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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 21 mars 1996

.0905

[Traduction]

Le président: Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue au Sous-comité sur le projet de loi C-3 du Comité permanent du développement des ressources humaines. Aujourd'hui, nous sommes chargés d'étudier le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code canadien du travail (entreprises nucléaires) et une autre loi en conséquence.

Nos premiers témoins sont des représentants de la Society of Ontario Hydro Professional and Administrative Employees. Je souhaite la bienvenue à Mme McLaughlin et à M. Germani. Je crois comprendre que nous avons environ une demi-heure. Comme vous le savez sans doute, au cours de cette demi-heure vous pouvez consacrer autant de temps que vous le voulez à faire votre présentation qui sera peut-être suivie de questions et de réponses. Je vous laisse la parole.

M. Mario Germani (président, Society of Ontario Hydro Professional and Administrative Employees): Merci et bonjour. Nous aimerions commencer par remercier le gouvernement et le sous-comité d'entendre les parties touchées avant de donner suite au projet de loi C-3.

Nous estimons qu'aucune loi qui passe outre à une décision de la Cour suprême du Canada et qui aura d'importantes répercussions sur les relations de travail et les employés de l'Ontario et d'autres provinces ne devrait être adoptée sans que les parties touchées soient consultées.

La société représente les employés d'Ontario Hydro depuis plus de 50 ans. Elle compte plus de 5 000 membres y compris des ingénieurs professionnels, des scientifiques et des employés qui exercent des fonctions administratives et de supervision. Environ un tiers de nos membres travaillent dans des établissements nucléaires d'Ontario Hydro.

C'est la demande d'accréditation présentée par la société à la Commission ontarienne des relations de travail en 1986 qui a donné lieu en définitive à la décision rendue par la Cour suprême du Canada selon laquelle les centrales nucléaires d'Ontario Hydro relevaient de la compétence du gouvernement fédéral. Peu de temps après, la société a accrédité ses employés du secteur nucléaire en vertu du Code canadien du travail et a négocié une clause de reconnaissance avec Ontario Hydro qui s'applique à tous les employés d'Ontario Hydro représentés par la société.

Nous avons une convention collective qui s'applique à l'ensemble de ces employés, dans le cadre de laquelle nous avons entretenu des relations constructives en matière de négociation avec Ontario Hydro.

Nous comparaissons aujourd'hui pour manifester notre opposition à l'adoption du projet de loi C-3 et pour exprimer nos vues sur la teneur du projet de loi actuel. La société sait que la Cour suprême du Canada a par le passé approuvé des régimes de délégation réciproque semblables à ceux envisagés par le projet de loi C-3. Néanmoins, nous trouvons déraisonnable que le gouvernement propose un tel régime à l'égard d'un domaine qui, selon le jugement rendu par la Cour suprême, relève exclusivement de la compétence fédérale.

En 1993, la Cour suprême a déclaré que le gouvernement fédéral avait la compétence exclusive sur les relations de travail et les activités nucléaires régies par la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, laquelle prévoit que ces activités sont à l'avantage général du Canada.

En raison de la déclaration prévue par cette loi, les entreprises de production d'énergie atomique relèvent exclusivement de la compétence fédérale et comme l'a déclaré le juge La Forest dans l'arrêt rendu en 1993:

Ces considérations générales ne devraient pas être négligées par votre comité ni par le gouvernement. Le Juge en chef Lamer a discuté de la réglementation des établissements nucléaires et de la délivrance de permis à ces mêmes établissements ainsi que des raisons pour lesquelles il est logique que les deux régimes relèvent du même gouvernement:

.0910

Le juge La Forest, en rejetant les arguments selon lesquels les relations de travail dans les établissements de production d'énergie atomique ne relevaient pas nécessairement de la compétence fédérale a pour sa part déclaré, et je cite:

Nous considérons qu'il est indiqué que la production de l'énergie atomique soit réglementée par le gouvernement fédéral. La surveillance exercée par le gouvernement fédéral nous a bien servi comme en témoigne l'excellente performance du Canada sur le plan de la technologie et de la sécurité nucléaires.

En ce qui concerne les relations de travail dans les établissements nucléaires, il est clair que la Cour suprême a jugé qu'ils relevaient de la compétence fédérale non pas pour des motifs restreints d'ordre juridique mais en raison de l'existence de liens importants entre la réglementation des établissements nucléaires et la réglementation des relations de travail dans ces établissements.

Nous exhortons le comité et le gouvernement à tenir dûment compte de ces facteurs avant de perturber le régime actuel de réglementation et de relations de travail.

L'honorable Alfonso Gagliano, ministre du Travail, a déclaré le 8 mars 1996 que:

J'aimerais préciser que la société fonctionne sans difficultés selon ces deux régimes depuis l'arrêt rendu par la Cour suprême en 1993. Je tiens à vous assurer que la société n'a pas été consultée avant la présentation du projet de loi C-3 et que nous aurions exprimé notre objection.

Comme je l'ai déclaré plus tôt, la clause de reconnaissance et la convention collective de la société s'appliquent à l'ensemble des employés d'Hydro que nous représentons. Nous n'avons aucune difficulté à traiter avec la Commission canadienne des relations du travail ou avec la Commission ontarienne des relations du travail. L'obligation de soumettre les questions de nature nucléaire aux instances fédérales ne nous a causé aucun inconvénient. En fait, la situation dans laquelle se trouve Ontario Hydro n'est ni inhabituelle, ni difficile à gérer.

De nombreux employeurs sont réglementés par le Code canadien du travail ainsi que par des lois provinciales. Par exemple, les administrateurs d'aéroports ont affaire principalement à des employés réglementés par le gouvernement fédéral bien que certaines de leurs activités de construction relèvent de la compétence provinciale. La Cour suprême a jugé que c'était le cas en vertu de la Constitution et les aéroports fonctionnent selon ce régime sans aucune difficulté.

Dans le cas de l'Hydro, la société est à l'heure actuelle l'unique propriétaire des services d'électricité en Ontario. L'Hydro négocie une convention collective avec chaque syndicat. Cela signifie que l'Hydro négocie à la fois avec des employés visés par la réglementation provinciale et des employés visés par la réglementation fédérale. Ontario Hydro ne nous a donné aucune raison de croire qu'elle considère la situation actuelle difficile à gérer.

M. Gagliano a en outre parlé le 8 mars des différences qui existent entre les exigences fédérales et provinciales en matière de sécurité au travail. C'est d'ailleurs cette raison qu'il a invoquée pour indiquer que le projet de loi C-3 est nécessaire. Malgré tout le respect que nous lui devons, nous ne sommes pas d'accord.

L'arrêt de la Cour suprême du Canada est important à cet égard. La cour a clairement déclaré que la réglementation des relations de travail était inextricablement liée à la réglementation de la production de l'énergie atomique. Nous estimons que M. Gagliano devrait partir du principe inverse. Si le gouvernement réglemente la sécurité de l'énergie atomique, il devrait ou il doit également réglementer les relations de travail. En ce qui concerne le maintien de la sécurité nucléaire, nos membres sont sur les premières lignes et ils estiment qu'ils doivent continuer à relever de la compétence fédérale. Nous croyons que vous devriez les écouter.

Depuis qu'il a pris le pouvoir en 1995, le gouvernement du premier ministre Michael Harris a manifesté une tendance à régler ses problèmes à coup de lois. Avec le bill omnibus, il a modifié les rapports de force pour permettre à ses ministres d'agir sans tenir compte de l'application régulière de la loi. Il a également diminué les prestations de pension de longue date des fonctionnaires de manière à réduire ses coûts lors de la compression des effectifs. Le gouvernement a abrogé les droits du successeur de la fonction publique qui existaient en Ontario depuis plus d'une vingtaine d'années pour pouvoir brader plus facilement les services gouvernementaux.

.0915

Nous constatons qu'un député du Bloc québécois et porte-parole pour les questions relatives au travail, Réal Ménard, s'intéresse également à la loi antibriseur de grève. Nous rappelons aux députés du Bloc qui font partie de ce comité que le gouvernement du premier ministre Harris a abrogé la loi sur les travailleurs suppléants en Ontario. Il intéressera sans doute tous les membres de ce comité d'apprendre que bien que la société, notre unité de négociation, ait recours à l'arbitrage des différends pour régler les conflits, la loi sur les travailleurs suppléants, pendant qu'elle était en vigueur, a en fait amélioré les relations entre la société et le Power Workers' Union.

L'utilisation intéressée des lois à des fins fiscales et de relations de travail a suscité beaucoup de malaise chez tous les Ontariens. Les Canadiens sont habitués à travailler selon des règles établies. La règle du droit - selon laquelle chacun est assujetti à un ensemble stable et certain de lois - est une notion fondamentale de la structure démocratique du Canada. Traditionnellement, nos gouvernements ont modifié ces règles en fonction d'objectifs d'intérêt public et uniquement après avoir consulté le public dans le cadre d'audiences, comme celle d'aujourd'hui, et de débats législatifs.

Le gouvernement Harris a modifié la façon dont le gouvernement dirige ses affaires et ce faisant a suscité une inquiétude de plus en plus vive parmi une foule d'organisations syndicales, d'organismes de services sociaux et parmi le grand public.

La teneur du projet de loi C-3 et la vitesse avec laquelle il aurait été adopté si le député néo-démocrate et porte-parole pour les questions relatives au travail, Len Taylor, n'était pas intervenu, sont plutôt caractéristiques des méthodes employées par le gouvernement Harris que par le gouvernement fédéral. Il est évident, compte tenu des circonstances, que l'objet premier de ce projet de loi est de permettre au gouvernement provincial d'intervenir en cas de grève ou d'empêcher une grève possible du Power Workers' Union ou des employés d'Ontario Hydro Nuclear.

Les lois fédérales et provinciales assurent un cadre qui s'est développé au fil des ans pour appuyer la négociation de bonne foi. Lorsque la Chambre a refusé d'adopter le projet de loi C-3 le8 mars, Ontario Hydro et le Power Workers' Union ont convenu d'une prolongation de deux mois de leur contrat et sont maintenant en train de négocier sérieusement avec l'aide d'un médiateur. Nous en déduisons qu'avant le 8 mars, on n'avait pas pleinement poursuivi la négociation collective, l'Hydro étant partie du principe que le gouvernement réussirait à ordonner le retour au travail des employés du Power Workers' Union par la voie législative.

Bon nombre des parties qui s'occupent de ces questions ont parfois, je crois, soutenu que les relations de travail dans les établissements nucléaires d'Hydro Ontario devraient être réglementées par le gouvernement provincial. Néanmoins, nous avons tous admis que l'arrêt de la Cour suprême représente le cadre constitutionnel et juridique auquel nous sommes assujettis et il a en fait très bien fonctionné. Nous estimons que le gouvernement provincial devrait lui aussi apprendre à l'accepter au lieu d'essayer de changer les règles parce que ce mois-ci elles ne lui conviennent pas. Il est injuste d'aggraver l'incertitude des employés de l'Hydro et du public ontarien à propos du cadre juridique de l'Ontario.

Nous vous exhortons à reconsidérer cette intervention dans les relations de travail en Ontario. Les spécialistes conviennent que la meilleure solution aux difficultés en matière de relations de travail consiste à laisser les parties conclure un règlement négocié. Fournir à Ontario Hydro et au gouvernement ontarien les moyens de se retirer de la négociation de bonne foi n'aura que des répercussions négatives à court et à long terme.

Après avoir pris connaissance de la teneur du projet de loi C-3, nous aimerions féliciter le gouvernement fédéral de l'attention qu'il a accordée aux obligations du successeur dans le projet de loi C-3. Ce qui deviendrait le paragraphe 121.4 du Code canadien du travail en vertu du projet de loi semble protéger nos droits de représentation et assurer la continuation de notre convention collective lorsque les règlements rendent les lois provinciales applicables et transfèrent la surveillance aux instances provinciales. Nous sommes heureux de constater que le gouvernement fédéral ne partage pas le mépris du gouvernement provincial pour les droits de négociations établis de longue date.

Néanmoins, notre inquiétude persiste à propos du maintien de nos droits syndicaux car il est possible qu'Ontario Hydro change de propriétaire. On envisage effectivement la fusion des activités nucléaires de l'Hydro et de celles d'Énergie atomique du Canada Ltée. Une telle fusion signifierait-elle que nos employés relèveraient désormais de la compétence fédérale? Conserveraient-ils leurs droits syndicaux puisque le Code canadien du travail ne prévoit pas d'obligations du successeur en cas de transfert de la compétence provinciale à la compétence fédérale. S'il arrivait que les installations nucléaires de l'Hydro soient transférées au secteur privé, le gouvernement déciderait-t-il de retirer les règlements prévus ou d'abroger ce projet de loi? Quels seraient nos droits légaux dans un tel cas?

.0920

Je soulève ces questions pour souligner que nous avons besoin d'une protection à plus long terme de nos droits syndicaux mais aussi pour souligner que le moment n'est pas indiqué d'adopter le projet de loi C-3. Comme le gouvernement de l'Ontario est en train d'examiner différents régimes de propriété en ce qui concerne les activités de l'Hydro, et en raison de la fusion possible d'Ontario Hydro Nuclear et d'Énergie atomique du Canada Ltée, le gouvernement ne devrait-il pas attendre que l'avenir des centrales nucléaires de l'Hydro en Ontario soit plus certain? C'est ce que croit la société.

De plus, nous croyons savoir que le gouvernement fédéral est en train d'étudier le rapport du groupe de travail Sims qui propose un certain nombre de changements au Code canadien du travail. Tout changement qui vise particulièrement les travailleurs d'établissements nucléaires devrait être envisagé en même temps que des changements généraux au Code.

Une autre disposition du projet de loi fait ressortir le manque d'à-propos de cette entreprise. L'article 121.2(7) du projet de loi qui, d'après ce que je crois comprendre, vise à soustraire de la publication dans la Gazette du Canada les personnes qui seraient assujetties aux dispositions législatives, révèle la hâte avec laquelle on veut faire adopter ce projet de loi et peut-être même l'objet de ce projet de loi. Le gouvernement veut-il s'assurer que les employés qui, sans cette loi, pourraient légalement faire la grève soient passibles d'amende ou pénalisés?

Si on lit entre les lignes des articles 121.2(2), 121.2(6) et 121.2(8) du projet de loi, qui autorisent des lois de retour au travail et l'applicabilité d'amendes provinciales, cela semble être le cas.

Le caractère anticipé de la délégation prévue par le projet de loi C-3 inquiète également la société. Nous estimons qu'en aucune circonstance il ne faudrait exposer de cette manière des employés qui relèvent de la réglementation fédérale aux caprices des objectifs provinciaux.

Les raisons en sont abondamment claires dans le climat actuel où les objectifs provinciaux ne sont pas compatibles avec les principes de la législation fédérale pas plus qu'avec les réformes prévues du gouvernement libéral. Si on donne carte blanche à la province, on assistera alors à l'émergence d'une deuxième catégorie de citoyens qui selon toute apparence seront visés par le Code canadien du travail mais dont les droits seront en fait moindres que ceux d'autres employés protégés par le Code.

Une telle délégation réciproque nuira aux employés des entreprises nucléaires d'Ontario Hydro, qui bénéficient tous à l'heure actuelle d'une situation plus favorable en vertu du Code canadien du travail qu'en vertu du droit du travail provincial actuel.

