[Enregistrement électronique]
Le mercredi 18 septembre 1996
[Traduction]
Le coprésident (M. Dupuy): Permettez-moi de déclarer la séance ouverte.
J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à nos collègues pour cette séance conjointe du sous-comité sur la LMSI et du sous-comité sur les différends commerciaux. Nous avons un après-midi chargé.
Tout d'abord, nous allons commencer par une table ronde. Nous l'avons organisée, comme convenu, ce qui explique la raison pour laquelle la disposition des places n'est pas formelle aujourd'hui. Nous n'allons pas procéder de la même façon que lorsque nous avons des témoins.
Nous prévoyons donner l'occasion aux spécialistes de faire un exposé de 10 minutes environ. Je vais les nommer sans plus attendre.
[Français]
Ensuite nous prendrons le temps, une heure si cela vous convient, pour poser des questions. Nous ferons carrément le tour de table; il n'y aura pas beaucoup de discipline.
Vous savez, chers collègues, que notre comité est privilégié puisqu'il a deux coprésidents. Je me suis entendu avec M. Duhamel pour faire la partie facile et lui laisser la partie difficile. Je me contenterai de nommer ceux qui vont vous faire leur présentation et ensuite je laisserai à notre coprésident, M. Duhamel, le soin de présider la partie échange et discussion.
Je demanderais aux membres de ce comité de ne pas oublier que nous aurons une séance à huis clos après notre table ronde. Je vous serais reconnaissant de demeurer dans la salle pour cette séance à huis clos.
[Traduction]
Permettez-moi de présenter les personnes qui ont aimablement accepté de se joindre à nous aujourd'hui pour nous aider dans notre réflexion et améliorer nos connaissances. Nous accueillons M. Klaus Stegemann, de l'Université Queen's, M. Robert Howse, de l'Université de Toronto,
[Français]
de l'École nationale d'administration publique de Montréal, Emmanuel Nyahoho; et le président de la firme Grey, Clark, Shih et associés Limitée, M. Peter Clark.
[Traduction]
Peut-être devrions-nous commencer dans cet ordre. Je vais inviter M. Stegemann, de l'Université Queen's, à prendre la parole.
M. Klaus Stegemann (professeur, Département d'économie, Université Queen's): Merci, monsieur le président.
Le comité m'a aimablement remis huit questions auxquelles j'ai répondu dans mon mémoire écrit. Je ne veux pas lire toutes mes réponses. J'aimerais me concentrer sur deux de ces questions, car je pense qu'elles se rapprochent le plus de ce que le comité aimerait et devrait examiner dans le contexte actuel de la révision ou de la modification de la LMSI.
La deuxième question, monsieur le président, se lit comme suit: «Le système actuel tient-il compte, de manière adéquate, des répercussions néfastes potentielles que peut avoir l'imposition de droits antidumping et compensateurs sur les consommateurs et sur les industries en aval?» et «Que pensez-vous de l'objectif et des procédures d'application des dispositions de la LMSI portant sur l'intérêt public?»
En réponse, j'aimerais dire qu'en pratique, le système actuel ne tient pas compte des répercussions néfastes potentielles que peut avoir l'imposition de droits antidumping et compensateurs sur les consommateurs et les industries en aval.
À mon avis, les dispositions de la LMSI portant sur l'intérêt public ont pour objet de permettre au tribunal d'examiner les répercussions néfastes potentielles que peut avoir l'imposition de droits antidumping et compensateurs sur les consommateurs et sur les producteurs en aval dans les cas où les parties adverses font valoir un argument irréfutable. Cet objet a été clairement exprimé devant le sous-comité Mackasey en 1982, ainsi que dans le rapport final de ce comité.
Toutefois, le tribunal n'a pas eu recours à cette partie de son mandat de façon significative. Je ne pense pas que ce soit les procédures qui fassent défaut. En vertu de ces dispositions, le tribunal aurait pu appuyer des recommandations relatives à une protection réduite, mais il ne l'a pas fait à cause de la volonté politique - ou du manque d'une telle volonté.
La question numéro trois est la suivante: «Selon vous, la LMSI assure-t-elle un juste équilibre entre les différents intérêts nationaux qui peuvent être impliqués ou affectés par des droits antidumping ou compensateurs?»
Je répondrai que la LMSI, telle qu'appliquée, n'assure pas un équilibre entre les différents intérêts nationaux qui peuvent être affectés par des droits antidumping ou compensateurs.
À mon avis, toute politique qui accorde une protection complète sans exception importante n'assure pas un juste équilibre, car elle est trop coûteuse pour l'économie canadienne. Les mesures antidumping éliminent les sources d'intrants importés les plus avantageuses pour les producteurs canadiens. Ils doivent utiliser des intrants plus coûteux dont l'importation d'autres sources se poursuit. Le coût élevé des intrants rend l'investissement au Canada moins attrayant pour les industries visées.
De même, les consommateurs canadiens doivent payer des prix plus élevés, parce que les mesures antidumping forcent les fournisseurs étrangers à augmenter leur prix d'exportation de façon considérable. Par considérable, je veux parler de 50 p. 100 en moyenne.
Le tribunal devrait avoir le mandat d'évaluer de tels effets néfastes, puisqu'ils peuvent contrebalancer les effets protecteurs des mesures antidumping et antisubvention.
Comment à toutes fins pratiques pourrait-on consolider les dispositions portant sur l'intérêt public?
Je crois que le Parlement pourrait renforcer le mandat du tribunal en vertu des dispositions portant sur l'intérêt public en englobant dans la LMSI une exigence relative à l'option de «droit inférieur» recommandée par les accords OMC relatifs aux mesures antidumping et antisubvention. En fait, cela donnerait au tribunal le mandat de diminuer les valeurs normales déterminées par le ministère du Revenu dans le cadre de son évaluation des droits antidumping ou compensateurs.
Le Parlement pourrait aller plus loin et forcer le tribunal à ramener les valeurs nominales au niveau de prix auquel de tels intrants sont offerts aux proches concurrents étrangers des utilisateurs canadiens d'intrants importés, ou à ce niveau de prix augmenté d'une légère marge.
En d'autres termes, le Parlement pourrait instaurer une procédure portant sur l'intérêt public, exigeant que le tribunal enquête sur la situation concurrentielle des producteurs en aval touchés, s'ils font valoir un argument, y compris le préjudice important subi par eux par suite de mesures antidumping, et parvenir à un équilibre qui serait la décision du tribunal et ne dépendrait pas de la discrétion ministérielle.
Je m'en tiendrai là pour le moment. Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Dupuy): Merci beaucoup.
M. Howse est la deuxième personne qui figure sur notre liste.
M. Robert Howse (professeur, Faculté de droit, Université de Toronto): Merci beaucoup. Je n'ai pas véritablement de mémoire écrit et, après avoir entendu les remarques de M. Stegemann, je le regrette un peu, puisque, tout d'abord, je peux commencer en souscrivant à ses réflexions sur les questions dont il a parlé. J'aimerais toutefois commencer, si vous le permettez, en partant des premiers principes afin d'expliquer les raisons pour lesquelles j'appuie ce genre de renforcement des dispositions portant sur l'intérêt public dont il a parlé.
Pourquoi avons-nous des lois qui permettent des mesures antidumping et des mesures compensatrices? Ces dernières, bien sûr, sont beaucoup moins importantes, parce que, comme nous le savons tous, les États-Unis sont aujourd'hui pratiquement le seul pays du monde à y avoir véritablement recours.
La première raison qui est souvent invoquée est celle de l'équité; il est quelque peu injuste de vendre un produit sur notre marché à un prix inférieur à celui pratiqué sur un autre marché ou sur le marché du pays d'origine.
Je ne vois pas pourquoi c'est injuste, plus injuste que la plupart des autres formes bénignes et légitimes de discrimination par les prix. Je ne pense pas que l'on puisse trouver un article économique qui défende un tel concept d'équité suggérant que cette façon de procéder est injuste, sauf peut-être si elle se rapporte à un comportement anti-concurrentiel comme la fixation de prix abusifs, laquelle doit être assujettie à des lois sur la concurrence et non pas vraiment à ce genre de mesures.
Je dirais ensuite que la raison pour laquelle nous avons de telles lois, c'est parce que d'autres pays en ont et y ont recours, même contre nous; nous devons donc en avoir également, même si en fait le Canada s'est engagé, je crois, à essayer de remplacer dans le contexte nord-américain les lois antidumping par un genre de régime supranational de concurrence.
Vaut-il la peine que nous ayons de telles lois, puisque d'autres pays en ont? Est-ce une monnaie d'échange et si nous nous en débarrassions, perdrions-nous notre pouvoir d'influencer les autres pour obtenir leur appui? Je n'en suis pas si sûr, mais c'est une raison peut-être moins hypothétique que la première, puisqu'il s'agit, en quelque sorte, de quelque chose d'intrinsèquement injuste.
La troisième raison, c'est qu'apparemment de telles lois aident ou protègent certaines industries nationales et peut-être aussi certains emplois. Il s'agit en fait ici d'une analyse coûts-avantages et cela m'amène à la question de l'intérêt public que M. Stegemann a déjà abordée.
Ce genre de lois présente-t-il des avantages pour certaines parties - les producteurs, les travailleurs - qui l'emportent sur les coûts ou inconvénients que subissent les consommateurs?
Idéalement, je pense qu'il faudrait, dans chaque cas, procéder à une analyse coûts-avantages.
Il faut, je crois, garder deux points à l'esprit. Tout d'abord, compte tenu de la mondialisation croissante de la propriété et de la propriété réciproque croissante des sociétés, protégeons-nous véritablement les industries canadiennes? Il se peut que les coûts se répercutent surtout sur les consommateurs canadiens ou sur les sociétés canadiennes qui utilisent ces intrants, mais qui protégeons-nous? Nous protégeons de plus en plus le capital mondial qui ne manifeste pas de loyauté particulière envers notre pays. Préservons-nous des emplois ou cette protection sert-elle de bouche-trou pour les sociétés qui cherchent à se restructurer et à déplacer les emplois ou l'investissement à l'étranger? Qui sait? Rien ne prouve ici que nous préservions des emplois canadiens.
La quatrième raison est reliée à la deuxième, je crois, à savoir que d'autres ont de telles lois, si bien que dans certains secteurs, elles nous permettent de mener des guerres commerciales. Je suppose que si nous n'avions pas ces lois, nous n'aurions pas l'influence nécessaire pour essayer d'arriver à un genre de règlement des différends commerciaux portant sur l'ajustement et d'autres problèmes connexes qui sont, en fait, à la base du différend en question.
Au bout du compte, mis à part les raisons de rétorsion et d'influence, je le répète, le plus logique serait de procéder à une analyse coûts-avantages; dans certains cas, les avantages d'intérêts canadiens légitimes l'emporteront sur les coûts imposés à certains autres intérêts canadiens légitimes. Pour faire cette analyse, toutefois, il faut avoir une bien meilleure disposition portant sur l'intérêt public. M. Stegemann a déjà fait mention de certains des changements possibles à cet égard.
Je pense que j'irais encore plus loin pour demander que cette analyse se fasse dans chaque cas - autrement dit, elle ne serait pas facultative; le tribunal doit procéder à l'analyse et donner les raisons qui l'amènent à conclure que l'intérêt public justifie l'imposition de droits dans tel ou tel cas. Je ne pense pas que nous puissions dépendre de l'intervention d'autres intérêts; c'est très coûteux. Certains de ces intérêts, comme les consommateurs, sont extrêmement éparpillés et n'ont pas beaucoup d'argent, tandis que les intérêts de l'autre côté de la table sont non seulement concentrés et ont de gros enjeux financiers, mais reçoivent également des subventions de la part du gouvernement, de la population, ce qu'il ne faut pas oublier. En fait, cette mesure - l'enquête - est en grande partie financée à même le trésor public.
Le coprésident (M. Dupuy): Merci beaucoup, monsieur Howse.
J'invite maintenant M. Nyahoho à faire sa déclaration.
[Français]
Monsieur Nyahoho, je vous en prie.
M. Emmanuel Nyahoho (professeur d'économie internationale, École nationale d'administration publique, Montréal): Merci, monsieur le président.
Je tiens tout d'abord à remercier le comité de m'avoir invité à participer à cette table ronde.
Vous nous avez remis une liste de huit questions. Il aurait sans doute été utile d'aborder chacune de ces questions, mais j'ai choisi plutôt de m'attarder sur la problématique particulière de la question du dumping.
En effet, la question des droits antidumping et compensatoires nous renvoie immanquablement à la notion même du dumping. Ma présentation d'aujourd'hui portera sur trois points.
En premier lieu, j'examinerai un peu la problématique du dumping; dans un deuxième temps, je me pencherai sur ce qui, à mon avis, constitue le noeud même du sujet, c'est-à-dire la pratique de cette loi; et puis je terminerai en vous faisant part de certaines considérations pratiques.
Tout d'abord, le dumping est-il une réalité ou une illusion? Qu'est-ce que le dumping? J'ai parcouru la loi, qui nous dit que c'est le fait de vendre des marchandises sous-évaluées. Qu'est-ce que la valeur normale d'une marchandise? Les articles 15 à 23, 29 et 30 de la loi apportent des précisions sur la valeur normale d'une marchandise. Mais à la lecture de cette loi, on s'aperçoit très vite que ce n'est pas assez informatif; on y retrouve des prohibitions, des exceptions, voire même des termes conditionnels qui se suivent inlassablement.
J'en conclus que l'on ne peut pas se faire une idée assez claire de ce qu'est la valeur normale des marchandises en lisant la Loi sur les mesures spéciales d'importation.
Je porte tout particulièrement à votre attention l'article 17. En lisant cet article, on n'a pas d'idée de ce qu'est une valeur normale. On parle de marchandises similaires, lesquelles sont définies à l'article 18, avec des nuances, du choix du sous-ministre qui reste à faire et des conditions stipulées dans l'article 16 qui précède et dans l'article 30 qui suit un peu plus loin.
