[Enregistrement électronique]
Le mercredi 15 mai 1996
[Traduction]
Le coprésident (M. Milliken): La séance est ouverte. Nous entendrons aujourd'hui le témoignage de Mme Judith Manley, présidente de l'Association des conjoints des parlementaires.
[Français]
Madame Manley, vous êtes la bienvenue. Je n'ai aucun doute que vous avez quelque chose à dire en ce qui a trait à la position de votre association sur les questions dont le comité est saisi.
[Traduction]
Je vous invite à présenter votre exposé. La plupart des députés et sénateurs membres du comité auront certainement des questions à vous poser.
[Français]
Mme Judith Manley (présidente, Association des conjoints des parlementaires): Merci. Je n'ai pas beaucoup de choses à dire.
[Traduction]
En tant que présidente de l'Association des conjoints des parlementaires et grâce à l'aide de deux avocats que nous comptons parmi nos membres, j'ai examiné la question des conflits d'intérêt sous l'angle du conjoint. Nous n'avons pas discuté du code de conduite par rapport au comportement proprement dit.
Tout d'abord, nous avons examiné des documents pour voir ce qu'il en est dans d'autres juridictions. Nous avons appris de façon générale que nos assemblées législatives provinciales et territoriales appliquent des codes bien définis, lesquels prévoient des sanctions en cas de non-observation qui vont du désaisissement des biens à la démission du poste. Les États-Unis appliquent un code d'éthique détaillé qui impose des conditions très strictes à tous les membres du Congrès et du Sénat ainsi qu'à leurs conjoints et enfants à charge. Par le passé, le Parlement britannique exigeait simplement la divulgation des biens par les parlementaires, mais il se penche actuellement sur la question pour rendre son code plus strict.
En second lieu, nous avons examiné les quelques réponses que nous avons reçues de nos membres, lesquelles variaient du mécontentement provoqué par le bouleversement et cette ingérence dans la vie privée que subissent déjà les conjoints, à l'inquiétude sur la question de savoir qui s'intéressera à la politique si les choses deviennent trop strictes, si l'on exige la pleine divulgation de la part des parlementaires autant que de leurs conjoints. En général, les gens s'entendent pour dire que la vie publique impose déjà bon nombre de sacrifices pour bien peu d'avantages.
Nous avons ensuite discuté de certaines catégories examinées par le comité et en avons tiré quelques conclusions très générales. Nous nous sommes entendus sur le fait que le comité devrait se concentrer sur les grands problèmes et les conflits d'intérêts réels. Si l'on pousse trop loin l'apparence de conflit, dans des domaines comme les cadeaux, les marques d'hospitalité, etc., on risque d'entraver les échanges sociaux normaux. Nous ne sommes pas opposés à l'établissement d'une liste de biens, mais il existe des divergences d'opinions quant à la façon de le faire. Nous nous opposons catégoriquement à l'évaluation et à la publication de la valeur nette de ces biens. Il nous paraît intéressant que certains des principaux partisans de la divulgation soient des éditeurs de journaux. Pour notre part, nous préférons la divulgation confidentielle auprès d'un intermédiaire, plutôt que la déclaration publique.
Nous comprenons que la divulgation est nécessaire, mais nous soulignons qu'il est dans notre intérêt de préserver les intérêts personnels légitimes de nos membres. Nous souhaitons qu'un certain niveau de divulgation soit prévu qui réponde aux attentes du public sans aller trop loin.
Enfin, nous demandons la possibilité de répondre dans les plus brefs délais aux recommandations du comité.
Le coprésident (M. Milliken): De répondre dans les plus brefs délais à qui, au comité? À qui souhaitez-vous pouvoir répondre?
Mme Manley: Certains de nos membres ont demandé qu'on nous transmette au plus tôt vos recommandations éventuelles pour nous permettre d'y réagir.
Le coprésident (M. Milliken): Je vois, vous voulez dire avant que nous ne présentions nos recommandations aux deux Chambres du Parlement.
Mme Manley: C'est ce qui nous a été demandé.
Le coprésident (M. Milliken): Très bien. Sénateur, vous avez la parole.
Le sénateur Bosa (York - Caboto): Monsieur le président, je voudrais savoir ce que voulait dire Mme Manley au tout début lorsqu'elle a parlé de «comportement proprement dit».
Mme Manley: À l'époque de nos réunions, il semblait revenir souvent dans les discussions partout que le comportement inclurait le goût pour la boisson, les tendances sexuelles et autre chose du même genre. C'est une question sur laquelle nous ne nous sommes absolument pas penchés, un point c'est tout.
Le sénateur Bosa: Vous avez dit que les éditeurs de journaux sont les principaux partisans de la divulgation. Pensez-vous qu'ils soient en conflit?
Mme Manley: Loin de moi une telle suggestion.
Le sénateur Bosa: Madame Manley, n'y a-t-il aucun compromis? Par exemple, lors de vos discussions avec vos collègues, vous êtes-vous interrogés au sujet d'une éventuelle divulgation partielle ou de la communication de renseignements à un responsable désigné qui déterminerait les éléments de ces renseignements qui doivent être rendus publics et ceux qui doivent rester confidentiels? Vous êtes-vous penchés sur cette question?
Mme Manley: C'est ce que nous avons dit. Nous préférons la divulgation confidentielle à un intermédiaire. Cette solution est préférable à la publication de tous les biens dès le début.
Le sénateur Bosa: À votre avis, cette exigence devrait-elle s'appliquer à tous les députés et sénateurs...
Mme Manley: Nous parlons de conjoints.
Le sénateur Bosa: ... ou uniquement aux conjoints de ministres?
Mme Manley: Il me semble que nous nous sommes déjà occupés du cas des ministres par le passé et que l'on envisage maintenant d'appliquer le code à tous les parlementaires, n'est-ce pas? Je parle du point de vue de l'Association des conjoints, si on peut parler de point de vue. La majorité de nos membres semblent s'entendre sur cette étape intermédiaire. Nous préférons l'idée qu'une personne intermédiaire en arrive à des conclusions et décide s'il y a lieu ou non de publier certains renseignements ou s'il y a quelque chose de louche et que des mesures s'imposent.
Le sénateur Bosa: Combien de membres votre association compte-t-elle?
Mme Manley: Combien de conjoints des...
Le sénateur Bosa: Combien de conjoints?
Mme Manley: ... députés et sénateurs y a-t-il? Nous sommes presque aussi nombreux, de sorte que l'association est assez importante. Tous les membres ne sont peut-être pas en règle, mais cela ne change rien.
Le sénateur Bosa: Combien ont répondu à votre questionnaire?
