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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 27 janvier 1997

.1321

[Traduction]

Le président: Je reprends la séance du Sous-comité d'étude de la réglementation de la Loi sur les armes à feu.

Le premier témoin que nous allons entendre cet après-midi est M. Allan Adam, chef adjoint de la Federation of Saskatchewan Indians. M. Adam nous parlera de Saskatoon. Nous allons passer une heure avec lui. Après son exposé, nous pourrons lui poser des questions.

Monsieur Adam.

Le chef adjoint Allan Adam (Federation of Saskatchewan Indian Nations): Bonjour.

Il y a un effet de réaction acoustique ici. Je vais demander à quelqu'un de régler cela immédiatement.

[Difficulté technique]

Le président: Est-ce que vous nous entendez maintenant, monsieur Adam?

Le chef adjoint Adam: Oui. Est-ce que vous m'entendez bien?

Le président: Oui.

Le chef adjoint Adam: Je crois que le problème tient au fait que je vous regarde et que j'essaie de vous écouter en même temps. J'ai l'habitude de suivre le mouvement des lèvres et d'entendre simultanément ce qui se dit. Il y a un petit décalage, et c'est ce qui crée la difficulté.

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Bonjour, messieurs les membres du comité. Je m'appelle Allan Adam. Je suis en ce moment même à Saskatoon et je suis prêt à faire mon exposé. Je sais que vous m'avez accordé une heure pour cela. Je ne dispose cependant que de 25 minutes, car je dois reprendre immédiatement la route après cela.

Je serai donc bref afin de laisser suffisamment de temps pour quelques questions. Notre position est d'ailleurs pratiquement inchangée depuis que j'ai comparu devant le comité, il y a un an.

Le président: Avant de commencer, monsieur Adam, voudriez-vous présenter votre collègue?

Le chef adjoint Adam: Terry Keewatin m'accompagne. Terry est un des techniciens qui travaillent avec moi pour ce genre de questions.

Si vous me le permettez - cela donne un caractère plus formel à ce que je tiens à dire - je voudrais dire quelques mots dans ma langue. C'est ainsi que je commence habituellement.

Ma langue est le déné; c'est une langue chippewyan du nord de la Saskatchewan, dans le nord-ouest du Canada.

[Le témoin s'exprime dans sa langue natale]

Je résume ce que j'ai dit dans ma propre langue. L'information que je vous présente est claire, concise et franche, et je demande habituellement au Créateur de me guider pour m'aider à le faire. C'est par respect pour ma propre langue que je l'utilise habituellement au début de mes interventions.

Conformément à une décision prise le 8 février 1995, la FSIN, c'est-à-dire la Federation of Saskatchewan Indian Nations, demeure opposée à la législation concernant les armes à feu. Nous n'avons pas changé d'avis. Nous demeurons convaincus qu'un document législatif de cette nature enfreint les dispositions de notre traité et les droits des Autochtones. Nous allons continuer à combattre le projet de loi tant que nous ne jugerons pas que les Premières nations vivant sur nos terres ancestrales seront mieux en mesure de l'accepter.

Il reste donc beaucoup de travail à faire - beaucoup de travail avant que la consultation ne puisse se poursuivre. Comme nous l'avons déjà indiqué aux représentants du ministère de la Justice à une récente réunion tenue à Saskatoon en septembre, je crois, lorsque Heather Cole et quelques-uns des autres membres du comité sont venus nous rendre visite, nous avons essentiellement confirmé nos objections ainsi que notre opposition à la législation. Il n'y a donc pratiquement rien de changé sur ce point.

Comme cela influe sur les obligations découlant des traités, nous estimons que le gouvernement fédéral doit intervenir pour protéger le mode de vie traditionnel des membres de nos Premières nations, mais il semble que l'on tire ici à hue et à dia. Il faut que nous puissions être certains nous-mêmes, et que le gouvernement fédéral nous le confirme par un traité et des ententes de ce genre, que nos modes de vie traditionnels ne seront pas modifiés ou compromis en quoi que ce soit.

L'expérience nous a appris que le système judiciaire n'est qu'un instrument du gouvernement, mais nous espérons que cet instrument reconnaîtra l'importance du mode de vie des Premières nations et des obligations découlant du traité que nous avons signé avec la Couronne.

Je le répète, nous savons très bien que l'adoption de ce projet de loi aura un effet profond sur le mode de vie des nôtres. Pour l'instant, nous craignons que cet effet ne soit plus négatif que positif.

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Comme je viens de le dire, la FSIN est opposée au projet de loi, ce qui ne veut pas dire que nous ne sommes pas opposés à ce que l'on lutte pour réduire le nombre des crimes commis avec des armes à feu au Canada. Nous le savons très bien et nous reconnaissons qu'il faut faire quelque chose.

D'après ce que nous savons des problèmes de sécurité, même si l'on peut dire qu'il y a une augmentation du nombre des infractions commises avec des armes à feu dans les collectivités des Premières nations au Canada, l'utilisation d'armes plus dangereuses, pour des vols à main armée et des crimes, demeure surtout un problème urbain. Cela pourrait être fondé sur les taux de criminalité dans les centres urbains. C'est sur ces données que nous nous appuyons. Nous reconnaissons que les membres des Premières nations commettent aussi des crimes dans lesquels ils utilisent des armes à feu, mais d'après ce que je crois comprendre, si le projet de loi peut avoir un effet de dissuasion il empêchera aussi nos Premières nations de poursuivre leurs activités traditionnelles, de vivre sur le pays et d'utiliser des armes à feu pour assurer leur subsistance.

Ces remarques, monsieur MacLellan, résument notre position. Nous affirmons à nouveau notre opposition à la loi. J'ai ici une fiche qui décrit les mesures d'adaptation prévues pour les chasseurs autochtones. Elle m'a été communiquée par le ministère fédéral de la Justice.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Adam.

J'invite maintenant les membres de notre sous-comité à poser des questions. Monsieur de Savoye, vous avez la parole.

[Français]

M. de Savoye (Portneuf): Monsieur Adam, j'ai écouté vos propos avec attention et je suis très sensible à vos préoccupations.

[Traduction]

Monsieur Adam, nous avons manifestement la même seconde langue. Vous parlez déné et je parle français, mais nous parlons tous deux anglais. Puisqu'il ne semble pas y avoir de service d'interprétation, poursuivons la conversation en anglais, si vous le voulez bien. Si je semble regarder quelque chose à mes pieds, c'est parce que l'écran de télévision sur lequel vous apparaissez se trouve là.

Monsieur Adam, vous dites que la loi portera préjudice à votre mode de vie traditionnel. Vous savez cependant que cette loi a déjà été votée et que ce qui intéresse notre sous-comité c'est la manière dont on pourrait modifier le règlement, sans en compromettre l'esprit, afin de mieux l'adapter à certaines situations et à certaines personnes. Avez-vous donc des remarques précises à nous faire au sujet des mesures qui pourraient au moins rendre cette loi plus acceptable pour votre peuple?

Le chef adjoint Adam: Je sais que nous en sommes maintenant à l'adoption des règlements découlant de la loi. Je crois qu'il existe un certain nombre de points communs. L'existence du contrôleur des armes à feu en est un bon exemple. Nous savons que dans certaines de nos collectivités... moi-même, qui me suis rendu dans le nord de la province pas plus tard que la semaine dernière... l'anglais n'est pas une première langue commune pour nous. Les Premières nations continuent à utiliser leur langue. Je suis fier de pouvoir dire que notre langue est encore vivace dans nos collectivités.

C'est dans ce domaine que la loi présente des faiblesses. Je sais qu'on élabore des mesures destinées à faciliter les processus d'application, mais ce que nous proposons depuis le premier jour c'est de donner des pouvoirs aux chefs et de créer des postes de préposés aux armes des Premières nations. Ces derniers pourraient établir notre propre système de permis, comme le propose d'ailleurs déjà la loi fédérale, ce qui nous permettrait d'exercer un plus grand contrôle dans ce domaine.

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J'ai espoir que nous serons bientôt capables d'organiser nos propres tests et de donner nos propres cours de formation en techniques de sécurité, si c'est nécessaire. Nous en avons besoin. Nous considérons qu'il est absolument indispensable de continuer à promouvoir notre mode de vie traditionnel, mais nous savons aussi qu'il faut que nous prenions une part plus directe à la formation des nôtres, ce qui est l'autre élément du processus.

Prenons l'exemple de quelqu'un qui veut continuer à vivre de manière traditionnelle et doit chasser pour assurer la subsistance de sa famille. Si cette personne commet une infraction en utilisant une arme à feu, nous voudrions qu'un comité d'anciens puisse décider, à la suite de discussions et autour d'une table ronde, si elle peut continuer à utiliser une arme à feu. Si elle est capable de le faire dans certaines conditions, et si elle n'observe pas ces conditions, nous nous chargerons de lui faire respecter ses obligations ou nous lui imposerons des sanctions, le cas échéant.

M. de Savoye: J'ai un profond respect pour la manière traditionnelle de rendre la justice dans vos collectivités. Auriez- vous cependant les ressources nécessaires pour assurer la mise en oeuvre de la loi et des règlements, ou auriez-vous besoin d'une aide pour mettre en place de telles ressources?

Le chef adjoint Adam: En ce moment, le gouvernement fédéral dispose des moyens nécessaires pour administrer les règlements et la loi. Nous voudrions pouvoir bénéficier de certaines de ces ressources de manière à ce que les Premières nations prennent des initiatives conjointes avec le gouvernement fédéral, comme cela se fait dans d'autres domaines. Il faudrait que nous puissions examiner la question sous tous ses angles.

Une fois que nous saurons où nous allons, lorsque nous saurons ce que nous voulons faire de ces projets, nous étudierons de plus près les ressources dont nous aurons besoin.

M. de Savoye: Pour ma gouverne et pour celle de notre sous- comité, combien de personnes y a-t-il dans votre collectivité?

Le chef adjoint Adam: Rien qu'en Saskatchewan, il y a plus de 90 000 membres des Premières nations. D'après les prévisions démographiques, notre population devrait tripler et, d'ici 50 ans, représenter près de la moitié de la population de la province. Ce qui va se décider ici aujourd'hui est donc très important pour l'avenir des Premières nations qui formeront un jour la majorité en Saskatchewan.

M. de Savoye: À votre avis, combien d'armes à feu sont en possession de ces plus de 90 000 personnes?

Le chef adjoint Adam: C'est difficile à dire pour le moment. Les armes à feu sont utilisées pour diverses activités de subsistance. Vous avez besoin de fusils de chasse pour tirer des oiseaux, de carabines .22 long rifle pour le petit gibier, et de carabines de grande puissance pour le gros gibier.

En moyenne, simplement d'après ce que je connais du nord de la province - c'est de là que je viens - il y a environ trois armes à feu par ménage. C'est un chiffre minimum. Certains ménages en ont plus.

M. de Savoye: Et ils utilisent vraiment toutes ces armes à feu pour assurer leur subsistance?

Le chef adjoint Adam: Oui. C'est la raison pour laquelle ils ont ces armes.

M. de Savoye: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur de Savoye.

Monsieur de Savoye, au nom du comité, je vous prie d'excuser l'absence d'interprètes, cet après-midi. Nous essaierons de remédier à cette situation dès que possible.

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M. de Savoye: Eh bien, monsieur le président, cela montre que je ne suis pas plus privilégié que mon ami de chez les Dénés. Ni lui ni moi n'avions d'interprètes, mais nous n'avons pas eu trop de difficulté à nous comprendre.

Le président: Je vous remercie de votre compréhension.

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président.

Monsieur Adam, je vous remercie de votre exposé. Pendant l'étude du projet de loi C-68 lui-même, nous avons entendu de nombreux représentants des Autochtones, notamment le chef Ovide Mercredi. Nous avons également entendu des représentants des Cris du Québec et des témoins venus du Yukon. Bien entendu, ils étaient tous opposés au projet de loi.

Permettez-moi de vous poser la question suivante: les collectivités et les chefs autochtones qui sont opposés au projet de loi envisagent-ils de contester la loi en invoquant les droits issus des traités?

Le chef adjoint Adam: Oui. Nous attendons la première occasion de le faire. Un certain nombre d'actions en justice pourraient être intentées. Je crois que nous étudions encore un cas du Yukon et un autre de l'Alberta.

M. Ramsay: En tant que chef autochtone, la sécurité publique vous intéresse et vous préoccupe autant que n'importe lequel d'entre nous, peut-être même plus, puisque vous êtes souvent plus proches des membres de votre collectivité que ne le sont les fonctionnaires du ministère de la Justice. Selon vous, le projet de loi C-68 comporte-t-il des dispositions qui accroîtraient la sécurité publique dans les collectivités autochtones?

Le chef adjoint Adam: Je crois que nous avons encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine. La composante sécurité du projet de loi C-68 serait la composante formation et non le questionnaire que remplissent les gens pour obtenir un permis d'armes, etc. Mais c'est l'amélioration des dispositions de la loi relatives à la formation qui nous serait vraiment utile à mon avis.

M. Ramsay: Vous savez, bien entendu, qu'en vertu de l'article 5 de la loi il faut une vérification des antécédents criminels, un contrôle de l'état mental, et un contrôle auprès des voisins pour décider si une personne est admissible à un permis d'armes à feu. Considérez-vous que ce serait trop demander à certains membres de la collectivité que vous représentez? Cela va-t-il poser un problème pour l'obtention d'un permis d'armes à feu? Cela crée-t-il des difficultés, monsieur Adam?

Le chef adjoint Adam: Cela soulève beaucoup de problèmes, notamment celui que pose l'utilisation des tribunaux du Canada comme instrument du gouvernement, ce dont j'ai déjà parlé.

Actuellement, de 60 à 75 p. 100 des détenus dans les établissements correctionnels fédéraux ou provinciaux sont des membres des Premières nations. En vertu de cet article, aucun d'entre eux ne serait admissible, à moins de dispositions spéciales. Cela nous inquiète beaucoup car un nombre considérable de membres des Premières nations, dont certains ont besoin d'armes à feu pour assurer leur subsistance, pour chasser, pour piéger, etc., se trouveraient donc exclus.

M. Ramsay: Le principal objectif du projet de loi est, bien entendu, d'accroître la sécurité de la société. Ce matin, à propos de la réglementation, nous avons entendu des témoins - comme nous en avions déjà entendu au moment de l'examen du projet de loi lui- même - qui seront touchés par le projet de loi et par cette réglementation. Bien sûr, le fait qu'ils utilisent des armes à feu ne s'est pas avéré être une menace pour la société. Pensez-vous que votre collectivité se trouve dans la même catégorie? Ce dont je parle, c'est l'industrie de la chasse, qui englobe toutes sortes de groupes: les clubs de tir aux armes de poing, les clubs de tir aux armes d'épaule, les équipes olympiques et les équipes de tir qui participent aux coupes mondiales. Leur palmarès est presque exemplaire en ce qui concerne l'utilisation sécuritaire des armes à feu.

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Nous avons entendu des représentants des groupes qui utilisent des camions blindés et de l'industrie des véhicules blindés qui transportent de l'argent d'une banque à l'autre et d'un endroit à l'autre. Sur le plan de la sécurité publique, ils sont aussi pratiquement irréprochables.

Autrement dit, le fait que ces groupes utilisent des armes à feu ne constitue pas une menace pour la sécurité de la société. Jusqu'à quel point pourrait-on en dire autant des collectivités autochtones?

Le chef adjoint Adam: Bien sûr, la sécurité est une question très importante pour quiconque lorsqu'il s'agit d'utiliser des armes potentiellement dangereuses et meurtrières telles que des armes à feu. La sécurité est quelque chose qui s'enseigne. C'est ce qu'il y a de plus important lorsqu'on utilise des armes à feu, car une seule erreur pourrait être fatale.

Nous ne voulons en tout cas pas être confondues avec les chasseurs sportifs, ce serait une insulte pour les membres des Premières nations. Ce que nous croyons, c'est que les animaux sont là pour notre subsistance et la mère nature aussi, et qu'il faut toujours accorder le respect qu'ils méritent aux animaux que l'on chasse. Certains des membres des Premières nations l'ont oublié et c'est une des choses que nous voudrions rétablir.

En ce qui concerne la possibilité pour nous d'obtenir l'autorisation d'utiliser des armes à feu, n'oublions pas que la moitié des membres des Premières nations, surtout des jeunes, mais aussi des hommes plus âgés, sont en prison ou ont actuellement affaire à la justice. Pratiquement la moitié de notre population sera éliminée parce qu'elle a un casier judiciaire. Comme je l'ai dit, cela va déjà créer un problème. Il faut donc trouver une solution et en discuter. Si nous n'en parlons pas ensemble, si vous n'écoutez pas ce que nous avons à dire et si vous continuez à nous imposer de force vos décisions... [Difficultés techniques].

