difficile dans un pays plus petit. Mais pour bon nombre de députés dont la circonscription est très diversifiée et d'une grande superficie, je ne crois pas que cela soit possible. Et il n'est certainement pas souhaitable que les députés gagnent de l'argent en tentant délibérément d'exercer une influence sur le Parlement dans le cadre des débats du Parlement, de la période des questions du Parlement, des travaux des comités, et en faisant du lobbying auprès des ministres.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Comme les experts-conseils rémunérés en Grande-Bretagne.

Mme Catterall: Précisément. Ce n'est pas un bon modèle pour nous; ce principe ne me plaît pas beaucoup. Malgré tout le respect que je dois à M. Sharp, je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour les députés d'avoir un travail rémunéré pour bien remplir leurs fonctions de parlementaires. Il a été prouvé que le système britannique peut nuire à la façon dont les députés remplissent leur rôle.

C'est donc là mon cheminement; au début, je ne croyais pas qu'il était très nécessaire pour nous de nous doter d'un code de conduite et d'un code de déontologie. J'estime maintenant toutefois que cela aurait une certaine valeur, ayant moi-même été assujettie pendant neuf ans à un code sur les conflits d'intérêts très strict à titre de conseillère municipale, ce qui a été bénéfique autant pour moi que pour mes collègues.

Nous pourrions donc commencer avec ce que nous avons maintenant, tenter de rassembler tout cela et voir comment cela se compare aux idées et aux critères que nous ont présentés les témoins. Voyons voir ce que nous pourrons en faire, et peut-être alors pourrons-nous élaborer une déclaration des valeurs.

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M. Robertson: Un ou deux témoins ont souligné que des principes généraux ou des déclarations des valeurs seraient une bonne idée et que leur élaboration serait en soi une bonne façon de dégager un consensus. Outre les avantages que cela présente du point de vue de la perception du public, car cela permettrait à la population de constater que vous luttez contre le cynisme, cela donnerait aux gens des critères à partir desquels évaluer le comportement des parlementaires. Cela servirait aussi de guide.

Pendant une des séances, vous avez dit que, lorsque vous étiez conseillère municipale, les promoteurs et d'autres vous offraient souvent des cadeaux de Noël. Le problème, c'est qu'il n'y a pas actuellement de règles sur les cadeaux. Il n'y a pas d'énoncé sur la pertinence, pour les parlementaires, d'accepter des cadeaux ou non, et si les membres du comité envisagent d'établir des règles ou des déclarations les parlementaires auraient alors une bonne idée de ce qu'ils pourraient accepter et pourraient se conduire en conséquence.

Le milieu britannique est tout à fait différent. Un des témoins a d'ailleurs fait remarquer que, jusqu'à tout récemment, les députés britanniques étaient très mal rémunérés. Ils ne sont toujours pas très bien payés. Il y en a 635...

Mme Catterall: Vous vous êtes bien informé.

M. Robertson: Il y a 635 députés au Parlement britannique, et seulement 20 p. 100 d'entre eux participent activement aux activités quotidiennes. Je crois que la Chambre ne peut même pas tous les accueillir. En fait, s'ils devaient tous travailler comme députés à temps plein, ce serait désastreux. La situation historique y est donc très différente.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Certains des principes contenus dans le rapport de lord Nolan sont toutefois d'excellents principes de déontologie qui nous conviendraient très bien.

M. Robertson: Certainement.

Le coprésident (M. Milliken): En outre, nous devrions peut-être examiner les dispositions qui existent en Grande-Bretagne sur la divulgation. Nous voudrons peut-être aller un peu plus loin, mais leur guide sur la divulgation sera publié d'ici une ou deux semaines, je crois, et nous voudrons peut-être y jeter un coup d'oeil. Le rapport devait être soumis le 30 ou le 31 mars, et le document sera donc préparé et rendu public sous peu.

On y déclare seulement les revenus provenant d'activités exercées à titre de parlementaire. On n'a pas à déclarer les sources discutables. Nous voudrons peut-être être un peu plus exigeants.

M. Robertson: Plusieurs scandales ont éclaté en Grande-Bretagne au cours des dernières années, des scandales mettant en cause des députés qui avaient demandé des sommes d'argent considérables pour poser des questions à la Chambre; en conséquence, on a constitué le Comité sur les normes de la vie publique, ce qui a forcé les parlementaires à aller beaucoup plus loin que nous ne l'avons fait ces dernières années.