Mme Manley: Très peu.
Le sénateur Bosa: Très peu. Était-ce par manque d'intérêt?
Mme Manley: En fait, notre association n'est pas très bien organisée sur le plan des communications. Nous avons d'énormes défis à relever. Ceux auxquels nous avons demandé leur opinion n'en avaient pas nécessairement. Qui plus est, il y a eu énormément de nouveaux députés élus lors des dernières élections.
Le sénateur Bosa: Oui, bien entendu. Je vous remercie.
Le coprésident (M. Milliken): Monsieur Laurin.
[Français]
M. Laurin (Joliette): Madame Manley, il semble que ce qui vous soit le plus acceptable soit de passer par un intermédiaire pour la divulgation de certains intérêts.
Lors de la dernière séance du comité, nous, du Bloc québécois, avons dit que l'existence d'un intermédiaire à qui on confierait ces secrets-là ne pourrait avoir de valeur si on ne pouvait être sûr d'avoir confiance en cette personne-là. Comment assurer la crédibilité de cette personne-là si elle est la seule détentrice des confidences qu'on va lui faire?
On admet que le recours à cette personne pour lui demander conseil pourrait rester secret. Mais, à partir du moment où il y aurait vraiment eu, entre conjoints, transmission de biens pour éviter les rigueurs de la loi, comment pourrions-nous être sûrs, si ce n'est pas public, que les lois sont respectées? Comment cela pourrait-il fonctionner?
[Traduction]
Mme Manley: Cela vous dérange-t-il que je réponde en anglais?
[Français]
M. Laurin: Allez-y.
Mme Manley: Je comprends bien, mais...
[Traduction]
M. Laurin: Oh oui.
Mme Manley: Je suppose que c'est à cela que servirait l'intermédiaire. Si cette personne constate qu'il y a eu infraction au code, alors on peut prendre les mesures qui s'imposent.
[Français]
M. Laurin: Mais comment le public pourrait-il être assuré que cet intermédiaire-là n'a pas été acheté? Comment s'assurer que cette personne-là n'a pas reçu un pot-de-vin, un montant important pour camoufler certaines transactions? Certaines personnes disent qu'on ne peut trouver personne qui ne puisse être acheté. Apparemment, on serait tous achetables. Ce ne serait que le prix qui varierait d'une personne à l'autre et il ne s'agirait que de le fixer. J'ai de la difficulté à accepter cela, mais cela fait réfléchir.
C'est ce qui me laisse incertain. On n'a aucun moyen de s'assurer que cette personne jouera bien son rôle et qu'elle le fera honnêtement si on ne peut pas divulguer cela publiquement. Seriez-vous d'accord qu'elle telle personne, si elle constatait une infraction ou une situation de conflit d'intérêts, puisse la faire connaître publiquement?
[Traduction]
Mme Manley: À mon avis, ce n'est pas à nous de décider des mécanismes de sélection d'un intermédiaire, qu'il s'agisse d'un organisme ou d'une personne qui joue ce rôle d'intermédiaire. Je pensais qu'une telle décision sortait de notre mandat.
Je ne pense pas que ce soit très différent de ce que nous avons lu au sujet de l'existence d'une sorte de tampon entre la confidentialité et la publication. Il doit exister une étape intermédiaire. Du point de vue des conjoints, ce qui reste de notre vie privée est déjà tellement limité que nous voulons éviter d'en perdre davantage.
[Français]
M. Laurin: Reconnaissez-vous au moins que le conjoint se retrouve dans une situation presque inévitable?
[Traduction]
Mme Manley: Oui, je comprends ce que vous voulez dire. Ce que je veux savoir, c'est s'il faut vraiment empirer les choses.
[Français]
M. Laurin: Je suis là surtout pour poser des questions aujourd'hui, car notre rapport viendra plus tard. Je comprends votre embêtement et je comprends la situation dans laquelle se retrouve le conjoint. Reconnaissez-vous au moins qu'on peut difficilement éviter cette situation?
On a à choisir entre brimer la vie privée du conjoint et assurer la sécurité publique et l'honnêteté du politicien. On a à choisir entre les deux. Ce n'est pas facile. Je comprends qu'on puisse brimer la vie du conjoint, mais n'est-ce pas toujours comme cela lorsque, heureusement ou malheureusement, on a choisi d'épouser quelqu'un qui est très connu publiquement? C'est la même chose pour les artistes, les peintres, les chanteurs, les sportifs qui sont connus mondialement. Forcément, le conjoint en souffre. Lorsqu'ils font le choix de leur conjoint, ils doivent choisir en même temps la vie publique. Cela veut dire qu'il n'y aura plus de vie privée, sauf peut-être celle de la chambre à coucher. Celle du portefeuille, ce n'est pas certain qu'on puisse la maintenir cachée. Reconnaissez-vous au moins qu'il y a là un grave problème auquel il faut trouver une solution?
[Traduction]
Mme Manley: Absolument. C'est un défi. Dans ma déclaration, j'ai dit que j'espère que vous pourrez trouver le moyen d'exiger un certain niveau de divulgation sans aller trop loin.
[Français]
M. Laurin: Selon vous, la première nécessité est de rendre des comptes au public. Cette première nécessité est-elle plus importante que celle de protéger la vie privée du conjoint ou de la conjointe?
[Traduction]
Mme Manley: En tant que conjoints, nous sommes toujours à la recherche d'un juste équilibre et il en va de même pour la question à l'étude.
[Français]
M. Laurin: C'est tout pour le moment, monsieur le président.
[Traduction]
Le coprésident (M. Milliken): Monsieur Epp.
M. Epp (Elk Island): Merci.
Merci de votre présence. J'aimerais vous demander comment vous avez obtenu ces données. Avez-vous tenu une réunion? Avez-vous envoyé des questionnaires? Comment avez-vous procédé?
Mme Manley: J'ai envoyé des bulletins ordinaires et informé les membres que votre comité siégerait et que nous aurions l'occasion de comparaître devant lui. Je leur ai demandé de me donner leur avis. Les réponses que j'ai reçues faisaient surtout état d'anecdotes.
Je le répète, deux avocats membres de l'association et moi-même avons examiné la documentation disponible ainsi que les articles de presse, en vue d'en arriver à une conclusion raisonnable.
M. Epp: Vous n'avez donc pas eu l'occasion de vous réunir avec tous vos membres?
Mme Manley: Nous n'avons jamais l'occasion de tous nous réunir.
M. Epp: Vous avez donc simplement demandé leur avis à vos membres sans leur soumettre de questionnaire structuré.
Mme Manley: Exactement.
