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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 février 1997

.1108

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Oliver): La séance est ouverte.

Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à M. Bruce Phillips, commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Le Comité mixte spécial sur un code de conduite poursuit avec lui ses délibérations. C'est à la demande des députés du Bloc, qui forment l'Opposition officielle à la Chambre des communes, que nous avons invité M. Phillips à se joindre à nous aujourd'hui, et nous discuterons avec lui des rapports entre ce code de conduite et les questions relatives à la vie privée, tout particulièrement la divulgation, dont nous avons déjà parlé.

M. Langlois, du Bloc, assiste en ce moment à une autre rencontre, monsieur le commissaire, mais nous pourrions peut-être commencer maintenant afin de tirer parti du temps que nous avons. Lorsque M. Langlois sera des nôtres, je résumerai en quelques mots ce que vous aurez dit, pour que nous puissions passer aux questions.

Vous avez la parole.

M. Bruce Phillips (commissaire à la protection de la vie privée du Canada): Merci, monsieur le sénateur, monsieur Milliken, messieurs.

[Français]

Je préfère parler et répondre en anglais, ce qui est plus facile pour moi. Je continue d'apprendre l'autre belle langue.

[Traduction]

Tout d'abord, je tiens à vous remercier vivement de m'avoir invité. D'emblée, je dois dire que je n'ai pas la compétence voulue pour intervenir aujourd'hui, qu'il s'agisse d'un code de conduite ou d'un code de déontologie s'adressant aux parlementaires et à leurs familles, et si vous devez en adopter un, je ne peux pas me prononcer non plus sur son contenu. Il appartient strictement aux parlementaires d'en décider. Cependant, si je suis ici, c'est parce que, dans une certaine mesure, je suis bien placé pour donner quelques conseils sur les aspects relatifs à la vie privée d'une telle initiative.

Il est parfaitement évident que toute collecte de renseignements personnels, particulièrement du genre qu'on envisage dans ce code de conduite, nécessite le sacrifice ou la perte de certains éléments relatifs à la vie privée. Il s'agit de renseignements personnels qui sont délicats, lesquels sont divulgués à d'autres parties. Il s'agit donc de savoir ce qui constitue une perte raisonnable au niveau de la vie privée dans le but qui est recherché. Il n'appartient qu'à votre comité et aux deux Chambres du Parlement de prendre une décision en ce sens.

.1110

Mais avant d'en parler, je crois utile de vous rappeler mon rôle et l'étendue de ma compétence en vertu de la loi qui me guide, afin que vous puissiez garder à l'esprit les mesures qui sont en place aujourd'hui et le rôle d'un commissaire à la protection de la vie privée.

Le commissaire à la protection de la vie privée - j'ai la certitude que la plupart d'entre vous le savent - est un mandataire du Parlement. Je ne suis pas un fonctionnaire à l'emploi du gouvernement du jour. Ce qui veut dire que je ne rends des comptes qu'aux Présidents des deux Chambres, que je suis un vérificateur indépendant et parfois un critique de l'administration et de la législation fédérales, ainsi qu'un enquêteur indépendant. Les pouvoirs que j'exerce émanent de la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels.

La loi établit le droit qu'ont les personnes de voir les renseignements que les ministères possèdent sur eux et de faire corriger toute erreur qui s'y trouverait. Cependant, l'aspect le plus vital de la Loi sur la protection des renseignements personnels est la réglementation de la collecte, de l'utilisation et de la divulgation des renseignements personnels par le gouvernement, ce que nous appelons dans le métier «le code du traitement équitable de l'information». Les particuliers peuvent se plaindre auprès de moi s'ils sont mécontents de la réponse d'un organisme fédéral à leur demande, ou s'ils croient que la collecte, l'utilisation ou la divulgation des renseignements personnels par le gouvernement contrevient au code du traitement équitable de l'information.

