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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 février 1997

.0904

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Le comité reprend ses audiences sur les règlements proposés aux termes de la Loi sur les armes à feu.

.0905

Le sous-comité accueille ce matin, du Grand Conseil des Cris, M. Brian Craik, directeur des relations fédérales, et Philip Awashish. Je pense qu'il y a aussi d'autres témoins que vous pourriez peut-être nous présenter maintenant.

M. Brian Craik (directeur, Relations fédérales, Grand Conseil des Cris): Merci, monsieur le président. Je représente les Cris pour ce qui est de leurs relations avec le gouvernement fédéral.

Je suis accompagné aujourd'hui par Deborah Friedman, du cabinet Mainville et Associés de Montréal, de l'ancien vice-grand chef des Cris, M. Philip Awashish, et de M. Rick Cuciurean de l'Association des trappeurs cris.

Je vais demander à M. Awashish de faire notre exposé. C'est une question très importante pour les Cris parce qu'elle touche à leur capacité de conserver leur mode de vie traditionnel.

Le président: Au nom du sous-comité, je vous remercie tous d'être venus ce matin et d'avoir pris le temps de venir nous exprimer vos opinions. Après votre exposé, j'espère que vous répondrez aux questions du sous-comité.

Monsieur Awashish, la parole est à vous.

M. Philip Awashish (conseiller et ancien vice-grand chef, Grand Conseil des Cris): Merci, monsieur le président et membres du sous-comité. Je vous adresse la parole au nom du Grand Conseil des Cris, l'Eeyou Astchee, du territoire cri du Québec, et de l'Association des trappeurs cris.

Les Cris du nord du Québec, les Eeyou Astchee, sont environ 12 000 et sont répartis dans neuf collectivités cries. Nous sommes bénéficiaires du traité moderne qu'est la Convention de la Baie James et du Nord québécois et je suis donc venu témoigner à votre sous-comité pour vous expliquer certaines dispositions de ce traité et faire état des droits, des intérêts et des préoccupations des Eeyou Astchee.

En 1995, le Grand Conseil des Cris de l'Eeyou Astchee, l'administration régionale crie (GCCQ/ARC) et l'Association des trappeurs cris ont présenté conjointement un mémoire au Comité permanent de la justice et des questions juridiques et au Comité du Sénat chargé de la législation sur les armes à feu proposée par le ministre de la Justice. Par la suite, le gouvernement a précisé que bon nombre des changements que nous souhaitions voir apporter à la loi pourraient être pris en compte par le biais de règlements sanctionnés par le gouverneur en conseil en vertu de l'alinéa 117u) de la loi.

Toutefois, après avoir passé en revue les projets de réglementation, nous avons constaté qu'aucun correctif n'a été apporté aux dispositions de la loi qui, comme nous l'avions souligné au départ, vont à l'encontre de nos droits ancestraux et issus de traités protégés par la Constitution. De fait, les règlements en vigueur, plus particulièrement le Règlement d'adaptation visant les armes à feu des peuples autochtones du Canada et le Règlement sur les droits applicables aux armes à feu, pour ne citer que ceux-là, sont toujours en flagrante contradiction avec les droits ancestraux et issus de traités des Cris et, à ce titre, sont anticonstitutionnels.

En conséquence, nous comparaissons devant vous aujourd'hui pour faire à nouveau valoir fermement notre opinion sur les restrictions limitant l'usage que nous pouvons faire des armes à feu, la protection de notre style de vie traditionnel et, ce qui est de la plus haute importance, la protection de nos droits issus de traités garantis en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Monsieur le président, nous demandons respectueusement au sous-comité d'apporter les cinq amendements suivants à la réglementation. Ces adaptations doivent être faites si l'on veut que la réglementation proposée respecte la Constitution et soit concrètement applicable par les communautés cries.

.0910

Premièrement, la réglementation devrait être modifiée afin de préciser que tout particulier qui est autorisé à chasser, trapper ou pêcher en vertu d'un droit ancestral ou issu de traités a automatiquement le droit d'obtenir un permis d'acquisition ou de possession d'armes à feu et d'obtenir un certificat d'enregistrement pour une somme nominale. Le droit de chasser, de trapper ou de pêcher fait partie des droits inhérents des peuples autochtones et a toujours été reconnu dans les traités.

D'après l'énoncé du Règlement sur les droits applicables aux armes à feu, seuls les particuliers qui ont besoin d'une arme à feu pour chasser afin de subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille sont dispensés du paiement des droits exigés pour la délivrance d'un permis et d'un certificat d'enregistrement.

Le droit de chasser, de trapper ou de pêcher conformément aux dispositions du chapitre 24 de la Convention n'appartient pas uniquement aux Cris qui chassent ou qui trappent pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille, mais c'est un droit dont jouissent tous les bénéficiaires de la Convention. Ces personnes peuvent travailler à salaire ou participer directement à de nombreuses activités traditionnelles qui, dans nos communautés, sont liées à la chasse. Par conséquent, dispenser des droits payables pour les permis et les certificats d'enregistrement uniquement les particuliers qui chassent pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille, selon l'étroite interprétation que l'on donne de cette expression dans le règlement, c'est sérieusement réduire la portée du droit de chasser, de pêcher ou de trapper dont jouissent les Cris.

Comme nous l'avons déjà indiqué, les Cris ont le droit de posséder une arme à feu pour chasser à des fins qui peuvent être personnelles ou communautaires à cause de leur statut de bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et non parce qu'ils ont besoin d'une arme à feu pour chasser ou trapper afin de subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille. Par conséquent, même si le Règlement sur les droits applicables aux armes à feu dispense du paiement de ces droits les particuliers qui chassent pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille, cette adaptation n'est pas suffisante pour que l'on puisse dire qu'elle respecte la fin, l'objet et la nature des droits ancestraux et issus de traités de nos citoyens.

En outre, les Autochtones qui ne seraient pas dispensés du paiement des droits feraient face à de sérieuses difficultés financières à cause du barème envisagé. Une fois le règlement en vigueur, un droit d'enregistrement allant de 10 à 18 $ s'appliquerait à tout achat, cession, don ou héritage d'une arme à feu. En outre, lorsqu'un Autochtone aura en sa possession une ou plusieurs armes à feu à partir du 1er janvier 1998, ces armes étant, de façon légitime, requises et utilisées pour chasser et pour trapper, il devra payer, pour obtenir les permis afférents, entre 10 et 60 $. Ce barème impose un coût excessif aux chasseurs et aux trappeurs autochtones.

Par ailleurs, les sommes ainsi perçues ne sont pas utilisées pour améliorer les conditions dans lesquelles les Cris exercent leur droit d'exploitation des ressources et, en ce sens, cela ne s'inscrit pas dans le contexte des droits issus de traités des Cris de la façon qui a été récemment sanctionnée par la Cour suprême du Canada dans le cadre de l'affaire Côté. Dans cette affaire, la Cour suprême a statué que faire payer aux Autochtones un modeste droit d'entrée pour pénétrer avec un véhicule automobile dans une zone de chasse où s'appliquent les droits issus de traités se justifiait. Toutefois, la Cour a fondé son jugement sur le fait que le droit en question ne représentait pas un fardeau financier, étant donné que les sommes ainsi recueillies devraient être utilisées exclusivement pour entretenir les routes qui se trouvent dans la zone de chasse, et que ce droit se distingue donc d'une taxe ou d'un droit dont le gouvernement tire un revenu.

Par conséquent, de notre point de vue, le jugement rendu dans l'affaire Côté montre que le paiement des droits pour enregistrer une arme à feu sans restrictions et obtenir un permis constitue, selon toute apparence, une violation flagrante des droits issus de traités dont jouissent nos citoyens, étant donné qu'il s'agit de redevances administratives et non de contributions destinées à être utilisées au profit du peuple cri.

.0915

Dans ce contexte, nous rappelons au Comité permanent que la Convention dispose spécifiquement que, lorsqu'on impose des restrictions au droit d'exploitation par le biais de permis, de licences ou autres autorisations, ils doivent être délivrés pour une somme nominale.

Le Grand Conseil des Cris et l'administration régionale des Cris, de même que l'Association des trappeurs cris ont toujours considéré que l'expression «somme nominale» signifie moins de 1 $. Par conséquent, exiger, pour délivrer des permis et des certificats d'enregistrement, une somme supérieure à 1 $ est une violation directe du droit issu de traités que nous venons de citer et est donc totalement inacceptable.

Pour éviter cette violation patente des droits issus de traités des Cris, nous demandons que de nouvelles dispositions soient intégrées au Règlement sur les droits applicables aux armes à feu afin de s'assurer que les dispenses prévues aux articles 7 et 12 s'appliquent aux Autochtones visés par le Règlement d'adaptation visant les armes à feu des peuples autochtones du Canada.

Deuxièmement, en ce qui a trait au Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, que tout particulier doit suivre et réussir, nous recommandons que la réglementation soit adaptée spécifiquement pour les peuples autochtones en précisant que, dans les circonstances où il est obligatoire, un tel cours doit être donné pour une somme nominale.

Le Règlement d'adaptation visant les armes à feu des peuples autochtones du Canada prévoit une certification substitutive qui dispense un particulier de suivre le cours lorsque

il n'est pas disponible

(A) soit à l'Autochtone dans un délai raisonnable après la présentation de sa demande de permis, compte tenu des circonstances,

(B) soit dans sa collectivité autochtone ou à tout endroit qui lui est accessible sans frais excessifs ni grandes difficultés,

(C) soit à un coût raisonnable dans les circonstances.

Nous nous opposons vivement à ce que la dispense soit accordée uniquement à des particuliers qui, du point de vue du contrôleur des armes à feu, répondent aux critères ci-dessus. Par ailleurs, ces critères sont vagues et ne seront probablement pas appliqués uniformément. Par exemple, quelle est la signification de l'expression «à un coût raisonnable dans les circonstances» ou «sans frais excessifs ni grandes difficultés»?

De notre point de vue, si un particulier qui détient des droits d'exploitation en vertu des traités applicables doit débourser une somme qui est supérieure à 1 $ pour assister au cours, cette exigence est tout simplement déraisonnable et viole indirectement nos droits issus de traités.

L'alinéa 24.3.18 de la Convention stipule clairement que «lorsque, par exception, des baux, permis, licences ou autres autorisations sont... demandés..., les Autochtones ont le droit de les recevoir pour une somme nominale...»

Troisièmement, nous demandons que le gouvernement du Canada adapte plus librement les dispositions de la réglementation portant sur les permis d'armes à feu sans restrictions. Plus précisément, nous recommandons que le gouvernement accepte de financer les coûts que doivent assumer les Autochtones pour se conformer aux exigences législatives concernant les permis.

Nous attirons votre attention sur l'alinéa 24.3.30 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois qui dispose clairement que le gouvernement fédéral doit veiller à ce que les règlements:

Toutefois, tels qu'ils sont actuellement énoncés, les règlements sont loin d'entraîner le moins de répercussions possible sur les droits d'exploitation issus de traités dont jouissent les Autochtones, bien au contraire.

Par exemple, d'après la réglementation, tout particulier qui souhaite obtenir un permis de possession ou d'acquisition doit fournir une photographie avec sa demande. Dans la plupart des collectivités du Nord québécois, on ne peut pas facilement prendre les dispositions nécessaires pour respecter cette exigence. De fait, on ne trouve les installations requises pour se procurer une photographie que dans une des neuf collectivités cries. Il faudrait investir 80 000 $ pour équiper les autres collectivités.

.0920

En outre, selon les dispositions de la réglementation envisagée actuellement, de nombreux Autochtones devront suivre le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu avant de pouvoir obtenir un permis d'acquisition. On pourrait faire valoir que cette obligation ne restreint pas de façon déraisonnable le droit des Autochtones de chasser, de trapper et de pêcher. Nous ne partageons absolument pas ce point de vue.

Par exemple, les collectivités cries n'ont pas d'argent pour financer l'infrastructure requise: salles de classe, documents et rémunération de l'instructeur. D'après nos estimations, donner le cours dans les collectivités cries coûterait 500 000 $.

Étant donné les conditions de vie pratiques qui prévalent dans les collectivités du Nord québécois, le gouvernement est-il prêt à fournir les ressources et le financement nécessaires pour faciliter la mise en oeuvre de ces règlements? Le gouvernement fédéral s'engagera-t-il à financer la construction d'installations où pourront être prises des photographies conformes aux normes établies par le gouvernement québécois? Le gouvernement acceptera-t-il de financer les frais encourus pour donner le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu au sein des collectivités cries?

Nous posons ces questions parce que, si les ressources nécessaires ne sont pas fournies en temps opportun, nos citoyens risquent d'être privés de leur droit de chasser, vu qu'ils ne pourront pas se conformer à toutes les exigences en matière d'enregistrement et de permis imposées par le biais de la réglementation.

En conséquence, nous proposons un amendement qui pourrait prendre la forme d'une disposition stipulant que le gouvernement du Canada a la responsabilité de financer l'acquisition d'équipement photographique ainsi que les frais de mise en oeuvre et d'administration du Cours de sécurité dans le maniement des armes à feu dans les collectivités autochtones.

Quatrièmement, nous demandons que le gouvernement du Canada modifie la réglementation de façon à permettre aux administrations locales cries de dispenser le Cours de sécurité dans le maniement des armes à feu et d'émettre les certificats d'enregistrement et les permis d'armes à feu.

Dans la mesure où il faut posséder des connaissances de base sur leur maniement sécuritaire avant de pouvoir posséder et utiliser des armes à feu, les autorités locales cries, sont les mieux placées pour transmettre les connaissances et certifier qu'elles ont été acquises. Par conséquent, nous recommandons que l'on amende la réglementation et que l'on prévoie la nomination de contrôleurs d'armes à feu autochtones qui auront les mêmes pouvoirs et la même autorité que le contrôleur des armes à feu.

Dans les localités autochtones isolées du Nord québécois, la nomination d'un contrôleur d'armes à feu autochtone, issu de la population locale, est la seule méthode réaliste d'assurer effectivement le respect des dispositions de la loi et de la réglementation portant sur la délivrance d'un permis d'armes à feu et d'un certificat d'enregistrement. Il n'est tout simplement pas réaliste d'envisager d'administrer à distance la délivrance de permis, et en particulier le processus de certification substitutive prévu dans le Règlement d'adaptation visant les armes à feu des peuples autochtones.

Plus important encore, nous soulignons à nouveau qu'en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, lorsque l'exercice du droit d'exploitation est assujetti à l'obtention de permis ou de licences, les Autochtones ont le droit de les recevoir par l'entremise de leurs administrations locales respectives.

Enfin, au cas où aucune de ces solutions ne serait retenue, nous demandons que tous les Cris couverts par la Convention reçoivent automatiquement et gratuitement un permis d'armes à feu. C'est le moyen le plus pratique auquel le gouvernement fédéral puisse avoir recours pour respecter ses obligations envers les Cris en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Nous rappelons au comité le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sparrow qui fait jurisprudence; par le biais de ce jugement, la Cour a confirmé le rôle particulier et historique qu'ont joué les Autochtones et qui est reconnu dans la Constitution canadienne et a déclaré que l'État doit mettre son point d'honneur à entretenir et à protéger ses relations de fiduciaire avec les peuples autochtones.

Pour toutes les raisons que nous avons soulignées aujourd'hui, la réglementation envisagée, dans le cadre de laquelle on prévoit des droits d'enregistrement et de permis d'armes à feu trop élevés et des conditions trop exigeantes, entraînerait pour nos citoyens des difficultés excessives. Si l'on se fonde sur les raisons données par la Cour suprême dans l'affaire Sparrow, cette violation apparente de nos droits issus de traités ne peut être justifiée parce que cela se résume à une restriction déraisonnable de nos droits et empêche effectivement notre peuple d'exercer, selon les modalités qui ont préséance, leur droit de chasser, de pêcher et de trapper sur leur territoire.

En dernière analyse, nous souhaitons souligner que les recommandations que nous formulons sont fondamentales si le Parlement désire s'assurer que la réglementation est compatible avec les droits ancestraux et issus de traités des Cris de Eeyou Astchee qui devraient être expressément énoncés dans cette législation subséquente.

.0925

De notre point de vue, à titre de parlementaires, vous avez notamment la responsabilité d'appliquer la Constitution de ce pays et de garantir que le Canada respecte ses obligations envers les Cris du Québec en prenant en compte leurs droits et leurs intérêts stipulés dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

En conclusion, nous espérons que le comité reconnaît qu'en proposant ces amendements, nous cherchons à trouver un compromis. Nous sommes convaincus que ces amendements ne sont absolument pas contraires à l'objectif des règlements concernant la délivrance de certificats d'enregistrement et de permis d'armes à feu et n'en diluent pas l'efficacité. Loin de là. De fait, ils renforceront la portée de la législation en facilitant son application par le biais d'adaptations et permettront ainsi aux peuples autochtones de la respecter plus largement.