Aux Jeux olympiques d'hiver, on utilise des armes à feu dans certaines épreuves, et il faut féliciter les organisateurs pour avoir montré qu'ils étaient capables de promouvoir la sécurité et tout ce qui rend ces sports plus sûrs pour ceux qui les pratiquent et qui les apprécient. Quant à nous, membres des Premières nations, nous avons commencé à chercher des réponses, des moyens de rendre plus sûres les activités qui nous permettent d'assurer notre subsistance, mais pour cela, il faut qu'on nous donne l'espace et les moyens nécessaires.

M. Ramsay: Merci, monsieur Adam.

J'ai une dernière question. Lorsque le ministre responsable de la Justice pour les Autochtones des Territoires du Nord-Ouest a comparu avec sa délégation devant le Comité permanent chargé de l'étude du projet de loi C-68, il a fait remarquer que l'application et l'observation des dispositions de ce projet de loi risquaient de placer certaines collectivités dans une situation plus dangereuse au lieu d'améliorer la sécurité. Il a donné l'exemple d'un ours polaire qui s'était aventuré dans une collectivité isolée et avait attaqué un homme. Alors qu'il emportait sa victime, le jeune fils de celle-ci, qui savait que son père gardait une arme à feu chargée derrière la porte, s'était précipité chez lui, s'était emparé de l'arme et avait abattu l'ours, sauvant ainsi la vie de son père. Apparemment, il s'agissait d'une histoire vraie.

Ne craignez-vous pas aussi que si vous êtes obligé d'entreposer votre arme à feu dans une pièce et les munitions dans une autre lorsque vous ne vous en servez pas... ne pensez-vous pas que ce règlement, parmi d'autres, est plus un danger qu'une protection pour la société? Qu'en pensez-vous, monsieur Adam?

Le chef adjoint Adam: Je pense que des deux côtés... Il est rare qu'une situation comme celle que vous venez de décrire se produise. Chez nous, ce serait un ours noir, mais il n'en reste pas moins que la plupart des collectivités ne sont pas exposées au genre de situation que vous venez de me décrire pour le nord de la province.

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La sécurité pose effectivement un problème. Ayant travaillé dans les médias et ayant parlé aux gens de l'utilisation sécuritaire des armes à feu, je me souviens de cas d'enfants qui ont été blessés ou tués ou se sont mutuellement blessés ou tués parce que leurs parents n'avaient pas entreposé leurs armes de manière sécuritaire.

Pas plus tard que la semaine dernière, un des anciens me racontait qu'il avait oublié une balle dans la chambre de son fusil. Quelqu'un avait manipulé l'arme mais n'avait heureusement pas appuyé sur la détente. Après m'avoir conté cet incident, l'ancien a reconnu devant moi qu'il s'était comporté de manière stupide; j'aurais pu tirer sur ma femme ou quelqu'un aurait pu tirer sur moi, m'a-t-il dit.

La sécurité est donc primordiale, la sécurité des autres personnes et, aussi, les mesures de protection. En cas de besoin, on peut parfois l'utiliser. Les cas qu'on vient de mentionner sont rares, mais on entend de plus en plus souvent parler de personnes qui en blessent involontairement d'autres parce que leurs armes n'ont pas été entreposées de manière sécuritaire.

Voilà comment je vois les choses. La sécurité doit passer avant tout le reste. Je veux être absolument certain que les gens ne seront pas blessés, intentionnellement ou non, et que nous trouverons des mesures ou que nous instituerons nos propres mesures en assurant l'éducation des nôtres afin d'éviter ce genre d'accident. S'il arrive trop fréquemment que des armes à feu soient utilisées pour commettre des actes de violence dans nos collectivités, il se peut que les membres des Premières nations instituent chez eux leurs propres mesures pour rendre obligatoire la mise sous clé des armes à feu.

Ce sont des questions qu'il faudrait étudier, mais de façon plus sérieuse. Je le répète, la sécurité prime sur tout le reste.

M. Ramsay: Merci.

Le président: Nous allons maintenant donner la parole à M. Maloney.

M. Maloney (Erie): Monsieur Adam, je voudrais avoir votre opinion sur l'application de certains règlements aux Autochtones. Je vous renvoie à l'article 3 du règlement proposé, qui définit ce qu'est un Autochtone. Selon cette définition, c'est un membre des peuples autochtones du Canada, appartenant à une collectivité autochtone, qui pratique les méthodes de chasse traditionnelles de cette collectivité.

Qu'en pensez-vous? Est-ce suffisant? Est-ce acceptable ou trop restrictif? Qu'en pensez-vous?

Le chef adjoint Adam: Je dirais simplement que c'est à nous de décider qui sont nos frères et nos soeurs.

M. Maloney: Vous n'êtes donc pas du tout d'accord avec ces critères?

Le chef adjoint Adam: Il est difficile pour nous d'accepter des règlements lorsque ce sont des étrangers qui viennent nous dire qui nous sommes. Le projet de loi C-31 est un bon exemple de cette situation. Voyez les problèmes qu'il suscite actuellement en créant des «Indiens à court terme». Un document législatif de ce genre est totalement inacceptable pour nous.

M. Maloney: Alors, comment définiriez-vous un Autochtone?

Le chef adjoint Adam: En ce qui me concerne, j'étudierais leur arbre généalogique, je verrais s'ils sont capables de parler nos langues, je consulterais les collectivités elles-mêmes afin de déterminer, à la suite de discussions avec leurs membres, la façon dont ils perçoivent les choses et les ressentent au fond d'eux- mêmes. Il n'est pas question qu'on vienne nous dire qui sont, ou devraient être, nos frères et nos soeurs.

M. Maloney: Cette façon de procéder ne manque-t-elle pas un peu de rigueur?

Le chef adjoint Adam: C'est la seule façon acceptable pour nous. Nous déciderons nous-mêmes qui sont nos frères et nos soeurs. Nous savons cela. Nous voyons la dissension dans les collectivités où nos frères et nos soeurs se trouvent séparés par un bout de papier ou un texte de loi du gouvernement qui prétend leur dire qui ils sont, alors que leur seul effet est de diviser les familles. Nous ne voulons plus voir ce genre de situation. En fait, je ne veux plus en entendre parler, je ne veux plus que des gens viennent me dire ce que je devrais être, ce que mes frères et mes soeurs devraient être, voire même s'ils continueront à être mes frères et mes soeurs.

.1355

M. Maloney: Selon la réglementation actuelle - je vous renvoie aux dispositions de l'article 6 relatives aux Autochtones - pour pouvoir être considéré comme un Autochtone, il faudrait une déclaration attestant que vous appartenez aux peuples autochtones du Canada, que vous êtes membre d'une collectivité autochtone, que vous pratiquez la chasse selon les méthodes traditionnelles, et il faut que tout cela soit confirmé par un chef de la collectivité autochtone à laquelle vous appartenez. Qu'en pensez-vous? Est-ce suffisant? Quelle forme devrait prendre la confirmation du chef: une autre attestation, une déclaration, ou autre chose?

Le chef adjoint Adam: La déclaration en elle-même est un moyen utile de savoir qui sont les chasseurs et quels types d'armes à feu ils détiennent. Comme je viens de le dire, ce devrait être à nous de décider qui sont nos membres.

M. Maloney: Mais vous êtes d'accord pour qu'on demande une confirmation au chef de la bande?

Le chef adjoint Adam: [Inaudible].

M. Maloney: Vous n'avez donc pas de réserves à ce sujet; la confirmation ou la déclaration du chef de la collectivité autochtone attestant que l'individu est membre de cette collectivité et qu'il pratique les méthodes de chasse autochtones, vous paraît acceptable.

Le chef adjoint Adam: Tant que la collectivité elle-même est d'accord. Je préférerais lui laisser le soin de décider elle-même qui devraient être ses membres.

M. Maloney: Une dernière question. Les articles 14 et 17 de la réglementation sont similaires. Ils énoncent les critères auxquels un individu doit satisfaire pour obtenir un permis de remplacement. Si vous ne les avez pas devant vous, permettez-moi de vous les lire:

Pensez-vous que ces critères soient suffisants? Trop sévères? Quel est votre avis? Cela crée-t-il des problèmes sur le plan de la sécurité?

Le chef adjoint Adam: Répétons-le, c'est la sécurité qui prime. La personne qui utilise des armes à feu pour assurer sa subsistance, entre autres choses, doit connaître un certain nombre de choses: les mesures de sécurité, la ligne de feu, la capacité d'identifier l'objet avant de tirer, etc. Tout cela s'enseigne actuellement dans nos collectivités.

Je n'ai vraiment rien d'autre à ajouter. Tout ce que nous demandons c'est qu'on nous permette d'assumer ces tâches et d'assurer la formation des nôtres.

[Français]

M. de Savoye: Je n'ai pas d'autres questions.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Je voulais poser une dernière question à M. Adam.

Il s'agit, monsieur Adam, du pourcentage d'Autochtones qui sont détenus à la suite d'une condamnation ou de ce que l'on pourrait considérer comme un crime de violence. À votre avis, quelle proportion de ces Autochtones condamnés pour voies de fait ou un autre crime de violence pourraient encore être considérés comme des propriétaires et des utilisateurs d'armes à feu responsables? Serait-il petit ou élevé? Si je vous pose ces questions, c'est à cause de l'article 5 de la nouvelle loi, qui m'inquiète beaucoup et auquel je suis opposé, et qui d'une façon générale interdirait à ces personnes d'avoir un permis d'armes à feu. D'après votre expérience et ce que vous savez, pensez-vous que certaines de ces personnes qui ont été condamnées dans le passé pour un crime de violence, seraient malgré tout des utilisateurs et des propriétaires d'armes à feu à qui on pourrait faire confiance?

Le chef adjoint Adam: Je ne peux répondre que par l'affirmative.

M. Ramsay: Cela répond à ma question. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Adam, monsieur Keewatin. Nous sommes heureux que vous ayez bien voulu accepter de nous parler, aujourd'hui. Nous savons que vous devez partir et nous vous remercions encore une fois de votre coopération. Votre témoignage a été très utile. Merci beaucoup.

.1400

Nous allons maintenant faire une pause d'un quart d'heure afin de nous préparer pour l'audition des témoins suivants.

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.1417

Le président: Nous sommes prêts à reprendre la séance et à entendre les témoins suivants. Je suis heureux d'accueillir, cet après-midi, Mme Leona Heillig, qui s'occupe des relations publiques et de la collecte de fonds au Montreal Assault Prevention Centre.

Bonjour madame Heillig. Je souhaite aussi la bienvenue à Betty Baylen, présidente de la Canadian Federation of University Women, de Saskatoon. Nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres cet après-midi.

Nous tenons également à souhaiter la bienvenue à Jill Hightower, de Vancouver - je me demande d'ailleurs si elle peut nous entendre.

Mme Jill Hightower (directeur exécutif, B.C. Institute on Family Violence): Je vous entends.

Le président: Merci d'être aussi des nôtres cet après-midi. Après l'exposé de Mme Heillig nous demanderons à Mme Jill Hightower de présenter le sien. Après cela, nous espérons que les deux témoins voudront bien répondre aux questions des membres du sous- comité.

Cela dit, je donne maintenant la parole à Mme Heillig.

Mme Leona Heillig (directrice, Public Relations and Fund-Raising, Montreal Assault Prevention Centre): Merci.

Le Montreal Assault Prevention Centre est un organisme de charité communautaire qui s'est donné pour mission de réduire la violence à l'égard des femmes, des enfants et des personnes handicapées. Depuis 1982, le centre offre des programmes d'éducation préventive à l'intention des groupes les plus exposés aux actes de violence - les femmes, les enfants, les adolescents, les personnes âgées et les personnes handicapées. Nous nous efforçons de promouvoir une approche communautaire à la prévention. Dans ce but, nous offrons des ateliers aux parents et au personnel scolaire et nous nous efforçons de sensibiliser le public aux questions liées à la prévention de la violence.

Comme d'autres groupes qui représentent les femmes et les parents, et comme beaucoup de Québécois, nous avons toujours été fermement partisans de contrôles plus rigoureux des armes à feu dans le contexte d'une stratégie globale de prévention des actes de violence. Nous sommes donc très contents que le projet de loi C-68 ait été adopté. Je tiens à préciser d'emblée que nous sommes favorables à la forme actuelle des règlements d'exécution de la Loi sur les armes à feu.

Nous avons participé au processus de consultation; nous estimons qu'on nous a écoutés et que la plupart des préoccupations que nous avons exprimées ont été incorporées à la réglementation proposée.

.1420

Je voudrais parler plus précisément du règlement concernant les avis aux conjoints. Nous estimons que ce règlement, qui figure aux pages 1 et 2, joue un rôle particulièrement important dans la prévention de la violence à l'égard des femmes. Une étude réalisée par Statistique Canada en 1989 nous apprend que près de la moitié des Canadiennes qui ont été tuées par leurs maris en 1989 ont été tuées avec une arme à feu, la plupart du temps une carabine ou un fusil de chasse. Ces statistiques ne concernent que les femmes tuées avec une arme à feu et ne tiennent donc pas compte des innombrables femmes et enfants qui ont été menacés avec des armes à feu, dans leur propre foyer, par des époux ou des membres de leur famille.

Une enquête effectuée en 1993 par Statistique Canada sur la violence à l'égard des femmes a révélé qu'une femme sur six vivant actuellement avec un homme a été agressée au moins une fois par cet homme. La moitié des femmes ayant vécu dans le passé avec un homme ont déclaré qu'elles avaient été agressées par leur ancien partenaire. Plus d'une femme sur dix qui ont été agressées par leur époux actuel ont déclaré qu'elles avaient craint au moins une fois pour leur vie. Hier soir, à la télévision, on a présenté une statistique de Santé Canada selon laquelle il était arrivé à une femme sur trois de craindre que leur époux mette leur vie en danger. Il s'agit bien d'une femme sur trois au Canada. Lorsqu'il y a une arme à feu dans le ménage, cette crainte ne peut qu'augmenter, c'est bien normal.

Nous savons aussi que même lorsqu'une femme rassemble suffisamment de courage pour renoncer à une relation fondée sur la violence, le danger qui pèse sur elle et ses enfants ne disparaît pas nécessairement. Au Canada, beaucoup de femmes sont tuées chaque année par leurs ex-maris. Comme la tragédie de Vernon, en Colombie- Britannique, nous l'a appris, il est fréquent que ce genre d'homme ait un passé de violence.

Nous nourrissons le fervent espoir que le règlement proposé concernant l'obtention d'un permis contribuera à rendre ces meurtres plus rares. Nous appuyons l'alinéa 3c) selon lequel le conjoint du demandeur ne devrait pas être un des répondants. Cela empêcherait une personne portée à la violence de contraindre son conjoint à signer le formulaire à son corps défendant.

L'article 4, qui concerne l'obligation pour le contrôleur des armes à feu d'avertir le conjoint actuel ou celui qui était encore le conjoint deux ans avant que l'intéressé présente une demande de permis d'arme à feu, est extrêmement important pour la sécurité des femmes qui ont connu ou connaissent une relation de violence. Le fait de savoir que leur époux ou ex-époux, qu'elles ont des raisons de craindre, sera maintenant armé leur permet de se préparer à une attaque éventuelle. Il leur est alors possible de déménager ou d'aller se réfugier dans un foyer. Elles peuvent aussi suivre un cours d'autodéfense ou aller loger chez une amie. Autrement dit, elles peuvent prendre des mesures.

Certaines femmes placées dans cette situation peuvent décider de faire savoir aux autorités qu'elles ne croient pas que leur époux devrait être autorisé à posséder une arme à feu, mais il ne faudrait pas laisser aux victimes de violence la responsabilité de faire le travail des contrôleurs des armes à feu et des autorités locales. Bon nombre de femmes ont une raison légitime de craindre pour leur vie si elles signalaient leur époux ou ex-époux aux autorités. C'est pour cette raison, entre autres, qu'elles décident parfois de ne pas révéler le traitement abusif auquel elles ont été soumises.

Comme vous le savez, le règlement relatif à l'avis au conjoint se réduit à l'obligation de donner un avis, et rien d'autre. L'épouse ne pourra pas faire opposition à la demande.