Je dois souligner - particulièrement à votre comité - que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s'applique qu'à une centaine d'organismes fédéraux qui sont énumérés dans l'annexe à la Loi sur la protection des renseignements personnels. La loi ne s'applique pas du tout au sujet de la rencontre d'aujourd'hui - à savoir votre code de conduite. D'ailleurs, la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s'applique pas au Parlement, aux tribunaux, aux sociétés de la Couronne, au secteur privé réglementé par l'État fédéral, aux gouvernements provinciaux ou aux administrations municipales. Voilà pourquoi, dans une certaine mesure, je parle aujourd'hui d'une chose qui ne relève absolument pas de ma compétence. Telle est la limite de ma compétence.

Je ne suis donc ici qu'à titre de personne-ressource au fait de la protection de la vie privée, ou, si vous voulez, à titre de conseiller. Je veux seulement vous faire voir le point de vue de la protection de la vie privée, dans la mesure où elle concerne le code que vous envisagez.

Le mieux est de définir d'emblée les principes qui animent la Loi sur la protection des renseignements personnels et presque toute autre loi générale traitant de la protection de la vie privée. Ce sont les principes qui doivent gouverner la collecte de tout renseignement personnel, quel que soit le but recherché par toute autorité, qu'il s'agisse d'un jurisconsulte ou d'un sous-ministre.

L'autorité ne doit réunir que les renseignements dont elle a besoin pour faire son travail. Ces renseignements doivent être recueillis directement de l'intéressé là où il est possible de le faire. L'intéressé doit savoir pourquoi l'on veut ces renseignements. Il faut prendre toutes les mesures raisonnables pour assurer l'exactitude des renseignements. Il faut les garder suffisamment longtemps pour permettre à la personne d'y avoir accès et d'en vérifier l'exactitude. Ces renseignements ne doivent être utilisés que pour les buts pour lesquels ils ont été réunis, ou pour un usage compatible avec ce but, et ils ne doivent être divulgués que dans le but pour lequel ils ont été obtenus, ou pour un usage compatible avec ce but. Ces renseignements doivent être protégés par les mesures de sécurité et de confidentialité voulues contre toute divulgation involontaire, et les renseignements dont on n'a plus besoin doivent être éliminés d'une manière sécuritaire.

À mon avis, les questions les plus importantes dont vous avez à débattre sont les suivantes.

Premièrement, vous devez vous demander si vous avez besoin de réunir des renseignements personnels. Je pense que la réponse à cela est évidente si vous décidez qu'il est dans l'intérêt du Parlement d'adopter un tel code.

Deuxièmement, si c'est le cas, quels détails doit-on réunir et qui doit gérer ces renseignements, et cela comprend la divulgation de ces renseignements, et en vertu de quelles règles?

Troisièmement, il faut déterminer s'il doit y avoir contrôle indépendant, et, si oui, par qui? Je dis contrôle indépendant parce que c'est moi qui suis le contrôleur indépendant des éléments de l'administration fédérale qui sont visés par la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Voilà qui forme le contexte que vous devez prendre en compte dans vos délibérations sur les aspects du code relatifs à la protection de la vie privée. Je suis à votre disposition si vous avez des questions, et je tâcherai d'y répondre de mon mieux.

Merci.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci beaucoup, monsieur Phillips.

.1115

Je cède la parole à notre coprésident, M. Milliken, qui a une question à vous poser sur le code que nous envisageons. Monsieur Milliken.

Le coprésident (M. Milliken): Merci, monsieur le président.

Monsieur Phillips, dans le cadre de vos fonctions, avez-vous des responsabilités concernant le code de conduite qui s'applique aux titulaires de charges publiques, aux ministres et aux secrétaires parlementaires?

M. Phillips: Non, seulement dans la mesure où je suis, comme tout autre titulaire de charge publique de catégorie 1, assujetti à ce code.

Le coprésident (M. Milliken): Vous êtes donc assujetti à ce code et vous devez vous conformer aux exigences relatives à la divulgation que contient ce code et qui concernent les biens personnels.

M. Phillips: C'est exact.

Le coprésident (M. Milliken): Estimez-vous que les exigences relatives à la divulgation de ce code - et vous allez peut-être penser que cette question est injuste, mais je vous la pose parce que nous aimerions entendre votre avis à ce sujet - sont indûment astreignantes ou injustes? Autrement dit, répondent-elles aux critères que vous avez énoncés dans vos propos, ou exige-t-on plus d'information qu'il n'en faut?