M. Epp: Tout cela est purement hypothétique, mais que se passerait-il selon vous si vous envoyiez vraiment un questionnaire aux conjoints en leur posant des questions précises sur les différents points que vous énoncez dans votre exposé? Pensez-vous représenter exactement l'opinion de l'association des conjoints?
Mme Manley: Oui. Le taux de réponses serait à peu près le même.
M. Epp: Vous êtes femme de ministre, et il vous a donc fallu divulguer vos biens, même si ce n'était pas en public.
Mme Manley: C'est exact.
M. Epp: Simplement en privé. Si jamais il y avait la moindre allégation d'irrégularité - ce qui est tout à fait improbable dans votre cas, selon nous, ces renseignements risqueraient d'être rendus publics. Est-ce que cela vous préoccuperait le moindrement?
Mme Manley: Ce qui me préoccuperait davantage, c'est qu'il y ait eu irrégularité.
M. Epp: Oui, cela va de soi.
J'ai une idée. Je l'ai lancée auprès de mes collègues du comité et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je propose de prévoir, non seulement pour les membres du Cabinet mais aussi pour tous les parlementaires, une divulgation minimale auprès d'un tiers, qu'il s'agisse d'un commissaire ou d'une autre personne responsable. Au moment des élections, en même temps que le serment d'office, le député signerait aussi un formulaire stipulant que, en cas d'allégations d'irrégularité, au besoin, le commissaire ou le conseiller en éthique - quel que soit son titre - serait habilité à vérifier de plus près la liste des biens, etc. Cela serait-il acceptable aux membres de votre association, ou y voyez-vous des objections?
Le sénateur Bosa: Pourriez-vous nous citer un exemple d'irrégularité?
M. Epp: Je pense par exemple, en Alberta, à cette affaire assez louche mettant en cause notre premier ministre: un bon nombre de graves allégations ont été faites quant à savoir s'il était coupable de délit d'initié en conseillant sa femme d'acheter un gros paquet d'actions dans une société. Il n'y a jamais eu aucune preuve et le conseiller en éthique a rejeté les allégations. Dans un cas semblable - pour atteindre l'objectif que poursuit notre comité - il s'agit notamment de rétablir la confiance des Canadiens dans l'intégrité de leurs parlementaires. La seule façon de calmer les esprits à ce sujet, c'est de divulguer dans une affaire semblable tous les faits. Une fois que les allégations tombent dans le domaine public, rien ne doit rester secret.
Mme Manley: S'il y a des doutes, à mon avis, on poussera un peu plus loin l'enquête. C'est inévitable. Je ne comprends pas ce qui justifie votre question.
M. Epp: C'est prévu actuellement aux termes du Code criminel. Ce que je veux dire, c'est que s'il ne s'agit pas vraiment d'une accusation d'acte criminel... mais simplement d'une enquête sur une quelconque irrégularité...
Permettez-moi de vous citer un autre exemple. Il y a une affaire mettant en cause un membre d'une des chambres - je ne dirai pas laquelle, car nous ne sommes pas censés utiliser le terme «Sénat»...
Le coprésident (M. Milliken): Vous pouvez le faire au comité mixte. Personne ne vous traînera devant les tribunaux, monsieur Epp.
M. Epp: Ici c'est possible?
Le coprésident (M. Milliken): Oui.
M. Epp: Il y avait un sénateur qui, tout en touchant son plein traitement de sénateur, était accusé d'avoir reçu 5 000 $ par mois pendant quatre ans pour travailler comme expert-conseil auprès d'une entreprise. Lorsqu'une accusation de ce genre est portée, tout d'abord, cela nous démoralise, car voilà un homme qui, alors qu'il occupe un emploi à temps plein payé grâce aux deniers publics, réussit quand même à trouver du temps libre, aux dépens de son emploi public, pour faire ce genre de choses, ou alors c'est qu'il touche des pots-de-vin. Dans ce genre d'affaire, il serait souhaitable que tous les détails soient rendus publics. Ou bien les choses sont dévoilées au grand jour et le coupable est connu de tous, ou bien il est blanchi et la seule façon de le faire, c'est grâce à la divulgation publique. À mon avis, la seule fois où ce genre de choses devient public c'est lorsqu'il existe des preuves concrètes, solides et graves d'irrégularités. Le commissaire devrait alors avoir le droit d'y regarder de plus près et de rendre tous les renseignements publics.
Le coprésident (M. Milliken): Les rendre publics, dites-vous. C'est secret jusqu'à ce que...
M. Epp: C'est secret jusqu'à ce que les soupçons fondés pèsent sur la personne.
Le coprésident (M. Milliken): Alors quelle est votre question au témoin?
M. Epp: Voici ma question. Vous opposeriez-vous à cela?
Mme Manley: Du point de vue de la protection de la vie privée, je ne voudrais pas que la publication soit la dernière chose sur la liste, pas à compter du moment où des allégations sont faites, mais à compter du moment où il y a des preuves.
Le coprésident (M. Milliken): Oui, du point de vue du conjoint.
Mme Manley: Du point de vue du conjoint, qui est mon point de vue à moi.
Le coprésident (M. Milliken): Qui n'est pas nécessairement le point de vue du parlementaire.
Mme Manley: Je réserve mon opinion à ce sujet.
M. Epp: Madame n'aurait aucun mal à se faire élire députée, n'est-ce pas?
Le sénateur Bosa: Vous dites que le sénateur touchait 5 000 $ par mois. Est-ce qu'il pourrait s'agir d'un salaire qu'on verserait au sénateur en échange de certains services? Où est l'irrégularité ici?
M. Epp: L'irrégularité réside dans le fait qu'il parcourt le monde, qu'il lui faut prendre du temps pour gagner ces 5 000 $ par mois, ce qui l'éloigne de toute évidence de ses fonctions sénatoriales. Personnellement, je ne crois pas qu'il soit juste d'avoir deux grands employeurs.
Le sénateur Bosa: Est-ce qu'il touchait ces 5 000 $ parce qu'il parcourait le monde et s'absentait au Sénat?
M. Epp: Eh bien, admettons que...
[Français]
M. Laurin: Monsieur le président, je me demande si c'est utile qu'on aille plus loin dans un cas particulier comme celui-là. On pourrait chercher pendant longtemps ce dont il s'agit exactement, mais je ne veux pas le savoir aujourd'hui. En tout cas, cela n'a aucun intérêt pour les fins de...
[Traduction]
Le coprésident (M. Milliken): Je suis d'accord avec vous. Je crois qu'on s'éloigne du sujet, et nous sommes ici pour interroger le témoin. Peu importe ce que nous pensons de ce que font ou ne font pas certains sénateurs, nous sommes ici pour discuter du cas des conjoints des parlementaires, et je crois que nous devrions nous en tenir à cela.