J'ai exprimé mon appui aux règlements actuels, mais je voudrais saisir cette occasion pour évoquer certaines craintes au sujet de la mise en oeuvre de ces règlements. Je crois en effet que c'est au stade de la mise en oeuvre que les femmes ressentiront les effets véritables de la loi.

Les règlements confèrent une autorité considérable au contrôleur des armes à feu et à ses adjoints. L'alinéa 4(3)a), par exemple, prévoit que si le demandeur n'est pas en mesure de fournir les noms ou les adresses de ses anciens conjoints, le contrôleur des armes à feu dispose d'une certaine marge de décision. Je tiens également à préciser que, parfois, si la personne ne sait pas où se trouve son ancienne épouse, c'est parce que celle-ci ne veut pas qu'il le sache. Le contrôleur des armes à feu peut alors décider qu'il n'est pas possible d'avertir la personne en question. Dans ce cas il a quelques mesures à prendre. Il doit exiger du demandeur qu'il fournisse l'information requise au paragraphe 55(1) de la loi, aux termes duquel il «peut exiger tout renseignement supplémentaire normalement utile pour leur permettre de déterminer si le demandeur répond aux critères d'admissibilité au permis.»

Le caractère vague du libellé de ce paragraphe est destiné à donner au contrôleur des armes à feu la liberté de poursuivre son enquête sur l'admissibilité du demandeur. Cependant, lorsque le contrôleur n'est pas au courant des détails des actes de violence, il ne sait pas toujours quel genre de renseignement demander.

De même, le contrôleur doit effectivement effectuer une enquête, en vertu du paragraphe 55(2):

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Nous sommes d'accord sur les grandes lignes d'une telle enquête. Elle a sans doute été faite à la suite de la consultation de groupes féminins qui ont fait remarquer qu'il n'existe souvent aucune trace officielle de cas de violence familiale. La plupart de ces cas ne sont jamais signalés, et parmi ceux qui le sont il est rare qu'ils conduisent à une arrestation ou à l'établissement d'un dossier. Il est donc absolument indispensable que toute enquête faite sur l'admissibilité du demandeur comprenne des entrevues avec les voisins et les autres personnes qui seraient en mesure de savoir qu'il y a eu violence familiale ou le soupçonnent simplement. Cela concorde d'ailleurs avec les recommandations qui ont été faites après le massacre de Vernon - recommandations qui vous seront certainement soumises si ce n'est déjà fait.

Nous espérons que le contrôleur des armes à feu ne refuse de délivrer un permis d'armes que lorsque le détenteur a fait l'objet d'une accusation pour violence conjugale. Nous savons en effet qu'en moyenne, il faut qu'une femme ait été battue 30 fois avant qu'elle appelle la police. C'est la raison pour laquelle la police n'est pas toujours la mieux placée pour fournir ce genre de renseignement.

Nous sommes d'accord sur la portée donnée à ce paragraphe mais nous tenons à répéter que beaucoup dépend de ce que le CAF sait et de son zèle. C'est pourquoi nous espérons qu'on fera un gros effort pour établir un programme de formation cohérent à l'échelle du pays à l'intention des contrôleurs des armes à feu et des autres personnes chargées d'appliquer les dispositions du projet de loi C-68.

Le problème de la violence familiale est extrêmement complexe. Il est difficile à comprendre pour ceux qui ne l'ont pas vécu. Tout programme de formation devrait faire appel à la participation des groupes féminins locaux et des organismes qui travaillent régulièrement avec les victimes de violence conjugale. Je précise que la question de la formation est un élément important des recommandations faites à la suite du drame de Vernon.

En conclusion, je tiens à exprimer à nouveau l'espoir que le comité adoptera la réglementation sans changements profonds, car nous croyons qu'elle contribuera beaucoup à la réduction et à la prévention de la violence à l'égard des femmes au Canada.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Heillig.

Nous voudrions maintenant entendre Mme Jill Hightower.

Mme Hightower: Je tiens tout d'abord à vous dire combien j'apprécie la possibilité de présenter quelques observations. Pardonnez aussi ma voix un peu enrouée, mais j'ai un très gros rhume.

Le B.C. Institute on Family Violence est une société sans but lucratif. Notre travail est axé sur la recherche, l'éducation et la formation à la lutte contre la violence familiale, qui comprend la violence au foyer, la violence à l'égard des enfants et la violence à l'égard des personnes âgées. Nous nous occupons de pratiquement tous les aspects de la violence interpersonnelle.

Je suis très en faveur de la réglementation. Dans la rédaction des règlements et l'application de la loi, il est absolument indispensable que la sécurité des individus dans les collectivités continue à primer sur tout le reste. Je crois que c'est maintenant le cas. La violence familiale est un problème que nous considérons tous comme très grave et il est réconfortant de voir que la réglementation reflète cette attitude. Il importe cependant qu'elle comporte une norme rigoureuse de contrôle, en particulier lorsqu'il s'agit d'armes à autorisation restreinte.

Les observations que je vais faire visent à appuyer cette réglementation que nous souhaitons voir adopter. Nous voudrions également proposer quelques moyens de renforcer éventuellement le processus de contrôle. Je ne parlerai que du permis de possession et d'acquisition d'armes à feu, et des permis pour les armes à autorisation restreinte.

Nous savons que les armes à feu sont souvent un élément du cycle d'intimidation et de violence auquel de nombreuses victimes sont soumises chez elles. Les distinctions dont nous tenons compte entre les citoyens respectueux des lois et l'élément criminel de la société n'ont guère de signification lorsqu'on a affaire au phénomène des femmes battues.

Une étude que nous avons faite en 1984 sur les homicides en milieu familial dans la région du Lower Mainland de la Colombie- Britannique a permis d'identifier 148 victimes et 122 agresseurs. Une arme à feu avait été utilisée contre un quart des victimes et 23 des agresseurs s'en étaient ensuite servi pour se suicider. Certains de ces agresseurs avaient pris des mesures très précises pour obtenir une arme à feu, mais beaucoup en possédaient déjà une et, dans certains cas, plusieurs. Il est indiscutable que certains des meurtres n'auraient pas eu lieu s'il avait été plus difficile pour le membre de la famille de se procurer une arme à feu. Nous sommes donc très heureux qu'on ait tenu compte de ces questions dans la rédaction des règlements.

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Depuis l'adoption du projet de loi C-68, il y a eu deux cas graves de violence familiale en Colombie-Britannique qui se sont soldés par des meurtres commis avec une arme à feu. Je parle du meurtre de la famille Gakhal, commis par Mark Chahal, et du suicide de celui-ci, ainsi que du suicide de Larry Scott avec un fusil de chasse après qu'il ait harcelé, menacé, et finalement blessé son ancienne amie.

Comme vous le savez certainement, le rapport du coroner sur la mort de la famille Gakhal et celle de Mark Chahal contenait des recommandations sur le processus d'obtention d'armes à feu ainsi que sur l'utilisation et l'acquisition d'armes à autorisation restreinte.

Le processus d'enquête au sein de la collectivité sur les particuliers qui font une demande de permis pour acquérir et posséder une arme à feu demande beaucoup de temps et est assez coûteux - ce que nous comprenons fort bien - mais c'est un élément absolument essentiel du processus. Le ministre de la Justice a déclaré qu'un des principaux objectifs de la nouvelle loi est d'empêcher l'escalade de la violence dans ce qu'il appelle des situations familiales déjà difficiles et violentes. Sans enquête sérieuse auprès des membres de la collectivité, il sera impossible d'atteindre cet objectif.

Le contrôle des casiers judiciaires, ainsi que le contrôle des autres dossiers de la police et des registres des tribunaux, sont des éléments importants de ce processus, mais ils ne sont pas suffisants. L'obligation prévue dans le projet de réglementation, de fournir l'adresse et le numéro de téléphone actuels de tout conjoint actuel ou ex-conjoint, de droit ou de fait, du demandeur avec qui celui-ci cohabite ou a cohabité au cours des deux années qui ont précédé sa demande, est un élément très important de la protection des victimes de violence familiale. Je crois que le témoin qui m'a précédée l'a très clairement montré.

Ce processus permet parfois de découvrir que, dans ses relations antérieures, le demandeur d'un permis d'armes s'était montré violent ou avait fait preuve d'instabilité mentale.

Dans le cas de Rajwar Gakhal, des plaintes pour violence familiale avaient déjà été déposées. Malheureusement, aucune suite n'avait été donnée. Nous savons cependant qu'il y a des femmes qui sont agressées à maintes reprises par leur compagnon avant qu'elles fassent appel à une aide extérieure. En fait, certaines d'entre elles quittent leur partenaire sans jamais avoir révélé qu'elles avaient fait l'objet de mauvais traitements. C'est une situation fort courante.

L'affaire de Vernon montre bien que le moment où deux personnes se séparent ou que leurs rapports prennent fin, est très dangereux. Je crois qu'il faut le souligner.

Un processus permettant d'avertir les anciens partenaires leur donnera la possibilité d'exprimer leurs craintes éventuelles au sujet de leur sécurité. La personne qui fait une demande de certificat d'acquisition d'arme à feu peut déclarer par écrit qu'elle ignore l'endroit où se trouve son ancien partenaire, mais comme cette information est fournie par le demandeur il est absolument indispensable d'effectuer des contrôles secondaires afin de vérifier la véracité de cette information et de minimiser le risque possible.

Aux termes du paragraphe 4(3) du règlement, «Le contrôleur des armes à feu ne peut délivrer le permis au demandeur sans aviser le conjoint de droit ou de fait, ancien ou actuel, visé à l'alinéa 3(1)d)». Je dois dire que cet article ne m'a pas paru très clair. Selon mon interprétation, les situations et les circonstances varient, et le fait de ne pas savoir dans quelles conditions la signature a été obtenue signifie qu'il faudrait s'efforcer d'avertir l'ancien partenaire.

En ce qui concerne les armes à autorisation restreinte, le processus de délivrance d'un permis a beaucoup varié d'une administration à l'autre au Canada. Étant donné les risques connus que présentent en général les armes à feu, en particulier les armes à autorisation restreinte, et le rôle joué par les armes obtenues légalement dans les cas de violence familiale, il est à espérer que la réglementation contribuera à assurer une continuité minimum du processus dans toutes les administrations et qu'elle comprendra d'autres directives dans ce domaine.

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À titre d'exemple, des directives concernant les contrôles communautaires similaires à ceux qui sont effectués pour les demandes d'acquisition d'armes à feu permettraient de corriger certaines informations de base, étant donné le risque supplémentaire que les armes de poing présentent parce qu'il est facile de les dissimuler et que collectionner des fusils et faire du tir sur cible constituent des activités discrétionnaires. Je crois que c'était une des fermes recommandations faites par le jury du coroner dans l'affaire de Vernon.

On ne peut pas prétendre que la loi et les règlements empêcheront nécessairement une autre tragédie, mais lorsqu'on étudie celle de Vernon et d'autres du même genre, on se rend compte que les exigences de la loi relatives au certificat d'acquisition d'armes à feu et le processus d'obtention d'un permis pour armes à autorisation restreinte peuvent vraiment contribuer à réduire les homicides en milieu familial. D'autre part, je crois qu'il est également important qu'en tant que membres de la collectivité, nous nous efforcions de mieux comprendre les risques supplémentaires que les armes à feu présentent pour les victimes de violence familiale. La loi et les règlements peuvent contribuer à réduire l'incidence et la gravité de la violence familiale, mais on ne peut pas compter uniquement sur la loi. En tant que membres de la collectivité, nous devrions communiquer à la police l'information dont nous pouvons disposer au sujet de problèmes possibles. Il ne faut pas non plus que nous acceptions l'idée que les actes de violence commis avec une arme à feu et les meurtres en milieu familial sont inévitables.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur de Savoye.

[Français]

M. de Savoye: Mesdames, j'ai apprécié que vous indiquiez votre satisfaction devant le fait que le projet de loi a été adopté et que la loi est maintenant en place. Finalement, les règlements proposés vous conviennent, mais dans la mesure où ils ne seront pas modifiés et aussi, madame Heillig, dans la mesure où les personnes qui appliqueront ces règlements et la loi auront reçu une formation adéquate et auront la bonne préoccupation. Cela m'amène à vous poser ma question.

Bien sûr, les règlements sont en place et ils doivent être bien appliqués. C'est le préposé aux armes à feu, le firearms officer, qui aura la responsabilité de voir à ce que le règlement soit bien suivi. Dans les cas de violence familiale, il est évident que ces choses-là ne font pas surface facilement. Donc, que suggérez-vous plus particulièrement comme formation ou comme approche pour le préposé aux armes à feu?

Mme Heillig: Je pense qu'il y a beaucoup de niveaux de formation qui seraient utiles. D'abord, il y a certainement des personnes qui sont très au courant de la problématique. Je suis sûre que, dans certaines régions, la personne responsable est au courant. J'espère que c'est le cas en Colombie-Britannique. Il s'agit d'impliquer les groupes qui travaillent depuis longtemps dans chaque région avec les femmes victimes de violence et avec les familles. Ces deux groupes sont vraiment les experts.

On a beaucoup de connaissances sur ce sujet. Depuis 20 ou 25 ans, on apprend, on en parle, et on a des statistiques là-dessus. Quelle que soit la formation qu'on élabore, elle doit impliquer ces personnes qui sont les experts.

Il faut que les personnes responsables comprennent qu'une femme qui a été victime de violence n'est pas nécessairement prête à porter plainte. Je sais que c'est frustrant pour beaucoup de policiers. J'ai beaucoup entendu parlé de cela. Les policiers se disent: «Comment va-t-on le savoir si la femme ne nous le dit pas?» C'est vrai, mais il faut comprendre les raisons pour lesquelles les femmes ne nous disent pas qu'elles sont victimes de violence.

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Il y a notamment la peur. Le mari dit: «Si tu le dis, je vais te tuer.» Comme je le disais, une femme sur trois croit à cette menace. Il y a aussi tout l'aspect de la honte, surtout dans les petites communautés au Canada, les communautés rurales où tout le monde se connaît, où tout le monde connaît le mari, qui est peut-être très respecté dans la communauté.

Ce n'est pas évident qu'une femme veuille vraiment porter plainte. Ce n'est pas évident qu'il y aura une maison d'hébergement où elle pourra être en sécurité, etc. Donc, il faut aborder toute la problématique en détail avec les personnes responsables. Ce ne sont pas des choses très évidentes.

Il faut faire des entrevues avec la communauté, avec les voisins. Il faut leur demander s'ils ont entendu quelque chose qui leur fait croire qu'il y a peut-être eu violence. Il arrive que les voisins soient au courant, mais ils ont peut-être aussi peur de porter plainte. C'est ce genre de chose qu'il faut examiner.

M. de Savoye: Vous nous dites que la loi et les règlements ne sont pas une garantie de sécurité pour les femmes. On doit envisager un effort collectif, un effort communautaire, et les personnes qui auront à voir à l'application de la loi et des règlements devront être en étroite liaison avec les autres intervenants de la collectivité de manière à ce que l'effort se fasse au bon endroit et de la bonne façon.

Mme Heillig: Tout à fait.

M. de Savoye: Vous êtes évidemment consciente que d'autres groupes interviennent auprès de ce sous-comité pour nous recommander des modifications à certains éléments de la réglementation. Je présume que vous allez suivre les travaux de notre sous-comité. Ainsi, si, sous un certain rapport, certaines modifications à un règlement nous paraissent appropriées, mais que, sous un autre rapport, il y a quelque chose d'inapproprié selon vous, vous pourrez nous le signaler.

Je vous soumets immédiatement quelque chose qui nous a été présenté plus tôt aujourd'hui. Il y des personnes qui convoient de l'argent. On pense à la société Brink's ou à SECUR au Québec, ou encore à Loomis. Il y a donc des agents qui escortent des valeurs et qui sont armés. On nous disait que ces gens pouvaient changer d'arme s'ils travaillaient à temps partiel. On nous demandait s'il serait possible que ces armes soient enregistrées au nom de la compagnie plutôt que de l'individu.

Comment réagissez-vous à ce type de modification? Cela a-t-il des implications de votre côté?

Mme Heillig: Je n'y ai pas beaucoup pensé. Si l'arme n'est pas chez la personne, cela ne pose pas de problèmes pour sa famille. Il faudrait penser à tous les aspects de la sécurité. Bien sûr, ce n'est pas commode d'être un peu restreint par la réglementation, mais il faut d'abord penser à la sécurité. Souvent les personnes qui sont le plus en danger sont les proches de la personne qui a l'arme à feu et même la personne elle-même.

M. de Savoye: Donc, dans la mesure où la personne n'apporte pas l'arme au foyer, le danger est moins évident; il n'existe peut-être même pas. Cela pourrait être une balise, pour nous, pour évaluer la dangerosité de l'article en cause.