Un domaine où nos employés feraient l'objet d'un traitement inégal en vertu de la loi provinciale en ce qui concerne l'admissibilité à la représentation... Le gouvernement du premier ministre Harris a récemment retiré à certains membres de professions libérales le droit de faire partie de syndicats, professions dont les membres ont le droit de se syndiquer en vertu du Code canadien du travail. Par ailleurs, le Code canadien du travail vise particulièrement les employés qui assument des fonctions de supervision par opposition à des fonctions de gestion. Cela n'est pas le cas de la Loi ontarienne sur les relations de travail.

Le projet de loi C-3, tel qu'il est libellé, pourrait donner lieu à des contestations et à des audiences de représentations longues et coûteuses à propos du droit de près d'un millier de nos membres à être représentés. Nous ne voyons aucun avantage à retirer aux employés leurs droits d'être représentés par une société, ou à ce que ces employés perdent leurs droits actuels.

Nous estimons que le comité devrait s'assurer, si ce projet de loi est adopté, que nous conserverons notre statut de représentant légal de ces membres. La délégation anticipée favorisera le recours à un plus grand nombre de mesures unilatérales négatives de la part de la province sans qu'elle soit tenue de les soumettre à l'examen du gouvernement fédéral, ni de consulter les principaux intéressés. En agissant ainsi, le gouvernement se trouverait essentiellement à abdiquer sa responsabilité en matière de réglementation des relations de travail dans un domaine où en fait la surveillance exercée par le gouvernemental fédéral a été déclarée d'une importance fondamentale par la Cour suprême.

.0925

Nous aimerions à nouveau remercier le sous-comité de nous avoir rencontrés aujourd'hui pour entendre nos préoccupations. J'espère que vous comprendrez maintenant que nos préoccupations sont sérieuses et importantes et ne devraient pas être écartées. Nous vous prions instamment de recommander au gouvernement qu'il n'intervienne pas pour l'instant, ni de cette manière, dans les relations de travail provinciales. Sur le plan des relations de travail, le projet de loi C-3 n'a aucune raison d'être. L'adoption de ce projet de loi ne ferait qu'exacerber les problèmes que connaît à l'heure actuelle l'Ontario en matière de relations de travail et pourrait sérieusement porter atteinte à la réglementation des entreprises de production d'énergie atomique.

Au nom de tous nos membres qui doivent, au jour le jour, assurer le bon fonctionnement de nos centrales nucléaires et dans l'intérêt des habitants de l'Ontario, qui veulent éviter d'éventuelles perturbations, vous devriez voter contre ce projet de loi.

Nous avons analysé certains des mémoires qui ont été présentés par d'autres groupes, et nous appuyons la recommandation formulée par la Power Workers' Union, à savoir que le Code canadien du travail devrait être modifié de manière à le rendre applicable aux sociétés d'État provinciales qui oeuvrent dans le secteur nucléaire. Cette recommandation permettrait également de répondre à certaines préoccupations soulevées par des groupes d'Hydro- Québec.

La Society of Professional Engineers and Associates, qui représente les ingénieurs et les scientifiques à l'emploi d'EACL, n'a pas été en mesure de comparaître devant le sous-comité, malgré les démarches qu'elle a faites en ce sens. Nous vous avons donc fourni une copie de son mémoire, dans l'espoir que vous l'examinerez. Nous appuyons la position de la société, qui soutient que toute rétrocession devrait se faire avec l'accord de toutes les parties en cause et que toutes les questions devraient être examinées de façon approfondie avant que des mesures ne soient prises.

Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous accorderons cinq minutes aux intervenants de l'opposition officielle.

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): J'espère, pour nos témoins, que l'interprétation a rendu clairement le sens de ce qu'ils ont dit.

Je dois avouer que votre témoignage m'a un peu troublé. Je vois qu'au-delà d'une opposition de principe, que je souhaite approfondir avec vous, vous avez des interrogations sur la façon même dont le projet de loi a été rédigé.

Je voudrais qu'on reprenne le problème point par point. Vous vous présentez ce matin devant nous en nous rappelant que vous représentez 5 000 employés, dont le tiers sont engagés dans le secteur nucléaire. Nous étudions un projet de loi qui propose de rétrocéder le champ des relations de travail aux provinces, après que des accords auraient été conclus entre les provinces qui en feraient la demande et le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral dit que ce projet de loi est devenu nécessaire parce que, depuis 50 ans, ce sont les provinces qui ont balisé, encadré le champ du travail dans le secteur nucléaire et qu'il est souhaitable qu'elles continuent de le faire. Vous comprendrez qu'à nous de l'opposition, tout cela semble tout à fait logique et cohérent d'un point de vue global.

Vous nous dites, et je crois que c'est l'essentiel de votre argumentation, craindre que le projet de loi C-3 vienne perturber les relations de travail s'il est adopté tel qu'il est libellé.

J'aimerais qu'à l'intention des membres du comité ici présents vous décriviez concrètement quelles sont vos craintes concernant d'éventuelles perturbations dans les relations de travail, indépendamment du fait qu'on a un gouvernement conservateur détestable que vous souhaiteriez, comme plusieurs Ontariens, voir remplacé par quelque autre parti que je ne désignerai certainement pas ici ce matin. La réalité, c'est que le gouvernement Harris est en place et que le gouvernement fédéral veut faire une rétrocession de pouvoir. Je veux comprendre en quoi vous avez des inquiétudes sur le plan des relations de travail.

J'aurai deux autres questions.

.0930

M. Germani: Si vous me le permettez, je vais vous répondre en anglais.

[Traduction]

En fait, nous étions régis par les lois provinciales en matière de relations de travail avant que la Cour suprême ne rende sa décision. Depuis cet arrêt, nous sommes régis par les lois du travail fédérales et provinciales. En fait, ce régime fonctionne très bien en ce qui nous concerne.

Comme je l'ai mentionné dans notre mémoire, nous n'avons pas participé à l'élaboration du projet de loi C-3 et n'avons pas non plus été consultés. Nous avons donc des réserves au sujet de la façon dont le projet de loi a été élaboré, de la rapidité avec laquelle cette initiative a été entreprise, et de l'absence de consultation qui a entouré ce processus.

Concernant le gouvernement, qu'il s'agisse d'un gouvernement conservateur, qui est actuellement au pouvoir... Évidemment, nous avons des inquiétudes au sujet de ses politiques actuelles et futures concernant les relations de travail. Toutefois, même sous l'ancien gouvernement néo-démocrate, qui en fait était perçu comme étant plus ouvert en matière de relations de travail, une fois la décision de la Cour suprême rendue, nous avons clairement indiqué au gouvernement que nous ne voulions pas que la loi soit de nouveau modifiée ou que ce pouvoir soit rétrocédé aux provinces.

Donc, nous lui avions déjà indiqué, il y a deux ans, que nous souhaitions que le cadre régissant les relations du travail demeure inchangé. Le gouvernement Harris n'est pas... bien qu'il ait, selon moi, entrepris une réforme qui, autrement, n'aurait peut-être pas eu lieu.

Mme Mundy McLaughlin (gestionnaire des ressources humaines, Society of Ontario Hydro Professional and Administrative Employees): Pour reprendre quelques points abordés dans notre exposé, compte tenu du climat actuel qui existe en Ontario, nous ne savons pas ce qui adviendra d'Ontario Hydro et qui contrôlera la société. À notre avis, il serait préférable que le gouvernement attende d'avoir ces renseignements en main avant d'effectuer des changements.

En ce qui concerne le gouvernement fédéral, nous estimons en fait qu'il intervient dans le processus de négociation entre Ontario Hydro et la Power Workers' Union. C'est pour cette raison, entre autres, que le moment est mal choisi pour aller de l'avant avec ce projet de loi.

[Français]

M. Ménard: Si je comprends bien, vous craignez que le fédéral puisse s'ingérer dans un éventuel processus de négociation collective entre votre province et vos travailleurs. Mais si le gouvernement fédéral rétrocède le champ de juridiction, comme il s'apprête à le faire, comment pourrait-il s'ingérer?

[Traduction]

Mme McLaughlin: Les parties intéressées devraient participer au processus. Si cette rétrocession doit se réaliser, si elle est vraiment nécessaire, elle ne devrait se faire qu'avec la participation des parties visées. Toutes les questions touchant la réglementation fédérale des centrales nucléaires et la réglementation provinciale des relations du travail devraient être réglées à l'avance.

[Français]

M. Ménard: Mais ici, on parle de deux choses différentes.

[Traduction]

Le président: Excusez-moi, nous devons maintenant donner la parole au parti ministériel. Merci beaucoup, monsieur Ménard.

Y a-t-il des questions?

M. Proud (Hillsborough): Vous dites que le moment est mal choisi pour aller de l'avant avec ce projet de loi. Alors, quand devrions-nous le faire? Chaque fois que quelqu'un propose de faire quelque chose, le moment est mal choisi.

À mon avis, ce projet de loi établit un mécanisme qui permet aux provinces de prendre en charge les centrales et les installations nucléaires et de les diriger comme elles l'ont toujours été. Pour moi, il n'y a pas de changement. C'est le gouvernement fédéral qui est responsable de la sécurité nucléaire et de tout ce qui en découle. La santé et la sécurité des travailleurs des centrales nucléaires continuera de relever du gouvernement fédéral. Il n'y a pas de changement de ce côté-là.

M. Germani: Pour ce qui est du moment choisi, si des changements doivent être effectués, il vaut mieux suivre l'échéancier proposé dans le rapport du groupe de travail Sims, qui recommande toute une série de modifications au Code canadien du travail. Il serait donc logique qu'on effectue ces changements au moment où le code sera refondu au lieu de procéder par étapes. Il serait logique de modifier le règlement à ce moment-là.

.0935

M. Proud: Si j'ai bien compris, toutes les parties intéressées ont été consultées. En fait, ce sont les provinces qui ont demandé au gouvernement fédéral de déposer ce projet de loi. Il a agi sur l'ordre des provinces. Tous les jours, nous entendons dire, dans les journaux et à la télévision, que le gouvernement fédéral empiète sur les champs de compétence des provinces et qu'il est temps qu'il en sorte. Ce que nous faisons ici, ce n'est pas tant de sortir de ce secteur que de supprimer les dédoublements en rétrocédant le champ des relations de travail aux provinces. Je crois comprendre que 42 p. 100 des employés d'Ontario Hydro travaillent dans les centrales nucléaires, et que les58 p. 100 qui restent s'occupent des opérations générales.

M. Germani: Encore une fois, ces changements devraient être effectués non pas à la pièce, mais au moment où le code fera l'objet d'une refonte générale. Ce projet de loi arrive à un bien drôle de moment, puisqu'il survient au milieu de négociations cruciales avec l'autre gros syndicat d'Ontario Hydro. Le moment choisi est fort étrange et semble viser de manière précise ces négociations. C'est pourquoi nous parlons d'ingérence.

Pour ce qui est de la consultation, je tiens à vous répéter que les syndicats d'Ontario Hydro, les représentants des employés, n'ont pas participé aux discussions qui ont mené à ce projet de loi.

M. Proud: Donc, les syndicats n'ont participé à aucune discussion.

M. Germani: Aucune.

Mme McLaughlin: Nous en avons été informés lors d'une réunion. Nous n'avons jamais été consultés.

Ce que nous essayons de dire, c'est que nous sommes d'accord avec le raisonnement de la Cour suprême. Elle a dit, en gros, qu'il y a une entité qui réglemente l'octroi de permis dans les centrales nucléaires, et une autre qui réglemente les relations de travail. Il existe un lien étroit entre les relations de travail et la sécurité nucléaire, en ce sens que lorsqu'il y a des problèmes dans l'un ou l'autre secteur, il est avantageux de n'avoir qu'un seul gouvernement qui s'occupe de... Bien entendu, la sécurité nucléaire est très importante, mais il est avantageux de n'avoir qu'un seul gouvernement qui réglemente les deux secteurs. Si vous voulez changer le régime, il faudrait alors consulter les représentants des employés ainsi que les gouvernements provinciaux pour régler tous ces problèmes. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que nous accepterons peut-être un projet de loi comme celui-ci.

M. Proud: Dans votre conclusion, vous avez dit que si le projet de loi était adopté, vous souhaiteriez conserver votre statut de représentant légal des employés. Qu'entendez-vous par cela? Si j'ai bien compris, le gouvernement ne peut pas vous accorder le droit de représenter ces employés de façon indéfinie. Il peut maintenir vos droits syndicaux pendant toute la durée de la convention, après quoi n'importe quelle autre organisation syndicale pourra intervenir et recruter des membres. N'est-ce pas exact?

Mme McLaughlin: Si vous transférez notre secteur à la province, nous ne savons pas si nous pourrons continuer de représenter les employés puisque les lois du travail provinciales ne le précisent pas. Le gouvernement fédéral conserve sa compétence inhérente à l'égard de ces employés. Il est injuste de les transférer au palier provincial par voie de règlement et de leur enlever leur droit d'être représentés.

M. Proud: N'est-il pas vrai que la plupart des avantages que prévoit votre convention sont beaucoup plus intéressants que ceux qui sont accordés par les provinces et le gouvernement fédéral, considérés conjointement, sur le plan des salaires, de la santé et de la sécurité?

Mme Germani: Nous ne parlons pas seulement des avantages que prévoit la convention elle-même. Nous parlons surtout de la possibilité de représenter certains groupes d'employés. Ce droit risque d'être contesté.

M. Proud: Je ne comprends pas pourquoi vous voulez relever du gouvernement fédéral, alors que c'est la province de l'Ontario qui vous embauche et qui paie votre salaire. Je ne comprends pas.

Mme McLaughlin: Le fait qu'une entreprise, qui n'appartient pas au gouvernement fédéral, soit assujettie au Code canadien du travail n'a rien d'extraordinaire. Pour nous, ce qui importe ici, ce n'est pas le contrôle, mais plutôt la réglementation du secteur nucléaire.

M. Proud: Le gouvernement sera responsable de toutes les questions qui ont trait au nucléaire.

Le président: Je tiens à remercier les témoins. Vous avez soulevé beaucoup de points qui méritent d'être pris en considération. Merci beaucoup pour votre exposé.

[Français]

M. Ménard: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Avant que le témoin ne parte, je voudrais faire la proposition suivante, compte tenu de l'importance d'Ontario Hydro dans le projet qui nous occupe.

.0940

Le contexte d'aujourd'hui, alors que nous entendons plusieurs témoins, ne nous permet pas d'échanger facilement en profondeur. Si mes collègues du comité sont d'accord, je propose que nous terminions l'écoute du dernier témoin à 11 h.

Nos témoins ont fait allusion au fait qu'ils souhaiteraient voir clarifier l'interprétation du paragraphe 121.2(7) proposé. Nous avons parmi nous les fonctionnaires qui ont rédigé le projet de loi. Si le comité est d'accord, je souhaiterais qu'à 11 h, on se retrouve pour examiner avec le fonctionnaire qui a rédigé le projet loi l'interprétation qu'il faut faire de la disposition qui suscite des doutes chez vous.

Seriez-vous d'accord, monsieur le président, pour qu'à 11 h, on se retrouve de façon informelle, et non dans un contexte rigide, pour examiner cette disposition avec le fonctionnaire qui a rédigé la loi, qui est venu nous rencontrer lors d'une première séance et qui, je crois, est parmi nous. Je reconnais que les témoins ont le droit d'obtenir les éclaircissements juridiques qu'ils requièrent. Je serais prêt à me livrer à l'exercice de 11 h à 11 h 30.