M. Epp: Me permettez-vous de revenir à la charge? J'ai encore quelques questions.
Vous dites que vous ne vous opposez pas à ce qu'on rende publique la liste des biens, mais vous vous opposez à ce qu'on en donne la valeur nette. Quelle est la différence? Pourquoi cette différence?
Mme Manley: Par exemple, si un tel possède des actions chez MacMillan Bloedel et qu'on dit combien d'actions il a, tout le monde pourra savoir combien vaut exactement cette personne.
M. Epp: D'accord.
Mme Manley: Mais si l'on sait que cette personne a un intérêt dans cette...
M. Epp: Autrement dit, vous êtes d'accord pour qu'on rende publique la liste des biens, mais sans qu'on en dévoile la valeur.
Mme Manley: C'est exact.
M. Epp: On pourrait inscrire dans le règlement un certain seuil pour la valeur; disons, si on possède pour plus de 5 000 $ d'actions, elles devraient être déclarées dans ce registre privé.
Mme Manley: Il faut que tout soit déclaré. C'est une question de divulgation.
M. Epp: Ah, d'accord. Donc, vous ne vous opposez même pas à ce qu'on rende publique la liste des entreprises dans lesquelles vous possédez des actions ou des intérêts.
Mme Manley: C'est exact.
M. Epp: Ah, c'est formidable.
Mme Manley: Personne ne s'est opposé à cela.
M. Epp: C'est formidable.
Mme Manley: Ce n'était pas unanime, mais c'est la conclusion que nous avons tirée.
M. Epp: Vous savez, je pense qu'on pourrait faire un bout de chemin si l'on pouvait persuader tous nos parlementaires de faire cela.
Ma dernière question a trait au fait que vous voulez voir ces recommandations avant qu'elles soient soumises à la Chambre. Je vais inverser la question. Faisons un bond dans le temps ici. Nous avons des recommandations et nous vous réinvitons ici pour que vous puissiez en prendre connaissance avant que nous les soumettions à la Chambre. Je ne fais que conjecturer ici, mais quel genre de changements trouveriez-vous inacceptables dans ce code? À quoi vous opposeriez-vous?
Mme Manley: À une divulgation totale, par exemple. Les choses qui constitueraient à notre avis une intrusion inutile dans notre vie privée.
M. Epp: D'accord, j'ai terminé.
Le coprésident (M. Milliken): Monsieur Pagtakhan.
M. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Merci, monsieur le président.
Madame Manley, j'ai quelques questions. Quand vous dites que vous ne vous opposez pas à ce que l'on confie la liste de vos biens à un intermédiaire, est-ce que cet intermédiaire devrait être à votre avis une créature du gouvernement, par exemple un conseiller en éthique?
Mme Manley: Quelqu'un comme ça, oui, une personne indépendante.
M. Pagtakhan: Quelqu'un qui serait tenu au secret, si bien que le secret sera protégé.
Mme Manley: Protégé...?
M. Pagtakhan: Est-ce ce que vous entendez par intermédiaire?
Mme Manley: Je vous comprends, oui.
M. Pagtakhan: Vous avez parlé des cadeaux que les conjoints acceptent. Si ces cadeaux font partie du cadre normal de l'accueil - le comité n'exprimera pas son désaccord, étant donné qu'il s'agit seulement d'une opinion personnelle - mais disons que ces cadeaux dépassent une certaine valeur, certains pourraient penser qu'on s'écarte des traditions normales d'accueil. Votre association s'opposerait-elle à ce qu'on fixe une valeur aux cadeaux qu'on pourrait accepter?
Mme Manley: Je ne crois pas. J'ai trouvé le code américain lugubre à ce sujet. Si c'est entre 5 et 10 $, alors on fait ceci, et si c'est entre 10 et 50 $, alors on fait cela. Je ne sais pas exactement le texte, mais c'est ce genre de règlement qu'on y trouve et je trouve cela fastidieux et totalement inutile. Comme je l'ai dit, cela entraverait les échanges sociaux normaux parce que je serais obligée de savoir combien valent les cadeaux qu'on m'a faits. À mon avis, c'est tout à fait inconvenable.
M. Pagtakhan: Si vous en apprenez la valeur après l'avoir reçu, sachant que refuser le cadeau quand on vous l'offre pourrait être interprété comme un manquement à la courtoisie... Si quelqu'un détermine de son mieux que le cadeau dépasse une certaine valeur convenue, votre association s'opposerait-elle à ce qu'on divulgue cela?
Mme Manley: Déclare cela? Encore là, je ne sais pas s'il faut rendre une chose publique, mais j'imagine que ce serait normal. Ce n'est pas le genre de chose que... Je n'ai aucune expérience ici.
M. Pagtakhan: Si l'on définissait les intérêts privés d'un parlementaire et de son conjoint, bon nombre de biens seraient probablement exclus. Il y a aussi plusieurs biens qui appartiennent au couple. Je vais vous en donner la liste et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Certains de ces biens peuvent être mis à l'actif ou au passif du couple: tout intérêt financier, les biens immobiliers où l'on réside, les véhicules personnels, le liquide dont on dispose, les dépôts en banque et les valeurs à montant fixe, les REER, autogérés ou non, les certificats de dépôt garanti, les rentes viagères, les polices d'assurance-vie ou les droits aux prestations de retraite.
Vous opposez-vous à ce que l'on divulgue ces biens?
Mme Manley: À l'intermédiaire?
M. Pagtakhan: Oui.
Mme Manley: Non.
M. Pagtakhan: Pas du tout?
Mme Manley: Non.
M. Pagtakhan: Vous opposeriez-vous à ce qu'on rende une telle liste publique?
Mme Manley: Si c'est inutile, oui.
M. Pagtakhan: Je n'ai plus de questions, monsieur le président.
Le coprésident (M. Milliken): Merci, monsieur Pagtakhan.
Monsieur Loney.
M. Loney (Edmonton-Nord): Madame Manley, vous avez dit que peu de gens avaient répondu à votre sondage. Avez-vous interrogé tous vos membres, ou seulement quelques membres choisis?
Mme Manley: J'ai envoyé des bulletins de nouvelles à tout le monde.
M. Loney: Donc tout le monde a eu la possibilité de répondre.
Mme Manley: Nous avons demandé qu'on réponde à deux reprises, et nous avons téléphoné à un certain nombre de personnes pour obtenir des réponses.
M. Loney: C'était une sorte de suivi.
Mme Manley: Oui.