Mme Heillig: Je pense à haute voix; ce pourrait être quelque chose comme cela.

M. de Savoye: Je vous remercie, madame Heillig.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus déposer devant nous aujourd'hui.

Je voudrais leur poser la question suivante. Seriez-vous d'accord pour qu'on confisque toutes les armes à feu détenues par les civils au Canada?

Mme Heillig: Non.

M. Ramsay: Alors, des trois à six millions de particuliers qui ont des armes à feu...

Le président: Excusez-moi, monsieur Ramsay. Peut-être Mme Hightower voudrait-elle faire une remarque à ce sujet.

Mme Hightower: Non, je ne ferais pas cela. Je crois que ce qu'il faut rechercher, c'est la sécurité de tous au sein de la collectivité et le maintien des droits de ceux qui veulent utiliser des armes à feu pour des raisons légitimes. Je ne suis certainement pas d'accord pour qu'on confisque toutes les armes.

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M. Ramsay: Merci.

Voici ma question suivante. Je parle bien sûr là des trois à six ou sept millions de Canadiens qui ont des armes à feu chez eux, des armes qu'ils détiennent et ont acquises légalement. Si un mari a l'intention d'agresser sa femme en se servant d'une arme à feu, comment le projet de loi C-68 ou la réglementation l'en empêcheront-ils?

Mme Heillig: Parlez-vous de personnes qui ont déjà des armes à feu chez elles?

M. Ramsay: Oui. Je parle des trois à six millions de Canadiens qui ont déjà des armes à feu.

Mme Heillig: Mes remarques ne visaient que les nouveaux candidats à l'obtention d'un permis, car c'est surtout dans ce domaine que la loi a été durcie. C'est là où l'approche communautaire est vraiment importante. Plus les personnes responsables de la sécurité de leur collectivité - c'est-à-dire en fait tous les membres de la collectivité - seront informées des dangers que présentent les armes à feu, plus grand sera l'effort d'information du public et meilleure sera la sécurité dont nous jouirons.

M. Ramsay: Bien.

Mme Hightower: Je suis sûre que vous savez qu'aujourd'hui même, un enfant de 3 ans s'est tué avec le fusil de chasse de son père, chez lui. L'arme n'avait pas été entreposée comme il le fallait. Je crois que la nouvelle réglementation et la sensibilisation du public aideront à éviter ce genre de tragédie.

Bien sûr, je ne suis pas entièrement satisfaite. J'ai examiné les règlements et j'ai quelques réserves en ce qui concerne les personnes qui détiennent déjà des armes à feu. Nous savons que les armes à feu sont utilisées pour intimider les gens. Malheureusement, il faut bien commencer quelque part et je crois que le nouveau processus d'obtention de permis d'armes à feu permettra d'améliorer la situation.

Nous espérons que l'éducation du public, entre autres, sera utile pour ceux qui détiennent déjà une arme à feu et qu'elle encouragera les femmes placées dans ce genre de situation à signaler leur existence et à agir. C'est vraiment un domaine très difficile.

M. Ramsay: Je ne pense pas que les exigences relatives à l'entreposage sécuritaire provoquent beaucoup d'opposition sauf peut-être dans des régions éloignées où elles seraient plus dangereuses que le contraire. Ces exigences n'ont d'ailleurs rien de nouveau puisqu'elles figuraient déjà dans le projet de loi C-17.

Voici cependant ce qui me préoccupe surtout: le problème est que nous sommes confrontés à l'irrationalité de l'individu qui utilise une arme quelconque pour agresser une autre personne, y compris son conjoint. Lorsqu'une telle personne devient irrationnelle, qu'elle soit poussée par la colère, la haine ou tout autre émotion, le fait que l'arme à feu soit enregistrée, même si elle est gardée sous clé, clé que le propriétaire d'une arme aurait pour... Je ne vois pas en quoi ce projet de loi pourrait réduire l'utilisation illégale d'armes à feu par les trois à six millions de Canadiens qui en possèdent une.

J'ajouterai que dans l'affaire de la Colombie-Britannique dont nous parlions, cette femme avait fait part de ses inquiétudes à la police; pourtant son agresseur avait obtenu une autorisation du même détachement de police. Cela ne l'avait pas du tout empêché d'obtenir une arme à feu.

Lorsque Neal Jessop, de l'Association canadienne des policiers, a comparu devant le comité, il lui a fait remarquer que le succès du projet de loi dépendra de la capacité du gouvernement de régler le problème de la contrebande des armes à feu. Je crois qu'il a raison.

Dans le cas de l'individu de la Colombie-Britannique dont nous parlions, s'il avait l'intention de faire du mal à ces personnes, il aurait pu très aisément se procurer une arme à feu au marché noir. Le MacKenzie Institute a présenté un rapport sur la contrebande des armes au Canada et a conclu que si le projet de loi C-68 était adopté il y aurait une explosion - c'est le terme qu'il a utilisé - de la contrebande des armes à feu au Canada.

La violence familiale est un problème qui nous préoccupe tous et nous serions tous d'accord pour qu'on prenne des mesures pour la réduire. Je ne trouve rien dans ce projet de loi qui nous en donne l'espoir et qui permette d'intervenir, en particulier en ce qui concerne ces trois à six millions de propriétaires d'armes à feu.

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Quel est votre avis là-dessus? Madame Hightower?

Mme Hightower: J'ai déjà dit, je crois, que comme vous j'estime qu'il y a là un problème, en particulier en ce qui concerne les propriétaires actuels d'armes à feu. Mais je demeure convaincue que le projet de loi et ce règlement permettront d'éviter certains cas de violence familiale. En ce qui concerne Mark Chahal, nous savons que le processus existant lui a permis d'obtenir très facilement une arme. S'il avait été obligé de faire plus d'efforts pour s'en procurer une, le drame n'aurait peut-être pas eu lieu. Il est impossible de le savoir. Je suis en tout cas convaincue que l'importance accordée au nouveau processus d'enregistrement sera très utile.

J'espère que, grâce aux programmes actuel et futur d'éducation du public au sujet de la loi et du règlement, il nous sera possible de sensibiliser la population au rôle joué par les armes à feu dans les cas de violence familiale. Bien évidemment, il n'est pas possible d'éviter tous les incidents. C'est vrai, mais le processus engagé devrait, à mon avis, aider à en réduire le nombre - je dis bien seulement «réduire».

Mme Heillig: Je voudrais faire quelques observations au sujet de votre déclaration et de votre question sur l'irrationalité des hommes violents. Je crois que le règlement existant en matière d'entreposage des armes fait qu'il est beaucoup plus difficile de prendre un fusil et de l'utiliser en plein milieu d'une querelle. Vous êtes en effet obligé d'y réfléchir à deux fois. Cela vous oblige à aller prendre votre clé, à déverrouiller l'armoire dans laquelle vous conservez l'arme, etc.

Vous avez fait exactement la même observation que moi. C'est au plan de l'application qu'il y a un problème. Nous avons maintenant une loi qui exige l'entreposage sécuritaire des armes. Comme vous l'avez fait observer fort justement pour l'affaire de Vernon, nous avons vu que les dispositions de la loi ne sont pas appliquées actuellement. Lorsque nous exprimons des préoccupations au sujet de la mise en oeuvre, nous pensons que toute loi qui rend plus difficile d'obtenir et d'utiliser les armes à feu contre quelqu'un est une bonne loi. Ce qui importe plus que tout, c'est qu'elle soit appliquée. Il faut absolument que nous soyons certains que notre police, dans tout le Canada, va vraiment faire respecter les règles de sécurité en ce qui concerne l'entreposage des armes, qu'il y ait des gens qui fassent des contrôles, de vrais contrôles, au lieu de se contenter de vous dire ce que vous devez faire.

Il y a aussi la question de la contrebande. Votre observation est intéressante. Dans notre société, nous adoptons des lois parce que nous croyons qu'il faut corriger certaines choses. Lorsque vous commettez un acte illégal, il est vrai qu'il peut y avoir des répercussions et que, tout à coup, les gens commencent à se livrer à des activités illégales beaucoup plus nombreuses - cela se passe toujours ainsi - , mais je ne pense pas que ce soit une raison suffisante pour ne pas adopter la loi.

M. Ramsay: Je crois que ce que je veux souligner, c'est l'importance de l'accessibilité des armes à feu lorsque quelqu'un veut en obtenir une à des fins illégales. Dans son rapport, le MacKenzie Institute montrait très clairement qu'à cause du problème de la contrebande et de la difficulté que présente la surveillance d'une frontière de 4 500 milles, il sera toujours facile d'obtenir des armes à feu. À mon avis, cet individu de Colombie-Britannique s'est donné beaucoup plus de mal pour obtenir une arme à feu en en faisant la demande au détachement de police que s'il s'était simplement rendu en ville pour en acheter une au marché noir. À l'avenir, il sera encore beaucoup plus facile d'obtenir une arme à feu au marché noir que ce n'est le cas actuellement.

D'autre part, l'article 104 du Code criminel autorise actuellement la police à obtenir un mandat de saisie d'armes à feu lorsqu'elle soupçonne quelqu'un de présenter un danger pour un membre quelconque de la société. Nous accumulons les lois, mais si on ne les applique pas, à quoi bon?

Avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas que la mise en oeuvre du projet de loi C-68 constitue une protection chez ces trois à six millions de propriétaires d'arme, au cas où quelqu'un deviendrait fou furieux ou cesserait d'agir de manière rationnelle. Si ces gens-là veulent mettre la main sur une arme, ils n'ont qu'à prendre leur clé. Dans la situation actuelle, ils sont obligés d'aller chercher l'arme, puis les munitions.

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Il nous faut donc trouver des moyens de nous attaquer aux racines mêmes de la violence familiale. Le projet de loi ne contient aucune disposition à ce sujet, ce que je trouve regrettable.

Je vous remercie.

Mme Heillig: Je n'en disconviens pas. Comme je le disais tout à l'heure, je travaille pour le Montreal Assault Prevention Centre, et notre raison d'être est à la fois d'étudier les causes de la violence dans notre société et d'essayer de la prévenir.

La Loi sur le contrôle des armes à feu est un élément de la prévention de la violence. Nous jugeons cette loi très importante car elle est porteuse d'un message. Son application sera aussi porteuse d'un message très fort. Je crois que c'est un point à considérer.

Oui, il faut effectivement que nous veillions à ce que les lois soient appliquées. Il faut que nous éduquions le public. Il faut que nous travaillions de concert pour réduire la violence, je suis absolument d'accord.

Le président: Je vous remercie vivement, madame Heillig.

Madame Hightower, voulez-vous ajouter quelques mots?

Mme Hightower: Oui.

Je suis d'accord sur ce que l'on vient de dire. Cela ne représente qu'un des éléments du puzzle qui nous permettra de réduire la violence familiale ou d'y mettre fin. Cette loi est une des nombreuses pièces de ce puzzle, mais c'est une pièce importante.

Le président: Monsieur Maloney.

M. Maloney: Monsieur le président, une réponse partielle aux questions de M. Ramsay est peut-être donnée par l'article 15 du règlement proposé, autorisant le contrôleur des armes à feu à révoquer éventuellement un permis s'il apprend que son détenteur a commis un acte de violence familiale. La question qui se pose donc peut-être est de déterminer ce que vous considérez comme la participation à un acte de violence familiale?

Mme Heillig: C'est une excellente question. L'été dernier, lorsque nous avons participé aux consultations du ministère de la Justice et que nous avons discuté de la question, j'ai proposé qu'on s'inspire entre autres de nos lois sur la protection de la jeunesse. La loi que nous avons au Québec exige que soient communiqués à l'organisme de protection de la jeunesse tous les soupçons concernant des cas de mauvais traitement. Dans la pratique, évidemment, il faut souvent que le cas soit assez sérieux avant que quelqu'un ne le signale, mais je crois que c'est un bon point de départ. Si l'on croit que quelqu'un est victime de violence...

Nous savons que dans presque tous les cas de violence il y a escalade. Les incidents sont d'abord mineurs, puis de plus en plus sérieux. Nous ne voulons pas attendre, avant d'intervenir, que les choses dégénèrent à tel point que quelqu'un fera usage d'une arme à feu.

En tant que membre de la collectivité, si je sais qu'un homme bat sa femme - parce que j'ai entendu des cris de l'autre côté du mur ou que j'ai vu l'oeil au beurre noir de la femme, pas seulement une fois, mais à plusieurs reprises - et si je sais qu'il y a une arme à feu dans cette maison, j'espère bien que je signalerais la chose au contrôleur des armes à feu et que ce contrôleur en tiendrait compte.

Chaque cas est différent. On ne peut pas simplement décréter qu'après deux incidents où la victime a eu l'oeil mis au beurre noir on confisque l'arme à feu, mais c'est alors que l'information entre en jeu. La violence familiale a un caractère prévisible. Elle s'accentue généralement avec le temps. La première agression ne se fera sans doute pas avec une arme à feu. Cela peut se produire au bout de plusieurs années. Nous avons amplement le temps d'intervenir avant que la situation ne dégénère à ce point.

M. Maloney: Madame Hightower, avez-vous des remarques à nous communiquer?

Mme Hightower: Je suis d'accord avec Mme Heillig. Je crois qu'à la fin de mon exposé, j'ai souligné que nous avions vraiment tous une responsabilité à assumer; si nous savons ou si nous soupçonnons quelque chose, il faut intervenir et signaler le cas à la police pour que les policiers aillent vérifier s'il y a des armes à feu dans la maison.

Mais la province ne peut pas vraiment compter sur un processus semblable à celui de la protection de l'enfance, à l'heure actuelle, nous ne pouvons pas agir ainsi. C'est très difficile pour les gens. Ils ne veulent pas s'en mêler. Ils sont très réticents. Il faut éduquer la population, et cela fait partie du travail que nous devrons accomplir pour mettre fin à la violence familiale.

M. Maloney: J'ai constaté avec intérêt que l'une des recommandations présentées ce matin par un représentant de l'industrie du transport par véhicules blindés - un représentant de la Brinks et de Loomis - était d'ajouter:

Que pensez-vous que cette suggestion, de cette recommandation?

Mme Heillig: En premier lieu, je me demande de quelle façon vous pourriez appliquer cette mesure. Cela peut être parfois très subjectif.

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Mais en effet, l'état de santé peut se détériorer, c'est certain. Comme je l'ai dit, il y a en général de nombreux signes qui montrent qu'une personne en est arrivée au point où elle pourrait effectivement blesser ou tuer quelqu'un.

Mme Hightower: Je crois qu'il serait extrêmement utile que cet employé de la Brinks et les gestionnaires en général surveillent aussi leurs propres employés pour voir si eux-mêmes peuvent constater les signes d'une détérioration ou de difficultés quelconques, parce qu'ils ont une lourde responsabilité à l'égard des gens qui exécutent le travail. Ces personnes vivent peut-être elles-mêmes des situations de violence familiale.

La violence familiale sévit dans toutes les couches de la société, dans toutes les professions. Évidemment, les personnes qui exercent un métier où le port d'une arme est nécessaire... Les employés de ces entreprises devraient examiner et peut-être utiliser certaines de leurs suggestions dans le cadre de leur propre travail.

M. Maloney: Il est aussi intéressant de constater que lorsqu'on demande un permis d'arbalète, il n'est pas nécessaire d'en informer le conjoint. Qu'est-ce que vous en pensez? Croyez- vous que nous devrions appliquer les mêmes exigences aux arbalètes?

Mme Heillig: Oui, je le crois. Je connaissais la femme qui a été assassinée par son mari à Ottawa, il y a quelques années, au moyen d'une arbalète. Je crois en effet que cela serait bon.

Mme Hightower: Je suis d'accord.

M. Maloney: Toujours dans ce domaine, nous devrions peut-être aviser d'autres personnes que le conjoint ou l'ancien conjoint, ou est-ce que vous pensez que cela suffirait?

Mme Heillig: Je suis très heureuse que vous posiez cette question. C'est aussi un aspect dont nous avons discuté lors des consultations l'été dernier.

Nous croyons que les membres de la maisonnée - les enfants, les colocataires, quiconque habite avec la personne - va courir un danger si cette personne devient violente et a une arme à feu. En outre, j'espère que l'on penserait aussi aux partenaires ou ex-partenaires du même sexe.

M. Maloney: Madame Hightower, que pensez-vous de cette idée d'avertir diverses personnes, en plus des conjoints, lorsque quelqu'un demande un permis?