M. Phillips: J'espérais ne pas entrer dans ce genre de débat, mais étant donné que vous me posez une question qui me concerne et qui ne s'appliquerait pas nécessairement à vous, je tâcherai de faire de mon mieux. Personnellement, je n'ai jamais trouvé ce code astreignant. C'est peut-être parce que ma déclaration est fort modeste. Les exigences relatives à la déclaration sont simples et directes.

Cependant, il y a un élément important dans ce que les titulaires de charges publiques doivent faire pour ce qui concerne la divulgation. Même si, à titre de titulaire de charge publique, je dois révéler au conseiller en éthique tous mes biens et obligations, l'accès public à ces renseignements est assez différent de ce que l'on envisage ici, si je comprends bien.

L'aspect public de la divulgation ne fait qu'indiquer si le titulaire de charge publique se conforme ou ne se conforme pas aux exigences, alors que ce que l'on envisage ici, si je comprends bien - et je dois vous dire que je n'ai pas encore vu copie du code que vous envisagez et l'on me dit que c'est encore un document confidentiel - , c'est un registre qui ferait connaître au public la nature des biens que possèdent les parlementaires, même si l'on n'en précisait pas nécessairement la valeur. C'est une différence importante.

En réponse à la question du coprésident, non, je n'y vois pas d'obligation astreignante. Si les gouvernements et les parlements décident que les titulaires de charges publiques doivent divulguer ces choses, cela ne me poserait pas de problèmes.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Entre «se conforme ou ne se conforme pas» et une divulgation, laquelle des deux formules préférez-vous?

M. Phillips: Je ne répondrai pas à votre question, sénateur Oliver, pour la simple raison qu'à titre de commissaire à la protection de la vie privée cela m'obligerait à entrer dans la discussion sur le degré de divulgation que votre Parlement pourrait juger nécessaire ou non.

Si les parlementaires sont d'avis que la confiance publique dans leur institution nécessite un certain degré de divulgation quant aux biens et obligations des députés, je crois que seules comptent ici les opinions des parlementaires eux-mêmes. Je ne peux répondre à cette question qu'à titre de citoyen, à titre personnel, et non à titre de commissaire à la protection de la vie privée. Je pense que cette question dépasse ma responsabilité et mon mandat, et que je n'ai pas de compétence pour répondre à cette question. J'aimerais beaucoup y répondre - bien sûr, j'ai une opinion sur la question à titre de citoyen et de personne - mais je pense que le commissaire à la protection de la vie privée que je suis aurait tort de confondre ces deux questions. Je ne voudrais pas voir un journaliste quitter votre comité, par exemple, et dire que le commissaire à la protection de la vie privée pense qu'il devrait y avoir tel ou tel degré de divulgation. Je pense que cela ne me regarde pas.

.1120

Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Epp.

M. Epp (Elk Island): Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous poser quelques questions. Tout d'abord, vous dites que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s'applique qu'aux organismes fédéraux, et non pas aux personnes. Est-ce exact? Vous ai-je bien compris?

M. Phillips: La Loi sur la protection des renseignements personnels s'applique aux renseignements personnels que possèdent une centaine d'entités fédérales qui sont énumérées dans l'annexe. Bien sûr, cela s'applique aux personnes. Cela s'applique aux renseignements personnels que contiennent les dossiers gouvernementaux. Ce sont ces renseignements que vise la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Je vous l'explique. Il ne fait aucun doute qu'il y a, quelque part, dans les dossiers du gouvernement du Canada des renseignements qui vous concernent, monsieur. Il se peut que vous vouliez un jour voir en quoi consistent ces renseignements. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, vous avez le droit de les voir. Vous avez le droit, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de voir à ce que ces renseignements ne soient pas utilisés pour des fins autres que les raisons pour lesquelles vous les avez communiqués au gouvernement.

M. Epp: Donc, la loi s'applique aux citoyens du Canada.

M. Phillips: Elle s'applique aux dossiers que possède le gouvernement du Canada, oui, et qui concernent les citoyens du Canada.

