[Enregistrement électronique]
Le mardi 28 janvier 1997
[Traduction]
Le président: J'aimerais que l'on reprenne maintenant les audiences du Sous-comité sur les projets de réglementation afférents à la Loi sur les armes à feu. Il nous fait plaisir d'accueillir cet après-midi à Ottawa M. Gordon Gallant de la Ontario Federation of Anglers and Hunters et M. Tony Rodgers, directeur exécutif de la Nova Scotia Wildlife Federation.
Monsieur Gallant, à quel titre représentez-vous l'Ontario Federation of Anglers and Hunters?
M. Gordon Gallant (technicien de l'aménagement du territoire, Ontario Federation of Anglers and Hunters): À titre de spécialiste des armes à feu.
Le président: Parfait.
Je demanderais à MM. Gallant et Rodgers de faire leur exposé, en espérant qu'ils accepteront de répondre par la suite aux questions des membres du sous-comité.
Messieurs, vous avez la parole.
M. Tony Rodgers (directeur exécutif, Nova Scotia Wildlife Federation): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du sous-comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de comparaître devant vous.
Avant d'entreprendre mon exposé, je considère important que ce Sous-comité de la justice sache deux choses primordiales.
Premièrement, le fait que je sois ici, à Ottawa, pour commenter la réglementation sur les armes à feu se rapportant au projet de loi C-68 ne devrait pas vous laisser présumer que les chasseurs que je représente sont en faveur dudit projet de loi et de sa réglementation. Les propriétaires d'armes à feu, notamment les chasseurs de la Nouvelle-Écosse respectueux des lois, sont totalement opposés au projet de loi C-68. En deux mots, nous sommes acculés au mur et l'on nous pousse, pour protéger nos membres et les autres citoyens respectueux des lois, à tenter d'atténuer l'impact de ce nouveau règlement.
Il est également important que vous compreniez ceci: la direction et les administrateurs de la Nova Scotia Wildlife Federation ainsi que les chasseurs que nous représentons défendent la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Nous souhaitons aussi pouvoir jouer un jour un rôle de premier plan dans le processus où des lois équitables en matière d'armes à feu - confirmant le respect et le soutien dont devraient jouir les propriétaires légaux et responsables d'armes à feu - seront examinées par un futur Parlement du Canada.
Dans l'intervalle, nous sommes forcés par le système de défendre du mieux que nous pouvons le droit des propriétaires d'armes à feu de la Nouvelle-Écosse respectueux des lois, qui sont en l'occurrence livrés à eux-mêmes, et de faire une déposition en leur nom devant ce sous-comité.
Les chasseurs de la Nouvelle-Écosse représentent un habitant sur cinq de la province. Je reprends les statistiques du Service canadien de la faune qui figurent dans la publication intitulée L'importance de la faune pour les Canadiens. Ces chasseurs et les gens qui les représentent, eux et leur famille, aimeraient que ce gouvernement mette fin aux discussions sur la réglementation et consulte à nouveau les gens qui utilisent des armes à feu pour la chasse, afin de définir à nouveau une orientation raisonnable.
Les propriétaires d'armes à feu de la Nouvelle-Écosse se sont rendu compte qu'il y avait au ministère de la Justice des gens dont le travail est de fournir une réglementation appropriée qui ne s'occupent, en l'occurrence pour l'instant que des règlements les plus anodins. Les articles controversés de cette loi, ceux au sujet desquels les vraies batailles se livreront, révéleront la vraie mesure des torts que fait cette loi aux propriétaires d'armes à feu. Ces articles n'ont pas encore été déposés; je veux parler de la réglementation se rapportant à l'enregistrement. Cette réglementation entraînera avec le temps la disparition des activités récréatives liées à la chasse et au tir au Canada.
Il s'agira d'une mort très lente. On privera graduellement de leurs libertés les citoyens respectueux de la loi qui utilisent les armes à feu de façon raisonnable, comme ils le font depuis des années. Les chasseurs n'ont pas été épargnés par cette mesure législative, comme l'avait déclaré le ministre de la Justice. Ils ont encore une fois été confondus avec les criminels de ce pays, jugés, reconnus coupables et condamnés à perdre leurs armes à feu, au nom d'une certaine philosophie politique.
La Nova Scotia Wildlife Federation est l'association des chasseurs de notre province, et parallèlement à nos homologues dans tout le Canada, nous représentons un demi-million de gens qui se sentent trahis par Ottawa car ils auront eux, leurs enfants et leurs petits-enfants, à pâtir de l'application de la réglementation découlant du projet de loi C-68.
Le sous-comité devrait prêter une attention particulière à la façon dont cette réglementation est rédigée afin d'assurer qu'elle reflète correctement l'esprit de la loi. On nous a signalé que parfois, les bureaucrates, qui sont les véritables architectes de ces lois, prennent certaines libertés lorsqu'ils rédigent la réglementation afin de voir aboutir leurs objectifs personnels.
J'ai été quelque peu surpris, la première fois que j'ai pris connaissance de la liste des témoins du sous-comité, de constater que j'y figurais en tant que chasseur, c'est-à-dire, je suppose, comme une personne qui se ferait le porte-parole d'au moins une partie de la communauté des chasseurs, un titre dont je suis très fier, je n'ai pas peur de le dire.
Je recommanderais au sous-comité de poursuivre le travail du Comité de la justice et d'entendre tous les représentants des chasseurs, pas seulement nous.
Cette réglementation, monsieur le président, risque de me dépouiller de ma fierté de chasseur, de dépouiller tous les chasseurs du Canada de leur fierté, en leur donnant le sentiment qu'ils font quelque chose de mal du fait qu'ils sont propriétaires d'une arme à feu, un outil dont nous avons besoin pour chasser. Cette réglementation stigmatise les propriétaires d'armes à feu comme des gens peu recommandables à qui il ne faut pas faire confiance.
Donnant l'exemple, le gouvernement a démontré son manque de confiance à l'égard des chasseurs et des autres adeptes du tir récréatif en élaborant son projet de loi et sa réglementation.
Je n'ai jamais travaillé dans un climat de haine ni de méfiance pendant que j'étais étudiant ou au cours de ma carrière, et j'ai donc trouvé très difficile d'accepter ma colère à l'égard de mon gouvernement à cause du projet de loi C-68 et d'accepter que le même sentiment soit partagé par un grand nombre de mes compagnons de chasse.
Afin que vous puissiez mieux comprendre ce que je veux dire, laissez-moi vous décrire une situation hypothétique. Si l'on adoptait une loi qui vous empêchait de pratiquer votre religion ou de donner libre cours à vos croyances spirituelles et de les partager avec votre famille, vous ressentiriez une douleur profonde et vous seriez traversé par un cortège d'émotions. Voilà ce que nous ressentons aujourd'hui.
Pour certains d'entre nous, la chasse est une forme d'expérience spirituelle qui s'explique par le sentiment de communion avec la nature quand nous nous adonnons à cette activité.
Ce n'est pas dans mon texte, mais je voudrais simplement ajouter ici que lorsque vous vous pencherez sur la question, particulièrement en compagnie de représentants des Autochtones, il pourrait être intéressant pour vous d'étudier d'un peu plus près cet aspect-là et de vous informer de la façon dont ces lois les affecteront le plus.
Personne au gouvernement ne s'est préoccupé de comprendre la profonde emprise spirituelle que la chasse exerce sur la plupart d'entre nous. Et il est vraiment très difficile d'admettre qu'on ne peut plus partager cette expérience comme avant à cause des préjugés de certains.
Le projet de loi C-68 est le plus gros mensonge qu'on ait jamais voulu faire avaler à la population canadienne. Les prophètes de malheur qui étaient ici plus tôt ici aujourd'hui ont aspergé de leur poison la très responsable communauté des propriétaires d'armes à feu du Canada et ont presque oublié la véritable cible de cette mesure législative, c'est-à-dire les criminels.
Cela a été dit de nombreuses fois, mais il faut le répéter: il ne faut pas confondre contrôle des armes à feu et lutte contre la criminalité. Le temps consacré à cette réglementation serait mieux utilisé si l'on s'en servait pour apprendre comment faire échec au crime dans notre pays. Toutefois, les propriétaires d'armes à feu ont beaucoup à apprendre des gangsters, violeurs, meurtriers et autres crapules que l'on trouve au Canada, car ils ont réussi à faire valoir leurs droits. Je suppose que nous sommes un peu en retard sur eux.
Notre gouvernement a présenté une réglementation se rapportant au projet de loi C-68 qui défend l'hypothèse qu'une personne qui possède une arme à feu, une personne qui souhaite acheter une arme à feu, ou une personne qui est de la famille de quelqu'un qui possède une arme à feu est, par association, un mauvais sujet.
Je ne me sens pas qualifié pour commenter tous les règlements, particulièrement ceux qui ont trait aux armes à feu prohibées ou ceux qui concernent les entreprises, mais j'ai néanmoins quelques observations à faire.
J'ai reçu de votre ministère un magnifique jeu de documents que je suis censé suivre page par page. J'ai remarqué que les autres témoins n'ont pas respecté la procédure, mais je vais m'efforcer de le faire brièvement.
J'avais préparé un texte. Je m'excuse, je l'avais ici. J'aurais dû simplement passer à travers mais je ne l'ai pas fait.
Page 1, l'article 3 porte sur la recherche de signatures à l'appui d'une demande. Tout nouveau venu dans une ville ou dans une province aura du mal à obtenir ces signatures.
En outre, je me demande quelles seraient les conséquences pour les cosignataires si un accident se produisait ou si un échange de coups de feu venait à se produire. Qu'arriverait-il à la personne qui a effectivement donné sa signature et déclaré qu'un individu était un citoyen sans reproche auquel on devrait par conséquent confier une arme à feu? Quelque chose risque-t-il de lui retomber dessus?
À la page 2, l'article 3 se prête facilement à une interprétation abusive, particulièrement quand un ancien partenaire souhaite se venger du demandeur. Il s'agit de l'article en vertu duquel les conjoints doivent être informés des demandes et apposer leur signature sur le formulaire.
À la page 2, au paragraphe 4(1), aucune indication n'est donnée quant au délai requis pour informer les conjoints. S'il s'avérait impossible de retrouver un conjoint, le contrôleur des armes à feu pourrait prendre un an ou aussi longtemps qu'il le veut. Il n'y a absolument aucun délai de prescrit à cet égard.
À la page 7, le paragraphe 15(1) s'applique à une personne qui serait impliquée dans un acte de violence familiale. De la façon dont c'est rédigé, si le détenteur d'un certificat d'arme à feu intervient pour défendre une victime dans une telle situation, il ou elle risque que son certificat soit révoqué. Il suffit, selon le texte, d'être «mêlé» à un tel incident. Et qu'en est-il de la victime? La victime risque également de perdre son certificat, de la façon dont c'est rédigé, tout simplement parce qu'elle se trouve être la victime de ce genre de crime.
À la page 8, l'alinéa 19e) se rapporte à ce dont parlait le monsieur qui est intervenu plus tôt aujourd'hui au nom des musées. Et bien, cela concerne également toutes les Légions royales canadiennes qui ont conservé des souvenirs et des trophées dans leurs collections privées.
En ce qui a trait à l'entreposage, l'exposition et le transport des armes à feu par des particuliers, à la page 14, alinéa 2(1)a), on utilise l'expression «agent de la paix». Je n'ai pas trouvé de définition d'agent de la paix dans le projet de loi C-68, mais je crois que l'expression a un sens beaucoup plus large que celui d'«agent de police». Je pense que les particuliers qui sont nommés par les tribunaux sont connus aujourd'hui comme des agents de la paix. Cela risque de donner à cet article une toute autre signification.
À la page 16, le sous-alinéa 3(1)b)(ii) se rapporte à la façon de rendre une arme à feu inutilisable. Ici encore, si l'on avait consulté les propriétaires d'armes à feu, beaucoup de points auraient été clarifiés, car la façon de rendre une arme à feu inutilisable aurait été expliquée au gouvernement par les propriétaires d'armes à feu, plutôt que d'être laissée à l'imagination de quelqu'un qui ne sait pas trop comment fonctionne une arme. Ici encore, c'est le processus de consultation qui est en cause.
Cela m'amène à une autre remarque: avant que cette recommandation soit censée être transmise à la Chambre des communes... le ministre de la Justice avait promis de procéder à des consultations avant que ces règlements soient rédigés, et cela ne s'est jamais concrétisé au sens où le mot «consultation» est utilisé aujourd'hui. Qu'on me comprenne bien, M. Rock n'a pas consulté les propriétaires d'armes à feu pendant la phase de préparation du projet de loi C-68. J'ai assisté personnellement à deux séances à Halifax. Il ne s'agissait pas de séances de consultation. Il est venu nous dire ce qu'il était en train de faire; il n'est pas venu nous demander ce que nous en pensions.
En ce qui a trait aux peuples autochtones et aux règlements d'adaptation, il s'agit d'articles qui pourraient monter les communautés autochtones contre les autres, particulièrement en ce qui a trait à la chasse. C'est jouer avec le feu. Je pense que les Autochtones partagent mon point de vue, en l'occurrence. On pourrait se retrouver devant un gros problème.
La partie que je trouve insultante à cet égard se trouve à la page 56, aux alinéas 5a) et 5b). Ils démontrent la flexibilité de cette loi en ce qui a trait aux tests qui sont administrés. Franchement si j'appartenais à la communauté autochtone et si je me rendais compte que ces mêmes conditions ne s'appliquent pas aux non-Autochtones, je me sentirais très insulté par ces dispositions. Il faudrait absolument que cela soit modifié.
D'autre part, les droits applicables aux armes à feu ne sont qu'une autre forme de ponction fiscale, une façon d'imposer des gens qui ont des armes à feu mais ne font rien d'autre que de se divertir. Leur passe-temps va être imposé.
En conclusion, j'aimerais souligner que ce texte législatif a eu pour conséquence de créer une autre minorité au Canada. Nous sommes nous-mêmes les victimes involontaires de la violence. À cause de la violence qui existe au Canada, les chasseurs et les autres utilisateurs d'armes à feu sont devenus les victimes d'une nouvelle loi qui ne devrait pas nous frapper.
Je vous remercie de m'avoir prêté attention.
Le président: Je vous remercie, monsieur Rodgers.
La parole est à M. Gallant.
M. Gallant: Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
M. Rodgers a déjà abordé plusieurs des points dont je me proposais de parler.
En guise d'introduction, permettez-moi de vous rappeler que l'Ontario Federation of Anglers and Hunters existe depuis 69 ans. C'est la plus ancienne et la plus importante coalition de propriétaires d'armes à feu de l'Ontario. Nous comptons 74 000 membres cotisants et 540 clubs locaux affiliés dans toute la province. Nos membres ont des armes à feu pour chasser et pour pratiquer le tir sur cibles ou encore comme objets de collection. Nous sommes de fervents adeptes des armes d'épaule pour la chasse. Nous sommes des tireurs sur cibles qui utilisent aussi bien des armes d'épaule que des armes de poing. Parmi nos adhérents figurent des collectionneurs d'armes militaires, des rechargeurs de munitions, des gens qui s'adonnent au tir au pigeon d'argile et au tir aux clays, des agriculteurs et des trappeurs.
Nous avons comparu devant le comité de la Chambre des communes et devant le comité sénatorial pour exprimer notre opposition au projet de loi C-68. Lorsque nous avons comparu devant ces comités, nous l'avons fait en tant que coalition, avec nos homologues dans tout le Canada, pour représenter plus de 500 000 membres cotisants. Nos membres sont, pour la plupart, des Canadiens ordinaires.
M. Rodgers a parlé tout à l'heure de la consultation publique. Le 4 mai, le ministère de la Justice a déposé un train de règlements très semblables à ceux dont nous discutons aujourd'hui. Miraculeusement, quatre jours plus tard, il les a retirés et a promis ceci:
- Nous avons choisi de redéposer le premier train de règlements uniquement après avoir mené des
consultations approfondies auprès des membres du groupe parlementaire et autres partenaires
intéressés.
Il n'y a pas eu de consultation. La réglementation que vous avez devant vous n'a pas fait l'objet d'un examen public ni d'une discussion populaire.
En 1986, le gouvernement fédéral a publié son premier projet de réglementation où figurait un document appelé Code du citoyen: équité en matière de réglementation. Ce code devait fixer les normes qui devaient protéger le public et énoncer un mécanisme pour réglementer les régulateurs.
Le code contient 15 articles. Nous l'avons annexé au mémoire que nous avons transmis aujourd'hui au comité. Trois de ces articles sont particulièrement pertinents.
Voici le premier:
- Les Canadiens ont le droit de s'attendre à ce que la réglementation fédérale restreigne le moins
possible les libertés individuelles tout en protégeant les intérêts communs.
- Le deuxième se lit comme suit:
- Le gouvernement encouragera et facilitera la consultation et la participation entières des
Canadiens au processus de réglementation fédéral.
- Troisièmement, l'article 11 stipule que:
- Le gouvernement veillera à ce que les avantages de la réglementation en dépassent les coûts et
accordera une attention particulière aux nouveaux règlements qui pourraient freiner la
croissance de l'économie ou la création d'emplois.
Ni la loi, ni cette réglementation ne peuvent être qualifiées d'ingérence minime; jusqu'ici, le gouvernement a radicalement ignoré toute position, recommandation ou discussion qui ne se faisait pas l'écho de ses propres projets en matière de contrôle des armes à feu; et il n'y a eu aucune analyse des avantages et désavantages de la loi, ni de ces projets de réglementation.
Même la propre étude du gouvernement, publiée en juillet 1996, intitulée Analyse statistique de l'incidence des lois de 1977 sur le contrôle des armes à feu, ne conclut pas de manière probante que les changements apportés dans le domaine du contrôle des armes à feu en 1977 et en 1991 ont eu un effet quelconque sur la criminalité. Aucune évaluation économique ne figurait en tout cas dans cette étude.
Cela dit, nous faisons les recommandations suivantes au comité dans l'espoir que les inquiétudes que nous inspirent les projets de réglementation seront prises au sérieux, et que des amendements seront apportés afin de circonscrire le grave impact négatif de cette réglementation sur nos adhérents de l'Ontario et sur les autres propriétaires d'armes à feu responsables du Canada.
Le premier règlement dont j'aimerais parler aujourd'hui est celui qui porte sur les permis d'armes à feu. Dans le règlement actuel, appelé règlement sur les autorisations d'acquisition d'armes à feu, plusieurs catégories de personnes sont autorisées à donner des références, les dernières sur la liste étant les conjoints des demandeurs. Pour ce qui est du règlement qu'étudie aujourd'hui le comité, il n'y a aucune indication, ni dans la loi, ni dans le projet de réglementation, qu'une liste semblable de références acceptables sera fournie ou prescrite, et l'on ne précise pas non plus en quoi consistera ladite liste.
Le règlement est très précis à l'alinéa 3(1)c), qui se trouve à la page 1 des exemplaires paginés. Il est explicitement interdit au conjoint du demandeur de signer une attestation à l'appui d'une demande de permis de possession et d'acquisition d'armes à feu. De la même façon, le conjoint d'un demandeur de permis d'acquisition d'arbalètes n'a pas le droit de donner de références.
On trouve toutefois au paragraphe 4(2), à la page 2, une phrase contradictoire: on autorise le contrôleur des armes à feu à délivrer un permis sans en informer le conjoint de droit ou de fait, ancien ou actuel, du demandeur, si ce conjoint de droit ou de fait a signé la demande. Il y a ici un conflit manifeste. Soit le conjoint signe la demande et donne des références, soit il ne le fait pas. Cette contradiction doit être supprimée.
Notre recommandation serait de ne pas refuser au conjoint la possibilité de fournir une attestation, et de ne proscrire personne. Tout citoyen respectueux de la loi âgé de plus de 18 ans devrait pouvoir donner des références à l'appui d'une demande de permis de possession et d'acquisition d'armes à feu ou de permis d'acquisition d'arbalètes.
J'ai fait d'autres recommandations au sujet de ce règlement, dont vous trouverez le détail dans le mémoire.
Il y a un autre amendement que la fédération aimerait que l'on apporte à ce règlement; il concerne la certification substitutive.
Le règlement, dans sa mouture actuelle, exige qu'une personne ait possédé une arme à feu sans interruption depuis 1979 pour pouvoir se prévaloir du processus de certification substitutive. Manifestement, de nombreux propriétaires d'armes à feu, qui connaissent parfaitement la loi et qui ont manifestement démontré qu'ils savaient manier les armes à feu de façon sécuritaire, n'en ont pas pourtant possédé continuellement depuis 1979. Par conséquent, il ne leur serait pas possible d'obtenir une certification substitutive reconnaissant leur compétence et leur expérience.
Nous recommandons que l'on supprime l'article 16 de ce règlement et que le Parlement reconnaisse, d'une façon ou d'une autre, que le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu n'est pas la seule formation responsable ou acceptable en matière de maniement sécuritaire des armes à feu au Canada.
En ce qui concerne le règlement sur l'entreposage, l'exposition, le transport et le maniement des armes à feu par des particuliers, la Ontario Federation appuie sans réserve les normes actuelles qui rendent obligatoire l'entreposage sous clef des armes à feu. Nous défendons depuis longtemps ce mode d'entreposage, en tout cas, depuis bien avant que la réglementation actuelle ne soit devenue officielle.
Toutefois, l'occasion nous est offerte d'améliorer ce règlement et de tenir compte du fait qu'il existe d'autres méthodes d'entreposage permettant de s'assurer que l'arme ne pourra être chargée et utilisée, à part enlever son verrou et sa glissière. Je pense notamment aux fusils à un coup ainsi qu'aux fusils à deux canons. Ces armes se démontent facilement et ne peuvent alors être chargées ni utilisées.
Nous aimerions recommander que le sous-alinéa 3(1)b)(i), à la page 16, soit amendé afin d'étendre les normes acceptables pour rendre une arme à feu inopérante, et afin d'y inclure spécifiquement la séparation du baril de la chambre du mécanisme de tir.
En ce qui a trait aux adaptations pour les peuples autochtones, je ne m'aventurerai pas à faire des commentaires détaillant les conséquences éventuelles de ce règlement pour les Autochtones canadiens, ni son opportunité, bien que nous comptions de nombreux Autochtones parmi les membres de notre fédération.
À propos de la remarque faite un peu plus tôt par M. Rodgers concernant la possibilité de faire une demande oralement ou par l'intermédiaire d'interprètes, il me semble qu'une telle dispense devrait certainement s'appliquer à n'importe quel Canadien, quelle que soit son origine ethnique.
Les articles 18 et 19 de ces projets de réglementation portent sur les permis de possession et abordent la question des armes à feu détenues en communauté et par les familles. Les collectivités autochtones du Canada ne sont certainement pas les seules où l'on utilise des armes à feu en communauté et au sein d'une famille. Les chasseurs canadiens non autochtones utilisaient des armes à feu familiales bien avant qu'il y ait une réglementation gouvernementale. La dispense qui est accordée en l'occurrence aux Autochtones, qu'elle autorise à obtenir un permis de possession, devrait s'appliquer à tous les Canadiens de ce pays.