Mme Hightower: Je crois que c'est important pour tous les habitants de la maison , indépendamment du type de relation; je pense aux partenaires du même sexe, par exemple. Dans certains cas, d'autres membres de la famille ont été pris pour cible, notamment dans l'affaire Gakhal. En effet, les membres de la famille sont très souvent menacés: les grands-parents... Il y a eu au moins un cas où les grands-parents ont été abattus à la suite d'un conflit familial. Il est donc important de tenir compte des autres membres de la famille et de les informer, si possible.

M. Maloney: J'imagine que c'est une question de mesure. La chose peut être difficile.

Croyez-vous que la limite de deux ans est adéquate? Serait-ce mieux si elle était plus courte ou plus longue?

Mme Heillig: Il faut prévoir au moins deux ans. Je sais que le ministère de la Justice a mené des études à ce sujet et qu'il a conclu que la période de deux ans correspondait à la période où le risque est le plus élevé. Si on attend plus de deux ans, il deviendrait difficile de retracer la personne. Les gens déménagent. Idéalement, ce devrait être trois ans, mais je crois qu'une période de deux ans est acceptable.

M. Maloney: Par simple curiosité, si un demandeur ne sait pas du tout où se trouve le conjoint, quelles instructions donneriez- vous au contrôleur des armes à feu pour qu'il examine bien la question ou demande des renseignements?

Mme Heillig: Je dirais d'abord que si la personne n'a aucune idée de l'endroit où se trouve son ex-conjoint après deux ans, il faut vraiment s'inquiéter. Pourquoi est-ce qu'ils n'ont aucun contact? Comme je l'ai dit précédemment, c'est peut-être parce que le conjoint ne veut pas qu'on sache où il est, qu'il se cache, ou parce qu'ils étaient en si mauvais termes qu'ils ont tout simplement perdu contact. Cela ne serait pas toujours un signal de danger, mais je crois que cela peut l'être, et il faut vraiment en tenir compte. Le règlement peut alors jouer, le contrôleur des armes à feu devrait alors mener une enquête dans la collectivité. Je crois qu'il est très important de procéder à une enquête approfondie auprès d'autres personnes qui sauraient s'il y a eu des incidents violents.

Le président: Monsieur de Savoye.

.1505

[Français]

M. de Savoye: L'application de la loi et de ses règlements touche deux groupes: d'abord, ceux qui veulent se procurer une arme à feu, mais aussi et peut-être surtout ceux qui ont déjà une arme. S'il est important, lorsque quelqu'un veut se procurer une arme à feu, de s'assurer que cette personne n'a pas de prédisposition à la violence, il est aussi important de s'assurer que les gens qui sont en possession d'une arme à feu depuis plusieurs années ne deviennent pas non plus prédisposés à la violence.

Donc, une bonne partie des effets souhaités de la loi devra venir de la manière dont on pourra s'assurer que les gens qui disposent déjà d'une arme à feu ne l'utilisent pas de la mauvaise manière. Comme vous l'avez mentionné plus tôt, cela demande un effort collectif. Vous avez même mentionné que, dans le cas des enfants maltraités au Québec, les gens sont invités à signaler ces incidents pour la protection de l'enfant. La même chose peut se produire du côté des armes à feu.

Comment s'assurer - et est-ce dans la réglementation qu'on pourrait le faire - que les bonnes mesures pourront être appliquées pour retirer une arme à feu à quelqu'un qui devient dangereux, sans pour autant tomber dans la paranoïa? Ce sera extrêmement difficile et délicat. Comment voyez-vous l'application de cela? On a l'occasion ici, à ce sous-comité, de voir au-delà du papier, de voir l'effet de cette réglementation dans la vraie vie. Comment pensez-vous que cela devra être vécu?

Mme Heillig: Je ne sais pas si cela viendra dans la réglementation ou plus tard, dans l'application. Je pense qu'il s'agit de faire une campagne de sensibilisation auprès du public en général.

Je veux ajouter quelque chose à ce que vous avez dit. Au Québec, quand on soupçonne qu'un enfant subit de la violence, on n'est pas simplement invité à le signaler. On est obligé de le faire. C'est une distinction importante.

Pour ce qui est de l'éducation, le gouvernement a à portée de la main des affiches et des annonces pour dire: Si vous connaissez un cas où quelqu'un ne devrait pas avoir de fusil, dites-le. À ce moment-là, la la personne responsable, le chief firearms officer, a l'obligation de procéder à une enquête. Il ne s'agit pas de dire que, vu que quelqu'un a dit que ce n'était pas souhaitable que telle personne possède un fusil, on doit lui enlever son fusil. Ce n'est pas cela. C'est un indice qu'il faut peut-être procéder à une enquête dans ce cas-là. La première chose à faire, avant d'aller plus loin, c'est d'aller voir si les dispositions de la loi prévoyant l'entreposage sécuritaire des armes, sous verrou, sont bien appliquées.

M. de Savoye: Vous avez mentionné il y a quelques instants que la loi québécoise obligeait les gens, et vous avez raison, à dénoncer la violence faite aux enfants. Toutefois, lorsqu'on parle d'une obligation, on parle aussi de sa contrepartie. Quand on forfait à son obligation, il y a une sanction. Où serait la responsabilité? Croyez-vous que cela devrait être indiqué au niveau de la réglementation? Où serait la responsabilité de quelqu'un qui a omis d'indiquer que tel individu ne devrait peut-être plus conserver son arme à feu?

Mme Heillig: C'est une bonne question. Je souris parce qu'au Québec, en ce moment, même pour les enfants, ce n'est pas appliqué. On sait qu'on a l'obligation de le signaler, mais il arrive rarement que quelqu'un soit poursuivi pour ne pas l'avoir signalé. C'est arrivé une fois, récemment, dans le cas d'un directeur d'école qui, évidemment, était responsable parce qu'il le savait depuis longtemps. Il n'a pas été mis à l'amende. On lui a donné la responsabilité de faire une campagne de sensibilisation dans son école. C'est une question difficile. Je pense qu'il y a possibilité de dire dans notre campagne de sensibilisation pourquoi c'est important et que tout le monde est responsable. Les questions de sanction, de forfait, etc., c'est loin, je crois.

.1510

M. de Savoye: Madame Hightower, voulez-vous ajouter des commentaires à ce sujet?

[Traduction]

Mme Hightower: J'en conviens. En Colombie-Britannique, nous avons la même loi. Le signalement est un devoir. Je n'arrive pas à me souvenir d'un cas où des sanctions ont été appliquées, mais le fait de savoir que nous avons cette obligation nous rend très conscients de nos responsabilités, très sensibles. Là encore, c'est une question d'éducation et un moyen d'attirer l'attention sur la question. Je suis donc essentiellement d'accord avec le dernier intervenant.

[Français]

M. de Savoye: Je retiens de vos deux interventions que cette loi et la réglementation qui l'accompagne sont en soi un acte d'éducation publique qui met les bonnes valeurs au bon endroit et que les comportements vont s'ajuster en conséquence. Je vous remercie.

Mme Heillig: C'est ce que souhaitent la plupart des Canadiens.

[Traduction]

Mme Hightower: Moi aussi, je suis d'accord. Si l'on se tourne vers le passé, à une certaine époque, nous avons tous dû faire immatriculer nos voitures et obtenir des permis de conduire - des choses de ce genre. Nous l'avons accepté. Parfois, les gens utilisent mal leur voiture et des accidents se produisent, mais le cadre est là et nous apprenons tous que nous avons cette responsabilité. La loi et le règlement sont très efficaces en ce sens.

Le président: Madame Whelan.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci, monsieur le président. Je voulais simplement défaire un peu ce que mes collègues ont dit, en particulier M. Maloney.

Ce matin, un de nos témoins, a parlé des différentes exigences imposées aux entreprises: si une société est titulaire d'un permis, il faut qu'elle signale ce qui arrive à ses employés, par exemple si un employé a été mêlé à un incident de violence familiale, si des accusations ont été portées ou si une condamnation a été prononcée pour une infraction quelconque, si un employé a été traité pour maladie mentale et s'il y a eu des incidents montrant que cette personne pouvait être violente. Le témoin a laissé entendre que ces conditions devraient aussi figurer au paragraphe 14, et il faudrait alors signaler non seulement les changements de nom et d'adresse, mais aussi tout ce qui peut vous être arrivé parce que vous êtes titulaire d'un permis d'armes à feu. Je me demande simplement ce que vous en pensez. Nous savons bien que certains ne le feront pas, mais croyez-vous que ce serait utile, que cela aurait un effet quelconque?

Mme Heillig: Là encore, je n'ai pas assisté à la séance de l'avant-midi, lorsque ce témoin a parlé de cela, et je n'ai pas réfléchi à la question. Dans les cas où l'intéressé produirait cette information, cela serait certainement utile.

Mme Hightower: Je suis aussi de cet avis. Certaines personnes le feront sans doute. Cela ne nuirait certainement pas.

Mme Whelan: C'est peut-être possible, il y a peut-être une façon de le faire, en particulier lorsque vous parlez d'une accusation ou d'une condamnation, d'une procédure judiciaire quelconque. Quelqu'un dans le système de justice devait avoir tôt ou tard accès à cette information, tout est au point et les permis d'armes à feu figureront au casier judiciaire. Je ne suis pas certaine que cela puisse se faire très rapidement, mais j'imagine que c'est ce vers quoi l'on va.

Je voudrais poser une autre question au sujet de ce que vous avez dit sur la façon dont cela paraît. Vous croyez que la période de deux ans est définie en fonction des besoins de la justice; c'est à peu près la période à prévoir dans les situations de violence familiale ou pour certaines ruptures particulièrement difficiles.

Mme Heillig: C'est ce que nous a dit le ministère de la Justice. Je n'ai pas vu les statistiques moi-même.

Mme Whelan: Vous n'avez pas d'information qui indique que c'est peut-être différent?

Mme Heillig: Non.

Mme Whelan: Madame Hightower?

.1515

Mme Hightower: Non, je n'en ai pas non plus. Nous savons qu'il y a des cas exceptionnels, que des femmes sont harcelées longtemps après la rupture, mais je n'ai pas vraiment de statistiques pour justifier une période plus longue. En règle générale, je crois que les deux premières années constituent une base raisonnable.

Mme Whelan: Merci.

Le président: Monsieur Ramsay, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Ramsay: Oui, deux ou trois.

J'ai écouté avec intérêt votre commentaire au sujet de l'époux qui demande un permis d'arme à feu et qui ignore où se trouve sa conjointe. Si le mari ne sait pas où se trouve son ex-épouse, rien ne me paraît plus rassurant. Comment pourrait-il lui nuire s'il ne sait même pas où elle est? Vous pourrez me dire ce que vous en pensez.

Ma question a trait à ce que vous avez dit au sujet d'un refus éventuel du permis d'armes à feu pour tous les civils, l'interdiction de posséder des armes à feu. Vous vous opposez à cette mesure. Je suis heureux de l'apprendre. Toutefois, le projet de loi C-68 interdit 58 p. 100 des armes de poing que des Canadiens respectueux des lois ont achetées et possèdent en toute légalité. Est-ce que vous appuyez cette partie du projet de loi? Est-ce que vous êtes en faveur de l'interdiction de ces armes?

Mme Heillig: Vous savez que la plupart des femmes qui sont assassinées par leurs conjoints sont tuées avec des carabines ou des fusils de chasse, pas avec des armes de poing, c'est donc vraiment sur cet aspect que nous avons fait porter nos efforts. Je ne veux rien dire de plus à ce sujet.

En ce qui concerne ce que vous avez dit auparavant, au sujet du mari qui ne sait pas où se trouve sa conjointe, ce serait parfait si nous pouvions croire tous les maris qui affirment une telle chose. Évidemment, si le mari ignore vraiment où se trouve son épouse, cela signifie qu'il ne peut pas lui faire de mal. Je prétends toutefois qu'il arrive que quelqu'un mente. Il est aussi possible que le mari ne connaisse pas les coordonnées de sa conjointe pour l'instant, mais qu'une fois en possession d'une arme, il se mettra à sa recherche.

M. Ramsay: Très bien. Je ne veux pas insister lourdement, mais l'une des parties les plus inacceptables du projet de loi pour les personnes qui m'ont écrit, m'ont parlé et m'ont téléphoné, c'est que 58 p. 100 des armes de poing qui ont été achetées légalement et conservées en toute légalité pendant des années se trouvent maintenant interdites par ce projet de loi. Dans la mesure où vous croyez que ce n'est pas nécessaire de confisquer toutes les armes à feu des civils, qu'est-ce que vous pensez d'un projet de loi qui interdirait un si grand nombre d'armes à feu, plus de 500 000 d'après mes statistiques?

Vous appuyez un projet de loi qui présente certains aspects et prévoit certaines applications auxquels vous ne réagissez pas. Et je sais que c'est dans ce domaine.

La mesure a des conséquences économiques pour une foule de gens, que ce soit les clubs de tir, les musées, les pourvoyeurs et les guides, les fabricants d'armes à feu et les personnes qui font des reconstitutions historiques. Ce projet de loi a des effets néfastes sur eux. Ils s'y opposent à cause des obligations qu'il leur fait. Il y a aussi tous les propriétaires des 58 p. 100 d'armes à feu, les armes de poing, qui sont maintenant interdites.

Lorsque vous appuyez ce projet de loi, est-ce que vous êtes conscientes de ses conséquences sur le plan économique et dans d'autres sphères d'activité? Je crois que nous devrions en tenir compte. Oui, la sécurité de la société est importante, mais nous devons examiner toutes les répercussions du projet de loi.

Mme Heillig: Je participe au processus depuis 1990. À cette époque, je me suis, pour la première fois, présentée ici et j'ai traité du projet de loi C-17. J'ai appris, entre autres, que la politique est une affaire de compromis.

Nous avons été consultés. Lorsque je parle, je parle de prévention de la violence contre les femmes, de sécurité des femmes et des enfants, de sécurité des hommes. Je crois que c'est le principal aspect dont nous devons tous nous préoccuper.

Évidemment, je tiens compte des inconvénients causés à d'autres personnes. Comme l'a dit Jill Hightower, tout règlement, toute restriction, entraîne des inconvénients; prenez, par exemple, l'immatriculation des voitures et des choses de ce genre. Je crois qu'on peut s'y astreindre. Je crois que le ministère de la Justice a tenu compte des préoccupations d'un grand nombre de groupes distincts. Je sais que vous avez entendu les points de vue de groupes très divers, des groupes qui appuyaient le projet de loi et d'autres qui s'y opposaient.

J'appuie le projet de loi parce que je reconnais l'importance de la sécurité. C'est ma principale préoccupation. Le projet de loi, même s'il a peut-être des faiblesses, répond vraiment aux préoccupations en matière de sécurité.

.1520

M. Ramsay: Alors est-ce que vous n'appuyez pas seulement certaines parties du projet de loi? D'après ce que vous avez dit aujourd'hui, ce sont les carabines et les fusils de chasse qui sont les armes surtout utilisées contre les conjoints, et non pas les armes de poing, alors pourquoi interdire 58 p. 100 des armes de poing, en particulier lorsque cela entraînera...

Le président: Excusez-moi. Avant de laisser le témoin répondre, monsieur Ramsay, je dois lui préciser que son opinion au sujet de la loi ne fera aucune différence, parce que ce n'est pas la loi que nous examinons maintenant. C'est le règlement.

Vous pouvez répondre à la question, mais cela ne changera rien.

M. Ramsay: Très bien. En raison de l'intervention du président, je vais modifier l'orientation de mes questions si vous ne voulez pas donner votre avis à ce sujet.

Je constate une incohérence, et les incohérences m'ennuient toujours. Je cherche donc à les éliminer par mes questions. Si vous ne voulez pas parler de ce sujet, c'est très bien.

Mme Heillig: Je n'ai pas de compétence dans ce domaine.

M. Ramsay: Pour mémoire, monsieur le président, il est vrai que nous partageons tous la préoccupation qu'ont les témoins qui se présentent aujourd'hui devant le comité en ce qui concerne la violence familiale. Pourtant, le projet de loi lui-même et le règlement ont une portée beaucoup plus vaste. Vous empêchez des particuliers de conserver ou d'acquérir... Le projet de loi a tout simplement interdit 58 p. 100 des armes à feu qui, au dire même des témoins, ne constituent pas une préoccupation essentielle en matière de violence familiale, contrairement aux carabines et aux fusils de chasse.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Ramsay.

Mme Heillig: N'importe quelle arme est une menace dans un foyer.

Le président: Madame Hightower.