M. Epp: D'accord. Lorsque vous dites une centaine d'organismes fédéraux, vous parlez des organismes gouvernementaux qui conservent des bases de données sur les citoyens canadiens.

M. Phillips: Oui, c'est exact. De manière générale, on désigne ainsi tous les grands ministères fédéraux, tous les conseils d'administration et tribunaux, etc. Il y a quelques exceptions, que j'ai mentionnées dans mon allocution. Le Parlement est exclu - les activités du Parlement, les tribunaux et les sociétés de la Couronne, à l'exception de la Société canadienne des postes, qui figure dans l'annexe.

M. Epp: J'ai une question précise à vous poser sur le code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat qui s'applique aux titulaires de charges publiques. Est-ce que la loi en fait état, ou sont-ils exemptés? Les ministres peuvent-ils se réclamer de la protection qu'offre la Loi sur la protection des renseignements personnels?

M. Phillips: Non, ils ne peuvent se réclamer que de la protection qu'offrent les règles régissant la divulgation publique, où sont précisés les éléments qui sont accessibles au public.

Les titulaires de charges publiques - et au sens de la loi cela comprend les sous-ministres, les ministres, les secrétaires parlementaires, les membres du personnel ministériel et les personnes nommées par le gouverneur en conseil, telles que moi - sont obligés de déclarer au conseiller en éthique tous leurs biens et obligations, lequel prépare ensuite une déclaration publique qui est accessible au public.

Donc, cette déclaration est accessible au public. Les autres informations ne sont pas accessibles au public. Il s'agit de renseignements personnels au sens de la loi. En conséquence, le public n'y a pas accès. Les personnes qui ont communiqué ces renseignements ont bien sûr accès à leurs propres dossiers. Non seulement nous y avons accès, mais nous sommes également obligés de signaler tout changement à certains moments.

M. Epp: Ce à quoi je veux en venir, et ce que je veux savoir, c'est si votre compétence interviendrait quant au contenu si jamais le code de conduite que nous proposons pour les députés et sénateurs comportait des exigences relatives à la divulgation de certains renseignements?

Je vois des arguments contradictoires ici. Vous avez été invité ici pour nous donner des conseils, mais si j'ai bien compris votre préambule, vous n'auriez aucune compétence ici.

M. Phillips: Non, à moins que vous n'adoptiez une loi stipulant que ces renseignements sont désormais assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels; autrement, non. La Loi sur la protection des renseignements personnels ne vise pas le Parlement ni ses activités.

M. Epp: Nous recommandez-vous d'inclure cela dans notre code?

.1125

M. Phillips: Je vous recommande de songer sérieusement à la création d'un régime de protection pour ces renseignements, d'énoncer clairement la nature des renseignements qui doivent être rendus publics à votre avis, et la nature des renseignements qui ne devraient pas être rendus publics à votre avis, et d'énoncer ensuite cette décision clairement dans les règles et de l'assortir du régime voulu, afin que les députés y aient accès, qu'ils aient la certitude que ces renseignements sont conservés dans le respect de la sécurité et de la confidentialité, qu'ils puissent en vérifier l'exactitude en temps voulu, et que lorsque le député ou le sénateur, quel que soit le cas, quitte le Parlement, les renseignements contenus dans ce dossier soient détruits dans un délai raisonnable. C'est ce que je tenais à vous dire.

Messieurs, ce sont vos renseignements à vous, et il vous appartient de décider quels renseignements doivent être rendus publics, dans le respect de ce code. J'ai lu tous les témoignages des représentants provinciaux que vous avez entendus, celui de M. Sharp et les autres. J'imagine que, dans votre esprit, il faut adopter un code de ce genre si vous voulez maintenir la confiance publique. C'est donc à vous qu'il appartient de décider du degré de divulgation nécessaire pour mériter la confiance publique. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que, quels que soient les renseignements que vous allez obtenir des députés et des sénateurs, il vous faut un bon système pour les protéger. C'est ce que j'essaie de vous dire.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Collins.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Merci, monsieur le président.