Il y a une autre dispense qui permet aux Autochtones de prêter des armes à feu sans prêter parallèlement leur certificat d'enregistrement. Il n'existe absolument aucune raison pour laquelle un chasseur autochtone ne devrait pas avoir à céder le certificat d'enregistrement avec l'arme à feu, ni pour laquelle une telle exemption devrait s'appliquer uniquement aux chasseurs autochtones. S'il s'agit d'une dispense valable, elle devrait s'appliquer à tout le monde.
Le dernier point, au sujet du règlement d'adaptation visant les armes à feu des peuples autochtones, a trait à l'entreposage d'une arme à feu dans un lieu se trouvant dans une région sauvage. Il s'agit d'une dispense valable que nous avons toujours appuyée. Mais ici encore, pourquoi s'applique-t-elle uniquement aux chasseurs autochtones? Il y a certainement plus de chasseurs non autochtones au Canada qui utilisent des armes à feu dans des régions sauvages qu'il n'y a d'Autochtones canadiens où que ce soit.
Mais c'est une exception valable. On ne devrait pas amender ce règlement mais celui qui se rapporte à l'entreposage, l'exposition, le transport et le maniement des armes à feu par des particuliers. Cette dispense devrait effectivement s'appliquer à quiconque se trouve dans une région sauvage. Les chasseurs continueront d'entreposer leurs armes à feu de façon sécuritaire - c'est-à-dire séparément des munitions et déchargées - mais l'obligation de rendre ces armes inopérantes soit en les démontant, soit en séparant le baril de la chambre du mécanisme de tir, soit par tout autre moyen, quand on se trouve dans une région sauvage, est franchement ridicule.
En ce qui a trait aux droits applicables aux armes à feu, la fédération est d'avis que le gouvernement s'est écarté si radicalement de la procédure rationnelle et démocratique habituelle dans cette mesure législative qu'on ne peut justifier aucun des droits envisagés. Il ne faut pas oublier que lorsqu'il a été élu, le gouvernement actuel n'a pas eu pour mandat de mettre en place un système de permis de possession obligatoires ni d'exiger l'enregistrement de chaque arme à feu au Canada.
Le gouvernement est loin d'avoir réussi à justifier auprès de la population canadienne l'utilité de l'enregistrement et des permis obligatoires et il n'est pas parvenu à présenter objectivement les avantages qui pourraient en découler; il n'a, par ailleurs, pas réussi à calculer et à indiquer ce que va sans doute coûter la délivrance de permis aux utilisateurs et l'enregistrement universel des armes à feu.
Si le gouvernement est véritablement convaincu que l'enregistrement universel et la délivrance de permis obligatoire entraîneront d'importants avantages pour la société canadienne, il devrait se montrer prêt à absorber tous les coûts découlant du système de contrôle des armes à feu qu'il nous propose, sans recourir à l'imposition de droits d'utilisation aux propriétaires d'armes à feu.
Dans l'étude d'impact de la réglementation qui a également été fournie, il est noté qu'il y aura un impact significatif pour les propriétaires d'armes à feu, et qu'avec le temps, le gouvernement parviendra à récupérer les frais d'administration du système de contrôle des armes à feu grâce à la perception de droits d'utilisation. Nous craignons que le propriétaire d'armes à feu, le Canadien moyen, n'ait absolument aucun contrôle sur les frais d'administration de ce système de contrôle dont, à franchement parler, nous ne voulons pas et qui, autant que cela puisse être démontré, ne présente aucun intérêt. Les propriétaires vont finir par défrayer directement ces coûts en acquittant des droits d'utilisation.
Nous sommes convaincus que les droits minimes prévus dans ce projet de réglementation ne seront pas maintenus à ce niveau, et que leur montant sera multiplié de nombreuses fois afin de récupérer les frais d'une bureaucratie inutile, inefficace et inappropriée. Nous recommandons que les droits proposés à l'annexe I soient modifiés et fixés à leur niveau actuel - c'est-à-dire à 50 $ pour un nouveau permis d'acquisition - , et qu'aucun droit ne soit perçu dans le cas des permis de possession, de possession par des mineurs, de possession, par des non-résidants, d'armes à feu empruntées, ou d'acquisition d'arbalètes.
J'ai fait de nombreuses autres recommandations dans le mémoire, et j'incite les membres du comité à en faire la lecture.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Gallant.
La parole est à M. de Savoye.
[Français]
M. de Savoye (Portneuf): Messieurs, j'ai écouté avec attention la présentation de vos deux mémoires. Je suis en désaccord sur certains éléments, bien que je juge que certains autres sont fort pertinents. Vous me permettrez peut-être d'établir nos différences d'opinion, et nous pourrons ensuite procéder aux recommandations que vous nous faites avec la compétence que je vous reconnais.
Ce n'est pas à moi, bien sûr, de défendre un projet de loi gouvernemental, mais comme j'ai siégé au Comité permanent de la justice et des questions juridiques au moment où on a formulé le projet de loi et compte tenu de l'information que j'ai pu recueillir et des interventions que mon parti, le Bloc québécois, a faites pour protéger l'intérêt des chasseurs, je pense, avec tout le respect que je vous dois, que les chasseurs seront en mesure de s'adonner à un sport légitime pendant encore de nombreuses années, pour fort longtemps. Étant moi-même un chasseur, je reconnais que les chasseurs contribuent au maintien d'un environnement sain ainsi qu'à la conservation des espèces. Je sais que la chasse, tout comme le ski de fond, peut provoquer une expérience spirituelle, ce que je respecte.
Par ailleurs, je crois que si les automobilistes acceptent de bonne grâce de payer un permis et des frais d'immatriculation pour leur véhicule - et vous savez que ce n'est pas négligeable - , on n'insulte pas davantage l'esprit sportif du chasseur en lui demandant de payer une somme très minime pour posséder ou acquérir une arme et pour exercer le sport de la chasse ou du tir sportif.
Je ne voudrais aucunement que les sportifs de la chasse considèrent que cette loi et sa réglementation visent à les assimiler à des criminels. Je serais le premier à protester.
Cela dit, j'ai pris note du fait que vous déplorez le manque de consultation à votre endroit. Je suis d'avis que la consultation est toujours primordiale afin de s'assurer du soutien des divers groupes qui sont en cause dans des dossiers.
Vous avez soulevé dans vos mémoires un certain nombre de préoccupations et de recommandations. J'aimerais que vous nous éclairiez davantage concernant certaines recommandations sur lesquelles vous méritez d'avoir l'occasion de vous exprimer plus amplement. Par exemple, vous recommandez que les épouses ne se voient pas nier le droit d'être une référence lorsque que leur conjoint désire obtenir son permis. D'autres témoins nous ont indiqué que la réglementation proposée, qui ferait en sorte que les conjointes ne pourraient pas signer, éviterait que ces conjointes soient soumises à des pressions indues.
Vous avez une opinion différente, opposée. Ne croyez-vous pas que si les épouses pouvaient signer, elles seraient soumises dans certains cas - et est-ce qu'un cas n'est pas un cas de trop? - à des pressions indues de la part d'un conjoint qui aurait une attitude agressive? Qu'en pensez-vous, messieurs Rodgers et Gallant?
[Traduction]
M. Gallant: Je vais répondre à cette question mais avant de le faire, j'aimerais vous demander quelque chose.
Vous rejetez la position que nous avons tous les deux défendue, c'est-à-dire pour paraphraser, qu'être tenu de payer pour obtenir un permis de chasse ne constitue pas une atteinte aux droits. À propos de votre analogie concernant l'immatriculation des automobiles, j'aimerais préciser qu'en l'occurrence, le gouvernement n'accorde pas un permis d'utilisation mais un permis de possession.
Permettez-moi de vous renvoyer la balle, monsieur. Adopteriez-vous la même position si le gouvernement décidait d'exiger que vous immatriculiez votre automobile, même si vous aviez l'intention de la laisser dans votre garage pendant les 20 prochaines années? C'est ce que le gouvernement fait dans le cas des chasseurs. Il s'agit d'un permis uniquement pour...
M. de Savoye: Permettez, ce que j'ai dit c'est que je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que les chasseurs sont traités comme des criminels. Je me souviens que lorsque j'étais jeune, mon père devait acquitter une redevance en tant que propriétaire d'un poste de radio. Il y a longtemps de cela, mais vous vous en souvenez peut-être.
C'est uniquement de ce point de vue que je ne partage pas vos craintes. Mais cela ne signifie pas que je ne respecte pas votre opinion.
Pourriez-vous revenir maintenant à la question principale?
M. Gallant: Oui. En ce qui a trait aux références fournies par les conjoints, on peut craindre effectivement que des pressions indues soient exercées. Toutefois, cela est compensé par l'obligation de fournir deux attestations signées par des personnes prêtes à jurer et à attester qu'elles connaissent l'intéressé depuis au moins trois ans et qu'il n'y a aucun risque, autant qu'elles le sachent, pour la sécurité publique à ce que cette personne possède des armes à feu.
M. de Savoye: D'aucuns nous ont dit que dans certains cas une épouse risquait d'être harcelée par un mari violent qui souhaite obtenir sa signature.
M. Gallant: Comme je l'ai dit, cela peut effectivement poser un problème dans de très rares cas, mais c'est compensé par l'obligation de présenter deux attestations distinctes. En revanche, nous vivons de nos jours dans une société très mobile. Il est très difficile pour beaucoup de gens de trouver deux personnes, autres que leur conjoint, qui les connaissent depuis suffisamment longtemps.
M. de Savoye: Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur Rodgers?
M. Rodgers: J'aimerais simplement vous remercier d'avoir mentionné la contribution que les chasseurs font à l'environnement. C'est lié à ce que nous payons à nos gouvernements provinciaux pour acheter des permis et aux impôts que nous versons parce que nous pratiquons la chasse.
Je sais que rien qu'en Nouvelle-Écosse, la chasse au cerf de Virginie est une industrie de 32 millions de dollars, qui a de nombreuses retombées. C'est le genre de coût auquel les chasseurs ne s'opposent pas. Ce sont des choses dont ils se rendent compte et auxquelles ils peuvent contribuer. Mais ajouter une autre taxe ou une autre charge financière - ça, ils ne l'acceptent pas. Je vous remercie.
[Français]
M. de Savoye: À la page 6 de la version anglaise du mémoire de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, on recommande de modifier le sous-alinéa 3(1)b)(ii) afin d'y inclure la séparation du baril de la chambre du mécanisme de tir. Dans une pareille circonstance, est-il toujours possible d'engager la cartouche et de tirer?
[Traduction]
M. Gallant: Mon expérience avec ce genre d'armes à feu, c'est que lorsqu'on les démonte, on se retrouve avec les mécanismes de tir et de mise à feu dans une main et le baril et la chambre dans l'autre. Il n'y a aucun moyen de tirer une cartouche du baril sans l'autre moitié. Entreposées séparément, ce sont deux pièces inertes.
M. de Savoye: La cartouche ne peut pas être placée dans le mécanisme de tir car la chambre manque. C'est ce que vous êtes en train de nous dire.
M. Gallant: Exactement. La chambre est attachée au baril.
[Français]
M. de Savoye: Dans votre mémoire, vous dites que le Parlement devrait permettre la reconnaissance d'une manière ou d'une autre d'autres types d'entraînement à la manipulation des armes à feu que le cours qui est actuellement prévu. Je comprends le raisonnement; il y a des gens qui ont acquis une expérience et une expertise. Comment devrait-on reconnaître cette expérience et cette expertise, selon vous? On ne peut pas simplement demander à une personne: «Est-ce que vous savez...?» La personne doit être en mesure de démontrer qu'elle a acquis des connaissances. J'aimerais que vous précisiez un peu cet aspect.
[Traduction]
M. Gallant: Le règlement actuel est entré en vigueur, je pense, le 1er janvier 1994. Je n'ai pas le nom exact de ce règlement, mais il énonce en détail les critères de compétence dont tiendra compte le contrôleur des armes à feu. Foncièrement, il s'agit de connaître les principes de base du maniement sécuritaire des armes à feu, le fonctionnement de base des armes à feu communément utilisées pour la chasse et le sport, et enfin les lois et réglementations fédérales et les règlements de la province dans laquelle l'autorisation d'acquisition d'armes à feu - en l'occurrence, le permis d'armes à feu - sera délivrée en vue de l'utilisation d'armes à feu pour la chasse et à des fins sportives. La formulation est très proche de celle qui est proposée dans le règlement d'adaptation visant les Autochtones qui figure, je crois, dans la réglementation déposée en Chambre et devant ce comité.
En gros, on laissera à la province et au contrôleur des armes à feu provincial le soin d'établir des normes; actuellement, un grand nombre de provinces les ont déjà fixées. Il peut s'agir d'un test sommaire auquel est soumis le demandeur par le contrôleur des armes à feu. Il peut s'agir aussi de cours suivis dans le passé ou de cours provinciaux de sécurité destinés aux chasseurs. Il y a plusieurs possibilités à cet égard.
Le président: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier nos témoins de leurs exposés.
Ce qui me tracasse au sujet de cette loi et de la réglementation, c'est que la raison première de la loi semble être perdue de vue. C'est comme si l'on décidait de construire un bateau pour aller quelque part et que la discussion se trouve détournée de son sujet, à savoir le but ou la destination du bateau. On commence à construire le bateau, et les ingénieurs disent où ceci et cela doivent être placés, et ainsi de suite. C'est ce dont on s'occupe. On discute de la dynamique et des principes qui sous-tendent la construction du bateau, alors que la véritable question qui se pose c'est sa raison d'être et sa destination.
En l'occurrence, selon le ministère de la Justice, il s'agit de protéger la sécurité du public, de l'améliorer. L'octroi de permis aux propriétaires d'armes à feu et l'enregistrement de ces armes se soldera par une société moins dangereuse. Or, nous avons entendu aujourd'hui et hier des groupes dont les antécédents et d'autres facteurs montrent qu'ils utilisent des armes à feu d'une manière qui ne menace aucunement la sécurité de la société. Je suppose que vous diriez la même chose de votre association, que les chasseurs sont des propriétaires d'armes à feu responsables, que la sécurité est pour eux une priorité, et que par conséquent, sauf qu'il y a un accident de temps à autre, les membres de votre association ne menacent aucunement la sécurité de la société.
Donc, si l'on examine ce qui a motivé la préparation de cette loi, on s'aperçoit que ce sont les catastrophes qui ont eu lieu quand un individu a simplement perdu la tête, a décidé de se procurer une arme à feu et de s'en servir pour tirer sur les autres. C'est ce qui s'est passé à Montréal et plus récemment, en Colombie-Britannique. Quand je fais le lien entre cette mesure législative comme je l'interprète et ces situations, il me semble que la loi n'atteint pas son objectif, qui est de faire en sorte que la société soit protégée des gens qui perdent la raison ou qui deviennent fous furieux et se servent d'une arme à feu contre eux- mêmes ou pour tirer sur leur famille ou sur les gens, en général. Cette loi ne s'attaque pas à ce problème.
Or, j'ai posé la question suivante à ceux qui défendent cette loi: en quoi l'enregistrement d'une carabine ou d'un fusil de chasse réduira-t-il l'utilisation à des fins criminelles de ce type d'arme à feu? Je n'ai jamais obtenu de réponse claire. J'ai posé la question aux témoins de ce matin qui représentaient la Coalition pour le contrôle des armes, et je l'ai posée spécialement et explicitement au chef de la police de Winnipeg, Don McLean. J'ai demandé ceci: l'enregistrement de mon arme à feu et le permis qui m'autorise à en être propriétaire, ainsi que les mesures de sécurité qui consistent à conserver l'arme sous clef - tous ces règlements faits présumément pour protéger la société, à quoi serviront-ils si je perds soudainement la raison et que je prends la clef, que j'ouvre le placard, que je sors l'arme à feu, les munitions, où que tout cela puisse être rangé, dans le but d'utiliser mon arme contre moi-même, contre des membres de ma famille ou contre qui que ce soit? Je n'ai pas obtenu de réponse à cette question aujourd'hui du chef de police, et je n'ai pas obtenu de réponse de Mme Cukier, qui est également intervenue.
Je vous la pose maintenant à vous, messieurs: en quoi l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse empêchera-t- il l'utilisation criminelle de ces armes à feu?
M. Rodgers: Cela ne l'empêchera pas. C'est aussi simple que cela, Jack. Cela ne l'empêchera pas. Il y a deux problèmes: selon moi, pour ce qui est du projet de loi C-68, nous n'avons jamais laissé le projet de loi C-17 suivre son cours et devenir loi. Après un an et demi de discussions sur le projet de loi C-17, on est passé à un autre débat législatif sur le contrôle des armes à feu, sans attendre de voir si cette première législation faisait l'affaire.
Revenons en mars 1993 quand, le vérificateur général du Canada a proposé au Parlement de faire marche arrière et d'examiner toutes les mesures législatives pour voir si elles avaient véritablement un impact, comme le souhaitaient les députés, et si elles faisaient du Canada une société moins dangereuse et réduisaient la criminalité, particulièrement les crimes commis avec des armes à feu. Ce qui n'a pas été le cas. Donc, quand vous nous posez cette question... Je n'ai pas les connaissances voulues pour vous dire, à vous ou à quiconque, que le nouveau projet de loi réduira la criminalité. Je ne pense pas que ce sera le cas. Je ne vois pas comment un morceau de papier attaché à une arme à feu ou un morceau de papier porté par quelqu'un pourrait mettre fin à la violence.
M. Ramsay: Monsieur Gallant, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Gallant: On ne peut pas répondre à cette question. Je n'ai rien à ajouter.
M. Ramsay: Pensez-vous que l'enregistrement...
M. Gallant: Oh, absolument pas. D'aucune façon que ce soit. D'aucune façon que ce soit.
M. Ramsay: Voilà peut-être la raison pour laquelle je n'ai pas obtenu de réponse claire des défenseurs de cette mesure législative, y compris des témoins qui ont comparu ici ce matin.
Je crains que nous n'atteindrons pas les objectifs de sécurité sociétale et que s'il y a des conséquences négatives pour les musées et les sociétés de reconstitution historique, que nous avons entendus ce matin et qui vont disparaître à moins que la réglementation les concernant prévoie une dispense... Nous avons entendu ce matin Brinks, Loomis et autres propriétaires de véhicules blindés. Des clubs de tir, quelques fabricants canadiens d'armes à feu ont comparu devant ce comité. Nous avons entendu des guides et des chasseurs, et je suppose que nous en entendrons d'autres. Il s'agit, dans tous les cas, de secteurs où les armes à feu sont utilisées avec précaution, où cela ne menace pas la sécurité du public, et pourtant, on est en train de les réglementer. Aucun règlement n'est nécessaire pour assurer la sécurité du public, et pourtant, on est en train de les réglementer.
Ce qui me préoccupe, c'est que l'on insiste aveuglément et sans tenir compte de quoi que ce soit d'autre sur la délivrance de permis et l'enregistrement, en prétendant que cela va, d'une certaine manière, améliorer la sécurité publique.
On trouve dans le projet de loi C-17 des dispositions sur l'entreposage, comme vous l'avez dit, et la plupart des propriétaires d'armes à feu auxquels j'ai parlé y sont favorables parce que, manifestement, c'est mieux pour assurer la sécurité des enfants. Cette question n'est pas évoquée dans le projet de loi C-68 ni dans cette réglementation. Il semble qu'il existe une volonté bornée à l'origine de l'enregistrement des carabines et fusils de chasse et de la délivrance de permis aux propriétaires, alors qu'il n'y a aucune preuve que cela améliorera la sécurité publique; et pourtant, c'est ce que l'on essaie de faire croire à des millions de Canadiens.
Mon parti et ceux qui s'opposent à la loi ont été accusés de faire de la désinformation; je crois pourtant que la plus grande initiative de désinformation dans toute cette affaire vient du gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du ministère de la Justice qui tente de faire croire à la population que la société sera plus sûre et de la percer dans un sens de sécurité trompeur alors qu'aucune garantie de ce genre ne peut être donnée. C'est exactement ce qui est en train de se passer avec tous ces débats, et c'est bien malheureux.
Il n'y a pas un seul propriétaire d'armes à feu ou un seul citoyen de ce pays qui ne soit pas intéressé ou concerné par le contrôle des armes à feu et la sécurité publique. Et il y a quatre gouvernements et deux territoires représentés par des gens raisonnables et préoccupés par la sécurité publique qui s'opposent à cette loi. Trois provinces et un territoire refusent tout simplement, indépendamment de ce que cela peut signifier au niveau constitutionnel, de mettre en oeuvre les clauses de la loi relative à la délivrance de permis et à l'enregistrement. Je ne sais pas ce qui va se passer, mais c'est un précédent majeur au Canada, où l'on voit le gouvernement fédéral déposer une mesure législative et des gouvernements, dont les pouvoirs constitutionnels les obligent à appliquer la loi, déclarer simplement qu'ils ne veulent pas le faire. Malgré tout, on a suggéré qu'ils ne se soucient pas de la sécurité publique.
Cela m'énerve. Et c'est la raison pour laquelle nous abrogerions ce projet de loi. Si nous étions au pouvoir, nous l'abrogerions, car nous pensons que cette législation est mauvaise.
Nous consulterions à nouveau les gens que cela concerne et nous écouterions ce qu'ils ont à dire. Nous écouterions ceux qui utilisent des armes à feu dans tous les secteurs, comme les musées, les sociétés de reconstitution historique, les propriétaires de véhicules blindés, et ainsi de suite. Nous les écouterions pour déterminer s'ils ont besoin ou non de ces lois pour utiliser des armes à feu de façon plus sécuritaire.
Cela n'a pas été fait, bien que l'on nous ait assurés au départ que des consultations avaient eu lieu. Or, il n'y en a pas eu à propos de ce projet de loi et il n'y e a pas eu à propos de la réglementation, si l'on se fie aux témoignages que nous avons entendus. C'est triste, car s'il y avait eu consultation, je pense que nous aurions une meilleure loi.
Le président: C'est votre dernière question, monsieur Ramsay.
M. Rodgers: J'aimerais relever ce dernier point, les consultations. J'ai avec moi une lettre que j'ai écrite à l'honorable Allan Rock le 18 novembre, quelques jours avant que la réglementation ne soit déposée à la Chambre des communes. Nous nous étions aperçus que c'était ce qui allait se passer, et dans ma lettre, je demandais quand il allait y avoir une consultation publique au sujet de la réglementation, comme on nous l'avait promis. Pourtant, à ce moment-là, nous savions déjà que la réglementation allait être déposée à la Chambre des communes quelques jours plus tard.
Je doute beaucoup que je serais ici aujourd'hui pour témoigner si je n'avais pas écrit cette lettre pour demander pourquoi nous n'avions pas eu la chance de nous exprimer.
Le président: Merci, monsieur Ramsay.
La parole est à M. Kirkby.
M. Kirkby (Prince-Albert - Churchill River): Je voudrais revenir brièvement sur le cas des femmes qui risquent de faire l'objet de pressions de la part de leurs conjoints lorsque ces derniers veulent obtenir une AAAF et ont besoin de leur attestation. Vous avez dit que cela ne risquait d'arriver que rarement.