Mme Hightower: Je tiens à préciser que les armes de poing sont aussi des instruments de violence familiale. Il y a certainement un grand nombre d'affaires en Colombie-Britannique où figurent les armes de poing.

J'aimerais aussi ajouter que j'ai participé au processus, tout comme, je le sais, de nombreux groupes. Je suis d'accord, une des caractéristiques propres aux Canadiens me semble, est la capacité de faire des compromis sur de grandes questions. Je crois que le projet de loi et le règlement sont, d'une certaine façon, un compromis. La plupart des groupes de défense des droits des victimes demanderaient beaucoup plus que tout soit parfait, car je crois que les inconvénients ne sont pas si terribles. Quand vous êtes mort, vous ne pouvez pas revenir. C'est un inconvénient sérieux. Vous ne pouvez rien y changer, et cela me semble être une de nos principales préoccupations: la protection de tous les membres de la collectivité. Je me permets de vous le faire remarquer. C'est une question importante.

M. Ramsay: Je souligne simplement que si 58 p. 100 des armes de poing représentent une menace pour la société, pourquoi le ministre de la Justice permet-il à leurs propriétaires de les conserver? En Alberta, une arme de poing a été utilisée: une femme a abattu son mari de quatre ou cinq balles dans le dos. Je dois peut-être dire qu'elle a fait entrer cette arme en contrebande. C'était une arme qui n'était pas enregistrée. Pourtant, pour une raison quelconque, le procureur général de l'Alberta n'a pas déposé d'accusations en vertu de règles et de lois du type même dont nous discutons ici aujourd'hui.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Ramsay.

M. Maloney a mentionné que le contrôleur des armes à feu pouvait retirer le droit de demander un permis d'armes à feu. Les tribunaux ont aussi le pouvoir de retirer à une personne le privilège de posséder une arme à feu et ce sont surtout eux qui finiront par intervenir, je crois. Mais il faut alors pouvoir porter une accusation, évidemment. Comme on l'a dit ici aujourd'hui, ce n'est pas souvent le cas si la victime hésite à porter plainte par crainte d'autres mauvais traitements, et c'est certainement presque toujours un facteur.

On a bien expliqué aux procureurs de la Couronne et aux procureurs généraux des provinces qu'il était important que la police soit en mesure de porter des accusations si elle a l'impression que la victime est intimidée. Je crois que c'est très important dans de nombreux cas.

.1525

Madame Heillig, est-ce que vous croyez que c'est quelque chose qui se fait de plus en plus? Y a-t-il une lueur d'espoir? Croyez- vous que les policiers déposent effectivement des accusations? Croyez-vous que nous ayons réussi à convaincre les procureurs généraux et les procureurs de la Couronne?

Mme Heillig: C'est le système en vigueur à Montréal. Les policiers peuvent porter des accusations et ils le font, même lorsque la victime s'y oppose ou refuse de porter plainte elle- même. C'est un processus très lent, mais je crois que nous sommes sur la bonne voie.

Il y a aussi une nouvelle loi fort intéressante à l'Île-du- Prince-Édouard. Des juges de paix spéciaux peuvent prendre des mesures avant même que des accusations ne soient portées, des choses de ce genre.

Je crois que notre société est, en règle générale sur la bonne voie. Nous sommes de plus en plus sensibilisés au problème, grâce au travail réalisé par des groupes comme le nôtre, des groupes de femmes, depuis 20 ans. J'en conviens, c'est nettement l'orientation que nous devons prendre.

Le président: Madame Hightower, est-ce que vous croyez que nous obtiendrons ainsi des résultats positifs?

Mme Hightower: En Colombie-Britannique, le ministère du Procureur général a adopté cette politique, et les policiers l'appliquent. Là encore, comme je crois qu'on l'a vu lors de l'enquête sur l'affaire Gakhal, il y a beaucoup à faire. Il faut sensibiliser plus encore la population.

Pour ce qui est de la loi et du règlement, l'éducation fera partie de notre travail. Je crois que nous continuerons en ce sens.

Les magistrats devront certainement être largement sensibilisés aux questions liées aux armes à feu et au règlement. J'espère que cela s'inscrira dans le processus.

Le président: Merci beaucoup.

Si mes collègues n'ont plus de questions à poser, je vais remercier tous les témoins qui se sont présentés ici cet après- midi, qui ont accepté de venir nous parler et de répondre à nos questions. Nous vous en sommes reconnaissants.

Nous allons maintenant faire une courte pause.

.1528

.1539

Le président: Nous accueillons maintenant notre dernier témoin de la journée, M. Robert McNamara, vice-président, Victims of Violence International.

Soyez le bienvenu, monsieur McNamara. Si vous avez un exposé à présenter, nous l'écouterons avec plaisir, puis nous espérons que vous pourrez répondre aux questions des membres du sous-comité. S'il vous plaît, monsieur, vous pouvez commencer.

M. Robert McNamara (vice-président, Victims of Violence Canadian Centre for Missing Children): Merci. Je suis vice- président de Victims of Violence Canadian Centre for Missing Children.

Priscilla de Villiers, qui est présidente de CAVEAT, devait m'accompagner aujourd'hui. Malheureusement, elle en a été empêchée, et c'est dommage que le comité ne puisse entendre son point de vue, mais elle m'a affirmé qu'elle appuyait sans réserve le règlement.

.1540

Permettez-moi d'abord de vous présenter mes excuses pour ne pas avoir remis notre mémoire à temps pour la traduction. Le temps nous a fait défaut.

Je ne suis pas avocat, criminologue, agent de police ni spécialiste de ce genre de règlements. Ma compétence vient de ce que j'ai perdu un frère, qui a été tué avec une arme de poing, et des contacts qui j'ai avec des familles de victimes et des survivants d'actes de violence avec armes à feu.

Vous entendrez beaucoup parler, très certainement, du coût de la réglementation des armes à feu, des inconvénients que ces règles présentent pour les propriétaires d'armes et des limites qu'elles imposent à leur liberté. Je veux faire en sorte qu'au cours des délibérations, vous songiez aussi aux autres coûts: les coûts de l'inaction ou de la pusillanimité. Ce sont des coûts qui se mesurent en termes de pertes de vies humaines et de souffrance humaine, des coûts que les survivants de la violence avec armes à feu paieront toute leur vie.

Pour chaque décès par balle, de nombreuses vies sont immédiatement bouleversées. Ce sont nos collectivités, qui vivent dans la crainte de la violence et de la criminalité de personnes armées, qui doivent assumer ces coûts. Bien des gens n'oseront pas venir vous parler, ils ont été réduits au silence par les meurtres, les suicides et les accidents attribuables aux armes à feu.

Je vais tenter de m'en tenir aux règlements que vous étudiez plutôt que de revoir les arguments en faveur d'un contrôle plus strict des armes à feu, un sujet qu'aborderont certainement nombreux de vos témoins experts.

À mon avis, vous devez vous soucier d'abord de la sécurité publique. Je tiens à souligner de nouveau que les carabines et les fusils de chasse, tout comme les armes de poing qu'on pouvait, à une certaine époque, posséder en toute légalité, sont souvent des éléments dans les crimes, les meurtres, les suicides et les accidents au Canada.

À mon avis, il est faux de prétendre que le contrôle des armes à feu et la répression du crime sont tout à fait distincts. Sans contrôle des armes à feu, il n'y a pas de répression du crime.

Une vérification approfondie au sujet des demandeurs de permis d'armes à feu est essentielle si l'on veut s'assurer que les personnes qui représentent une menace pour eux-mêmes ou pour les autres n'auront pas facilement accès à des armes à feu. La stricte réglementation des permis doit être appuyée par une formation et une mise en oeuvre efficaces.

Je m'en tiendrai à deux types de permis.

Les permis de simple possession sont réservés aux personnes qui possèdent déjà une arme à feu. Ces personnes doivent soumettre leur demande avant le 1er janvier 2001. Les demandes de permis de possession feront l'objet d'une vérification superficielle. Nous préférerions une vérification plus approfondie pour tous les permis d'armes à feu, mais l'approche proposée semble être un compromis raisonnable, puisqu'il y a des personnes qui possèdent à l'heure actuelle des armes à feu et qu'un des grands objectifs consiste à les identifier. C'est déjà une amélioration considérable par rapport à la situation actuelle, où l'on ignore souvent que des personnes possèdent une arme à feu.

Les permis de possession et d'acquisition permettent au titulaire de posséder et d'acheter des armes à feu. Nous appuyons un niveau accru de responsabilité explicite pour les répondants, qui examineront l'information fournie par le demandeur, car il faut veiller à ce que ces répondants ne prennent pas leur tâche à la légère.

À notre avis, ces exigences sont raisonnables et ne constituent pas une charge onéreuse, compte tenu des risques que présentent les armes à feu. Les catégories de répondants offrent assez de souplesse pour permettre à un demandeur de se conformer aux règlements; en fait, elles sont plus larges que la précédente.

À notre avis, l'exigence distincte voulant que le conjoint soit averti est raisonnable, à cause des questions de violence familiale. Nous appuierons la recommandation que le conjoint signe un formulaire distinct, expédié séparément, pour réduire les risques d'intimidation.

Les détracteurs de ce règlement verront dans cette exigence une approbation du conjoint et ils évoqueront certainement la possibilité qu'un ex-conjoint vindicatif n'empêche par dépit le demandeur d'obtenir une arme à feu. Il est important de souligner que l'information fournie par le conjoint n'équivaut pas à un consentement du conjoint et que les préoccupations exprimées par le conjoint déclencheront une enquête pour vérifier leur bien-fondé.

Comme l'a fait remarquer M. Maloney, nous aimerions aussi, du point de vue de Victims of Violence, que cette exigence s'applique aux arbalètes. À notre avis, il n'y a essentiellement aucune différence entre une arbalète et une arme à feu lorsqu'il s'agit de tuer des gens.

Je dois aussi rappeler au comité la recommandation présentée à la suite de l'enquête sur le massacre de Vernon. En raison des risques, c'est une exigence appropriée.

À notre avis, le règlement prévoit seulement une norme minimale en matière de vérification. De nombreuses compétences au Canada ont adopté des normes encore plus rigoureuses. Nous appuierions une approche plus proactive des autorités en ce qui concerne les refus et les révocations de permis lorsqu'un risque est défini. Là encore, la sécurité du public devrait constituer une priorité.

.1545

Nous croyons que de nombreuses sources policières continueront d'effectuer des vérifications plus approfondies, et c'est une tendance à encourager. Par ailleurs, le libellé des formules de demande est d'une importance cruciale pour la mise à oeuvre efficace des règlements, et nous tenterons de veiller à ce que les questions posées appuient les objectifs de la loi et des règlements. Nous sommes donc en faveur des règlements relatifs aux permis tels qu'ils sont rédigés à l'heure actuelle.

Les règles relatives à l'entreposage sécuritaire sont essentielles pour réduire l'accès non autorisé aux armes à feu, pour prévenir des décès et pour prévenir les utilisations impulsives. Ce sont aussi des éléments clés qui décourageront les particuliers de s'armer à des fins de protection, une notion erronée qui ne peut que contribuer à l'escalade de la violence.

Le règlement proposé dans le cadre du projet de loi C-68 est pratiquement identique au règlement sur l'entreposage sécuritaire actuellement en vigueur, présenté à l'époque du projet de loi C-17. Il prévoit des normes distinctes selon qu'il s'agit ou non d'armes à feu sans restrictions. Les armes à feu sans restrictions doivent être entreposées déchargées, à distance des munitions, et elles doivent être soit verrouillées au moyen d'un verrou d'arme ou d'un dispositif de verrouillage sécuritaire, soit rendues inopérantes, soit placées dans une pièce ou un contenant verrouillé. Les armes à autorisation restreinte doivent être entreposées déchargées, à distance des munitions, et verrouillées au moyen de verrou d'arme ou d'un autre dispositif de verrouillage sécuritaire et verrouillées dans un contenant, une armoire ou une pièce, à moins qu'elles ne soient dans une chambre forte.

Le règlement sur l'entreposage sécuritaire prévoit certaines mesures pour les personnes qui doivent raisonnablement avoir accès à leurs armes à feu, par exemple pour le contrôle des animaux nuisibles. Lors des consultations du ministère de la Justice avec les propriétaires d'armes à feu, je crois que j'avais adopté une attitude un peu intransigeante. Je me disais «gardez ces armes sous clé, entreposez-les de façon sûre». Après avoir parlé avec des agriculteurs qui doivent lutter contre les prédateurs, j'ai pris connaissance de ce que j'appelle la «clause coyote». Il est parfois nécessaire que les habitants des régions rurales aient facilement accès à leurs armes à feu, et cela est prévu.

L'histoire de l'ours polaire, racontée par M. Ramsay, s'inscrirait je crois dans le contexte de ces mesures spéciales qui sont prévues dans les règlements. Je n'y trouve rien à redire. C'est une histoire d'horreur, cette histoire d'ours polaire. Je ne l'avais jamais entendue, mais je ne voudrais pas qu'un tel incident se produise.

Les verrous d'arme peuvent réduire l'utilisation impulsive ou non autorisée, mais ils ne sont d'aucune protection en cas de vol. En outre, la définition actuelle de contenant d'entreposage ou de pièce est un peu vague. À notre avis, on a démontré à l'évidence la nécessité de resserrer le règlement sur l'entreposage sécuritaire pour que nous appuyions une norme unique, tant pour les armes à autorisation restreinte que pour les autres. Le règlement déposé en mai exige que les armes sans restrictions soient entreposées verrouillées au moyen d'un verrou d'arme et dans un contenant ou une pièce sûrs. À notre avis, ce règlement est plus conforme avec les objectifs de sécurité publique. Par conséquent, nous recommandons que le règlement proposé en matière d'entreposage sécuritaire soit remplacé par le règlement qui a été déposé le 2 mai 1996.

Au sujet des frais. Les frais des nouveaux permis, de l'enregistrement et d'autres services sont minimes, compte tenu du coût qu'entraîne pour la société l'accès aux armes à feu. Par ailleurs, nous reconnaissons l'importance de l'applicabilité. L'écart entre les frais selon qu'il s'agit d'armes non restreintes ou d'armes à autorisation restreinte, soit 60 $ et 80 $, est adéquat. Comme la possession d'une arme de poing est plus souvent facultative, nous aurions même appuyé un écart plus marqué. Le coût annuel de ces permis est inférieur à ce que l'on paie pour tout autre privilège, y compris le fait de posséder un chien dans la plupart des grandes villes. En raison des problèmes causés par l'importation illégale d'armes à feu par des particuliers et du coût de la surveillance des frontières, le droit de 50 $ imposé aux visiteurs ne semble pas déraisonnable. Les frais proposés pour l'enregistrement unique, commençant à 10 $ en 1998 pour atteindre 18 $ en l'an 2001 pour enregistrer en même temps autant d'armes à feu qu'on le désire, sont également négligeables.

Nous croyons que l'opposition suscitée par ces nouvelles dispositions de contrôle des armes à feu découle dans une large mesure de la désinformation. Nous aimerions encourager le gouvernement fédéral à ne ménager aucun effort pour veiller à ce que les propriétaires d'armes à feu soient au courant des faits.

Pour conclure, je me suis présenté devant de nombreux comités du Parlement et du Sénat pour les presser de renforcer le contrôle des armes à feu. Sept années se sont écoulées depuis la tuerie de Montréal, et il en faudra encore sept avant que le projet de loi C-68 soit pleinement en vigueur. La mise en oeuvre du système de permis a déjà été reportée à deux reprises. Nous ne pouvons plus nous permettre de retard.

.1550

Nous félicitons le gouvernement fédéral de son travail dans le domaine du contrôle des armes à feu, et je vous supplie d'adopter rapidement les règlements afin que la nouvelle loi puisse être mise en oeuvre.

J'aimerais remercier le gouvernement fédéral d'avoir tenu des consultations avec Victims of Violence, avec le groupe de Priscilla de Villiers, CAVEAT, et avec d'autres groupes de défense des droits des victimes du Canada, ainsi que pour les contacts qu'il entretient avec nos groupes.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McNamara.

Je vais demander à M. de Savoye de poser la première question.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur McNamara, vous indiquez à la page 2 de votre mémoire

[Traduction]

que vous puissiez appuyer un niveau accru de responsabilité explicite dans le cas des répondants.

[Français]

Voulez-vous dire par là que ce que propose le règlement est insuffisant et devrait être renforcé?

