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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 20 mars 1997

.1534

[Traduction]

La présidente (Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.)): Nous pouvons commencer. Nous attendons encore quelques membres du comité, mais j'ouvre tout de suite la séance.

Quatre témoins comparaissent aujourd'hui. Je demande à chacun d'entre eux de s'en tenir au contenu du projet de loi C-47. Chacun dispose de cinq minutes au maximum. Quand chacun aura parlé, nous passerons à la période de questions.

M. Murray Mollard (directeur de la politique, Association des droits civils de la Colombie-Britannique): Je m'appelle Murray Mollard et je fais partie de l'Association des droits civils de la Colombie-Britannique.

C'est notre présidente, Kay Stockholder, qui va faire l'exposé.

.1535

Mme Kay Stockholder (présidente, Association des droits civils de la Colombie-Britannique): Je m'appelle Kay Stockholder et je suis présidente de l'Association des droits civils de la Colombie-Britannique.

Il y a trois choses essentiellement que je voudrais aborder dans le temps de parole très court qui nous est imparti.

Personnellement, je tiens à dire quelque chose à propos du très court préavis qui a précédé notre venue: on nous a fait signe il y a moins d'une semaine. On ne nous a pas donné le choix quant au moment où nous allions témoigner. En fait, ce soir, je devrais assister à une réunion générale annuelle.

Ce qui est plus grave encore dans le cas des audiences actuelles, c'est qu'on veut les mener à bien à toute allure, ce qui est très troublant quand on sait qu'il s'agit de dispositions législatives pénales, c'est-à-dire de dispositions législatives qui peuvent entraîner des sanctions pénales. On prétend - bien qu'on puisse en douter - que le grand public réclame à grands cris l'adoption immédiate de mesures législatives, mais, même si c'est le cas, ce genre de mesures législatives doivent être mûrement réfléchies. Elles ne devraient en aucun cas être adoptées dans une atmosphère d'excitation générale suscitée par la nouvelle du clonage récent, car c'est bien entendu de là que vient l'activité fébrile dont la question fait l'objet. Il faut toutefois bien dire que le clonage n'a pas grand-chose à voir avec l'objet du projet de loi, car il n'est pas encore réalisable. Par conséquent, il n'y a pas lieu de redresser ce tort-là. En outre, la notion de clonage peut être distinguée des autres questions que soulèvent les nouvelles techniques de reproduction. À mon avis, il est important de ne pas l'oublier.

De plus, toutes les mesures du projet de loi C-47 procèdent de la notion de torts éventuels plutôt que de torts réels. Dans le projet de loi comme dans les documents qui expliquent les mesures proposées, la notion de torts futurs - et je pense qu'on dit plutôt «connus ou non», et je me demande comment ils peuvent être considérés comme des torts s'ils sont inconnus - revient constamment.

Ainsi, on envisage des sanctions pénales non pas pour enrayer des torts graves, définis, réels, portant atteinte aux particuliers ou à la société en général, mais par crainte de torts qui surgiraient dans l'avenir. Selon nous, il ne convient absolument pas d'utiliser les lois pénales de cette façon. Il existe d'autres moyens, comme la réglementation ou la délivrance de licences diverses, selon le cas. En fait, la procédure ici est rétrograde, car on constate que l'on commence par prévoir des mesures législatives pénales comme premier recours plutôt que de ne les envisager qu'en dernier recours.

En démocratie, on tient pour acquis que l'on ne peut pas imposer des sanctions pénales à une personne pour la protéger contre elle-même. Les sanctions pénales doivent servir à protéger les autres en cas de torts graves qui leur seraient causés et quand il n'y a pas d'autres moyens de procéder. Ce projet de loi va à l'encontre de tous les principes sur lesquels se fonde le droit pénal d'une société démocratique, comme il convient.

Le deuxième élément dont je veux parler est crucial. Les torts que l'on craint pour l'avenir, et dont il est question dans le projet de loi, seraient causés par une utilisation débridée des technologies au détriment de la dignité des femmes et des enfants. On voit couramment la juxtaposition de ces deux termes: «femmes et enfants».

Je tiens à rappeler que la dignité d'un adulte ne dépend pas totalement, mais en grande partie, de sa conscience d'être autonome et libre. L'adulte doit pouvoir agir autant que possible libre de toute contrainte, eu égard à la nature sociale des collectivités humaines et à la nécessité d'imposer un cadre juridique. Par conséquent, prétendre protéger en même temps les femmes et les enfants revient à dire que le consentement de la femme adulte est tout aussi négligeable que le consentement des enfants, parce que les enfants, par définition, ont besoin de la protection des adultes.

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Les dispositions de ce projet de loi laissent supposer que les femmes adultes ont, comme les enfants, besoin de la protection des adultes. Elles sont entièrement paternalistes, mais je devrais dire maternalistes, étant donné qu'une section du mouvement des femmes a donné son aval au projet de loi.

Selon l'argument, peu importe ce qu'une femme en particulier souhaite, elle est forcée de tenir compte du bien de toutes les femmes, contrairement à ce qui se passe dans le cas de chacun d'entre nous puisque nous devons considérer notre propre intérêt en liaison avec celui des autres.

Ainsi, ce document, qui prétend protéger la dignité des femmes, lui fait subir effectivement un recul et la bafoue. Je pense que c'est un argument très percutant, qui milite contre le projet de loi.

Puisque je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, je me limiterai aux principes généraux et ne citerai qu'une manifestation supplémentaire qui confirme ce que nous avons constaté. En effet, on propose d'interdire la commercialisation de tout ce qui a trait à la procréation, entre autres les tissus foetaux. Cela suppose que la dignité des adultes vivants se réduit ni plus ni moins à la dignité des tissus foetaux fournis. On a l'impression qu'il y a quelque chose de magique là-dedans, et on se demande si le tissu foetal n'est pas considéré comme un objet religieux ou quasi religieux, de sorte que s'il n'est pas traité avec respect la valeur de la vie humaine s'en trouve atteinte. Pourquoi en serait-il ainsi? Rien ne porte à croire qu'il y a quelque rapport que ce soit entre les deux.

De plus, comme chacun le sait, bien des gens vont dans les pays du tiers monde pour adopter des enfants quand ils ne peuvent pas le faire ici. Ils paient souvent de 10 000$ à 15 000$ et je n'ai jamais entendu dire que les gens qui obtiennent des enfants ainsi - et les paient donc - les traitent comme s'il s'agissait d'objets ou s'en occupent moins que s'ils leur avaient donné naissance eux-mêmes. Il n'y a donc pas lieu de craindre que la commercialisation d'un cas qui nous occupe ait ce genre de conséquences.

Pour interdire toute commercialisation, on a prétendu que tous les Canadiens devaient avoir un accès égal à toutes les techniques. Bien sûr que ce serait l'idéal si c'était réalisable, mais qu'est-ce qu'on enlève aux pauvres si ceux qui ont plus d'argent peuvent choisir le sexe de leur enfant ou obtenir divers diagnostics? On comprend mal dans ces conditions pourquoi on voudrait judiciariser la commercialisation. Ce qui n'empêche cependant pas l'adoption de divers règlements.

Nous pensons donc qu'on devrait retirer ce projet de loi. Nous pensons qu'il a été conçu en trop grande hâte. Étant donné les sanctions pénales qu'on risque d'imposer, l'affaire est trop grave, et l'on ne peut pas permettre que les audiences se déroulent à la va-vite. La logique qui a abouti aux propositions législatives dont vous êtes saisis constitue un affront pour les femmes alors que précisément on prétend les protéger. Des enjeux aussi sérieux que ceux dont il s'agit ici ne devraient pas être traités de la sorte.

Il est vrai que presque chacun de nous a une réaction émotive en présence des questions soulevées, la création de foetus aux fins de recherche, par exemple, etc. Il y a des aspects graves, je le reconnais, mais je pense que nous ne devrions pas laisser des réactions émotives devenir le facteur déterminant de notre futur droit pénal. Au Moyen Âge, on avait aussi ce genre de réactions émotives face à la recherche scientifique pour percer les secrets de la nature. Ces réactions-là valent bien les nôtres.

Il est vrai que l'on peut dire que le développement des sciences au fil des siècles a causé des torts, mais nous reconnaissons, pour la plupart, que la recherche scientifique nous a apporté des avantages énormes. Les situations d'alors et de maintenant sont comparables.

Je pense donc qu'on détourne le droit pénal si l'on essaie d'empêcher des développements futurs qui peuvent se révéler souhaitables, mais qui causeront des problèmes si l'on intègre maintenant cela au droit pénal.

Merci.

La présidente: Merci. Comme il y aura un vote, je vous invite à vous en tenir autant que possible aux cinq minutes qui vous sont allouées.

.1545

Mme Alison Harvison Young (Faculté de droit, Université McGill): Merci.

Dans le but de respecter ce délai de cinq minutes, je me vois dans l'obligation de supposer que vous avez lu mon mémoire; du reste, je sais que vous l'avez fait.

Je tiens à souligner que ce qui me préoccupe le plus, comme je l'expose dans mon mémoire, ce sont surtout les questions de reproduction assistée, les questions dont on traite aux articles 5 et 6 du projet de loi plutôt qu'à l'article 4. Bien sûr, c'est surtout l'article 4 qui a récemment retenu l'attention, avec la question du clonage dont Mme Stockholder a parlé.

Ces questions suscitent des préoccupations assez distinctes pour que nous ne nous contentions pas de supposer que les mêmes facteurs les régissent toutes. Cela dit, je parlerai principalement de reproduction assistée.