Bref, je considère que le terrain est fertile pour des démêlés juridiques où les plus habiles sauront se tirer d'affaire. En réalité, toute opération visant à définir le dumping mène à une impasse.
Du point de vue théorique, on peut distinguer trois formes de dumping: le dumping persistant, le dumping sporadique et le dumping prédateur. Le dumping persistant reflète les caractéristiques particulières des marchés; c'est-à-dire que les caractéristiques des prix du marché étranger sont fondamentalement différentes de celles du marché domestique. Pour sa part, le dumping sporadique résulte d'une surcapacité de production temporaire.
Le concept de dumping fait immanquablement référence au dumping prédateur, c'est-à-dire une stratégie de pénétration de marché par une baisse des prix en vue de prendre la part du marché. Les études théoriques faites sur le sujet concluent que l'efficacité du dumping prédateur comme stratégie de mise en marché n'est pas clairement établie.
Je reviens à la pratique du dumping et à l'antisubvention. Je considère qu'à toutes fins pratiques, c'est une épreuve de force. Des statistiques sont maintenant disponibles sur les actions antidumping et les mesures compensatoires prises par divers pays, lesquelles sont largement compensées par le FMI et la Banque mondiale.
Je me suis penché sur ces statistiques et j'ai constaté que les actions antidumping et antisubventions sont largement concentrées dans des industries particulières dont la sidérurgie, le textile pur, l'électromécanique, les produits chimiques et l'automobile, toutes émanant de secteurs aux prises avec une vive concurrence.
J'en conclus que la pratique du dumping se retrouve justement dans les entreprises ou industries qui ont de la difficulté à soutenir la concurrence étrangère.
En examinant attentivement les mesures prises par le Canada, on constate qu'elles sont majoritairement dirigées contre les pays asiatiques, des pays dont le niveau salarial est relativement bas, la CEE et les États-Unis, et qu'elles sont également concentrées dans certaines industries, dont les métaux primaires, la fabrication diverse, le textile et les vêtements.
J'ai examiné de façon plus approfondie le rapport du Tribunal canadien du commerce extérieur sur l'utilisation du dumping pour connaître le véritable impact de ces mesures. Selon le rapport, de 1980 à 1990, les mesures antidumping ont touché environ 0,6 p. 100 des emplois du secteur manufacturier, soit 11 000 emplois, et 1 p. 100 des expéditions manufacturières, lesquelles tendent par ailleurs à diminuer.
Que révèlent ces chiffres? En termes absolus, ils sont importants, alors qu'en termes relatifs, ils sont négligeables. Le Tribunal nous prévient que son analyse ne tient pas compte des différents niveaux des droits antidumping ni des changements qui se produisent dans les schémas d'importation.
Mon argument essentiel repose sur le fait que l'analyse du Tribunal ne tient pas compte des répercussions de la protection d'autres industries ni des effets néfastes sur le consommateur. Même si les chiffres sont importants, on en revient à l'analogie des tarifs douaniers qui se traduisent par des revenus pour le gouvernement. Ce n'est pas une raison de plus pour les maintenir.
Quelle conclusion doit-on tirer de la pratique des mesures antidumping? Aucune loi ne saurait fournir une définition satisfaisante, et tout effort en ce sens ferait place à diverses interprétations.
Par ailleurs, il ressort de plus en plus clairement que les actions antidumping et antisubventions sont utilisées, comme je le précisais plus tôt, comme un outil protectionniste. Ce qui est le plus embarrassant, c'est que jusqu'ici, la mesure n'est pas favorable aux droits antidumping et antisubventions et ne s'avère guère convaincante, puisque l'approche utilisée néglige de tenir compte de facteurs plus pertinents.
Curieusement, aucun économiste respectable ne s'élève contre le phénomène de discrimination des prix pratiqué par des entreprises nationales sur le marché local. Faudrait-il abroger la Loi sur les mesures spéciales d'importation? Idéalement, la réponse serait affirmative.
Mais, comme le professeur Howse vient de l'expliquer - et je partage entièrement son argumentation - , nous vivons dans un monde où des pays s'empressent d'utiliser ces mesures au moindres signaux de leur perte de compétitivité.
Je suis donc favorable au maintien de la loi, mais à la condition qu'on simplifie le processus d'enquête et qu'on donne un plus grand rôle au Tribunal canadien du commerce extérieur. Les premières enquêtes, plutôt que d'être effectuées par Revenu Canada, le seraient par le Tribunal canadien du commerce extérieur, qui déterminerait si effectivement il y a matière à enquête. Ainsi, le Tribunal prendra des décisions définitives et non pas provisoires, quitte à ce que Revenu Canada mette en pratique les décisions prises par le Tribunal.
Je vous ai exprimé mes considérations et vous invite à poser vos questions.
Le coprésident (M. Dupuy): Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Je cède maintenant la parole à M. Peter Clark.
M. Peter Clark (président, Grey, Clark, Shih et associés, Limitée): Je vais aborder le problème sous un angle assez différent. J'ai fait mes études en économie et j'ai travaillé dans l'administration des douanes, dans le domaine du dumping, si bien que je sais qu'au plan économique, il est impossible de défendre les mesures antidumping. Il s'agit de mesures politiques qui visent à protéger les travailleurs et les sociétés sur un marché national contre des pratiques qu'il faut condamner dans la mesure où elles causent un préjudice aux producteurs locaux. Je pense qu'il faut comprendre que tel en est l'objet.
Nous vivons aujourd'hui une situation fort intéressante, messieurs les coprésidents et membres du comité, car tout le monde met sur pied des systèmes antidumping. Plus de 60 pays s'en sont dotés. Il est probable que 50 d'entre eux auraient pu s'en abstenir, car ils ne sauront jamais comment les administrer. Ces systèmes sont extrêmement complexes, comme on vous l'a déjà expliqué.
Pour résumer les choses, comme tout praticien, vous comparez la valeur normale du prix net des produits à l'usine que vous vendez sur le marché national au prix des produits que vous exportez. Vous en arrivez alors à tous ces règlements, exceptions et suppositions contradictoires que vous trouvez dans la loi. Les comptables et les avocats se disputent l'application des lois. Elles sont maintenant devenues presque complètement incompréhensibles.
Si les codes émanant de Genève appuient ce genre d'activités, c'est parce que personne ne les comprend. Aucun haut fonctionnaire qui se respecte, qui comprend la politique et la diplomatie commerciale, ne va à ces réunions. Il n'y a plus de choix possible. Ces gens décident des règles qui leur conviennent.
Si vous vous demandez pourquoi aucune de ces décisions scandaleuses n'est contestée devant l'OMC, c'est parce que les gens savent qu'ils s'exposent à la critique. Ils ne les contestent donc pas et édifient un système où les abus se multiplient année après année.
J'aimerais vous faire comprendre qu'il n'y a pas de bon système antidumping. Tous sont mauvais, certains pires que d'autres.
La situation du Canada est unique en son genre. Parce que notre économie est relativement petite, notre structure peu importante, nous sommes très vulnérables au dumping des excédents étrangers. Soit dit en passant, je crois que dans son livre de 1926, Viner, énumère sept ou neuf raisons ou motifs de dumping. Vous avez abordé les raisons fondamentales, mais il y en a plusieurs autres. Vous pouvez trouver des explications intéressantes dans l'étude que j'ai préparée pour le ministère des Finances, qui est l'un des documents de travail rédigé pour cette séance, ainsi qu'à la lecture des propos qu'a tenus Andrew Carnegie devant le Sénat américain au début des années 1900 au sujet de la pratique du fonctionnement continu, c'est-à-dire de l'exploitation constante des usines. C'est une chose à faire au Canada où l'on se contente de 3 p. 100 du marché américain, tandis que sur le marché des États-Unis, 10 p. 100 de la production de certaines industries correspond à l'ensemble du marché canadien. Il y a donc une disparité en matière de taille dont il faut tenir compte, lorsque l'on aborde ces questions.
Je ne crois pas vraiment que l'on puisse laisser le Canada sans défense face à la concurrence préjudiciable. Ce qui compte, actuellement, c'est l'investissement; si vous ne disposez pas d'une protection à peu près équivalente contre des pratiques injustes et préjudiciables, l'investissement se fera dans les pays où une telle protection est prévue.
Notre situation est véritablement exacerbée et c'est une question importante qu'il vaut la peine d'examiner, vis-à-vis les états des États-Unis qui ont beaucoup d'argent et sont parfaitement disposés à accorder des subventions pour obtenir des usines, des emplacements ou des emplois. Il ne s'agit pas de subventions d'exportation, mais de subventions d'importation. C'est un problème très grave. On peut maintenant le régler en invoquant les dispositions de préjudice grave qui se trouvent dans le code des subventions du GATT, mais ce n'est pas facile. C'est très difficile et comment des sociétés particulières peuvent-elles régler ces questions?
Je suis d'accord avec M. Stegemann, lorsqu'il dit que la loi, telle qu'elle est appliquée maintenant, ne prête pas suffisamment attention aux besoins des consommateurs, notamment aux besoins des acheteurs industriels. Toute loi antidumping devrait avoir pour objet l'élimination des préjudices. Trop souvent, nous envisageons la question sous l'angle de l'élimination du dumping, même si peut-être une élimination partielle du dumping éliminerait le préjudice.
Je suis donc certainement en faveur de l'introduction d'une règle relative au droit inférieur dans la loi. Je suis en faveur de du renforcement des dispositions portant sur l'intérêt public.
Bon nombre de nos problèmes datent de l'époque où le Canada faisait oeuvre de pionnier en matière d'antidumping, soit en 1904, lorsque M. Fleming, ministre des Finances, a déclaré à la Chambre que le dumping - ou l'abattage, comme il l'appelait à cette époque, - était un mal qu'il fallait éliminer. Le dumping a toujours été qualifié de mal. Si vous lisez les décisions du tribunal, vous verrez que souvent il est question du méfait que la loi vise à éliminer. Certains pensent que cette loi a pour objet de protéger l'industrie nationale du dumping. Tel n'est pas le cas; elle a pour objet de protéger l'industrie nationale du préjudice. Lorsque nous arriverons au point où nous limiterons la protection contre le préjudice qui a été causé, nous serons en meilleure posture en ce qui concerne notre structure industrielle.
Ce n'est pas chose facile. Revenu Canada a un travail très difficile à faire, comme vous l'avez dit, puisque c'est à ce ministère de décider s'il y a dumping ou non. Je ne crois pas que demander au tribunal de décider s'il y a dumping ou non faciliterait les choses. Je pense, par contre, que nous nous en tirerions beaucoup mieux si nous demandions au tribunal de procéder à l'examen préliminaire du préjudice, comme cela se fait aux États-Unis. Si le groupe chargé d'examiner l'intérêt public était différent de celui qui arrive à la conclusion de préjudice, l'intérêt public serait peut-être mieux sauvegardé.
Pour en revenir à la protection qui dépasse celle dont on aurait besoin pour éliminer le préjudice, je dirais que c'est une aubaine. À mon avis, cela revient à imposer une taxe sans que le Parlement ne s'en rende vraiment compte. Comme je crois que le Parlement est l'entité qui, au bout du compte, décide des taxes, nous devrions admettre que cette protection excessive est une taxe et que le Parlement devrait l'envisager de la même façon qu'une taxe.
J'ai probablement dépassé les dix minutes qui m'ont été allouées, monsieur le président, et parlé beaucoup trop rapidement pour les interprètes auprès de qui je m'excuse mais j'ai fait du mieux que je pouvais en dix minutes. Je vous remercie.
Le coprésident (M. Dupuy): Merci beaucoup, monsieur Clark.
Ron, vous avez la parole.
[Français]
Le coprésident (M. Duhamel): Merci, Monsieur Dupuy.
C'est maintenant à moi de continuer la réunion.
[Traduction]
Je tiens tout d'abord à remercier chacun d'entre vous pour sa présentation. Vous avez réussi l'exploit de respecter les délais qu'on vous a demandé de respecter. C'est sans doute une première sur la colline du Parlement.
Le moment est maintenant venu, pour les parlementaires ou les conférenciers invités, de contester ou d'étoffer certains des points qui ont été présentés. Nous pouvons donc commencer.
Qui sera le premier à soulever un point? Je vais procéder dans l'ordre. Bill.
M. Graham (Rosedale): J'aimerais joindre mes remerciements aux vôtres. J'estime que nos conférenciers ont réussi à préciser très succinctement de nombreux points essentiels qu'il importe de comprendre dans l'étude très longue et technique et aussi extrêmement importante qu'entreprend le comité.
J'aimerais pouvais poser une question générale à l'ensemble du groupe invité, puis quelques questions particulières à certains d'entre eux.
Ma question générale porte sur le fait qu'aucun d'entre eux ne s'est penché en particulier sur la situation dans laquelle nous nous trouvons à cause de l'ALENA. J'aimerais savoir par ailleurs si un régime différent s'impose. Nous savons qu'il a été question de devoir remplacer certains droits antidumping par une politique de concurrence dans le contexte de l'ALENA. Est-ce, selon eux, une probabilité? Nous reconnaissons qu'il s'agit d'un marché intégré mais il l'est davantage à ce niveau. Ce serait ma première question générale.
En ce qui concerne mes questions particulières, le professeur Howse a laissé entendre que les États-Unis étaient le principal pays à recourir aux droits antidumping, mais d'après ce que je crois comprendre...
M. Howse: Il s'agit de droits compensateurs. Désolé.
M. Graham: Droits compensateurs, d'accord. Cela a plus de sens. L'Union européenne, d'après ce que je comprends, a maintenant recours à l'antidumping. Mes entretiens avec des représentants d'autres pays me portent à croire que tout le monde envisage d'adopter ces procédures.
Cela répond donc à ma question. Ma dernière question s'adresse à M. Clark.
Sur le plan politique, comme vous l'avez indiqué assez succinctement, c'est une pratique que les économistes condamnent en général mais dont on reconnaît la dimension politique. Dans notre pays, quelles sont les conséquences régionales de cette dimension politique? Est-ce que les perceptions diffèrent d'une région à l'autre quant à la façon dont les droits antidumping et compensateurs sont appliqués?