M. Loney: Merci.
Mme Manley: Ce sont des gens occupés.
Le coprésident (M. Milliken): Nous allons maintenant passer au deuxième tour. Sénateur.
Le sénateur Bosa: Madame Manley, vous avez dit qu'il existe des règles régissant la divulgation en Grande-Bretagne, si je vous ai bien compris.
Mme Manley: Si je comprends bien la situation là-bas.
Le sénateur Bosa: Avez-vous obtenu des informations du Congrès américain et des autres pays?
Mme Manley: J'ai obtenu mes informations de votre recherchiste.
Le sénateur Bosa: Attribuez-vous à l'absence d'intérêt le fait que si peu de conjoints aient répondu à votre sondage?
Mme Manley: J'attribue cela essentiellement à l'inexpérience. Personne ne sait vraiment de quoi il s'agit parce que personne n'a encore été touché. Les conjoints des ministres étaient plus disposés à répondre parce qu'ils y ont réfléchi un peu plus. Mais la plupart ne se sont tout simplement pas formé d'opinion.
Le sénateur Bosa: Vous dites que dans l'état actuel des choses, vous sacrifiez déjà une partie de votre vie privée.
Mme Manley: Oui.
Le sénateur Bosa: En votre qualité d'épouse d'un ministre très influent, éprouvez-vous également des limites dans d'autres domaines, par exemple quand vient le moment d'exprimer vos opinions?
Mme Manley: Oui.
Le sénateur Bosa: Ma femme n'est pas toujours d'accord avec tout le monde.
[Français]
Le coprésident (M. Milliken): Monsieur Laurin, s'il vous plaît.
M. Laurin: Madame Manley, êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il y a des choses dans la vie qui parfois s'excluent mutuellement? Un jour, la plupart d'entre nous ont eu à faire un choix entre poursuivre une vie en famille et faire une vie de couple. On ne pouvait faire l'un et l'autre en même temps. Il y avait un choix difficile à faire, mais en choisissant de vivre en couple, on excluait nécessairement la vie en famille.
Quand on choisit la vie publique, c'est un peu la même chose. On ne peut choisir la vie publique et, en même temps, avoir une vie privée. Êtes-vous d'accord qu'une situation exclut forcément l'autre?
Mme Manley: Oui.
M. Laurin: Donc, seriez-vous d'accord que dans un système, on puisse prévoir une déclaration des biens du conjoint à une tierce personne, comme vous le dites, mais que ces choses-là soient rendues publiques? Cela ne veut pas dire qu'il y aurait publication. Les renseignements pourraient être déposés chez une personne de confiance et quiconque, après avoir prouvé qu'il a un intérêt à connaître ces renseignements, pourrait y avoir accès. Seriez-vous d'accord sur un système comme celui-là?
[Traduction]
Mme Manley: Je ne suis pas sûre de bien comprendre votre système. Je tiens à dire en réponse à cela que si le député ou le sénateur a décidé d'entrer dans la vie publique, le conjoint n'a pas nécessairement fait le même choix. Même si l'on peut encourager son conjoint, on a quand même le droit de conserver certains éléments de vie privée. C'est notre point de vue.
Je pense avoir dit clairement pourquoi nous demandons un intermédiaire. À notre avis, il n'y a aucune nécessité de divulguer des tas d'informations qui ne touchent personne sauf nous.
[Français]
M. Laurin: Vous avez dit que le conjoint n'avait pas fait le choix. Si tous les députés sont comme moi, ils n'ont pas pu se lancer en politique sans avoir le consentement de leur conjoint. Chez nous, ce n'était pas pensable, en tout cas. Je n'aurais pas pu devenir député si ma femme n'avait pas été d'accord. Autrement, on n'aurait plus été capables de vivre en couple; on aurait vécu chacun de notre côté. J'aurais eu ma vie publique et elle aurait gardé sa vie privée. À partir du moment où j'ai décidé de mener une vie publique, j'ai consulté ma conjointe et je lui demandé: Es-tu d'accord? Si elle m'avait dit non, j'aurais dit non également.
Mme Manley: Oui.
M. Laurin: Puisque je suis ici, c'est qu'elle m'a dit oui et, comme elle a dit oui...
Mme Manley: On peut dire d'accord et on peut dire d'accord. Il y a une différence.
M. Laurin: Si vous dites d'accord, c'est que vous choisissez la vie publique et, à ce moment-là, vous en subissez les conséquences. Si vous dites que vous n'êtes pas d'accord, vous avez un autre choix à faire. Si vous n'êtes pas d'accord que votre mari fasse de la politique, l'autre choix est peut-être de le laisser aller seul et de faire autre chose. Cela nous amènerait trop loin s'il fallait débattre de cela aujourd'hui.
Je veux préciser une chose. Dans un autre comité, on parle d'un conseiller en éthique. Ce conseiller-là pourrait agir comme le gardien des divulgations ou des déclarations qu'un député et son conjoint pourraient faire. Ce pourrait être le conseiller en éthique ou quelqu'un qui aurait le même statut que lui. Ce conseiller recevrait vos déclarations et les garderait précieusement, mais il serait obligé de les laisser consulter par toute personne qui pourrait faire la preuve qu'elle a un intérêt sérieux à prendre connaissance de ces choses-là.
Par exemple, si vous êtes un journaliste et que vous soupçonnez que tel député est en train de voter en faveur d'une loi qui va favoriser telle compagnie dont son conjoint est actionnaire, il pourrait démontrer qu'il fait enquête et qu'en vertu de ses fonctions, il a intérêt à savoir si, effectivement, le député a des actions de telle compagnie. Lorsqu'un certain intérêt serait démontré, toute personne qui pourrait en faire la preuve pourrait avoir accès à ces renseignements, qui seraient publics, mais pas nécessairement publiés.
Est-ce que cela vous réconcilie avec l'obligation de divulguer ces renseignements? Seriez-vous plus en faveur d'un système comme celui-là?
[Traduction]
Mme Manley: Est-ce qu'on peut me donner du temps pour penser à cela?
[Français]
M. Laurin: Combien de temps, monsieur le président? Vous voulez dire que vous aimeriez mieux ne pas répondre aujourd'hui?
[Traduction]
Mme Manley: Je crains de ne pas avoir tout compris. Je suis désolée. Je n'écoute pas en anglais. Je préfère écouter en français, mais je crains de ne pas avoir tout compris.