Je tiens aussi à exposer d'entrée de jeu ce que j'ai déjà souligné à la fin de mon mémoire et qui souligne ce qu'a dit Mme Stockholder. Ce dont nous avons vraiment besoin dans ce pays, c'est d'une bonne structure réglementaire. À mon sens, on met vraiment la charrue devant les boeufs quand on commence par des interdictions pénales. Bien sûr, ce qu'on craint beaucoup c'est que, d'une façon ou d'une autre, comme cela arrive parfois au cours du processus politique, tout ce à quoi nous aboutirons, étant donné la complexité constitutionnelle et les aléas des élections et d'autres facteurs, ce ne soit l'adoption de mesures d'interdiction. Dans ce cas le remède serait pire que le mal.

Dans mon mémoire je traite de deux thèmes apparentés. Le premier a trait à l'inefficacité historique des simples interdictions face à des questions socialement contestables. C'est une importante question à souligner.

Mme Stockholder a traité de l'inadéquation du droit pénal dans une question comme celle-là. Mon approche est un peu différente. Pour ma part, qu'il soit adéquat ou non, il ne fonctionne pas. Tout parent sait très bien que l'interdiction pure et simple constitue rarement un moyen efficace de contrôler un comportement qu'on n'approuve pas.

L'autre chose que j'aimerais ajouter en ce qui concerne l'autonomie, c'est que les prémisses sous-jacentes au projet de loi C-47 posent certains problèmes. Il est préoccupant de constater qu'on ne trouve dans le préambule du projet de loi absolument aucune mention de l'autonomie en matière de reproduction. Après tout, c'est là le fondement du droit dans notre pays, et il suffit de penser notamment à l'affaire Morgentaler. Il est très préoccupant d'en constater la disparition totale dans cet univers législatif.

Nous savons qu'il y a bien plus qu'une question d'autonomie en jeu quand on parle de décisions concernant les mères porteuses, le don de sperme, le don d'ovules, etc. Naturellement, nous savons que le choix est dans une certaine mesure socialement admis. Toutefois, il importe de reconnaître que c'est tout aussi vrai dans le contexte de l'avortement. Toute femme qui décide de subir un avortement le fait face à de graves contraintes sociales. Nous sommes tout aussi fondés à nous demander si elle est donc en mesure de prendre une décision vraiment informée. Ce texte législatif ne montre pas qu'on soit parvenu à résoudre ce genre d'anomalie.

J'aimerais mentionner quelques autres questions très brièvement. Je sais que je vais manquer de temps.

Pourquoi en suis-je arrivée à penser que cela va aggraver les choses? D'abord, il y a tout lieu de penser que ce texte de loi pourrait réduire certaines de ces pratiques à la clandestinité. On pense par exemple à certaines formes de maternité de substitution - pas nécessairement la grossesse de substitution, puisque cela suppose une certaine intervention technologique, mais la forme plus traditionnelle de substitution, certainement. Du fait aussi de cette visibilité moindre les Canadiens auraient plus de mal à se faire une idée de ce qui se passe. C'est certainement un problème.

Il y a de plus en plus de preuves anecdotiques de l'existence de ces pratiques. Je pense particulièrement à la maternité de substitution. Jusqu'ici, nous ne semblons pas disposer d'un mécanisme nous permettant de recueillir l'information. Nous ne savons pas de quoi nous parlons; nous ne savons pas ce qui se fait réellement, en coulisses.

Finalement, j'aimerais signaler que pour certaines raisons données par Mme Stockholder le projet de loi risque de porter atteinte aux valeurs mêmes qu'il est destiné à protéger. J'en parle plus en détail dans mon mémoire et je répondrai aux questions à ce sujet.

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La réification en est un exemple. Pour les raisons présentées par Mme Stockholder, nous ne pensons pas au risque de réification dans des cas où ce serait pourtant justifié. Comme pour l'exploitation des femmes, tout porte à croire que, comme pour l'avortement - les avortements clandestins ont fait subir beaucoup de dommages aux femmes - l'économie souterraine pourrait pour certaines de ces questions avoir le même effet.

Je m'arrête ici et je répondrai aux questions.

La présidente: Merci beaucoup. Vous n'avez pas épuisé le temps qu'on vous avait accordé; vous avez très bien fait. Merci.

Docteur, la parole est à vous.

Dr Richard MacLachlan (membre, comité d'évaluation, Conseil national de la bioéthique en recherche chez les sujets humains): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Richard MacLachlan, et c'est avec plaisir que je m'adresse à vous aujourd'hui au nom du Conseil national de la bioéthique en recherche chez les sujets humains. Vous avez mon mémoire, dont je ne vous livrerai ici que des parties.

Je pratique la médecine familiale à Halifax et je dirige actuellement un grand hôpital universitaire. Je me suis occupé de programmes de recherche sur les troubles du développement et je m'adresse également à vous en qualité de parent.

Comme nous l'avons mentionné dans le mémoire envoyé au comité il y a environ deux mois, nous appuyons les objectifs du projet de loi C-47. Nous reconnaissons en effet qu'il y a lieu que le gouvernement prenne des mesures pour assurer la sécurité du public dans le domaine des techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique. Nous estimons toutefois que le projet de loi ne contribuera pas à l'atteinte de cet objectif et causera de fait des torts à la population.

Le conseil croit, comme le gouvernement, que la population doit être assurée qu'il existe un cadre réglementaire global pour contrôler ce domaine qui évolue très rapidement. Ce genre d'orientation globale ne semble toutefois pas faire partie de la stratégie actuelle du gouvernement.

Le projet de loi C-47 criminaliserait certaines pratiques, dont beaucoup seraient unanimement jugées inacceptables. Il n'en demeure pas moins qu'il est présenté avant qu'on ait défini la sécurité réglementaire globale de la population canadienne. Il mettra également les femmes et les familles canadiennes en position désavantageuse en ce qui a trait à l'accès aux recherches médicales autorisées.

Le conseil estime que la sécurité du public et le libre accès de celui-ci à des pratiques et des recherches médicales autorisées à l'heure actuelle soulèvent un certain nombre de questions.

La présidente: Un instant, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): On a de la difficulté à suivre le texte; le témoin lit trop vite.

[Traduction]

La présidente: Vous êtes comme moi de la côte est, et c'est pourquoi vous devriez ralentir un peu votre débit pour l'interprète.

Dr MacLachlan: Mes excuses au nom de la région de l'Atlantique. Nous sommes dans un autre créneau horaire, et nous courons toujours pour vous rattraper.

Il existe déjà plusieurs mécanismes de réglementation pour assurer la sécurité du public en ce qui a trait à la prestation de soins de santé, à l'établissement et à l'évaluation des critères de formation des fournisseurs de soins de santé, à l'attribution de permis aux fournisseurs de soins des provinces et des territoires et à la surveillance de ces services, à l'établissement de nouvelles règles, à l'accréditation des établissements de santé et à la conduite et à l'évaluation des recherches effectuées sur des sujets humains au Canada ou qui ont des conséquences pour les sujets.

Des précisions sur ces mécanismes sont fournies dans le mémoire, et nous n'allons pas les répéter. Il nous est très difficile d'appuyer la création d'un nouveau mécanisme de réglementation, car on ne nous a pas précisé quelles étaient les lacunes du système actuel, comment le nouveau mécanisme améliorerait le caractère global du processus et quel serait son rapport avec les organismes existants.

J'ai appris que les représentants du gouvernement qui ont comparu devant le sous-comité la semaine dernière ont confirmé, comme nous le croyions, qu'il n'existe aucune preuve que des chercheurs canadiens travaillent actuellement dans l'un des domaines controversés, comme le clonage humain ou l'hybridation humaine-animale. Il semble donc que nous avons le temps de régler ces questions de façon globale en évitant de criminaliser des activités qui ne suscitent pas encore de problèmes importants dans notre société.

Dans une large mesure, l'impact du projet de loi C-47 ne se fera pas vraiment sentir sur les pratiques futures, comme celles que j'ai décrites plus tôt, mais plutôt sur les travaux de recherche qui ont un impact direct sur les patients. Cette proposition limitera l'accès des Canadiens aux résultats des travaux de recherche actuels, ainsi qu'aux thérapies innovatrices. Cette mesure favorisera la création d'un système à deux paliers où les riches pourront avoir accès à ces thérapies offertes dans d'autres régions.

Le CNBRH déploie d'importants efforts, pratiquement depuis ses débuts, pour assurer que tous les Canadiens ont un accès égal aux résultats découlant d'études de recherches approuvées. Tout particulièrement, nous nous sommes intéressés à l'accès des groupes spéciaux - comme les enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant de troubles de développement - aux travaux de recherche appropriés. Nous sommes d'avis que le projet de loi C-47 ajoutera un nouveau groupe à cette liste de groupes vulnérables, soit celui des femmes et des familles.

Le CNBRH appuie le concept selon lequel les sujets de travaux de recherche devraient recevoir une indemnité pour les dépenses raisonnables que leur occasionne leur participation à ces études. Le projet de loi C-47 interdit l'indemnisation de ceux qui participent à certaines études qui touchent le secteur des techniques de reproduction. On demande donc, par cette mesure législative, à ces participants d'assumer le fardeau des coûts de leur altruisme, puisqu'ils se sont portés volontaires dans le cadre de ces études de recherche approuvées.

.1555

J'aimerais enfin vous dire quelques mots sur le processus actuel qui devrait être suivi pour l'évaluation d'une proposition de recherche fictive, dans le cadre de laquelle un chercheur propose le clonage d'embryons humains.

Ce type de recherche ne pourrait se produire que dans un contexte où il y a un accès à des embryons humains, et donc dans ce qu'on appelle un centre universitaire des sciences de la santé - qui assure la participation d'une faculté de médecine et d'hôpitaux d'enseignement.

Le chercheur devrait être nommé à ce centre. Ses références professionnelles devraient être examinées par un comité d'examen des titres et certificats de l'hôpital et de l'université. Cela déclencherait un processus d'examen des titres accordés à ce chercheur par l'organisme responsable de l'attribution des permis dans la province; il faudrait déterminer s'il dispose des enregistrements et des autorisations pertinentes.