Une question simple. Vous en avez déjà parlé deux fois. Vous dites qu'il faut éliminer les renseignements à compter du moment où on n'en a plus besoin. Pouvez-vous me dire à peu près à compter de quel moment? Je pense que c'est très important. Si personne n'a intérêt à connaître ces renseignements, il faut s'en défaire. Qui y verrait, et à compter de quel moment, croyez-vous?

M. Phillips: Permettez-moi de vous dire en quoi consiste la pratique générale, après quoi je parlerai du code de conduite. La pratique - en fait, c'est une exigence - oblige tous les ministères à avoir un calendrier de conservation pour les renseignements personnels qu'ils obtiennent des Canadiens. Ces calendriers peuvent varier. Pour ce qui est des renseignements courants, si vous avez demandé une subvention ou quelque chose comme cela, le calendrier de conservation ne sera pas bien long; peut-être deux ans. S'il s'agit de renseignements de nature policière, de renseignements que la police croit devoir conserver longtemps, la période sera beaucoup plus longue.

Ces calendriers ou tableaux de conservation sont établis par les ministères et les archives publiques, qui ont des spécialistes qui essaient de déterminer, de façon raisonnable, l'espérance et l'utilité de vie de tout renseignement. Il incombe aux ministères de se charger de la destruction de ces renseignements par la suite.

Quant au code de conduite, je crois qu'un tableau de conservation est déjà prévu dans le code régissant la conduite des titulaires de charges publiques. Si je ne me trompe pas, je crois qu'on conserve les documents pendant seulement deux ans. Oui, j'ai trouvé ces renseignements. Je cite:

c) à ce qu'au moment du départ d'un titulaire, les dossiers visés aux alinéas a) et b) soient détruits conformément à la politique des Archives nationales et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Bien que cela ne soit pas précisé ici exactement, je crois qu'il s'agit de deux ans. Mais nous pourrions le vérifier.

M. Collins: J'aimerais vous poser une autre question. Je ne sais pas si vous serez en mesure d'y répondre. Il s'agit d'une question purement hypothétique, mais c'est quand même une question qu'on se pose, et j'aimerais bien avoir une réponse, si cela est possible.

La question a trait aux banques. Nous allons examiner le système bancaire et nous allons déterminer que lorsqu'il s'agit des cotes de crédit... En Saskatchewan, par exemple, nous avons une agence d'évaluation du crédit. Cette agence est aussi responsable du recouvrement des créances. Si elle a de la difficulté à recouvrer ces créances, elle commence à modifier votre cote de crédit en conséquence.

.1130

Ne s'agit-il pas là d'un conflit d'intérêts? Qu'est-ce qu'on fait pour empêcher les situations où des agences, ayant deux mandats distincts en même temps, divulguent des renseignements au sujet de citoyens en se fondant entièrement sur le fait qu'elles ont réussi ou échoué à recouvrer les créances de ces individus?

Quant aux codes de conduite, parfois on fait des divulgations plus tard. On peut divulguer des renseignements ou des documents à votre sujet, et quelqu'un pourrait dire: «Attendez une minute, je viens de recevoir un autre élément d'information.» Je pourrais peut-être dire: «Attendez, est-ce que c'est juste?» Avez-vous déjà examiné cette question?

M. Phillips: Je vais essayer de répondre à cette question. Le genre de problème que vous envisagez dépend, en grande partie, du genre de renseignements qui doivent être divulgués dans l'intérêt public. Un parlementaire pourrait être vulnérable à ce genre de problème si on décidait de faire une divulgation publique de tous ses biens et de toutes ses dettes, jusqu'au dernier sou noir.

Il me semble, cependant, que vous n'auriez pas ce problème si, en faisant la divulgation, on faisait allusion au genre de biens sans en dévoiler la valeur. Il me semble que ce genre de divulgation vous protégerait de ce problème.

Quant aux agences d'évaluation du crédit, c'est une tout autre question, et j'aimerais revenir ici pour en discuter un autre jour.

M. Collins: Merci beaucoup.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Pagtakhan, suivi de M. Laurin.

M. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): J'aimerais revenir sur cette question du CSI qui a conservé, renvoyé et détruit le document. Est-ce qu'il est permis de faire des photocopies des documents originaux soumis?