[Traduction]

M. McNamara: Nous appuyons ce qui est proposé, mais l'une de nos préoccupations en ce qui concerne les répondants c'est qu'il y en a tout un éventail, et il ne faudrait pas que deux camarades puissent répondre l'un de l'autre. Nous voulons que le libellé soit clair et concis. Nous n'avons pas encore vu la formule définitive qu'il faudra signer.

Il faut bien expliquer qu'avant de répondre de quelqu'un, on doit bien y penser, de façon responsable. On ne signe pas simplement pour le plaisir...

Je sais, par exemple, que dans cette ville même, rue Elgin, s'il vous faut deux signatures pour un passeport il vous suffit d'aller dans un bar... tous mes amis sont prêts à signer. Nous voulons donc qu'il soit bien clair qu'il s'agit d'une question de sécurité publique et qu'il faut bien y penser avant de se porter garant.

[Français]

M. de Savoye: Je suis surpris de votre allusion aux demandes de passeport. Il me semblait que c'était un peu plus compliqué que cela. De mémoire, j'ai eu plus de difficultés.

Cela dit, dans le cas des armes à feu, lorsque quelqu'un va se faire demander si telle ou telle personne mérite d'acquérir une arme à feu, ce n'est pas seulement une opinion qu'il donnera; sa propre sécurité sera peut-être en jeu. Par conséquent, je crois que la personne va envisager la chose avec beaucoup de sérieux. Ne le croyez-vous pas, monsieur McNamara?

[Traduction]

M. McNamara: Je l'espère. Je l'espère bien. C'est pourquoi nous devons examiner le libellé. Nous ne voulons pas que ce soit une simple formalité. Personne ne le souhaiterait.

[Français]

M. de Savoye: Vous nous recommandez de conserver les règlements sur l'entreposage qui auraient été déposés le 2 mai. Pourriez-vous élaborer sur les motifs pour lesquels vous croyez que ces règlements étaient préférables à ceux que vous voyez devant vous?

[Traduction]

M. McNamara: Auparavant, à l'époque du règlement afférent au projet de loi C-17, je sais que par le passé nous avons remarqué que lorsqu'un agent de police... Par exemple, si vous laissez votre arme à la maison, vous sortez, vous verrouillez la porte et vous partez. Si quelqu'un entre par effraction chez vous, si la carabine ou le fusil de chasse n'était pas gardé dans un contenant, les policiers considèrent que le fait que vous ayez verrouillé votre porte est une mesure d'entreposage sécuritaire. C'est donc fort vague.

Il a été démontré, je crois... Il y a aussi les personnes qui militent en faveur de la prévention du suicide. C'est avec beaucoup de tristesse que j'ai entendu Jill Hightower, aujourd'hui, parler de cet enfant de trois ans qui s'est tué avec une arme à feu. Un incident s'est produit à Winnipeg il y a deux ou trois mois; un jeune enfant a tué sa gardienne avec un fusil de chasse qu'il a déchargé dans la porte de la salle de bain. Je crois que ces incidents parlent d'eux-mêmes: ces armes mortelles doivent être gardées en lieu sûr.

.1555

Le règlement du 2 mai était plus strict. Il était mieux défini. Mais à la suite du processus de consultation, nous sommes disposés à accepter ce qui est proposé maintenant, ce qui a été modifié. J'aurais préféré le règlement du 2 mai, mais je suis conscient que tout le monde n'achètera pas de verrou d'arme ni de contenant de sûreté. Nous appuyons le projet de loi, et c'est ce que j'aurais préféré. Nous avons fait un compromis lors des consultations, mais nous aimerions beaucoup mieux qu'il y ait des verrous d'arme et des contenants de sécurité.

[Français]

M. de Savoye: Je comprends votre point de vue. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur de Savoye. Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Merci. Je veux aussi remercier le témoin. Il a déjà comparu devant nous par le passé, nous le connaissons.

Je veux simplement revenir sur un point. Je ne sais pas si c'est un oubli de votre part, monsieur McNamara, mais vous ne pouvez pas simplement vous rendre dans un bar et demander à quelqu'un de signer un passeport. L'exigence est très précise.

M. McNamara: Je le sais, monsieur Ramsay. Je disais cela un peu à la blague. Je m'en servais simplement comme exemple, pour bien faire ressortir à quel point j'aimerais que les exigences touchant les répondants soient strictes.

M. Ramsay: Êtes-vous conscient des exigences en ce qui concerne le répondant lorsqu'on demande un passeport?

M. McNamara: Oui. Je crois qu'il faut que ce soit un membre d'une profession libérale, un avocat par exemple...

M. Ramsay: Un agent de police, un prêtre, quelqu'un de cette catégorie.

M. McNamara: En effet.

M. Ramsay: Dans votre mémoire, dont je vous remercie, au bas du deuxième paragraphe, vous dites «Sans contrôle des armes à feu, il n'y a pas de répression du crime». Pourtant, le Canada n'a pas de système d'enregistrement des carabines et des fusils de chasse depuis 1945. Est-ce que vous dites que nous ne faisons rien pour prévenir le crime depuis cette époque parce que nous n'avions pas de système d'enregistrement des carabines et des fusils de chasse?

M. McNamara: Je crois qu'il serait un peu ridicule d'affirmer une telle chose.

En ce qui concerne les fusils de chasse et les armes à feu longues, pourtant, non, nous n'avons aucune idée de ce qui se passe dans notre pays. Nous ne savons pas combien de carabines et de fusils de chasse possèdent les Canadiens. On entend constamment... Je pense en particulier au projet de loi C-68, lorsqu'une jeune femme est venue de Sudbury pour témoigner. Son enfant de 12 ans avait été tué avec un fusil de chasse dont personne ne connaissait l'existence. Il faut commencer quelque part. Pour mettre en place des contrôles, il faut savoir ce que l'on contrôle, ce qu'il y a. À l'heure actuelle, personne ne sait ce qui se passe. C'est un début.

M. Ramsay: Est-ce que l'on parle de répression du crime lorsque l'on sait combien d'armes à feu il y a dans le pays? Si les policiers et les responsables savent combien il y a d'armes à feu, est-ce que cela équivaut à la lutte contre la criminalité?

M. McNamara: Cela en fait partie.

Je vais vous donner un exemple. Un agent de police arrive à une résidence où il a été appelé pour une querelle familiale. Cet agent se présente à la porte et on lui dit que des menaces ont été proférées contre l'épouse. L'homme est là, il parle à l'agent de police. Le policier lui demande de bien vouloir lui remettre sa carabine. L'homme lui donne la carabine. En fait, il possède deux carabines, mais l'agent de police ne le sait pas. Si l'on commençait par enregistrer ces armes longues, lorsque les policiers se présentent chez quelqu'un ils sauraient combien il y a d'armes dans la maison, et il serait raisonnable de supposer qu'elles y sont. Et s'ils allaient chercher deux carabines, ils repartiraient avec les deux. Ils sauraient combien d'armes demander.

M. Ramsay: Mais ce n'est pas le cas.

M. McNamara: Non, ce n'est pas le cas.

M. Ramsay: Ce n'est pas le cas parce que...

M. McNamara: Et en outre, sachant que le règlement... nous commencerions à parler des frontières et des armes qui traversent nos frontières. De quelle façon pouvons-nous savoir ce qui est importé lorsque l'on ne sait même pas ce que nous avons?

M. Ramsay: Pour en revenir à ce que vous disiez - j'ai été agent de la paix pendant 14 ans - ce n'est pas parce qu'une vérification informatique ne révèle pas qu'il y a une arme à feu ou une arme de poing dans la maison que l'on suppose qu'il n'y en a pas.

Même après la promulgation du projet de loi, aucun agent de la paix ne comptera vraiment sur un imprimé d'ordinateur pour déterminer combien il y a d'armes à feu dans une maison, ni même s'il y en a. Si deux armes à feu sont enregistrées et qu'on demande, voyons, nous voulons que vous nous remettiez ces armes, cela ne signifie pas que toutes les armes à feu ont été retirées de la maison.

.1600

M. McNamara: Mais, monsieur Ramsay, disons qu'à titre d'agent de police vous savez que vous allez dans une maison où il y a quatre armes à feu. Si vous les demandez et qu'on vous en remet trois, est-ce que vous ne chercherez pas la quatrième?

M. Ramsay: Je vous dis que même s'il y en a quatre d'inscrites et qu'il m'en remet quatre, je ne m'arrêterai pas là.

M. McNamara: Fort bien.

M. Ramsay: Lorsque le policier croit que le propriétaire d'une arme à feu peut poser un risque pour lui-même ou pour d'autres personnes en utilisant ces armes à feu, il a le pouvoir, en vertu de l'article 104, de demander un mandat de perquisition et de fouiller la maison pour saisir toutes les armes qui s'y trouvent. La loi a maintenant été adoptée. Le problème, c'est qu'elle n'est pas appliquée. Nous avons entendu des témoignages éloquents, cet après-midi, de la part de personnes qui sont très préoccupées par la violence familiale.

Dans le Code criminel, 60 pages donnent aux policiers les outils nécessaires pour veiller à ce que ces personnes qui pourraient faire un usage dangereux des armes à feu... En vertu de la loi, les policiers ont les outils nécessaires pour confisquer ces armes à feu.

M. McNamara: Mais ce qui se passe, à l'heure actuelle... Je ne sais pas vraiment combien il y en a, parce que cela a été... Disons qu'il y a six millions de carabines au pays. Il faudrait tout de même tenter de déterminer où elles se trouvent et qui les possède. Si quelqu'un souffre de troubles mentaux, si un membre de la collectivité ou un policier sait que cette personne a une arme, je crois que c'est très important.

M. Ramsay: Mais les policiers ont maintenant ce pouvoir, lorsqu'ils ont des preuves qu'une personne est atteinte de maladie mentale.

M. McNamara: De quelle façon peut-on intervenir si les armes ne sont pas enregistrées; si personne ne sait que cette personne est arrêtée? Au moins, la mesure permettrait de savoir où se trouvent les armes...

M. Ramsay: Les policiers ont le pouvoir de demander un mandat de perquisition. Ils ont ce pouvoir à l'heure actuelle. Même si les armes à feu sont enregistrées, vous ne pouvez pas être certain que vous saisissez toutes les armes à feu que cette personne a en sa possession. Il peut y avoir une arme à feu non enregistrée, une arme volée ou simplement une arme empruntée dans la maison. Si les policiers doivent se fier à cette information et ne rien faire de plus...

Ce que je veux vous dire, monsieur McNamara, c'est que le pouvoir d'intervention existe. Les policiers ont maintenant les pouvoirs nécessaires pour saisir toutes les armes à feu des personnes qui agissent de façon irresponsable.

M. McNamara: Un autre aspect, c'est que les personnes qui possèdent des armes à feu ont maintenant un sentiment plus net de responsabilité. Si votre carabine est enregistrée et qu'elle est volée, si quelqu'un commet un crime avec cette arme, un meurtre, c'est votre faute parce que vous ne l'avez pas verrouillée et les policiers peuvent vous mettre en cause parce que l'arme était enregistrée à votre nom. Si votre arme à feu est volée, vous serez maintenant beaucoup plus enclin à signaler le vol. Est-ce que vous ne croyez pas que cela est utile?

M. Ramsay: Oui, je vous l'accorde.

La question est la suivante. Est-ce que le projet de loi et les règlements vont améliorer la sécurité publique? Si tel est le cas, alors il faut les appuyer.

M. McNamara: Merci.

M. Ramsay: Le fait est que quatre provinces et deux territoires se sont alliés pour contester la loi en vertu de la constitution. Nous avons entendu aujourd'hui le porte-parole autochtone, M. Adam, dire que les Autochtones se préparaient à contester eux aussi la loi en invoquant la constitution...

M. McNamara: J'ai entendu M. Adam. Je l'ai aussi entendu dire qu'il appuyait les mesures du projet de loi dans le domaine de la sécurité publique. Est-ce qu'il n'a pas dit cela?

M. Ramsay: Là encore, j'y vois une incohérence. Si l'on conteste la constitutionnalité de la loi devant les tribunaux, alors on s'oppose à la loi. Le fait que nous soyons tous en faveur de la sécurité publique ne signifie pas que nous appuyons les moyens pris pour y arriver. Je ne vois rien dans ce projet de loi qui permette de réduire la violence familiale. Si tel était le cas, j'appuierais la loi. Mais je ne vois rien de tel. Comme les témoins qui se sont présentés devant nous, comme vous, j'examine des points de vue, parce que vous avez des opinions sincères à cet égard.

.1605

M. McNamara: Mon opinion se fonde sur mes contacts avec des victimes et, dans bien des circonstances, les victimes me disent «Il aurait fallu lui retirer son arme». Tout comme vous, je ne sais pas pourquoi. Je ne suis pas spécialiste du domaine. J'écoute les spécialistes. Les chefs de police du Canada, l'Association canadienne des policiers, les médecins qui s'occupent de prévention du suicide, les traumatologues et le National Crime Prevention Council, tous sont en faveur. Je crois qu'il serait illogique de m'opposer à une loi que les responsables de la sécurité publique appuient.

M. Ramsay: Évidemment, je vous demanderais, comme je le leur demande à eux, de quelle façon ces règlements et le projet de loi réduiront l'utilisation des carabines et des fusils de chasse par les criminels.

M. McNamara: Là encore, je crois que l'un des aspects les plus importants qu'il nous faut examiner est celui de l'entreposage sécuritaire.

M. Ramsay: Mais l'entreposage sécuritaire, nous l'avons déjà prévu. Le projet de loi n'a pas innové à cet égard. Il traite de...

M. McNamara: Très bien, mais c'est la responsabilité qui doit être assumée à ce sujet. Je crois que c'est un élément.

Il nous faut savoir ce que les gens ont en main. Par exemple, quand vous parlez... Revenons à la question de la contrebande. Comment pouvez-vous discuter du fait que des armes sont ou non entrées en contrebande dans notre pays et savoir combien sont ainsi introduites - des carabines, par exemple - lorsque vous ne savez même pas combien il y a d'armes au pays ni d'où elles viennent parce que les propriétaires les ont depuis 20 ou 30 ans? Vous ne savez pas d'où elles viennent. Je crois que nos policiers - Neal Jessop et les autres - auraient ainsi un autre outil de répression du crime.

M. Ramsay: Évidemment, vous savez ce qu'a déclaré M. Jessop au sujet du projet de loi: la valeur du projet de loi est fonction de la capacité du gouvernement d'empêcher la contrebande des armes à feu au Canada. Ce qui entre en contrebande au Canada, ce ne sont pas des armes à feu qui sont possédées, achetées, conservées en toute légalité. Ce sont des armes prohibées, y compris les armes de poing, que l'on fait passer en contrebande au Canada, celles que les personnes ne veulent pas enregistrer et utilisent à des fins illégales.

M. McNamara: Cet après-midi, vous parliez de l'Institut MacKenzie et de l'article que John Thompson - je crois que c'est son nom - a rédigé au sujet de la contrebande. J'ai rencontré M. Thompson il y a quelques années. C'est un ancien caporal d'infanterie, je crois. La veille du jour où je l'ai rencontré, il rôdait dans les bois près du Saint-Laurent. C'est un document qui n'engage que lui. Je ne crois pas qu'il ait de compétences particulières pour rédiger un article, mais il a exprimé son opinion lors de la Conférence de la CAVEAT sur la prévention du crime - une conférence annuelle - à la table ronde sur les armes à feu. Val Meredith, qui est membre de votre parti, y assistait. Elle semblait voir beaucoup de mérite à certaines des recommandations qui se trouvent dans le projet de loi. Elle ne s'opposait pas totalement à l'enregistrement à l'époque - j'imagine parce que la mesure n'avait pas été proposée - mais elle trouvait que le projet de loi pourrait faire beaucoup pour sauver des vies.

M. Ramsay: Mon temps est écoulé. J'aurais encore deux ou trois questions à poser, mais je les réserve pour plus tard.

Le président: Merci, monsieur Ramsay. Monsieur Maloney.

M. Maloney: Je ne sais pas si vous avez assisté à cette partie du débat, mais j'ai toujours de la difficulté à accepter la «révocation par un contrôleur des armes à feu» à la suite d'un incident de violence familiale. Qu'est-ce qu'on considère comme être mêlé à un tel incident? À quel moment la violence familiale devient-elle assez sérieuse pour que l'on révoque un permis...?

M. McNamara: Je sais que le contrôleur des armes à feu peut prendre cette initiative, mais je pense que ce sont surtout les tribunaux qui imposeront la mesure. Je crois que cela se produira plutôt dans ce contexte, lorsque l'on demande une injonction et ce genre de choses à un juge de paix.