L'hôpital, quant à lui, aura dû recevoir l'accréditation du Conseil canadien d'agrément des services de santé en ce qui a trait à ses normes d'assurance de la qualité et à son processus d'approbation des travaux de recherche. La faculté de médecine concernée doit à intervalles réguliers recevoir des autorisations, y compris pour son processus de gestion des protocoles de recherche.

Le chercheur aura dû présenter son protocole de recherche à un comité institutionnel de déontologie de la recherche. La composition de ces comités est abordée dans les lignes directrices du Conseil de recherches médicales du Canada concernant les recherches sur des sujets humains, et on y mentionne également la représentation du public au sein de ces comités.

Cette proposition hypothétique d'un chercheur, aurait été rejetée par tous les Comités de déontologie de la recherche des centres de sciences de la santé au Canada.

Le CNBRH a convenu dans le cadre de son mandat d'étudier les activités des Comités de déontologie chargés d'évaluer les recherches sur des sujets humains au Canada. Nous avons visité les 16 centres universitaires de sciences de la santé au Canada au cours des quatre dernières années et nous avons évalué le processus d'examen déontologique des travaux de recherche. Les résultats de ces études qui, sont maintenant publics, n'ont soulevé aucun problème relativement aux pratiques visées par le projet de loi C-47.

Ce type de recherche nécessiterait un financement très important. Aucun organisme subventionnaire au Canada n'envisagerait le financement d'un tel projet.

Les critères servant à déterminer la pertinence des méthodes de recherche évoluent; il en va de même de leur impact. À cette fin, les trois conseils subventionnaires - le CRM, le CRSNG et le CRSH - ont entrepris un examen détaillé des lignes directrices actuelles visent les travaux de recherche portant sur des sujets humains.

L'article 11.7 de la version de février du code de déontologie proposé par les conseils interdirait le clonage, et toute personne entreprenant des activités dans ce secteur enfreindrait ce code et serait passible de mesures disciplinaires de la part d'une institution et de l'organisme responsable de la délivrance des permis dans la province.

Bref, madame la présidente, je félicite le gouvernement des efforts qu'il a déployés afin d'assurer la sécurité publique dans ces domaines. Le CNBRH s'est engagé à collaborer avec les autres intervenants pour assurer que l'on retrouve au Canada les normes les plus strictes possible de soins et de recherche cliniques; cependant, à notre avis, le projet de loi C-47 représente une mesure régressive.

Je vous remercie sincèrement de m'avoir invité à participer à ce débat.

La présidente: Merci beaucoup.

Professeur Manga, voulez-vous commencer?

M. Pran Manga (professeur, Université d'Ottawa): Très bien.

Je m'appelle Pran Manga et je suis professeur d'économie sanitaire et de bioéthique à l'Université d'Ottawa. J'ai occupé divers postes de cadres au sein des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral. J'ai participé très activement à la rédaction de la Loi canadienne sur la santé. J'ai travaillé à titre d'expert-conseil à plusieurs reprises auprès de pratiquement toutes les commissions royales d'enquête sur les questions de santé, y compris la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction. J'ai publié environ 100 documents, et un bon nombre d'entre eux touchent les questions abordées dans le projet de loi C-47.

Certaines des interdictions proposées dans ce projet de loi sont tout à fait défendables et acceptables. Cependant, dans son libellé actuel, ce projet de loi comporte des lacunes très graves. Tout particulièrement, il ne tient pas compte suffisamment des besoins des couples infertiles au Canada.

Je vous exhorte à retirer le paragraphe 6(2), qui interdit le remboursement des frais des donneurs. Voici pourquoi.

Cette interdiction va à l'encontre des pratiques du domaine des soins de santé à l'égard de telles dépenses pour d'autres types de dons, par exemple le don de moelle osseuse.

Cette interdiction réduira le nombre de dons d'ovules, déjà très bas au Canada. Ces taux sont très faibles si on les compare à ceux d'autres pays. Vous vous souviendrez peut-être que le don d'ovules est une des meilleures façons de permettre aux couples infertiles d'avoir des enfants. Le taux de réussite se situe entre 40 et 50 p. 100 au Canada.

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Cette interdiction accroîtra le nombre déjà important de couples infertiles qui recourent aux traitements de FIV aux États-Unis, à un coût deux à trois fois plus élevé qu'au Canada. Ces couples seront contraints d'effectuer une transaction commerciale qu'ils auraient pu éviter au Canada; de plus ils devront subir l'irritation, les désagréments, les coûts et les dilemmes moraux qui sont propres à un système de soins américains plutôt axé sur l'aspect commercial et le laisser-faire en ce qui a trait aux programmes thérapeutiques pour la lutte contre l'infertilité.

Le Canada a la réputation, et il n'y pas de quoi se vanter, d'être le pays où l'on retrouve le pourcentage le plus élevé de couples infertiles qui doivent se tourner vers d'autres pays pour recevoir les traitements désirés. La situation pourrait empirer avec ces dispositions. Nombre de couples infertiles sont forcés d'adopter un enfant à l'étranger parce qu'ils ne reçoivent pas un service adéquat au Canada.

Comme on vous l'a déjà dit, les démarches d'adoption internationales sont caractérisées par des éléments de réification, de commercialisation ou de peur que le projet de loi semble vouloir supprimer.

J'aimerais signaler également que cette interdiction n'a été recommandée ni par la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction ni par le groupe de discussion sur la recherche sur les embryons établi par Santé Canada en 1995, dont le rapport a été déposé en 1996.

Le gouvernement n'a pu démontrer que cette interdiction était justifiée. Est-ce que cela irait à l'encontre du bien public? Peut-on le prouver?

Il ne faut pas oublier non plus que puisque la FIV n'est pas couverte par l'assurance-maladie au Canada et que cela est attribuable surtout - sinon uniquement - aux coûts élevés qui caractérisent cette procédure. Ainsi, les coûts sont assumés par le particulier. On ne peut donc pas dire, par exemple, qu'en autorisant le remboursement de ces frais on alourdirait le fardeau que représente le système de soins de santé au Canada.

Les restrictions sous-entendues du paragraphe 6(2) n'ont rien en commun avec celles des pays industrialisés occidentaux ou des pays de l'OCDE, ou même de l'ensemble du monde. Je ne connais aucun autre pays qui interdise ce genre de chose. Cette disposition ainsi que certaines autres marginalisent encore plus les couples infertiles, qui reçoivent déjà des services de piètre qualité de la part du système de soins de santé au Canada. Il n'existe aucune assurance publique ou privée pour ce genre de services au Canada. Franchement, je ne connais aucun pays membre de l'OCDE où les couples infertiles sont traités de façon plus inacceptable qu'au Canada.

J'aimerais ajouter qu'il existe dans le projet de loi toute une série d'autres interdictions en matière de recherche, par exemple aux alinéas 4(1) e), f), g), et k), et d'autres dispositions mentionnées dans mon mémoire; il s'agit là d'interdictions qui ne sont pas du tout nécessaires dans le contexte canadien actuel. Elles ne seront d'ailleurs pas nécessaires dans un proche avenir. Cette disposition, l'article 4, mettra un frein à des travaux de recherche qui peuvent être effectués de façon éthique pour le mieux-être de toute la société, et non pas simplement pour le mieux-être des couples infertiles.

Sous sa forme actuelle, le projet de loi prouve que les technologies en question sont mal comprises, ou du moins pas suffisamment comprises, et également qu'on n'a pas suffisamment étudié d'autres solutions aux problèmes que le projet de loi C-47 tente de résoudre.

À de nombreux égards, et j'en ai parlé dans mon mémoire, le projet de loi C-47 va au-delà de la Commission royale. Il dépasse certainement le cadre des travaux du groupe de discussion sur la recherche sur les embryons. D'autres domaines de recherche pourraient aider les couples inféconds, et même l'ensemble du public, comme la maturation des ovules en éprouvette, ou in vitro, et la congélation des embryons.

J'aimerais mentionner un autre passage du projet de loi qui me semble particulièrement faible et qui aurait besoin d'être modifié. Vous trouverez peut-être que ce que je vais dire prête à controverse, mais il faut que cela soit dit.

Je me réfère au paragraphe 6(1), qui interdit le troc et l'échange. À mon avis, le troc et l'échange sont très différents de la vente et de l'achat de gamètes. Dans les premières pages de mon exposé, j'explique pour quelles raisons on devrait envisager d'autoriser le troc et l'échange dans le contexte de la fécondation en éprouvette.

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Ce genre de troc et d'échange ne ressemble en rien à une opération commerciale, mais pour beaucoup de gens le troc et l'échange sont forcément une opération commerciale. À mon avis, on peut envisager des opérations de troc et d'échange qui profiteraient aux couples inféconds à faible revenu, et cela, en respectant pleinement certains principes moraux, comme le consentement en toute connaissance de cause, la confidentialité, la bienfaisance, la non-malfaisance et, ce qui est plus important encore, la justice.

Dans notre système de santé, il y a beaucoup de traitements pour l'infécondité qui sont tout simplement inaccessibles aux gens qui appartiennent aux couches inférieures de la classe moyenne, et même à la classe moyenne d'ailleurs, et de toute façon inaccessibles à tous ceux que nous considérons comme pauvres. Il n'y a vraiment pas de raison.

Voilà un moyen qui nous permettrait de rendre accessibles à ces gens-là des services de santé dont ils ont grandement besoin, des services qui ne leur sont pas accessibles à l'heure actuelle et qui ne leur seraient certainement pas plus accessibles après l'adoption du projet de loi C-47.

J'aimerais vous faire une offre et, par votre entremise, faire une offre au ministère de la Santé. Je suis prêt à rédiger un rapport de 30 à 50 pages pour expliquer comment ce système, comment ma proposition, pourrait fonctionner, pour expliquer que tous les principes moraux imaginables seraient respectés et que cela ne porterait pas atteinte aux principes que le projet de loi C-47 entend faire respecter.