M. Phillips: Je ne peux pas répondre à cette question. Il faudrait le demander au conseiller en éthique. J'imagine que lorsqu'un titulaire de charge publique soumet une déclaration au conseiller en éthique, le Bureau du conseiller en éthique fait ensuite un certain nombre de copies de ce document conformément aux besoins du programme, et pas plus.

La déclaration que nous devons faire ne nous oblige pas à fournir toutes les pièces justificatives. Le titulaire de charge publique doit simplement informer le conseiller en éthique de ses biens et de son passif. On présume que le titulaire de charge publique dit la vérité dans sa déclaration; autrement, il sera tenu de soumettre des copies de son hypothèque, de ses factures mensuelles VISA, etc., et à l'heure actuelle ce genre de détail n'est pas requis.

M. Pagtakhan: Le document soumis par le titulaire de charge publique serait l'original. Afin de protéger la confidentialité des renseignements à la fin de cette période, ne serait-il pas préférable de renvoyer l'original au titulaire de charge publique plutôt que de le détruire? À moins de voir la destruction de ce document de vos propres yeux, vous ne serez pas, en théorie, en mesure de savoir si oui ou non il a été détruit.

M. Phillips: Je vous comprends. Je suis désolé, je crois que je n'ai pas bien compris votre question initiale.

Dans l'ensemble, ce n'est pas la pratique courante du gouvernement, qui détruit une quantité énorme de documents contenant des renseignements personnels au moyen de déchiqueteurs ou autrement. Renvoyer chaque document contenant des renseignements dans ces circonstances coûterait très cher et prendrait beaucoup de temps. Cependant, vous avez soulevé un point intéressant. Vous pourriez peut-être tenir compte de cet aspect-là lorsque vous rédigerez les règles de votre propre code, si jamais vous décidez de vous doter d'un code. Dans ce cas particulier, vous exigerez que tous les documents soient renvoyés au parlementaire.

.1135

Je n'ai aucune raison de croire qu'on a fait preuve de négligence en vertu du code régissant la conduite des titulaires de charges publiques. À titre de commissaire à la protection de la vie privée, je dois néanmoins dire qu'il m'est arrivé de voir, de temps à autre, des cas où des renseignements personnels délicats ont été égarés ou bien mal protégés par le gouvernement et que ces renseignements se trouvaient dans les mains de quelqu'un qui n'aurait pas dû y avoir accès. Cela s'est produit plus d'une fois pendant mon mandat. Vous avez soulevé un bon point, monsieur.

M. Pagtakhan: Merci.

Monsieur le président, ma dernière question est la suivante: pourquoi attendre deux ans? Quelle est la logique de cela?

M. Phillips: Je ne suis pas certain, monsieur, qu'il s'agit de deux ans. Je crois seulement que c'est le cas. Ce n'est pas indiqué ici; c'est ma mémoire qui me le dit.

Le code comprend un volet portant sur l'après-mandat. Il y a quelques limitations qui s'appliquent aux titulaires de charges publiques lorsqu'ils quittent leur emploi, et on conserve ces renseignements pendant au moins cette période. La plupart des titulaires de charges publiques doivent respecter certaines limitations quant aux activités qu'ils poursuivent pendant au moins un an après avoir quitté le gouvernement. Il y a évidemment une bonne raison pour conserver ces renseignements pendant cette période au moins, et j'imagine qu'on prolonge cette période pendant encore 12 mois pour permettre la bonne gestion et la destruction des dossiers.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Laurin.

[Français]

M. Laurin (Joliette): Monsieur Phillips, compte tenu que la liberté de presse existe et qu'elle est presque intouchable au Canada, comment peut-on assurer l'efficacité d'un système de déclaration confidentielle si, d'une part, un commissaire à la protection de la vie privée ne peut divulguer certaines choses tandis que, d'autre part, la presse peut le faire si elle apprend par hasard qu'un député a des intérêts dans une compagnie quelconque ou quelque autre genre d'intérêts?

Est-ce que, pour assurer l'efficacité du système de confidentialité d'un commissaire à la protection de la vie privée, il nous faudrait limiter la liberté de presse? À mon avis, ce qui ne peut être dévoilé par le commissaire à la protection de la vie privée ne devrait pas l'être davantage par la presse.

