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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 31 octobre 1996

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[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte. Le sous-comité reprend l'étude du projet de loi C-25, Loi sur les règlements.

Notre premier témoin, qui représente le Congrès du travail du Canada, est M. Dave Bennett, directeur national, Services de la santé, de la sécurité et de l'environnement.

Soyez le bienvenu, monsieur Bennett. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir ce matin. Vous avez la parole.

M. Dave Bennett (directeur national, Santé, sécurité et environnement au travail, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président. Je fais cette présentation au nom des dirigeants du Congrès du travail du Canada qui ont signé le mémoire que vous avez sous les yeux. Comme le temps nous est compté, je me propose de lire le mémoire, mais en laissant de côté certains passages non essentiels afin de garder du temps pour la discussion, les commentaires et les questions, le cas échéant.

Voici le résumé des recommandations formulées par le CTC en vue de modifier le projet de loi:

1) il ne devrait y avoir aucune exemption du processus de réglementation, sauf dans des situations d'urgence clairement définies;

2) un code de pratiques ayant force de loi sur la préparation et la rédaction des règlements devrait accompagner la loi;

3) les textes, les documents et les normes incorporés par renvoi devraient être assujettis au processus de réglementation et déclarés partie intégrante des règlements, de même qu'avoir la force et l'autorité d'une loi;

4) des limites explicites devraient être imposées sur le type et l'origine des textes, documents et normes qui peuvent être incorporés par renvoi dans les règlements;

5) les listes de personnes, d'endroits, de produits et de substances ne devraient pas être soustraites du processus de réglementation ni de l'examen des règlements par les comités parlementaires.

Le Congrès du travail du Canada représente 2,2 millions de membres syndiqués dans les secteurs tant public que privé partout au Canada. Tous nos membres sont touchés par les règlements fédéraux, que ce soit à titre de citoyens ou citoyennes, de travailleurs ou travailleuses ou de consommateurs ou consommatrices, un fait particulièrement important dans la mesure où les règlements confèrent des droits aux citoyens et citoyennes ou les protègent des dangers sociaux, industriels ou environnementaux. Les règlements ont un important effet égalisateur sur la société et toute société non réglementée expose ses membres à des risques et à un pouvoir social contre lesquels citoyens et citoyennes ne peuvent se protéger.

Nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant le comité. Nous apprécions les intentions du projet de loi C-25 au moins dans la mesure où celles-ci sont énoncées: moderniser les règlements, simplifier le processus réglementaire, faciliter et accélérer l'application des règlements et clarifier la loi.

À certains égards, le projet de loi atteint ces objectifs, mais à certains autres, il ne les atteint pas. Le projet de loi définit en général une procédure appelée «processus réglementaire»; mais sa façon de simplifier la réglementation consiste à conférer au gouvernement le pouvoir de renverser ou de court-circuiter le processus même que la loi édicte. Il y a d'autres façons, que nous expliquerons, dont le processus réglementaire fait échec à la fin qu'il envisage.

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Nous formulerons, dans l'ordre, des observations sur les articles pertinents et nous signalerons les aspects tant positifs que négatifs des dispositions du projet de loi, mais nous insisterons particulièrement sur les parties où le gouvernement s'est pour ainsi dire donné trop de pouvoirs aux dépens du Parlement.

Le paragraphe 5(1) confère au gouverneur en conseil le pouvoir absolu de soustraire tout règlement au processus réglementaire. Dans les deux paragraphes suivants, le gouvernement se réserve le pouvoir d'étendre la portée du processus réglementaire ce qui, en supposant que ce processus soit adéquat, va à l'encontre de la volonté de simplifier les procédures gouvernementales. Le paragraphe suivant offre au public certaines sauvegardes, à savoir que les objectifs de la réglementation seront protégés et que les coûts et les délais seront évités; il ne prévoit cependant aucune obligation ferme de respecter cette exigence ni aucun redressement ou sanction lorsque l'obligation n'est pas respectée.

Le gouvernement convient d'exercer ses pouvoirs de soustraire les règlements au processus réglementaire compte tenu de l'importance des objectifs de la réglementation notamment en matière de santé, de sécurité, d'environnement et de développement durable; pourtant cette obligation légale n'est pas claire ni l'utilité éventuelle de cette exigence. Il lui est tout à fait possible de garantir explicitement les objectifs de la réglementation et en même temps de faire abstraction de dispositions et d'exigences essentielles qui favoriseraient la réalisation de ces objectifs. Il pourrait y avoir des règlements qui auraient pour objet de promouvoir la santé, mais on ne donne aucune indication de la façon dont ces objectifs seraient réalisés ni aucun indice quant aux mesures qui seraient jugées susceptibles de promouvoir la santé ou de lui nuire.

Le paragraphe 6(1) exige que les règlements soient rédigés clairement. C'est un objectif louable: en effet le public ne peut déterminer quels sont les droits et la protection que la loi prévoit à son égard si les règlements ne lui sont pas accessibles ou s'il ne les comprend pas.

Actuellement, les règlements fédéraux sont très mal rédigés et mal organisés, un fait que ne reconnaît pas le projet de loi C-25, et ils sont écrits en un langage que l'on pourrait qualifier de beau jargon des juristes de l'ère victorienne: tortueux, obscur et opaque. Un public qui ne connaît pas les droits et les protections qui le concernent est effectivement privé de telles sauvegardes.

Le gouvernement sait pourtant depuis longtemps que son langage juridique est vétuste et il a engagé et consulté des experts (dont certains étrangers) pour étudier cette question. Mais aussi longtemps que les objectifs du gouvernement ne seront pas enchâssés dans un code législatif de pratiques, les avocats du ministère de la Justice continueront à débiter les mêmes vieilles formules. Ce serait déjà bien de parler simplement de règlement plutôt que de texte réglementaire. L'Annexe 1 contient quelques idées qui pourraient faire partie d'un code législatif de pratiques.

La définition d'un règlement en tant que «règles de conduite» semble correcte à première vue, mais elle doit être expliquée afin de dire que ces règles englobent la performance et les normes de prescription, c'est-à-dire que celles-ci n'échappent pas à la définition d'un règlement. La question est examinée plus en détail dans notre mémoire.

Le paragraphe 7(3) est un fouillis hérité de la Loi sur les textes réglementaires selon lequel un règlement n'a pas à être examiné par le ministère de la Justice, mais qui donne néanmoins au gouvernement le pouvoir d'abroger tout règlement qui n'a pas été ainsi examiné. Plus particulièrement, le ministère de la Justice n'a pas à examiner les règlements qui modifient les droits et les listes de personnes, de lieux, de substances ou de produits ni ceux qui apportent des modifications mineures ou de forme. Pourtant ces aspects forment bien souvent l'essentiel des règlements.

Nous donnons dans le mémoire un certain nombre d'exemples concrets où ces éléments sont tout à fait applicables au contenu des règlements.

En outre, un bon nombre de ces listes et de ces nombres ont été déterminés après de longues et difficiles consultations, souvent le résultat d'un consensus de plusieurs parties. S'il y avait quelque garantie que l'importance de ces éléments serait portée à l'attention du comité parlementaire chargé d'examiner les modifications, il n'y aurait rien à redire. Mais il n'existe dans la loi aucune telle garantie et c'est une grave omission.

L'article 16 traite de l'incorporation par renvoi dans un règlement de documents produits par une personne ou un organisme de réglementation. Une partie de l'article reflète la pratique établie, par exemple l'incorporation par renvoi de normes techniques, de normes produites par des organismes professionnels et de codes de pratiques comme le code des incendies. Le paragraphe 16(5) contient une addition appréciée du fait que l'incorporation par renvoi peut viser le document avec ses modifications successives, de sorte que les documents qui sont actualisés périodiquement n'ont pas à l'être au moyen d'une modification du règlement à chaque fois que la situation se produit. Le CTC a toujours préconisé l'adoption de ce changement au cours des consultations sur le règlement édicté en vertu de la partie II du Code canadien du travail.