Il vaut certainement la peine d'examiner cela. M. Wilson, dans son témoignage, a souligné que les principes contenus dans le code du premier ministre ainsi que ceux élaborés par lord Nolan constituent un très bon point de départ pour quiconque tente d'énoncer quelques principes généraux.

Mme Catterall: J'étais absente lorsque vous avez entendu... Était-ce les éditeurs ou les rédacteurs du Citizen?

M. Robertson: Les éditeurs.

Mme Catterall: Je pense que ces témoins pensaient à un cas très précis qui s'est produit au niveau municipal, le cas d'un conseiller qui s'est prononcé, lors d'un vote, dans une affaire qui aurait pu profiter directement à un de ses enfants d'âge adulte.

Il m'apparaît important que nous ne nous laissions pas guider par des incidents particuliers. À mon avis, c'était là un cas manifeste de conflit d'intérêts, même si c'était légal, mais seulement de peu.

Nous devrions aborder toute cette question un peu comme s'il s'agissait de relations affectives plutôt que de relations financières qui pourraient avoir une influence indue sur un député ou amener un député à exercer une influence indue.

M. Robertson: Cela illustre bien le fait qu'aucun code n'est parfait. Comme certains députés l'ont fait remarquer, on ne peut légiférer en matière de moralité. Un code de conduite facilitera la tâche des personnes corrompues, d'une certaine façon, puisque, connaissant bien les règles, il leur sera plus facile de les contourner. On ne peut donc prévenir tous les problèmes. Il y aura toujours des questions dont le code ne traitera pas et que les parlementaires devront trancher eux-mêmes, comme l'ont indiqué certains témoins, d'après leur propre conscience. Dans le cas où l'affaire est rendue publique, vous devez vous demander si vous pouvez composer avec la publicité et dans quelle mesure cela influe sur vos chances de réélection si vous êtes député.

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L'existence d'un commissaire a ceci entre autres d'avantageux, comme dans le cas de l'affaire pouvant profiter à un enfant d'âge adulte, que vous pouvez vous confier à lui. Il comprend les besoins des gens en politique, mais il est un peu aussi un confesseur à qui vous pouvez expliquer vos problèmes - mon enfant a des intérêts dans cette affaire, et je devrai me prononcer sur une question liée à cette affaire - et vous pouvez en discuter. Je crois que c'est ce qu'a dit M. Evans, de l'Ontario: dans la plupart des cas, le commissaire vous conseillera la plus grande prudence. Vous devrez essayer de ne pas donner l'impression d'avoir favorisé votre enfant.

Mme Catterall: Si notre principe fondamental, c'est la divulgation, le plus important, c'est que le public soit mis au courant de tout conflit possible; nous pourrions alors prévoir des règles de base pour la divulgation en général, mais aussi d'autres règles pour certaines circonstances bien précises. Il y a donc deux façons de régler des conflits de ce genre. Si vous êtes en situation de conflit, vous pouvez décider de ne pas participer à la décision ou de ne pas tenter d'influencer la décision, ou vous divulguez tous les renseignements pertinents, reconnaissez que vous êtes en situation de conflit, mais décidez d'agir néanmoins. Je préfère la première option, mais c'est la divulgation qui reste le critère qui prime.

M. Robertson: C'est plus problématique pour la Chambre des communes que pour le Sénat. Que se passe-t-il si, dans un dossier particulier, 20 députés se retirent parce qu'ils sont en situation de conflit d'intérêts? Ils ont été élus pour représenter leurs commettants. S'ils se retirent, leurs commettants ne sont plus représentés, le gouvernement pourrait être renversé ou, à tout le moins, le résultat du vote pourrait être très serré. C'est une question que les témoins, ou même d'autres assemblées législatives, ont peu abordée. J'estime qu'il faut déterminer ce qui doit être fait dans ce genre de situation. Il suffira peut-être de définir l'expression «conflit d'intérêts», mais il faut aussi se demander ce qu'on fera une fois que les situations de conflits seront connues.

Bon nombre de témoins ont souligné l'importance de la divulgation. C'est avec ces informations que le public et les médias sont mieux en mesure de juger les parlementaires.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Au début, vous avez résumé le témoignage de Howard Wilson. J'ai pris note de trois phrases qu'il a dites, et il me semble qu'elles résument bien notre discussion. Il a dit qu'il nous fallait un code de conduite modeste, certaines exigences relativement à la divulgation, et des principes généraux. Cela résume assez bien les propos qui ont été tenus ici aujourd'hui.