Vient ensuite le résumé de nos recommandations, mais je pense que je fais mieux de m'arrêter immédiatement. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Awashish.

Avez-vous aussi un exposé à faire, monsieur Cuciurean?

M. Rick Cuciurean (coordonnateur de projets spéciaux, Association des trappeurs cris): Non, pas vraiment.

Le président: Nous sommes maintenant prêts à passer aux questions. Commençons par M. de Savoye.

[Français]

M. de Savoye (Portneuf): Madame, messieurs, merci de votre présence.

Monsieur Awashish, j'ai écouté avec attention votre présentation. Vous avez relevé un certain nombre de points qui vont certainement retenir l'attention de ce comité. Vos recommandations sont précises et faciles à comprendre.

Monsieur Awashish, d'autres groupes autochtones sont venus devant ce comité et ont indiqué également leurs préoccupations. Entre autres, un groupe a indiqué qu'il considérait que le pouvoir de légiférer dans le domaine du contrôle des armes à feu relevait de son peuple plutôt que du gouvernement du Canada. Je n'ai pas retrouvé un tel propos dans votre présentation.

Cependant, je crois comprendre que les Cris, à toutes fins utiles, voudraient gérer l'application de la loi sur leur territoire. Ai-je bien saisi la portée et la teneur de vos propos?

[Traduction]

M. Awashish: Merci. Pour nous, les Cris, le droit à l'autonomie gouvernementale est un droit inhérent. Nous exerçons ce droit à Eeyou Astchee, c'est-à-dire dans le territoire cri du nord du Québec. Dans notre mémoire, nous n'avons pas dit que les Cris ont la compétence ou le devoir de légiférer en matière d'armes à feu, non plus que de prendre des règlements. Cela ne veut pas dire pour autant que les Cris ne devraient pas le faire à notre avis. Nous devons maintenant appliquer la Loi sur le contrôle des armes à feu et voilà qu'on nous présente les règlements qui s'appliqueront aux peuples autochtones. Les Cris ont simplement décidé de réagir à cette situation permettant au gouvernement d'atteindre les objectifs du projet de loi et des règlements tout en permettant aussi aux Cris de jouer un rôle dans l'application de cette loi et de ces règlements.

.0930

La Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est une loi fédérale qui s'applique aux Cris. Le gouvernement du Canada avait l'obligation d'adopter une loi spéciale à l'intention des Cris, pour l'administration des terres de catégorie 1A et plus particulièrement pour l'habilitation de gouvernements locaux. C'est cette loi qui confère au gouvernement cri ses pouvoirs.

Pour nous, le principe de l'autonomie gouvernementale est également reconnu dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Nous ne croyons pas que notre droit à l'autonomie gouvernementale découle d'une loi adoptée par le Parlement du Canada ou de la province de Québec. Il s'agit d'un droit inhérent qui existait avant l'avènement des gouvernements du Canada et du Québec.

Il importe également de savoir que la Loi sur les Indiens ne s'applique pas, d'une façon générale, aux Cris du Québec. Les Cris sont régis par la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Dans le nord du Québec, les Affaires indiennes n'ont pas grand-chose à faire dans l'administration de nos affaires dans notre territoire. Nous nous administrons nous-mêmes.

Nous avons déposé nos propositions à l'égard de ces règlements et je voudrais également que mes commentaires soient pris en compte. Les Cris estiment que le droit à l'autonomie gouvernementale est un droit inhérent. Nous avons en outre essayé de respecter les obligations et responsabilités du gouvernement du Canada pour ce qui est de bien appliquer la Loi sur le contrôle des armes à feu et les règlements qui en découlent.

[Français]

M. de Savoye: Merci, monsieur Awashish.

[Traduction]

Je suis très sensible à ce que vous venez de dire sur l'autonomie gouvernementale. Si je comprends bien vos recommandations, la nation crie jugerait ces règlements acceptables si leur application, de même que celle de la loi, était confiée aux Cris et si des fonds suffisants leur étaient consentis pour qu'ils puissent respecter les règlements?

M. Craik: Permettez-moi de répondre à cette question.

C'est en grande partie ce que nous disons dans notre mémoire. Toutefois, comme vous le comprendrez, nous ne voulons pas que l'application de cette loi nuise à l'exercice de nos droits de chasse, de pêche et de trappage, droits que possèdent tous les Cris et non seulement ceux qui exercent, de leur avis ou de celui d'un observateur de l'extérieur, la chasse de subsistance.

.0935

Mais sous le régime de ces règlements, nous nous retrouverons avec un préposé aux armes à feu de l'extérieur, qui ne comprend pas vraiment la communauté crie, et qui décidera qui exerce la chasse de subsistance et qui ne l'exerce pas. Nous ne pouvons accepter cela.

Dans ce règlement, il faut reconnaître que les Cris ont le droit de se gouverner eux-mêmes. Comme Philip l'a dit, les Cris ont déjà fait de grands efforts pour s'entendre avec le Québec et le Canada sur la façon dont leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale devrait se traduire dans les lois du pays et de la province. Nous voudrions, je le répète, que les droits des Cris soient reconnus de la même façon dans les règlements.

Voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Deborah Friedman (conseillère juridique, Grand Conseil des Cris et Association des trappeurs cris): Oui, permettez-moi d'ajouter une chose.

Pour ce qui est des mesures proposées au titre du cours de maniement sécuritaire des armes à feu, des autorisations et des certificats d'enregistrement destinés aux Autochtones cris, je vous signale qu'à l'heure actuelle, il est clairement dit dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois que tous les permis, licences et autres autorisations - et on pourrait également y inclure les cours de maniement sécuritaire des armes à feu, puisqu'il s'agit d'un autre type d'autorisation - doivent être octroyés par les communautés cries et leurs administrations locales, ou alors par les gouvernements autochtones locaux en général. Cela fait partie des droits actuels des Cris du Nord québécois.

Lorsque nous parlons d'autonomie gouvernementale et de sa reconnaissance, nous parlons d'appliquer ce qui existe déjà. Il est très clair qu'à l'heure actuelle, les Cris ont le droit de contrôler l'octroi et l'administration des licences et permis.

M. de Savoye: Monsieur le président, merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président.

Merci également à nos témoins de ce matin pour leur témoignage.

Il semble que vous ayez reconnu la nécessité d'octroyer des permis à tous les propriétaires et utilisateurs d'armes à feu, d'enregistrer toutes les armes à feu qui se trouvent dans vos communautés et d'offrir les cours de maniement sécuritaire, conformément aux exigences de la loi et des règlements. Vous ai-je bien compris? Ai-je raison de croire cela?

M. Awashish: Nous reconnaissons le but du projet de loi et des règlements. Cependant, tout cela est sous réserve de nos droits ancestraux et issus de traités. C'est également sous réserve de l'état du droit au Canada - c'est-à-dire du droit sanctionné par la Constitution et, comme je l'ai indiqué, de certaines décisions de la Cour suprême.

Il ne faut pas que toutes ces exigences, que ce soit à l'égard de permis ou d'autres choses, enfreignent nos droits ancestraux et issus de traités. Ces exigences doivent surtout respecter les dispositions de la Constitution, dans laquelle sont reconnus les droits issus de traités des Autochtones.

Mme Friedman: Pour faire suite à ce que Philip vient de dire, il ne fait aucun doute qu'il est nécessaire d'octroyer des permis, d'enregistrer les armes ou de donner des cours de maniement sécuritaire. Toutefois, il faut mettre en place un programme qui soit conforme aux droits déjà garantis sous le régime de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et des droits enchâssés à l'article 35 de la Constitution.

Vous nous demandez si nous reconnaissons la nécessité de ces choses-là, mais il ne serait pas réaliste pour nous de répondre par un simple «oui». L'application d'un tel cadre réglementaire doit être compatible avec les droits issus de traités qui existent déjà et les lois applicables.

.0940

Parmi les règlements, on en trouve un intitulé «Règlement d'adaptation visant les armes à feu des peuples autochtones du Canada». Vous devez comprendre que les lois et les règlements généraux doivent être adaptés de façon à respecter les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones.

M. Ramsay: Le but de la loi est d'augmenter la sécurité du public. D'après ce que j'ai compris du témoignage présenté au Comité ce matin, les Cris de la Baie James reconnaissent qu'il est nécessaire d'octroyer des permis aux utilisateurs et aux propriétaires d'armes à feu, d'enregistrer toutes les armes à feu et de donner des cours de maniement sécuritaire. Ce qui vous préoccupe surtout, c'est que ces mesures, qui visent à accroître la sécurité publique dans ces domaines, doivent être appliquées sans violer ou modifier les droits actuels du peuple cri. Vous ai-je bien compris?

M. Craik: Le fait est que dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois, les Cris ont reconnu qu'ils se conformeraient à certaines mesures générales en matière de contrôle des armes à feu. Pour cela, il faut que ces mesures soient conformes aux autres droits conférés aux Cris dans le traité et qu'il y ait des consultations, selon les mécanismes établis à cette fin dans le traité. Par exemple, le Comité conjoint - chasse, pêche et trappage - est l'une des principales tribunes par lesquelles le Canada peut tenir des consultations sur l'application de tels règlements.

M. Ramsay: Je comprends cela.

M. Craik: Malgré tout cela, pour cette loi-ci comme pour d'autres lois par le passé, nous avons constaté que le gouvernement a tendance à ne tenir aucun compte des droits issus de traités et des moyens établis dans le traité pour consulter les Cris. C'est pourquoi nous devons toujours nous présenter devant des comités comme celui-ci pour essayer de protéger les droits qui nous sont conférés par le traité.

Croyons-nous que la loi, dans sa forme actuelle, permettra vraiment d'améliorer la sécurité dans l'utilisation des armes à feu? Bien franchement, nous croyons que de meilleures mesures pourraient être mises en place. Nous croyons que la loi est insuffisante et qu'il est un peu ridicule de vouloir exiger que toute personne utilisant une arme à feu dans la communauté crie soit titulaire d'un permis. Est-il possible de modifier la loi de façon à ce qu'elle corresponde à la réalité? Nous ne le croyons pas, puisque nous avons constaté à de nombreuses reprises que les rédacteurs de telles mesures sont incapables de produire des lois pratiques.

Par conséquent, nous proposons que toute la communauté crie soit titulaire d'un permis d'armes à feu, et tous les bénéficiaires du traité ont ce droit. Nous ne refusons pas la loi; au contraire, nous sommes prêts à l'appliquer, mais vous devrez en assumer les coûts, des coûts assez élevés.

Pour ce qui est des cours de maniement sécuritaire des armes à feu, nous donnons de tels cours depuis des années. Nous croyons que ces cours ont été profitables car on y enseigne aux gens les aspects techniques des armes à feu tout en leur rappelant les objectifs de sécurité. Mais si vous comparez le nombre d'heures d'utilisation d'armes à feu par personne dans la communauté crie au nombre d'accidents, vous constaterez que la proportion est très faible. Les gens apprennent assez bien, par leurs traditions, comment se servir d'armes à feu. La loi constitue-t-elle une amélioration à ce titre, outre les cours de maniement sécuritaire des armes à feu, que nous donnons déjà? Eh bien, outre ces cours, je ne crois pas que la loi propose grand-chose pour améliorer la sécurité en matière d'armes à feu dans les communautés cries.

M. Cuciurean pourra nous en dire davantage à ce sujet.

M. Cuciurean: Les trappeurs estiment probablement que l'octroi de permis ou l'enregistrement des armes est superflu. Toutefois, ils acceptent ce que les Blancs veulent faire à Ottawa. Ils élisent des gens, créent des lois et font leurs propres affaires. D'après les trappeurs, si les Blancs estiment avoir besoin de telles mesures, tant mieux pour eux - à Ottawa, Montréal ou Calgary. C'est leur problème, qu'ils se débrouillent.

.0945

Les trappeurs ont besoin d'armes et de munitions pour chasser, piéger et pêcher. Ils ne peuvent les obtenir. Chez les Cris, il n'y a pas de magasins où ils peuvent se procurer des armes ou des munitions. Ils doivent pour cela aller à Val-d'Or, une ville blanche, à Montréal ou dans d'autres villes comme Matagami. S'ils vont au Canadian Tire de Matagami et qu'ils veulent acheter une.22, le vendeur leur demande de produire des documents. Il faut attendre 28 jours, suivre un cours, obtenir des formulaires, se faire photographier, etc.

Mais pour un chasseur de subsistance, s'il faut trois mois pour obtenir tous les documents par télécopieur et par téléphone, trois autres mois pour les renvoyer, c'est six mois de perdus pendant lesquels les oies volent et les lapins courent. Il n'a pas d'autre choix que de violer la loi et d'emprunter le fusil de son beau-frère. Il lui faut violer la loi et risquer de se retrouver trois ans en prison, d'après les dispositions du projet de loi C-17.

Les Cris ne sont pas favorables au projet de loi C-68, les trappeurs non plus. Ils ne pensent pas que cette loi est fantastique. Je me dois de reprendre les propos de Brian et de les souligner: si vous voulez mettre en place un tel système dans le Sud, tant mieux, mais il faut faire en sorte que les Cris puissent le respecter. S'ils ne peuvent le respecter, ils deviennent automatiquement des criminels. Du jour au lendemain, ils deviendront des criminels en 2001 puisque aucun d'entre eux n'a de permis et que les armes ne sont pas enregistrées. Ils seront alors passibles de trois années d'emprisonnement. Et en plus, ils ne peuvent acheter de munitions. À quoi cela rime-t-il? De toute évidence, leur traité leur confère un droit de chasse. Ce n'est pas juste.

Le président: Monsieur Kirkby.

M. Kirkby (Prince Albert - Churchill River): Je vous remercie d'être venus faire part au comité de vos idées sur les règlements découlant de la Loi sur les armes à feu.

Il me semble que vos propos se situent surtout à un niveau concret. Comment pourrons-nous aider les gens à respecter les règlements?

Ma circonscription est située dans le nord de la Saskatchewan. Je sais que par le passé, différents gouvernements ont adopté bien des lois. Souvent, dans le Nord, les gens ne prennent connaissance de ces lois que six ans après leur adoption, lorsque des accusations sont déposées contre quelqu'un.

Je suis certain que vous et votre gouvernement souhaitez éviter ce genre de situation et voir à ce que les gens participent pleinement au programme.

Êtes-vous prêts à collaborer avec le gouvernement pour mettre en place un cadre d'application? Il faudra pour cela négocier avec la province, mais seriez-vous prêts à travailler avec le gouvernement fédéral et la province pour mettre en place un cadre d'application, un cadre de formation et d'enregistrement - pour régler ces problèmes d'ordre pratique et voir à ce que de tels cas ne se présentent pas dans vos communautés?

M. Awashish: Nous sommes bien prêts à collaborer avec les gouvernements pour l'application de ces règlements du moment que ces derniers correspondent à la réalité des communautés cries dans les territoires cris du Nord et aussi du moment que ces règlements n'enfreignent pas nos droits issus de traités. Nous avons présenté des recommandations au sous-comité. Nous pensons que les projets de règlement devraient être modifiés pour les rendre conformes à la réalité.

.0950

Nous avons souligné que, dans le cadre de cette collaboration avec le gouvernement, ce sont les communautés locales, que ce soit par le truchement de leurs gouvernements locaux ou par d'autres formes d'autorités locales, qui participeront à l'administration et à l'application de ces règlements.

Voulez-vous faire des observations, Rick ou Brian?

M. Craik: Je serai bref et je laisserai ensuite la parole à Rick, puisque c'est lui qui s'occupe de l'aspect pratique de ces choses-là.

Pour répondre rapidement, nous ferons ce que nous devons faire du point de vue concret pour que les Cris puissent continuer à posséder les armes et les munitions qui leur sont nécessaires pour la chasse, la pêche et le trappage. Nous collaborerons probablement avec le gouvernement «sous toute réserve» mais nous demanderons quand même aux tribunaux de statuer.

M. Cuciurean: Les trappeurs sont des gens très pragmatiques. Nous avons essayé de procéder de cette façon dans le cas du projet de loi C-17. Mais il nous est difficile d'être bien optimistes quand, depuis cinq ans, chaque fois que nous faisons une demande d'aide au ministère des Affaires indiennes, on nous répond que cela relève du ministère de la Justice, que le ministère de la Justice nous dit que cela relève de la province et que la province nous dit que cela relève du gouvernement fédéral.

C'est le genre de réponse qu'on nous a donné pour des demandes pourtant simples, comme de traduire le cours de maniement sécuritaire des armes à feu en cri de la Baie James ou pour l'achat d'une caméra de 1 000 $. Cela fait sept ans que nos projets sont contrariés de cette façon.