Mais l'article 16 présente un grand danger puisqu'il permet l'incorporation par renvoi de textes de nature politique (ceux qui déterminent les politiques) qui ne sont pas techniques. Par exemple, l'Organisation internationale de normalisation (ISO) produit des textes qui incorporent des politiques, des procédures, des pratiques et des décisions administratives et non pas seulement des normes traditionnelles ou techniques. Pourtant ces textes ne sont pas rédigés conformément à une pratique démocratique à laquelle toutes les parties participent - par exemple des représentants et représentantes des gouvernements à l'échelle centrale de même que des représentants et représentantes de travailleurs, de travailleuses et de communautés et qui pourraient être directement touchées par les normes de l'ISO. Au contraire, de telles normes sont souvent rédigées par des gens d'affaires même si ceux-ci assistent à des réunions de l'ISO à titre de représentants ou représentantes d'un gouvernement ou d'une association professionnelle, ce qui contraste avec les pratiques d'un organisme des Nations Unies comme l'Organisation internationale du travail (OIT) qui est un organisme tripartite composé de représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs.

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Prenons par exemple le contrôle environnemental du lieu de travail - probablement abordé dans la norme ISO 1410-12 qui, en fait, a maintenant été adoptée et fait partie du droit international. Jusqu'à présent, ces normes de l'ISO n'ont mentionné aucun critère tangible pour mesurer la performance environnementale du lieu de travail ni exigé l'incorporation par renvoi d'autres normes de l'ISO où il pourrait être question de performance. En d'autres termes, on n'y trouve aucune indication de ce que les gestionnaires doivent effectivement contrôler. On y formule seulement certaines méthodes formelles de contrôle. Il n'y a, par exemple, aucune mention de critère de développement durable ni de la nécessité de réduire l'utilisation des ressources naturelles ou d'atteindre un certain rendement énergétique ou encore de mesurer le degré de prévention de la pollution du point de vue technique.

Tous ces points sont pourtant inhérents aux fonctions de gestion environnementale qui ont été récemment déterminées et énumérées dans le document Agenda 21 publié à la suite de la conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement durable qui a eu lieu à Rio en 1992. En outre, la politique officielle du gouvernement canadien énoncée dans son cadre stratégique pour la prévention de la pollution consiste maintenant à dire que l'Association canadienne de normalisation doit intégrer la prévention de la pollution à toutes les normes pertinentes de l'ISO. Or, l'ACNOR ne le fait tout simplement pas et les représentants et représentantes du gouvernement canadien n'insistent pas pour faire adopter la mesure. L'incorporation par renvoi des normes ISO 1410-12 dans les règlements afin d'exiger le contrôle environnemental ne serait donc pas utile.

Le gouvernement aurait beaucoup de difficulté à déterminer si, dans un cas particulier, les normes sont généralement respectées parce que cette série particulière des normes de l'ISO n'a pas été conçue à des fins de réglementation. De toute façon, ces normes ne sont pas suffisamment substantielles pour faire en sorte que les contrôles soient plus qu'une simple formalité. Rien ne peut remplacer dans les règlements un énoncé clair sur les véritables exigences d'un contrôle environnemental et certaines de ces exigences pourraient être l'écho des normes de l'ISO. Mais la simple incorporation par renvoi des normes de l'ISO n'a rien de très valable; en effet, elle ne ferait que donner l'illusion d'un règlement.

La morale de cette histoire consiste à dire que la Loi sur les règlements doit dire clairement que les textes et les normes n'y seront incorporés par renvoi que lorsqu'il sera clair qu'ils renvoient à des normes techniques tangibles ou préciser les méthodes à suivre pour assurer le respect de la loi et en faciliter l'application. En général, l'incorporation par renvoi de normes qui ont trait à des politiques ne devrait pas être autorisée; les politiques devraient faire partie intégrante du texte même des règlements.

L'incorporation par renvoi de politiques dans les règlements comporte une autre difficulté. Lorsqu'un comité parlementaire examine des projets de règlements et que ces règlements incorporent par renvoi des politiques et des normes, il ne peut se prononcer sur seulement une partie de la norme incorporée par renvoi. En effet, tout ce qu'il peut faire c'est de critiquer en bloc la norme ainsi incorporée, soit l'accepter ou la rejeter. Voilà un autre bon argument qui milite en faveur de l'incorporation de politiques dans le texte même des règlements et non pas simplement de leur incorporation par renvoi.

Il y a aussi un autre point à considérer et c'est le fait que les travaux de certains organismes internationaux ne conviennent pas à l'incorporation par renvoi dans les règlements, ces organismes étant, pour diverses raisons, insuffisamment responsables pour être considérés comme sources légitimes de politiques gouvernementales. Les LMR établies par la Commission du Codex Alimentarius, par exemple, n'ont pas de fondement scientifique, comme le dit d'ailleurs explicitement le Codex; elles diffèrent souvent beaucoup des LMR canadiennes établies et le Codex ne possède pas la légitimité de l'OIT, un organisme des Nations Unies.

S'il faut autoriser l'incorporation par renvoi des travaux d'organismes non gouvernementaux ou neutres, une sorte de sous-traitance du pouvoir de réglementation, il faut alors prévoir un dispositif selon lequel les parties intéressées pourraient avoir effectivement voix au chapitre pour déterminer si le travail de ces organismes est adéquat et convient à un contexte réglementaire particulier. Revenons aux dispositions voulant que puisse être incorporé par renvoi dans un règlement tout document produit conjointement par l'organisme de réglementation et un autre gouvernement ou organisme gouvernemental en vue d'assurer l'harmonisation avec une autre loi.

Dans le domaine de l'environnement, ces documents pourraient être le fait du personnel non élu du Conseil canadien des ministres de l'environnement. Bien que ces ministres puissent avoir l'aval des gouvernements provinciaux, ils ne sont pas reconnus dans les lois de toutes les provinces, parfois même d'aucune province. Il s'ensuit donc que le processus démocratique est court-circuité par la prise de règlements et que certains textes qui n'ont aucune force réglementaire pratique sont incorporés dans des règlements.

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L'article 19 dit que:

Une partie du problème tient au fait que les éléments qui ont valeur de règlement dans le projet de loi C-25 y sont désignés comme «textes» et ceux qui sont incorporés par renvoi sont désignés comme «documents». Le terme «norme» n'est pas généralement utilisé sauf que l'incorporation par renvoi de normes techniques y est expressément permise.

L'article 19 a peut-être voulu dire qu'un élément incorporé par renvoi ne devient pas règlement simplement parce qu'il est ainsi incorporé dans tel ou tel règlement. Il faut donc qu'il soit dit clairement i) que les documents incorporés par renvoi, y compris les textes et les normes, font tout aussi partie d'un règlement que n'importe quelle autre disposition; ii) que le processus de réglementation s'applique aux documents incorporés par renvoi tout comme au règlement lui-même; et iii) que les documents incorporés par renvoi ont la même force réglementaire que le règlement même.

Le paragraphe 26g) qui permet au gouverneur en conseil d'exempter tout règlement des exigences de publication confère un pouvoir arbitraire et non justifié. Il est absurde de suggérer que la publication d'un règlement pourrait avoir les suites désastreuses sous-entendues dans ce passage. En général, les exemptions du processus de réglementation ne devraient être permises que dans des situations d'urgence clairement définies. Même dans ces cas, il n'est pas clair que ce pouvoir soit nécessaire parce que le gouvernement peut exercer ses pouvoirs par décrets.

L'annexe de notre document traite d'un aspect très important du projet de loi C-25, à savoir le langage des règlements fédéraux. Pour assurer la rédaction claire des règlements, il nous faut à notre avis un code législatif de pratiques qui énonce les règles à suivre pour obtenir des textes intelligibles, c'est-à-dire véritablement accessibles au public.

Ce code pourrait contenir les dispositions suivantes. Premièrement, une série de règles concernant la longueur des mots, des phrases et des paragraphes. Deuxièmement, l'évitement, autant que possible, de termes techniques et juridiques: l'article des définitions pourrait donner une signification juridique et technique à des termes ordinaires et non pas faire le contraire comme c'est le cas actuellement. Troisièmement, des règles sur l'enchaînement logique des règlements, par exemple un texte qui procède du général au particulier et de notions plus importantes à des notions moins importantes ou plus détaillées. Quatrièmement, une règle selon laquelle les dispositions qui traitent d'un seul sujet seraient toutes regroupées en un seul passage ou une seule série de passages. Il ne devrait pas être nécessaire de lire tout le règlement pour connaître les règles qui s'appliquent à un seul sujet. La répétition des documents est préférable à la dispersion ou à l'éparpillement; actuellement la répétition n'est pas permise. Cinquièmement, un programme de formation obligatoire à l'intention de tous les avocats du ministère de la Justice qui ne se conforment pas aux règles.