Le sénateur Di Nino: Monsieur le président, je crois que nous pouvons élaborer un ensemble de règles qui régira toutes les situations tout en restant souple. Ainsi, Mme Catterall a déclaré qu'elle préférait la première option à la deuxième. Pour ma part, à titre de président des scouts, je peux vouloir déclarer qu'il y a possibilité de conflit - même s'il ne s'agit pas d'intérêts personnels - tout en continuant à exercer mes fonctions. Si nous élaborons des règles, elles devront être telles qu'elles nous permettront de porter un jugement sur notre propre comportement tout en nous permettant de continuer à faire notre travail. Les règles doivent tout de même être souples.

M. Robertson: Il y a toutes sortes de conflits, et ils ne sont pas tous nécessairement de nature financière. Il s'agit parfois d'avantages personnels par opposition aux avantages que pourrait retirer un groupe de votre circonscription ou un groupe d'intérêts avec lequel vous êtes lié. Il me semble que voter sur une question qui me profiterait financièrement, c'est autre chose que voter sur une question qui profiterait à un organisme de charité, à but non lucratif, dont je fais partie. Il y a une distinction très nette.

M. Epp: Cela soulève toute la question du dilemme du travail de député. Je sais qu'on en a parlé à la Chambre des communes - j'ai été très étonné lorsque j'en ai entendu parler pour la première fois - il s'agit du recrutement des recenseurs.

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Je l'ignorais, mais j'ai appris qu'une tradition de longue date veut qu'on demande directement aux députés de soumettre le nom de candidats aux postes de recenseur. C'est manifestement un conflit d'intérêts.

Je ne sais si nous pouvons aborder ce genre de choses dans un code de conduite, mais le sujet de notre examen est assez vaste. Qu'en pensez-vous?

M. Robertson: J'ai aussi été étonné d'apprendre cela. Vous en avez parlé à un des témoins, je crois. Jusqu'alors, c'était une chose que j'ignorais. Je croyais que cela se faisait à Statistique Canada, au niveau bureaucratique.

Rien dans le mandat du comité ne nous empêche de traiter de ce genre de questions. Je présume qu'il suffirait de demander à Statistique Canada de modifier ses méthodes de recrutement. Les députés se retrouvent dans une situation délicate, et, qui plus est, cette situation leur est imposée par quelqu'un d'autre. Statistique Canada, ou les autorités compétentes, devrait modifier les règles de façon à ce qu'on ne demande pas aux députés de trouver des candidats.

M. Epp: Au départ, je crois qu'on voulait encourager les gens à réélire le député. Je ne vois pas d'autre raison.

M. Robertson: Malheureusement, il y a des choses comme la Loi électorale du Canada, qui prévoit la nomination de divers agents et représentants par les partis qui reçoivent le plus de votes. Ce sont des dispositions de la loi. Qu'elles soient bonnes ou non, on pourrait envisager de les modifier.

M. Epp: Elles devraient en effet être modifiées.

J'ai une question dans un tout autre ordre d'idées. Après avoir entendu tous les témoins, quelle impression générale avez-vous de l'application des règles? Je sais qu'on a parlé d'un commissaire indépendant et d'un petit tribunal. Bien sûr, les règles qui relèvent du Code criminel sont déjà appliquées par les tribunaux du pays. Qu'avez-vous retenu de tous les témoignages que nous avons entendus?

M. Robertson: Personne n'a proposé que des parlementaires soient soustraits à l'application des dispositions actuelles du Code criminel. Les agissements qui constituent actuellement des infractions au Code criminel continueraient d'être sanctionnés par les tribunaux.

Il y a des dispositions dans la Loi sur le Parlement du Canada qui permettent à tout Canadien d'intenter des poursuites contre un parlementaire et de garder tous les dommages-intérêts qui lui sont accordés. C'est un système bizarre et désuet qui, pour autant que je sache, n'existe plus nulle part ailleurs. Ce genre de dispositions devraient disparaître.

Dans la plupart des cas, la commission ou le commissaire enquête sur une plainte et formule une recommandation quant à la peine qui sera imposée par l'Assemblée législative. La Chambre des communes ou le Sénat rend son jugement et impose une peine au député ou au sénateur en faute.

Mais avant d'en arriver là, il faut se demander qui a le droit de porter plainte. Les membres du grand public ont-ils le droit de porter plainte? Ce droit ne devrait-il pas plutôt être conféré aux seuls parlementaires? Dans les provinces, on a les deux.

En Ontario, comme M. Evans nous l'a indiqué, le commissaire ne peut recevoir des plaintes que des députés. Si un citoyen ordinaire lui transmet une plainte, il ne peut l'accepter. Les gens peuvent s'adresser aux députés d'opposition, qui, eux, s'ils jugent que la plainte est fondée, la transmettent au commissaire. Il nous a aussi dit qu'il tente d'obtenir que les caucus des partis confient la responsabilité de recevoir ces plaintes à une seule personne.