Je m'arrêterai peut-être ici car ce sont des questions d'une grande portée.
M. Clark: La loi antidumping, en matière de protection, ne présente que très peu d'intérêt pour les régions situées aux extrémités du pays. C'est une mesure qui profite principalement à l'Ontario et au Québec. Il est possible qu'il existe d'autres cas où... Cela présente parfois certains avantages, par exemple, pour les produits agricoles en Saskatchewan ou en Alberta.
La crainte souvent exprimée, c'est que, par exemple, certaines entreprises de Colombie-Britannique qui dépendent énormément du commerce avec la côte Ouest des États-Unis et les pays asiatiques se trouvent mêlées à des enquêtes qui sont en fait déclenchées par les facteurs et la concurrence qui existent dans les régions centrales du Canada, et se voient également évincées du marché. Revenu Canada a récemment rendu une décision qui prive un certain nombre d'importateurs de leur capacité d'importer à cause de l'application de droits punitifs pour non-coopération. Lors de l'enquête originale, six d'entre eux provenaient de la Colombie-Britannique. Nous savons que ce ne sont pas les gens de la Colombie-Britannique qui étaient visés par ceux qui ont coopéré à l'enquête. Ils n'ont donc aucun accès aux importations d'un certain nombre de pays ou des États-Unis.
En Colombie-Britannique, il y a eu certains cas concernant le marché régional. Certains d'entre eux ont été particulièrement difficiles à régler, car en raison des règles prévues pour protéger les régions contre le préjudice, que nous avons d'ailleurs voulu sévères par crainte que les États-Unis nous fassent la même chose, il est désormais très difficile d'assurer une protection suffisante contre le préjudice aux industries régionales du Canada.
Je pense que la plupart des craintes viendront de l'Ouest du Canada. Ce genre de problèmes se pose très rarement dans la région atlantique du Canada.
Le coprésident (M. Duhamel): La première question posée par M. Graham.
Monsieur Howse.
M. Howse: Je dois avouer que je doute fort qu'il soit possible de s'acheminer vers une loi nord-américaine sur la concurrence ou vers une solution qui remplacerait les régimes antidumping nationaux par une politique de concurrence commune ou une instance de concurrence commune. Je tiens à ajouter que c'est l'une des raisons pour laquelle je me suis opposé à l'ALE. J'estime qu'il est impossible de régler ces questions sur une base bilatérale ou trilatérale lorsque l'un des partenaires sont les États-Unis. Si vous examinez leur attitude envers la souveraineté et le fait qu'ils n'acceptent même pas les décisions rendues par des groupes spéciaux binationaux, il est tout à fait impossible d'envisager le passage à une forme quelconque d'instance de concurrence commune de type européen.
En fait, j'estime qu'il est irréaliste de croire que le processus d'intégration nord-américain ou l'ALENA offrira cette possibilité. Je suis de plus en plus porté à croire qu'il est préférable que nous portions les différends qui nous opposent aux Américains devant l'OMC plutôt que devant les groupes spéciaux prévus par l'ALENA car, à mon avis, en raison des enjeux mondiaux, les Américains hésiteront beaucoup plus à ne pas respecter les décisions de ce type d'institution que celles rendues par un groupe spécial chargé de l'application du chapitre 19 de l'ALENA. C'est une perspective assez sombre mais, comme je l'ai déjà dit, il n'aurait jamais fallu nous en remettre uniquement à un mécanisme régional.
Le coprésident (M. Duhamel): Je vous remercie.
Y a-t-il une brève réaction à ce commentaire? J'ai trois personnes qui souhaitent prendre la parole.
M. Stegemann: Monsieur le président, j'aimerais répondre à ce commentaire.
Tout d'abord - mon point de départ est peut-être différent - je crois en l'ALENA. J'estime que nous en avons besoin et que nous ne pouvons pas nous permettre de l'abandonner; mais cela sous-entend également que nous avons très peu d'influence lorsque les États-Unis refusent de faire des concessions en ce qui concerne le régime antidumping.
J'estime qu'il existe une autre solution de rechange. M. Howse a proposé de les amener devant l'OMC. Je propose plutôt de travailler à l'échelle multilatérale pour tâcher de trouver une coalition qui permettra de réformer le régime antidumping dans l'ensemble des pays représentés par l'OMC. Quant à l'aspect bilatéral, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup...
Le coprésident (M. Duhamel): Que voulez-vous dire par «coalition»? Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions?
M. Stegemann: Le Canada travaille traditionnellement par l'intermédiaire des bureaux de Genève - l'OMC maintenant, le GATT à l'époque - et je pense qu'il existe d'autres pays qui n'aiment pas les systèmes antidumping même si nombre d'entre eux les ont adoptés, ce qui est une tendance très dangereuse car une fois que ces systèmes seront adoptés par de nombreux pays, ils seront bien implantés et il sera alors plus difficile de faire marche arrière.
J'estime que la solution de rechange consiste pour le Canada à travailler à l'échelle multilatérale pour tâcher de trouver des pays de même opinion afin, lors de la prochaine série de négociations, d'appuyer une proposition visant à réformer ou à remplacer les mesures antidumping par des mesures de concurrence.
Les Américains aimeraient avoir des règles internationales en matière de concurrence. Ce pourrait être l'occasion à saisir.
Le coprésident (M. Duhamel): Je vous remercie.
C'est maintenant au tour de M. Clark. Je céderai ensuite la parole à M. Grubel qui attend patiemment son tour.
M. Clark: Je vous remercie.
Pour ce qui est de savoir s'il vaut mieux faire appel à l'ALENA ou à l'OMC, si vous faites appel à l'ALENA, il s'agit de faire appliquer la loi et si vous faites appel à l'OMC, il s'agit de faire appliquer le code. Il ne faut pas non plus oublier que près d'une centaine de pays ont participé à l'élaboration de ce code, au prix de nombreux compromis, ce qui laisse la porte ouverte à bien des échappatoires.
Pour obtenir un redressement immédiat, il est préférable de continuer à faire appel aux groupes spéciaux de l'ALENA. Je ne dis pas cela simplement parce que j'en fais partie, mais...
Le coprésident (M. Duhamel): Je constate que l'entente règne.
Monsieur Nyahoho, sur ce même point, avant que je passe à M. Grubel.
[Français]
M. Nyahoho: Les articles 1906 et 1907, repris plus tard par l'article 1907.2 de l'ALENA, prévoient qu'un groupe de travail doit développer un système harmonisé de règles concernant les subventions et les pratiques déloyales dans les pratiques de dumping.
Il est très difficile d'en arriver à un système harmonisé avec les États-Unis, pour la simple raison que les contraintes politiques et leur système constitutionnel sont tout à fait différents. Il est très peu probable que nous en arrivions à un système harmonisé au chapitre des pratiques déloyales.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci.
[Traduction]
Monsieur Grubel.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je suis désolé mais je dois partir dans une dizaine de minutes. Je tiens donc à remercier brièvement tous ces spécialistes qui ont comparu devant nous.
Je vous ai écouté attentivement et je suis un peu déçu de vous entendre dire d'un côté que ce programme d'antidumping et de subventionnement n'est pas dans l'intérêt du Canada et qu'il s'agit de manoeuvres politiques destinées à permettre aux politiciens d'acheter les électeurs, particulièrement aux États-Unis. De l'autre côté, vous dites que nous devrions le conserver. Cela me semble illogique.
Laissez-moi simplement essayer de vous expliquer pourquoi j'estime que cela n'est peut-être pas une mauvaise idée.
D'après mon sondage qui est loin d'être scientifique, l'opinion publique considère que nous avons besoin de lois antidumping pour empêcher les étrangers de venir inonder nos marchés de leurs produits et d'évincer nos producteurs. Une fois les producteurs évincés, les étrangers augmenteront leur prix et la situation des Canadiens sera pire car il n'y aura plus de concurrence intérieure.
Je pense que c'est une idée fausse de la part du public et qu'il faut y remédier. Elle était probablement justifiée en 1904 lorsque nous avons mis ce programme sur pied et cela peut même avoir été vrai à l'époque où Viner a écrit son célèbre ouvrage mais cela n'est sûrement pas le cas aujourd'hui.
Les produits uniques n'existent plus, c'est-à-dire les produits sans substituts proches. Par conséquent, lorsqu'une entreprise essaie de baisser ses prix pour évincer ses concurrents, c'est le consommateur qui, entre-temps, en profite. Mais lorsqu'une entreprise veut ensuite passer à l'étape suivante et augmenter ses prix, le marché sera tellement inondé de produits de substitution provenant de partout ailleurs dans le monde que cela ne fonctionnera tout simplement pas.
Il suffit de penser au cas de Volkswagen qui a essayé d'évincer les producteurs automobiles canadiens en subventionnant à fond ses voitures et en les vendant à des prix beaucoup plus bas, dans l'espoir de pouvoir par la suite augmenter ses prix et récupérer toutes les subventions versées. Voyons donc. Cela n'est pas réaliste. Le Japon, les Américains et nos producteurs canadiens se feraient un plaisir de vendre leurs voitures moins cher qu'eux. Ils n'arriveront jamais à rentrer dans leurs frais. Où est le mal?
Je crois en fait que la raison pour laquelle nous n'arrivons pas à établir qu'il y a eu dommages ou dumping selon la définition traditionnelle, c'est qu'en général ces mesures sont prises non pas pour des raisons économiques mais parce que l'industrie considère plus rentable d'investir dans une poignée d'avocats que d'exercer une concurrence sur le marché.
J'aimerais avoir votre réaction à cette déclaration quelque peu choquante.
Le coprésident (M. Duhamel): Je crois qu'il y aura des réactions.
M. Clark: J'aimerais beaucoup que vous veniez parler à certains de mes clients pour leur dire que mes honoraires sont auto-amortissables et justifiables.
J'estime effectivement que le Canada a besoin d'une certaine forme de protection antidumping et d'une protection contre le subventionnement que je qualifierais de conviviale envers les importateurs. Il suffit d'éliminer le préjudice.
Je suis également d'accord avec vous lorsque vous dites que les prix n'augmenteront pas. Cela ne s'est jamais vraiment produit. Cette situation n'a été documentée que dans de très rares cas comme ceux qui se trouvent exposés dans le rapport du Sénat américain en 1919.
Il y aura donc de la concurrence. C'est une menace qui se dessine, effectivement. Le problème, c'est que ceux qui ont perdu leur emploi à cause du dumping ne peuvent se permettre d'acheter ces produits même à des prix avantageux. C'est l'élément politique.
M. Grubel: Mais pouvez-vous imaginer si cela existait dans le commerce entre les provinces ou dans le commerce entre les états des États-Unis? Il n'y aurait pas de commerce international. Combien de fois les entreprises pour des raisons de concurrence vendent-elles temporairement leurs produits à des prix plus bas qu'elles les vendent ailleurs? Pourquoi s'agit-il d'une forme illégitime de concurrence? Nous savons qu'au bout du compte la concurrence profite aux consommateurs et aux travailleurs qui sont aussi des consommateurs.
Le coprésident (M. Duhamel): Avant de passer aux deux autres messieurs qui veulent donner leur point de vue, je crois que M. Campbell veut apporter un éclaircissement.
M. Campbell (St. Paul's): Je vous remercie, monsieur le président. Je veux simplement apporter un éclaircissement. Je pense que M. Grubel fait erreur, et dans l'affirmative, nos spécialistes pourront peut-être nous expliquer pourquoi. Je crois qu'aux États-Unis et au Canada, cette situation n'est pas tolérée. Il existe des dispositions qui s'opposent au bradage des prix ou au dumping prédateur, c'est-à-dire les lois anti-trust des États-Unis et les lois sur la concurrence du Canada. Cette situation est donc exclue entre les États et entre les provinces.
Je me demande si nos spécialistes ont des commentaires à faire.
M. Grubel: J'aimerais répondre rapidement à cette observation. Une toute petite seconde, s'il vous plaît car je dois me sauver. Je suis désolé.
Cela s'appuie sur une théorie de la concurrence et le besoin de lois anti-trust qui, au cours des 20 ou 30 dernières années, ont été complètement discrédités.
M. Campbell: Mon intention n'est pas de débattre du bien-fondé de ces lois ou non. Je m'objecte simplement au fait que vous laissiez entendre qu'il n'existe aucune loi nationale entre les États ou entre les provinces qui traite de ce même problème.
M. Grubel: Je comprends.
M. Campbell: Je voulais simplement dissiper la confusion.
Le coprésident (M. Duhamel): Des éclaircissements ont été apportés. Poursuivons.
Monsieur Howse.
M. Howse: J'aimerais peut-être dissiper un malentendu. Je ne crois pas avoir en fait déclaré que nous ayons besoin de cette loi. J'ai exposé un certain nombre de raisons qui pourraient justifier l'existence de cette loi et j'ai exprimé de sérieux doutes à propos de certaines d'entre elles et peut-être des doutes un peu moins sérieux à propos d'autres.
En fait, je conviens, et c'est un argument que j'ai exposé dans divers documents et ouvrages que j'ai rédigés seul ou avec d'autres, que tout compte fait, il serait sans doute préférable pour tout le monde que ce genre de mesure n'existe pas. L'argument qui militerait sans doute le plus en faveur de cette mesure serait celui des représailles. En vertu du régime prévu par le GATT et l'OMC, c'est l'un des rares moyens à notre disposition pour exercer des représailles contre ceux qui nous font la même chose. Je laisserai aux spécialistes en théorie de la négociation le soin de vous indiquer si au bout du compte nous sommes plus susceptibles d'obtenir une solution mutuellement satisfaisante en exerçant des représailles et en leur rendant la monnaie de leur pièce qu'en agissant comme il faut. Je ne me prononcerai pas à ce sujet mais je dirais que c'est probablement la seule justification possible.