Monsieur le président, l'essentiel de notre mémoire peut se résumer en deux points. On y fait observer que le projet de loi souffre de lacunes sur le plan administratif et sur celui de la rédaction, et j'espère que le comité se penchera là-dessus; et deuxièmement, qu'il y a des questions de politique liées à la nature du pouvoir gouvernemental et à l'opportunité d'incorporer certains documents dans les règlements. Ces questions de politique sont à notre avis tout aussi importantes que les lacunes sur le plan de l'administration et de la rédaction sur lesquelles nous avons essayé d'attirer votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bennett. Nous allons maintenant vous poser des questions, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

M. Lebel n'est pas ici. Peut-être pourriez-vous commencer, monsieur White. Vous avez 10 minutes.

M. White (Vancouver-Nord): Merci, monsieur le président.

Monsieur Bennett, je retiens de votre présentation qu'en général, ce qui préoccupe le Congrès du travail du Canada, c'est la reddition de comptes. Je voudrais vous lire une phrase tirée du rapport MacGuigan, qui est réputé être à l'origine d'une partie de la loi actuelle. Je cite:

Ai-je raison de retenir de votre présentation, de façon générale, que le projet de loi C-25 risque d'affaiblir cette responsabilité parce que certains règlements ne seront pas imprimés ou documentés et que d'autres pourraient incorporer des documents qui ne sont pas de nature législative?

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M. Bennett: La réponse est oui. La question de la responsabilité est un élément central de la présentation que je viens de faire au comité, mais je pense que cela comporte deux aspects. Il y a d'abord les relations entre le gouvernement ou, comme on le dit dans le document, l'exécutif, et les membres élus du Parlement qui sont responsables de l'examen approfondi du texte des règlements. C'est un aspect.

Le deuxième aspect est qu'en raison des dispositions permettant l'incorporation par renvoi, il est tout à fait possible que des documents soient ainsi incorporés par renvoi et aient donc force de loi, sans pour autant être passés par le processus démocratique de prise de décisions marqué par la responsabilité.

M. White: Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation partage votre préoccupation à cet égard. Je voudrais maintenant m'attarder davantage à la publication elle-même des règlements. Vous n'en avez pas parlé explicitement, sinon en passant, et je voudrais examiner cela d'un peu plus près.

Que pensez-vous du fait que certaines catégories de règlements soient exemptées de l'exigence de publication dans la Gazette du Canada? Que pensez-vous de la diffusion de l'information par d'autres moyens? Le Congrès du travail du Canada a-t-il pris position là-dessus?

M. Bennett: Non. Franchement, nous n'y avons pas réfléchi, mais je crois qu'en règle générale, si quelque chose est important et est lourd de conséquences pour les affaires publiques, ou bien s'il devrait être possible de réagir aux plans proposés par le gouvernement, alors oui, il faudrait continuer de publier ces textes de la façon habituelle.

Toutefois, le gouvernement publie un grand nombre de documents administratifs auxquels, personnellement, je ne vois pas la nécessité d'appliquer le processus solennel de la publication dans la Gazette, processus qui, bien sûr, s'applique actuellement à toutes les activités gouvernementales, grandes ou petites, importantes ou banales.

M. White: Merci.

Le président: Merci, monsieur White. Monsieur Lebel.

M. Lebel (Chambly): Non.

Le président: Vous n'avez pas de questions?

Monsieur DeVillers.

M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci, monsieur le président.

Monsieur Bennett, les passages de votre mémoire sur l'incorporation par renvoi ne m'ont pas semblé clairs. Êtes-vous contre le processus d'incorporation par renvoi, ou bien voulez-vous seulement vous assurer que l'on n'incorporera que ce qui convient?

M. Bennett: Oui, c'est votre deuxième point qui est le bon. Nous craignons que l'on incorpore par renvoi des éléments qui ne correspondent pas à une bonne politique publique et surtout qui n'ont pas été élaborés dans le cadre d'un quelconque processus démocratique. Mais nous ne sommes pas contre l'incorporation par renvoi de documents techniques, qui fait traditionnellement partie de l'activité de réglementation. En fait, on peut difficilement concevoir comment certains règlements pourraient être mis en oeuvre en l'absence de renvois à des documents techniques.

M. DeVillers: Dans votre mémoire, vous faites également allusion à l'examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement par le Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Il y a eu à cette époque tout un débat sur la valeur du contrôle par réglementation, par opposition à des normes que les intervenants respectent volontairement. Qu'en pensez-vous? Comment les changements proposés à la Loi sur les règlements s'inscriraient-ils dans ce débat?

M. Bennett: Je pense qu'il y a toute une série d'arguments sur l'opportunité d'intégrer dans la politique publique des pratiques, des codes de pratique, des lignes directrices et des manifestations d'intention. Quand on intègre cela dans un règlement ou un texte de loi et qu'en même temps, il est tout à fait évident que rien de tout cela n'a force de loi ou de règlement, cela suscite un débat quant à savoir si c'est une bonne chose. Mais il y a un autre débat.

C'est à ce deuxième débat que nous avons voulu contribuer dans notre mémoire, et la question est de savoir s'il y a lieu d'intégrer des documents et des normes qui, en pratique, n'ont pas force de règlement, même si telle était bien l'intention des parlementaires. Nous avons donné un exemple mettant en cause l'Organisation internationale de normalisation; dans cet exemple, la teneur des documents était telle que même si le législateur voulait que ces documents aient force de loi, en fait et en pratique, il était impossible d'en assurer l'exécution.

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Nous disons donc qu'il y a dans ce débat non pas une question, mais bien deux. Premièrement, devrait-on inscrire des normes d'application volontaire dans la loi? Deuxièmement, dans les faits, quelle sorte de normes l'autorité chargée de la réglementation peut-elle faire appliquer?

M. DeVillers: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Kirkby.

M. Kirkby (Prince Albert - Churchill River): Vous avez dit qu'il faudrait fournir aux rédacteurs juridiques du ministère de la Justice des lignes directrices pour la rédaction des règlements. Vous avez dit qu'il faut des règles concernant la longueur des mots, des phrases et des paragraphes et qu'il faut extirper le jargon juridique. Qu'arrive-t-il si quelqu'un est d'avis que l'on a enfreint ces lignes directrices? Quelle en serait la conséquence pour le règlement? Serait-il valide? Pourrait-on le faire appliquer? Ou bien serait-il invalidé?

M. Bennett: L'instant de vérité survient au moment de l'examen des règlements et dans le cours de la procédure pour l'adoption des règlements, avant qu'ils n'aient force de loi. À nos yeux, c'est à ce moment-là qu'il faut s'assurer que les projets de règlement respectent les exigences du code de pratique.

M. Kirkby: Tout cela est bien beau, mais si, comme vous le dites, pour simplifier tout cela... si les rédacteurs peuvent le dire le plus simplement possible, vous affirmez qu'une éventuelle infraction à ces règles n'aurait aucune conséquence.

M. Bennett: Non. Je dis que le Parlement devrait se donner le pouvoir de vérifier si l'on a enfreint le code de pratique. En fait,...

M. Kirkby: D'accord. Mais qu'arrive-t-il si le texte est adopté et si, de l'avis du Parlement, il est suffisamment clair et bien rédigé, mais qu'ensuite, une fois qu'il est rendu public, quelqu'un affirme que l'on a enfreint la règle? Y a-t-il des conséquences?

M. Bennett: Je ne crois pas que ce soit possible, autrement les tribunaux seraient remplis de gens qui protesteraient et qui affirmeraient, en invoquant des raisons techniques, qu'un règlement n'est pas vraiment un règlement. Je ne pense pas que cela puisse se faire.

M. Kirkby: Ce serait donc seulement des suggestions à l'adresse des parlementaires et des rédacteurs, et non pas une règle ayant force de loi. C'est bien cela?