Je suis d'accord avec vous. L'Association des trappeurs cris est extrêmement pragmatique. Si l'on nous dit chez Canadian Tire qu'il nous faut une AAAF, nous nous renseignons sur la façon d'en obtenir une. Mais si vous regardez toutes les étapes nécessaires, vous constatez que ce n'est pas aussi facile que cela en a l'air. Il y a là toutes sortes d'obstacles pour les gens des régions rurales qui ne peuvent lire ou écrire l'anglais et qui n'ont pas accès à des téléphones ou à des bureaux de poste pour faire toutes ces choses nécessaires au respect des règlements.

Au Québec, il nous faut six lettres de recommandation pour obtenir une AAAF, non pas deux comme dans les autres provinces. Au Québec, il en faut six. Il est difficile, pour les gens qui appartiennent à certains groupes d'âge, de trouver six personnes qui peuvent lire la lettre de recommandation en anglais. Cela signifie que je dois, avec l'aide du traducteur, traduire pour eux cette lettre de recommandation. Ils veulent savoir ce qu'ils signent. Pour une lettre d'une page, cela représente 15 minutes par personne.

M. Kirkby: Je connais dans leurs moindres détails tous les problèmes d'ordre pratique auxquels vous êtes confrontés. Dans ma propre circonscription, des gens doivent prendre l'avion pour aller ailleurs se faire photographier. C'est à des choses comme celles-là qu'il faut trouver des solutions.

M. Cuciurean: C'est la même chose à la Baie James.

Le président: Monsieur Kirkby, avez-vous d'autres questions?

M. Kirkby: Non.

Le président: Eh bien, il nous reste deux minutes. Avez-vous d'autres questions, monsieur de Savoye?

[Français]

M. de Savoye: Non. Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ramsay?

M. Ramsay: Je trouve admirable que vous soyez prêts à respecter les règlements, mais vos préoccupations concernent davantage la loi que les règlements.

.0955

Par exemple, avant d'octroyer un permis sous le régime de l'article 5 de la loi, le contrôleur des armes à feu doit tenir compte d'éventuels antécédents criminels, délits avec violence, trafic de drogues, etc. À combien de gens dans vos collectivités pourrait-on refuser un permis de possession ou d'utilisation d'une arme à feu, en application de l'article 5, du fait qu'ils ont pris part à une bataille, une agression ou un acte de violence?

Pour que votre nation puisse respecter ces règlements, ne vaudrait-il pas mieux modifier la loi elle-même plutôt que les règlements?

M. Craik: Nous avons déjà présenté un témoignage au sujet de la loi. Nous n'étions pas satisfaits de son libellé. Mais un grand nombre de nos recommandations ont été rejetées.

Nous faisons tout ce que nous pouvons, à chaque étape de ce processus, pour essayer d'obtenir ce dont nous avons besoin du point de vue pratique. Nous ne croyons pas que la loi pourra être révisée en profondeur. Le gouvernement n'a manifesté aucune volonté dans ce sens.

M. Ramsay: Eh bien, s'il n'y a pas de volonté...

Le président: Monsieur Ramsay, nous devons terminer. Vous pouvez poser une autre question.

M. Ramsay: Bien, voici ma dernière question. Si le gouvernement n'accepte pas les recommandations que vous nous avez présentées aujourd'hui, que ferez-vous?

M. Awashish: Les Eeyou Astchee, c'est-à-dire les Cris du territoire cri du nord québécois, prendront toutes les mesures nécessaires pour protéger leurs droits ancestraux. Comme nous l'avons mentionné ce matin, nous essayons de respecter les exigences du gouvernement sur certains points, mais certaines dispositions vont clairement à l'encontre de l'exercice de nos droits issus de traités. Quand je dis que nous prendrons toutes les mesures nécessaires, cela signifie que nous contesterons la loi et les règlements qui en découlent devant les tribunaux.

Le président: Monsieur Cuciurean, vous voulez répondre rapidement?

M. Cuciurean: Il y a aussi à cela un autre élément.

Vous avez donné un bon exemple de la loi. Par exemple, pour obtenir que soit nommé un préposé autochtone aux armes à feu, cela suppose... On ne peut pour cela se fonder sur les règlements. Il faudrait modifier la loi pour que puisse être nommé un préposé autochtone aux armes à feu. À l'heure actuelle, la loi ne permet qu'un contrôleur par province.

Il faudrait revoir de nombreuses dispositions de la loi, mais nous ne sommes pas venus ici pour cela aujourd'hui.

Le président: Madame Friedman, rapidement.

Mme Friedman: J'aimerais indiquer rapidement ce qui peut être fait par la loi par rapport à ce qui peut être fait par les règlements.

Dans les règlements, il serait facile d'exempter les Autochtones des droits exigés à l'égard des permis. Cela pourrait se faire dans les règlements et ce serait la moindre des choses si l'on veut que les règlements soient conformes à un droit issu de traité qui existe actuellement sous le régime de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. On dit clairement dans ce document que les droits exigibles à l'égard de licences et de permis qui limitent le droit d'exploitation des Autochtones doivent être d'une somme nominale. Cette modification pourrait être faite au niveau des règlements.

Le président: Merci, madame Friedman.

Madame Whelan.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Ma question a trait au droit à payer. Je ne suis pas sûre que nous comprenions tous bien ce qu'il est.

D'après ce que je comprends, on peut enregistrer toutes les armes à feu qu'on a en sa possession en versant un droit de 10 $ la première année et en payant 10 $ pour obtenir un permis de possession d'armes à feu valable pour cinq ans. Donc, cette dépense de 20 $ sur une période de cinq ans équivaut à environ 33c. par mois. Après cela, il faudra payer 45 $ pour conserver son permis de possession, ce qui revient à moins de 1 $ par mois. Alors, quand vous parlez de somme nominale, je ne suis pas sûre de bien comprendre.

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Mme Friedman: Vous parlez spécifiquement des permis de possession.

Mme Whelan: Exact.

Mme Friedman: Un individu qui veut obtenir un permis d'acquisition, toutefois, devra verser un droit pour chaque certificat d'enregistrement pour chacune des armes qu'il veut enregistrer.

D'une part, vous parlez des armes qu'un individu qui va présenter une demande a en sa possession. Sur le formulaire de demande, il va énumérer toutes les armes à feu qu'il veut faire enregistrer. Dans ce cas, les droits sont de 10 $. Mais, par après, chaque fois qu'un membre autochtone de la communauté voudra acheter une nouvelle arme à feu et voudra l'enregistrer, il lui faudra payer pour chaque certificat d'enregistrement de chaque arme à feu.

Mis à part cette brève période de sursis qui est proposée, et à propos de laquelle on peut parler de droit nominal, il est bien clair que le droit à verser pour obtenir un permis n'est pas nominal. Le droit à verser pour le cours de maniement sécuritaire ne sera pas nominal. On offre donc un bref délai pendant lequel on peut effectivement parler de droits nominaux, mais mise à part cette exception, tous les autres frais sont supérieurs à ce qu'en droit on pourrait considérer comme nominal.

Mme Whelan: Êtes-vous d'accord donc pour dire que dans un premier temps les droits à verser seront nominaux mais qu'après ils ne le seront plus et qu'il y a lieu d'en discuter?

Mme Friedman: Je n'irais même pas jusqu'à parler de droits nominaux, étant donné que selon la compréhension qu'a le particulier de... C'est une autre chose. Il faut être en mesure de comprendre la réglementation elle-même pour se rendre compte qu'on aura un certain délai pour remplir un formulaire de demande d'enregistrement pour les armes à feu qu'on a déjà en sa possession, qu'il faudra énumérer toutes ces armes à feu, et que c'est dans ces circonstances qu'on n'aura à payer que 10 $. Je ne suis pas sûre que tous les membres des communautés autochtones du nord du Québec seront en mesure de comprendre cette interprétation de la réglementation. Ceux qui ne la saisiront pas seront contraints de payer pour chaque certificat d'enregistrement subséquent.

Le président: Merci, madame Whelan.

Je tiens à remercier les témoins de ce matin pour leur exposé. Je sais que nous parlons au nom de tous les membres du Sous-comité - nous vous savons gré de votre franchise et de vos propositions. Quant à savoir, bien sûr, ce que nous pourrons effectivement faire, c'est une autre question, mais nous allons examiner la chose attentivement. Je tenais à vous en donner l'assurance.

Se présenter ici à 9 heures du matin, ce n'est pas facile. Je sais que vous êtes venus de loin, et nous vous en remercions. Je vous remercie tous et chacun: monsieur Awashish, monsieur Craik, et de l'Association des trappeurs cris, monsieur Cuciurean et madame Friedman.

Nous ferons une pause de cinq minutes après quoi nous entendrons les prochains témoins.

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Le président: Nous allons maintenant entendre les témoins suivants.

Nous sommes très heureux d'accueillir de Toronto, par vidéoconférence, M. Paul Shaw de la Fédération de tir du Canada.

Monsieur Shaw, nous recevez-vous bien à Toronto?

M. Paul Shaw (membre, comité exécutif, Fédération de tir du Canada): Oui, je vous reçois bien.

Le président: Vous êtes accompagné par M. Ed Martin, vice-président, n'est-ce pas?

M. Shaw: Oui.

Le président: Soyez les bienvenus. Nous sommes heureux de vous accueillir ce matin. Nous vous invitons à présenter votre exposé, et nous espérons pouvoir ensuite vous poser des questions.

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Est-ce que cela vous convient, messieurs?

M. Shaw: Oui. Merci.

Le président: Nous vous écoutons.

M. Shaw: Merci.

Monsieur le président, membres du sous-comité, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous exposer nos préoccupations.

M. Martin est le vice-président, Opérations, de la Fédération de tir du Canada. Il a une grande expérience des armes à feu, de l'organisation de compétitions locales, de la participation à celles-ci et de l'entraînement. Il fait partie de la Canadian International Muzzleloading Team depuis des années, et il siège aussi à l'exécutif depuis plusieurs années.

Je suis actuellement président de la Fédération de tir du Canada. Je suis avocat de formation. J'ai eu l'occasion de rédiger notre exposé sur le projet de loi C-68 quand il était à l'étude au Comité permanent de la justice et des questions juridiques et au Sénat. J'ai en fait eu l'occasion de comparaître et de faire un exposé devant le comité.

J'ai représenté dans tout le Canada différents groupes qui manient des armes à feu dans le cadre de leurs loisirs. Personnellement, je participe à des compétitions de tir au pigeon d'argile depuis de nombreuses années et l'an dernier j'ai eu l'occasion de représenter le Canada aux Olympiques du Centenaire dans la compétition du tir au pigeon d'argile. Je peux dire au nom de bon nombre de mes collègues que quand nous avons l'occasion de représenter le Canada, nous sommes extrêmement fiers de cette occasion qui nous est offerte de compétitionner et de représenter notre pays.

Je peux dire que parmi la communauté des adeptes du tir, ceux qui vont à l'étranger pour représenter le Canada sont à tous égards d'excellents ambassadeurs partout où ils vont.

Comme vous pouvez le constater dans notre mémoire, la Fédération de tir du Canada a un vaste mandat. Nous l'expliquons en partie dans notre mémoire, mais notre mandat inclut la protection et la promotion de notre sport. Nous avons des membres de tout calibre, jusqu'au calibre olympique. Notre fédération compte aussi bien des hommes, que des femmes, des garçons, des filles, des personnes physiquement aptes et des personnes handicapées. Nous avons des membres de tous les groupes socio-économiques. En matière de sécurité, notre feuille de route est irréprochable. Ce n'est pas l'effet du hasard, mais parce que notre organisation, nos clubs et nos membres insistent pour respecter les règles de sécurité - non pas seulement certains jours, mais tous les jours.

Nos antécédents montrent que nous avons toujours été respectueux des règles de sécurité, même quand n'existaient ni le projet de loi C-68 ni les règlements actuellement à l'étude. Je peux dire au comité que ces règlements ne vont pas nous aider à mener à bien nos projets. Ils constitueront des entraves. Ils seront pour nous des entraves plutôt qu'un soutien.

Nous représentons ici des dizaines de milliers de propriétaires d'armes à feu qui agissent de façon responsable dans tout le pays et qui redoutent l'effet que le projet de loi C-68 et les règlements ont déjà et auront sur eux.

Dans notre mémoire, nous exposons nos préoccupations de façon précise. Nous parlons de certains articles et soumettons des recommandations afin qu'on apporte des changements qui, à notre avis, amélioreraient l'ensemble de la réglementation. Nous appuyons en particulier la position prise par l'Ontario Handgun Association. Nous avons travaillé étroitement avec cette association et différents autres groupes et organisations. À ce propos, ils font partie de notre fédération et nous souscrivons aux propositions présentées dans leur mémoire. Vous vous souviendrez que vous avez eu des échanges avec eux la semaine dernière au cours d'une téléconférence.

Il serait plus productif, à mon avis, que je présente un aperçu des trois sujets de préoccupation que constituent pour nous la réglementation et ses effets. Certains de ces aspects sont d'ordre idéologique. Vous n'avez pas l'occasion de les examiner à fond, mis à part ces aspects dont vous pourriez peut-être traiter par voie de règlement en tentant de faire en sorte qu'ils soient plus faciles à respecter pour l'utilisateur.

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L'aperçu général, comme je vous le disais, porte sur trois aspects. Il s'agit du système de justice pénale, de la disparition de notre sport et de l'impact économique.

Certaines questions ne relèvent peut-être pas de la compétence du sous-comité. Cependant, elles relevaient certainement de celle du Parlement et du Sénat. Nous avons bel et bien exposé nos préoccupations, mais le projet de loi C-68 a quand même été adopté, et nous estimons qu'il sera très difficile pour nos membres de le respecter.

Le système de justice pénale est le mécanisme par lequel le projet de loi C-68 et ses règlements sont mis en application. Dans tout le pays, certains de nos membres sont encore offusqués du fait que, bien qu'ils aient agi légalement et sans compromettre la sécurité ni constituer une menace pour eux-mêmes ni pour quiconque pendant de très nombreuses années, ils sont maintenant assujettis à une réglementation qui relève du système de justice pénale.

Peut-être pourrais-je formuler cela d'une façon que le comité pourrait mieux saisir et mesurer. On nous dit que la possession d'une arme à feu dans ce pays est un privilège et non pas un droit. Nous l'acceptons parce que, comme dans le cas de tout autre bien dont on peut être propriétaire au Canada, la possession d'un bien est un privilège. Ce n'est pas un droit garanti. Peu importe de quel bien il est question.

Pour ceux d'entre vous - et je pourrais même dire pour la plupart d'entre vous - qui possédez et conduisez une automobile, cela aussi est un privilège. Qui parmi vous, parmi vos amis ou les gens que vous connaissez peut dire que de toute sa vie il n'a jamais commis la moindre infraction - pas un seul excès de vitesse, pas un seul virage interdit, aucun billet pour stationnement illégal, pas même un feu arrière à remplacer, une plaque d'immatriculation non visible, une fenêtre embuée ou givrée? Il n'y a pas beaucoup de gens qui pourraient s'en vanter.

Pour les gens de notre organisation, ceux que nous représentons, les armes à feu font partie de leur vie. Ils s'en servent dans de nombreux cas tous les jours, chaque semaine dans d'autres cas, mais ils les utilisent régulièrement dans le cadre de compétitions, d'exercices et de loisirs. Pourtant notre législation sur les armes à feu est beaucoup plus compliquée que ne le sont les lois régissant la conduite automobile. Toute infraction, si mineure soit-elle, enclenche un recours au système de justice pénale. Nous estimons que ce n'est pas juste.

Nous reconnaissons que le projet de loi C-68 est quelque chose que vous n'êtes pas en mesure de changer, et cela nous laisse un arrière-goût très amer. C'est quelque chose qui va rester. Quel propriétaire d'armes à feu peut espérer posséder et utiliser des armes à feu sans risquer de se rendre facilement coupable d'une infraction ou d'une autre? Nos membres estiment être les victimes d'une mesure prise par opportunisme politique.

Vous êtes des gens intelligents, mais avez-vous compris tous les aspects de la partie III du Code criminel et de ses règlements d'application ainsi que ceux de la Loi sur les armes à feu et de tous les règlements que vous avez sous les yeux? Nos membres n'ont ni la formation, ni l'instruction ni la capacité nécessaire à bien des égards pour être en mesure de comprendre ces choses.

Ces règlements sont compliqués. Je pense que vous devez le reconnaître, mais nos membres sont censés les connaître. Avec tout le respect que je vous dois, il n'y a pas grand chance qu'ils sachent ces choses et les comprennent. Qu'est-ce qu'on règle ainsi? Nos membres sont indignés.

Malheureusement, bon nombre ne vont pas s'y conformer, certains parce qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils commettent une infraction. Ces gens, toutefois, quel que soit l'angle sous lequel on envisage la question, constituent la nouvelle catégorie de délinquants créée par la loi.