En Colombie-Britannique et ailleurs, on accepte les plaintes du grand public. Je crois que cela a causé des problèmes en Colombie-Britannique parce que c'est un journaliste qui a porté plainte contre l'ancien premier ministre.

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En donnant au Parlement le droit de déterminer la peine, on court le risque de créer des situations délicates si le député faisant l'objet d'une plainte est membre du parti majoritaire. La procédure parlementaire veut que ce soit la majorité qui gouverne, bien sûr, et, en pratique, cela pourrait causer des difficultés.

Et ce qui nous sauve, c'est que le commissaire est une tierce partie neutre qui, vraisemblablement, jouit d'un certain prestige, de sorte que, quelle que soit sa décision, il serait difficile, du point de vue des relations publiques, de faire fi de son jugement, à moins que vous ne puissiez prouver que les faits ont été mal interprétés.

M. Epp: Comme les membres du comité le savent, j'ai toujours préféré l'idée d'un commissaire indépendant comme notre vérificateur général. J'ai été un peu déçu par ce qui s'est passé récemment en Alberta, où on a soulevé de nombreuses questions sur l'indépendance réelle du commissaire. Malheureusement, je crois que le premier ministre lui-même s'est ingéré dans l'enquête et en a faussé le résultat en plaçant la barre très haute, en disant, avant même le dépôt du rapport du commissaire, qu'il démissionnerait si la décision était négative.

Mme Catterall: J'ai déjà entendu cela.

M. Epp: Oui, moi aussi, mais, en l'occurrence, cela a été déplorable. Le commissaire a dû réviser son rapport sur une allégation particulière, sachant, un peu comme c'est le cas des députés au moment du vote sur le budget... On prétend qu'une question ou une autre est mise aux voix, alors que la véritable question, c'est de savoir s'il devrait y avoir des élections. C'est une lacune importante. Nous devons donc...

Si j'avais été commissaire, j'aurais simplement dit: «Si c'est ainsi qu'il voit les choses, il n'a rien compris.» Évidemment, j'aurais su que mon mandat ne serait pas renouvelé.

Je ne sais trop quelle est la solution. Comment peut-on garantir une absence totale d'influence politique? C'est ce que nous avons, dans une large mesure, avec notre vérificateur général. Il critique tous les gouvernements, quels qu'ils soient. Au niveau fédéral, le rendement à cet égard est plutôt bon. Mais pour ce qui est d'établir...

Une voix: Pas vraiment.

M. Epp: Ne croyez-vous pas? Moi je le trouve plutôt bon. Mais pour en venir là, bien sûr, il faut des années, pour prouver que le commissaire rend toujours des décisions justes, de façon indépendante et objective... Sans divulgation, évidemment, cela ne se saurait jamais; voilà pourquoi il faut qu'il y ait divulgation.

M. Robertson: C'est très difficile. C'est le problème que pose un commissaire. Cela nous montre bien aussi qu'il est nécessaire de bien choisir ce commissaire. Le système ne fonctionnera que si les parlementaires lui accordent toute leur attention et leur soutien.

Si un politicien a recours à des moyens détournés, comme le premier ministre de l'Alberta semble l'avoir fait, il est difficile pour le commissaire de trancher objectivement. On pourrait donc faire valoir qu'une commission constituée de plus d'une personne serait préférable, qu'elle jouirait d'un plus grand soutien du public parce qu'elle serait moins vulnérable aux pressions politiques.

Vous avez soulevé un point intéressant, mais je ne suis pas certain que vous ayez plaidé la cause d'un commissaire qui ne serait pas indépendant ou neutre. D'autres aussi font l'objet de pressions, même si elles sont moins directes que celles qu'on a exercées sur le commissaire en Alberta.

M. Epp: Je crains qu'on ne demande à quelqu'un de notre groupe de nous juger. Le public se méfie des commissions de police qui enquêtent sur la police. À mon sens, il faut que le commissaire soit aussi éloigné que possible du processus politique.

M. Robertson: Il faut dire que le vérificateur général traite de questions qui sont peut-être moins subjectives.

M. Epp: En effet.

M. Robertson: Le problème en déontologie, c'est, comme l'a fait remarquer le sénateur Gauthier, que chacun a ses propres valeurs culturelles et éthiques.