Pour ce qui est du bradage des prix, mon collègue Michael Trebilcock et certaines autres personnes ont fait des études afin d'examiner des cas de dumping en fonction des critères de bradage des prix prévus par la Loi sur la concurrence. Ils n'ont constaté pratiquement aucun cas de dumping où des droits avaient été imposés, pouvant s'expliquer par le bradage des prix. Donc, si nous voulions adopter le bradage des prix comme critère, nous nous trouverions essentiellement à abolir les mesures antidumping.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Stegemann.
M. Stegemann: Monsieur le président, j'aimerais appuyer ce que M. Howse vient de dire à propos du bradage des prix et de la Loi sur la concurrence. Je ne sais pas si vous prévoyez convoquer des représentants du Bureau de la politique de la concurrence mais ils vous expliqueraient sans doute que le Canada possède une telle loi mais qu'elle est rarement appliquée car il y très peu de cas qui correspondent aux critères prévus par la loi puisque le bradage des prix est un phénomène très rare à l'heure actuelle. Comme M. Howse l'a dit, c'est encore plus rare sur les marchés internationaux.
Je pense que les spécialistes ici présents seraient satisfaits si le comité décidait de proposer d'utiliser les critères prévus par le droit interne et également par la loi antidumping. Il n'y aurait pas de cas d'antidumping. Je peux vous le garantir.
Si le tribunal faisait la même enquête que le Bureau de la politique de la concurrence pour établir s'il y a bradage des prix, il constaterait qu'aucun de ces cas n'est fondé.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur St. Denis, je crois que vous vouliez faire une remarque.
M. St. Denis (Algoma): Oui. Je crois, monsieur le président...
Le coprésident (M. Duhamel): Vous voulez traiter du même point?
M. St. Denis: Non, j'ai une question différente. Ainsi si vous voulez continuer à discuter du même point...
Le coprésident (M. Duhamel): D'accord. C'est bien possible.
[Français]
Monsieur Sauvageau, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Sauvageau (Terrebonne): Non, j'ai une question. Est-ce à mon tour?
Le coprésident (M. Duhamel): Oui.
M. Sauvageau: Je vous remercie tous de nous éclairer un peu sur ce sujet d'ordre très technique. Je vous avoue ne pas être un expert dans ce domaine.
Nous connaissons tous bien l'Université Queen's, l'Université de Toronto et l'ENAP, mais j'avoue mon ignorance quant à la firme Grey, Clark, Shih et associés Limitée. J'adresserai donc ma première question à M. Clark en lui demandant de me décrire sa firme.
Ma deuxième question est un peu plus générale. On parle plus précisément de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Les intervenants qui ont fait des présentations pourraient-ils nous expliquer de quelle façon on pourrait simplifier le processus d'enquête lorsqu'une compagnie émet une plainte en vertu de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, de manière, d'une part, que notre processus soit un petit peu plus semblable ou réciproque à celui des Américains et, d'autre part, que la réponse vienne un peu plus rapidement et que les entreprises dépensent moins de millions?
Le sous-comité pourrait-il apporter des propositions concrètes pour modifier la Loi sur les mesures spéciales d'importation en vue de faciliter sa mise en application par les entreprises et de diminuer les coûts qu'elles subissent?
Le coprésident (M. Duhamel): Vous posiez deux questions. J'aimerais ajouter un bref commentaire avant de céder la parole à M. Clark, qui répondra à la question que vous lui adressiez.
Je voudrais simplement signaler que M. Clark nous avait été recommandé par plusieurs gens du domaine académique, qui disaient qu'il était une personne très très connaissante.
M. Sauvageau: Je posais cette question sans préjugé aucun.
Le coprésident (M. Duhamel): Je voulais simplement partager ce renseignement avec vous, cher collègue. Monsieur Clark.
[Traduction]
M. Clark: Je peux peut-être vous aider un peu. Le greffier du comité a mon curriculum vitae, mais j'ajouterais peut-être que M. Grey dont le nom figure sur notre papier à correspondance officielle est le monsieur qui a présenté le livre blanc sur les procédures antidumping au comité parlementaire en 1968, alors qu'il était sous-ministre adjoint des finances. À cette époque, je me suis joint à lui après avoir effectué à Revenu Canada des enquêtes relatives au dumping aux termes de la loi précédente. J'ai participé à ce travail. J'ai fait partie de l'équipe de négociateurs commerciaux jusqu'en 1979, année où j'ai quitté le gouvernement pour créer ma propre entreprise. En tant que praticien, j'ai témoigné pendant un certain temps devant des conseils et des tribunaux administratifs. J'ai comparu à sept ou huit reprises devant le comité Mackasey pendant la période où celui-ci a fait sa présentation. J'ai écrit de nombreux textes sur les lois antidumping de même que sur les lois portant sur les sanctions commerciales. J'ai été membre du groupe spécial prévu au chapitre 19 de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Je fais partie du groupe d'experts prévu au chapitre 20 de l'ALENA. Je suis un membre, nommé par le Canada du groupe spécial de règlements des différends de l'OMC.
Je me consacre pour ainsi dire au commerce, mais je ne ménage pas mes efforts pour ne pas me faire remarquer. Je suis heureux que vous ne connaissiez pas grand-chose à mon sujet, mais cela ne me dérange pas de vous donner des précisions.
Le coprésident (M. Duhamel): Cela suffira.
Nous passerons à la question qui a été posée. Merci.
M. Clark: J'allais passer à la deuxième question.
[Français]
M. Sauvageau: Je vous remercie beaucoup de votre réponse à ma première question. Je suis maintenant un peu plus intelligent à cet égard. Pourriez-vous répondre à ma deuxième question?
M. Clark: Oui, certainement.
[Traduction]
Il est difficile, plus particulièrement pour les petites entreprises, de satisfaire aux exigences de Revenu Canada. Le code andidumping de l'OMC/GATT comporte des exigences très rigoureuses qui doivent être respectées à tout prix. Il n'y existe aucune différence entre les grandes et les petites entreprises. Ces dernières, toutefois, se rendront compte que Revenu Canada est disposé à les aider à préparer leurs arguments.
Si les tribunaux ont rendu le système assez compliqué, c'est qu'il faut protéger le droit des gens à l'équité et à la justice naturelle. Il est très difficile pour une personne de se représenter elle-même dans ces affaires. À l'origine le Parlement voulait faciliter l'accès à nos tribunaux et processus administratifs. Cela est devenu très difficile. Presque toutes les discussions portent sur les renseignements confidentiels. Comme ceux-ci ne peuvent être divulgués aux concurrents commerciaux, il faut recourir aux services d'un avocat-conseil indépendant, ce qui coûte non seulement augmente les coûts mais allonge le processus.
Il est très difficile de maintenir à un bas niveau le coût de ces choses. Des clients sont venus me voir parce qu'ils voulaient entamer une action antidumping. Ils avaient de bons motifs de le faire, mais n'ont pu aller de l'avant. Dans le cadre d'une discussion que j'ai eue en avril avec la ministre du Revenu national, celle-ci m'a dit qu'elle espérait que, dans le cadre de ces audiences, les divers organismes vous feraient des suggestions sur la façon de diminuer les coûts. Nous espérons y parvenir par l'entremise de certains de nos clients.
Le coprésident (M. Duhamel): Y a-t-il d'autres experts ou parlementaires qui veulent répondre à la question?
[Français]
Monsieur Howse, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Howse: La seule chose que je dirais c'est que si nous parlons de diminuer les coûts, nous devrions surtout nous attacher à diminuer ceux qui sont associés à la défense de ces actions. Nous devons nous rappeler - et je l'ai dit dans ma déclaration liminaire - que l'on verse déjà une subvention très importante, pour ainsi dire, au demandeur, à celui qui intente l'action, l'enquête étant essentiellement payée par les contribuables. Dans la plupart des autres cas où des intérêts personnels se heurtent, nous ne subventionnons généralement pas l'une des parties au détriment de l'autre.
Je m'intéresserais beaucoup aux façons de diminuer le coût de ceux qui sont victimes d'actions de ce genre, en raison surtout du fait ces mesures protectionnistes risquent d'être utilisées pour harceler les petits importateurs qui se tiendront simplement loin du marché faute de ressources pour se défendre contre ces actions ou pour fournir une caution lorsque des droits préliminaires sont imposés et ainsi de suite.
Je crois ainsi qu'il faut nous attacher à cette asymétrie et à la disproportion du fardeau qui est placé sur une personne ou une entreprise nommée dans l'une de ces actions.
Le coprésident (M. Duhamel): Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter? Oui, monsieur Clark.
M. Clark: J'ai tout simplement une réponse rapide à donner.
Après avoir représenté tant des demandeurs que des défenseurs, je peux dire que les droits pour ont tendance à être plus élevés pour les demandeurs que pour les défenseurs.
[Français]
Le coprésident (M. Duhamel): Oui, monsieur Nyahoho?
M. Nyahoho: À la lecture de la loi, j'ai été frappé de constater que la procédure de vérification était assez lourde. Je proposerais de procéder en deux temps. Dans un premier temps, toute enquête serait amorcée par le Tribunal canadien du commerce extérieur plutôt que par Revenu Canada. À l'heure actuelle, Revenu Canada commence les enquêtes et adopte une position préliminaire qui, par la suite, peut être renversée par le Tribunal canadien du commerce extérieur, ce qui engendre maintes tracasseries. Je proposerais de faire en sorte que le Tribunal prenne des décisions définitives, quitte à ce qu'il puisse renverser sa position, plutôt que de confier ces responsabilités à Revenu Canada. Toutes les enquêtes seraient amorcées par le Tribunal et c'est lui qui prendrait les décisions.
[Traduction]
Le coprésident (M. Duhamel): Je crois que M. Campbell veut passer à un nouveau point. Est-ce exact?
M. Campbell: Merci, c'est cela.
Bien sûr, ce qu'il y a de merveilleux avec ces tables rondes c'est que nous faisons du coq à l'âne et je suis convaincu, monsieur le président, que nos experts reviendront sur un point si tel est leur bon vouloir.
Les observations précédentes de M. Grubel me rappellent le débat qui a parfois cours sur les armes nucléaires: ce serait fou de les utiliser mais tout le monde veut en posséder si son voisin en est équipé également.
Je veux poser une question au sujet d'une disposition de notre loi qui n'existe pas dans les législations antidumping des autres pays et demander à nos experts de nous dire pourquoi nous l'avons et qu'il n'en va pas de même pour d'autres. Je veux parler de la disposition portant sur l'intérêt public. Je crois que M. Clark a abordé brièvement ce sujet, mais je veux lui donner, ainsi qu'aux autres une occasion de nous dire - parce qu'ils ont beaucoup d'avance sur nous à cet égard - pourquoi notre loi contient cette disposition, ce qu'elle vise et pourquoi d'autres pays n'ont pas opté pour le même genre de mesure pour soupeser l'intérêt public.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Clark.
M. Clark: On se trompe peut-être en pensant que d'autres pays ne le font pas. En fait, la communauté européenne, dont le système est beaucoup plus fermé que le nôtre, évalue l'intérêt public dans presque tous les cas. L'Australie avait l'habitude d'avoir un système NIFOB, qui est une règle du droit moindre. Je crois comprendre que ce pays l'a abandonnée, mais d'après le professeur Stegemann ce n'est peut-être pas le cas.
Les États-Unis sont le principal pays qui n'a pas de dispositions portant sur l'intérêt public. Nous en avons une. Le principal instigateur de cette disposition était M. Lawson Hunter, qui était à l'Époque, je crois, directeur de la politique de conférence et M. Bonner, qui présidait B.C. Hydro. M. Bonner s'est opposé directement à l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et électronique du Canada, qui a eu tendance à dominer la dernière ronde d'audiences. L'idée était que nous ne devrions pas vraiment imposer un fardeau supplémentaire aux utilisateurs et consommateurs industriels si un droit moindre suffisait ou, dans un autre cas, si c'était contraire à l'intérêt public d'imposer un droit, peut-être parce qu'il n'y avait pas suffisamment de concurrence dans le secteur.
Le coprésident (M. Duhamel): Y a-t-il d'autres commentaires sur ce point particulier?
[Français]
Oui, monsieur Sauvageau.
M. Sauvageau: Puis-je poser d'autres questions sur ce point?
Le coprésident (M. Duhamel): Oui, bien sûr, mais c'était M. Penson qui devait prendre la parole. Est-ce que ça va?
M. Sauvageau: Après vous, monsieur Penson.
Le coprésident (M. Duhamel): D'accord.
[Traduction]
M. Campbell: Puis-je continuer brièvement pour susciter peut-être une autre réaction? D'aucuns ont laissé entendre qu'une partie du problème en ce qui concerne les Américains dans les actions commerciales réside dans le fait qu'ils n'ont pas de disposition formelle portant sur l'intérêt public et que si nous le pouvions, nous devrions les convaincre d'en avoir une. Quelqu'un veut-il répondre?
Le coprésident (M. Duhamel): Professeur Stegemann.
M. Campbell: Nous considérons toujours cela de deux points de vue: l'application de...
M. Stegemann: Exact. Je crois qu'il est dans l'intérêt du Canada d'avoir une telle disposition parce qu'il y a des cas où nous jugeons mal note coup.
Si B.C. Hydro, par exemple, devait importer de l'appareillage électrique du deuxième plus offrant parce que celui-ci ne pratique pas le dumping, quel avantage cela présenterait-il? Vous payez davantage pour les marchandises en provenance du Japon parce que vous ne pouvez les importer de l'Union soviétique.
M. Campbell: Pourquoi le Canada aurait-il intérêt à avoir une telle disposition et non les États-Unis?
M. Stegemann: Celle-ci découle d'une cause antidumping. Vous voyez, si vous avez une cause antidumping où le soumissionnaire le plus avantageux se voit imposer un droit antidumping et doit majorer son prix de 50 p. 100, et que le deuxième plus offrant exige un prix encore plus élevé, l'acheteur canadien doit payer le prix plus élevé. Cela ne veut pas nécessairement dire que le producteur canadien obtient le contrat. Il s'agit d'un cas où il est très évident que le Canada n'a pas intérêt à recourir à des mesures antidumping ou certainement pas à une pleine marge de droit.