Le coprésident (M. Milliken): Je crois que ce qu'on veut dire, c'est que si un journaliste se présentait chez le conseiller en éthique et qu'il voulait savoir si vous possédez des actions dans une entreprise en particulier, parce qu'on a fait des allégations à propos d'une transaction mettant en cause cette entreprise, pourrait-il obtenir ces informations? Je crois que la question est celle-ci: le conseiller en éthique dans notre système ne devrait-il pas être celui qui fait enquête et qui dit s'il y a eu manquement en cas d'allégation, parce que c'est lui qui possède les informations?
Pour ce qui est de la divulgation confidentielle dont nous avons parlé relativement aux conjoints, si je me rappelle bien notre brève discussion à ce sujet et les documents que nous avons reçus, le conseiller pourrait faire ce travail si l'on faisait des allégations et pourrait dire oui ou non à la question de savoir si des irrégularités ont été commises, mais il ne serait pas obligé de divulguer quoi que ce soit.
Mme Manley: Je voudrais savoir pour ma part qui fait ces allégations et à quel niveau avant de donner la moindre réponse. Il y a allégations et allégations. Si c'est le journaliste qui fait les allégations et qui veut aller fouiner dans les informations, il y a contravention à mon avis.
Le coprésident (M. Milliken): Est-ce que cela répond à votre question, monsieur Laurin.
Monsieur Epp, avez-vous d'autres questions?
M. Epp: Je veux faire une déclaration.
Le coprésident (M. Milliken): S'agit-il d'une déclaration que vous voulez faire devant ce témoin, ou pouvez-vous la faire lorsque nous en aurons terminé avec le témoin?
M. Epp: Non, je tiens à dire cela devant le témoin. À mon avis, le témoin s'est prononcé sur une position que le comité a prise, et je tiens à réitérer cette position.
L'indépendance du conseiller en éthique ou de toute personne qui fera respecter le code que nous produirons est absolument essentielle. Le conseiller en éthique doit avoir la confiance de tous les partis, et cette personne doit être absolument à l'abri de toute influence politique. Si l'on veut garantir la confidentialité en cas d'enquête, il faut que ce conseiller ait la confiance de tout le monde. Autrement, notre code ne vaudra rien.
Le coprésident (M. Milliken): Je pense que tout le monde est d'accord avec ça.
M. Epp: Très bien. Et je tiens à dire également ceci, avec votre permission, aux témoins. Cela n'a rien à voir avec notre comité.
Ma femme croit que j'ai fait de grands sacrifices pour ce choix que nous avons fait ensemble. Je vous félicite, vous et votre groupe, pour le soutien que vous vous donnez mutuellement. Tenez bon, et faites de votre mieux pour nous et pour vous-mêmes. Je vous sais gré de votre collaboration.
Je téléphone à ma femme tous les soirs. Je sais que je suis celui qui est le plus occupé, le plus actif, dont la vie est le plus remplie, et qu'elle doit essentiellement se faire une vie à elle puisque je suis absent la plupart du temps.
C'est une chose qu'il ne faut pas oublier. Merci.
Le coprésident (M. Milliken): Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie, madame Manley, d'être venue avec d'autres conjoints. Je vous remercie d'avoir répondu si directement aux questions qui vous ont été posées et de l'aide que vous avez apportée au comité. Je vous en sais gré.
Mme Manley: Merci à vous.
Des voix: Bravo, bravo.
Le coprésident (M. Milliken): Avant de lever la séance, je voudrais vous parler d'une lettre que j'ai reçue de Ian Greene de l'Université York. Les députés se souviennent peut-être que M. Greene a témoigné devant notre comité l'automne dernier avec deux de ses collègues. Ils étaient trois. Il nous a indiqué qu'il menait une étude sur la déontologie politique au Canada. Ils avaient un questionnaire qu'ils comptaient faire remplir par 1 400 Canadiens, mais ils voulaient aussi mener des interviews auprès des députés et des sénateurs. Ils ont encore beaucoup d'autre pain sur la planche. J'ignore combien de parlementaires ils auront interviewés d'ici à la fin de leur étude.
On leur avait promis de l'argent pour la dernière année financière. Toutefois, parce qu'ils n'ont pas reçu l'autre subvention qu'on leur avait promise à temps, leur argent est épuisé. C'est expliqué dans la lettre. Ils demandent si cela intéresserait le comité de financer la recherche qu'ils ont entreprise auprès des députés et sénateurs en échange de données qu'ils nous fourniraient sous peu.
Ils disent que cela coûterait 5 000 $. J'en ai discuté avec l'actuel conseiller en éthique, qui m'a dit être disposé à apporter sa contribution. J'ignore à quelle somme elle s'élèverait, mais je sais qu'elle ne sera pas de 5 000 $.
La question est donc de savoir si cela intéresse le comité d'obtenir les résultats de cette étude promptement, autrement dit, avant que nous présentions notre rapport? Si nous ne finançons pas cette étude, je crois savoir qu'elle sera néanmoins menée à bien, mais à beaucoup plus long terme.
Peut-être qu'il est trop tard pour que ces données nous soient utiles, mais peut-être pas. Il incombe aux membres du comité d'en décider. Voulez-vous autoriser la dépense d'une partie de notre budget à cette fin?
Qu'en pensez-vous?
M. Epp: Quel budget avons-nous obtenu des deux Chambres? Avons-nous respecté notre budget? Avons-nous encore des sommes à dépenser?
Le coprésident (M. Milliken): La réponse à toutes vos questions est oui.
Monsieur Laurin.
[Français]
M. Laurin: Lorsqu'on a besoin d'information, on décide d'abord de la firme qu'on va embaucher pour produire un document. Lorsqu'on choisit une firme, on la choisit habituellement en raison de sa crédibilité, de la confiance qu'on a en elle, de son expertise, de ses travaux antérieurs, etc. Par la suite, on lui donne une commande en précisant ses besoins et ce qu'on est prêt à payer.
Mais ici ce n'est pas le cas. Une entreprise fait un travail qui, selon cette compagnie, pourrait avoir un résultat intéressant pour notre comité. On ne le sait pas. Le travail n'est pas fini. On risque de donner 5 000 $ pour un travail qui, au bout de la ligne, ne nous satisferait pas et on aurait donné une subvention à une entreprise privée.
Ce n'est pas notre rôle, en tant que comité, de verser des sommes de cette façon. Je suis pour la recherche, mais si la compagnie a besoin de subventions, il y a d'autres ministères qui font ce genre de choses et décident si la recherche doit être subventionnée ou non, si elle est valable ou non. Je ne pense pas que ce soit le rôle de notre comité de le faire.
Le coprésident (M. Milliken): Ils ont déjà reçu une subvention d'un autre conseil pour cela.