[Traduction]

Le président: Pour l'instant, je préside ces audiences et je ne peux pas répondre à cette question.

Ces éclaircissements nous seront peut-être fournis lorsque nous discuterons d'un autre article, ou encore dans le cadre de nos discussions. Je ne peux pas vous dire si nous nous réunirons plus tard. Pour l'instant, nous devons remercier les témoins et poursuivre nos travaux.

[Français]

M. Ménard: Non, monsieur le président, non.

[Traduction]

Le président: Je vous présente mes excuses.

[Français]

M. Ménard: On ne s'arrêtera pas à la procédure. Est-ce que vos avez... Laissez-moi terminer.

[Traduction]

Le président: Je ne peux parler au nom...

[Français]

M. Ménard: Je voudrais seulement terminer, si vous me le permettez. Est-ce que ce comité serait d'accord pour que l'on acquiesce à la demande de 5 000 travailleurs? C'est quand même l'acteur le plus important.

Prenons le temps, en fin de séance ce matin, de nous asseoir avec le fonctionnaire qui a rédigé la loi pour obtenir les éclaircissements nécessaires. Ne me dites pas qu'on ignore à quelle heure on va terminer, car je sais qu'on l'ignore. Est-ce que le comité est d'accord ou pas sur l'échange supplémentaire qu'on souhaite avoir avec les fonctionnaires qui ont rédigé la loi? Voilà ce que je demande.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ménard, je ne peux parler au nom du fonctionnaire. Je ne sais pas s'il est présent.

[Français]

M. Ménard: Mais oui, il y est, regardez. Il peut se manifester. Veut-il le faire? Le fonctionnaire est-il présent? Je pense que c'est une exigence minimale.

[Traduction]

M. Proud: Monsieur le président, pourquoi ne demandez-vous pas au fonctionnaire de rencontrer ces deux personnes, d'analyser la question avec elles et ensuite de vous soumettre un rapport?

Le président: Très bien.

M. Proud: Nous pouvons poursuivre nos discussions.

Le président: Nous devons poursuivre nos discussions pour l'instant.

Je tiens à remercier les témoins. Je suis sûr qu'ils vont se réunir sous peu en petit comité pour discuter de cette question.

Nos prochains témoins représentent la Power Workers' Union (SCFP, section locale 1000, CTC). M. John Murphy, le président, pourrait peut-être nous présenter ses collègues et nous lire son exposé.

M. John Murphy (président, Power Workers' Union (SCFP, section locale 1000, CTC)): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous.

Je suis accompagné aujourd'hui de Chris Dassios, le conseiller juridique de la Power Workers' Union, et de Ron Dugas, un représentant élu qui travaille au sein du secteur nucléaire d'Ontario Hydro. Je suis John Murphy, le président de la Power Workers' Union.

La Power Workers' Union existe depuis 1944. Elle est un des membres fondateurs du Syndicat canadien de la fonction publique, le plus gros syndicat canadien. La PWU est affiliée au SCFP, au Congrès du travail du Canada, à la Fédération du travail de l'Ontario et à près de 50 conseils du travail en Ontario.

J'assume la présidence la Power Workers' Union depuis 1993. Je suis également un des vice-présidents de la Fédération du travail de l'Ontario, et je siège au conseil d'administration d'Ontario Hydro.

La PWU compte environ 15 000 membres dans toutes les régions de l'Ontario. Elle représente la grande majorité des travailleurs d'Ontario Hydro, des travailleurs d'un certain nombre de services publics municipaux, des employés d'Énergie atomique du Canada Limitée, et des fonctionnaires fédéraux. Bien entendu, Ontario Hydro est le plus important producteur d'énergie nucléaire au pays, et constituerait la principale entité visée par l'adoption de ce projet de loi.

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La PWU était l'une des principales parties au litige qui a mené à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Ontario Hydro c. Commission des relations de travail de l'Ontario. Le projet de loi C-3 vise, semble-t-il, à renverser cette décision.

La PWU, à l'époque, s'opposait à ce que le cadre réglementaire fédéral s'applique aux centrales nucléaires d'Ontario Hydro. Le gouvernement fédéral, lui, souhaitait que sa compétence en matière de relations de travail s'étende aux centrales nucléaires d'Ontario Hydro. La Cour suprême du Canada s'est rangée du côté du procureur général du Canada et a statué que seul le gouvernement fédéral pouvait réglementer les relations de travail dans les centrales nucléaires d'Ontario Hydro.

La PWU a rejeté la position du procureur général du Canada, au motif que le fait d'assujettir les centrales nucléaires d'Ontario Hydro à la compétence fédérale, et les autres installations d'Ontario Hydro aux lois du travail provinciales, créerait des problèmes d'ordre administratif. Or, la PWU s'est rendu compte, après avoir fait l'expérience du régime fédéral, que ses problèmes ne se concrétiseraient pas. En fait, ils ne se sont jamais concrétisés. Ontario Hydro et la PWU se sont entendus sur le fond de la décision de la Cour suprême du Canada et n'ont eu aucune difficulté à s'adapter au cadre législatif actuel.

Pour les raisons énoncées plus loin, la PWU estime que le projet de loi C-3 est inutile et déraisonnable et qu'il a un impact négatif sur les relations de travail au sein d'Ontario Hydro. La compétence législative sur les relations de travail dans les centrales nucléaires fait partie intégrante du contrôle qu'exerce le Parlement sur ces installations.

La Cour suprême a statué, le 30 septembre 1993, que seul le Parlement pouvait réglementer les relations de travail dans les centrales nucléaires d'Ontario Hydro. Lors du procès, Ontario Hydro s'est réorganisé, de façon unilatérale, en unités administratives distinctes, au nombre desquelles figurait Ontario Hydro Nuclear, OHN. Les parties ont statué que la décision de la Cour suprême du Canada s'appliquait à OHN. Le Conseil canadien des relations du travail, dans sa décision concernant les demandes d'accréditation déposées par la société, a adopté cette définition pour l'employeur fédéral. Ainsi, la loi fédérale s'applique à une unité administrative distincte au sein d'Ontario Hydro, et les problèmes administratifs qui auraient pu découler de la décision de la Cour suprême du Canada ne se sont pas concrétisées et ne se concrétiseront pas.

Il est important de signaler que la cour a statué que la réglementation des relations de travail ne peut être dissociée de la réglementation de l'utilisation sécuritaire de l'énergie nucléaire. Pour reprendre les paroles du juge en chef du Canada dans l'arrêt Ontario Hydro, la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique et le règlement pris en application de cette loi montre que:

Le juge en chef a également examiné la loi à l'échelle internationale et déclaré que:

Comme le plus haut tribunal du Canada a statué que le pouvoir de légiférer en matière de relations de travail dans les installations nucléaires appartient exclusivement au Parlement et qu'il fait partie de la compétence qu'exerce le Parlement sur l'utilisation sécuritaire de l'énergie atomique, pourquoi le gouvernement fédéral souhaite-t-il abdiquer ses responsabilités dans ce domaine en faveur des provinces, et pourquoi choisit-il de le faire à ce moment-ci.

Comme nous l'avons indiqué précédemment, les parties ne se heurtaient pas à des difficultés administratives dans le cadre du régime fédéral. Ni l'employeur, ni la PWU, ni le gouvernement ne peuvent relever un problème dans quelque négociation collective que ce soit entre les parties, révélant que le régime actuel n'est pas acceptable.

À la lumière de tout ceci, la PWU est d'avis que le projet de loi C-3 est complètement inutile. Nous convenons qu'un problème se pose à propos des organismes d'État provinciaux qui travaillent dans le domaine nucléaire. Techniquement, aucune loi du travail ne s'applique à leurs employés, car le Code canadien du travail ne s'applique pas aux organismes d'État provinciaux. Toutefois, ce problème pourrait facilement être réglé en modifiant le Code de manière qu'il s'applique à de telles entités. Le gouvernement fédéral peut donc régler ce problème sans renoncer à son pouvoir dans ce domaine. La PWU appuierait une telle modification.

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Ceci mis à part, rien ne justifie que l'on modifie un cadre juridique qui fonctionne bien. Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, les parties n'ont connu aucune difficulté dans le cadre du régime actuel. En outre, une telle ingérence serait pire qu'inutile; elle détruirait les relations de travail au sein du plus grand organisme de services publics en Amérique du Nord.

Ce n'est un secret pour personne qu'Ontario Hydro et la Power Workers' Union ont connu une suite difficile de négociations collectives. Alors que la convention collective actuelle est reconduite jusqu'à la fin mai, les négociations reprendront dans le proche avenir. Apporter de l'incertitude dans ces négociations ne permettrait pas vraiment aux parties de s'entendre sur une convention collective. Le fait d'enlever du cadre législatif fédéral, qui est stable, les relations de travail des entreprises nucléaires, et de les assujettir à un régime législatif provincial dont l'avenir est incertain, créerait une telle incertitude.

Ce n'est également un secret pour personne que le gouvernement provincial actuel de l'Ontario s'est attaché à dépouiller les employés et leurs représentants syndicaux de leurs droits statutaires. L'un des premiers projets de loi qu'a édicté le gouvernement Harris au moment où il a pris le pouvoir, a eu pour effet d'édulcorer la Loi sur les relations de travail de l'Ontario, éliminant des droits dont jouissaient les syndicalistes depuis plus de 50 ans.

En outre, le gouvernement s'est exempté de la Loi sur les prestations de pension qui s'applique à tous les travailleurs de la province, réduisant ainsi les droits à pension de ses propres employés.

Ce même gouvernement a également dépouillé ses propres employés de leurs droits successoraux, ce qui veut dire que lorsque le gouvernement vendra une partie de ses opérations, ses employés n'auront pas droit à un emploi avec le nouvel employeur, lequel ne sera lié ni par la convention collective ni par les droits de négociation syndicale.

On peut donc justement avancer que l'approche du gouvernement provincial actuel à l'égard du travail dans la province n'est rien d'autre qu'une agression.

Pourquoi le gouvernement fédéral voudrait-il céder à un tel gouvernement le pouvoir législatif en matière de relations de travail dans les installations nucléaires d'Ontario Hydro, à un tel moment d'instabilité et de changement?

Il est évident que le gouvernement fédéral comprend qu'il a un rôle à jouer à l'égard de la vie des employés d'Ontario Hydro Nuclear. Ainsi, le projet de loi C-3 ne prétend pas exempter Ontario Hydro Nuclear de la Loi fédérale sur l'équité en matière d'emploi, ce qui est pertinent, puisque le gouvernement Harris a récemment abrogé la Loi sur l'équité en matière d'emploi en Ontario. Pourquoi alors le gouvernement fédéral accepte-t-il la responsabilité de l'équité en matière d'emploi dans les installations nucléaires tout en confiant les relations de travail au gouvernement provincial? Le droit à une négociation collective disciplinée, selon des règles du jeu équitables, est-il moins important que le droit à l'équité en matière d'emploi?

Si le projet de loi C-3 devait être adopté, il serait fort simple pour le gouvernement actuel de dépouiller la PWU et ses employés nucléaires de leurs droits successoraux et de leurs droits à pension, comme l'a fait le gouvernement pour ses propres employés.

Effectivement, sous sa forme actuelle, le projet de loi C-3 permettrait au gouvernement fédéral de prendre des règlements pour que des modifications provinciales comme celles-ci s'appliquent automatiquement à OHN, sans que le gouvernement fédéral n'en examine l'impact éventuel sur les installations nucléaires. Créer cette incertitude dans la vie active des employés d'Ontario Hydro Nuclear ne fera qu'exacerber une situation déjà délicate, provoquant peut-être un conflit inutile. Les employés d'Ontario Hydro n'auront plus le sentiment d'être à l'abri de relations de travail instables au sein de leur province.

Qui plus est, le gouvernement provincial actuel a déjà montré qu'il est prêt à agir illégalement pour arriver à ses fins à l'égard d'Ontario Hydro. Il y a deux mois, le ministre de l'Énergie a prétendu renvoyer cinq administrateurs d'Ontario Hydro. Sans exception, ces cinq administrateurs, dont moi-même, avaient des liens avec les syndicats, les groupes environnementaux, le parti Libéral ou le parti Néo-démocrate. Cette mesure a été prise à la veille d'une réunion très importante du conseil d'administration d'Ontario Hydro où il fallait décider de la position d'Ontario Hydro à l'égard de la privatisation de cette entreprise de services publics. Ces renvois auraient retiré du conseil de farouches opposants à la privatisation.

La Cour de justice de l'Ontario a toutefois jugé que la conduite du gouvernement à cet égard était illégale et a rétabli les membres du conseil dans leurs fonctions. Toutefois, cette mesure a montré que l'attitude du gouvernement provincial à l'égard des employés d'Ontario Hydro est tout aussi injuste que son attitude à l'égard de ses propres employés ou des employés de la province en général.

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Le gouvernement fédéral fait erreur, lorsqu'il laisse entendre que les Ontariens ont élu le gouvernement actuel et que, par conséquent, il est légitime de déléguer le pouvoir à ce gouvernement. Les Canadiens n'ont pas élu Mike Harris. Par contre, ce sont les Canadiens qui ont élu le gouvernement fédéral actuel et c'est ce gouvernement, et lui seul, qui détient le pouvoir constitutionnel à l'égard des installations nucléaires au Canada.

Personne n'a jamais mis en doute le pouvoir exclusif du gouvernement fédéral en matière d'énergie atomique au Canada. C'est le gouvernement du Canada, et lui seul, qui peut réglementer les installations nucléaires, car l'énergie nucléaire est une question qui dépasse les frontières provinciales et qui est importante pour l'ensemble du pays.

Le Parlement ne peut pas justifier la délégation proposée sous prétexte que le gouvernement de l'Ontario est dûment élu. Il doit se demander pourquoi le gouvernement devrait confier son pouvoir à un autre palier de gouvernement, lequel, selon la Cour suprême, ne détient pas ce pouvoir. Nous pensons que rien ne justifie une telle délégation.

Nous savons que l'on examine à l'heure actuelle le projet de fusion de OHN et de EACL. Un tel organisme fusionné relèverait de la compétence législative fédérale et le Code canadien du travail s'y appliquerait, ainsi que nous l'a dit le personnel du ministère du Travail. Compte tenu de cette éventualité, il ne sert à rien de confier les relations de travail relatives à OHN au gouvernement provincial, si tout le processus risque d'être complètement modifié dans le proche avenir. Il ne faudrait sûrement pas prendre de décision à propos du pouvoir fédéral sur les relations de travail dans les installations nucléaires, tant qu'une décision définitive n'aura été prise au sujet d'un nouvel organisme fédéral.

En outre, le Comité Macdonald, comité consultatif sur la concurrence dans les services électriques en Ontario, doit, le 30 avril 1996, déposer un rapport final renfermant des recommandations sur l'avenir d'Ontario Hydro, y compris celui d'Ontario Hydro Nuclear; ses répercussions sur l'avenir d'Ontario Hydro Nuclear seront sans doute dramatiques, puisqu'il permettra de décider en outre si cette société devait continuer à être une société d'État. Promulguer le projet de loi C-3 avant la publication et la mise en oeuvre de ce rapport équivaudrait à abandonner le pouvoir fédéral dans un domaine et à un moment où le gouvernement fédéral ne peut pas savoir ce qu'envisage la province pour Ontario Hydro Nuclear, et ne peut pas savoir non plus si de tels plans correspondront aux intérêts fédéraux en matière d'utilisation et d'exploitation sûres des installations nucléaires.