M. Bennett: Je crois que c'est un peu plus que cela, parce que...

M. Kirkby: Non, ce n'est rien de plus.

M. Bennett: ...nous disons que les parlementaires doivent avoir un droit de regard très étendu sur le processus réglementaire, alors qu'en fait, le projet de loi C-25 ne leur confère pas un tel pouvoir. Je ne vois pas en quoi on pourrait craindre un vide juridique simplement parce qu'on aurait un code de pratique que les responsables de la réglementation doivent veiller à mettre en application au moment de la publication des règlements.

M. Kirkby: Mais à chaque fois que l'on publie un règlement, n'entendrait-on pas l'argument...? Un groupe de gens qui, pour des raisons quelconques, ne sont pas contents de la teneur d'une loi pourrait faire tout un tollé et affirmer que ce n'est pas clair, que cela enfreint les règles. Les responsables, eux, diraient que c'est clair et que l'on n'a pas enfreint les règles et qu'il faudrait donc l'adopter.

Que faites-vous des normes objectives et de la possibilité de garantir l'exécution des lois, etc.? Le seul résultat de votre proposition, ce serait de lancer un autre débat politique. Ne reviendrait-on pas à la situation actuelle des fonctionnaires du ministère de la Justice? Ils redoublent vraiment d'efforts pour que toutes les nouvelles lois et textes réglementaires qui sont publiés soient plus simples, plus clairs, rédigés dans une langue simple et moderne. N'est-ce pas notre objectif ultime?

M. Bennett: Oui, mais je dis aussi que l'on peut trouver au Canada des exemples de bonne rédaction de lois et de règlements. Deuxièmement, vous semblez dire que les propositions du CTC ne feraient qu'embrouiller les choses.

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M. Kirkby: Ce que je dis, c'est que vous proposez des lignes directrices sans aucun mécanisme d'application, ce qui revient exactement à la situation actuelle, c'est-à-dire que les gens s'efforcent de progresser constamment en direction de règlements plus clairs. N'est-ce pas le cas?

M. Bennett: Je réponds à cela que ce n'est pas parce qu'un système ne sera pas couronné de succès à 100 p. 100 qu'il faut l'écarter. Je dis qu'il existe un véritable problème. La Confédération date de 1867, époque à laquelle toutes les influences juridiques qui s'exerçaient au Canada émanaient de la classe moyenne supérieure du Royaume-Uni. Cette tradition s'est poursuivie pendant bien plus d'un siècle et nos règlements laissent beaucoup à désirer sur le plan de l'intelligibilité, de l'élégance et de la clarté.

Je dis que nous devons réfléchir sérieusement à la façon de procéder. Si vous pouvez trouver une façon de le faire qui ait force de loi et qui ne contourne pas le processus réglementaire, nous l'appuierons sans réserve. Je ne pense pas que ce soit possible, mais en même temps, ne convenez-vous pas qu'il faut faire quelque chose à ce sujet?

M. Kirkby: Ce qui me préoccupe, c'est que vous proposez des lignes directrices dont il est impossible d'assurer l'application. À quoi cela servirait-il? N'en reviendrait-on pas exactement à la situation actuelle et à ce que chacun s'efforce de faire de toute façon? C'est exactement ce que vous proposez, de faire en sorte que tous les règlements soient clairs, intelligibles et faciles à comprendre.

Le président: Merci, monsieur Kirkby.

Monsieur Bennett, je voudrais des précisions sur le passage suivant, à la page 1 de votre mémoire:

Je me demande si vous pourriez préciser quelque peu le sens de ce passage. Je crois comprendre ce que vous voulez dire, mais dans les règlements, nous nous trouvons bien sûr, essentiellement, à préciser l'intention du législateur relativement à une loi. Peut-on faire dans un règlement ce que vous proposez, et comment pourrait-on s'y prendre?

M. Bennett: Je vais vous donner un exemple qui est d'actualité. À la suite de la conférence des Nations Unies tenue à Rio et dans la foulée du rapport Brundtland des années 80, nous avons maintenant l'expression «développement durable». C'est défini dans la loi canadienne comme toute mesure qui permet à la génération actuelle de répondre à ses propres besoins, sans compromettre la capacité des futures générations de répondre aux leurs.

J'affirme qu'il n'est pas vraiment très utile d'inscrire dans la loi des définitions comme celle-là. Le législateur ne sait absolument pas quels dossiers sont des cas de développement durable et lesquels ne le sont pas. Par exemple, d'éminents environnementalistes canadiens font partie de délégations qui se rendent en Chine pour conseiller les Chinois sur le projet de barrage des Trois Gorges. C'est ridiculiser complètement tout le concept de développement durable que de laisser entendre que le barrage des Trois Gorges pourrait faire partie de cette catégorie de projet.

Je dis donc que le simple fait d'énoncer des aspirations dans une loi ne garantit nullement que la loi ou le règlement incorpore les principes souhaités. On n'a pas de critère tangible permettant de décider si un règlement correspond effectivement aux aspirations ou s'il va dans le sens contraire.

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Le président: Vous estimez qu'il faudrait inclure dans les règlements des critères tangibles? C'est bien cela?

M. Bennett: Je crois que c'est un très gros problème. C'est une importante question de principe qui ne se rapporte pas exclusivement, ni même principalement, au projet de loi C-25.

Je fais observer que quand on adopte des lois administratives, par exemple la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, elles souffrent du fait qu'aucune politique n'y est énoncée. Il est donc très possible qu'un projet fasse l'objet d'une procédure d'évaluation environnementale très poussée et que les décisions qui sont prises ensuite en fonction de cette évaluation ne se fondent sur absolument aucune politique. L'évaluation environnementale devient un exercice coûteux et compliqué. En fait, cela ne fait aucune différence pour la mise en oeuvre de la politique publique, parce que la politique encadrant l'évaluation environnementale est totalement inexistante.

Je crois que le comité devrait examiner sérieusement la possibilité d'inscrire des éléments de politique dans une loi administrative telle que le projet de loi C-25. Si on ne le fait pas, tout ce qu'on fait, c'est de produire une loi d'application mécanique, mais surtout, et nous croyons que c'est plus important, l'on permet aux questions de politique de s'immiscer dans la loi, alors que tel n'était probablement pas l'intention du législateur.

Nous avons donné des exemples de cas où le gouvernement a le pouvoir d'incorporer dans le règlement des normes qui ne sont pas appropriées, du point de vue des parlementaires.

Le président: Bien, merci beaucoup.

Monsieur White.

M. White: Merci, monsieur le président.

Monsieur Bennett, à l'annexe 1 de votre mémoire, intitulée «Le langage des règlements fédéraux», votre deuxième point me rend perplexe. Je cite:

Pouvez-vous, premièrement, nous dire s'il y a un gouvernement, au Canada ou ailleurs, qui a mis cela à l'essai, et deuxièmement, si l'expérience a été couronnée de succès?

M. Bennett: Non, je ne saurais vous le dire, bien que le CTC ait été en contact étroit avec le ministère de la Justice pendant la rédaction de la loi et du règlement. En fait, l'exemple qui me vient à l'esprit est un exemple particulièrement pertinent de la participation des intervenants et du gouvernement dans l'élaboration des lois et règlements. C'est relativement rare et, dans l'ensemble, le processus a été constructif et instructif et je ne pense pas qu'il ait empiété sur les droits des parlementaires.

Pendant ce processus, un universitaire australien a fait des observations sur le processus d'élaboration des lois et des règlements. Il m'a donné l'impression qu'une méthode de ce genre était envisagée ou avait été mise à l'essai en Australie.

M. White: Merci.

Le président: Merci, monsieur White.

Monsieur Bennett, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous ce matin.

M. Bennett: Merci.

Le président: Nous devions entendre un autre témoin à 11 h 45. Comme il n'est pas encore arrivé, nous allons faire une courte pause.

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Le président: Nous sommes prêts à reprendre la séance et à entendre notre deuxième témoin de la matinée.

Au nom du comité, je souhaite la bienvenue au chef Clarence T. (Manny) Jules, président de la Commission consultative de la fiscalité indienne. Je souhaite également la bienvenue à M. Robert Groves, directeur du Groupe des affaires autochtones Inc.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous. Vous avez rédigé un mémoire et nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire ce matin. Nous vous invitons à faire un court exposé, après quoi les membres du comité aimeraient avoir l'occasion de vous poser des questions.

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Chef Jules, vous avez la parole.