M. Laurin: Oui, je comprends bien, mais s'ils n'en ont pas reçu davantage, c'est que l'organisme qui les a subventionnés a jugé que cela n'en valait pas plus. Ce n'est pas à nous de nous substituer à un autre organisme pour compléter cette étude. En tout cas, je ne serais pas d'accord qu'on leur fournisse 5 000 $.
[Traduction]
Le coprésident (M. Milliken): Y a-t-il d'autres vues?
Le sénateur Bosa: Est-ce que cette étude se fait sous l'égide de l'Université de Guelph? Quelqu'un de cette université m'a téléphoné pour une entrevue.
Le coprésident (M. Milliken): Oui, ces chercheurs ont déjà mené des entrevues téléphoniques.
Le sénateur Bosa: C'est donc la même équipe...?
Le coprésident (M. Milliken): Oui, les 140 entrevues téléphoniques sont terminées. Les entrevues se font par téléphone. L'équipe de chercheurs demande des fonds supplémentaires pour terminer ces entrevues. C'est tout.
Le sénateur Bosa: Ils se sont débrouillés seuls jusqu'à présent?
Le coprésident (M. Milliken): Non, ils ont reçu une subvention de 5 000 $ du Conseil de recherches en sciences humaines, comme l'indique le troisième paragraphe de la lettre. Ils ont reçu cette subvention cette année.
Le sénateur Bosa: A-t-on évalué le travail qui a été fait jusqu'à présent?
Le coprésident (M. Milliken): Pas que je sache, mais je présume que pour obtenir cette subvention, un comité de leurs pairs du Conseil de recherches en sciences humaines a examiné leur plan de travail. Mais nous n'avons pas fait d'évaluation, sauf pour ce qui est de l'exposé qu'ils nous ont présenté lorsqu'ils ont témoigné devant notre comité.
Le sénateur Bosa: Monsieur le président, s'ils ont déjà mené 140 entrevues, il ne serait peut-être pas sage de les obliger à mettre fin à leur recherche.
Le coprésident (M. Milliken): Il ne s'agit pas de les obliger à mettre fin à leur recherche. Je crois qu'ils termineront leur étude de toute façon. Ils demanderont des fonds additionnels du Conseil de recherches en sciences humaines pour ce faire, mais cela prendra davantage de temps. La question est de savoir si nous voulons obtenir les résultats de cette étude à temps pour... D'ici trois semaines, disons. C'est de cela qu'il s'agit. Si nous leur versons de l'argent, ils pourront terminer leur étude dans deux ou trois semaines.
Le sénateur Bosa: Vous comptez déposer un rapport...?
Le coprésident (M. Milliken): Moi, non, mais eux, oui.
Le sénateur Bosa: Ils pourront mener le reste de leurs entrevues d'ici trois semaines?
Le coprésident (M. Milliken): C'est ce qu'ils m'ont indiqué.
Le sénateur Bosa: Eh bien, je serais d'accord pour les appuyer.
M. Epp: Est-ce que le comité a l'intention de présenter son rapport à la Chambre avant la fin de juin?
Le coprésident (M. Milliken): C'est l'échéance qui nous a été imposée par la Chambre. Je suppose que nous pourrions la reporter, si les deux Chambres sont d'accord.
M. Epp: Dans cette lettre, les chercheurs indiquent qu'ils pourraient nous fournir un résumé des résultats de leur recherche dans les deux semaines suivant la réception des fonds.
Le coprésident (M. Milliken): C'est exact.
M. Epp: Je ne sais pas. Nous avons déjà dépensé beaucoup d'argent pour faire venir les témoins et obtenir des renseignements de leur part. Nous n'avons pas financé quoi que ce soit d'autre, pour autant que je sache, n'est-ce pas?
Le coprésident (M. Milliken): Nous avons payé les déplacements, c'est tout.
M. Epp: Oui, seulement les déplacements. Nous pourrions établir un précédent dangereux en acceptant de verser 5 000 $ pour obtenir des informations de ce groupe, alors que les autres témoins ont collaboré à notre étude gratuitement. Ce serait mon objection.
En revanche, je m'intéresse beaucoup aux résultats de cette étude; j'aimerais bien savoir ce que diront ces 1 400 Canadiens, autres que les politiciens, qui auront été interrogés.
Le coprésident (M. Milliken): N'avons-nous pas obtenu certains de ces renseignements lorsque ces témoins sont venus nous voir?
M. Epp: Oui, en partie, mais je ne crois pas que cette partie soit terminée.
Le coprésident (M. Milliken): Margaret.
Mme Margaret Young (attachée de recherche du comité): Si ma mémoire est bonne, ces chercheurs ont mené un projet pilote à Guelph. Ils devaient étendre leur étude à l'échelle nationale au début de janvier 1996. Je crois que c'est de cela dont ils parlent dans leur lettre.
M. Pagtakhan: Si nous voulons considérer cette demande de financement, nous devrions à tout le moins examiner la proposition. Étant donné qu'un projet pilote a déjà été mené, nous devrions au moins en avoir les résultats et examiner le questionnaire avant de tirer quelque conclusion que ce soit.
Cela fait, nous serons en mesure de déterminer si ce genre d'étude pourrait servir au comité et décider alors de la financer. Ainsi, nous éviterions peut-être d'établir un précédent.
J'estime aussi que nous devons prendre garde de ne pas devenir un conseil de financement de recherche, car cela n'est pas notre intention. Mais il est vrai que nous payons les déplacements des témoins que nous voulons entendre parce que leur opinion nous importe.
Nous faisons face à un dilemme, monsieur le président. Je ne peux me prononcer, parce que nous n'avons pas établi l'intégrité du plan d'étude. Pour commencer, qu'en est-il des résultats du projet pilote? Avons-nous vraiment besoin des résultats d'un sondage national pour confirmer les résultats du projet pilote? Le résultat de ces recherches pourrait être précieux pour notre comité. Par conséquent, plutôt que de me prononcer dès maintenant, si nous avons encore un peu de temps, nous pourrions peut-être revenir à cette question plus tard, monsieur le président.
Le coprésident (M. Milliken): Nous pouvons certainement faire cela. Nous ne pouvons prendre de décision exécutoire aujourd'hui de toute façon car nous n'avons pas le quorum nécessaire. Je m'étais dit que, s'il y avait consensus, nous pourrions l'indiquer aux chercheurs et faire approuver notre décision à la prochaine séance du comité plénier. Puisqu'il n'y a pas consensus, je leur indiquerai que, pour l'instant, nous ne sommes pas disposés à financer leur étude. Nous y reviendrons le mois prochain.
Si le comité décide de reporter la date de dépôt de son rapport, nous pourrons revenir à la question.