Qui plus est, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, le climat actuel des relations de travail au niveau provincial en Ontario ne contribue pas vraiment à une réglementation stable et rationnelle des installations nucléaires. Le gouvernement fédéral ne devrait pas précipiter Ontario Hydro Nuclear dans la bataille actuelle des relations de travail en Ontario. Adopter le projet de loi C-3 maintenant serait non seulement inutile et destructeur en ce qui concerne les relations de travail, mais équivaudrait également à une décision hâtive.

Pour conclure, des fonctionnaires du ministère provincial du Travail nous ont dit, il y a maintenant deux ans, dans le cadre d'une rencontre sur une délégation éventuelle du pouvoir fédéral, que le gouvernement provincial ne donnerait pas suite à une telle option si la PWU ne le souhaitait pas. Nous les avons informés à ce moment-là que nous ne le souhaitions pas.

Nous nous opposons résolument à une telle mesure législative pour les raisons décrites ci-dessus. Pourtant, le gouvernement fédéral propose d'aller de l'avant malgré une telle opposition. Nous soutenons qu'il est inutile, inconvenant et discriminatoire d'appliquer le Code canadien du travail à tous les employés relevant de la compétence fédérale, à l'exception de ceux qui travaillent dans des installations nucléaires, soit le seul groupe d'employés à propos duquel la Cour suprême a jugé que les relations de travail doivent être réglementées au plan fédéral, dans le cadre du pouvoir du Parlement d'assurer la sécurité des installations et des matières nucléaires.

Si vous permettez, je vais faire une digression pour vous dire que j'ai passé près de 12 ans comme représentant élu au sein d'Ontario Hydro. Je suis allé régulièrement à Ottawa pour renouveler les permis devant la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Cette Commission, organe fédéral chargé d'assurer la sécurité du public et des employés, a régulièrement dit à Ontario Hydro et à nous-mêmes, au cours de ces douze années, que l'élément le plus important de la sécurité nucléaire, de la protection de la sécurité du public dans les centrales nucléaires, est l'élément humain et que, dans tout le contexte des relations de travail au sein d'un environnement nucléaire, rien n'est plus important que le maintien de la sécurité du public et des employés.

Qui plus est, le gouvernement propose non seulement d'adopter la loi provinciale telle qu'elle existe actuellement, mais aussi de permettre aux provinces de modifier unilatéralement leurs lois et d'appliquer automatiquement de telles modifications aux employés nucléaires. C'est une méthode inhabituelle d'incorporation qui, en fait, donne carte blanche aux gouvernements provinciaux en matière de relations de travail dans les installations nucléaires.

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Cela équivaut quasiment à un renoncement complet au pouvoir fédéral dans ce domaine. Même si le gouvernement fédéral peut se manifester après la modification provinciale et abroger ses effets, cela risque d'être trop tard. Sûrement, même si l'intérêt fédéral dans l'exploitation sûre des installations nucléaires permet l'incorporation d'un texte provincial, tel qu'il existe actuellement - nous soutenons le contraire - cet intérêt exigerait que le gouvernement fédéral analyse des modifications ultérieures à la loi provinciale, à la lumière de ses intérêts, avant de les incorporer et de les appliquer aux installations nucléaires.

Nous demandons instamment au comité de recommander que le projet de loi C-3 ne soit pas promulgué, mais que le Code canadien du travail soit modifié pour qu'il s'applique aux organismes d'État provinciaux appartenant au domaine nucléaire.

Permettez-moi de faire une autre digression. Lorsqu'il a été décidé que les employés des installations nucléaires relèveraient de la compétence fédérale, on a insisté pour qu'une longue période de mise en oeuvre soit prévue, de façon que la cession de nos droits ne survienne pas du jour au lendemain. À tout le moins, si le comité choisit de rejeter ce qui, à mon avis, représente de très bonnes raisons justifiant l'abandon du projet de loi C-3, je demanderais instamment aux membres du comité de reconnaître qu'une longue période de mise en oeuvre, pouvant aller jusqu'à six mois, serait utile afin que toutes les parties puissent se préparer en vue de tout changement éventuel de réglementation.

Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Merci, monsieur Murphy. Nous allons maintenant passer aux questions et commencer par l'Opposition officielle.

[Français]

M. Ménard: Il est important de prendre le temps qu'il faut pour entendre les témoins et leur donner l'information nécessaire.

Monsieur Murphy, il y a quelque chose que je souhaite comprendre. Avant le jugement de la Cour suprême, et nos deux témoins en ont parlé, chacune des quatre provinces du Canada avait l'autorité d'encadrer le champ des relations de travail. On peut donc dire que, depuis 50 ans, l'expertise a été détenue par chacune des provinces concernées. Pouvez-vous me dire si j'ai raison? En tant que membre de l'Opposition officielle, c'est ainsi que j'ai analysé le projet de loi.

[Traduction]

M. Murphy: Je pense qu'il est exact de dire que la province exerçait un contrôle en matière de relations de travail dans nos installations nucléaires jusqu'à la décision de la Cour suprême du Canada. Depuis plusieurs années maintenant, nous relevons de la compétence fédérale en matière de relations de travail au sein de nos installations nucléaires. Nous savons donc comment fonctionnent les deux systèmes et disons en fait que passer de nouveau de la réglementation fédérale à la compétence provinciale serait extrêmement préjudiciable, pour toutes les raisons que nous avons exposées.

M. Christopher Dassios (conseiller juridique, Power Workers' Union): J'aimerais dire quelque chose de plus. Il est important de comprendre que la Commission des relations de travail de l'Ontario a pris la décision initiale en 1988. Le gouvernement fédéral a porté le litige jusqu'à la plus haute instance, laquelle a rendu sa décision en 1993. Pendant cette période, Ontario Hydro s'est restructurée en organes distincts de services publics à l'intérieur d'une seule structure d'entreprise. Ontario Hydro Nuclear n'existait pas en 1988. Il était beaucoup plus difficile, par exemple, de faire une distinction entre services nucléaires et non nucléaires.

En 1993, actuellement et aussi longtemps que nous pouvons l'entrevoir, Ontario Hydro Nuclear est un élément distinct d'Ontario Hydro, fonctionnant séparément et ayant son propre chef. Alors que des problèmes administratifs ont pu surgir dans l'ancienne structure, aucun problème administratif relatif à l'application de la loi fédérale à un élément, et non à l'autre, ne se pose dans le contexte actuel.

Je reprends une des premières questions posées: comment pouvez-vous tolérer que la loi fédérale s'applique à un élément d'Hydro et non à l'autre? Permettez-moi d'y répondre de cette manière: Si vous aviez un entrepreneur d'un contrat de défense exploitant également une chaîne de restaurants, la partie défense du contrat pourrait relever de la compétence fédérale, les restaurants de la compétence provinciale. Beaucoup de sociétés fonctionnent ainsi. Par exemple, les autorités aéroportuaires relèvent de la loi provinciale au moment de la construction de l'aéroport, et de la loi fédérale au moment de son exploitation.

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[Français]

M. Ménard: Justement, nous avions le sentiment que ce n'était pas une situation souhaitable. Je trouve étonnant que vous, qui représentez les travailleurs, tout comme le témoin précédent, nous disiez que dans une unité de travail, quelle qu'elle soit - et là on se réfère à l'énergie nucléaire et à la corporation que vous représentez - , vous souhaitez qu'il y ait coexistence d'un double régime de relations de travail. Par contre, nous avons le sentiment, malgré les défauts du projet de loi tel qu'il a été rédigé - on peut y proposer des amendements - , qu'il serait souhaitable qu'il n'y ait qu'une seule autorité pour encadrer les relations de travail, sauf pour ce qui est de la réglementation concernant la sécurité qui va s'appliquer à toute la manipulation des produits dangereux et à toute la question de l'énergie nucléaire. Est-ce qu'il n'est pas souhaitable qu'il n'y ait qu'une seule autorité en matière de relations de travail?

Je suis vraiment étonné d'entendre les paroles de certains témoins alors que nous plaidons pour qu'il y ait une dévolution de pouvoirs. Le gouvernement fédéral propose de céder aux provinces le champ des relations de travail en matière d'énergie nucléaire, et vous nous dites ce matin que vous pensez que le projet de loi n'est pas nécessaire et surtout qu'il va envenimer les relations de travail. Il m'est très difficile d'admettre ce point de vue, mais je suis très ouvert. Peut-être me manque-t-il de l'information. Nous avons depuis 50 ans un gouvernement fédéral centralisateur, qui est intervenu dans des domaines qui n'étaient pas les siens, et quand on présente un projet de loi devant le Parlement, voilà que certains nous proposent de faire le contraire. Même les syndicats, que je croyais être des forces progressives, nous invitent à le rejeter. J'aimerais que vous m'expliquiez vraiment ce que vous souhaitez que l'on fasse.

[Traduction]

M. Murphy: Je comprends parfaitement la nécessité de déléguer le pouvoir du gouvernement fédéral aux provinces. Je crois toutefois que dans certains cas, il faut prévoir des exceptions. À mon avis, c'est ce qu'il faudrait prévoir dans ce cas-ci.

À titre d'exemple, je crois que tout le monde convient que la question des permis et du contrôle de la sécurité au sein des centrales nucléaires devrait continuer à relever de la compétence fédérale, n'est-ce-pas? Je ne pense pas que quiconque soit en désaccord sur ce point.

Par ailleurs, il faut comprendre que les relations de travail, le genre de relations de travail au sein de la centrale, représentent en fait le facteur le plus important en matière de sécurité. Il est donc normal que le gouvernement fédéral décrète que la sécurité nucléaire est une question d'ordre national plutôt que d'ordre provincial, et qu'elle doit donc être réglementée à l'échelle nationale; il est donc tout à fait normal également de comprendre que les relations de travail dans un environnement nucléaire doivent également être considérées comme une question d'ordre national.

Il faut également savoir que si cette question se pose actuellement, c'est parce qu'elle se rapporte à celle des négociations entre la Power Workers' Union et Ontario Hydro.

[Français]

M. Ménard: Le lien entre les relations de travail, comme les conventions collectives, les avantages sociaux et les postes de travail, que vous connaissez mieux que moi en tant que membre fondateur d'un syndicat, la manipulation de produits dangereux et la question de la sécurité des installations nucléaires n'est pas si évident que ça. Pouvez-vous nous dire concrètement pourquoi les membres de ce comité devraient penser que les deux sont indissociables pour vos travailleurs? Donnez-nous des exemples pour nous faire comprendre votre point de vue.

[Traduction]

M. Dassios: Il suffit d'examiner la décision du juge en chef Lamer de la Cour suprême du Canada pour comprendre le lien, car il l'examine en détail.

Par exemple, à propos du Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique, il déclare ce qui suit:

Comment peut-on ne pas établir de lien avec les questions de santé et de sécurité au travail et dans le cadre de la convention collective, lorsque le Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique parle de vêtements de sécurité et méthodes de travail sûres?

Il poursuit en ces termes:

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[Français]

M. Ménard: Pourquoi n'en parlerait-on pas dans la convention collective? Je ne comprends pas. D'un côté, vous nous dites que la convention collective va continuer de s'appliquer et que vous allez avoir un régime de droits acquis, un transfert de droits successoraux, et d'un autre côté, vous nous dites qu'il y a des éléments qui vont être touchés par la sécurité et qui ne vont pas se retrouver dans la convention collective.

[Traduction]

M. Dassios: Non. Il parle de deux choses. Il parle des obligations liées à l'emploi que renferme le Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique, qui doivent correspondre aux dispositions de santé et de sécurité au travail du Code canadien du travail.

Cela vise également la convention collective. Il faut se rappeler que toute plainte portant sur une pratique déloyale de travail découlant de questions se rapportant à la convention collective, doit être présentée à une commission du travail. La convention collective peut donc continuer de s'appliquer, mais la commission du travail joue toujours un rôle de surveillance de cette convention collective, si bien qu'on ne peut la radier complètement.

Il poursuit en ces termes:

Et le juge poursuit. Il fait la même chose avec les permis délivrés par la CCEA et signale comment ces permis contiennent des conditions qui doivent nécessairement concorder avec le Code canadien du travail. Il fait la même chose en ce qui a trait aux règlements internationaux.

Il vous donne donc les exemples concrets que vous demandez. L'essentiel de ces raisons - les siennes étaient les plus étriquées à l'appui de la compétence fédérale dans le domaine. C'est la raison pour laquelle nous les citons, afin d'être rigoureusement conservateurs sur la question.

Il dit que les relations de travail et la sécurité nucléaire sont inextricablement liées et que pour éviter que les deux n'entrent en conflit, elles doivent relever du même palier de gouvernement.

Le président: Je vous remercie de votre réponse.

Pour les prochaines questions, la parole appartient maintenant aux représentants du gouvernement.

M. Proud: Je vais d'abord poser une question et faire ensuite une déclaration. Voici ma question: si nous étions à la même époque l'an dernier, seriez-vous devant le comité?

M. Murphy: Oui. Tout à fait.

M. Proud: Ce que je veux dire c'est que nous disons que le gouvernement fédéral deviendrait partie à l'action antisyndicale du gouvernement de l'Ontario. Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation parce que la question que nous examinons touche trois autres provinces: le Nouveau-Brunswick, le Québec et la Saskatchewan.

Cela va donc plus loin que cette mesure législative qui vise Ontario Hydro. Il offre la possibilité de nous occuper de trois autres provinces. Une fois de plus, je reviens à mon premier point. Je crois que si nous disposons d'un moyen pour rationaliser une activité sans rien compromettre - et c'est quelque chose que nous ne faisons pas... Nous n'exposons personne de quelque façon que ce soit à un danger en ce qui a trait aux centrales nucléaires puisque le gouvernement fédéral conserve toujours sa compétence à cet égard. Tout ce que fait cette mesure législative c'est d'établir le mécanisme permettant d'administrer la loi. C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas pourquoi elle est l'objet de tant d'opposition.

Je suis d'accord avec vous. Les relations de travail dans votre province à l'heure actuelle - vous savez nous en avons vu des plus graves au pays et je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous là-dessus - Mais à mon avis le fait est qu'en tant que gouvernement fédéral, commeM. Ménard l'a dit il y a quelques instants, on ne cesse de nous répéter depuis des années que nous avons centralisé les choses. Nous essayons maintenant de simplifier et de rationaliser. En ce qui me concerne, cette mesure législative ne représente aucun danger pour qui que ce soit.

M. Murphy: Comme je l'ai dit plus tôt, je comprends la nécessité d'être plus efficace et de déléguer des pouvoirs là où c'est logique. Mais dans le cas qui nous intéresse, toute la documentation internationale associée à l'énergie nucléoélectrique laisse entendre que l'élément humain est la plus importante composante. Personne ne le conteste.

M. Proud: Non.

M. Murphy: Vos propres organismes de réglementation fédéraux en matière d'énergie atomique ne cessent de répéter que la question des relations de travail et de l'élément humain est la plus cruciale dans la centrale nucléaire. Si nous pouvions essayer de trouver les raisons sur lesquelles nous sommes d'accord; nous sommes d'accord qu'à ce moment-ci en Ontario le climat en ce qui a trait aux relations de travail est très hostile. Nous en sommes à un point très critique dans les négociations entre le PWU et Ontario Hydro.