M. Epp: Nous savons tous cela.

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M. Robertson: Cela rend les choses très difficiles. Mais j'ai quand même l'impression que plusieurs commissaires des provinces marchaient sur des oeufs et s'en sont bien tirés. C'est possible, si tous les membres le veulent, toutefois.

Mme Catterall: Ce n'est vraiment pas un problème, sauf pour quelque chose que M. Robertson a signalé, et j'espère que nous n'allons pas l'omettre au moment de préparer notre rapport. Il s'agit de savoir comment doit se comporter un député à qui on transmet des renseignements sur l'inconduite présumée de quelqu'un, ou qui trouve lui-même de l'information à ce sujet. Nous n'avons aucune règle à cet égard, et nous devrions en avoir.

La règle que j'aimerais voir mise en place est très claire. Ce serait la même que celle qui s'applique dans le cas de plaintes faites aux autorités à propos de mauvais traitements infligés aux enfants. Vous n'avez pas à prononcer de jugement quant à savoir si les actes étaient justifiés ou non; vous avez l'obligation automatique d'en faire rapport. Cela vous empêche d'avoir à porter quelque jugement que ce soit sur la situation.

Le coprésident (le sénateur Oliver): C'est une bonne suggestion.

M. Robertson: Je pense que c'est une règle qu'imposent la plupart des barreaux aux avocats: si vous avez des raisons de croire qu'un autre avocat est coupable d'actes répréhensibles, vous devez le signaler.

Mme Catterall: Je ne veux pas parler seulement d'autres députés, mais de toute allégation d'inconduite contre qui que ce soit qu'on vous transmet.

M. Robertson: Peut-être faudrait-il, en rapport avec cela, donner un certain pouvoir discrétionnaire au commissaire qui pourra décider de la portée d'une enquête. Dans certains cas, on peut voir aisément après une demi-heure de travail que les allégations ne sont pas fondées. Peut-être faudrait-il vous assurer que le commissaire n'ait pas à traverser toutes les étapes pour faire un suivi.

Mme Catterall: Simplement pour que les choses soient claires, je ne parle pas seulement de...

M. Robertson: Oui, très bien.

Mme Catterall: Si on me dit qu'un tel fait un usage abusif de la propriété du gouvernement, ou que quelqu'un a volé quelque chose, cela ne relève pas nécessairement du mandat d'un commissaire à l'éthique, bien que ce soit possible. Mais je veux qu'on m'enlève le fardeau d'avoir à décider si je dois le signaler ou non. Il devrait y avoir une règle qui s'applique dans tous les cas.

M. Robertson: Le code de conduite pourrait certainement inclure les situations de ce genre. Je suis sûr que de nombreux parlementaires sont souvent aux prises avec ce genre de situation, où on vous transmet certaines informations et où vous ne savez pas trop quelle est la meilleure façon de procéder.

Le coprésident (le sénateur Oliver): C'est un sujet intéressant. Si vous prenez la perspective de l'usager, ou de l'électeur, c'est certainement l'une des choses qui les préoccupent en ce qui a trait à la déontologie parlementaire: comment se fait-il, si on soupçonnait qu'il se passait quelque chose, que personne ne l'a signalé, et que personne n'a rien fait à cet égard.

Mme Catterall: «Eh bien, je me suis adressée à ce député et je lui ai dit qu'il se passait telle ou telle chose, mais il n'a rien fait». Il se peut que vous pensiez que l'homme ou la femme qui est venu vous parler est complètement dingue, qu'il fabule, qu'il est paranoïaque, ou Dieu sait quoi, mais...

M. Robertson: Je suppose que cela illustre bien l'idée qu'un code de conduite peut aider les députés en éliminant la nécessité de prendre certaines décisions, puisque ce qu'ils doivent faire sera clairement prescrit dans certaines situations. Vu sous cet angle, en plus de jouer un rôle éducatif, le code les aiderait à s'acquitter de leurs fonctions, en expliquant clairement où se situent leurs devoirs ou leurs responsabilités.

Mme Catterall: Nous devrions peut-être examiner une autre chose, dont nous n'avons pas vraiment parlé, et il s'agit des rapports qu'entretiennent les députés avec la fonction publique.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Robertson, je tiens à vous remercier au nom du comité de votre excellent exposé, ainsi que de vos réponses aux diverses questions, réponses dont la qualité était même supérieure à celle de votre présentation. Je sais que cela était difficile, et je vous remercie sincèrement.

Un avis de convocation a été envoyé à tout le monde. La prochaine séance du comité se tiendra mercredi prochain, et j'espère que tous les membres du comité y assisteront. Le comité directeur se réunira lundi.

La séance est levée.

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