La présidente: Merci.

J'aimerais accélérer un peu les choses et donner la parole à ma collègue, Mme Picard, qui doit nous quitter pour assister à d'autres réunions. Nous allons donc lui donner la parole avant qu'elle ne parte.

[Français]

Mme Pauline Picard: Je voudrais répondre à Mme Stockholder et peut-être aussi lui poser une petite question. Je suis vraiment renversée par son témoignage.

Premièrement, je soulignerai qu'il y a eu une commission royale d'enquête sur les nouvelles technologies de reproduction qui a duré quatre ans. M. Manga me reprendra si je fais erreur. On a rencontré 40 000 personnes et déposé un rapport contenant 293 recommandations. Je pense que quand on nous dit que c'est pressé et qu'on veut légiférer à toute vitesse, je ne crois que ce soit le cas. On attendait ce projet de loi depuis quatre ans. Il est important, à mon point de vue, de légiférer là-dessus.

On parle de clonage et on dit que la population s'apeure pour rien parce que jusqu'ici, absolument rien ne s'est produit. Permettez-moi de vous dire qu'on n'est pas obligé d'attendre qu'il se produise un scandale comme dans le cas du sang contaminé pour réagir et légiférer. Bien que je ne sois ni médecin ni scientifique, j'ai assez de jugement pour dire que quand on est arrivé à cloner des animaux, il y a juste un pas à faire avant de cloner des êtres humains. Par les recherches et les lectures que j'ai faites, j'ai appris que dans certains laboratoires aux États-Unis, on y est parvenu. Alors, excusez-moi à cet égard.

Quand j'entends parler de la dignité des femmes et qu'on propose de régler le problème des femmes pauvres en leur laissant choisir le sexe des enfants, je ne suis pas d'accord du tout. À mon point de vue, il n'est pas digne de penser ainsi. Pour moi, c'est tout à fait discriminatoire et il y a deux poids, deux mesures.

Je voudrais demander à Mme Stockholder ce qu'elle pense de la mère porteuse qu'on vient d'inséminer de deux embryons de deux parents différents. Quand elle va accoucher, on va prendre un des jumeaux et on va le donner à un couple de parents, et on va prendre l'autre jumeau pour le donner à un autre couple de parents. Est-ce que c'est ça, respecter la dignité humaine?

[Traduction]

M. Mollard: Je vais commencer par répondre à la première question, qui porte sur le fait que la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction a pris quatre ans pour mener à bien ses travaux. Effectivement, la commission a pris beaucoup de temps pour étudier ces questions, et cela a coûté très cher, mais le rapport n'est pas sans critiques.

En particulier, les hypothèses en ce qui concerne les valeurs qui sont exposées dans les recommandations finales ont donné lieu à de nombreuses critiques. Je ne suis pas sûr que ce projet de loi soit une solution adéquate. C'est une observation importante.

.1610

C'est un débat qui se poursuit. Pour revenir à ce que Mme Stockholder disait au début, en ce qui concerne le tort, c'est au Parlement de prouver que ce tort existe bel et bien avant d'imposer des sanctions pénales.

En ce qui concerne le sang contaminé, je pense qu'il faut faire une distinction entre le sang contaminé et un grand nombre de dilemmes moraux très difficiles qui se posent. À mon avis, vous comparez des pommes et des oranges. Je ne suis pas certain que ce soit bien la même chose.

Je vais demander à Mme Stockholder de répondre à votre question sur les mères porteuses.

Mme Stockholder: Je ne pense pas qu'on puisse comparer le clonage à l'affaire du sang contaminé. Le sang contaminé cause un tort, cela ne fait aucun doute; cela provoque des maladies bien spécifiques.

Le clonage est quelque chose de nouveau, et c'est certainement une cause de perplexité. Il n'est pas évident que cela cause un tort. Un clone serait comme un jumeau identique. On ne pourrait pas garantir... Dans la presse, on en parle comme si cette possibilité de clonage était une façon de rendre l'individu éternel. Ce n'est certainement pas le cas. C'est tout simplement un moyen assez bizarre de faire naître une personne.

Je ne prétends pas qu'on devrait permettre ce genre de chose, mais d'un autre côté je ne pense pas qu'on ait besoin du marteau du droit pénal pour réglementer cela.

En ce qui concerne la mère porteuse de jumeaux, je ne vois pas en quoi cela porte plus atteinte à la dignité humaine qu'une mère porteuse d'un seul enfant. Chacun des jumeaux, chacun des enfants, est désiré par le parent qui a pris ces dispositions, et on peut supposer qu'il sera aimé et chéri comme un enfant naturel. Ce sera l'enfant de ses parents, certainement autant qu'un enfant adopté.

Si vous pensez que le phénomène des mères porteuses est regrettable parce que des femmes pauvres pourraient être traitées avec moins de dignité, parce qu'elles sont forcées de gagner de l'argent de cette façon-là, il vaudrait peut-être mieux s'intéresser au problème de la pauvreté, aux coupures des paiements de bien-être, aux coupures dans le domaine de l'assurance-chômage, au lieu de décider qu'une femme adulte n'a pas le droit d'utiliser son corps de cette façon-là si elle le souhaite, qu'elle ne doit pas être libre de donner son consentement, et là, je ne suis pas d'accord.

À mon avis, il vaudrait mieux s'intéresser aux phénomènes sociaux qui poussent les gens à faire de tels choix. Je ne sais pas ce qui entame le plus la dignité, porter des jumeaux à terme ou laver des planchers, si c'est là la façon dont on doit gagner sa vie.

[Français]

Mme Pauline Picard: Je m'excuse d'avoir fait allusion à la tragédie du scandale du sang contaminé. Je n'ai pas voulu faire de comparaison entre le clonage et le sang contaminé. Ce n'était qu'un exemple. Est-ce qu'on doit attendre d'avoir une tragédie comme dans le cas du sang contaminé? Je n'ai pas voulu faire de comparaison.

Madame Stockholder, je pense que nous ne serons jamais d'accord. En ce qui concerne la mère porteuse, je peux comprendre que des couples qui ne peuvent pas avoir d'enfants peuvent avoir recours à une mère porteuse, mais il faut quand même avoir un encadrement dans cette situation. Moi, je m'inquiète du cas de la mère porteuse de deux jumeaux. On risque de porter atteinte à la dignité humaine. Actuellement, on tente de se servir ou on va tenter de se servir du corps de la femme comme d'un laboratoire. C'est là que je m'inquiète.

[Traduction]

Mme Stockholder: C'est l'intéressée elle-même qui consent à utiliser son corps de cette façon-là, et par conséquent personne n'utilise le corps d'une femme comme un laboratoire. Vous rejetez la comparaison avec le sang contaminé, mais en réalité vous continuez à l'utiliser.

Dans le cas du sang contaminé, s'il avait été possible d'éviter cela, de toute évidence on aurait évité un tort évident et certain. Nous savons que la propagation du sida est un tort. Dans le cas qui nous occupe, rien ne dit que nous prévenons un tort évident et certain, et pour cette raison il n'est pas si évident qu'on puisse recourir au droit pénal pour y mettre fin.

Murray, vous avez quelque chose à ajouter?

M. Mollard: Une ou deux observations, mais je précise que je respecte le jugement de valeur que vous posez au sujet de la dignité.

Toutefois, nous considérons que ce projet de loi est paternaliste, car c'est votre jugement de valeur qu'il impose, et celui de tous ceux qui sont d'accord avec vous, d'accord pour retirer à toutes les femmes leur liberté de choix, leur autonomie. Nous pensons que vous ne devriez pas vous engager dans cette voie-là.

En ce qui concerne le scandale du sang contaminé, j'ai une dernière observation à faire; en votre qualité de parlementaires, votre rôle et votre responsabilité, c'est de trouver un remède pondéré à un tort donné. Cela dit, les médias et le public sont souvent tentés de susciter ou d'exploiter des controverses, d'alimenter l'hystérie collective, mais pour votre part vous avez été élus pour réagir d'une façon pondérée. Vous devez donc agir avec prudence, et c'est ce que nous vous encourageons vivement à faire. Nous ne pensons pas que ce projet de loi soit le fruit d'un exercice de prudence.

.1615

La présidente: Le professeur avait une observation à faire.

M. Manga: À mon avis, la loi doit chercher des solutions à des torts qui existent et qui sont prouvés, et, dans une certaine mesure, à des torts prévisibles.

Je me demande pourquoi le projet de loi C-47 ne tente pas d'apporter des solutions à tous les torts que nous connaissons. Dans le système actuel, de nombreux torts existent, des torts prouvés, comme les torts causés à des centaines de femmes et de couples qui sont forcés d'aller aux États-Unis pour acheter des ovules et qui n'aiment pas du tout cela. Nous savons que cela coûte très cher. Nous savons que des milliers de couples vont à l'étranger adopter des enfants dans des circonstances qu'ils trouvent répugnantes, désagréables, et peut-être même immorales. Nous savons que des milliers de femmes, et bien sûr de couples, restent sans enfants parce qu'ils n'ont pas les moyens de se payer les technologies et les services qui existent ici même et à l'étranger. Ne subissent-ils pas un tort? Absolument, et des centaines de milliers de couples au Canada se trouvent dans cette situation.

Pourquoi le projet de loi n'aborde-t-il pas la question de l'accès à de tels services? Elle est totalement absente de la loi.

Je ne comprends pas qu'on veuille parler d'un tort ou d'un préjudice hypothétique ou futur alors qu'on a encore à peine abordé le problème du préjudice déjà subi par des centaines de milliers de couples au Canada.

La présidente: Merci.