Ainsi prendre les travailleurs d'Ontario Hydro Nucléaire et les inclure dans ce cadre de réglementation hostile, étant donné que nous sommes tous d'accord pour dire, je crois, que les relations de travail et l'élément humain occupent le premier rang lorsqu'il est question de sécurité nucléaire - je crois que c'est le coeur du problème en ce qui concerne le projet de loi C-3.

.1015

M. Proud: Vous avez également dit que si nous décidons, après avoir entendu tous les témoignages, d'adopter cette mesure législative, vous demanderiez un processus de mise en oeuvre qui s'étendrait sur...

M. Murphy: Au moins six mois pour permettre un certain nombre de choses. Cela permettrait au Comité Donald Macdonald de déposer son rapport de sorte que nous ne passions par un énorme changement en ce qui a trait aux employés d'Ontario Hydro Nuclear pour ensuite apporter peut-être de nouveaux changements. Cela donnerait du temps pour décider si l'on va fusionner en un nouvel organisme Ontario Hydro Nuclear et Énergie atomique du Canada Limitée. Cela nous permettrait de mener à bonne fin sans ingérence la négociation collective pour le PWU.

Les employés du gouvernement fédéral tout comme ceux du gouvernement provincial qui ont participé à ce processus ont été très utiles. Cela permettrait de le mener à terme. Enfin, cela permettrait d'aviser toutes les parties de se préparer au transfert de la réglementation.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Murphy, de même que Chris et Ron.

M. Murphy: Merci beaucoup. Nous vous remercions de l'occasion que vous nous avez offerte d'exposer nos vues.

Le président: Nous demanderons aux témoins de patienter pendant que notre comité suspend ses travaux pendant deux ou trois minutes. Merci.

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Le président: Nous reprenons nos audiences sur le projet de loi C-3.

Nos prochains témoins à qui je veux souhaiter la bienvenue représentent le Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec.

Monsieur Champagne, auriez-vous l'obligeance de présenter votre collègue.

[Français]

M. Louis Champagne (président, Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec): Je vous présente Georges Loiselle, qui est délégué de la centrale nucléaire Gentilly-2. Je m'appelle Louis Champagne et je suis président du Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec.

Je voudrais vous remercier, monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, de nous avoir permis d'intervenir devant vous aujourd'hui. Le Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec représente plus de 1 500 ingénieurs à l'emploi de la société d'État. Nos membres exercent leur profession dans des activités de planification, d'ingénierie, de construction et d'exploitation des réseaux de production, de transport et de distribution d'Hydro-Québec.

Notre syndicat ne représente que les ingénieurs membres de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Mais je voudrais signaler une particularité de notre syndicat: nous représentons aussi des ingénieurs occupant le premier niveau de commandement dans l'entreprise et, pour ce faire, nous bénéficions d'une accréditation législative que nous a donnée l'Assemblée nationale en 1970.

Nous représentons aussi les ingénieurs oeuvrant dans le domaine nucléaire depuis qu'Hydro-Québec a commencé à planifier la construction de telles centrales. Actuellement, il n'ya qu'à la centrale Gentilly-2 que l'on trouve des activités nucléaires d'Hydro-Québec. Plus de100 ingénieurs y travaillent actuellement et c'est à peu près le nombre qu'on y retrouve historiquement.

Le jugement de la Cour suprême de 1993 a radicalement modifié, sinon bouleversé, les conditions de travail de ces ingénieurs. En effet, alors qu'ils avaient toujours été représentés par un syndicat couvrant entièrement les activités de leur entreprise, ils s'en trouvaient subitement coupés. Leur régime de négociation, leur convention collective, toutes leurs conditions de travail auraient dû se trouver encadrés par le Code canadien du travail, et ils n'étaient pas au bout de leurs peines.

En effet, dans l'hypothèse où on aurait pu reformer un nouveau syndicat couvert par le Code fédéral du travail, il semblait impossible de continuer à représenter les cadres que nous avions toujours représentés, affectant ainsi de façon irrémédiable les droits de ces personnes puisque, comme je vous l'ai dit, nous pouvons représenter des cadres au premier niveau de commandement par une incorporation législative.

De plus, même si le jugement de la Cour suprême prétend le contraire, le statut juridique d'Hydro-Québec allait nous poser un problème majeur. En effet, Hydro-Québec est mandataire de Sa Majesté du Chef de la province de Québec, et ce statut la met en quelque sorte à l'abri des lois fédérales, ce qui constitue un abri pour Hydro-Québec, mais prive de leurs droits de syndicalisation les ingénieurs et les employés de la centrale nucléaire Gentilly-2.

En ce qui concerne le Code fédéral du travail, ils se retrouvent dans une situation de vide juridique faisant passer leurs droits du domaine collectif au domaine individuel. Cette situation a été confirmée par tous les tribunaux auxquels nous nous sommes adressés: la Cour fédérale d'appel et même la Cour suprême du Canada qui a refusé d'entendre notre appel.

En pratique, les relations de travail ne sont plus encadrées par aucune loi à la centrale Gentilly-2. Dans une telle situation, aucun des actes visés par le Code du travail ne se retrouve encadré, que ce soit la négociation, les griefs, les lock-outs ou la grève. Ces encadrements juridiques qui visent à promouvoir la paix industrielle et l'harmonie n'existent tout simplement plus. Or, ces encadrements protègent non seulement les employés et leur employeur mais aussi, dans une centrale nucléaire, les citoyens du Canada et ceux des pays voisins.

Il est sans doute utile de rappeler les propos de l'honorable juge LaForest dans la décision de la Cour suprême du Canada concernant l'affaire Ontario Hydro:

Devant cette situation, lors des consultations sur les modifications apportées au Code fédéral du travail, nous avons recommandé au Parlement de rétrocéder ses pouvoirs aux parlements provinciaux en matière de relations de travail. Nous tenions pour acquis que le vide juridique ne pouvait durer et constitue une négation même du jugement de la Cour suprême et de l'objet de toutes nos lois.

.1030

Si le Parlement décidait de lier les mandataires des couronnes provinciales exploitant les centrales nucléaires, il lèverait bien sûr le vide, mais au prix de la balkanisation des relations de travail dans ces entreprises. Les syndicats et les employeurs se retrouveraient par le fait même avec deux régimes de relations de travail, deux conventions collectives, deux lois dans la même entreprise. Des règles différentes produiront des effets différents.

Nos membres à Gentilly-2 se retrouveront dans une unité de négociation différente de celle de leurs confrères, avec une convention collective différente, perdant ainsi les avantages de mobilité du personnel, d'uniformisation de l'ensemble des conditions de travail et de négociation.

Les ingénieurs oeuvrant à la centrale et même, à notre avis, les employés des autres unités syndicales ne sont pas en nombre suffisant pour former une unité différente à Hydro-Québec.

En outre, comme nous l'expliquions plus tôt, nous perdrons probablement l'accréditation pour nos membres qui occupent des fonctions de cadre. C'est pourquoi nous avons privilégié la rétrocession des pouvoirs du Parlement fédéral vers les provinces en matière de relations de travail dans les centrales nucléaires. Ceci nous ramènera au statu quo.

Nous comprenons que c'est dans cet esprit que le projet de loi C-3 a été proposé à la Chambre des communes. Nous sommes, bien sûr, d'accord sur le principe du projet de loi. Nous avons toutefois des commentaires à apporter et des modifications à suggérer.

Premièrement, nous souhaitons que le renvoi aux lois provinciales se fasse directement dans la loi fédérale et non par règlement. Ces règlements sont pris sur simple recommandation du ministre. Ce que le ministre peut faire par règlement, il peut aussi le défaire par règlement en tout temps.

Nous sommes inquiets de ce que le pouvoir législatif en matière de relations de travail, dans les centrales nucléaires canadiennes, risque de se balader du Parlement fédéral vers ceux des provinces, à la discrétion des ministres.

Les Codes fédéral et provinciaux du travail sont différents. Au Québec, par exemple, notre unité de négociation - si vous me permettez l'expression - ne peut pas être exportée du provincial vers le fédéral en raison de son caractère législatif. On ne pourrait pas la prendre telle quelle et l'amener au fédéral. De la même façon et de façon plus générale, les règles du jeu en ce qui concerne les services essentiels, les dispositions antibriseurs de grève, etc., sont très différentes d'un code à l'autre, entre le Code du travail du Québec et celui du fédéral. Les parties, au Québec, risquent de voir changer ces règles du jeu, dans un sens ou dans l'autre, du fédéral vers le provincial ou du provincial vers le fédéral, sans même être consultées.

Si le renvoi aux lois provinciales était fait dans la loi, il se ferait une fois pour toutes et probablement pour toutes les catégories d'emploi. Selon notre compréhension du projet de loi, il serait possible que dans le même établissement, pendant une durée décidée par le ministre, une partie des travailleurs soit régie par le Code fédéral du travail et une autre par le Code provincial. C'est revenir à la balkanisation que nous redoutions au départ. Nous souhaitons donc que l'ensemble des relations de travail soit rétrocédé aux provinces.

Inclure cela dans la loi assurerait à la chose un caractère plus permanent qu'une simple réglementation telle que celle proposée dans le projet de loi C-3.

Par contre, si vous ne modifiez pas le projet de loi, nous vous recommandons de prévoir, avant de rétrocéder, la consultation des institutions concernées, qu'elles soient patronales ou syndicales, cela avant de procéder à quelque changement de régime que ce soit.

Avant d'appliquer des changements de l'ampleur de ceux prévus au projet de loi C-3, il nous semble élémentaire et essentiel de consulter les parties concernées. La loi vise à encourager l'harmonie entre les individus et les institutions. Comment vont réagir les individus ou les institutions quand ils apprendront par les journaux que les lois qui régissent leurs droits et obligations viennent de changer de parlement sans qu'ils en aient jamais entendu parler?

Dans son application, dans sa formulation même, le projet de loi n'encourage pas l'harmonie à cet égard. Les installations où ces situations risquent de survenir sont, de par leur nature même, fragiles et délicates. Comme le juge LaForest l'a bien souligné, une simple négligence risque de donner lieu à un désastre.

.1035

S'il est un endroit où l'harmonie qui sous-tend toute loi a sa raison d'être, c'est bien une centrale nucléaire. Ce n'est pas seulement la sécurité des travailleurs qui en dépend, mais aussi celle de leurs concitoyens et même d'étrangers auxquels nous sommes liés par traité.

Nous croyons que vos recommandations vont améliorer ce projet de loi, et promouvoir la pérennité et l'harmonie, le tout dans un contexte où la sécurité de tous, travailleurs et grand public, devra continuer à être assurée sans compromis.

Je remercie les membres du comité. Je suis prêt à répondre aux questions, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup de votre exposé.

Nous amorcerons la période des questions en donnant la parole à l'Opposition officielle. Monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, j'espère que vous avez pris beaucoup de notes, parce que j'espère que le gouvernement comprend bien que ces amendements seront également déposés par l'Opposition officielle.

Monsieur Champagne, votre appréciation du projet de loi est globalement positive, mais vous craignez que le projet de loi soit incomplet. Vous dites que vous êtes d'accord et que vous en avez même fait la recommandation lors des consultations qui ont donné lieu au rapport Sims, mais vous pensez qu'on ne trouve pas dans le projet de loi tel que libellé tous les éléments qui nous permettraient de parler d'une cession totale.

Pour ce faire, vous avez tendance à faire deux recommandations. Un aspect important des modifications que vous souhaitez apporter est le renvoi dans la loi fédérale. Est-ce que vous voudriez nous en parler davantage?

M. Champagne: Nous comprenons que le projet de loi permettra au ministre, sur simple recommandation, de promener d'un parlement à l'autre la législation en matière de relations de travail dans les centrales nucléaires canadiennes. Ceci ne permet pas d'assurer la pérennité de ce qui est proposé. On risque que, pour toutes sortes de raisons, on se mette à promener les pouvoirs législatifs en matière de relations de travail du Parlement fédéral vers les parlements provinciaux ou l'Assemblée nationale et inversement, comme si on s'échangeait une patate chaude. Si on veut assurer une certaine pérennité, il faut inscrire le transfert aux provinces dans la loi plutôt que le faire par règlement.

M. Ménard: Je vais prendre un exemple très concret pour les gens qui nous écoutent et pour la majorité ministérielle qui est toujours avide de pédagogie. En fait, vous souhaitez que dans le projet de loi, on se réfère explicitement aux lois qui vont s'appliquer sur le territoire. À titre d'exemple, on peut spontanément penser que dans le Code du Québec, on aurait certainement le Code du travail, le Conseil des services essentiels,...

M. Champagne: Les lois sur les services essentiels.

M. Ménard: ...les lois sur les services essentiels. Est-ce que vous en voyez d'autres? Je pense à la construction.

M. Champagne: Oui. On pourrait aussi imaginer la Loi sur la fête nationale.

M. Ménard: Ah, Mme Copps sera sûrement d'accord sur cette idée. La Loi sur la fête nationale: même moi je l'avais oubliée! Mais est-ce que sur le strict plan de...

M. Champagne: La Loi sur la santé et la sécurité au travail.

M. Ménard: La Loi sur la santé et la sécurité au travail, la Charte québécoise des droits de la personne. Est-ce que vous en voyez d'autres?

M. Champagne: La Charte de la langue française.

M. Ménard: La Charte de la langue française. Je vous ferai remarquer, monsieur le président, qu'on parle quand même de textes législatifs maîtres. Quand on a posé la question de M. Champagne aux fonctionnaires, ils nous ont fait valoir qu'il était difficile de se référer aux lois dans le cadre de ce projet législatif, car ce projet de loi a comme particularité de s'adresser à quatre provinces. Mais je suis sûr que la subtilité et l'ingéniosité des avocats vont nous permettre de contourner ça.

M. Champagne: Il faut faire confiance à l'imagination des avocats et des rédacteurs de lois.

M. Ménard: Oui, nous partageons le même point de vue.

Il y a un deuxième point important, monsieur Champagne. Vous craignez, tout comme les deux parties représentant la province voisine, que les parties intéressées ne soient pas associées à ce processus de rétrocession et aux changements ultérieurs qui pourraient survenir. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de cela?

M. Champagne: Le projet de loi ne prévoit pas de consultation. Le projet de loi garde une totale discrétion en ce qui concerne l'appareil exécutif. Il est même possible que les parlements concernés l'apprennent par les journaux. Ce serait assez étonnant, mais il est fort possible que des parlementaires apprennent par les journaux qu'ils vont avoir à traiter à l'avenir des relations de travail dans les centrales nucléaires. Il faut quand même dire dire que ce sont des établissements importants où la sécurité est capitale.

.1040

Il nous semble que toutes les parties concernées devraient être consultées avant qu'une rétrocession intervienne. On n'est pas en train de changer trois ou quatre virgules de la loi; c'est un élément très important qu'on est en train de renvoyer aux provinces. Ce devrait être fait dans l'harmonie et la paix. On devrait prendre tous les moyens pour que ça soit fait dans l'harmonie et la paix industrielle. J'irais jusqu'à dire que promouvoir l'harmonie et la paix industrielle devrait être l'objectif de la loi.