Si un homme qui demande une AAAF a menacé de tuer une personne quelconque ou son épouse avec une arme à feu et craint que cela ressorte, il fera sa demande et obtiendra la signature voulue sous la menace. Bref, la personne signe le document et plus tard, disons qu'elle souhaite porter plainte parce qu'elle a été menacée. Est-ce qu'avoir signé le formulaire ne risque pas d'empêcher l'épouse qui a fait l'objet de menaces d'obtenir gain de cause dans ses poursuites, parce qu'elle a juré que le demandeur avait les qualités requises pour posséder une arme à feu bien qu'en réalité, elle ait été menacée? Pensez-vous que cela pose un problème?
M. Gallant: Ce serait un problème si l'épouse du demandeur signait dans de telles circonstances, mais...
M. Kirkby: Alors, pourquoi les faire signer?
M. Gallant: Je ne dis pas que l'on devrait les faire signer. Mais faire en sorte que...
M. Kirkby: Pourquoi faire en sorte que ce genre de situation existe? N'importe quel chasseur connaît sûrement au moins deux personnes qui signeront sa demande, et il n'est pas nécessaire de faire intervenir les conjointes. Ne pensez-vous pas?
M. Gallant: Puis-je répondre à cela?
Dans ma vie, il y a une personne qui me connaît mieux que quiconque, mon épouse. Je trouve très inquiétant que l'on envisage des circonstances où ce ne serait pas elle qui témoignerait de ma compétence. Il est très troublant que...
M. Kirkby: Ce n'est pas votre situation qui m'inquiète, mais celle des gens qui menacent leur épouse. Pourquoi devriez-vous vous en faire?
Afin que ma femme ne puisse être l'objet de ce genre de pressions... Pourquoi cela vous gêne-t-il de chercher d'autres personnes comme témoins, s'il s'agit de protéger des épouses contre ce genre de violence et de coercition?
M. Gallant: Ce genre de coercition et de violence existe au moment où on leur met le stylo dans la main. À ce moment-là, il y a contravention de la loi. La position de notre fédération - et la mienne, personnellement - serait que la loi a été violée et que des accusations devraient être portées et des poursuites engagées. Toutes les armes à feu que possède l'individu en cause devraient être immédiatement confisquées. C'est ce que prévoit la loi actuelle et c'est ce que prévoyait la précédente.
M. Kirkby: Vous ne répondez pas à la question. Pourquoi devrait-on permettre que des épouses puissent être l'objet de menaces, ou qu'elles renoncent essentiellement en signant à la possibilité d'entreprendre ultérieurement avec succès des poursuites contre la personne qui a proféré les menaces? Pourquoi ferait-on cela?
Bon, ne vous en faites pas pour cela...
M. Rodgers: Puis-je faire une observation à ce propos? C'était la position énoncée dans le mémoire de l'Ontario Federation of Anglers and Hunters, mais cette question me pose beaucoup de problèmes. Je me demandais comment je m'y prendrais. Étant comme je suis, j'ai beaucoup de difficultés...
M. Kirkby: Je comprends cela.
M. Rodgers: C'est comme si... comment est-ce que je m'y prendrais pour cambrioler une banque?
M. Kirkby: Je comprends cela.
M. Rodgers: Je n'arrive tout simplement pas à maîtriser ce genre de questions. Si vous voulez discuter avec moi des conséquences sur la faune et de l'impact sur les chasseurs, il n'y a pas de problème. Mais je regrette, je ne pourrais pas...
M. Kirkby: Parfait. Je comprends que cela vous soit totalement étranger, mais malheureusement, dans notre société, il y a des gens qui font ce genre de chose.
Deuxièmement, vous avez indiqué, au sujet des dispositions relatives aux Autochtones, que vous étiez opposés à toute dispense ou traitement particulier qui ne s'appliquerait pas à tout le monde. Serait-ce faire fausse route que de dire que c'est un peu votre sentiment général à l'égard du projet de loi tout entier? Devrait-il y avoir des exceptions?
M. Rodgers: Mes observations ne concernaient pas les exceptions elles-mêmes et je ne remettais pas en question les adaptations visant les Autochtones. Ma crainte est que ces dispositions montent les chasseurs autochtones contre les non- Autochtones, car s'il y a des gens qui se retrouvent dans une même localité, qui appartiennent à un même groupe mais qui sont régis par des lois différentes, cela peut donner naissance à certaines jalousies. On pourrait se retrouver devant un problème.
M. Kirkby: Donc, vous dites que toute considération particulière accordée à quiconque pourrait entraîner des dissensions. Est-ce bien cela?
M. Rodgers: Oui. Et dans certains cas, si l'on accorde certains privilèges, qu'ils s'appliquent à tout le monde.
M. Kirkby: La réglementation accorde une dispense aux agriculteurs qui ont besoin d'armes à feu pour détruire les prédateurs quand c'est nécessaire. Les obligations d'entreposage sécuritaire sont modifiées, afin que les agriculteurs puissent réagir plus rapidement. Vous opposez-vous à cette exception?
M. Rodgers: En Nouvelle-Écosse, s'il y a un prédateur qui cause des problèmes sur votre propriété, même si vous n'êtes pas agriculteur, vous pouvez demander un permis au ministère des Ressources naturelles. Cette démarche vous permet de bénéficier d'une dispense et d'utiliser une arme à feu.
M. Kirkby: Ce que je dis, c'est que dans cette réglementation il y a des exceptions aux dispositions sur l'entreposage sécuritaire dans le cas des agriculteurs qui ont besoin d'armes à feu pour détruire les prédateurs. Êtes-vous en train de me dire que vous vous opposez à ces dispenses?
M. Gallant: Si vous me le permettez, monsieur le président...
Le président: Je vous en prie.
M. Gallant: ... la dispense donnée dans la réglementation pour permettre le contrôle des prédateurs se trouve actuellement dans le règlement en vigueur sur l'entreposage. Elle ne s'applique pas uniquement aux agriculteurs; elle s'applique à quiconque au Canada a besoin de contrôler des prédateurs, sous réserve de...
M. Kirkby: Je doute qu'elle s'applique aux citadins.
M. Gallant: Comme j'allais justement le dire, sous réserve des autres lois applicables, tels que les arrêtés municipaux sur la décharge d'armes à feu. Mais elle s'applique à tout le monde, pas uniquement aux producteurs de blé de l'Ouest ni aux producteurs de pommes de terre sur la côte Est, ni à n'importe quel autre groupe identifiable dans la société. Cette disposition s'applique à tout le monde.
M. Kirkby: Mais elle ne s'applique pas aux citadins. Êtes-vous en faveur de cette dispense pour les ruraux?
M. Gallant: Tout à fait.
M. Kirkby: Parfait.
M. Gallant: Elle s'applique à tout le monde.
Pourrait-on en revenir à la question des conjoints?
M. Kirkby: J'ai d'autres questions à poser et j'en ai fini avec cela.
M. Ramsay: Monsieur le président, s'il souhaite ajouter...
Le président: M. Kirkby a le droit de poser une question.
M. Ramsay: Mais monsieur veut répondre à la question.
M. Kirkby: C'est mon droit, et je vais poser ma question.
M. Ramsay: Vous avez interrompu votre interlocuteur.
Le président: Messieurs, je vous en prie.
M. Kirkby: Quand on va à la chasse, on s'inscrit en achetant un permis. On prend sa voiture, qui est immatriculée, pour aller à l'aéroport prendre un avion, qui est immatriculé, et qui est piloté par un pilote qui détient un permis, et qui nous emmène jusqu'à un pourvoyeur, dûment enregistré. Nous prenons un guide inscrit qui nous fait traverser le lac dans un bateau immatriculé. Je me demande pourquoi diable, alors que l'enregistrement sous une forme ou une autre est une pratique commune, on réagit si mal à l'enregistrement d'une arme à feu alors que pratiquement tous les autres aspects d'une partie de chasse font l'objet d'une forme d'enregistrement quelconque.
M. Rodgers: Précisément pour la raison qui fait nous sommes contre le projet de loi C-68 au départ: parce que nous savons que l'enregistrement aboutira éventuellement à la confiscation de nos armes à feu. Cela s'est déjà vu. Les armes de poing sont enregistrées depuis quelque 60 ans au Canada. À partir du 1er janvier 1994, 52 p. 100 d'entre elles sont devenues illégales alors qu'elles étaient en possession d'un titulaire légitime. On ne voit pas pourquoi il n'en irait pas de même éventuellement pour les armes d'épaule.
M. Gallant: Je voudrais ajouter quelque chose. Pour ce qui est de l'argument voulant que tout, dans notre milieu, soit enregistré, c'est peut-être votre expérience de chasseur, mais ce n'est pas la mienne et ce n'est pas non plus celle d'un grand nombre d'autres chasseurs. Je pense que l'on devrait examiner attentivement les raisons qui motivent l'immatriculation des bateaux et des automobiles ainsi que l'enregistrement des guides et voir si ces enregistrements ont quelque effet bénéfique que ce soit pour la société canadienne.
M. Kirkby: Pour poursuivre la discussion concernant les objectifs de l'enregistrement, vous avez dit qu'il n'y en avait pas. Je présume que vous êtes en faveur de l'enregistrement quand un tribunal émet une ordonnance d'interdiction. Plusieurs milliers d'ordonnances d'interdiction sont émises chaque année. Pouvez-vous me dire exactement comment on peut exécuter une ordonnance d'interdiction quand il n'est pas possible de prouver, au-delà d'un doute raisonnable, qu'une personne est propriétaire d'armes à feu qui peuvent être ou non en sa possession? Comment peut-on faire respecter des ordonnances d'interdiction sans enregistrement? Comment pouvez-vous dire à ce type qui a six armes à feu - «Vous n'avez pas le droit de les avoir; nous les voulons»? Comment la police s'y prend-elle pour exécuter une telle ordonnance s'il n'y a pas d'enregistrement?
M. Gallant: Vous partez de l'hypothèse générale qu'une personne qui, à un moment donné dans l'avenir, fera l'objet d'une ordonnance d'interdiction enregistre toutes ses armes à feu. Si vous examinez attentivement les statistiques, vous constaterez que les gens qui font l'objet d'ordonnances d'interdiction ne sont pas membres de nos fédérations; et d'ailleurs, probablement, dans de nombreux cas les ordonnances d'interdiction sont justifiées et j'y suis favorable. Toutefois...
M. Kirkby: Comment les faites-vous respecter?
M. Gallant: ... l'exécution d'une ordonnance d'interdiction restera exactement comme elle l'est actuellement. La police devra se rendre sur place et procéder à une fouille. Je crois que vous auriez du mal à trouver un agent de police qui serait prêt à témoigner qu'il a une confiance aveugle dans un tel système d'enregistrement. Il continuera d'y avoir des fouilles, des perquisitions et des saisies à la suite de ces ordonnances d'interdiction. Il y en a maintenant et cela va continuer.
M. Kirkby: Qu'est-ce qui empêche un individu...
Le président: Il ne nous reste plus de temps, monsieur Kirkby. Je m'excuse aussi auprès de nos témoins. Le temps passe.
Je voudrais remercier M. Gallant et M. Rodgers d'avoir pris le temps de comparaître devant nous cet après-midi.
Je sais que votre temps est précieux, mais vos exposés ont été très utiles. Je vous remercie.
Nous allons maintenant faire une pause de cinq minutes avant d'accueillir notre prochain témoin.
Le président: Nous reprenons maintenant les audiences du Sous- comité sur les projets de réglementation sur les armes à feu. Nous sommes heureux d'accueillir deux personnes très compétentes, puisqu'il s'agit de contrôleurs des armes à feu. M. Hank Mathias est contrôleur des armes à feu, section des programmes de sécurité, ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique. M. Eric Goodwin est contrôleur des armes à feu, ministère des Affaires communautaires et du Procureur général, Île-du-Prince-Édouard.
Messieurs, bienvenus. Merci d'être des nôtres cet après-midi. Je vous demanderais de faire vos exposés, à la suite de quoi nous aimerions vous poser des questions.
Qui aimerait commencer? Monsieur Mathias, s'il vous plaît.
M. Hank Mathias (contrôleur des armes à feu, section des programmes de sécurité, ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique): Merci, monsieur le président.
Je m'excuse de ne pas avoir de mémoire écrit à transmettre au comité, mais j'aimerais faire quelques observations générales, puis soulever quelques problèmes. Eric Goodwin fera la même chose.
Nous sommes ici à titre de représentants des contrôleurs des armes à feu du Canada, et non de nos provinces respectives. Notre exposé sera bref, mais nous serons évidemment heureux de répondre à toute question que les membres du comité souhaiteraient nous poser.
Étant donné que nous avons déjà comparu une fois et que l'on s'est demandé qui nous étions et quel rôle nous jouions dans cette affaire, j'aimerais simplement noter que nous sommes les fonctionnaires chargés, dans chaque province et territoire, de mettre en oeuvre et d'administrer les programmes de contrôle des armes à feu dans les provinces, en vertu de la Loi canadienne sur les armes à feu ou du Code criminel.
Pour ce qui est des antécédents des contrôleurs des armes à feu qui oeuvrent à travers le pays, beaucoup sont issus du milieu policier et certains sont d'anciens gestionnaires de la fonction publique. Nous sommes chargés par nos procureurs généraux respectifs, nos ministres de la Justice et nos gouvernements - par l'intermédiaire des ministres responsables - de gérer la mise en oeuvre et la bonne exécution du programme de contrôle des armes à feu.
Dans ce contexte, nos activités sont dictées par deux impératifs majeurs: la nécessité d'assurer aussi largement que possible la sécurité publique au sein des juridictions que nous représentons; offrir aux utilisateurs d'armes à feu un programme de contrôle des armes à feu aussi intelligible, efficace et économique que possible. Nous ne prenons pas partie - ce serait inapproprié de la part de fonctionnaires - lorsqu'une question soulève la controverse. On pourrait dire qu'il existe, dans le cas qui nous occupe, des intérêts contradictoires. Il est évident que certaines questions doivent être réglées par les parties en cause, et c'est là où nous entrons en scène pour tenter de conseiller nos gouvernements.
Nous avons eu la possibilité de faire la revue des exposés et des questions posées par les membres du comité. Le thème que nous avons pu dégager de cette discussion ou de ce débat est que - si l'on fait abstraction un court instant notre opinion favorable ou défavorable au projet de loi C-68 ou au chapitre 39 et aux règlements afférents - nous avons besoin avant tout d'instaurer plus de normes nationales pour l'application de la Loi sur le contrôle des armes à feu.
Pour vous donner ce qui, je pense, est un bon exemple, prenons les modalités qui s'appliquent aux transporteurs désignés qui assurent le mouvement des armes à feu. Selon moi, c'est parce que les contrôleurs des armes à feu ont collaboré pour mettre en place une série de politiques et d'accords conjoints qu'il est beaucoup plus facile aujourd'hui pour les entreprises qui s'intéressent à cette activité de fonctionner; elles n'ont plus à respecter une douzaine de politiques et de régimes réglementaires différents.
Donc, en ce qui a trait au chapitre 39, à la Loi sur les armes à feu et aux règlements afférents - quelle que soit la façon dont ils seront énoncés - les contrôleurs des armes à feu se sont fermement engagés à recenser, dans la mesure du possible, les domaines où il est possible d'avoir des normes nationales et à faire en sorte qu'elles soient appliquées. Il n'est pas vraiment de l'intérêt de qui que ce soit qu'il y ait des normes disparates, et nous espérons pouvoir circonscrire cette diversité lorsqu'elle n'est pas indispensable.
Si vous le permettez, j'ai deux ou trois observations de plus à faire.
Les contrôleurs des armes à feu ont été consultés, en quelque sorte, avant l'élaboration de la dernière ébauche des règlements que vous examinez. Je dirais que certaines de nos recommandations ont été suivies, mais d'autres pas. Ce sont ces dernières que nous allons essayer de faire valoir devant vous en espérant nous faire mieux comprendre.
Sans vouloir moraliser, on peut dire que ces règlements affecteront de très nombreux Canadiens - qu'ils possèdent ou non des armes à feu - ainsi que des entreprises. Je pense que ce que vous faites pour vous assurer qu'ils sont adéquats, si vous voulez - c'est-à-dire qu'il y ait l'équilibre voulu entre la sécurité publique et le respect des intérêts des utilisateurs légitimes d'armes à feu - est d'une importance critique et, de bien des façons, c'est ce qui inspire notre travail et les conseils que nous donnons; au ministre de la Justice ou au Procureur général de notre province, ou au gouvernement fédéral.
Nous aimerions commenter quatre aspects des dispositions contenues dans la réglementation. Il s'agit de modalités régissant l'octroi des permis, de la notification des conjoints, des règlements s'appliquant aux entreprises, et des droits. J'aimerais commencer par les droits et soulever une question que je n'ai entendu personne relever ou examiner.
Bien des réserves qui ont été formulées à propos des droits concernant le fait que l'on va demander aux gens de payer des services que, peut-être, ils ne devraient pas financer. Or, permettez-moi de vous dire que si cette loi n'avait jamais été élaborée, les provinces auraient averti le gouvernement fédéral que les arrangements financiers actuels relatifs au programme de contrôle des armes à feu dont la gestion et l'exécution - notamment le processus d'enregistrement - exigent le concours coûteux des forces policières ne sont pas adéquats et devraient être repensés. De fait, nous serions dans l'obligation de signaler au gouvernement canadien que ce programme entraîne des coûts, lesquels ne sont pas indemnisés, et que nous ne sommes plus à une époque où nous pouvons continuer à fonctionner ainsi.
Alors, à ceux qui disent qu'auparavant il n'y avait pas de droits, et que maintenant on en impose, on pourrait répondre que ça n'aurait pas duré. Il est sûr que les provinces n'auraient pas continué ainsi, et qu'elles auraient cherché, comme nous le faisons aujourd'hui, à mettre en place de nouvelles modalités financières pour couvrir leurs frais. Nous ne pourrions tout simplement pas nous permettre d'exécuter ces programmes autrement.
Le président: Monsieur Goodwin.
M. Eric Goodwin (contrôleur des armes à feu, ministère des Affaires communautaires et du Procureur général de l'Île-du-Prince-Édouard): J'aimerais faire une remarque à propos des droits. Dans le texte, on fixe un droit pour le remplacement d'un permis, d'une autorisation ou d'un document délivrés en vertu des règlements. Ce droit est de 25 $. Il peut y avoir des cas où, à titre d'administrateurs provinciaux de la législation, nous pourrions avoir des difficultés à défendre le bien-fondé de cette mesure car certains des droits perçus à l'origine pour délivrer un permis - j'ai à l'esprit, notamment, les permis délivrés aux mineurs - sont fixés à moins de 25 $. Si vous envisagez modifier quoique ce soit dans le règlement concernant les droits, nous vous recommandons de corriger cette disposition inéquitable. Si le droit s'appliquant au remplacement d'un document quelconque était fixé soit à 25 $, soit au montant perçu au départ s'il est moins élevé, il serait peut-être un peu plus facile de défendre cette disposition.
M. Mathias: Une autre question se pose. En règle générale nous n'empiétons pas sur ce qui fait partie des prérogatives d'un autre gouvernement; nous estimons toutefois que les frais encourus pour traverser la frontière, le droit de 50 $, doivent être relevés. Essentiellement, en vertu des dispositions actuelles, on veut faire proroger une autorisation sans qu'il n'en coûte rien. Si je comprends bien, pour 50 $, on obtient une autorisation valable 60 jours et, si l'on avise le contrôleur des armes à feu, l'autorisation sera prorogée pendant 60 autres jours; après quoi on recommence.
Permettez-nous de vous faire remarquer, à vous et à vos collègues du fédéral, qu'il peut être fondé d'imposer un droit pour proroger un permis au-delà de 120 jours, mais pas un droit de 50 $, étant donné que le travail requis pour recueillir les informations nécessaires, les classer et les utiliser comme il se doit est déjà fait. Nous essayons d'ailleurs de mettre actuellement en place un processus informatique qui ne s'appliquera peut-être pas à tous les cas, mais à la plupart. On pourrait, par conséquent, imposer un droit moins élevé aux prorogations subséquentes, car les informations ont déjà été recueillies et sont disponibles.
J'aimerais en venir à la notification des conjoints. Permettez-moi de souligner, tout d'abord, que les contrôleurs des armes à feu sont en faveur des dispositions de la réglementation se rapportent à la notification des conjoints. L'idée d'informer les gens susceptibles d'être les plus affectés par l'acquisition d'une arme à feu est au coeur de la sécurité publique - de mon point de vue, et de l'avis de mes collègues.
Toutefois, l'énoncé actuel de l'article 4 du règlement sur les permis d'armes à feu soulève deux questions importantes pour nous qui représentons l'autorité chargée, par la loi, d'assurer que ces dispositions ont l'effet voulu. Le mot «conjoint» n'est pas, pour commencer, précisément défini. Cela entraîne deux difficultés.
Certains pourraient dire que si, il existe une définition de «conjoint», mais qu'on ne la trouve pas ici. Si la définition est bien celle dont on nous a parlé, on a effectivement essayé de nous en informer et c'est peut-être simplement que nous n'avons pas très bien compris. Mais à l'heure actuelle, on ne nous a fourni aucune définition à propos de laquelle nous avons pu dire oui, nous pourrons l'appliquer lorsque nous serons appelés à exécuter la loi et la réglementation.
Selon moi, cette absence de définition entraîne deux difficultés. La personne qui fait une demande de permis peut ne pas savoir qui inclure dans sa demande; et le contrôleur des armes à feu peut avoir beaucoup de mal à déterminer si l'information fournie par le demandeur est complète, et qui devrait être avisé.
Cela dit, nous sommes en faveur de la notification du conjoint. Concrètement, la situation que nous évoquons est celle où quelqu'un ne comprend pas ce que recouvre la notion de conjoint de droit ou de fait. Présumément, cette personne appliquera la législation provinciale, sans réaliser qu'il existe peut-être une définition au niveau fédéral qui n'est toutefois pas incluse dans la réglementation. On pourrait alors, sans le vouloir, omettre le nom d'une personne qui aurait dû être inclus, et ainsi faire une fausse déclaration sans pour autant avoir l'intention de tromper.
S'il n'est pas précisé ce qu'il faut entendre par conjoint de droit ou de fait, il devient très difficile d'appliquer le règlement, aussi vigilant que l'on puisse être. J'habite la Colombie-Britannique où l'on contrôle sans doute aujourd'hui les armes à feu aussi sévèrement qu'il est possible de le faire, à cause de la tragédie de Vernon. Si, par conséquent, l'on mettait en doute notre volonté d'appliquer le règlement à la lettre, on pourrait le faire, mais nous n'accepterons pas cela. Nous ne savons pas qui nous devons rechercher dans les cas où nous sommes appelés à faire ce genre de recherche; et il faut que nous le sachions. Sinon...