Si Priscilla était ici, elle pourrait vous parler d'un cas particulier. Il y a tellement de meurtres au Canada que j'oublie les noms, mais un homme a été accusé et il a comparu devant un tribunal. On ne lui a pas interdit de garder son arme, et il a tué deux autres femmes. Je crois que dans notre société, grâce aux efforts de sensibilisation déployés par le ministère de la Justice et le gouvernement au sujet de l'utilité du projet de loi en matière de prévention de ce genre de crime, en effet, le contrôleur des armes à feu... Je crois, toutefois, que ce sont nos tribunaux qui devront examiner la question et la traiter avec plus de sérieux.

M. Maloney: Ce matin, le représentant de la Universal ATM Services Incorporated est venu nous parler. Il a proposé d'élargir cet aspect pour tenir compte des situations où la capacité mentale d'une personne se détériore à tel point qu'elle pourrait présenter une menace pour elle-même ou pour les autres. Est-ce que vous appuieriez cette mesure ou une mesure similaire? Est-ce que vous avez des commentaires à faire à ce sujet?

.1610

M. McNamara: Je suis un profane. Je crois qu'aucun forcené ne devrait posséder d'armes. Cela me paraît l'évidence même. On ne donne pas un fusil à un fou si on ne veut pas d'ennuis.

M. Maloney: Croyez-vous que la responsabilité doit incomber à l'intéressé? Maintenant qu'il doit signaler les changements d'adresse et les choses de ce genre, est-ce que ce n'est pas aller trop loin? Est-ce que ce n'est pas illogique de demander à la personne de signaler elle-même ces changements?

M. McNamara: Quels changements?

M. Maloney: Dans son état de santé mentale.

M. McNamara: En fait, je ne sais pas s'il est prévu qu'un médecin puisse faire ce signalement. Il y a la question du secret professionnel entre médecin et patient, mais je ne vois pas pourquoi un médecin qui saurait qu'un de ses patients possède une arme à feu et constitue une menace pour lui-même ou pour les autres ne pourrait pas signaler le fait au contrôleur des armes à feu ou à un agent de police. Malheureusement, parfois, je ne sais plus ce qui relève de la loi et ce qui relève du simple bon sens.

M. Ramsay: Moi non plus.

M. Maloney: Est-ce que vous voulez dire qu'il devrait peut- être y avoir une responsabilité pour le corps médical, comme dans les cas de violence contre les enfants, qu'il faudrait qu'il signale de telles situations?

M. McNamara: Je ne sais pas si je voudrais que ce soit aussi précis, dire «le médecin doit». Un médecin devrait avoir la possibilité, s'il croit que la personne représente une menace. Je ne suis pas bien au fait de la question - je ne suis pas avocat - mais un médecin qui croit que quelqu'un risque de causer un préjudice grave, à lui-même ou à quelqu'un d'autre, devrait être habilité à communiquer cette information à un policier. Je ne sais pas si c'est prévu dans la loi.

M. Maloney: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Maloney. Madame Whelan.

Mme Whelan: J'ai quelques remarques à faire, puis je poserai une brève question.

Nous nous sommes demandés, aujourd'hui, s'il y avait déjà eu un contrôle quelconque sur les armes longues depuis la nuit des temps. Si je ne me trompe, et malgré tout le respect que j'ai pour M. Ramsay, il y a un système en place au Canada depuis 1977, et ce que nous faisons en 1997 me semble une modernisation de ce système.

Ce système était devenu désuet. C'est un fait. En 1977, nous n'avions pas la même technologie qu'aujourd'hui, nous n'avions pas non plus prévu la possibilité que le titulaire d'une autorisation d'acquisition d'armes à feu puisse vendre une arme à feu à quelqu'un qui n'aurait pas une telle autorisation. Ce sont des choses que la loi corrige maintenant. Lorsque nous disons qu'il n'existe pas de statistiques en ce qui concerne la prévention du crime...

Il vous posait une question un peu injuste. Un système est en place depuis 1977. Ce système n'était pas parfait. Il n'avait pas été modernisé, c'est un peu comme pour les permis de conduire. Mon permis de conduire a été modifié cinq fois; son apparence, la formule et le coût, certainement, ont changé au cours des 15 dernières années, depuis que je possède un permis de conduire.

Je crois que nous reconnaissons tous qu'il faut évoluer avec la situation. C'est ce que nous faisons maintenant aujourd'hui en ce qui concerne les règlements: veiller à ce que la loi qui a été adoptée soit mise en oeuvre de façon adéquate et réponde aux exigences de la situation actuelle.

Vous avez dit quelque chose qui me préoccupe un peu, monsieur McNamara, au sujet des armes qui viennent d'outre-frontière. Vous avez dit:

Comme je viens d'une collectivité située à la frontière, j'ai de la difficulté à accepter cette affirmation. Les droits de 50 $ ne vont pas nécessairement contribuer à payer les coûts d'application de la loi à la douane. Il n'existe pas de fonds réservés, tout l'argent est versé au Trésor. Ce n'est vraiment pas sous cet angle qu'il faut examiner les choses, parce qu'à l'heure actuelle quiconque vient des États-Unis doit s'arrêter à la frontière et déclarer s'il y a une arme dans son véhicule.

Les personnes qui arrivent au Canada ont deux options. Il est interdit d'apporter des armes de poing au Canada. J'habite près de la frontière entre Windsor et Detroit. Souvent, lorsque les gens voient les affiches, ils ont peur d'admettre qu'il y a une arme de poing dans leur voiture, en particulier si c'est une arme légale aux États-Unis, parce qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils peuvent signaler sa présence et la reprendre lorsqu'ils quittent le Canada. Souvent, les armes sont confisquées. Le nombre de confiscations d'armes de poing a augmenté de façon extraordinaire, en raison de l'ouverture du casino à Windsor, mais c'est une autre question.

.1615

Ce que je crains, c'est que des droits de 50 $ ne créent de graves difficultés, en particulier pour les clubs de tir, qui ont des raisons légitimes... ainsi que pour les chasseurs de diverses collectivités frontalières et pour les reconstitutions historiques. Je crois savoir que l'on cherche actuellement une solution dans le cas des reconstitutions historiques.

À l'heure actuelle, le fort historique de Malden se trouve dans ma circonscription, et des reconstitutions de la Guerre de 1812 entre les Canadiens et les Américains s'y déroulent. Les participants sont des bénévoles. Ils traversent la frontière et viennent au Canada à leurs frais. Nous voulons les encourager à le faire parce que nous avons demandé à nos parcs historiques d'être plus autonomes. Les parcs font un peu d'argent grâce aux droits d'entrée. C'est une attraction touristique. Il me semble donc peu raisonnable dans, certaines circonstances, de dire à ces visiteurs que nous voulons qu'ils viennent parce qu'ils nous rendent un service ou qu'ils nous font une faveur, et de leur demander en plus de payer 50 $.

M. McNamara: Cela ne me paraît pas du tout raisonnable. En fait, j'aimerais qu'on trouve une façon de lever cette obligation sans éliminer les droits de 50 $. Ce que nous ne voulons pas, c'est que tous les clients du casino de Windsor arrivent avec des armes de poing. Mais peut-être y a-t-il une façon de faire une exception dans certains cas.

Mme Whelan: J'admire le fait que vous reconnaissiez qu'il faut tenir compte de certaines circonstances.

M. McNamara: Sans l'ombre d'un doute.

Mme Whelan: Je voulais vous le signaler, parce que je sais que vous avez cité cet exemple précis. J'ai un point de vue différent et j'essaie d'examiner tous les angles.

M. McNamara: Vous savez, dans nombre de ces domaines, les choses évoluent si rapidement... la criminalité change dans notre pays. Si vous aviez proposé le projet de loi C-68 il y a quatre ans, je n'aurais jamais pensé qu'il serait un jour nécessaire de présenter un certificat d'armes à feu pour acheter des munitions, il a fallu l'incident de Battersby, là où des punks, de jeunes contrevenants, sont allés acheter des munitions au magasin Canadian Tire pour charger une arme volée. Je n'aurais jamais songé à demander une pièce d'identité quelconque aux personnes qui achètent des munitions.

C'est sans doute la raison pour laquelle je dois féliciter le comité et le gouvernement, qui ont mené les consultations. J'ai appris beaucoup, par exemple, à vous écouter et à écouter les représentants des clubs de tir. La meilleure leçon, pour moi - et j'étais tellement convaincu que tout devait être verrouillé, parce que je crois la mesure si efficace - est venue des fermiers qui parlaient des problèmes causés par les coyotes et de ce que cela signifie pour eux. C'est pourquoi ces consultations et l'examen pondéré des désirs de tous les intervenants ont abouti à ce projet qui ne correspond exactement ni à ce que je souhaite ni à ce que bien d'autres personnes veulent, mais c'est un compromis satisfaisant, le fruit de vastes consultations équitables.

Mme Whelan: Je crois que l'un des témoins qui vous a précédé a déclaré qu'il s'agissait, en fait, de négociations et qu'au bout du compte, on obtenait une solution négociée. Je vous remercie de vos commentaires. Je crois qu'il est très important que les victimes participent au processus de consultation. Nous voulons entendre tous les intéressés pour pouvoir tenir compte de tous les aspects.

Je vous remercie de votre exposé.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: À ce sujet, je suis moi aussi heureux de la réponse que vous avez fournie à Mme Whelan. Vous voyez, il n'y a pas de menace sensible pour la sécurité publique de la part des musées ou des clubs de tir ou...

M. McNamara: Je ne sais pas pour ce qui est des musées qui achètent de la poudre, mais la dernière fois que j'ai comparu, si vous vous en souvenez, Mark Hogben était avec moi. Valery Fabrikant, qui a tué le père de Mark, faisait partie d'un club de tir. Alors...

M. Ramsay: Oui, il s'était procuré une arme à feu par l'entremise d'un club de tir. Ensuite, bien sûr, il l'a utilisée à d'autres fins. Il était dans un certain état d'esprit à l'époque...

Ce que je veux dire, c'est que les personnes qui s'adonnent à ce sport, en raison de leur passé, ne constituent pas une menace. Ce sont des personnes très responsables. Elles prennent soin de leurs armes à feu, etc. En fait, leurs primes d'assurance en disent long: 4 $ par année pour une protection de 5 millions de dollars.

.1620

Compte tenu du peu de menace que présentent les musées, les clubs de tir, l'industrie du transport par camions blindés, qui ont témoigné devant nous auparavant, les personnes qui font des reconstitutions historiques, est-ce que vous seriez favorable à des exemptions raisonnables dans ces secteurs. On éviterait ainsi un fardeau économique ou financier trop lourd pour les participants à des reconstitutions historiques, qui doivent traverser la frontière, pour les membres des clubs de tir, les musées et l'industrie du transport par camions blindés, qui nous a indiqué qu'un fardeau financier considérable serait imposé même si elle n'a pas changé ses façons de faire en matière de sécurité depuis des années et que ses armes à feu ne représentent une menace pour personne.

M. McNamara: J'aimerais que vous me fournissiez à nouveau votre liste... Sans doute pour la moitié d'entre eux, cela est vrai. Je peux comprendre, à la rigueur, qu'on fasse quelque chose pour aider les musées, mais pour les clubs de tir, non. C'est un choix. Si vous voulez vous adonner au tir au fusil, au tir sur cible, c'est un loisir qui se paie. Cela fait partie du système de permis. Les conducteurs de stock cars paient pour immatriculer leurs voitures.

Les autres groupes... Je crois, par exemple, que quelque chose a été fait pour aider les Autochtones, des mesures qui ont trait aux coûts. Mais lorsque l'on parle des gens de la Brinks, je ne connais pas précisément leur dossier en matière de sécurité, mais je sais que le syndicat demande qu'il y ait au moins trois personnes par véhicule pour assurer la sécurité. J'ai entendu dire qu'il y avait deux personnes à bord et qu'on voulait qu'il y ait des travailleurs à temps partiel, à qui l'on donnerait des armes. Les entreprises cherchent à faire un profit, c'est normal. Je crois qu'il serait parfaitement stupide que le gouvernement impose trop de responsabilités aux propriétaires des sociétés de transport par véhicule blindé au sujet des armes. Les armes devraient être gardées dans un centre d'armes à feu.

M. Ramsay: Ce que je dis, c'est que rien ne prouve qu'il y ait même l'ombre d'une menace à la sécurité publique de la part des utilisateurs de ces groupes, y compris...

M. McNamara: L'ombre d'une menace! Valery Fabrikant a tué le père de Mark Hogben! Le père de Mark est mort.

M. Ramsay: Nous parlons des véhicules blindés.

De toute façon, la question que je veux vous poser est la suivante. Dans la dernière page de votre mémoire, vous affirmez:

Quatre provinces et deux territoires, et maintenant les Autochtones, contestent la constitutionnalité de la loi et des règlements. Insinuez-vous que cette contestation est basée sur une information erronée?

M. McNamara: Je n'ai jamais rien dit de tel. Où allez-vous chercher cela? J'ai dit qu'il y avait beaucoup d'informations erronées qui circulaient. Je me souviens que l'été dernier, à Ottawa, la station CKBW diffusait des messages publicitaires pour le compte d'un de ses clubs de propriétaires d'armes à feu responsables ou quelque chose comme ça, on affirmait qu'il serait possible de voler dans les ordinateurs du gouvernement la liste des propriétaires d'armes. À mon avis, c'est de la désinformation. Il ne se produira rien de tel.

M. Ramsay: Voyez un peu ce que vous avez déclaré: «Nous croyons qu'une grande partie de l'opposition que suscitent les nouvelles dispositions de contrôle des armes à feu découle d'une désinformation...»

La plus forte opposition à ce projet de loi vient des quatre gouvernements provinciaux et des deux gouvernements territoriaux qui contestent la constitutionnalité du projet de loi, et maintenant aussi des Autochtones. En outre, il y a trois provinces et un territoire qui ont tout simplement déclaré qu'ils s'opposaient à tel point au projet de loi qu'ils refusaient d'appliquer les règlements et de mettre en oeuvre le système d'enregistrement. Le ministre de la Justice a déclaré qu'il le ferait alors lui-même. Je vous demande, d'après ce que vous avez déclaré, est-ce que ces personnes agissent en fonction d'une désinformation?

M. McNamara: Je ne le sais pas, mais ce n'est pas ce que j'affirme ici. Si vous lisez bien, je dis qu'il y a de la désinformation. Je crois que la majorité des citoyens de l'Alberta, où mon frère a été assassiné, appuient ces lois et ces règlements. Le gouvernement de l'Ontario, par exemple, veut modifier la Loi sur les jeunes contrevenants. Il se présentera peut-être devant les tribunaux à cette fin. Les politiciens peuvent jouer de leur influence autant qu'ils le veulent. L'Alberta et le Yukon peuvent jouer de leur influence.

M. Ramsay: Est-ce bien de cela qu'il s'agit, d'une lutte d'influence?

M. McNamara: Oui, c'est ce que je crois.

M. Ramsay: Et au sujet des Autochtones, est-ce aussi une lutte d'influence?

.1625

M. McNamara: Non. Il y a des traités qu'il faut respecter. Les Autochtones ont un mode de vie différent. Je crois que la loi et les règlements respectent ce mode de vie.

M. Ramsay: Est-ce que la loi ne devrait pas s'appliquer aux Autochtones?

M. McNamara: Non, parce que je crois que la loi tient compte des besoins des Autochtones. Ils peuvent mieux répondre que moi à cette question. Ils connaissent la situation. S'ils ont des difficultés à cet égard... En autant que je sache, ce sont l'Alberta et le Yukon qui se sont adressés aux tribunaux. Le témoin qui venait de la Saskatchewan... Je ne crois pas qu'il ait déjà agi. Il considérait que la loi présentait certains aspects positifs. Tant qu'il n'entamera pas de procédures judiciaires, je ne crois pas que vous puissiez le considérer au même titre que l'Alberta.

M. Ramsay: Les procureurs généraux du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta ont comparu devant le comité au sujet du projet de loi et ils y sont tous opposés.

Le président: Excusez-moi, monsieur Ramsay. Le témoin a peut- être des opinions, mais je ne crois pas que ce soit un domaine de compétence...

M. Ramsay: Bon; et je pense qu'il a indiqué ne pas croire que les contestations découlaient d'une désinformation, c'est ce que je lui demandais.

Le président: Monsieur McNamara, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu comparaître devant nous aujourd'hui. Vos observations nous sont très utiles. Nous savons que vous avez fait un effort particulier pour vous présenter ici aujourd'hui et nous vous en remercions. Merci beaucoup.

La séance du sous-comité est maintenant levée.

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