Madame Parrish.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Je vais vous répondre en gardant parfaitement mon sang-froid. Ce que nous avons à faire ici... Je ne veux pas prendre d'échappatoire, comme on nous reproche de l'avoir fait en ce qui concerne le préjudice futur; nous ne sommes pas ici pour cela. Nous n'avons pas à nous préoccuper du préjudice futur. Nous sommes ici pour définir les normes canadiennes ou pour accepter les normes définies par les Canadiens après la diffusion des documents de la Commission royale. Ils circulent depuis au moins deux ans et demi. Nous avons recueilli des milliers de documents et de réponses. Les autorités législatives canadiennes ont pour tâche de produire un projet de loi qui traduise fidèlement l'état de la réflexion qui s'est faite dans notre pays.

Vous êtes des scientifiques et des avocats et vous représentez 1 p. 100 de la population. Vous ne faites pas partie des Canadiens ordinaires que nous devons représenter. Nous n'avons pas nécessairement à considérer le préjudice futur que pourrait causer notre action. Nous sommes ici pour nous occuper de ce que les Canadiens veulent actuellement, et je pense que c'est effectivement l'objet de ce projet de loi.

Nous sommes également ici pour recueillir votre opinion sur ce qui reste à faire pour mettre la dernière main à cette mesure législative. Vous êtes le deuxième groupe, aujourd'hui, qui donne l'impression que le mieux serait de mettre carrément ce projet de loi à la poubelle. Ce n'est pas ce qui va se produire, et vous devriez mettre l'accent sur les domaines dans lesquels on pourrait apporter des rajustements susceptibles de répondre à vos préoccupations, au lieu de nous conseiller de tout mettre à la poubelle.

Je voudrais revenir sur des propos qui m'ont fait froid dans le dos. Vous m'excuserez, madame Stockholder, mais lorsque vous dites que les riches devraient avoir la possibilité de choisir le sexe de leur enfant, je trouve vos propos tout à fait choquants. Je ne pense pas que des êtres humains doivent avoir un tel droit. Dans le cas d'un foetus qui serait plus prédisposé à certaines maladies génétiques si c'est un garçon ou une fille, on peut envisager l'avortement, mais si un couple a déjà deux filles et souhaite avoir un garçon, qu'il a beaucoup d'argent...je pense que c'est là une situation tout à fait abusive en matière de reproduction humaine.

Laissez-moi finir. Ce genre de propos me hérissent le poil. C'est ce qui amène les Canadiens à dire: «Eh! un instant. On a encore affaire à des savants fous.» Cela me contrarie beaucoup.

Mme Young a parlé du passage à la clandestinité et a donné l'exemple de l'avortement, mais ses propos sont quelque peu excessifs. L'un des problèmes qui se posent actuellement - vous avez dit à maintes reprises que les Canadiens doivent aller à l'étranger pour adopter des enfants - c'est que nous avons laissé jusqu'à maintenant la profession médicale s'autoréglementer dans le domaine de l'avortement. À Toronto, il y a des hôpitaux qui font plus d'avortements que de naissances, et c'est pour cela que nous avons un problème d'adoption dans ce pays.

Soyez donc patients avec nous. Je ne veux pas me prononcer pour Joe, mais vous devrez être patients avec nous, car nous représentons le point de vue du Canadien ordinaire plutôt que celui des spécialistes, des scientifiques et des avocats. Nous sommes ici pour traduire les préoccupations de l'ensemble des Canadiens.

.1620

Si je peux vous poser une question, je demanderais à chacun d'entre vous de choisir une partie du projet de loi sur laquelle vous auriez des commentaires constructifs à faire. Ne nous demandez pas de le mettre à la poubelle, car cela ne se produira pas.

M. Manga: Tout d'abord, je n'ai pas dit qu'il fallait le mettre à la poubelle. J'ai dit qu'il faudrait en supprimer certaines parties. Je ne sais pas comment vous vous êtes renseignés, éventuellement auprès des Canadiens ordinaires, sur ce qu'il convient d'autoriser et d'interdire, mais je ne peux concevoir que des gens ordinaires demandent qu'on ne rembourse pas les frais assumés par une personne qui donne des ovules, par exemple. Je ne peux pas l'envisager un seul instant. Je ne pense pas qu'il existe la moindre étude qui indique que c'est là ce que demandent les gens ordinaires.

Mme Carolyn Parrish: S'agit-il de l'aspect que vous voulez nous voir modifier?

M. Manga: Non, il s'agit tout simplement d'un exemple.

Mme Carolyn Parrish: Je vous ai posé une question précise. J'ai demandé à chacun d'entre vous de choisir un article que vous souhaitez voir modifier. Donc, au lieu de nous dire que vous ne voulez pas ceci ou cela, je vous prie de choisir un article au sujet duquel vous souhaiteriez un apport positif de notre part.

M. Manga: Je me suis déjà prononcé sur l'opportunité d'éliminer le paragraphe 6(2).

Mme Carolyn Parrish: C'est lequel au juste?

M. Manga: C'est celui qui interdit le remboursement des frais engagés.

Mme Carolyn Parrish: S'agit-il donc de l'aspect le plus important du projet de loi que vous voulez nous voir modifier?

M. Manga: C'est exact.

Mme Carolyn Parrish: Merci.

Docteur MacLachlan.

Dr MacLachlan: Vous parlez d'un manque de rapport avec le monde ordinaire, mais le tiers des membres du Conseil national de la bioéthique sont des profanes. Ce ne sont pas des avocats, des médecins ou des scientifiques, ce sont des non-spécialistes. Nous avons prévu la représentation des non-spécialistes à tous les Comités de déontologie de la recherche. Grâce à nos divers ateliers, etc., nous veillons à ce que les profanes soient bien représentés. Mais vous avez tout de même raison de signaler qu'il nous faut veiller à ne pas nous isoler dans des tours d'ivoire.

Mme Carolyn Parrish: Permettez-moi une brève interruption. Y a-t-il des prêtres et des religieuses qui siègent à ces Comités? Y a-t-il des catholiques?

Dr MacLachlan: Oui, certainement. Par exemple, deux prêtres siègent à notre comité de Kentville, à Halifax.

Mme Carolyn Parrish: Et la réunion de sperme animal et d'ovules humains ne leur pose pas un problème?

Dr MacLachlan: Le processus que j'ai décrit dans mon exposé l'interdirait très nettement. Voilà justement l'aspect sensationnaliste qui risque de faire dévier complètement le débat. Ce genre de chose ne se produit pas. À l'heure actuelle, aucun organisme de réglementation ne l'accepterait. Il n'est pas nécessaire de criminaliser un acte qui ne risque pas de se produire.

Mme Carolyn Parrish: Ces gens dont vous parlez ont-ils eu de la difficulté à accepter l'idée de la fertilisation d'un ovule sur plaque de gélose pour utilisation expérimentale à l'extérieur du corps et élimination après 14 jours?

Dr MacLachlan: Les gens dont j'ai parlé participeraient à fond à toute discussion à ce sujet. Je ne prétends pas que l'unanimité existe dans toutes les discussions de tous les Comités de déontologie de la recherche au Canada, mais il y a lieu de dire que les sujets de ce genre font l'objet de discussions détaillées qui doivent s'ouvrir à toutes les perspectives. Il faut aussi envisager la question dans l'optique du couple infertile qui cherche une solution technologique à son problème et souhaite réussir là où 92 p. 100 des gens réussissent. L'infertilité est deux fois plus fréquente que le diabète, son taux étant de 8 p. 100.

Mme Carolyn Parrish: Docteur MacLachlan, pouvez-vous nous désigner un article du projet de loi que vous souhaitez nous voir modifier?

Dr MacLachlan: Il est difficile de s'en tenir à un seul article. J'aurais peut-être retenu l'article 6, bien que je pense que nous ne devrions pas retenir le même article. Le fait que nous ne puissions pas indemniser une personne des frais raisonnables qu'elle a engagés m'inquiète passablement. Sans aller jusqu'à la coercition ou à l'incitation, il me semble que certaines dépenses raisonnables doivent être engagées, et je ne vois pas comment on peut s'attendre que les gens fassent preuve d'altruisme et contribuent eux-mêmes aux coûts de la recherche dont ils sont les sujets. Nous allons finir par ne plus avoir de sujets de recherche.

Mme Carolyn Parrish: D'autres scientifiques nous en ont dit autant. Merci.

Madame Young.

Mme Young: Tout d'abord, je ne suis pas d'accord avec l'idée que nous ayons à nous prononcer sur un changement souhaitable pour un article donné. Mon argumentation et mes opinions ne vont pas du tout dans ce sens. Je m'opposerais toutefois à la criminalisation du remboursement raisonnable des frais liés aux pratiques définies notamment dans les articles 5 et 6, à savoir celles qui ont trait à la reproduction assistée.

Permettez-moi de répondre à vos arguments liés à l'avortement. Que cela avive ou calme la polémique, je crois qu'en fin de compte tout dépend de l'attitude vis-à-vis de l'avortement, vis-à-vis du droit relatif des femmes à disposer de leur corps. À mon avis, en tant que législateurs vous n'avez pas pour simple rôle de réagir uniquement aux demandes de l'opinion publique. Vous avez pour rôle d'éduquer cette opinion publique et surtout de réfléchir sérieusement aux conséquences pratiques de vos décisions.

.1625

Parfois une décision qui semble claire et nette et répondre aux attentes de la vaste majorité des gens peut avoir des conséquences qui ruinent toutes les bonnes intentions de l'initiative critiquée. C'est le thème principal de mon mémoire et celui que j'essaie de développer. Je crois que de nombreux aspects de ce projet de loi posent un problème très sérieux.