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Certains de nos membres ont peur. Certains sont terrifiés. Certains vont défier la loi. Mais pas un d'entre eux, pas un ne peut comprendre pourquoi ils ont été trahis, sauf pour une raison. Que ce soit la bonne explication ou non, nos membres croient que le gouvernement a l'intention d'interdire un jour aux citoyens de posséder des armes à feu. C'est ce qu'ils croient, et c'est ce qu'on peut voir dans le Code criminel, dans le projet de loi C-68 et dans ces règlements. L'un des moyens les plus rapides et les plus sûrs de supprimer la possession d'armes à feu est de prendre des règlements si contraignants pour les adeptes de notre sport que celui-ci finira par disparaître.

Vous avez en main des règlements qui pour l'instant ne traitent pas des clubs ni des champs de tir, mais on y travaille en ce moment. Nous avons accompli une tâche remarquable à nos propres frais et sans le moindre accroc à la sécurité en essayant de mettre en place une infrastructure et des installations qui incitent nos membres à pratiquer ce sport en toute sécurité, quels que soient leur âge et leur niveau d'adresse.

Nous sommes actuellement plusieurs millions à nous livrer aux activités sportives liées au tir et nous ne demandons qu'une chose depuis des années, c'est que le gouvernement ne vienne pas se mêler de nos affaires. Peut-être avons-nous commis une erreur, peut-être aurions-nous dû aller chercher des sources de financement, comme d'autres sports, peut-être un qu'ainsi on aurait pensé à nous. Nous n'avons pas demandé de subventions gouvernementales. Peut-être que cela signifie quelque chose; nous n'en savons rien.

Nous essayons d'administrer un très grand nombre de programmes parmi nos membres. Nous le faisons avec l'argent que nous rapportent l'entraînement et l'organisation de compétitions. Nous avons reçu une aide de Sport Canada pour notre personnel administratif et pour certains de nos programmes et de nos efforts d'équipe. La coïncidence est presque trop forte, mais Sport Canada a décidé qu'à partir du 31 mars prochain nous ne pourrions plus obtenir de subventions pour nos divers programmes, tout simplement parce que le système de pointage du ministère est terriblement complexe. Il est lié dans une très grande mesure aux performances. Nous n'avons pas remporté de médailles aux Jeux olympiques.

Nous aurions pu participer, essentiellement à nos frais, aux coupes mondiales, aux Jeux américains, aux championnats mondiaux, aux Jeux du Commonwealth et à d'autres compétitions où nos athlètes auraient pu se qualifier pour les Jeux olympiques. Nous n'avons pas été invités. Le comité olympique ne vient pas dire à la Fédération de tir du Canada ni à Sport Canada qu'il y a10 places de tireurs et nous demander si cela nous intéresse. Nous devons nous qualifier sur la scène internationale et être en mesure de gagner les points nécessaires pour envoyer quelqu'un aux Jeux olympiques.

Nous aurions pu envoyer neuf tireurs au total, mais comme nous n'avons pas remporté de médailles, les subventions nous ont été retirées. Nous savons que cela risque de finalement détruire notre sport. Nous avons remporté beaucoup de médailles aux Jeux panaméricains. Cela n'a pas semblé beaucoup compter. Aux Jeux du Commonwealth, si nous avions compté toutes les médailles, nous nous serions placés au septième rang dans le monde, simplement pour le tir.

Nous avons constaté qu'évidemment nous sommes de moins en moins nombreux. Le coût de tous ces éléments de réglementation devient trop élevé pour nos membres. Nous commençons à nous apercevoir que ce sport sera bientôt réservé à ceux qui ont les moyens de payer tout cela. Les autres, soit ne satisferont pas aux règlements, malheureusement, et risqueront d'être poursuivis, soit abandonneront ce sport.

Les possibilités de compétition et d'entraînement offertes aux États-Unis sont considérables. Pour le tir au pigeon amateur seulement, et ce n'est là qu'une des nombreuses disciplines de tir auxquelles nous participons, une compétition à Vandalia, en Ohio, le Grand American, attire de 200 à 300 tireurs au pigeon ontariens chaque année. Ces gens-là vont là-bas avec leur famille pour la compétition et emportent souvent plusieurs armes parce qu'il y a plusieurs compétitions.

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Vous noterez dans le barème de droits que chaque fois que vous quittez le pays avec la même arme à feu, il faut remplir des formalités d'exportation et d'importation, qui coûtent 20 $ d'un côté et 20 $ de l'autre. Si on multiplie cela par le nombre d'armes à feu que l'on doit emporter chaque fois, cela devient prohibitif.

Nos amis tireurs des États-Unis nous ont déclaré tout simplement qu'ils ne viendraient plus au Canada. Beaucoup de nos membres nous ont également dit que les possibilités de compétitions aux États-Unis sont importantes pour eux, qu'ils ont l'intention de laisser leurs armes à feu à l'extérieur du pays et ne participeront plus aux compétitions que nous essayons d'organiser au Canada.

Là encore, cela revient à éliminer systématiquement les occasions de compétition dans notre pays, ce qui va réduire le nombre de nos membres et risquer de nous faire disparaître.

Le gouvernement, par le biais de ces règlements, malgré la Loi sur les armes à feu habilitante... est en train de prendre des mesures draconiennes pour régler un problème qui n'existe pas. S'il n'existe pas, pourquoi essayer de le régler?

Ce qui nous amène au dernier point, à savoir l'incidence économique.

Nous avons dit que le nombre de nos membres décline, que les possibilités de compétitions et le nombre de personnes qui viennent dans notre pays pour participer à celles-ci diminuent sensiblement.

Nous nous sommes efforcés pendant des années d'obtenir que nos activités acquièrent une certaine crédibilité. Nous avons certains des meilleurs officiels et entraîneurs du monde. Nos athlètes sont parmi les plus acharnés. Comment pensez-vous que ceux-ci, qui n'ont pratiquement pas d'autres ressources financières que leurs ressources personnelles, pourraient autrement participer aux compétitions internationales? Ces règlements vont représenter une entrave pour eux.

Mesdames et messieurs, les droits prévus dans tous ces règlements vont menacer l'existence même d'organisations comme la nôtre et de nos clubs membres et d'autres organisations.

Ces règlements, je le répète, ne vont nous aider en aucune façon. Si le gouvernement estime que la société a besoin de tous ces règlements, je pense que c'est peut-être alors à elle d'en payer le coût. Officiels et entraîneurs travaillent déjà bénévolement, sur la scène nationale et internationale. Nous passons notre temps avec les jeunes de notre pays, non seulement en leur apprenant à tirer, mais également en leur inculquant la discipline, la responsabilité et des principes.

Vous ne pouvez revenir sur ce qu'a fait le Parlement, mais vous pourriez amoindrir les effets par voie de réglementation ou vous pouvez encore exacerber la situation. Nous avons indiqué les amendements qui pourraient être apportés. Nous sommes d'accord avec des organismes tel que l'OHA.

Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Shaw et monsieur Martin. Nous allons commencer les questions par M. Ramsay.

M. Ramsay: Je tiens à remercier nos témoins d'être venus.

Certes, leur message se fait l'écho de beaucoup d'autres à propos de ces règlements. Nous avons aussi entendu la même chose lorsque le projet de loi lui-même a été discuté. Tout ce que je puis faire, c'est poser les mêmes questions.

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Vous avez de façon générale répondu à la question principale, qui est de savoir si l'utilisation des armes à feu parmi vos membres représente une menace pour la sécurité personnelle ou publique... puisque l'on peut penser que c'est le problème qu'essaye de régler le projet de loi. Vous avez dit que vous n'avez jamais eu d'accident; cela répond à la question.

Vous avez signalé qu'il semble que l'on attaque systématiquement les droits de vos membres et de votre organisation lorsqu'il s'agit de participer à des compétitions tout ce qu'il y a de plus légales et que cela finira par menacer jusqu'à votre existence. D'autres groupes qui ne présentent aucune menace pour la sécurité publique nous ont dit cela.

J'ai beaucoup de mal à comprendre comment l'enregistrement d'une arme à feu va améliorer la sécurité publique. Prenons certaines situations bizarres et bien particulières qu'on a connues au Canada, qu'il s'agisse de Montréal ou des incidents récents en Colombie-Britannique. En quoi l'enregistrement des armes à feu utilisées dans ces deux situations aurait-il pu empêcher ces drames ou en diminuer l'impact? Contrairement à ceux qui appuient ce projet de loi, je ne vois pas en quoi il améliorera la sécurité.

Peut-être pourrais-je vous poser la question suivante. Certains supporters du projet de loi nous ont déclaré que les armes à feu sont dangereuses et que tout le monde est en danger lorsqu'il y a des armes à feu. Toutefois, nous avons entendu d'innombrables groupes nous déclarer le contraire, nous dire que des organisations telles que la vôtre peuvent obtenir cinq millions de dollars d'assurance pour 4 $ par an. Il y a d'autres groupes qui nous ont dit que les compagnies d'assurances ne s'inquiètent pas du fait qu'il y a des armes à feu dans une maison lorsqu'elles assurent cette maison ou signent un contrat d'assurance-maladie ou autre.

Je m'oppose au projet de loi parce qu'il va avoir une incidence économique, sociale et culturelle énorme et parce qu'il ne permettra pas d'atteindre les objectifs de sécurité que nous font miroiter ceux qui l'appuient. C'est tromper le monde que de dire que ce projet de loi va en quelque sorte améliorer la sécurité au sein de notre société. C'est donner à tort à la société l'impression que le danger aura disparu.

Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire à ce sujet. Nous nous opposerons au projet de loi durant la campagne électorale, car nous estimons qu'il est mauvais. Nous ne pensons pas que ce soit la façon de procéder. Nous abrogerions au contraire le projet de loi et le remplacerions par un projet de loi sur le crime qui serait beaucoup plus sévère en ce qui concerne l'utilisation criminelle des armes à feu et qui laisserait tranquilles les propriétaires d'armes qui respectent la loi. Je voudrais que ce projet de loi soit inspiré par le bon sens et un sens de l'équilibre, mais ce n'est pas ce que j'y vois.

Si vous avez des observations à faire sur ce que je viens de dire, je vous inviterais à les faire.

M. Shaw: Je m'arrêterai en particulier sur un point. Je dois vous dire que nous avons apprécié vos efforts au sein du Comité de la justice et des questions juridiques. J'aurais pensé qu'un gouvernement qui veut vraiment lutter contre le crime et faire quelque chose pour la sécurité publique aurait fait le maximum pour collaborer avec les groupes d'utilisateurs. La Fédération de tir du Canada fait partie de ces groupes et représente beaucoup d'hommes et de femmes au Canada. Je suppose que nous avons tous le même objectif, à savoir empêcher l'utilisation criminelle d'armes à feu. Nous y croyons aussi. Nous ne voulons pas que les gens qui ne devraient pas avoir d'armes à feu en aient. Nous sommes tout à fait d'accord. Nous applaudissons à cette idée.

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Évidemment, nous nous intéressons aussi... et nous l'avons toujours indiqué et démontré par nos actes, à la question de la sécurité. Regardez pratiquement tous les autres sports. Quels sont les niveaux de tolérance de certains sports en ce qui concerne la mort ou les blessures graves? Comparez-les avec notre sport et avec les centaines de milliers de personnes qui se livrent chaque année à des activités de tir sportives. Faites la comparaison.

Je lisais encore hier dans le journal qu'en Ontario - et je n'ai rien contre les motoneiges - il y a trois personnes qui sont mortes au cours de la fin de semaine dans un accident de motoneige. L'année dernière ou l'année avant, à Noël, il y avait déjà eu quelque chose comme 30 morts. Je trouve cela inquiétant. Si vous aviez autant de morts parmi les tireurs sportifs, tout le monde crierait au meurtre. Nous n'avons pas ce genre d'accident, et non pas parce que le gouvernement est là à nous surveiller; nous nous surveillons nous-mêmes et nous respectons les gouvernements qui nous respectent et qui comprennent que nous savons ce que nous faisons. Nous sommes conscients de nos responsabilités. Nous ne ferons pas les choses mieux parce que le gouvernement est intervenu, pensant qu'il peut améliorer la sécurité publique dans notre sport. Ce n'est pas vrai.

Nous sommes prêts à respecter les hommes et les femmes qui en politique nous respectent. Nous estimons toutefois que beaucoup ont passé totalement outre à notre point de vue. Peut-être qu'à l'occasion des prochaines élections les propriétaires d'armes à feu auront finalement la possibilité de remercier ceux qui ont travaillé pour eux et de marquer leur mépris pour ceux qui les ont piétinés ainsi que leurs droits et tout ce qu'ils ont fait et jugent important pour la sécurité publique.

M. Ramsay: Ce qui semble évident - et je répète que je n'ai jamais été très dogmatique là-dessus, parce que, sur les milliers de propriétaires d'armes auxquels j'ai parlé au cours des deux dernières années, je n'en ai pas trouvé un qui ne soit pas favorable au contrôle des armes à feu. Or, ce n'est pas ce que fait ce projet de loi; il n'est question que d'enregistrer les armes à feu et de délivrer des permis à leurs propriétaires. C'est comme si ceux qui défendent ce projet de loi étaient prêts à voir des organisations comme la vôtre sacrifiées pour un projet de loi qui, très franchement, ne contient rien qui pourra accroître la sécurité publique, comme on veut nous le faire croire.

Je m'arrête ici, monsieur le président. Je remercie les témoins et je cède ce qui me reste de temps à mes collègues d'en face.

Le président: Merci, monsieur Ramsay.

Monsieur Kirkby.

M. Kirkby: Je voudrais remercier les témoins de nous aider aujourd'hui dans nos travaux.

Vous avez abordé certains éléments sur lesquels j'aimerais avoir des précisions. Vous avez dit que votre sport n'est plus subventionné en tant que sport olympique. D'après certains critères, il ne peut être subventionné. Voulez-vous dire que les critères sont appliqués différemment d'un sport à l'autre? Pour fins de subventions, tous les sports sont jugés selon les mêmes critères, n'est-ce pas?

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M. Shaw: En fait, le système de notation est tellement complexe que les responsables de l'application des critères en viennent à prendre une décision subjective, à mon avis. J'ai d'ailleurs rédigé, le 28 novembre dernier, une lettre très détaillée pour dénoncer ce système.

J'en ai un exemplaire ici. Je l'ai adressée à l'honorable Sheila Copps pour me plaindre de ce système arbitraire. Je pourrais peut-être préciser l'un des aspects de cette lettre, où vous trouverez un exemple de ce que nous dénonçons.

À la page 5 de la lettre, je signale que bien que nous n'ayons absolument rien à reprocher à la boxe, qui semble avoir été classée en 16e position, nous contestons le fait qu'il y ait une subvention de 0,5 p. 100, avec un plafonnement de 3 p. 100, pour les femmes dans le sport. Nous avons un grand nombre de tireuses dans toutes les disciplines et à tous les niveaux. Nous avons certains niveaux avancés qui sont réservés exclusivement aux femmes.

Un grand nombre de ces femmes, dont Sue Esseltine, qui dirigeait l'équipe aux Jeux olympiques, s'occupent également d'entraînement et d'arbitrage, mais on ne nous a accordé qu'un maigre 0,3 p. 100 dans cette catégorie.

Nous tenons cette information de membres de la fédération. Nous n'en avons pas eu confirmation officielle, mais c'est une indication fiable. Comment expliquer que la boxe, qui n'a presque aucune participation féminine, obtienne un meilleur score que notre sport dans cette catégorie?

Je cite ensuite l'exemple du hockey. Mon fils fait partie d'une équipe de hockey. J'ai partagé le sort des parents des joueurs. Ma femme et moi-même avons beaucoup voyagé pour suivre l'équipe. C'est un sport extraordinaire, comprenez-moi bien, mais comment expliquer que le hockey, qui arrive au deuxième rang, avec une subvention de 1 p. 100, soit le maximum de la rubrique «athlètes handicapés», se classe avant notre sport, alors que nous avons un programme pour athlètes handicapés? Nous avons des programmes pour athlètes en fauteuil roulant. On nous a accordé0,7 p. 100, alors que nous avons des programmes officiels importants pour athlètes handicapés et des entraîneurs spécialisés dans ce domaine. Voilà ce que nous voulons dénoncer.

M. Kirkby: De façon générale, si toutes les formules de ce genre s'appliquent à tous les sports... vous ne prétendez pas qu'on a appliqué une formule différente à votre sport ou à quelque autre sport? Vous êtes tous assujettis à la même formule, que votre sport obtienne des subventions ou non. Est-ce que vous prétendez être traités de façon arbitraire?

M. Shaw: L'honorable Sheila Copps pourrait sans doute mieux répondre à cette question. Nous lui demandons de répondre à notre lettre, de façon que nous puissions véritablement déterminer si nous sommes traités de façon subjective, objective ou arbitraire.

Nous avons l'impression que tout cela cache une manoeuvre qui vise à éliminer notre sport de différents services du gouvernement fédéral. C'est ce que nous croyons, et nous avons demandé des précisions. Nous attendons toujours une réponse.

M. Kirkby: À ma connaissance, personne, pas plus moi-même que le gouvernement, n'a l'intention d'éliminer les sports de tir. Et cela m'amène à un argument intéressant.