[Traduction]

Des voix: Oh, oh!

M. Phillips: Vous avez certainement soulevé une question très intéressante. Le droit du Parlement de limiter la liberté de la presse est un sujet de vive discussion, monsieur. Toute proposition de cette nature sera, j'en suis convaincu, contestée immédiatement devant les tribunaux en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Je ne peux même pas imaginer comment cette question sera tranchée.

Vous avez tout à fait raison: la presse peut publier tout ce qu'elle veut et tout ce qu'elle réussit à obtenir, sous réserve des lois sur la diffamation et d'autres lois de ce genre qui existent déjà. Il faut alors, lorsqu'il s'agit d'un code de cette nature, faire très attention qu'on rend publics des renseignements qui, d'après vous, devraient être rendus publics et, de même, que les renseignements que vous ne voulez pas rendre publics sont sous bonne garde.

S'il y a des fuites qui existent dans ce système, il faut pouvoir vite savoir comment ces fuites se produisent. Mais je ne sais pas comment vous pourriez empêcher la presse de publier des documents qu'elle reçoit de façon légale.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Les enveloppes en papier bulle...

M. Phillips: Je ne m'attendrais pas à ce que le conseiller en éthique ou le jurisconsulte ou quiconque serait responsable de l'application de ce code se serve, lui ou son personnel, d'enveloppes unies, non identifiées.

.1140

C'est un des risques de la vie publique. La presse s'intéresse toujours à tous les détails qu'elle peut dénicher sur des personnes publiques. Si elle obtient des renseignements par hasard, elle les utilisera si elle pense que ces renseignements méritent d'être publiés. Le seule chose que vous pouvez faire pour vous protéger de ce genre de situation, c'est d'être sages et prudents. Peut-être que vous ne voulez pas l'être.

Par définition, les personnes publiques s'attendent moins à ce que leur vie soit privée. Lorsque vous essayez d'obtenir la confiance du public, vous devez divulguer assez de renseignements pour que le public puisse décider en connaissance de cause si vous méritez sa confiance. Ce sont les règles du jeu.

Par contre, lorsqu'il s'agit de renseignements très personnels et très délicats, vous pouvez mettre sur pied un système où ces renseignements, si vous les confiez à un gestionnaire de code de conduite, seront protégés de façon adéquate. Seuls les renseignements qui selon vous doivent être rendus publics seront divulgués.

À moins d'avoir mal compris votre question, monsieur, je ne pense pas...

Permettez-moi de l'expliquer autrement. Nous avons depuis un certain temps un code de conduite pour les titulaires de charges publiques. Pour autant que je sache, il n'y a jamais eu de fuite de ce bureau.

[Français]

M. Laurin: Monsieur Phillips, si on exige que nous remettions une déclaration confidentielle de nos biens personnels au commissaire à la protection de la vie privée, comment peut-on avoir un système vraiment efficace et protéger le public d'un tel conflit d'intérêts si vous n'avez pas de pouvoir d'intervention sur le député ou sur l'homme ou la femme publique qui se trouverait dans une situation de conflit d'intérêts?

Autrement dit, pourquoi devrais-je vous remettre une déclaration confidentielle si vous la gardez dans vos tiroirs et que personne n'a la responsabilité de m'aviser que je pourrais me trouver en conflit d'intérêts?

[Traduction]

M. Phillips: Ne serait-ce pas une des fonctions de votre jurisconsulte? Si les députés avaient des doutes, ils pourraient consulter cette personne et dire: voici la situation; je ne sais pas si elle est conforme au code ou non. Pouvez-vous me donner des conseils? C'est une de ses fonctions. Ce n'est pas la mienne, mais...

[Français]

M. Laurin: Si tel est le cas, il m'apparaît évident que l'on pourrait confier tout renseignement confidentiel au commissaire à la protection de la vie privée à la condition qu'on ait la certitude que ce dernier ait le degré d'indépendance nécessaire pour assurer le respect de cette confidentialité-là.