Enfin, en commentant simultanément les propos du Dr MacLachlan et ceux deMme Stockholder vous avez tout mis dans le même sac. Je crois qu'il est injuste de mettre dans le même sac le problème du clonage ou les possibilités d'hybridation animale et humaine et, par exemple, une indemnisation raisonnable pour des dons de sperme. Cela me semble tout simplement injuste dans le contexte de ce débat. Je crois que tout le monde reconnaîtra volontiers que ce projet de loi couvre un vaste éventail de sujets.

Merci.

Mme Stockholder: Je commencerai par votre dernière question spécifique, puis je répondrai à d'autres parties de votre question.

Je suppose que si je ne devais faire qu'une seule recommandation - cela ne me satisferait pas, mais ce serait déjà ça de gagné - ce serait de distinguer la notion de consentement pour l'utilisation de tissu foetal ou de tissu reproductif à des fins de recherche du consentement pour l'utilisation de tissu donné pour favoriser une naissance.

Il me semble que ce sont des concepts totalement différents. Si mon ovule doit être utilisé pour donner naissance à un enfant, j'exige qu'on demande mon consentement. Si du tissu foetal ou du tissu reproductif doit être utilisé à des fins de recherche, c'est complètement différent. À l'heure actuelle les organes prélevés à la suite d'interventions chirurgicales pour des raisons médicales, etc... ces organes servent à la recherche. Il n'y a pas à donner son consentement - et je trouve cela tout à fait normal. C'est comme s'il fallait obtenir un consentement pour examiner les matières fécales dans les usines d'épuration, etc. C'est donc le changement que je recommanderais.

Quant à l'autre problème... Je n'ai pas dit trouver normal que des femmes en bonne santé puissent choisir le sexe de leur enfant, disant implicitement que je ne trouverais pas cela normal pour d'autres femmes moins favorisées. D'après le rapport Baird, la majorité des Canadiens, s'ils avaient cette possibilité, ne s'en prévaudraient pas. Parmi ceux qui s'en prévaudraient, quelque 51 p. 100, un peu plus de 50 p. 100, préféreraient avoir des filles.

Nous n'avons aucune preuve démontrant que si les gens avaient cette possibilité de choix cela modifierait en quoi que ce soit les tendances démographiques de la population canadienne en général. Pour certains groupes particuliers, peut-être, mais c'est une autre histoire. Le danger potentiel ne s'est pas concrétisé. Si nous avions la preuve d'une altération dangereuse de la représentation démographique, à ce moment-là je serais d'accord pour que des mesures soient prises.

Toutes les femmes, à mon avis, devraient avoir cette possibilité. Il serait souhaitable qu'elle soit offerte à toutes s'il s'avère que ce sont des réalités économiques qui la rendent impossible, car je ne pense pas que dans la conjoncture actuelle nous puissions exiger sa prise en charge par les services de santé publique, pour la raison évidente que ces services manquent déjà d'argent.

Pour ce qui est des normes canadiennes, j'aimerais vous lire une phrase du rapport Baird. À propos du choix précédant la conception, il dit:

Toutefois, cela suppose que les personnes ayant répondu par l'affirmative accordaient de l'importance à l'égalité, mais ne désapprouvaient pas un système dans lequel ces techniques ne seraient pas accessibles de façon équitable; on estimait que si une personne était vraiment réfléchie et respectait ses valeurs fondamentales, elle l'aurait désapprouvé. Ce raisonnement ne tient donc pas debout, et je doute fort que cela représente, comme vous le prétendez, une grande pression de la part de la population canadienne.

.1630

Qui plus est, même si c'était le cas, certaines dispositions du projet de loi visent à protéger les droits des minorités et des particuliers contre l'opinion de la majorité. C'est pourquoi nous avons la Charte des droits et libertés. C'est pourquoi les États-Unis ont le Bill of Rights.

La démocratie est fondée sur un principe très fondamental: bien que l'opinion de la majorité soit extrêmement importante dans la plupart des domaines, les droits individuels et les droits des minorités doivent être protégés de ce qu'il est convenu d'appeler la tyrannie de la majorité. Par conséquent, si nos législateurs présument que leur seul rôle consiste à refléter l'opinion de la majorité, il me semble qu'ils violent ainsi les principes très fondamentaux de la démocratie.

Mme Carolyn Parrish: Si vous le permettez, madame la présidente...

La présidente: Je reviendrai à vous lorsque...

Mme Carolyn Parrish: Puis-je ajouter une très brève observation à cet égard, madame la présidente?

La présidente: Oui.

Mme Carolyn Parrish: Je ne voulais pas dire que nous sommes ici pour faire valoir strictement les idéaux de la majorité, mais nous sommes ici pour établir des normes. Ces normes sont nécessaires parce qu'il nous incombe de gérer l'argent du contribuable. Nous sommes ici comme un système de filtration, et à travers ce projet de loi nous disons qu'il ne faut même pas s'aventurer dans ces domaines, car nous ne les finançons pas en ce moment. Nous ne voulons pas que vous vous engagiez dans ce domaine. Concentrez-vous dans des secteurs que le Parlement et la population canadienne jugent plus acceptables.

La présidente: Passons à M. Volpe, et si nous avons du temps par la suite, nous reviendrons à vous.

M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Madame la présidente, merci beaucoup. J'espère que nous aurons le temps. Que les témoins m'excusent de n'avoir pas été là dès le début. Je me rends bien compte que je risque de leur causer du tort en posant certaines questions, mais j'espère qu'au cours du dialogue certaines questions vont émerger.

Vous m'excuserez si j'ai mal compris, j'espère, mais n'hésitez pas à me corriger. Dans vos réponses et dans les exposés que j'ai entendus, j'ai eu la nette impression que la question qui vous préoccupe le plus - et ce n'est pas la seule - en ce moment, c'est celle de l'indemnisation pour les dons; l'indemnisation pour les dépenses qui ont été effectuées; cela coûte très cher à certains, ce qui est injuste. Deuxièmement, cela pourrait entraîner l'effondrement de tout le système, car l'on craindrait qu'il n'y ait pas d'incitatif à la participation.

Si je vous disais maintenant, même si vous secouez la tête, que le comité pourrait envisager une période transitoire où nous mettrions le système à l'essai, votre opposition serait-elle aussi farouche qu'elle le semble? Deuxièmement, si je vous disais que le comité envisage une formule permettant de rembourser ces dépenses, ou une partie de ces dépenses, cela diminuerait-il la véhémence de votre opposition?

M. Manga: Monsieur Volpe, vous avez certainement mal compris ce que j'ai dit.

M. Joseph Volpe: Très bien.

M. Manga: Ce que j'ai contesté... Ma principale préoccupation concerne l'accès aux services médicaux dont les personnes infertiles ont besoin. Telle est ma principale préoccupation, et je pense que ce projet de loi n'y répond pas. En fait, il empêche l'accès. Il le rend très difficile. Voilà ce qui me préoccupe le plus.

L'une des solutions à ce problème consisterait à supprimer le paragraphe 6(2), qui interdit non pas l'indemnisation, mais le remboursement des dépenses effectuées par les personnes qui veulent donner des ovules ou du sperme à des fins thérapeutiques ou de recherche. Au Canada, nous autorisons de tels remboursements dans presque tous les autres domaines. Ce que vous faites ici, c'est de l'expérimentation sociale, et sur les personnes les plus vulnérables.

Nous autorisons le remboursement des dépenses lorsqu'on soumet un spécimen, entre autres, à des essais cliniques, ou lorsqu'on y participe soi-même. Vous ne vous y opposez pas. Personne ne soutient qu'il faille interdire ce genre d'activité. Nous donnons du sang. Nous donnons de la moelle osseuse. Je suis membre du registre de donneurs de moelle osseuse non apparentés, qui fait partie de la Croix-Rouge canadienne, et je sais très bien combien il en coûte pour amener un donneur à donner de la moelle osseuse à un malade qui en a besoin. Parfois, cela se chiffre en milliers de dollars, et nous le permettons.

.1635

M. Joseph Volpe: Un instant. Je pense que je vous ai invité à me corriger, et je suis heureux que vous l'ayez fait, mais je vous ai également dit que je préférerais dialoguer.

M. Manga: En effet.

M. Joseph Volpe: Si vous permettez que l'on s'attarde un peu sur la question de l'indemnisation car cela m'amène à...

M. Manga: Du remboursement, s'il vous plaît.

M. Joseph Volpe: Du remboursement? Très bien. Indemnisation. Remboursement... nous utiliserons votre mot.

M. Manga: Il y a là une grande différence.

M. Joseph Volpe: En effet. Je pense que nous travaillons tous les deux dans des domaines où les mots revêtent une très grande importance, et je pense que Mme Young travaille probablement dans un secteur où les mots sont des armes de guerre modernes, mais...

En parlant de remboursement, je pense que vous avez soulevé d'autres questions, et vous avez personnellement mentionné un mot... vous avez dit que nous parlions ici d'expérimentation sociale.

Monsieur Manga, nous pourrions nous engager dans un débat philosophique et idéologique. Je ne suis pas convaincu de l'efficacité d'un tel débat, sauf s'il peut nous donner une indication de l'acceptabilité d'un projet de loi qui vise à établir l'acceptabilité sociale des discussions philosophiques et des paramètres idéologiques de toute expérimentation sociale ou acceptation sociale.

Je crois que l'une de mes activités consiste à recueillir l'opinion du public quant à ce qui est acceptable dans le cadre de l'expérimentation sociale. Cela ne signifie pas que les moyens utilisés par quelqu'un d'autre pour recueillir ces informations sont moins importants que les miens, mais c'est dans ce domaine que je gagne ma vie.

Pensez-vous qu'il soit approprié de s'engager dans le genre d'expérimentations sociales qui sont interdites dans le projet de loi C-47?

M. Manga: Je ne sais pas si j'ai compris votre question, mais permettez-moi d'y répondre au mieux de mes capacités.

Je ne pense pas qu'il soit approprié...