M. Ménard: Je suis convaincu que le secrétaire parlementaire en a pris bonne note.

Je vous dirai que vous vous trouvez dans une situation de vide juridique.

M. Champagne: Actuellement, oui, nous sommes dans une situation de vide juridique.

M. Ménard: Et le projet de loi C-3, en proposant la rétrocession, viendrait corriger la situation?

M. Champagne: De deux façons; il viendrait corriger la situation de vide et nous permettrait de garder l'unité syndicale que l'Assemblée nationale nous a octroyée au Québec. C'est pourquoi nous sommes d'accord sur le projet de loi.

M. Ménard: C'est très clair pour moi. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ménard.

Nous passons au Parti réformiste, le troisième parti. Je vous en prie, madame Hayes.

Mme Hayes (Port Moody - Coquitlam): Je suis heureuse de pouvoir poser une ou deux questions, monsieur le président.

Je familiarise avec la question sur le tas. Cependant, je veux vous dire qu'assurément nous serions d'accord avec presque tout ce que vous avez dit, surtout en ce qui a trait à la rétrocession de certains pouvoirs aux provinces, ce qui permettrait d'en arriver à un scénario du meilleur cas - efficacité et justice sur les lieux du travail - et bien sûr en ce qui a trait à la sécurité des Canadiens dans ces installations.

J'ai juste une observation à faire au sujet des deux amendements que vous proposez. Je pourrais peut-être faire d'abord mes deux observations et vous pourriez ensuite y répondre si vous voulez.

Vous proposez tout d'abord que le renvoi se fasse dans la loi directement et non par règlement et vous faites valoir que ce qu'un ministre peut faire par règlement, il peut le défaire, voire apporter des changements au fil des ans. Croyez-vous que cette structure particulière du projet de loi pourrait faire en sorte que le gouvernement fédéral accorde un traitement différent aux provinces? Pourrait-on au fil des ans apporter un changement si le projet de loi est souple? Cela pourrait-il mener à des règlements différents entre les provinces? Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?

Mon deuxième point porte sur le processus de consultation que vous avez recommandé. Je crois comprendre que ce problème particulier ne vient pas juste de survenir. Bien sûr en 1993 la Cour suprême a rendu sa décision, mais le problème existait depuis un certain temps déjà. Vous avez dit qu'il y un vide juridique qui fait passer les droits des ingénieurs du domaine collectif au domaine individuel.

J'estime que c'est une véritable menace à... Ce que vous avez dit c'est que même une simple négligence risque de donner lieu à un désastre. Il y a un vide et nous sommes aux prises avec un problème. Est-il préférable selon vous de ne pas se préoccuper du vide juridique et de procéder à une consultation? Vous semblez être donner votre aval à la mesure législative. Si vous représentez les gens avec qui vous travaillez, ne serait-il pas possible de régler le problème pour qu'il n'y ait pas négligence qui risquerait de donner lieu à un désastre du genre de celui dont vous parlez? Doit-on pour l'instant favoriser la consultation plutôt que de remédier au vide juridique?

[Français]

M. Champagne: En ce qui a trait à la consultation, disons qu'on ne connaît pas de centrales nucléaires au Canada actuellement où, un vide juridique existant, on s'attend à des problèmes de relations de travail. Donc, on a le temps de consulter les Canadiens.

Ce vide existe depuis déjà plusieurs années; il a été constaté en 1994. Nous sommes donc dans cette situation depuis deux ans. Ce n'est pas quelques mois de plus ou de moins qui vont faire peser une menace ou nous faire courir des risques quant à la sécurité. Ces risques sont les mêmes aujourd'hui qu'il y un an ou deux. Ce n'est pas plus ou moins dangereux maintenant que ce ne l'était en mai ou juin 1994. Voilà un premier point.

On devrait prendre le temps de consulter parce qu'on ne devrait pas soutenir l'idée de faire un quick fix. On devrait poser un geste doté d'une certaine pérennité, susceptible d'assurer ou de favoriser à long terme la paix industrielle et l'harmonie entre les deux parties. Le fait de rétrocéder par réglementation ou d'y aller trop rapidement risque d'aboutir au résultat contraire.

.1045

Donc, pour répondre à votre question, nous pensons qu'il faudrait favoriser la consultation aujourd'hui, prendre le temps nécessaire pour faire le travail comme il le faut et le faire une fois pour toutes, c'est-à-dire vraiment rétrocéder aux provinces qui le souhaitent les pouvoirs en matière de relations de travail dans les centrales nucléaires et le faire le plus définitivement possible.

Nous savons qu'il faudrait un amendement constitutionnel pour le faire de façon définitive. Par la suite, le plus sûr, en ce qui a trait à la durée, serait de l'insérer dans la loi. C'est mon premier commentaire.

Votre première question concernait, je crois, la rétrocession. Vous aviez deux questions dont l'une portait sur la consultation. Quelle était la première?

[Traduction]

Mme Hayes: En effectuant le renvoi par voie de règlement plutôt que par la voie législative, ne risque-t-on pas non seulement un changement mais aussi un manque d'homogénéité dans l'application des règles entre les provinces?

[Français]

M. Champagne: Les provinces peuvent appliquer les lois de façons différentes. Elles peuvent faire des lois différentes portant sur les mêmes objets. Au Québec, on a la Loi sur les services essentiels. Je ne sais pas si une telle loi existe en Ontario et je ne sais pas comment les services essentiels sont assurés en Ontario ou au Nouveau-Brunswick. C'est chaque législation provinciale qui veille à la sécurité ou au maintien des services essentiels de ses citoyens.

Pour nous, dans la mesure où une loi fait l'objet d'un consensus social... Par exemple, au Québec, les services sont assurés par une loi et on ne voit pas pourquoi il faudrait en imposer une au Nouveau-Brunswick ou à l'Ontario parce qu'elle fait l'affaire des Québécois et fait l'objet d'un consensus au Québec.

En somme, si une loi assure aux centrales nucléaires le même degré de sécurité au Québec qu'en Ontario ou au Nouveau-Brunswick, il n'y a pas de raison de s'obliger à faire une loi pour tous les Canadiens, comme c'est le cas pour celle des services essentiels. Si les citoyens du Québec sont satisfaits de la Loi sur les services essentiels, on ne voit pas pourquoi on devrait tenter de l'exporter vers l'Alberta ou l'Ontario. Ces lois devraient rester le fait des provinces. Il est normal qu'il y ait une certaine disparité. Si les lois étaient les mêmes dans toutes les provinces, on n'aurait pas besoin de provinces au Canada.

[Traduction]

Mme Hayes: Je suppose que ce n'était pas tant que les provinces fonctionneraient différemment parce qu'elles le feraient en vertu de leurs propres lois; cela s'apparenterait, disons, à la situation en matière d'immigration où le Québec a le droit d'avoir ses propres règles tandis qu'il n'en va pas de même pour les autres provinces. Par exemple, pourrait-on faire en sorte que cette mesure s'applique à certaines provinces et non à une autre? Est-ce que cette mesure législative pourrait donner un tel résultat?

[Français]

M. Champagne: Selon le projet de loi C-3, si le ministre du Travail d'une province décide de ne pas appliquer chez lui ses propres lois dans les centrales nucléaires, par exemple si le ministre du Travail du Nouveau-Brunswick décide de laisser au fédéral sa compétence en matière de relations de travail dans les centrales nucléaires, c'est son choix, celui de la province. Ça demeure le choix de la province.

[Traduction]

Mme Hayes: Merci.

Le président: Nous passons maintenant aux députés du gouvernement, M. Proud.

M. Proud: Je n'ai que deux ou trois observations à faire.

J'ai écouté votre exposé, messieurs, et je crois qu'il était très bon. Les préoccupations que vous exprimez au sujet du règlement... Après l'adoption du projet de loi, il revient au gouvernement du Québec de décider s'il veut mettre en place ce processus.

Je crois que pour ce faire il faut négocier au préalable avec la province et le gouvernement fédéral. Si la mesure législative est adoptée, si la province décide de mettre le processus en place, il en revient alors à vous, aux syndicats et au gouvernement du Québec ou au gouvernement du Nouveau-Brunswick ou de l'Ontario de négocier la loi sur les relations de travail. L'idée c'est de rationaliser le processus et c'est tout ce que j'y vois.

En ce qui a trait aux centrales nucléaires qui doivent être régies par le gouvernement fédéral, c'est ce qu'a décidé la Cour suprême. À moins que la Cour ne rende une autre décision, nous n'avons pas le choix.

.1050

Le président: Madame Brown.

Mme Brown (Oakville - Milton): J'ai remarqué que, en ce qui concerne l'Ontario, nous entendions des employés professionnels de même que des représentants de la Power Workers' Union. Quant à Hydro-Québec, nous n'entendons que les employés professionnels. Est-ce que nous accueillerons aujourd'hui les représentants d'un organisme équivalent à la Power Workers' Union aujourd'hui?

Le président: Donnez-moi un instant pour vérifier auprès du greffier quels sont les organismes que nous entendrons.

Mme Brown: Si ce n'est pas le cas, je me demande si ces témoins savent si oui ou non ce groupe partage leur position.

[Français]

M. Champagne: Je pense que le Syndicat canadien de la Fonction publique va intervenir cet après-midi. Oui, le Syndicat canadien de la Fonction publique devrait intervenir cet après-midi. Ils parleront en leur nom.

[Traduction]

Le président: Nous avons deux minutes. Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, je voudrais juste qu'il soit clairement établi que, pour l'essentiel, l'appréciation globale des témoins d'aujourd'hui est très positive.

Cependant, vous avez des inquiétudes en ce qui a trait au processus. Plus tôt, le secrétaire parlementaire a dit qu'il fallait négocier le processus d'abord. D'une certaine manière, on comprend les propos de M. le secrétaire parlementaire, mais le secrétaire parlementaire doit aussi comprendre ceux des syndicats.

Si je les interprète bien, ils nous disent au fond qu'en démocratie, c'est devant un parlement que les choses se passent. Nous sommes dans une démocratie de représentation. Cela veut dire que quand je me lève en Chambre, je représente les gens d'Hochelaga - Maisonneuve. Parfois les gens apprécient, d'autres fois ils n'apprécient pas. Ils ont une façon de me signifier qu'ils sont ou ne sont pas d'accord avec moi: ils me rééliront ou ils ne me rééliront pas.

Votre crainte, c'est que dans une démocratie, on ne puisse se présenter à nouveau devant le parlement chaque fois que la situation justifiera la revue d'une réglementation. C'est vraiment cela?

[Traduction]

M. Proud: Mais il y a une chose que vous ne ferez pas au parlement. Vous ne négocierez pas chaque contrat de travail entre l'employeur et les employés. Vous allez légiférer, mais vous ne négocierez pas le contrat entre les syndicats, les employés, la province ou qui d'autre encore.

[Français]

M. Ménard: Je crois que M. Champagne reconnaît que l'étape des négociations obéit à des règles qui lui sont propres. Mais il demande aussi, et je vais lui laisser la parole là-dessus, pourquoi on ne pourrait pas rétrocéder une autorité en mentionnant explicitement que l'ensemble des lois concernées qui vont s'appliquer sur le territoire sont aussi rétrocédées. Il n'y a rien sur le plan du processus législatif qui nous interdit cela. Avez-vous de l'information? Au fond, si on vous demandait pourquoi ce que revendique M. Champagne n'est pas possible, que seriez-vous tenté de répondre?

[Traduction]

M. Proud: Après la décision rendue par la Cour suprême, les quatre gouvernements ont communiqué avec nous pour nous demander d'établir ce mécanisme qui leur permettrait de récupérer leur autorité en matière de relations de travail. C'est aussi simple que cela.

Le président: Nos témoins ont-ils quelque chose à dire là-dessus?

[Français]

M. Champagne: Oui, pourquoi faut-il procéder par règlement? Ne pourrait-on le faire au moyen d'une loi? C'est là la question. On ne demande pas de négocier avec quelque parlement que ce soit. On veut négocier avec les employeurs. On parle du cadre de négociation, mais pas de l'objet des négociations. Ce n'est pas la même chose. Nous ne voulons pas négocier avec le gouvernement provincial et encore moins avec le gouvernement fédéral. C'est avec notre employeur que nous voulons négocier. Toutefois, nous voulons connaître les règles du jeu de la négociation avant de l'entreprendre.

[Traduction]

Le président: Vous avez fait un excellent exposé et je vous remercie. Merci beaucoup. Je crois qu'il nous faut poursuivre.

[Français]

M. Champagne: Merci.

.1055

[Traduction]

Le président: Nous accueillons maintenant des représentants de l'International Brotherhood of Electrical Workers, section locale 2309. Je demande à M. John Cole, le directeur des affaires syndicales, de bien vouloir nous donner des précisions sur vous-mêmes de même que sur votre section et nous présenter votre collègue.

M. John Cole (directeur des affaires syndicales, Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2309): Je vous remercie monsieur le président de même que les membres du comité. Je m'appelle John Cole et j'occupe le poste de directeur des affaires syndicales du IBEW Local 2309 dont les locaux sont situés au Nouveau-Brunswick. Je suis désolé de n'avoir pu vous fournir davantage de renseignements. Comme nous n'avons appris que lundi à midi que le comité tenait des audiences, nos remarques écrites sont très brèves. Nous aimerions toutefois explorer les questions.

Nous représentons tous les employés des secteurs de l'exploitation, de l'entretien et des services de soutien de la centrale nucléaire de Point Lepreau - je pourrais ajouter le chef de file dans le monde. Nous représentons également 55 employés de N.B. Power provenant du secteur de l'administration technique. Nous exerçons nos activités depuis 1971 et représentons Point Lepreau depuis 1979.

Nous sommes ici pour présenter notre position qui diffère de celle que vous venez d'entendre. Je n'ai pas entendu les présentations précédentes.

Mon collègue est Ray Dixon, notre conseiller juridique à Fredericton. Il était avec nous lorsque notre unité de négociation a été accréditée en 1979, lorsque nous avons présenté une demande en vertu du Code canadien du travail, et il a suivi le déroulement des recours aux tribunaux du Syndicat professionnel des ingénieurs du Québec qui a interjeté appel jusqu'à la Cour suprême du Canada, laquelle a refusé de l'entendre.

Nous avons l'intention de vous lire les trois ou quatre pages que nous avons préparées hier soir pour vous donner l'occasion de les examiner d'un peu plus près. Nous sommes désolés de ne pas vous en avoir fourni une version française mais nous avons manqué de temps.

À notre avis, le projet de loi C-3 permettra au gouvernement fédéral d'abdiquer sa responsabilité en matière de relations du travail dans l'industrie nucléaire. L'énergie nucléaire est une entreprise fédérale en ce sens que toutes ses activités sont réglementées par le gouvernement fédéral à l'exception des relations de travail. Il ne fait aucun sens de séparer les relations de travail du reste des activités d'une centrale, comme le propose le projet de loi C-3. L'énergie nucléaire, et en particulier les relations de travail dans l'industrie nucléaire, ne sont pas des questions que le gouvernement doit prendre à légère.

De plus, l'énergie nucléaire est un produit interprovincial et international. Le Nouveau-Brunswick vend de l'énergie à d'autres provinces et aux États-Unis. En fait, il est possible qu'à l'avenir, grâce à la technologie dont on dispose maintenant, des sociétés de service public installées aux États-Unis pourront vendre de l'électricité ici.