Oui, monsieur Laurin.
[Français]
M. Laurin: Monsieur le président, je ne comprends pas comment vous pouvez conclure qu'apparemment nous sommes d'accord.
Le coprésident (M. Milliken): J'ai indiqué que nous n'étions pas d'accord.
M. Laurin: À moins que la traduction n'ait fait défaut, j'ai bien compris qu'on pourrait leur dire qu'on ne peut prendre de décision parce qu'on n'a pas quorum, mais qu'apparemment, on serait d'accord et on leur donnerait une réponse plus tard.
[Traduction]
Le coprésident (M. Milliken): Non, j'ai dit que s'il y avait eu unanimité, j'aurais pu leur indiquer qu'ils recevraient probablement de l'aide financière de notre part. Mais comme je viens de le dire, il est évident qu'il n'y a pas unanimité, qu'il y a même plutôt désaccord, et je leur répondrai donc que le comité n'est pas disposé pour l'instant à leur accorder des fonds.
Si nous reportons le dépôt de notre rapport à septembre ou octobre, nous voudrons peut-être alors financer cette étude afin d'en obtenir les résultats, mais il incombera au comité plénier d'en décider ultérieurement. D'accord? Cela met fin à la discussion.
Monsieur Epp, avez-vous un autre point à soulever?
M. Epp: La discussion n'est pas encore tout à fait terminée. J'ai encore une brève question. J'aimerais savoir si nos attachés de recherche pourraient nous donner des conseils sur la façon dont les comités recueillent habituellement les données leur permettant de rédiger leurs rapports et de prendre leurs décisions. Quelle est l'expérience des autres comités? Je sais que certains font faire des études à contrat.
Le coprésident (M. Milliken): En effet, je crois que cela arrive.
M. Epp: J'aimerais savoir ce que les attachés de recherche nous recommandent. Cette étude est-elle importante pour nous, à leur avis?
Le coprésident (M. Milliken): Avez-vous une opinion à nous offrir, Margaret?
Mme Young: Je n'ai pas d'opinion sur l'opportunité, pour le comité, de financer cette étude, mais je peux vous donner des informations qui pourraient vous aider à prendre une décision éclairée.
Malheureusement, M. Pagtakhan n'était pas membre du comité lorsque ces témoins ont comparu en novembre. À l'époque, ils avaient communiqué au comité les résultats de leur projet pilote et fourni aux attachés de recherche, sinon à tous, le questionnaire qu'ils avaient élaboré. Je l'ai sûrement à mon bureau. Je suis aussi sûre qu'il a été examiné par des pairs; ces chercheurs ont une excellente réputation dans leur domaine. En fait, ce sont probablement les plus renommés dans leur domaine, et ce, depuis plusieurs années.
En ce qui concerne ce que les comités ont fait dans le passé, les comités ont engagé à contrat des experts-conseils et continuent de le faire. J'ignore dans quelle mesure ils font faire des études à contrat - d'après mon expérience, c'est plutôt rare, mais je me trompe peut-être.
La greffière de la Chambre, Ellen, ainsi que Blair pourraient probablement s'enquérir de l'expérience générale des comités concernant l'octroi de contrats de recherche par opposition à l'octroi de contrats à des experts-conseils. Si le comité le souhaite, nous pourrions voir ce qu'il en est et vous faire rapport un peu plus tard. Est-ce que ce serait une bonne idée?
M. Epp: Je crois que oui.
Mme Young: D'accord.
Le coprésident (M. Milliken): Monsieur Epp, vous avez une autre question à soulever.
M. Epp: Vous êtes prêt?
Le coprésident (M. Milliken): Oui, absolument.
M. Epp: Nous n'avons pas le quorum nécessaire pour prendre de décisions, alors il s'agirait plutôt d'un avis de motion ou d'une demande d'information. Si je peux obtenir les renseignements dont j'ai besoin, une motion ne sera pas nécessaire.
Voici ma demande. J'aimerais qu'on dépose - peu m'importe si les autres membres du comité y tiennent ou non - une liste détaillée, au dollar près, de toutes les dépenses de ce comité. J'ai vu un rapport dans les journaux du Sénat qui indiquait que nous avions dépensé 14 400 $ jusqu'à présent, dont 13 000 $ en dépenses diverses. Cela a piqué ma curiosité. Cela peut ne pas vous sembler important, mais j'aimerais bien avoir ces informations. C'est ma demande.
Le cogreffier du comité (M. Armitage): Si je peux me permettre, monsieur Epp, vous vous rappelez sans doute que le Sénat et la Chambre avaient accepté de se partager les coûts d'impression. La Chambre des communes fournit les salles, la transcription, la traduction, l'édition, le formatage de disquette, etc., et le Sénat s'occupe de l'impression des fascicules. On s'est entendu pour que les deux Chambres partagent les dépenses en fonction du nombre de leurs représentants au sein du comité. Étant donné que, habituellement, les comités du Sénat n'ont pas de budget d'impression - cela est inclus dans les dépenses de la Direction des comités - il n'y a pas de poste pour l'impression dans nos comptes. Les sommes qui figuraient sous la rubrique «Dépenses diverses» étaient en grande partie des coûts d'impression.
M. Epp: Ça, c'est un rapport du Sénat. Mais je suis curieux: Si c'est un rapport du Sénat, est-ce uniquement la portion des coûts qui revient au Sénat...
Le cogreffier (M. Armitage): Oui.
M. Epp: ... et s'ils ont ici moins de représentants que nous...
Le coprésident (M. Milliken): On ne devrait pas avoir de difficulté à obtenir...
M. Epp: ... ça signifie que nous avons déjà dépensé plus de 50 000 $.
Le coprésident (M. Milliken): Non, non. Le Sénat assume les coûts d'impression parce que nous nous occupons de tout le reste. Nous en étions venus à une entente à ce sujet, monsieur Epp.
Vous obtiendrez ces données. Il n'y a rien de secret là-dedans. Ça ne cause aucun problème.
M. Epp: Si je peux obtenir ce qui est disponible, je serai probablement satisfait et je ne reviendrai pas là-dessus.
Le coprésident (M. Milliken): Le greffier vous fournira ces informations.
Le cogreffier (M. Armitage): Si je peux me permettre, normalement, ni l'une ni l'autre des deux Chambres ne tenaient des comptes sur l'impression des fascicules dans le passé lorsque la Chambre faisait imprimer des fascicules. Voilà pourquoi les chiffres ont été présentés comme cela. Mais je serai ravi de vous fournir ces informations.
Le coprésident (M. Milliken): S'il n'y a pas d'autres questions, la séance est levée.