M. Campbell: Je suis désolé, vous m'avez peut-être mal compris. Je comprends le fondement...
M. Stegemann: Exact.
M. Campbell: ...de la cause et de la remarque. Pourquoi la même disposition ne serait-elle pas l'évidence même aux États-Unis? Pourquoi n'offriraient-ils pas la même opportunité dans leurs lois?
M. Stegemann: Eh bien, ils sont peut-être moins éclairés. Il y a peut-être des circonstances politiques qui ne le permettraient pas. La concurrence est peut-être plus forte sur leur marché intérieur et ils n'en dépendent peut-être pas autant.
Le coprésident (M. Duhamel): Y a-t-il d'autres observations sur ce point particulier avant que nous passions à autre chose.
M. Clark: Je crois que nous devrions lutter très fort pour la cause. Nous avons bien failli réussir au cours de la dernière ronde de négociations et nous avons finalement perdu tout le terrain que nous avions gagné. Deux éléments se combinent ici, le fait que les États-Unis considèrent leur loi relative aux recours commerciaux comme un droit à la protection et le fait qu'en général la concurrence est plus forte aux États-Unis dans la plupart des industries. Il y a beaucoup plus de fournisseurs.
Le coprésident (M. Duhamel): Nous allons maintenant passer à un autre point.
Monsieur Penson.
M. Penson (Peace River): Merci, monsieur le président.
Ce fut intéressant d'entendre la plupart de nos experts dire aujourd'hui qu'ils ne croient pas que le Canada a intérêt à recourir à des mesures antidumping mais qu'en fait il pourrait être nécessaire de neutraliser d'autres pays, comme les États-Unis, qui s'en servent contre nous.
Si c'est le cas, monsieur Clark, je crois que c'est vous qui avez laissé entendre qu'il nous faut probablement continuer de disposer d'un levier contre eux vu qu'il s'agit d'une mesure de rétorsion.
L'industrie de l'acier à qui l'observation de la loi coûte cher est une de celles qui viennent à l'esprit. Des représentants de celle-ci ont comparu devant notre comité par le passé et nous ont demandé d'adopter une loi semblable à celle des États-Unis, simplement pour faire comprendre à l'industrie américaine que nous avons aussi une industrie de l'acier. Nous avons résisté jusqu'à maintenant.
Que nous conseillez-vous? Si nous continuons à recourir à des mesures antidumping même si nous n'aimons pas cela, pour garder une force de frappe adoptons-nous une législation semblable à celle de nos voisins du Sud?
M. Clark: J'avais voulu garder ceci à un niveau assez général, parce que l'industrie de l'acier vous dira que je ne souscris absolument pas à l'idée d'une loi semblable à la loi américaine. D'autre part, j'approuve tout ce que l'industrie dit au sujet de ce qu'elle subit aux États-Unis et je conviens avec elle que le dumping ne devrait pas exister entre le Canada et les États-Unis.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Je viens tout juste de signer une lettre à l'intention de la ministre Stewart. Il y avait lors de la dernière décision 109 fournisseurs d'acier laminé à froid qui venaient des États-Unis. Il y a maintenant cinq fournisseurs parce que tous les autres ont été évincés du marché. Nous avons aussi évincé le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie.
Nous procédons également à une enquête à l'heure actuelle sur l'acier inoxydable ou galvanisé, laquelle évincera vraisemblablement l'Espagne, la Suède, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et la Corée - merveilleuse chose pour nos relations internationales. Je ne pense pas qu'on aille loin avec cela. Les États-Unis s'en fichent. Dans cette enquête mon entreprise représente - et je le précise - les aciéries intégrées des États-Unis. Les seules personnes qui ont satisfait aux critères étaient les cinq entreprises que je représente parce que celles-ci ont décidé qu'elles n'allaient pas se laisser intimider et qu'elles paieraient le coût, même si ce n'était pas commercialement rentable, de cette enquête supplémentaire. Selon elles, ne pas satisfaire aux critères ici, ce serait admettre de fait que leur système était trop restrictif. Ainsi elles n'ont tout simplement pas cédé. Je dirais que personne ne gagne.
J'avais l'habitude de dire que l'action la plus ridicule, la moins méritoire qui m'ait été donné d'entendre, c'est que Caligula nomme son cheval consul. Mais cette démarche-ci est tout ridicule. Nous faisons fausse route. Nous nous sommes attaqués aux mauvaises cibles, et nous les avons écartées du marché. Il y a maintenant quatre pays, et peut-être dix, qui vont nous en vouloir parce qu'ils ont été pris en écharpe dans ce différend avec les États-Unis.
Je comprends le point de vue de l'industrie sidérurgique de même que les problèmes auxquels elle est confrontée. Toutefois, je ne crois pas que cette démarche-ci va porter fruit. Je suis également appelé à défendre régulièrement les intérêts d'un certain nombre d'industries canadiennes et ces dernières sont très satisfaites de la loi actuelle. Elle fonctionne très bien. Alors, pourquoi la changer? Selon l'OMC et le GATT, les droits antidumping et compensateurs doivent uniquement servir à neutraliser les préjudices causés par ces pratiques, non pas servir d'outil dans les différends commerciaux.
M. Penson: Mais, croit-on qu'il est possible d'atteindre un tel objectif...? Essentiellement, notre marché de l'acier est intégré à celui des États-Unis. Est-il possible d'avoir un secteur où il n'existe aucun droit antidumping?
M. Clark: Il faut faire remarquer à son honneur que l'industrie sidérurgique poursuit cet objectif depuis cinq ans. Elle continue de transmettre ce message, mais personne à l'autre bout ne semble l'entendre. Elle se trouve dans une impasse. Elle fait face à un problème très grave. Nous exportons 30 p. 100 de notre acier. Lorsque nous sommes écartés d'un autre marché, c'est très grave. Les usines intégrées aux États-Unis expédient 3 ou 4 p. 100 de leur acier à l'extérieur du pays. L'imposition de droits ne les touche donc pas beaucoup. Comme elles vendent leurs produits F.O.B., les droits antidumping qu'elles versent ont tendance à être très faibles.
M. Penson: Donc, essentiellement, nous avons plus besoin de leur marché qu'ils n'ont besoin du nôtre.
M. Clark: J'ai dit au tout début de la discussion que, en raison de la taille du marché canadien et de nos industries, les mesures antidumping des autres pays ont sur nous un effet beaucoup plus marqué. Nous sommes beaucoup plus vulnérables aux mesures qu'ils peuvent prendre contre nous.
M. Penson: Merci.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Sauvageau: Monsieur Clark, il est parfois difficile de comprendre vos réponses ou celles de certaines autres personnes. Est-il exact que, selon vous, la loi actuelle est satisfaisante pour l'industrie de l'acier? Selon vous, cette industrie est-elle vraiment intégrée? Je crois que le principe de l'intégration est important lorsqu'on parle de cette entreprise, de cette industrie et de ce secteur. Disiez-vous que la Loi sur les mesures spéciales d'importation actuelle était satisfaisante pour les entreprises canadiennes de l'acier?
[Traduction]
M. Clark: Toutes les industries qui s'en prévalent la jugent satisfaisante. Le tribunal est bien équipé. Il dispose d'une excellente équipe de recherche et leurs décisions sont rarement renversées ou condamnées. Les décisions de Revenu Canada, par contre, peuvent être modifiées à l'occasion, mais c'est ainsi que la loi est conçue.
Je crois que la meilleure solution pour l'industrie sidérurgique canadienne, c'est qu'il n'y ait pas de lois antidumping à l'intérieur du continent nord-américain. Je suis tout à fait de son avis lorsqu'elle dénonce les préjudices qu'elle subit aux États-Unis. Il s'agit-là d'une entrave sérieuse au commerce.
M. Graham: Monsieur le président, les panélistes ont tous tendance à parler des droits antidumping. Le comité, bien entendu, s'intéresse également à la question des droits compensateurs. J'aimerais bien que les témoins nous expliquent, dans leurs réponses, pourquoi ils établissent une distinction entre les droits compensateurs d'une part, et les droits antidumping d'autre part. Tout le monde dénonce les droits antidumping. Or, lorsqu'on aborde la question des droits compensateurs et des subventions gouvernementales, la dynamique du débat change soudainement. Je ne voudrais pas que le comité débute ses travaux sans bien connaître la différence qui existe entre ces deux types de droits.
Monsieur le président, j'aimerais également savoir, et je m'excuse de mon ignorance, si le comité compte examiner d'autres mesures de protection spéciale, comme les mesures d'urgence, si son étude portera exclusivement sur la question des droits antidumping et compensateurs, ou s'il examinera le genre de restrictions qu'impose le GATT aux termes du chapitre 19.
Le coprésident (M. Duhamel): Vous voulez qu'on vous explique la différence qui existe entre les droits antidumping, les droits compensateurs et les autres types de mesures.
M. Graham: Cela nous permettra au moins d'établir, lorsque nos témoins répondent aux questions, s'ils font ou non une distinction entre les deux. S'ils n'en font pas, très bien, mais s'ils en font une, qu'ils le précisent clairement. De cette façon, lorsque nous examinerons le compte rendu, nous saurons quelle mesure nous critiquons ou ne critiquons pas.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci.
Je reviens à M. Sauvageau, qui, je crois, souhaite poursuivre la discussion. Est-ce exact?
[Français]
M. Sauvageau: Oui.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Sauvageau, je m'excuse.
M. Sauvageau: Pas de problème. Dois-je conclure que, selon vous, le principe de la simplification de la loi actuelle n'est pas d'une importance capitale? La loi serait déjà assez simple, assez souple et vécue par les compagnies de façon correcte. Aucune simplification ne serait nécessaire. Je crois que cette simplification du processus est une demande non seulement de l'industrie de l'acier, mais aussi de l'ensemble des intervenants que nous avons rencontrés. Est-ce possible?
[Traduction]
M. Clark: Je l'espère, parce qu'il est en train de devenir de plus en plus complexe. Les petites et moyennes entreprises ont de plus en plus de difficulté à se prévaloir du système.
Je m'excuse. Je pensais que vous me demandiez si le système protégeait les entreprises. Il les protège, si vous avez les moyens de vous en prévaloir et si vous avez les ressources nécessaires pour défendre votre position. Oui, il est efficace. Toutefois, le processus s'avère très coûteux pour les petites entreprises et pour les groupes agricoles qui ne sont pas bien organisés.
[Français]
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Sauvageau, pourrions-nous entendre les commentaires des autres experts sur le même point? C'est un sujet très intéressant.
[Traduction]
Peuvent-ils nous dire s'ils partagent le point de vue de M. Clark concernant l'efficacité des mesures, des lois, des règlements actuels?
[Français]
M. Nyahoho: Je mentionnais qu'il fallait simplifier la procédure de vérification.
Le coprésident (M. Duhamel): La procédure...
M. Nyahoho: La procédure d'enquête qui est initialement faite par Revenu Canada et subséquemment reprise par le Tribunal canadien du commerce extérieur.
Le coprésident (M. Duhamel): Qui est quelquefois contrecarrée.
M. Nyahoho: Il faudrait faire en sorte que la demande soit adressée au Tribunal plutôt qu'à Revenu Canada. En somme, il faudrait songer à muter les ressources de Revenu Canada vers le Tribunal, qui assumerait la responsabilité entière d'amorcer les enquêtes et de prendre les décisions nécessaires.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Stegemann, êtes-vous d'accord sur le point qui vient d'être soulevé?
[Traduction]
Ou avez-vous un point de vue différent?
M. Stegemann: Pas vraiment, pas sur ce point-ci.
Le coprésident (M. Duhamel): D'accord.
M. Stegemann: Il est inutile d'essayer de changer la procédure en confiant ces deux responsabilités, c'est-à-dire les enquêtes sur le dumping et les enquêtes sur les préjudices causés, à un seul organisme. C'est ce qu'a fait la Communauté européenne, mais je ne crois pas qu'on puisse dire que son système fonctionne mieux que le nôtre. Je ne m'engagerais pas dans cette voie. Si vous voulez conserver le système des droits antidumping et compensateurs, il ne sert à rien de regrouper les deux responsabilités et de les confier à un seul organisme.
À mon avis, il est bon que Revenu Canada fasse d'abord enquête sur une affaire de dumping et règle les questions plus techniques, et que le tribunal se charge par après d'analyser les préjudices causés par le dumping et qu'il s'occupe ensuite des examens. C'est ma réponse à la question.
Quelqu'un a également demandé pourquoi on parlait beaucoup plus des droits antidumping que des droits compensateurs. C'est surtout parce que les deux autres types de recours commerciaux, les mesures compensatoires et les mesures de sauvegarde, ou les mesures d'urgence, pour employer ses propres mots, n'ont pas été aussi souvent utilisés.
Et s'ils ne l'ont pas été, c'est parce que les droits antidumping sont plus faciles à appliquer et plus rentables.
Le coprésident (M. Duhamel): Comment peut-on dire qu'ils sont plus rentables?
M. Stegemann: Laissez-moi vous expliquer.
Ils sont plus faciles à appliquer parce que les critères que fixe l'OMC pour les autres mesures sont plus sévères, surtout en ce qui concerne les mesures de sauvegarde. Les critères de l'OMC étaient dans le passé beaucoup plus sévères. Même s'il existe maintenant une entente sur les mesures de sauvegarde, ils demeurent sévères. Aussi, il est difficile pour les pays d'adopter une loi qui est conforme aux exigences de l'OMC, et qui leur permet de se protéger plus facilement. Grâce aux droits antidumping, il est plus facile de se protéger.
Cette procédure est plus rentable parce que les marges sont très élevées. Vous éliminez toute une série de concurrents parce qu'ils doivent augmenter leur prix de 50 p. 100 ou peut-être de 180 p. 100 dans certains cas. Je crois que la moyenne est de 50 p. 100 du prix de dumping antérieur. C'est pour cette raison que les droits antidumping sont si populaires. Et c'est pour cette raison que nous en parlons: pas parce qu'ils sont plus populaires, mais parce qu'il s'agit d'une question importante.