Vous dites que le nombre de vos adhérents est en baisse. Un certain nombre de personnes se disent: pourquoi participer à un tel sport alors que les chasseurs et les tireurs ne cessent de dire que leur sport est en train de mourir, qu'on les prive de leurs armes et que tout s'effondre. Pourquoi les gens participeraient-ils à un sport comme celui-là, lorsque vous-mêmes - et non pas le gouvernement - tenez de tels propos?

M. Shaw: Nous tenons ces propos à cause de ce que le gouvernement nous impose dans le projet de loi C-68 et dans ces règlements. Nous ne voulons pas mentir aux sportifs.

M. Kirkby: Le gouvernement ne fait rien de tel. L'utilisation légitime des armes à feu est toujours permise. Je suis moi-même chasseur. Une fois enregistrés, mes fusils et mes carabines vont tirer aussi droit.

M. Shaw: Avez-vous eu l'occasion d'aller aux États-Unis pour chasser ou pour tirer à la cible?

M. Kirkby: Je n'ai jamais vu la nécessité d'y aller, mais il reste que si vous diffusez vous-mêmes ce message négatif, ne vous étonnez pas qu'il ait un effet négatif sur le nombre de vos adhérents.

.1045

M. Shaw: Peut-être, mais pourquoi faudrait-il dorer une pilule aussi amère?

M. Kirkby: Je ne vous demande pas de dorer la pilule. Je vous demande de dire les choses telles qu'elles sont, de façon à ne pas dissuader les tireurs d'investir quelques dollars pour participer à leur sport.

Deuxièmement, je voudrais que vous m'indiquiez précisément le problème que vous pose l'enregistrement des armes à feu.

M. Shaw: Le problème essentiel, c'est que cette mesure n'aura nullement l'effet qu'elle est censée avoir, c'est-à-dire réduire la criminalité et renforcer la sécurité publique.

M. Kirkby: Dans ce cas, comment va-t-on faire, à votre avis, pour appliquer les ordonnances d'interdiction émises par les tribunaux pour interdire à un justiciable de posséder une arme à feu pendant un certain temps s'il n'y a pas d'enregistrement des armes à feu?

M. Shaw: Il y a bien des solutions pour régler ce problème. Les ordonnances d'interdiction sont individuelles. Nous avons parlé, à l'occasion de notre critique du projet de loi C-68, des personnes qui vivent sous le même toit qu'un propriétaire légitime d'armes à feu. J'estime qu'une personne qui fait l'objet d'une ordonnance d'interdiction et qui décide de se procurer une arme à feu sur le marché noir parviendra toujours à ses fins. Ce n'est pas une ordonnance d'interdiction qui va résoudre le problème.

Ce n'est pas non plus l'enregistrement des armes à feu. Pensez-vous qu'un criminel endurci qui fait l'objet d'une ordonnance d'interdiction va tout bonnement aller dire à la police: «Oui, j'ai15 fusils cachés à tel ou tel endroit.» Les choses ne vont pas se passer ainsi. Ce n'est pas une panacée à tous les problèmes qui se posent au Canada.

M. Kirkby: Je n'ai jamais prétendu que cette mesure allait résoudre tous les problèmes, mais je pense qu'elle en résoudra certains. Les gens qui se trouvent aux prises avec un conflit matrimonial font parfois des choses qu'ils ne feraient pas normalement. Prenez le cas d'une personne qui menace son conjoint; elle est traduite devant un tribunal, qui estime qu'elle ne devrait pas avoir d'armes à feu pendant un certain temps. S'il n'y a pas de système d'enregistrement, il devient impossible d'appliquer cette ordonnance d'interdiction. C'est tout à fait impossible.

M. Shaw: Je ne suis pas du tout d'accord. La meilleure solution, pour le conjoint qui s'estime menacé... C'est lui qui va fournir volontairement de l'information à la police, et c'est toujours ce qui va se passer. L'enregistrement des armes à feu n'empêchera pas quelqu'un qui veut se procurer une arme à feu de parvenir à ses fins. C'est assez incontournable; l'enregistrement ne permettra pas d'atteindre cet objectif.

M. Kirkby: Je m'inscris en faux, mais je vous remercie de votre témoignage.

Vous avez dit que vous vous préoccupez du cas des concurrents non résidants qui peuvent introduire des armes au Canada. Ces personnes devront présenter une déclaration confirmée qui aura valeur de permis. Les personnes qui empruntent des armes à feu ont besoin d'un permis d'emprunt. Elles auront donc toutes un permis et n'auront pas besoin du document prescrit pour les munitions. Votre préoccupation semble fondée sur un malentendu. Est-ce que cela résout ce problème?

M. Shaw: Est-ce que vous parlez uniquement des munitions?

M. Kirkby: Oui, du transport des munitions.

M. Shaw: Il n'y a pas de malentendu; nous nous inquiétons en prévision des Jeux panaméricains de 1999. Nous allons accueillir des tireurs venant de différents pays qui n'auront peut-être pas reçu toute la documentation nécessaire pour être en règle. C'est un premier élément.

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Et les gens qui viennent de l'étranger, en particulier des États-Unis, et qui veulent apporter leurs armes à feu ou en emprunter? Je crois qu'un permis de 60 jours pour emprunter une arme à feu coûte environ 50 $. Les règlements prescrivent d'autres frais pour ceux qui veulent apporter leurs armes à feu.

Tout cela aura un impact négatif sur notre sport dans l'ensemble du pays, et risque d'entraîner l'annulation d'un certain nombre de concours de tir. Nous avons été alertés par les fédérations de tir de la Saskatchewan et de l'Alberta, dont les concours nécessitent une participation américaine d'au moins 40 p. 100, et les tireurs américains ne viendront pas.

Le président: Merci. Nous passons à M. de Savoye.

[Français]

M. de Savoye: Messieurs, selon moi, le projet de loi qui a été adopté aidera à réduire la violence reliée aux armes à feu.

Cependant, la loi serait contraire à ce qu'elle doit faire, selon moi, si elle nuisait aux chasseurs, aux sportifs du tir et aux entreprises qui travaillent dans le domaine des armes à feu ou des munitions.

Je crois que le but du sous-comité est d'amener, par ses travaux, la réglementation à mieux servir les intérêts des divers groupes intéressés.

Je sais que vous vous préoccupez entre autres de la question du transfert des munitions, parce que le transfert n'implique pas uniquement l'achat de munition, mais aussi le prêt de munitions, le don, l'échange, bref tout ce qui se passe sur le terrain.

Pourriez-vous élaborer sur vos préoccupations quant au transfert de munitions et sur certaines suggestions qui nous permettraient de bonifier la réglementation dans un sens plus pratique sur le terrain?

[Traduction]

M. Shaw: Je vous remercie de cette question. Aux pages 4 à 6 de notre exposé, nous donnons des exemples concrets des problèmes que l'on peut prévoir à l'application des règlements dans leur version actuelle. J'ai moi-même cité quelques exemples.

Lors d'une compétition, certaines règles s'appliquent. Dans les concours de tir au pistolet ou à la carabine, il y a des directeurs de tir qui peuvent disqualifier un tireur et lui demander de quitter les lieux s'il perturbe l'harmonie du concours. Les participants sont censés apporter leur équipement en bon état de marche, et avoir suffisamment de munitions, mais il arrive que des balles soient défectueuses.

M. Kirkby a dit qu'il était chasseur. S'il chasse le canard, l'oie ou la sauvagine au fusil de chasse, il sait que parfois un chasseur se trouve à court de munitions d'un certain type et qu'il souhaite en emprunter. C'est une situation très fréquente entre chasseurs. Dans ce cas, il y a un transfert entre des personnes qui, parfois, ne se connaissent pas. J'ai moi-même participé à des compétitions internationales où il m'est arrivé de tomber sur une balle défectueuse ou de me trouver à court de munitions pour une raison ou une autre, et des participants étrangers m'ont fourni des munitions. C'est une situation très fréquente. Désormais, va-t-il falloir interrompre la compétition et demander le document prescrit, un permis ou un certificat autorisant ce genre d'opération? Nous avons fait une recommandation qui permet d'éviter ce problème et qui me semble raisonnable.

.1055

En ce qui concerne l'achat de munitions à la source, je pense que c'est bien ce dont il est question dans ce règlement. Si on va un peu plus loin et que l'on considère la réalité pratique de l'utilisation des armes à feu et des munitions, c'est bien différent. Nous avons fait des recommandations qui, à notre avis, sont raisonnables et pratiques pour tenir compte de la réalité des compétitions de tir et de ce qui se passe à la chasse.

[Français]

M. de Savoye: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Monsieur Maloney.

M. Maloney (Erie): Merci, monsieur le président. Je voudrais poser une question sur l'entreposage des armes à feu non restreintes.

Dans votre mémoire, j'ai vu votre recommandation concernant l'alinéa 3(1)c) et l'ajout des mots «séparément ou avec l'arme à feu en question». Vous déplorez le fait que la formulation actuelle de l'alinéa 3(1)c) ne le permette pas actuellement. D'après mon interprétation, une telle disposition permettrait d'entreposer les munitions dans le même contenant que l'arme non restreinte.

M. Shaw: Votre interprétation est conforme à la mienne, mais je dois vous dire que je participe souvent à des procès au civil et au pénal, et j'ai rencontré de nombreux policiers et procureurs de la Couronne qui ne partagent pas notre point de vue. La situation n'est pas parfaitement claire.

Parce que je crois que c'est l'intention de la loi je préconise tout simplement que ces dispositions disent très clairement que c'est permis. Si vous retenez les recommandations que je viens de faire, vous pourrez faire en sorte que ce soit très clair. Loin de moi l'idée de dire que le projet de loi C-17, dans sa première ébauche, couvrait tous les secteurs qui devaient l'être. Non. Ce projet de loi n'avait pas été rédigé le mieux possible, et nous en avons un exemple sous les yeux.

Il existe des procureurs de la Couronne et des policiers qui ne partagent pas la même interprétation que vous et moi, croyez-moi. Je peux même vous dire qui ils sont, si vous le voulez.

M. Maloney: Je comprends la position des procureurs de la Couronne et des policiers, mais qu'en est-il de la position du juge au bout du compte? Est-il arrivé que vous soyez allés devant les tribunaux? Y a-t-il eu des arrêts par le passé?

M. Shaw: Il n'y a pas eu de décisions quant à l'interprétation de ces règlements, que je sache; rien en tout cas dans les documents. Qu'il y ait eu une affaire à ce sujet, c'est possible, mais je n'ai pas trouvé de décision nulle part.

Sauf le respect que je vous dois, je vous dirai que nous avons maintenant l'occasion de préciser les choses. Je trouverais tout à fait dommage que les tribunaux donnent des interprétations contraires à celle que j'estime être la bonne. Que faire si cela se produit? On se retrouvera avec une interprétation judiciaire contraire à l'esprit et à l'intention de cette loi. C'est maintenant le moment d'en resserrer les dispositions.

M. Maloney: Nous allons faire de notre mieux pour préciser cet article. L'intention est claire, et nous sommes tous sur la même longueur d'onde. S'il faut rendre les choses un peu plus claires, soit.

Merci.

Le président: Monsieur Shaw, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Shaw: Pour ce qui est de l'entreposage et de l'étalage, nous le disons dans notre mémoire, ces deux termes ne sont définis nulle part. Je crains que les membres de notre association et les personnes qui entreposent des armes à feu suivant un mode qu'ils estiment sécuritaire et qui respecte la réglementation ne puissent être pris en défaut.

À mon avis, pour en avoir parlé à bien des gens qui m'ont rapporté ce que d'autres leur avaient dit, je dirais qu'encore aujourd'hui les gens entreposent le plus souvent leurs armes à feu soit sur un râtelier, une applique murale, ou une structure quelconque, et ils se servent d'une chaîne ou d'un câble qui passe à travers le pontet avant d'être relié au mur lui-même, de sorte que l'arme est inamovible... Les règlements, dans leur version actuelle, ne précisent pas cela, même si c'est la façon dont la plupart des armes à feu sont entreposées, car les gens qui les entreposent ainsi croient que c'est un entreposage sécuritaire. Il faudrait que cela soit précisé, afin que la police ne puisse porter des accusations, afin que les procureurs de la Couronne ne puissent pas intenter de poursuites et pour empêcher que les tribunaux ne donnent une interprétation farfelue de l'entreposage.

.1100

Nous voulons que les gens qui entreposent des armes à feu soient protégés quand ils entreposent leurs armes de cette façon, en toute bonne foi, et en fait ils ont tout à fait raison. Cependant, il se peut que d'autres n'interprètent pas les règlements ainsi.

Le président: Merci, messieurs Shaw et Martin, d'être venus ce matin. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de comparaître devant le comité et nous vous remercions de votre mémoire, qui est exhaustif et que les membres du sous-comité prendront volontiers en compte.

Merci encore. Nous vous remercions de votre contribution.

M. Shaw: Merci de nous avoir donné l'occasion de comparaître.

Le président: Nous allons faire une pause de cinq minutes pour donner le temps aux témoins suivants de s'installer.

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Le président: Merci beaucoup. Nous sommes prêts à reprendre nos délibérations.

Je souhaite la bienvenue aux chefs Jacobs, Gilbert, Phillips et Two Rivers, qui représentent la Table ronde Mohawk/Canada. Bienvenue également à M. Alwyn Morris, coordonnateur du groupe, à Angie Barnes, adjointe, à Barry Bonspelle et à Don Patrick Martin.

Je tiens à vous remercier d'être venus malgré un court préavis. Il est important que nous connaissions votre point de vue sur cette question, car elle vous touche directement.

Nous allons d'abord vous écouter. Ensuite, nous espérons pouvoir vous poser des questions, si vous le voulez bien.

Vous pouvez présenter votre point de vue comme vous le souhaitez. En effet, une seule personne peut parler au nom du groupe, ou bien vous pouvez avoir deux ou trois porte-parole. Vous avez le choix.

Voulez-vous commencer?

Le chef Billy Two Rivers (Table ronde Mohawk/Canada): Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, chef Two Rivers.

Le chef Two Rivers: [Le témoin parle dans sa langue maternelle].

Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Billy Two Rivers. J'étais en train de me dire que les choses ont beaucoup changé, car, par le passé, quand votre gouvernement voulait obtenir quelque chose de notre peuple, il envoyait ses représentants nous voir pour discuter et négocier.

.1110

Désormais, il faut que nous venions à vous. Nous devons venir dans vos capitales, jusqu'ici, pour parler de lois, pour aborder d'autres sujets que nous estimons être une nuisance pour les rapports entre les Mohawk et la Couronne. Pour nous, il ne s'agit pas de traiter avec le gouvernement du jour - car les gouvernements passent - mais avec la Couronne canadienne, qui mérite honneur et respect.

Aujourd'hui, il est question du projet de loi C-68, et, comme l'a dit le président, nous aborderons les préoccupations que ses dispositions suscitent dans nos collectivités. Le projet de loi C-68 est une loi pour le Canada et ses citoyens, et nous n'y voyons pas d'inconvénient. Nous ne nions pas le droit et la suprématie du Parlement quand il s'agit d'adopter des lois auxquelles est soumis son peuple. Pendant des siècles, nous avons réglementé le contrôle des arcs et des flèches, et désormais il y aura le contrôle des armes à feu. Si besoin est, nous pouvons conclure une entente avec votre gouvernement sur l'enregistrement des armes que nous possédons.

À la fin des années 80, nous avons adopté une loi, une loi communautaire, prévoyant l'enregistrement des armes à feu. Nous sommes convaincus que cette loi est compatible avec la vôtre et que nous pouvons négocier avec votre gouvernement le processus d'enregistrement des armes à feu. Mais il faut bien dire que les Mohawk estiment que la loi se fourvoie. On se demande si le gouvernement ne se fourvoie pas lui aussi quand il essaie de réglementer certains secteurs, car les dispositions législatives devraient viser ceux qui contreviennent à la loi.

La loi devrait viser les gens qui se servent des armes à feu pour commettre des crimes. Ce devrait être ce qui sous-tend les dispositions légitimes proposées par le gouvernement dans ce projet de loi, et nous ne voyons rien à redire à cela. Nous savons bien que, quelles que soient les difficultés du gouvernement pour résoudre un problème, nous pourrons, souhaitons-le, grâce à l'enregistrement des armes, lui prêter main-forte pour que, si des armes sont utilisées à des fins criminelles, les registres de notre collectivité puissent permettre de déterminer quelles armes ont servi au crime, de sorte que le nécessaire puisse être fait.

Nous nous inquiétons déjà de l'imposition d'une réglementation et de l'intrusion qu'elle peut représenter à la suite de l'adoption de dispositions législatives qui entraînent des coûts. Nous estimons que nous avons notre mot à dire quand le gouvernement fait adopter une loi, quand il s'agit de dispositions législatives qui peuvent donner lieu à des accusations, à des poursuites pénales.