Présumons que nous le sachions. Présumons la question de savoir «qui» est en cause soit résolue. Si l'on se fie à l'énoncé du règlement, il semble que l'on n'a fixé aucune limite à la responsabilité et à l'obligation du contrôleur des armes à feu, à titre d'agent de l'État, d'aviser les personnes citées comme conjoints. De notre point de vue, il est déraisonnable d'imposer au gouvernement chargé d'exécuter la loi une obligation aussi peu limitative.
Nous sommes, en résumé, favorables au principe voulant que les conjoints soient avisés, mais le fait que l'on ne définisse pas ce que l'on entend par conjoint, et qu'il n'y ait apparemment aucune limite aux responsabilités qui nous incomberont lorsque ce règlement sera en vigueur nous pose des problèmes.
On parle beaucoup des dispositions de la Loi sur les armes à feu concernant la délivrance de permis et de certificats d'enregistrement. Nous avons deux ou trois observations à faire à ce sujet. Premièrement, il existe déjà au Canada un système d'enregistrement partiel pour les armes longues. Si vous achetez une arme chez un distributeur autorisé, cet achat est enregistré. Il y a une trace. La transaction figure dans un registre. C'est un système dépassé. Cela ne sert pas à grand chose, sauf à nous qui vérifions ces livres et qui tentons de déterminer où se trouvent les armes, à qui elles ont été vendues et si toutes les conditions qui s'appliquent ont été respectées. Donc, même si l'on n'avait pas élaboré la nouvelle loi, je crois que les provinces auraient fait savoir au gouvernement fédéral que le système en place avait besoin d'être actualisé.
J'éprouve quelques difficultés à comprendre pourquoi on est tenu de nos jours, d'enregistrer la vente d'une arme à feu par un distributeur, alors que cela n'est pas jugé nécessaire si je vends mon arme à feu à Eric Goodwin. Dans ce cas, rien n'exige que la transaction soit enregistrée. Cela ne semble pas normal; c'est pourtant la situation dans laquelle on se retrouve aujourd'hui.
À la lecture de certaines dispositions sur la délivrance de permis, les gens ont craint que ces exigences signifient que l'État va commencer - un des précédents témoins a parlé, je crois, de confiscation - à s'ingérer - du moins dans le cas de ceux qui utilisent des armes à feu - dans ce qui est essentiellement une activité sportive. Au nom des contrôleurs des armes à feu, je tiens à dire qu'il faut faire preuve de vigilance sur ce point et ne pas croire aveuglément les bureaucrates en complet veston qui nous assurent que tout va très bien se passer.
Cependant, pour ce qui est des erreurs dont pourraient être victimes les gens qui détiennent un permis, si M. Goodwin ou moi ou un de nos collègues révoquions un permis d'armes à feu pour quelque raison que ce soit, notre décision ferait, je pense, l'objet d'un examen minutieux, lequel aurait été considéré inouï il y a 25 ans. En appeler aux tribunaux est certainement possible. Dans ma province, ma décision sera examinée par un protecteur du citoyen, ou par un des membres du Bureau de l'accès à l'information. Et si l'on soupçonne qu'il y a conflit d'intérêts, le Comité sur les conflits d'intérêts s'y intéressera. Essentiellement, ce processus n'existait pas il y a 25 ans.
Nous sommes également assujettis au droit administratif, et nous ne pouvons tout simplement pas appliquer la loi ni prendre de décision par caprice, ni par esprit de vengeance. C'est impensable. Les tribunaux nous rappellent à l'ordre si nous avons sommes coupables de tels événements.
Voilà les observations que nous tenions à faire. J'espère que le comité les aura trouvées dignes d'intérêt. Merci.
Le président: Je vous remercie.
[Français]
Monsieur de Savoye.
M. de Savoye: Je vais revenir sur une de vos affirmations, monsieur Mathias, au sujet de la notification de la conjointe. Vous avez soulevé une question intéressante, ce qui ne veut pas dire que le reste n'est pas également intéressant. Vous avez mis le doigt sur le fait qu'il n'y a pas de définition. Bien sûr, on connaît la définition que donne la Loi de l'impôt sur le revenu, mais ce n'est pas toujours évident. Il ne s'agit pas seulement de demeurer avec quelqu'un, mais aussi de subvenir à ses besoins.
Il y a la question des conjoints de même sexe, des conjoints de fait et aussi des amis de coeur. On sait qu'en matière de violence faite aux femmes, des amies de coeur qui n'étaient pas des conjointes au sens de la loi ont reçu des menaces et ont été victimes de personnes qui ont utilisé une arme à feu. Je pense que vous avez mis le doigt sur un élément important. Compte tenu de votre expertise, quelle définition suggéreriez-vous? Quelle définition vous semblerait répondre aux objectifs de la loi?
[Traduction]
M. Mathias: Ma spécialité n'est pas la rédaction de textes législatifs.
Voici la question que nous souhaitons voir résolue: qui voulez-vous que cette expression désigne de façon que cela soit bien clair pour la personne qui fait la demande? La question n'est pas de savoir s'il s'agit d'un conjoint du même sexe ou si la relation avec la personne visée n'a duré que trois mois sans qu'il y ait eu cohabitation. Qui voulez-vous inclure dans la définition, et qui doit bénéficier de la protection? Selon nous, telle que la disposition est énoncée actuellement, pratiquement tout le monde pourrait être inclus. Mais il est également vrai que le demandeur pourrait omettre de mentionner le nom de pratiquement tout le monde. De notre point de vue, il n'est pas raisonnable de placer le demandeur dans une telle position.
Je pense que l'on pourrait décrire de façon plus précise les personnes visées par cette disposition. L'énoncé s'en trouvera peut-être un peu allongé, mais au moins, il sera clair. Si je me fiais à l'énoncé dans sa mouture actuelle, je pourrais - mais je ne le ferai pas, certainement pas en Colombie-Britannique après ce qui s'est passé à Vernon - dire qu'en Colombie-Britannique, on entend par «conjoint» une personne avec qui on a vécu pendant deux ans, ou encore la personne avec laquelle vous vous êtes marié. Par conséquent, je m'intéresserais aux personnes avec qui vous avez vécu pendant deux ans, et à celles avec qui vous avez été marié.
Tel n'est pas l'objet de cette disposition. Il est beaucoup moins restreint. En dépit de l'importance que mon gouvernement attache à cette disposition, je dois, lorsque les autorités me demandent conseil, leur dire à quoi l'on s'expose à cause de cet énoncé.
Si un demandeur a entretenu une relation avec quelqu'un il y a un an et demi, rien n'exigerait qu'en Colombie-Britannique on fasse une vérification auprès de cette personne - alors qu'il se pourrait fort bien que ce soit la relation qui nous intéresse.
Je m'excuse de ne pas pouvoir dire précisément ce que devrait être la définition; il s'agit tout simplement de l'énoncer de façon à ce que l'on sache clairement de qui l'on parle.
[Français]
M. de Savoye: Votre réponse donne des balises intéressantes à notre sous-comité et sans doute également à nos interlocuteurs du ministère de la Justice.
Messieurs Goodwin et Mathias, vous êtes sur le terrain tandis que le législateur est devant une feuille de papier et un crayon. Les fonctionnaires du ministère de la Justice peuvent imaginer des situations et tenter de régler des façons de faire par voie de réglementation, mais en bout de course, c'est vous qui devrez administrer au quotidien la loi et la réglementation. Je ne pouvais pas m'empêcher durant nos audiences de constater le nombre d'activités que vous aurez à assumer. Vous devrez recevoir des demandes, les évaluer, confirmer qu'elles sont adéquates, émettre des permis, percevoir de l'argent, bref, vous aurez beaucoup de travail. Vous devrez même recevoir des avis de personnes qui croient que des armes à feu devraient être retirées.
Vous devrez donc, en tant que contrôleur des armes à feu ou par l'entremise de personnel préposé, prendre des décisions. Il y aura beaucoup de travail. Avez-vous actuellement les ressources nécessaires pour assurer l'administration correcte de la loi et de sa réglementation et croyez-vous que vous les aurez au fur et à mesure que les années passeront et que le projet de loi prendra son plein effet?
[Traduction]
M. Mathias: Eh bien! si l'on en croit le gouvernement fédéral... en deux mots, il s'agit de la mise en oeuvre du programme. Les provinces vont devoir s'entendre avec le gouvernement du Canada pour recouvrer les coûts. Le Canada s'y est engagé; il a également promis de fournir les fonds nécessaires pour assurer la transition de façon à ce que nous puissions nous préparer à passer de l'exécution des dispositions actuelles à la mise en oeuvre de la loi.
Nous considérons, Eric et moi, être en mesure de le faire. Mais, permettez-moi d'ajouter que nous poursuivons également deux autres objectifs: Premièrement, maintenir, à un niveau aussi bas que possible, les coûts de mise en oeuvre et de gestion. Nous ne voyons quel avantage il y aurait à enfler les coûts.
Deuxièmement - ce qui s'intègre d'ailleurs, je suppose, au premier objectif - nous voulons essayer de réduire de façon substantielle le recours à la police. Et je pense que nous le pouvons - pas nécessairement au Québec, je l'admets, parce que c'est la SQ qui gère le programme, mais c'est possible dans ma province et dans celle d'Eric. Je pense que nous pouvons gérer ce programme sans faire autant appel à la police dont le temps coûte très cher.
Nous espérons certainement nous décharger de nos responsabilités de la façon la plus efficace possible. Nous irons puiser aussi peu que possible dans les poches des propriétaires d'armes à feu et des contribuables et, parallèlement, nous chercherons, pour fournir les services à la population, à faire appel à ceux qui peuvent le faire de la façon la plus efficace. Nous pensons que nous sommes capables de faire mieux qu'actuellement.
M. de Savoye: Plusieurs témoins ont déclaré craindre que les demandes en souffrance s'accumulent et que les services requis ne pourront être rendus à temps pour certaines manifestations.
Qu'avez-vous à dire à ce propos? Pensez-vous qu'il y ait un risque que vous ne puissiez pas faire face à la charge de travail, ou s'agit-il d'une crainte non fondée?
M. Mathias: Ma responsabilité et celle des mes collègues est d'assurer que, dans nos juridictions respectives, lorsque nous prévenons notre ministre de tutelle que le temps est venu de faire la transition, les dispositions nécessaires ont été prises pour que le programme puisse être mis en oeuvre. Telle est notre responsabilité.
Je pense cependant que derrière les craintes exprimées, ce soit la question de l'application de la loi qui est en cause. On craint que les gens ne puissent enregistrer leurs armes ou obtenir le permis, et ainsi de suite. Manifestement, si les dispositions nécessaires n'ont pas été prises, nous n'allons pas faire appliquer des dispositions que les gens ne peuvent tout simplement pas respecter. Donc, si ce que les gens craignent, c'est que nous ne soyons pas prêts, nous pouvons régler le problème.
M. Goodwin: Monsieur de Savoye, il faut qu'un certain nombre de mécanismes aient été mis en place pour que le programme puisse être appliqué efficacement, et pour que les retards ne s'accumulent pas. À l'heure actuelle, plusieurs initiatives ont été prises en parallèle. La province se prépare à la transition: on forme les policiers; on forme les préposés aux armes à feu; on met en place le système informatique; dans certains cas, on embauche du personnel et - probablement l'élément le plus important - on élabore un plan de communication afin d'informer efficacement le public ainsi que les propriétaires et les utilisateurs d'armes à feu des nouvelles exigences. Si tout est terminé en même temps, et si nous sommes prêts bien avant les dates fixées pour l'entrée en vigueur des dispositions législatives - c'est-à-dire le 1er janvier 2001 et 2003 - avec des ressources suffisantes, il ne devrait pas y avoir d'accumulation de demandes. Les craintes viennent du précédent ontarien. Les circonstances dans cette province étaient certainement indépendantes de la volonté des responsables; d'après ce que j'ai entendu dire, la situation a été admirablement bien maîtrisée. On ne peut pas nier, cependant, qu'il y ait eu un problème; et que cela ce soit traduit pour le public par beaucoup de frustration.
Mais si je n'ai pas besoin d'un permis d'armes à feu pour en posséder avant le 1er janvier 2001, et si je peux déposer une demande dès l'année 1998 et que je veuille uniquement un permis de possession, je n'ai pas vraiment à m'inquiéter avant l'an 2000.
[Français]
M. de Savoye: Monsieur Goodwin, monsieur Mathias, merci.
[Traduction]
Le président: Avant de passer la parole à M. Ramsay, je voudrais parler d'un autre aspect de cette définition de «conjoint». Il me semble que lorsque l'on parle de conjoint de fait ou de conjoint du même sexe, il y a une autre question qui se pose. Je souhaite simplement avoir votre opinion à propos de la situation suivante: un demandeur vit actuellement avec quelqu'un qui peut ne pas être la personne la plus menacée. Cette personne est peut-être celle à qui il verse une pension alimentaire, qui a la garde des enfants. C'est peut-être le conjoint dont il est divorcé, ou la personne avec laquelle il vivait avant d'avoir deux ou trois autres nouveaux partenaires. Je me demande si nous devons nous intéresser à cela; et si vous recommandez que nous fassions aussi quelque chose à cet égard.
M. Goodwin: Monsieur le président, vous avez tout à fait raison. On nous a dit qu'au sein de certaines communautés de ce pays, sur la période de deux ans mentionnée dans la réglementation, il y en a qui peuvent avoir plusieurs anciens conjoints. Ce qui nous inquiète, c'est qu'en l'absence d'une définition claire et précise, ou d'une référence à une définition dans une autre loi, ou établie par la jurisprudence provinciale ou fédérale, nous courrons le risque de ne pas appliquer des normes uniformes et de ne pas évaluer tous les cas de la même façon d'une juridiction à l'autre. Nous courrons le risque de voir, dans un avenir plus ou moins proche, la Cour suprême décider quelles normes nous aurions dû appliquer. Nous nous attendons à ce que la population respecte la loi; et la population s'attend à ce que la loi soit appliquée. Toutefois, si nous voulons véritablement respecter cette exigence - ce qui, à nos yeux, est de la plus haute importance - alors, il faut trouver en arriver à une définition claire afin que nous puissions nous acquitter de l'obligation d'aviser les personnes appropriées.
Je partage le point de vue exprimé par Hank. Je suis désolé de ne pas avoir de solution, mais c'est certainement un point que nous - et d'autres qui sont plus sages que nous - devraient considérer avec plus d'attention, et dont nous devrions discuter plus avant.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Mathias.
M. Mathias: Permettez-moi de mentionner brièvement, monsieur le président, que nous en avons déjà discuté. Ce n'est pas nécessairement la personne avec qui vous entretenez actuellement des relations qui est visée. Ce peut fort bien être celle avec laquelle vous viviez précédemment qui est dans les circonstances évoquées - si l'on songe à tout ce qu'implique un divorce: les batailles pour obtenir la garde des enfants et ce genre de chose.
Si le système canadien d'enregistrement des armes à feu qui s'applique à la fois aux certificats d'enregistrement et aux permis, est conçu comme nous l'avons suggéré et comme cela a été proposé, et si quelqu'un fait l'objet d'une accusation ou d'une condamnation au criminel, un rapport est transmis à la police et il est enregistré dans ce que l'on appelle les fichiers locaux - ou en ce qui concerne la GRC, le SRRJ. Ces informations seront automatiquement captées par le système d'enregistrement des armes à feu.
En Colombie-Britannique, dans le cadre du système en place, nous sommes tenus de consulter le registre des ordonnances de protection où sont consignés tous les engagements de ne pas troubler l'ordre de public, ainsi que les ordonnances de protection. Le nouveau système sera également relié à ce registre.
Si nous relevons un indice quelconque dans ces sources d'information qui, à l'heure actuelle, ne sont pas nécessairement reliées, nous pourrons faire enquête. Ou, lorsqu'une demande est formulée, nous pouvons dire d'arrêter la procédure parce qu'il faut examiner la situation de plus près. Il s'agit donc d'un mécanisme auquel nous ne pouvons pas avoir recours aujourd'hui mais dont nous disposerons à l'avenir. Cela, nous permettra d'aller un peu plus loin que la personne avec laquelle vous cohabitez actuellement.
Le président: Merci, monsieur Mathias.
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui car j'estime que leur témoignage est très important.
Monsieur Mathias, vous avez indiqué que vous représentiez les contrôleurs des armes à feu du Canada. Est-ce que vous représentez les contrôleurs des armes à feu des provinces qui remettent en question la constitutionnalité du projet de loi? Représentez-vous également le territoire et les provinces - il y en a au moins trois - qui ont déclaré ne pas vouloir administrer les dispositions du projet de loi portant sur la délivrance de certificats d'enregistrement et de permis d'armes à feu?
M. Mathias: C'est une bonne question. Je représente les contrôleurs des armes à feu dont les gouvernements continuent de participer à ce programme.
M. Ramsay: Quelles sont les provinces qui n'y participent pas? Quels sont les contrôleurs des armes à feu qui restent en marge?
M. Mathias: L'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest.
M. Ramsay: Par conséquent, vous ne les représentez pas ici aujourd'hui.
M. Mathias: Non.
M. Ramsay: Et l'Ontario?
M. Mathias: Autant que je sache, l'Ontario remet en question les dispositions de la Loi sur les armes à feu qui ont trait à l'enregistrement; pas celles qui portent sur la délivrance de permis. Je crois que c'est la position adoptée par cette province. Est-ce bien cela? Eric?
M. Goodwin: C'est aussi mon interprétation.
M. Mathias: Donc, en l'occurrence, nous pouvons dire que nous exprimons les opinions professionnelles du contrôleur des armes à feu de l'Ontario sur les dispositions dont il est autorisé de s'occuper par son gouvernement.
M. Ramsay: Très bien.
J'aimerais aborder un des sujets qui nous préoccupent, à savoir la question des coûts. Dans la mesure où les dispositions que vous êtes tenus de prendre pour délivrer une AAAF - c'est-à- dire les vérifications que vous devez faire - correspondent aux règles générales énoncées à l'article 5 de la loi, pouvez-vous me dire ce qu'il en coûtera, en moyenne, pour délivrer une AAAF en Colombie-Britannique?
M. Mathias: Non, parce que nous n'avons pas estimé ces coûts. C'est en partie parce que la Loi sur les armes à feu était en cours d'élaboration en 1995, et en partie parce qu'il ne semblait pas particulièrement judicieux d'investir dans ce genre de recherche à ce moment-là.
M. Ramsay: Savez-vous combien cela coûte, en moyenne, pour délivrer une AAAF dans votre province?
M. Mathias: Non, je ne le sais pas.
M. Ramsay: Serait-il difficile d'obtenir ce renseignement?
M. Mathias: Cela prendrait du temps, et des ressources; et je ne suis pas sûr que j'en saurais beaucoup plus si j'avais ce renseignement. Si je peux me permettre de vous le faire remarquer, le coût moyen correspondrait aux dispositions minimales et maximales qui peuvent être prises - ce qui ne permet pas nécessairement d'évaluer ce que vous voulez faire. C'est simplement un moyen d'évaluer ce qui est fait. Je ne pense pas avoir prétendu, et je ne le ferais pas, que nous faisons nécessairement ce que nous pouvons ou ce que nous devrions faire dans le cadre des dispositions qui s'appliquent actuellement.
M. Ramsay: Pouvez-vous me dire à combien revient, au total, la délivrance d'AAAF?
M. Mathias: Les dépenses du Bureau du contrôleur des armes à feu de la Colombie-Britannique s'élèvent aujourd'hui à environ 465 000 $.
M. Ramsay: Est-ce que cela est uniquement attribuable aux AAAF?
M. Mathias: Oh, non! c'est pour...
M. Ramsay: Ce que je vous demande, c'est de nous dire si vous pouvez fournir au comité... Si vous ne pouvez pas donner au comité une estimation des coûts liés à la délivrance des AAAF, alors, pouvez-vous nous dire combien d'AAAF sont délivrés au cours d'une année quelconque - par exemple, celle pour laquelle vous avez des statistiques les plus récentes - et quel est le coût total, non de l'ensemble de vos activités, mais de celles qui sont liées à la délivrance d'AAAF?
M. Mathias: Je n'ai pas apporté ces renseignements parce que je ne m'exprime pas ici au nom de la Colombie-Britannique, mais je serais heureux de transmettre cette information au comité dès mon retour, si cela vous convient.
M. Ramsay: Vous venez de Colombie-Britannique?
M. Mathias: Oui.
M. Ramsay: Dans ce cas, ce sont les coûts en Colombie-Britannique que vous connaîtrez le mieux.
M. Mathias: Oui.
M. Ramsay: Très bien, bien entendu, l'objet de ce... La Commission de police du Grand Toronto a fait ce genre d'évaluation pour l'année 1994, et elle a estimé le coût d'une AAAF à environ 180 $. Êtes-vous au courant de ces...?
M. Mathias: Oui, je suis au courant.
M. Ramsay: Avez-vous fait une comparaison entre le coût d'une AAAF dans votre province et celui qui a été établi par la Commission de police du Grand Toronto?
M. Mathias: Non. Encore une fois, un coût moyen... J'ai vu des cas où le coût dépassait nettement 185 $. Certaines des initiatives que nous devons prendre entraînent des coûts beaucoup plus élevés. En revanche, il y a des cas où le coût se résume à celui de deux ou trois appels téléphoniques, et à une confirmation des renseignements que nous avons obtenus de cette façon. C'est tout.
M. Ramsay: Mais pour avoir le coût moyen, il suffit de diviser le coût total par le nombre de demandes. Vous avez alors le coût moyen.
M. Mathias: Non.
M. Ramsay: Ce n'est pas cela le coût moyen? Alors, qu'est-ce que c'est?
M. Mathias: Ce que vous cherchez à déterminer, c'est le coût. Vous allez donc demander à chaque service de police chargé de délivrer des AAAF quels sont les frais encourus à cette fin; et dans chaque cas, vous établirez le coût. Ensuite, vous allez diviser cette somme par le nombre d'AAAF délivrées, pour avoir une moyenne. En prenant tous ces chiffres en compte, vous arriverez à la moyenne provinciale. Il ne me semble pas que ce soit un bon investissement, mais c'est à quoi vous arriverez.
D'ailleurs, les données que vous allez accumuler de cette façon ne vont pas non plus vous aider à déterminer ce que vous voulez faire. Faites-vous plus ou moins que le nécessaire; ou est- ce que vous vous situez dans la bonne moyenne?
M. Ramsay: Ce n'est pas ce qui est nécessaire ou non qui m'intéresse. Je veux simplement savoir quels sont les frais encourus pour que nous puissions avoir une idée de ce que va coûter la délivrance de permis à 2 ou 3 millions de propriétaires d'armes à feu dans ce pays. Si nous savons approximativement à combien revient en moyenne la délivrance d'une AAAF dans votre province et dans tout le reste du pays, alors, nous pouvons nous faire une idée de ce qu'il en coûte pour délivrer des permis aux propriétaires d'armes à feu dont on évalue le nombre entre 3 et 6 millions. Comprenez-vous?
M. Mathias: Je n'ai aucun mal à comprendre.
M. Ramsay: Je vous demande donc si vous pouvez dire au comité quels sont les frais encourus à cette fin par votre province. Si vous n'aimez pas le mot «moyen», pourriez-vous transmettre au comité des statistiques récentes que vous possédez indiquant le nombre d'AAAF qui ont été délivrées ainsi que le coût que cela représente?