Le coprésident (M. Duhamel): Je vais donner la parole à M. Howse, mais je crois que MM. Nyahoho et Clark souhaitent ajouter quelque chose auparavant.
[Français]
M. Nyahoho: L'idée de confier la responsabilité au Tribunal canadien du commerce extérieur est venue du fait qu'il faut limiter l'usage de toute la loi.
Ceci devrait être un signal qu'on envoie à l'industrie, à savoir qu'avant même d'amorcer une enquête, il faut que de véritables motifs existent. Il faudrait s'assurer que le Tribunal conduise les enquêtes jusqu'à terme pour ensuite pouvoir prendre les décisions.
Ce n'est pas seulement une question administrative; c'est en même temps un signal à l'industrie que ce que nous voulons faire est sérieux. Il faut nous assurer que les preuves sont établies avant même de prendre les mesures. Aux termes de la loi actuelle, Revenu Canada peut prendre des mesures provisoires, quitte à ce qu'elles soient révisées par le Tribunal dans le cadre d'enquêtes un peu plus approfondies. Je considère que c'est une perte de temps et d'énergie. Il faudrait plutôt s'assurer que le Tribunal canadien du commerce extérieur ait les ressources nécessaires pour mener à terme les enquêtes.
Le coprésident (M. Duhamel): Il serait bien intéressant de retenir le point que vous souleviez à quelques reprises et de voir si d'autres collègues sont en accord ou en désaccord avec vous. Je crois que jusqu'à présent, M. Stegemann n'est pas d'accord avec vous, mais j'aimerais qu'on continue à débattre de cette question.
[Traduction]
M. Clark: Permettez-moi de vous donner mon point de vue. Si je conseille un client, je ne chercherai pas à contester les pratiques des autres gouvernements parce que c'est trop compliqué. Si je peux obtenir une exonération par le biais d'une enquête sur les mesures antidumping, ce sera beaucoup mieux, parce que notre démarche ne suscitera pas beaucoup d'incertitude politique et parce que la décision sera beaucoup moins susceptible d'être contestée par l'OMC.
Cela dit, j'ai demandé l'imposition de mesures compensatoires contre les États-Unis au sujet du maïs et contre la Communauté européenne au sujet du boeuf, et ce, parce que les subventions y étaient si importantes que c'était là que nous allions obtenir la meilleure exonération.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Howse, voulez-vous ajouter quelque chose à la question principale? Peut-être pourrions-nous ensuite revenir sur la question concernant Revenu Canada et le tribunal. Puis nous demanderons à M. Sauvageau si nous avons répondu à toutes ses questions.
M. Howse: Je vais simplement répéter ce qu'a dit le professeur Stegemann sur la raison dont nous avons parlé surtout au sujet des mesures antidumping, à savoir que de plus en plus de gens les utilisent de plus en plus. Le Canada, comme on l'a dit, prend quelques mesures compensatoires, mais la vaste majorité de ces mesures sont le fait des États-Unis, où c'est une pratique vraiment bien implantée.
Cela dit, l'un des défis découle de l'entente sur les subventions de l'Uruguay Round, entente qui crée en fait toute une série de subventions entrant dans la catégorie des mesures dites non passibles de sanctions. Il sera donc important de bien traduire cela en décisions opportunes. Peut-être est-il aussi justifié d'exempter de larges groupes de subventions des mesures compensatoires parce que, en tant que pays, nous avons des valeurs qui nous amènent à croire que ces subventions sont légitimes; par exemple, de grandes catégories de subventions environnementales ou, peut-être, des mesures d'adaptation, par exemple des mesures d'adaptation des travailleurs. Je crois que nous serions alors justifiés de ne pas prendre de mesures compensatoires dans ces cas-là parce que nous croyons que ce sont là d'importantes politiques légitimes au service de valeurs auxquelles le Canada croit. Mais ce n'est qu'une suggestion concernant les subventions et les mesures compensatoires.
Pour ce qui est des procédures, je suis d'accord avec mon collègue pour dire qu'il y a en fait quelque chose d'inacceptable dans l'idée d'imposer des droits préliminaires. Cela accroît le pouvoir de harcèlement de la loi et, selon moi, est aussi contraire aux principes de justice selon lesquels, normalement, pour pouvoir faire cela, vous devez prouver qu'il y a eu préjudice irréparable. Il faudrait alors avoir de très bonnes preuves, parce que nous aurions affaire en quelque sorte à des «étrangers», même si la compagnie appartenait à des actionnaires canadiens, ironiquement, davantage que la compagnie que nous sommes censés protéger, étant donné la mondialisation du capital. Cela est vraiment inacceptable sur le plan de ces principes du droit administratif, tout comme créer un pouvoir de harcèlement.
Si vous êtes un petit importateur, cela peut vous achever de devoir fournir cet argent. L'affaire n'est peut-être pas bien fondée, mais vous n'avez ni le temps ni l'argent voulus pour vous en occuper. Nous nuisons donc vraiment à ces pays qui sont en train de développer et de libéraliser leur économie, à ces exportateurs qui sont les plus susceptibles de se faire éliminer à cause de ce genre de harcèlement qui découle de la facilité avec laquelle on peut faire imposer des droits préliminaires.
Le coprésident (M. Duhamel): M. Penson, qui veut aborder la même question.
M. Penson: Qu'en est-il des mesures compensatoires, dont M. Stegemann a parlé il y a quelques minutes? Je veux simplement avoir une explication.
M. Stegemann a dit qu'il y a une prolifération de mesures antidumping parce que c'est profitable et assez facile à faire, mais les mesures compensatoires à l'OMC ont atteint un nouveau degré, et je ne suis pas sûr de ce qu'il a voulu dire par là. Est-il plus facile maintenant pour le Canada de gagner une cause à l'OMC, comme l'affaire du bois-d'oeuvre, par suite de ce qui est arrivé, ou est-ce plus difficile? Je crois que c'est la question qu'il faut se poser. Les États-Unis ont modifié leur loi pour que nous ne puissions pas invoquer l'ALENA probablement. La nouvelle norme dont vous parlez peut-elle, oui ou non, nous aider à gagner une cause en matière de droits compensateurs?
M. Stegemann: L'affaire du bois-d'oeuvre est compliquée depuis le début, parce qu'il s'agit de définir ce qu'est une subvention. Je ne suis pas sûr que le code de l'OMC aurait fait une grande différence dans ce cas-ci. Mais il y a maintenant des catégories de subventions dites non passibles de sanctions. Par conséquent, si quelque chose entre clairement dans ces catégories, il serait plus sûr de subventionner.
M. Penson: Pouvez-vous me donner un exemple?
M. Stegemann: Eh bien, la R-D en est un. Elle est incluse sur le plan régional, n'est-ce pas, Rob? Je crois qu'un certain contenu régional est inclus...
M. Howse: En effet. Un certain contenu environnemental...
M. Stegemann: Oui, un certain contenu environnemental. Trois catégories ne sont pas passibles de sanctions. Par contre, il y en a quelques-unes qui sont nettement condamnables et d'autres qui sont encore dans une zone grise.
Mais je crois qu'à cause de cette formule il est plus difficile d'avoir des lois qu'on peut violer ou grâce auxquelles il est facile d'obtenir une protection. Enfin, le principal argument que je voulais en fait faire valoir, c'est que les marges ont tendance à être plus basses pour les mesures compensatoires qu'elles ne le sont pour les mesures antidumping, et M. Clark vient tout juste de le confirmer.
M. Penson: Il me semble que notre comité aimerait bien savoir comment améliorer notre définition du code des subventions à la prochaine réunion de l'OMC pour que nous puissions nous défendre dans ce genre d'affaires et que les entreprises et les pays qui sont touchés aient une meilleure définition. Il faudra faire ce travail un jour, et c'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup.
Le coprésident (M. Duhamel): Peut-être une petite réplique, monsieur Clark, avant que nous liquidions deux ou trois autres choses, puis nous laisserons M. St. Denis aborder une autre question.
M. Clark: Dans le dernier accord, l'OMC a fait de grands progrès dans sa définition de «subvention». Le problème, c'est le préjudice.
Mais permettez-moi de faire un commentaire, monsieur le président: je ne suis absolument pas d'accord pour dire que Revenu Canada ne fait pas preuve de sérieux dans ses enquêtes. Je dois souligner que bien plus de la moitié des demandes que le ministère reçoit au sujet des mesures antidumping ne sont jamais traitées parce qu'il les juge sans fondement. Le tribunal n'a annulé qu'une seule décision du ministère lors de l'examen préliminaire. Cette critique était, selon moi, injuste et sans fondement.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Stegemann.
M. Stegemann: À ce sujet, monsieur Clark, voulez-vous dire qu'examen préliminaire signifie procédure consultative?
M. Clark: Non. Lors du déclenchement d'une enquête et dans les conseils que donne le tribunal - même s'il ne s'agit pas d'un critère très sérieux... La décision du ministère n'a été annulée qu'une seule fois.
M. Stegemann: Très bien; vous venez de le dire. J'allais faire un commentaire, et dans ma réponse écrite...
M. Clark: Je suis certainement d'accord à ce sujet, mais si vous examinez en fait toutes les demandes qu'il a reçues sur une certaine période, je crois qu'entre 20 et 30 p. 100 d'entre elles ont abouti à une enquête.
Le coprésident (M. Duhamel): Passons à M. Nyahoho.
Je veux tirer cette question au clair. Je crois qu'à deux ou trois reprises vous avez mentionné que Revenu Canada va intervenir et prendre des décisions préliminaires que pourra renverser le tribunal. Si je vous ai bien compris, vous avez dit qu'il serait peut-être préférable de modifier cela. Vous pourriez vous adresser directement au tribunal. Si mon interprétation est juste, je me demande si nous pourrions obtenir des commentaires de vos collègues, les autres experts réunis ici.
Êtes-vous d'accord, oui ou non, à ce sujet? Y a-t-il quelque chose à ajouter pour éclairer ce qui a été dit?
Monsieur Howse.
M. Howse: Je crois que j'étais déjà d'accord. À mon avis, on ne devrait pas pouvoir imposer de droits préliminaires, sauf peut-être lorsqu'il s'agit de cas semblables à ceux où la justice civile juge à propos d'imposer une injonction, par exemple en cas de préjudice irréparable. Mais, d'après moi, ce n'est nullement nécessaire. Si les enquêteurs font bien leur travail, pourquoi ne pas tout simplement les laisser faire comme dans le système de justice civile? Quand vous obtenez une décision en votre faveur, vous obtenez une décision en votre faveur, et vous avez alors votre exonération.
Si je poursuis quelqu'un devant un tribunal pour un autre genre de préjudice - comme un délit civil - le tribunal ne va certainement pas imposer des dommages-intérêts préliminaires à l'autre partie sans que j'aie d'abord fait valoir ma cause lors d'une audience en bonne et due forme. Pourquoi devrais-je pouvoir obtenir une décision dans ce contexte-ci?
Le coprésident (M. Duhamel): Vous dites donc que ce n'est pas vraiment incompatible. Vous êtes d'accord sur ce qui a été dit.
M. Howse: Oui, exactement.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Stegemann.
M. Stegemann: Monsieur le président, j'ai déjà dit que je crois que la structure actuelle n'est pas mauvaise. Je ne voudrais pas vous suggérer de changer la structure si vous voulez garder les lois. Toutefois, si vous voulez parler de mise au point, je crois que la soi-disant procédure consultative que M. Clark a mentionnée est à peu près inutile à l'heure actuelle.
Voici en quoi elle consiste. Au départ, soit le sous-ministre, soit le plaignant dans certaines situations, soit les importateurs dans certaines situations, peuvent demander au tribunal: «Le sous-ministre a-t-il assez de preuves de préjudice pour lancer tout ce processus?» Le tribunal répond alors: «D'après les preuves que détient le sous-ministre, nous concluons...» Dans la plupart des cas, oui, le sous-ministre a assez de preuves, mais le tribunal ne fait pas sa propre enquête. Il n'entend personne.
Le coprésident (M. Duhamel): Vous dites donc que cette question n'est pas pertinente de votre point de vue?
M. Stegemann: Non, ce que je dis, c'est que c'est inutile si le tribunal examine seulement ce que le sous-ministre a à dire. Le tribunal devrait écouter ce que les autres ont à dire au sujet de cette soi-disant preuve que le sous-ministre croit suffisante pour commencer l'enquête. La procédure consultative a été introduite sur les instances d'autres partenaires commerciaux, qui disaient: vous devriez examiner le dumping et le préjudice dès le début. Les tribunaux canadiens ont alors dit: très bien, nous allons examiner les deux, et il y a même cette procédure consultative, qui permet au tribunal d'intervenir très tôt.
Mais la procédure selon laquelle le tribunal intervient actuellement est à peu près inutile. Je crois qu'elle est absolument inutile.
Le coprésident (M. Duhamel): Je veux passer à M. Nyahoho.
Je vous ai vu faire des gestes, monsieur, mais je ne suis pas sûr si vous vouliez réagir à cela, ou dire si vous êtes d'accord ou non, ou donner une explication.
[Français]
M. Nyahoho: Lorsqu'on parle des dommages théoriques causés par les mesures antidumping, rien ne nous prouve que l'utilisation de la loi a sauvé des industries au Canada. Nous n'avons pas vraiment de preuves, mais des chiffres: 1 p. 100 des exploitations manufacturières sont protégées, de même que 11 000 emplois par année. Si on tient compte de la mobilité de la population active dans l'économie, on parle de beaucoup plus que 11 000. Les chiffres réels nous démontrent que l'impact réel de toute cette loi est marginal. C'est cela, la réalité.
Le coprésident (M. Duhamel): Donc, vous concluez...