Le chef Clarence T. Jules (président, Commission consultative de la fiscalité indienne): Je vous remercie. Je voulais juste vous dire que le «T» de mon nom signifie «taxe».

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous présenter notre mémoire ce matin. Je suis accompagné aujourd'hui de Bob Groves, qui est mon conseiller pour le dossier de la gazette des Premières nations. M. Groves dirige le Groupe des affaires autochtones, cabinet d'Ottawa qui a énormément d'expérience dans ce domaine.

Je voudrais d'abord expliquer ce qu'est la Commission consultative de la fiscalité indienne, afin que vous sachiez pourquoi nous nous intéressons au projet de loi C-25.

En 1988, le gouvernement du Canada a modifié la Loi sur les Indiens de manière qu'il soit possible pour les Premières nations d'amasser des fonds en imposant les non-Autochtones qui utilisent des terres situées dans des réserves. Les recettes tirées de cet impôt foncier peuvent constituer une importante source de revenu pour le financement du développement socio-économique. C'est un élément important dans la recherche d'une plus grande autonomie économique et gouvernementale. Comme ce type d'imposition était nouveau pour les Premières nations lorsque les changements ont été faits en 1988, cela a soulevé beaucoup de questions quant à la façon de procéder. En 1989, la Commission consultative de la fiscalité indienne a été créée pour répondre à ces questions.

La CCFI fournit aux Premières nations une aide technique à toutes les étapes de l'élaboration et de la mise en oeuvre de règlements administratifs. Nous avons élaboré des échantillons de règlement traitant d'évaluations, de taux, de dépenses et de permis d'affaires, afin d'aider les Premières nations à éviter des coûts initiaux trop élevés quand elles veulent se lancer dans le domaine de la fiscalité foncière. Sur demande, nous servons également de médiateurs dans des conflits qui surgissent dans le cadre de négociations sur les compétences en matière d'imposition foncière. Enfin, la CCFI fait en permanence de la recherche sur les questions juridiques relatives aux pouvoirs fiscaux des Premières nations.

La CCFI a été créée par les Premières nations du Canada et par le ministère des Affaires indiennes, mais elle fonctionne de façon indépendante du ministère. Notre commission est formée de représentants de cinq Premières nations de différentes régions. Nous avons des bureaux à Kamloops et à Ottawa.

Avant d'aborder le projet de loi C-25 et les modifications proposées, je tiens également à vous dire que la CCFI est actuellement en pourparlers avec le ministre des Affaires indiennes, l'honorable Ron Irwin, et avec le ministère pour définir notre futur mandat. La commission est unique au Canada puisque aucun autre organisme n'a un mandat comme le nôtre, qui vise à la fois la régie, la consultation et la facilitation. En outre, autre caractéristique unique, notre mandat est double. Nous avons à la fois un mandat des Premières nations et un mandat fédéral. À mesure que nous progressons dans nos discussions, nous examinerons beaucoup des domaines législatifs dans lesquels les Premières nations sont actuellement engagées et qui sont assujetties aux dispositions habituelles relativement à la publication dans la gazette.

Au moment de la création de la CCFI, en 1989, nous pensions qu'une vingtaine de Premières nations pourraient vouloir prendre des règlements en matière d'imposition foncière au cours des cinq années suivantes. En fait, il y a maintenant plus de 50 Premières nations qui ont décidé d'instaurer un impôt foncier, et les recettes annuelles totales dépassent 15 millions de dollars.

Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous voulons proposer une modification qui nous semble simple et, espérons-le, non controversée, à la fois sur les plans technique et politique. C'est une modification mineure, mais nous croyons que c'est un élément important sur l'échiquier de la future autonomie gouvernementale. Elle est directement liée aux efforts des Premières nations pour atteindre à l'autonomie politique et à l'autarcie économique.

De façon générale, notre modification vise les questions qui sont au coeur même du projet de loi C-25, c'est-à-dire les nouvelles exigences relativement à l'enregistrement, à l'avis et à la publication de lois et règlements au Canada. Il existe actuellement un vide en ce qui a trait à l'impression et à la publication des règlements pris par les Premières nations. L'amendement que nous proposons fera en sorte qu'il sera possible de combler ce vide à l'avenir.

En 1985, la Loi sur les Indiens a été modifiée en vue d'exempter les Premières nations de l'obligation de publier leurs règlements administratifs dans la Gazette du Canada. Selon le libellé actuel de l'article 73 du projet de loi C-25, cette exemption continuera de s'appliquer, ce qui permettra au gouvernement de réduire ses coûts administratifs, mais reconduira également le vide qui existe depuis 1985. Il n'existe pas d'autres instruments standards pour la publication des règlements des bandes. Il n'y en a toujours pas aujourd'hui, mais le besoin s'en fait de plus en plus sentir.

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Premièrement, le nombre de règlements administratifs a augmenté considérablement ces dernières années, rendant le domaine de la fiscalité des Premières nations de plus en plus complexe. À mesure qu'augmente le nombre de règlements dans le domaine fiscal, nous ressentons de plus en plus le besoin d'une source d'information standard et accessible.

Deuxièmement, il ressort des récentes décisions des tribunaux qu'il faut contester la validité des règlements si les personnes qui ont les plus grandes chances d'être touchées par ces règlements n'ont pas été avisées dans les formes et dans un délai suffisant. Cela sape l'efficacité des pouvoirs fiscaux des Premières nations.

À la commission, nous sommes très conscients de ce vide, puisque nous travaillons sur les dossiers fiscaux en étroite collaboration avec les Premières nations d'un bout à l'autre du pays. Comme chacun sait, les enjeux en matière de fiscalité sont considérables. Chose certaine, les parties qui sont touchées par les règlements des Premières nations veulent et doivent savoir quelles règles de base appliquer. Comme quiconque en pareil cas, ces gens-là doivent également savoir quand et comment ces règles sont susceptibles d'être changées et veulent savoir comment faire connaître leurs vues à ceux qui prennent les décisions.

Ce sont là des besoins normaux que partagent tous les gens d'affaires et les propriétaires de biens fonciers, mais à l'heure actuelle, il n'existe pas de système national permettant de s'assurer que ces renseignements sont disponibles et accessibles de façon fiable.

Depuis maintenant un certain nombre d'années, la CCFI examine le concept d'une gazette des Premières nations qui permettrait de combler ce vide. Nous avons fait des sondages pour évaluer le besoin d'un tel instrument et nous avons tenu de vastes consultations parmi les Premières nations qui lèvent des impôts fonciers. Nous avons constaté que le concept d'une gazette des Premières nations jouit d'un appui solide et que l'on fait généralement confiance à la CCFI pour mener ce dossier à bien. Sur la base de ces constatations, nous en sommes maintenant à l'étape de l'élaboration de maquettes, dont nous vous avons fait parvenir copie, et nous négocions des ententes pour la publication et la diffusion.

Cela m'amène au projet de loi C-25. De façon générale, l'un des éléments nouveaux du projet de loi est de donner au greffier du Conseil privé ou au gouverneur en conseil une plus grande souplesse pour décider de la façon dont les lois et les règlements doivent être portés à l'attention des gens qui risquent le plus d'être touchés. Je renvoie au paragraphe 10(3), au paragraphe 13(2) et à l'alinéa 26c)(ii).

Il en découle des solutions de rechange plus souples pour la Gazette du Canada, lorsque la situation le justifie, mais quand il s'agit des Premières nations, cette souplesse accrue n'offre aucun avantage réel, puisque cela s'applique seulement aux lois et règlements qui doivent actuellement être publiés dans la Gazette du Canada. Mais les règlements et les codes d'adhésion des Premières nations sont exemptés de cette exigence depuis 1987. Le projet de loi à l'étude ne fait que confirmer cette exemption rétroactivement, à l'article 73.

Pour appuyer la création d'une gazette des Premières nations, nous invitons le comité à envisager d'ajouter un passage au projet de loi. Nous proposons d'ajouter à l'article 10 le passage suivant:

Cet amendement permettrait au greffier, s'il choisit de le faire et dans les conditions qu'il établit, de désigner la gazette des Premières nations comme mécanisme efficace pour l'enregistrement, le préavis et la publication des règlements des Premières nations. Même si une telle gazette des Premières nations n'était pas fondée sur une loi, il ressort de nos discussions avec des fonctionnaires de la Justice qu'elle serait perçue comme une solution de rechange efficace à la Gazette du Canada.