M. Mathias: Je pourrais rassembler ces données, mais ce ne serait pas facile. Ce ne sont pas des informations dont on peut disposer immédiatement. Il faudrait que je demande la permission de mon gouvernement pour procéder ainsi. Loin de moi l'idée de contrecarrer la volonté du comité, mais je me demande toutefois si nous voulons vraiment entreprendre ce genre de projet? Je peux vous donner le coût du programme relatif aux armes à feu, qui sont des coûts directs que nous connaissons ainsi que le nombre des AAAF qui sont délivrées en Colombie-Britannique.
M. Ramsay: Avez-vous une idée de ce que cela va vous coûter de délivrer des permis aux propriétaires d'armes longues de votre province? Avez-vous une évaluation de ces coûts?
M. Mathias: Non, mais nous avons examiné ce que nous faisons à l'heure actuelle et nous avons cherché les moyens de réduire nos frais - ou au moins de les maintenir à leur niveau d'aujourd'hui. Voilà ce que nous avons fait. Donc, si tous les éléments qui ont été regroupés, si le modèle qui a été élaboré, fonctionne - et je pense qu'il le fera - je suis convaincu que le coût, par personne, sera en moyenne moins élevé qu'il ne l'est aujourd'hui.
M. Ramsay: Vous vous occupez uniquement des gens qui demandent une AAAF...
M. Mathias: À l'heure actuelle?
M. Ramsay: Oui.
M. Mathias: Nous ne nous occupons pas des gens qui enregistrent une arme à feu et qui, actuellement, n'ont rien à payer.
M. Ramsay: Mais lorsque ce projet de loi entrera en vigueur, tous les propriétaires d'armes à feu devront obtenir un permis. Savez-vous combien il y a de propriétaires d'armes longues dans votre province?
M. Mathias: D'après nos estimations, ils sont environ 350 000.
M. Ramsay: En vous fondant sur votre modèle, pouvez-vous dire à combien reviendra l'enregistrement des armes de ces propriétaires? Combien de propriétaires devront obtenir un permis?
M. Mathias: Je m'excuse, ce sera environ 350 000 propriétaires.
Non, je n'ai pas fait les calculs auxquels vous faites allusion. Cela fait partie des modalités de transition qui vont être examinées dans le cadre des discussions et des négociations avec le gouvernement fédéral.
M. Ramsay: Cela en fait partie, je suppose. Mais comment pouvez-vous négocier le coût d'un programme si vous n'avez aucune idée de ce qu'en sera le coût?
M. Mathias: Comme je vous l'ai fait remarquer, il y a une période de transition et, entre autres initiatives que l'on prévoit prendre à ce moment-là, on évaluera à l'aide de la technologie informatique les activités actuelles, ainsi que la conception et la prestation des services relatifs aux armes à feu en Colombie- Britannique - ou encore, dans l'Île-du-Prince-Édouard, cela n'a pas d'importance. Ensuite, nous évaluerons ce qu'il en coûtera d'utiliser les modèles que nous avons proposés, ainsi que la technologie; puis nous ferons le total de tous ces coûts.
M. Ramsay: Donc, vous ne pouvez pas donner au comité une idée de ce qu'il vous en coûtera pour délivrer un permis?
M. Mathias: Je ne crois pas, de toute façon, que pour moi, les choses seraient aussi simples que cela. En effet, pour conseiller le gouvernement que je représente, je souhaiterais établir le coût actuel du processus d'autorisation dans le cadre duquel aucun droit n'est exigé; j'ajouterais cela aux frais encourus pour délivrer des permis et je me demanderais, alors, quel est le coût total du programme? Mais je pense que M. Goodwin est dans la même posture que moi; comme d'ailleurs tous les contrôleurs des armes à feu de ce pays dont les gouvernements participent encore au programme. Nous avons besoin d'argent pour effectuer cette évaluation. Nous sommes tenus d'informer nos gouvernements provinciaux ou territoriaux des coûts que cela représente dans les limites du raisonnable...
M. Ramsay: Vous ne l'avez pas encore fait?
M. Mathias: Non.
Le président: Madame Whelan.
Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci, monsieur le président.
La première question que je voulais vous poser se rapporte à votre déclaration préliminaire, monsieur Mathias. Vous avez mentionné qu'à votre avis, il fallait établir des normes nationales et s'engager à les appliquer. Aujourd'hui, l'Association des musées canadiens a témoigné devant nous - je ne sais pas si vous étiez présent ou non.
M. Mathias: Non, malheureusement, je n'étais pas là.
Mme Whelan: Peut-être n'avez-vous pas encore lu leur mémoire, mais je présume que vous le ferez éventuellement. Une des choses qui les préoccupent au plus haut c'est que tous les musées du Canada vont devoir sans cesse s'adresser au contrôleur des armes à feu pour bénéficier de dispenses, à cause du genre d'expositions qu'ils présentent.
Ils ont cité l'exemple d'une exposition qui coûte des milliers de dollars. On y voit des gens dans une pièce. C'est la reconstitution d'une scène qui se passe en temps de guerre et, étant donné la façon dont les armes à feu sont placées, il serait impossible de les enchaîner - cela ne cadrerait pas bien du tout avec la scène que l'on cherche à reconstituer. Par conséquent, ils devront demander une dispense.
Par ailleurs, étant des musées, ils gardent les armes à feu qu'ils acquièrent. Personne ne s'en sert. Elles ne sont jamais chargées. S'il y avait d'autres moyens de les exposer et de s'assurer qu'il n'y a aucun risque, quelle que soit la façon dont elles sont présentées...
Les musées semblent penser qu'ils vont être sans cesse obligés de demander des dispenses. Ils ne savent pas si, dans telle ou telle province, le contrôleur des armes à feu sera disposé à accorder ces dispenses, et ils craignent que l'on n'autorise pas ou que l'on n'interdise pas la même chose partout au Canada.
Avez-vous pu discuter entre vous de la façon dont vous allez traiter les musées?
M. Mathias: Nous en avons discuté assez longuement. Au départ - pour revenir à ce que disait M. Ramsay - nous avons parlé des coûts. Bien des musées fonctionnent à très petite échelle. Ce sont des organismes bénévoles. Ils ont demandé - et je crois que cela semble possible dans certaines provinces - que nous les dispensions du paiement des droits requis pour obtenir un permis.
À ce que je sache, il y a dans la plupart des provinces un vérificateur d'armes à feu, ou l'équivalent. Une de ses fonctions est de définir, avec les musées, comment ils peuvent respecter la loi, de leur apprendre quelles sont les questions qui se posent et de voir comment nous pouvons au mieux collaborer avec eux.
Il y aura des variantes. Il ne sera pas possible d'appliquer des normes nationales dans tous les cas. Si vous me demandez, toutefois, si nous allons prendre en compte de tels besoins, la réponse est oui. Si M. Goodwin trouve une solution pour que l'exposition dont vous parlez puisse avoir lieu - je pense qu'il s'agit d'un diorama dans le cadre duquel on expose des armes à feu, et ce genre de chose - nous allons adopter cette solution car les problèmes de sécurité qui se posent chez lui sont les mêmes que ceux que je dois résoudre là où j'habite. Nous ferons la même chose que lui.
Nous travaillons donc maintenant en étroite collaboration avec nos musées. Ici encore, pour être juste, monsieur Ramsay, les contrôleurs des armes à feu qui continuent de participer à ce programme considèrent qu'aider les musées à respecter la loi fait partie de leurs responsabilités. Il va falloir apporter quelques changements. Certaines des dispositions que prennent les musées sont dangereuses. Il va falloir que nous collaborions avec eux pour supprimer les risques.
Mme Whelan: Un des arguments avancés aujourd'hui par les musées c'est qu'ils sont convaincus que ce qu'ils font actuellement n'est pas dangereux. Je ne vais pas remettre cela en question, mais je vous serais reconnaissante de bien vouloir jeter un coup d'oeil à ce mémoire...
M. Mathias: Avec plaisir.
Mme Whelan: ... et même de nous transmettre des recommandations au nom des contrôleurs des armes à feu.
L'autre question que j'aimerais vous poser porte sur la définition de conjoint. Vous avez, en quelque sorte, ouvert la boîte de pandore; en effet, je constate qu'il y a un autre article où l'on parle de violence familiale ou de mauvais traitements, et je me demande jusqu'où nous devons aller en l'occurrence. Croyez- vous qu'il y ait un problème? Je présume que nous devrions définir de la même façon les personnes qui sont visées.
M. Mathias: À certains égards il va falloir qu'il y ait une certaine uniformité en ce domaine, car c'est probablement la même situation qui est en cause. Dans bien des cas, il s'agit simplement de la façon de la décrire qui varie. Je sais que des gens se sont inquiétés devant le comité de l'imprécision des dispositions concernant la violence familiale. Certains craignent que nous agissions précipitamment, et que nous nous ingérions dans la vie des gens dans des cas où il y aurait eu une discussion qui aurait pu être jugée plus grave qu'elle ne l'était, ce qui pourrait aboutir entre autres à ce que quelqu'un perde son permis, à ce que les armes soient confisquées.
Eric, dites-moi si je trompe, mais voici comment nous envisageons la question de la violence familiale: si on nous a signalé un problème, si quelqu'un a attiré notre attention là- dessus, il faut que nous tâchions d'en savoir plus. Et malheureusement, à un moment ou à un autre, quelqu'un va évaluer le degré de gravité de la situation.
Cependant, je ne peux pas, par exemple, lancer le processus après avoir reçu un appel téléphonique de quelqu'un qui prétend qu'Eric est ivre et fait des bêtises. Il en faut plus; j'ai besoin d'en savoir plus. Nous devons trouver le juste milieu - c'est une expression que j'ai utilisée déjà deux ou trois fois - entre attendre d'avoir un rapport de police officiel comportant des accusations pour faire quoi que ce soit, et faire immédiatement intervenir la police après avoir entendu une remarque dans l'autobus en rentrant chez nous.
Je pense que, légalement, nous avons la responsabilité de trouver ce juste milieu. Nous avons probablement discuté de ces questions aussi longuement que vous et avec autant de passion. Je ne vais pas vous dire qu'il existe des solutions toutes faites, mais je pense que les craintes de ceux qui imaginent que le moindre soupçon de violence familiale va entraîner une action en justice ne sont pas justifiées. Il y a tout simplement trop de garde-fous. En toute franchise, je n'ai pas les ressources requises pour faire ce genre d'intervention - et le gouvernement non plus - sauf quand c'est nécessaire, si bien que lorsque nous intervenons, il faut que notre décision soit dûment documentée.
Eric, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Goodwin: Je comprends que vous soyez préoccupé par le fait qu'on laisse dans le vague ce que doit faire un contrôleur des armes à feu lorsqu'il apprend que quelqu'un a commis un acte de violence familiale. Mais je dresse un parallèle avec les dispositions que l'on trouve actuellement dans le Code criminel, et qui autorisent un policier à faire émettre une ordonnance d'interdiction à l'endroit d'un particulier qui peut posséder ou vouloir acquérir des armes à feu.
À l'heure actuelle, on trouve dans le Code une disposition - qui d'ailleurs est là depuis un certain nombre d'années - en vertu de laquelle un policier qui a des raisons de croire qu'un propriétaire d'armes à feu (ou une autre personne) peut courir un danger à cause de son comportement violent ou parce qu'il a proféré des menaces, même s'il ne peut se procurer de mandat de perquisition, peut - même aujourd'hui - pénétrer sans mandat chez le particulier en question et confisquer les armes à feu. Il faut renvoyer l'affaire devant les tribunaux; et à ce moment-là, la personne dont on a confisqué les armes à feu a la possibilité de se défendre. Il y a donc un filet de sécurité.
L'énoncé de la disposition des règlements évoque une situation semblable, sauf que maintenant, c'est à nous d'agir lorsque nous avons des raisons de croire que quelqu'un est impliqué dans ce genre d'incident. Mais il faudra procéder aux mêmes vérifications. D'ailleurs, le plus souvent, on nous confie le contrôle des armes à feu à l'échelle provinciale parce que nous nous occupons également de délivrer d'autres types de permis. La plupart d'entre nous émettent de nombreuses autres autorisations en plus de celles qui ont trait aux armes à feu. On nous a confié cette tâche, j'imagine, parce que nous avons accumulé beaucoup d'expériences et une grande compétence en ce domaine. Aucun d'entre nous ne souhaite se retrouver en cour et faire l'objet d'un examen judiciaire pour avoir révoqué un permis sans justification.
M. Mathias: Si vous le permettez, j'ai quelque chose à ajouter. La Colombie-Britannique a été parmi les intervenants ayant le plus fait pression pour que l'on inclue dans la réglementation des dispositions sur la violence familiale. Généralement, le raisonnement - c'est certainement le mien, à titre de contrôleur des armes à feu - était le suivant: il s'agit du genre d'intervention à laquelle on s'attend de la part de la police. Quand les policiers se rendent compte de quelque chose, ils prennent les mesures nécessaires; d'ailleurs, c'est la politique de l'État de poursuivre quand une victime n'est pas disposée à poursuivre elle-même.
Ainsi, les contrôleurs des armes à feu ont eux aussi l'obligation d'agir lorsqu'ils se rendent compte de quelque chose. Selon moi, tout se tient et, de ce point de vue, il n'est pas raisonnable que la police ait cette obligation et que nous ne l'ayons pas.
Mme Whelan: Vous avez brièvement abordé le sujet des entreprises. Hier, nous avons reçu des témoins qui représentaient le secteur du transport par véhicule blindé; des gens de Brinks et de Loomis, ainsi que de plusieurs autres entreprises. Si l'on examine les règlements qui s'appliquent aux entreprises, il semble qu'elles ne suivent pas ceux que doivent respecter les particuliers.
Les témoins ont fait plusieurs suggestions que je n'ai pas encore eu la possibilité d'analyser ni de transmettre à des spécialistes pour avis. Avez-vous jeté un coup d'oeil là-dessus, et pensez-vous avoir un problème quelconque à appliquer les dispositions qui concernent les entreprises?
M. Mathias: À certains égards, la barre est plus élevée pour les entreprises. Je sais que dans l'industrie qui utilise des véhicules blindés, les gens s'inquiètent beaucoup des obligations auxquelles ils vont être soumis, notamment pour ce qui concerne la formation obligatoire. La formation obligatoire qui est proposée, et je vous dirais que...
Mme Whelan: De toute façon dans votre province on fait des choses un peu différemment. Je crois comprendre qu'il y a déjà un cours de deux semaines, ou quelque chose du genre qui est obligatoire.
M. Mathias: En Colombie-Britannique, avant d'être embauché, il faut avoir suivi un cours de deux semaines. Par ailleurs, les personnes qui ont déjà un emploi de garde à bord de véhicules blindés doivent suivre un cours d'une semaine.
Même si l'on a prétendu le contraire, nous avons largement consulté les entreprises qui utilisent des véhicules blindés avant de mettre ces cours sur pied. Elles ont été parties prenantes au processus. Nous ne les avons pas consultées pour savoir s'il devait y avoir un cours, mais nous avons sollicité leur avis sur son contenu. De fait, j'ai engagé, à un autre titre, des négociations avec ces entreprises pour voir dans quelles conditions elles pourraient dispenser elles-mêmes ces cours. Au départ, on ne le leur a pas permis de le faire en Colombie-Britannique parce qu'à notre avis, elles n'avaient pas jusque là offert à leur personnel une formation adéquate dans des domaines d'intérêt public.
Donc, ce que vous voyez ici, c'est quelque chose que je ne pense pas... Il est certain que dans l'industrie où l'on utilise des véhicules blindés, ce qui compte, ce n'est pas nécessairement le cours de deux semaines qui coûte 900 $. Il s'inscrit dans une stratégie destinée à préparer les gens à occuper certains emplois, entre autres choses. Mais en Colombie-Britannique, où j'habite, ces gens-là sont à peu près les seuls à porter une arme de poing, à part la police et les préposés à la conservation. S'ils bénéficient de cette autorisation de port d'armes dans le cadre de leurs activités professionnelles, il va falloir qu'ils respectent certaines normes.
Je m'étends un peu trop sur le sujet, mais en Colombie- Britannique nous en sommes venus là après qu'un garde ait abattu un homme - cet homme l'avait attaqué - en lui tirant dans le dos alors qu'il s'échappait. Le garde a été déclaré non coupable d'homicide involontaire, mais personne - ni les entreprises, ni les syndicats impliqués dans l'affaire - n'a nié qu'il y avait quelque chose qui n'allait vraiment pas puisque le garde en question ne savait pas comment réagir. Donc, ce que l'on a mis en place en Colombie-Britannique a pour but d'enseigner à ces employés ce qu'ils doivent faire.
Au niveau national - comme vous le voyez, ils portent différentes casquettes - un certain nombre de mes collègues contrôleurs des armes à feu s'occupent également de délivrer les permis aux gardes et aux entreprises qui utilisent des véhicules blindés. Nous avons dit qu'il devrait y avoir une norme nationale et je ne pense pas ce serait se montrer déraisonnable. Par ailleurs, si cette norme était établie, elle devrait être transférable. Elle entrerait dans le cadre des accords commerciaux interprovinciaux de façon à ce qu'un gars de l'Île-du-Prince- Édouard - dont la formation correspond à cette norme - puisse aller travailler demain en Colombie-Britannique. À l'heure actuelle, c'est impossible, monsieur.
Le président: Monsieur Goodwin, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Goodwin: Non, rien de particulier, monsieur le président.
Mme Whelan: Merci.
Le président: Je vous remercie, madame Whelan. La parole est maintenant à M. de Savoye.
M. de Savoye: Non merci. Je n'ai pas d'autres questions à poser.
Le président: Monsieur Kirkby? Monsieur Ramsay?
M. Ramsay: Ce qui m'intéressait, monsieur le président...
Le président: Vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: Je n'ai pas besoin de cinq minutes. Je m'intéressais aux finances. Apparemment, nous ne pouvons pas obtenir l'information requise.
M. Mathias a indiqué que les arrangements financiers n'étaient pas adéquats mais, d'après les réponses qu'il a données aux questions que j'ai posées, il semble qu'il soit dans l'impossibilité de nous donner une idée de ce que coûte la délivrance d'AAAF dans sa propre province. Il semble que ce soit pour lui un trop gros travail de faire les recherches pour donner cette information au comité. Par conséquent, je demande que l'on communique avec le contrôleur des armes à feu de l'Ontario pour voir s'il peut comparaître parce que dans une ville ontarienne au moins, les services de police ont analysé les coûts de délivrance des AAAF en 1994. J'aimerais avoir cette information. Je pense qu'elle est utile au comité.
C'est tout. Merci.
Le président: Merci, monsieur Ramsay.
Madame Whelan, y a-t-il autre chose?
Mme Whelan: Non, monsieur le président.
Le président: Merci messieurs. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de témoigner devant nous cet après-midi. Cela a été très utile.
Comme l'a dit M. Ramsay, monsieur Mathias, ou monsieur Goodwin, si vous pouvez trouver des informations ayant trait aux coûts des AAAF, nous serions heureux de les avoir, mais comme vous l'avez dit, c'est difficile à déterminer.
Oui, monsieur Goodwin.
M. Goodwin: Monsieur le président, je voulais ajouter que je comprends parfaitement que M. Ramsay souhaite avoir des informations sur les coûts car c'est une question qui préoccupe la population, comme elle nous préoccupe nous-mêmes ainsi que les gouvernements à tous les niveaux. Toutefois, si la Colombie- Britannique était en mesure d'isoler les frais attribuables à la délivrance des AAAF et de cerner le coût de chaque autorisation, et si vous preniez cette information et que vous l'appliquiez au processus de délivrance de permis d'acquisition et de possession en vertu du projet de loi C-68, vous pourriez en tirer des conclusions tout à fait erronées.
Les mécanismes de délivrance des permis en vertu du projet de loi C-68 sont complètement à l'opposé de ceux que nous utilisons aujourd'hui. Le système actuel est très décentralisé, à forte proportion de main-d'oeuvre, et il exige l'intervention des forces de police - pour tout dire, il est inefficace. Dans le projet de loi C-68, on prévoit une structure axée sur des systèmes centralisés, d'une autre technicité, et permettant de traiter avec la clientèle par courrier, et ne requérant qu'un minimum d'intervention des forces de police. Il est très difficile de dire, en s'appuyant sur les données qui ont cours à l'heure actuelle, combien le système prévu dans le projet C-68 va coûter.
Voilà ce que je voulais ajouter, à toutes fins utiles.
Le président: Monsieur Goodwin, je suis d'accord avec vous. Nous ne voulons pas obtenir des informations juste pour la forme. À moins que la personne qui nous les transmet soit sûre que cela correspond bien à ce que nous demandons, nous préférons ne pas l'avoir, parce que cela ne ferait que nous induire en erreur. Nous comprenons qu'il ne soit pas possible de tout faire. Nous vous remercions de nous avoir éclairés sur ce point.
Merci.
M. Goodwin: Je vous en prie.
Le président: Nous allons maintenant suspendre la séance pendant dix minutes pendant que l'on fait les préparatifs pour entendre les derniers témoins que nous accueillons cet après-midi.
Le président: La séance reprend avec nos témoins: Mary Sillett, présidente par intérim, Inuit Tapirisat du Canada; Martha Flaherty, présidente de...
Mme Martha Flaherty (présidente, Pauktuutit (Association des femmes inuit du Canada)): Pauktuutit, l'Association des femmes inuit.
Le président: Oui, merci beaucoup.
Nous attendons Mary Nashook. Elle va nous parler d'Iqaluit, je crois, quand la liaison aura été établie.
Madame Creig, vous êtes...?
Mme Martha Creig (vice-présidente, Pauktuutit (Association des femmes inuit du Canada)): Je suis la vice-présidente de Pauktuutit.
Le président: Merci.
Wendy Moss est la conseillère juridique des deux groupes.
Mme Wendy Moss (conseillère, Inuit Tapirisat du Canada et Pauktuutit (Association des femmes inuit du Canada)): Consultante auprès des deux groupes.
Le président: Exact. Merci.
Je pense que nous allons commencer même si nous attendons encore la communication pour la téléconférence avec Iqaluit. Nous allons commencer et elle nous rejoindra. Je vais vous demander de faire vos exposés, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité, si vous le permettez.
Madame Sillett.
Mme Mary Sillett (présidente intérimaire, Inuit Tapirisat du Canada): Merci, monsieur le président. Je voudrais souligner qu'il y a deux organismes distincts ici aujourd'hui.
L'Inuit Tapirisat du Canada est la voix de 41 000 Inuit qui habitent dans six régions arctiques et sous-arctiques du Canada: le Labrador; le Nunavik, qui est le nord du Québec; et le Kitikmeot, le Kivalliq, le Qikiqtaaluk, et l'Arctique de l'Ouest, tous situés dans les Territoires du Nord-Ouest. Le territoire inuit est divisé en quatre régimes légaux différents en vertu des trois grands accords sur les revendications territoriales - la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Convention définitive des Inuvialuit, et la Convention définitive du Nunavut - à quoi s'ajoute la revendication territoriale des Inuit du Labrador toujours en suspens. L'existence de ces trois accords territoriaux et des droits et titres ancestraux non éteints au Labrador revêt une grande importance pour l'analyse de la position des Inuit vis-à-vis la législation fédérale relative aux armes à feu. Nous y reviendrons plus tard dans le cadre de notre présentation.