Dans un domaine auquel s'intéressent à la fois les secteurs public et privé, où il existe un mouvement interprovincial et international et surtout où le produit est essentiel à l'intérêt national, le gouvernement fédéral doit assumer la pleine responsabilité de l'ensemble de la réglementation. En fait, au lieu que les gouvernements fédéral et provinciaux se renvoient les responsabilités selon le climat politique de l'heure, le gouvernement fédéral devrait regarder vers l'avenir. Nous estimons qu'il faut modifier le Code canadien du travail pour y inclure non seulement les sociétés d'État provinciales mais l'ensemble de l'industrie nationale de l'énergie électrique.

Enfin, nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi le gouvernement proposerait une telle modification tout en procédant simultanément à l'examen complet de la partie I du Code, communément appelée l'initiative Sims. Il est extrêmement rare qu'un projet de loi modifie une partie du Code canadien du travail sans la tenue au préalable de vastes consultations mixtes avec les syndicats et les membres de l'industrie.

Voilà ma présentation. Je cède maintenant la parole à notre conseiller juridique qui vous entretiendra de l'aspect juridique de la question.

M. Ray Dixon (conseiller juridique, Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2309): Merci, monsieur le président.

En ce qui concerne l'aspect juridique, j'aimerais tout d'abord faire le point sur la situation qui existe à l'heure actuelle au Nouveau-Brunswick.

Le 7 avril 1994, il y a deux ans, la section locale 2309 a déposé une demande d'accréditation en tant qu'agent de négociation en vertu du Code canadien du travail pour faire accréditer tous les employés qui travaillaient à la centrale nucléaire de Point Lepreau. C'est d'ailleurs la seule centrale au Nouveau-Brunswick.

.1100

Le 28 avril de la même année, l'employeur, la New Brunswick Power Corporation, a déposé une réponse dans laquelle elle soutenait que le Code canadien du travail ne s'applique pas dans son cas puisqu'elle est une société d'État provinciale. L'employeur a soutenu que le Code canadien du travail ne prévoyait aucune disposition pouvant lier la New Brunswick Power Corporation et que par conséquent la Commission canadienne des relations du travail n'avait pas compétence à cet égard.

À la mi-février de 1996, c'est-à-dire le mois dernier, la Commission canadienne des relations de travail a rejeté la demande d'accréditation présentée par la section locale 2309 de la FIOE au motif que la New Brunswick Power Corporation est protégée par l'immunité de la Couronne. Voilà la décision qui a été prise par la Commission canadienne des relations de travail et telle est donc la situation au Nouveau-Brunswick.

Notre position, c'est que la centrale nucléaire de Point Lepreau appartient à la New Brunswick Power Corporation et est exploitée par cette même entreprise qui est assujettie à la Loi fédérale sur le contrôle de l'énergie atomique et à son règlement d'application. À mon avis, cela est indiscutable.

Comme on l'a mentionné plus tôt, en novembre 1993, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Ontario Hydro, a jugé que les centrales nucléaires exploitées en vertu d'un permis délivré conformément à l'article 18 de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique relèvent de la compétence fédérale en matière de relations de travail. La section locale 2309 de la FIOE estime que cet arrêt de la Cour suprême du Canada établit solidement que l'exploitation de la centrale nucléaire de Point Lepreau devrait être régie par le Code canadien du travail.

L'article 17 de la Loi sur l'interprétation autorise le Parlement à lier sa Majesté du chef du Canada ainsi que du chef des provinces. Il s'agit de l'arrêt Alberta Government Telephones c. le Canada de 1989 connu sous le nom de l'arrêt AGT. La Couronne ne sera liée par la loi que si la loi renferme des dispositions expresses à cet effet.

Après la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire AGT, le Parlement a décidé de modifier le Code canadien du travail en 1993 lorsqu'une nouvelle Loi sur les télécommunications a été adoptée. La modification apportée à la partie III du Code canadien du travail faisait en sorte que cette partie s'applique à toute entreprise canadienne de télécommunication, selon la définition prévue à l'article 2 de la Loi sur les télécommunications, qui est mandataire de sa Majesté du chef de la province.

Cette modification a été ajoutée au Code canadien du travail en 1996 afin d'atténuer les répercussions de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt AGT et selon laquelle elle a jugé que les employés de sociétés d'État provinciales n'étaient pas assujettis au Code canadien du travail. En d'autres mots, les employés des sociétés d'État provinciales qui travaillent dans le domaine des télécommunications ont été expressément inclus dans le Code canadien du travail par cette simple modification à la loi en 1993.

La section locale 2309 de la FIOE estime que des arguments solides militent en faveur du maintien de la compétence fédérale en matière de relations de travail dans les centrales nucléaires partout au Canada. Au lieu des modifications complexes proposées par le projet de loi C-3, une simple modification semblable à celle apportée en 1993 permettrait de placer les relations de travail sous le régime du Code canadien du travail dans le cas des sociétés d'État provinciales dont les activités sont réglementées par la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique.

Le vide juridique créé par le fait que le Parlement n'ait pas assujetti les sociétés d'État provinciales au Code canadien du travail peut être comblé par une déclaration expresse prévoyant que la partie I du Code canadien du travail s'applique à toute société mandataire de sa Majesté du chef d'une province dont les activités sont réglementées conformément à la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique.

Voilà notre présentation, monsieur le président. Nous déclarons simplement qu'étant donné que la New Brunswick Power Corporation est une société d'État, cette question, au lieu d'être traitée de façon aussi compliquée par le projet de loi C-3, pourrait être traitée simplement, comme cela s'est fait dans le cas de l'industrie des télécommunications - c'est-à-dire par l'intervention du gouvernement fédéral qui exerce sa compétence. C'est la position adoptée par mon client au Nouveau-Brunswick.

.1105

Le président: Merci beaucoup.

Cette fois-ci nous procéderons selon l'ordre inverse et commencerons par les députés ministériels.

M. Proud: Où en est votre accréditation?

M. Dixon: Notre accréditation est provinciale.

M. Proud: Pour toute l'entreprise.

M. Dixon: Non, il ne s'agit pas d'une accréditation qui vise toute l'entreprise. Il y a deux accréditations et elles ne s'appliquent pas à l'ensemble des employés de la centrale. La demande présentée en vertu du Code canadien du travail, qui a été rejetée par la Commission canadienne des relations de travail, aurait permis à la FIOE de représenter tous les employés de la Centrale à Point Lepreau.

M. Cole: Bien entendu, aujourd'hui les activités ont repris leur cours normal. Notre conseil a décidé de reconnaître sa compétence et nos activités ont repris leur cours normal. Nous ne connaissons pas le même problème. Le président de notre conseil a opté pour une interprétation différente de celle peut-être de nos homologues du Québec...

M. Proud: Par conséquent vous recommandez que l'organisme de réglementation soit le gouvernement fédéral, comme c'est le cas dans l'industrie du téléphone.

M. Dixon: C'est exact. J'aimerais simplement ajouter...

M. Proud: Uniquement dans l'industrie nucléaire.

M. Cole: Nous proposons que cela s'applique à l'ensemble de l'industrie énergétique. Même aujourd'hui, lorsque notre entreprise présente des demandes de permis d'exportation d'énergie, nous devons passer par l'Office national de l'énergie. Je ne suis pas sûr de la loi qui régit cela mais elle doit demander un permis d'exportation et comparaître à des audiences pour obtenir l'autorisation d'acheter et de vendre de l'énergie à l'étranger. Je ne suis pas sûr si cette même réglementation existe au niveau interprovincial. Mais cela concerne l'industrie de l'électricité et c'est pourquoi nous soutenons qu'il s'agit d'une question nationale. Je crois comprendre qu'une partie du mandat de l'Office national de l'énergie consiste à s'assurer que notre approvisionnement énergétique au pays est sûr et suffisant avant de vendre notre électricité à l'étranger. C'est un autre règlement fédéral qui s'applique à l'ensemble de l'industrie énergétique.

M. Proud: Pendant des années, on n'a pas arrêté de parler de ce grand projet de réseau électrique que nous allions avoir. Il n'a jamais vu le jour à cause bien entendu de cette question de compétence provinciale, c'est-à-dire des coûts énormes que comportait à l'époque le transfert de l'énergie d'une province à l'autre. Ces coûts ont peut-être diminué dernièrement mais à une époque, ils étaient assez considérables.

Si vous voulez transférer de l'énergie du Québec à la Nouvelle-Écosse, devez-vous passer par le Nouveau-Brunswick?

M. Cole: C'est exact.

M. Proud: C'est le problème auquel fait face l'industrie des services publics.

M. Cole: Aujourd'hui nous achetons et vendons auprès d'Hydro-Québec, la province de l'Île-du-Prince-Édouard et la province de la Nouvelle-Écosse, jusqu'au New York Power Exchange - NEPEX, c'est ainsi qu'on l'appelle - c'est-à-dire toute la côte est américaine. Ontario Hydro est également raccordée à ce système et aussi bien entendu au Manitoba et partout au pays. Nous avons des problèmes à nous raccorder à Hydro-Québec à cause de la structure de son réseau de production et de transmission. Comme ses centrales se trouvent dans le Nord sur les grands fleuves et sa charge se trouve dans la région de Montréal, cela devient assez instable. Nous sommes raccordés à Hydro-Québec mais par une ligne de transport haute tension à courant continu. Pendant des années, nos ventes avec Hydro-Québec ont été très importantes, de l'ordre de 300 à 500 mégawatts l'heure.

Le président: Y a-t-il d'autres questions des députés ministériels?

Nous passerons au Parti réformiste. Madame Hayes.

Mme Hayes: J'aurais une petite question peut-être un peu plus personnelle. Vous dites que vous êtes la principale centrale nucléaire au monde.

M. Cole: C'est exact.

Mme Hayes: Voulez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Cela m'intrigue.

M. Cole: Depuis le début de nos opérations en 1981, c'est-à-dire nos dix années d'exploitation, nous sommes la principale centrale nucléaire au monde pour ce qui est de la vie moyenne. Nous venons d'atteindre notre plein rendement. Nos interruptions sont très courtes, notre personnel est très efficace et nous avons très peu d'arrêts imprévus. Dans l'industrie nucléaire, nous occupons la première place au monde pour ce qui est des unités de 500 mégawatts et plus.

Mme Hayes: Félicitations.

M. Cole: Nous en sommes très fiers.

Mme Hayes: Comme il se doit.

Un simple éclaircissement - et je répète peut-être une question qui a déjà été posée. Vous recommandez que le projet de loi ne soit pas adopté et que la compétence fédérale en matière de relations de travail ainsi que le Code canadien du travail continuent à avoir la préséance à Point Lepreau.

.1110

Ma question est la suivante: Êtes-vous en train de nous dire qu'il existe à l'heure actuelle un régime double et que ce régime double continuerait? Si votre recommandation est adoptée par les employés de la centrale, cela signifierait-il qu'ils seraient visés par deux codes du travail?

M. Cole: Pas pour l'instant à notre centrale nucléaire, selon nous. Lorsque nous avons présenté notre demande en vertu du Code canadien du travail, nous avons présenté cette demande pour tous les employés sur place, le groupe d'ingénieurs et tout le monde. Aujourd'hui, selon notre Loi provinciale relative aux relations de travail dans les services publics, nous représentons les préposés aux opérations, à l'entretien et aux écritures. Il y a aussi un groupe d'environ 80 employés qui pourraient être visés en vertu de la Loi relative aux relations de travail dans les services publics mais ils ne font pas partie de notre groupe; ils font partie d'un groupe à l'échelle de la province.

Par conséquent, si Point Lepreau relevait de la compétence fédérale, ils seraient séparés. L'industrie nucléaire serait visée par le Code canadien du travail et relèverait par conséquent de la compétence fédérale et le reste de l'industrie serait visé par la loi provinciale en vigueur depuis 1968.

Il y aurait donc une séparation. Aujourd'hui nous avons deux ordonnances d'accréditation mais c'est une situation plutôt attribuable à la Commission des relations de travail dans les services publics qu'à des dispositions des lois fédérales ou provinciales.

Mme Hayes: Je crois comprendre que ce changement est motivé en partie par la volonté d'éliminer ce régime double en vigueur dans un seul lieu de travail. Est-ce que cela ne...?

M. Cole: Non. Ce serait l'un ou l'autre.

M. Proud: Auriez-vous un régime double au sein de l'entreprise?

M. Cole: Oui. Au sein de l'entreprise il y aurait deux régimes mais à la centrale Lepreau, il n'y en aurait qu'un. Un à Lepreau et un pour le reste de la province.

Le président: Merci. Nous passerons maintenant à l'Opposition officielle. Vous avez la parole, monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, nos témoins du Nouveau-Brunswick nous invitent à rejeter le projet de loi. Vous n'êtes pas très heureux du projet de loi C-3. Vous pensez qu'il n'est pas nécessaire et que, finalement, il n'ajouterait rien aux pratiques courantes dans vos entreprises.

J'avais d'abord cru comprendre la même chose que ma collègue du Parti réformiste, mais par la suite vous vous êtes rétractés. Au début, vous nous aviez dit qu'un des avantages à ce que le gouvernement fédéral conserve sa compétence en matière de relations de travail, c'est que vous auriez une seule accréditation. Par la suite, vous avez dit que ce n'était pas le cas, qu'il y aurait de toute façon, indépendamment du gouvernement fédéral, deux accréditations qui seraient en vigueur dans votre entreprise. Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. Cole: Oui. C'est un peu mêlant mais aujourd'hui nous avons une accréditation pour la province en ce qui concerne notre secteur nucléaire et traditionnel. Notre conseil a saisi le contrôle plutôt que de faire comme au Québec, où on les laisse essentiellement dans un vide juridique. Notre conseil a décidé, compte tenu de l'arrêt rendu par la Cour suprême, qu'il pouvait prendre le contrôle jusqu'à preuve du contraire. Les choses se déroulent comme elles se sont toujours déroulées depuis 1971 et 1979 à Lepreau.

Nous n'approuvons pas le projet de loi proposé. Nous convenons que la compétence fédérale devrait s'appliquer à la centrale nucléaire, aux relations industrielles, tout comme elle s'applique aux questions de sécurité, d'exploitation, de délivrance de permis, et ainsi de suite. Il ne faut pas séparer ces morceaux du casse-tête.

Tout ce que cela signifierait pour nous, c'est que nous devrions obtenir une accréditation en vertu du Code canadien du travail pour ce site. Le reste de l'entreprise aurait une accréditation différente. Notre section locale fonctionnerait selon deux régimes différents mais cela n'a rien d'inhabituel.

[Français]

M. Ménard: Avant que ne soit rendu le jugement de la Cour suprême, c'étaient les lois provinciales qui définissaient l'encadrement des relations de travail. Au fond, quand le ministre Gagliano s'est exprimé en Chambre - et son discours est public - , il nous a dit que la rétrocession des champs de juridiction s'appuyait rationnellement sur les 50 années pendant lesquelles les provinces ont encadré le champ des relations de travail dans le secteur d'intervention que vous représentez. Il n'est pas facile de comprendre en quoi il serait avantageux pour vous que le fédéral conserve les relations de travail sur lesquelles, de toute façon, il ne croyait pas de toute façon avoir autorité.

.1115

Au début de votre intervention, je croyais que vous disiez que c'était parce que ce serait plus simple du point de vue des accréditations. De toute façon, ce n'est pas un argument qui pèse dans la balance puisque, même sans le projet de loi C-3, vous aurez un double régime d'accréditation.