M. Nyahoho: Donc, laissons l'initiative au Tribunal qui, dans des cas particuliers, pourrait se prononcer et prendre les mesures appropriées puisque dans les faits, ce que Revenu Canada fait est marginal par rapport à l'ampleur de l'économie nationale.
Le coprésident (M. Duhamel): D'accord.
[Traduction]
Monsieur Clark.
M. Clark: Je me trouve dans la position très étrange de devoir défendre le système.
Revenu Canada joue le rôle de la police. Il enquête pour déterminer s'il y a dumping ou non. Le pouvoir judiciaire, le tribunal, décide si ce dumping cause un préjudice ou non. Vous ne devriez pas confondre les deux.
Je suis certainement d'accord avec le professeur Stegemann pour dire que nous éprouvons des difficultés lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a préjudice. Voilà l'un des plus importants changements que vous pourriez faire au profit de tous les Canadiens: fixer un critère efficace.
Le coprésident (M. Duhamel): Je commence à croire que les experts sont un peu comme les hommes politiques: vous ne vous entendez pas toujours sur tous les points.
M. St. Denis va maintenant aborder un autre sujet.
M. St. Denis: Espérons-le. Merci, monsieur le président. Je ne prétends pas être un expert comme les personnes assises autour de la table; je suis donc heureux de pouvoir poser une question qui est plutôt de nature théorique.
Il me semble que lorsqu'on parle de dumping dans un pays, on parle aussi de «ventes». Si une compagnie pétrolière veut éliminer une concurrente, elle baisse tout simplement ses prix. Si Wal-Mart organise un solde d'ouverture, ils étalent mille paires de chaussures de course de pointure 7, tout en espérant les vendre toutes et vous attirer dans leur magasin. Ainsi, nous tolérons au sein de notre économie des choses que nous ne tolérons pas de l'autre côté de la frontière, pour des raisons évidentes, c'est-à-dire les emplois qui existent dans nos marchés. Mais, bien sûr, les consommateurs aimeraient généralement... D'après ce que j'ai pu lire dans le texte de M. Stegemann, les consommateurs contrecarrent souvent les efforts des entreprises qui veulent s'opposer au dumping.
Une déclaration de M. Clark m'a donc étonné, et d'autres ont peut-être dit la même chose avant que j'arrive; excusez mon retard.
Vous avez dit, monsieur Clark - et n'importe qui ici peut intervenir à ce sujet - que... je pense à cette question parce que, dans la mesure où nous pouvons faire des suggestions dans notre comité, elles devraient aller dans la bonne direction, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de changements mineurs ou majeurs, ou encore de simple bricolage. Qui doit savoir ce que nous pouvons recommander?
Vous avez dit, monsieur Clark, que nous devrions examiner le préjudice plutôt que le dumping. Pour moi, cela signifie que dans notre pays nous pouvons déterminer quelles sont les conséquences pour une entreprise ayant soi-disant subi un préjudice. Il n'est pas très facile de se rendre dans un autre pays pour y déterminer quels sont les points de repère pour le dumping, si je comprends bien la distinction que vous faites entre préjudice et dumping.
Par conséquent, irions-nous dans la bonne direction si les ajustements, le cas échéant, devaient nous mener à la détermination du préjudice par opposition au dumping? Irions-nous ainsi dans la bonne direction sur le plan des principes, de sorte qu'à long terme, quand le monde entier pourra se passer de lois antidumping, dans mille ans, nous serons allés dans cette direction?
M. Clark: Il faut d'abord déterminer s'il y a ou non dumping, parce que, même s'il y a préjudice, vous ne pouvez imposer de droits s'il n'y a pas de dumping. Il faut donc établir en quoi consiste le dumping.
Je dis que nous devrions accorder plus d'attention à l'importance de l'exonération requise pour éliminer le préjudice. Faut-il imposer tout le droit antidumping? Si la compression de prix a atteint 5 p. 100, peut-être devrions-nous alors hausser les prix de 5 p. 100, et non pas de 25 ou 30 p. 100. Voilà ce que je voulais dire.
M. Stegemann: J'aimerais ajouter quelque chose à cela, monsieur le président, parce que je suis totalement d'accord sur ce que M. Clark vient de dire. Ce que vous pouvez déterminer, c'est l'importance de l'exonération.
De même, pour ce qui est de dire qu'il s'agit évidemment d'emplois, eh bien, il ne s'agit pas évidemment d'emplois, parce qu'on parle d'emplois pour les plaignants, peut-être d'emplois avec les plaignants, mais les industries en aval peuvent perdre des emplois parce qu'ils s'en vont ailleurs, parce que les prix des intrants sont inférieurs ailleurs. Par conséquent, je pense qu'en vertu de la disposition concernant l'intérêt public le tribunal pourrait enquêter sur ce que nous perdons en aval et gagnons peut-être en amont.
Le tribunal devrait aussi enquêter sur le préjudice subi par ceux qui doivent payer un prix plus élevé. Il ne s'agit pas seulement des consommateurs, mais aussi très souvent des utilisateurs des intrants. La plupart de ces industries se plaignent en fait au sujet des importations d'intrants, rarement au sujet des produits de marque qui vont directement aux consommateurs.
En un sens, dans certains cas vous déshabillez Pierre pour habiller Paul. Dans certains cas, vous éliminez tout simplement tout un groupe de concurrents, et ceux qui restent, s'ils se font concurrence, sont très heureux parce qu'ils peuvent ensuite hausser leurs prix, non pas à un niveau aussi élevé que les marges, mais à un niveau nettement plus élevé qu'il n'était nécessaire auparavant.
Le coprésident (M. Duhamel): M. St. Denis a soulevé un point intéressant, si je l'ai bien compris, à savoir le conflit qui pourrait éventuellement exister entre les mesures antidumping, les mesures compensatoires et le consommateur. Y a-t-il là un conflit? Quelqu'un veut-il aborder cette question?
M. St. Denis: À ce sujet, j'aimerais citer une phrase du professeur Stegemann, à la page 50:
- Une enquête menée auprès de 69 entreprises canadiennes victimes de dumping révèle que 23 p.
100 d'entre elles estiment que les objections des clients incitent les producteurs lésés à
s'abstenir de prendre des mesures, etc.
- Nous cherchons à équilibrer tout cela, et je trouve que c'est là une déclaration plutôt étonnante.
M. Stegemann: Vous auriez peut-être dû poursuivre votre lecture. Le texte dit aussi qu'il y a peut-être des cas où les objections des clients ont empêché les plaignants d'intenter des poursuites. C'est ce qu'on y dit.
Mais une fois que les compagnies plaignantes ont intenté des poursuites, ce que disent les clients n'a pas la moindre importance.
Le coprésident (M. Duhamel): Pourquoi?
M. Stegemann: Le tribunal ne les entendra pas. Il a pour mandat d'étudier le préjudice subi par la partie plaignante, pas celui subi par les clients. Il ne s'intéresse à ces derniers que s'ils contestent la véracité des faits, mais il ne s'intéresse pas au préjudice subi par les clients.
Le coprésident (M. Duhamel): Le tribunal se soucie donc de l'industrie, du produit.
M. Stegemann: Je ne le blâme pas, c'est son mandat.
Le coprésident (M. Duhamel): C'est son mandat. Je vois.
M. Howse: Je ne pense pas qu'on puisse régler le vrai problème en jouant avec la définition ou les critères de préjudice. Comme tout l'ensemble repose en fin de compte sur de la pseudo-économique, les catégories, quelles qu'elles soient, sont susceptibles d'être manipulées. Aux États-Unis, des gens bien intentionnés, ayant une formation en droit et en économie, ont sérieusement essayé d'établir un critère de préjudice plus raisonné, mais au bout du compte il s'ensuit habituellement une augmentation des coûts, étant donné tout le travail empirique beaucoup plus raffiné auquel il faut se livrer, sans probablement qu'on réussisse à faire disparaître les manipulations auxquelles les critères donnent actuellement lieu parce que, finalement, la fondation n'est pas saine, car elle repose sur une fausseté économique. On ne reconnaît pas l'idée qu'il existe dans les marchés une sorte de distorsion créée par la différenciation des prix à laquelle on s'attaque par le biais de mesures antidumping.
Je pense qu'il faudrait regarder en fait du côté des dispositions portant sur l'intérêt public, pour peser adéquatement les intérêts des consommateurs, ceux des autres industries qui, comme le professeur Stegemann le dit, utilisent ces facteurs de production. On pourrait aussi regarder l'effet qu'aura réellement l'imposition de la protection sur les travailleurs. Les compagnies qui demandent la protection garantiront-elles vraiment que des emplois seront conservés par suite de l'adoption de ces mesures?
Le coprésident (M. Duhamel): Permettez-moi de m'assurer que j'ai saisi les deux points, ou du moins deux points. Vous dites en fait que les intérêts des consommateurs devraient être pris en compte. Vous soulignez également qu'il est primordial que nous nous assurions que les travailleurs sont effectivement protégés par les mesures que nous prenons.
M. Howse: C'est cela.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Penson, sur ce même sujet?
M. Penson: Non. Je veux soulever un autre point.
Le coprésident (M. Duhamel): Je veux seulement m'assurer que plus personne n'a de commentaires à faire au sujet du point soulevé par M. St. Denis.
M. St. Denis: Étant donné l'heure, je serais heureux que M. Penson pose sa question.
Le coprésident (M. Duhamel): D'accord. Voici ce que je propose de faire: après que M. Penson aura posé sa question, j'en poserai une moi-même, puis je donnerai à chacun l'occasion de faire un dernier commentaire. Cela devrait nous prendre environ 15 à 20 minutes. Je sais que certains doivent assister à d'autres réunions.
Monsieur Penson.
M. Penson: Le principal problème entre le Canada et les États-Unis provient peut-être du fait que l'un est le principal partenaire commercial de l'autre et vice versa. Pensez-vous que les États-Unis vont finir par cesser d'appliquer les règles qui nous régissent en matière de dumping? N'est-ce pas essentiellement ce dont nous discutons?
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Howse.
M. Howse: Je n'ai jamais été autant opposé à l'idée de la troisième option. Je ne pense pas que nous ayons compris à l'époque comment l'appliquer, mais je croyais que c'était une bonne idée que de diversifier les marchés du Canada ou d'orienter les politiques de façon à acquérir une certaine indépendance par rapport au marché américain. Nous avons peut-être abandonné cette idée un peu trop tôt, ou l'avons peut-être presque abandonnée, en tablant pratiquement uniquement sur l'ALE.
Je ne vois pas de solution. La puissance économique des États-Unis persistera. Aux États-Unis, les intérêts politiques à l'origine des demandes de protection administrée continueront de subsister. Donc, en fin de compte, je ne vois pas comment le gouvernement pourrait trouver de solution, si ce n'est peut-être en collaborant plus activement avec les entreprises canadiennes pour les aider à pénétrer d'autres marchés. Je pense que l'actuel gouvernement fédéral commence à le faire, et j'espère qu'il remportera quelques importants succès à cet égard.
Le coprésident (M. Duhamel): Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Nyahoho?
[Français]
M. Nyahoho: Le marché américain est tel qu'on a très peu de recours. Il ne faut pas s'illusionner et croire que les mesures prises par les Américains ne feront pas de tort à leur économie.
Prenons l'exemple du litige sur le blé. Les Américains ont fait des menaces, disant que le Canada subventionnait ses exportations de blé. Mais quel est le pays qui subventionne le plus au monde? Ce sont les États-Unis. Ils prennent des mesures qui en même temps font du tort aux consommateurs américains. Ce n'est pas parce qu'ils font du tort à leurs propres consommateurs que nous devons prendre des mesures pour faire du tort aux nôtres.
Les politique suivies aux États-Unis sont entachées d'irrégularités. Il n'est pas de notre intérêt de contrecarrer leurs actes parce qu'en dernier recours, on fait du mal aux consommateurs.
[Traduction]
Le coprésident (M. Duhamel): Merci. Monsieur Clark.
M. Clark: Il est probable que nous continuerons d'avoir des problèmes avec les États-Unis, mais nous ne devons pas oublier que pendant trois ans et demi aucune poursuite antidumping n'a été intentée aux États-Unis contre le Canada. Nous allons avoir beaucoup plus de problèmes avec les nouveaux pays qui mettent en place des régimes antidumping, parce qu'ils adoptent tous le modèle du système européen qui est très fermé.
Le coprésident (M. Duhamel): Messieurs, il y a à mon avis trois fils conducteurs. Il y en a peut-être davantage. Nous avons parlé de droits antidumping et compensateurs, mais nous n'avons pas abordé la question des mesures d'urgence. Il serait peut-être utile que nous le fassions juste pour nous situer.
Deuxièmement, je crains que nous ne donnions aux gens l'impression qu'il n'est pas dans notre intérêt de disposer de ces lois, mesures, mécanismes particuliers, appelez-les comme vous voulez, et que même si nous en avons besoin, nous n'en avons pas besoin. C'est loin d'être clair, et je ne sais pas où vous vous situez. Je ne dis pas cela pour vous critiquer. Je pense qu'il serait utile que nous sachions si nous en avons ou non besoin. Je n'ai peut-être pas bien compris les exposés.
Il est un dernier point auquel j'aimerais que le groupe s'intéresse. Il me semble que l'un d'entre vous a indiqué que les droits antidumping pourraient être fondés sur le montant de réparation requise plutôt que sur la marge de dumping. Mais ce qu'il faut savoir, c'est s'il est possible d'accomplir cet exploit particulier, de faire aboutir cette initiative particulière, par le biais de la LMSI? Comment s'y prendre pour y parvenir? Disposons-nous déjà des mécanismes voulus? Devons-nous faire quelque chose de nouveau ou de différent?
Bref, quand nous parlons de mesures d'urgence, de quoi parlons-nous? Juste pour nous situer, de quoi parlons-nous?
Quelqu'un veut répondre à la question? Monsieur Howse.