Pour bien comprendre l'importance que revêtent pour les Inuit la Loi sur les armes à feu et sa réglementation, le sous-comité et le comité permanent doivent commencer par reconnaître que nous nous définissons en tant que peuple de chasseurs et que la chasse est l'essence de notre culture. Nous sommes un peuple qui dépend des ressources animales de la terre et de la mer pour se nourrir, faire du commerce, et exister sur le plan culturel et spirituel. En tant que peuple distinct ayant droit à l'autodétermination, nous devons pouvoir trouver nos propres moyens de subsistance et déterminer nos moyens de développement économique, social, culturel et politique. Le droit - ancestral ou issu de traités - des peuples autochtones qui est en jeu est le droit des Inuit de chasser, de pêcher et de trapper sans que l'on restreigne indûment notre accès - et leur utilisation moderne et coutumière - aux outils essentiels de l'exercice de ces droits, à savoir les armes à feu.
La jurisprudence reconnaît clairement le droit d'utiliser les armes à feu en tant qu'attribut nécessaire du droit de chasse - ancestral ou issu des traités - des peuples autochtones. Le droit de posséder et d'utiliser des armes à feu est aussi explicitement reconnu dans les traités inuit, c'est-à-dire les accords sur les revendications territoriales. Toute proposition restreignant l'utilisation des outils qui nous sont nécessaires en tant que chasseurs ou qui modifierait notre relation avec ces outils est très préoccupante pour nous.
La vie quotidienne des Inuit du Grand Nord est très différente de celle des citadins ou des ruraux du Sud. Pour cette raison, une loi d'application générale imposant un système unifié de réglementation, de délits et d'exécution ne s'avérera pas dans notre meilleur intérêt. Une loi qui ne reconnaît pas positivement les droits - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones en les enchâssant dans son système de réglementation n'atteindra pas ses objectifs et va à l'encontre de ces droits. L'engagement politique et les obligations légales du gouvernement fédéral concernant les droits - ancestraux ou issus de traités - des Autochtones n'ont pas été satisfaits.
Le président: Je m'excuse de vous interrompre. Nous avons maintenant la communication avec Iqaluit, et je voulais souhaiter la bienvenue à Mme Mary Nashook.
Nous entendez-vous?
Mme Mary Nashook (secrétaire-trésorière, Pauktuutit (Association des femmes inuit du Canada)): Oui, je vous entends. Bonjour.
Le président: Bonjour. Nous allons écouter les déclarations des deux intervenants qui se trouvent ici à Ottawa et ensuite, nous vous demanderons de faire votre présentation, avant de passer aux questions des membres du sous-comité.
Mme Nashook: Une partie de notre présentation sera faite par Martha Flaherty et Martha Creig.
Mme Sillett: L'obligation du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux droits - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones et à leurs pratiques ancestrales n'ont pas été pris en compte dans les projets de réglementation ni dans la loi. On s'en rend compte si l'on commence par examiner l'utilité de la clause non dérogatoire, c'est-à-dire le paragraphe 2(3) de la loi qui stipule:
Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte aux droits - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones du Canada visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Le gouvernement fédéral considère que la clause non dérogatoire, c'est-à-dire le paragraphe 2(3) de la loi, exprime que l'intention du Parlement est de respecter dans la nouvelle loi la protection constitutionnelle des droits - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones du Canada. Cependant, ni la loi ni la réglementation ne contiennent de dispenses ou d'adaptations explicitement liées aux droits ancestraux ou issus de traités, en dépit des demandes explicites et répétées formulées par les Inuit tout au long du processus de préparation de la loi et de la réglementation. Les dispenses législatives et réglementaires visant les personnes qui vivent de la chasse et du piégeage et les prétendues «adaptations» du règlement visant les Autochtones ne coïncident pas nécessairement avec la portée des droits ancestraux ou issus de traités des Inuit ni avec nos pratiques modernes ou ancestrales en matière d'armes à feu.
Là où la loi ne tient pas compte directement des accommodements nécessaires découlant des droits ancestraux ou issus de traités ou du mode de vie des Inuit, on aurait dû les intégrer au règlement visant les Autochtones et à la politique d'application fédérale. Cela n'a pas été fait. Par conséquent, l'objectif ou le prétendu objectif de la clause non dérogatoire ne sera probablement pas atteint au niveau de l'application dans la collectivité. Au contraire, les Inuit ne pourront invoquer la clause non dérogatoire qu'après avoir été accusés d'un délit en vertu de la loi.
Comme le savent les membres du comité, il y a une autre disposition de la Loi sur les armes à feu qui s'applique explicitement aux peuples autochtones; c'est le paragraphe u) de l'article 117 de la loi, qui autorise l'élaboration d'un règlement particulier s'appliquant explicitement aux peuples autochtones en soulignant que le cabinet fédéral peut, par règlement:
prévoir selon quelles modalités et dans quelle mesure telles dispositions de la présente loi ou de ses règlements s'appliquent à tout peuple autochtone du Canada et adapter ces dispositions à cette application.
Tout au long du processus législatif, à chaque fois que l'ITC a mentionné la nécessité d'apporter certains amendements ou d'inclure des dispenses statutaires, on nous a dit que ça n'était pas nécessaire car le gouvernement était sûr que toutes les réserves des Inuit pourraient être prises en compte dans le cadre du règlement visant les Autochtones. L'ITC avait des doutes à ce sujet, sachant que la réglementation doit s'aligner sur la loi- cadre et par conséquent, ne peut changer les dispositions fondamentales de la législation. Néanmoins, c'est le gouvernement qui a fixé lui-même cette exigence.
Commençons par examiner la façon dont le règlement visant les peuples autochtones du Canada définit son champ d'application. En vertu de l'article 1 du Règlement d'adaptation visant les armes à feu des peuples autochtones du Canada, le mot «Autochtone» correspond, en gros, aux catégories de gens mentionnées au paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Toutefois, l'article 3 du règlement visant les peuples autochtones énonce les critères clés qui déterminent à qui s'applique la réglementation visant explicitement les Autochtones. À l'alinéa c), il définit l'Autochtone à qui la réglementation s'applique comme, entre autres, une personne qui «pratique la chasse ancestrale selon les traditions de sa collectivité autochtone».
Il pourrait s'agir d'une catégorie plus étroite de gens que celle qui regroupe les détenteurs des droits issus de traités protégés par la constitution en vertu des accords sur les revendications territoriales des Inuit. Chacun des trois accords sur les revendications territoriales inuit définit les bénéficiaires; c'est-à-dire, qui sont les ayants droit inuit aux fins de ces accords? Aucun des accords sur les revendications territoriales des Inuit ne restreint la catégorie des bénéficiaires ou des ayants droit des traités aux particuliers pratiquant la chasse ancestrale. Autrement dit, les droits de chasse des Inuit ne sont pas définis uniquement par référence aux pratiques traditionnelles, ni dans la mesure où cette expression s'applique aux activités liées à une période historique arbitraire telle que la période «pré-européenne».
C'est une approche évolutionniste de la protection des droits des Autochtones, y compris de nos droits économiques et de subsistance, qui reflète le droit de tous les peuples à l'autodétermination. Par exemple, l'article 24.3.14 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois stipule que le droit d'exploitation des Inuit inclut le recours à des méthodes d'exploitation modernes et traditionnelles.
On ignore l'étendue de la signification de l'expression «pratique de la chasse ancestrale» qui est utilisée d'un bout à l'autre du règlement visant les Autochtones, par exemple aux articles 1, 3, 6, 7, 8, 9, 11, 13, 16, 17, 19 et 20. Bien que la loi et les règlements généraux mentionnent la chasse et le trappage au titre des exemptions générales accordées aux particuliers qui chassent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, le règlement en préparation qui vise les Autochtones mentionne uniquement la «pratique ancestrale de la chasse», et aucunement la pratique de la pêche ou du trappage, bien que ce soit des activités où les armes à feu sont également employées par les Inuit. Cette expression n'étant pas définie, il est difficile de savoir si elle recouvre les activités suivantes: utilisation d'une arme à feu pour le trappage; utilisation d'une arme à feu pour la pêche ou pour l'exploitation des mammifères marins; utilisation d'une arme à feu pour l'autodéfense, notamment en ce qui concerne ceux qui ne chassent pas.
La définition d'«Autochtone» donnée dans cette réglementation devrait être clarifiée en ajoutant explicitement une référence aux bénéficiaires des accords sur les revendications territoriales et/ou aux ayants droit des traités et à ceux qui pratiquent les activités énumérées ci-dessus. On assurerait ainsi que le champ d'application du Règlement visant explicitement les Autochtones n'est pas plus étroit que celui des droits issus des traités inuit.
Les trois accords sur les revendications territoriales des Inuit incluent des références aux lois d'application générale en matière de sécurité publique. Cela est concordant avec la common law des droits autochtones. Toutefois, il existe des limites au pouvoir gouvernemental de restreindre les droits ancestraux ou issus des traités des peuples autochtones en matière de sécurité publique.
En vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, les droits d'exploitation des Inuit - par exemple, la chasse, la pêche et le trappage - incluent explicitement le droit de posséder et d'utiliser tout l'équipement considéré comme raisonnablement nécessaire pour exercer ces droits, sous réserve de certaines considérations en matière de sécurité publique spécifiées aux articles 24.3.12 et 24.3.14. Toutefois, les restrictions envisagées par les signataires de cette convention portent sur la garantie de la sécurité physique des gens dans le voisinage immédiat et sur l'interdiction d'activités manifestement dangereuses qui constituent une menace directe pour les autres personnes. Ainsi, l'article 24.3.9 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois stipule que:
- Les restrictions au droit d'exploitation imposées pour des raisons de sécurité publique visent
principalement la décharge d'armes à feu, la pose de gros pièges ou de grands filets dans
certaines zones et toute autre activité qui serait dangereuse du fait de la présence légale d'autres
personnes, dans le voisinage.
- Ni le gouvernement responsable du Canada ou du Québec, ni le Comité adjoint ne peuvent
apporter au régime de chasse, de pêche et de trappage aucun changement ni prendre aucune
mesure l'affectant, qui porte atteinte aux droits des autochtones établis par le présent chapitre.
Les jugements de la Cour suprême du Canada concernant les obligations du gouvernement à propos de la protection constitutionnelle des droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada, visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, exigent également qu'il y ait le moins d'interférences possible pour atteindre des objectifs législatifs valides tels que la sécurité publique.
Il n'y a pas de formule indiscutable qui puisse être appliquée à chaque situation où l'on prétend qu'il y a eu atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones. Les différentes violations doivent être examinées dans le contexte global du régime réglementaire tout entier et adaptées en conséquence. Toutefois, l'une des questions que la cour aurait à se poser est de savoir si l'atteinte aux droits a été aussi minime qu'elle aurait dû l'être pour obtenir le résultat désiré.
Nous croyons que la Loi sur les armes à feu et sa réglementation imposent des difficultés excessives et constituent un empiétement déraisonnable sur les pratiques coutumières en matière de prêts, de dons, d'achat d'armes à feu et de munitions, et de transport des armes à feu.
Voici nos recommandations. L'ITC recommande qu'on ajoute de nouveaux règlements pour spécifier les dispenses dans le cadre du paragraphe 2.(3) concernant des pratiques ancestrales inuit telles que a) l'achat d'armes à feu et de munitions par des personnes non titulaires de permis pour en faire cadeau ou pour les fournir à des chasseurs détenteurs de permis; et b) le prêt temporaire d'armes à feu à des personnes qui ne sont pas titulaires d'un permis, mais qui ont besoin d'armes pour se protéger contre les animaux prédateurs que l'on trouve dans les régions sauvages.
Deuxièmement, il faudrait amender l'article 3 du règlement pour préciser que les ayants droit des traités et les bénéficiaires des accords sur les revendications territoriales sont couverts par la signification du mot «Autochtone», en ajoutant à l'alinéa 3c) une référence aux particuliers qui pratiquent la chasse, la pêche ou le trappage issus en vertu de droits ancestraux ou issus de traités, ainsi qu'aux particuliers autochtones qui ont besoin d'armes à feu pour se protéger contre les animaux prédateurs.
Troisièmement, il faudrait amender les articles 12 à 17 pour garantir qu'une forme de certification parallèle soit accessible à tout Autochtone qui peut démontrer au contrôleur des armes à feu qu'il possède les connaissances de base pour utiliser des armes à feu en toute sécurité. On pourrait pour le moins ajouter un autre critère de qualification, pour assurer qu'un autre mode de certification est offert aux Inuit quand le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu n'est pas donné en Inuktitut ou en Inuvialuktun, en plus des motifs de dispense actuellement prévus, à savoir le coût ou la distance à parcourir.
Quatrièmement, une dispense des frais devrait être accordée à tous les particuliers autochtones pour que les non-chasseurs qui ont besoin d'armes à feu pour se protéger ne voient pas se dresser devant eux cet obstacle injustifié à l'acquisition de cet outil essentiel.
Cinquièmement, il faudrait mettre en place un processus de consultation communautaire spécifique au sein de la communauté inuit pour fournir à la population de l'information sur le système gouvernemental de classification des armes à autorisation restreinte et prohibées et pour déterminer où de telles armes sont généralement utilisées par les Inuit dans le cadre d'activités liées à la chasse. Certains accommodements, y compris des dispenses de frais, devraient être prévus, dans le cadre de règlements très explicites, pour permettre l'utilisation particulière de telles armes par les Inuit, y compris les accommodations nécessaires concernant le transport, l'entreposage et l'autorisation de transport, afin de tenir compte des besoins particuliers et des ressources limitées des Inuit.
Le président: Je vous remercie, madame Sillett.
La parole est à Mme Flaherty.
Mme Flaherty: Avant de commencer, j'aimerais vous informer que je vais faire la première partie de la présentation. Martha Creig, la vice-présidente, se chargera de la seconde partie.
Permettez-moi de dire, en guise d'introduction, que Pauktuutit, ou l'Association des femmes inuit du Canada est un organisme national à but non lucratif qui représente toutes les femmes inuit du Canada. Son mandat est de promouvoir une meilleure connaissance des besoins et des perspectives des femmes inuit et d'encourager leur participation aux affaires communautaires, régionales et nationales dans le domaine du développement social, culturel, économique et politique.
Depuis de nombreuses années, les problèmes de violence contre les femmes et les enfants et le traitement réservé aux victimes de la violence ont été les préoccupations prioritaires des femmes inuit dans toute la région du Nord, c'est-à-dire les Territoires du Nord-Ouest, le nord du Québec et le Labrador.
Les femmes, au niveau communautaire et régional, perçoivent Pauktuutit comme un organisme grâce auquel elles peuvent exprimer leurs préoccupations à propos de l'efficacité du maintien de l'ordre, du fonctionnement des tribunaux et de l'application des sentences, ainsi que d'autres aspects du système juridique relatif à la violence dans les collectivités inuit. Pauktuutit a répondu en s'intéressant plus activement aux niveaux communautaire, régional et national aux questions juridiques jugées importantes par les femmes inuit, et en les aidant à exprimer leurs craintes et à formuler des solutions à l'intention des décideurs au sein du gouvernement et des organismes inuit.
Pauktuitit a fait connaître le point de vue des femmes inuit sur plusieurs questions liées à la justice, y compris le projet de loi C-41. À ce propos, nos recommandations concernant les modifications à apporter au Code criminel, pour répondre aux besoins des femmes inuit de l'Arctique et pour assurer le respect de l'égalité devant la loi ont été ignorées par le gouvernement fédéral.
Pauktuutit a connu une certaine réussite en faisant progresser la prise de conscience des problèmes d'égalité des sexes lors de l'établissement du Nunavut. Cela se manifeste, par exemple, dans la proposition de la Commission d'établissement du Nunavut établissant la parité des sexes à l'assemblée législative du territoire Nunavut et dans l'acceptation récente de cette proposition par la majorité des dirigeants du Nunavut et par le ministre fédéral des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Grâce au travail de Pauktuutit, on constate que le public et le gouvernement sont plus sensibles à la violence faite aux femmes et aux enfants dans les collectivités inuit, une question maintenant jugée digne d'une attention prioritaire. Dans l'Arctique, on admet généralement que le nombre de crimes contre les personnes est élevé et que les femmes en sont les principales victimes. Par conséquent, les programmes de prévention et de traitement des coupables et les programmes de soutien aux victimes sont considérés par les femmes inuit comme des éléments essentiels de tout système de justice efficace. Ces programmes sont très peu nombreux dans les collectivités inuit.
Je vais maintenant vous faire part de la proposition de Pauktuutit concernant la Loi sur les armes à feu et sa réglementation.
Pauktuutit est foncièrement contre cette réglementation. Le règlement qui vise explicitement les Autochtones ne répond pas à nos préoccupations. La loi et ses règlements, dans leur totalité, ne défendent pas les intérêts des femmes, des hommes ou des enfants inuit. Notre opposition est motivée par deux raisons.
Premièrement, le gouvernement doit se rendre compte que la violence dans les communautés n'a pas le même visage qu'ailleurs et que les Inuit ont une relation particulière avec les armes à feu. Le problème de la violence dans les collectivités inuit, tel qu'il apparaît aujourd'hui, trouve ses racines dans le formidable chambardement culturel, économique et politique qu'a provoqué chez nous la colonisation de nos terres et de notre peuple. Ce système de réglementation est susceptible de se solder par une nouvelle perturbation de notre culture de chasseurs traditionnels, et par conséquent, par une plus grande frustration, ce qui alimente la violence.
Pour mieux comprendre la nature et les origines de la violence dans les collectivités inuit, nous recommandons que le comité prenne connaissance du chapitre 14 du rapport final du Comité canadien sur la violence faite aux femmes, intitulé «Les femmes inuit» - vous l'avez probablement, il a été publié grâce au gouvernement fédéral - qui va de la page 101 à la page 142. On y établit un lien direct entre la perte du contrôle de nos vies, notre expérience de la colonisation, la perturbation culturelle que nous avons subie au cours des quelque 50 dernières années, et la violence endémique qui prévaut aujourd'hui.
En outre, comme l'indique cette partie du rapport, les solutions à la violence dans les collectivités inuit doivent venir de la culture inuit et être formulées au niveau local.
Bien que Pauktuutit s'oppose à l'idée d'un contrôle des armes à feu, nous avons besoin de lois sur l'entreposage et le maniement sécuritaire des armes à feu. Il faut que le droit pénal prévoie des peines sévères pour les actes de violence impliquant l'utilisation d'armes à feu. Selon nous, un grand nombre des questions traitées dans la loi fédérale pourraient l'être au niveau local, régional ou territorial - je songe notamment aux règlements relatifs à la délivrance de permis ou à l'entreposage et au maniement sécuritaire - et les solutions pourraient prendre une forme beaucoup moins importune et culturellement plus appropriée. On reconnaîtrait ainsi et on admettrait notre droit inhérent à l'autonomie, mais ce serait aussi le meilleur moyen d'élaborer le système de contrôle des armes à feu le plus adapté à la situation particulière des Inuit et à notre société distincte.
La Loi sur les armes à feu et sa réglementation reposent sur un ensemble d'hypothèses concernant les besoins et les priorités en matière de violence, qui ne s'appliquent pas aux collectivités inuit à cause du caractère différent de la violence dans nos collectivités et de la relation différente que nous entretenons avec les armes à feu.
Les hypothèses sous-jacentes de ce système de réglementation peuvent convenir parfaitement aux localités du Sud et y être tout à fait justifiées. Malheureusement, elles ne vont pas dans le sens des intérêts des femmes inuit ni de la société inuit en général.
Ainsi, la Loi sur les armes à feu a comme objectif l'établissement d'un système unifié de recensement des propriétaires d'armes à feu et de contrôle des armes en question. Le gouvernement a déclaré qu'entre autres, cela aidera la police à élucider les crimes quand les armes à feu sont retrouvées, à savoir d'où elles viennent et combien il y en a dans un foyer quand elle doit y faire une enquête ou y exécuter une ordonnance d'un tribunal. Il s'agit d'objectifs liés à un environnement urbain ou septentrional, où les gens vivent largement en étrangers dans leurs localités. Dans le Nord, nos localités sont tellement petites que tout le monde connaît presque tout le monde.
Les armes à feu font partie intégrante du style de vie et pratiquement tout le monde en possède plusieurs. Les auteurs d'un crime sont habituellement rapidement et facilement identifiés.
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a clairement indiqué tout au long du processus législatif que cette loi ne va pas dans le sens des intérêts des habitants et qu'elle n'est tout simplement pas adaptée aux besoins des nordistes. Le gouvernement fédéral, en revanche, a tenté de justifier l'imposition de cette loi et de sa réglementation aux Inuit en arguant qu'en réduisant l'accès aux armes à feu, on réduira la violence domestique et les suicides. Nous ne sommes pas d'accord.
Comme l'a révélé une étude parrainée par Justice Canada, la prévention des homicides familiaux commis au moyen d'armes à feu sera limitée par deux grands facteurs. L'étude est intitulée «Les homicides familiaux perpétrés avec armes à feu», et a été réalisée par Dansys Consultants Inc. À la page 55 on peut lire:
- - à l'heure actuelle, les homicides familiaux perpétrés avec arme à feu sont le fait, dans une
grande mesure, de personnes qui ont acquis une arme à feu et en ont la possession «légale»; et
- - à l'inverse, un certain nombre de ces incidents sont le fait de personnes qui ont la possession
illégale d'une arme à feu.
Même avec les plus grandes restrictions qu'introduit ce système de réglementation, on trouvera toujours un grand nombre d'armes à feu dans l'Arctique, et il y a peu de chances que la violence dans les collectivités inuit soit réduite par le seul fait de ces restrictions.
Ce dont nous avons vraiment besoin, nous ne l'avons pas. Nous avons besoin de programmes conçus par et pour les membres des communautés arctiques, avec la participation égale et totale des femmes inuit, dans le but de prévenir et de traiter la violence familiale.
Ce besoin fondamental est à l'origine de notre deuxième objection à cette loi; nous sommes en effet convaincus que le règlement visant les Autochtones ne prend pas en compte nos objections au régime législatif sous sa forme actuelle.
En fait, en tant que femmes inuit, nous n'apprécions pas du tout que l'on consacre tant d'argent, de temps et de ressources humaines à la mise en place d'un régime législatif qui aura relativement peu, sinon aucune incidence sur la violence dans nos collectivités.
Nous avons fait part de cette préoccupation au ministère et au ministre à de nombreuses reprises. Nous avons répété que si le gouvernement du Canada souhaite sérieusement s'attaquer à la violence dans les localités inuit, il faut qu'il nous fournisse l'argent nécessaire pour mettre en place des services de soutien aux victimes, pour ouvrir des refuges dans nos collectivités et pour offrir des programmes de traitement et de counseling, notamment aux hommes qui agressent les femmes.