Je soulève à nouveau une question que j'avais posée lors d'une séance précédente. Croyez-vous que le commissaire à la protection de la vie privée possède actuellement un degré d'indépendance suffisant pour s'acquitter de cette fonction ou s'il ne devrait pas jouir du même degré de liberté que le vérificateur général?

[Traduction]

M. Phillips: Je vais vous donner une réponse en deux parties.

Je jouis de toute l'indépendance dont j'ai besoin pour effectuer mon travail, absolument. N'oubliez pas que l'indépendance a deux volets. Elle comprend la structure formelle du poste et le caractère de la personne qui l'occupe. Je ne peux imaginer aucune circonstance qui pourrait me convaincre de compromettre mon indépendance, et le gouvernement a établi ce bureau de façon à ce qu'il soit facile pour moi de faire mon travail.

Quant à la deuxième partie de la question, à savoir si le commissaire à la protection de la vie privée devrait jouer un rôle dans la gestion de renseignements personnels sur les biens et les dettes des députés, j'ai mes doutes. Je ne pense pas que mon bureau soit celui qui devrait s'en occuper. Il me semble que la personne responsable de la gestion des renseignements personnels devrait être celle à qui vous pouvez parler librement si vous avez besoin de conseils pour gérer vos affaires ou pour discuter de vos doutes quant à la conduite appropriée pour un député. C'est une situation où il faut un expert dont la seule tâche consiste à déterminer ces choses. Je ne pense pas être la bonne personne pour cela. Je pense qu'il vous faut quelqu'un qui n'a pas d'autre responsabilité que gérer ce code. C'est mon opinion.

.1145

Je suis flatté d'entendre que vous croyez que ce serait une bonne fonction pour moi, mais vous seriez mieux d'aller chercher quelqu'un qui ne fait que cela. J'ai déjà beaucoup de pain sur la planche.

Est-ce que j'ai répondu à votre question?

Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci beaucoup.

Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

M. Laurin: Je ne faisais pas allusion à la personne elle-même. J'aurais confiance en toute personne qui pourrait occuper cette fonction. Je crains toutefois que si cette personne relève du premier ministre ou du gouverneur en conseil, elle ne jouisse pas nécessairement de toute la liberté nécessaire. Comment pourrait-elle résister à une demande du premier ministre de divulguer tel renseignement confidentiel qu'elle a obtenu en fonction de cette délégation de pouvoirs? Le premier ministre est quand même en position d'autorité par rapport au commissaire à la protection de la vie privée. Comment éviter de céder à sa demande et dire qu'en raison des pouvoirs qui vous sont conférés, vous regrettez de ne pouvoir accéder à sa demande? Le premier ministre aurait le choix, ou du moins le privilège, de vous dire que vous n'êtes plus la personne dont on a besoin pour s'acquitter de cette fonction et de nommer un successeur qui serait plus compréhensif à l'égard des demandes d'un premier ministre, pour ne pas mettre en cause celui que nous avons.

[Traduction]

M. Phillips: Je ne suis pas sous les ordres du premier ministre. Je fais rapport aux Présidents des deux Chambres - et c'est pareil pour d'autres bureaux. Il me semble, monsieur, que si le Parlement veut établir un code de conduite qui nécessite la nomination d'un jurisconsulte ou d'un gestionnaire ou d'un conseiller - peu importe son titre - il incombe au Parlement de décider à qui cette personne devra faire rapport. Cette personne pourrait relever uniquement du Président de la Chambre, uniquement d'un comité comme celui-ci, ou de quiconque selon vous serait approprié pour cette personne responsable de tous ces renseignements personnels.

Essentiellement, ce que je dis, c'est qu'il incombe au Parlement de définir ces règles et de s'assurer qu'il obtiendra la confidentialité, la protection des renseignements personnels et la sécurité qu'exige la situation. Tout est entre vos mains.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Y a-t-il d'autres questions pour le commissaire à la protection de la vie privée?

Comme il n'y en a pas, je vous remercie beaucoup d'être venu aujourd'hui, monsieur Phillips.

J'aimerais vous rappeler que la prochaine réunion du comité aura lieu le mercredi 5 février 1997, dans cette même salle de l'Édifice du centre, à 15 h 30.

Merci beaucoup. La séance est levée.

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