Nous ne pensons pas que le gouvernement puisse légalement imposer une amende ou exiger des droits pour l'enregistrement des armes. Nous pensons que cela ne va pas du tout.

.1115

Quant à nous, nous avons la capacité et les outils nécessaires pour procéder à l'enregistrement. Nous avons commencé à enregistrer les armes sur nos territoires il y a de cela très longtemps. Les dispositions législatives ne visent pas ceux qui devraient l'être, c'est-à-dire les criminels, les gens qui se servent des armes à des fins criminelles.

Si l'on pouvait songer à une façon de négocier un échange de renseignements sur les armes enregistrées, nous le ferions volontiers. Nous disposons maintenant de tribunes qui servent précisément au règlement de questions qui touchent notre peuple sur le plan législatif. Je fais allusion ici au processus de la table ronde, qui nous permet d'inscrire des points à l'ordre du jour, un ordre du jour qui témoigne des préoccupations des collectivités mohawk. C'est donc possible.

Vos gouvernements et votre peuple ont depuis longtemps des rapports avec les nôtres. Nous nous inquiétons face à une loi où il est question d'un processus tripartite, et le fait que le commissaire sera nommé au palier provincial nous donne à réfléchir. Cela nous inquiète.

Je pense que nous pouvons aplanir les difficultés et aboutir à une entente, car nous pouvons certainement amorcer un processus bilatéral avec le gouvernement fédéral. Nous pensons toutefois que quelque chose ne va pas dans cette loi. Nous pensons que les dispositions de cette loi n'en traduisent pas l'intention.

En conclusion - et d'autres porte-parole s'adresseront à vous sur le même sujet - je tiens à dire que nous sommes tout à fait contre l'imposition du projet de loi C-68 aux collectivités mohawk, car nous disposons d'un processus tout à fait adéquat qui peut faire l'affaire. Nous pouvons travailler ensemble à ce processus qui débouchera sur un régime d'enregistrement des armes à feu. Si des armes à feu sont utilisées à des fins criminelles, nous le saurons tout de suite grâce à un ordinateur ou en consultant le registre qui sera choisi.

Mais voici une chose que nous voulons bien préciser: nous n'accepterons pas qu'un fonctionnaire provincial s'impose sur un territoire mohawk sous prétexte de procéder au contrôle des armes à feu ou de les inspecter. Nous ne pouvons accepter cela. Il faut espérer que grâce à un processus de négociation nous pourrons réaliser des objectifs de paix, d'ordre et de bon gouvernement, non seulement dans nos propres collectivités, mais aussi au sein des collectivités que cette loi doit servir et protéger.

Le président: Chef Jacobs.

Le chef Phillip Jacobs (Table ronde Mohawk/Canada, Conseil mohawk de Kahnawake): Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de prendre la parole ici. Dans les dispositions du projet de loi C-68, il est quelques éléments qui m'inquiètent personnellement, mais je sais qu'ils inquiètent également les gens de nos collectivités.

Billy a parlé de la table ronde, du processus qui s'est enclenché. Il y a des représentants clés de votre gouvernement qui siègent avec nous à cette table. L'objectif est d'aplanir les difficultés qui surgissent entre nous-mêmes et le gouvernement du jour, quel qu'il soit.

Parallèlement à ce processus, il existe également un groupe Canada-Kahnawake. Il a été constitué sous la houlette du ministre des Affaires indiennes, avant l'introduction du projet de loi C-68. Le groupe se penche sur 23 ou 24 questions différentes, l'une d'entre elles étant les armes à feu.

Le groupe a été formé en 1991, avant ce projet de loi, qui nous inquiète tout autant que vous, pour des raisons différentes. Selon nous, cela n'a rien à voir avec les règlements, car il s'agit d'enrayer les éléments criminels qui se trouvent dans chaque collectivité. Bill en a parlé.

.1120

Je ne fais absolument pas confiance au contrôleur des armes à feu des provinces. Cette personne ne sait pas, dans la plupart des cas, avec qui elle est aux prises. Nous le constatons tous les jours à la télévision. Voilà qu'on a délivré un permis à quelqu'un, pour une raison quelconque, et qu'il commet un crime.

S'il faut délivrer des permis aux membres de notre collectivité, nous estimons que cela doit être fait par nous, au sein de la collectivité. Qui d'autre que nous connaît mieux notre peuple?

Il existe des systèmes au sein de la collectivité. Nous avons nos propres forces de l'ordre depuis 1979. Il existe chez nous un tribunal qui remonte à peu près à la même époque - en fait, le tribunal est antérieur aux forces de l'ordre. Nous disposons d'un système judiciaire complet. Nous avons chez nous des gens qui ont la responsabilité de ces questions-là.

Nous considérons comme une menace ce règlement qui pourrait nous être imposé. Ceux qui connaissent notre peuple savent que ce règlement donnera lieu à une réaction, et elle sera négative. Nous pouvons atteindre le même objectif, mais à l'interne, sans devoir nous soumettre à des pressions externes.

Je le répète, nous sommes tout aussi inquiets que vous, et nous nous soucions des rapports entre notre gouvernement et le vôtre. C'est indéniable. Nous avons les experts techniques. La volonté politique existe pour que soient tissés les rapports qui s'imposent.

Nous pouvons tous avoir confiance dans la façon dont les questions comme celle-ci sont traitées dans le cadre de ces rapports. Il faut qu'il y ait d'abord une base de respect et une disposition à comprendre qui nous sommes, depuis combien de temps nous sommes là et que nous avons des droits inaliénables. Je ne pense pas que ces droits puissent être violés par quelque gouvernement que ce soit dans le contexte actuel, et je ne crois pas qu'ils le seront non plus.

Nous sommes ici pour représenter les nôtres. Je sais que les nôtres nous appuient à 100 p. 100 - sinon encore plus - sur cette question. Quoi que nous décidions, il faudra que ce soit à partir d'une base de respect, et je suis là aujourd'hui pour vous présenter ce point de vue.

Le président: Merci beaucoup, chef Jacobs. Chef Phillips.

Le chef Lloyd Phillips (Conseil mohawk d'Akwesasne): Bonjour. Je suis ici pour vous parler au nom de la Nation mohawk d'Akwesasne. Je représente le Conseil mohawk d'Akwesasne, le grand chef Russell Roundpoint et les 11 autres membres de notre conseil.

Tout comme Billy, nous avons des préoccupations au sujet du projet de loi C-68. J'espère que la plupart d'entre vous connaissent bien Akwesasne, car nous y avons tout un assortiment de gouvernements en cause: le gouvernement américain, le gouvernement canadien, le gouvernement québécois et le gouvernement ontarien. Si vous voulez simplement prendre les principes du projet de loi C-68 et les appliquer à notre collectivité, cela ne marchera tout simplement pas de la façon dont c'est rédigé.

Nous avons toujours eu des problèmes de ce genre avec les lois qu'on voulait nous imposer. Il est tout simplement impossible de les appliquer chez nous. Il faut donc prendre les principes énoncés dans ces lois et élaborer nos propres lois qui auraient cours chez nous et qui nous permettraient de protéger les nôtres.

Nous comprenons les principes qui sous-tendent le projet de loi C-68. De toute évidence, ils ont leur origine dans le souci que vous avez d'assurer la sécurité des vôtres. Vous savez, nous avons le même souci de protéger les nôtres. Nous ne voulons pas que les gens puissent se promener librement avec des armes à feu, commettre des meurtres ou d'autres crimes semblables, avec des armes interdites ou par quelque autre moyen. Comme l'a dit Billy, le projet de loi ne répond pas à cette préoccupation. Imposé de l'extérieur, et même de l'intérieur, il ne permettrait pas de répondre à cette préoccupation.

Nous avons nous-mêmes la possibilité de légiférer pour les nôtres. Nous avons toujours eu ce droit. Nous n'y avons jamais renoncé. Dès le début, dès la création de la confédération, le peuple mohawk a toujours eu des lois pour se gouverner.

De la même façon, nous pouvons prendre les éléments essentiels de ce que vous avez là et les modifier. Nous pouvons les améliorer. Nous pouvons les adapter de façon qu'ils puissent nous gouverner à Akwesasne.

.1125

Cet aspect transfrontalier existe depuis toujours. Je vis moi-même dans le village de Saint-Régis. À une centaine de pied de chez moi, il y a la frontière, la frontière avec les États-Unis, qui traverse ma cour. Je ne vois donc pas comment le gouvernement pourra venir appliquer le projet de loi C-68 chez nous, car beaucoup des nôtres pratiquent la chasse, notamment à l'automne. Nous avons plein de marais sur notre territoire. Nous avons des chasseurs des deux côtés de la frontière qui se rendent dans ces marais pour y chasser le canard. À l'automne, c'est le chevreuil qu'on chasse. Alors, vouloir réglementer cela... Je ne vois pas comment on pourrait le faire de l'extérieur.

Je crois cependant que nous pourrions le faire nous-mêmes sur notre territoire. Comme l'a dit Billy, nous avons des gens qui sont capables de faire cela, nous avons les connaissances voulues, nous avons tout ce qu'il faut. Et le résultat ne sera pas radicalement différent de ce que vous avez vous-mêmes. Nous comprenons les motifs qui sous-tendent le projet de loi C-68, mais nous savons d'ores et déjà qu'il ne pourra tout simplement pas s'appliquer de manière efficace chez nous.

Nous pouvons prendre ce projet de loi et élaborer quelque chose à partir de là, puis nous pourrions le faire approuver par le pouvoir qui nous gouverne, à savoir notre conseil traditionnel, et le faire enfin approuver par l'Haudenosaunee, c'est-à-dire par l'ensemble de la Confédération iroquoise.

C'est ce que nous avons fait dans le cas de la loi sur la conservation, car, là encore, nous étions en conflit avec les provinces. Elles voulaient imposer leurs règles et règlements à nos eaux territoriales. Nous avons donc dû prendre ce qu'elles avaient élaboré et adapter cela en fonction de nos besoins, de sorte que nous avons notre propre loi sur la conservation. C'est une loi qui a été approuvée par la Confédération iroquoise et qui s'applique à notre territoire.

Comme je l'ai dit, nous comprenons les motifs qui sous-tendent le projet de loi, mais il sera tout simplement impossible de l'appliquer aux membres des nations mohawk. Donnez-nous, à nous aussi, la possibilité de légiférer nous-mêmes. Kahnawake a déjà sa propre loi en place, comme on l'a dit. Il ne nous faudrait pas beaucoup de temps pour élaborer notre propre loi, mais il nous faudrait peut-être un peu plus de temps qu'à nos voisins, car il faudrait que le contrôle des armes à feu puisse s'appliquer à l'ensemble du territoire.

Merci.

Le président: Merci, chef Phillips.

Chef Gilbert, avez-vous quelques mots à dire?

Le chef Tiorahkwathe Gilbert (Table ronde Mohawk/Canada, Conseil mohawk de Kahnawake): [Le témoin parle dans sa langue maternelle.]

Je m'appelle Tiorahkwathe. Je suis membre du conseil de Kahnawake.

Je comprends ce que l'on cherche à accomplir par le projet de loi C-68. Nous avons toutefois nos droits et nos traités, et nous ne sommes pas une collectivité sans lois. On nous apprend très jeune à respecter les règles concernant les armes à feu, à vivre en paix les uns avec les autres, et à nous respecter les uns les autres.

Je remonte un peu dans l'histoire, à l'époque où les premiers Européens sont arrivés sur notre territoire, affamés et souffreteux. Ils sont venus voir nos ancêtres, sans qui ils auraient expiré sur-le-champ. Nos ancêtres les ont aidés de leur plein gré.

Aujourd'hui, ces mêmes personnes qui sont débarquées chez nous veulent imposer leurs lois et leurs règlements aux nôtres. Nous avons cependant des traités, et, comme l'ont dit ceux qui m'ont précédé, nous devons traiter avec le gouvernement au pouvoir, de sorte que la situation change constamment. Nous ne pouvons pas être soumis à une province en particulier.

Ainsi, si nous voulons vivre en paix... Nous avons à coeur de coexister en paix avec nos frères, et le seul moyen d'y arriver, c'est de se rencontrer à mi-chemin et de dialoguer. Comme l'a dit notre frère, chaque collectivité a ses besoins. Nous pouvons néanmoins travailler ensemble, en communiquant et en dialoguant les uns avec les autres, afin d'en arriver à un consensus, après avoir exploré ensemble les différentes solutions possibles. Si toutefois on veut simplement nous imposer quelque chose et nous dicter notre conduite, il est toujours possible que l'affaire tourne mal.

.1130

Depuis toujours, les membres de la Nation kahniakehaka se rencontrent autour du feu, comme vous diriez, [Le témoin poursuit dans sa langue maternelle.] Nous nous rencontrons autour du feu et nous discutons des questions qui se posent, oralement, par notre langage corporel ou par quelque autre forme de communication.

C'est une formule que nous pourrions utiliser pour échanger nos vues sur le projet de loi C-68.

Le président: Merci beaucoup, chef. Monsieur Morris.

M. Alwyn Morris (coordonnateur, Table ronde Mohawk/Canada): Merci, monsieur le président.

Je crois que ce qui ressort des témoignages de nos chefs et des membres de nos conseils qui sont ici, c'est que nous nous estimons capables de décider nous-mêmes de nos affaires. C'est là un point intéressant, car le ministre Rock a essentiellement dit la même chose. Il a dit qu'il voulait s'engager dans cette voie.

Or, chose assez curieuse, maintenant que la réglementation a été élaborée, il ne semble pas y avoir de cadre qui nous permettrait de gérer nous-mêmes nos affaires. Que faut-il en conclure? Que faut-il conclure de ce que M. Rock a dit? Quand nous examinons ce qui nous est présenté aujourd'hui, nous trouvons que c'est une possibilité. Nous estimons que nous pourrions en arriver à un accord intergouvernemental avec vous. Je ne pense pas que cela fasse problème, mais il n'y a malheureusement pas de cadre dans lequel nous pourrions faire cela pour l'instant. Nous ne savons pas où vous voulez en venir. Parlons-nous deux langues différentes? Nous sommes là aujourd'hui et nous vous faisons part de notre position, mais nous ne savons pas quelle est votre position.

Si vous avez comme principe de base, s'agissant d'administration par la collectivité ou par quelque autre pouvoir, que vous ne pouvez faire autrement que de vous en tenir à vos règles constitutionnelles et aux responsabilités qui vous incombent en vertu de l'article 91 ou de l'article 92, vous excluez à ce moment-là tout accord intergouvernemental entre les Mohawk et le gouvernement fédéral.

Je tiens à vous faire cette mise en garde, car il faut qu'il y ait un cadre qui permette de conclure un accord de ce genre. Or, ni votre loi ni la réglementation que vous proposez ne prévoient de cadre comme celui-là. Nous avons fait savoir à vos représentants au centre de contrôle des armes à feu qu'il fallait qu'il y ait un amendement en ce sens pour qu'un tel accord puisse être conclu. Autrement dit, il faut en prévoir la possibilité quelque part dans votre loi et il faut que la loi prévoie la possibilité de discuter des modalités de l'accord et de les élaborer.

Si le centre de contrôle des armes à feu et l'organisme administratif qui appliquera, au nom du gouvernement fédéral, le projet de loi C-68 et la réglementation y afférente, et ce, de façon permanente, il semble qu'il serait tout indiqué de s'engager dans cette voie, de prévoir quelque part dans cet appareil un mécanisme qui permettrait de traiter de cette question.

Si, toutefois, vous dites... Et les représentants du centre de contrôle des armes à feu sont actuellement en négociation avec les provinces qui seraient prêtes à accepter d'appliquer le projet de loi C-68. Nous savons qu'il y en a qui ne sont pas prêtes à l'appliquer.

Si donc vous avez déjà commencé à élaborer une entente en ce sens, notamment en ce qui nous concerne avec le Québec, nous estimons qu'il faut être très clair à ce sujet. Il faut bien préciser qu'il ne s'agit pas d'un accord tripartite, étant donné la relation que nous avons avec la Couronne fédérale, comme nos chefs l'ont expliqué aujourd'hui, et étant donné que nous voulons que cette relation soit maintenue dans les accords que nous pourrons conclure.

Vous pourriez prévoir quelque chose en ce sens, puisque les négociations viennent à peine d'être amorcées. Ce sera quelque chose de nouveau et qui sera peut-être compatible avec le droit inhérent auquel le gouvernement souscrit. Si le droit inhérent est garanti par l'article 35, il faut bien sûr nous accorder les pouvoirs y afférents.

Nous devons notamment avoir le pouvoir de légiférer nous-mêmes. Nous sommes déjà amplement en mesure de donner toutes les assurances voulues à cet égard et de conclure de ces accords intergouvernementaux, qui prévoiraient l'échange de renseignements. Nous avons déjà cette possibilité. Si toutefois vous nous l'enlevez, nous nous retrouverons dans une situation d'antagonisme, et les problèmes se perpétueront.