Nous avons demandé une réforme de la loi concernant la condamnation des coupables d'actes violents, mais nos recommandations ont, en fin de compte, été ignorées.
Pauktuutit est d'avis que ce dont ont beaucoup plus besoin les Inuit que de ce régime de réglementation importun et inadapté, c'est de programmes de prévention et de traitement s'attaquant aux causes profondes de la violence dans notre société dès son apparition, c'est-à-dire longtemps avant que les gens ne tentent de commettre des meurtres ou qu'ils se suicident.
Ici encore, les études parrainées par le gouvernement appuient nos conclusions sur la nature particulière des suicides dans les collectivités autochtones. Bien qu'elle n'inclue pas de données concernant les territoires, une récente étude indiquait que:
- ... chez les personnes d'origine autochtone les taux globaux de suicide sont beaucoup plus
élevés que chez les autres et les taux de suicide commis au moyen d'une arme à feu sont plus
élevés que chez les personnes d'une autre origine, mais... le pourcentage des suicides commis
au moyen d'une arme à feu est plus bas ou le même que chez les victimes non autochtones.
Plus précisément, cette étude a conclu que, dans les petites localités, les victimes autochtones étaient nettement moins portées à recourir aux armes à feu pour se suicider que les victimes non autochtones résidant dans des localités qui comptaient un aussi grand nombre d'habitants.
Nous supportons mal que le gouvernement nous impose une Loi sur le contrôle des armes à feu qui, par son impact cumulatif, représente une restriction injuste et déraisonnable de nos droits ancestraux ou issus de traités, au lieu de nous donner le soutien dont nous avons désespérément besoin pour mettre en place des programmes anti-violence.
La complexité et la bureaucratie qui marquent aujourd'hui la Loi sur le contrôle des armes à feu sont foncièrement incompatibles avec la culture des chasseurs traditionnels. On peut mesurer l'impact cumulatif de cette loi en observant que: premièrement, tous les utilisateurs d'armes à feu, y compris ceux qui ne sont pas chasseurs, doivent se procurer un permis d'armes à feu et s'informer de la réglementation les concernant; deuxièmement, il faut enregistrer toutes les armes à feu ainsi que leur cession; troisièmement, il y a criminalisation des pratiques ancestrales concernant le prêt et le don d'armes à feu, ainsi que l'achat d'armes à feu et de munitions; quatrièmement, on doit demander si le permis et l'enregistrement nécessaires ont été obtenus lorsqu'on est passager d'un véhicule où se trouve une arme à feu; cinquièmement, il y a une réglementation accrue des armes à feu à autorisation restreinte utilisées parfois pour la chasse; sixièmement, il y a obligation de connaître un système très complexe de règles de droit se rapportant à l'achat, à l'utilisation, au prêt, au don, à l'entreposage et à la cession de différents types d'armes à feu.
En conclusion, la loi et sa réglementation ne s'attaquent pas véritablement aux problèmes liés à la violence et au suicide dans les collectivités inuit.
Nous avons besoin de programmes de counseling, de prévention et de traitement - et non de nouvelles ingérences dans notre culture et nos traditions - pour nous attaquer à ces problèmes de la société inuit. Nous croyons que, sous de nombreux aspects, la loi et les projets de réglementation constituent des ingérences inutiles dans la culture inuit et dans les normes inuit de sécurité publique.
Nous appuyons les amendements recommandés par l'ITC et nous nous opposons foncièrement au système de réglementation car à nos yeux, il viole nos droits ancestraux ou issus de traités qui nous autorisent à utiliser des armes à feu pour la chasse et pour nous protéger sur nos terres.
Je vous remercie.
Martha va maintenant prendre la parole.
Le président: Madame Creig.
Mme Creig: Je vais poursuivre avec les recommandations.
Vu l'intention du gouvernement d'imposer ce régime indépendamment de nos objections et de nos droits, Pauktuutit recommande que les changements suivants soient apportés au règlement visant les Autochtones, en complément des recommandations présentées par l'ITC.
Premièrement, notre principale recommandation est que la Loi sur les armes à feu ne soit pas appliquée aux collectivités inuit sans que soient offerts parallèlement les programmes de prévention, de counseling et de traitement qui sont nécessaires pour s'attaquer à la violence dans les localités inuit. Sans ces programmes, l'imposition d'un système de réglementation, qui est inadapté et qui contrevient à nos droits ancestraux et issus de traités, ne réglera pas - et aggravera même - le problème de la violence dans les collectivités inuit en perturbant encore plus notre culture.
Deuxièmement, la définition de l'expression «collectivité autochtone» que l'on trouve à l'article 1, page 55, et la définition d'«Autochtone» à l'article 3, page 55, font problème du fait qu'elles lient l'existence des peuples autochtones uniquement aux pratiques ancestrales, c'est-à-dire des activités existant à une époque choisie arbitrairement, soit celle qui a précédé l'arrivée des Européens.
Cette notion de nos droits collectifs en tant que peuples et de nos droits en tant que peuples autochtones est contraire à ce que signifie l'autodétermination des peuples. Nous ne nous résumons pas, en tant que peuples, à nos activités ancestrales. Cette définition établit un précédent très rétrograde que nous craignons de voir se répéter dans de futures législations.
Nous n'approuvons pas ces définitions limitatives et arbitraires de nos collectivités, de nos droits et des gens qui constituent notre peuple. Le gouvernement n'a pas le droit de nous les imposer et il ne devrait pas le faire. Nous recommandons la suppression du mot «ancestral» partout où il apparaît dans le règlement visant les Autochtones.
Troisièmement, en ce qui a trait à l'obligation de déclarer et de confirmer qu'un particulier pratique la chasse ancestrale dans sa collectivité - stipulée à l'article 6, page 56 - nous en recommandons la suppression. Les droits de chasse découlant des accords sur les revendications territoriales appartiennent à chaque bénéficiaire qu'il ait pratiqué ou qu'il pratique encore la chasse selon les traditions de sa collectivité. L'appartenance à une collectivité autochtone et le statut de bénéficiaire d'un accord de revendication territoriale devraient suffire pour l'application de ces règlements à des gens dont les droits découlent d'accords- cadres sur les revendications territoriales. Les réserves que nous exprimons dans notre troisième recommandation, concernant l'utilisation du mot «ancestral»; s'appliquent ici aussi.
Quatrièmement, il faut que la collectivité autochtone participe beaucoup plus au processus de prise de décisions concernant l'octroi d'armes à feu. Le pouvoir décisionnaire ne devrait pas être concentré dans les mains d'une ou deux personnes. On devrait amender les articles 7, 8 et 9 du règlement en préparation visant les Autochtones, à la page 57, et d'une manière plus générale, les dispositions concernant l'exercice du pouvoir discrétionnaire du contrôleur des armes à feu mentionné aux articles 5, 55, 68 et 70 de la Loi sur les armes à feu, afin que puissent être établis des comités communautaires chargés de fournir des informations au contrôleur des armes à feu concernant les cas de violence familiale ou autres problèmes pertinents que pourrait ignorer la police, et de donner des conseils sur la façon de mettre en perspective de tels facteurs vu l'importance que peut revêtir la chasse pour le demandeur. Voir article 7 du règlement visant les Autochtones, page 57.
En outre, il faudrait supprimer le mot «ancestrales» et uniquement mentionner les pratiques de chasse de la collectivité ou du peuple concerné. Les préoccupations que nous avons exprimées dans notre troisième recommandation au sujet de l'utilisation du mot «ancestral» s'appliquent également ici.
Cinquièmement, à propos de l'article 13, à la page 58, le Parlement devrait supprimer l'expression «pratique de la chasse ancestrale» à l'alinéa b), et ne devrait pas limiter les autres possibilités de certification au cas où le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu ne serait accessible à cause de son coût ou du temps qu'il requiert. La certification substitutive devrait être ouverte à tout Autochtone qui répond aux critères de compétence prévus à l'article 14 du règlement visant les Autochtones, page 59. On reconnaîtrait ainsi le savoir-faire et les normes autochtones concernant la sécurité des armes à feu et cela rendrait le processus d'octroi de permis plus simple et plus accessible aux Inuit tout en garantissant néanmoins l'application de critères communs aux Autochtones et non-Autochtones en matière de connaissances relatives à la sécurité des armes à feu.
Sixièmement, Pauktuutit a des réserves sérieuses concernant l'impact sur les femmes des articles 18, 19 et 20 du règlement visant les Autochtones, pages 60 et 61. En vertu de la loi - alinéa 7(4)c) - et de l'article 6 du règlement sur les permis d'armes à feu, tout adulte qui, à la date de référence, possède une arme à feu a droit à un permis de possession simple pour l'arme à feu dont il est propriétaire sans avoir à suivre le cours sur la sécurité des armes à feu. Il s'agit d'une prérogative limitée dans le temps; les gens ont jusqu'à l'an 2001 pour s'en prévaloir.
Les articles 18 et 19 du règlement visant les Autochtones étend le droit d'obtenir un permis de possession simple aux Autochtones qui, à la date de référence, utilisent une arme à feu pour la pratique de la chasse ancestrale. Cette prérogative se limite également aux gens qui s'en prévaudront avant l'an 2001.
Il s'agit d'une proposition intéressante, vu que les documents de consultation du ministère de la Justice précisent qu'elle a pour objet d'apaiser les inquiétudes des Autochtones qui craignent que la loi ne reconnaisse pas la propriété commune des armes à feu; c'est-à-dire, l'usage qui veut que les armes à feu circulent librement au sein des collectivités autochtones pour servir à la chasse ou à des activités connexes. Dans le passé, l'ITC et Pauktuutit se sont déclarées préoccupées de la situation des gens, hommes ou femmes, qui ne chassent pas, et qui se retrouvent sans AAAF ou sans permis, selon la nouvelle loi, tout en ayant besoin d'emprunter une arme à feu pour se protéger contre les animaux prédateurs pendant qu'ils sont seuls dans un camp. Le règlement visant les Autochtones devrait permettre que, dans ces circonstances, les gens puissent demander un permis de possession en indiquant qu'ils doivent pouvoir disposer d'une arme à feu, même s'ils n'en possédaient pas à la date d'entrée en vigueur de la loi.
Le problème que pose la proposition du ministère de la Justice est qu'elle se limite à la génération actuelle d'utilisateurs d'armes à feu qui présentent une demande avant l'an 2001. Cela signifie qu'à partir du 1er janvier 2001, les femmes qui ne chassent pas, par exemple, et qui ne sont pas titulaires d'un permis de possession simple devront entreprendre des démarches pour obtenir un permis de possession et d'acquisition, soit en suivant le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, soit en obtenant une certification substitutive conformément à la réglementation. Le ministère de la Justice reconnaît donc le problème que cela pose aux non-chasseurs, notamment aux femmes, puisqu'il a proposé ce règlement, mais il s'agit d'une solution limitée dans le temps.
Nos droits ancestraux ou issus de traités ne sont pas limités dans le temps, pas plus que ne l'est notre besoin de protection sur nos terres. Les femmes se demandent si elles peuvent emprunter des armes à feu pour se protéger, alors qu'elles ne sont pas titulaires elles-mêmes d'un permis d'armes à feu ni d'un certificat d'enregistrement - situation non autorisée par le sous- alinéa 33a)(ii) de la loi ou l'article 20 du règlement visant les Autochtones. Les femmes inuit qui ne chassent pas ne possèdent pas habituellement d'AAAF, et exiger cela des générations présentes et futures reviendrait à créer des difficultés et à aller à l'encontre de la pratique ancestrale, dans notre culture inuit, au sein de laquelle des mesures temporaires sont prévues pour que les femmes puissent se protéger contre les animaux prédateurs. Ces pratiques sont concordantes avec les normes traditionnelles des Inuit en matière de sécurité publique. Il s'agit d'une pratique inhérente à la culture inuit, car elle est essentielle à la survie et à la sécurité physique des femmes et des enfants inuit qui restent dans les camps.
Exiger que toutes les femmes suivent le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu constituerait un fardeau inutile, et une ingérence dans la culture inuit. Agir de la sorte présuppose en outre que les Inuit ne sont pas capables d'enseigner l'utilisation sécuritaire des armes à feu aux membres de leurs communautés. Les femmes inuit apprennent de leurs concitoyens, au sein de leur propre culture et conformément à nos propres normes de sécurité publique, l'utilisation sécuritaire des armes en fonction des circonstances dans lesquelles elles peuvent être appelées à en avoir besoin, par exemple, dans les situations décrites ci-dessus.
Nous proposons ci-dessous l'amendement qui devrait être apporté au projet d'article 20 du règlement visant les Autochtones, concernant le prêt autorisé d'armes à feu sans restriction à titre temporaire pour usage contre des animaux prédateurs:
- L'article 33 de la Loi sur les armes à feu soit adapté, en conformité avec les pratiques
autochtones ou inuit, afin qu'une personne puisse prêter à un Autochtone une arme à feu pour
b) exercer ses droits issus de traités; ou
c) protéger cet Autochtone et sa famille contre les prédateurs ou autres animaux susceptibles de s'attaquer aux êtres humains.
En ce qui concerne le numéro 7, l'article 21, «entreposage des armes à feu», à la page 61, pose plusieurs problèmes. La notion de «lieu se trouvant dans une région sauvage» n'est pas un concept pertinent au sein de la culture inuit, et il n'y a pas de concept équivalent en Inuktituk ni dans les autres dialectes inuit. Si l'on veut que ce règlement signifie quelque chose, qu'il ait une pertinence pour les Inuit et qu'il traduise un certain respect pour notre façon d'envisager notre terre, l'expression devrait être remplacée par «sur nos terres». En outre, ce règlement n'est pas réaliste si l'on considère les mesures de sécurité requises par les Inuit pour lutter contre des animaux prédateurs ou chasser. Les munitions doivent être facilement accessibles à tout moment.
Notre huitième recommandation est la dernière: le gouvernement fédéral doit prolonger le processus de consultation pendant la mise en oeuvre et se montrer disposer à adopter d'autres amendements statutaires et réglementaires si cela est nécessaire pour répondre aux besoins de la communauté inuit. Le gouvernement fédéral doit s'assurer que chacune des 55 collectivités inuit participe au processus de consultation pour expliquer les exigences de la loi et de sa réglementation.
Pendant la phase législative, les porte-parole du gouvernement fédéral ont répété à maintes reprises qu'ils étaient confiants et convaincus que tous les éventuels conflits entre les pratiques ancestrales des Inuit et la loi pourraient être aplanis dans le cadre du règlement visant les Autochtones. Ma question est la suivante: le seront-ils?
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie. Nous allons maintenant entrer en communication avec Iqaluit par vidéoconférence et écouter Mary Nashook.
Madame Nashook, nous nous excusons de vous avoir quelque peu ignorée depuis un petit moment. Aimeriez-vous faire un exposé?
Mme Nashook: En fait, non. Vu que je suis la secrétaire- trésorière de Pauktuutit, je ne peux que réaffirmer les points de vue formulés dans les présentations qui viennent de vous être faites. Je me ferais cependant un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant donner la parole aux membres du sous- comité pour qu'ils puissent poser des questions. Monsieur de Savoye.
[Français]
M. de Savoye: Merci, monsieur le président. Madame Creig, madame Flaherty, madame Sillett et madame Nashook, les présentations que vous nous avez faites me laissent perplexe. Je présume que vous ne parlez pas français.
[Traduction]
Non? Et moi, je ne parle pas votre langue. Pour éviter que les opinions vous soient transmises par le biais d'une traduction, je vais vous parler en anglais. D'habitude, je m'exprime en français, vous savez, mais je pense que nous nous trouvons dans des circonstances bien particulières.
À mon avis, vous avez été charitable avec nous. Lorsque je lis une expression comme «dans un lieu se trouvant dans une région sauvage», ce n'est pas un concept qui a quelque pertinence que ce soit dans la culture inuit, et j'ai l'impression que les gens ont rédigé les règlements et le texte législatif sans connaître votre mode de vie. C'est ce que vous nous avez dit, en termes très mesurés; et c'est la raison pour laquelle je crois que vous avez été charitable avec nous.
J'ai également relevé ce que vous pensez du mot «ancestral». Je comprends, je pense, aussi bien que vous, parce que je viens du Québec, que ce qui définit un peuple, son essence, peut se fonder sur la tradition, mais que cela s'inspire également de la tradition en marche qui s'écrit au fil des années. C'est un fait, un peuple évolue sur le plan social, économique et culturel. Vous ne voulez pas, si je vous comprends bien, que vos droits soient protégés en vertu de ce qu'ils représentaient, mais plutôt en vertu de ce que vous êtes et de ce que vous serez.
J'ai l'impression que vous prendrez éventuellement des mesures pour vous assurer que vos droits, qu'ils soient garantis par la constitution ou issus de traités, sont bien protégés. En attendant, vous proposez au sous-comité plusieurs recommandations qui répondraient immédiatement à vos principales préoccupations. Je pense que vous avez été très clair sur ce point.
J'aimerais que vous précisiez de quelles ressources vous avez besoin pour faire face à la violence. Comme vous dites, ce test législatif n'est pas ce dont vous avez besoin. Pourriez-vous vous étendre un peu sur la question? Notre objectif est de circonscrire la violence et, si c'est possible, de l'éliminer. Que peut-on faire? Vous avez ici une tribune où vous pouvez vous exprimer et je serais très heureux de vous écouter - comme d'ailleurs, j'en suis sûr, les autres membres du sous-comité.
Mme Flaherty: Merci.
Vous dites trouver difficile de vous exprimer dans une autre langue. Moi, c'est l'anglais qui me pose un vrai problème, mais je vais essayer de faire de mon mieux. En fait, je voulais parler inuktitut aujourd'hui, mais les arrangements nécessaires n'ont pas pu être faits, ce qui est dommage, parce que nous aurions pu nous exprimer beaucoup mieux.
Je vous remercie également de vos remarques bienveillantes.
Le gouvernement fédéral a dépensé 10 millions de dollars en deux ans pour financer le Comité canadien sur la violence faite aux femmes. J'ai quelques observations à faire à ce propos car j'ai également été membre de ce comité. Nous avons voyagé dans différentes régions du Canada, dans le Nord québécois, le Labrador et les Territoires du Nord-Ouest, par exemple, et c'est pratiquement toujours la même chose que l'on nous a demandé. On nous a présenté une longue liste de requêtes, mais en bref, ce que l'on nous demandait, c'était des programmes culturellement appropriés conçus par et pour les Inuit. On parle de refuges, de programmes dont certains s'adresseraient aux hommes et aux femmes, et d'autres aux victimes d'actes de violence et à leurs auteurs. À l'heure actuelle, toute la communauté s'intéresse à la notion de guérison. On demande la création de centres de guérison; pas uniquement pour les victimes de violence mais également pour les enfants qui ont subi des agressions sexuelles. On demande des conseillers formés au sein des communautés, et des programmes.
Je pense que Martha devrait venir à mon secours. Je ne me sens pas très à l'aise lorsqu'il faut que je parle anglais.
Mme Creig: Il y a autre chose: les Inuit souhaitent ardemment régler le problème de l'oppression culturelle, parce qu'il dure depuis trop longtemps. C'est un problème auquel ils ont véritablement commencé à s'attaquer. Comme l'a dit Martha, le processus de guérison a été lancé. Dans ce contexte, on traite également de l'oppression culturelle. C'est un des domaines où les choses sont en bonne voie.
Personnellement - il s'agit de mon propre point de vue, du point de vue de quelqu'un issu d'une collectivité inuit du Nord québécois - je ne crois pas que contrôler les armes à feu au sein des collectivités inuit du Nord soit une solution. Cela vient simplement s'ajouter à tout ce qui nous a été imposé de l'extérieur, aux décisions qui ont été prises par d'autres que nous sur la façon dont nous devons vivre. Moi aussi, je suis pour la sécurité, en faveur des règles sur l'entreposage, pour l'obligation d'acquérir une formation; mais ce qui importe vraiment, c'est que nos valeurs, les programmes culturellement appropriés auxquels participent nos aînés et la façon dont les gens... Ce que nous voulons vraiment, c'est faire les choses ensemble, main dans la main.
Mme Sillett: J'aimerais ajouter quelque chose. J'ai participé à tout ce processus depuis le début jusqu'à la fin, et il y a une chose qui m'a toujours frappée: l'élaboration de la loi et, éventuellement, de la réglementation vient, je pense, de la crainte très réelle et très évidente qu'éprouvent les politiciens du Sud à l'égard de l'impact que peut avoir l'accès aux armes à feu. On a pu se rendre compte que la tuerie dont ont été victimes des jeunes filles à Montréal faire les manchettes des journaux; et je suppose que la population canadienne a exercé des pressions sur les politiciens du Sud pour qu'ils réagissent. De mon point de vue, les Inuit se sont trouvés pris dans la tempête, car en ce qui concerne les armes à feu, la situation dans le Sud n'est pas du tout la même que dans le Nord.
Lorsque cette question a été soulevée dans le cadre des audiences du sous-comité auxquelles participaient nos aînés, je me souviens que nombre d'entre eux - que l'on ne peut pas soupçonner de ne pas être des citoyens respectueux de la loi - ont dit que ces dispositions législatives cadraient tellement mal avec notre façon de vivre, avec notre façon d'envisager les choses, qu'ils estimaient que nous ne pourrions pas respecter les règlements que le Canada cherchait à nous imposer - cela menaçait les fondements de notre mode de vie. Ils ont dit que jamais de leur vie ils n'avaient vu dans leurs communautés les gens se tuer avec des armes à feu; et pourtant, les suicides sont nombreux. Ils ont dit que ce n'était pas les armes à feu qui tuaient les gens dans nos collectivités, que c'était les problèmes sociaux qui les faisaient mourir.
Ils ont dit que ce dont nous avons besoin pour régler ces problèmes, c'est de ressources, comme l'ont dit Martha Flaherty, qui est vice-présidente de l'ITC, et Martha Creig. Nous avons besoin de donner à nos concitoyens la formation requise pour qu'ils puissent devenir conseillers. Nous avons besoin d'une infrastructure car dans nos collectivités, il n'y a pas d'endroit où puissent avoir lieu les activités qui permettront à notre peuple de guérir. Il faut que nous trouvions les moyens qui permettront à notre communauté de prendre les choses en main pour régler ses problèmes.
La différence entre le Sud et le Nord est là: dans le pouvoir que détient le Sud. Les règles que nous impose le Sud nous donnent aussi, à nous, le goût du pouvoir - même si ce n'est pas nécessairement ce qui nous apporte le plus. Nous vous avons présenté les recommandations qui minimiseraient l'effet cumulatif de cette réglementation sur nos droits ancestraux et issus de traités. Votre comité a le pouvoir d'apporter les changements nécessaires pour que les dispositions conviennent à ceux qui habitent le Nord.
Le président: Je vous remercie.
Madame Flaherty.