M. Joseph Volpe: Très bien. Madame Young?

M. Manga: Désolé, mais je n'ai pas encore fini.

Je pense que le gouvernement a tort de proposer une loi qui n'est fondée sur aucune preuve, aucune recherche, aucune enquête attestant que la population veut limiter ou interdire le remboursement des dépenses des donneurs. Vous n'avez aucune preuve de ce genre. Nous avons de nombreux cas qui prouvent que la population croit et pratique le contraire.

M. Joseph Volpe: Permettez-moi d'en douter. Je vais...

M. Manga: Pourriez-vous me donner un exemple, monsieur Volpe, d'un autre type de don pour lequel nous interdisons le remboursement des dépenses?

M. Joseph Volpe: Conduisez-vous?

M. Manga: Oui.

M. Joseph Volpe: Signez-vous la carte de donneur qui figure au verso de votre permis de conduire?

M. Manga: Oui. Pourriez-vous me dire quelles sont les dépenses que j'effectuerais en mourant afin que...

M. Joseph Volpe: Non, désolé...

M. Manga: Mais il n'y a pas de dépenses.

M. Joseph Volpe: Mais nous faisons ce genre de chose presque tout le temps. Nous donnons du sang. Nous avons un système facultatif de don de sang, et je pense qu'il y a beaucoup de preuves attestant qu'un système de don facultatif fonctionne de façon beaucoup plus efficace à long terme qu'un système où il y a remboursement ou indemnisation.

Étant donné que j'étais disposé à céder sur la question du débat hypothétique, je vous ai donné une autre hypothèse, que vous n'avez pas acceptée, et je me suis résigné.

Passons maintenant à Mme Young.

Mme Young: J'essayerai de vous répondre directement.

Tout d'abord, en ce qui me concerne, le moindre mal consisterait à permettre une certaine forme d'indemnisation ou de remboursement - et je ne vais pas me lancer dans un débat sur ces termes - des dépenses. J'ai déjà indiqué que cela serait préférable, mais je tiens à souligner un point que la plupart d'entre nous ont mentionné dans leurs déclarations liminaires.

Comme le disait Mme Stockholder, nous nous préoccupons surtout du recours à la solution draconienne que représente le droit pénal, et non pas de l'idée selon laquelle certaines de ces pratiques sont inacceptables. Je conviens volontiers que la plupart des Canadiens considèrent le clonage ou les hybrides homme-animal comme étant inacceptables. Ce que nous contestons, c'est le recours au droit pénal pour régler ce genre de problème.

Enfin, et pour revenir...

M. Joseph Volpe: Mais en tant qu'avocate vous constatez que c'est une technique qui est utilisée presque tout le temps dans le processus législatif.

Mme Young: Non, pas tout le temps.

M. Joseph Volpe: Pratiquement.

Mme Young: Dans la société, il y a tellement de choses - je vous ferai grâce des exemples pour le moment - que la plupart des gens considéreraient comme étant odieuses, mais qui ne sont pas assujetties au droit pénal.

.1640

Le droit pénal est généralement réservé à des problèmes qui causent un préjudice démontrable, et c'est une question que Mme Stockholder a examinée dans son exposé. C'est une solution de dernier recours. Elle est de dernier recours. Elle est draconienne à maints égards. Il ne s'agit pas simplement de réagir à toute question faisant l'unanimité dans l'opinion publique. Je ne voudrais pas que l'on nous détourne de la question fondamentale.

M. Joseph Volpe: Un autre débat.

Mme Young: En ce qui concerne l'opinion publique, le professeur Manga estimait qu'en particulier les dons d'ovules lui semblaient tout à fait acceptables. Je pense que la question n'est pas si claire. Je ne suis pas convaincue que les Canadiens, à l'exception des personnes infertiles, aient une opinion aussi claire. Il existe un autre cas qui est beaucoup plus acceptable, à savoir le don de sperme et l'idée d'une indemnisation raisonnable en cette matière, ce qui se fait dans notre pays depuis de nombreuses années.

À cet égard, l'analogie avec le don de sang est très pertinente. Évidemment, les sensibilités relatives au don de sperme sont assez différentes de celles concernant le don de sang. On ne va certainement pas ériger des guichets à cet effet dans les centres commerciaux, etc. Dans ce cas, la question est un peu plus sensible et délicate, et il se pourrait bien que...

M. Joseph Volpe: Madame Young, les mots que vous utilisez me semblent peut-être appropriés pour le genre de débat qu'aucun de nous deux ne veut avoir: un débat philosophique. Quant à l'aspect scientifique de la question, j'estime que les gens sont assez émotifs quand ils parlent de l'objectif visé. Nous pourrions probablement être assez précis et parler du coût de ces activités afin de comprendre exactement les inconvénients d'un système facultatif.

J'ai reçu à mon bureau des gens qui travaillent dans ce domaine et qui ont examiné les subtilités de la question. Par conséquent, je n'ai aucun parti pris. Ne craignez donc pas.

Mme Young: J'ai parlé du don de sperme en réponse à votre observation sur l'opinion publique. Vous avez semblé assez sûr de ce que l'opinion publique pensait à ce sujet. Une fois de plus, ces pratiques suscitent un certain nombre de questions différentes auxquelles l'opinion publique réagit à des degrés d'intensité différents. Voilà.

L'indemnisation liée au don de sperme se trouve à une extrémité. L'idée d'une indemnisation liée à la grossesse se trouverait peut-être à un point différent de l'échelle de progression. Voilà tout ce que je voulais dire.

D'abord, pour la plupart d'entre nous, ce qui fait problème, c'est le recours au pouvoir du droit pénal. Je ne dis pas simplement que le droit pénal ne convient pas dans les circonstances, mais qu'il ne donne pas les résultats voulus. Il ne donne jamais les résultats voulus quand il s'agit de valeurs sociales contestées. Il ne donnera sans doute pas les résultats voulus cette fois-ci.

M. Joseph Volpe: La réponse serait donc de ne pas y recourir du tout?

Mme Young: C'est ce que je pense. À mon avis, la solution serait d'établir un mécanisme réglementaire bien pensé et soigneusement élaboré à l'intérieur duquel il serait possible de prévoir des interdictions. À mon avis, le simple recours au pourvoir du droit pénal n'est pas la solution.

M. Joseph Volpe: Vous avez lu tout le projet de loi et vous savez...

Mme Young: Tout à fait, je l'ai lu au complet.

M. Joseph Volpe: ... qu'il contient une disposition prévoyant l'établissement d'un organisme de réglementation qui ferait rapport à la Chambre des communes par l'entremise du ministre.

Mme Young: Sauf le respect que je vous dois, nous n'en avons pas vu les détails, et tout ce que nous avons devant nous à l'heure actuelle, c'est le projet de loi C-47.

Mme Stockholder: D'ailleurs il est impossible de réglementer...

M. Joseph Volpe: Ce que nous avons tous devant nous, c'est un projet de loi qui constitue une étape d'un processus bien défini comportant trois étapes et que le gouvernement a soumis à l'examen public dès juin dernier, quand le projet de loi a été lu pour la deuxième fois à la Chambre.

Mme Young: Je le sais.

M. Joseph Volpe: Ce n'est donc pas comme si quelqu'un essayait de vous passer quelque chose en catimini.

Mme Young: Non, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, bien des choses pourraient se produire. Le projet de loi pourrait être adopté; le gouvernement, Dieu nous en garde, pourrait changer...

M. Joseph Volpe: Dieu nous en garde, tout à fait!

Mme Young: Il se peut que le mécanisme de réglementation ne voie jamais le jour.

M. Joseph Volpe: Vous avez là une préoccupation valable. Je vous remercie.

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Mme Stockholder: Il est impossible de réglementer les activités que l'on criminalise, car une fois qu'elles sont criminalisées, il devient impossible de les réglementer.

Selon ce qui est proposé, la deuxième étape consisterait à réglementer au moyen de textes réglementaires provinciaux et fédéraux, ce qu'il demeure possible de faire après que l'on a éliminé les activités qui sont interdites aux termes du projet de loi C-47.

M. Joseph Volpe: C'est juste.

Mme Stockholder: Voilà pourquoi le recours au Code criminel fait problème. Il devient alors impossible de réglementer les activités en question.

M. Joseph Volpe: Ce qui demeure possible aux termes du projet de loi, madame, ce sont, au-delà de toutes les activités qui sont interdites, les activités qui non seulement sont permises, mais qui sont même encouragées. Or, le projet de loi ferait en sorte non pas d'éliminer ces activités, mais de les réglementer de manière que nous ne nous éloignions pas de l'intention, telle qu'elle a été exprimée à l'occasion des divers processus de consultation sur les technologies de reproduction. Le législateur s'est donné beaucoup de peine, dans le projet de loi tout comme dans les documents qui l'accompagnent, pour définir les éventuelles questions problématiques: les personnes qui pourraient être à risque, les personnes qui ont besoin de la technologie et la façon dont la technologie pourrait évoluer, de même que les circonstances dans lesquelles elle pourrait évoluer. Voilà ce qu'il reste dans le projet de loi.

Ainsi, quand vous dites que l'organisme de réglementation ne pourrait réglementer que ce qui resterait une fois éliminées les activités interdites, il en reste quand même un nombre considérable. Ce nombre considérable d'activités visent à répondre au «besoin» - comme disait quelqu'un d'autre - d'un élément important de notre société. Je ne sais pas combien cet élément représente en pourcentage, mais il est néanmoins important, car le gouvernement, le public, reconnaissent que ces gens-là qui ont besoin de ces technologies constituent un élément considérable. Je ne trouve pas que l'idée que l'on s'en fait est aussi pessimiste que vous le dites.