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Je vous invite fortement, quand il s'agira d'autonomie administrative, à examiner sérieusement la possibilité non seulement d'apporter un amendement à la loi, mais aussi de prévoir dans le projet de loi C-68 un pouvoir résiduel qui permettrait aux Premières nations, en l'occurrence au peuple mohawk, d'avoir des relations de gouvernement à gouvernement avec le gouvernement fédéral.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Morris.

Nous passons maintenant aux questions des membres du sous-comité. Nous commençons par M. de Savoye.

[Français]

M. de Savoye: Chef Two Rivers, chef Jacobs, chef Phillips, chef Gilbert, madame et messieurs,

[Traduction]

Je ne parle pas votre langue, mais nous parlons la même langue seconde, l'anglais. Peut-être que j'aurai un jour la possibilité de me familiariser avec votre culture.

Le chef Gilbert: En fait, ce n'est pas là mon nom. Mon vrai nom est Tiorahkwathe. C'est un nom qui signifie soleil brillant, soleil haut et brillant. Le nom que vous avez utilisé m'a sans doute été donné parce que la personne qui m'a baptisé ne parlait pas notre langue et ne pouvait pas prononcer mon nom. C'est comme ça que je me suis retrouvé avec un nom anglais.

M. de Savoye: Mais vous avez gardé votre nom.

Le chef Gilbert: Oui.

M. de Savoye: Vous avez bien fait.

Chef Two Rivers, quand vous dites que la loi est là pour les criminels, je me dois de vous contredire. Les lois sont là, comme le sont sans doute aussi vos lois à vous, pour définir ce qui constitue un comportement acceptable et respectueux aux yeux de la société. Selon moi, c'est dans ce sens qu'il faut comprendre le projet de loi C-68. Quand vous parlez toutefois d'autonomie gouvernementale et d'autonomie administrative, je suis très sensible à ces mots.

Il existe des traités. Il existe des droits ancestraux. Les droits et les traités devraient être respectés et appliqués intégralement. À cet égard, vous avez devant vous quelqu'un qui comprend votre langage.

Bien sûr, je vous crois, chef Two Rivers, quand vous dites qu'aucun contrôleur des armes à feu de la province de Québec ne serait le bienvenu en territoire mohawk.

Je sais que, dans vos collectivités, on a élaboré, il y a de cela bien des années, une loi sur le contrôle des armes à feu. Je connais bien cette loi. Vous pourriez peut-être en expliquer les détails au comité.

Cependant, comme la plupart des gens qui lisent les journaux et qui écoutent les reportages télévisés, j'ai entendu parler de... Je ne sais pas si cette perception qu'on a des Mohawk tient de la fiction ou de la réalité, mais vous pourriez peut-être nous éclairer à ce sujet, car je crois qu'il est important, du moins pour moi, de savoir quelle est votre position et comment vous appliquez vos lois sur le contrôle des armes à feu. Par exemple, je ne sais pas si c'est vrai, mais j'ai entendu parler d'armes à feu de contrebande qui passeraient par votre territoire. J'ai entendu des histoires au sujet d'armes AK-47. Je n'ai jamais eu le privilège de vous rendre visite dans votre territoire, de sorte que je ne l'ai pas vu de mes yeux. Je n'ai rien vu de ce qu'on raconte dans les journaux ou à la télévision.

Pourriez-vous éclaircir cette situation et m'expliquer et nous expliquer la teneur de vos lois sur les armes à feu et nous dire ce que vous pensez de ces histoires?

Le président: Chef Two Rivers.

Le chef Two Rivers: Depuis plusieurs années nous sommes victimisés par les médias et par les gouvernements. On nous a traités de terroristes, de criminels et de contrebandiers; et beaucoup d'autres épithètes ont été appliquées au peuple mohawk. Malheureusement, je suppose, comme la Loi sur les Indiens, elles nous ont été appliquées de manière générale, sans faire de détail. Elles ont été appliquées à tout le monde et ce n'est pas juste.

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Comme Tiorahkwathe l'a dit, nous venons d'une communauté qui respecte les lois, dont le système de gouvernement repose sur la loi et l'ordre. La spiritualité, la structure sociale, le gouvernement, la responsabilité, toutes ces notions sont présentes dans notre communauté mais cela ne veut pas dire qu'elles sont respectées par 100 p. 100 de la population.

C'est ce qui explique, je suppose, nos interprétations différentes mais tout aussi légitimes du projet de loi C-68. Le dialogue nous permettra peut-être d'apprécier les divergences de vues au niveau de la criminalisation de certains aspects de la loi.

Il est sans doute arrivé à l'occasion que des gens de Kahnawake aient transporté des armes mais ils ne les ont pas livrées à Kahnawake. La vente d'armes est un commerce lucratif. Je crois même que le Canada vend des armes - je crois qu'il est au quatrième ou cinquième rang dans le monde pour la vente d'armes à des peuples en guerre. Je crois pouvoir dire sans me tromper que mis à part l'aspect criminel de l'importation d'armes illégales au Canada, toutes les armes introduites à Kahnawake ne sont utilisées qu'à des fins défensives.

Nous n'avons ni agressé, ni attaqué, ni pillé, ni encerclé nos voisins. Cela fait des siècles que nous sommes sur la défensive, que nous essayons de protéger les timbres-poste sur lesquels nous vivons et on nous traite en criminels pour vouloir défendre nos familles, nos foyers et notre petit territoire. Le portrait qui est fait de nous nous pose de gros problèmes. Et dans une large mesure, la menace continuelle de la querelle de deux sociétés venues d'Europe reste d'actualité dans notre pré carré.

Cette querelle qui remonte au XVIe, au XVIIe et au XVIIIe siècles a atterri sur nos rives et se perpétue encore aujourd'hui. Nous continuons à vivre sous la menace d'une confrontation possible dont il faut bien évidemment ne pas parler en public, ne pas parler de sécession, d'éclatement du pays. Nous sommes pris entre les deux camps.

Les questions que vous nous avez posées au sujet de ce que nous faisons à Kahnawake... Nous avons institué un système d'enregistrement des armes en 1988 ou en 1989. Les propriétaires d'armes sont venus les faire enregistrer au bureau de l'agent de la paix. À chaque arme un numéro d'enregistrement a été attribué. Un point c'est tout. Ils ont apporté leurs armes sans se faire prier du tout. Comme pour toute chose, ça n'a pas marché à 100 p. 100.

D'ailleurs je n'ai moi-même pas enregistré mes armes. Je les ai toujours chez moi mais je n'ai pas l'intention d'attaquer Lachine, ou Chateauguay, ou Valleyfield, ou Montréal - non. Mais vous pouvez être certain que je ne vais pas me contenter d'un tire-pois ou d'un lance-pierre pour défendre mon territoire car des menaces ont été proférées par des responsables gouvernementaux, par des types comme Brassard qui font des déclarations qui menacent notre existence même et qui ne laissent de nous inquiéter. J'ai des enfants, j'ai des petits-enfants, et je dois rester vigilant.

Les réalités de ce que nous exposons dans ces documents ne concernent peut-être pas nos frères qui vivent dans les prairies ou qui vivent ailleurs au Canada, mais chez nous c'est bel et bien la réalité. C'est une réalité à laquelle nous faisons face tous les jours.

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Pour revenir au contrôle des armes à feu, nous avons déjà en place une procédure - comme, encore une fois, l'a rappelé le chef Tiorahkwathe - qui peut coexister avec la vôtre, la respecter et reconnaître l'existence de deux réalités, la vôtre et la nôtre. Nous pouvons utiliser les objectifs du projet de loi C-68 pour les adapter à une réalité porteuse de paix, d'ordre et d'harmonie entre nos peuples.

Nous enregistrerons nos armes mais encore une fois il s'agit de savoir qui applique la loi. Nous respectons la loi et l'ordre comme tout le monde. Si vous faites un excès de vitesse sur notre territoire, vous êtes verbalisé. À qui devez-vous remettre l'argent? À notre tribunal. Il y a d'autres crimes, des vols par effraction. Nos agents de la paix sont la première ligne de défense de notre communauté. Mais cela ne veut pas dire que nous n'appliquons pas le Code criminel ou le Code de la route. Nous l'appliquons. Mais ce n'est pas un agent formé à Nicolet ou quelque part ailleurs qui fait respecter la loi à Kahnawake. Nous avons nos propres gens pour le faire.

C'est la même chose pour le projet de loi C-68. Nous le respecterons dans la mesure où nous nous chargerons de l'enregistrement de nos propres armes. Nous sommes toujours prêts à négocier une entente au sujet de cette loi.

Y a-t-il d'autres questions?

M. de Savoye: Est-ce que j'ai encore le temps?

Le président: Pour une toute petite question, monsieur de Savoye.

Le chef Two Rivers: Est-ce que ce sont de petites questions?

M. de Savoye: Mais les réponses sont importantes.

Je ne vous ai peut-être pas bien compris. Vous avez dit il y a quelques instants que vous n'aviez pas enregistré vos propres armes à feu malgré que vos propres lois le prévoient. Est-ce que vous pourriez vous expliquer un peu plus?

Le chef Two Rivers: Oui. Ce sont de très vieilles armes et elles ne marchent pas. J'ai un mousquet, un fusil à poudre et une ou deux espèces de petits mousquets. Ce sont des antiquités. Je l'ai dit simplement pour voir si vous écoutiez bien ce que je disais.

Des voix: Oh!

M. de Savoye: J'écoute toujours avec attention ce que disent les témoins et ce matin encore plus que d'habitude. Je vous remercie de cette précision. Elle était importante.

Le président: Chef Jacobs, vouliez-vous ajouter quelque chose?

Le chef Jacobs: Oui. J'aimerais donner quelques précisions supplémentaires.

En septembre 1995 nous avons signé une entente de service de police avec deux parties, avec le fédéral et avec la province. Si nous l'avons fait c'est exactement pour les raisons dont parlaitM. de Savoye, la presse négative dont nous faisions l'objet. Nous voulions changer cette image et montrer que nous étions responsables et respectueux de la loi et prouver que tout le monde se trompait sur notre compte. Nous en avons l'habitude. Nous le faisons depuis que nous sommes nés et nous continuerons à le faire.

Revenons à cette histoire de contrebande. Elle ne concerne pas simplement nos communautés. Il y a de la contrebande tout le long de cette immense frontière entre nos deux pays. C'est indubitable. Il y en a toujours eu. Certaines des personnes les plus riches du monde ont fait de la contrebande à un moment ou à un autre et maintenant elles sont respectables, il y en a même qui sont devenues parlementaires. Il y en a qui sont devenues présidents des États-Unis.

Pour nous c'est un problème permanent et nous faisons tous les efforts possibles. Nos agents de la paix ont des rapports excellents avec la Gendarmerie royale ainsi qu'avec les forces de police du côté américain de cette ligne imaginaire qui traverse tout notre pays. Souvent nous arrivons à obtenir des informations plus vite qu'eux car nous avons une ligne directe de communications avec plusieurs états et plusieurs agences fédérales. Nous connaissons la destination de beaucoup de ces armes. Nous savons qui les achètent. Il y a des organisations criminelles que nous devons tous combattre.

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Nos gens sont inquiets car nous avons le droit de franchir cette frontière sans formalités. Si un de nous abuse de ce droit il crée des problèmes pour 99 p. 100 de la collectivité qui respecte les lois des deux côtés de la frontière.

Cette ligne imaginaire nous pose d'autres problèmes. Nous avons des frères de l'autre côté de cette ligne qui la franchissent constamment. Nous la franchissons pour aller chasser sur leurs terres et ils viennent chasser sur les nôtres. Il n'y a rien dans ce projet de règlement qui couvre ces droits dont nous avons joui pendant des siècles avant que les, à défaut d'un meilleur terme, nos non-Autochtones n'arrivent. C'est ce que nous avons toujours fait depuis des temps immémoriaux et nous continuerons à le faire. C'est un gros problème.

Mais pour répondre à sa question, je ne crois pas tout ce qu'il y a dans le document. Si je le croyais, nous aurions presque tous quelques soucis à nous faire.

Le président: Chef Phillips.

Le chef Phillips: J'aimerais prendre une seconde pour répondre aussi. Comme mes collègues l'ont dit, les médias aiment se servir de nous. Comme il l'a dit, cela continue, c'est indéniable. Mais avec nos propres agents de police, il vous suffit de parler avec les gendarmes royaux du détachement de Cornwall pour constater un degré de coopération entre nos services qui n'a rien à envier à personne. La Police provinciale, la Gendarmerie royale, la patrouille frontalière, la police d'État et notre police font des efforts concertés pour régler ces problèmes. Je crois qu'ils sont parvenus à d'assez bons résultats.

Mais vous êtes ici pour discuter du projet de loi C-68 et je ne sais même pas si cela nous concerne. D'après ce que je crois comprendre, cela concerne les chasseurs, les pêcheurs, tous les propriétaires d'armes à feu. Ils les enregistrent et une fois ces armes à feu enregistrées tout est légal. Si le commerce qui se fait dans cette région est légal je ne vois pas l'incidence du projet de loi C-68.

Comme ils vous l'ont dit, le responsable c'est le crime organisé. Comme Billy Two Rivers vous l'a dit tout à l'heure, derrière tout cela, il y a des criminels. Je ne vois pas vraiment le rapport avec le projet de loi C-68 à moins d'enregistrer des armes illégalement obtenues ce qui me semble absurde. Je sais ce que vous dites et je sais comment nous sommes dépeints par les médias mais nous sommes ici pour parler du projet de loi C-68 et je ne vois vraiment pas le parallèle ou le rapport avec cette question.

Le président: Merci. Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Monsieur le président, j'aimerais remercier nos témoins de leur déposition.

Sauf erreur de ma part, aucun représentant de vos communautés n'avait comparu devant le comité lorsqu'il étudiait ce projet de loi. Bien entendu, aujourd'hui il s'agit des règlements.

J'aimerais commencer par dire que si le ministre de la Justice ou quiconque vous a convaincu de la nécessité de ce projet de loi C-68 et de ses règlements pour la communauté non autochtone, n'en soyez pas si sûr. Actuellement quatre provinces et deux territoires ont monté un dossier attaquant la constitutionnalité de ce projet de loi.

Pendant ces deux dernières années j'ai discuté de ce projet de loi dans tous les coins du pays et dans chaque province à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard j'ai constaté que littéralement des centaines de milliers de personnes étaient opposées à certaines de ses dispositions. Certaines autres suscitent leur appui. Moi-même et le caucus du Parti réformiste appuyons certaines parties de ce projet de loi - la partie visant l'utilisation criminelle des armes à feu.

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Nos avons entendu hier deux Québécois représentant par le biais de leurs deux organisations 1 200 000 propriétaires d'armes à feu au Québec. Ils sont contre le projet de loi. Nous nous sommes rendus dans la région Atlantique. Le projet de loi inquiète des milliers de propriétaires d'armes à feu.

Beaucoup de gens ne comprennent même pas le projet de loi C-17 et ne respectent pas les dispositions de ce projet de loi. Le ministre de la Justice autochtone des Territoires du Nord-Ouest nous a dit sans hésiter que dans certaines régions les gens renoncent à envoyer leur demande d'autorisation d'acquisition d'armes à feu car il leur est impossible d'obtenir la photo de passeport qui doit accompagner obligatoirement le dossier. Ils s'abstiennent tout simplement.

Pourquoi voudriez-vous de ce projet de loi? Rendra-t-il vos communautés plus sûres? Est-ce que les permis et les enregistrements rendront vos communautés plus sûres?

Si je voyais cette éventualité dans ce projet de loi, je l'appuierais. Je suis d'accord avec le chef Two Rivers qui a mis le doigt sur le problème comme beaucoup d'autres aux quatre coins du pays.

Chef, vous avez dit ne pas penser cette loi opportune et que la loi ne devrait viser que les violeurs de lois. C'est ce que nous disons. Laissez les propriétaires d'armes respectueux de la loi tranquilles.

Donc si ce projet de loi doit réglementer l'utilisation, l'entreposage et l'exposition d'armes à feu dans votre communauté, il faut qu'il coïncide à l'objectif recherché dont on nous dit que c'est la sécurité publique. Avez-vous besoin de ce projet de loi - la partie concernant les permis, l'enregistrement - pour des raisons de sécurité publique dans vos communautés respectives?

Le chef Two Rivers: Bonjour, monsieur Ramsay. De la région distante de la Réforme, je vous souhaite la bienvenue en territoire algonquin au nom des Algonquins.

Des voix: Oh, oh!

M. Ramsay: Merci.

Le chef Two Rivers: Il est important de revenir à cette question de contexte évoqué par M. de Savoye. Il ne s'agit pas de savoir si nous sommes prêts ou non à accepter la loi d'un autre gouvernement. Il s'agit ici de l'éventualité de l'imposition à notre peuple de la loi d'un autre gouvernement si nous en arrivons là.