Mme Flaherty: Une brève remarque. Je tiens simplement à vous rappeler que si le gouvernement était déterminé à éliminer la violence faite aux femmes, il aurait dû réexaminer le projet de loi C-41. On a demandé à Pauktuutit, l'Association des femmes inuit, de comparaître, ce que nous avons fait. Nous avons passé des heures à nous préparer et nous avons déposé des pages de recommandations. Pas un mot n'a été retenu.
Je me demande si la même chose va arriver cette fois-ci? Est-ce qu'on nous consulte uniquement pour la forme? Ces derniers temps, l'utilité de comparaître devant les instances parlementaires me laisse sceptique.
Nous voulons, dans les collectivités, des solutions à la violence familiale. Il ne s'agit pas de contrôler les armes à feu; il s'agit de faire ce que veulent les Inuit. Dans quelques collectivités où vous alliez, on parle de guérison; et tout le monde est prêt à s'engager dans cette voie, je pense. Merci.
Le président: Je ne peux pas vous assurer que votre intervention va déboucher sur des changements dans les programmes sociaux, parce que nous nous occupons uniquement de la réglementation sur les armes à feu. Mais je peux vous garantir que vos exposés vont être examinés très attentivement, et que nous allons leur réserver toute la considération qui leur est due.
Madame Nashook, souhaitez-vous dire quelque chose à ce sujet?
Mme Nashook: Oui. Merci.
Vous avez demandé de quelles ressources nous avons besoin pour contrer la violence dans le Nord. Mes consoeurs vous ont très bien répondu, mais je soulignerais que nous, les Inuit, devrions pouvoir devenir des conseillers. Que ce soit ou non en passant par une université, nous devrions être reconnus comme conseillers traditionnels.
Quant aux propositions concernant le contrôle des armes à feu, il fait moins 40 degrés centigrades à l'extérieur, et tout est gelé; je ne pense pas qu'il serait très approprié de garder des balles à l'extérieur, bien cachées ou sous clef, particulièrement si jamais un prédateur apparaissait. Je vous garantis...
[Difficultés techniques].
Le président: Merci. Je sais ce que vous voulez dire. Ici aussi, on gèle et je ne voudrais pas avoir à aller chercher des munitions à l'extérieur ce soir, même si j'habite Ottawa.
Avez-vous d'autres questions, monsieur de Savoye?
[Français]
M. de Savoye: Non, mais j'aimerais peut-être faire une remarque en terminant.
[Traduction]
Je suis très sensible à ce que vous venez de dire. Si je pouvais changer les choses du jour au lendemain, je le ferais. Mais vous pouvez compter sur moi et, je crois, sur certains autres membres du sous-comité, pour essayer de faire évoluer la situation dans un sens qui vous conviendra. Parallèlement, je vous félicite de continuer à prendre des initiatives car il ne faut pas abandonner si l'on veut que les choses évoluent dans la bonne direction. Merci.
Le président: Je vous remercie, monsieur de Savoye. Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier les témoins qui sont venus de si loin, ainsi que les témoins qui, de chez eux, participent à l'audience.
À mes yeux, vos observations sont sages. Elles sont dictées par votre bon sens, parce que vous comprenez bien quels sont les problèmes qui se posent. Vous les reconnaissez et vous savez quelles en sont les causes. Pendant que vous faisiez vos exposés, j'ai noté je ne sais combien de fois que vous souhaitiez vous attaquer à la racine du problème.
Je n'ai jamais réussi à comprendre comment le projet de loi C-68, ainsi que la réglementation afférente, permettraient de réduire la violence. C'est la raison pour laquelle je ne peux appuyer le projet de loi; s'il en était autrement, je serais évidemment en faveur. Qui n'appuierait pas le projet de loi si les mères venaient ici nous dire qu'elles en ont besoin pour protéger leurs enfants et leur famille? Nous ne pourrions pas faire autrement. Mais ce n'est pas ce que je constate.
Je suis père de quatre enfants, et leur sécurité me préoccupe beaucoup quel que soit le danger qui puisse les menacer - y compris les armes à feu. Mais je ne vois pas comment, à part peut-être les dispositions concernant l'entreposage sécuritaire des armes à feu et ce genre de choses, le projet de loi peut protéger ma famille. Comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, si je devais me mettre en colère au point de perdre la raison et si je voulais m'attaquer avec une arme à feu à un membre de ma famille, à moi-même ou à qui que ce soit, le fait de l'enregistrer et de la mettre sous clef temporairement, alors que c'est moi qui ai la clef, ne va protéger personne. Ce n'est pas cela qui va me protéger. Et même si certains éléments de la législation actuelle ont été entérinés, les dispositions sur l'entreposage, par exemple - que tout le monde appuie, je pense, - je ne peux pas avaliser ce texte législatif.
Il va sans aucun doute être adopté. Nous n'avons pas pu changer grand chose au projet de loi lorsque nous en étions au stade des recommandations. Nous avons apporté quelques changements, mais on est revenu à la version originale. Le plus important concernait l'article 117 qui permet au gouverneur en conseil d'interdire toute arme à feu qui, de son point de vue, n'est pas adéquate ni conforme pour la chasse ou pour des activités récréatives. Cette disposition a été rétablie.
Vous semblez appuyer certains éléments du texte législatif, je ne sais pas si c'est parce que vous vous doutez qu'il va être adopté et que vous essayez de vous en accommoder au mieux, ou si c'est parce que vous jugez que certaines dispositions sont positives. Je vous pose la question. C'est un projet de loi sur la sécurité publique; c'est ainsi qu'on le désigne. Voyez-vous comment la sécurité publique peut être améliorée au sein de vos collectivités si les propriétaires d'armes à feu sont tenus d'obtenir un permis et d'enregistrer leurs armes? Voyez-vous quel avantage votre communauté peut tirer du projet de loi?
Mme Moss: Je m'appelle Wendy Moss. Pauktuutit et l'ITC m'ont demandé de les aider à répondre à cette question.
Au stade de l'examen de la législation par les divers comités permanents, Inuit Tapirisat du Canada et Pauktuutit ont indiqué que certaines de ses dispositions que ces organismes appuyaient allaient probablement se traduire par des peines plus sévères, par exemple, quand les armes sont utilisées pour commettre des infractions avec violence. Cependant, comme vous le faites remarquer, ces organismes étaient en total désaccord avec le gouvernement pour ce qui est de l'utilité de délivrer des permis et d'exiger l'enregistrement des armes.
Comme on le souligne dans le mémoire de l'ITC, il est assez significatif que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest - qui représente toute la population de cette région administrative - se soit désolidarisé de ce projet de loi. Les autorités parlaient au nom des responsables de l'application de la loi, des peuples autochtones et de tous les segments de la population, et elles présentaient essentiellement les mêmes arguments que les Inuit: dans le Nord, la situation est différente.
Oui, réglementer l'usage des armes à feu est une bonne chose; réglementer leur entreposage est aussi une bonne chose. Il y a toutefois différentes manières de procéder, et des conditions différentes existent dans les différentes régions du pays. Comme l'ITC l'indiquait dans son mémoire déposé lors de l'examen de la législation, et comme Pauktuutit l'indique aujourd'hui dans son mémoire, on ne trouve vraiment rien dans ces projets de réglementation qui reconnaissent que, dans le cadre de leur autonomie gouvernementale, les Inuit sont habilités à se réglementer eux-mêmes.
Dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois, on trouve un chapitre qui rappelle spécifiquement que les dispositions concernant les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de droit pénal peuvent être modifiées lorsqu'elles s'appliquent aux Inuit afin de prendre en compte leurs droits relatifs à la chasse. Les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de droit pénal n'échappent pas à l'application de l'article 35 de la constitution qui reconnaît ces droits. Donc, en vertu de la constitution, il est possible de faire ce genre d'adaptation, mais cela n'a pas été fait.
M. Ramsay: Constate-t-on actuellement des pratiques dangereuses en matière d'entreposage au sein des collectivités autochtones?
Lorsque votre ministre de la Justice a comparu devant le comité, il nous a raconté l'histoire suivante: dans une localité isolée, un ours polaire a attaqué un homme et était en train de l'entraîner au loin. Le petit garçon de cet homme s'est dépêché d'aller chercher le fusil qu'il savait trouver derrière la porte, chargé, a tiré sur l'ours et a sauvé la vie de son père. Le ministre nous a également dit que les dispositions concernant les AAAF ne sont pas respectées parce qu'il est impossible dans certaines de ces collectivités de se faire faire une photo de passeport; les gens ne tiennent donc pas compte de ces exigences.
À mon avis, la question tourne autour de l'idée suivante: la meilleure façon de gouverner un peuple, c'est de lui enseigner les principes qui doivent être respectés, et ensuite de le laisser se gouverner lui-même. En ce qui a trait à l'utilisation des armes à feu, c'est mon père qui m'a montré comment m'en servir, comment m'en occuper, etc. N'est-ce pas ce qui se passe toujours au sein de vos collectivités? Sur le plan de l'entreposage des armes à feu, y a-t-il des pratiques qui représentent une menace pour la sécurité publique?
Mme Flaherty: Je vais demander à Mary Nashook et à Martha de répondre d'abord à ces questions. J'ai de l'expérience en ce domaine, cela ne fait aucun doute, mais je leur demanderais de parler en premier.
Le président: Madame Nashook.
Mme Nashook: Pour moi, l'entreposage des armes à feu ne pose aucun problème lorsqu'on vit au sein d'une communauté, mais dans un campement éloigné... Mes parents vivent dans ce genre de campement à environ 100 milles des régions habitées, et le problème ne se pose pas. On n'a pas besoin d'entreposer les armes dans un campement. Dans une collectivité plus importante comme Iqaluit, il est approprié d'entreposer les fusils de chasse, mais ce n'est pas le cas lorsqu'on vit dans des régions sauvages comme vous dites.
Le président: Je vous en remercie.
Madame Creig.
Mme Creig: Il m'est arrivé quelque chose cet été. J'adore aller cueillir des baies. Ma soeur et moi, nous étions en train de cueillir des mûres blanches et nous n'avions pris aucune arme à feu étant donné que notre intention était aller ramasser des fruits. Tout d'un coup, ma soeur me dit: «Martha, regardes, il y a un ours qui s'approche!» Et c'était vrai. Il était dressé sur ses pattes de derrière et il nous regardait. Nous n'avions pas de fusil et même si nous avions pu trouver un bâton pour faire comme s'il s'agissait d'un fusil, à ce moment précis, nous ne savions pas quoi faire. Alors, je ne sais pas ce qui m'a pris, mais lorsque j'ai vu l'ours se diriger en courant vers nous, j'ai dit: «Va-t'en pour l'amour de Jésus!». Et il est parti!
Des voix: Oh, oh!
Mme Creig: Alors, si mes paroles peuvent me servir de munitions... Bref, je viens de Kuujjuaq, et l'on commence dans notre collectivité à entreposer les fusils de chasse. On avait l'habitude de les garder à l'intérieur de la maison, de les exposer avec fierté: avoir tous ces fusils accrochés au mur, cela prouvait que vous étiez un homme. Mais cela ne se passe plus ainsi. On ne les garde plus à l'intérieur des maisons. Les fusils sont entreposés dans les appentis et l'on garde le plus souvent les balles à la maison. Mais il arrive maintenant rarement que les fusils et les munitions soient entreposés ensemble.
Lorsqu'on vit sous la tente, les choses sont différentes. On ne peut pas s'enfermer à clef. Pourtant, les gens s'arrangent pour mettre certaines choses sous clef, et ce sont les parents qui gardent la clef. J'ai des enfants qui sont déjà grands, mais c'est nous qui gardons les clefs. Toutefois, même si le fusil est rangé, lorsque les gens s'enivrent et se mettent vraiment en colère, ils vont parfois chercher leur fusil. Lorsque les balles et le fusil ne sont pas entreposés au même endroit, cela signifie qu'on a le temps d'intervenir.
Nous sommes donc tout à fait conscients de l'avantage que cela représente. Toutefois, la situation est très différente dans les campements et les zones de chasse. J'espère que cela répond à votre question.
Le président: Oui, tout à fait. Merci.
Madame Flaherty.
Mme Flaherty: Cela fait des milliers d'années que nous le faisons et aujourd'hui, c'est une pratique encore plus répandue. Au printemps, les familles inuit font ensemble des expéditions afin d'enseigner aux enfants comment manier une arme à feu en toute sécurité; et quand il faut ou non utiliser son arme.
La manipulation des armes à feu fait également partie de nos activités dont l'objet est la guérison. Par exemple, à l'établissement correctionnel de Baffin où se trouvent tous ceux qui se sont rendus coupables de mauvais traitements et d'autres crimes, des aînés ainsi que des instructeurs versés dans les pratiques ancestrales emmènent les prisonniers dans les environs et, pour les guérir, leur apprennent à manipuler les armes à feu comme il se doit. Cela marche très bien dans les collectivités autochtones.
M. Ramsay: Merci.
Le président: Monsieur Kirkby.
M. Kirkby: Ce que vous nous présentez comme une de vos préoccupations majeures correspond essentiellement à ce que j'ai pu entendre dire dans les collectivités autochtones depuis bien longtemps. Au fil des années, de nombreux règlements, des législations et des pratiques ont été imposés aux Autochtones sans qu'on les ait consultés et sans que l'on se préoccupe de leur style de vie, de leurs traditions, de leurs règles ni de la façon dont leurs communautés s'organisent. En agissant ainsi, nous avons très souvent manqué de respect envers les membres de ces collectivités.
Je comprends cela. Je viens d'une région où se trouvent plus de 30 collectivités autochtones; et je sais exactement de quoi vous parlez.
Les règlements sont ce qu'ils sont, mais c'est probablement leur exécution qui va avoir le plus d'importance. J'ai entendu un des témoins dire que le groupe qu'elle représente aimerait qu'il y ait une collaboration, où l'on confierait à un comité d'aînés la responsabilité de contrôler de près ce que l'on enseigne dans les cours et la façon dont cela est enseigné. Il a aussi été question de comités qui aideraient les contrôleurs des armes à feu à prendre une décision lorsqu'une demande d'AAAF est présentée par un particulier.
J'espère - et c'est certainement ce que tous souhaitent, je pense - que ce genre d'initiative verra le jour, et que les gens des collectivités auront leur mot à dire sur la façon de procéder.
Naturellement, il y a beaucoup de problèmes, ne serait-ce que lorsqu'il s'agit de fournir une photo de passeport. Je sais que dans ma propre circonscription, les gens doivent dépenser des centaines de dollars pour se rendre dans un endroit où ils peuvent se faire photographier. Il faut trouver des moyens de régler ce genre de problèmes.
D'autre part, même s'il y a des règlements, je tiens, comme vous l'avez dit, à ce qu'il y ait plus de collaboration. On pourrait même s'inspirer de l'une ou de l'autre culture pour déterminer la meilleure façon de manipuler les armes à feu. Nous pouvons prendre ici et là les règles les plus sages, les amalgamer et collaborer dans l'intérêt ultime de la sécurité publique.
Alors, ai-je bien compris, est-ce bien ce genre de collaboration, ainsi qu'une participation réelle de la collectivité locale, que vous souhaitez?
Mme Moss: J'aimerais enchaîner sur les observations de M. Kirkby.
Nous avons noté dans les documents que nous a fait parvenir le ministère de la Justice à l'occasion de ces consultations, qu'on laisse entendre que le processus d'élaboration des règlements - et aussi présumément non seulement ce que l'on appelle leur adaptation, mais les dispenses qui pourraient y être intégrées - n'est pas terminé. On y dit que l'on va continuer à écouter les Inuit et les autres peuples autochtones, et voir comment on peut répondre à leurs besoins par le biais de règlements spécifiquement adaptés. C'est par exemple la façon dont j'interprète les déclarations que l'on trouve dans l'étude d'impact de la réglementation qui a été publiée en même temps que les règlements.
On peut en effet, comme vous l'avez fait remarquer, adapter les dispositions de la loi sur des points comme les photographies, et ainsi de suite. Mais il y a des limites, comme on l'a fait remarquer dans les mémoires qui ont été présentés aujourd'hui et comme cela a été souligné lors des précédentes consultations.
Il est vraiment étrange que dans un texte législatif où l'on dit, d'un côté, qu'il ne doit pas être interprété comme abrogeant les droits ancestraux, ni les droits issus de traités... et pourtant, lorsque vous examinez les règlements et la loi, il n'y a pas une seule exception. À part le paragraphe 2(3) où l'on parle des droits ancestraux et issus de traités, on ne trouve pas de dispositions qui les mentionnent - nulle part. Et l'on utilise nulle part l'expression «bénéficiaires des revendications». On n'en parle nulle part.
Le plus grand risque que présentent ces règlements - notamment en ce qui a trait aux droits issus de traités - vient du fait que le gouvernement essaie de prendre en compte ces droits ancestraux et issus de traités par le biais de certains énoncés, comme ceux qui portent sur les exceptions concernant les chasseurs qui subviennent à leurs besoins et à ceux de leur famille, mais qui s'appliquent aussi bien aux Autochtones qu'aux autres. Comme on l'a fait remarquer plusieurs fois, peut-être que ces dispositions correspondent précisément aux conditions qui s'appliquent aux deux groupes, et aux activités qui sont visées par ces accords. On pourrait faire la même remarque en ce qui a trait aux règlements concernant les Autochtones et à la référence à la pratique de la chasse ancestrale. Peut-être que les dispositions des règlements correspondent exactement aux droits visés par les conventions, mais peut-être que non.
Vous demandez à ces gens-là de faire comme si c'était le cas, ce qui essentiellement signifie je ne sais pas trop quoi. Que des agents chargés de faire appliquer la loi vont arriver avec sous la Convention de la Baie James sous le bras avec ses 400 pages, avec plusieurs règlements d'application qui découlent de cette convention, avec l'article 35 de la Loi constitutionnelle, avec le jugement rendu dans l'affaire Sparrow ainsi que je ne sais pas combien de jugements rendus depuis, avec la Loi sur les armes à feu et ses règlements afférents et les adaptations visant les Autochtones, et dire: «oui, c'est juste, vous vous conformez à un droit ancestral et issu de traités et je peux déterminer que vous ne commettez pas un acte criminel en vous livrant à une activité qui, pour quelqu'un qui ne jouirait pas d'un droit issu de traités...»
Ce n'est pas ce qui va arriver. Les choses ne pourront se passer ainsi, et il faudra adapter la loi et les règlements et faire un lien avec les droits ancestraux et issus de traités. Jusqu'ici, le gouvernement a refusé de le faire. Présumément, c'est parce que les autorités gouvernementales ne veulent pas défendre à la Chambre des communes ce qui peut être considéré comme des dispenses particulières dont jouissent uniquement certaines personnes. Il ne s'agit pas de dispenses spéciales. C'est la loi. C'est la loi suprême; c'est la constitution.
Si le gouvernement se fixe un tel objectif. Si, par le biais du paragraphe 2(3) il veut protéger les droits ancestraux et issus de traités, il doit trouver la façon dont il pourra précisément et légalement refléter cela dans les règlements et dans la loi. Le danger, à l'heure actuelle, c'est que cela ne soit pas fait.
M. Kirkby: Est-ce un fait? Y a-t-il danger ou y a-t-il risque? Qu'en est-il? Selon vous, est-ce une réalité, ou y a-t-il un risque que l'on ne procède pas ainsi?
Mme Moss: Nous vous avons fourni certains exemples précis. Ainsi, lorsque nous avons demandé ce que signifiait l'expression «pratique de la chasse ancestrale» au cours des consultations - par exemple, dans le cadre de celles qui se sont déroulées à Iqaluit lorsque Pauktuutit est intervenue. Est-ce que cela recouvre le trappage et l'utilisation d'armes à feu pour pêcher et trapper? À cette époque, on a répondu à Pauktuutit que les dispositions seraient interprétées de façon très large, et que nous pouvions partir du principe que ces activités seraient couvertes par le mot «chasse». La personne qui nous a donné ce renseignement ne sera pas là lorsqu'un autre responsable de l'application de la loi donnera de cet article une interprétation différente.
Si par «chasse» on entend aussi la pêche, le trappage et l'utilisation d'une arme à feu pour assurer sa protection personnelle, alors, qu'on le dise. Si l'on parle de la pratique de la chasse ancestrale pour faire indirectement allusion aux droits ancestraux et issus de traités, alors, qu'on le dise de façon explicite. Pourquoi doit-on dire les choses indirectement? Si l'intention est de protéger les droits ancestraux et issus de traités, qu'on le dise explicitement.
M. Kirkby: Les tribunaux ont donné une interprétation de ce que signifie les droits ancestraux. Ce ne sont pas des droits qui ont été établis il y a je ne sais combien d'années. Ils ont évolué et cela a été pris en compte. Je pense que c'est une expression qui a été utilisée par les tribunaux et que c'est dans ce contexte qu'on l'utilise ici. Je ne pense pas qu'elle soit utilisée pour limiter la portée de ce qui est énoncé.
Mme Moss: La question suscite un débat assez animé à la Cour suprême du Canada. Dans plusieurs jugements, Mme L'Heureux-Dubé a remis en cause l'idée selon laquelle les droits ancestraux peuvent être définis en se référant à une période historique arbitraire. Elle a déclaré que cette interprétation était incorrecte. Peut-être que les autres juges de la Cour suprême ne partage pas son opinion, mais elle a bien insisté là-dessus dans plusieurs cas.
Il semble donc qu'en ce moment la Cour ne juge pas de façon unanime que l'on devrait accoler le mot «ancestral» aux droits des Autochtones; ce qui, notamment dans le contexte de récentes conventions sur les revendications territoriales... Dans ces conventions, on parle de droit de chasse, un point c'est tout. On ne parle pas du droit de pratiquer la chasse ancestrale. Le mot «ancestral» est utilisé de temps en temps, mais on parle de droit de chasse, un point c'est tout. Et ce qui pose un problème c'est le fait que l'énoncé des conventions portant sur les revendications territoriales et celui de la loi et de ses règlements ne correspondent pas.
Le président: Je vous remercie.
Cette discussion a été très intéressante et très utile. Je sais que je parle au nom des membres du sous-comité lorsque je dis à quel point nous sommes reconnaissants que vous ayez accepté de venir nous rencontrer aujourd'hui.
Je tiens également à remercier Mme Nashook qui nous a parlé d'Iqaluit. Merci beaucoup. Merci d'avoir pris le temps de participer. Ce n'était certainement pas facile pour vous d'être là-bas et d'écouter tout ce que nous avons dit, je m'en rends bien compte. J'ajoute que nos réfléchirons aux exposés que vous nous avez présentés sur les projets de réglementation sur la Loi des armes à feu. Merci encore, et bon retour.
Mme Flaherty: Merci.
Mme Creig: Si vous voulez venir pendant la semaine du 16 mars, vous êtes les bienvenues. Nous pourrions même vous emmener faire un tour dans notre région pour que vous sachiez ce qu'est une région sauvage.
Le président: Avant de lever la séance, permettez-moi de vous rappeler que nous nous réunissons à nouveau demain à 9 h 45 - un peu plus tard que d'habitude car nous allons avoir une téléconférence par vidéo avec la Saskatchewan. D'ici demain, à 9 h 45, la séance est levée.