Nos objectifs à cet égard sont tout à fait compatibles avec ceux du gouvernement, et aussi avec ceux exprimés au début de la semaine par le sous-ministre adjoint de la Justice, Mary Dawson. Nous voulons établir un système pour la publication des lois et règlements fiscaux des Premières nations qui soit à la fois transparent et facilement accessible à tous ceux qui risquent le plus d'être touchés par ces textes de loi. La gazette des Premières nations peut jouer un rôle vital et primordial dans ce processus.

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Nous croyons que le fait de donner au greffier le pouvoir de la désigner comme solution de rechange acceptable à la Gazette du Canada, comme nous le proposons dans notre amendement, aidera beaucoup à réaliser cet objectif. Cela fera de la gazette des Premières nations un outil efficace qui sera à leur disposition lorsqu'elles s'engagent dans le domaine de l'imposition foncière d'un bout à l'autre du Canada, consolident leur assise économique et multiplient leurs activités de législateurs.

Par l'amendement que nous recommandons au projet de loi C-25, nous nous tournons vers l'avenir, car nous savons que les Premières nations auront de plus en plus besoin, au cours de la prochaine décennie, d'avoir accès à l'information et au préavis. Comme vous le savez pertinemment, la genèse du projet de loi remonte à 1979, il y a 17 ans. Nous ne croyons pas pouvoir accepter d'attendre encore deux, cinq ou dix ans avant de revenir à la charge lors de l'étude d'une future loi sur les règlements ou d'éventuelles modifications à cette loi. Nous avons l'occasion d'agir dès maintenant.

Avant de passer à la période de questions portant sur notre principale préoccupation, je veux aussi vous faire part du point de vue de la CCFI sur un autre élément du projet de loi. L'alinéa proposé 86.1(3), dans sa forme actuelle, constitue une orientation fondamentalement nouvelle pour le gouvernement, dans une direction que les Premières nations n'apprécieront probablement pas. En effet, cet alinéa proposé oblige toutes les Premières nations à respecter les mêmes critères précis pour donner avis des règlements administratifs. Peut-être que cette démarche était appropriée il y a une décennie, quand la question de la non-publication dans la gazette des règlements administratifs a été soulevée pour la première fois, mais dans le climat d'aujourd'hui, alors que les Premières nations cherchent à obtenir de l'aide pour passer de la délégation de pouvoirs à des pouvoirs inhérents, cette méthode d'intervention à la pièce n'est plus viable.

Il est déjà très difficile de faire appliquer les règlements administratifs pris par les Premières nations. L'ajout d'une nouvelle norme tout à fait inflexible rendra l'exercice du pouvoir de légiférer plus difficile, en donnant à absolument n'importe qui un fondement législatif permettant de harceler les Premières nations qui donnent avis d'un règlement et qui en affichent la teneur, par exemple dans le cas d'une personne qui conduit son véhicule dans une réserve et qui enfreint un règlement de la circulation. Les Premières nations veulent respecter les normes de tout gouvernement moderne, mais elles résisteront énergiquement si on tente de les forcer à se conformer aux idées de quelqu'un d'autre quant à ce qu'il convient de faire. Elles veulent gérer leurs affaires d'une manière qui convient à leur propre situation spécifique. Si la gazette des Premières nations que nous sommes en train de lancer jette les bases d'un outil national et uniforme pour donner avis des règlements, elle le fait en invitant les gens à s'y conformer, et non pas en les forçant.

Je vous exhorte à tout simplement laisser tomber l'alinéa proposé 86.1(3), parce qu'il est incompatible avec les méthodes contemporaines et avec la propre politique du gouvernement qui vise à accroître la souplesse et à éviter de «mettre tout le monde dans le même moule». À ce sujet, j'ai eu des discussions avec des représentants du ministère qui semblent trouver notre position tout à fait acceptable. Il est bien possible que l'alinéa proposé 86.1(3) ne soit en fait qu'un vestige d'une version antérieure datant d'une dizaine d'années.

Je vous remercie encore une fois de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Je répète qu'à mon avis, cette question est tout à fait critique pour les Premières nations d'un bout à l'autre du pays. Comme je l'ai dit, et je veux réitérer ce point, quand nous avons commencé à nous lancer dans le domaine de l'imposition foncière, autour de 1990, nous avons été confrontés à une foule de problèmes émanant non seulement des Premières nations elles-mêmes, mais aussi des provinces qui s'inquiétaient de voir les Premières nations se lancer dans la réglementation fiscale, et aussi des particuliers. C'est vraiment une question qui nous préoccupe tous. Il est dans notre intérêt d'aider les Premières nations à se lancer dans ce domaine, afin que toutes les parties touchées par les règlements administratifs soient avisées dans les formes.

Merci de nous avoir consacré de votre temps.

Le président: Merci beaucoup, chef Jules.

Monsieur White.

M. White: Merci pour votre présentation, chef Jules.

Il m'apparaît clairement, après avoir entendu votre présentation, que vous y voyez une occasion en or de lancer la gazette des Premières nations, mais je me demande si cela ne pourrait pas être une arme à double tranchant. Si le statut de référence unique de la Gazette du Canada - et je me rends compte qu'il y a eu des exceptions dans le passé - doit être remplacé par une série de références éparpillées, que ce soit une gazette des Premières nations ou un autre groupe quelconque qui lancerait sa propre gazette parce qu'il s'intéresse à un domaine particulier de la loi et des règlements, cela ne compliquera-t-il pas la tâche à toute partie intéressée, y compris vous-même, lorsqu'on voudra savoir quelles lois et quels règlements sont en vigueur, s'il faut aller chercher dans une foule de gazettes différentes? Il me semble qu'il serait à coup sûr préférable que tout soit concentré au même endroit. Peu importe son nom - si vous n'aimez pas le nom Gazette du Canada, peut-être pourrait-on lui donner un autre nom - ne voyez-vous pas un danger dans cette fragmentation?

.1205

M. Jules: Je crois que c'est là que réside le problème; nous sommes exemptés actuellement. Nos règlements administratifs ne figurent pas dans la Gazette du Canada. Étant donné la situation en Colombie-Britannique, nous avons constaté qu'il a fallu changer la Loi sur les Indiens. Dans le projet de loi 64, la loi habilitante qui a permis aux Premières nations de se lancer pour la première fois dans la réglementation fiscale, il a d'abord fallu changer la Loi sur les Indiens et ensuite, parce que nous ne pouvions pas donner avis dans la Gazette du Canada, il a fallu inclure dans le projet de loi 64 une disposition par laquelle le gouvernement provincial pouvait émettre un certificat avisant les particuliers et les municipalités et les districts régionaux qu'un règlement administratif entrait en vigueur. En fin de compte, telle serait ma préférence, mais malheureusement, ce n'est pas le cas. Nous proposons donc une simple modification à la Loi sur les règlements qui, nous l'espérons, permettrait de surmonter le problème.

M. White: L'amendement me semble très intéressant. Si la fragmentation a lieu de toute façon, alors il me semble, du moins à première vue, que c'est un amendement intéressant. Mais je voudrais mettre les choses en perspective, car je ne suis pas certain de savoir pourquoi cette exemption a été accordée au départ. Était-ce à cause de pressions exercées par les bandes indiennes elles-mêmes, ou bien est-ce le gouvernement qui a insisté pour établir cette exemption? Qui a décidé de créer cette exemption?

M. Jules: Je crois savoir que le gouvernement s'inquiétait du coût et que cela faisait partie de tout un ensemble de questions à l'époque. Ce n'était pas à la demande expresse des Premières nations. En fait, j'aurais préféré que les lois et règlements, administratifs et autres, continuent d'être publiés obligatoirement dans la Gazette du Canada, mais malheureusement, tel n'est pas le cas. Nous proposons donc un amendement qui permettrait à notre avis de corriger cette lacune.

Notre intervention s'inscrit par ailleurs dans un contexte: lorsque nous avons pris nos premiers règlements administratifs, des préoccupations ont été soulevées par des particuliers membres des Premières nations visées, et aussi par les municipalités avoisinantes et les résidents des réserves qui seraient touchés par l'adoption des règlements administratifs dans le domaine fiscal, et aucun mécanisme véritable ne permettait de forcer les conseils de bande à s'assurer que des copies étaient faites et que le processus informerait vraiment la population. Voilà ce que nous visons. Nous essayons d'obtenir des Premières nations qu'elles reconnaissent qu'elles ont l'obligation d'informer toutes les parties touchées par les règlements administratifs éventuels. Malheureusement, ce n'est pas le cas de la Gazette du Canada.