Il est donc difficile de ne pas se rendre à l'argument majeur que le ministre a fait valoir en Chambre, soit que les provinces ont l'expertise, qu'elles ont balisé ce champ d'intervention et qu'il est souhaitable que celles qui en feront la demande puissent obtenir cette juridiction. Maintenant, avez-vous des raisons de penser que le gouvernement provincial en poste chez vous n'en ferait pas la demande?

[Traduction]

M. Dixon: Je pourrais peut-être aborder l'aspect juridique que vous venez de soulever. Je ne crois pas que l'on puisse dire que la province a régi les centrales nucléaires au Nouveau-Brunswick depuis 50 ans puisque cette industrie n'existe que depuis 10 ou 15 ans. Elle n'existe donc pas depuis aussi longtemps.

Toujours sur le plan historique, si vous regardez les télécommunications au Nouveau-Brunswick, New Brunswick Telephone, par exemple, vous constaterez que cette industrie était régie par les lois du Nouveau-Brunswick jusqu'en 1989, soit jusqu'à la décision de la Cour suprême du Canada et jusqu'à ce que le code soit modifié. Par conséquent, pendant des années, les télécommunications étaient régies par les provinces et ont été ensuite transférées à la compétence fédérale.

Donc, à mon avis, il n'y a pas de leçon à tirer du fait que la province a occupé par défaut le domaine nucléaire lorsque le gouvernement fédéral s'est abstenu d'intervenir au moment de la construction de la centrale de Point Lepreau. Nous considérons que la province a simplement comblé le vide juridique qui existait. Ce que nous demandons au gouvernement fédéral, c'est d'occuper ce domaine parce qu'il l'occupe dans tous les autres aspects qui se rattachent à l'énergie nucléaire. Comme M. Cole l'a dit, tous les autres aspects sont régis par le gouvernement fédéral. Pourquoi alors les relations de travail ne le seraient-elles pas dans le domaine nucléaire?

[Français]

M. Ménard: Alors, vous dites que les provinces ont occupé par défaut ce champ de juridiction, depuis 15 ans dans votre cas particulier. Vous trouvez que la démarche énoncée dans le projet de loi C-3 est incohérente parce que vous serez dans une situation où, de toute façon, sur le plan de la sécurité, de la manipulation des produits, etc., le fédéral sera présent. Votre raisonnement est que vous allez, de toute manière, avec le projet de loi C-3, vous retrouver sous un régime double ou de coexistence sur le plan des relations de travail. N'est-il pas préférable que se poursuive l'occupation du vide juridique par les provinces que vient consacrer le projet de loi C-3?

[Traduction]

M. Cole: Nous ne sommes pas dans la même situation que le Québec. Il n'existe pas de vide juridique en matière de relations de travail. Notre conseil s'en est occupé. Il s'agit ici de déterminer si nous devons relever de la compétence fédérale ou de la compétence provinciale. À notre avis, nous devrions relever de la compétence fédérale parce que dans cette industrie tous les autres aspects qui s'y rattachent sont régis et réglementés par le gouvernement fédéral. Alors pourquoi pas les relations de travail? C'est également ce qu'a déclaré la Cour suprême.

Puis, à cause de l'argument invoqué concernant l'immunité de la Couronne au Québec, cela a été rejeté - à savoir que l'immunité de la Couronne nous empêche de réglementer la situation. Par conséquent, apparemment Hydro-Québec considère qu'il y a un vide juridique. Mais au Nouveau-Brunswick notre conseil a refusé cet argument. Cette compétence existait auparavant, le gouvernement fédéral n'en veut pas, donc nous allons nous en occuper. Aujourd'hui nous fonctionnons comme nous l'avons toujours fait en vertu de nos lois existantes.

Nous considérons que l'industrie nucléaire devrait être entièrement réglementée par le gouvernement fédéral, si c'est la voie suivie par le gouvernement, et qu'elle l'a toujours été, et c'est le seul changement.

[Français]

M. Ménard: Sans le projet de loi C-3, selon ce que vous dites, les lois provinciales continueraient de s'appliquer au Nouveau-Brunswick dans les relations de travail. Vous souhaitez que tout soit uniformisé, et dans les relations de travail et pour le contrôle de l'énergie atomique, que tout relève du gouvernement fédéral et que les lois fédérales s'appliquent à 100 p. 100 dans l'entreprise.

.1120

[Traduction]

M. Cole: Oui c'est exact, nous sommes d'accord avec vous. Nous croyons que les relations de travail sont un autre aspect de l'exploitation de cette centrale. Si les choses ne marchent pas bien, la centrale ne marche pas bien. Le gouvernement réglemente tous les autres aspects de cette industrie, y compris les aspects environnementaux, la formation et ainsi de suite - tout, sauf les relations de travail alors que la Cour suprême a déclaré qu'elles devraient relever de la compétence fédérale. Vous voulez maintenant que ce pouvoir soit rétrocédé à la province. Nous ne sommes pas d'accord.

[Français]

M. Ménard: Et si les avocats nous disaient ce matin que certaines modalités juridiques permettent de maintenir tel quel le projet de loi C-3 tout en comportant une mention explicite disant que dans le cas particulier du Nouveau-Brunswick - on pourrait facilement se convaincre que vous êtes une société distincte - , l'intervention du fédéral sera entière en ce qui concerne les relations de travail et le contrôle de l'Énergie atomique Canada, et que dans votre entreprise, le fédéral aura seul juridiction pleine et entière, seriez-vous d'accord sur le projet de loi C-3? Ce que vous voulez, en somme, c'est la garantie que les lois fédérales s'appliqueront dans les relations de travail et pour le contrôle exercé par l'Énergie atomique Canada.

[Traduction]

M. Dixon: Oui, c'est ce que nous voulons même si nous laissons entendre que nous n'avons pas vraiment besoin du projet de loi C-3. Il faut que la Couronne occupe ce champ.

Le président: Nous n'allons avoir que deux ou trois minutes pour chaque partie une fois de plus.

Monsieur Proud.

M. Proud: Je veux simplement résumer mon commentaire sur toute cette question. Votre idée d'assujettir tout le secteur de l'énergie électrique à la réglementation fédérale m'intéresse. Mais laissez-moi vous dire que ce n'est pas demain la veille.

Ce projet de loi vise à simplifier un processus et je ne dis que nous nous soustrayons à quoique ce soit étant donné que l'énergie nucléaire, la puissance nucléaire est un secteur très critique de notre système d'approvisionnement en électricité. Elle n'a plus la faveur de certaines personnes, mais quant à moi elle est là encore pour longtemps.

Les compagnies exercent des pressions tous les jours à la charge au sujet de tous les règlements et de toutes les règles que le gouvernement fédéral dit devoir examiner à fond. Ce que nous essayons donc de faire ici, à toute fins utiles, c'est de simplifier un processus, de rétrocéder à la province la compétence en matière de relations de travail de même que de sécurité et de santé. Nous nous occupons du nucléaire. C'est notre responsabilité et nous n'avons pas l'intention de nous y soustraire. C'est l'idée de cette mesure législative.

M. Cole: Simplement pour donner suite, ça m'a surpris qu'il dise que ce n'est pas dans les prochains mois que le secteur de l'énergie électrique relèvera de la compétence fédérale. Je vous demande si vous pensez qu'à long terme cela se fera.

M. Proud: Non, je n'en avais même pas entendu parler avant que vous le mentionniez.

M. Cole: Selon les personnes qui se trouvent dans la pièce - on m'a dit de ne pas le dire mais tous les jours au Nouveau-Brunswick et dans les services d'utilités publiques au Canada on brandit le spectre de la déréglementation, ce par quoi est exactement passé le secteur des télécommunications. Si c'est dans cette direction que nous nous dirigeons, je vous suggérerais alors en tant que gouvernement...

M. Proud: Ce que je voulais dire par là, c'est que je vous garantis que sur les dix provinces, il ne s'en trouvera pas dix qui accepteront d'aller de l'avant dans le secteur de l'électricité.

M. Cole: Non, j'en suis conscient.

M. Proud: Si vous pouvez le faire, je m'avoue vaincu dès maintenant et je vous dis allons-y.

M. Cole: Non, je ne suis pas si doué.

Le président: Mme Hayes du Parti réformiste, avez-vous une question?

Mme Hayes: Je crois comprendre d'après la discussion en cours que depuis les 10 ou15 dernières années vous êtes régis au niveau provincial par des lois et des règlements régissant les relations de travail.

M. Cole: Depuis 1979.

Mme Hayes: Vous suggérez un processus légal pour remplacer le projet de loi C-3 et en faite la recommandation en tenant compte du fait que c'est plus simple ou...

Sous le régime provincial, avez-vous des problèmes en matière de relations de travail? Vous avez dit que vous êtes le chef le file mondial. Il semble que le fait de relever de lois provinciales vous a été très salutaire. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

M. Cole: Cela dépend de la façon dont vous voyez la chose. Les choses ont assez bien marché au jour le jour. Le Code canadien du travail donne plus de liberté. Je serai très honnête avec vous. Nous sommes beaucoup plus libres sous le régime du code canadien du travail que sous celui de la législation provinciale actuelle, la Loi relative aux relations de travail dans les services publics. Nous sommes sans cesse aux prises avec des problèmes de classification contre lesquels nous ne pouvons argumenter alors que c'est possible aux termes du Code canadien du travail qui donne beaucoup plus de latitude.

.1125

Nous avons réussi à nous tirer d'affaire avec la législation actuelle; certains jours nous y trouvons des inconvénients et d'autres pas. Nous préférons que l'industrie nucléaire soit entièrement régie par le gouvernement fédéral. Il s'agit d'une industrie complète et sérieuse qui devrait être assujettie à un seul cadre de réglementation, pas à... Dans ce cas, nous parlerions, si vous incluez EACL au Manitoba, de cinq sources et j'exclue le secteur de l'uranium en Saskatchewan qui est régie par les règles de la CCEA.

Ainsi à notre avis les relations de travail devraient faire partie intégrante de l'ensemble et être assujetties à un seul cadre réglementaire et non potentiellement dépendre de cinq ou six sources différentes, si vous incluez les relations de travail et en confier la responsabilité aux provinces.

Le président: Merci beaucoup M. Cole et M. Dixon.

Je vous rappelle que nous revenons tous ici à 15 h 30 pour entendre nos prochains témoins.

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, s'agissant de ma proposition que nous poursuivions avec Ontario Hydro et le fonctionnaire présent, dois-je comprendre que le gouvernement la retient?

[Traduction]

Le président: J'ai posé cette question, M. Ménard, et on me dit que nous ne pouvons demander aux représentants du ministère de comparaître parce qu'ils ne sont pas tous ici et qu'ils ne sont pas tous disponibles aujourd'hui. Ils disent qu'il faudrait qu'ils soient tous disponibles et ils ne le sont pas pour l'instant. J'y reviendrai plus tard vu que nous levons la séance maintenant.

[Français]

M. Ménard: Les choses ne se font pas comme ça. D'abord, il faut normalement une proposition du comité. Si le gouvernement ne veut pas donner à Ontario Hydro l'occasion de se faire entendre, je souhaiterais qu'on rejette la proposition et qu'il y ait un vote par appel nominal. J'ai fait une proposition formelle. On n'est pas dans une taverne au coin de la rue. Je fais une proposition comme parlementaire. Si le gouvernement veut la rejeter, on va la rejeter, mais on va procéder par un vote par appel nominal.

[Traduction]

Le président: Je ne suis qu'un apprenti ici. En faites-vous une motion officielle?

[Français]

M. Ménard: Ma proposition est la suivante: Que le comité poursuive ses travaux jusqu'à 12 h avec Ontario Hydro et le fonctionnaire présent de Travail Canada pour répondre aux interrogations des témoins sur certaines dispositions de la loi.

[Traduction]

Le président: M. Ménard, lorsque vous dites «le fonctionnaire» du ministère, j'essaie de collaborer avec vous à cet égard, mais en toute honnêteté je ne sais pas de qui il s'agit étant donné que plusieurs fonctionnaires ont participé à la rédaction de ce projet de loi.

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, je pense que mon but est essentiellement le même que le vôtre. On essaie de faire un travail sérieux pour comprendre ce que nous disent les témoins. Ontario Hydro emploie 5 000 des 9 000 travailleurs impliqués dans ce dossier. Ce n'est donc pas un témoin insignifiant ou marginal selon notre compréhension. Peut-être n'avons-nous pas le bon fonctionnaire avec nous.

Je croyais que le fonctionnaire qui est devant moi, dont j'oublie malheureusement le nom, connaissait très bien de la loi. Si ce n'est pas le cas, peut-être que la présidence accepterait que cet après-midi, en fin de période de travaux, nous demandions à Travail Canada de réunir les fonctionnaires pour que nous puissions répondre aux interrogations d'Ontario Hydro. Ça ne fera pas en sorte que l'Opposition officielle ne donnera pas son consentement au projet de loi, mais c'est être civilisé que de répondre aux interrogations des témoins en comité parlementaire. À quoi sert-il d'étudier un projet de loi si on ne répond pas aux interrogations des témoins?

[Traduction]

M. Proud: Monsieur le président, je crois que nous nous étions entendus plus tôt aujourd'hui pour que ces personnes rencontrent dans une autre salle les personnes qui étaient ici.

Mme Brown: Pourquoi devons-nous partir?

Le président: Plus tard aujourd'hui nous accueillerons ici certains fonctionnaires, mais j'ignore quels fonctionnaires ont participé à la rédaction de ce projet de loi. Je crois que nous pouvons lever la séance maintenant, nous consulter et demander aux fonctionnaires qui sont ici s'ils veulent rencontrer ou non les représentants de la section syndicale. Ce n'est certes pas ma position.

Pour l'instant, nous allons lever la séance.

Nous avons une motion, si je ne m'abuse. Bien, nous avons une motion.

.1130

[Français]

M. Ménard: Vous êtes un président attachant et on ne va pas se chicaner avec vous. Je ne veux pas être procédurier, mais il faut que vous exprimiez bien ce que vous pensez. Ce que vous m'exprimez, c'est que le gouvernement est d'accord pour mandater des fonctionnaires pour rencontrer des représentants d'Ontario Hydro en fin d'après-midi avec moi et le Parti réformiste s'il veut se joindre à nous. Est-ce là votre proposition, monsieur le président? Si c'est la vôtre, je la fais mienne. L'idée est de répondre aux interrogations des témoins.

[Traduction]

Le président: Je ne fais pas de proposition. Je peux présenter une demande et ce qui se passe par la suite... Mme Hayes.

Mme Hayes: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je sais que dans certains comités auxquels j'ai participé il faut, si l'on veut déposer une motion, donner un avis de vingt-quatre heures. En va-t-il de même ici?

Le président: On me dit que non, madame Hayes.

Mme Hayes: Merci.

Le président: Ainsi, monsieur Ménard, que nous procédions ou non avec votre motion, je présenterai cette demande pour que vous ou quiconque puissiez tenir une réunion. Je ne puis garantir le résultat.

[Français]

M. Ménard: [Inaudible]

[Traduction]

Le président: On me dit que certains fonctionnaires sont ici maintenant et nous leur parlerons.

[Français]

M. Ménard: J'ai confiance en votre leadership, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci.

La séance est levée.

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