M. Howse: Les mesures d'urgence sont peut-être la forme la plus honnête de protection administrée, au sens où nous reconnaissons dès le départ que l'autre pays, ou la compagnie de l'autre pays, n'a rien fait de mal, que notre objectif est vraiment de venir en aide ou d'accorder une marge de manoeuvre à notre industrie le temps qu'elle s'adapte aux nouvelles conditions de concurrence. Les mesures d'urgence ont ceci d'avantageux qu'elles s'attaquent au vrai problème, qui est de savoir s'il est justifié d'adoucir le sort des travailleurs ou d'aider l'industrie à se sortir d'une situation imprévisible si elle est déterminée à faire sa part.
C'est pourquoi je suis d'avis que nous devrions considérer comme mesure d'urgence toutes ces formes de recours commercial, au sens où la compagnie qui demande la protection devrait pouvoir démontrer que celle-ci aura un impact positif sur les travailleurs, que la compagnie sera plus susceptible de demeurer en affaires comme entité viable et de continuer à employer des Canadiens si on lui accorde effectivement la protection. Je doute cependant que dans de très nombreux cas, les compagnies soient en mesure d'en faire la preuve.
Donc, d'une façon, j'aimerais qu'on adopte le modèle des mesures d'urgence même pour les droits antidumping et compensateurs. Mais les mesures d'urgence en soi sont complexes, aux termes de l'accord de l'OMC. Le professeur Stegemann a déjà mentionné qu'il existe un accord sur les sauvegardes, aux termes duquel les critères à respecter sont plus rigoureux que dans le cas des autres formes de protection. Je parle du point de vue du droit international, pas du droit canadien. Ce modèle demeurera donc moins attrayant que les droits antidumping et peut-être compensateurs aux yeux de ceux qui demandent d'être protégés. Pour cette raison, nous devrions essayer de prendre ce qu'il y a de positif dans la protection d'urgence et l'adapter et devrions légiférer en matière de droits antidumping et compensateurs.
Le coprésident (M. Duhamel): D'autres membres du groupe veulent-ils ajouter quelque chose? Professeur Stegemann.
M. Stegemann: M. Howse a souligné les points importants. Les critères de la loi d'urgence sont plus sévères parce que cette loi vise à accorder une marge de manoeuvre plutôt qu'une protection face à la conjecture. Ce qu'il faut c'est une mesure, en fait, pas nécessairement une protection. Il pourrait s'agit de subventions ou de plans de restructuration. Les mesures devraient être temporaires, d'une durée de trois ans ou cinq ans, mais elles ne devraient pas s'étaler sur cinq ans pour être reconduites ad vitam aeternam parce qu'alors il ne s'agirait plus d'une mesure d'urgence temporaire, mais d'une protection à long terme.
Voilà ce que je voulais dire à ce sujet.
L'aspect provisoire est important. Si vous parlez de mesures antidumping, et si des mesures de sauvegarde sont trop difficiles, vous devriez peut-être rendre les mesures antidumping moins lucratives en restreignant la durée pendant laquelle elles peuvent être reconduites.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Clark, vous vouliez dire le mot de la fin.
M. Clark: Je pense qu'un recours accru à des mesures de garantie, comme des surtaxes et des quotas, n'est pas une option politique valable pour le Canada. Nous sommes un petit pays tributaire des exportations. Cela suppose remettre les actions des autres pays en question sur le plan politique. Il pourrait y avoir des demandes de compensation. À ce petit jeu, nous risquons probablement de ne pas gagner, et il faut prendre des décisions politiques chaque fois qu'on le joue. On n'obtient pas réparation une fois que le seuil est atteint. Il faut donc tenir compte de toutes ces choses également.
Le gouvernement canadien décourage l'emploi des sauvegardes depuis des années. Je ne vois pas pourquoi nous y recourrions maintenant.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci.
Puis-je passer au deuxième point? À supposer que j'aie bien compris, ce que nous avons dit ici à ceux qui nous écoutent c'est que ces mesures ne sont pas dans notre intérêt. En même temps, je crois que nous disons avoir besoin de ce genre de protections, d'outils, de mécanismes. Pourrions-nous faire une brève récapitulation pour nous assurer que nous comprenons ce qui est dit? Je serai peut-être le seul à en profiter, mais je vais commencer par vous, monsieur Howse.
M. Howse: Je crois que vous avez tout à fait raison, monsieur, de percevoir beaucoup de zones grises à cet égard. Je ne crois pas que nous ayons vraiment besoin de ces mesures, tout compte fait. Je pense à l'argument des représailles. Quand on regarde les faits, combien de fois avons-nous réussi à gagner, par le biais de représailles, contre des partenaires commerciaux, en particulier contre ceux qui étaient plus gros que nous?
Comme je le dis, je ne suis pas l'un de vos grands experts en théorie de la négociation ou en négociation stratégique sur le plan des relations internationales, mais mon bon sens me dit que tout compte fait, nous ne retirons pas grand-chose de tout cela comme instrument de représailles - et c'est la seule raison légitime que j'y vois vraiment. Je ne vois pas en quoi ces mesures protègent réellement les travailleurs contre des changements économiques. Je crois qu'il existe de meilleures façons de le faire, et je n'ai jamais rien vu qui m'ait convaincu que ces mesures avaient un impact positif à cet égard.
Le coprésident (M. Duhamel): Mais vous dites que si ces mesures n'existaient pas, nous aurions besoin d'un autre mécanisme, n'est-ce pas?
M. Howse: Il me semble que ce dont nous avons besoin pour protéger les travailleurs, ce sont des politiques d'adaptation, que cela signifie réformer l'assurance-chômage, accroître la flexibilité sur les marchés du travail ou améliorer les programmes de recyclage. Je ne pense pas que la protection commerciale soit rentable ni efficace ni qu'elle donne des résultats face aux difficultés et incertitudes qui découlent des changements économiques qui interviennent dans un milieu globalisé.
Le coprésident (M. Duhamel): Avant que je ne donne la parole à M. Graham, d'autres personnes veulent-elles ajouter quelque chose?
M. Graham: Pourrais-je avoir une précision?
Le coprésident (M. Duhamel): Oui.
M. Graham: Permettez-moi de revenir au point que j'ai soulevé au sujet des droits antidumping et compensateurs. Je vais me servir de ce qu'a dit M. Howse. Pourrait-il me dire si oui ou non il dit la même chose: en ce qui concerne les droits antidumping il n'existe pas de fondement économique - ou même politique - qui vaille pour les droits compensateurs. Je dirais qu'en notre qualité de Canadiens, ou pour d'autres raisons, nous pourrions bien changer d'avis si les biens qui entrent dans notre pays coûtent moins cher que ceux que nous produisons en raison d'une subvention d'un gouvernement étranger plutôt qu'en raison des pratiques commerciales d'une entreprise en particulier. Il me semble que ces deux questions entraînent des conséquences extrêmement différentes selon que vous combattez un éléphant ou une autre entité commerciale. Vous combattez un gouvernement étranger.
Pour reprendre un vieil exemple, on n'aurait pas pu traiter de la même manière les subventions soviétiques aux turbines importées au Canada et les mêmes turbines vendues meilleur marché par une entreprise suédoise par exemple.
Pourriez-vous me préciser si vous établissez une distinction entre les droits antidumping et compensateurs dans vos propos au comité ou si vous estimez que le comité devrait étudier ces deux questions séparément pour les raisons économiques et politiques que j'ai essayé de faire valoir.
M. Howse: D'accord. Je crois qu'il existe des raisons de les étudier séparément. Il existe une catégorie de subventions, les subventions à l'exportation, qui concernent les exportations illégales aux termes de l'Organisation mondiale du commerce précisément parce qu'elles ne sont en fait qu'un moyen de contourner d'autres obligations pour accéder à un marché. Il est donc légitime de continuer à s'en occuper, mais c'est là un exemple de situation où le droit international est très clair, en ce sens que ces mesures ne sont pas seulement passibles de sanctions mais sont en fait interdites, et nous avons un recours par le biais de l'OMC.
Quant aux autres subventions, les subventions à l'échelle du pays, il me semble y avoir énormément de facteurs gouvernementaux qui affectent les entreprises, comme les taux de taxation et l'infrastructure; les subventions ne sont qu'un facteur parmi tant d'autres. Pourquoi s'intéresser surtout aux subventions? En fin de compte, pour que tout le monde soit mis sur le même pied, il faudrait un gouvernement mondial parce que c'est la seule façon d'arriver à neutraliser l'action des gouvernements, d'un pays à l'autre, sur les industries. Comme il est impossible de le faire, pourquoi s'intéresser à une mesure gouvernementale plutôt qu'à une autre?
Le coprésident (M. Duhamel): Ce sera la tâche du prochain groupe de travail. Je tiens à présider celui sur le gouvernement mondial.
Des voix: Oh, oh!
M. Clark: Monsieur le président, on perçoit les subventions comme étant des décisions prises par un autre pays unilatéralement, sans consultation, pour casser les tarifs qui ont été établis, dans notre cas par le Parlement, et c'est ainsi que nous avons tendance à considérer les subventions.
À mon avis, si la subvention crée une différenciation de prix, nous devrions en traiter aux termes de la loi antidumping. Cela peut être fait de façon efficace, et cela ne cause pas de frictions internationales, comme celles qui résultent d'une contestation directe des pratiques d'autres gouvernements.
Le coprésident (M. Duhamel): Nous en avons besoin.
M. Clark: Nous avons besoin des deux. On a davantage besoin de subventions en agriculture que dans le secteur manufacturier.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Nyahoho, monsieur Stegemann, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Stegemann: Pas vraiment.
[Français]
M. Nyahoho: Votre résumé est tout à fait correct.
Il est tout à fait inutile de tenter de faire la distinction entre les subventions et les mesures antidumping parce qu'il y a corrélation d'interdépendance entre les variables, de sorte qu'on ne s'en sortira pas. Ce sera l'impasse.
Il est malheureux que nous conservions la loi actuelle, dont l'efficacité est douteuse. Ce serait le cas même si elle était modifiée. Rien ne prouve qu'elle a été efficace dans le passé et aucune preuve théorique ne nous permet de prédire son efficacité future. Pourquoi la garder? Serait-ce, comme le mentionnait le professeur Howse, seulement pour l'utiliser contre les pays qui pourraient éventuellement s'en servir? C'est une forme de protection dans des cas particuliers. C'est pourquoi nous disons que l'application de cette loi devrait relever d'un tribunal, qui s'assurerait que les preuves sont faites.
[Traduction]
Le coprésident (M. Duhamel): Merci.
J'en reviens au dernier point que j'ai soulevé et je permettrai ensuite aux experts de formuler un dernier commentaire s'ils le désirent.
Si j'ai bien compris, un des membres du groupe a signalé que les droits antidumping pourraient être fondés sur le montant de réparation nécessaire plutôt que sur la marge de dumping. Le cas échéant, comment s'y prendrait-on? Pourrions-nous le faire dans les limites actuelles de la LMSI?
Qui était-ce...? Ai-je mal compris ou l'ai-je lu quelque part?
M. Stegemann: J'ai soulevé ce point dans mes remarques d'ouverture, comme M. Clark. Nous l'avons tous les deux soulevé.
Le coprésident (M. Duhamel): D'accord. Voulez-vous tous les deux commenter étant donné que vous avez peut-être des vues opposées sur la question?
M. Stegemann: Puis-je commencer?
Le coprésident (M. Duhamel): Oui.
M. Stegemann: Il s'agit de la règle dite du moindre droit, prévue dans l'accord de l'OMC. Ces accords recommandent mais n'exigent pas l'utilisation du moindre droit, qui est le taux de droit suffisant pour éliminer le préjudice, et non pas le droit suffisant pour éliminer le dumping, qui est très élevé dans bien des cas.
Le coprésident (M. Duhamel): Oui.
M. Stegemann: En fait, la Communauté européenne dispose d'une telle règle qu'elle applique dans tous les cas.
Dans notre système, à la différence de la Communauté européenne, les exportateurs peuvent en fait éviter les droits antidumping en élevant leurs prix aux valeurs normales.
Donc, je crois que dans notre système nous devrions confier à quelqu'un, probablement au tribunal, le rôle d'ajuster les valeurs normales. Il devrait dire: D'accord, nous tenons compte du préjudice, parce que nous avons établi qu'il y en avait un; cependant, dans ce cas-ci, nous croyons que les valeurs normales devraient être réduites à tel et tel montant - qui, à notre avis, est suffisant pour éliminer le préjudice mais qui est également suffisant pour équilibrer les résultats.
M. Clark: Au cours des négociations de l'Uruguay Round, le gouvernement du Canada a proposé de rendre cette exigence obligatoire, donc je crois qu'il y avait songé. Ce qu'il faut, c'est donner le pouvoir, probablement au tribunal, d'établir un prix non préjudiciable.
Le coprésident (M. Duhamel): Messieurs, avez-vous un dernier commentaire à faire avant que nous ne levions la séance?
[Français]
Auriez-vous quelques derniers commentaires à émettre? C'est à vous de décider.
[Traduction]
Monsieur Graham.
M. Graham: Sur la question de la règle du moindre droit, je dirais qu'au bout du compte cela va coûter beaucoup plus cher à mettre en place, parce qu'il va vous falloir déterminer ce qui constitue un réel préjudice, ce qui va s'avérer extraordinairement compliqué. Ayant participé à ces audiences et ayant observé des économistes pendant toute ma vie, et ayant gagné ma vie comme avocat en le faisant, je crois que cela serait encore plus fastidieux, plus onéreux et plus compliqué que le présent système, si imparfait soit-il. Mais ce n'est que ma première réaction.
Le coprésident (M. Duhamel): Vous dites que cette solution entraînerait toute une série de problèmes.
M. Graham: C'est ce que font toutes les solutions. Oui.
Le coprésident (M. Duhamel): Y a-t-il encore quelqu'un qui veut commenter? Non?
Merci beaucoup.
[Français]
Merci à tout le monde. J'ai beaucoup apprécié non seulement les présentations, mais aussi les échanges. Merci.
[Traduction]
Après une pause-santé de trois minutes, le comité se réunira à huis clos pour étudier des questions de régie interne.