M. White: Je vous félicite pour ce désir d'informer les gens. Je trouve que c'est une bonne idée. Vous l'avez énoncé très clairement, mais je voudrais m'assurer d'avoir bien compris: vous n'auriez eu aucune objection à publier dans la Gazette du Canada, c'est simplement que vous avez peut-être été entraîné dans cette situation et forcé d'agir.

M. Jules: C'est ce que j'aurais préféré, mais ce n'est pas le cas actuellement. Nous sommes confrontés à cette mesure législative que vous étudiez en ce moment.

M. White: Merci beaucoup.

M. Kirkby: Au sujet des règlements administratifs des bandes traitant de fiscalité, on pourrait dire sans risque de se tromper que chaque conseil de bande a le pouvoir d'élaborer son propre régime fiscal, qu'aucun système de fiscalité ne peut être imposé à une bande par un conseil tribal ou par une organisation provinciale. Est-ce bien cela?

M. Jules: L'article 83 de la Loi sur les Indiens est une disposition habilitante. Comme organisme consultatif en matière de fiscalité, nous avons donc établi un modèle qui peut servir de base pour l'élaboration d'un règlement administratif dans ce domaine. Les Premières nations s'en inspirent pour répondre à leurs propres besoins précis, tout en tenant compte des questions provinciales pertinentes. La fiscalité foncière diffère grandement d'un endroit à l'autre, selon qu'il s'agit de la Colombie-Britannique ou de la Nouvelle-Écosse, dont nous nous occupons en ce moment.

.1210

M. Kirkby: Chaque bande est habilitée à prendre cette décision.

M. Jules: Oui.

M. Kirkby: Et les bandes ont le pouvoir de concevoir des règlements administratifs qui leur sont exclusifs et qui correspondent à leurs besoins particuliers, n'est-ce pas?

M. Jules: Oui.

M. Kirkby: Vous parlez de faire paraître ces règlements administratifs dans une publication nationale, alors qu'ils sont purement d'intérêt local. Pourquoi est-il nécessaire de publier des règlements administratifs à l'échelle nationale, alors que quiconque s'y intéresse peut s'en procurer le texte en en faisant la demande au bureau du conseil de bande?

M. Jules: En fait, c'était justement l'une des raisons invoquées par le gouvernement pour ne pas les publier dans la Gazette du Canada. Le gouvernement disait que c'était strictement d'intérêt local. En réalité, même si les Premières nations ont le pouvoir d'élaborer des règlements administratifs qui leur sont propres, il est préférable d'examiner les précédents. Les Premières nations d'un bout à l'autre du pays peuvent prendre connaissance des règlements administratifs adoptés à Kamloops et à Tobique, par exemple, et s'en inspirer pour mettre au point leurs propres lois.

Par ailleurs, cela concerne également les gouvernements provinciaux, de même que les parties intéressées partout au Canada et quiconque paie des impôts fonciers. Cela suscite un certain intérêt d'un bout à l'autre du pays.

M. Kirkby: Si les mesures proposées par les bandes locales ont des répercussions sur les municipalités avoisinantes ou sur les résidents de leur collectivité, n'incombe-t-il pas au conseil de bande de veiller à prendre les mesures voulues? Il s'agit en fait d'une question de politique locale. La bande doit faire de son mieux pour que les parties touchées aient voix au chapitre. Ce n'est pas une obligation, mais la bande peut le faire. Il est généralement reconnu qu'il est préférable, avant de prendre un règlement quelconque, d'en parler à tous les intéressés.

Le processus de publication dans la gazette n'intervient qu'après qu'une mesure est prise et il me semble donc que cela ne règle pas le problème politique de l'élaboration ou de la mise en oeuvre du règlement dans la réserve. N'est-ce pas?

M. Jules: Vous soulevez des points valables en ce sens que le règlement administratif de Kamloops touche les gens de Kamloops, mais en même temps, les Premières nations, d'un bout à l'autre du pays, considèrent ce règlement comme un modèle et s'en inspirent pour leur propre règlement. Et puis les particuliers, les avocats, les universitaires peuvent le consulter. C'est une façon d'informer le public.

L'adoption de règlements administratifs comporte une foule d'autres avantages. Personnellement, je suis d'avis que les règlements administratifs ne sont pas nécessairement d'intérêt purement local. Ils ont des répercussions lointaines, aux quatre coins du pays.

M. Kirkby: Mais la plupart des Premières nations sont au courant de l'existence de votre organisation et savent que vous avez accès à ces règlements administratifs. Si l'une d'elles exprime le désir de prendre un règlement fiscal et vous demande de lui en faire parvenir un modèle, vous pouvez le faire, n'est-ce pas?

M. Jules: Oui, mais c'est une situation unique. Si vous examinez les règlements qui sont pris aux termes de l'article 81 de la Loi sur les Indiens, il n'y a aucune obligation...nous recevons constamment des appels téléphoniques. En fait, nous avons reçu justement cette semaine une demande de quelqu'un qui voulait obtenir copie d'un règlement sur le couvre-feu, domaine qui n'est pas de notre compétence. Nous allons essayer d'en trouver un exemple. S'il y avait eu une gazette, cette Première nation n'aurait eu qu'à consulter la gazette et aurait pu dire: Tiens, voici un règlement sur le couvre-feu que nous pourrions adapter à nos besoins particuliers.

.1215

Le président: Nous avons fait remettre à M. Groves copie de la lettre écrite par Diana Goldie, présidente de la section nationale du droit autochtone de l'Association du Barreau canadien. Si vous voulez qu'on vous laisse le temps de la lire, monsieur Groves, ou de consulter quelqu'un, n'hésitez pas, mais je voulais savoir ce que vous pensez de la mesure recommandée dans cette lettre.

M. Robert Groves (directeur, Groupe des affaires autochtones Inc.): On nous a donné une séance d'information sur la suggestion faite par la section du droit autochtone de l'ABC. Cette section n'a consulté ni la CCFI ni aucun intervenant du côté des Premières nations. Il s'agissait plutôt d'un document interne que ses membres ont rédigé et d'une demande qu'ils ont présentée.

La difficulté qui a surgi depuis deux ans que la CCFI se penche sur cette question d'une gazette des Premières nations - en fait, cette recherche pour trouver une solution et combler ce vide se poursuit depuis 1986 - est qu'il y a un vide, un manque d'accès aux textes de loi. Les électeurs n'ont pas uniformément accès à ces textes. Les non-Indiens qui sont touchés par les lois fiscales n'y ont pas accès. Les services publics touchés, disons au niveau national ou régional, n'ont pas non plus accès aux lois fiscales visant l'impôt foncier. Il y a tout un débat en cours entre le chef Jules et Paul Tellier, chef du CN, sur la question de savoir si le CN va admettre qu'il est assujetti aux lois fiscales. Je vous laisse le soin d'imaginer ce que représente à lui seul le matériel roulant.

Quoi qu'il en soit, durant les années 80, le discours était, eh bien, pourquoi ne pas ajouter une partie V, ou une partie IVA, à la Gazette du Canada, que l'on intitulerait tout simplement «gazette indienne»? C'était la position dans les années 80.

Au cours des années 90, avec le mouvement vers l'acceptation du droit inhérent, qui a maintenant été adopté et intégré à la politique fédérale, on a estimé que cette position n'était pas compatible, parce que les Premières nations adopteront de plus en plus de lois au titre de leur pouvoir inhérent, dans le cadre d'ententes, aux termes de divers traités et d'autres arrangements, à l'extérieur de la Loi sur les Indiens. Pour faciliter le passage d'un régime à l'autre, il serait rétrograde d'avoir une procédure obligatoire de publication dans la gazette. Néanmoins, il y a l'exigence de l'accès à l'information, de l'avis au public, qui est à la base de la démocratie. Je me rappelle que vers la fin des années 80, les gens citaient Caligula, qui aimait afficher ses lois en lettres minuscules tout en haut de piliers de 10 mètres de haut, «pour mieux prendre les gens au piège». Sauf erreur, telle était la citation.