Nous ne sommes pas partie prenante quant aux procédures de votre gouvernement. Nous ne sommes pas citoyens canadiens comme l'a jugé John Diefenbaker quand il nous a donné le droit de vote. Nous ne votons pas. Tant au provincial qu'au fédéral, nous ne votons pas. Ce n'est pas notre procédure. Nous avons la nôtre et si vous vouliez voter lors d'élections mohawk nous ne vous le permettrions pas.

C'est votre loi et nous en mesurons les conséquences pour nous. Quand je dis qu'elle se trompe de cible, c'est dans le contexte de la compréhension générale de la loi et de ses faiblesses. Le Parlement adopte des lois et c'est votre Parlement. C'est votre procédure et nous devons vivre dans cette réalité. Nous essayons encore une fois de nous assurer qu'on ne nous impose pas une loi qui ne devrait même pas être imposée à notre propre peuple.

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Nous ne pouvons pas vous dire ce qui devrait être fait pour réorienter, modifier ou adapter cette loi mais si elle doit devenir votre loi discutons de ses conséquences pour nous tous, vu sous notre angle et sur la base des pouvoirs législatifs qui permettent à votre gouvernement de la promulguer.

Nous ne sommes pas pour mais nous n'irons pas au Parlement pour vous dire que nous nous y opposons et nous ne voterons pas pour le prochain gouvernement libéral parce que ce n'est pas notre procédure. Sauf tout le respect dû encore une fois à cette loi, ce qui nous intéresse c'est ce qui se passera une fois que cette Loi sur le contrôle des armes à feu aura été adoptée et qu'à la suite de l'entente entre la province du Québec et le gouvernement fédéral, nous aurons un commissaire aux armes à feu et qu'il nous faudra payer tant pour enregistrer les armes à feu.

Nous disons que ce n'est pas applicable. La loi n'est pas applicable. C'est notre position.

M. Ramsay: Merci.

J'aimerais me servir des quelques minutes qui nous restent pour vous poser des questions sur votre propre système d'enregistrement.

La sanction maximum de non-enregistrement délibéré d'une arme à feu fixée par le projet de loi est de 10 ans. C'est la sanction maximum - une sanction assez sévère. Quelle sanction imposez-vous à ceux qui n'enregistrent pas leurs armes à feu?

Le président: Chef Jacobs.

Le chef Jacobs: Pour le moment, dans notre système c'est une sanction pécuniaire. Je ne pense pas que 10 ans de prison inciteront les autres propriétaires à enregistrer leurs armes. D'une manière générale, pour certaines infractions, nous sommes contre les peines d'emprisonnement. Il y a d'autres solutions.

Chez nous c'est d'abord à la communauté qu'on rend des comptes. C'est la communauté qui dicte nos lois. Nos gens viennent voir les membres du conseil et leur disent: «Voici ce qu'il nous faut, voici ce que nous voulons. Agissez en conséquence».

Il y a d'autres moyens de traiter ceux qui ne se conforment pas à la loi. Dans ce cas, si quelqu'un ne veut pas enregistrer ses armes à feu, et si c'est la loi dans notre communauté, lui interdire définitivement de se servir de ses armes à feu le punit beaucoup plus. Lui retirer ce droit - et encore une fois, nous parlons ainsi de notre droit à posséder des armes à feu - et le faire surveiller par toute la communauté qui sait qu'il n'a pas le droit de chasser parce qu'il n'a pas respecté cette loi... C'est de loin beaucoup plus dur quand vous savez que c'est votre droit d'avoir des armes à feu mais que vous ne pouvez vous en servir.

Dans notre loi, nous nous servons du système que nous avons. Nous avons nos propres tribunaux et pour nous c'est considéré comme une infraction passible d'une condamnation sommaire. Je connais votre loi. Vous essayez de responsabiliser la population mais encore une fois ce sont ceux qui violent la loi de la manière la plus extrême que vous visez. Pour quelqu'un qui ne veut tout simplement pas enregistrer ses armes à feu, pour des raisons politiques ou spirituelles ou parce que c'est un droit donné par le Créateur, c'est un peu plus profond que cela. Cela n'en fait pas un criminel.

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Nous avons des antécédents politiques différents et nous avons des antécédents culturels différents. Dans nos cultures nous appliquons des méthodes différentes. Ces méthodes existent et nous les appliquons. Nous ne les imposons pas à ceux qui ont des cultures non autochtones, mais s'ils viennent chez nous et s'ils se servent de leurs armes d'une manière dangereuse ou s'ils ont des armes qui ne sont pas enregistrées nous avons un système pour régler le problème. Il nous faut travailler en coopération avec les forces de police et le système judiciaire pour régler correctement ces problèmes.

M. Ramsay: Merci, monsieur le président.

Le président: Chef Gilbert, vouliez-vous dire quelque chose?

Le chef Gilbert: J'aimerais dire quelques mots.

Les valeurs et les principes. Je sais que je parle pour moi-même. Quand j'entends le mot «papillon», je pense à de belles choses. Notre langue est très imagée. Quand j'entends le mot «fusil», je sursaute, comme tout le monde.

J'ai un fusil qui est enregistré. C'est un cadeau de pendaison de crémaillère et il n'a jamais servi.

Selon nos ancêtres, selon notre tradition orale, «fusil» veut dire outil qui envoie un instrument par un canon. Il y a des conséquences à son utilisation. On nous apprend qu'il ne faut pas s'en servir n'importe quand ou n'importe où.

Il n'a pas de valeur financière. Je n'ai pas dû payer 25 $ ou 45 $ parce que le dénominateur commun n'est pas l'argent. Selon la tradition ce n'est qu'une fois le dernier lac pollué, qu'une fois le dernier arbre abattu, qu'une fois le dernier poisson attrapé - c'est seulement alors que nous comprendrons que l'argent n'est pas comestible. Mais nous avons des principes, des lois.

La communauté me considère comme un homme respectable. On m'a personnellement demandé de faire passer des armes à la frontière et je ne sais quoi encore. Et c'est à cause de mes traditions et de mes valeurs... et je leur ai dit. Ce n'était pas toujours forcément des Autochtones. Il y a des bons et des mauvais partout.

Mais on m'a toujours dit de regarder dans la glace et quand on regarde dans la glace, votre visage, votre expression, vous dira si vous devez ou non faire quelque chose. Quand vous regardez dans la glace c'est le coeur qui vous répond et c'est une décision avec laquelle il faut vivre.

Je voulais simplement ajouter cela.

Le président: Merci beaucoup, chef Gilbert.

Nous passons maintenant à M. Maloney.

M. Maloney: Merci, monsieur le président.

Je pourrais peut-être poser mes questions au chef Jacobs. Que ceux qui jugent nécessaire d'ajouter quelque chose n'hésitent pas.

Que vous enregistriez les armes à feu depuis 1988 ou 1989 m'intrigue beaucoup. Pourquoi avez-vous décidé de le faire?

Le chef Jacobs: Pour plusieurs raisons différentes. Premièrement, c'était un problème dans la communauté. Ces histoires de frontières, même imaginaires, les inquiétaient. Il y avait des problèmes et nos agents de la paix avaient des soucis. C'était un problème pour les tribunaux.

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Sur le plan de la sécurité, nous aimons savoir à qui nous avons affaire quand nous répondons à un appel. Nous aimons savoir qui a quoi dans certaines situations. Encore une fois cela revient à l'importance de nous connaître. Nous savons quand quelqu'un a un problème et nous savons de quel genre de problème il s'agit. Il y a toujours des cycles dans les crises. Si nous savons que quelqu'un a certaines armes dans sa maison, nous savons quand prendre la décision de dire: écoutes, nous te connaissons, nous savons ce qui se passe et dans les circonstances actuelles tu ne devrais pas avoir ces trucs avec toi. Nous allons venir les chercher et nous savons ce que tu as.

Cela se fait chez nous, mais auparavant, si ces articles doivent être enregistrés - et ils doivent probablement être enregistrés quelque part - cela devrait se faire à la source, c'est-à-dire là où on les achète. Ce sont les gens qui vendent ces choses qui en sont responsables. Si quelqu'un doit les enregistrer, et je pense que c'est ce qui se fait maintenant, c'est peut-être le secteur qui doit être renforcé encore un peu plus.

Je comprends la cession d'armes à feu entre des personnes. Dans notre culture, il arrive souvent que des gens cèdent une arme à feu à quelqu'un d'autre, soit qu'ils la prêtent, soit qu'ils la donnent parce qu'ils n'en ont plus besoin. Des armes sont aussi transmises d'une génération à l'autre, comme dans le cas de Bill, peut-être. Il était peut-être jeune quand ces choses étaient nouvelles.

Des voix: Oh, oh!

Le chef Jacobs: Mais le besoin existe et c'est notre collectivité qui identifie ce besoin. Nous sommes responsables. Nous avons les structures nécessaires. Nous avons les gens qu'il faut pour que ces choses se fassent. Nous avons nos propres législateurs. Leurs lois me dégoûtent parfois autant que les lois venant d'ailleurs. Je me dis: Voilà encore une autre loi. Nous voilà repartis. Que va dire la collectivité maintenant? Que devrons-nous faire pour la faire passer dans son état actuel? Que devons-nous changer? Ensuite commence tout le processus de consultation.

Mais s'il y a un besoin, alors il vaut la peine de le faire. Chez nous, en l'occurrence, il y avait un besoin en ce qui concerne les armes à feu. C'est une chose que nous devions faire et nous l'avons faite.

M. Maloney: Quel est votre taux d'observation? Combien de propriétaires d'armes à feu chez vous les ont enregistrées?

Le chef Jacobs: J'ai entendu M. Ramsay dire que des témoins venus du Québec représentaient quelque 1,2 million d'armes à feu. Je n'hésiterais pas à dire que les gens présents ici représentent probablement beaucoup plus d'armes à feu que cela, ou pourraient en représenter beaucoup plus.

Pour ce qui est du nombre d'enregistrements... Nous avons plus ou moins dit que c'était le temps de le faire, parce que nous reconnaissions que quelque chose se produisait. Nous avons prévu qu'une loi allait être adoptée par le gouvernement. Nous voulions prendre de l'avance. Il y a eu un grand nombre d'armes à feu, de fusils ou d'outils, quel que soit le nom qu'on leur donne, qu'on a enregistrés à nos postes de police. On n'a forcé personne à le faire. C'était volontaire. Je pense que tout le monde a été surpris du nombre.

Nous devons vraiment modifier la loi actuelle. Nous pouvons agir en coopération avec le gouvernement fédéral à ce sujet pour nous assurer que les autres seront enregistrés. On ne peut pas arriver à 100 p. 100. Peu importe qui vous êtes ou quelle sorte de loi vous adoptez. Si certaines gens ne veulent pas le faire, en raison de leur culture ou de leurs croyances, ou encore parce que ce sont des criminels, l'enregistrement ne se fera pas.

Je crois que 98 ou 99 p. 100 des membres de notre collectivité sont respectueux des lois et obéiraient à celle-ci, mais il faut procéder à notre manière. On n'a pas à les forcer. S'ils comprennent qu'il y a une raison à cette mesure et quelle est cette raison, et que cela mettra fin aux pressions de l'extérieur, en l'occurrence, ils seront un peu plus disposés à enregistrer les armes qui n'ont pas encore été enregistrées.

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M. Maloney: Vous avez dit que votre programme était volontaire, mais vous avez également dit, en réponse à la question de M. Ramsay au sujet des amendes, qu'il y avait une pénalité pour défaut d'obéissance à la loi. Vous avez parlé également de confiscation. Si c'est un programme volontaire, comment pouvez-vous faire cela?

Le chef Jacobs: Ils peuvent volontairement enregistrer leurs armes à feu au poste de notre gardien de la paix, mais il faut quand même une loi parce qu'il y a encore des gens qui enfreignent les lois. Nous surprenons encore des gens à faire certaines choses avec ces armes à feu. Suivant la gravité de ces actes, nous pouvons soit appliquer notre loi ou soumettre le cas à un - j'hésite à parler d'un tribunal supérieur - mais à une cour provinciale ou à une cour fédérale au besoin, en fonction de la gravité de l'infraction.

M. Maloney: Avez-vous observé un effet positif, bénéfique, résultant de vos règlements sur les armes à feu, des lois sur les armes à feu que vous appliquez dans vos collectivités? Avez-vous réglé les problèmes que vous aviez constatés?

Le chef Jacobs: Je pense que c'est une situation en évolution constante. Il y avait un problème qu'on identifiait comme de la contrebande. Je pense que c'est peut-être le bon mot. Nous avons fait des progrès dans d'autres secteurs, comme dans celui de notre accord sur les services de police. Nous faisons également des progrès, je l'espère dans d'autres secteurs avec le ministère de la Justice, en ce qui concerne l'augmentation des pouvoirs de notre propre système judiciaire. Nous confions aux membres de notre collectivité la responsabilité de faire respecter ces lois qu'ils ont demandées.

M. Maloney: Avez-vous eu la possibilité d'examiner ce projet de règlements? Y a-t-il des éléments que vous estimez bons ou mauvais, quelque chose que vous pourriez inclure dans vos propres lois et règlements, ou quelque chose que vous jugez trop dérangeant ou pas bon du tout?

Le chef Jacobs: Je répète que nous sommes venus ici en pensant que nous avions un terrain d'entente, car nous estimons que dans leur libellé actuel, les règlements ne devraient pas s'appliquer à nous. Si nous devons adopter des règlements ou des lois quelconques, il faut le faire chez nous, ils doivent venir de chez nous.

M. Maloney: Mais seriez-vous disposés à adopter ceux-là? Je comprends votre point de vue, mais y a-t-il dans ces règlements quelque chose que vous trouvez bon et que vous aimeriez faire vôtre?

Le chef Jacobs: Nous les avons examinés et il est possible que nous puissions utiliser certaines parties, mais je répète que le libellé de ces règlements nous paraît parfois menaçant et qu'il y aurait des choses que nous devrions modifier. Je répète que tout dépendra des directives qui viendront de la collectivité et du point jusqu'où les gens sont prêts à aller.

Je pense qu'on pourrait trouver une solution administrative à cette question ou qu'une sorte d'accord politique pourrait être conclu avec nos collectivités afin de réussir à apaiser les craintes de tout le monde à ce sujet.

M. Maloney: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, chef Two Rivers, chef Gilbert, chef Jacobs et chef Phillips. Voulez-vous ajouter quelque chose avant que nous levions la séance, chef Gilbert?

Le chef Gilbert: Oui, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je veux seulement répondre brièvement à M. Maloney.

À titre d'exemple, dans votre documentation, vous déclarez qu'un aîné est considéré comme une personne de 45 ans. Eh bien, j'ai deux garçons. L'un d'eux à 17 ans et l'autre a 14 ans. Si j'amenais ma famille dans la région de la Baie James, par exemple, et que quelque chose m'arrive et que je me retrouve dans le monde des esprits, l'aîné de ma famille serait alors ce garçon de 17 ans. Il devrait aider sa mère et son jeune frère à subvenir à leurs besoins.

Je vais changer le scénario. Disons que je suis avec mon fils aîné en canot, par exemple, que le canot chavire et que nous nous noyons. Dorénavant, l'aîné de la famille a 13 ans. Par conséquent, cet énoncé au sujet des aînés est ridicule en pays autochtone.

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Le président: Merci beaucoup à chacun. Comme je l'ai dit au début, nous vous remercions d'être venus témoigner devant ce sous-comité à si bref préavis. Nous apprécions votre participation. Nous prendrons certainement note de vos arguments, dont certains étaient très intéressants, je me permets de l'ajouter. Nous vous remercions de tous les efforts que vous avez dû déployer pour préparer cette présentation.

Le chef Two Rivers: En dernier lieu, nous tenons à vous rassurer, à propos des questions que vous nous avez posées. Nous sommes certainement persuadés d'avoir la haute main sur notre collectivité, en ce qui concerne l'ordre public et l'enregistrement des armes à feu. Cette mesure a aidé notre collectivité à savoir ce qui y est disponible.

Pour rassurer le SCRS, l'organisme le plus intéressé par ce processus, je dis que nous n'avons pas de problèmes. Nous sommes une collectivité respectueuse des lois et espérons que vous pourrez régler vos divergences de vues afin de partager nos territoires et continuer ainsi à vivre en paix à l'aube du prochain millénaire. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Avant d'ajourner la séance jusqu'à 15 h 30, je tiens à répéter que nous nous réunirons à15 h 30 dans la pièce 308 de l'édifice de l'Ouest. En outre, je signale que notre deuxième témoin ne pourra pas comparaître et j'ai donc pensé que nous pourrions utiliser ce temps pour tenir une brève réunion à huis clos à 16 h 30, afin de discuter de la façon dont nous allons procéder après avoir fini d'entendre les témoins.

Nous nous réunirons de nouveau à 15 h 30 dans la pièce 308.

La séance est levée.

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