M. Mollard: Peut-être que nos opinions ne sont pas tellement éloignées les unes des autres, en ce sens que, quand nous arriverons à l'étape suivante, nous garderons l'esprit ouvert quant à la démarche qui sera suivie et nous vous ferons part de nos observations quant aux améliorations qui pourront être apportées, etc. La divergence d'opinions tient au fait que certaines des activités interdites sont des activités qui, selon nous, ne comportent pas un préjudice tel qu'il faudrait les interdire dès maintenant. Nous estimons qu'il serait possible de recourir à un processus de réglementation pour éviter les préjudices éventuels qui découleraient de certaines des activités décrites dans la loi. Voilà où nous divergeons d'opinion.

La présidente: Merci, monsieur Volpe. Comme d'habitude, vous avez utilisé votre temps de parole et celui de quelqu'un d'autre, sans doute le mien. Alors, si je pouvais simplement dire un mot au sujet...

Mme Carolyn Parrish: C'est vous qui menez. Vous pouvez faire ce que vous voulez.

La présidente: Je veux poser une question.

Les Canadiens sont très préoccupés par ce projet de loi C-47, mais je veux vous demander, sur le plan moral, où il faut fixer les limites en ce qui concerne la recherche génétique. Je veux savoir à quel moment il faut accepter notre condition d'être mortel et cesser de vouloir se substituer à Dieu.

Mon autre question concerne le clonage. Je ne crois pas que vous considériez que ce soit nocif, mais ne pensez-vous pas que c'est tout l'ordre social qui en serait bouleversé? L'être cloné appartiendra-t-il à lui-même, ou encore à son frère ou à sa soeur? Qui aurait la responsabilité de notre clone?

Dr MacLachlan: Je peux peut-être offrir un début de réponse. Où faut-il fixer les limites en ce qui concerne la génétique? C'est pour cette raison que nous avons besoin d'une politique et d'un cadre réglementaire très complets pour nous éclairer à ce sujet. À l'heure actuelle, il semble que la recherche sur les cellules germinales, celle qui nous permettrait d'intervenir et de jouer avec les cellules qui pourraient être perpétuées, dépasserait les limites.

Vous avez sans doute dans votre circonscription un certain nombre de personnes dont les enfants sont atteints de fibrose kystique ou de dystrophie musculaire. Vous avez sans doute aussi dans votre circonscription des personnes atteintes de démence du type Alzheimer. Que nous ne puissions pas nous servir des connaissances que nous possédons pour réduire la fréquence de ces maladies ou tenter de corriger le problème une fois qu'il a été découvert de façon précoce... Je crois que la société nous appuierait si nous options pour une démarche bien réglementée à cet égard, qui nous permettrait d'utiliser les connaissances que nous possédons.

Il existe néanmoins des préoccupations. Il y a des limites, et le problème tient au fait que les limites se déplacent avec le temps. Si vous criminalisez certaines activités, la difficulté vient du fait que les limites se trouvent en quelque sorte soudées aux fondements même de la structure mise en place. Il est impossible d'y apporter des rajustements.

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Si donc nous découvrions un aspect quelconque de la recherche sur les cellules germinales où il serait évident qu'il n'y aurait aucun risque ni aucune conséquence, nous n'aurions pas besoin de faire modifier une loi pénale. Le droit pénal prend toute la place en l'absence d'une approche réglementaire pleinement intégrée.

Pour ce qui a trait au clonage, nous avons déjà fixé les limites, du moins notre association professionnelle a fixé les limites, en l'interdisant. Le code de déontologie précise que le clonage est interdit, et quiconque le pratiquerait serait présumé avoir violé les règles de comportement, les normes de pratique. Dans mon cas, je perdrais ma licence de médecin dans ma province, et sans doute aussi dans la vôtre. Nous avons fixé cela comme norme.

Je crois qu'il est possible de fixer des limites et que nous avons des organismes qui peuvent s'en charger. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de passer par la voie législative. En tout cas, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de passer uniquement par la voie législative pour fixer les limites.

Si nous finissons par mettre sur pied l'organisme de réglementation dont il est question et que nous nous entendons tous pour dire qu'il n'y aura jamais aucune raison de permettre la création d'un hybride animal-humain, je crois qu'il y a certaines choses comme celle-là qui vont de soi. Ce ne sont toutefois pas ces choses-là qui font problème. Ce qui fait problème, ce sont les 8 p. 100 de la population qui sont infertiles. Ce qui fait problème, ce sont tous les autres patients qui souffrent d'affections génétiques. Je ne pense pas que personne ne s'opposerait à l'interdiction de l'hybride animal-humain. Pourquoi donc vouloir insister là-dessus dans un texte législatif isolé qui ne serait pas accompagné d'un cadre de politique globale? Il me semble que ce n'est tout simplement pas la façon de procéder.

La présidente: Merci, docteur.

Mme Stockholder: Puis-je ajouter quelque chose? En ce qui concerne l'hybride animal-humain, je suis d'accord en principe s'il s'agit effectivement de prendre, par exemple, le sperme d'un animal et l'ovule d'un humain, mais je crois qu'on se trouve à englober beaucoup plus que cela. D'une certaine façon, on pourrait dire que les techniques utilisées pour produire de l'insuline humaine à partir de cochons ou de quelque autre animal sont en fait une manipulation des hybrides animal-humain. Je sais que ce n'est pas là l'intention, mais le libellé est tel qu'il pourrait avoir pour effet d'inhiber beaucoup de travaux de recherche qui pourraient être légitimes.

C'est nettement ce que le texte laisse entendre, et je sais que ce n'est pas ce que nous voulons, mais je suis d'accord avec ce que vous dites au sujet des protocoles de recherche. Il me semble que c'est la bonne chose à faire.

Relativement au clonage, je ne voudrais pas donner l'impression que ce n'est pas une question importante, mais je ne pense pas qu'on doive se faire tellement de soucis à ce sujet, parce qu'il n'y a pas tellement de gens à mon avis qui choisiraient d'avoir un enfant par clonage si c'était possible. Je sais que je ne le ferais pas moi-même. L'idée de m'élever moi-même ou d'élever quelqu'un qui me ressemble à ce point... Une personne comme moi, c'est bien assez. Il me semble que la plupart des gens auraient la même réaction et ne voudraient pas d'un tel enfant. Cela ne veut pas dire que personne n'en voudrait, mais je ne pense pas que ce soit la meilleure solution. À mon avis, la question est assez sérieuse pour qu'on l'examine isolément de la question générale des techniques de reproduction.

La présidente: Merci.

Avez-vous d'autres questions? Il nous reste encore quelques minutes, après quoi nous devrons nous occuper de quelques questions courantes.

Mme Carolyn Parrish: Je voudrais dire un mot au sujet de la criminalisation de certaines choses. Comme vous le savez, il y a déjà un bon nombre d'activités que l'on qualifie de criminelles dans nos lois, mais sur lesquelles les gens préfèrent fermer les yeux. Il y a par exemple l'euthanasie. Dans certains cas, la loi interdit certaines choses, mais elle n'est pas appliquée avec autant de rigueur qu'elle pourrait l'être. J'ai l'impression que, à mesure qu'on établira des règlements et que l'on pourra voir comment tout cela fonctionne pendant quelques mois ou quelques années, on fera preuve de plus en plus de souplesse.

Je respecte ce que vous avez dit aujourd'hui. Je trouve fascinant d'écouter des gens qui s'occupent de très près de ces questions. Vous avez consacré votre vie à cela. Cela nous aide. Je ne veux pas que vous me considériez comme une adversaire, parce que je n'en suis pas une. Je ne suis pas non plus particulièrement religieuse. Je pencherais probablement davantage du côté des sciences.

Je tiens à vous remercier et à dire que je ne voulais pas que vous ayez une mauvaise impression à mon sujet.

La présidente: Merci, madame Parrish.

Monsieur Volpe, avez-vous quelques derniers mots de sagesse à dire?

M. Joseph Volpe: Non. Je voudrais simplement dire que je suis d'accord avec toutes les observations constructives faites par certains de mes collègues des deux côtés de la table. Le débat a été instructif. Cela fait partie du processus et nous aide à envisager le projet de loi du point de vue de ceux qui ont pris le temps de venir témoigner. Merci.

La présidente: Je voudrais moi aussi vous remercier de la discussion très intéressante que nous avons eue aujourd'hui.

Oui, professeur, je vous donnerai la parole dans un instant. Il semble que nous manquons toujours de temps quand je préside.

Je vous remercie d'être venus. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants et nous respectons votre point de vue et nous en tiendrons compte.

Professeur, je vous laisse terminer.

M. Manga: Merci beaucoup. Je tenais simplement à ajouter quelques commentaires à ce qu'a dit le Dr MacLachlan.

On utilise maintenant diverses techniques dans le régime des soins de santé que nous pourrions améliorer et raffiner davantage en effectuant quelques recherches médicales et scientifiques, mais cette loi nous interdirait de le faire.

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Il s'agit d'améliorer les connaissances techniques des professionnels dans ce domaine, par exemple les groupes qui s'occupent de choses comme l'IICS. On effectue toutes sortes de recherches qui nous permettent de traiter les hommes et les femmes infertiles, et ces recherches ne sont en rien contraires aux normes de la moralité publique. Cependant, cette loi, à cause de la façon dont elle est rédigée, interdirait une bonne partie de ces recherches. On vous en a sans doute donné bon nombre d'exemples lundi et dans les nombreux mémoires que vous avez reçus.

Selon moi, il incombe à votre comité de se pencher sérieusement sur la façon dont la loi est structurée et libellée et d'y apporter les amendements nécessaires pour qu'elle n'interdise pas certains des travaux très importants qu'on effectue maintenant au Canada, et aussi à l'étranger. Sinon, bien sûr, les Canadiens risquent d'accuser du retard par rapport au reste du monde. Je ne vois vraiment pas pourquoi on permettrait une telle chose.

La présidente: Merci beaucoup. Nous allons lever la séance une minute et poursuivre à huis clos.

[les délibérations se poursuivent à huis clos]

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