Nous avons donc un problème. La gazette vise à combler le vide et à établir une pratique nationale uniforme, et le mandant de la Commission consultative de la fiscalité indienne, organisme ayant la particularité unique d'être formé des Premières nations et du gouvernement - ce n'est ni l'un ni l'autre, ce sont les deux; il fonctionne de façon indépendante par rapport aux deux entités - a réussi à trouver un créneau de légitimité et de crédibilité pour aider à rehausser la qualité des textes de loi et pour aider à donner avis des lois.

Donc, en fait, la gazette des Premières nations, avec l'amendement facultatif que nous cherchons à faire adopter, ne serait pas, du moins nous l'espérons, confrontée à des concurrents inefficaces et à d'autres normes qui émergeraient au niveau régional, etc. Au bout du compte, les Premières nations peuvent faire ce qu'elles veulent et elles feront ce qu'elles voudront, mais cela constituera un point de repère national.

Évidemment, je suppose que l'on pourrait dire que l'ABC essaie d'obtenir tous les avantages des années 80 et 90 et aucun des inconvénients. D'une part, elle dit qu'il faut forcer la Gazette du Canada à faire ce qu'elle n'a pas fait depuis 1972, c'est-à-dire enregistrer et publier tous les règlements et toutes les lois des bandes, plus établir une norme pour le texte. Elle se fonde sur l'alinéa proposé 86.1(3), lequel est lui-même fondé sur certains éléments de décisions judiciaires datant de 1987 et des années suivantes, sur les règlements administratifs relatifs aux alcools, le tout étant fondu dans un tout.

Je suppose que l'on pourrait qualifier cela d'approche idéale d'avocat, mais pas d'un avocat des Premières nations, ce n'est pas l'approche des Premières nations. C'est vraiment avoir la main lourde. C'est trop lourd et cela n'est pas compatible avec le passage du pouvoir délégué au pouvoir inhérent, alors que nous essayons de faciliter cette transition grâce à la gazette des Premières nations, en commençant par la fiscalité et en passant ensuite à d'autres domaines.

J'espère que cela répond à votre question, monsieur le président.

.1220

Le président: Votre réponse est très utile.

A-t-on d'autres questions à poser aux témoins?

Comme il n'y a pas d'autres questions, chef Jules et monsieur Groves, je vous remercie beaucoup. Votre présentation, comme je l'ai déjà dit, nous a été très utile. Vous avez soulevé des points très intéressants et je peux vous assurer que l'on en tiendra compte. Je vous remercie pour le temps que vous avez consacré à préparer votre présentation et à venir témoigner aujourd'hui devant le sous-comité. Merci beaucoup.

M. Jules: Merci.

Le président: Je demanderais aux membres du comité de rester encore un instant afin de discuter des prochaines réunions, et je demande à la greffière de nous faire son rapport sur les gens qu'elle a pressentis pour comparaître devant le comité.

La greffière du comité: La prochaine réunion est fixée au 6 novembre à 15 h 30. J'ai eu confirmation de la présence de Mme Michelle Swenarchuk, de l'Association canadienne du droit environnemental. Je n'ai pas réussi à obtenir la participation d'autres témoins ce jour-là; ils trouvent que c'est un peu trop tôt.

Pour la semaine après la pause, le 19 novembre, j'ai trois noms non confirmés, à compter de 9 heures: M. Yves Ouellet, de l'Université de Montréal, M. Ed Ratushny, de l'Université d'Ottawa, et M. Philip Anisman, avocat de Toronto qui a écrit des ouvrages sur la question. Le 20 novembre, à 15 h 30, j'ai les noms suivants: M. Roderick A. Macdonald, de l'Université McGill; et, sous réserve de confirmation, le Barreau du Québec.

Le président: Nous avons décidé que nous n'entendrions peut-être pas de témoins après la pause, mais je pense que ceux-là sont de bons témoins. Il leur faut un préavis avant de se présenter, et je propose donc de continuer d'entendre des témoins pendant la semaine qui suivra la pause, afin de pouvoir recevoir ces personnes.

Au lieu de procéder à l'étude article par article le 21 novembre, qui est un jeudi - ce serait trop tôt après avoir entendu les derniers témoins - je propose de reporter l'étude article par article au mardi suivant, si cela convient aux membres du sous-comité.

M. Kirkby: Vous voulez dire que le dernier témoignage que nous entendrons sera le mardi?

La greffière: Mercredi.

Le président: Ce sera le mercredi 20 novembre.

M. Kirkby: Nous entendrons donc des témoins le mardi et le mercredi.

Le président: Oui.

M. Kirkby: Pourquoi ne pas procéder à l'étude article par article ce jeudi-là?

Le président: Si nous le pouvons, si les membres...

[Français]

M. Lebel: Monsieur le président, nous aimerions avoir le temps d'étudier les recommandations des témoins pour ensuite présenter des amendements. Il est impensable de le faire aussi rapidement.

[Traduction]

Le président: Monsieur White, êtes-vous du même avis?

M. White: Oui, je suis d'accord.

Le président: Je pense que nous pouvons attendre quelques jours de plus. Je veux obtenir de bonnes propositions d'amendement, si possible, et je crois que cela exigera peut-être un peu de temps.

M. White: Merci, monsieur le président. J'ai une suggestion à faire au sujet des témoins.

Tom Wappel et Derek Lee ont fait savoir qu'ils étaient disposés à témoigner et ils ont une vaste expérience, ayant siégé pendant de nombreuses années au Comité mixte permanent de l'examen des règlements.

J'ai remarqué que la greffière a dit que nous n'entendrions qu'un seul témoin le 6 novembre. Il est difficile d'imaginer que M. Lee ou M. Wappel ne seraient pas disponibles ce jour-là. Pourrais-je proposer que l'on s'enquière de leur disponibilité?

Le président: Il est inhabituel que des députés comparaissent à titre de témoins, surtout lorsqu'ils siègent à un autre comité qui étudie la même question. Mais nous allons en discuter.

[Français]

M. Lebel: Il n'est pas mauvais de sortir des sentiers battus, vous savez. Je pense qu'il serait souhaitable que M. Wappel et M. Lee viennent témoigner parce que ce sont des gens qui ont une grande expérience du processus réglementaire. Je suis sûr qu'il sera intéressant d'entendre ce qu'ils ont à dire.

[Traduction]

M. DeVillers: Monsieur le président, avez-vous dit qu'ils sont membres d'un comité qui étudie le même projet de loi?

Le président: Ne tenez-vous pas des audiences sur...?

.1225

M. White: Les travaux du comité mixte permanent ne font pas partie de ce processus. Je crois comprendre que le Sénat a demandé au comité mixte permanent de se pencher sur la question, mais cela ne se fait pas au niveau des travaux parlementaires. Ce serait une occasion unique d'obtenir le point de vue d'un groupe qui est étroitement associé à la réglementation.

Le président: Avez-vous des observations, monsieur Kirkby?

M. Kirkby: Je veux seulement confirmer ce que vous avez dit, à savoir qu'il est inhabituel que des députés au Parlement témoignent, sauf à propos de projets de loi émanant des députés.

M. White: Il faut savourer l'occasion.

Le président: Nous pourrions peut-être réfléchir à la question et en discuter à la prochaine réunion.

[Français]

M. Lebel: Vous avez des experts et vous ne voulez pas les entendre.

[Traduction]

Le président: Notre prochaine réunion aura lieu mercredi après-midi, à 15 h 30.

M. White: Ce serait le moment idéal.

Le président: Je m'en remets au comité. C'est inhabituel, mais cela peut se faire.

[Français]

M. Lebel: Ce n'est pas illégal.

Le président: Oui, c'est ça.

[Traduction]

Voulez-vous entendre...

M. Kirkby: Je veux y réfléchir d'abord.

[Français]

M. Lebel: Il est aussi inhabituel que vos vrais experts en droit administratif ne siègent pas à ce sous-comité, que ce ne soit pas formalisé.

[Traduction]

Le président: Ce que nous pourrions faire, c'est en discuter mercredi après-midi et voter là-dessus. Si tel est le souhait du comité, nous entendrons ces messieurs. La question fera l'objet d'une discussion et d'un vote mercredi prochain.

La séance est levée.

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